L’aide belge investit dans les paradis...

2
27/02/12 22:59 - LE_SOIR du 28/02/12 - p. 1 lasociété Début des inscriptions en secondaire La première période des ins- criptions dans l’enseignement secondaire a démarré sur un mode mineur. Les écoles ne sont pas prises d’assaut. Tous les parents ne sont pas rassu- rés pour autant. P. 6 l’ économie Qui téléphone encore avec son téléphone ? Le salon Mobile World Con- gress à Barcelone confirme que les smartphones sont de plus en plus sophistiqués. Et qu’ils servent de moins en moins à téléphoner. P. 22 latélévision La RTBF piège RTL L’émission On n’est pas des pi- geons de ce mardi est consa- crée à la voyance. Les journalis- tes de la RTBF ont piégé en di- rect Ingrid Lapraille, tarolo- gue de RTL. Le producteur de l’émission se défend d’avoir vi- sé particulièrement la chaîne privée. P. 39 Construire un palace au Nigeria BIO a investi 5 mil- lions dans Africin- vest ltd. (île Mauri- ce), qui a cofinancé la construction d’un palace à Lagos. Financer le tourisme médical BIO a placé 6 mil- lions dans Maghreb Private equity fund II (Chypre) qui finan- ce une clinique pri- vée tunisienne. Vendre des sodas à Burger King BIO a mis 5 millions dans Caseif II ltd. (Bahamas). Un fabri- cant costaricain de boissons en poudre en a profité. © D.R. © D.R. © D.R. © SYLVAIN PIRAUX. L a Société belge d’investis- sement pour les pays en dé- veloppement (BIO S.A.), dont l’Etat belge est actionnaire à 84 %, a placé plus de 150 mil- lions d’euros dans des fonds d’in- vestissements situés aux Baha- mas, à Guernesey et autres para- dis fiscaux. L’essentiel de ces fonds spécule sur des PME à forte croissance dans les pays émergents. Des PME dont l’activité principale in- terpelle parfois, comme le mon- trent les exemples ci-contre. Par ces investissements légaux, l’argent du contribuable belge emprunte les mêmes circuits fi- nanciers que l’argent du crime or- ganisé, de la fraude et de la cor- ruption. Certains de ces fonds sont même situés dans les lieux les plus symboliques de la finan- ce « offshore », comme Ugland House (îles Caïmans), jadis quali- fiée par Barack Obama de « plus grande arnaque fiscale du mon- de ». N ouveau coup dur pour Costa Crociere, moins de deux mois après le nau- frage du Costa Concordia. Un au- tre navire de la compagnie italien- ne, le Costa Allegra, est à la déri- ve au large des Seychelles après un incendie en plein océan In- dien. Il n’y a aucune victime, mais le navire ne dispose plus que de l’énergie nécessaire pour faire fonctionner l’éclairage à bord. Des navires sont attendus dans la nuit de lundi à mardi dans la zo- ne où le paquebot dérive. Treize Belges se trouvent à bord du ba- teau. P. 21 Transports Le groupe SNCB veut engager 1.300 person- nes en 2012. Pour tou- cher les éventuels pos- tulants, la SNCB diffu- sera des annonces dans les trains. S elon Joep Konings, profes- seur d’économie à la KU Leuven, la suspension tem- poraire de l’indexation automati- que des salaires permettrait de créer entre 14.000 et 41.000 em- plois. La situation actuelle (crise économique et absence d’infla- tion) serait propice à un tel plan. L’économiste Michel Capron, professeur émérite à l’UCL, fait remarquer qu’un saut d’index permettrait aux entreprises de faire des économies, mais que cel- les-ci ne seraient pas forcément affectées à l’emploi. P. 13 NOTRE DÉBAT 5 4 1 3 6 3 5 0 0 6 2 8 9 0 9 P. 16 & 17 150 MILLIONS d’euros d’aide publique sont engagés dans des fonds situés dans des paradis fiscaux. L es ministres des Affaires étrangères des 27 pays de l’Union européenne se sont réunis ce lundi à Bruxelles pour discuter de la situation en Syrie, alors que les tractations pour obtenir l’évacuation des journalistes blessés à Homs con- tinuent. Ils ont convenu d’un nouveau train de sanctions contre le régi- me d’al-Assad, mais ne sont pas parvenus à s’harmoniser sur la fermeture probable des ambas- sades européennes en Syrie. Le ministre des Affaires étran- gères Didier Reynders va deman- der à l’ambassadeur de Belgique en Syrie, Françoise Gustin, rap- pelée en consultation voici trois semaines, de retourner à Da- mas : « Ce sera un retour avec en tête un programme de fermeture éventuelle de l’ambassade. Il faut que les préparatifs soient fi- nis d’ici la fin du mois de mars. Les rapports de sécurité ne sont pas bons. Pour après, il faudra organiser une collaboration avec la représentation européen- ne. » P. 8 NOTRE DOSSIER ON AURA TOUJOURS RAISON DE L’OUVRIR Foire du Livre du 1er au 5 mars 2012 Venez nous rejoindre sur notre stand (journal Le Soir stand 411). Contre remise de ce bon, un excellent café vous sera offert dans un espace créé spécialement pour un tête-à-tête avec votre journal Le Soir. Excellente visite! Faites une pause lecture avec Le Soir 18805530 SANTÉ LES SOMNIFÈRES CAUSERAIENT JUSQU’À CINQ FOIS PLUS DE DÉCÈS PRÉCOCES P.28 DIABLES ROUGES Fellaini : « Soit on se qualifie, soit il faut se pendre » P. 31 LE MINISTRE QUITTE LIÈGE La dernière séance de Didier Reynders P. 5 COUP DE FORCE À SPRIMONT Une milice privée contre les travailleurs P. 2 & 3 L’aide belge investit dans les paradis fiscaux La SNCB va recruter directement dans le train Un saut d’index pour aider l’emploi ? Mille passagers à la dérive dans un paquebot Costa © AFP. CINÉMAS 19 MARCHÉS 25–26 PETITES ANNONCES 28 NÉCROLOGIE 29 THÉÂTRES 35 JEUX & BD 37 TÉLÉVISION 38–39 PETITE GAZETTE & MÉTÉO 40 L’Europe devrait fermer ses ambassades en Syrie MARDI 28 février 2012 / Edition Liège / Quotidien / N o 50 / EUR 1,20 / 02 225 55 55 www.lesoir.be 2LG

