L'agriculture solidaire dans les éco-systèmes fragiles au Maroc

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Biographie

Natif de Kénitra le 30/11/1954 et père de deux enfants, Chafik KRADI est lauréat de l’ENA de Meknès, (Option Technique et Développement, 1981) et titulaire du Diplôme d’Ingénieur d’Etat de l’IAV Hassan II, (Option Agro-économie, 1989).

Il a travaillé, durant toute sa carrière (de 1981 à 2012) dans le domaine de la Recherche – Développement: coordinateur du Programme Amélioration de la Production Olivier et Amandier dans la DPA de Fès-Taounate (1981 à 1986) ; Chef de service des statistiques et des études économiques DPA Taounate (1990 – 1992).

Depuis son intégration à l’INRA en 1992, il a occupé plusieurs fonctions: Chef de Service de Coordination (1992-2003), Chef de Département de Recherche-Développement (2003-2007) et Chef de la Division de l’Information et de la Communication depuis 2007 où il a essayé d’instaurer un système de communication ouvert à même de faire valoir les acquis de la recherche agronomique.

Il est l’auteur de plusieurs communications et a contribué dans la rédaction de plusieurs documents à caractères stratégiques et ouvrages en relation avec la recherche-développement, la communication, le transfert de technologies et le management de la recherche. Il a participé au renforcement de capacité de plusieurs chercheurs et techniciens dans le domaine de la recherche système.

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Chafik KRADI

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INRA, Edition 2012Division de l’informationet de la Communication

Tél : 05 37 77 98 06Fax : 05 37 77 98 07

Dépôt légal : 2012 MO 0762

Réalisation : Nadacom Design/ Tél : 05 37 68 25 50Imression: Imprimerie Bidaoui/ Tél : 05 37 70 32 41

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Préface

Au centre des enjeux et défis de développement durable de l’agriculture solidaire, la recherche agronomique œuvre pour apporter des réponses concrètes aux questionnements scientifiques et techniques des petits agriculteurs, en harmonie avec la réalité de leurs systèmes de production agricole. Ces derniers requièrent davantage d’informations et de connaissances du milieu, aussi bien biophysique, qu’économique et sociologique, pour la planification des actions de développement sur une base participative.

Ainsi, les recherches sur les systèmes de production agricole constituent, à notre sens, un choix judicieux pour la programmation des activités de recherche et de recherche-développement. En effet, les résultats des diagnostics réalisés par des équipes de chercheurs multidisciplinaires adoptant une démarche participative, itérative et systémique a un double objectif : (i) d’abord pédagogique, permettant aux chercheurs de différents profils de travailler en synergie et mettre en commun leurs connaissances et expériences au sein du même groupe et (ii) ensuite scientifique et technique, car la gamme des solutions formulées pour lever les contraintes et valoriser les potentialités est identifiée autour d’un consensus négocié avec les agriculteurs et les acteurs de développement, combinant l’intérêt technique, socio-économique et écologique.

Il est très important que les recherches sur la dynamique des systèmes de production agricole soient renforcées davantage pour mieux cerner la demande et/ou les besoins des agriculteurs en conseils et en technologies et réussir par conséquent la programmation de la recherche et recherche-développement et, éventuellement, son réajustement pour être en parfaite harmonie avec les Plans Agricoles Régionaux. Ce réajustement est également dicté par les transformations sociales du milieu rural marocain, des marchés et surtout des changements climatiques observés. Ayant prouvé son efficacité sur le terrain, l’expérience de l’INRA dans ces domaines, riche et confirmée, pourrait être d’une grande utilité pour accompagner les projets du Plan Maroc Vert.

La prospective sur l’agriculture de demain selon le processus de planification par scénario de développement est une démarche permettant aux acteurs et opérateurs de développement locaux et régionaux et aux décideurs de se projeter sur le futur et d’agir par anticipation. Cette démarche requiert (i) plus

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d’effort et de créativité de la part du chercheur-développeur pour promouvoir le développement participatif et le transfert ciblé de technologies et (ii) l’exploitation maximale des nouvelles technologies de l’information, surtout au niveau de la veille informationnelle, dans un contexte où l’agriculture marocaine connaît des changements technico-socio-économiques profonds couplés à l’émergence d’un nouveau style de gouvernance et pilotage des projets agricoles.

Je tiens à féliciter Monsieur Chafik KRADI, Chef de la Division de l’Information et de la Communication de l’INRA, d’avoir réservé une part de son temps pour la rédaction de ce livre. C’est un message clair pour tous les chercheurs qui, tout en consacrant une période de leur carrière professionnelle à l’administration, continuent à garder un contact permanent avec la recherche et la publication.

Prof. Mohamed BADRAOUI Directeur de l’INRA Maroc

Préface

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RésuméLe dynamisme que connait, aujourd’hui, le monde rural et l’agriculture marocaine est

sans précédent en termes de stratégie agricole « Plan Maroc Vert », d’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH), de protection de l’environnement « Charte de l’environnement », de démocratisation de la vie publique « nouvelle constitution » et de la régionalisation avancée renforçant la légitimité démocratique et le pouvoir des élus. Ce dynamisme constitue le mobile de taille pour l’auteur d’écrire le présent livre. C’est une capitalisation des principaux résultats des diagnostics réalisés par des équipes multidisciplinaires, multi-institutionnelles et multiculturelles sur les systèmes de production dans les zones de montagnes, oasis, irrigué, parcours, arides et semi-arides durant la période 1996 – 2005, et ce, en collaboration avec le Centre International de la Recherche Agricole orientée vers le Développement (ICRA). Le développement durable des systèmes de production agricole et ses implications sur la recherche - développement dans le cadre du Plan Maroc Vert est le fil directeur retenu tout au long du document.

Focalisé sur la petite agriculture, le livre présente les principaux traits des systèmes de productions en termes de potentialités (produits de terroirs, savoirs faire local et connaissances endogènes des agriculteurs…) et de contraintes (dégradation des ressources naturelles, fragilité des systèmes de cultures et d’élevage, sous valorisation des produits, difficultés de commercialisation…). Sur la base des forces motrices identifiées, des scénarii de développement ont été formulés pour chaque écosystème avec leurs impacts probables sur l’environnement socio-économique et écologique ainsi que sur la recherche – développement.

Les recommandations formulées, outre le transfert de technologies, mettent l’accent sur le rôle des nouvelles technologies de l’information et la maîtrise des connaissances sur les systèmes de production en adoptant des méthodes et outils appropriés et aussi, sur l’utilité de la démarche participative pour la maîtrise de la demande sociale et l’élaboration des programmes de développement ciblé. Ce sont des préalables pour formuler et réussir les meilleures interventions techniques, socio-économiques et écologiques au profit de la petite agriculture dans le cadre des Plans Agricoles Régionaux.

Mots clefs : : Durabilité, Recherche, Recherche-Développement, Systèmes de Production Agricoles, Petite Agriculture, Scénario de Développement, Information, Communication et Transfert de Technologie.

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Résumé

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AbstractThe dynamism nowadays characterizing the rural world and the Moroccan agriculture in

unprecedented in terms of agricultural strategy “Green Morocco Plan”, INDH, environment protection “Environment Charter”, public life moralization “New constitution” and advanced regionalization to strengthen democratic legitimacy and powers of the elected officials. It is this dynamism that pushed the author to write his book which is a capitalization of the main results of the diagnosis made by a multidisciplinary, multi-institutional and multi-cultural team on the production systems in mountainous, oasis, irrigated, rangeland and arid and semi arid areas from 1996 to 2005 in collaboration with ICRA (The International Centre for development oriented Research in Agricultural). Sustainable development of agricultural production systems has an impact on research and development within the Green Morocco Plan, which is the main topic of this book.

Dealing mainly with the small agriculture, this book presents the main characteristics of the production systems according to potentials (local products, local ability and knowledge…), constraints (natural resources deterioration, fragile agricultural and animal breeding systems, lack of products enhancement, market difficulties…). Based on the driving forces defined, various development scenarios concerning every ecological system were proposed with the definition of their eventual impacts on the socio-economic and ecological environments and on research and development.

In addition to technology transfer, the recommendations are based on the role of information new technologies and mastering of the knowledge regarding production systems through the adoption of adequate tools. These things are preliminary to any better technological, socio-economic and ecological intervention for the benefit of a solidary agriculture within the regional agricultural plans.

Key words : Sustainable, research and development, agriculture production systems, solidary agriculture, development scenarios, technology transfer.

ResumenEl dinamismo que sabe hoy, el mundo rural y la agricultura marroquí no tiene precedentes en

términos de estrategia agrícola «Plan Marruecos Verde», la Iniciativa Nacional para el Desarrollo Humano (INDH), la protección del medio ambiente «Carta del medio ambiente, la democratización de la vida pública « la nueva constitución» y la regionalización avanzada, el fortalecimiento de la legitimidad democrática y la autoridad de los funcionarios electos.

Este dinamismo es el tamaño de móvil para el autor para escribir este libro. Se trata de una capitalización de los principales resultados de los diagnósticos realizados por equipos multidisciplinarios y multi-institucional y multi-cultural los sistemas de producción en las zonas de montañas, oasis, de regadío, pastizales, zonas áridas y semiáridas durante en el período 1996 - 2005, y, en colaboración con el Centro Internacional de Investigación Agrícola orientado al desarrollo (ICRA).

El desarrollo sostenible de los sistemas de producción agrícola y sus implicaciones para la investigación - desarrollo en el Plan Marruecos Verde es el principio rector adoptado en todo el documento.

Centrado en la pequeña agricultura, el libro presenta las principales características de los sistemas de producción en términos de potencial (productos regionales y el conocimiento autóctono de los agricultores...) y restricciones (degradación de los recursos naturales, la vulnerabilidad de los sistemas agrícolas y bajo ganado en la promoción de los productos, las dificultades en la comercialización...).

Sobre la base de las fuerzas impulsoras identificadas escenarios de desarrollo se han formulado para cada ecosistema y sus posibles impactos socio-económicos y ecológicos, así como en la investigación - desarrollo.

Las recomendaciones, además de la transferencia de tecnología, centrándose en el papel de las nuevas tecnologías de información y dominio de los conocimientos sobre los sistemas de producción mediante la adopción de métodos y herramientas adecuadas y también la utilidad del enfoque participativo para el control de la demanda social y el desarrollo de programas de desarrollo específicos. Estos son prerrequisitos para el éxito y aprovechar al máximo las intervenciones técnicas, socio-económicos y beneficios ambientales de los pequeños agricultores a través de los Planes Regionales de Agricultura.

Palabras clave : Sostenibilidad, Investigación, Investigación y Desarrollo, sistemas de producción agrícola, la pequeña agricultura, desarrollo de escenarios, información y comunicación, transferencia de tecnología.

Résumé

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Remerciements

Mes sincères remerciements vont au Professeur Mohamed BADRAOUI, Directeur de l’INRA, pour avoir accepté de préfacer ce livre ainsi que pour son esprit d’encouragement des publications au sein de notre institution. Le nombre d’ouvrages édités durant la période 2008 – 2011 en est la preuve.

Je tiens à présenter mes vifs et chaleureux remerciements et ma reconnaissance aux ex Directeurs de l’INRA, Monsieur Abdelaziz ARIFI et Professeur Hamid NARJISSE qui m’ont facilité la tâche et m’ont encouragé à initier tout un programme de coopération avec l’ICRA et de le piloter durant la période 1996-2005.

J’adresse ma gratitude et ma reconnaissance à Dr Jon DAANE, Directeur de l’ICRA, et Dr Noureddine SELLAMNA, Coordonnateur du Programme ICRA Francophone, qui n’ont épargné aucun effort pour promouvoir la coopération avec l’INRA Maroc à travers deux principaux axes: i) le perfectionnement d’une vingtaine de chercheurs dans le domaine de la recherche orientée vers le développement et ii) la mobilisation des équipes, multidisciplinaires, multi-institutionnelles et multiculturelles pour réaliser des diagnostics sur les systèmes de productions agricoles au Maroc. Un grand merci pour cette coopération très fructueuse qui a servi le domaine de la recherche-développement au sein de l’INRA.

Mes remerciements vont par la même occasion aux lecteurs externes pour leur disponibilité et leurs remarques pour l’amélioration du contenu de ce livre. Il s’agit du Professeur Ahmed BAMOUH, Enseignant chercheur à l’IAV Hassan II qui a procédé à la lecture et correction de ce document et a formulé des remarques de fond et de formes ayant enrichies l’ouvrage.

Prof. Vincent DARNET, Enseignant dans un lycée à Paris a apporté son appui pour la finalisation de cet ouvrage, qu’il trouve à travers ce mot l’expression de mes sincères remerciements.

Les participants, nationaux et internationaux, membres des 11 équipes INRA – ICRA ayant travaillé sur le terrain selon des termes de références minutieusement préparés et en harmonie avec les objectifs de recherche de l’INRA, qu’ils trouvent ici mes sincères reconnaissances et remerciements pour les efforts déployés durant leurs séjours au Royaume du Maroc.

Remerciements

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Que Dr Rachid DAHAN, Chef de la Division scientifique de l’INRA trouve ici ma profonde gratitude d’avoir accepté de faire une lecture rigoureuse de ce livre. Il a été un appui incontestable dans la réalisation de ce projet en termes de revision de texte et de clarification des idées.

Monsieur Abdelouahed ALBALGHITI, Chef du Département de Recherche – Développement de l’INRA qui a procédé à une lecture profonde de ce livre et a formulé des remarques de formes et de fond très utiles pour l’amélioration de son contenu, qu’il trouve içi mes sincères reconnaissances et remerciements.

Mes remerciements vont également à Dr Seddik SAIDI, Chef de Département d’Amélioration des Plantes et de la Conservation des Ressources Génétiques /INRA pour ses suggestions et les informations fournies sur le SIPAM.

Dr Driss Haddarbach, Chef de Service de l’Informatique / INRA m’a fait part de ses remarques, qu’il trouve ici mes profonds remerciements.

Je remercie mon collègue et collaborateur Mr Reddad TIRAZI, Chef du Service de la Communication, pour la lecture rigoureuse de ce livre et les corrections faites.

Messieurs Abdelali MOUAAID et El Mostafa HADDASKAR, cadres de la DIC trouvent ici mes sincères remerciements pour leur appui durant tout le processus d’édition de ce livre.

Je dédie ce livre à ma grande famille représentée par l’ensemble du personnel de l’INRA : chercheurs, gestionnaires, cadres administratifs, techniciens et tout le personnel d’appui.

Mes dédicaces de cet ouvrage vont enfin à ma petite famille composée de ma mère Mahjouba, ma femme Nora et mes deux fils Taha et Farouk.

Remerciements

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Abréviations

AKIS : Analyse Knowledge Information SystemAMED : Amélioration des Moyens d’Existence DurablesAUEA : Association des Usagers d’EauBM : Banque MondialeCT : Centre de travauxCIV : Centre Investissement AgricoleCDA : Centre de Développement AgricoleCR : Commune RuraleCRPII : Centre de Ressources pour le Pilier IICNEARC : Centre National des Etudes Agricoles des Régions ChaudesCGDA : Conseil Général de Développement AgricoleCRCO : Conseil Régional de Concertation et d’Orientation de la RechercheDH : Direction des Ressources HumainesDPA : Direction Provinciale d’AgricultureENA M : Ecole Nationale d’Agriculture de MeknèsENFI Salé : Ecole Nationale Forestière d’ingénieur de SaléGIP : Groupement d’Intérêt PublicFDA : Fonds de Développement AgricoleICRA : Centre International de la Recherche Agricole Orienté vers le DéveloppementICARDA : Centre International de la Recherche Agricole pour les Zones AridesISNAR : International Center for national Agricultural research IAV : Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan IIINRA : Institut National de la Recherche AgronomiqueINDH : Initiative Nationale de Développement HumainMAPM : Ministère de l’Agriculture et de la Pêche MaritimeMARP : Méthode Active de la Recherche ParticipativeMFV : Mode de Faire ValoirMOF : Main d’Œuvre FamilialeMOS : Main d’Œuvre SalarialeONCA : Office National du Conseil AgricoleONG : Organisation Non GouvernementaleONU : Organisations des Nations UniesORMVAT/TF : Office de Mise en Valeur Agricole de TafilaletORMVAG : Office de Mise en Valeur Agricole du GharbPMV : Plan Maroc VertPAR : Plan Agricole RégionalPRMT Programme de Recherche Moyen TermePIB : Produit Intérieur Brut

Abréviations

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PIBA : Produit Intérieur Brut Agricole PNUD : Plan des Nations Unies pour le Développement PI : Périmètre IrriguéPMVB : Projet de Mise en Valeur en BourRGPH : Recensement Général de la Population et de l’HabitatRAD : Recherche Agricole Pour le DéveloppementRD : Recherche et DéveloppementSNRA : Système National de la Recherche AgronomiqueSAU : Superficie Agricole UtileSCIA : Système de Connaissances et d’Information AgricoleSIPAM : Système Ingénieux du Patrimoine Mondial AgricoleSPA : Système de Production AgricoleSPO : Système de Production OasiensTIC : Technologie de l’Information et de la CommunicationUTA : Unité Territoriale AgricoleUNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Culture et la

ScienceUF : Unité Fourragère UPF : Unité de Production Familiale

Abréviations

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Liste des tableaux / Liste des figures

Liste des tableauxTableau 1. Modèles d’agrégationTableau 2 . Notion de diagnosticTableau 3 . Méthodologie d’analyse des produits de terroirsTableau 4 . Types de participation à l’élaboration des programmes R&DTableau 5. Quelques stratégies globales des agriculteurs dans la palmeraie

d’AoufoussTableau 6. Perspectives d’évolution des forces motrices et leur impact sur les Systèmes

de Production (SP).Tableau 7. données générales Tableau 8. Calendrier des activités liées à l’alimentation des troupeauxTableau 9. Profil historiqueTableau 10. Coût d’installation d’un projet de reconversion céréales en pommier pour

une exploitation d’une superficie de 3,5 hectares équipée en irrigation localisée

Tableau 11. Comparaison de produit d’un hectarede céréales reconverties en pommier / prunier en DH

Tableau 12. Comparaison des performances économiques entre deux types de conduites du pommier conduit en système intensif et extensif

Tableau 13. Comparaison des performances économiques entre deux types de conduites du prunier conduit en système intensif et extensif

Tableau 14. Appréciation de l’efficience des pratiques techniques sur le pommier, le prunier et céréale

Tableau 15. La matrice SWOP (atouts, potentialités contraintes et menaces) Tableau 16. Importance des activités agricoles dans le revenu de l’exploitation

agricoleTableau 17. Actions prioritaires d’appui aux femmes Tableau 18 . Forces motrices et scénarii probablesTableau 19 . Calendrier général des activités de la femme montagnarde.Tableau 20. Principales caractéristiques des CR étudieés Tableau 21. Axes du Plan Agricole de la Région des Rhamnas.

Liste des figuresFigure 1 : Arbre de contraintes du système oasienFigure 2 : Système de production agricole traditionnelFigure 3 : Système de production agricole intermédiaireFigure 4 : Système de production agricole moderneFigure 5 : Diagramme de flux entre les systèmes de culture et d’élevageFigure 6 : Echanges et complémentarités entre les systèmes de production

oasiens et sylvo-pastorauxFigure 7 : Arbre de contraintes des zones de montagnesFigure 8 : Schéma de la stratégie des ruraux sans terreFigure 9 : chéma de stratégie des petites exploitations Figure 10 : Schéma de stratégie des moyennes exploitationsFigure 11 : Schéma de stratégie des grandes exploitationsFigure 12 : Arbres des contraintes RhamnasFigure 13 : Arbres de contraintes des parcours

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Plan de l’ouvrage

Introduction : Contexte, problématique et méthodologie............................

Chapitre 1 : L’ agriculture solidaire dans les stratégies nationales de développement

1. Les grands chantiers de développement concernant le monde rural au Maroc.....................................................................................

1.1. Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH)...1.2. Plan Maroc Vert : opportunité pour améliorer les conditions

de vie des ruraux pauvres............................................................1.3. Charte de l’environnement et de développement durable... 1.4. Démocratisation de la vie publique et l’Etat de droit..................1.5. Régionalisation avancée .............................................................

2. Le développement durable comme finalité de la recherche : Quel apport dans ce contexte ?......................................................................

2.1. Finalité de la recherche.................................................................2.2. Les approches et les outils............................................................2.3. Intégration de l’approche participative dans le système de

recherche agricole........................................................................Conclusion du chapitre I .......................................................................

Chapitre 2 : Le système oasien : un patrimoine national à préserver 1. Analyse du système oasien......................................................................

1.1. Les contraintes.................................................................................1.2. Stratégies des agriculteurs : trois types se dégagent.................

2. Scénarii de développement des oasis...................................................2.1. Pourquoi le choix de l’approche «scénario de développement» ?.2.2. Identification des forces motrices.................................................2.3. Formulation des scénarii de développement et leur impact...

3. Une nouvelle approche de développement des systèmes de production: SIPAM.........................................................................................................

3.1. Définition..........................................................................................3.2. Site pilote de SIPAM au Maroc Imilchil-Amellagou : Oasis froides...

Conclusion du chapitre II ......................................................................

➟ 14

➟ 19➟ 19

➟ 21➟ 28➟ 29➟ 31

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➟ 48➟ 52➟ 55➟ 63

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Plan de l’ouvrage

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Chapitre 3 : Le système montagnard : Meilleure connaissance des systèmes de production pour de meilleures interventions techniques

1. Les grands traits des systèmes de production des zones....................2. Grande diversité et spécificités des systèmes de production de zones

de montagne............................................................................................2.1. Moyen Atlas « province de Béni Mellal ».....................................2.2. Cas du Rif « Province de Chefchaouen »...................................2.3. Cas du Rif occidental (province de Taounate).........................2.4. Cas du Haut Atlas (Vallée Anougal et Imnitala).........................2.5. La montagne : des potentialités sous exploitées..........................

Conclusion du chapitre III.......................................................................

Chapitre 4 : Zones arides et semi-arides1. Cas de la plaine des Rhamnas................................................................

1.1. Caractéristiques des systèmes de production et problématique.1.2. Plan d’action proposé à la lumière du diagnostic....................

2. Cas des parcours du Maroc occidental central..................................2.1. Profil historique des systèmes de production pastoraux............2.2. Etat actuel et recommandations..................................................

Conclusion du chapitre IV......................................................................

Chapitre 5 : Instruments et outils pour accompagner la dynamique des systèmes de production

1. Les enjeux et défis de l’utilisation des TIC..............................................2. Le renforcement des capacités des acteurs ......................................3. Les défis majeurs pour la mise en œuvre du CRPII...............................4. Les méthodes et les approches participatives : une obligation pour

maîtriser les perceptions des ruraux (femmes et hommes) et la planification de la recherche - développement..................................

5. La veille technologique et informationnelle...........................................6. Renforcement de la liaison Recherche –Conseil Agricole.................

Conclusion du chapitre V......................................................................

Conclusion générale...........................................................................................Liste bibliographique..........................................................................................Glossaire..............................................................................................................

➟ 83

➟ 85➟ 85➟ 137➟ 145➟ 149➟ 152➟ 158

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➟ 173➟ 175➟ 175

➟ 176➟ 176➟ 178➟ 179

➟ 180➟ 183➟ 185

Plan de l’ouvrage

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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IntroductionContexte, problématiqueet méthodologie

Contexte et problématiqueL’agriculture est un secteur vital pour l’économie marocaine. Il occupe près de

50% de la population active et 80% de l’emploi rural. La contribution du PIBA dans le PIB durant la période 2004 – 2008 varie entre 13 et 15%. La Superficie Agricole Utile s’étend sur environ 9 millions d’hectares et se situe à 86% en zone pluviale. Elle concerne 1,5 millions d’exploitations agricoles1 dont :

4,1% de plus de 20 ha, ❐

42,7% de 3 à 20 ha, ❐

53,3% de moins de 3 ha. ❐

Cette superficie est composée de :

67% de céréales, ❐

6 à 8% des légumineuses alimentaires ❐ 2

13% de jachère, ❐

9% d’arboriculture fruitière, ❐

2 à 5% d’autres cultures. ❐

(CGDA, 2010).

L’essentiel de l’agriculture du pays est mené en zones aride et semi-aride sous des conditions climatiques aléatoires. Les précipitations y sont globalement insuffisantes mais surtout irrégulières dans le temps et dans l’espace. Globalement, les montagnes, les zones arides et semi-arides et les oasis regroupent 80% de la population agricole du Royaume. Elles correspondent à 65% de la superficie agricole, 35% de la superficie irriguée et 70% du nombre des exploitations du pays (CGDA, 2008).

1- Une exploitation agricole est une unité économique de production agricole soumise à une direction unique et comprenant tous les animaux qui s’y trouvent et toute la terre utilisée, entièrement ou en partie, pour la production agricole, indépendamment du titre de possession, du mode juridique ou de la taille. archives de documents de la FAO, points trois: définitions et concepts.2 - Z. Fatemi, Les légumineuses alimentaires au Maroc, n°148.

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Les petites exploitations agricoles, particulièrement celles situées dans des éco-systèmes fragiles - montagnes, oasis, parcours arides et semi-arides - sont confrontées de plus en plus à des problèmes de pérennité de production. Ces exploitations sont classées dans la catégorie dite « d’agriculture solidaire ». Elles constituent le pilier II de la stratégie du département de l’agriculture 2008 – 2020: le Plan Maroc Vert. Elles représentent plus d’un million d’exploitations et une population rurale estimée à 9,7 millions d’habitants (Recensement général de l’agriculture, 1996) réparties entre :

Les plaines et plateaux du domaine semi-aride regroupant 520.000 ❐

exploitations et concentrent 3,7 millions d’habitants.

