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1 Université d’Evry-val-d’Essonne Département de Sciences Economiques D.E.A. d’Analyse Economique, Modélisation et Méthodes Quantitatives – en convention avec l’E.N.S.A.E. L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle Mémoire réalisé par Alain GAUGRIS Sous la direction du Professeur El Mouhoub MOUHOUD Novembre 1998

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Université d’Evry-val-d’Essonne Département de Sciences Economiques

D.E.A. d’Analyse Economique, Modélisation et Méthodes Quantitatives – en convention avec l’E.N.S.A.E.

L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité

industrielle

Mémoire réalisé par

Alain GAUGRIS

Sous la direction du Professeur

El Mouhoub MOUHOUD

Novembre 1998

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En tout premier lieu, je tiens à adresser mes vifs remerciements au Professeur El

Mouhoub MOUHOUD pour la grande disponibilité et la patience dont il a su faire preuve à mon égard tout au long de l’élaboration de ce mémoire. Qu’il trouve ici toute ma gratitude.

Je tiens également à remercier toute l’équipe enseignante du département d’économie

de l’université d’Evry-val-d’Essonne, et spécialement le Professeur Thierry LAURENT, qui par sa rigueur et sa passion de l’enseignement m’a donné, dès le début de mon cursus universitaire, goût à l’économie. Qu’elle trouve ici la reconnaissance de ses efforts.

Je tiens enfin à remercier Stéphane ADJEMIAN, qui m’a soutenu dans les moments

difficiles de mon apprentissage de la science économique, et sans qui le présent mémoire ne serait peut-être pas…merci.

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Sommaire Introduction Générale

Partie I La structure de marché : des modèles de dotations factorielles aux modèles d’arbitrage proximité-concentration.

Introduction

Chapitre 1 Les modèles de dotations factorielles

1. Présentation et implications empiriques 2. Limites conceptuelles : vers le paradigme OLI

2.1. De la théorie du cycle du produit à la théorie éclectique 2.2. Bilan des avantages à la multinationalisation

Chapitre 2 Les modèles d’arbitrage proximité-concentration

Introduction

1. Le lien entre investissements directs à l’étranger et exportations : une manifestation du choix de localisation d’une firme

1.1. Position du problème 1.2. Complémentarité versus substituabilité

1.2.1. Ce qu’en dit la théorie… 1.2.2. …et ce qu’en conclut l’approche empirique 1.2.3. La nuance est de rigueur

2. Illustration : le modèle de Brainard (1992) 2.1. Idée du modèle 2.2. Présentation du modèle

3. La validation empirique du modèle de Brainard 3.1. Présentation du test 3.2. L’estimation

3.2.1. Présentation générale 3.2.2. Les tests

3.3. Conclusion 4. Causalité Conclusion

Conclusion de la partie I

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Partie II De la géographie économique à la nouvelle géographie économique

Introduction Chapitre 1 Une approche ‘centre-périphérie’ de la localisation des

firmes : les modèles de Krugman & Venables.

Introduction 1. Une première esquisse : le modèle de Krugman & Venables

(1990) 1.1. Idée du modèle 1.2. Le modèle 1.3. Limites du modèle

2. La dynamique d’ajustement : le modèle de Krugman & Venables (1996)

1.1. Présentation générale 1.2. Le modèle 1.3. Prévisions du modèle

3. Conclusion

Chapitre 2 Vers la nouvelle géographie économique Introduction

1. L’effet de l’intégration régionale sur la spécialisation des pays à travers l’évolution du taux de change : le modèle de Ricci (1996a)

1.1. Idée du modèle 1.2. Le modèle 1.3. Conclusion

2. Un modèle ricardien de géographie économique : le modèle de Ricci (1996b)

2.1. Présentation générale 2.2. Le modèle 2.3. Conclusion

3. Un modèle dynamique de géographie économique : le modèle de Walz (1996)

3.1. Présentation du modèle 3.2. Le modèle 3.3. Conclusion

Conclusion de la Partie II

Conclusion générale Bibliographie

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Introduction générale

L’intégration, qu’elle soit internationale ou régionale, est aujourd’hui un phénomène répandu dans le monde entier. Aucune région du monde n’est épargnée par cette volonté de participer au processus de mondialisation des échanges ou de rassemblement d’unités nationales dans un ensemble économique plus vaste.

Selon James D. Wolfensohn, président de la Banque Mondiale, l’expansion rapide du commerce et de la technologie a accéléré l’intégration internationale, avec la contribution à hauteur de 75% des pays en développement à la croissance des exportations mondiales depuis le début des années quatre-vingt dix. Parallèlement à cela, les pays des différentes régions du monde ne cessent de se constituer en blocs intégrés, à l’intérieur desquels s’opère un processus d’unification des différentes économies partenaires via la suppression graduelle des barrières aux échanges et l’adoption de politiques communes, notamment vis-à-vis du reste du monde. Rien qu’en ce qui concerne le continent américain, on peut citer l’ALADI (l’Association d’Intégration Latino-américaine), le CACM (le Marché Commun d’Amérique Centrale), le CARICOM (la Caribbean Community), l’ANCOM (le Marché Commun Andin), le G3 (qui réunit la Colombie, le Venezuela, et le Mexique), le MERCOSUR (le Marché Commun du Cône Sud de l’Amérique du Sud), ou encore l’ALENA (l’Accord de Libre-Echange Nord Américain). L’Europe quant à elle est actuellement l’objet d’un vaste chantier d’intégration économique et monétaire, qui se concrétisera le 1er Janvier 1999 par l’abandon progressif des monnaies nationales au profit d’une monnaie régionale, l’Euro ; l’Union européenne constituant ainsi l’unique exemple au monde d’une intégration totale d’unités nationales, le stade ultime de l’intégration régionale. Notons que l’Amérique Latine est devenue la 2ème région du monde en terme de rapidité de croissance, et que le but de l’Europe est de mieux faire face à la concurrence internationale. Tout se passe donc comme si l’intégration régionale était la nouvelle garantie d’une croissance soutenue. Mais une croissance soutenue passe par une activité industrielle importante et compétitive. Or, des pays comme le Pérou et la Bolivie ou la Grèce et le Portugal paraissent laissés pour compte de cette croissance soutenue que connaissent l’Amérique latine ou l’Europe, dont ils font pourtant partie. Doit-on conclure à une asymétrie de la croissance des pays d’une zone intégrée, comme si les effets de l’intégration régionale sur la croissance des pays intégrés étaient à double vitesse ? En d’autres termes, l’intégration régionale modifie-t-elle la localisation de l’activité industrielle au profit d’une partie des pays de la zone intégrée mais au détriment des autres pays de la zone ?

L’objet de ce mémoire est de rendre compte de ce problème de l’intégration régionale qu’est son rôle dans la (dé)localisation de l’activité industrielle.

Préalablement, il convient de rappeler brièvement la nature de l’intégration régionale,

pour mieux appréhender son impact. Puis, après avoir expliqué à quels types d’effets de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle on s’intéresse, le plan du mémoire sera présenté, suivant les deux approches a priori alternatives qui peuvent être adoptées pour étudier un tel phénomène, une approche micro-économique par la firme et une approche macro-économique par le pays.

Quatre stades d’intégration régionale sont à dissocier (mais toutefois s’imbriquent),

qui ont été répertoriés par Balassa (1961). La zone de libre-échange, qui est caractérisée par l’élimination progressive des barrières douanières et la libre circulation entre les pays des

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marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un exemple connu est l’ALENA) ; l’union douanière, qui est une zone de libre-échange dans laquelle un tarif douanier extérieur commun est adopté par les pays membres (c’est encore le cas du MERCOSUR) ; le marché commun est une union douanière dans laquelle la libre circulation des facteurs de production s’ajoute à la libre circulation des marchandises (c’est le cas actuellement de l’Union européenne) ; enfin le stade ultime de l’intégration régionale est l’union économique et monétaire, qui est un marché commun auquel s’ajoute une harmonisation des politiques économiques des pays membres et où l’adoption d’une monnaie unique est prononcée (ce sera le cas de l’Union européenne au 1er Janvier 1999). Quelle qu’en soit la modalité, l’émergence de blocs intégrés incite les entreprises à reconsidérer la localisation de leur production. En d’autres termes, l’intégration régionale a un effet sur la distribution de l’activité productive des biens à localisation libre. Mais à quels types d’effets faut-il s’intéresser ?

Viner (1950) a mis en évidence certains effets de l’intégration régionale, qui sont les

effets de création, de destruction, et de détournement de commerce. Meade (1955) a ensuite introduit l’effet sur la consommation. Toutefois, ces effets ne concernent que des flux commerciaux et ne nous renseignent en rien sur le phénomène d’investissement direct à l’étranger1 ni sur la localisation des firmes. En fait, cela n’est pas étonnant : l’investissement direct à l’étranger et la localisation des firmes sont des problèmes liés à la dynamique de l’intégration régionale, alors que les effets mis en évidence par Viner ou Meade s’insèrent dans une vision statique de l’intégration régionale. Ce sont aux effets dynamiques que nous devons nous intéresser pour être à même d’appréhender le rôle de l’intégration régionale dans la localisation de l’activité industrielle. Comment modéliser cet impact ?

Une première approche, à laquelle est dédiée la Partie I, consiste à raisonner au niveau

micro-sectoriel, i.e. directement au niveau de la firme : l’intégration régionale modifie le comportement d’investissement direct à l’étranger de la firme. Cette approche est novatrice par rapport à la théorie traditionnelle du commerce international. Effectivement, pendant longtemps la théorie économique ne se donnait pas les moyens ni les outils adéquats pour étudier un tel mécanisme qu’est l’effet de l’intégration régionale sur la stratégie des firmes du secteur industriel quant à la localisation de leur production. Avant les années quatre-vingts, les théoriciens du commerce international raisonnaient dans un univers parfaitement concurrentiel, et n’introduisaient donc ni rendements croissants ni coûts de transaction dans leurs modèles, et faisaient de surcroît l’hypothèse de l’immobilité des facteurs de production. Dans un tel monde, la prévision de la théorie économique était que l’intégration régionale réduit les différences du prix des facteurs au sein de la zone intégrée. Il en découlait que l’intégration mène à l’égalisation, ou au moins à la convergence, des rendements des facteurs de production au sein de la zone intégrée, et donc à une répartition uniforme de la production. Pourtant, empiriquement, depuis par exemple ces vingt dernières années, la croissance des investissements directs à l’étranger a été plus rapide que la croissance du commerce. Et cette tendance est renforcée par le processus de régionalisation actuel. Ce qui contredit totalement l’idée d’uniformité de la répartition de la production. Il a donc semblé nécessaire à la théorie économique de se donner les moyens d’expliquer ces faits stylisés. Pour ce faire, le choix a été fait de changer de cadre d’analyse, notamment en raisonnant dans un cadre de concurrence imparfaite, et en introduisant des coûts de transaction aux échanges commerciaux, jusqu’alors absents de l’étude. C’est ce à quoi s’est attachée la littérature d’après les années quatre-vingts, 1 On parle d’investissement direct à l’étranger lorsque l’investisseur acquiert un intérêt important dans le contrôle d’une firme étrangère ou installe une filière à l’étranger ; l’investissement direct à l’étranger implique donc le contrôle de firmes à l’étranger, comme dans le cas des firmes multinationales.

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qui introduisit des rendements croissants et des coûts de transaction dans son analyse, mit l’accent sur les économies d’échelle qui apparaissent dans un tel cadre, et alla même jusqu’à changer de paradigme, passant d’un cadre de travail heckscher-ohlinnien de choix de localisation de la production dans un but d’exploitation d’un différentiel de dotations en facteurs à un cadre où le choix de localisation des firmes s’effectue dans un but de pénétration de marchés étrangers, cadre que la théorie économique a retenu sous l’acronyme OLI. En effet, les économies d’échelle et les coûts de transaction incitent les firmes à un choix stratégique de la localisation de la production des biens à localisation libre, qui est le résultat d’un arbitrage, au sein de la zone intégrée, entre proximité des marchés étrangers et concentration de la production. Cet arbitrage dépend des barrières commerciales, et des différentiels de salaires. Le problème essentiel d’une telle approche, pourtant (nous le rappelons) novatrice par rapport à la théorie du commerce traditionnelle, est que la localisation de l’activité industrielle a des implications macro-sectorielles qu’elle n’est pas à même de mettre en évidence.

Une seconde approche, qui raisonne elle au niveau macro-sectoriel, part du fait que

l’intégration régionale est une volonté des pays à se constituer en bloc, incitant des secteurs industriels entiers à reconsidérer la localisation de leur production pour bénéficier notamment d’économies d’agglomération. La notion d’agglomération introduite dans cette seconde approche a un réalisme certain, comme l’indique le Tableau 1 : Tableau 1 Les parts de l’emploi de l’industrie

Etats Unis (1990) Europe (1989) Nord-Est Centre Sud Ouest France Allemagne Italie Royaume-

Uni Acier 13,4 51,8 24,5 10,4 18,9 20,2 18,7 15,8

Automobile 7,9 65,6 23,4 7,0 25,3 34,7 9,5 13,0 Textile 14,2 3,2 79,6 3,9 15,8 13,2 17,4 18,6

Source : Statistiques d’emploi de l’OCDE, repris dans Krugman & Venables (1996)

A la vue de ce tableau, on s’aperçoit qu’aux Etats-Unis, chacune des industries présentées a une localisation spécifique : l’acier et l’automobile au Centre, le textile au Sud. En revanche, en Europe, aucune de ces industries n’a de localisation de spécialisation. Peut-on en conclure que l’intégration régionale entraîne une dispersion de la production plutôt qu’une concentration de celle-ci ? Quoiqu’il en soit, la répartition de la production ne semble pas être imperméable à l’intégration régionale. Cette seconde approche, et l’explicite prise en compte des économies d’agglomération qui la caractérise, a donné naissance à ce qu’on appelle la ‘géographie économique’.

Mais cette reconsidération de la localisation de la production est-elle réellement à l’avantage des pays qui s’intègrent ? L’intégration régionale n’entraîne-t-elle pas un effet de déplacement des unités productrices au sein de la zone intégrée ? En d’autres termes, quels sont les impacts réels de l’intégration régionale sur la stratégie de localisation de la production de la part des firmes d’un même secteur industriel ? C’est à toutes ces questions que la partie II tentera d’apporter des éléments de réponses.

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Partie I

La structure de marché : des modèles de dotations factorielles aux modèles d’arbitrage proximité-concentration

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Introduction

La théorie traditionnelle du commerce international considérait que l’avantage comparatif constituait la source du commerce. Tous les modèles inscrits dans cette logique envisageaient des biens homogènes aux rendements d’échelle constants produits dans un environnement de concurrence pure et parfaite, et le commerce entre pays était possible soit grâce à des différences de technologie de production (c’est le cas du modèle de base de Ricardo), soit grâce à des différentiels de dotations en facteurs de production (c’est le modèle de Heckscher-Ohlin).

Pourtant, depuis le début des années quatre-vingts, une autre approche du commerce a émergé, utilisant certes le cadre de travail de la théorie traditionnelle mais introduisant surtout des biens différenciés aux rendements d’échelle croissants, produits dans un environnement imparfaitement concurrentiel2. Les différents biens produits étant imparfaitement substituables, la causalité est alors inversée : l’avantage comparatif découle de la spécialisation.

Pour survivre dans ce monde imparfaitement concurrentiel, la théorie du commerce international est passée d’une logique d’exploitation de facteurs de production à une logique de pénétration par les firmes des marchés étrangers. En d’autres termes, la théorie du commerce international est passée de modèles de concurrence monopolistique à des modèles oligopolistiques d’interaction stratégique du comportement des firmes.

Plus récemment, l’accent a été mis sur les effets de l’introduction dans les modèles de coûts de transaction (et plus précisément de coûts de transport3) et d’imparfaite mobilité des facteurs sur la localisation de la production, qui a donné naissance à la théorie de la localisation des firmes4.

La structure du marché est par conséquent un élément primordial pour l’analyse de la stratégie de localisation d’une firme. L’environnement économique dans lequel produit la firme est un élément clé pour savoir si sa présence à l’étranger est une condition nécessaire à la réussite de son expansion. Effectivement, plus l’environnement dans lequel on se situe est oligopolistique, moins la présence de filiales productrices à l’étranger semble nécessaire ; le cas limite de la firme en situation de monopole international est tel que la firme peut se contenter d’exporter, même en présence de barrières commerciales élevées.

L’objectif de cette première partie est de retracer l’évolution de la théorie traditionnelle du commerce international vers la théorie de la localisation de la firme.

Un premier chapitre présente brièvement les modèles de dotations factorielles, l’environnement économique dans lequel ils ont été élaborés et les principaux résultats qu’ils 2 Ce sont des modèles de concurrence monopolistique. 3 Il est important de ne pas réduire les coûts de transaction aux seuls coûts de transport, car lorsque l’on introduit les biens intermédiaires dans l’analyse, d’autres coûts de transaction apparaissent qui ne sont pas des coûts de transport (tarif douanier, etc.). 4 Cette étude des effets de l’introduction de coûts de transaction, matérialisé par des coûts de transport et d’imparfaite mobilité des facteurs sur la localisation de la production a également donné naissance à la ‘géographie économique’, traitée dans la partie II.

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exhibent. Puis les limites dont souffrent ces modèles sont édictées, et notamment le décalage persistant d’avec la réalité. En effet, nous verrons que ce type de modèles ne parvient pas à être validé empiriquement, et ne semble pas capable d’expliquer les comportements qui animent les entreprises dans les processus d’intégration à la fois internationale et régionale actuels.

Un second chapitre présente un cadre de travail alternatif, qui considère une économie à la structure imparfaitement concurrentielle, dans laquelle le commerce international ne naît pas d’une exploitation d’un quelconque différentiel de dotation en facteurs de production, mais d’un arbitrage entre les avantages liés à la proximité du marché étranger à pénétrer et les avantages à la concentration de la production. A cette occasion, nous nous interrogeons sur l’implication de l’émergence de la théorie de la localisation des firmes sur le lien qu’il existe entre les exportations et les investissements directs à l’étranger. Cette préoccupation est légitime, puisque s’il s’avère que les exportations et les investissements directs à l’étranger sont substituables, la stratégie de localisation des firmes ne sera pas du tout la même que s’ils sont complémentaires. Nous assoirons ensuite ce cadre d’analyse par la présentation d’un modèle proposé par Brainard mais surtout par l’étude empirique qu’il en a effectué, qui montre l’adéquation de cette logique d’analyse avec la réalité. Enfin, nous nous intéresserons à la causalité du lien qui unit les exportations et les investissements directs à l’étranger, afin de mieux comprendre la motivation des firmes à se multinationaliser, et contribuer ainsi à la délocalisation de l’activité industrielle.

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Chapitre 1

Les modèles de dotations factorielles

1. Présentation et implications empiriques

Ces modèles expliquent l’expansion verticale, i.e. aux différents stades du processus de production, à l’étranger de firmes multinationales en termes de dotations factorielles relatives5. Si les dotations en facteurs des deux pays (le pays domestique et le pays étranger) sont similaires, il n’y a pas de création de filiales à l’étranger et il n’y a pas de commerce international. En revanche, si les dotations en facteurs sont différentes, des filiales à l’étranger apparaissent car les prix ne sont pas égaux, et du commerce international apparaît.

Puisque dans un tel cadre l’investissement à l’étranger n’est motivé que par des différentiels de prix des facteurs, les activités d’une firme multinationale :

i. sont subordonnées par de fortes différences de dotations factorielles entre pays ; ii. sont unilatérales au sein d’une même industrie ; iii. génèrent du commerce international inter-industriel de seuls biens finals avec un

processus de production à deux étapes, et à la fois de biens finals et de biens intermédiaires avec un processus de production à plus de deux étapes (même si le commerce reste unilatéral au sein d’une même industrie à chaque étape de production).

Les firmes multinationales naissent donc seulement dans une logique d’unilatéralité des échanges au sein d’une industrie et seulement entre des pays qui ont des dotations factorielles suffisamment différentes pour que l’égalisation du prix du facteur ne puisse pas s’effectuer via commerce international pur.

Si les dotations en facteurs sont assez différentes pour que les firmes expatrient leur(s) usine(s), la création de multinationales diminue la part du commerce intra-industriel.

Avec au moins trois étapes dans le processus de production, les multinationales peuvent générer du commerce inter-industriel de biens intermédiaires dans un sens et de biens finals dans l’autre sens. 5 Le fait que le processus de production soit supposé pouvoir être divisé en plusieurs stades permet l’apparition d’économies d’échelle.

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Enfin, un rôle croissant de l’activité des firmes multinationales affaiblit le lien :

i. entre la taille du pays et le volume total de commerce international ; ii. entre les différences de dotations en facteurs et la part du commerce intra-

industriel. En effet, avec un processus de production à deux étapes par exemple, la part de commerce intra-industriel est positivement corrélée aux différentiels de dotations de facteurs si le marché où se localise le siège social est un importateur net des biens finals différenciés (négativement corrélée sinon). Avec un nombre supérieur d’étapes, la part de l’intra-industriel tend à décroître avec la croissance des différentiels de dotations en facteurs, car le commerce supplémentaire en biens intermédiaires devient inter-industriel.

Cependant, cette explication en termes de différentiels de dotations en facteurs, si elle fournit une explication à l’activité des multinationales, ne rend pas compte de l’importance des investissements directs à l’étranger effectués par celles-ci. De surcroît, quand on sait que toute firme domestique désirant s’implanter dans un pays étranger subit un désavantage intrinsèque par rapport aux firmes locales, on peut se demander pourquoi une firme investit si intensément à l’étranger alors qu’il serait si simple de restreindre son activité à l’exportation. C’est pour ces raisons qu’il a fallu développer une théorie alternative à cette approche en terme d’exploitation de différentiels de dotations en facteurs de l’activité des multinationales.

2. Limites conceptuelles : vers le paradigme OLI

2.1. De la théorie du cycle du produit à la théorie éclectique

L’élaboration de la théorie du cycle du produit résulta du besoin d’expliquer un phénomène auquel les économistes étaient confrontés au cours des années soixante, et dont la théorie traditionnelle du commerce international est incapable de fournir une explication : les changements de spécialisation des pays au cours du temps (liés à la forte activité des multinationales).

Vernon (1966) est l’économiste qui réussit à réconcilier la théorie du commerce international avec les faits stylisés de l’époque, via sa théorie du cycle du produit, résumée dans le Tableau 2.

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Tableau 2 Phases du cycle du produit et modes de pénétration des marchés étrangers

Produit Croissance Maturité Déclin

Pays Pays leader Pays développé suiveur

Pays en développement

Structure de marché Technologie / Oligopole

Technologie / Oligopole

Travail peu qualifié / Concurrence

Mode de pénétration Exportation Investissement direct Licence / Sous-traitance

Source : Mucchielli (1998)

La théorie du cycle du produit décrit l’évolution de la vie d’un produit, de sa création à sa disparition du marché. Selon cette théorie, un avantage comparatif n’est que temporaire et s’établit au profit des pays à haut revenu. Trois étapes sont à retenir.

Etape 1 : innovation et commercialisation locale. Lorsque le produit est créé, sa production est intense en technologie, et par conséquent seules les firmes du pays disposant de cette technologie (qui ne s’est pas encore diffusée), en situation de monopoles locaux, peuvent produire le bien (de manière différenciée), qu’elles exportent vers les pays à haut revenu par tête. La demande reste faible. Etape 2 : maturité et production. Lorsque le produit mûrit, les conditions de demande permettent sa production à l’étranger. On assiste alors à des investissements directs à l’étranger de la part des firmes du pays leader. Le produit tend à se standardiser. Etape 3 : standardisation et déclin. Lorsque le produit est standardisé, i.e. la diffusion internationale de la technologie permet sa production dans les pays en développement, le prix de ce bien chute évidemment car il peut être produit en grande quantité et est intense en travail peu qualifié (dans le sens où la technologie qu’il utilise est dépassée). Dans ce cas, il n’est plus rentable d’investir à l’étranger, et les exportations sont inutiles ; mieux vaut vendre des licences ou sous-traiter.

Cette théorie s’est démarquée clairement de la théorie du commerce international traditionnel par les hypothèses qu’elle retient :

- l’évolution de la technologie de production dans le temps ; - le retard de la diffusion de la technologie ; - la croissance des rendements d’échelle ; - une dépendance entre la structure de consommation et le niveau de revenu ; - enfin, la production par des monopoles temporaires des nouveaux produits.

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Cependant, cette théorie n’a pas résisté longtemps au constat empirique d’une forte hausse du nombre de filiales des multinationales, ce qui remet en cause l’idée d’une commercialisation uniquement locale lors du lancement du produit. Cette perspective est renforcée par le constat d’une diminution des écarts de revenu et des conditions de coûts des principaux partenaires commerciaux, à savoir les pays industrialisés ; ce qui montrent que les firmes font plus ou moins toutes face au même environnement. La théorie du cycle du produit ne continue alors d’être pertinente que dans une vision Nord-Sud des échanges commerciaux, le Nord désignant usuellement les pays industrialisés, et le Sud les pays en développement. Or, la plupart des investissements directs à l’étranger s’effectuent au sein de l’OCDE6. Donc, à l’évidence, la théorie du cycle du produit ne permet pas d’expliquer les changements de spécialisation des pays. L’existence des multinationales resta de ce fait problématique et nécessita l’élaboration d’une théorie spécifique. C’est à ce prix que les changements de spécialisation des pays pourraient trouver une explication.

Dunning (1981) est celui qui fit une synthèse de tous ces apports théoriques et justifia

l’existence des multinationales dans sa théorie éclectique dont voici une présentation rapide. Une firme désireuse de s’implanter à l’étranger sait qu’elle fait d’emblée face à des

désavantages intrinsèques mais aussi extrinsèques par rapport aux firmes locales, essentiellement : i. elle subit des coûts de communication avec ses filiales implantées à l’étranger ; ii. elle doit surmonter les barrières culturelles, linguistiques et organisationnelles ( i.e.

s’adapter à une marche des affaires locale qui probablement diffère de celle de la maison mère, liée à la différence culturelle) ;

iii. elle paye des primes à ses employés qualifiés (détenteurs de sa spécificité technologique) envoyés sur place ;

iv. elle doit faire face à tout moment à des impondérables inhérents au pays d’accueil de la filiale (monétaires, politiques, etc.).

Clairement, la firme qui désire se multinationaliser plutôt que de se contenter d’exporter doit détenir des avantages qui font plus que compenser ces désavantages. Ces avantages ont été répertoriés par Dunning et ont donné naissance au paradigme OLI (Ownership, Location, Internalisation), où chacune des lettres de l’acronyme indique un type d’avantages que doit posséder l’entreprise pour choisir l’option de la multinationalisation. Ces trois types d’avantages contribuent conjointement à justifier l’existence de firmes multinationales. O : la firme multinationale doit jouir de certains avantages de propriété ou spécificité, tels

que, par exemple, la détention de brevets ou un système de production plus efficace que les entreprises locales (ces avantages sont propres à l’entreprise) ;

6 Voir Henry (1994).

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L : le choix de la localisation de la production doit être judicieux, et dépend d’éléments distincts :

• la production doit se situer près de la source des matières premières lorsque les coûts de transport sont élevés;

• la firme potentiellement multinationale doit prendre en compte des éléments qualitatifs tels que la stabilité politique et monétaire du pays d’accueil, son dynamisme commercial, etc.

(ces avantages sont propres au pays hôte).