Transcript of L’aide belge investit dans les paradis...

Page 1: L’aide belge investit dans les paradis fiscauxfondspourlejournalisme.be/telechargements/2012-02-28_LeSoir_BIO.pdf · ne, le Costa Allegra, est à la déri-ve au large des Seychelles

27/02/12 22:59 - LE_SOIR du 28/02/12 - p. 1

lasociété

Début des inscriptionsen secondaireLa première période des ins-criptions dans l’enseignementsecondaire a démarré sur unmode mineur. Les écoles nesont pas prises d’assaut. Tousles parents ne sont pas rassu-rés pour autant. P. 6

l’économie

Qui téléphone encoreavec son téléphone ?Le salon Mobile World Con-gress à Barcelone confirmeque les smartphones sont deplus en plus sophistiqués. Etqu’ils servent de moins enmoins à téléphoner. P. 22

latélévision

La RTBF piège RTL

L’émission On n’est pas des pi-geons de ce mardi est consa-crée à la voyance. Les journalis-tes de la RTBF ont piégé en di-rect Ingrid Lapraille, tarolo-gue de RTL. Le producteur del’émission se défend d’avoir vi-sé particulièrement la chaîneprivée. P. 39

Construire unpalace au Nigeria

BIO a investi 5 mil-lions dans Africin-vest ltd. (île Mauri-ce), qui a cofinancéla construction d’unpalace à Lagos.

Financer letourisme médical

BIO a placé 6 mil-lions dans MaghrebPrivate equity fundII (Chypre) qui finan-ce une clinique pri-vée tunisienne.

Vendre des sodasà Burger King

BIO a mis 5 millionsdans Caseif II ltd.(Bahamas). Un fabri-cant costaricain deboissons en poudreen a profité.

©D

.R.

©D

.R.

©D

.R.

©SY

LVA

INPI

RAU

X.

La Société belge d’investis-sement pour les pays en dé-veloppement (BIO S.A.),

dont l’Etat belge est actionnaire à84 %, a placé plus de 150 mil-lions d’euros dans des fonds d’in-vestissements situés aux Baha-mas, à Guernesey et autres para-dis fiscaux.

L’essentiel de ces fonds spéculesur des PME à forte croissancedans les pays émergents. DesPME dont l’activité principale in-terpelle parfois, comme le mon-

trent les exemples ci-contre.Par ces investissements légaux,

l’argent du contribuable belgeemprunte les mêmes circuits fi-nanciers que l’argent du crime or-ganisé, de la fraude et de la cor-ruption. Certains de ces fondssont même situés dans les lieuxles plus symboliques de la finan-ce « offshore », comme UglandHouse (îles Caïmans), jadis quali-fiée par Barack Obama de « plusgrande arnaque fiscale du mon-de ». ■

Nouveau coup dur pourCosta Crociere, moins dedeux mois après le nau-

frage du Costa Concordia. Un au-tre navire de la compagnie italien-ne, le Costa Allegra, est à la déri-ve au large des Seychelles aprèsun incendie en plein océan In-dien.