Les montagnes regroupent 437.000 exploitations avec une population de ❐

l’ordre de 5 millions de personnes.

Les zones sahariennes, présahariennes et les oasis rassemblant 85.000 ❐

exploitations pour une population de 570.000 habitants.

Ces ensembles sont des zones à économie fragile. La conjonction de la pauvreté, de la mondialisation et du changement climatique pourrait encore aggraver leur situation, d’autant plus que la taille moyenne des exploitations est en deçà de 3 ha dans 70% des cas (CGDA, 2008).

L’analyse des systèmes de production3 où vivent et travaillent des ménages ruraux facilite la définition des priorités stratégiques de développement et l’élaboration de programmes d’action ciblés pour l’amélioration des revenus des agriculteurs à travers l’amélioration de la productivité de la main d’œuvre disponible et le transfert de gammes de technologies intégrées permettant de diversifier les moyens d’existence des petits agriculteurs et de renforcer la durabilité du mode d’utilisation des ressources naturelles.

Le présent livre essaye de présenter une projection sur les systèmes de production et la petite agriculture de demain en répondant à la question centrale suivante : comment peut-on réaliser les objectifs de développement de la petite agriculture en termes de recherche et de recherche développement, de transfert de technologie tout en préservant les ressources naturelles [et les savoirs faires traditionnels?]? Plus précisément, comment améliorer les moyens d’existence des ruraux pauvres et non pauvres en recherchant des systèmes de production agricole qui permettent de concilier le développement économique, le progrès social et la protection de l’environnement.

3 - Un système de production est défini comme étant une combinaison des facteurs et moyens deproduction disponibles, des choix techniques et agencement des activités au sein d’une exploitation agricole pour atteindre les objectifs fixés par le chef de l’exploitation. Doc Systèmes de ProductionAgricoles et pauvreté, FAO 2011

Introduction: Contexte, problématique et méthodologie

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Focalisé sur la petite agriculture, le présent livre a aussi pour but de systématiser les connaissances disponibles sur les formes des systèmes de production se rapportant à la petite agriculture dans les agro-systèmes de montagne, oasis, parcours, arides et semi-arides, en vue d’y apporter des éclaircissements sur les diverses formes et trajectoires d’évolution. Ce livre est donc structuré en cinq chapitres :

Le premier chapitre traite de l’agriculture solidaire dans les stratégies ❐

nationales de développement ;

Le deuxième chapitre est consacré au système oasien et projections sur ❐

le futur avec un aperçu sur une nouvelle approche de développement (SIPAM) ;

Le troisième chapitre se rapporte au système montagnard en se ❐

focalisant sur les voies d’amélioration des connaissances sur les systèmes de production pour réaliser de meilleures interventions techniques ;

Le quatrième chapitre traite de la problématique des zone arides, semi ❐

arides et pastorale ;

Le dernier chapitre est réservé aux instruments et outils pour accompagner ❐

la dynamique des systèmes de production agricole.

Méthodologie poursuivie pour la rédaction de ce livreL’institut National de la Recherche Agronomique (INRA), chargé de la

production scientifique et technique pour le développement de l’agriculture marocaine, a bénéficié de l’appui du Centre International de la Recherche Agricole Orientée vers le Développement (ICRA) durant la période allant de 1993 à 2005 en matière de recherche et recherche-développement sur les systèmes de production agricole. La collaboration a porté sur deux domaines :

(i) La formation des chercheurs en matière de concepts les aidant à maîtriser la diversité et le fonctionnement des systèmes de production agricoles, à comprendre les chaînes de l’innovation agricole et rurale, à travailler en groupe et analyser les différentes perceptions des acteurs pour mieux définir les objectifs et les programmes de recherche-développement.

(ii) La réalisation des études multidisciplinaires, multi-institutionnelles et multiculturelles sur les systèmes de production agricole dans les zones de montagne, oasis, parcours.

Pour appréhender les différentes facettes des systèmes de production agricole dans ces écosystèmes (oasis, montagne, et parcours), une dizaine d’études ont été réalisées par des équipes multidisciplinaires INRA-ICRA. Les aspects liés aux savoirs locaux et à la communication des connaissances ont été toujours soulevés comme axes prioritaires dans l’élaboration des programmes de recherche et de recherche-développement.

Introduction: Contexte, problématique et méthodologie

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Les écosystèmes étudiés sont dans leur quasi-totalité fragiles et vulnérables face à tous les aléas écologiques et socio-économiques. En effet, l’écosystème montagnard connait d’énormes problèmes d’érosion à cause de leur mise en culture… L’écosystème oasien subit la loi de la nature « rareté des ressources hydriques », la pression démographique, le sur- pompage, le Bayoud (Fusarium oxysporum f. sp. Albedinis). L’écosystème agro-pastoral souffre du surpâturage et donc la dégradation du couvert végétal. Les zones arides et semi-arides ont connu des mutations socio-économiques et écologiques très profondes du fait de leurs dépendances des aléas climatiques. Les techniques telles que le semis direct et la conservation des eaux et des sols développées par la recherche ne parviennent pas encore à s’imposer.

Aussi, ces travaux de recherche ont révélé l’existence d’agriculteurs ayant peu de contacts avec la recherche et avec la vulgarisation. Ils sont donc peu ou non influencés par les chercheurs, qui pourtant, pourraient trouver dans leurs savoirs une source d’inspiration et de solution, notamment dans les zones enclavées. Ces agriculteurs possèdent en effet leurs propres expériences vis-à-vis de l’amélioration de leurs revenus et de la protection de l’environnement.

les recommantations ainsi, formulées par les chercheurs s’articulent globalement sur les objectifs suivants :

i) La valorisation du savoir local à travers le processus de Recherche – Développement mettant ensemble les innovateurs, les chercheurs et les développeurs et la population locale;

ii) La promotion de l’innovation à travers des plateformes de démonstration regroupant les acteurs et les opérateurs concernés ;

iii) Le développement participatif des technologies impliquant chercheurs/ agriculteurs et développeurs / vulgarisateurs.

Pour atteindre ces objectifs, il est primordial de procéder à l’élaboration d’une synthèse des acquis de la recherche sur les systèmes de production agricole intégrant les savoirs locaux et les activités réalisées dans ce domaine à l’échelon du terroir ainsi qu’à l’identification et la description des différentes technologies développées par les agriculteurs eux-mêmes. Celles-ci sont à même de résoudre les problèmes environnementaux et d’améliorer les revenus des agriculteurs de façon conséquente. L’analyse des différents modes traditionnels de mise en valeur agricole développés par les agriculteurs dans différents agro-systèmes, à travers des réseaux innovateurs selon des critères privilégiant le respect de l’environnement et l’amélioration de la production et de la productivité des activités agricoles, permet certainement cerner la question des savoirs locaux.

Introduction: Contexte, problématique et méthodologie

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Afin de répondre à la question centrale posée auparavant « Comment réaliser les objectifs de développement de la petite agriculture en termes de recherche, de recherche développement et de transfert de technologie tout en préservant les ressources naturelles? » la démarche suivante a été adoptée :

Relecture des documents des travaux réalisés par les équipes ❐

multidisciplinaires INRA et ICRA sur les systèmes de production durant la période 1997 – 2005 (dans lesquelles je fus impliqué en qualité d’évaluateur des équipes) et les placer par rapport au contexte actuel de développement.

Contact / Entretien avec des personnes ressources ayant travaillé dans ❐

le domaine de la Recherche – Développement.

Entretien semi-structuré avec des agriculteurs et professionnels ❐

à l’occasion des missions sur le terrain (portes ouvertes, essais de vérification, Salon International de l’Agriculture du Maroc…).

L’idée de rédiger ce livre vient d’une conviction profonde et personnelle pour répondre au souci de ne pas perdre l’information, l’actualliser, la capitaliser et la mettre à la disposition des gens des métiers agricoles et d’enrichir le débat sur la problématique de la durabilité des systèmes de production agricole. Le thème abordé dans ce livre se limite à la petite agriculture exclusivement. L’approche de rédaction de ce livre combine analyse bibliographique, études de cas et expériences personnelles. Le thème se limite à des cas étudiés dans la montagne, les oasis et les parcours, arides et semi-arides. C’est une tentative de confrontation des informations issues des diagnostics INRA – ICRA sur les systèmes de production agricole au Maroc (1997 – 2005) avec les nouvelles donnes du nouveau contexte marqué par le dynamisme que connait aujourd’hui le secteur agricole marocain dans le cadre du Plan Maroc Vert.

Dans le chapitre qui suit, et avant de présenter les études de cas, il nous semble important d’étaler sommairement, les grands chantiers politique, socio-économique et environnemental en cours au Maroc ayant des rapports directs avec la petite agriculture/agriculture solidaire et leurs implications sur la recherche – développement et le transfert de technologies.

Introduction: Contexte, problématique et méthodologie

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Chapitre 1 L’agriculture solidaire dans les stratégies nationales de développement

IntroductionLe contexte actuel du Maroc, caractérisé par de nombreux chantiers lancés

durant les dernières années, est favorable au développement de la petite agriculture et l’amélioration des conditions de vie des agriculteurs pauvres. On cite entres autres : l’Initiative Nationale pour le Développement Humain, le Plan Maroc Vert, la Charte de l’Environnement et de développement durable, le Projet de la Régionalisation Avancée, le Processus de la Démocratisation et l’Etat de Droit. La recherche agricole est interpellée à contribuer directement ou indirectement aux objectifs de ces différentes stratégies de développement économique, sociale et environnementale.

1. Les grands chantiers de développement rural au Maroc

1.1. Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) : un atout pour les populations démunies

L’initiative nationale pour le développement humain, (INDH), a donné depuis son lancement en 2005 une nouvelle dynamique à la lutte contre les différentes formes de pauvreté, d’exclusion sociale et d’enclavement, et entend répondre aux premières nécessités des habitants des zones marginalisées urbaines et rurales. L’INDH agit sur un large éventail de domaines, ses projets portent notamment sur l’encouragement à la scolarisation, l’approvisionnement en eau potable, la création de centres d’accueil pour handicapés ou encore le financement de projets générateurs de revenus.

Dans son rapport, la Banque Mondiale (BM, 2006) note que le Maroc est un pays surchargé des niveaux élevés de pauvreté, des inégalités des revenus et des indicateurs faibles de développement humain et ce malgré les efforts considérables menés dans le cadre de l’INDH durant les 6 dernières années. Aujourd’hui, 15% de la population est considérée économiquement vulnérable, dont les 2/3 situés en zone rurale (Nassif F, 2009).

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« …Nous avons, il y a quelques années, adopté une série de réformes institutionnelles profondes, dans le but de consolider la démocratie de proximité, participative. Ainsi, Nous avons lancé et mis en œuvre de grands plans et projets de développement. De portée nationale, régionale ou locale, ces chantiers placent le citoyen au cœur du processus de développement. Ils reposent sur une politique contractuelle participative où les collectivités locales assurent un rôle central.

C’est dans cet esprit que Nous avons lancé l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH). Son objectif majeur est d’améliorer la situation des catégories sociales et des zones périphériques de différentes communes urbaines et rurales qui sont aux prises avec la pauvreté et la marginalisation… »

Encadré 1 : Extrait du Message de SM Le Roi Mohammed VI adressé à la 5ème édition des Journées panafricaines des collectivités et des gouvernements locaux (17/12/09).

En adoptant une démarche participative de proximité impliquant les différents acteurs et opérateurs locaux, l’INDH constitue une base solide et un pilier clef de développement durable aussi bien rural, agricole, social, économique, humain et environnemental. En fait, l’ensemble des programmes d’actions relevant des différents départements ministériels constitue un seul programme qui s’inter-complémente et qui requiert la synergie, la bonne coordination et la circulation de l’information.

Le développement rural en général et de l’agriculture en particulier ont une place de choix dans les programmes de l’INDH. Cette initiative concerne environ 5 millions de personnes dont 50% vivent en milieu rural dans des conditions socio-économiquement difficiles. L’amélioration de leurs moyens d’existence impose des interventions structurantes de développement.

Contribution de la recherche agronomique :

La recherche agricole demeure un élément clef dans la mise en œuvre des programmes d’action surtout ceux liés au développement et la modernisation de l’agriculture et le développement des activités génératrices de revenus pour les ruraux autour des technologies proposées par la recherche. Beaucoup d’exemples illustrent la contribution de la recherche agronomique (INRA), notamment aux programmes de l’INDH à travers les technologies mises au point par les chercheurs en l’occurrence dans le domaine de la transformation et la valorisation des produits de terroirs, tels que la datte, le cactus, l’huile d’argan, et le fromage de chèvre. Des unités de transformation appartenant aux coopératives féminines existent aujourd’hui dans le Tafilalet, le Haouz, le Souss Massa, Guelmim – Assa Zag – Smara et commencent à pénétrer le marché national générant des revenus substantiels pour leurs adhérents.

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1.2. Plan Maroc Vert : opportunité pour améliorer les conditions de vie des ruraux pauvres

L’agriculture nationale fait face à de nouveaux défis dont la mondialisation et les changements climatiques et leurs effets sur les ressources naturelles notamment la biodiversité, la rareté de l’eau, la dégradation des sols, la pauvreté et la durabilité des systèmes de production. Les approches linéaires de transfert de technologies qui sous-entendent une certaine suprématie de l’ingénieur agronome / technicien par son expertise et ses connaissances sur l’agriculteur sont en train de céder la place à de nouvelles méthodes basées sur un partenariat entre les différents acteurs impliqués dans le développement agricole à savoir le chercheur, l’agent de développement et l’agriculteur et ce dans le cadre d’une compréhension commune des situations agricoles et des stratégies et motivations réelles des uns et des autres pour un apprentissage mutuel dans un esprit ouvert.

Dès lors, les paramètres socio-économiques, apanage du technicien, doivent laisser la place à une nouvelle conception de la Recherche-Développement où l’agriculteur, au centre de toutes les considérations, a son mot à dire et que l’agronome / technicien, en tant que facilitateur, doit en tenir compte pour comprendre la logique de l’agriculteur grâce à une grande qualité d’écoute et d’analyse pour la validation commune des perceptions et des propositions.

L’histoire a montré que les projets de développement qui occultent l’intérêt de la majorité des exploitants agricoles sont voués à l’échec. Par conséquent, les projets de développement doivent créer les conditions à même de permettre que la majorité des agriculteurs aient intérêt à adopter les systèmes de production qui permettraient d’atteindre les objectifs des projets.

La nouvelle stratégie du département de l’agriculture, baptisée « Plan Maroc Vert, PMV » interpelle toutes les composantes du système national de la recherche et de la vulgarisation agricole: recherche, enseignement, formation, développement à travailler ensemble (consortium) en synergie pour accompagner la mise en œuvre de ce plan ambitieux. De même, la redynamisation interprofessionnelle à travers le regroupement par l’incitation facilitera le transfert de technologies. Cette nouvelle stratégie est déclinée en Plans Agricoles Régionaux selon les deux piliers et un bloc de réformes du cadre sectoriel. Elle considère l’Agriculture comme moteur de croissance économique et sociale. Les deux piliers se présentent schématiquement comme suit :

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L’Impact attendu : Augmentation du PIB d’environ 70 à 100 Md DH et Réduction de la pauvreté à la racine pour plus de 500.000 ménages ruraux (MAPM, 2008).

a. Plans Agricoles Régionaux : Une planification donnant plus de visibilité au niveau régional.

La mise en œuvre du PMV a commencé à travers différentes actions qui ont été déclinées en Plans Agricoles Régionaux (PAR) qui font l’objet de contrats- programmes. L’objectif principal de ces PAR est de promouvoir le secteur agricole dans chaque région à travers l’accroissement de la productivité et la compétitivité des filières agricoles. Pour cela, le Département de l’Agriculture se propose d’élaborer un modèle d’approche régionale basé sur les filières et les bassins de production ; c’est à ce niveau que la recherche agronomique est appelée à faire preuve de plus de créativité et d’innovations et apporter son expertise en matière de : i) Valorisation des potentialités des terroirs (foncier, ressources hydriques, socio-économique…) et réduction des effets des contraintes du milieu physique, socio-économique, organisationnel et commercial; ii) Optimisation de la mise en valeur agricole dans la région à travers les programmes de recherche et de recherche-développement, à l’horizon 2025, spécifiques à la petite agriculture, à chaque filière et à chaque terroir.

1.2.1. L’agrégation : un mode d’organisation intéressant à institutionnaliser et préservant les intérêts des petits agriculteurs et les spécificités locales.

L’agrégation vise le regroupement des acteurs et des opérateurs dans l’agriculture autour de modèles innovants en les encourageant à adopter des modes d’organisation rationnelle qui tiennent compte des exigences dans l’ensemble des domaines de la chaîne de valeur (approvisionnement, équipement, commercialisation, export). Une agrégation réussie doit permettre de créer une valeur à même de maintenir équitablement les marges et revenus des grands et petits agriculteurs4. L’agrégation est une contractualisation des

4 - KRADI C. et al, Le Plan Maroc Vert, une opportunité pour l’amélioration des performances de la communication, et de l’intervention de la recherche et de la vulgarisation agricole au profit des petits agriculteurs, FAO / Tunis, Novembre 2008

Filières à haute valeur Ajoutée

Pilier 1: Développement d’une agriculture à haute productivité et valeur ajoutée en mobilisant les investisseurs autour de projets d’agrégation :

- 400.000 exploitations ciblées

- 110 à 150 Md DH d’investissement

- 700 à 900 projets

Encadré 2 : Plan Maroc Vert, ADA

Filières de la petite agriculture

Pilier 2 : Accompagnement solidaire de la petite agriculture par des projets de reconversion vers les filières les plus adaptées et les plus attractives autour de l’agrégation sociale au profit des agriculteurs défavorisés :

- 600 à 800 milles exploitants ciblés

- 15 à 20 Md DH d’investissement

- 300 à 400 projets prévus

Encadré 3 : Plan Maroc Vert, ADA

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relations entre les opérateurs professionnels concernés. Le schéma général retenu par le « Plan Maroc Vert » est concrétisé par des contrats d’agrégation « Etat / agrégateur » et « agrégateur / agrégés ». Les principes directeurs du choix de l’agrégation sont :

Participation à l’économie du marché des petits agrégés, ❐

traditionnellement marginalisés ;

Transfert de compétences et de technologies par une implication forte ❐

de l’agrégateur ;

Création de liens entre les petits exploitants et le marché des capitaux ❐

par des partenariats ;

Partage naturel des risques entre l’agrégateur et les agrégés rendu ❐

possible par l’agrégation.

Les dimensions définissent les grands modèles d’agrégation (Tableau 1) sont globalement: la vocation, le degré d’intervention dans la production et le mode de gouvernance d’entreprise, communautariste ou corporatiste.

Tableau 1. Modèles d’agrégation.

Modèles Définition Exemples

Association des agriculteurs

Regroupement d’agriculteurs pour l’amélioration des pratiques agricoles et/ ou la promotion des filières, le développement de débouchés

C’est un modèle de plus en plus retenu par les professionnels au niveau des filières de production stratégiques au Maroc

Coopérative classique

Mise en commun d’activités (investissement, approvisionnement en intrants, support technique et formation, développement de débouchés,…)

Coopératives laitières

Contractualisation commerciale (modèle très répandu dans l’agroalimentaire et la distribution)

Contrats purement commerciaux avec un acteur de référence

Société Agro-industrielle « Aicha...»

Modèle de noyau d’exploitations

Repose sur des contrats commerciaux avec un acteur de l’amont qui joue le rôle de support et contrôle de la production (fourniture d’intrants, support technique, supervision)

Type de contrats passés avec les producteurs d’agrumes et de tomates dans le « Souss »

Source : Comunication AKKA O. et KRADI C., atelier FAO, novembre 2008

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Pour le cas spécifique des petits agriculteurs objet de ce livre, et partant du fait qui’ils ne peuvent pas faire partie des soumissionnaires aux appels d’offres d’acquisition de terre dans le cadre des projets d’investissement lancés par le département de l’agriculture. Le Plan Maroc vert a introduit le concept de l’agrégation, dans lequel le soumissionnaire s’engage à devenir un agrégateur et prendre en charge les petits agriculteurs qui se trouvent dans son environnement. A ce niveau, toute la question de relation entre l’agriculteur agrégé et l’agrégateur est posée nécessitant une clarification et même une institutionnalisation pour protéger les intérêts des uns et des autres et éviter par là les craintes surtout des petits agriculteurs qui manifestent des craintes de voir leurs efforts exploités par les autres. Un système de suivi-évaluation efficace de tout le processus doit être mis en place avec la publication de ses résultats.

1.2.2. Réorganisation et réadaptation des structures d’interventions agricoles au Plan Maroc Vert :

Création de ❐ l’Agence de Développement Agricole (ADA) ayant pour missions d’identifier et de cadrer les grands projets autour des modèles d’agrégation en vue d’encourager les investissements. Elle aura aussi pour tâche d’encadrer les opérations de reconversion et de diversification des cultures. Sans oublier la veille qu’elle doit assurer pour l’ensemble de la stratégie.

Création de ❐ l’Office National de Sécurité Sanitaire des Aliments (ONSSA) pour mettre fin à la multitude d’intervenants et d’assurer la sécurité sanitaire des aliments et la protection du consommateur.

Création de ❐ l’Agence Nationale de Développement des Zones Oasiennes et de l’Arganier (ANDZOA) pour coordonner et mettre en cohérence toutes les interventions agricoles et veiller à leurs exécution et suivi-évaluation.

Réforme des ❐ Chambres d’Agriculture (CA) modifiant le découpage régional et instituant une chambre par région, soit 16 au lieu de 37 et réadaptation le statut en vigueur aux besoins du monde agricole. Il s’agit enfin d’en améliorer l’intervention en les dotant de moyens humains et financiers suffisants.

Lancement des ❐ agropoles5 qui sont des plates formes et /ou pôles de Recherche – Développement destinés à répondre aux besoins des agro-industriels et des futurs investisseurs dans la valorisation et la transformation des produits agricoles en leur proposant des outils,

5- Il s’agit de six pôles de l’agroalimentaire de Meknès, Berkane, Souss, Gharb, El Haouz et Tadla, dont la construction est prévue d’ici à 2015 dans le cadre de la Charte nationale du décollage industriel et du Plan Maroc vert. Ces pôles draineront des investissements importants permettant la création de postes d’emplois et devraient permettre une valorisation de 50% des produits agricoles dans les zones concer-nées. MAPM, MAP février 2012.

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procédés, connaissances et encadrement pour optimiser la productivité et la qualité. Le rôle de la recherche agronomique dans la conception, l’encadrement et l’opérationnalisation des laboratoires de RD et qualité par la mobilisation des chercheurs est primordial.

Dans le cadre du ❐ Partenariat Public-Privé et afin de mettre en valeur les terres agricoles appartenant à l’Etat. L’opération consiste en la location des terres sous formes de petits, moyens et grands projets lancés dans le cadre d’un appel d’offres ouvert à l’international. La participation était très forte de la part des marocains et des étrangers. L’évaluation des offres a été assurée par une équipe d’experts de différentes spécialités, dont des chercheurs de l’INRA.

Réforme du ❐ Système National de la Recherche – Formation – Enseignement6 en vue d’augmenter son efficacité et efficience dans le cadre de consortium en tant qu’instrument d’appui pour la réalisation des objectifs du Plan Maroc Vert. Une des mesures préconisée est le statut de chercheur lui assurant un cadre favorable motivant pour plus d’épanouissement et de créativité.

Refonte du ❐ Système de la Vulgarisation Agricole7 qui avait montré ses limites, et ce pour assurer un conseil de proximité aux agriculteurs et réussir le transfert de technologies selon les besoins de l’exploitant et de son milieu et selon une intensification raisonnée respectueuse de l’environnement dans le cade des PAR.

Exonéré d’impôt jusqu’à 2013, des mesures seraient prises pour instaurer ❐

un Régime de Fiscalité Agricole8, fondé sur les principes de justice fiscale et de solidarité sociale, ainsi que sur la nécessaire préservation de la compétitivité des activités agricoles. Ce nouveau régime devrait être adapté au monde agricole et devrait prendre en considération la précarité sociale des petits agriculteurs et refléter le devoir de solidarité à leur égard, en continuant à subventionner les cultures traditionnelles vivrières à faible rendement sans remettre en cause la compétitivité de l’agriculture. La situation idéale serait que les recettes fiscales soient réinjectées dans le secteur.

6- L’étude stratégique du système marocaine de recherche et d’enseignement supérieur agricoles (INRA, IAV Hassan II, ENA Meknès et ENFI ) a pour objectif de s’assurer que la recherche et la formation agricoles apportent un appuui optimal à la mise en œuvre du plan Maroc Vert.7 - Il s’agit d’une réforme profonde du système actuel de vulgarisation agricole et des structures du mi-nistère chargées de ces misssions, notamment les Centres de Travaux Agricoles, les Centres de Mise en Valeur Agricole et les Centres de Développement Agricole 8- Les grands chantiers du MAMP, l’économiste du 4 septembre 2008.

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L’appui aux agriculteurs à travers le ❐ Fond de Développement Agricole9 (FDA) pour faciliter la reconversion, l’intensification et la diversification des cultures et la modernisation des exploitations dans le cadre de projets d’agrégation.