I : l’internalisation rend compte du lien particulier qui doit unir la filiale à sa maison

mère. Ce lien doit être fort et être le moins possible entravé ; il est le gage d’un heureux développement de la multinationalisation effectuée par la maison mère. En effet, le transfert de technologie s’effectue souvent mieux à l’intérieur d’une multinationale (la technologie possède au sein de la multinationale les caractéristiques d’un bien public) que par un système de vente de licences d’exploitation. En outre, lorsqu’on introduit l’utilisation de biens intermédiaires dans l’activité productive de la multinationale, l’intégration verticale réduit les incertitudes d’approvisionnement et par là les conflits potentiels liés à un environnement monopsonique. Ce sont les avantages liés à l’internalisation qui permettent à la firme potentiellement multinationale de décider de s’implanter à l’étranger via l’installation (ou l’appropriation) d’une filiale plutôt que via la vente de licences. Deux principales raisons fondent un tel arbitrage en la défaveur de la vente de licences d’exploitation : i. le savoir-faire ayant les caractéristiques d’un bien public et a fortiori étant

facile à dissiper, le risque que les détenteurs de licences le communiquent à des concurrents est grand; d’où la préférence d’une transmission interne du savoir-faire plutôt qu’externe (i.e. via le marché) ;

ii. le souci de réputation d’une firme pour la qualité de ses produits, souci qui n’est pas toujours partagé par une firme extérieure qui exploite un brevet et qui est sans doute plus tentée de maximiser ses profits à court terme que de soigner sa réputation (qui est une notion de long terme).

Les différents avantages à la multinationalisation sont décrits brièvement dans le Tableau 3. Chaque type d’avantages correspond en fait à un niveau différent d’analyse : O se rapporte à l’environnement oligopolistique dans lequel évolue la firme multinationale (une structure de marché imparfaitement concurrentielle avec un nombre connu de concurrents) 7, L à l’avantage comparatif (existence de différentiels de dotations en facteurs) ; et I à l’internationalisation et la forme organisationnelle de la firme en cours de multinationalisation.

7 Dans la littérature traitant de la concurrence imparfaite, l’oligopole se caractérise par des interactions stratégiques entre les acteurs : le joueur ne s’intéresse pas uniquement aux seules conséquences de son action mais également à celles du joueur adverse et à leurs influences mutuelles. La situation d’équilibre est Nash. Les apports récents dans la théorie des investissements directs à l’étranger cherchent à intégrer cette dimension stratégique de la multinationalisation.

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Tableau 3 Avantages à la multinationalisation

Avantages spécifiques (O)

Avantages à la localisation (L)

Avantages à l’internationalisation

(I) 1. Propriété technologique 1. Différence des prix des inputs 1. Diminution du coût d’échange

2. Taille, économies d’échelle 2. Qualité des inputs 2. Diminution du vol de droit de propriété

3. Différenciation du produit 3. Coûts de transport et de communication 3. Réduction de l’incertitude

4. Dotations spécifiques (hommes, capitaux, organisation)

4. Distance psychique (langue, culture,...) 4. Contrôle de l’offre

5. Accès aux marchés 5. Distribution spatiale des inputs et des marchés 5. Contrôle des débouchés

6. Multinationalisation antérieure 6. Possibilité d’entente 6. Internalisation des externalités

7. Inexistence des marchés à terme

Source : Dunning (1988) repris dans Mucchielli (1998)

On remarque à la lecture de ce tableau que les avantages potentiels à la multinationalisation sont influencés par les caractéristiques structurelles à la fois des pays, des secteurs considérés, et des firmes locales concurrentes. Par exemple, les politiques gouvernementales du pays d’accueil en termes de protection d’innovations, de taxation, ou d’infrastructure, peuvent influencer, simultanément ou indépendamment, les avantages spécifiques (O), les avantages de localisation (L) et/ou les avantages de l’internalisation (I). Mais la firme elle-même a la capacité d’influencer ses avantages spécifiques (O) par sa politique en Recherche et Développement (R&D). A ce propos, le Tableau 4 synthétise l’influence potentielle des variables structurelles sur les avantages à la multinationalisation.

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Tableau 4 Influence des variables structurelles sur les avantages à la multinationalisation

Pays Industrie Firme

O

- Dotation de facteur - Taille et caractéristiques du marché

- Politiques gouvernementales en matière d’innovation, de concurrence, et d’investissements étrangers

- Technologie des produits - Différenciation des produits - Economies d’échelle - Accès aux inputs - Nature des innovations

- Taille - Politique de diversification - Politique d’innovation, R&D - Comportement de risque

L

- Distance géographique et psychique entre les marchés - Protectionnisme - Politique gouvernementale pour investissement direct à l’étranger - Politiques sectorielles

- Localisation des ressources - Coûts de transport - Protectionnisme spécifique - Nature de la concurrence - Nature de l’industrie à localisationlibre ou non

- Stratégie d’implantation - Expériences d’investissement direct à l’étranger - Position dans le cycle du produit - Organisation centralisée ou décentralisée - Goût pour le risque - Aptitude des managers

I

- Différences de structures des marchés nationaux et étrangers - Infrastructure du pays hôte - Politique gouvernementale en faveur de l’internalisation

- Besoin de contrôler l’approvisionnement - Possibilité d’arrangements contractuels

- Modes d’organisation et de contrôle - Aptitude à la croissance et à l’intégration ou à organiser la sous-traitance, licence d’exploitation

Source : Dunning (1988) repris dans Mucchielli (1998)

De la naissance du paradigme OLI et de l’introduction systématique de la concurrence

imparfaite, s’est développée la théorie de l’arbitrage entre proximité (exportation) et concentration (investissement direct à l’étranger), dont l’idée est une délocalisation8 motivée par une conquête de marchés étrangers et non par l’exploitation d’un différentiel de dotations en facteurs. Cette théorie se place directement du point de vue de la firme multinationale dans une vision frontale de la mondialisation : quel intérêt peut avoir une firme à investir directement à l’étranger plutôt que d’exporter, sachant que ces activités mènent toutes deux à

8 On parle de délocalisation dès qu’il s’agit soit de transférer des unités de production d’un pays vers un autre, soit de substituer la production à l’étranger à la production nationale, soit de créer de nouvelles activités sans en supprimer dans le pays d’origine.

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une pénétration des marchés étrangers ? La réponse à cette question, la firme la détient, nous venons de le voir, dans sa fonction de coût, spécifique. En effet, ce sont les coûts de transaction (coût de transport, tarifs douaniers, distances géographique et économique, etc.) qui sont l’élément clé de la relation de non arbitrage entre exporter ou investir à l’étranger. In fine, la décision entre l’investissement direct à l’étranger ou l’exportation comme mode de pénétration de marchés étrangers apparaît comme un arbitrage entre les différentes composantes de la fonction de coût de la firme (encore analysée en termes de contournement des barrières à l’entrée). Nous reviendrons sur ce point dans le second chapitre de cette partie. Pour l’instant, nous récapitulons les différents types d’avantages à la multinationalisation, pour mieux comprendre l’enjeu de notre étude. 2.2. Bilan des avantages à la multinationalisation

L’existence d’avantages spécifiques est donc une condition nécessaire pour que la firme se multinationalise ; mais ce n’est pas une condition suffisante. En effet, ces avantages doivent en outre être transférables et transférés. Il existe des cas où les avantages spécifiques ne sont pas transférables ; c’est le cas notamment de matières premières à localisation unique, de main d’œuvre ou de concept organisationnel de la production à spécificité nationale.

Par ailleurs, il peut s’avérer que la firme susceptible d’un comportement de multinationalisation ne détienne au départ aucun avantage spécifique, mais que la multinationalisation de facto, par le rachat de firmes locales, lui en procure, via l’acquisition de la technologie préexistante dans les nouvelles filiales. Cependant, si cette acquisition heureuse permet une multinationalisation au préalable inespérée, elle n’est pas garante de la pérennité de la multinationale, car l’important n’est pas tant l’acquisition d’avantages spécifiques que leur conservation et même leur dynamisation.

Quatre motivations sont susceptibles de constituer une condition suffisante de multinationalisation : l’accès à de meilleures conditions d’offre, de demande, et enfin l’accès à une meilleure position concurrentielle9ou à des externalités économiques.

La recherche de meilleures conditions d’offre

Conformément à la théorie du cycle du produit, lorsque le produit est en phase de déclin, la concurrence se fait en prix puisque la production est standardisée au point que la technologie qui l’accompagne est accessible à tous, et intensive en travail peu ou pas qualifié ; ce qui pousse la firme à produire au moindre coût et par conséquent à se délocaliser pour des raisons évidentes de différentiels de coûts des facteurs.

La sécurité de l’approvisionnement, en matières premières dont les sources peuvent être en nombre limité dans le monde ou en biens intermédiaires nécessaires à la production du

9 A ce propos, lire Mucchielli (1998) p. 119-155.

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bien final, est un autre élément qui incite fortement certaines entreprises à se multinationaliser.

Enfin, la volonté d’un accès privilégié à de nouvelles technologies disponibles dans le pays hôte et absentes sur le territoire national et concernant le secteur de production pousse une firme à se multinationaliser. La stratégie consiste pour les multinationales par exemple à implanter des laboratoires à l’étranger pour accéder à des capacités de recherche complémentaires (ou substituables) aux leurs.

Moati & Mouhoud (1994) relatent que selon Kogut & Shan (1995), les investissements directs à l’étranger sont essentiellement motivés par l’accès à des compétences spécifiques. Ils mentionnent par ailleurs une étude empirique de Cantwell (1988) qui a mis en évidence l’importance des avantages technologiques dans l’attraction des investissements directs à l’étranger.

La recherche de meilleures conditions de demande

Premièrement, la multinationalisation est un moyen très efficace de pénétrer les marchés hermétiques aux exportations par l’existence et/ou le renforcement de barrières protectionnistes.

Elle est également un moyen de localiser la production près des consommateurs. Ceci a un triple avantage. D’une part, cela permet de suivre de très près l’évolution des goûts des consommateurs locaux et ainsi de s’adapter au plus vite à toute modification de leurs préférences. D’autre part, et on peut le voir comme une conséquence du premier avantage, cela permet de se faire une image de producteur national et ainsi de fidéliser les consommateurs locaux (a priori réticents à consommer des produits étrangers). Enfin, le fait d’être directement implanté dans un pays permet une prospection plus étroite du marché local (et même de la zone) et de ses perspectives.

Finalement, la croissance de la firme l’oblige à se diversifier pour satisfaire à une demande internationale grandissante et ainsi augmenter ses profits. Cette diversification s’effectue notamment au niveau géographique, ce qui lui permet de réduire les risques. C’est pourquoi la multinationalisation apparaît comme une option obligatoire à toute firme ayant atteint une certaine taille sur le territoire national et désireuse de s’épanouir davantage. La diversification géographique via la délocalisation permet la diversification des risques et la croissance.

La recherche d’une position stratégique10

La décision de multinationalisation peut être pour une firme le moyen de faire face à la concurrence mondiale dans son secteur. On entre dans de cas dans un contexte stratégique de l’activité de multinationalisation, et le choix du mode de pénétration s’effectue en termes dynamiques dans un environnement oligopolistique. Dans une telle configuration, ce choix a toutes les chances de varier dans le temps en fonction de l’évolution des coûts variables et

10 A ce propos, lire Mucchielli & Mayer (1998).

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fixes des trois modes alternatifs de pénétration des marchés extérieurs que sont l’exportation, l’investissement direct à l’étranger, et dans une moindre mesure la vente de licences.

L’introduction des comportements stratégiques séquentiels dans les analyses du choix du mode de pénétration des marchés étrangers par les multinationales a un réalisme certain. L’implantation dans un pays d’une filiale étrangère transforme la structure de marché du secteur considéré, puisque l’on se situe justement dans un environnement de concurrence imparfaite. Les firmes ne sont donc pas indifférentes à leur place dans l’ordre d’entrée sur un marché : le premier entrant a un avantage par rapport au suiveur. Les firmes peuvent en particulier déterminer une date d’implantation optimale afin d’améliorer leur position concurrentielle. En d’autres termes, la firme multinationale peut interdire l’entrée d’un concurrent local en le devançant grâce à un investissement direct dit « préemptif ».

Illustrons ce point en prenant la situation d’un pays en développement dont la demande d’un produit est en croissance mais néanmoins initialement trop faible pour rentabiliser les coûts fixes nécessaires à une production locale. La firme multinationale est alors en monopole sur ce marché qu’elle approvisionne en exportant depuis son usine domestique. La question qui les intéresse, elle et la firme locale, est de savoir quel sera le niveau final atteint par la demande du pays hôte. Si la croissance assure à une date t1 la rentabilité d’une seule unité de production locale, la firme multinationale est alors menacée par l’entrée d’un concurrent local en t1. Face à cette menace, elle peut choisir soit de laisser la firme entrer, auquel cas les firmes se retrouvent dans un duopole de Cournot ( i.e. une situation telle que la concurrence entre les deux firmes se fait en quantité) où la multinationale est désavantagée par rapport à sa rivale en raison du coût d’exportation supplémentaire qu’elle subit, soit d’investir à une date précédent t1, auquel cas elle empêche l’entrée de la firme locale et dispose alors d’une position de monopole qu’elle exploite à partir d’une usine locale.

En revanche, si la demande croît suffisamment que la firme multinationale ne peut pas empêcher l’entrée de tous les concurrents potentiels locaux de manière crédible, le choix de la date optimale d’investissement est alors plus complexe. En effet, même s’il faut encourir un coût fixe d’implantation, l’investissement direct à l’étranger amène des gains : une économie sur les coûts d’exportation et une réduction de la concurrence en empêchant l’entrée de certaines firmes locales. La durée pendant laquelle la firme multinationale peut empêcher l’entrée des concurrents est alors cruciale, et s’allonge avec l’importance de ses avantages spécifiques. Clairement, plus le coût fixe spécifique de la firme est important et plus les firmes locales devront attendre que la demande soit suffisamment importante pour entrer ; la période de monopole sera d’autant plus longue.

Ce thème est au centre des approches dynamiques stratégiques de l’investissement direct à l’étranger. Mais revenons sur l’importance de la distinction entre coûts fixes et coûts variables de production lorsqu’il s’agit d’étudier les déterminants des investissements directs à l’étranger.

En termes de coûts fixes, l’exportation est le mode de pénétration le moins coûteux, dans la mesure où les exportations peuvent être obtenues en augmentant l’utilisation des usines déjà existantes sur le territoire national. En revanche, les coûts variables peuvent être élevés dans la mesure où ils incluent non seulement les coûts variables de la production elle-même, mais également les coûts de transaction.

La vente de licences a quant à elle un coût fixe plus élevé que les exportations. Toutefois, puisqu’elle évite des coûts de transaction, les coûts variables en sont moins élevés que ceux des exportations.

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Enfin, l’investissement direct à l’étranger a un coût fixe plus élevé que les autres modes de pénétration des marchés étrangers, puisqu’il faut se délocaliser et mettre en place une production à l’étranger. En revanche, les coûts variables sont moins élevés que pour les deux autres moyens de pénétration, puisque les coûts de transaction ont disparu.

La recherche d’externalités économiques

Nous avons vu qu’à mesure que l’entreprise atteint une taille importante, elle cherche à se diversifier pour augmenter ses profits, et ce notamment au niveau géographique afin de réduire les risques. Pourtant, la réalité montre une relative concentration géographique des entreprises dans certaines zones alors que l’on s’attend à une dispersion géographique des firmes sévissant dans le(s) même(s) secteur(s) afin d’échapper à la concurrence.

En fait, la concentration géographique des firmes est expliquée dans les modèles de géographie économique par des externalités positives entre firmes qui entraînent un processus cumulatif d’agglomération. En outre, empiriquement, la baisse importante des coûts de transport qui caractérise le monde actuel est un facteur substantiel à une polarisation de l’activité économique en général et des investissements directs à l’étranger en particulier. Cette concentration géographique des firmes d’un même secteur industriel sera abordée plus en détail dans la Partie II.

3. Conclusion

Quatre raisons sont donc susceptibles a priori d’engendrer une volonté d’investissement à l’étranger : l’exploitation d’un différentiel de coût des facteurs, la conquête de marchés, l’accès à la technologie, et enfin l’effet (positif) d’agglomération. Les firmes qui se multinationalisent sont ainsi amenées à choisir des pays très différents pour s’implanter. Ce qui est récurrent dans les quatre cas, c’est que le choix de la localisation de l’investissement direct est aussi crucial que l’investissement direct lui-même.

C’est parce que les modèles de dotations factorielles ne prennent en compte que l’une de ces quatre raisons, et que cette raison ne semble pas être la plus importante empiriquement, qu’il a fallu à la théorie économique changer de cadre de travail. Une autre catégorie de modèles en est née : les modèles d’arbitrage proximité-concentration, qui se concentrent sur l’aspect pénétration de marchés étrangers comme déterminant de la décision d’investissement direct, et apparaissent ainsi plus proche de la réalité. C’est cette catégorie de modèles que nous présentons dans le chapitre suivant.

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Chapitre 2

Les modèles d’arbitrage proximité-concentration

Introduction

Ces modèles, contrairement aux précédents, supposent la similarité des dotations factorielles et s’intéressent à l’expansion horizontale, i.e. du processus productif dans son ensemble, à l’étranger, justifiée par des considérations d’accès au marché de destination, aux dépens notamment d’économies d’échelle dans la production.

Ces modèles font l’hypothèse que les firmes, pour ce qui concerne les biens différenciés, arbitrent entre exporter ou s’étendre à l’étranger (via investissement direct à l’étranger), comme modes alternatifs de pénétration du marché étranger. Ils supposent par ailleurs que le secteur différencié est certes caractérisé par des rendements croissants au niveau de la firme, dus à la diffusion libre, instantanée et sans perte de valeur de certains facteurs de production comme la R&D, mais des économies d’échelle apparaissent également au niveau de l’usine, de sorte que concentrer la production abaisse le coût unitaire de production. Enfin ces modèles posent le coût de transport comme une fonction croissante de la distance.

Ces modèles aboutissent donc à la mise en évidence d’une relation d’arbitrage entre exporter ou investir à l’étranger , qu’ils expriment d’une manière équivalente par une relation d’arbitrage entre l’avantage de la proximité et l’apparition d’économies d’échelle. En l’absence de différences de dotations factorielles entre les économies, l’importance des coûts de transport (variables puisque fonctions de la distance) et des économies d’échelle au niveau de l’usine par rapport au niveau de la firme détermine la localisation et la configuration de production choisie par les firmes.

Les quatre sections qui suivent justifient et illustrent la pertinence d’une telle approche, même si l’étude empirique de la section 3, associée au modèle présenté dans la section 2, ne permet pas d’évincer toute explication en termes de différentiel de dotations en facteurs de la multinationalisation des firmes.

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1. Le lien entre investissement direct et exportation : une manifestation du choix de localisation d’une firme

1.1. Position du problème

La relation entre investissement direct à l’étranger et exportation n’est pas un concept aisé à appréhender, mais est d’une importance certaine pour le thème qui nous occupe. Cette relation peut effectivement changer de nature selon la zone géographique où l’investissement direct est effectué. On peut imaginer une implantation motivée par l’accès aux marchés et la poursuite d’une pénétration initiée par l’exportation (conformément aux modèles d’arbitrage proximité-concentration). Dans ce cas, la filiale devient alors une « tête de pont » pour exploiter le marché régional en question, et la relation entre exportations et investissements directs est plus une relation de complémentarité que de substituabilité. A contrario, on peut imaginer une implantation réalisée dans le dessein d’exploiter des conditions d’offre locales de facteurs très intéressantes et a fortiori de coûts de production plus bas, auquel cas la délocalisation tarit les exportations en provenance du pays d’origine (s’il y en avait bien entendu) puisqu’elle les remplace. La filiale qui n’est alors qu’une filiale « atelier » produit des biens pouvant être ré-exportés vers le pays d’origine ou vers des pays tiers situés dans la même zone géographique que le pays d’accueil. Qu’en est-il exactement ?

1.2. Complémentarité versus substituabilité

La théorie (micro-économique) considère l’investissement direct à l’étranger et l’exportation comme substituts. Pourtant, empiriquement, d’après les séries (macro-économiques), c’est plutôt de la complémentarité entre les deux modes de pénétration des marchés étrangers qui apparaît. Récapitulons les arguments de chaque camp. 1.2.1. Ce qu’en dit la théorie...

Comme on peut s’y attendre, si l’on part de l’idée de l’exploitation d’un différentiel de dotations en facteurs, et de l’avantage comparatif qui en émerge comme élément explicatif de l’investissement direct à l’étranger, on aboutit à une substituabilité entre exportations et investissements directs à l’étranger.

En revanche, la conclusion exhibée par la théorie de l’arbitrage proximité-concentration est plus nuancée. Il ressort de cette théorie que le niveau d’agrégation auquel on se situe est décisif : au niveau micro-sectoriel, on aboutit plutôt à de la substituabilité entre exportations et investissements directs à l’étranger, i.e. les entreprises considérées individuellement exportent (proximité) ou investissent à l’étranger (concentration). Mais au niveau macro-sectoriel, on aboutit plutôt à de la complémentarité entre exportations et investissements directs, i.e. les secteurs économiques exportent et investissent à l’étranger.

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Le fait qu’on assiste plutôt à de la complémentarité au niveau macro-sectoriel et à de la substituabilité au niveau micro-sectoriel entre investissements directs et exportations suggère l’existence d’externalités nationalement spécifiques : l’investissement direct effectué par une entreprise domestique favorise les exportations d’autres entreprises domestiques du même secteur vers le pays (ou même la zone) d’accueil (Fontagné, 1996).

La théorie semble donc incapable de trancher entre de la complémentarité ou de la substituabilité entre les investissements directs et les exportations, même si les modèles récents ont plutôt tendance à opter pour de la complémentarité. Pour ne donner que quelques exemples, Chédor & Mucchielli (1998) citent le modèle de Mundell , issu de l’analyse traditionnelle d’Heckscher-Ohlin, dans lequel les investissements directs sont des substituts aux exportations; à l’inverse, l’analyse de Purvis, introduisant une différence de technologie dans le modèle d’Heckscher-Ohlin, conclut à la complémentarité entre les deux flux. 1.2.2.…et ce qu’en conclut l’approche empirique

De toutes les études économétriques11 effectuées dans le dessein de capturer le lien qu’il existe entre les investissements directs à l’étranger (notamment français) et les exportations (notamment françaises), peu nombreuses sont celles qui concluent à de la substituabilité entre exportations et investissements directs. En effet, la plupart des études concluent économétriquement à un certain degré de complémentarité entre les exportations (notamment françaises) et le stock d’investissements directs (notamment français), du moins pour une grande partie des échanges avec les autres pays développés.

Dunning (1997) dresse un panorama des travaux économétriques effectués sur le sujet des déterminants des investissements directs à l’étranger dans l’Union européenne. De tous ces travaux, certes d’une grande hétérogénéité, un point commun ressort : une complémentarité substantielle entre investissement direct à l’étranger et investissement domestique d’une part, et entre investissements directs et exportations d’autre part12. Toutefois, il n’y a aucune évidence à ce que l’intégration économique, et notamment l’intégration régionale, augmente significativement la part des investissements directs en Union européenne…

Pour une présentation du panorama offert par Dunning, nous renvoyons au Tableau 5 : Tableau 5 Travaux économétriques traitant des déterminants des investissements directs en Union européenne, Dunning (1997)

11 Voir, entre autres, Chédor & Mucchielli (1998), Fontagné & Pajot (1998), Dunning (1997). 12 Notons que ces deux conclusions suggèrent que l’investissement direct à l’étranger trouve plus sa justification dans une logique de pénétration de marchés étrangers que dans une logique d’exploitation d’un différentiel conséquent de dotations en facteurs.

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Page 26: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

26

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Page 27: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

27

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DE

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E.

Page 28: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

28

Ce tableau montre que quelle que soit la méthode utilisée (données en coupe, en séries temporelles), que la régression effectuée soit simple ou multiple, qu’elle concerne l’OCDE ou la Communauté européenne dans leur ensemble, ou seulement des pays industrialisé comme les Etats-Unis, l’Angleterre ou l’Allemagne, le résultat économétrique est le même : la contribution de la variable d’investissement direct à l’étranger pour l’explication des exportations est significative et positive. Economiquement, cela se traduit par une relation de complémentarité entre les deux flux. 1.2.3.La nuance est de rigueur

Si la complémentarité semble s’imposer, son importance reste cependant relative, en

particulier par zone géographique ; si elle est sans controverse pour les pays industrialisés, sa vérification est moins flagrante pour les pays en développement.

Plus précisément, il semble que la présence d’une filiale dans la zone du pays d’exportation a un impact positif, mais cet impact est généralement deux à trois fois moins important que l’impact lié à l'implantation directe dans le pays d’exportation13. On peut soupçonner toutefois que les entreprises qui notamment s’implantent dans les pays en développement s’intègrent au marché local et n’exercent aucun impact direct sur les exportations de la maison mère vers le pays d’accueil mais que, néanmoins, les exportations vers les autres pays de la zone sont rendues plus aisées. A ce propos, les pays de l’Est semblent être les seuls pour lesquels les implantations n’ont pas d’impact sur les exportations, que ce soit directement ou dans la zone14. Notons que les pays de l’est ne font partie d’aucun bloc intégré.

Notons enfin que la production à l’étranger des groupes français dépasse de loin leurs exportations à partir de leur pays d’origine, et que les filiales françaises de groupes étrangers importent deux fois plus que les entreprises comparables appartenant à des groupes français15, ce qui est en définitive rassurant quant à la croyance d’un degré certain de complémentarité entre investissements directs et exportations. Un dernier exemple, concernant la France, témoigne que les statistiques corroborent parfaitement les résultats empiriques : à peu près soixante-dix milliards de francs d’exportations nettes annuelles sont attribuables à la présence française à l’étranger.16 Illustrons cette tendance à l’acceptation d’une certaine complémentarité entre les investissements directs à l’étranger et les exportations, qui mène droit à une évolution de la théorie en faveur des modèles d’arbitrage proximité-concentration, pour le cas des Etats-Unis, par la présentation d’un modèle développé par Brainard (1992).

13 Séverine Chédor & Mucchielli (1998). 14 Séverine Chédor & Mucchielli (1998). 15 Fontagné & Pajot (1998). 16 Fontagné & Pajot (1998).

Page 29: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

29

2. Illustration : le modèle de Brainard (1992) 2.1. Idée du modèle

L’objectif du modèle élaboré par Brainard (1992) est de trouver une explication au fait qu’une part de plus en plus importante de l’investissement direct à l’étranger implique des pays industrialisés comme émetteurs mais aussi et surtout comme récepteurs. Julius (1990), par exemple, a estimé qu’au Brésil comme dans l’Union européenne, les ventes des filiales américaines sur le marché local étaient cinq fois supérieures aux réexportations de la production locale vers les Etats-Unis. Ces estimations font douter de la pertinence d’une justification en termes de différentiel de dotations en facteurs de l’expansion des multinationales. Brainard développe donc un modèle d’équilibre général dont le but est d’expliquer l’expansion d’une multinationale par l’arbitrage auquel elle s’adonne, entre d’une part les avantages de la proximité du marché à conquérir (notamment les faibles coûts à l’exportation) et d’autre part les avantages à la concentration de la production (notamment les économies d’échelle), et non plus par une différence de dotations factorielles17. Il se situe dans une économie à deux pays, deux secteurs : l’un agricole homogène et l’autre manufacturier différencié, et deux facteurs de production : la terre et le travail.

Le secteur clé dans ce modèle est le secteur différencié : caractérisé par une production

à plusieurs étapes, il possède des caractéristiques spécifiques de dépenses en R&D et de fabrication. Il existe en effet à ces deux niveaux des rendements d’échelle croissants, mais cet avantage, qui jouerait dans le sens d’une pénétration du marché étranger par le biais de l’exportation, est contré par l’existence de coûts de transaction, censés rendre compte de l’ensemble des inconvénients liés à l’éloignement (transport, barrières douanières, différences culturelles et linguistiques, etc.). Ce secteur est donc sujet à un arbitrage entre commerce et expansion, ou d’une manière équivalente entre proximité et concentration (ou encore exportation et investissement). Ainsi, selon la valeur des paramètres de la condition de non arbitrage, les firmes du secteur différencié pénètrent le marché étranger par le biais de l’exportation ou de l’investissement direct à l’étranger. La présence même de ce secteur permet l’apparition d’équilibres multiples. 2.2. Présentation du modèle Hypothèses générales • Deux pays A et B ; • Deux secteurs : secteur agricole homogène (bien Y) et secteur manufacturier

différencié (bien Q) ; • Un consommateur représentatif par pays ;

17 On se situe par conséquent dans le cadre OLI.

Page 30: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

30

Hypothèses sur le secteur agricole • La terre est un facteur spécifique à la production de Y, tandis que le travail est un facteur

parfaitement mobile entre les deux secteurs ; • Les deux facteurs sont supposés mobiles internationalement ; • La technologie du secteur agricole est à rendements constants ; • Il y a concurrence parfaite sur le marché du bien agricole ; • Le prix du bien agricole est pris comme numéraire.