Il n’y a aucune victime, mais lenavire ne dispose plus que del’énergie nécessaire pour fairefonctionner l’éclairage à bord.Des navires sont attendus dans lanuit de lundi à mardi dans la zo-ne où le paquebot dérive. TreizeBelges se trouvent à bord du ba-teau. ■

P. 21 TransportsLe groupe SNCB veutengager 1.300 person-nes en 2012. Pour tou-cher les éventuels pos-tulants, la SNCB diffu-sera des annoncesdans les trains.

Selon Joep Konings, profes-seur d’économie à la KULeuven, la suspension tem-

poraire de l’indexation automati-que des salaires permettrait decréer entre 14.000 et 41.000 em-plois. La situation actuelle (criseéconomique et absence d’infla-tion) serait propice à un tel plan.

L’économiste Michel Capron,professeur émérite à l’UCL, faitremarquer qu’un saut d’indexpermettrait aux entreprises defaire des économies, mais que cel-les-ci ne seraient pas forcémentaffectées à l’emploi. ■

� P. 13 NOTRE DÉBAT

5 4 1 3 6 3 5 0 0 6 2 8 9

0 9

P. 16 & 17 150 MILLIONSd’euros d’aide publique sontengagés dans des fonds situésdans des paradis fiscaux.

Les ministres des Affairesétrangères des 27 pays del’Union européenne se

sont réunis ce lundi à Bruxellespour discuter de la situation enSyrie, alors que les tractationspour obtenir l’évacuation desjournalistes blessés à Homs con-tinuent.

Ils ont convenu d’un nouveautrain de sanctions contre le régi-

me d’al-Assad, mais ne sont pasparvenus à s’harmoniser sur lafermeture probable des ambas-sades européennes en Syrie.

Le ministre des Affaires étran-gères Didier Reynders va deman-der à l’ambassadeur de Belgiqueen Syrie, Françoise Gustin, rap-pelée en consultation voici troissemaines, de retourner à Da-mas : « Ce sera un retour avec en

tête un programme de fermetureéventuelle de l’ambassade. Ilfaut que les préparatifs soient fi-nis d’ici la fin du mois de mars.Les rapports de sécurité ne sontpas bons. Pour après, il faudraorganiser une collaborationavec la représentation européen-ne. » ■

� P. 8 NOTRE DOSSIER ON AURA TOUJOURS RAISON DE L’OUVRIR

Foire du Livre du 1er au 5 mars 2012

Venez nous rejoindre sur notre stand

(journal Le Soir stand 411).Contre remise de ce bon,

un excellent café vous sera off ertdans un espace créé spécialement

pour un tête-à-tête avec votre journal Le Soir.

Excellente visite !

Faites une pause lecture

avec Le Soir

18805530

SANTÉ LES SOMNIFÈRES CAUSERAIENT JUSQU’À CINQ FOIS PLUS DE DÉCÈS PRÉCOCES P.28

DIABLES ROUGES

Fellaini : « Soit on se qualifie, soit il faut se pendre »P. 31

LE MINISTRE QUITTE LIÈGE

La dernière séance de Didier Reynders P. 5

COUP DE FORCE À SPRIMONT

Une milice privée contre

les travailleursP. 2 & 3

L’aide belge investitdans les paradis fiscaux

La SNCBva recruterdirectementdans le train

Un saut d’indexpour aider l’emploi ?

Mille passagers à la dérivedans un paquebot Costa

© AFP.

CINÉMAS 19

MARCHÉS 25–26

PETITES ANNONCES 28

NÉCROLOGIE 29

THÉÂTRES 35

JEUX & BD 37

TÉLÉVISION 38–39

PETITE GAZETTE & MÉTÉO 40

L’Europe devrait fermerses ambassades en Syrie

MARDI 28 février 2012 / Edition Liège / Quotidien / No 50 / EUR 1,20 / 02 225 55 55

www.lesoir.be 2LG

Page 2: L’aide belge investit dans les paradis fiscauxfondspourlejournalisme.be/telechargements/2012-02-28_LeSoir_BIO.pdf · ne, le Costa Allegra, est à la déri-ve au large des Seychelles

27/02/12 22:07 - LE_SOIR du 28/02/12 - p. 16

En 2007, BIO a engagé cinq millions dedollars dans le fonds Caseif Corpora-tion II Ltd. domicilié à Nassau, aux Baha-

mas. Ce fonds a acquis des participationsdans Desinid, une PME costaricaine qui venddes boissons en poudre aux géants du fast-food Burger King et Taco Bell, ses principauxclients.