Mise en place du Centre de Ressources pour le Pilier II du Plan Maroc Vert. ❐

C’est un Groupement d’Intérêt Public, basé à Ifrane, dédié exclusivement à l’agriculture solidaire. Il consiste à fédérer les énergies des intervenants de ce groupement dans le cadre du dispositif institutionnel mis en place (consortium) selon des approches de développement territorial.

Mise en place d’un ❐ nouveau mode de gouvernance et de gestion de l’approvisionnement des agriculteurs en facteurs de production (semences, engrais…) au temps opportun, avec une qualité assurée et des prix abordables et préserver les intérêts des producteurs des effets de la mondialisation.

On peut dire que le Maroc dispose aujourd’hui d’une vision claire et cohérente de développement de l’agriculture, notamment la petite agriculture, ce qui implique naturellement un nouveau mode de gouvernance des programmes de développement focalisés sur des résultats concrets au profit des communautés rurales. Le PMV est reconnu par des experts comme étant une stratégie volontariste et ambitieuse marquant une certaine réhabilitation du secteur de l’agriculture et la politique agricole dans les politiques publiques10 traduites concrètement par les dotations budgétaires du MAPM mobilisées depuis 2008. Bien entendu, le PMV qui est à ses débuts soulève un certain nombre d’inquiétudes liées : i) à la pérennité des projets d’agrégation et contrats programmes lancés pour les deux piliers ii) au devenir et finalité de la petite agriculture en termes de productivité et compétitivité pour tirer profit du marché et améliorer ses moyens d’existence, iii) aux ressources humaines du département de l’agriculture dont une grande partie des ingénieurs et techniciens qui vont partir massivement en retraite à partir de 2014, iv) à la disponibilité de la main d’œuvre qui commence à poser de nombreux problèmes dans plusieurs régions agricoles du Maroc et v) au système de suivi-évaluation de l’impact du PMV sur les communautés rurales.

En fait, l’enjeu est énorme. L’année 2012 s’annonce cruciale pour le Département de l’Agriculture en termes de stratégie d’exécution du Plan Maroc Vert pour qu’il prenne du rythme pour atteindre sa vitesse de croisière tout en opérationnalisant et concrétisant sur le terrain toutes les conventions, programmes d’investissement et engagements liants les investisseurs et les

9- Le nouveau système de subventions agricoles mis en place propose l’instauration de nouvelles aides en conformité avec les engagements pris dans le cadre des contrats programmes signés entre l’Etat et les interprofessions des principales filières de production, ainsi que le renforcement des aides allouées et l’encouragement de l’agrégation. MAPM, FDA, Edition 2011 p.510 - Akesbi N., Le Plan Maroc Vert : une analyse critique, questions d’économie marocaine 2011

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agriculteurs à l’Etat. Ceci requiert des compétences et beaucoup d’abnégation pour atteindre les objectifs fixés.

Lors du Salon International de l’Agriculture du Maroc 2011, dédié à l’agriculture solidaire, le débat a été axé sur les modalités de mise en œuvre des programmes d’action de la petite agriculture dite « Pilier II du Plan Maroc Vert ». Ce débat coïncide avec les revendications de plus en plus pressantes pour une agriculture marocaine équitable assurant aux petits agriculteurs des revenus en mesure de leur garantir dignité et conditions de vie acceptables. Ceci suppose une forte mobilisation des chercheurs, développeurs, vulgarisateurs, société civile et bien entendu l’appui des décideurs politiques pour la mobilisation des fonds et des investissements pour atteindre les objectifs d’améliorer les conditions de vie et les moyens d’existence d’environ un million de petits exploitants. Les défis et les enjeux sont énormes pour les faire sortir de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

Contribution de la recherche agronomique :

La recherche agronomique, depuis le lancement du PMV a mobilisé ses chercheurs et tout son savoir pour son accompagnement et sa mise en œuvre. Concrètement, les chercheurs ont contribué à l’identification et la formulation des actions des Plans Agricoles Régionaux (PAR). Les besoins de ces PAR ont été pris en compte dans le Programme de Recherche à Moyen Terme 2009 – 2012. Elle a multiplié les efforts pour accompagner les différentes filières agricoles à travers son offre en technologies mises au point par les chercheurs et pour renforcer la politique agricole par des connaissances et outils d’aide à la prise de décision.

Dans ce sens l’INRA est entrain de développer tout un programme de travil en consortium11 autour de projets communs, tels que : les cartes de fertilités des sols cultivés, l’arboriculture fruitière dans le cadre du programme du Millenium Account (MCA), les actions de Recherche –Développement communes en appui aux Contrats Programmes et la représentation au niveau des Agropoles.

Tout en restant sur cette lancée, l'INRA a procédé à l'évaluation à mi-parcours de son Programme de Recherche Moyen Terme 2009-2012 pour son réajustement par rapport aux besoins des Plans Agricoles Régionaux12.

11 - Consortium regroupant INRA-IAV Hassan II-ENA Méknès et ENFI Salé : convention cadre signée le 23 avril 2009 12 - document de travail présenté au comité technique de l’INRA le 29 Septembre 2011

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1.3. Charte de l’environnement et du développement durable: préserver l’avenir pour les futures générations

Les enjeux environnementaux sont devenus de plus en plus importants en raison de la croissance démographique, de l’urbanisation, de l’amélioration du niveau de vie et de l’essor économique marqué par de grands projets d’infrastructures, impliquant ainsi une augmentation des besoins en énergie et en ressources naturelles. La charte de l’environnement s’inscrit dans le cadre d’une logique fédératrice, visant à cimenter les initiatives et les efforts entrepris jusqu’à présent en matière d’environnement, pour en faire une action forte et concertée. Toutes les forces vives du pays (individus, associations, entreprises publiques et privées, élus, Etat) sont mobilisées pour concrétiser l’intégration de la protection de l’environnement dans les évolutions en cours pour le développement humain et la croissance économique. C’est un projet de société ayant pour principal objectif :

La Recherche équilibrée entre protection de l’environnement et ❐

développement ;

L’Adoption de bons principes de protection de l’environnement et de ❐

développement ;

L’Incitation au changement des mentalités en faveur d’attitudes ❐

responsables à l’égard de l’environnement ;

La Promotion de l’approche participative. ❐

Ce chantier marquant le contexte actuel est relatif à la préservation des ressources naturelles. Il s’agit de la charte de l’environnement lancée en 2009 qui donne une nouvelle dimension à la protection de l’environnement et la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement définis par l’ONU. Pour le Maroc, cette charte a pour objectifs de: (i) créer une dynamique nouvelle et réaffirmer que la préservation de l’environnement doit être une préoccupation permanente de tous les citoyens dans le processus de développement durable du Royaume ; (ii) rappeler les principes fondamentaux du développement durable et de l’environnement ; (iii) définir en conséquence les responsabilités individuelles et collectives de tous les marocains, afin qu’ils se mobilisent selon leurs activités. La volonté affichée par les pouvoirs publics est que la Charte nationale de l’environnement puisse jouer un rôle déterminant dans la mise en place d’une approche stratégique globale comportant des recommandations générales pour aboutir à des lois concrètes et des actions spécifiques en fonction des secteurs d’activités et des spécificités régionales13.

13 - www.chartenvironnement.ma

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Contribution de la recherche agronomique :

La recherche agronomique s’inscrit parfaitement dans cette logique de développement durable de notre agriculture et des espaces ruraux. La démarche adoptée combine le développement durable, le progrès technologique pour améliorer la productivité et la préservation des ressources naturelles, objectifs inscrits dans les Plans Agricoles Régionaux du Plan Maroc Vert. L’agro-écologie constitue le principe directeur de l’intervention de la recherche dans les domaines suivants :

Evaluation de l’impact des changements climatiques sur les productions ❐agricoles et études des comportements des agriculteurs ;Renforcement des capacités des agriculteurs par un accompagnement ❐de transfert de technologies ayant trait aux techniques d’économie de l’eau ;Renforcement de la capacité adaptative des populations rurales ❐vulnérables aux changements climatiques à travers l’identification et le développement d’options techniques, institutionnelles et les politiques appropriées ;Développement de systèmes opérationnels de prévision de la production ❐agricole à l’échelle nationale et élaboration d’un système d’avertissement agricole ;Création des variétés de céréales avec les caractéristiques de tolérance ❐à la sécheresse et de résistance aux principales maladies et parasites ;Amélioration de la productivité et la durabilité des systèmes de culture ❐à travers l’application et l’adaptation des techniques de semis direct en zones arides et semi arides principalement ;Développement de méthodes de lutte intégrées contre les maladies et ❐ravageurs;Développement du cactus par la création variétale, l’amélioration des ❐techniques culturales et la recherche de débouchés agro-industriels, en vue de la lutte contre la désertification et la pauvreté ;Etude de l’impact des techniques de collecte des eaux pluviales sur la ❐production végétale, la couverture du sol et la biodiversité en zone aride de l’Oriental.

1.4. Démocratisation de la vie publique et l’Etat de droit : garant pour la réduction de la pauvreté et des disparités sociales

Le grand chantier en cours au Maroc sur la démocratisation de la vie publique et la justice sociale vont permettre de créer un environnement favorable pour le développement de la petite agriculture, communément appelée « agriculture solidaire ».

Aujourd’hui, le Maroc renforce le processus de consolidation de l’Etat de droit inspiré des réalités nationales. Le progrès démocratique entamé depuis des années est en cours d’être couronné à travers les réformes constitutionnelles,

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juridiques et politiques contenues dans le discours de S.M. le Roi Mohamed VI du 9 mars 2011 et qui sont de nature à répondre aux aspirations du peuple marocain et de mettre le Maroc sur les rails d’une vraie démocratie spécifique aux réalités marocaines.

Le débat amorcé aujourd’hui au Maroc est sans nul doute un acquis important qui témoigne de la volonté politique d’aller de l’avant, seule voie qui permettra un développement durable qui profitera à toutes les catégories sociales marocaines et garantira la stabilité socio-économique et politique dont jouit le Maroc. Bien entendu, la démocratie et la citoyenneté impliquent aussi l’identification des obstacles à l’action réformatrice. La démocratisation n’est pas seulement une question de liberté, mais aussi de politique publique, de gestion des ressources et de leur répartition équitable ainsi que de la bonne gouvernance. C’est aussi un préalable pour atténuer la frustration des ruraux pauvres et apporter des réponses à leurs attentes qui sont nombreuses notamment en matière de développement agricole et rural.

Conscient que toutes les sociétés développées d’aujourd’hui sont des sociétés du savoir, les décideurs au Maroc ont bien compris que la voie de la recherche, de la science et de l’innovation est la seule voie pour créer de la richesse. Le rapport du cinquantenaire de l’indépendance du Royaume du Maroc « l’avenir se construit et le meilleur est possible » a souligné que i) l’établissement d’une société de la connaissance et d’une économie du savoir constitue aujourd’hui un impératif majeur dans le cadre de la compétition internationale, de l’ouverture économique et de la mondialisation des échanges et ii) une nation qui s’engage dans la société du savoir ne peut se contenter de transfert de technologies. Elle doit disposer d’instruments et de compétences propres de Recherche – Développement14.

Le Maroc doit, en d’autres termes, privilégier l’option de développement de la science et de la connaissance s’il veut être au niveau des aspirations du peuple marocain dans un environnement où la question de la sécurité alimentaire, l’atténuation des effets des changements climatiques, la création des richesses et de l’emploi sont devenues des questions de souverainetés du pays pour se protéger des effets négatifs de la globalisation.

La réponse logique à cette importante conclusion est que la recherche scientifique et technique est aujourd’hui constitutionnalisée et reconnue à plus d’un titre comme élément clef de développement économique et social du pays. En effet, la nouvelle constitution validée par le peuple marocain lors du référendum (1er juillet 2011) met en exergue le rôle des pouvoirs publics

14 - Rapport 50 ans de développement humain, perspectives 2025, RDH-synthèse, janvier 2006, p. 28 et 37

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dans l’encouragement et l’appui au développement de la science15. C’est une expression et un message clair pour bâtir une société de savoir et des technologies.

La nouvelle constitution est bel et bien le socle d’un pacte social basé sur la solidarité et la citoyenneté comme mesure d’accompagnement à travers la contribution de l’agriculture moderne à haute valeur ajoutée au développement de la petite agriculture des zones pauvres, marginalisées et enclavées selon des formules et des mécanismes concertés d’insertion et de conversion des jeunes diplômés chômeurs en adéquation avec les besoins de développement économique et social du pays en général et du monde rural en particulier.

Contribution de la recherche agronomique :

La recherche agronomique dans le cadre du Système National de la Recherche Agricole (Consortium) est interpellée à promouvoir des technologies susceptibles de créer plus d’opportunités d’emploi des jeunes ruraux et urbains. L’INRA a ouvert un nouveau chantier avec les Centres Régionaux d’Investissement (CRI) en offrant ses résultats et son expertise, en l’occurrence dans le domaine de l’agro-alimentaire, en vue de créer des petites et moyennes entreprises autour de ces technologies et, par conséquent, réduire la tension sociale. Dans ce sens, l’INRA a mis en place un espace de concertation avec ses partenaires régionaux appelé Conseils Régionaux de Concertation et d’Orientation de la Recherche (CRCO).

1.5. Régionalisation avancée : vers le renforcement du rôle et pouvoirs des présidents des conseils régionaux et des élus

Le projet de régionalisation16 avancée, lancé en janvier 2010, par la Commission Consultative de la Régionalisation (CCR), prévoit d’étendre les pouvoirs des présidents des conseils régionaux. La régionalisation est définie comme étant «le transfert des pouvoirs et des décisions de la centrale à la région ». En effet, les présidents des conseils régionaux jouiront, désormais, de leur pouvoir d’exécution des délibérations desdits conseils. Ils ne dépendront plus des gouverneurs et des walis. Il leur sera attribué la gestion totale des budgets des assemblées communales, pour le financement des projets. Elus démocratiquement, les présidents des conseils seront responsables devant leurs concitoyens et devant la loi.

15 - Constitution du Maroc 2011, Titre II :- Article 26 : Les pouvoirs publics apportent, par des moyens appropriés, leur appui au développement de la création culturelle et artistique, et de la recherche scientifique et technique…- Article 33 : Il incombe aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures appropriées en vue : …. Faciliter l’accès des jeunes à la culture, à la science, à la technologie, à l’art, au sport et aux loisirs, tout en créant les conditions propices au plein déploiement de leur potentiel créatif et innovant dans tous ces domaines. 16 - Source : htpp://www yabiladi.com/maroc-innovation projet régionalisation avancé.html

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Les conseils régionaux superviseront toutes les structures administratives territoriales. Les collectivités locales et les conseils préfectoraux et provinciaux devront mettre en application les directives de leurs conseils respectifs. Ils élaboreront leurs propres plans, programmes et projets de développement, en cohérence avec la vision adoptée par le conseil régional et approuvée par l’Etat.

Dans ce projet, la femme est au centre d’intérêt. En effet, il est question à travers la régionalisation de renforcer la participation de la femme à la gestion des affaires régionales. Et ce, à travers l’égalité entre hommes et femmes, de manière à encourager l’accès de la femme aux postes de direction.

En fait, la régionalisation avancée a pour objectif majeur le « développement intégré et durable sur les plans économique, social, culturel et environnemental ». Elle prévoit la répartition du pays en 12 régions au lieu de 16 aujourd’hui. Les principes directeurs de ce découpage ont traits aux spécificités et vocations régionales, aux complémentarités et solidarités et à la proportionnalité et l’équilibre entre les régions. La régionalisation est considérée par les experts comme une solution cohérente et adéquate au développement économique et social en harmonie avec les besoins et les aspirations des populations urbaines et rurales de chaque région du Maroc.

Contribution de la recherche agronomique :

La recherche agronomique a opté depuis bien longtemps pour la régionalisation de la recherche et du renforcement de la recherche de proximité décentralisée. Les Programmes de Recherches à Moyen Terme mis en place sont basés sur les vocations régionales et sont pilotées par les Centres Régionaux de la Recherche Agronomique. Ces derniers offrent un appui dans la mise en œuvre des stratégies régionales de développement du monde rural en général et l’agriculture en particulier.

2. Le développement durable comme finalité de la recherche agronomique : Quel apport dans ce contexte ?

2.1. Finalité de la recherche

La recherche agronomique demeure un instrument clef pour l’accompagnement d’une manière directe ou indirecte des chantiers structurants présentés ci-dessus. En effet, les technologies mises au point par les chercheurs ont pour principal objectif : (i) l’amélioration de la valeur ajoutée agricole au niveau des différentes régions cibles et au niveau national par une augmentation de la production et une réduction des coûts ; (ii) la promotion de la diversification des systèmes de production pour la minimisation des risques compte tenu du caractère aléatoire de l’agriculture dans les régions cibles ; (iii) la préservation des potentialités productives des écosystèmes et des systèmes de production agricole (iv) la contribution à la formation accompagnatrice de transfert de technologie.

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L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) existe au Maroc depuis bientôt un siècle. Il est chargé par la loi de :Procéder aux recherches scientifiques, techniques et économiques ayant ❐

pour objet le développement de l’agriculture et de l’élevage ;Effectuer les études prospectives, en particulier celles qui portent sur le ❐

milieu naturel ou qui ont trait à l’amélioration des productions végétales ou animales ;Entreprendre, soit de sa propre initiative, soit à la demande des particuliers, ❐

des essais sur les cultures nouvelles et sur les cultures à améliorer ainsi que sur la production animale et, d’une façon générale, de mener toutes les actions expérimentales à caractère agricole ou celles qui concernent la mise au point de procédés de transformation et utilisation des produits végétaux et animaux ;Assurer, dans le cadre de ses compétences, le contrôle des recherches, ❐

études ou travaux effectués pour le compte des personnes publiques ;Assurer la diffusion de la documentation relative tant à ses propres recherches, ❐

études ou travaux effectués pour le compte des personnes publiques ;Etudier et déterminer scientifiquement les modalités pratiques de l’application ❐

des résultats de ses recherches et, dans ce cadre, de conseiller les organismes de vulgarisation agricole et les agriculteurs ;Commercialiser les résultats de ses recherches, études et travaux. ❐

Source : Dahir de Création n° 81-204 du 3 Joumada II 1401 (8 avril 1981) portant promulgation

de la loi n° 40-80 portant création de l’INRA

Encadré 4 : Missions de l’INRA

En termes de planification de la Recherche – développement et compte tenu des orientations de la politique de développement agricole, la demande est appréhendée à travers les besoins des agriculteurs opérant dans les divers systèmes de production selon une approche participative impliquant tous les acteurs et opérateurs locaux et régionaux dans la programmation de la recherche. Elle est conduite en plusieurs étapes successives et itératives, à travers un diagnostic approfondi aboutissant à des projets de recherche par filière de production à objectifs bien identifiés selon la méthode de Programmation par Objectifs (PPO)17. Ces étapes concernent essentiellement : (i) la prise en considération des objectifs de développement ; (ii) l’analyse des contraintes entravant ce développement ; (iii) la réalisation du bilan des résultats pour chacun des aspects étudiés ; (iv) la définition des objectifs de recherche; (v) l’établissement des priorités et de la faisabilité; (vi) l’identification des projets de recherche.

17 - Collion M-H et Kissi A., Guide d’élaboration de programmes et d’établissement de priorités, ISNAR – octobre 1994

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Une telle approche permet d’aboutir à des résultats répondant aux besoins exprimés et les produits et les technologies élaborées par la recherche se présentent comme gamme de solutions aux problèmes de développement agricole.

A partir de 2003, une nouvelle approche de programmation18 a été adoptée pour l élaboration des Programmes de Recherche Moyen Terme (PRMT). Elle est basée sur la concertation au niveau national et régional. Ainsi des conférences et des exposés ont été donnés en présence des décideurs et cadres du MAMP. Aussi, des ateliers régionaux ont été organisés au niveau des zones d’actions des 10 Centres Régionaux de la Recherche Agronomique couvrant par là toute la diversité agro-écologiques du pays. Ces ateliers se sont déroulés en présences de tous les acteurs et opérateurs régionaux qui se sont prononcés sur les priorités et la pertinence des opérations de recherche et recherche – développement conduites dans leurs régions respectives.

2.2. Les approches et les outils : un préalable pour la compréhension du fonctionnement des systèmes de production et le développement participatif des technologies

2.2.1. Démarche Recherche – Développement (1990-2000)

C’est une démarche multidisciplinaire participative, itérative et intégrée impliquant les agriculteurs concernés afin de maximiser les chances d’adoption et de promotion des nouvelles obtentions de la recherche agronomique. Cette approche s’articule autour de quatre phases interactives qui sont : le diagnostic de la situation au niveau de l’exploitation agricole ; la vérification des technologies en milieu réel ; la diffusion des résultats et le suivi-évaluation des technologies, de leur l’impact et des réajustements opérés au cours de cette démarche. Cette dernière est définie comme étant une expérimentation en vraie grandeur, en concertation avec les agriculteurs, des améliorations techniques, économiques et sociales de leurs systèmes de production et des modalités d’exploitation de leur milieu (Jouve, 1993).

Pour la diffusion du progrès technologique, la recherche agronomique conduit des essais chez les agriculteurs selon les spécificités des systèmes de production et des agro-systèmes. Les résultats réussis sont repris par les structures de vulgarisation et de conseil pour leur diffusion à grande échelle. Cette démarche, quoique relativement coûteuse en temps, s’avère fructueuse puisqu’elle permet, à terme, de faire connaître les technologies, les obtentions en particulier et leur adoption par les producteurs. Les tests du marché sont pratiqués par l’INRA à travers la vérification de ses nouvelles obtentions technologiques en milieu réel et l’évaluation de leurs impacts auprès des utilisateurs.

18- Programmes de Recherche Moyen Terme. Document de travail présenté au Comité Technique de l’INRA en novembre 2008. Division Scientifique / INR A Maroc.

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2.2.2. Démarche Recherche Agricole pour le Développement, RAD (2000 à 2011)

C’est une méthodologie basée sur la démarche : Recherche Orientée vers le Développement (RAD). Elle est adaptée aux zones à faible potentiel agricole. Elle intègre la recherche en équipe multi et interdisciplinaire et se base sur des approches systémiques et participatives, conciliant entre les différents objectifs de développement. Elle se veut une nouvelle démarche ciblant les problèmes réels et permet l’analyse de toutes les contraintes techniques, socio-économiques, écologiques et politiques. Elle permet également la prioritisation des options de recherche – développement en fonction des critères multiples de développement19.

Cette démarche est complétée par l’application simultanée de la méthode formelle (enquête auprès des acteurs) et la méthode informelle inspirée de la Méthode Active de Recherche Participative (MARP)20. Cette dernière constitue incontestablement une rupture avec la recherche cloisonnée en permettant une plus grande intégration des disciplines et de disposer des informations qualitatives exploitées dans l’analyse. En fait, le développement participatif des technologies au niveau local est un processus où les chercheurs en groupes multidisciplinaires, les développeurs, les vulgarisateurs travaillent en étroite collaboration avec les agriculteurs dans le cadre d’un programme de recherche–développement au niveau d’un terroir donné, et ce, pour améliorer davantage la capacité d’expérimentation et d’innovation des agriculteurs pour la mise au point des technologies adaptées aux systèmes de production. Les principes de base de ce processus sont : (i) l’analyse des connaissances endogènes et leur capitalisation en vue de leur amélioration et leur diffusion à grande échelle via la démarche de l’apprentissage par le savoir : « de l’agriculteur à l’agriculteur » ; (ii) L’écoute d’autrui durant le processus : considérer autrui comme une richesse, car chacun a sa logique interne ; (iii) l’expérimentation en milieu réel, c’est-à-dire dans les conditions réelles de l’agriculteur de manière à ce que la solution proposée soit adaptée aux contraintes identifiées et aux conditions réelles des agriculteurs.

Dans ce processus, la réussite du diagnostic participatif par des équipes multidisciplinaires est conditionnée par la capacité des chercheurs et techniciens d’être interactifs avec les agriculteurs et leur aptitude à comprendre les réalités du milieu et leurs déclinaisons en programme de mise au point des innovations. Le renforcement des liens avec les partenaires de développement, les associations et organisations des producteurs non gouvernementales est une composante vitale pour la promotion des résultats de recherche et un créneau porteur pour la promotion du développement participatif au niveau local.

19 - Centre International de la Recherche Agricole orientée vers le développement, Agropolis - Montpellier20 - Bara GUEYE, Emergence et développement de la MARP au Sahel, acquis, contraintes et nouveaux défis, janvier 1999

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2.2.3. Diagnostic des systèmes de production agricole/ analyse de la demande

L’analyse de la demande est un élément clef de la réussite de la programmation de la recherche-action / formation en termes de réalisation et d’adhésion des agriculteurs. Le but recherché est d’économiser le temps et l’énergie en ciblant le transfert de technologie et de réussir un impact durable sur le développement. En fait, le diagnostic doit permettre de cerner les potentialités, les contraintes et les problèmes majeurs qui menacent la durabilité des écosystèmes notamment ceux liés à l’utilisation des ressources naturelles et les contraintes socio-économiques et institutionnelles. Les résultats des diagnostics doivent faciliter la formulation des scénarii de développement possibles autour des forces motrices majeures supposées conditionner la dynamique des systèmes de production. La synthèse des notions de diagnostics pratiqués par les chercheurs/développeurs figure dans le tableau 2.

Tableau 2. Notion de diagnostic.