Sous toutes ces hypothèses, le prix du bien agricole est égal au coût marginal de production, constant. Hypothèses sur le secteur manufacturier : • Le secteur manufacturier est monopolistique et contestable ; • Il se décompose entre effort en R&D centralisé sur le territoire national et activité

productive pouvant également s’effectuer à l’étranger. Une maison mère du pays a (a=A,B) supporte ainsi un coût de recherche ),(

++rwC a

r avec r le niveau de recherche et w le

salaire ; • La fonction de coût de production d’une firme produisant du bien différencié dans le pays

a s’écrit :

aaaaaQ qrwVwFqrwC ),()(),,(

−+++=

où : - F(.) est un coût fixe de production ; - V(.) est un coût variable par unité produite.

• Il existe des coûts de transport du type « iceberg » tels que pour une quantité qa produite

dans le pays a et transportée dans la pays –a, seule la quantité aaTdaeq −− , arrive à

destination, avec T le coût de transport, et da,-a la distance entre les deux pays ;

Le comportement du consommateur

La spécification Cobb-Douglas de la fonction d’utilité totale de l’agent représentatif est :

δδ −= 1),( YQYQU

Page 31: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

31

Après avoir choisi ses consommations optimales en Y et Q, le consommateur décide de sa consommation en chaque variété de Q d’après la fonction objectif :

θθ

1

12121 ,...),,...,,(

=

= =

B

Aa

n

iiaBBAAQ

a

qqqqqu

avec :

- σ

σθ 1−= ; σ>1 est l’élasticité de substitution entre les variétés ;

- qja la quantité de variété j dans le pays a (a=A,B) ; - na le nombre de variétés produites sur le marché a.

Les préférences sont donc homothétiques pour les deux types de biens et parfaitement identiques pour toutes les variétés du bien différencié. Le comportement des firmes

La firme détermine son effort optimal de R&D de façon à minimiser ses coûts dans les deux pays (a et –a) :

aa

aaa

rq

rrwV

qr

rwVr

rwC−

∂∂

+∂

∂=

∂∂

−),(),(),(

La concurrence entre firmes du secteur différencié prend la forme d’un jeu séquentiel à deux étapes :

Première étape : Les firmes décident d’entrer ou pas dans le secteur et arbitrent entre exportation et investissement direct à l’étranger. Seconde étape : Les firmes se font concurrence à la Bertrand et fixent les prix.

Le prix d’un bien produit en a et vendu en –a est de ce fait :

[ ] aaTdaa eVP −

−− −= ,(.)11

1, σ

Ce prix ne dépend pas des variétés considérées !

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32

Par ailleurs, le salaire d’équilibre est déterminé par la productivité marginale du travail dans le secteur agricole (condition d’arrêt des flux). Le salaire est donc le même dans les deux secteurs, agricole et manufacturier, et dans les deux pays, A et B.

La demande du pays a d’une variété produite sur le marché a (respectivement d’une variété importée du pays –a) s’écrit alors :

)(11

(.)),( )1(, σσ

σδ−−+

−=aaTd

baaa

ennVInPq

(respectivement. )1(,,

,

(1

(.)),( σ

σ

σσδ

−−

+

−=aa

aa

Tdba

Td

aaenn

eV

InPq )

avec I le revenu.

Dans un premier temps, afin de souligner l’importance des avantages de la proximité, Brainard suppose que les pays sont identiques dans leurs dotations en facteurs et les préférences de leur consommateur représentatif. En outre, il commence par considérer un processus de production à deux étapes.

Les équilibres

Selon la valeur des paramètres, trois équilibres sont possibles : un équilibre national (pas de présence à l’étranger), un équilibre multinational (où toutes les firmes ont des facilités de production dans les deux marchés), et un équilibre mixte. Décrivons chaque type d’équilibre : • Un équilibre caractérisé par des firmes nationales n’est soutenable (en termes de stabilité)

que sous certaines conditions, qui sont :

- l’augmentation des coûts fixes induite par l’ouverture d’une seconde usine dans un marché étranger n’est pas compensée par l’augmentation des profits espérés, i.e. :

)1(

)1(

,

,

2

1),('

)(σ

σ

−−

−−

−−>aa

aa

Td

Td

ar

a

e

erwC

wF ;

- le coût fixe de l’usine est fort ; - le coût du transport est faible ; - la distance entre les deux marchés est faible.

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A cet équilibre, le commerce est bilatéral pour les biens finals dans le secteur différencié et, puisque les dotations de facteurs sont identiques, tout le commerce est inter-industriel et symétrique. Et ces échanges inter-branches symétriques qui s’opèrent diminuent avec les coûts de transport, la distance, et l’élasticité de substitution, et augmentent avec le revenu et la part des dépenses dans le bien différencié.

• un équilibre « multinational » est réalisé sous certaines conditions, à savoir :

- le profit espéré est supérieur au coût fixe F ; - la condition d’équilibre est induite à la fois par la condition de participation et par

l’hypothèse de libre-entrée (qui annule les profits), et est telle que :

)1(

)1(

,

,

2

1),('

)(σ

σ

−−

−−

−−<aa

aa

Td

Td

ar

a

e

erwC

wF

- le coût de production est petit ; - les coûts de transport et les barrières commerciales sont élevés.

A un tel équilibre, la production de la multinationale supplante complètement le commerce de biens finals, qui est remplacé par des échanges de services intra-firme (qui sont invisibles). et l’activité de la multinationale au sein d’une même industrie est bilatérale.

Dans ces deux premières configurations, l’effort en R&D est identique pour toutes les firmes et pour les deux pays. On a donc le même nombre de sites de production dans chaque pays, notés respectivement nt (équilibre d’échange pur) et nm (équilibre avec multinationales). L’hypothèse de contestabilité, qui conduit à des profits nuls, permet de calculer le nombre de sites dans chaque pays.

Notons par ailleurs qu’à l’équilibre multinational les quantités consommées sont les mêmes pour chaque variété alors qu’à l’équilibre national apparaît un biais : les consommateurs consomment plus de produits nationaux que de produits importés. En outre, bien que les consommateurs à l’équilibre multinational profitent de la présence de multinationales et de la réduction des prix des produits étrangers qui les accompagne, on observe que le nombre de variétés diminue, entraînant une perte de surplus pour les consommateurs ; on a en effet :

)],()([ rwCwFIn rt +

δ

et

)],()(2[ rwCwFIn rm +

δ

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• enfin un équilibre mixte, auquel une fraction α de firmes dans chaque pays a une facilité

de production sur un seul marché et a recours à l’exportation, et la proportion 1-α a une facilité de production dans les deux marchés. La condition de stabilité de cet équilibre est :

),()1(),(2)( 2)1(

1, rwCerwCwF rTdr aa σ−−−−=

où rk est le niveau de R&D maximisant le profit pour une firme à k sites.

Pour un nombre donné de firmes, les conditions pour que la proportion de firmes à une usine, i.e. la proportion de firmes exclusivement nationales, soit forte sont :

- de faibles coûts de transport ; - de faibles barrières commerciales ; - un fort coût fixe de production F ; - un faible financement de la R&D ; - une petite taille de chaque marché.

A l’équilibre mixte, il y a à la fois bilatéralité du commerce des biens finals, mais aussi de la production multinationale. Et cette part de la production multinationale est une fonction croissante de la distance et des barrières commerciales et une fonction décroissante coûts fixes liés à la production.

Si intéressante qu’elle soit, cette modélisation ne permet pas pour l’instant de rendre compte de l’importante part du commerce intra-firme dans les échanges. Brainard complète donc le modèle par l’introduction d’une troisième étape dans le processus de production, les ventes, qui correspond en fait à l’idée que les produits intermédiaires sont assemblés à la deuxième étape et les biens finals ainsi constitués sont vendus in fine dans un troisième site. Apparaît alors un nouveau type d’équilibre, où les deux premières étapes ont lieu sur le même site, mais la vente se fait dans les deux pays. On assiste alors à un commerce intra-branche. Cet équilibre est d’autant plus probable que les coûts fixes de vente sont faibles et que ceux de production sont élevés, et que le coût de transport des biens intermédiaires est faible par rapport à celui des biens finals.

Enfin, dans une dernière approche, Brainard réintroduit un différentiel de dotation en

facteurs dans le schéma de production à deux étapes. Il apparaît alors que lorsque les avantages de concentration sont élevés par rapport aux avantages de proximité, l’introduction de différences factorielles modérées entraîne la constitution de firmes à site de production unique, et l’on assiste à des flux unilatéraux de biens finals. Si l’on augmente les différences factorielles, les échanges du bien différencié deviennent asymétriques. Même lorsque ce sont les avantages de proximité qui dominent, le bilan des échanges est le même que précédemment, cependant les firmes maintiennent une configuration à plusieurs sites de production tant que les différences factorielles ne sont pas trop importantes.

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Ainsi ce modèle explique l’expansion horizontale (i.e. du processus entier de production) à l’étranger par une motivation d’accès au marché étranger, et donc l’activité multinationale peut augmenter même en l’absence de différences dans les dotations de facteurs et ce bilatéralement dans une même industrie. Toutefois, ces deux types de modèles ne sont pas exclusifs, et même se combinent, puisque l’on s’aperçoit que les firmes prennent leur décision de produire à l’étranger en se référant aux deux considérations à la fois.

En généralisant au contexte de plus de deux pays, on s’attend à avoir une prépondérance de ventes de multinationales à sens unique entre les pays qui sont différents en termes de dotations factorielles, et une prépondérance de l’activité bilatérale entre les pays qui ont des dotations similaires.

Séduisant, ce modèle pionnier d’une vision alternative de l’activité des multinationales (en termes d’arbitrage entre proximité et concentration), doit pourtant être validé empiriquement pour résister aux critiques. C’est Brainard (1993a,b) lui-même qui a mené deux études économétriques dans le but de valider son modèle. Une de ces études est présentée dans la section suivante.

3. La validation empirique du modèle de Brainard 3.1. Présentation du test

L’objectif du test

Empiriquement, l’activité des multinationales dépend plus d’un arbitrage proximité-concentration que de différentiels de dotation en facteurs. Brainard (1993a) désire donc évaluer l’explication par les dotations factorielles de l’activité des multinationales en comparant la production des filiales destinée à la vente sur le marché local avec celle destinée à l’exportation vers le pays où se trouve le siège social. Pour cela, Brainard teste la part de la production des filiales étrangères destinée au pays où se situe le siège social par rapport à la part destinée au marché local. La conclusion de Brainard est que les deux types d’activité diffèrent peu dans leur relation avec les différentes dotations factorielles. En revanche, les deux types d’activité diffèrent plus quant à leur réponse face aux coûts de transport et le revenu du marché de destination.

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Les données

Brainard se propose d’étudier la validité empirique de ses résultats théoriques à travers l’étude des Etats-Unis et leurs flux commerciaux avec vingt-sept de leurs partenaires commerciaux18 pour l’année 1989. Son approche est donc une approche en coupe transversale. Brainard utilise plusieurs types de données, dont la présentation est donnée dans l’Annexe 1. 3.2. Estimation 3.2.1. Présentation générale

Brainard se propose donc d’estimer la contribution du différentiel de dotations en facteurs à l’activité des multinationales au sein de son échantillon. Pour ce faire, nous l’avons vu à la section précédente, il exploite la distinction entre les ventes des multinationales américaines destinées au marché local et celles destinées à la réexportation vers les Etats-Unis. Partant du principe qu’en l’absence de différences de dotations en facteurs, le volume de commerce est déterminé par la taille relative des partenaires commerciaux, Brainard teste l’équation décrivant le volume total des échanges commerciaux entre deux pays i et j :

++

−+

=+ )²(

122

ji

ji

W

ji

ji

ij

YYYY

YYY

YYV

(1)

avec : Vij : le volume des échanges commerciaux bilatéraux ; Yi : le revenu du pays i ; YW : le revenu mondial.

Le volume des échanges commerciaux bilatéraux est d’autant plus important que la différence de taille entre les deux pays i et j est faible et que leurs revenus comparés au revenu mondial est grand.

18 Les pays sont : Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Colombie, Corée du Sud, Danemark, Espagne, France, Grande Bretagne, Hongkong, Irlande, Italie, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle Zélande, Pays-Bas, Philippines, R.F.A., Singapour, Suède, Suisse, Taiwan, Venezuela. Brainard a choisi ces pays pour deux raisons simultanées :

- cet échantillon maximise la diversité de la couverture géographique des Etats-Unis, des revenus, et des structures de production ;

- cet échantillon minimise les données manquantes.

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3.2.2. Les tests

Premier test

Brainard remarque d’emblée que l’activité des multinationales, tout comme le commerce international pur, est biaisée en faveur des cinq pays de l’échantillon dont les revenus sont les moins éloignés de ceux des Etats-Unis. Brainard modifie donc l’équation (1) afin de prendre en compte le volume des échanges commerciaux bilatéraux de produits spécifiques. En effet, dans le modèle de produits différenciés, il y a une élasticité uniforme de la demande parmi les différentes variétés d’un produit, de telle sorte que la demande pour des variétés importées au sein d’une industrie ne dépend que des tailles relatives des pays. Brainard veut permettre des différences dans les élasticités de l’industrie, en incluant dans son équation des variables dummies. Il introduit également des coûts de fret.

Brainard estime donc, pour analyser les ventes des filiales, l’équation :

=

+ ++++=64

13321

x

xi

xx

xiii

xi eDFFSHDIFTGDPMTOT ββββ (2)

où :

- xiMTOT est le total des ventes du produit x depuis les filiales situées dans le pays i

(net des importations) vers les Etats-Unis, en logarithmes ; - TGDPi = log (revenu total du pays i + revenu total Etats-Unis) ; - SHDIFi = log [1-(part du revenu mondial du pays i + part du revenu mondial des

Etats-Unis)²] ; - x

iFF est le coût de fret du produit x pour le pays i ; - Dx est une variable spécifique à l’industrie x (variable dummy).

Brainard effectue en fait trois régressions : • Dans un premier temps, il impose comme contraintes : β1=β2et β3=β3+x=0. • Puis il relâche la contrainte β1=β2. • Enfin il relâche simultanément toutes les contraintes.

Ses résultats sont les suivants. Il semble d’une part pertinent de parler de multicolinéarité entre TGDP et SHDIF, et d’autre part d’inclure les coûts de fret dans l’analyse , puisque le coefficient associé à cette variable est significatif mais surtout l’introduction de cette variable permet au modèle de presque tripler son pouvoir explicatif. Ces résultats semblent compatibles avec un arbitrage proximité-concentration.

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Brainard utilise ensuite le même type d’équation que (2) pour analyser le volume total échangé ( x

iTTOT ) (net du commerce issu des filiales) :

=

+ ++++=64

13321

x

xi

xx

xiii

xi uDFFSHDIFTGDPTTOT θθθθ

et effectue les mêmes régressions qu’auparavant. Ses résultats sont similaires aux précédents. Deuxième test

Dans un deuxième temps, Brainard compare l’indice de Grubel-Lloyd du commerce intra-industriel à l’indice de Grubel-Lloyd des ventes intra-industrielles des filiales. Il met en évidence une corrélation positive entre ces deux indices. Par contre, si on regarde le lien qui existe entre l’indice de Grubel-Lloyd du différentiel de revenu par tête, on s’aperçoit d’une corrélation négative, que ce soit par rapport à l’indice pour le commerce intra-industriel ou pour les ventes intra-industrielles des filiales ; ce qui tend à confirmer que plus le différentiel de revenu par tête est important, moins il y a de commerce intra-industriel et/ou de ventes intra-industrielles des filiales. Brainard montre en outre qu’il existe une corrélation négative entre l’indice de Grubel-Lloyd du coût de fret et l’indice de commerce intra-industriel et l’indice des ventes intra-industrielles des filiales ; ce qui semble compatible avec les prévisions théoriques du modèle d’arbitrage proximité-concentration.

Un deuxième test effectué alors par Brainard consiste à étudier la relation qu’il existe entre l’indice des différentiels de dotations en facteurs et l’indice du commerce intra-industriel.

La première équation à estimer, pour les ventes intra-industrielles des multinationales, est, pour un pays i dans l’industrie x :

=

+ ++++

+++++=64

1887

654321 321TR

x

xi

xx

xii

iiiiiixi

DFFMAXGDP

MINGDPLANDLABLABLABCAPAMIN

ηπππ

ππππππ

où :

- xi

xi

xi

xix

i NINNOUTNINNOUT

AMIN+

=),min(2

TR ; - MINGDPi est le minimum du PIB américain et du PIB du pays i19 ; - MAXGDPi est le maximum du PIB américain et du PIB du pays i ;

19 Puisque les Etats-Unis sont le pays qui a le PIB le plus élevé de tout l’échantillon, MINGDPi est simplement le PIB du pays i et MAXGDPi le PIB des Etats-Unis ∀i. Ainsi, MAXGDPi est une constante dans la régression du pays i.

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- CAPi est la différence entre le capital par tête du pays i et les Etats-Unis , en valeur absolue ;

- LAB1 est la différence des dotations par tête en termes de travailleurs qualifiés ; - LAB2 est la différence des dotations par tête en termes de travailleurs non

qualifiés ; - LAB3 est la différence des dotations par tête en termes de travailleurs non

alphabétisés ; - LAND mesure la différence des dotations par tête de terres arables.

Brainard trouve une contribution négative de toutes les variables, excepté la variable LAND20, sur les ventes intra-industrielles des filiales.

La deuxième équation à estimer, pour les flux commerciaux intra-industriels bilatéraux totaux (nets des transactions internes), est :

=

+ ++

+++++++=64

18

87654321

321TR

x

xi

xx

xiiiiiiii

xi

D

FFMAXGDPMINGDPLANDLABLABLABCAPATIN

ελ

λλλλλλλλ

Brainard trouve des résultats similaires à ceux exhibés pour les ventes intra-industrielles des filiales. Cependant, comparé aux résultats des ventes intra-industrielles des filiales, le pouvoir explicatif du modèle est plus faible. Troisième et dernier test

Pour Brainard, une conclusion générale s’impose au vu de ces résultats : une part significative de l’activité des multinationales est motivée par des similarités de revenu et de dotations de certains facteurs, spécifiques, plutôt que par des différences. Mais, pour l’instant, le différentiel de dotation en facteurs comme explication de l’activité des multinationales (au moins pour une part) n’est pas invalidée. En effet, la part de la production des filiales américaines réexportée vers les Etats-Unis augmente avec la différence de dotation en facteurs. C’est pour répondre à cette question que Brainard effectue un dernier test.

Pour construire ce test, il doit distinguer les activités des filiales suivant qu’elles produisent pour le marché local ou pour exporter, ce qui correspond en fait à faire une distinction entre une activité « horizontale » motivée par des avantages de proximité et une activité « verticale » motivée par des différences de coût des facteurs. L’équation à estimer, qui doit comparer l’importance des différentiels de dotations de facteurs en déterminant les ventes locales des filiales, s’écrit :

20 Et également des différences de niveaux de revenus, mais les coefficients ne sont pas significativement différents de zéro.

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40

xi

xiiiiiii

xi FFUSGDPGDPLANDLABLABLABCAPOXSH ναααααααα ++++++++= 87654321 321

où :

- OXSH est la part de la production totale des filiales américaines réexportée aux Etats-Unis.

Une équation similaire explique la part de la production totale des filiales américaines destinées au marché local.

Les résultats de Brainard sont les suivants. La part des ventes locales diminue avec la différence des dotations par tête en capital, en travailleurs qualifiés, en terres arables, et augmente avec la différence des dotations par tête en travailleurs non qualifiés, alphabétisés ou non. Par contre, la part de la production locale destinée à la réexportation aux Etats-Unis augmente avec la différence des dotations par tête en capital et en travailleurs non alphabétisés, et décroît avec la différence des dotations par tête en travailleurs non qualifiés mais alphabétisés. De surcroît, les ventes locales représentent une part d’autant plus importante de l’activité des multinationales que le revenu du marché destinataire et les coûts de transport sont élevés, ce qui est compatible encore une fois avec un modèle d’arbitrage proximité-concentration ; alors que les réexportations ne sont pas affectées par les niveaux de revenu et chutent dès lors que les coûts de transport augmentent. Toutefois, la production de filiales américaines destinée à la réexportation aux Etats-Unis n’est pas la même (qualitativement) que la production pour le marché local ; ce qui fournit un fondement à l’hypothèse de dotations de facteurs comme explication de l’activité des multinationales…

3.3. Conclusion

Les données rejettent clairement une simple explication de l’activité des multinationales par un différentiel de dotations factorielles. Pourtant, il n’est pas possible d’exclure complètement cette motivation puisque le différentiel de dotations factorielles explique une part significative de ces activités. Mais il est difficile d’occulter l’explication en termes d’arbitrage proximité-concentration qui est responsable d’une part très importante de l’activité des multinationales. De surcroît, distinguer la production des filiales suivant qu’elle est destinée au marché local ou à la réexportation révèle une information de taille quant à sa réponse aux coûts de transport : tandis que les réexportations diminuent lorsque les coûts de fret augmentent, la production destinée au marché local n’est pas affectée ou encore augmente en cas d’augmentation du coût de transport.

Ainsi, si cette étude empirique effectuée par Brainard n’invalide pas une explication en termes de différentiel de dotations en facteurs à l’activité des multinationales (certes américaines), elle apporte une plus forte justification à l’arbitrage entre proximité-concentration comme source de l’activité de celles-ci. Deux éléments sont d’ores et déjà à retenir.

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Premièrement, il est vain de raisonner dans un univers parfaitement concurrentiel ; dès lors que l’on s’intéresse au processus de l’intégration économique, l’environnement imparfaitement concurrentiel s’impose. En effet, la concurrence internationale, et la pression qui la caractérise, est la source des « corporate managements » qui collaborent par des alliances stratégiques, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de leurs frontières, et forment par conséquent des systèmes d’alliances. Leur existence est avantageuse car elle permet :

- le partage de l’information ; - le partage de la technologie (et notamment la technologie de pointe) ; - le partage de la production ; - le partage du marché ; - une collaboration pour d’éventuelles actions politiques.

Ils symbolisent l’univers oligopolistique (ou plus largement de concurrence monopolistique) dans lequel il est nécessaire de se situer lorsqu’on désire étudier l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle. Deuxièmement, il ne faut pas restreindre le caractère multinationalisant des firmes à une seule volonté d’exploitation de facteurs ; les firmes qui décident de se multinationaliser n’ont de nos jours que rarement le dessein de profiter de l’abondance locale de facteurs nécessaires à la fabrication du bien produit celles-ci. Il est nécessaire sinon primordial de tenir compte d’une volonté de pénétration des marchés étrangers par l’investissement direct à l’étranger. Toutefois, cette volonté d’investissement direct à l’étranger est freinée par l’existence de barrières tarifaires, comme le montre la condition de non arbitrage du modèle théorique de Brainard (1992).

A ce propos, Baldwin & Seghezza (1996) ont développé un modèle séduisant concernant l’impact des barrières tarifaires sur l’investissement direct à l’étranger. A l’aide d’un modèle dynamique de croissance avec accumulation de capital endogène, qu’ils utilisent pour générer une spécification de régression, et fournir une interprétation économique des coefficients estimés, les auteurs tentent d’identifier le mécanisme qui lie politique commerciale et croissance à investissement, et confèrent in fine une grande part de la responsabilité aux barrières tarifaires. En effet, leur résultat est que les barrières tarifaires ont un impact négatif sur la croissance à travers leur impact négatif sur l’investissement direct à l’étranger. A priori peu originaux, ils introduisent toutefois quelques nouveautés par rapport aux autres études menées dans la même direction : outre leur cadre de travail intertemporel, ils prennent en compte dans leur construction théorique la politique commerciale étrangère, autorisent le commerce intra-industriel21, et enfin (et surtout) font l’hypothèse que le secteur échangeable est plus intensif en capital que le secteur non échangeable. Cette hypothèse, qui s’avère cruciale pour l’interprétation théorique de leurs résultats empiriques, contient en filigrane l’idée que l’investissement direct à l’étranger transite par le secteur échangeable22. Une présentation rapide de leur modélisation théorique et économétrique, ainsi que de leurs principaux résultats, est donnée en Annexe 2.

Puisque la complémentarité semble actuellement l’emporter sur la substituabilité, une question s’impose : quel est le sens de causalité entre les deux modes de pénétration des marchés étrangers ? 21 En effet, empiriquement, la grande majorité du commerce international est intra-industriel. 22 En effet, l’apport des capitaux étrangers se fait à travers les biens échangeables importés, intensifs en capital.

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4. Causalité

Partant du constat empirique que 95% des investissements directs français s’effectuent au sein de l’OCDE et ne semblent pas participer au phénomène de délocalisation, Henry (1994) se propose, après avoir mis économétriquement en évidence un degré significatif de complémentarité entre investissements directs et exportations, d’étudier le lien de causalité entre les deux modes de pénétration des marchés étrangers. L’auteur utilise à cet égard des tests de causalité qui portent sur la contribution du passé d’une variable au comportement d’une autre variable. Ici en l’occurrence, les exportations passées causent-elles les stocks d’investissements directs contemporains, ou sont-ce les stock d’investissements directs passés qui causent les exportations présentes ? L’auteur conclut que les investissements directs expliquent les exportations plutôt que l’inverse : les investissements directs d’aujourd’hui soutiennent les exportations de demain ! (voir Annexe 3 pour une présentation rapide de son étude).

En fait, les mécanismes associant les flux d’investissements directs et d’exportations sont relativement complexes. On peut distinguer six effets de l’investissement direct sur le commerce (Fontagné & Pajot,1998) :

i. La création de commerce ; ii. Le détournement de commerce ; iii. L’effet de remplacement ; iv. Les effets de diffusion (induits par les biens intermédiaires) ; v. L’effet de compétitivité ( tout comme le commerce des biens, l’investissement

direct véhicule des externalités technologiques) ; vi. L’effet de segmentation (internationale du processus productif).

Les relations entre investissement direct et commerce doivent donc être examinées en prenant en compte les pays tiers et les biens intermédiaires. En effet, le pays d’accueil de l’investissement direct voit se créer :

- de nouveaux flux d’échanges commerciaux ; - des transferts de capitaux ; - des transferts d’équipements ; - des transferts de technologie et de capital humain ; - du commerce interne aux firmes multinational (commerce intra-firme faisant

intervenir la notion de biens intermédiaires). Ainsi, même s’il n’est pas bénéficiaire d’une quelconque amélioration de son solde

commercial vis-à-vis du pays investisseur, le pays d’accueil peut bénéficier vis-à-vis de pays tiers d’échanges commerciaux nouveaux (notamment des exportations effectuées par la multinationale qui vient de s’implanter). Du point de vue du pays investisseur, abstraction faite des filiales de commercialisation, les ventes des filiales à l’étranger se substituent au moins partiellement à la production nationale. Mais la filiale, du fait même de son implantation à l’étranger, permet à l’entreprise nationale d’élargir sa part de marché mondial. Qui plus est, les importations par la filiale de biens intermédiaires peuvent compenser partiellement le recul des exportations de produits finis du pays investisseur.

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La possibilité de ces créations de commerce [certes souvent intra-firme] entre pays n’est

pas surprenante puisque que l’investissement direct reste majoritairement interne à l’OCDE et s’effectue donc essentiellement entre pays industrialisés. Néanmoins, il peut exister un effet néfaste de l’investissement direct sur la production domestique, dès lors que les créations de commerce entre pays industrialisés se font de manière asymétrique (au détriment de l’un ou l’autre des partenaires commerciaux).

Ce qui reste certain, c’est que l’investissement direct ne réduit pas le commerce. Ceci a trois explications :

i. les échanges intra-firme d’inputs ou de compléments de gamme ; ii. l’exportation par les filiales d’une partie de leur production ; iii. l’existence d’effets de retombées (spillovers) entre branches.