Karl Marx et Hugo ChavesLe directeur de Desinid, Karl Marx, est ravi

du soutien des fonds belges obtenus via Ca-seif II.

« L’impact du fonds sur notre croissance aété extraordinaire », explique-t-il au Soir.

Quand nous avons rencontré le responsabledes investissements du fonds, Hugo Chaves,nous fonctionnions encore comme une peti-te entreprise familiale, et nos capitaux limitésétaient un frein à notre croissance. Le capitalamené par Caseif II nous a permis d’investirdans un logiciel de comptabilité et de nousprofessionnaliser. »

Il plaisante : « Qui aurait imaginé que moi,Karl Marx, je rencontrerais Hugo Chaves auCosta Rica ? »

Les chaînes américaines Burger King etTaco Bell possèdent respectivement 32 et 24restaurants dans ce petit pays d’Amériquecentrale de 4,6 millions d’habitants. ■ D.L.

On a beau chercher : les îles Caïmans,Guernesey, les Bahamas ou l’île Mau-rice ne sont mentionnés nulle part

sur le site internet ni dans les rapports an-nuels de la très discrète Société belge d’in-vestissement pour les pays en développe-ment (BIO). C’est pourtant dans ces paradisfiscaux que BIO, dont l’Etat belge est action-naire à 84 %, a engagé ces dernières annéesquelque 150 millions d’euros d’argent pu-blic dans des fonds d’investissement.

L’essentiel de ces entités sont des fondsde capital-investissement (private equity)qui spéculent sur des PME à forte croissancedans les pays émergents. Ce sont des sortesde « cagnottes » réunissant investisseurs ins-titutionnels et privés, qui atteignent parfoisplusieurs centaines de millions de dollars.Ces fonds achètent des participations dansdes entreprises non cotées qu’ils revendentquelques années plus tard, quand ces socié-

tés ont grossi et pris de la valeur. L’objectifest de récupérer le capital et d’empocherune belle plus-value en prime.

Le fonds Mekong Brahmaputra, domiciliéà Guernesey, promet par exemple un retoursur investissement de 15 % minimum. BIO ya engagé 5 millions de dollars en 2010. Dece montant, 2 % de commission, soit100.000 euros, sont directement revenus augestionnaire du fonds, Dragon Capital. Cetintermédiaire se rémunérera en outre viaune « prime de rendement » proportionnel-le aux résultats obtenus. Ces primes au résul-tat sont souvent accusées d’inciter les ges-tionnaires à prendre des risques excessifs.

En tout cas, ce type d’investissement com-porte des risques : « L’environnement pourles investissements en private equity est vola-til, et un investisseur ne devrait investir ques’il peut résister à une perte totale de l’investis-sement », prévient la banque JP Morgan

dans un prospectus.« BIO a commencé à investir dans ces fonds

vers 2003, explique son CEO Hugo Bosmans.Le but poursuivi est double : créer des emploisdurables et obtenir un rendement sur nos par-ticipations. Comme ces fonds ont une duréede vie de 10 à 12 ans, on commencera à con-naître leurs rendements réels à partir de l’an-née prochaine. » Jusqu’ici, BIO n’est sortieque d’un seul fonds, prématurément parcequ’insatisfaite du gestionnaire. La plus-va-lue réalisée a été de 7 %.

Depuis 2002, BIO a engagé pas moins de151,7 millions d’euros dans 36 fonds d’inves-tissement domiciliés dans 11 juridictions

(voir tableau ci-contre). L’île Maurice est ladestination privilégiée de BIO avec 11 fondstotalisant 42,7 millions d’euros. Viennent en-suite le Luxembourg (38 millions dans 5fonds) et les îles Caïmans (22,9 millions d’eu-ros dans 7 fonds). A l’exception du Maroc,tous les territoires sélectionnés offrent unefiscalité et un environnement administratiftrès avantageux pour les fonds d’investisse-ment.

Certains fonds sont d’ailleurs situés dansdes lieux symboliques de la finance offsho-re. Le Vietnam Investments Fund II, dans le-quel BIO vient de s’engager pour 7 millionsde dollars, est domicilié dans Ugland Houseaux îles Caïmans, une grosse villa de quatre

étages qualifiée par Barack Obama en 2007de « plus grande arnaque fiscale du monde »parce qu’elle abrite quelque 19.000 sociétésboîtes aux lettres.

LocFund, un fonds dans lequel BIO a in-vesti 2 millions de dollars en 2007, est domi-cilié au 1209 Orange Street à Wilmington,dans l’Etat du Delaware, le paradis fiscal desEtats-Unis. Une adresse qui héberge plus de217.000 sociétés offshore.