Recherche classique / technique

Recherche Système Recherche participative& recherche – action

Ob

jec

tifs

du

dia

gno

stic

Identifier les facteurs améliorant les rendements des cultures

Identifier les catégories de clients, leurs problèmes et les solutions appropriées (Réduire l’hétérogénéité entre les agriculteurs pour mieux cibler l’action)

Durabilité / optimisation de l’intervention agricole

Identifier les catégories des partenaires, leurs problèmes et une large gamme de solutions possibles (Réduire l’hétérogénéité)

Durabilité / optimisation

Na

ture

du

dia

gno

stic Purement technique,

centrée sur les plantes et les animaux

Technique et socio-économique et environnemental systémique, itérative orientée vers le développement

Compromis / consensus négocié entre intérêt technique et socio-économique de divers groupes d’acteurs autour d’une action ou programme de Recherche- développement

Vis

ion

de

s c

ont

rain

tes

et

solu

tions

Similaires pour une large gamme de zones et exploitations agricoles

Similaires au sein des catégories homogènes des agriculteurs identifiés

Variables entre catégories

Variables pour les différents partenaires, zones, types d’exploitations

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Perc

ep

tion

de

s so

lutio

ns

Conviction que l’optimum technique est la meilleure solution

Solutions techniques adaptées aux conditions socio-économiques des agriculteurs

La meilleure solution est un compromis négocié entre multiples groupes d’intérêt

Typ

e d

e

solu

tion

Paquet technologique uniforme

Paquets technologiques adaptés à chaque type d’exploitation

Offrir une gamme d’options et d’outils pour faciliter la composition et l’expérimentation de paquets individualisés par les agriculteurs

Rec

om

ma

n-d

atio

ns

Standardisée et prêt-à-porter

Fait à la mesure Gamme d’options

Rôle

de

la re

che

rche

Recherche en station fournit la technologie finale sans recherche adaptative

Recherche en station fournit input pour recherche adaptative en exploitation

Recherche adaptative fournit technologie appropriée spécifique à chaque type d’exploitation

Recherche en station fournit input pour faciliter la recherche adaptative par les agriculteurs

Rôle

du

che

rche

ur

Recherche dirigée par des agronomes à Gamme restreinte de profils

Recherche dirigée par des équipes multidisciplinaires

Recherche dirigée par les agriculteurs et des équipes multidisciplinaires Adoption des gammes proposées par les agriculteurs

Rôle

du

velo

pp

eur

/

vulg

aris

ate

ur

Modèle linéaire de Transfert de technologie

Transfert de technologie avec feed-back à la recherche adaptative

- Participe à la recherche - Support de connaissances pour agriculteurs – expérimentateurs- Faciliter l’apprentissage - Feed-back à la recherche

Rôle

de

s a

gric

ulte

urs

Récepteurs, utilisateurs « finaux »

Participent à l’expérimentation en exploitation, récepteurs, utilisateurs « finaux »

Partenaires dans l’expérimentation en milieu réel et évaluateurs

Source : ICRA, adapté par KRADI

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Le volet environnemental doit faire partie intégrante de l’ensemble des programmes de recherche selon une approche participative. Il est appréhendé notamment à travers les aspects liés : (i) à la gestion durable des ressources naturelles, (ii) à la lutte contre les ravageurs et les maladies par la voie génétique, (iii) au développement des méthodes de lutte biologique liées aux bonnes pratiques et utilisation des bio-fongicides et des bio-insecticides contre les maladies post-récolte, (iv) à la conservation de la biodiversité et (v) à la mise en application de l’approche éco-santé.

Avec l’avènement de la mondialisation, la survie de la petite agriculture vivrière est menacée. Les recherches sur les politiques agricoles et en sociologie et économie rurales essayeront de concevoir des politiques permettant de progresser dans le sens de la recherche de solutions optimales favorables à la production, au développement et à la valorisation des produits de terroirs pour assurer aux petits et moyens agriculteurs des niveaux de revenus suffisamment incitatifs. Ces recherches sont déterminantes pour mesurer l’impact des politiques et stratégies de développement et de l’innovation technologiques et formuler les recommandations pour le réajustement des politiques agricoles selon des objectifs clairs et chiffrés. Elles permettent de mettre en évidence la pluriactivité des agriculteurs et le rôle joué par les femmes et les enfants au niveau de l’ensemble exploitation / foyer, ainsi que l’analyse de la multifonctionnalité de l’agriculture marocaine et ses implications en matière de développement agricole et rural durable. A titre d’exemple, l’apport des agroéconomistes et les sociologues dans les équipes multidisciplinaires est déterminant pour l’indentification des produits de terroir en termes d’analyse des facteurs environnementaux (relief, climat, accès à l’eau, biodiversité, occupation des sols…), des facteurs socio- économiques et institutionnels (pôles d’activité hors agricultures, densité et dynamisme démographique, découpage administratif) et des facteurs de développement en général illustrés par le tableau 3 suivant:

Tableau 3. Méthodologie d’analyse des produits de terroirsOutil d’analyse du produit de terroir

Description

Potentialité de l’activité en termes de Chiffre d’Affaires.

L’analyse des chiffres d’affaires de chaque activité par une « méthode 20/80 » (somme des activités représentant 80% du Chiffre d’Affaires total de la région). C’est une analyse macro-socio-économique de la culture au sein d’un territoire (dattes, huile d’olive, cactus...)

Importance de la production de la région par rapport à la production nationale

Les activités qui présentent des ratios de production régionale par rapport à la production nationale supérieurs à 80% sont automatiquement sélectionnées. C’est une analyse macro-socio-économique et culturelle de la culture (100% du Safran produit à Taliouine, 100% de l’huile d’argan dans le Souss...)

Tendances des marchés internationaux

Il permet de sélectionner des activités présentant des opportunités de développement à l’export importantes et dont la demande mondiale connaît de fortes croissances, telles que l’huile d’olive, l’huile essentielle du cactus, la datte Majhoul….

Source : Agrotech Agadir, 2009

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2.2.4. Recherche – action

La recherche – action est une approche basée sur le renforcement des capacités des agriculteurs en termes d’observation, d’analyse, d’identification des contraintes majeures et d’adaptation, d’innovation en vue d’améliorer la gestion et la productivité de leurs exploitations agricoles. Ceci se fait en exploitant et valorisant les expériences et le savoir faire des agriculteurs (hommes & femmes). Ces derniers analysent eux-mêmes leurs pratiques, jugent la gamme de technologies proposées par la recherche, décèlent les insuffisances de ces technologies et s’approprient les plus adaptées aux conditions de leurs exploitations agricoles21. Dans ce processus, les équipes multidisciplinaires (animateurs / facilitateurs) s’éloignent de l’approche linéaire du transfert de technologies, mais assistent plutôt les agriculteurs à identifier eux-mêmes les solutions appropriées et adaptées à chaque type d’exploitations agricoles. Bref, amener les agriculteurs à prendre des décisions raisonnées au niveau technique, économique et environnemental, aboutissant à une auto-gestion intégrée, productive et durable de leurs exploitations.

Les objectifs de la recherche-action doivent être raisonnés par rapport aux besoins réels et prioritaires des agriculteurs : groupes cibles22, par rapport aux savoirs locaux et connaissances endogènes et par rapport aussi aux capacités des ressources naturelles au niveau des Unités Territoriales Agricoles (UTA). Donc, trois dimensions d’ordre agronomique, socio-économique et environnemental sont désormais prises en compte dans le raisonnement des programmes de formation et de recherche-action. Ce raisonnement a pour finalité l’amélioration de l’efficience et l’efficacité des programmes et projets élaborés pour le transfert de technologies.

Ainsi, au lieu de « simplement interroger » les agriculteurs et les agents de développement sur leurs besoins et collecter leurs doléances, les chercheurs, les développeurs et les vulgarisateurs doivent contribuer au changement des mentalités en agissant sur la manière de percevoir les contraintes, la manière de les analyser, de rechercher les voies de solution et surtout la manière de passer à l’action. D’où le concept de recherche- action appliqué pour faire évoluer le milieu social en valorisant l’expérience des agriculteurs et leur savoir faire autour des filières locales retenues au niveau de l’UTA.

21- Toon D. & al, Curriculum d’apprentissage participatif et recherche – action, ADRAO, CTA, IFDC, 2004, p. iv 22 - Il n’y a pas de méthode universelle pour identifier les différents groupes cibles. Une approche quisemble fonctionner pour cibler des groupes consiste à procéder par étape, en cherchant successivement les différences entre groupes d’agriculteurs, d’abord par rapport aux conditions naturelles, puis selon les conditions socio-économiques et enfin selon les objectifs et priorités. Jurgen Werner, développement participatif d’innovations agricoles, GTZ, 1996, p. 180.

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La prise en compte de la complexité des situations agricoles et rurales est une condition nécessaire à la réussite de la recherche-action. Ainsi, les différents acteurs doivent harmoniser leur vision sur une situation donnée et avoir la même compréhension des contraintes et des opportunités pour préparer la phase de l’action. Les liens étroits et durables entre la recherche, la profession, les structures de formation, les agences de développement et les utilisateurs des technologies sont la garantie de leur adoption et de leur impact grâce à des réseaux de communication efficaces facilitant le partage de l’information. Les nouvelles technologies de l’information doivent être intégrées dans le cadre de stratégies de développement suffisamment souples pour tenir compte des conditions économiques, environnementales, sociales, institutionnelles et politiques des régions concernées.

Le programme de recherche – action, Transfert de Technologie et Formation / Renforcement de capacités peut s’articuler sommairement sur les axes suivants:

Valorisation des savoirs locaux et connaissances e ❐ ndogènes en terme de pratiques culturales, de transformation et de valorisation des produits de terroir, de gestion post-récolte, de gestion des ressources naturelles (eau, sol, agro-biodiversité) ;

Exploitation et capitalisation des acquis des interventions agricoles dans ❐le cadre de divers programmes et projets de développement ciblant les petits agriculteurs « agriculture familiale ». car on ne commence jamais de zéro : faire des fiches synthétiques des acquis relatifs à chaque projet par zone, par thème et par type d’agriculture et en tirer les leçons qui s’imposent et valoriser les «success stories » ;

Mobilisation des associations, des coopératives et des ONGs. Leur ❐adhésion est une garantie de réussite pour les actions entreprises ;

Identification des besoins des agriculteurs dans le cadre des Plans ❐Agricoles Régionaux « la demande réelle » selon une analyse systémique, itérative, participative et intégrée. Ici, l’agriculteur est au centre des considérations;

Appui nécessaire aux agriculteurs et aux jeunes ruraux dans l’élaboration, ❐la formulation et la gestion des projets, la planification et la gestion du temps et l’élaboration des bilans technico-économiques de la campagne agricole / projet ;

Réalisation des études agro-socio-économiques des petites exploitations ❐agricoles, sur leur dynamique et la formulation des scénarii de développements à travers l’analyse des forces motrices majeures des systèmes de production ;

Elaboration des référentiels technico-économiques et mise en place ❐des programmes de recherche- développement, recherche – action et développement des plans de formations en adéquation avec les besoins des petits agriculteurs.

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2.2.5. Approche Farmers Fields School / Champs Ecoles Paysans (CEP)

L’approche Farmer Field School (FFS) est un processus d’apprentissage participatif en groupe. Elle est basée sur les principes écologiques et les techniques d’éducation non formelle. Elle a été utilisée par les chercheurs de l’INRA en collaboration avec les acteurs du développement afin de promouvoir au sein des agriculteurs la lutte intégrée contre les maladies et ravageurs des céréales23 et des légumineuses alimentaires24 (IPM - Integrated Pest Management). Cette approche a permis aux agriculteurs de pratiquer eux mêmes des expérimentations en milieu réel sur les techniques IPM et apprécier la différence entre leurs pratiques et celles proposées par les chercheurs.

L’approche est recommandée pour convaincre les agriculteurs autour des résultats concrets ce qui facilite l’adoption des nouvelles techniques respectueuses de l’environnement (utilisation restreinte, non abusive et efficace des pesticides) et économiquement viables. Cette approche est considérée dans la nouvelle stratégie du Conseil Agricole comme étant la solution pour promouvoir le transfert des technologies et l’apprentissage participatif en milieu réel.

2.2.6. Approche « Amélioration des Moyens d’Existence Durables, AMED »

Une approche qui s’articule autour des résultats de l’exploitant durant une campagne agricole. L’approche prend en compte à la fois les moyens en facteurs de production (semences, engrais, produits chimiques, main d’œuvre occasionnelle…) et les moyens de production (terre, main d’œuvre permanente…), ainsi que la vision, le comportement de l’exploitant à l’égard de son exploitation et son environnement. Cette approche s’insère parfaitement dans les objectifs de l’INDH. La Démarche AMED, récemment testée dans le cadre de projet de recherche – développement INRA - ICARDA dans les zones de montagnes du Haut Atlas (Province de Marrakech) a prouvé son éfficacité pour la maîtrise de fonctionnement des systèmes de production dans les zones difficiles et leur déclinaison en plans d’action.

2.2.7. Système des Connaissances d’Informations Agricoles (SCIA)

L’analyse du Système des Connaissances d’Informations Agricoles (SCIA)25 aide les chercheurs dans la compréhension des rôles des différents acteurs et opérateurs locaux dans le développement rural et dans l’appréciation du niveau de circulation de l’information entre eux et formuler des recommandations pour optimiser le partage et l’utilisation de l’information.

23 - Haloui S. et al, Projet MGCP, IPM céréales et légumineuse , INRA – ICARDA, 2007.24 - Bouhache M. / IAV Hassan II & Dahan R. / TCP – FAO Maroc, Gestion de l’Orobanche des Légumi-neuses Alimentaires au Maroc, 2000. 25 - Mettrick, Hal, Recherche agricole orientée vers le développement : le cours ICRA, Centre Internatio-nal pour la Recherche Agricole orientée vers le développement, Wageningen, 1994, 288 pages.

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2.3. Intégration de l’approche participative dans le système de recherche agricole

2.3.1. Evaluation d’une expérience

Les travaux réalisés en 1995 dans la cadre du projet INRA-ISNAR designé « renforcement des capacités de gestion des activités de recherche composantes recherche-développement »26 ont montré l’ampleur des difficultés rencontrées dans l’intégration de l’approche participative dans le processus d’élaboration des programmes de recherche-développement. La démarche du chercheur imprégnée de la rigueur scientifique se base souvent sur des critères quantitatifs. C’est une question d’évolution de la conception de développement de l’innovation et de l’image de marque du chercheur en relation avec sa mission. Il existe plusieurs formes de participation des agriculteurs à la confection et à la mise en œuvre des projets de recherche – développement synthétisées dans le tableau 4.

Tableau 4. Types de participation à l’élaboration des programmes R&D

Type Caractéristiques

Participation passive Les agriculteurs participent aux rencontres mais sont juste informés par les chercheurs. Leurs avis ne sont pas pris en compte.

Participation par la fourniture d’information

Les agriculteurs sont enquêtés via des questionnaires. Les données sont analysées et consignées dans des rapports sans restitution aux agriculteurs.

Participation par consultation

Les agriculteurs sont consultés pour avoir leurs opinions sur une action donnée sans obligation de prise en compte.

Participation fonctionnelle

Les agriculteurs participent à la prise de décisions. Ils sont consultés pour l’exécution du programme arrêté.

Participation interactive Les agriculteurs sont des partenaires. Ils participent à l’élaboration des plans d’action et leur mise en œuvre.

Initiative locale Les agriculteurs prennent des initiatives locales en termes de développement et d’organisation et gestion de terroir indépendamment des structures de l’Etat.

Source : les enquêtes participatives en débat, adapté KRADI

L’application de la démarche recherche - développement est tributaire d’une connaissance suffisante des sciences sociales nécessaires aux activités de diagnostic et d’évaluation participatifs. Le raisonnement appliqué par le chercheur - développeur aux essais d’introduction de nouvelles technologies (nouvelles variétés, formule d’engrais…) en milieu réel dans les conditions de l’agriculteur est principalement un raisonnement purement agronomique privilégiant le rendement. De plus, les aspects liés à l’agro-écologique,

26 - Henning B. & Kradi C., les enquêtes participatives en débat : ambition, pratiques et enjeux, Gret - Karthala – ICRA, 2000

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c’est-à-dire l’effet de la technologie introduite sur l’environnement ainsi que la dimension socio-économique en relation avec le coût de production, le revenu, le marché… ne soient pas pris en compte.

La démarche recherche-développement était, en effet, interprétée tout simplement comme un outil de transfert de technologies, c’est-à-dire un outil de valorisation de technologies mises au point par les chercheurs. Dans ce modèle linéaire et séquentiel de transfert de l’innovation technologique, l’apprentissage mutuel et réciproque entre les agriculteurs et les chercheurs, l’interaction entre la technologie proposée et les systèmes de production agricole et la confrontation avec les besoins des agriculteurs ne sont pas suffisamment pris en compte dans le processus de transfert de technologies. Les gestionnaires de la recherche s’attendaient souvent à ce que la recherche-développement les aide à diffuser les résultats de recherche et par conséquent améliorer l’impact de la recherche sur le développement et l’image de marque de la recherche.

Entre la perception générale des chercheurs et les managers de la recherche existait une contradiction apparente. Les managers pensent disposer d’un grand nombre de technologies qui n’aboutissent pas chez les agriculteurs et la difficulté sentie par le chercheur-développeur (SRD) à satisfaire la demande. De plus, les activités de recherche et développement sont perçues comme des activités inférieures à la « recherche proprement dite ». Les responsables de la R&D insistent pour que leurs activités au sein de leur structure soient reconnues comme activités de recherche et appui aux chercheurs (interface entre la recherche et le Développement).

2.3.2. Prise en compte des savoirs locaux

La question de l’implication des agriculteurs aux travaux de recherche – développement est posée, notamment en termes de la rationalité des pratiques des agriculteurs et la complémentarité entre les savoirs locaux et les savoirs et connaissances des chercheurs, surtout, que de nombreuses innovations sont développées par les agriculteurs pour faire face à diverses contraintes techniques, socio-économiques et environnementales. Cependant, ces résultats ne sont pas connus et sont très peu pris en considération dans les programmes de recherche, d’où la nécessité de : i) mettre en valeur les innovations des agriculteurs, présentant des avantages économiques et écologiques pour identifier des innovations qui améliorent les systèmes de production en place tout en conservant les ressources naturelles disponibles, ii) renforcer la créativité des agriculteurs et agricultrices, iii) conserver le savoir faire. Dans le contexte actuel de la régionalisation de la recherche, le développement participatif local est devenu l’une des principales préoccupations de la recherche agronomique. Ce développement participatif est basé fondamentalement sur des approches participatives, systémiques et intégrées (agriculteur-exploita-tion-environnement).

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Elaborés sans concertation avec les populations et sans prise en compte des modes traditionnels ancestraux de gestion et d’utilisation des ressources naturelles disponibles, plusieurs projets de développement visant à augmenter les productions et diminuer la pauvreté ont échoué. D’autant plus, que ces projets n’essayent pas de profiter des connaissances locales, source sûre de réussite pour la gestion des systèmes de production.

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Conclusion du chapitre I

Les systèmes de production au Maroc sont diversifiés et par conséquent les modèles des agriculteurs sont pluriels. C’est une source de richesse de notre agriculture qui n’est point une activité concentrée au niveau d’une région pédoclimatique ou par des agriculteurs du même héritage culturel et patrimonial. Les petites exploitations agricoles réparties sur tout le territoire national offrent des produits agricoles diversifiés, une large gamme de traditions liées aux savoirs faire locaux et aux connaissances endogènes, et des externalités positives liées à la beauté des paysages.

La professionnalisation de la petite agriculture, c’est-à-dire passer d’une logique de production vivrière à une logique d’investissement dans le cadre de projet lié au marché, ne peut se faire sans le rapprochement du chercheur, de l’enseignant-chercheur, du vulgarisateur – développeur et de l’agriculteur. Ceci, doit se faire dans un cadre de dialogue et de synergie (éviter la perte du temps et de l’énergie) grâce à l’établissement de liens étroits entre tous les acteurs et opérateurs. Le consortium regroupant les institutions de Recherches et d’Enseignement Agricole lancé en 2009 est une option judicieuse.

En fait, la préservation de l’identité régionale est fondamentalement liée aux réalités locales, à la durabilité des systèmes de production et à la pérennisation des produits de terroir à travers la valorisation du patrimoine agricole local. Dans ce sens, les agriculteurs appuyés par les chercheurs sont invités à parler de leurs pratiques, de leurs bilans en termes de productivité, de qualité de production ainsi que de leurs soucis et attentes.

Cette démarche, doit-être accompagnée par une approche socio-économique en vue d’aider les petits agriculteurs à tirer profit des avantages de la mondialisation et se prémunir de ses effets pervers. Dans ce sens, il est recommandé de mener des actions en amont et en aval du marché pour maîtriser l’environnement agro-socio-économique de l’agriculture en termes de maîtrise des prix et des circuits de commercialisation des produits agricoles. Beaucoup de petits agriculteurs / éleveurs estiment que les intermédiaires s’accaparent la plus value de leurs efforts. Certains producteurs /investisseurs, en l’occurrence les petits et moyens agriculteurs s’estiment lésés en visitant les grandes surfaces de commercialisation de leurs produits. Dans ce cadre, l’organisation de la filière agricole est une condition sine qua non de partage équitable des plus values générées par la vente des produits agricoles.

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La panoplie d’approches et d’outils présentées auparavant a été d’une grande utilité pour la programmation des opérations de recherche et recherche – développement. Grâce à la maîtrise de ces instruments par les chercheurs, les choix de ces opérations ont été judicieux dans presque 90% des cas. Il s’agit des recherches prioritaires émanant des diagnostics participatifs des besoins des agriculteurs et de leurs demandes. Elles sont orientées vers le développement des technologies, des connaissances et des outils d’aides à la prise de décisions. Les études de cas (oasis, montagne, parcours) présentées dans les chapitres suivants en sont une bonne illustration.

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Photos (INRA) 1 & 2 : Vues panoramiques des oasis marocaines.

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Chapitre 2

le système oasien : un patrimoine riche à prèserver pour les générations futures

IntroductionL’oasis est un espace de rareté renfermant un mode de vie ancestral

basé sur un mode de gestion traditionnel qui a prouvé son éfficacité au fil du temps. Depuis des siècles, les populations oasiennes ont réussi à préserver cet écosystème et ont fait preuve de créativité et d’endurance. Les Khettaras mis au point ont donné lieu à un mode de gestion rationnel de l’eau et de son partage. Aujourd’hui, l’oasis qui renferme d’énormes potentialités en termes de richesses culturelle et d’agro-biodiversité (palmier dattier, safran, henné, D’man…) subit l’influence dégradante des facteurs socio-économiques et écologiques. Pour mieux cerner la problématique du système oasien dans sa globalité en vue d’orienter les opérations de recherche – développement et par là apporter des gammes de solutions appropriées, la recherche agronomique s’est attelée à diagnostiquer les systèmes de production agricoles en vue d’identifier les opérations de recherche et y apporter les solutions adéquates.

1. Analyse du système oasienLa région du Tafilalet / Province d’Errachidia est une région qui a une histoire

riche et glorieuse. Elle est située au Sud-Est du Maroc. C’est un ensemble d’oasis dans les basses vallées des oueds Ziz et Gheris. Elle fait partie, depuis 1997, de la région administrative Meknès-Tafilalet.

Le Tafilalet fut un centre commercial important pendant de nombreux siècles; porte principale du Sahara, il a servi de lieu d’échange entre le Nord et l’extrême Sud. C’est par cette région que s’effectuait le transit de l’or, des épices, du sel… Le Tafilalet a joué dans l’histoire du pays un rôle de premier plan. L’ancienne Sijilmassa vit naître en 1640 la dynastie alaouite. Le Roi, Mohammed VI, est le descendant direct de Moulay Ali Charif, fondateur de la dynastie Alaouite.

Les systèmes de production dans la région du Tafilalet dépendent dans une large mesure de l’état des ressources naturelles disponibles, de la morphologie de l’exploitation, des activités agricoles et des modes de gestion de l’exploitation. Ils s’articulent autour :

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des systèmes de culture qui sont une association de plusieurs cultures ❐

(deux à trois étages) dont le palmier dattier constitue l’ossature. Ce dernier favorise la pratique d’autres cultures en créant un microclimat adéquat. La difficile maîtrise des techniques culturales et l’indisponibilité des techniques adaptées à l’environnement oasien induisent une diminution de la productivité des systèmes de production. Les exemples sont nombreux, on peut citer: Rejets du palmier dattier non ou mal enlevés induisant la perte de jeunes rejets, méthodes de luttes contre les maladies (Bayoud essentiellement) non maîtrisée, densités de plantations non respectées du palmier, de l’olivier entraîne un fort ombrage pour les cultures basses qui s’étiolent, mode d’irrigation peu adéquat favorisant la propagation des maladies, mode de récolte non approprié causant des pertes et affectant la qualité des produits… couplée aux difficultés de préserver certaines anciennes pratiques abandonnées (pollinisation du palmier dattier, récolte et conservation des dattes…).

le système d’élevage est essentiellement constitué d’ovins de race ❐

D’man. Cette race locale présente une prolificité élevée et une bonne aptitude d’adaptation aux conditions du milieu. Toutefois, ces atouts ne sont pas bien exploités à cause d’une conduite inappropriée qui en témoigne la reproduction non maîtrisée, l’alimentation non raisonnée et les bâtiments d’élevage mal conçus. En plus, et dans la plupart des cas, il n’y a pas de séparation entre les différentes catégories animales dans les bergeries (jeunes, reproductrices et géniteurs). Ce manque de contrôle dans la reproduction peut poser un problème de consanguinité et par conséquent une baisse de la productivité des descendants et des mises bas non planifiées en fonction des disponibilités fourragères. Les principales caractéristiques de système d’élevage sont :

la ration alimentaire du bétail est dominée par la luzerne qui ❍

constitue la principale culture fourragère dans les oasis. Les autres aliments sont composés par l’orge, les déchets de dattes, la paille des céréales, la pulpe sèche de betterave. Il a été noté des périodes de déficit alimentaire (décembre à février) qui auraient pour principales causes les faibles productions agricoles et le manque d’apports de compléments minéraux. Cette contrainte alimentaire pourrait expliquer la taille réduite des troupeaux qui ne dépasse pas 7 têtes ovines / exploitation agricole ;

les modalités de gestion des ressources naturelles au niveau des ❍

différents systèmes de production contribueraient grandement à la dégradation du milieu naturel. A titre indicatif, la surexploitation de la nappe phréatique, le surpâturage semblent-être parmi les principaux facteurs ;

le système oasien

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fragiles au Maroc

la valorisation des produits de terroirs et la commercialisation de la ❍

production agricole ne permettent pas aux agriculteurs d’en tirer profit.