Conclusion

Si la substituabilité au niveau micro-économique entre investissements directs à l’étranger et exportations n’est pas incompatible avec de la complémentarité au niveau macro-économique, cette différence de nature du lien existant entre les deux modes de pénétration des marchés étrangers trouve une large part de sa justification dans la prise en compte des biens intermédiaires dans l’analyse. Aussi, il apparaît essentiel de ne pas se contenter de raisonner en termes de biens finis mais de prendre en considération les biens intermédiaires, lesquels jouent un rôle substantiel (et croissant) dans les échanges internationaux d’une part, mais également dans la logique d’investissement direct à l’étranger.

Quoiqu’il en soit, une modélisation en termes d’arbitrage proximité-concentration, introduisant des coûts de transaction et une imparfaite mobilité des facteurs de production, semble être plus à même de rendre compte de l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle lorsque l’on se situe au niveau de la firme.

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Conclusion de la Partie I

Cette première partie nous a permis de comprendre comment, au niveau de la firme, l’intégration régionale peut modifier le comportement de localisation de la production industrielle. Essentiellement, trois points sont à retenir.

Le premier point concerne l’environnement imparfaitement concurrentiel dans lequel

il est nécessaire de se situer afin d’étudier avec sérieux les stratégies de localisation des firmes dans un processus d’intégration économique.

Ensuite, on a pu comprendre que le problème de la localisation des firmes vient du fait qu’il peut être avantageux de profiter d’un différentiel de dotations en facteurs de production, mais que c’est loin d’être la seule motivation, ni la plus importante. C’est l’accès au marché qui oriente principalement la stratégie de localisation de la production des firmes dans un processus d’intégration économique, qu’il soit international ou régional, même si comme le montrent les estimations de Brainard (1993a) l’addition de différences factorielles augmente la vraisemblance de concentrer la production en une seule localisation.

Enfin, la prise en compte des biens intermédiaires paraît nécessaire à une bonne appréhension du phénomène de choix de localisation des unités productrices de biens industriels.

Pourtant, cette modélisation ne nous renseigne d’aucune manière sur l’intérêt que peuvent avoir des pays à former un bloc intégré, et comment cette décision d’intégration affecte la localisation de secteurs entiers des pays intégrés. C’est pour remédier à cette insuffisance que la deuxième partie de ce mémoire est consacrée à cette vision macro-sectorielle de l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle.

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Partie II

De la géographie économique à la nouvelle géographie économique

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Introduction

L’objet de cette partie est d’apporter des éléments de réponse à plusieurs interrogations liées aux effets de l’intégration régionale sur le choix de localisation de l’activité industrielle, par une approche macro-sectorielle du système. L’intégration régionale modifie-t-elle la localisation des secteurs de production ? Si oui, de quelle manière ? Mène-t-elle à un plus haut degré d’agglomération de la production par secteur, ou au contraire les firmes d’un même secteur se répartissent-elles uniformément dans la zone intégrée ?

Le choix d’une telle approche n’est pas fortuite. Elle constitue un nouvel angle d’attaque des théoriciens du commerce pour résoudre le problème de la localisation des firmes en prenant en compte les effets d’agglomération et le fait d’appartenir à une zone intégrée.

Après avoir présenté dans le premier chapitre l’approche traditionnelle de la géographie économique (qui raisonne en termes de ‘centre’ et de ‘périphérie’ d’une zone intégrée), les conclusions qu’elle tire sur l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle dans une vision macro-sectorielle du phénomène, et enfin les limites et/ou insuffisances dont souffre cette approche, nous présenterons dans le deuxième chapitre quelques modèles alternatifs cherchant à résoudre ces problèmes mis en exergue. Nous examinerons enfin si la prise en compte de ces problèmes modifie ou non la conclusion dessinée par les modèles traditionnels de géographie économique.

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Chapitre 1 Une approche ‘centre-périphérie’ de la localisation des firmes

Introduction

La géographie économique est née avec cette idée que tous les pays membres d’une zone intégrée n’ont pas la même taille de marché. Il y a les pays au marché de grande taille (centre) et les pays à la taille du marché plus modeste (périphérie). Le Tableau 6 illustre la pertinence de l’introduction d’une vision ‘centre-périphérie’ du monde, et la problématique sur laquelle elle repose. Tableau 6 Périphérie et PIB par tête Type de régions PIB par tête (Europe = 100) Centrale 122 Intermédiaire 105 Petite périphérie 89 Grande périphérie 64 Source : Krugman & Venables (1990)

Ce tableau montre sans conteste un différentiel de revenu par tête entre les différentes régions d’Europe : plus on s’éloigne du centre (économique) de l’Europe, plus le revenu par tête est faible. Une question s’impose : pourquoi les régions périphériques de l’Europe offrent des salaires plus faibles que la zone centrale ? La réponse que l’on peut imaginer est que la zone périphérique rend les firmes qui s’y localisent moins attractives, toutes choses égales par ailleurs, que les firmes situées dans la zone centrale. C’est pourquoi les zones périphériques, afin d’attirer les firmes, offrent des salaires moins élevés.

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Lorsqu’on raisonne en termes de ‘centre-périphérie’, le modèle de localisation de base est celui de Krugman & Venables (1990). C’est pourquoi nous allons dans un premier temps le présenter en détail, et tirer les conclusions qu’il dessine à propos de l’effet de l’intégration régionale sur la localisation de la production dans une vision ‘centre-périphérie’ du monde. Nous présenterons ensuite son principal problème, qui invalide (ou du moins est en mesure d’invalider) ses conclusions. Puis, dans un second temps, nous présenterons un autre modèle des mêmes auteurs qui est censé pallier au défaut du premier modèle pour aboutir aux mêmes conclusions. Mais nous verrons qu’en définitive cette approche souffre de bien des maux !

1. Une première esquisse : le modèle de Krugman & Venables (1990)

1.1. Idée du modèle

Ce premier modèle, qui raisonne dans un cadre où un grand pays « centre » et un petit pays « périphérique » partagent le monde23, a pour objectif de répondre à la question suivante : quels sont les effets de l’intégration régionale sur la spécialisation des pays, et par là sur la localisation de l’activité industrielle ? En d’autres termes, l’intégration régionale facilite-t-elle en l’état l’accès au marché intégré des firmes des pays membres, i.e. le processus d’intégration régionale permet-il d’éliminer les avantages liés à la localisation des firmes dans la zone centrale ? Et si non, quelles sont les modifications de localisation opérées par les firmes lors du processus d’intégration régionale ?

En fait, le raisonnement en termes de stratégie de firmes n’est pas réellement sacramentel dans une telle approche. En effet, dans ce type de modèles, chaque variété d’un bien n’est produite que par une et une seule entreprise, ce qui signifie que seule la concentration des secteurs de production, qui aboutit à la spécialisation des pays, nous intéresse.

Ce modèle montre in fine que même si l’élimination totale des obstacles au commerce augmente d’une manière inéluctable la dispersion de la production au sein de la zone intégrée, une élimination seulement partielle (même si elle est substantielle) a un effet pervers sur la localisation de la production des biens à localisation libre. Effectivement, des effets contraires d’agglomération et de dispersion de l’activité productive, liés aux coûts de production, aux économies d’échelle, et aux coûts de transaction, peuvent ne pas se compenser et entraînent la spécialisation de chaque pays dans la production d’un bien.

Le point important à retenir ici est que tandis que de fortes barrières commerciales

encouragent la production locale, des barrières commerciales modérées interagissent avec les économies d’échelle et peuvent encourager la concentration de la production dans des localisations à hauts coûts mais avec un accès privilégié au marché plutôt qu’une localisation à bas coûts.

23 Pour élaborer un modèle ‘centre-périphérie’, il faut supposer que les pays sont des points sans dimension dans l’espace.

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On suppose le monde composé de deux pays24 : un grand pays « central », et un petit pays « périphérique ». Le pays central a un stock de facteurs plus important que le pays périphérique, mais les deux pays ont les mêmes dotations relatives (en tout cas dans un premier temps). Il n’y a donc pas d’avantage comparatif, au sens traditionnel. Deux secteurs de production sont présents dans l’économie. Un de ces secteurs est parfaitement concurrentiel et produit un bien homogène parfaitement échangeable suivant une technologie de production à rendement constants, tandis que l’autre secteur est monopolistique et produit des biens différenciés suivant une technologie à rendements croissants. Chaque bien différencié est produit par une et une seule entreprise. Chaque bien est consommé par les consommateurs des deux pays. Les firmes se font une concurrence à la Cournot dans chaque marché séparément25. Les échanges commerciaux sont soumis à l’existence de barrières commerciales, qui sont une mesure synthétique des taxes commerciales, des coûts de transport, et des coûts tarifaires. Dans un premier temps élevées, les barrières commerciales diminuent progressivement, et le modèle permet de mesurer les conséquences de cette décroissance sur la localisation des firmes du secteur manufacturier entre le centre et la périphérie de l’économie.

Le modèle (ou d’une manière équivalente les quatre modèles qui le composent) montre(nt) que les économies d’échelle font se concentrer spatialement les firmes produisant les biens différenciés, et s’il y a des coûts commerciaux (ou de transport) pour les biens différenciés, les firmes se concentrent dans le pays où le marché est le plus grand afin d’éviter ces coûts de transaction pour la plus grande part de leurs ventes.

Le modèle montre en outre que la tendance à se localiser dans le pays où le marché est le plus grand est d’autant plus importante que les coûts de transports sont modérés (i.e. ni trop élevés, ni trop faibles), ce qui est contre-intuitif.

1.2. Le modèle

Ce modèle est en fait subdivisé en quatre modèles, qui partagent des caractéristiques communes, et qui ne se succèdent pas par hasard. Le premier modèle considère le cas d’un oligopole26. Le problème de cette approche réside dans la notion même d’environnement oligipolistique. En effet, dans un environnement oligopolistique, chaque firme est en mesure d’identifier l’ensemble de ses concurrents et de tenir compte de leur comportement pour arrêter ses propres décisions. Une interdépendance directe entre les agents apparaît et l’équilibre exhibé, qui découle du comportement stratégique de chacune des firmes, est Nash. Le problème d’une telle approche est qu’il faut supposer le nombre de firmes produisant le bien différencié, et a fortiori le nombre de variétés produites du bien différencié, exogène au modèle et constant. C’est pour endogénéiser le nombre de firmes existant sur le marché du bien différencié que le deuxième modèle considère le cas de la concurrence monopolistique. Dans ce cas, la firme détermine son prix uniquement en tenant compte du niveau du prix ou de la position de la courbe de demande et il n’y a qu’une interdépendance indirecte entre les offreurs ; l’entrée de nouvelles firmes est perçue par les firmes déjà en place à travers la 24 On peut assimiler ces pays à une division du monde en deux régions, le Nord et le Sud, ce qui rend au modèle tout son pragmatisme, mais nous éloigne du concept d’intégration régionale. 25 Il y a donc segmentation du marché pour ce qui concerne la concurrence. 26 On dit qu’un marché est un oligopole lorsqu’il comprend un petit nombre d’offreurs. Cette situation peut éventuellement se doubler d’une différenciation des produits.

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modification du prix d’équilibre ou le déplacement de la courbe de demande. Le troisième modèle introduit de la variabilité dans les coûts de production, considérés jusqu’alors identiques dans les deux pays. Enfin, le quatrième modèle introduit un avantage comparatif lié à une abondance factorielle relative.

Premier modèle : le cas de l’oligopole Hypothèses générales • Deux pays A et B ; • La taille respective de chaque pays est sA et sB ; et on suppose que sA<sB, i.e. le pays A est

plus petit que le pays B ; • Chaque pays a deux secteurs, l’un parfaitement concurrentiel produisant un bien

homogène parfaitement échangeable qui est pris comme le numéraire (le secteur agricole par exemple), l’autre imparfaitement concurrentiel, produisant un bien différencié (le secteur manufacturier par exemple) ;

• Le nombre de firmes produisant le bien différencié dans les pays A et B sont respectivement nA et nB ; chaque firme étant assignée à la production de seulement une variété du bien différencié, c’est-à-dire qu’il y a nA+nB variétés du bien différencié ;

• Soient pa,-a et qa,-a respectivement le prix et la quantité d’une variété de bien différencié produite dans le pays a et consommée dans le pays -a (a=A,B) ;

• Les firmes ont des rendements d’échelle croissants, représentés par des fonctions de coûts linéaires, i.e. homogènes de degré un ;

• Chaque firme du pays a a un coût fixe de production fa, et un coût marginal de production ca ;

• T est le coût de transport entre les deux pays d’une unité de bien produite ; La demande

En supposant la fonction de demande linéaire, on aboutit à la fonction de demande inverse :

( )[ ]

( )[ ]

[ ] BAa

qnqnqs

p

qnqnqs

p

aaaaaiaaa

aa

aaaaaaaaa

aa

,,1,0,0 avec

12

)1(1

12

)1(1

,

,,,,

=∈>

+−++−=

+−++−=

−−

−−−−−−

θα

θθα

θθα

(1)

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On voit que le prix d’une variété produite dans le pays a et vendue dans le pays –a

dépend de la quantité de la production de cette variété vendue (avec le coefficient 2

)1( θ+ ) et

des quantités des na-1 autres variétés vendues (avec le coefficient θ), ainsi que des n-a variétés produites dans le pays –a (également avec le coefficient θ). θ mesure l’étendue de la différenciation de la production : θ =1 signifie que le bien est homogène et θ <1 signifie que le bien est différencié. Le fait de supposer θ >0 veut dire que les biens différenciés sont des substituts les uns des autres. L’offre

Le profit d’une firme du pays a s’écrit :

aaaaaaaaaaaa fqTcpqcp −−−+−= −− ,, )()(π (2)

Les conditions nécessaires d’optimalité lorsque la firme maximise son profit sont :

+−−=

+−=

−−− )1(2)(

)1(2)(

,*

,

*

θ

θ

aaaaaa

aaaaaa

sTcpq

scpq

(3)

L’équilibre

Puisque la structure du modèle est linéaire, il est possible de dériver les expressions explicites des prix et quantités d’équilibre. En utilisant (1) et (3), on obtient comme prix et quantités d’équilibre :

++−++−−

=

++

−++−=

+++++++

−+=

+++++++

−=

−−−−−

−−−

−−−

−−

)(1)()1(

)(1(

)(1)(

2)1(

2)1)((

)(1)(

2)1(

2)1(

*,

)*

*,

*

BA

aaaaaaaa

BA

aaaaaaaa

BA

aaaaaaa

BA

aaaaaaa

nnccnTnc

sq

nnccnTnc

sq

nnTcncnTc

p

nnTcncnc

p

θθθα

θθθα

θθθαθθ

θθθαθθ

(4)

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Dans le but de simplifier l’analyse des résultats, on suppose que cA = cB = constante et fA = fB = constante, i.e. on exclut toute considération d’avantage comparatif en termes de coûts dans l’analyse. En outre, on fait l’hypothèse que nA et nB sont constants et ne sont pas modifiés par l’intégration, i.e. le nombre de variétés du bien différencié est constant et identique nationalement qu’il y ait intégration ou non. Cette hypothèse tient à l’environnement oligopolistique dans lequel on désire se restreindre. On suppose enfin que la situation initiale est telle que l’accès au marché –a pour les firmes du pays a est rendu difficile par de fortes barrières commerciales.

Dans un tel cadre, quel est l’effet sur la production d’une variété du bien différencié d’une diminution de ces barrières27, matérialisée par une chute du coût de transport T ?

Sous les hypothèses que l’on a retenues, les deux dernières équations de (4) nous

donnent directement la réponse ; l’effet d’une réduction des coûts de transport, (-dT), sur la production totale dans le pays A est :

)(1)(**

BA

ABBBABAAnn

ssnsdT

dqdT

dq++

−+=

−+

− θθ

On voit d’emblée que le pays A, i.e. le petit pays (on rappelle que sB>sA), connaît une hausse de la production lorsque les barrières au commerce se réduisent, et il est possible que la production du grand pays se contracte (il faudra le vérifier en examinant l’impact d’une baisse de T sur les importations nettes de A). La raison est simple : les firmes du petit pays peuvent mieux pénétrer le grand marché, alors que les firmes du grand pays ne peuvent pénétrer qu’un petit marché.

Cet effet se répercute sur la balance commerciale. Puisque les coûts sont les mêmes dans les deux pays, on peut écrire les importations nettes de la variété du bien manufacturé du pays A (en unités physiques) comme le volume de la variété du bien différencié produit dans le pays B pour le marché A diminué du volume de production de la variété du bien différencié du pays A exporté dans le pays B, i.e. :

++−+−−−

=−)(1

)())((**

BA

ABBABAABABABAB nn

ssTnnsnsnTcqnqn

θθα

On voit avec cette dernière équation que tant que la part des firmes localisées dans le

pays A n’est pas plus grande que sa taille relative, i.e. B

A

B

Ann

ss

≥ , le pays A est importateur net

du bien manufacturé, et que lorsque T diminue les importations nettes diminuent. Donc la production de B se contracte effectivement.

A partir des deux premières équations de (4), on peut également étudier l’effet sur les prix d’une réduction des barrières douanières. Comme on peut s’y attendre, une réduction de T fait diminuer les prix, et par conséquent augmente le surplus du consommateur. Notons que

27 Liée par exemple à un processus d’intégration régionale.

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si le nombre de firmes produisant le bien différencié est plus élevé dans le grand que dans le petit pays, i.e. nB>nA, un coût de transport positif implique un prix relativement élevé du bien différencié dans le petit pays, c’est-à-dire que les consommateurs qui vivent dans le petit pays sont désavantagés par leur faible niveau de concurrence. Une réduction de T dans ce cas apporte un gain relativement plus élevé aux consommateurs du petit pays que du grand pays.

L’analyse du profit est plus complexe, puisqu’elle implique une interaction des effets-prix et des effets-quantité. Les profits diminuent dans les premières étapes de la libéralisation, puisque la concurrence s’accroît à cause des importations et érode le pouvoir de marché de la firme, mais augmentent ensuite car les exportations deviennent très importantes.

On voit donc que dans le cas d’un marché oligopolistique, l’intégration régionale,

caractérisée par une diminution des barrières commerciales, implique un processus de concentration de la production dans le pays à la taille de marché la plus petite ! Cependant, ce résultat est très certainement lié à l’environnement oligopolistique du marché du bien différencié. Voyons si ce résultat surprenant résiste à un environnement de concurrence monopolistique. Deuxième modèle : le cas de la concurrence monopolistique

On suppose désormais que nA et nB ne sont plus constants, ils deviennent endogènes. Toutes les autres hypothèses faites auparavant restent pour l’instant maintenues.

On peut montrer dans ce cas que le petit pays reste un importateur net du bien

manufacturé, car ses firmes sont désavantagées par leur accès inférieur au marché. Mais ce qui peut paraître étonnant est que ce déficit commercial dans le secteur du bien manufacturé est en fait plus grand quand les barrières commerciales deviennent faibles. La raison est la suivante : une réduction des barrières commerciales réduit l’incitation à l’autosuffisance plus vite qu’elle ne réduit l’incitation à la concentration de la production près du grand marché, ce qui cause un phénomène de délocalisation des firmes du petit marché A vers le grand marché B.

Formellement, le nombre de firmes d’équilibre, n*A et n*

B, est obtenu en ajoutant aux conditions d’équilibre précédentes la condition que les firmes de chaque pays ont un profit nul (c’est la condition d’arrêt des flux). En utilisant les équations (2) et (3), les conditions d’équilibre s’écrivent alors :

0))1(()(1

)(2

0))1(()(1

)(2

22

22

=−

+−−+

+−=

=−

+−−+

+−=

BABBAB

BBBB

ABAABA

AAAA

fsTcps

cp

fsTcps

cp

θθ

π

θθ

π

(5)

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Tant qu’il y a un nombre positif de firmes dans chaque pays, les prix et le nombre de firmes d’équilibre peuvent être exhibés de (4) et (5).

Notons qu’étant donné que cA = cB, le nombre de firmes, les prix comparatifs et la configuration du commerce ne dépendent que de la taille relative des pays. Notamment, puisque sA<sB, le pays A connaît un prix plus élevé du bien manufacturé et est un importateur net de ce bien.

Ce qui nous intéresse tout particulièrement d’étudier est comment évolue l’équilibre lorsque les barrières commerciales s’affaiblissent. L’effet d’une réduction de T peut être dérivé directement des équations (5) et (4) :

21

)(2)()1(

*

*

θ

θ

−−−

=−

−−+

=−

dTdp

dTdp

qqqqqqq

dTdp

AABA

BAABBBAA

BBBAABAA

(6)

Si T est positif, le dénominateur de la première équation de (6) est très probablement positif. Par contre, le numérateur est lui très probablement négatif, car qBA-qBB représente la différence entre les exportations et les ventes domestiques des firmes du pays B, qui est le

grand pays. Par conséquent, 0*

<− dTdp AA , i.e. une réduction de T baisse p*

AA. On peut par

conséquent en déduire que le prix du bien manufacturé importé par le pays A, p*BA, diminue

également avec une baisse de T, mais dans des proportions plus importantes que p*AA. Donc,

qu’il soit produit sur place ou importé, le prix du bien manufacturé pour le petit pays A diminue avec une baisse des barrières commerciales (capturée par T). Si de surcroît on suppose qu’il n’y a aucun coût d’ajustement, une réduction de T augmente le bien-être du petit pays A.

Malheureusement, des problèmes d’ajustement sont très probablement à craindre, car

la réduction des barrières commerciales est associée à une modification du nombre de firmes qui opèrent dans le pays A. Pour de suffisamment faibles (mais positives) barrières commerciales, le nombre de firmes dans le petit pays est nul. En effet, formellement, si on soustrait πB à πA, et qu’on réarrange les termes, on obtient la relation :

2))((

))((21

)(1)( 2 ABABBA

BABA

BAssnnss

tsscTnn −+−+

+−−=

+++

−θα

θθππ

Pour des valeurs assez petites de T , on voit que 2T est quasiment nul. Puisque (α-c)>0 et que nA et nB sont bornés, sA<sB implique que πA<πB. Or, ni πA ni πB ne peuvent être positifs à l’équilibre, donc π*

A<0, et par conséquent, aucune firme ne survit dans l’industrie du petit pays lorsque les barrières commerciales sont assez petites.

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Evidemment, pour des niveaux intermédiaires de barrières commerciales, une réduction des barrières commerciales mène à une diminution progressive du nombre de firmes dans le petit pays. Donc la production du bien manufacturé dans le petit pays chute avec les barrières commerciales, et les importations augmentent. Comme on pouvait l’imaginer à l’issue du premier modèle, dès lors que l’on raisonne en concurrence monopolistique, la production du bien différencié se concentre dans le pays à la taille de marché la plus importante lorsque l’intégration régionale a lieu.

Nous avons donc vu qu’une réduction des barrières commerciales change la localisation de la production du bien manufacturé vers le pays qui a un marché plus vaste. Toutefois, ce modèle, en l’état, laisse transparaître une idée trompeuse : il laisse croire que les barrières commerciales (matérialisées par le coût de transport T) sont un élément plus important de l’analyse quand elles sont faibles. Cette impression est liée en fait à la fixité supposée des coûts même pendant la diminution des barrières commerciales. Pourtant, il est légitime d’imaginer que les coûts aussi sont affectés par une baisse des barrières commerciales, et qu’ils jouent en la défaveur de la concentration de la production. Troisième modèle : introduction de coûts variables

Jusqu’à présent, nous avons supposé que le prix du bien homogène était le même dans les deux pays quel que soit le niveau des coûts de transaction. Cependant, cette hypothèse n’est valable que si les coûts commerciaux associés à l’échange de ce bien sont négligeables, ou si le prix de ce bien est établi sur le marché d’une zone intégrée. Mais si les coûts commerciaux affectent d’une manière non négligeable le secteur du bien homogène, et si on suppose que ces coûts commerciaux sont réduits par la libéralisation des échanges associée à l’intégration, cela change tout. En effet, si on suppose que le petit pays est l’exportateur du bien agricole (ce qui est le meilleur des cas), et qu’a fortiori le grand pays est importateur de ce bien, l’existence d’un coût commercial positif fait que le prix du bien agricole est plus élevé dans le grand pays que dans le petit pays. Cela se traduit par des salaires offerts plus élevés dans le grand pays que dans le petit pays. Mais lorsque l’on atteint le libre-échange, i.e. lorsque les barrières commerciales sont nulles, les différences de salaires et de coûts entre les pays disparaissent et la production de bien différencié du pays A devient nulle, car toutes les entreprises se délocalisent vers le grand marché.

Imaginons à présent un choc positif d’offre de facteurs de production du bien différencié. Cela modifie la taille du secteur manufacturier, implique un changement du prix des facteurs, et compense les effets de concentration de la production. Formalisons ce phénomène.

Par souci de simplicité, supposons que le seul facteur de production du secteur différencié est le travail.

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Le coût fixe pour le pays a s’écrit :

aa wff ⋅= (7) avec f le travail employé dans les coûts fixes ;

Le coût marginal pour le pays a s’écrit :

aa wcc ⋅= (8)

Soit ya le bien agricole produit dans le pays a. La production du bien agricole nécessite du travail, mais aussi un facteur de production ka, spécifique à ce secteur, dont le prix est ra. Notons b(wa,ra) la fonction de coût de production unitaire du bien homogène. L’égalité du prix du bien homogène (normalisé à l’unité) au coût de production unitaire donne la condition d’équilibre suivante :

1),( =aa rwb (9)

Chaque pays a une dotation en travail notée la, et on suppose que B

B

A

Akl

kl

= , i.e. le ratio

des dotations factorielles est le même dans les deux pays (toujours dans le but d’éviter tout avantage comparatif, au sens traditionnel).

Les contraintes de saturation du marché des facteurs de production s’écrivent :

( )[ ]

a

aaaa

aaaaaa

aaaa

rrwb

yk

fcqqnw

rwbyl

),(

),(,

∂=

+⋅++∂

∂= −

(10)

L’équilibre est maintenant caractérisé par les équations (4), (5), (7), (8), (9), et (10). Si la fonction de coût b(.) est indépendante de ra, alors les résultats du modèle sont identiques aux résultats exhibés précédemment. Notamment la fonction de production du bien homogène est à rendements constants par rapport eu facteur travail, et le rendement marginal du travail

et le taux de salaire sont constants. En revanche, si 0(.) >∂∂

awb , alors la fonction de production

est à rendements décroissants du travail, et le taux de salaire est d’autant plus faible que l’emploi dans ce secteur est élevé.

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Dans un tel cadre, lorsque l’on part de barrières commerciales très élevées et qu’on les diminue, cela baisse la production dans le petit pays. En revanche, si l’on part d’une configuration de barrières au commerce faibles et qu’on les diminue, cela augmente la production dans le petit pays. La raison est la suivante. Quand les barrières au commerce sont initialement élevées, le petit pays se retrouve avec un taux de salaire plus bas que le grand pays dès que le coût de transport diminue. En effet, initialement, puisqu’il un importateur net du bien manufacturé, le petit pays a proportionnellement moins d’emploi dans le secteur du bien manufacturé que le grand pays dans sa force de travail totale ; et donc une production marginale du travail plus faible que le grand pays dans le secteur à rendements constants. Puis, lorsque les barrières commerciales se réduisent, deux effets opposés opèrent. D’un côté, l’incitation à produire dans le petit pays pour le marché intérieur est réduite. D’un autre côté, cependant, il y a une plus forte incitation à l’exportation du pays à faible salaire vers le pays à haut salaire. A la limite, sans barrières commerciales, le dernier effet domine : il est désirable de produire là où le salaire est le plus faible. Donc, plus on approche cette limite, plus la production bouge vers le petit pays. Inversement, quand le coût de transport est élevé, cet effet est faible, et la concentration de la production se fait dans le grand pays.

On voit donc, dès lors qu’on endogénéise les coûts de production, qu’il n’est pas vrai que les barrières commerciales ont des implications plus fortes sur la localisation lorsqu’elles sont faibles. Ce qui émerge au contraire est une tendance à la concentration de la production dans le centre et des différences de salaires relatifs entre le centre et la périphérie d’autant plus fortes que les barrières commerciales sont modérées (c’est-à-dire ni trop faibles, ni trop fortes).