Les engagements de BIO semblent en ou-tre refléter les dernières tendances en matiè-re d’ingénierie fiscale. Le fonds AureosSouth-East Asia Fund II a été créé en 2011dans la province canadienne de l’Ontario,

sous une forme juridiquequ’un avocat d’affaires cana-dien voit déjà concurrencer latrès populaire « Limited Liabili-ty Company » du Delaware.

Si ces investissements réali-sés par BIO sont tout à fait légaux, ils peu-vent soulever certaines questions éthiques.Au nom de l’aide au développement, l’ar-gent du contribuable belge emprunte en ef-fet les mêmes circuits financiers que l’ar-gent de la corruption, de la fraude fiscale etdu crime international.

Dans un rapport de 2009 intitulé Tax Ha-vens and Development, une commission dugouvernement norvégien concluait entreautres que les investissements publics dansles paradis fiscaux contribuaient à réduireles recettes fiscales des pays en développe-ment, à renforcer l’économie des paradis fis-caux en leur fournissant du capital et de lalégitimité, et donc à favoriser, indirecte-

ment, l’évasion fiscale et le blanchimentd’argent.

Cette situation peut paraître d’autantplus paradoxale qu’une étude du think-tank américain Global Financial Integrity amontré que 1.260 milliards de dollars deflux financiers illicites ont quitté les pays endéveloppement en 2008 pour trouver refu-ge dans les pays industrialisés.

« Ces flux Sud-Nord ont en grande partietransité par les paradis fiscaux, note JohnChristensen, économiste et directeur duTax Justice Network, un réseau internatio-nal d’ONG pour la justice fiscale. En 2008, l’ai-de publique au développement versée par lespays riches aux pays pauvres a représentémoins de 120 milliards de dollars. Pour cha-que euro d’aide, dix euros ont donc quitté lespays en développement pour les paradis fis-caux. »

Ces investissements de BIO semblent enoutre contraster avec un objectif phare duG20. Celui de lutter contre les territoiresdont l’opacité et la réglementation financiè-re « light » ont été épinglées parmi les cata-lyseurs de la crise financière de 2008.

Car si les listes « grise » et « noire » des ter-ritoires non coopératifs sur le plan fiscal, éta-blies par l’OCDE, se sont aujourd’hui vidées,le problème pointé en 2009 par le G20 àLondres n’est pas pour autant résolu. Le con-cept de « paradis fiscal » est devenu « troplimitatif pour qualifier des territoires qui sontaussi source d’évasion réglementaire et juris-prudentielle », estime une récente étude duCentre d’analyse stratégique (CAS), un orga-ne d’expertise dépendant des services du

Premier ministre en France.Evoquant la faillite de Lehman Brothers,

la méga-fraude de Bernard Madoff, et lesscandales Enron et Parmalat, l’étude souli-gne que la présence de ces territoires « aucœur de montages financiers opaques et dou-teux a mis en évidence leur influence structu-relle et potentiellement déstabilisante sur lesystème financier ».

Pour le CAS, ils constituent les « lignes defaille de la supervision macroprudentielle né-cessaire à la stabilité du système financier ».

En croisant plusieurs indicateurs, les ex-perts français ont identifié 12 centres finan-ciers qui constituent le « noyau dur » de ces

lignes de faille. Parmi eux, les îles Caïmans,le Luxembourg, les Bahamas, Guernesey etMaurice, cinq territoires où BIO a au total in-vesti 111,2 millions d’euros.

Carole Maman, directrice du secteur finan-cier chez BIO, justifie l’installation de fondsdans ces territoires en invoquant « la sécuri-té et la stabilité politique, la sécurité juridiqueet l’environnement réglementaire propice, etune fiscalité favorable ».

Elle rappelle que les entreprises du Sudsoutenues par les fonds d’investissementpaient des impôts sur les bénéfices dansleurs pays d’établissement. « Les centres fi-nanciers offshore permettent de limiter lacharge fiscale supplémentaire au niveau de

la structure intermédiaire, un niveau où il y apeu de création de valeur. Les revenus perçuspar BIO via les centres offshore entrent danssa base taxable. »

Autre argument invoqué par BIO : le coût.« Des juridictions telles que Maurice ou les îlesCaïmans ont de bons administrateurs defonds. Le coût de gestion des fonds à Mauriceest d’environ 20 à 30.000 euros tandis que lecoût d’un fonds au Luxembourg tourne au-tour de 100 à 150.000 euros. »

« L’opacité n’est jamais une raison pourBIO d’investir dans un centre financier offsho-re, poursuit Carole Maman. Nous prenonstoutes les précautions pour que nos fonds

soient utilisés de façon efficaceet légitime. Nous réalisons desmissions d’évaluation sur placeafin de nous assurer de la quali-té des équipes de gestion, nousconnaissons tous les actionnai-

res investissant dans nos fonds, nous obte-nons un reporting (trimestriel et annuel) dé-taillé sur l’utilisation de nos fonds, nous parti-cipons également aux instances de gouver-nance des fonds afin de surveiller le bon fonc-tionnement et l’évolution de la stratégie d’in-vestissement. » ■ DAVID LELOUP

Enquête réalisée avec le soutien du Fonds pour le

journalisme en Communauté française

Domicilié à l’île Maurice, paradis fiscalau cœur de l’océan Indien, le fondsAfricinvest Ltd. a notamment cofinan-

cé la construction d’un hôtel cinq étoiles gérépar le groupe Radisson au Nigeria.