Carte 1 : Sites étudiés dans le Tafilalet

Les études de diagnostics réalisées par les équipes multidisciplinaires dans la région de Tafilalet (carte 1) ont été guidées par des hypothèses selon les termes de références des études27 proposés par l’INRA et vérifiées par les chercheurs sur le terrain. Ces hypothèses sont:

l’amélioration durable de la production des systèmes de cultures est ❐

déterminée par la préservation des ressources hydriques disponibles, la valorisation des terres cultivables, la limitation de la dégradation des palmeraies et le renforcement du niveau de technicité des agriculteurs.

le développement des systèmes d’élevage adaptés à la région est ❐

déterminé par l’amélioration des performances de la race ovine D’man, la relance de l’élevage bovin laitier, la valorisation des autres races ovines, le développement d’autres filières porteuses et la rationalisation de l’exploitation des parcours ;

27- Kradi C., Les Termes de références des diagnostics ont été élaborés selon les objectifs de recherche de l’INRA.

le système oasien

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la valorisation des produits de terroirs et la commercialisation de la ❍

production agricole ne permettent pas aux agriculteurs d’en tirer profit.

Carte 1 : Sites étudiés dans le Tafilalet

Les études de diagnostics réalisées par les équipes multidisciplinaires dans la région de Tafilalet (carte 1) ont été guidées par des hypothèses selon les termes de références des études27 proposés par l’INRA et vérifiées par les chercheurs sur le terrain. Ces hypothèses sont:

l’amélioration durable de la production des systèmes de cultures est ❐

déterminée par la préservation des ressources hydriques disponibles, la valorisation des terres cultivables, la limitation de la dégradation des palmeraies et le renforcement du niveau de technicité des agriculteurs.

le développement des systèmes d’élevage adaptés à la région est ❐

déterminé par l’amélioration des performances de la race ovine D’man, la relance de l’élevage bovin laitier, la valorisation des autres races ovines, le développement d’autres filières porteuses et la rationalisation de l’exploitation des parcours ;

27- Kradi C., Les Termes de références des diagnostics ont été élaborés selon les objectifs de recherche de l’INRA.

l’amélioration de l’environnement socio-économique est déterminée par ❐

la promotion de la commercialisation des produits végétaux et animaux de terroir, les facilités d’approvisionnement des exploitations en matériels et intrants et l’amélioration du niveau de vie des agriculteurs.

Les principales contraintes et causes - effets ayant une grande influence sur le fonctionnement des exploitations oasiennes28, sur la stratégie des agriculteurs et sur les systèmes de production se présentent dans la figure 1.

Figure 1 : Arbre de contraintes du système oasien.

28 - Andriamainty Fils J. M., R. Djaddou, S. Nait Merzoug et V. T. Nguyen : Analyse des systèmes de pro-duction oasiens et des stratégies des agriculteurs dans la province d’Errachidia au Maroc. Maroc 2002, 152 pages

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Perte relative de savoirfaire traditionnel

Faible organisation des agriculteurs

Faible capitalisationdu rôle da la femme

Densité élévée ou plantations en augmentation

Disponibilité de l’eau d’irrigatiion

Dégâts causés par des maladies et ravageurs

Régression de la biodiversité

Salinisation des eaux et des sols

Diminution du niveau de la nappe phréatique

dans les oasis traditionels

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Exode reral

Présence des intermédiaires

Diticultés d’accésaux marchés lointaines

Trop d’ombre

Sécheresse/Changement climatique

Difficulté du contôle phytosanitaire et luttecontre les ravageurs

Coût des intrants

Maladie du Bayoud

Erosion génétique

Gamme de culture pratiquée en diminution

Extension du pompage

Besoins des cultures peu satisfaits

le système oasien

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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1.1. Les contraintes

1.1.1. Baisse de la productivité des cultures et de l’élevage

Fragilité des systèmes de cultures

L’arbre de contraintes énumère les principales problématiques liées aux structures agraires (morcellement, exigüité des exploitations), à la non rationalisation et valorisation de l’eau, à la pression sur les ressources en eau par le pompage en l’occurrence, aux difficultés d’entretien et de gestion des Khettaras, à la Salinité des sols et de l’eau, à l’ensablement et la surexploitation des ressources naturelles, à la maladie du Bayoud, (Fusarium oxysporum Sp albedinis), qui a décimé la palmeraie et à la non maîtrise de certaines techniques culturales appropriées.

Fragilité des systèmes d’élevage

Les grandes contraintes caractérisant les systèmes d’élevage sont, i) la faible productivité de l’élevage laitier à cause de l’insuffisance des superficies des cultures fourragères, essentielles pour l’alimentation des vaches de races améliorées exigeantes en aliments et peu adaptées aux milieux fragiles telle que l’oasis alors que la race locale « Tidili » est largement mieux adaptée au milieu mais renvoyée au second rang ii) la non maîtrise des principes de base d’alimentation du troupeau iii) la mauvaise conduite de la reproduction du troupeau D’man donne lieu au phénomène de consanguinité ce qui se répercute négativement sur la performance de la race ovine D’man à cause de l’insuffisance d’alimentation en quantité et en qualité iv) la faible technicité des éleveurs et aux conditions d’habitat et d’hygiène et, v) la dégradation des parcours liée au phénomène de la sécheresse et à l’action du surpâturage. Cette situation concerne également le bovin laitier et d’engraissement et le caprin dont la productivité est loin des performances potentielles.

1.1.2. Régression de la biodiversité

Les oasis de Tafilalet constituent un fief de la biodiversité au Maroc. Elles sont considérées par l’UNESCO comme Réserve de Biosphère de Sud Marocain. Les principales cultures pratiquées sont le palmier dattier avec une diversité extraordinaire, du nombre de variétés de blé, d’orge, du maïs, de luzerne, ainsi qu’une large gamme d’espèces arboricoles (olivier, pommier, grenadier,…) et le maraîchage (gombo...).

L’élevage ovin de la race D’man et caprin de la race Draâ sont dominants. Malheureusement, cette agro-biodiversité est menacée par le manque d’intérêt des agriculteurs pour les variétés de faible valeur commerciale du palmier dattier combinée à l’attaque par la maladie du bayoud qui décime les meilleures variétés de datte. Ce même constat est aussi valable pour certaines variétés

le système oasien

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locales de cultures basses menacées de disparition surtout par leur non tolérance à l’ombrage même si elles sont très productives (variétés locales d’orge à 6 rangs). Le cas des agriculteurs d’Aoufous, vallée de Ziz, illustre leurs stratégies pour la conservation de l’agro-biodiversité et leurs motivations et l’impact éventuel sur les Systèmes de Production Agricole «SPA» (Tableau 5).

Tableau 5. Quelques stratégies globales des agriculteurs dans la palmeraie d’Aoufouss

Stratégies des agriculteurs

Motivations Retombées sur les SPA & l’agro-biodiversitéPositives Négatives

- Exploitation au maximum de la SAU

- Intensification des cultures

- Assurer un revenu moyen pour la famille

- Nombre réduit et petitesse des exploitations agricoles

- Morcellement- Forte pression

démographique- Introduction de

nouvelles cultures (maraîchage et le henné)

- Conservation in-situ

- Désintéressement des jeunes : Emigration

- Parcelles délaissées pour

cause d’héritiers nombreux

- Aménagement des planches pour les cultures des cuvettes pour l’arboriculture

- Aménagement des seguias

- Grande Conscience sur l’importance de l’eau : une denrée sacrée pour l’oasien

- Satisfaction des besoins des cultures

- Certaines cultures sont délaissées à cause du manque d’eau

- Désherbage tardif des céréales

- Besoins des animaux

Alimentation des animaux

- Perte de 30% du rendement final (selon l’agronome)

- Orientation vers les espèces et variétés à forte valeur commerciale (Ex. variété Mejhoul du Palmier dattier)

- Opportunité du marché

- Cultures mieux entretenues.

- Amélioration des revenus

- Epargne possible

- L’agriculteur s’intéresse moins aux cultures à faible valeur commerciale

- Réduction de la diversité génétique (abandon de certaines espèces et variétés)

- Détérioration de la biodiversité spécifique et variétale

- Tendance vers culture unique (monoculture)

- Diversification des activités agricoles et extra - agricoles

- Répartir les risques- Insuffisance des

revenus agricoles

- Subvenir aux besoins de la famille

- Exode de la main d’œuvre spécialisée

- Orientation des ressources disponibles vers les cultures vivrières

- Manque de ressources en eau

- Sauvegarde du patrimoine génétique des cultures vivrières

- Dégradation de la biodiversité spécifique et variétale

Source : Etude INRA - ICRA, Errachidia, 2001, actualisée par KRADI

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

1.1.3. Vulnérabilité de l’environnement socio-économique : des retombées négatives sur le producteur et le consommateur

La vulnérabilité de l’environnement socio-économique est liée à l’activité agricole caractérisée par une difficulté de commercialisation des produits agricoles, et une insuffisance de l’approvisionnement des exploitations agricoles en matériels et intrants dues aux problèmes de financement. Plusieurs contraintes entravent la commercialisation adéquate des produits agricoles dont les principales sont : une forte intervention d’intermédiaires dans les circuits de commercialisation ; une faiblesse des potentialités individuelles de commercialisation des produits liée aux faibles quantités produites, et aussi au manque d’informations sur les tendances du marché, une faible capacité du marché local et l’éloignement des marchés potentiels pour l’écoulement des productions de la région ; un fonctionnement dérisoire des coopératives de commercialisation de certains produits agricoles caractérisé par la mauvaise gestion, l’irrégularité d’intervention et du faible niveau de valorisation des produits agricoles.

Dans ce contexte, le consommateur sera toujours la deuxième victime, qui subit toutes les hausses sans bénéficier des baisses – exactement comme le producteur qui subit les baisses sans bénéficier des hausses. D’où, la nécessité d’organiser les agriculteurs, idée maîtresse du PMV « l’agrégation » pourvue que les relations entre l’agrégateur et l’agrégé soient claires et que chacun soit informé dès le départ de ses droits et de ses obligations. De même, les consommateurs autour de leurs associations doivent être protégés des griffes des intermédiaires.

1.1.4. Sous valorisation des produits de terroirs

La valorisation des produits de terroir est un des leviers importants pour le développement des oasis en termes d’amélioration des revenus, de promotion de l’écotourisme et surtout la promotion du rôle de la femme. Le vieillissement des exploitants et de leurs femmes couplé au désintéressement des jeunes vis-à-vis de l’agriculture menace les savoirs locaux qui conditionnent en grande partie les modes traditionnels de valorisation hérités et développés depuis des générations. D’où le rôle de la recherche-développement qui doit intégrer dans ses programmes la valorisation des produits agricoles en liaison avec la savoir faire des agriculteurs.

L’accompagnement des agriculteurs par le renforcement de leurs capacités et par un appui accru aux associations locales par des actions telle que le développement des infrastructures de conservation et de transformation, qu’est un élément clef du Plan Maroc Vert pour une meilleure valorisation des produits de terroirs au profit de la petite agriculture.

Face à cette situation, les agriculteurs ont développé au fil du temps des stratégies pour atténuer les effets négatifs de l’environnement global de l’exploitation agricole et du ménage qu’on présente dans la partie qui suit.

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1.2. Stratégies des agriculteurs : trois types se dégagent

Pour cibler le conseil et/ou l’action de la recherche-développement, le concept de typologie est essentiel pour cerner la diversité et les spécificités des exploitations agricoles. On distingue, alors, trois grands types de Systèmes de Production Agricole (SPA) : les systèmes de productions agricole traditionnelles, intermédiaires et modernes. Les principaux critères de distinction entre ces types sont au niveau des stratégies et objectifs de l’agriculteur, de la disponibilité des moyens et facteurs de production et le niveau de l’épargne.

La stratégie du groupe SPA traditionnel (Figure 2), disposant de moyens limités et dont la main d’œuvre est exclusivement familiale, est d’assurer la subsistance du ménage (5 à 10 personnes) à travers la vente des dattes (80% des recettes). Du coup, l’épargne est minime.

Figure 2 : Système de production agricole traditionnel

Quant au groupe SPA intermédiaire (Figure 3), son objectif est d’intégrer le marché par la vente des produits agricoles (dattes, ovins…). Ce groupe dispose généralement de motopompes leur permettant des irrigations d’appoints.

• Ovins• Bovins• Caprins

Subsistance

Stratégie

IntégrationAgriculture-Elevage

MarchéMarché

Dat

tes

• Palmier dattier• Arbres fruitiers• Cultures céréalières• Cultures fourragères• Cultures maraîchères

Système de production végétale Système de production Animale

Fumier, Force animale

Fourrages, Sous produits

Alim

ents

Ani

mau

x

Faib

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ain

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sais

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ère,

Intra

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Système de ménage

• Grande taille du ménage(10 personnes)

• Faible épargne• Capacité d’investissementtrès faible

• Moyens de production limités

PotentialitésDisponibilité d’eau, savoir faire, Disponibi-lité de main d’oeuvre familiale

DynamiqueRisque de dégradation du niveau de vie du ménage, Exode rurale, Tendance monoculture (Palmier dattier). Dégradation de l’agro-biodiversité.

ContraintesMicropropriété, Morcellement, Ombrage élevé, maladies et ravageurs, Difficulté Accès Crédit, Désintéressement des jeunes

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Figure 3 : Système de production agricole intermédiaire.

Le système de production agricole moderne (Figure 4), représente les nouvelles exploitations installées en dehors des oasis, optant pour la culture des variétés de haute valeur marchande (Majhoul, Boufeggous) ainsi que la luzerne pour l’engraissement des bovins. Ce groupe a des contacts réguliers avec le marché et est capable de faire de l’épargne. L'irrigation localisée est développée dans ce système

Figure 4 : Système de production agricole moderne

• Ovins• Bovins• Caprins

Intégration dans le marché,amélioration du niveau de vie

Stratégie

IntégrationAgriculture-Elevage

MarchéMarché

Dat

tes,

légu

mes

,fru

its, o

lives

• Palmier dattier• Arbres fruitiers• Cultures céréalières• Cultures fourragères• Cultures maraîchères

Système de production végétale Système de production Animale

Fumier, Force animale

Fourrages, Sous produits

Alim

ents

Ani

mau

x

Moy

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isonn

ière

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Système de ménage

• Grande taille du ménage

• Epargne et capacité d’investissement moyenne.

• Moyens de productionrelativement

PotentialitésSavoir faire, capacité de diversification, volonté d’intégrer le marché.

DynamiqueRisque de baisse du niveau de la nappe, et compé-titivité économique pourrait affecter l’agro-biodivesité et la durabilité de ces SPA. La maîtrise de l’eau et le marché pourraient rendre ces SPA plus viables et durables.

ContraintesMorcellement poussé, Ombrage élevé, Bayoud, salinité, dépendance de main d’oeuvre salariale, coût de production.

Prestationde service

Commerceagricole

satisfaisants

• Ovins• Bovins

Economie du marché avecune relative spécialisation

Stratégie

IntégrationAgriculture-Elevage

MarchéMarché

Datte

s, ol

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• Palmier dattier à hautevaleur commerciale• Oliviers• Cultures fourragères

Système de production végétale Système de production Animale

Fumier, Force animale

Fourrages, Sous produits

Alim

ents

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Main

d’o

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esa

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ière,

Intra

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Système de ménage

• Grande taille du ménage

• Epargne et capacité d’investissement importante.

• Moyens de productionimportant

PotentialitésDisponibilité d’eau, encadrement et technicité, esprit d’entreprise, forte demande des dattes de qualité.

DynamiqueRisque de baisse du niveau de la nappe (sur-pom-page) qui pourrait menacer la durabilité de ces SPA. Ces SPA sont en faveur de la réduction de la pression sur la palmeraie traditionnelle, la désertification.

ContraintesMaladies et ravageurs, salinité, gamme de choix variétale limitée, coût du pompage.

Prestationde service

Commerceagricole

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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1.2.1. L’élevage : ossature des systèmes de production oasiens

L’élevage constitue une composante essentielle des systèmes de production oasiens. On en distingue deux types :

Le premier est ❐ le système d’élevage intensif où les trois espèces ovine, caprine et bovine sont en stabulation permanente et « vivent avec la famille ». La conduite, aussi bien alimentaire, sanitaire, que de reproduction est précaire. Le résultat en est une faible productivité de viande (en moyenne 37,5 kg de poids vif/unité/an) par rapport aux potentialités de la race (haute prolificité : 250 à 300 %). En seconde position, viennent les bovins de race principalement locale laitière à raison d’une vache par exploitation en moyenne (ORMVA/TF, 2002).

Le second est ❐ le système d’élevage extensif. Il est généralement conduit en troupeaux mixtes (ovins et caprins) mobiles (nomades et semi-nomades). Il est essentiellement basé sur la production pastorale fortement tributaire d’un climat très aléatoire en dehors des oasis.

Il est bien évident que le nombre d’agneaux commercialisés par brebis reste le facteur limitant de l’intensification de l’élevage ovin. La race D’man, originaire des palmeraies du sud marocain, se distingue des autres races nationales par sa prolificité et ses aptitudes de reproduction exceptionnelles. Cependant, les performances réalisées chez les éleveurs oasiens restent encore en deçà des résultats obtenus au niveau des stations de recherche (Domaine expérimental d’Errachidia/ INRA) en raison de l'inadéquation des locaux d'élevage et de la défaillance de la conduite alimentaire (insuffisance de l’alimentation en quantité et qualité) et des conditions sanitaires et de reproduction. Ainsi, la productivité du troupeau reste faible par comparaison aux niveaux potentiels, ce qui se traduit par la faiblesse de l’offre de viande par rapport à une demande en accroissement et souvent par une augmentation des prix de la viande.

Dans une étude sur la rentabilité de l’élevage D’man en station (Kerfal et al., non publié), les auteurs comparent les rentabilités en station et hors station. Les résultats montrent que la rentabilité de l’élevage de la station expérimentale INRA est nettement supérieure à celle des élevages pratiqués en milieu réel, que ce soit au niveau des élevages organisés ou non organisés. Ainsi, les marges brutes par tête (892 DH) ou par kg de poids vif (21 DH) réalisées à la station dépassent de très loin celles des élevages organisés (54 DH/tête et 6 DH/kg vif) et non organisés (21 DH/tête et 5 DH/kg vif). Il en est de même pour ce qui est de la marge nette qui est de l’ordre de 282 DH/tête et 7 DH/kg vif à l’INRA contre 38 DH/tête et 4 DH/kg vif puis 6 DH/tête et 1 DH/kg vif, respectivement en élevage organisé et non organisé.

Cependant, on assiste à l’émergence d’une nouvelle catégorie d’éleveurs qu’on peut qualifier de « pragmatiques » en raison des résultats techniques et économiques très satisfaisants de leurs élevages : il s’agit d’éleveurs individuels

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pratiquant l’élevage moderne de la race D’man ou d’éleveurs groupés en coopératives de production et de commercialisation des ovins D’man, spécimens initialement sélectionnés par l’INRA ou par les sélectionneurs pilotes de la zone.

En fait, les éleveurs organisés dans le cadre de coopératives ou d’associations améliorent leur performance technico-économiques malgré que les charges de production soient relativement plus élevées que chez les éleveurs non organisés. Par ailleurs, il paraît que des manques à gagner dans la commercialisation des produits et l’acquisition des intrants sont enregistrés chez les éleveurs non organisés.

Les systèmes de production en oasis se basent essentiellement sur l’association culture/élevage qui se définit par des relations multiples et synergiques. Cette stratégie permet aux agriculteurs de mieux gérer le risque et de diminuer l’effet des aléas climatiques. Ils diversifient ainsi les sources de revenu, valorisent les sous-produits des cultures et intensifient la production agricole en fertilisant les sols par le fumier. Seulement, le développement de l’élevage se trouve limité par l’insuffisance des disponibilités alimentaires. Les cultures fourragères sont essentiellement représentées par la luzerne, généralement, localisée à proximité des sources d’eau.

La course effrénée pour la satisfaction des besoins alimentaires des animaux conduit à une exploitation abusive et irrationnelle des espaces avoisinant les oasis, contribuant à leur dégradation et accentuent le phénomène de désertification. Le surpâturage et le mode intensif de conduite des troupeaux ont entraîné une dégradation accélerée du couvert végétal. De plus, l’effet conjugué de la forte sécheresse et de l’érosion éolienne dégrade fortement le couvert végétal. Les sols, ainsi dénudés, s’exposent à une évaporation annuelle intense qui aggrave le problème de la salinité.

La crise des systèmes de production oasiens marquée par la persistance de la sécheresse depuis plusieurs décennies, dues aux changements climatiques, a donné naissance à une prise de conscience sur l’urgence de la protection des ressources naturelles. En réponse aux modèles technicistes privilégiant le rendement de la culture, des approches alternatives plus soucieuses de l’équité socio-économique et la durabilité de la production se sont développées telles que l’approche systémique où la recherche est dirigée par des équipes multidisciplinaires avec proposition de gammes de solutions adaptées à chaque type d’exploitation, dont l’agriculteur participe à l’expérimentation et l’évaluation de la solution proposée.

L’élevage ovin constitue pour les agriculteurs une source de trésorerie pour le financement de certaines opérations agricoles. Les agriculteurs, en raison du manque d’alimentation, sont obligés de vendre leurs animaux aux commerçants venant des principales agglomérations urbaines (Mèknes, Fès,

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Marrakech...), pour pratiquer l’engraissement, puis de les revendre aux souks d’Errachidia et de Rich à des prix élevés. D’une manière générale, au niveau des oasis plus, l’alimentation est insuffisante, plus l’agriculteur a tendance à réduire la taille de son troupeau. Ce dernier est alimenté à base de produits de l’exploitation tels que les déchets de dattes, de la paille, de l’orge et de la luzerne. L’excèdent de la luzerne est conservé en foin afin de faire face aux périodes creuses (décembre – février). L’agriculteur a recours à l’achat des aliments concentrés destinés surtout à l’engraissement des agneaux et veaux vivant en cohabitation et stabulation en général.

Quant aux nomades, ils ont tendance à réduire de plus en plus la taille de leur troupeau à cause des années de sécheresse et certains d’entre eux pensent même à se sédentariser. En effet, l’alimentation du bétail est assurée majoritairement par la production pastorale. Les Unités Fourragères (UF) gratuites offertes par ces parcours n’étant désormais plus suffisantes, les nomades procèdent, tant bien que mal, à la supplémentation de leurs animaux. Elle est à base essentiellement de l’orge et des déchets de dattes. La paille est distribuée comme aliment d’encombrement.

1.2.2. Interactions et complémentarités entre les systèmes oasiens et sylvo- pastoraux

Les complémentarités et interactions qui peuvent exister entre les systèmes de production identifiés et étudiés, s’observent principalement à deux niveaux : l’un à l’intérieur du système de production oasien et l’autre entre le système oasien et le système extensif pastoral. Les systèmes de production oasiens se basent sur une association agriculture/élevage très étroite, elle permet d’améliorer le revenu de l’agriculteur et illustre d’une façon judicieuse la valorisation des ressources disponibles.

L’élevage offre d’importantes quantités de fumier, utilisées pour la fertilisation des terres agricoles, et par conséquent contribuent à l’amélioration des rendements des différentes cultures. Ie fumier constitue également une source de capital disponible au financement des différentes opérations nécessaires à l’installation et à l’entretien des systèmes de cultures. Cette complémentarité est bien illustrée par la figure 5 (INRA – ICRA, Errachidia 2003)29.

29 - Acherkouk M., M. Boughlala, S. Kaci, N. Omeiri, C. Onana et S. R. Rakotson : Systèmes de production oasiens et sylvo-pastoraux : interactions, complémentarités et développement durable. Cas de bassin de Ghéris. Maroc 2003, 137 page

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Figure 5 : Diagramme de flux entre les systèmes de culture et d’élevage

En fait, l’interaction entre le système oasien intensif et le système pastoral extensif se traduit par des échanges de flux non négligeable. Le système d’élevage extensif se caractérise par une mobilité continuelle sur de longues distances qui se justifie par la recherche de l’herbe afin d’alimenter le bétail. Il s’agit là, d’une transhumance saisonnière en été orientée essentiellement vers les parcours de montagne. Seulement, avec la sécheresse, les nomades ont limité leurs déplacements à quelques parcours se trouvant dans un état dégradé à cause de leur utilisation intensive.