Cependant, jusqu’à présent, on a fait comme si la différence entre les deux pays n’était

qu’une question de taille de marché. Faisons dorénavant l’hypothèse que les dotations relatives des deux pays ne sont plus égales, ce qui rend le modèle des plus réalistes, et permet l’introduction d’un différentiel de dotation en facteurs. Toutefois, la façon dont est introduite cette abondance factorielle n’est pas laissée au hasard ; l’idée sous-jacente est de vérifier si la concentration de la production du bien différencié se fait toujours dans le pays à la taille de marché la plus importante, même lorsque le petit pays à un avantage comparatif dans la production de ce bien.

Quatrième modèle : abondance factorielle et avantage comparatif

On autorise maintenant un différentiel de dotations de facteurs dans notre modèle. On suppose que le petit pays a un avantage comparatif dans la production du bien manufacturé. Spécifiquement, on suppose que le petit pays est abondant en travail et que la production du bien manufacturé est abondante en travail. Que va-t-il se passer pour le petit pays en ce qui concerne les salaires et la production du bien manufacturé pendant le processus de libéralisation du commerce ?

On suppose désormais que les deux industries utilisent du travail et du capital. On suppose également que le capital a la propriété d’être sectoriellement mobile. Le secteur du bien homogène est tel qu’on l’a décrit dans le troisième modèle, et le secteur manufacturier est tel que son coût fixe s’écrit :

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),( aaa rwcff ⋅= (11) et son coût marginal :

),( aaa rwcc = (12)

Dans cette formulation on fait l’hypothèse que les coûts fixe et marginal ont le même ratio capital-travail.

Les contraintes de saturation du marché s’écrivent :

[ ]

[ ]a

aaaaaaa

a

aaaa

a

aaaaaaa

a

aaaa

rrwc

fqqnr

rwbyk

wrwc

fqqnw

rwbyl

∂∂

+++∂

∂=

∂∂

+++∂

∂=

),()(

),(

),()(

),(

,

,

(13)

L’équilibre est dorénavant caractérisé par les équations (4), (5), (9), (11), (12), et (13).

Le principal résultat est que même avec son avantage comparatif dans la production du bien manufacturé, le petit pays connaît une baisse de sa production dans les premières étapes de la libéralisation ; ce qui est en complète opposition avec les modèles de dotations factorielles.

En ce qui concerne les salaires, en autarcie, le petit pays, abondant en travail, offre un salaire plus faible, et en libre commerce on aboutit à une égalisation du prix des facteurs.

Enfin, on peut lever l’hypothèse d’immobilité internationale des facteurs de production.

Supposons par exemple la mobilité parfaite du capital d’un pays à l’autre. Cela signifie que rA = rB. Si l’équation (9) est vérifiée, i.e. s’il y a un commerce libre du bien homogène (intensif en travail), alors wA = wB. On voit ici que la mobilité internationale d’un des facteurs de production ainsi que le libre commerce d’un des biens sont deux conditions conjointement suffisantes pour assurer l’égalisation du prix des facteurs même lorsqu’il existe des barrières commerciales.

On aboutit au même type de résultat lorsque c’est le travail qui est internationalement mobile. Cependant, dans ce cas, il ne faut oublier que la force de travail qui migre transfère la demande d’un pays à l’autre (car les travailleurs sont aussi les consommateurs !). La mobilité internationale du travail renforce donc les tendances centripètes associées à l’intégration régionale à la fois en réduisant l’amplitude des différentiels de salaire, et en accentuant la différence de taille du marché central et du marché périphérique.

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On peut récapituler les résultats associés aux quatre modélisations. Dans une configuration oligopolistique de la production du bien différencié, l’intégration régionale mène à une concentration de la production dans le petit pays. Puis, lorsqu’on étend l’analyse à une configuration de concurrence monopolistique de la production du bien différencié, on s’aperçoit que la concentration de la production accompagne effectivement l’intégration régionale, mais en fait dans le grand pays. Cependant, une troisième modélisation qui rend toute leur variabilité aux coûts de production nous permet de nuancer notre résultat : la concentration de la production dans le centre de la zone intégrée n’a lieu que pour des barrières commerciales modérées, i.e. ni trop élevées, ni trop faibles. Ce qui laisse entrevoir l’existence de fortes non-linéarités de la localisation de l’activité industrielle au cours du processus d’intégration régionale ; une intégration régionale poussée est peut-être à même de contrecarrer ce processus d’agglomération des firmes d’un même secteur dans une région de la zone intégrée. Enfin le quatrième modèle, qui autorise un différentiel de dotations en facteurs à l’avantage du petit pays, aboutit au même résultat de concentration de la production du bien industriel dans le grand pays ; ce qui est en complète contradiction avec les modèles de dotations factorielles présentés dans le Chapitre 1 de la Partie I.

Cependant, en l’état, le modèle de Krugman & Venables (1990) souffre d’insuffisances qui lui font perdre de sa crédibilité, comme nous allons le voir dans la section qui suit.

1.3. Limites du modèle

L’analyse qui vient d’être menée est représentative de ce qui peut arriver lorsqu’un petit pays s’engage dans des réductions bilatérales et égales des barrières commerciales avec un grand pays. L’intégration régionale de pays de différentes tailles semble avoir les conséquences suivantes : i. un gain important en bien-être28 ; ii. une réduction du nombre de firmes localisées dans le petit pays, et a fortiori une

délocalisation de la production vers le grand pays au fur et à mesure que les barrières commerciales s’atténuent, indépendamment de toute intensité factorielle ; ce qui contredit de plein fouet les modèles de dotations factorielles. Cette délocalisation de la production est accompagnée d’une baisse des salaires dans le petit pays. Cependant, cette tendance à la concentration de la production dans le centre est finalement compensée par un salaire plus faible offert par la périphérie. Ainsi, le phénomène de concentration est contré lorsque les barrières commerciales deviennent très faibles, i.e. lorsque le processus d’intégration régionale est bien entamé.

Cependant, ce modèle n’est pas à même de nous informer précisément sur les problèmes d’ajustement liés à la dynamique du processus d’intégration. Si on connaît la configuration de début et de fin du processus, la dynamique reste relativement floue. En outre, nous avons constaté dans le Chapitre 2 de la Partie I que la prise en compte des biens intermédiaires est vitale pour considérer la stratégie de localisation des firmes dans un

28 Ce résultat sur le bien-être est à nuancer. Pour cela, voir Krugman & Venables (1995), dont une présentation rapide du modèle est donnée dans l’Annexe 4.

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processus d’intégration économique. Il est donc nécessaire d’améliorer ce modèle en caractérisant explicitement la dynamique et en introduisant des biens intermédiaires dans l’analyse. C’est ce que nous proposons d’étudier via la présentation d’un modèle ultérieur que les deux mêmes auteurs ont construit à ce dessein.

2. La dynamique d’ajustement : le modèle de Krugman & Venables (1996)

2.1. Présentation générale

Cet autre modèle de géographie économique proposé par Krugman & Venables (1996) a, comme le précédent, pour but d’étudier l’impact du niveau des coûts de transport sur la localisation des firmes. Il permet donc lui aussi de tirer des conclusions à propos des effets de l’intégration régionale, via l’abaissement des coûts de transport, sur la localisation des firmes et par conséquent la spécialisation des pays intégrés, mais son avantage par rapport au modèle précédent est qu’il analyse spécifiquement la dynamique d’ajustement.

La structure du modèle est la même que précédemment. La seule nouveauté par rapport au modèle précédent est l’introduction de biens intermédiaires dans l’analyse. En effet, les biens produits sont soit des biens finals soit des biens intermédiaires. La production de biens intermédiaires entraîne une dépendance entre les deux industries, ce qui encourage d’emblée les effets d’agglomération. Lorsque les barrières commerciales sont fortes, chaque firme opère dans les deux pays afin de satisfaire la demande des consommateurs des deux pays. En revanche, lorsque les barrières commerciales sont faibles, l’effet d’agglomération l’emporte et chaque industrie se concentre dans un seul pays, entraînant une spécialisation inter-régionale.

Le résultat important de ce modèle, comme pour le précédent, est donc que

l’intégration régionale entraîne l’agglomération des entreprises d’un même secteur et donc la concentration de la production. Plus l’intégration est poussée, i.e. plus la réduction des coûts de commerce entre les pays est importante, plus les effets d’agglomération sont prononcés. Résumons le mécanisme mis en œuvre dans ce modèle.

Initialement, les coûts de transport entre les pays sont très élevés ; puis on suppose qu’ils s’abaissent. Dans ce cas, un pays avec une position initiale très favorable dans une industrie se retrouve avec un avantage qui s’accumule dans le temps. Les producteurs de biens finals trouvent que le pays avec la plus grande industrie supporte une base plus large de producteurs de biens intermédiaires, ce qui leur donne des coûts d’exportation vers les autres marchés moins élevés. Les producteurs de biens intermédiaires trouvent qu’il est à leur avantage de concentrer leur production près de la plus grande industrie de bien final. Ainsi, chaque industrie tend à se concentrer dans un des pays. Le résultat, comme précédemment, est qu’une plus grande intégration mène à une concentration de la production dans un des pays.

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Cependant, même si l’intégration régionale génère pour les entreprises des gains de long terme, durant le processus d’ajustement, une partie des travailleurs souffre de salaires réels faibles que la délocalisation des firmes entraîne.

2.2. Le modèle Hypothèses générales Soit une économie dotée de : • deux pays A et B ; • les deux pays sont symétriques, i.e. ils ont les mêmes dotations factorielles, accès à la

même technologie, et les mêmes préférences ; • chaque pays contient deux industries de biens différenciés Q1 et Q2 qui produisent à la fois

des biens finals et des biens intermédiaires ; • une structure du marché imparfaitement concurrentielle, i.e. chaque bien produit, qu’il soit

final ou intermédiaire, est sujet à des rendements croissants, et il existe des coûts de transport ;

• chaque pays possède une unité de travail ; • le travail peut être employé dans les deux industries mais ne peut pas bouger

instantanément d’une industrie à l’autre, mais seulement graduellement vers l’industrie qui offre le salaire le plus élevé, et est immobile internationalement ; les salaires entre les industries peuvent donc être différents ;

• il peut y avoir du commerce intra-industriel de biens différenciés, mais il n’y a pas de processus de spécialisation inter-industrielle.

Hypothèses sur le consommateur • chaque consommateur de chaque pays divise sa dépense également entre les deux

industries symétriques. Hypothèses sur les firmes • chacune des deux industries produit des biens différenciés ; • on définit l’indice de prix Pk sur les prix des variétés individuelles offertes comme :

1 , , ,)( ,,21

11

,,1 >=

+= −− −−−

−−− aaaa TdTd

akakkakak eQQkepnpnP σσ (14)

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où : - nka et nk,-a sont respectivement le nombre de variétés de l’industrie du bien k

produit dans la pays domestique et dans le pays étranger ; - pka et pk,-a sont les prix chargés pour chaque variété ; - aaTde −− , est le coût de transaction entre les deux pays ; - T est le coût de transport ; - da,-a est la distance entre les deux pays.

La production dans chaque industrie utilise un input composite qui coûte Ck par unité. Les coûts totaux d’une firme dans l’industrie k sont Ck[α+βxk] où α est un input autonome (i.e. un input fixe à l’existence même de la production), et β est un input par unité d’output produite par chaque firme, xk.

Chaque industrie est en situation de concurrence monopolistique, et chaque firme fait face à une élasticité de la demande constante σ, et donc établit le prix :

1−=

σβσk

kC

p (15)

Condition d’équilibre

La condition de profit nul établit une taille de firme qui est indépendante de Ck :

βασ )1( −=x (16)

L’input composite utilisé dans chaque industrie est une fonction Cobb-Douglas du travail et des biens intermédiaires produits dans les deux industries, et son coût unitaire, Ck, est donné par :

υµυµkkkk PPwC −

−−= 1 (17) où :

- wk est le taux de salaire du secteur k ; - µ et υ décrivent la technologie de l’économie. µ est la part des coûts dépensée dans

les biens intermédiaires produits dans la même industrie, et ces biens intermédiaires sont des biens différenciés, avec l’indice de prix Pk ; υ est la part des coûts dépensés dans les biens intermédiaires produits dans l’autre industrie, avec l’indice de prix P-k.

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Les deux industries sont symétriques, dans le sens où les paramètres α, β, µ, υ, et σ sont les mêmes dans les deux industries.

Une fraction 1-µ-υ des coûts et (par hypothèse) du revenu va au travail, donc les niveaux d’emploi et le nombre de firmes dans chaque industrie sont liés par l’équation :

xpnLw kkkk )1( υµ −−= (18)

Le revenu est simplement la somme des salaires gagnés dans chaque secteur :

)1( 1211 QQQQ LwLwY −+= (19)

Ce qui importe pour la localisation de l’industrie n’est cependant pas le revenu agrégé mais la dépense du pays affectée à la consommation de la production de cette industrie ; c’est la dépense des consommateurs (par hypothèse la moitié du revenu) plus la demande des entreprises des deux industries pour les biens intermédiaires. Puisque les parts µ et υ de la valeur des ventes des industries sont dépensées dans les biens intermédiaires, on peut écrire la dépense du pays a dans l’industrie k comme :

[ ])1(

)1(2 υµ

υµ−−

−++= − kkkk

kLwLwYE (20)

On peut montrer que les ventes des firmes de l’industrie k localisées dans le pays a sont :

+=

−−

−−−

1,

,1

,

σσσ

aaTdak

akkakkake

PEPEpx (21)

Les firmes font un profit nul si xk atteint le niveau de x de l’équation (16). A court terme, les niveaux d’emploi dans chaque industrie dans chaque pays sont fixés.

Les équations (14) à (21) ainsi que leurs équations homologues concernant le pays –a, caractérisent l’équilibre de long terme, et notamment les taux de salaires dans les deux industries dans les deux pays.

A l’équilibre de long terme, les salaires sont égaux dans les deux industries dans chacun des deux pays.

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Comportement dynamique

On étudie le comportement dynamique du modèle sous l’hypothèse que µ>υ, i.e. la part des coûts dépensée dans les biens intermédiaires produits dans la même industrie est supérieure à la part des coûts dépensés dans les biens intermédiaires produits dans l’autre industrie.

La Figure 1 décrit le diagramme des phases et l’équilibre de long terme dans le cas de

coûts de transaction élevés. Plus on se situe dans le Nord-Est de la boîte, plus l’emploi dans l’industrie Q1 est

important. S est un équilibre de long terme, auquel les entreprises des deux industries se divisent

équitablement entre les pays. Pour connaître la dynamique, il suffit de se souvenir que sous la courbe 01 =aQL& ,

21 aQaQ ww > , et qu’on tient le même raisonnement pour le pays –a ; on obtient ainsi le sens des flèches.

On peut voir cet équilibre S comme l’illustration de la situation européenne pour laquelle l’agglomération n’a pas lieu (cf. Tableau 1).

Figure 1 : Haut coût de transaction

La Figure 2 décrit le diagramme des phases et l’équilibre de long terme dans le cas de coûts de transaction faibles.

1Q

1aQL−

2aQL

2aQL−

1aQL

2Q

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On voit d’emblée que le système est instable. Mise à part l’existence d’une trajectoire-selle qui mène à long terme à l’équilibre S symétrique, le système mène à une spécialisation complète caractérisée par deux équilibres localement stables qui sont A1 et A2.

On peut voir cette configuration comme une allégorie du cas américain où des industries fortement localisées fournissent le marché américain dans sa globalité (cf. Tableau 6).

Enfin, la Figure 3 décrit le diagramme des phases et l’équilibre de long terme dans le cas de coûts de transaction intermédiaires.

Il y a désormais non plus deux mais trois équilibres localement stables. Si l’économie commence avec une répartition relativement égalitaire des industries entre les deux pays, le système converge vers une configuration plutôt européenne, i.e. l’équilibre S. En revanche, si l’économie démarre avec une répartition très asymétrique des entreprises entre les deux pays, la concentration se retrouvent dynamiquement renforcée, pour aboutir à une complète spécialisation (A1 ou A2).

Figure 2 : Faibles coûts de transaction

1

2aQL

1aQL−

2A

2aQL−

1aQL1A1Q

2Q

1

S

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Figure 3 : Niveau intermédiaire de coûts de transaction Nous voyons donc que le comportement qualitatif de localisation des firmes dépend ici

du niveau des coûts de transaction. Pour un niveau élevé de ces coûts, il n’y a jamais agglomération. Il existe en outre des valeurs des coûts de transaction pour lesquelles l’agglomération pourrait survenir mais ne réalise finalement pas. Enfin, pour des coûts de transaction suffisamment bas, l’agglomération est un équilibre stable de long terme.

Il y a donc deux valeurs critiques des coûts de transaction ; mais remarquons que dans notre modèle il n’y a que deux pays, donc da,-a est une constante. Par conséquent, le seul élément qui peut faire varier le coût de transaction est le coût de transport. Ce sont donc les valeurs critiques T et T qui définissent les deux valeurs critiques de aaTde −− , . Nous ne les caractériserons pas analytiquement car cela n’est pas d’utilité dans la problématique qui nous occupe, mais nous nous doutons qu’elles seront toutes deux fonctions de µ-υ. Et la condition µ-υ>0 est cruciale pour que 1,, >> −− −− aaaa dTdT ee . 2.3. Prévisions du modèle

Que peut-on prévoir avec ce modèle sur les effets par exemple de l’intégration européenne ? Trois possibilités, correspondant aux trois configurations d’équilibres possibles, sont concurrentes :

1aQL−

2aQL

2aQL−

1aQL

1

11Q

2Q

1A

2A

S

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i. on peut supposer que les coûts de transaction restent élevés et que le processus d’agglomération n’opère pas. Les différences culturelles et linguistiques peuvent être une explication de la segmentation du marché ;

ii. on peut supposer que l’intégration poussée que connaît l’Europe ne suffit pas à

déstabiliser la répartition actuelle de la production. Ce cas correspond à des valeurs intermédiaires des coûts de transaction, pour lesquelles les marchés sont suffisamment intégrés pour que l’agglomération soit possible mais pas assez pour qu’elle soit effective ;

iii. enfin, on peut supposer que le processus d’agglomération opère. Toutefois, on peut

penser que ce processus est accompagné de sérieux problèmes d’ajustement. En effet, durant le processus, puisque les industries bougent d’un pays à l’autre, les travailleurs des industries qui bougent sont touchés de plein fouet par l’intégration et la spécialisation qu’elle entraîne, car eux sont, dans ce modèle, immobiles internationalement. Leur salaire réel diminue donc, et on peut même imaginer dans un modèle plus réaliste que du chômage apparaisse lors du processus d’intégration.

3. Conclusion Ces deux modèles que nous venons de présenter traitent de l’impact de l’intégration sur

la localisation de la production, et a fortiori la spécialisation des firmes dans l’espace intégré, dans une approche ‘centre-périphérie’. Leur conclusion, pour nuancée qu’elle soit, est somme toute pessimiste quant aux conséquences de l’intégration régionale sur la localisation de la production. Grande est la probabilité pour qu’une intégration poussée entre pays hétérogènes quant à leur taille de marché entraîne des effets d’agglomération de l’activité industrielle dans les pays les plus grands de la zone intégrée.

Cependant, cette conclusion n’est pas satisfaisante. En effet, ces modèles, comme d’autres que nous avons décidé de ne pas présenter ici mais qui aboutissent à des résultats similaires avec une structure identique29, s’ils soulignent les effets ambigus de l’intégration régionale sur la compétitivité relative des régions du centre et de la périphérie de la zone intégrée, souffrent de plusieurs défauts et/ou insuffisances, qui sont au moins au nombre de quatre : i. on suppose que les pays ont la même technologie de production. Or, rien n’assure que

le progrès technologique se diffuse instantanément dans la zone intégrée. Le développement industriel est présenté dans ces modèles avec une diffusion graduelle mais instantanée dans les pays intégrés, alors qu’empiriquement l’industrialisation se fait souvent par vagues d’industrialisation rapide dans laquelle l’industrie se répand de pays à pays. Cette modélisation exclut donc de l’analyse l’intégration entre pays développés et pays émergents (ou plus généralement entre pays au développement technologique différent). De toutes façons, l’innovation technologique est l’apanage

29 Voir, entre autres, Helpman & Krugman (1985), Krugman (1991), et Krugman & Venables (1995).

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des firmes, et non des pays. Pourtant, ces modèles ignorent la notion de brevet dans leur analyse, qui découle de l’effort en R&D fait par les firmes.

ii. la nouvelle théorie du commerce, tout comme la traditionnelle, explique les

différences dans les structures de production à travers des différences dans les caractéristiques des pays. Notamment, la géographie économique suppose que les pays diffèrent selon la taille de leur marché. Mais elle n’explique pas pourquoi cela est ainsi, et elle exclut également de l’analyse, en posant cette hypothèse, la possibilité que des pays aux marchés a priori similaires puissent malgré tout développer des structures de marché très différentes lors d’une intégration économique30 ;

iii. la dynamique utilisée dans ces modèles n’est pas satisfaisante. C’est dans un cadre

intertemporel qu’il faudrait d’emblée se situer. En effet, lorsque la dynamique s’enclenche (en t), et que l’agglomération commence, elle modifie les prix et les salaires des biens non échangeables (en t+dt), notamment ceux qui sont à rendements constants. Cela modifie la dynamique initiale, et ce à chaque instant ! On peut même tout simplement imaginer un lien intertemporel entre les biens intermédiaires (produits en t) et les biens finals (produits en t+1 à l’aide des biens intermédiaires produits en t).

iv. une dimension est importante qu’ils oublient de prendre en compte, et qui s’avère cruciale lorsqu’on s’intéresse spécifiquement à la dynamique de l’intégration régionale et plus précisément à ses stades intermédiaires : la dimension monétaire. On a jusqu’à présent raisonné en termes réels, occultant l’aspect monétaire de l’intégration qui est pourtant (on s’en doute) source de modification des résultats que l’on a exhibés ;

Ces quatre éléments, même considérés indépendamment, sont susceptibles de modifier les conclusions de concentration de l’activité industrielle lors d’un processus d’intégration régionale. C’est à l’incorporation dans l’analyse de ces éléments qu’est consacré le chapitre suivant.

30 A ce propos, Davis & Weinstein (1996) n’ont trouvé aucune évidence empirique à l’incidence de la taille du pays sur l’accès au marché des pays de l’OCDE pour les pays de l’OCDE.

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Chapitre 2 Vers la nouvelle géographie économique

Introduction Comme nous l’avons constaté dans le chapitre précédent, quatre corrections sont à

apporter à la modélisation traditionnelle adoptée par les modèles de géographie économique, qui sont susceptibles de modifier leurs résultats quant à l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de la production industrielle. Ces quatre corrections sont : l’introduction de différences technologiques entre les pays, donner des fondements micro-économiques à la différence de taille entre les pays, raisonner dans un cadre intertemporel pour obtenir de la vraie dynamique, enfin introduire une dimension monétaire dans la modélisation afin de tenir compte des différents stades d’intégration. Ce chapitre est dédié à quelques tentatives qui ont été faites pour pallier à ces insuffisances.

Dans une première section, nous présentons un modèle de Ricci (1996a) qui permet de

réfléchir sur l’importance de la dimension monétaire dans la notion d’intégration régionale. Nous verrons à cet égard que la concentration de l’activité industrielle est affectée différemment suivant le stade d’intégration auquel on s’intéresse, via l’impact de celui-ci sur le taux de change. Le résultat essentiel est qu’une intégration régionale poussée à son stade ultime contrecarre l’effet de concentration de l’activité industrielle qu’induit le processus d’intégration régionale, entraînant une dispersion de celle-ci.

Nous présentons dans une deuxième section le modèle de Ricci (1996b) qui introduit des

différences technologiques entre les pays d’une zone intégrée. Ce modèle permet d’isoler d’une manière relativement simple l’influence d’une différence des technologies de production des pays membres d’un bloc intégré sur la localisation de l’activité industrielle au sein de celui-ci. Le résultat est que la concentration de la production se fait dans le pays qui détient l’avantage comparatif et augmente avec l’étendue de l’avantage comparatif, et diminue avec l’augmentation des coûts de transport. Cependant, dans une telle modélisation, les différences technologiques sont supposées, elles n’apparaissent pas de manière endogène.

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C’est pourquoi dans une troisième et dernière section, nous présentons le modèle de Walz (1996) qui incorpore dans sa structure un cadre d’analyse intertemporel qui permet l’endogénéisation des différences technologiques, via l’introduction d’un marché monétaire qui permet aux firmes de financer un effort en R&D, source de l’innovation. ce cadre intertemporel permet en outre d’endogénéiser la taille des pays, dont la différence était jusqu’alors supposée. Le résultat de ce modèle n’est plus forcément une configuration ‘centre-périphérie’ du monde, et par conséquent la prédétermination à une spécialisation complète des pays est moins forte.

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1. L’effet de l’intégration régionale sur la spécialisation des pays à travers l’évolution du régime de taux de change : le modèle de Ricci (1996a)

1.1. Idée du modèle

Le régime de taux de change se modifie avec le degré d’intégration régionale. D’un régime de taux de change flexible, l’intégration régionale aboutit, à son stade ultime, à la mise en place d’un régime de taux de change que l’on pourrait qualifier de fixe31. Il est donc intéressant d’étudier l’effet du régime de taux de change (fixe versus flexible) sur le choix de localisation des firmes et le degré de spécialisation des pays qui en découle, rendant compte de l’impact différent que peut avoir l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle suivant le degré d’intégration régionale que les pays de la zone intégrée ont atteint. C’est l’étude que propose Ricci (1996a). Pour cela, il se situe dans le cadre d’un modèle monétaire à deux pays et deux biens, tous deux différenciés, qui subit des chocs de demande, d’offre (i.e. de productivité), et des chocs monétaires. Ces chocs interviennent après la détermination des salaires et des prix optimaux.

Le taux de change joue dans ce modèle un rôle d’ajustement pour les firmes localisées dans le pays relativement spécialisées dans le bien qu’elles produisent, mais celui-ci constitue un élément de perturbation pour les autres firmes qui peuvent décider de se délocaliser. Etant donné que les firmes choisissent ex ante la localisation qui offre les profits espérés les plus élevés pour leur industrie, ce modèle exhibe in fine une tendance plus prononcée à la spécialisation sous un régime de taux de change flexible que sous un régime de taux de change fixe. En effet, sous un régime de taux de change fixe, un choc affecte de la même façon toutes les firmes d’une même industrie et ce quelle que soit leur localisation. L’adoption d’un régime de taux de change fixe implique donc une dispersion sectorielle de la production et réduit par conséquent le degré d’asymétrie des chocs entre les pays. A contrario, sous un régime de taux de change flexible, les firmes localisées dans un pays relativement spécialisé dans le bien qu’elles produisent, i.e. les firmes exportatrices nettes de ce bien, ont une variabilité de leurs ventes moins importante que leurs concurrentes d’autres industries situées dans le même pays. Sachant cela, les firmes sont tentées de localiser leur production dans le pays relativement spécialisé dans le bien qu’elles produisent.

31 Nous nous éloignons ici de la conception traditionnelle du taux de change fixe, qui se différencie d’un taux de change flexible (et de la dévaluation continue qui le caractérise) par un ajustement brutal mais fréquent. Ici, nous entendons la fixité du taux de change comme une immutabilité ad vitam eternam du taux de change.