Une nuit dans ce luxueux palace de 170chambres, situé au cœur du quartier des affai-res de Lagos, coûte entre 400 à 550 dollars.Selon la Banque mondiale, le revenu mensuelmoyen au Nigeria est de 95 dollars (72 euros),et 55 % de la population vit sous le seuil depauvreté.

Africinvest, dans lequel BIO a engagé cinqmillions d’euros en 2004, a également investidans 17 autres entreprises, dont notammentAtlantique Telecom (numéro deux de la télé-phonie mobile au Togo), Folly Fashion (distri-buteur marocain de vêtements féminins), etPetro-Ivoire (réseau de stations essence enCôte d’Ivoire). ■ D.L.

En 2008, BIO injecte cinq millions de dol-lars dans le Latam Growth Fund Ltd.(LGF), un fonds boîte aux lettres domici-

lié à George Town, aux îles Caïmans. Ce fondsest hébergé par la Codan Trust Company, filia-le d’un des plus anciens cabinets d’avocatsdes Bermudes, autre paradis fiscal notoire.

Depuis sa création en 2008, le LatamGrowth Fund a acquis des participations en Co-lombie et au Pérou dans une centrale hydroé-lectrique, une entreprise de forage pétrolier,une société forestière commercialisant des« permis de polluer » au CO2, et dans BodytechSA, une chaîne de salles de fitness.

Grâce aux capitaux apportés par le fonds, Bo-dytech s’est diversifiée, a racheté des concur-rents et ouvert de nouvelles salles. Elle en pos-sède aujourd’hui 40 en Colombie et cinq au Pé-rou. En Colombie, près de la moitié de la popu-lation vit sous le seuil de pauvreté, et au Pérouplus d’une personne sur trois. ■ D.L.

Atténuer les effets de l’âge sur votre visageou votre corps peut accroître votre con-fiance en vous », peut-on lire sur le site

internet de la Clinique internationale Hannibal,juste au-dessus d’une photo d’un implantmammaire. Inaugurée il y a six mois, cette clini-que privée très high-tech est située sur les ber-ges du lac de Tunis, dans le quartier des ambas-sades. Elle est notamment active dans le trèsjuteux créneau du tourisme médical, un mar-ché important puisqu’environ 120.000 touris-tes étrangers viennent chaque année goûterau charme discret des cliniques tunisiennes.

La clinique Hannibal figure parmi les 15 PMEsur lesquelles a misé le Maghreb Private EquityFund II (MPEF II), un fonds domicilié à Chypre,paradis fiscal très prisé par les oligarques rus-ses. En 2006, BIO a décidé d’injecter 6 millionsd’euros dans ce fonds piloté depuis Tunis parla société de capital-investissement Tuninvest.

Une association de 75 médecins tunisiens,dont la clientèle privée se compose de plusd’un tiers d’étrangers, détient 34 % du capitalde la clinique. Machirurgie.com, un tour-opéra-teur tunisien spécialisé en tourisme médical(chirurgie des seins, de la silhouette, du visage,greffe de cheveux…) et qui cible une clientèlefrançaise, vante les services de la clinique Han-nibal sur son site internet. Hors avion, un chan-gement de prothèses PIP est proposé pour1.780 •euros tout compris : navette depuis l’aé-roport, prothèses, honoraires du chirurgien,deux nuits d’hospitalisation, et deux nuits deconvalescence demi-pension « dans un quatreétoiles en bord de mer ».