Les nomades ont développé un système d’information pour détecter de bons espaces pastoraux. En effet, les oasis reçoivent généralement des précipitations aléatoires et faibles ainsi que des crues mais très favorables à la levée des graminées et à la repousse. La nouvelle végétation ainsi obtenue est bien valorisée par les troupeaux. Pour découvrir ces espaces pastoraux, les nomades multiplient des contacts pour se renseigner, en particulier le jour du marché (souk). Ces derniers se rassemblent par la suite, collectent les fonds et chargent un ou plusieurs membres de la communauté à effectuer le déplacement pour l’identification et la sélection des espaces pastoraux intéressants et les lieux de campements appelés « Mergued ». Une opération qui permet de tisser des relations et de développer des affinités avec les populations des localités choisies.

Se procurant les informations nécessaires des informateurs « éclaireurs », les nomades louent les moyens de locomotion (des grands camions) lorsque la distance à parcourir est grande pour le transport des troupeaux vers les aires

Ovins Bovins

Caprins Asins -équidés

Cultures vivrières

Cultures de rente

Arboriculture

Palmier

Cultures Fourragères

Fumier

Travail salarial

Fourrage

Résidus

Flux monétaire

Système de culture Système d’élevage

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identifiées. En période de sécheresse, les parcours exploités par les nomades leur sont parfois loués par les habitants sédentaires.

Face au déficit alimentaire engendré par la dégradation des ressources pastorales, les nomades se trouvent obligés de supplémenter leur troupeau durant toute l’année. Ils s’approvisionnent essentiellement en déchets de dattes au niveau de l’oasis et parfois même en matière d’aliments grossiers (luzerne et paille).

Les conditions de vie pénibles obligent les nomades à vendre leur force de travail pendant les opérations agricoles de pointe dans les oasis (semis, travaux du sol, entretien des plantations, récolte). Les nomades sont rémunérés soit en espèce soit en nature (blé, orge, paille…) (Figure 6).

Les agriculteurs oasiens achètent des agneaux chez les nomades à bas prix (300 à 400 Dh/tête), les engraissent durant un à deux mois, du fait qu’ils disposent de possibilités d’alimentation, puis les revendent au moment opportun à des prix variant entre 700 et 800 Dh/tête. L’intensité des complémentarités et interactions entre les systèmes de production est fonction essentiellement de la disponibilité de l’eau. Elle pourrait, de ce fait, s’affaiblir sous le poids de la sécheresse (INRA-ICRA, Errachidia 2003)30.

Figure 6 : Echanges et complémentarités entre les systèmes de production oasiens et sylvo-pastoraux

30 - Idem que 29

Agneaux semi -finis

Huile d’olive

SYSTEMES DE PRODUCTION OASIENS

SYSTEMES DE PRODUCTION SUR PARCOURS

Orge et paille

Plantes médicinales

Octobre à Février

Juillet à Décembre

Décembre - janvier-

Nov.-Décembre

Cours de l’année

Mars-Avril

Travail salarial

Résidus de dattes

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1.2.3. Rôle de la femme

Ces constats ont été confirmés à travers les entretiens effectués avec les agriculteurs ainsi qu’avec les femmes qui estiment que la prise de décision ne fait pas partie des prérogatives de la femme au sein de la famille. Les agriculteurs développent même une perception de dévalorisation et de non reconnaissance du travail de la femme31.

La femme rurale dans les oasis de Ziz est très active, en plus de sa responsabilité de s’occuper de la famille (nettoyage de la maison, mouture de blé, ramassage du bois, approvisionnement en eau, préparation du pain, stockage et conservation des olives…). Elle est impliquée dans la quasi-totalité des activités de l’exploitation. Au niveau de la province d’Errachidia, plus de 80% des femmes rurales participent aux travaux agricoles et 55% d’entres elles sont âgées d’environ 40 ans. Le temps journalier des femmes est réparti entre le travail domestique (50%); le travail aux champs(21%); le travail lié à l’élevage (19%) et les activités artisanales (10%), (ORMVA/TF, 2002).

La conduite technique de l'élevage D'man est essentiellement assurée par les femmes. Outre les lourdes tâches domestiques et agricoles (recherche de bois de feu, l’eau potable, préparation des repas, éducation des enfants, désherbage et moisson des céréales, etc.), les femmes oasiennes participent très activement à l’activité élevage par le fauchage et le transport des fourrages, le broyage des déchets de dattes, l’alimentation et l’abreuvement des animaux… L'intervention de l’homme dans cette activité est limitée à l'acte commercial : vente et achat d’animaux et d’aliments de bétail. En général, il n’y a pas de répartition des tâches entre les différentes catégories d’âge. Ces travaux sont exécutés par l’ensemble des femmes du ménage.

Au vu de la contribution significative de la femme à l’élevage ovin D’man, son développement dépend fortement de l’amélioration du cadre de vie des femmes oasiennes et de leur statut social. L’encadrement dans ce domaine doit être bien planifié pour aboutir à une amélioration du savoir-faire féminin basé sur le savoir traditionnel accumulé.

« …S’agissant de la famille et de la promotion de la condition de la femme, j’en ai déjà énoncé la problématique fondamentale dès le lendemain de Mon Accession à la Charge Suprême d’Amir Al Mouminine, en M’interrogeant dans le discours du 20 Août 1999 : Comment espérer assurer progrès et prospérité à une société alors que ses femmes , qui constituent la moitié, voient leurs droits bafoués et pâtissent d’injustice, de violence et de marginalisation, au mépris du droit à la dignité et à l’équité que leur confère notre sainte religion ».

Encadré 5: Extrait du Discours de S.M. Le Roi Mohamed VI du 10/10/2003

31 - Belarbi A., Bouayad A., M. Diaou, N. Kassis et M. Tidjani Maliki : Agrobiodiversité et durabilité des systè-mes de production oasiens dans la palmeraie d’Aoufouss - Errachidia. Maroc 2004, 167 page

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En dépit du rôle capital qu’elle assume tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer, la femme semble être exclue du processus de prise de décision aussi bien en matière de stratégie et de gestion de l’exploitation qu’au sein de la famille. La fonction de chef d’exploitation revient exclusivement à l’homme. Il s’agit généralement de l’époux ou du fils aîné. Le chef de ménage qui est dans la plupart des cas chef d’exploitation exerce un contrôle total sur les ressources économiques de l’exploitation et de la famille et en assure leur répartition entre les différents membres dont il a la charge. La femme est parfois propriétaire de ressources, à savoir la terre à travers l’héritage ou l’élevage, quand elle est membre de coopérative, mais elle n’en assure ni la gestion ni le contrôle. Ses ressources font partie des biens communs de la famille dont le chef de ménage détient le pouvoir de contrôle et de décision.

vu le taux élevé de l’analphabétisme chez les femmes (95%), de l’insuffisance des ressources financières et les difficultés d’accéder à l’information et à la formation, la promotion de la femme et son intégration dans les programmes de développement passe inévitablement par leur organisation en groupements professionnels ou associations avec un encadrement qualifié en mesure de rehausser leur niveau, renforcer leur capacité et leur permettre d’accéder aux ressources et d’en disposer librement.

2. Scénarii de développement des oasis L’analyse succincte des contraintes précédemment citées a permis

l’élaboration d’un plan d’action comprenant des axes de recherche et des petits projets locaux pour valoriser le savoir local, promouvoir le développement participatif et diversifier les sources de revenu. Pour ce qui est de l’utilisation de l’eau d’irrigation, dont les besoins sont de plus en plus grands, la recherche doit promouvoir le conseil agricole, principalement sur les nouvelles techniques d’économie d’eau telles que, la détermination des besoins en eau des différentes cultures et proposer des solutions pour atténuer le problème de la salinité de l’eau et du sol.

Concernant la conduite des cultures, un accent particulier doit être accordé aux doses et aux périodes de fertilisation des cultures, au choix variétal tout en préservant la biodiversité locale et aux techniques de lutte contre les parasites des plantes. Des ravageurs qui affectent la presque totalité de la production des dattes commercialisables, qui combinés aux mauvaises conditions climatiques, menacent de disparition le patrimoine génétique phoénicicole.

La régression des luzernières, attaquées par des ravageurs, risque de poser des problèmes d’alimentation du cheptel, d’où l’utilité de poursuivre les recherches pour mettre au point des méthodes de lutte efficaces. A ce titre, la lutte intégrée contre la ravageurs et les maladies se justifie et à plus d’un titre.

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Quant à l’élevage, la préservation du patrimoine génétique de la race D’man est une priorité pour limiter son érosion génétique. Des techniques de conduite des troupeaux ovins en stabulation sont disponibles au niveau de la Recherche mais nécessitent des programmes de vulgarisation adéquats. Une étude qualitative et quantitative de la végétation naturelle ainsi que sa cartographie sera un impératif préalable pour l’élaboration d’un schéma d’aménagement et de réhabilitation des espaces pastoraux de la zone. De même, des études de la dynamique des systèmes d’élevage sur parcours ansi que la caractérisation et l’identification des populations des petits ruminants sont vivement recommandées. L’écoulement des différents produits agricoles nécessite une attention particulière pour assurer une commercialisation équitable pour une meilleure valorisation des produits de terroirs et labellisation.

Partant des contraintes des systèmes de production liées étroitement à la question centrale de recherche «quelle recherche - développement pour la sauvegarde de la biodiversité et la durabilité des systèmes de production ?» et de l’analyse du fonctionnement des systèmes de production, leurs dynamiques ainsi que les stratégies des agriculteurs, l’approche de planification par scénarii de développement constitue autant d’atouts et d’impératifs pour ce genre de recherche.

2.1. Pourquoi le choix de l’approche « scénario de développement »?

La formulation des scénarii de développement par l’exploration des visions futures est une approche qui est bien adaptée au contexte et à la problématique des oasis32. La programmation par scénario est un processus qui permet aux acteurs et opérateurs du développement de formuler une vision commune de l’avenir et de décider, ensemble, des meilleurs moyens de la réaliser, d’explorer ses implications et d’en planifier la réalisation. Cette méthode de programmation a été utilisée avec les agriculteurs dans le périmètre irrigué du Tadla. Elle consiste à examiner la vision du futur de l’irrigation par les agriculteurs « future visioning». Elle est entièrement basée sur une connaissance intuitive et sur des projections dans le futur. Le modèle produit est davantage de type idéal/ normatif, sans tenir compte des tendances actuelles. Il représente les changements de la situation actuelle telle que les agriculteurs les souhaitent (N. Sellamna, 2003).

C’est une méthode participative qui implique tous les acteurs locaux et prend en considération leur perception actuelle et les évolutions probables de l’agriculture dans leurs régions. Dans ce processus, les chercheurs et les développeurs apportent leur savoir et savoir-faire et doivent être à l’écoute des agriculteurs. En fait, réaliser des projections est très difficile compte tenu des changements des facteurs socio-économiques, environnementaux, institutionnels, politiques et démographiques.

32 - Idem que 31

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La formulation des scénarii de développement se fait en présence des acteurs concernés (chercheurs, agents de développement, vulgarisateurs, représentants des agriculteurs…). Les participants identifient les facteurs influençant le fonctionnement et la durabilité des systèmes de production, appelé « Forces Motrices ». L’analyse de ces forces motrices en relation avec la dynamique des systèmes de production et leurs combinaisons permettent d’élaborer des scénarii de développement et d’offrir des pistes de Recherche et de Recherche-Développement. C’est un exercice durant lequel les agriculteurs expriment leurs points de vue lors des ateliers de restitution des résultats de diagnostic qui permet d’enrichir davantage la base de connaissance « principe de la triangulation »33.

2.2. Identification des forces motrices

Sept forces motrices ont été identifiées et hiérarchisées en concertation avec les agriculteurs selon leur importance. Il s’agit de l’eau, des maladies et ravageurs, du marché, de l’intervention de l’Etat, du transfert de technologie, de la terre (disponibilité, statut juridique, morcellement...) et de la gestion participative des ressources naturelles. L’analyse de l’évolution des forces motrices selon les deux situations (positive et négative) a permis d’évaluer l’impact des forces motrices sur la durabilité des systèmes de production et, par conséquent, formuler les scénarii de développement (Tableau 6).

Tableau 6. Perspectives d’évolution des forces motrices et leur impact sur les Systèmes de Production Agricole (SPA).

Forces motrices

Tendance Arguments Impact sur la durabilité des Systèmes de Production (SPA)

Eau

Positive Précipitations et crues en • augmentationLâchées régulières d’eau du • barrage

Réintroduction des variétés • disparues, bonne conservation in situ et amélioration des rendements des cultures et des revenus.

Négative Sécheresse : Baisse de la • nappe phréatiqueLâchées d’eau du barrage • en diminution

Perte de la diversité génétique : • espèces et variétés Abandon de l’activité agricole • et reconversion vers de nouvelles activités : Exode rural en nette augmentationDésertification et ensablement•

Prin

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Positive Encadrement efficace des • agriculteursGamme de bouquets • technologiques disponibles en matière de protection raisonnée des cultures

Développement des espèces et • variétés, diversification des cultures

Négative Coût de traitement élevé• Traitement collectif difficile • par manque d’organisation des agriculteursIndisponibilité de technologies •

Espèces et variétés sensibles • (menace de disparition)Rendements en diminution• Délaissement des variétés à faible • valeur commerciale

33 - La triangulation : multiplication des angles d’observations pour vérifier la pertinence de l’Information, MARP Bara GUEYE, cours ICRA 1993

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

le M

arc

Positive Diminution des importations• Forte demande pour les • produits locaux

Incitation à la production de qualité• Revenus des producteurs améliorés• Opportunités d’investissement•

Négative Concurrence des produits • importésBaisse des prix•

Abandon de certaines cultures, • réduction du spectre variétal et dégradation de la biodiversité Baisse de la demande pour les • produits locauxDégradation des revenus des • agriculteursExode rural•

Inte

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Eta

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Positive Agrégation des agriculteurs• Organisation des filières de • productionSoutien de la petite • agriculture : subventions, encadrementMise en place de normes de • qualité

Développement des produits de • terroirsConservation • in situ des espèces en voie de disparitionRevenus des agriculteurs améliorés•

Négative Désengagement de l’Etat• Baisse des prix des produits • Ouverture du marché sur • l’importation

Reconversion vers d’autres activités • extra-agricolesBaisse des revenus des agriculteurs• Exode rural• Délaissement de la palmeraie• Tendance des systèmes de • production traditionnels vers la disparition

Pro

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Positive Résultats de recherches • disponibles et ciblésSystème de transfert des • technologies efficaceLiaison recherche - • Innovation- Conseil Agricole opérationnelle Valorisation du savoir faire • local

Agro-biodiversité sauvegardée et • mieux valoriséeProductivité des cultures et de • l’élevage améliorée et de qualitéRevenus des agriculteurs améliorés •

Négative Processus de transfert de • technologies défaillantNon prise en compte des • savoirs locaux

Dégradation de la diversité • génétiqueBaisse de la productivité des • culturesBaisse des revenus des agriculteurs• Dégradation des systèmes de • production traditionnelsTendance vers l’agriculture de • cueillette c’est-à-dire l’agriculteur attend la récolte sans aucun effort

Ge

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Positive Développement participatif • des technologiesDéveloppement • communautaire et promotion de l’initiative localeRéhabilitation du droit • coutumier (Orf) et / ou de l’organisation communautaire

Autonomisation des ruraux et • autogestion des ressources naturellesDiminution des conflits sociaux • Amélioration des conditions de vie • des ruraux

Négative Manque de coopératives de • gestion des ressourcesFaible communication entre • acteurs et opérateurs locaux

Epuisement des ressources • naturellesMultiplication des conflits autour des • ressourcesDésertification et ensablement des • oasis

Source : INRA –ICRA, 2003 et 2004, actualisé par KRADI

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

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2.3. Formulation des scénarii de développement et leurs impacts

La confrontation des forces motrices selon leurs évolutions a permis la formulation de cinq scénarii de développement ci-dessous présentés. Les implications probables de chaque scénario sur les systèmes de production et l'agro-biodiversité ont été formulées et les besoins en recherche et en Recherche- Développement ont été identifiés.

2.3.1. Scénario I : Extension de la palmeraie (exploitation-entreprise) par des techniques modernes (pompage et forage), réduction de l’aire de culture et tendance vers la monoculture.

2.3.1.1. Impact sur la durabilité écologique

La survie des nouvelles exploitations modernes des oasis dépend de l’évolution de la nappe phréatique. Cette dernière diminue de 1 à 2 mètres par an suite aux pompages par forage. Un rabattement de 8 mètres a été enregistré sur une période de 15 ans (1990-2004) a été signalé par certains agriculteurs34 d’où la menace qui pèse sur l’agro-biodiversité et la durabilité des systèmes de production. L’urgence d’une gestion rationnelle de la nappe avec l’utilisation des techniques d’économie d’eau s’impose.

2.3.1.2. Impact sur l’équité sociale

L’extension de la palmeraie nécessite des investissements importants, ce qui profite aux agriculteurs disposant de plus de moyens avec des conséquences qui pourront être négatives sur les petits agriculteurs installés dans la palmeraie traditionnelle en raison du sur-pompage et des prix compétitifs. Cette option pourrait être en revanche une opportunité pour la création de l’emploi pour les oasiens chez qui le taux du chômage avoisine 17% (ORMVA/TF, 2003).

2.3.1.3. Impact sur la compétitivité économique

Dans ce type de scénario, les agriculteurs ont pour seul objectif la maîtrise du marché, donc contraints à produire à des prix compétitifs tout en visant la qualité. De plus, les nouvelles extensions des palmeraies sont focalisées sur la production du Mejhoul « datte de très bonne qualité, très appréciée par le consommateur national et international », ce qui peut avoir un impact positif sur l’oasis pourvue qu’il y ait une réinjection des recettes issues des ventes pour le développement local et non pas aller investir ailleurs.

2.3.1.4. Impact sur l’agro-biodiversité et durabilité des systèmes de production

L’extension de la palmeraie permettra de reconstituer le patrimoine phoénicicole ainsi que la conservation d’un certain nombre d’espèces végétales (luzerne, maraîchage ...) et animales (race ovine D’man). Elle va réduire la vitesse de l’avancement du désert. Par contre, le sur- pompage peut affecter la nappe phréatique et, par conséquent, toute l’activité agricole des oasis traditionnelles.

34 - Belarbi A., Bouayad A., M. Diaou, N. Kassis et M. Tidjani Maliki : Agrobiodiversité et durabilité des systè-mes de production oasiens dans la palmeraie d’Aoufouss - Errachidia. Maroc 2004, 167 page

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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Implications sur la recherche

L’eau est de plus en plus rare et les besoins des cultures doivent être satisfaits pour la pérennisation de l’activité agricole. La question de l’utilisation efficace et efficiente du mètre cube d’eau est une question urgente à laquelle il faut apporter des solutions dans l’immédiat. Les pertes d’eau par irrigation gravitaire au long des seguias dans le Tafilalet atteignent 47% environ selon une étude du ministère de l’environnement et de l’aménagement du territoire35. Dans ce sens, la préservation de l’agro-biodiversité et le développement durable des SP interpellent la recherche à développer des technologies et des connaissances sur :

Les techniques et méthodes efficaces d’utilisation économique de l’eau • sur la parcelle ;

La valorisation des eaux de crues ; •

Les besoins réels des cultures et des associations «palmier dattier - olivier» • et cultures sous jacentes (luzerne…) ;

La promotion des approches de développement participatif pour • promouvoir l’autogestion communautaire de l’eau et faciliter le transfert des aquis de recherce chez les agricullteurs.

2.3.2. Scénario II : Tendance vers le recours au pompage dans les oasis traditionnelles pour faire face à la dégradation du niveau de vie des ménages. Ce scénario concerne en grande partie les exploitants recevant de l’argent des travailleurs marocains émigrés à l’étranger et ceux du Maroc. L’investissement est axé sur le creusement des puits et leurs équipements par une motopompe.

2.3.2.1. Impact sur la durabilité écologique

Pour cette catégorie d’exploitations qui ont accès à l’eau, leur durabilité de production est tributaire d’une gestion raisonnée de l’eau de la nappe et une maîtrise des itinéraires techniques économiquement rentables et écologiquement viables et durables. La situation dans 10 à 15 ans peut devenir similaire à celle décrite dans le «scénario 1».

2.3.2.2. Impact sur l’équité sociale

Si la disponibilité de l’eau dans la nappe est suffisante, les agriculteurs verront leurs niveaux de vie amélioré puisque leur premier souci est de produire pour satisfaire les besoins de leurs familles. De plus, ceux qui ont la capacité de dégager des surplus de production, donc l’épargne, verront leur niveau de vie nettement amélioré.

35- Etude du MATEE, 2003.

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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2.3.2.3. Impact sur la compétitivité économique

En raison du coût élevé du carburant nécessaire au pompage (crise énergétique à l’échelon mondial) et son impact sur l’augmentation des coûts de production. Les petits agriculteurs qui ne sont pas compétitifs sur le marché à cause des faiblesses liées au mouvement coopératif et la non maîtrise des circuits de commercialisation, entre autres, subiront les conséquences négatives et verront leurs revenus en dégradation.

2.3.2.4. Impact sur l’agro-biodiversité et durabilité des systèmes de production

L’impact peut être mesuré selon la disponibilité de l’eau. Si les investissements dans le pompage continuent avec la fréquence actuelle et s’il n’y a pas de renouvellement de la nappe phréatique, l’irrigation sera compromise et l’agro-biodiversité sera affectée.

Implications sur la recherche

Comme pour les recommandations destinées à la recherche dans le « scénario 1 », la recherche sur les techniques économes de l’eau est un axe primordial pour la durabilité des Systèmes de Production oasiens.

2.3.3. Scénario III : Tendance vers l’agriculture de cueillette « l’agriculture nous donne peu, mais nous, on lui donne rien, dit un groupe d’agriculteurs » abandon des exploitations agricoles et exode rural massif. C’est un scénario catastrophique, qui peut avoir lieu si la situation actuelle persiste. En effet, la faible productivité des systèmes de production par manque d’eau, le Bayoud et l’émigration vont conduire à l’affaiblissement du tissu social au sein de l’oasis. Les agriculteurs se contentent des petites quantités de production obtenues sans trop s’investir (récolte des dattes et des olives). De plus, le manque d’entretien des ouvrages collectifs favorise l’avancement du désert.

2.3.3.1. Impact sur la durabilité écologique

La dégradation du niveau de vie des ménages et la démotivation des agriculteurs vont conduire durant les 15 à 20 prochaines années à une perte accélérée de l’agro-biodiversité et par conséquent à l’affaiblissement des systèmes de production agricole déjà fragiles.

2.3.3.2. Impact sur l’équité sociale

Les petits agriculteurs verront leur situation socio-économique en nette régression. Ils vont recourir à l’exode rural vers les zones urbaines à la recherche de travail en tant que main d’œuvre dans le secteur du bâtiment essentiellement. La situation de la femme sera affectée, surtout si les débouchés

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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pour ses produits artisanaux sont réduits. De plus, l’âge moyen avancé (55 ans)36

des chefs des exploitations agricoles et l’émigration pousse à s’interroger sur le transfert du savoir ancestral aux jeunes et la sauvegarde du savoir local. C’est ce scénario qui est en train de se réaliser dans certaines oasis (les fils d’agriculteurs sont incapables de polliniser les palmiers ou de faire les récoltes des dattes…).

2.3.3.3. Impact sur la compétitivité économique

Les exploitations agricoles dans ce type de scénario ne sont pas viables sur le plan économique. Elles seront incapables de subvenir aux besoins de leurs familles. Elles peuvent constituer une source de main d’œuvre pour les grandes exploitations modernes.

2.3.3.4. Impact sur l’agro-biodiversité et durabilité des systèmes de production

Sans intervention urgente, les agriculteurs qui s’occupent de la conservation in situ de la biodiversité locale (gombo, luzerne, dattier, …) se désintéresseront de continuer à la pratiquer et ce, en absence de systèmes d’encouragement et /ou de récompenses. D’où le risque probable de perte du patrimoine génétique.

Implications sur la recherche

La durabilité des systèmes de production est conditionnée par la capacité des populations à arrêter l’érosion génétique. En ce qui concerne la recherche, la sauvegarde de l’agro-biodiversité constitue un axe d’extrême importance au même niveau que l’eau. La recherche peut contribuer par :

Des diagnostics de terrain pour caractériser et évaluer toute ❐

l’agro-biodiversité (inventaire) ;

La conservation dans des banques de gènes de l’INRA du germoplasme ❐

local ;

La promotion de la conservation ❐ in situ ;

❐ La réalisation des études socio-économiques pour explorer toutes les pistes d’amélioration des conditions de vie des agriculteurs (nouveaux créneaux, système de financement, plan technico-économique des cultures, labellisation ....) et la promotion du commerce équitable, l’écotourisme culturel, surtout que les oasis (UNESCO) constituent un patrimoine de l’humanité;

La promotion de l’appoche Système Ingénieux du Patrimoine Mondiale ❐

Agricole (SIPAM), Cf. page 77 de ce livre.

36 - Document du Royaume du Maroc « Rapport National sur l’état des ressources génétiques animales», MADR – FAO, page 12 - 2005

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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2.3.4. Scénario IV : Dégradation des ressources pastorales, sédentarisation des nomades aux alentours de la palmeraie, pression accrue sur les ressources naturelles des oasis et conflits sociaux dans les Ksours.

2.3.4.1. Impact sur la durabilité écologique

Les zones pastorales n’arrivent plus à satisfaire les besoins des troupeaux en alimentation. C’est la conséquence des conditions climatiques défavorables et de la surexploitation des ressources pastorales, ce qui va accentuer la pression sur les ressources naturelles et générer des conflits entre les oasiens et les éleveurs/ pasteurs.