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1.2. Le modèle

Hypothèses générales Soit une économie constituée de : • deux pays A et B ; • chaque pays a L habitants ; • deux biens différenciés : Q1 et Q2 ; • trois marchés : le marché des biens, le marché du travail, le marché de la monnaie32 ; • chacun des deux biens est produit en n variétés différentes (indicées par i pour Q1 et par j

pour Q2) à travers l’économie dans son ensemble, chaque variété étant produite par une et une seule firme33 ;

• un unique facteur de production homogène, immobile internationalement34 : le travail ; • les deux pays ont une structure de production dite d’« image-miroir », i.e. une part η des n

firmes de l’industrie Q1 sont localisées dans le pays A, et la même part η des firmes de l’industrie Q2 sont localisées dans le pays B. Cette structure particulière est choisie car elle possède des caractéristiques primordiales pour le sujet qui nous occupe, à savoir :

Si η= ½, les deux pays ont une structure de production identique ; Si η=0 ou η=1, cela implique une spécialisation complète de chacun des deux pays35 ;

On fait l’hypothèse qu’initialement ½<η<1, c’est-à-dire que le pays A (respectivement. B) est spécialisé (en termes relatifs) dans la production du bien Q1 (respectivement. Q2) ;

• on définit ici un secteur comme la part d’une industrie localisée dans un pays. Il y a par

conséquent quatre secteurs : Q1A, Q1B, Q2A, et Q2B ; • L’incertitude provient de chocs de demande, de productivité et de chocs monétaires. Hypothèses sur le consommateur • Tous les individus de l’économie ont la même fonction d’utilité homothétique. Un

consommateur représentatif du pays a choisit sa détention de monnaie optimale (ma) et sa consommation en variétés des biens Q1 et Q2 (cia et cja respectivement) de telle sorte qu’il maximise la fonction d’utilité espérée de type Cobb-Douglas :

32 Mais il n’y a pas de marché des actifs. 33 Il y a donc 2n firmes au total dans l’économie. 34 Cette hypothèse d’immobilité internationale n’est pas nécessaire. Son unique avantage est de simplifier l’exposé. 35 Si η=0, le pays A se spécialise complètement dans la production de Q2 et le pays B dans la production de Q1, et si η=1, le pays A se spécialise complètement dans la production du bien Q1 et le pays B dans la production du bien Q2.

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( ) 10 1,0 ,1

121,,

<<<<

=

−− λγ

λλγγ

a

aaaa

ccm Pm

CCUMaxjaiaa

avec :

1 , et 1

1

1

2

1

1

1

1 >

=

=−

=

−−

=

σσσ

σσσ

σ

σσ n

jjaa

n

iiaa cCcC (fonctions de type C.E.S) ;

Pa le vrai indice de prix dans le pays a ; σ l’élasticité de substitution entre les variétés d’un même bien ; γ la variable aléatoire dont la valeur initiale est ½ et dont le taux de déviation

(γγµ d

D = ) est borné sur un intervalle ouvert, avec une moyenne nulle et de variance

u²D. • La richesse nominale d’un individu représentatif du pays a (notée qa) est la somme de son

revenu (ya) et de sa dotation en monnaie domestique (ma). Sa dotation en monnaie est une fraction 1/L du stock domestique de monnaie, stock qui peut varier sous un régime de taux de change fixe à cause de l’intervention monétaire. En outre, chaque individu offre du travail aux firmes domestiques au salaire donné et reçoit la totalité du profit des firmes ; son revenu est donc une part 1/L des profits des firmes domestiques ;

La contrainte budgétaire du consommateur s’écrit alors :

= =

+≡=++n

iaaaa

n

jjajaiaia ymqmcpcp

1 1

où :

pia et pja sont respectivement les prix d’une variété i du bien Q1 et d’une variété j du bien Q2, mesurés dans la monnaie du pays a du consommateur.

Hypothèses sur les firmes • Afin d’introduire des rigidités de prix, on suppose que les firmes se font concurrence à la

Bertrand avant le choc et, en prenant comme donnés les prix choisis, choisissent l’emploi optimal après la réalisation des chocs ;

• Les fonctions de production sont identiques pour toutes les firmes et exhibent des rendements décroissants par rapport au travail. La production d’une firme quelconque produisant une variété d’un bien c (c=Q1,Q2) dans le pays a est donné par :

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74

αcacca lDx =

où : Dc est le niveau de productivité de l’industrie c ;36

lca est l’emploi de la firme ; α est une mesure des rendements d’échelle. Des rendements décroissants sont assurés pour 0<α<1. On suppose, toujours dans un souci de simplification mathématique substantielle sans perte économique, que α = ½.

Hypothèses sur les autorités monétaires • Les autorités monétaires ne sont pas autorisées à appliquer des politiques discrétionnaires.

Néanmoins, sous un régime de taux de change fixe, elles peuvent ajuster l’offre de monnaie (Ma) afin d’équilibrer la marché de la monnaie et d’éliminer toute pression sur le taux de change :

BAaM

dMFIXa

a

a , , =∀=υ

En revanche, sous un régime de taux de change flexible, les autorités monétaires s’abstiennent d’une quelconque intervention et laissent les taux de change ajuster le marché de la monnaie.

La résolution du modèle se déroule comme suit. Avant le choc, les travailleurs de chaque pays établissent les salaires domestiques (wa, a = A,B) et offrent autant de travail que ce qui est demandé par les firmes à ce niveau de salaire37. On fait l’hypothèse (par souci de simplicité du modèle) que le salaire choisi assure le plein emploi en l’absence de chocs. Au plein emploi, chaque travailleur offre plus ou moins d’une unité de travail (i.e. l’offre de travail est élastique), suivant la demande de la firme domestique. Puis la firme observe le salaire choisi par les travailleurs et détermine les prix optimaux, établis comme un mark-up sur les coûts marginaux espérés. Après le choc, un nouvel équilibre sur les marchés des biens et de la monnaie est atteint : en prenant pour donnés les salaires et les prix, les firmes choisissent les niveaux d’emploi et de production optimaux, les consommateurs choisissent la consommation et la détention de monnaie optimales, et, sous le régime de taux de change fixe, les autorités monétaires interviennent afin de stabiliser le taux de change. L’emploi fluctue alors autour du niveau de plein emploi.

36 Dc=1 signifie qu’il n’y a pas de choc de productivité. 37 On peut voir cela comme un modèle de monopole syndical.

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Sous un régime de taux de change fixe, seules les demandes et la richesse sont sujets à l’incertitude. A contrario, dans un régime de taux de change flexible, le taux de change et les vrais indices de prix sont également affectés par les chocs. Les conditions d’équilibre Le comportement du consommateur

Le consommateur (représentatif) observe les prix établis par les firmes et, après le choc, effectue ses choix optimaux.

La solution du problème de maximisation entraîne que la demande de monnaie, la dépense en bien Q1 et la dépense en bien Q2 des individus sont respectivement une part (1-λ), λγ, et λ(1-γ) de sa richesse.

Puisque les individus d’un pays font face aux mêmes prix et ont la même fonction d’utilité homothétique, il est possible de dériver les demandes agrégées de monnaie et de chaque variété des biens Q1 et Q2 produites (dans chaque pays) des pays a.

Le consommateur représentatif demande la même variété dans différentes proportions

lorsque le taux de change diffère de l’unité ou lorsque la richesse (nominale ou réelle) diffère entre les pays. Le comportement des firmes

Avant le choc, une firme quelconque d’un secteur ca prend le salaire et le comportement des autres firmes comme donnés et choisit ses prix (pca [en monnaie locale]) en maximisant ses profits espérés (πca) :

[ ] [ ] , , , 21

1

BAaQ,QcDx

wxpIElwxpIEIEc

dca

adcacacaa

dcacaca =∀=∀

−=−=

απ

où : wa est la salaire qui prévaut dans le pays a ; xca

d est la demande d’une variété de bien c produit dans le pays a.

Après le choc, les firmes choisissent l’emploi optimal. Les prix et les salaires étant déterminés, le profit est une fonction croissante et concave

de la production ; ce qui signifie que les firmes ont une aversion vis-à-vis risque de variabilité des ventes.

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L’équilibre en l’absence de chocs

En l’absence de chocs, les deux industries (Q1 et Q2) font face à la même productivité du travail et bénéficient d’une dépense en consommation agrégée identique. Par ailleurs, les deux pays ont le même stock de monnaie : γ = 1-γ = ½ ; D=1 ; MA = eMB, avec e le taux de change défini comme le nombre d’unités de la monnaie du pays A qu’il faut pour une unité de la monnaie du pays B.

La seule différence entre les deux pays est alors donnée par leur configuration de spécialisation (η). A l’équilibre, en fait, les deux pays ont le même salaire, le même revenu agrégé, et la même richesse agrégée. Toutes les firmes emploient le même nombre de travailleurs, produisent le même output, et chargent le même prix (comme un mark-up sur le même coût marginal évalué au niveau d’emploi d’équilibre de la firme). Etant donné que les prix sont égaux, une part identique de la dépense en consommation est affectée à chaque variété. Chaque consommateur consomme toutes les variétés dans les mêmes proportions. Le plein emploi est assuré par le niveau de salaire. Introduction de l’incertitude et localisation optimale L’incitation à la délocalisation

Les firmes d’une industrie donnée sont incitées à choisir ex ante la localisation qui offre les profits espérés les plus élevés pour l’industrie dans laquelle elles s’inscrivent. En commençant avec une distribution initiale générique de localisation (décrite par η), on réfléchit maintenant sur l’impact du régime de taux de change sur l’incitation à la délocalisation. Au sein de chaque industrie, l’incitation à la délocalisation du pays a vers le pays –a peut être mesuré par la différence entre les profits espérés pour cette industrie dans le pays –a et les profits espérés pour la même industrie dans le pays a. Régime de taux de change fixe

Sous un tel régime toutes les firmes font l’expérience de la même variabilité de la production et ont donc les mêmes profits espérés :

[ ] [ ] 222)1( Dcaca uwxXxwIExIE −=+−= ππ où : x est le niveau de production qui prévaudrait en l’absence de choc ; π est le niveau de profits qui prévaudrait en l’absence de choc.

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Plus la variance des chocs u²D est importante, plus les profits espérés sont minimes, car la fonction de profit est une fonction concave de la production. Etant donné que toutes les firmes font face ex ante aux mêmes profits espérés, sous un régime de taux de change fixe il n’y a pas d’incitation à la délocalisation. Régime de taux de change flexible

Les firmes ont une incitation à se localiser dans le pays relativement spécialisé dans le bien qu’elles produisent. A cause de la structure de production d’« image-mirroir », l’importance de l’incitation à se délocaliser est la même pour les firmes des deux industries. L’incitation augmente avec le degré de spécialisation η et avec la variance des chocs u²D. Lorsque les pays sont plus spécialisés (i.e. lorsque η est plus proche de un ou de zéro), le taux de change est plus volatile et génère un plus fort ajustement pour les secteurs de spécialisation de chaque pays, réduisant leur déjà faible variabilité de ventes et augmentant les profits espérés. Les mouvements du taux de change accroissent cependant l’effet négatif des chocs sur les ventes des autres secteurs, auxquels les firmes font face par une baisse des profits espérés. La localisation optimale des firmes

Une distribution des firmes entre les pays est une configuration de localisation d’équilibre si aucune firme n’a d’incitation à choisir une localisation différente, i.e. si les profits espérés sont égaux pour toutes les firmes. Dans ce modèle simple la localisation d’équilibre des firmes sous un régime de taux de change fixe est donné par la distribution initiale des firmes, alors que sous un régime de taux de change flottant elle est donnée par une spécialisation complète. Ce résultat extrême est dû à la nature exogène de la distribution initiale des firmes η.

Introduction des chocs

Autorisons dorénavant des chocs de demande et des chocs de productivité, i.e. des chocs d’offre, et des chocs monétaires dans le modèle. L’intérêt de cette introduction tardive est de montrer que les chocs ne donnent pas une incitation plus importante à la délocalisation. Chocs de demande

Comme il a déjà été décrit, c’est avant que les chocs soient connus que les salaires

sont établis (au même niveau w dans les deux pays), et que les prix sont choisis (comme un mark-up sur les coûts marginaux espérés). Puisque le coût marginal est une fonction linéaire de l’output, dont la valeur espérée correspond à son niveau en l’absence de chocs, toutes les firmes choisissent le même prix, égal au prix certain. On peut normaliser ce prix à un (pca=1, ∀c=Q1,Q2,a=A,B). Avant le choc, donc, l’économie est décrite par le même ensemble de relations que caractérise l’équilibre en l’absence de chocs.

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Faisons maintenant l’hypothèse d’un changement de la demande adressée aux firmes, caractérisé par changement dans la part des dépenses de consommation entre les biens Q1 et Q2 (µD). Sous un régime de taux de change fixe

Le seul effet est l’effet sur la demande en chacun des deux biens Q1 et Q2 du changement des parts de dépense de consommation. Par exemple, dans le cas d’un report d’une partie de la demande de Q2 vers Q1, toutes les firmes produisant Q1 (indépendamment de leur localisation) font face à la même hausse de la demande, et toutes les firmes produisant Q2 font elles face à la même baisse de la demande. Le nouvel équilibre sur le marché des biens est alors :

XQ1a=µD et XQ2a=-µD, ∀a=A,B où :

ca

caca x

dxX = est le taux de variation de l’output d’une firme quelconque produisant le

bien c dans le pays a.

Le marché de la monnaie est équilibré par l’intervention des autorités monétaires. L’emploi sectoriel suit la production. Sous un régime de taux de change flexible

L’effet direct de la demande dérivant du changement des goûts est maintenant accompagné par l’effet de substitution dû à l’ajustement du taux de change. Il y a en fait une appréciation de la monnaie du pays relativement spécialisé dans le bien dont la demande augmente. Un tel changement dans le taux de change induit une substitution de la part des consommateurs dans leur consommation des deux biens. Notons que plus les pays sont spécialisés, i.e. plus η est proche de un ou de zéro, plus le taux de change répond fortement à un choc de demande. Chocs monétaires Régime de taux de change fixe

Il n’y a pas d’incitation à choisir une localisation différente et la distribution initiale des firmes est un équilibre.

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Régime de taux de change flexible

Comme dans le cas des chocs de demande, les firmes ont une incitation à la délocalisation dans le pays relativement spécialisé dans le bien qu’elles produisent. Comme précédemment, sous un régime de taux de change flexible, l’unique localisation d’équilibre est la complète spécialisation. Chocs d’offre

Les chocs de productivité sont similaires aux chocs de demande dans leurs effets sectoriels sur les ventes et sur les profits, et donc dans leur incitation à la délocalisation qu’elles induisent. Régime de taux de change fixe

La localisation initiale est un équilibre. Régime de taux de change flexible

La localisation d’équilibre des firmes est donné par la spécialisation complète.

1.3. Conclusion

Ce modèle défend en définitive l’idée que la création d’une zone monétaire permet la dispersion de la localisation de l’activité industrielle au sein de la zone intégrée. L’intégration régionale serait donc une source privilégiée de la diversification productive horizontale, pour peu qu’elle soit menée jusqu’à son stade ultime…

Le problème d’une telle modélisation est qu’elle tient compte de différents stades d’intégration régionale d’une manière purement statique. Aucune dynamique n’intervient, alors qu’on sait pertinemment que l’accès au stade ultime de l’intégration régionale (où le taux de change peut être considéré comme fixe) nécessite le passage par d’autres stades d’intégration régionale38 (où le taux de change est flottant). En d’autres termes, ce modèle ne semble pas se préoccuper de l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle mais plutôt de l’impact du stade de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle. Quand bien même, ces résultats qu’il exhibe ne sont pas crédibles puisqu’il ne relie pas les deux étapes : il devrait s’intéresser à l’introduction d’un régime de taux de change fixe à partir de l’équilibre exhibé dans un régime de taux de change flottant. Une autre source à la diversification productive horizontale est l’existence d’une différence technologique entre différents pays, qu’il est intéressant de mettre en rapport avec une diminution des coûts de transport, canal privilégié de l’intégration régionale. Le modèle qui suit, élaboré par le même auteur, montre que l’intégration régionale accentue la spécialisation des pays en présence de différences technologiques persistantes.

38 Voir Introduction générale.

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80

2. Un modèle ricardien de géographie économique : le modèle de Ricci (1996b)

2.1. Présentation générale

Un avantage comparatif de type ricardien, i.e. l’existence d’une différence de technologie de production entre les pays, est supposée survenir dans une économie à deux pays, deux biens, et un facteur de production, caractérisée par des rendements d’échelle croissants, une différenciation du produit, de la concurrence monopolistique, des coûts de transport, et une immobilité internationale du facteur de production. Le résultat est que le degré de spécialisation augmente avec l’étendue de l’avantage comparatif et des rendements d’échelle, et diminue avec les coûts de transport.

Suivant la valeur des paramètres, on se retrouve tantôt dans un monde ricardien pur, i.e. les pays sont totalement spécialisés, et ne font entre eux que du commerce inter-industriel, tantôt dans un monde où les pays ne sont que relativement spécialisés, dans le bien pour la production duquel ils ont un avantage comparatif, et engagent un commerce à la fois inter et intra-industriel.

L’idée du modèle est la suivante. Si l’on part d’une situation initiale telle que chaque pays est plus efficace à la production d’un bien, cet avantage comparatif entraîne une spécialisation complète en l’absence de coûts de transaction, comme dans un modèle ricardien standard. Les rendements d’échelle croissants liés à la production du bien (différencié) qui utilise des coûts fixes en travail font que chaque firme ne produit qu’une variété du bien, dans un seul pays. Le nombre de variétés de chaque bien produites est déterminé de manière endogène. Le choix de la localisation de la production n’est déterminé que par la productivité (liée à la technologie employée). L’apparition de coûts de transaction crée une segmentation des deux marchés, altère le prix relatif de deux variétés du même bien produit dans les deux pays. L’effet de substitution qui en résulte provoque une hausse de la demande des consommateurs pour la variété produite dans leur pays. Cet effet est d’autant plus grand que l’élasticité de substitution entre les variétés est grand. 2.2. Le modèle Hypothèses générales Soit une économie constituée de : • deux pays A et B ; • chaque pays a respectivement LA et LB habitants ; • un seul facteur de production qui est le travail, noté L, immobile internationalement mais

mobile entre les secteurs ;

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• chaque individu offre inélastiquement une unité de travail aux firmes domestiques au salaire domestique courant wa, et reçoit tout le profit πa des firmes (nul à l’équilibre) ;

• tous les consommateurs ont les mêmes préférences, quel que soit le pays où ils vivent ; • il n’y a pas de marché des actifs ; Hypothèses simplificatrices • LA = LB, i.e. le travail est également réparti entre les deux pays ; • Les parts de consommations entre les deux biens Q1 et Q2 sont égales ; • wA = wB = w, i.e. les salaires nominaux sont égaux dans les deux pays ;

Ces hypothèses permettent d’avoir une structure d’« image-miroir » de l’économie et de simplifier l’analyse. Le comportement du consommateur

Un consommateur représentatif du pays a choisit sa consommation en variété de biens Q1 et Q2,

1iaQc et 2jaQc respectivement, en maximisant sa fonction d’utilité suivante :

γγ −= 121 aQaQa CCU

avec :

1 , et 2

22

1

111

1

1

1

>

=

= =

=

σσσ

σσ n

jajQaQ

n

iaiQaQ cCcC

où σ est l’élasticité de substitution entre les variétés du même bien ;

γ= ½ par souci de simplicité ; n1 et n2 sont respectivement le nombre de variétés produites des biens Q1 et Q2. La contrainte budgétaire du consommateur s’écrit :

aan

jajQ

ajQ

n

iaiQ

aiQ wcpcp π+=+

==

2

22

1

11 11

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où :

aiQp

1 et a

jQp2 sont les prix respectivement de la variété i du bien Q1 et de la variété j du bien

Q2 dans le pays a. Ces prix incluent les coûts de transaction, qui sont de type « iceberg ».

La solution au programme de maximisation du consommateur implique que chaque individu alloue une part égale à la dépense en chaque bien. Puisque les consommateurs d’un même pays font face aux mêmes prix et ont une fonction d’utilité homothétique, on peut dériver la fonction de demande agrégée du pays a pour chaque variété du bien Q1 produit dans le pays a’ : a

aD ' (explication : a désigne le pays où est consommée la variété alors que a’ désigne le pays où est produite la variété). On obtient :

wLpnTpn

pDwL

pnTpn

TpD

wLTpnpn

TpDwL

Tpnpn

pD

BQBAQA

BQBB

BQBAQA

AQBA

BQBAQA

BQAB

BQBAQA

AQAA

γγ

γγ

σσ

σ

σσ

σ

σσ

σ

σσ

σ

−−

−−

−−

−−

+=

+=

+=

+=

11

11

11

11

11

11

11

11

11

1

11

1

11

1

11

1

)( ;

)(

)(

)(

)( ;

)(

Les expressions de la demande agrégée pour le bien Q2, aaD '' , sont dérivées de façon

analogue. Différences technologiques et avantage comparatif

La structure d’« image-miroir » de l’économie et l’existence de coûts fixes (α) identiques pour tous les secteurs dans les deux pays font écrire :

jAjBQiBiBQ

jAjAQiAiAQ

qlql

qlql

21

21

21

21

; '

' ;

βαβα

βαβα

+=+=

+=+=

où :

iaQl 1 est le travail nécessaire à la production de q1ia unités du bien Q1 dans le pays a ;

jaQl 2 est le travail nécessaire à la production de q2ja unités du bien Q2 dans le pays a ;

α est le coût fixe de production ; β est le coût marginal de production de toutes les variétés du bien Q1 produites dans le pays A et du bien Q2 produites dans le pays B ;

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β’ est le coût marginal de production de toutes les variétés du bien Q2 produites dans le pays A et du bien Q1 produites dans le pays B.

L’inégalité β’>β assure que la pays A (respectivement B) a un avantage comparatif dans la production du bien Q1 (respectivement Q2).

Le paramètre ββδ '= mesure l’étendue de l’avantage comparatif.

Le comportement des firmes

Le marché est en situation de concurrence monopolistique. La maximisation du profit d’une firme représentative permet de définir le prix chargé par celle-ci :

wppwpp AQBQBQAQ 1' ;

1 2121 −==

−==

σσβ

σσβ

On peut donc écrire :

δββ 1

'2

2

1

1 ===AQ

BQ

BQ

AQ

pp

pp

De la condition de profit nul due à la concurrence monopolistique, on dérive la production maximale d’une firme d’une variété dans un pays a :

)1('

; )1( 1221 −==−== σβασ

βα

BABA qqqq

On voit donc que dans chacun des secteurs Q1 et Q2, toute firme située dans le pays le moins avantageux pour ce secteur charge un prix plus élevé et produit moins qu’une firme concurrente située dans l’autre pays. Toutefois, toutes les firmes partagent le même emploi optimal l et les mêmes ventes s, qu’on dérive facilement des conditions précédentes :

swqp

l

=⋅⋅=⋅

⋅=

σα

σα

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Ainsi, on obtient le nombre de variétés produites de chaque bien dans chacun des deux pays :

ασ

ασ

aa

aa

Ln

Ln

22

11

=

=

La structure de localisation d’équilibre

La différence dans les productivités fournit une incitation pour les firmes qui produisent du bien Q1 à se localiser dans le pays A et pour les firmes qui produisent le bien Q2 à se localiser dans le pays B. Cependant, peut-on en déduire que la spécialisation est complète ? A l’équilibre, la demande pour chaque variété est égale à son offre :

BBB

ABA

BA

AA

BBB

ABA

BA

AA

qDDqDD

qDDqDD

22

11

'' ; ''

;

=+=+

=+=+

On sait en outre qu’à l’équilibre la dépense en consommation de chacune des variétés est identique et donnée par :

s = pq Le plein emploi est tel que :

BBAA LLLLL 2121 +==+ donc :

BBAA nnnn 2121 +=+

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Et la maximisation de l’utilité ainsi que l’équilibre sur le marché des biens implique que :

BABA nnnnnnn 221121 et +=+== où n est le nombre total de variétés de chaque bien.

Ces deux dernières conditions assurent que les deux pays ont bien une structure de production d’« image-miroir » :

ABBA nnnn 2121 ; ==

Calculons l’équilibre du marché du bien Q1 (la symétrie du modèle permettra d’en déduire directement l’équilibre sur le marché du bien Q2). On égalise l’offre et la demande du bien Q1 produit dans le pays A :

wwLpnTpn

Tp

Tpnpn

p

BQBAQA

AQ

BQBAQA

AQ ασγσσ

σ

σσ

σ

=⋅

++

+ −−

−−

11

11

1

11

11

1

11

1

11

1

)(

)(

)(

Puis on substitue cette égalité dans l’équation du prix qui maximise le profit, et on obtient la part des variétés de chaque bien produites dans chacun des deux pays :

[ ]

1 ; )1()1(2

)1(21 21

)1(21)1(21

)1(2121

nn

nn

hTT

Tn

nn

nh ABBA ==−

+−+−+===

−−−−

−−

σσσσ

σσ

δδδ

h est l’indice de spécialisation régionale, ou encore de la concentration sectorielle dans chaque pays. On remarque que ½<h<1, que le degré de spécialisation augmente avec la différence de productivité entre les pays pour le même secteur (δ), et avec le degré des rendements d’échelle (qui est inversement relié avec l’élasticité de substitution entre les variétés, σ, et décroît avec le niveau de coûts de transaction, T. Une valeur de h proche de ½ signifie que les deux pays ont une structure de production très similaire, alors qu’un h proche de l’unité signifie une très forte spécialisation ou une concentration sectorielle.

Par conséquent, deux types d’équilibre peuvent se réaliser. La spécialisation complète advient lorsqu’il existe un grand écart de technologie dans le même secteur de production entre les deux pays et que les coûts de transaction sont faibles et qu’il y a des rendements d’échelle fortement croissants. La spécialisation devient toutefois relative lorsque l’avantage comparatif s’affaiblit, i.e. en présence d’un écart technologique moins prononcé, même si les

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coûts de transaction restent faibles. La spécialisation s’affaiblit également lorsque les coûts de transaction deviennent très élevés ou lorsque les rendements d’échelles deviennent moins importants. 2.3. Conclusion

Dans le cadre de travail des modèles de dotations factorielles, l’intégration régionale mène à une spécialisation des pays suivant leur avantage comparatif. Par ailleurs, les modèles de commerce avec des rendements d’échelle constants, avec des dotations factorielles différentes39, et dans un environnement de concurrence pure et parfaite prédisent que l’activité économique est uniformément distribuée dans l’espace. Le problème des modèles qui raisonnent en termes de dotations factorielles est qu’ils fournissent une faible explication de la remarquable concentration spatiale de l’activité dans la réalité (souvent des régions similaires ont des structures de production très différentes).

Ce modèle, qui raisonne en termes de différences technologiques et non pas en termes de dotations factorielles, aboutit à un lien direct entre différences technologiques et concentration de la production. Dépendant de la valeur des paramètres du modèle, le degré de spécialisation des pays peut varier d’une structure de production identique à une structure de complète spécialisation. Ce modèle semble donc à même de décrire le haut niveau commerce intra-industriel entre des pays au niveau de développement similaire et le haut niveau de commerce inter-industriel entre des pays aux technologies de production très différentes. Ainsi, les différences de technologies de production entre pays qui s’intègrent sont sources de concentration de l’activité industrielle. Toutefois, ce modèle ne présente aucune dynamique. Pour cette raison, mais aussi parce qu’il endogénéise cette différence de technologie, qu’il endogénéise également la différence de taille des pays, nous présentons le modèle de Walz (1996). En effet, ce modèle semble répondre à quatre des cinq exigences que l’on a de la géographie économique quant à l’amélioration de sa modélisation.

3. Un modèle dynamique de géographie économique : le modèle de Walz (1996)

3.1. Présentation du modèle

Ce modèle est un modèle d’équilibre général dynamique concernant un monde constitué de deux pays qui s’intègrent. La dimension monétaire est introduite, l’avancée technologique est endogène40 et dépend de l’effort en R&D des firmes, la taille des pays est endogène, et certains les facteurs de production (stratégiques) sont mobiles

39 Mais avec des fonctions de production identiques. 40 Le modèle utilise une approche de croissance endogène.

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internationalement. La dynamique résulte du cadre intertemporel dans lequel est développé le modèle. Les pays produisent tous deux un bien homogène et un bien différencié. L’avancée technologique étant endogène, l’activité de R&D peut se retrouver concentrée ou non, suivant la dynamique d’ajustement. En fait, la différence du taux d’innovation technologique entre les deux pays n’est pas exogène mais est le résultat de l’interaction entre les avantages et les désavantages à l’agglomération.