La clinique Hannibal réalise également des« bilans de santé demandés par la majorité des

multinationales ». Avec ses 180 lits répartis sur11 étages, elle est la plus grande clinique dupays en termes de capacité. « Elle affiche untaux de remplissage proche des 100 %, expliqueCarole Maman, directrice du secteur financierchez BIO. La clinique emploie aujourd’hui 450personnes, et 200 cabinets médicaux sont encours d’ouverture dans un rayon de 300 mètres.Cet établissement traite des pathologies sévèresqui n’étaient pas suffisamment couvertes en Tu-nisie telles que le cancer et les maladies cardio-vasculaires, et dispose d’un centre de procréa-tion médicale assistée. La clinique a traité des ré-fugiés libyens pendant la révolution. »

Connexions avec le régime Ben AliUn des actionnaires de la clinique Hannibal

est Lassaad Boujbel, dont le frère Saïd est legendre de Jalila Trabelsi, la sœur de Leila Tra-belsi, épouse du président déchu Ben Ali. Enaoût 2011, avec une partie du clan Trabelsi-Ben Ali, Saïd Boujbel a été condamné à six moisde prison et une amende pour des « infractionsdouanières et de change ». Quelques joursaprès cette condamnation, il a été empêché dequitter le territoire à l’aéroport de Tunis-Car-thage.

Le fonds MPEF II finance également Omnia-com, une société créée par le frère de l’ancienministre de la Défense puis de l’Intérieur deBen Ali, Abdallah Kallel, condamné en novem-bre 2011 à quatre ans de prison pour torturedans les années 90.

Selon Carole Maman, Tuninvest « mène descontrôles approfondis » avant chaque investis-sement et ces connexions avec le régime BenAli n’ont pas posé problème. ■ D.L.

Costa Rica

Des boissons en poudrepour Burger King

Depuis les Bahamas, le fonds Caseif II aégalement acquis des participationsdans Arango Software, une PME pana-

méenne qui développe des logiciels pour lesbanques au Panama et dans d’autres paysd’Amérique centrale. Le Panama est un paradisfiscal qui figure sur la liste noire française desterritoires non coopératifs, et qui n’a que toutrécemment quitté la liste grise de l’OCDE.

Plusieurs filiales panaméennes de banques si-tuées dans d’autres paradis fiscaux figurent par-mi les clients d’Arango : la Credit Andorra (An-dorre), la Helm Bank (îles Caïmans), la BluBank(Bahamas), ou la Banco Trasatlántico (Républi-que dominicaine).

« Haut niveau de confidentialité »Outre des services de gestion de fortune, tou-

tes ces banques privées offrent à leur clientèleétrangère une extrême discrétion. Sur son siteinternet, la Banco Trasatlántico du Panama ga-ranti un « haut niveau de confidentialité » à sesclients internationaux.

Sa maison-mère, qui sert depuis la Républi-que dominicaine une clientèle européenne, rus-se et ukrainienne, vante même, dans un com-muniqué de presse, l’« environnement protégé »fourni par le gouvernement dominicain grâceauquel « les actifs des clients ne seront jamaisconfisqués par des tiers ». Elle s’enorgueillit éga-lement d’offrir « trois niveaux de sécurité » pourses services, et d’utiliser un « puissant systèmede cryptage pour protéger les informations per-sonnelles des clients »…

La Trasatlántico, qui propose également lacréation, en 24 heures, de sociétés offshoreavec prête-noms, était jusqu’il y a peu détenuepar Vladimir Antonov, un oligarque russe de 36ans qui a racheté le club anglais de Portsmouthen juin 2011. En novembre, il a été arrêté à Lon-dres pour fraude et blanchiment d’argent liés àla faillite d’une banque lituanienne.

Arango Software compte également parmises clients la Stanford Bank de Panama, une ins-titution détenue par le milliardaire texan AllenStanford accusé en 2009 par le FBI d’une méga-fraude de 7 milliards de dollars. Son procès setient actuellement au Texas. ■ D.L.

En juillet 2011, BIO a prêté 10 millions dedollars à Rift Valley Railways Invest-ments (RVRI), une société « boîte aux

lettres » domiciliée à l’île Maurice. Depuis laprivatisation du rail au Kenya et en Ougandaen 2006, RVRI détient la concession d’exploi-tation des 2.352 km de voie ferrée dans cesdeux pays, pendant 25 ans.

La ligne principale reliant la capitale ougan-daise Kampala au port kényan de Mombasasera le principal couloir pour exporter le pé-trole brut ougandais, ce qui a aiguisé l’appé-tit des investisseurs…

RVRI est détenue à 51 % par Africa Rail-ways Ltd., une société offshore des îles Vier-ges britanniques, dont le fonds d’investisse-ment égyptien Citadel Capital est l’actionnai-re majoritaire via une société boîte aux let-tres mauricienne. Avec une fortune person-nelle de 1,7 milliard de dollars, le propriétairede Citadel Capital, Ahmed Heikal, était classé48e fortune du monde arabe en 2010.

Un ami de KadhafiLes deux autres actionnaires de RVRI sont

TransCentury (34 %) et Bomi Holdings(15 %). TransCentury est un fonds d’investis-sement kényan géré par des proches du pré-sident Mwai Kibaki. Lors des vagues de priva-tisations au cours des quinze dernières an-

nées, le fonds a acquis d’importantes partici-pations dans les plus juteuses ex-entreprisespubliques du Kenya.