2.3.4.2. Impact sur l’équité sociale

Les pasteurs rencontreront d’énormes problèmes d’intégration dans l’agriculture oasienne, puisqu’ils ne possèdent pas de terrains et ne sont pas des ayants droits à l’eau. Ils verront la situation socio-économique de leur famille se dégrader de plus en plus et vont probablement essayer de diversifier leurs activités (commerce, vente de la force de travail…) ou d’émigrer vers les villes avoisinantes oú à l’étranger.

2.3.4.3. Impact sur la compétitivité économique

L’élevage extensif ou élevage de parcours ovin, caprin et camelin constitue la principale source des revenus de beaucoup de pasteurs nomades. C’est la catégorie la plus exposée aux problèmes de subsistance et de satisfaction des besoins de leurs familles et de leurs troupeaux. La qualité des produits de l’élevage et des autres produits végétaux sera affectée et les quantités produites seront faibles. Du coup, les produits auront des difficultés à trouver des débouchés rénumérateurs des efforts des agriculteurs.

Implications sur la recherche

Diagnostic des contraintes et des potentialités et formulation des schémas ❐

d’aménagement à moyen et long terme selon les spécificités des sites ;

Transfert des acquis des recherches se rapportant à la réhabilitation et ❐

la gestion des ressources pastorales, à l’alimentation des animaux sans affecter les ressources naturelles et aux outils et méthodes d’aides à la prise de décisions ;

Préservation et valorisation des races locales (ovine et caprine) ; ❐

Caractérisation, évaluation du patrimoine génétique et sa conservation ❐ in situ et ex situ.

Apport de nouvelles disciplines en sciences sociales (géographie rurale, ❐

anthropologie…).

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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2.3.5. Scénario V : Tendance vers la pluriactivité et / ou reconversion vers des activités du commerce et éco-tourisme. C’est un scénario qui semble être trèsprobable. Les enquêtes et sur le terrain confirment la tendance vers la diversification des sources de revenus, notamment vers les petites activités génératrices de petits revenus.

2.3.5.1. Impact sur la durabilité écologique

Le risque de l’impact de ce scénario est négatif sur la durabilité des systèmes de production, surtout si les agriculteurs ne continuent plus à entretenir leurs cultures « cf. scénario 2 » et s’adonnent seulement au commerce. Par contre, si l’éco-tourisme est développé, institutionnalisé et bien organisé, on peut assister à une certaine amélioration des revenus des agriculteurs, qui seront intéressés à mieux s’occuper de leurs oasis. Les produits de terroir labélisés, l’artisanat des femmes et les traditions constituent de grands atouts.

2.3.5.2. Impact sur l’équité sociale

Le commerce organisé, la maîtrise du marché et le développement de l’écotourisme peuvent profiter aux petits agriculteurs (hommes et femmes) des zones oasiennes. Cependant, la réglementation de ces activités est obligatoire pour éviter la main mise de la grande industrie du tourisme sur les oasis.

2.3.5.3. Impact sur la compétitivité économique

Les produits de terroir répondent parfaitement aux critères recherchés pour la production biologique. Leur certification et labellisation constituent une option pour la valorisation des produits de terroir et donc l’amélioration des revenus des oasiens. Les prix seront certainement compétitifs et attractifs pour les touristes nationaux et internationaux.

Implications sur la recherche

Le commerce et l’éco-tourisme sont deux activités intimement liées à l’artisanat, aux produits de terroir et à l’entretien du paysage. La recherche peut contribuer positivement à ce scénario à travers les activités de recherche et de recherche-développement suivantes :

Diagnostic, caractérisation et évaluation des produits agricoles locaux ❐

sur le double plan qualitatif et quantitatif pour lesquels les oasiens tireront plus de profit comparativement à d’autres localités ;

Identification des opportunités de labellisation des principaux produits : ❐

datte, olive, pomme, lait, beurre, plantes médicinales et aromatiques…;

Suivi de la qualité des produits en termes de tests sur les résidus / reste des ❐

produits chimiques;

Etude socio-économique des petites activités génératrices de revenus ❐

pour hommes et femmes et proposition des pistes d’amélioration;

Transfert de Technologie et Conseil Agricole. ❐

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3. Une nouvelle approche de développement des systèmes de production : Initiative du Système Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM) au Maroc

3.1. Définition

Les systèmes agricoles traditionnels ont été créés, façonnés et entretenus par des générations d’agriculteurs et d’éleveurs, qui utilisent les diverses ressources naturelles sur la base des pratiques de gestion adaptées aux conditions locales. Ces pratiques ont conduit à l’émergence des systèmes agro-écologiques adaptés aux milieux à écologie fragile. Ils sont souvent le reflet riche en agrobiodiversité agricole, à l’intérieur et entre les espèces et au niveau des écosystèmes et des paysages. Fondés sur les anciennes sociétés agricoles, certains de ces systèmes sont liés à d’importants centres d’origine et de diversité des plantes domestiquées et les espèces animales.

La conservation des systèmes agro-écologiques est d’une grande importance et de valeur universelle. L’initiative de la FAO appelée: Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial fondée par Mr. Kauhfkan37

vise à habituer les communautés de petites exploitations agricoles familiales, les peuples autochtones, les minorités et les groupes tribaux à entretenir et améliorer leurs systèmes agricoles traditionnels par la conservation dynamique de la biodiversité et des savoirs qui leur sont liés. Depuis le lancement de cette initiative de partenariat mondial en 2002, un large éventail d’activités de développement a été mis en œuvre dans plus de dix pays qui soutiennent la conservation dynamique des SIPAM et le renforcement de leur rôle dans la sécurité alimentaire, le revenu des foyers, la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité agricole et la biodiversité associé et des paysages, ainsi que les connaissances traditionnelles et la diversité culturelle. Le SIPAM38

s’inscrit parfaitement dans les objectifs du pilier II du Plan Maroc Vert en termes de préservation des ressources naturelles et de mobilisation de la communauté internationale pour promouvoir les investissements dans l’agriculture écologique.

3.2. Site pilote de SIPAM au Maroc Imilchil-Amellagou : Oasis froides

Avec le soutien financier du Fonds International du Développement Agricole (FIDA), le système d’Imilchil Amellagou (provinces d’Errachidia et Midelt) a été identifié comme un système extraordinaire pour sa biodiversité agricole et

37 - Mr Kauhfkan le fondateur de cette initiative dans le monde a largement contribué à sa diffusion auprès du grand public à l’échelon mondial38 - Le SIPAM a été reconnu par de nombreuses institutions et organisations, et les références spécifi-ques des gouvernements l’ont inscrit dans les documents officiels des Nations Unies, y compris la récente COP10 de la CDB et d’autres déclarations de l’ONU. Le SIPAM est financé par le GEF, le gouvernement de l’Allemagne (Ministère Fédéral de l’Alimentation, Agriculture et Protection des Consommateurs (BMELV), le Fonds international de développement agricole (FIDA) et collabore avec d’autres agences des Na-tions Unies et d’autres institutions partenaires nationales et internationales. Grace à son patrimoine riche, la FAO a proposé d’étendre le bénéfice de cette initiative au Maroc.

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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associée, ses traditions agricoles, artisanales et culturelles, ses paysages, son patrimoine architectural et touristique pour faire de cette région un modèle de développement durable et rationnel face aux aléas et aux hostilités diverses. La démarche de SIPAM a été présentée aux acteurs et opérateurs locaux à Imilchil39. C’était aussi une occasion de sensibiliser les institutions locales, pour une forte adhésion à cette proposition, afin qu’elles se l’approprient et la mettent en œuvre dans les meilleures conditions. Cette manifestation a permis de définir d’une manière participative avec les populations locales, les actions concrètes nécessaires en vue de préserver et accroître la valorisation des cinq axes des SIPAM à savoir: agro biodiversité et diversité associée ; ressources en eau et en terres ; savoirs et savoir faire traditionnels ; techniques alimentaires et artisanales et activités génératrices de revenus pour les femmes rurales des 2 sites.

La FAO a confié à l’INRA le mandat de caractériser les spécificités de ce site, en collaboration avec l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole de Tafilalet (ORMVATaf) et l’association ADRAR, en proposant :

Des arguments pour un classement parmi les sites pilotes mondiaux de ❐

l’initiative SIPAM ;Des mesures de conservation dynamique du système Imilchil- Amellagou ❐

(actions économiques, culturelles, agricoles, institutionnelles…) ;La caractérisation d’autres systèmes remarquables au Maroc, en vue de la ❐

constitution d’un inventaire national de systèmes ingénieux de patrimoine agricole ;Un partenariat national et international de SIPAM. ❐

Le site Imilchil-Amellagou est situé dans le Haut Atlas Oriental du Maroc à une altitude plus de 2000 m. Grâce à une riche biodiversité, il est intégré dans le Park National du Haut Atlas Oriental et fait partie de la zone A de la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain. Il comprend des oasis froides, des vallées, des lacs de montagne, des parcours humides (Agdales) et du semi- désertiques.

Un inventaire de la biodiversité agricole et la biodiversité associée a été réalisé. Aussi, 53 espèces végétales sont cultivées à travers 105 variétés dont 80% sont locales, distribuées entre les céréales, les légumineuses alimentaires, les espèces maraîchères, les arbres fruitiers, et les plantes aromatiques et médicinales. Ces espèces constituent la base de l’alimentation des populations locales. La biodiversité associée comprend des espèces endémiques : 135 espèces végétales (30%), 4 espèces de mammifères, 7 espèces d’amphibiens et de reptiles et 4 espèces de poissons. Ces ressources sont confrontées à plusieurs menaces d’ordre climatiques, démographiques et anthropologiques. Des mesures visant la préservation et l’accroissent de la valeur de la biodiversité ont été proposées. Elles visent l’accroissement de la production chez des agriculteurs en intégrant davantage l’agriculture et l’élevage. Les cultures fourragères et les

39 - Saidi S. et al un atelier a été organisé à Imilchil, pour présenter aux partenaires locaux et nationaux le SIPAM et faciliter l’adhésion des populations locales, janvier 2010.

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sous produits des cultures contribuent à l’alimentation des animaux d’élevage. Ce dernier fournit le fumier pour la fertilisation des champs.

Le système des oasis froides et Agdals d’Imilchil-Amellagou intègre les trois composantes de l’espace à savoir : l’oasis, les parcours arides ouverts toute l’année et parcours humides à ouverture contrôlée. La gestion de ce système a été analysée à quatre niveaux d’intégration. Les agriculteurs procèdent à l’usage des techniques comme la polyculture, l’assolement et les rotations des cultures qui permet l’amélioration de la fertilité et la conservation des sols.

Au niveau de l’élevage, la pratique de la transhumance combinée à la gestion des Agdals, telle qu’elle est pratiquée par les éleveurs dans cette région, permet d’assurer les besoins du cheptel tout en maintenant ou régénérant le couvert végétal. Celui-ci contribue à la conservation des sols. Le couvert végétal maintient le sol et permet la filtration des eaux de pluie qui alimentent la nappe et réduit l’érosion

L’usage de ces techniques simples et efficaces, et bien adaptées à l’environnement sont à diffuser auprès des agriculteurs au niveau local, national et international. Ces techniques soutiennent l’argumentation de la candidature de ce site pour son inscription dans la liste des SIPAM de la FAO.

Les procédures de valorisation de la production locales ont été aussi proposées. Certaines productions sont très typées et offrent des possibilités de développement des produits du terroir. Des actions de soutien technique et de renforcement des capacités des agriculteurs ont été proposées afin d’assurer le niveau de production en quantité et en qualité.

Une étude ciblant l’inventaire des ressources hydriques40 et l’estimation des potentialités disponibles dans la région a été réalisée. Cette étude a rapporté que les potentialités en eau de surface sont importantes. L’apport moyen annuel par sous unité de la zone étudiée varie de 50 à plus de 140 Mm3. Ce qui offre des possibilités de pratique de l’agriculture grâce à une mobilisation rationnelle et une gestion efficace de ces ressources.

Concernant les eaux souterraines, 80 sources et 11 khattaras ont été recensées. Le volume total mobilisé par ces infrastructures estimé à plus de 45 Mm3 par an dont 15 % est mobilisée par les khattaras. A souligner ici, que la majorité des eaux de sources ne sont pas exploitées. Ces conclusions montrent que les projets de production agricole ne sont pas plafonnés par l’eau et qu’ils ont un manque à gagner.

L’étude des sols41 a permis de faire le point sur l’état de dégradation de cette ressource. Cette étude a rapporté que l’érosion et le risque élevé d’inondation

40 - Etude ORMAVTaf et FAO, citée par Saidi S., INRA, Composantes eau et sol, 2011 41 - Etude du MATEE 2003.

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

sont les traits marquants qui limitent et menacent la productivité agricole et par la suite la stabilité et le développement des communautés rurales de ces zones.

Des activités génératrices de revenus ont été appuyées, et se sont intéressées essentiellement aux activités liées aux femmes. L’action relative à Tahandirte (tapis en laine) a révélé l’attachement des femmes à ce produit qui fait partie de leur identité. Elle a aussi mis l’accent sur la rupture qui est en train de se faire entre les générations et le problème de la transmission du savoir.

L’étude des possibilités de tourisme42 de nature a été effectuée dans la région dans le but de s’orienter dans l’avenir vers l’écotourisme. Il était question de comparer le niveau actuel de cette activité avec les potentialités de la région. L’analyse a révélé de grandes possibilités d’integrer l’écotourisme dans le plan de développement durable de cette région. Des propositions ont été faites avec la contribution des opérateurs locaux.

Des actions d’inventaires du patrimoine immatériel ont été réalisées. Un référentiel des chants et des contes relatives aux savoir et savoir faire dans le domaine de gestion des ressources naturelles, l’agriculture, l’élevage a été réalisé également.

La Jmaâ en tant qu’institution active, qui intervient au niveau de tous les secteurs de la vie (gardiennage des champs, gardiennage des parcours, restauration des sols, gestion de l’eau, gestion des terres collectives…) peut servir, non pas seulement de relais, mais de collaborateur de levier pour la mise en œuvre des plans de conservation dynamiques de SIPAM.

Le douar reste l’échelle incontournable pour permettre une meilleure gestion des ressources naturelles. Cependant, la non reconnaissance juridique des communautés de base et de leur droit coutumier sur leur espace d’usage est un obstacle au développement rural.

Des progrès importants de production agricole et de services environnementaux sont possibles tant dans les oasis que dans l’espace agraire hors SAU, lequel représente une part importante des ressources et des revenus des exploitations. Ceci suppose des innovations de gouvernance, notamment par la reconnaissance des usages socio-fonciers et la contractualisation, avec les communautés de base (Jmaâ), et associations pastorales ou leurs groupements, mais aussi par un aménagement adéquat, une agriculture durable et des chartes de gestion des terroirs villageois, des périmètres irrigués et des aires pastorales.

Ce type d’approches se construit dans une élaboration concertée de la vision du développement possible à court terme. Il conduit à des synthèses sous formes de chartes d’action à long terme, et à des projets individuels et collectifs qui se déclinent à plusieurs échelles de territoires : exploitations, villages/douars, vallées, aires pastorales communes, périmètres, communes rurales, petites

42 - Etude Association ADRAR – FAO, citée par Saidi., INRA, Composantes écotourisme, 2011

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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régions. L’échelle des « petites régions » et celle des « communautés de base » constituent des niveaux d’action d’importance stratégique.

En s’inspirant, du modèle Site pilote dans le Haut Atlas Oriental : Imilchil-Amellagou, inscrits oasis froide comme SIPAM43 en 2011. Les acteurs et opérateurs locaux doivent œuvrer pour la promotion et la conservation des savoirs faire locaux et connaissances endogène et des dynamiques des systèmes ingénieux du patrimoine mondial dans tous les écosystèmes vulnérables au Maroc. La recherche – développement peut jouer un rôle important dans ce chantier selon des démarches participatives et systémiques pour la caractérisation des Sites potentiels présentant l’identité patrimoniale et culturelle.

Les critères ayant permis la distinction de ce site de zone de montagne comme SIPAM, existent en grande partie dans les écosystèmes oasiens et pastoraux, à savoir : i) la richesse de la biodiversité végétale et animale, ii) les pratiques traditionnelles ancestrales de solidarité communautaire développées par les ruraux dans la gestion de l’eau et des parcours (Agdals) et des mouvements pastoraux des nomades, iii) la multifonctionnalité de l’agriculture comme un mode de gestion des ressources naturelles et facteur de dynamisation de l’aménagement du territoire et de développement durable, iv) les rites culturels (contes, poésie, musique…) culinaires, l’architecture, le tissage traditionnel local en laine adapté au milieu (Jellaba, Tahandirt…) et v) le savoir faire des femmes dans les usages des plantes médicinales, le choix des espèces pour le bois de feu selon des critères liés à la forme et taille de la plante (le feuillage, la couleur de la fleur, la durée de combustion, l’odeur, la difficulté de coupe ou à l’arrachage, à l’absence de fumée, à l’odeur agréable…).

Parallèlement, les contraintes majeures présentent des similitudes entre ces écosystèmes. A titre d’exemples on peut citer : le droit coutumier n’est plus respecté au niveau des Agdals engendrant une sérieuse déstabilisation des équilibres pastoraux par la dégradation de la biodiversité ; l’érosion des sols engendrant l’arrachage des bergers des oueds; le désintéressement des jeunes attirés de plus en plus par la vie moderne et les faibles revenus engendrés par l’activité agricole ne permettant aux chefs de familles de subvenir à leurs besoins.

La relation entre le droit coutumier (Orf) et la loi institutionnelle dite moderne

L’Orf est considéré par les populations des zones étudiées comme étant la loi la plus adaptée pour une meilleure gestion de l’irrigation, de la forêt et des

43 - Promotion des systèmes de savoir et de culture, conservation dynamique des systèmes ingénieux du patrimoine mondial (SIPAM) au Maroc, cas du site d’Imilchil-Amellagou / Maroc, document de la FAO - 2011

le système oasien

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fragiles au Maroc

Agdals44. Il a été soulevé lors de l’atelier45 que les problèmes vécus aujourd’hui par les populations sont liés directement au non respect de l’application de l’Orf et souvent les textes sont inconnus par les populations surtout les femmes. Pour palier à ces insuffisances, il a été proposé ce qui suit :

Réactiver et restaurer l’application de l’Orf par l’encadrement de l’Etat ❐

avec un rôle proactif des autorités locales ;Réécrire l’Orf, le documenter et le mettre à la disposition de la Jmaâ et ❐

des associations pour le faire connaître davantage aux ayants droits ;Appuyer la Jmaâ selon une approche participative pour respecter ❐

l’Orf et consolider aussi l’autogestion des ressources naturelles et par là consolider la démocratie locale;Prendre en compte l’Orf dans la publication de nouveaux textes régissant ❐

la gestion collective des ressources naturelles.

Attestation de reconnaissance par la FAO du site d’Imilchil-Amellagou comme site Ìngénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM)

44 - Difficulté d’application de l’Orf dans les Agdals à cause, l’augmentation de la taille des troupeaux. Selon les textes écrits de l’Orf, le troupeau de petits ruminants d’un ayant droit ne doit pas dépasser 100 têtes, si non il lui est interdit d’accéder à l’Agdals.45 - INRA – FAO, Oasis froides et Agdals d’Imilchil - Amellagou " Patrimoine Agricole Mondiale (SIPAM/GIAHS) ". Groupe de travail autour de la thématique « Meilleur Synergie » entre le droit coutumier (Orf) et la loi écrite (règlements, décrets) animé par Harzeni A. et rapporté par KRADI C., 20 octobre 2011, Rabat – Maroc.

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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Conclusion du chapitre II

La réussite des programmes de recherche-développement accompagnant les scénarii optimistes et évitant les scénarii négatifs décrits auparavant dépend dans une large mesure d’un certain nombre de préalables dont : i) Une politique claire pour la promotion du rôle de la femme et son intégration dans le processus de développement rural ; ii) un repositionnement du rôle de la société civile par rapport au rôle de l’Etat dans ces régions à potentiel sous exploité; iii) une stratégie pour la diversification de l’économie locale (écotourisme, transformation des produits de terroirs, sédentarisation des commerçants ambulants à travers des microcrédits…). Ces préalables doivent constituer les principes directeurs des Plans Agricoles Régionaux et des contrats programmes des filières de production reliant l’Etat et la profession.

Concrètement, les résultats des diagnostics des systèmes de production sur les oasis ont été exploités dans l’élaboration du programme de recherche et recherche – développement à moyen terme 2005-2008 du Centre Régional de la Recherche Agronomique d’Errachidia créé en 2005, et qui est, désormais, un pôle d’excellence de recherche sur les systèmes oasiens.

Pour le cas spécifique de la filière phoénicicole et ses perspectives de développement dans le cadre du Plan Maroc Vert, il y a lieu de souligner le vaste programme lancé en automne 2009 par Sa Majesté Le RoiMohammed VI qui donne une nouvelle dynamique à l’économie agricole oasienne. Ce programme vise la plantation d’environ 3 millions de plants de palmier dattier à l’horizon 202046. Il concerne aussi bien la réhabilitation, la reconstitution et la densification des palmeraies existantes que la création de nouvelles plantations modernes au sein et à l’extérieur de la palmeraie quand l’eau est disponible.

Pour accompagner ce vaste programme, la recherche agronomique, forte de ses acquis de recherches sur le palmier dattier et le système oasien, dispose aujourd’hui d’un inventaire de 453 cultivars47, dont 7 cultivars résistants à la maladie du Bayoud, 16 étant productifs, de qualité et de haute valeur commerciale, 2 palmiers mâles performants et résistants au bayoud produisant du pollen de haute qualité. De plus, l’INRA dispose d’une collection de 5000

46 - Atlas du palmier dattier au Maroc, INRA Maroc 2011, page 2047 - Idem 46

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génotypes conservés in situ et ex situ au domaine expérimental de l’INRA à Zagora ainsi que des laboratoires de multiplication in vitro des plants de palmier dattier aux CRRA de Marrakech et d’Errachidia48.

Par ailleurs, pour atténuer les effets des changements climatiques et contribuer à la préservation des ressources naturelles, la recherche agronomique peut contribuer dans le suivi du phénomène de la désertification par l’utilisation des outils climatologiques et de la géomatique à travers l’appréciation spatiale et temporelle des changements, et mise en évidence d’indicateurs de désertification et l’observation simultanée et répétitive des vastes étendues pastorales avec prédiction de l’évolution des écosystèmes steppiques. Dans ce sens, l’INRA dipose des résutats et des téchniques pour conservation de la biodiversité végetales et animale.

L’idée de promotion du SIPAM est prometteuse. Seulement, la grande question qui mérite une réponse est en relation avec l’impact des inscriptions des écosystèmes dans des patrimoines mondiaux (zones de biosphère, SIPAM…) sur les budgets des ménages, les conditions et les moyens d’existence des communautés rurales vivant dans les écosystèmes vulnérables (oasis, montagnes, parcours). En principe, une telle reconnaissance donne plus d’éligibilité et priorité à l’échelon national et au niveau de la communauté internationale pour plus d’investissement dans le développement durable ce qui pourrait avoir des retombées positives sur les populations et sur leurs moyens d’existence.

La visite Royale dans la région d’Imilchil en 2009, est un signe fort et un soutien pour le développement durable de ces zones vulnérables. La nouvelle constitution reconnaît la culture Amazigh comme patrimoine à préserver de l’identité marocaine. De façon générale, il est également proposé de promouvoir d’autres systèmes ingénieux marocains, et d’étendre la démarche actuelle à une procédure d’inventaire national à prendre en compte dans les stratégies de développement agricole et rural futures.

48- Renforcement des infrastructures de l’INRA pour la production des souches pour une capacité de 60.0000 souches /an qui sont cédées aux laboratoires privés pour la production des vitroplants de palmier dattier de qualité et au profil variétal requis destinés aux agriculteurs. Projet de développement de la filière phoenicicole, INRA 2011.

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Photos (Kradi C.) 3 & 4 : Zones de montagne du Moyen Atlas central.

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Chapitre 3Le système montagnard : Meilleure connaissance des systèmes de production pour de meilleures interventions techniques

IntroductionLe Maroc compte une grande diversité de milieux écologiques parmi lesquels

figurent les chaînes de l’Anti, Moyen et Haut-Atlas au centre du pays et la chaîne du Rif dans le Nord. Ces territoires sont pourvus de grandes potentialités, mais insuffisamment valorisées jusqu’à nos jours. Parmi les atouts des régions de montagnes et de leurs systèmes agraires, on peut noter des pratiques qui requièrent le qualificatif de mode de production biologique. La viande de caprins en particulier est d’une grande qualité liée aux propriétés intrinsèques du produit local. Elle est très appréciée par les consommateurs et très recherchée pour ses qualités diététiques et organoleptiques. La montagne est aussi un lieu privilégié pour la culture des pommes de terre qui, originaires de régions de très haute altitude dans les montagnes des Andes, s’adaptent facilement au climat du Moyen Atlas. Certaines variétés de blé, comme ifern’mourgh, spécifiques des régions de montagnes du Moyen Atlas « province de Beni Mellal », présentent des qualités boulangères exceptionnelles ainsi que d’autres produits de terroir de grande qualité (miel, champignon, myrtille…). Des exemples qui constituent un créneau porteur pour les producteurs au vue de l’évolution de la demande des consommateurs en produits dits biologiques de terroirs aussi bien au niveau national qu’international.