La croissance trouve donc sa source dans l’innovation, mais cette innovation ne touche pas le bien final directement. Elle transite par le bien intermédiaire nécessaire à sa production et permet d’augmenter le nombre de variétés offertes de celui-ci. Le nombre croissant de variétés du bien intermédiaire, et donc de facteurs de production du bien final, augmente la productivité sur le marché du bien final. Tandis que le bien final est échangé librement, les variétés du bien intermédiaire différencié, qui sont offertes par des firmes en situation de monopoles dans leur pays, sont échangés d’un pays à l’autre avec un coût. La concentration géographique vient de l’interaction entre les coûts de transaction et les coûts fixes de production de ces variétés.

Enfin, on suppose la parfaite mobilité internationale des travailleurs qualifiés. Pourtant, le modèle montre que malgré cette mobilité, les pays n’ont pas nécessairement le même taux de croissance ni le même taux d’innovation. En fait, le lien qui unit les producteurs des différentes variétés du bien intermédiaire et les producteurs des différentes variétés du bien final peut donner naissance à une configuration ‘centre-périphérie’ de l’économie, dans laquelle tous les producteurs des variétés du bien intermédiaire et d’innovations sont concentrés dans un pays. Les producteurs des variétés du bien final auront alors tendance à localiser leur production dans le même pays afin de diminuer en moyenne leurs coûts de transport.

Le modèle montre enfin que lorsque les pays sont de taille similaire, des équilibres multiples apparaissent, et l’équilibre vers lequel l’économie converge dépend des conditions initiales. Un pays avec un désavantage initial en ce qui concerne le nombre de variétés du bien intermédiaire a un avantage comparatif endogène dans la production du bien homogène, et se spécialise par conséquent dans la production de celui-ci. Ainsi, le pays avec un désavantage initial dans le secteur différencié se retrouve bloqué dans le secteur homogène et finit par devenir le pays périphérique de l’économie. Telles sont d’après ce modèle les conséquences d’une intégration régionale poussée.

3.2. Le modèle Hypothèses générales Soit une économie constituée de : • deux pays A et B ; • un bien final différencié manufacturé Q, échangé sans coût d’un pays à l’autre. Les coûts

de transaction n’interviennent que dans le commerce du bien intermédiaire (différencié également) servant à produire le bien final ;

• un bien agricole homogène Y ;

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88

• chaque pays est doté d’un stock de facteur immobile d’un pays à l’autre, La, a=A,B, qui peut être interprété comme les travailleurs non qualifiés, dont le prix est égal au coût marginal de production ;

• d’un stock de travailleurs qualifiés M , mobiles d’un pays à l’autre ; • chaque travailleur offre de manière inélastique une unité de travail ; • d’un marché du capital, sur lequel les firmes financent leur effort en R&D à travers

l’émission de titres. Les ménages utilisent leur épargne pour acheter ces titres. En échange, ils reçoivent une part des profits futurs de la firme.

Le consommateur

A l’instant t, un consommateur représentatif maximise sa fonction d’utilité intertemporelle conditionnellement à sa contrainte budgétaire intertemporelle :

[ ]

[ ][ ] [ ]

∞+ ∞+−−

+∞−−

+≤+

<<−+=

t t

tRRYYQQ

)-R(tR(-

tYQ

tt

CC

tVdZedCpCpecs

dCCeUMaxYQ

)()()()()()( ..

10 )(ln)1()(ln

)()()

)(,

τττττττ

νττντν

ττ

τρ

où :

)(τQC et )(τYC représentent le niveau de consommation des biens finals Q et Y à l’instant τ ;

ρ est le taux d’escompte ; )(τQp et )(τYp sont les prix des biens finals Q et Y à l’instant τ ;

)(τZ est la part du revenu du ménage qui provient des deux facteurs de production de base. Puisque les deux biens finals sont échangés sans coût, leurs prix sont les mêmes dans les deux pays ;

=t

djjrtR0

)()( est le taux d’intérêt accumulé à l’instant t, avec r le taux d’intérêt

instantané. Le capital financier étant parfaitement mobile entre les deux pays, le même taux d’intérêt prévaut dans les deux pays. La valeur du portefeuille d’un ménage représentatif à l’instant t est V(t).

Le problème de maximisation aboutit au chemin dynamique optimal de dépense à la consommation suivant :

ρ−= )(trEE

a

a&

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89

où Ea représente les dépenses en consommation dans le pays a.

Etant donné que le problème de maximisation de tous les consommateurs est identique, il est légitime d’interpréter Ea et E=EA+EB comme respectivement les dépenses à la consommation agrégées dans le pays a et dans l’économie dans son ensemble.

En l’état, le modèle souffre de l’absence d’un secteur monétaire. On peut donc normaliser les prix tels que E = 1 à chaque instant. Dans ce cas, ttr ∀= )( ρ . Les fonctions de demande agrégées statiques peuvent alors être dérivées et s’écrivent :

YY

QQ

Cp

Cp

=−

=

)1( ν

ν

où CQ et CY sont les demandes agrégées en biens Q et Y.

Les producteurs Le bien agricole homogène

Il est produit suivant la technologie Cobb-Douglas suivante :

δδ −= 1)()( aYaYa MLY (1) où LaY et MaY sont respectivement la part du facteur de production immobile et mobile utilisée dans le production du bien Y dans le pays a. Le bien manufacturé différencié

La production de Q nécessite également les facteurs LaQ et MaQ. Mais elle nécessite aussi l’utilisation de l’ensemble des variétés disponibles du bien intermédiaire. La spécification Cobb-Douglas de la fonction de production du bien Q s’écrit comme :

1,,0 , ))(()()(

1

0<<

=

−−

γβαϖϖγ

βα

γβαn

aaQaQa dsLMQ (2)

où :

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90

n est le nombre de variétés du bien intermédiaire connus ; )(ϖas représente le montant de la ϖ-ième variété du bien intermédiaire utilisée dans la

production de Qa.

Puisque les producteurs de Q prennent n comme donné, le marché du bien final industriel est en situation de concurrence pure et parfaite. Le bien intermédiaire différencié

La production d’une variété x du bien intermédiaire X n’utilise comme facteur de production que le travail mobile, xM :

)()( ϖϖ xMx = (3)

La production de chaque variété du bien intermédiaire requiert une connaissance spécifique qui est acquise à travers un effort en R&D. Les firmes productrices d’innovations sont protégées de l’imitation par un brevet à durée de vie infinie. Tous les producteurs de variétés du bien intermédiaire du pays a font face à une fonction de demande dans le pays –a qui résulte du programme de maximisation des producteurs du bien final :

aQna

x

aax

aa Qpdp

ps −

−−

−−

− −−=

)1(

))((

)(

0

1

,

, βαϖϖ ε

ε (4)

où :

aaxp −, est le prix d’une variété du bien intermédiaire produite dans le pays a que les

producteurs du bien final du pays –a ont à payer. On note axp le prix d’une variété du

bien intermédiaire produite dans le pays a que les producteurs du bien final du pays a ont à payer ;

1)1( 1 >−= −γε est l’élasticité, constante, de la demande.

Si la production et la consommation de la variété du bien intermédiaire n’ont pas lieu dans le même pays, des coûts de transport de type « iceberg » apparaissent, tels que pour une unité de la variété du bien intermédiaire transportée, seule une part k, 0<k<1, arrive à destination. On peut donc réécrire le prix d’une variété du bien intermédiaire produite, suivant qu’elle est consommé sur place ou exportée, comme :

=−

pays même le dans passont ne deur consommate leet producteur le si

pays même le danssont deur consommate leet producteur le si ,

xk

pxp

p ax

axaa

x (5)

Page 91: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

91

La quantité offerte de la variété du bien intermédiaire produite dans le pays a est :

=

== −

−− pays même le dans passont ne deur consommate leet producteur le si

pays même le danssont deur consommate leet producteur le si ,

,

,,, x

ks

x

xsxx aa

aa

aaaaaa (6)

Les équations (4), (5) et (6) permettent d’écrire la quantité totale d’une variété x du bien intermédiaire (produite dans le pays a) offerte :

+−−=

−−−

−−−

ϖϖϖϖβα

εε

εε

dp

Q

dp

kQppx

nax

an

ax

aQ

axa

0

1

0

1

1

))(())(()1()( (7)

Les producteurs des variétés du bien intermédiaire maximisent leurs profits :

aax

ax

ax

pxcpMax

ax

)( −=π (8)

où : axc est le coût de production d’une variété du bien intermédiaire dans le pays a. On sait

que aax wc = le taux de salaire du travail mobile dans le pays a, grâce à (3). En fait,

puisque le travail est parfaitement mobile entre les deux pays, on sait que la condition d’arrêt des flux est telle que www BA == .

En utilisant (7) et (8), on obtient le prix optimal pratiqué par les producteurs des variétés du

bien intermédiaire :

γwpa

x =*

(9)

Cette dernière équation montre que le prix pratiqué par les producteurs de chaque variété du bien intermédiaire est le même quel que soit le pays où celle-ci est utilisée.

Page 92: L’impact de l’intégration régionale sur la localisation de ...6 marchandises produites à l’intérieur de la région, est le stade primaire de l’intégration régionale (un

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Le secteur de R&D

Tout comme la production des différentes variétés du bien intermédiaire, le secteur de R&D n’utilise que le travail mobile, nM , et vérifie l’équation (3) en termes de nouvelles variétés du bien intermédiaire. Ce secteur, qui développe l’innovation technologique permettant la création de nouvelles variétés du bien intermédiaire, est au centre du mécanisme de croissance dans ce modèle. Les firmes décident d’investir en R&D en vue de profits futurs plus élevés. Supposons qu’un entrepreneur du pays a emploie a

nM unités de travail à chaque instant, et que cela lui permette d’atteindre la loi d’évolution de l’innovation, en termes de nouvelles variétés du bien intermédiaire à chaque instant, suivante :

an

an

a KM

=&

avec :

Ka le stock de connaissances du pays a à l’instant t.

En fait, ici, on va supposer (et c’est une hypothèse très importante), la diffusion instantanée du progrès technique, i.e. KKK BA == . C’est une hypothèse capitale car elle signifie que l’innovation technologique contribue au maintien ad vitam eternam de la croissance mais ne contribue pas à la concentration géographique de la production industrielle. On suppose enfin que K = n, i.e. on exploite la totalité de l’avancée technologique à chaque instant.

Cependant, on suppose que le commerce de la R&D entre les pays est contrainte à des coûts de contrôle et d’information (c’est la notion de brevet). Puisque les coûts d’innovation sont les mêmes dans les deux pays, des coûts infinitésimaux d’information et de contrôle rendent déjà la complète séparation géographique de la production et de l’innovation une situation non rentable pour les producteurs. De surcroît, on suppose les coûts d’une firme qui produit une variété du bien intermédiaire sont tels qu’il n’est pas rentable pour elle de produire cette variété dans les deux pays simultanément41. Les coûts de production dans le secteur de R&D sont :

nw

c nan

θ=

Les entrepreneurs investissent dans la R&D si et seulement si les gains liés à la production de la variété du bien intermédiaire qui en découlera, va, sont supérieurs ou égaux aux coûts respectifs à la nouvelle production :

an

t

ax

rta cdev ≥=

+∞−− ττπτ )()(

41 On exclut ici toute incitation à la multinationalisation.

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Notons que va est la valeur actualisée des profits futurs générés par la production incluant l’innovation. Puisque ce secteur est caractérisé par la libre-entrée sur le marché, 0 si >= aaa ncv & .

On définit nng&

= comme le taux de croissance de l’innovation.

La condition de non arbitrage pour que les ménages investissent dans les firmes productrices d’innovations s’écrit :

ρπ=+

a

a

a

ax

vv

v&

Cette condition signifie que les profits par part corrigées des pertes ou gains espérés, doivent être juste égaux au taux d’escompte des ménages pour qu’ils acceptent d’investir (ou plus exactement qu’ils soient indifférents entre investir ou non). Cette condition de non arbitrage constitue l’équilibre du marché du capital. La condition d’équilibre du marché des biens est donnée par :

)()1(

)(

BAY

BAQ

YYp

QQp

+=−

+=

ν

ν (10)

La condition d’arrêt des flux (condition d’équilibre) du facteur de production mobile est donnée par :

nQYX MMMMM +++= , qui représente la demande de l’économie dans son ensemble en facteur mobile dans les productions respectives de X, Y, Q, et d’innovations. La condition d’équilibre du facteur immobile dans le pays a est donnée par :

aY

aQa LLL += (11)

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94

L’équilibre de court terme

L’équilibre de court terme est tel que, pour un nombre donné de variétés du bien intermédiaire (n), les marchés des facteurs et des biens sont en équilibre42. La configuration de spécialisation régionale d’équilibre de court terme peut alors être déduite. La minimisation des coûts associés à la production de Q donne :

εβα

εβα ϖϖ−

−−

⋅Ξ=

11

0

1))(()( dprwcn

ax

aL

aQ (12)

où : Ξ est une constante positive ; a

Lr est le prix du facteur immobile dans le pays a. Si la production du bien final industriel n’est pas totalement concentrée dans un des deux pays, alors les coûts de production dans ce secteur doivent être égaux dans les deux pays. En utilisant (12) on trouve dans ce cas le prix relatif du facteur immobile, Φ :

ηη

ε

εψ

µµ ≡

+

+=≡Φ−

11

1

kk

r

rBL

AL (13)

ou :

B

Ann

=µ est le nombre (donné) de variétés du bien intermédiaire produites dans le pays

A par rapport au nombre (donné) de variétés du bien intermédiaire produites dans le pays B ; µ est donc constant ;

0)1(

1 >−−−=

εββαη .

Le prix relatif du facteur immobile dans les deux pays est, dans le cas d’une incomplète concentration régionale de la production du bien Q, une fonction de µ. Cela s’explique par l’existence de coûts de transport (k<1 dans (13)). En différenciant (13) par rapport à µ on remarque que :

42 C’est en fait un équilibre instantané, i.e. à l’instant t.

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[ ] 1car 0)1( )1(2 <>−=∂Φ∂ − kksignsign εηµ

Donc Φ est une fonction croissante de µ, i.e. le prix relatif du facteur immobile dans le pays A ( Φ ) augmente avec le nombre de variétés du bien intermédiaire produit dans le pays A. En d’autres termes, un plus grand nombre de variétés du bien intermédiaire, par exemple dans le pays A, entraîne une productivité relativement plus importante du facteur immobile dans la production du bien Q de ce pays. Pour µ>1 (respectivement µ<1), Φ >1 (respectivement Φ <1) en présence de coûts de transport. S’il n’y a pas de coûts de transport, la distribution régionale des variétés du bien intermédiaire est sans importance et la production dans le secteur du bien industriel est totalement déterminée par le prix du facteur immobile.

La région dans laquelle la production du bien agricole est rentable est déterminée uniquement par le prix relatif du facteur immobile. La minimisation des coûts de production de Y et la parfaite mobilité des travailleurs impliquent :

δ

=

BL

AL

BY

AY

r

r

p

p (14)

La production de Y a lieu dans les deux pays seulement si le prix du facteur immobile est identique dans chaque pays. Pour 1>Φ (respectivement 1<Φ ), toute la production du bien Y a lieu dans le pays B (respectivement A). En utilisant les demandes agrégées optimales données par (10), en les combinant avec les fonctions de production du bien agricole et du bien industriel données par les équations (1) et (2), et en les substituant dans (11), on obtient :

aL

aQ

aL

aY

ar

s

r

sL

νβνδ+

−=

)1( (15)

avec :

BA

aaY YY

Ys

+= la part du pays a dans la production du bien final Y ;

BA

aaQ QQ

Qs

+= la part du pays a dans la production du bien final Q.

On peut définir une mesure de la demande relative en facteur immobile dans la production de Y et Q de l’économie tout entière :

)1( νδβν

−=b (16)

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Les équations (14) et (15) permettent, pourvu que 1>µ , de dériver l’équilibre de court terme des parts des deux pays dans la production de Q, tant qu’elle n’est pas concentrée dans un seul pays :

bffbs

bfbs

BQ

AQ

)(

)()1(

Φ+Φ−=

Φ++Φ=

(17)

avec :

A

BLL

f =

Pour 1<µ , i.e. 0=BY , si B

QAQ pp = alors les résultats sont inversés, avec Φ et f remplacés par

1−Φ et 1−f respectivement. L’équation (16) nous permet d’écrire, pour 1>µ :

Φ−+Φ=

fbb

QQ

B

A )1(

Puisque 0>∂Φ∂=

∂∂

µµsign

QQsign BA , un résultat intuitif est le suivant :

Dans un monde où les coûts de transport sont positifs pour le commerce des variétés du bien intermédiaire, la production du bien final industriel est relativement concentrée dans le pays où il y a le plus de variétés du bien intermédiaire, afin de minimiser les coûts de transport. Récapitulons les résultats obtenus : en l’absence de coûts de transport, la localisation de la production des différentes variétés

du bien intermédiaire est sans importance et la localisation de la production du bien final industriel est complètement déterminée par le prix d u facteur immobile ;

en présence de coûts de transport, deux configurations sont possibles : ♦ le pays A est spécialisé dans la production du bien intermédiaire, auquel cas le prix

du facteur immobile est plus important dans A. Alors le pays B se trouve spécialisé (de manière endogène) dans la production du bien final agricole, mais aussi et surtout la production de bien final industriel se concentre dans le pays spécialisé dans le bien intermédiaire, la pays A.

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♦ de manière analogue, la concentration de la production à la fois du bien intermédiaire et du bien industriel dans le pays B rend le pays A spécialisé dans la production du bien agricole.

L’équilibre de long terme

L’équilibre de long terme se caractérise par le fait que le nombre de biens intermédiaires disponibles dans l’économie n’est plus fixe (µ n’est plus constant) ; il devient endogène et l’équilibre est par conséquent profondément modifié par la création continue de nouvelles variétés du bien intermédiaire qui augmente la productivité dans les secteurs du bien industriel différencié Q et du bien agricole traditionnel Y.

L’état stationnaire est caractérisé par la constance de la distribution entre les pays et entre les secteurs des facteurs de production. A l’équilibre stationnaire, le taux de salaire des travailleurs mobiles doit donc être constant afin d’assurer une allocation constante des ressources. Dans ce qui suit on suppose que le taux d’innovation est toujours positif.

Les entrepreneurs qui veulent investir dans la R&D doivent décider où localiser leur activité de développement et leur unité de production. On peut d’emblée distinguer deux types d’équilibre de long terme : un équilibre auquel l’innovation est concentrée dans un pays, et un autre auquel l’innovation a lieu dans les deux pays. Une situation où les nouvelles variétés du bien intermédiaire sont développées et produites simultanément dans les deux pays représente un état stationnaire si seulement si les taux de croissance d’équilibre sont les mêmes dans les deux pays, i.e. ggg BA == . En d’autres termes, µ doit être constant à l’équilibre. La condition de libre-entrée sur le marché de la R&D implique qu’à l’état stationnaire l’innovation est rentable dans les deux pays si et seulement si les profits sont les mêmes dans les deux pays. En utilisant (7), (9), et la première équation de (10) que l’on substitue dans (8), on obtient :

( )BQ

AQ

Bx

Ax ss −ΨΩ=− −1ππ (18)

avec :

1

1)1()1)(1(−

+

−−−−=Ω ε

ενγβαknn

k

AB

Puisque les prix et les coûts de production sont identiques à l’équilibre, le terme entre parenthèses reflète le différentiel de production des firmes. L’équation (17) révèle les deux forces en présence ici, qui jouent dans un sens opposé.

Premièrement, l’effet taille de marché reflété par les parts de marchés des deux pays dans la production de Q, A

Qs et BQs qui interviennent dans (18). Une plus grande part de

marché du pays domestique dans la production du bien final industriel lui fournit de plus grands débouchés pour ses producteurs locaux du bien intermédiaire. Avec de surcroît la

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présence de coûts de transport, les ventes dans le pays domestique sont plus rentables. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, le pays qui a le plus grand Qs est plus attractif pour les producteurs du bien intermédiaire, et par effet « boule de neige » pour les producteurs du bien final industriel, ce qui mène à un déplacement de la production du bien final de l’autre pays vers ce pays, faisant in fine de ce pays le pays le plus attractif pour la localisation de la production des nouvelles variétés du bien intermédiaire. Cet effet de demande va donc dans la direction d’une configuration ‘centre-périphérie’ de l’intégration régionale, avec une innovation ayant lieu uniquement dans le centre.

Deuxièmement, l’effet concurrence, caractérisé par 1−Ψ , joue dans le sens opposé. Cet effet résulte du fait que la concurrence est plus féroce dans le pays qui a le plus grand nombre de variétés du bien intermédiaire. Le prix moyen du bien intermédiaire est plus bas dans le pays qui a le plus grand nombre de variétés du bien intermédiaire, à cause des coûts de transport qui jouent en la défaveur du pays qui a le plus petit nombre de variétés du bien intermédiaire ; ce qui rend moins attractif le pays qui a le plus grand nombre de variétés du bien intermédiaire pour la localisation des firmes productrices d’innovations. Cet effet est cumulatif puisqu’une hausse de µ augmente le degré de concurrence dans le pays A.

Lorsque c’est l’effet demande qui l’emporte, l’économie se retrouve dans une situation ‘centre-périphérie’. A contrario, lorsque c’est l’effet concurrence qui l’emporte, l’économie se retrouve dans une situation de dispersion de la production. Nous allons distinguer l’analyse de (18) suivant que 1>µ ou 1<µ . Dans le premier cas (respectivement le deuxième) le prix du facteur immobile est plus bas dans le pays B (respectivement A) et le pays A (respectivement B) ne produit pas de bien agricole. 1>µ . En substituant (17) dans (18), on obtient :

[ ]Ψ+Ψ−++ΨΨ

Ω=− −−

)1(1)1(

1 ηηππ fb

fbBx

Ax

L’état stationnaire est tel que [ ] 0)()1(1 1 =∆≡Ψ+Ψ−+ − µηfb , pour +∞<< *1 µ .

Si on calcule µµ

dd )(∆ 43, on s’aperçoit que B

xAx ππ − est une fonction croissante de µ si

0)1( <−η .

43 ( )1)1()( +Ψ−−Ψ=∆ −ηη

µµµ bf

dd

dd

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1<µ . En substituant (17) dans (18), on obtient :

[ ]1)1()1(

1)1(11

−Ψ−−Ψ+Ψ

Ω=− −−−−−

ηππ fbfb

Bx

Ax

L’état stationnaire est tel que [ ] 0)(1)1( 1)1(1 =∆≡−Ψ−−Ψ −−−− µη (

fb , pour 10 * << µ .

Si on calcule µµ

dd )(∆

(44, on s’aperçoit que B

xAx ππ − est une fonction croissante de µ si

0)1( <−η .

Il y a donc un seul équilibre, asymétrique, ou la spécialisation devient complète dans le pays A avec 1* >µ et la spécialisation devient complète dans le pays B avec 1* <µ . En effet, avec 0)1( <−η , B

xAx ππ > (respectivement B

xAx ππ < ) pour *µµ > (respectivement *µµ > ), et

par conséquent BA vv > (respectivement BA vv < ) le long de la trajectoire menant à *µ , i.e. la production de l’innovation se concentre dans le pays qui offre les profits futurs espérés les plus importants. Mais cette situation reste conditionnelle à 0)1( <−η . Que se passe-t-il dans le cas où 0)1( >−η ?

Puisque 1≠µ , plus de variétés du bien intermédiaire sont produites dans un des deux pays. On sait qu’un grand nombre de producteurs du bien intermédiaire localisés dans un même pays procure un avantage à ces producteurs dans le sens où la production du bien homogène est essentiellement localisée dans l’autre pays. Si le bien final industriel est produit dans les deux pays, alors le facteur immobile est rémunéré suivant sa productivité dans ce secteur. Ceci implique un prix du facteur immobile plus bas dans le pays spécialisé dans la production du bien agricole (voir l’équation (13)), qui a par conséquent un avantage comparatif endogène dans la production du bien agricole, en termes de coûts de production. La totale spécialisation de ce pays dans la production du bien traditionnel est assurée lorsque

BQ

AQ pp = . Le niveau de production du bien industriel dans ce pays est alors déterminé par le

facteur immobile restant disponible après la production du bien agricole. Cette spécialisation rend ce pays moins attractif pour les producteurs du bien intermédiaire, rendant de ce fait le pays moins attractif pour la production d’innovations, ou en d’autres termes de nouvelles variétés du bien intermédiaire.

Au lieu de dériver analytiquement tous les équilibres possibles lorsque 0)1( >−η , nous allons intuiter les résultats pour deux configurations de départ possibles. Une première configuration de départ possible est telle que les pays ont initialement des

dotations en facteurs de production différentes. Dans ce cas, on s’en doute, un seul équilibre est possible, qui se caractérise par la concentration de l’activité d’innovation

44

+Ψ−−ΨΨ=∆ − 11)1()( 2 ηη

µµµ b

fdd

dd

(

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100

dans le pays qui n’est pas spécialisé dans la production du bien agricole, et une configuration ‘centre-périphérie’ de la région intégrée apparaît.

Une deuxième configuration de départ possible est telle que les deux pays ont initialement

les mêmes dotations en facteurs. Dans ce cas le secteur du bien agricole est décisif. En effet, le pays spécialisé dans sa production produit dès lors relativement moins de variétés du bien intermédiaire que l’autre pays, puisqu’ils ont les mêmes dotations en facteurs. Deux équilibres sont possibles.

Si le secteur du bien agricole est de taille relativement modeste, i.e. b est grand, alors

il existe 1* >µ ou 1* <µ pour lequel l’effet concurrence compense le fait que le pays spécialisé dans la production du bien homogène produise peu de variétés du bien intermédiaire et a, de ce fait, une production locale plus faible de bien final industriel. Dans ce cas l’innovation a lieu dans les deux pays avec le même taux de croissance, et il n’y a pas concentration de l’activité industrielle.

Si au contraire le secteur du bien agricole est de taille relativement importante, i.e. b

est petit, alors une relativement grande part de sa dotation en facteur immobile est monopolisée pour la production du bien traditionnel. Dans ce cas l’effet concurrence ne compense pas sa faible production en bien industriel, quelle que soit la valeur de µ. Ceci implique que 0>− B

xAx ππ (respectivement 0<− B

xAx ππ ) pour tout 1>µ

(respectivement 1<µ ). Dans ce cas, l’activité d’innovation se localise exclusivement dans le pays qui n’est pas spécialisé dans la production du bien agricole, et une configuration ‘centre-périphérie’ de la région intégrée apparaît.

3.3. Conclusion

La localisation de la production des biens et de l’activité en R&D aussi bien que des travailleurs mobiles sont déterminés de manière endogène, et ne sont pas le résultat d’un différentiel postulé de dotations en facteurs de production, mais le résultat de l’interaction entre les conditions initiales et les coûts de transport. On distingue trois cas. Dans le premier cas, un grand différentiel de dotations en facteurs mène à un équilibre unique, une configuration ‘centre-périphérie’ de l’économie. Dans les deux autres cas, avec une taille des pays égale, une multiplicité d’équilibres apparaît. Si le secteur homogène est faible, la concentration n’a pas lieu ; en revanche, s’il est important, la spécialisation aboutit à une configuration ‘centre-périphérie’ de l’économie.

Cette analyse implique qu’il peut être avantageux pour un pays de s’unir dans un processus d’intégration économique avec des pays plus développés, mais seulement après que sa propre avancée technologique ait mûri suffisamment, afin d’éviter de devenir la périphérie de la zone intégrée. En allant même plus loin, un investissement conséquent en capital humain du pays moins développé est pour lui une possibilité d’augmenter la productivité de son facteur immobile et représente ainsi l’occasion de réduire son écart technologique et est le gage d’une intégration régionale réussie.