Bomi Holdings est quant à elle contrôléepar Charles Mbire, un des hommes d’affairesles plus riches d’Ouganda et ami de feu le co-lonel Kadhafi. Lors de ses visites officielles àKampala, le leader libyen séjournait dansl’hôtel particulier de Mbire. Bluffé par le, ilavait même décidé d’en faire construirel’exacte réplique en Lybie.

« BIO a conscience que TransCentury pour-rait être politiquement exposée, mais une en-quête d’intégrité n’a pas donné de raison deremettre en question la réputation des action-naires ou des directeurs, déclare Carole Ma-man, directrice du secteur financier chez BIO.Nous sommes aussi conscients que CharlesMbire est bien introduit dans les milieux politi-ques et des affaires africains, mais nousn’avons pas trouvé de conflit d’intérêts. À no-tre connaissance, il n’a pas été en relationsd’affaires personnellement avec Kadhafi, ni ins-titutionnellement via un partenariat avec dessociétés libyennes. »

Quant aux conditions du prêt octroyé parBIO à RVRI et ses filiales opérationnelles,nous ne les obtiendrons pas : « Ce sont des in-formations commerciales de nature confiden-tielle. » ■ D.L.

Nigeria

Un palacecinq étoiles

Colombie, Pérou

Des sallesde fitness

Tunisie Clinique privéepour « touristes médicaux »

Panama

Des logicielspour banquesoffshore

Kenya, Ouganda Coup de poucepour privatiser le rail

Au nom de l’aide au développement, l’argentdu contribuable belge emprunte les mêmes circuitsfinanciers que l’argent de la corruption,de la fraude fiscale et du crime international

©SY

LVA

INPI

RAU

X.

©D

.R.

©D

.R.

©D

.R.

©D

.R.

BIO S.A., contrôlée par l’Etat belge,a engagé 150 millions d’euros d’aide

publique au développement dansdes fonds d’investissement situés

dans des paradis fiscaux. Enquête.

« L’opacité n’est jamais une raison pour BIO d’investirdans un centre financier offshore. Nous prenonstoutes les précautions pour que nos fonds soientutilisés de façon légitime » Carole Maman, directrice financière

L’aide belge s’envole dans les paradis fiscauxzoom zoom

BIO ENGAGÉ DANS 36 FONDSEngagement (En millions d'euros)

30

60

120 60 0 60 1803090150

60

30

1806030 900120 60 3090150 120 150

Île Maurice

Luxembourg

Chypre

Îles Caïmans

Canada

Delaware (E-U)

Royaume-Uni

Bahamas

Guernesey

Maroc

42,7

38

6

6

3,8

3,8

3

22,9

9,9

8,4

7,2

LE SOIR - 28.02.12

303

60

Territoire

Île Maurice

Luxembourg

Îles Caïmans

Canada

Delaware (U.S.)

Belgique

Chypre

Royaume-Uni

Bahamas

Guernesey

Maroc

Total

Fonds

11

5

7

2

3

3

1

1

1

1

1

36

180

303030

BNP-Fortis19,5 %4,9 % 14,6 %

Publics68,2 %

Privés31,8 %

SFPI57,3 %

BNB6 %

ING6,8 %

Electrabel4,7 %

Autres*5,7 %

50 % dont 34,1 % publicsEtat belgeMinistère de la coopération au dévelop-pement 50 %

Société belge d'investissementinternational S.A.

ACTIONNARIAT DE BIO

* Zenito Aanvallend Pensioen (2%), Sidarfin (0,95%), umicore (0,77%),Cafimines-Cofibel ( 0,75%), Uco Engineering (0,47%), Umicore Abrasives (0,29%), Bekant (0,28%), MCM Agoria (0,1%), Raffinerie Tirlemontoise (0,08%)

Total des investissements

151,7millions d'euros

PORTRAITBIO est installée avenue de Tervueren, à Bruxelles. pré-sident d’honneur : le prince Philippe. Conseil d’adminis-tration : 17 membres rémunérés en 2010, dont l’ex-mi-nistre fédéral SP.A Marcel Colla. Parmi les administra-teurs de la Société belge d’investissement international(actionnaire à 50%) : Jean-Claude Fontinoy, présidentde la SNCB Holding ; Robert Tollet, économiste (ULB).

La carte interactive des investissements de BIO

dans les paradis fiscaux, ainsi que le portefeuille

complet de ces investissements. swar.be/BIO

Le Soir Mardi 28 février 2012 Le Soir Mardi 28 février 2012

16 17

1NL www.lesoir.be