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Conclusion de la Partie II

Nous avons vu, à l’occasion du Chapitre 1, que l’intégration régionale affecte la localisation des secteurs de production en menant à la concentration de l’activité industrielle dans le grand pays pour des valeurs intermédiaires des coûts de transaction, dans une vision ‘centre-périphérie’ du système. Cependant, cette approche souffre de nombreuses insuffisances, notamment en postulant d’emblée une configuration ‘centre-périphérie’, excluant la possibilité d’intégration entre pays similaires, en n’introduisant pas de véritable dynamique, en postulant la similitude technologique des pays intégrés, et enfin en excluant la dimension monétaire de la modélisation, qui a pourtant un double intérêt : d’une part elle intervient directement dans la dynamique d’intégration régionale dans le changement de nature du taux de change entre pays intégrés qu’elle provoque durant son évolution ; d’autre part elle est indispensable à l’endogénéisation de la différence technologique entre pays car elle permet le financement de la R&D.

La seule comparaison entre un stade d’intégration régionale à régime de taux de change

flexible et le stade ultime d’intégration régionale, où le taux de change est fixe, a montré que si la concentration de l’activité industrielle est vérifiée au cours du processus d’intégration, c’est plutôt la dispersion de l’activité industrielle qui prévôt au stade ultime de l’intégration régionale, ce qui est somme toute un message optimiste, même s’il laisse entrevoir de fortes non-linéarités du comportement des firmes lors du processus d’intégration. Mais ce résultat n’est pas acceptable car il découle d’une statique comparative entre deux états alternatifs, alors que l’intégration régionale est d’une réalité dynamique aux étapes successives.

La prise en compte de différences technologiques entre les pays montre que

spécialisation et importance des différences technologiques vont dans le même sens, quel que soit le niveau des coûts de transaction. Toutefois ce résultat reste encore une fois irrecevable car la dynamique est absente et les différences technologiques sont postulées et non micro-fondées.

Lorsqu’enfin on endogénéise la technologie, via l’introduction d’un marché monétaire

qui permet le financement de la R&D, dans un cadre d’analyse intertemporel, on aboutit à un résultat plus nuancé quant à l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle. Trois cas sont à distinguer. Deux premiers cas mènent à une configuration ‘centre-périphérie’ de l’économie. On peut alors se ramener aux résultats du Chapitre 1 qui mettent l’accent sur la non-linéarité de la concentration de l’activité industrielle durant le processus d’intégration régionale. Dans un dernier cas cependant, avec une taille des pays égale, la concentration n’a pas lieu.

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Conclusion générale

Tout au long de ce mémoire, nous nous sommes intéressés à l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle. Dans une première partie, nous nous sommes concentrés sur l’approche micro-sectorielle du comportement des firmes. Puis, dans une seconde partie, nous nous sommes attachés à raisonner au niveau macro-sectoriel. De prime abord alternatives, ces deux approches résultent devenir, dans leur évolution respective, très complémentaires. Tout d’abord, elles ont désormais en commun leur environnement d’étude. Elles sont amenées toutes deux à raisonner dans un cadre dynamique imparfaitement concurrentiel, à introduire des coûts de transport, une mobilité, certes imparfaite, des facteurs de production, des biens à la fois finals et intermédiaires, dans leur analyse. Ensuite, si la Partie I montre qu’en définitive l’incitation principale à la délocalisation de la production des firmes dans un processus d’intégration régionale est l’accès au marché, la Partie II utilise sans le justifier ce comportement micro-économique des firmes pour développer ses raisonnements macro-économiques, ce qui est une preuve avérée de la forte complémentarité des deux approches. C’est pour cette dernière raison que la Partie I est nécessaire, et même subordonne, au bien fondé des modèles de la Partie II.

La conclusion de l’investigation menée, si elle met l’accent sur les non-linéarités de la dynamique d’intégration régionale quant à la localisation de l’activité industrielle, reste une prévisible concentration régionale de celle-ci. Toutefois, il est nécessaire à notre sens de tempérer l’idée de « marginalisation » induite par l’intégration régionale, et ce pour deux raisons.

Premièrement, comme le montre le modèle de Walz (1996) développé dans le Chapitre 2 de la Partie II, la marginalisation peut ne pas avoir lieu, pour peu que l’intégration régionale soit mûrement préparée par (et/ou pour) les pays les plus exposés à devenir la périphérie d’une zone qui n’aurait alors d’intégrée que le nom.

Deuxièmement, l’étude de l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle a un intérêt primordial en terme de convergence (dans le sens de rattrapage). Ce que l’on désire savoir en définitive est si l’intégration régionale est un moyen robuste de réduire les inégalités entre les différentes régions du monde. Le clivage Nord-Sud persistant peut-il s’atténuer (voire disparaître) grâce à l’intégration régionale, et la réduction potentielle de ce clivage passe-t-elle par un rattrapage des uns par rapport aux autres, ou par une dynamique vertueuse pour tous ? A ces interrogations plus fondamentales, les différentes modélisations présentées dans ce mémoire, comme d’autres existant dans la littérature45, montrent tout de même que l’intégration régionale augmente in fine le bien-être des consommateurs.

45 Voir, entre autres, Spilimbergo & Stein (1996), Puga (1996), Haveman (1996).

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Perspectives

On peut se demander cependant si cette approche, en l’état, est à même d’envisager

avec justesse le problème de l’impact de l’intégration régionale sur la localisation de l’activité industrielle. En effet, quatre principales limites à l’environnement adopté sont à souligner, qui sont susceptibles de remettre en cause la pertinence des conclusions de cette approche.

En premier lieu, tout se passe dans cette approche comme si l’intégration régionale survenait dans un circuit déjà clos. La prise en compte du reste du monde modifierait peut-être la conclusion de concentration de l’activité industrielle, la délocalisation pouvant alors s’effectuer au sein mais aussi en dehors de la zone intégrée.

En second lieu, et cette critique peut être vue comme l’extension de la première critique, on restreint dans cette approche la zone intégrée à deux pays, alors que la réalité voit rarement se constituer des blocs intégrés constitués seulement de deux pays ! Il est d’ailleurs très probable que l’introduction d’au moins un troisième pays modifie complètement l’analyse en ce sens qu’il n’est plus aussi simple ni évident d’obtenir une configuration ‘centre-périphérie’ du système. Quelles seraient les conséquences sur l’équilibre du passage d’un bloc de deux pays à un bloc de trois pays ?

En troisième lieu, tous les modèles de géographie économique ne considèrent que deux biens dans le processus de production : un bien intermédiaire, dont l’utilisation permet la production d’un bien final. C’est très pauvre et très irréaliste. L’introduction d’une différenciation verticale des biens intermédiaires modifierait très certainement l’analyse et peut-être les résultats de concentration de l’activité industrielle.

Enfin, en quatrième lieu, la modélisation existante ne rend compte en fait que du passage des pays qui s’intègrent à la première des quatre étapes de l’intégration régionale (le libre commerce). Pour être plus apte à raisonner en termes dynamiques, il faudrait pouvoir prendre en compte la passage à non pas un mais à tous les stades de l’intégration régionale successivement dans la modélisation. C’est à ce prix que la modélisation peut servir la réalité.

C’est à la correction de ces quatre insuffisances que l’on doit diriger la recherche sur le

sujet, et essayer de proposer une modélisation qui réunit ces quatre points, i.e. construire un modèle dynamique à 2n+1 pays dont n s’intègrent (le n+1ième devenant le reste du monde), constituant ainsi p blocs intégrés (en imposant par exemple p<n) dans un monde où le secteur du bien industriel comporte m biens différenciés (m>1) où chacun des m biens différenciés utilise ms biens intermédiaires ( ms >1), et analyser l’évolution des p blocs à travers les quatre stades d’intégration régionale.

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Annexe

Annexe 1 Les données utilisées dans les estimations de Brainard (1993a)

• Données46 sur les flux bilatéraux47 :

- de commerce (importations et exportations) ; - de ventes par les filiales des multinationales américaines ;

Les industries pour lesquelles plus de 50% des revenus sont dus aux services ont été supprimées de la base de données car elles n’ont plus vraiment une nature commerciale et ont nécessairement besoin d’une présence locale. Pour les entreprises incluses dans l’analyse48 (commerciales a fortiori), les flux commerciaux bruts49 sont positivement corrélés avec les ventes brutes des filiales dans les deux sens, i.e. que ce soit vers les Etats-Unis ou vers les 27 partenaires commerciaux des Etats-Unis, mais la corrélation est beaucoup plus forte pour les ventes des filiales américaines vers l’extérieur et les exportations (60%) que pour les ventes des filiales américaines vers les Etats-Unis et les importations (20%). Par ailleurs, si on regarde l’indice de Grubel-Lloyd50 pour les ventes intra-industrielles des filiales et pour le commerce intra-industriel des Etats-Unis avec les 27 pays de l’échantillon pris un à un, on s’aperçoit qu’en moyenne, cet indice est plus élevé pour le commerce intra-industriel des Etats-Unis avec ses 27 partenaires commerciaux que pour les ventes intra-industrielles des filiales. Donc le commerce intra-industriel des 27 partenaires commerciaux des Etats-Unis est plus intense avec les entreprises américaines situées sur le territoire américain qu’avec toutes les filiales de firmes américaines dispersées dans les 27 pays de l’échantillon. 46 Les données sont issues du Census Bureau et sont au « 3-digit SIC level », c’est-à-dire à un niveau faible de désagrégation. 47 Brainard priviligie les flux bilatéraux plutôt que les flux multilatéraux pour cause de données limitées sur les flux multilatéraux. 48 Qui sont au nombre de 64. 49 C’est-à-dire incluant les coûts de transport, l’assurance et le frêt.

50 L’indice de Grubel-Lloyd se construit :

=

=

+= 64

1

64

1c

)(

),(IIX

j

Icj

Ocj

j

Icj

Ocj

XX

XXMin

où Ocj

Icj XX et sont respectivement les réexportations des filiales américaines vers les Etats-Unis au sein de

l’industrie j depuis le pays c et les ventes vers le pays c des filiales dans l’industrie j

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• Données sur les mesures directes des coûts de transport :

- au niveau de l’industrie, une mesure du coût de transport doit refléter les caractéristiques spécifiques du produit, mais aussi des facteurs géographiques. Brainard opte pour une formulation alternative, formulation qui utilise les données disponibles sur le frêt et sur les charges d’assurance du frêt d’importation américains51.

• Données sur les variables des pays :

- Le revenu national52; - Le revenu par tête ; - Les dotations de facteurs53; - Le ratio capital-travail ; - Le PIB par travailleur54.

51 N’oublions pas que les données ne sont qu’américaines. 52 Les données sur le revenu national, tout comme celles sur le revenu par tête, de chacun des pays constituant l’échantillon, proviennent du IMF Financial Statistics. 53 Ces données sont construites en utilisant la méthodologie de Bowen (1982). 54 Ces deux dernières variables ont été construites avec les données de la Penn Mark V World Tables.

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Annexe 2

Le modèle de Baldwin & Seghezza (1996) : une présentation rapide

Le modèle se présente comme suit : une économie est constituée de G+1 pays (un pays domestique et G pays étrangers). Chaque pays possède deux secteurs de biens finals : les biens manufacturés (secteur X constitué de N biens différenciés55) échangeables et les services (secteur Z dont le bien est homogène) non échangeables, un secteur de formation du capital, trois facteurs de production : le capital, le travail qualifié, le travail non qualifié. Tous les pays ont des préférences, une technologie de production, et initialement des barrières commerciales, identiques. Le nombre de travailleurs non qualifiés est constant, mais le capital physique (K) et le capital humain (H) s’accumulent. Toutes les barrières commerciales sont du type « iceberg ».

Tous les consommateurs sont identiques et la fonction d’utilité intertemporelle d’un agent représentatif s’écrit :

+∞

−=0

)(ln dttCeU tj

ρ ,

où C est un indice de consommation agrégée.

Les producteurs de chaque variété se font une concurrence à la Cournot dans chacun des G+1 marchés. Le secteur Z est caractérisé par des rendements constants et est parfaitement concurrentiel, et son seul facteur de production est le travail non qualifié56. La formation du capital physique requiert uniquement du bien composite X alors que la formation de capital humain requiert du bien agrégé C.

En supposant le secteur de formation du capital parfaitement concurrentiel et à rendements constants, la loi d’évolution du capital humain et du capital physique est :

KPI

KHP

IH

x

KH δδ −=−= && , ,

où :

IH est la dépense dans l’éducation ; IK est la dépense dans l’investissement privé ; δ est le taux de dépréciation.

55 Chacune des N variétés de X est elle-même un bien homogène et est produite suivant des rendements d’échelle croissants. 56 La fonction de production de ce secteur est : Z=ALZ, où LZ est la travail non qualifié utilisé dans Z et A est le niveau de productivité du travail, supposée augmenter au taux constant γ.

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Comme tout problème d’optimisation dynamique en temps continu à horizon infini, l’équilibre intertemporel est déterminé par la condition d’Euler, les lois d’évolution des variables d’état (H et K) et les conditions de transversalité. Cependant, ce système n’a pas d’état stationnaire en niveau. Il faut donc raisonner en termes intensifs, i.e. considérer c=C/ALZ, h=H/ALZ, k=K/ALZ, ξH=IH/ALZ. Dérivation des équations à estimer :

Puisque les données sur les unités effectives de travail ne sont pas disponibles, il faut spécifier un modèle en termes de croissance par tête. Les auteurs obtiennent finalement le système de deux équations à estimer (en coupe transversale) pour le pays (domestique) j, qui s’écrit :

+Ο−Ο−++

−=

+++

+−

−=

−−

−−

jjjjjHjj

jjjHj

jjj

hLY

YI

hYK

LY

YY

225*

2524232221

1161514131211

ln)ln(ln

)(

ετβτββξβββ

εβξββηβββ&&

, βkl>0 ∀k ∀l,

où :

Y est le PIB ; η est le taux de croissance de la population ; Οj est le ratio importation-PIB que le pays j aurait dans un environnement de commerce libre ; τ est le facteur de barrière commerciale domestique57 ; τ* est le facteur de barrière commerciale étranger auquel font face les exportations domestiques ;

L’échantillon que les auteurs privilégient est un échantillon regroupant les pays dont les

entreprises manufacturières étaient exportatrices en 1989. Tous les paramètres estimés et significatifs sont du signe prédit par le modèle théorique. L’estimation exhibe deux résultats essentiels : 1. L’impact des barrières commerciales (domestiques et étrangères) sur l’investissement est

négatif ; elles découragent l’investissement. Si ce résultat empirique n’est pas nouveau, l’interprétation théorique est en revanche désormais possible : puisque le secteur échangeable est plus intensif en capital que le secteur non échangeable, la protection domestique augmente le taux de rendement58, mais augmente également le coût du nouveau capital, puisque les biens manufacturés sont utilisés comme inputs dans la formation du capital ; l’étude empirique des auteurs suggère donc que le deuxième effet domine le premier.

57 Si τ=1, le commerce est totalement libre. 58 Le taux de rendement intervient dans la fonction de coût du bien différencié X (seul bien échangeable).

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2. Le mécanisme par lequel le commerce affecte la croissance n’est pas direct : le commerce affecte la croissance via son impact sur l’investissement. Cela remet en cause la conception néoclassique d’un progrès technique exogène. En effet, si le progrès technique est exogène, les barrières commerciales ne peuvent pas affecter la croissance de la production dans une équation qui contient des variables d’investissement en capital humain et en capital physique. On ne peut plus croire non plus qu’il n’existe aucun lien entre les barrières commerciales et le progrès technique.

Il convient cependant de prendre quelques précautions. Ce résultat ne tient qu’à l’hypothèse d’intensité capitalistique supérieure du secteur échangeable par rapport au secteur non échangeable.

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Annexe 3

Le lien de causalité entre exportations et investissements directs à l’étranger

Henry (1994) met économétriquement en évidence un certain degré de complémentarité entre les exportations et le stock d’investissement direct à l’étranger français, du moins pour une grande part des échanges avec les pays de l’OCDE. En effet, il existe une corrélation positive entre les évolutions tendancielles des stocks d’investissement directs à l’étranger français et de la propension française à exporter. Cette apparente complémentarité a deux explications possibles :

• Elle est le résultat d’une réponse conjointe aux variations de la demande mondiale qui

s’adresse en effet aux produits français, qu’ils soient produits sur le territoire français ou dans des filiales à l’étranger. La complémentarité est apparente en ce sens qu’en l’absence (ou diminution) de croissance de la demande globale adressée aux produits français, peut apparaître une substitution intra-branche. Les biens étant les mêmes, toute croissance de la production délocalisée s’effectue alors aux dépens des exportations ;

• Elle représente un soutien intra ou inter-branche des investissements directs aux

exportations. Les investissements directs peuvent en effet concerner alternativement la production de biens finis dans des filiales utilisant des biens intermédiaires fabriqués en France, ou la mise en place de réseaux de distribution de produits fabriqués en France.

Cependant, il faut déterminer, pour étudier les liens dynamiques entre investissement direct à l’étranger et exportation, dans quel sens joue cette complémentarité. L’auteur utilise à cet égard des tests de causalité qui portent sur la contribution du passé d’une variable au comportement d’une autre variable. Ici, les exportations passées causent-elles les stocks d’investissements directs contemporains, ou sont-ce les stock d’investissements directs passés qui causent les exportations présentes ?

L’auteur conclut que les investissements directs expliquent les exportations plutôt que l’inverse. Il semble donc pertinent d’estimer une équation d’exportation en retenant comme variable explicative le stock d’investissements directs, et ce que les spécifications prennent en compte ou non une proportionnalité entre stock d’investissement direct à l’étranger et exportation, i.e. que les variables soient exprimées en logarithmes ou non. Le sens de la causalité ayant été déterminé, l’auteur introduit le stock d’investissement direct à l’étranger comme variable explicative dans une équation d’exportation traditionnelle59, comprenant en outre la demande mondiale et le taux de change effectif réel. L’estimation est conduite sur la période du deuxième trimestre de 1980 au quatrième trimestre de 1990. Ce modèle a pour caractéristique l’inutilité de l’introduction de termes temporels, toute la compétitivité étant apparemment capturée par les prix relatifs et le taux de change vis-

59 Equation d’exportations de biens et services.

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à-vis du dollar mais aussi par les implantations dans la Communauté européenne60. La relation de long terme définissant les exportations est finalement :

CEANAN

LT KDWWeDX ln21,0ln18,0ln2,1ln * +

+= ,

avec : X les exportations, D* la demande mondiale tous produits, eANWAN/W le change réel avec l’Amérique du Nord, KDCE le stock d’investissement direct à l’étranger dans la Communauté européenne. La dynamique du modèle est donnée par :

1

* ln7,0ln7,1ln1,0ln−

−∆+

∆=∆

LTANAN

XXDW

WeX .

Non seulement les performances prédictives de ce modèle pourtant frustre sont bonnes, mais a contrario du modèle d’exportations standard, on obtient enfin, dans cette nouvelle formulation incluant le stock d’investissement direct à l’étranger, un modèle sans terme tendanciel. Par conséquent, le seul examen des flux commerciaux ne permet pas de classer un pays dans la hiérarchie internationale : la prise en considération du soutien aux exportations que représentent les investissements directs à l’étranger s’impose. Mais cela bien entendu ne signifie pas que d’autres investissements directs à destination de pays moins développés, (ne représentant cependant que moins de 5% dans le cas de la France depuis dix ans) n’aient des effets néfastes, notamment en termes d’emplois.

60 Ainsi, les implantations dans la Communauté européenne auraient permis des gains de compétitivité en dehors de la zone.

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Annexe 4

Implication sur le bien-être de l’intégration régionale : le modèle de Krugman & Venables (1995)

Le but de ce modèle est d’analyser les effets de l’intégration régionale sur les revenus nationaux réels à travers un modèle d’équilibre général où la seule différence entre les pays est une division internationale du travail. Le modèle Supposons : • Le monde divisé en deux zones : le Nord et le Sud ; • Les dotations factorielles, les préférences, et les technologies de production identiques

dans les deux régions. Le bloc Demande : • Chaque zone possède L unités de travail, dont le taux de salaire est w, distribuées dans

deux secteurs : agricole et manufacturier ; • Le revenu que perçoit le consommateur représentatif de chaque région ne dépend que du

travail ; • Les préférences du consommateur représentatif sont du type Cobb-Douglas, et elles

peuvent s’écrire à l’aide d’une fonction de dépense :

Upp MAγγ−1 (1)

où : U est l’utilité ; pA est le prix du bien agricole ; pM est l’indice de prix du secteur manufacturier, de type CES :

[ ] σσσ −−− += 11

1**1 )( tpnnppM (2)

où : n est le nombre de variétés produites dans la zone ; p est le prix d’équilibre dans la zone ;

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n* est le nombre de variétés produites dans l’autre zone ; p* est le prix d’équilibre dans l’autre zone ; t est un coût de transport (de type « iceberg ») ; σ est l’élasticité de la demande pour une variété (σ>1).

γ la part du secteur manufacturier dans la dépense du consommateur. La contrainte budgétaire saturée s’écrit donc : UppwL MA

γγ−= 1 . Le bloc Offre :

SECTEUR AGRICOLE SECTEUR INDUSTRIEL Bien homogène de consommation finale Bien différencié de consommation

intermédiaire ou finale Concurrence parfaite Concurrence imparfaite Rendements d’échelle constants Rendements d’échelle croissants Facteur de production unique et immobile : le travail

Facteurs de production : le travail (immobile) et un bien intermédiaire composite (mobile)61

Le bien agricole sert de numéraire : pA=1, w=1

pM>1, w>1

Pas de coûts de transaction Coûts de transaction entre les zones pour le bien final comme pour le bien intermédiaire

Contestabilité Contestabilité • Chaque firme produit à la fois pour le marché domestique (Y) et pour l’exportation (X) ; • La fonction de coût total d’une firme est donc :

)]([1 XYpwTC M ++= − βαµµ (3) où :

µ est la part du bien intermédiaire dans la technologie Cobb-Douglas de production du bien final du secteur manufacturier.

L’équilibre 1. Détermination de la valeur totale de la dépense en bien manufacturier (E) :

pnYXwLE )( ++= µγ (4)

61 Les auteurs font l’hypothèse simplificatrice que le bien intermédiaire composite est le même que le bien final composite. Donc le prix du bien intermédiaire composite est pM.

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2. Le prix d’équilibre de chaque variété chargé par les firmes du secteur manufacturier est un mark-up sur le coût marginal :

σβµµ

/11

1

−=

−Mpw

p (5)

3. La demande d’une variété, produite dans une zone, dans les deux zones :

EppY M1−−= σσ et *1*1 )( EptpX M

−−−= σσσ (6) 4. La contestabilité implique une condition de profit nul à l’équilibre, qui induit une unique

taille de firme du secteur manufacturier à l’équilibre :

βασ /)1( −=+ XY (7) 5. En normalisant la taille d’équilibre de la firme du secteur manufacturier à un et en

substituant (6) dans (7), on obtient une nouvelle expression de la condition de profit nul :

[ ]*1*11 )(1 EptEpp MM−−−− += σσσσ (8)

L’équilibre est donc caractérisé par (2), (4) (5) et (8) pour chacune des deux zones, qui permettent d’exhiber les valeurs d’équilibres de pM, w, p, n, et E. Commentaire :

Le nombre de firmes dans le secteur manufacturier, n, affecte la profitabilité des firmes à travers trois canaux :

i. une hausse de n entraîne une baisse du prix chargé par les firmes et donc une

diminution de la profitabilité ;

ii. si µ>0, i.e. si la production d’un bien final utilise des biens intermédiaires, une hausse de n entraîne une baisse de pM, et baisse par conséquent le coût moyen et le coût marginal de production ; ce qui implique une hausse de la profitabilité. Cet effet est en fait une externalité de coût ;

iii. si µ>0, une hausse de n entraîne également une hausse de E, ce qui induit une

hausse de la demande en biens manufacturés, ce qui implique par conséquent une hausse de la profitabilité. Cet effet est en fait une externalité de demande.

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Localisation et emploi

Dans un tel cadre, qu’est-ce qui détermine la distribution des firmes du secteur manufacturier entre les deux pays ? et la distribution du travail dans chaque pays entre les secteurs ? Pour répondre à ces questions suivant la valeur des paramètres d’intérêt du modèle développé en amont, les auteurs choisissent la méthode de la simulation numérique. En partant du principe que chaque industrie doit faire face à la concurrence sur deux fronts simultanément :

a. contre les firmes étrangères dans la même industrie (en termes de biens finals) ; b. contre les firmes domestiques des autres industries (en termes de biens

intermédiaires), La détermination de l’équilibre (ou des équilibres) s’effectue à l’aide d’un diagramme de phases, en privilégiant trois niveaux (élevé, intermédiaire, et faible) de coûts de transaction. Les résultats sont les suivants : - pour un haut niveau de coûts de transaction : L’équilibre est unique, stable, symétrique, i.e. chaque zone contient le même nombre de firmes, et mixte, en ce sens que chaque zone produit à la fois du bien agricole et du bien différencié. Il n’y a donc pas de commerce net, même s’il y a du commerce intra-industriel dans le secteur manufacturier. Les parts d’emploi sont déterminées par les parts des deux secteurs dans la consommation finale. w=1. - pour un faible niveau de coûts de transaction : On a multiplicité d’équilibres : l’équilibre mixte est instable ; l’équilibre stable est asymétrique, i.e. un équilibre auquel la spécialisation dans la manufacture s’opère pour une des régions62. w>1. La raison de l’apparition d’équilibres multiples est simple : il s’agit de la conséquence de l’apparition d’une externalité à travers l’effet d’agglomération qu’induisent les faibles coûts de transaction. - pour un niveau intermédiaire de coûts de transaction : Cette configuration aboutit également à l’apparition d’équilibres multiples. Cependant l’équilibre symétrique est stable. Mais si les coûts de transaction continuent de baisser, l’équilibre symétrique devient instable. La valeur critique de t menant à une spécialisation complète de l’une des zones est :

−−−+

−+=−

1)1(1)1(

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µσµσ

µµσt (9)

62 L’autre zone produit certes le bien homogène mais peut également produire du bien différencié.

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On a vu que l’asymétrie survient lorsque les biens manufacturiers comme biens intermédiaires dans le processus de production jouent un rôle suffisamment significatif. Trois configurations sont à répertorier : • si µ→0, les externalités sont faibles. En particulier, si µ=0, t=1 (on retrouve le cas

symétrique) ; • si µ>>0 (et/ou σ≈0), alors σ(1-µ)<1, donc t<0, et ∀t (en l’occurrence le plus élevé qu’il

soit), on a asymétrie, i.e. une configuration centre-périphérie ; • si [ ]σσµ )1(,0 −∈ , la valeur critique de t est nécessairement supérieure à 1.

Ainsi, la valeur critique est d’autant plus élevée ( et donc la région d’équilibres multiples importante) que σ est faible, et µ est fort. En d’autres termes, plus le mark-up des prix sur les coûts et plus la part des biens intermédiaires dans la production sont importants, plus les forces en faveur de l’agglomération sont réunies et puissantes.

Commerce et bien-être Quelles sont les implications de cette structure d’équilibres sur le revenu réel et le bien-être ? Si on analyse le lien entre coûts de transport et salaire réel, on s’aperçoit que ce lien est à trois étapes :

i. Lorsque t est élevé, les deux zones sont symétriques, donc w=1 dans les deux régions ;

ii. Lorsque t diminue, apparaissent des équilibres multiples, et par voie de conséquence la structure devient asymétrique : • Le salaire réel augmente dans la zone où le secteur manufacturier

prédomine, pour deux raisons : - la demande de travail dans le secteur manufacturier devient plus

importante, donc w augmente ; - moins de biens manufacturés, sujets aux coûts de transport, sont

importés, donc p diminue. • le salaire réel diminue dans l’autre zone, car w=1 mais p augmente puisque la zone

importe plus de biens manufacturés, et donc des coûts de transport s’ajoutent ; iii. puis, lorsque t→0, on assiste alors à une délocalisation des firmes, qui entraîne

une égalisation des salaires, des prix, et a fortiori du salaire réel. En fait, on a une baisse du salaire réel dans la zone manufacturière et une hausse dans l’autre zone.

Conclusion

On s’aperçoit donc, au vu de ces résultats, que l’intégration régionale augmente le revenu réel global, même si à l’échelle des régions, elle entrave leur bien-être. En effet, les gagnants et les perdants à l’intégration ne sont pas les mêmes à court et à long terme. En outre, l’intégration dans un tel cadre permet d’amoindrir les inégalités.

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