Le développement des zones de montagnes s’est révélé en deçà des aspirations des populations. Comparés aux buts envisagés dans les discours politiques, les investissements réalisés dans les projets montagnards n’ont abouti qu’à des succès très modestes. Ce constat s’explique, à notre sens, en grande partie par la non compréhension des fonctionnements des systèmes de production et du milieu et par conséquent des objectifs des agriculteurs de ces zones.

La recherche sur les systèmes de production agricole en zone de montagnes a été motivée par la demande urgente en connaissances, outils et approches nécessaires à la mise en place d’un programme de recherche

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et recherche-développement spécifique aux zones de montagnes basé sur les réalités de terrain et en conformité avec les besoins des Plans Agricoles Régionaux.

1. Les grands traits des systèmes de production des zones de montagne : contexte et problématique

Les grands traits des montagnes peuvent être résumés en la pression démographique sur les ressources naturelles, l’érosion des sols et de l’agro-biodiversité, la pauvreté, les faibles revenus des agriculteurs et la faiblesse de l’infrastructure socio-économique de base couplée à l’isolement et/ou enclavement. En contre partie, les montagnes renferment d’énormes potentialités et atouts peu valorisés et dont les populations locales en profitent très peu, telles que la beauté du paysage, la diversité biologique, culturelle et cullinaire et tout un tas d’externalités positives produites par les communautés rurales.

Dans ce contexte, le manque de moyens dont ont souffert l’agriculture et l’élevage des régions de montagnes a servi dans certaine mesure à la préservation du milieu de la dégradation (milieu vierge). En effet, les agriculteurs et les éleveurs, dépourvus de moyens pour investir dans des techniques de conduite nouvelles, ont développé des modes de conduite sans effets polluants ou nocifs sur l’homme et sur la nature. Avec la prise de conscience actuelle sur les problèmes que l’agriculture et l’élevage intensifs peuvent causer à l’environnement et à la santé, tout doit tendre vers le développement de l’agriculture dans les régions de l’Atlas et du Rif loin des constats d’échec enregistrés dans d’autres zones. Par conséquent, il faut promouvoir des systèmes agraires spécifiques à la montagne en vue d’un développement durable pour ces zones.

D’autre part, les populations de ces régions, en majorité des agriculteurs et des éleveurs, ont un grand rôle à tenir dans la gestion de leur milieu naturel. Dans plusieurs pays d’Europe, dont la France, l’exode rural a eu pour conséquence un abandon des milieux campagnards engendrant des effets négatifs sur la gestion de l’environnement. On parle alors de «désertification» des campagnes et un nouveau concept s’impose, celui du rôle de «gardiens de la nature» qu’assuraient les agriculteurs quand ils entretenaient le milieu dans lequel ils pratiquaient leur agriculture. L’exemple des incendies qui ravagent chaque été de grandes étendues de forêts en raison de l’exode rural et de l’existence de terrains non débroussaillés qui deviennent vulnérables au feu et à sa propagation.

Les diagnostics49 réalisés en zone de montagnes de l’Atlas montrent une tendance vers la dégradation de la forêt et des parcours, la faible productivité

49 - Etudes INRA – ICRA Province Beni Mellal, (1997), Province Ifrane (1998), Province Taounate (1999), Province Chefchaouen (2005)

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des activités agricoles et la non maîtrise de la commercialisation des produits due à un environnement socio-économique inadéquat (Figure 7) en plus de la faiblesse de l’appui et de l’encadrement des populations.

Figure 7 : Arbre de contraintes des zones de montagnes.

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Système de production de zones de montagne en difficulté :Besoins de famille difficilement satisfaits

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En fait, comprendre la logique de l’agriculteur montagnard, sa stratégie et ses perceptions de la situation actuelle et future n’est pas facile. Cette situation ne peut être comprise sans une analyse approfondie du contexte social, économique, environnemental, culturel et politique des systèmes de production. Avec l’avènement du concept de la Recherche Système50 au début des années 90, on a commencé à se poser des questionnements sur la relation entre le fonctionnement des systèmes de production agricole et la logique de l’agriculteur. En d’autres termes, l’approche qui considère l’agriculteur comme un simple utilisateur final des résultats de recherche produits dans les domaines expérimentaux et les laboratoires commence à être abandonnée et l’agriculteur est vu comme un partenaire du chercheur – développeur. Il est expert des parcelles qu’il cultive et il est le seul qui peut apporter un jugement sur sa façon de gérer ses parcelles.

La recherche agronomique a souligné durant les deux dernières décennies les fondements logiques des systèmes de production agricole en termes de productivité et relation avec la protection de l’environnement. On commence aujourd’hui à comprendre de mieux en mieux les enjeux et défis de ces écosystèmes traduit par le regain d’intérêt et la prise de conscience par les pouvoirs publics à cet égard. Ceci requiert, une planification participative au niveau local basée sur les résultats des diagnostics indiquant les directions prometteuses à suivre pour l’élaboration des programmes de développement avec échéancier, moyens à mettre en œuvre et un système de suivi évaluation.

2. Grande diversité et spécificités des systèmes de production de zones de montagne

2.1 Moyen Atlas (Province de Beni Mellal)

Dans une ère où le progrès scientifique et technologique permet d’améliorer la productivité des cultures et de l’élevage et par conséquent améliorer les marges bénéficiaires des agriculteurs. Il nous semble opportun, à travers cette étude, de présenter l’état des systèmes de production agricoles et leurs perspectives de développement dans les Communes Rurales d’Aghbala, de Tizinisly et Boutferda / Cercle administratif d’El Ksiba / Province de Beni Mellal (carte 2). C’est une contribution pour enrichir le débat sur la problématique de développement durable de la petite agriculture dans des zones enclavées, où les populations subissent la loi de la nature, et par là accompagner les Plans Agricoles Régionaux de la région Tadla – Azilal. Ces communes rurales

50 - Recherche système ou recherche systémique intégre dans l’analyse et d’une manière participa-tive toutes les composantes techniques, socio-économiques, environnementales et politiques qui inter-viennent dans le fonctionnement des systèmes de production agricole. Elle permet de mieux cerner le fonctionnement de l’exploitation et la stratégie des agriculteurs en vue de cibler l’action et garantir sa réussite.

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connaissent aujourd’hui un développement de l’arboriculture fruitière (pommier, prunier, cerisier) mais avec une production en quantité et qualité moindre dues au non maîtrise des techniques culturales et son corollaire insuffisances de l’encadrement des agriculteurs.

Carte 2: Sites étudiés dans la région de Beni Mellal

En définitive, la problématique de développement local en zone de montagne est complexe puisqu’elle couple l’amélioration des conditions de vie et les moyens d’existence des montagnards et la preservation des ressources naturelles. Dans ce sens, Les hommes et les femmes constituent un patrimoine socio - culturel à capitaliser et à valoriser pour la réussite des programmes de Rechercher - Développement.

2.1.1. Aperçu sur la région

2.1.1.1. Données générales

La région concernée coiffe les 3 Communes Rurales d’Aghbala, Boutferda et Tizinisly. Soit une population totale de l’ordre de 25906 habitants appartenant aux deux tribus : Ait Abdi et Ait Hmama, dont 2611 agriculteurs pour une superficie agricole utile de 20703 hectares représentant 10% de la superficie totale, dont la forêt représente 60% (Tableau 7).

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Tableau 7. Données générales

CR PopulationNombre

d’agriculteurs

Superficie

totaleSAU Bour Irrigué Forêt Parcours Inutile

Aghbala 11754 1154 47274 9797 9121 676 24000 3486 164

Boutferda 5452 550 54857 4245 5747 498 40000 9886 730

Tizin isly 8700 907 37112 6741 5835 906 17400 11971 1000

Total 25906 2611 139243 20783 20703 2080 81400 25343 1894

Source : CT Aghbala, 2011

Concernant les structures agraires, on constate que 60% des exploitations ont moins de 5 hectares dont 40% ont moins de 2 hectares avec plusieurs petites parcelles. Le reste de la superficie est reparti entre 5 à 10 hectares représentant 30% environ et 10% pour les exploitations ayant 20 – 50 hectares (Monographie, CT Aghbala 2011).

2.1.1.2. Milieu naturel

La zone d’étude est composée d’une série de vallées, de collines, de plateaux et de montagnes. L’altitude varie entre 1100 et 2400 m. Les 3 pénéplaines de Moulouya, d’Azaghrfal et d’Istrane sont mises en valeur par les propriétaires et les nouveaux investisseurs.

a. Climat

La pluviométrie est caractérisée par une moyenne annuelle variant de 350 à 400 mm et peuvant atteindre 921 mm (1995), soit trois fois plus que la moyenne. Cette forte variabilité affecte l’activité de l’agriculture en montagne. La neige tombe pratiquement chaque année. Pour les agriculteurs, une année pluvieuse sans neige est une mauvaise année. Les risques de gel sont très fréquents même en mai, ce qui représente une contrainte majeure surtout pour les céréales. La zone est souvent touchée par la grêle, véritable calamité pour les arboriculteurs à cause des pertes qu’elle fait subir aux fruits de rosacées, pouvant aller jusqu’à la perte totale de la production. On note des orages qui peuvent être souvent très violents entrainant la destruction de canaux d’irrigation.

La superficie irriguée ne dépasse pas les 10% de la SAU totale. L’irrigation à partir des sources d’eau représente 50%, suivi du pompage 30% et 20% à partir des oueds (Monographie, CT Aghbala 2011). Les doses d’irrigation sont peu connues par les agriculteurs, par manque de connaissance sur les besoins exacts en eau des arbres. Actuellement l’eau est disponible à une profondeur variant entre 20 et 50 m. Mais en cas d’année peu neigeuse et pluvieuse, l’eau se situe à plus de 100 mètres de profondeur.

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b. Sols

Sur les pentes et les collines qui constituent la majorité des terres, les sols dits oumlil ou biyad (calcaires) sont dominants. Ils sont de couleur blanche. Au fur et à mesure qu’on descend vers le bas des pentes et des collines, on trouve des sols dits tirs de couleur brune à noire. Ils sont riche en humus et conviennent à toutes les cultures : céréales, maïs, arboriculture, cultures fourragères et maraîchage. Cependant, à proximité des bas fonds, on trouve quelques dépôts de sols blancs calcaires qui sont apportés par l’eau de ruissellement provenant des collines avoisinantes.

c. Végétation

Il existe deux types de forêts, celles accessibles aux populations et d’autres interdites par les services des eaux et forêts. A l’intérieur de la forêt se trouvent des parcelles Melk où les propriétaires pratiquent généralement la succession céréales/jachère. Les principales espèces arborées sont le chêne vert (Quercus ilex), le genévrier oxycèdre (Juniperus oxycedrus) et le genévrier rouge (Juniperus phoenica). Selon les agriculteurs, de nouvelles espèces végétales ont été amenées par les animaux en transhumance. Ils prétendent que la dégradation de la forêt a débuté depuis les années 70. Elle est due au défrichement pour acquérir de nouvelles terres cultivées, à l’effet des caprins et à l’augmentation des besoins en bois de chauffe en hiver estimés à 3000dh/an/ménage.

Le contrôle est assuré par des gardes forestiers. Actuellement, des mesures sévères sont instaurées pour protéger la forêt. Trois sites ont été même encerclés depuis 1995. Ceci a créé un énorme conflit entre la population et les services des eaux et forêts. La population proteste contre la délimitation de la forêt. Elle réclame une nouvelle délimitation qui tient compte des parcelles cultivées des agriculteurs à l’intérieur de la forêt.

Les parcours collectifs ou Agdals sont en nette diminution. Certains agriculteurs, les plus grands d’entre eux, amènent leurs troupeaux vers la plaine de Khénifra dans des champs loués à cet effet. Cette période de transhumance dure généralement de décembre à avril. Les seuls parcours collectifs locaux exploités par les populations sont les parcours forestiers. Ces parcours ne sont pas gérés collectivement. Le nombre d’animaux et les périodes d’accès ne sont pas réglementés. Ils sont, principalement, utilisés par les caprins. (Sous-Centre de Développement Forestier d’Aghbala).

Les parcelles en jachère et les espaces de forêt servent de parcours pour les troupeaux, la végétation rencontrée est assez diverse surtout au niveau de la strate herbacée caractérisée par la présence de plusieurs espèces de chardons et de plantes épineuses ainsi que de plantes aromatiques et médicinales comme le thym et le romarin. Les Agdals sont répartis entre les machiakhas (fractions) et sont collectivement exploités. La période de mise en défens des Agdals est décidée par une commission composée de la commune rurale, de

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l’autorité locale et des représentants de chaque fraction bénéficiant de l’Agdal en question. Les dates d’exploitation sont réparties comme suit :

du 23 juin au 17 août : Chaque machiakhat pâture dans ses limites. ❐

du 17 août au 22 mars : Le pâturage est libre dans l’ensemble des Agdals. ❐

du 23 mars au 22 juin : Période de mise en défens. ❐

Cette réglementation a été justifiée par le fait qu’au début, lorsque l’herbe est abondante, tous les éleveurs, même les plus petits, peuvent profiter des ressources disponibles.

d. Faune

D’après les informations des forestiers qui gèrent les droits de chasse, la faune est constituée des lièvres, sangliers, lapins, perdreaux, pigeons biset, perdrix, renard, tourterelles de bois, aigle de Bonellie, buse féroce, milan noir, faucon crécerelle et faucon pélerin ainsi que d’autres animaux plus rares tels que : gazelle, chat sauvage et loup sont recensés. Le service des Eaux et les Forêts considère que c’est un patrimoine à préserver avec rigueur.

2.1.1.3. Organisation sociale et politique

L’organisation sociale se situe à trois niveaux. Le premier consiste en une organisation sociale traditionnelle autour de la Jmaâ qui occupe une place importante dans la vie des habitants. Le Fquih (Taleb) fait aussi partie de cette organisation. Il gère la mosquée et est appuyé par un comité de quatre habitants renouvelable chaque année et choisi par le douar ainsi que quelques familles influentes à la tête des fractions.

L’1rizen Tkbilt, ce qui signifie « les hommes de la Jmaâ », constituent une assemblée au niveau du Douar composée de cinq personnes. Ils sont choisis par les habitants et s’occupent de régler des conflits et de discuter des problèmes à l’intérieur du douar. Les hommes choisis sont des personnes responsables et dignes de confiance, et normalement, les grandes familles de la fraction sont représentées. Les conflits pour lesquels intervient l’Irizen Tkbilt sont généralement des dégâts dans les champs de culture causés par les animaux, le non-respect des tours d’eau et les querelles entre les enfants. Il existe une coopération entre cette assemblée et les autorités locales (Mokadem et Cheikh) dans le cas de conflits qui dépassent leurs prérogatives.

Le second niveau de l’organisation sociale est le Mokadem qui assure les relations entre les habitants et l’administration. L’agrégateur peut devenir une personne très influente du fait qu’il détient les moyens surtout financiers, c’est le 3ème niveau (cas de l’OCE, agrégateur de la filière pommier à Aghbala, tizinisly et Naour).

2.1.1.4. Infrastructures et services

Vu les conditions climatiques, surtout en hiver oú la neige dure 2 à 3 mois les écoliers et les instituteurs recontrent d’énormes difficultés d’accès à l’école; d’oú le niveau des études bas

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L’enclavement de la zone et les faibles moyens humains et matériels des services d’encadrement font que les agriculteurs profitent peu des conseils agricoles. Cependant, les principales innovations introduites au niveau de la zone ont été initiées par le Centre des Travaux Agricoles (CT). Il s’agit par exemples des rosacées, des variétés de blé tendre, opération labour, opération engrais. Le CT demeure la seule structure ayant à sa charge l’encadrement des CR Aghbala, Tizinisly et Boutfarda. La faiblesse des moyens, surtout humain, du CT ne lui permet pas de faire un encadrement rapproché. Les agriculteurs le visitent sur place quand ils sont confrontés à des problèmes techniques. Le ratio d’encadrement est faible. Il est d’un technicien pour 2611 agriculteurs. Donc on est loin du taux d’encadrement préconisé par les experts de la vulgarisation agricole qui est de l’ordre d’un conseiller agricole pour 1350 agriculteurs51 à l’horizon 2015. A souligner, qu’avec l’avénement du plan Maroc Vert et l’arrivée d’un agrégateur en 2010 dans cette région a pu mobiliser trois techniciens pour encadrer les agriculteurs agrégés dans le cadre de la filière «pommier».

Quant à l’accès aux soins vétérinaires, il s’avère difficile à cause de l’éloignement des services vétérinaires qui organisent des campagnes de vaccination dont l’impact reste limité à l’espèce bovine. Certains éleveurs s’organisent pour faire appel régulièrement à des vétérinaires privés.

Le programme d’électrification est en cours, il a commencé en 1996. Les habitations dispersées ne sont pas encore électrifiées à nos jours. Les frais de raccordement au réseau électrique sont considérés comme non accessible pour la majorité des ménages. L’électricité a apporté des changements dans l’emploi du temps des femmes en leur permettant de continuer le tissage après le coucher du soleil. En effet, avant l’électrification, le tissage pendant la nuit se faisait à la lueur de la lampe à gaz dont l’usage est onéreux.

Concernant l’éducation des enfants, l’école commence à avoir une place prépondérante dans l’esprit des parents. On constate qu’il y’a un gain d’intérêt pour les familles d’envoyer leurs filles et garçons à l’école. L’infrastructure routière pose d’énormes problèmes, les routes liant Elksiba – Aghbla- Khénifra – Imilchil sont entièrement dégradées et posent d’énormes problèmes pour les déplacements des populations.

En dehors des coopératives forestières (des madriers et charbonniers) qui font vivre quelques familles des activités liées à l’industrie du bois, la vente des produits forestiers est faite chaque année soit par adjudication soit par les enchères publiques52. Deux centres artisanaux pour les femmes basés à Aghbala et Tizinisly servent également comme garderies d’enfants.

Pour s’approvisionner en aliments et autres biens de consommation et pour les visites médicales (seulement les ménages qui en ont les moyens), les habitants se

51 - Stratégie de la vulgarisation agricole, MAPM /DEFR, mars 2011.52 - Lotffi L., CT Aghbala / DPA Beni Mellal 2011 (non publié)

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déplacent généralement à Aghbala. Les douars reçoivent la visite d’une infirmière tous les trois mois pour assurer le suivi des programmes de contraception. De temps en temps, une campagne pour la vaccination des enfants est effectuée dans les douars. La maladie la plus fréquente est la typhoïde.

Les souks d’Aghbala, de Tizinisly et Boutferda sont très fréquentés pour la vente des produits agricoles mais moins animés en hiver à cause des difficultés d’accès dues à la neige. Pour les agriculteurs, les souks hebdomadaires, en plus de leur rôle dans la vente et les achats, sont un lieu d’échange d’informations sur: les prix, la production animale, les rendements des cultures, les nouvelles variétés de rosacées, récupérer et rembourser les crédits contractés auprès du crédit agricole ou les voisins, faire des transactions de vente et achats des terres avec l’assistance du notaire « adoule » ou tout simplement pour rencontrer les amis. Le téléphone mobile a contribué largement à un certain désenclavement de la région. Il a facilité la communication entre les ruraux sur divers aspects socio-économiques.

Les femmes fréquentent le souk régulièrement surtout pour vendre leurs propres productions (produits d’artisanat, poulets, œufs, lapins). Les hommes ne vendent jamais les produits préparés par les femmes. Généralement, le revenu des activités des femmes est dépensé pour acheter leurs habits et ceux de leurs enfants.

L’Agence Locale de Crédit Agricole du Maroc est située au village d’Aghbala. Elle est la seule banque qui joue un rôle important dans le financement des opérations agricoles. D’après, le directeur de l’agence, le nombre de femmes ayant un compte bancaire est en nette augmentation. C’est un indicateur qui montre que la femme s’implique de plus en plus dans la gestion des affaires des exploitations agricoles. Aujourd’hui, il y a 1600 clients environ de l’Agence, dont 700 ont des dettes inférieures à 50.000 dh. Pour soutenir et soulager ces agriculteurs de leurs dettes, le MAPM / Crédit Agricole du Maroc dans le cadre du Plan Maroc Vert, s’est engagé à les réduire à hauteur de 25% et échelonner le reste53.

2.1.2. Les Systèmes de production agricole

Les activités de la région sont essentiellement orientées vers l’agriculture, l’élevage et les services (transports des produits agricoles, petits commerces et petites restauration…). L’arboriculture fruitière, le maraîchage et l’élevage bovin (engraissement surtout) connaissent un certain développement. Le lait produit trouve des difficultés à être écoulé du fait de l’enclavement et l’indisponibilité de centre de collecte de lait. Comme toutes les zones de montagnes marocaines, la région est caractérisée par la persistance de la pauvreté, l’exclusion sociale, la faiblesse de l’infrastructure socio-économique aggravée par la dégradation des ressources naturelles et son corollaire déforestation. On

53 - Crédit Agricole Aghbala 2011

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note un retard remarquable traduisant un sous-développement où tous les indicateurs socio-économiques sont en rouge. Le seul point fort qui demeure à notre avis source d’espoir est la solidarité familiale (un travaille pour trois à cinq personnes et un tagine ou un plat de couscous initialement prévus pour deux est partagé par dix personnes).

Beaucoup d’espoir est aujourd’hui placé par les populations de ces zones de montagnes dans les actions concrètes du Plan Maroc Vert. A titre d’exemples, les stations anti-grêles pour la lutte contre la grêle qui cause fréquemment d’énormes dégâts sur les fruits et les frigos destinés au stockage de la pomme lancés en 2010, dont les études d’installation et de faisabilité technique en cours de réalisation, ont été bien accueillies par les populations. Le constat c’est que la communauté rurale n’est pas exigente, elle veut juste une certaine reconnaissance de ses efforts dans la préservation des zones de montagnes par des actions leurs permettant d’améliorer leurs conditions de vie.

Dans ce sens, la recherche agronomique peut jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs du Plan Maroc Vert. La récente reconnaissance d’Imilchil-Amellagou par la FAO comme système ingénieux du patrimoine mondiale agricole (SIPAM) est une consécration extraordinaire des efforts de la recherche – développement qui peut être généralisée à d’autres sites de montagne et qui doit évidemment avoir un impact positif sur les ménages montagnards et leurs exploitations agricoles en termes de retombées socio-économiques et écologiques.

2.1.2.1. Les Systèmes de culture

L’extension des vergers arboricoles « rosacées » a eu lieu surtout sur les terrains favorables tels qu’Azarghfal relevant de la CR de Tizinisly. Deux conditions favorables ont mené les agriculteurs à investir dans l’arboriculture : la bonne

Photos (Kradi C.) 5, 6 et 7 : Cultures intercalaires dans les vergers de cerisier et

pommier (Luzerne, oignon, tomate)

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qualité des sols et la présence de l’eau. A cela s’ajoute le climat favorable au développement des rosacées, avec un hiver froid et des températures comprises entre -5°C à 35°C.

Cependant, l’arboriculture n’est pas l’unique culture de la région. Pour les agriculteurs locaux. Elle est de loin le moyen principal de subsistance. Les céréales occupent la plaine et les faibles pentes conduites en bour. Les légumineuses (lentilles et pois chiches) sont cultivées sur de très faibles superficies. En irrigué, les cultures maraîchères, dont la pomme de terre domine l’assolement. Les autres cultures (carottes, tomates, haricots, navets...) sont de moindre importance et sont destinées essentiellement à l’autoconsommation familiale. Le pommier et le prunier sont les principales espèces destinées à la vente. Quoique l’arboriculture exige d’importants investissements, elle génère des revenus élévés quand les conditions climatiques sont favorables. Vu l’importance de l’élevage bovin et l’introduction de races bovines améliorées, la luzerne prend de plus en plus d’importance dans les terres irriguées. On rencontre également le maïs fourrager, mais cette espèce est en diminution actuellement; elle est remplacée progressivement par la pomme de terre car elle est plus rentable.

a. Les céréales

Les espèces cultivées sont par ordre d’importance : le blé dur, l’orge, le blé tendre et l’avoine. Pour le blé dur, la variété locale ifer n’oumourgh est la plus répandue dans la zone. Elle est suivie par la variété appelée localement Toumlilt. La variété Ifer n’oumourgh est appréciée par les populations par la bonne qualité de son pain, son bon rendement en paille, son cycle long adapté aux conditions pédo-climatiques de la région (résistance au froid, au gel et adaptation aux différents types de sols), et la facilité de sa moisson manuelle. Elle est très demandée par le consommateur.

Pour l’orge et l’avoine, les agriculteurs utilisent exclusivement les variétés locales. Le blé tendre n’est pas très utilisé dans la zone pour les raisons suivantes: sensibilité au froid, au vent et à la grêle, difficulté de la moisson manuelle à cause de sa taille courte et se conserve moins bien que le blé dur. La variété de blé tendre Nesma est la plus cultivée suivie de la variété Merchouch, mais elles ne sont pas adaptées aux conditions locales et aux besoins des agriculteurs qui exigent des variétés à forte production de paille et de bonne qualité boulangère.

Les céréales sont cultivées selon une rotation bisannuelle de culture/jachère. La succession dominante est celle de l’orge/jachère - blé/jachère. Les agriculteurs ont remarqué que les rendements sont meilleurs si l’on alterne le blé et l’orge après l’année de jachère.

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L’intégration cultures / élevage apparaît dans la conduite technique à travers la succession céréale/jachère. Cette dernière a pour objectifs d’assurer l’alimentation du troupeau en avril et juin et valoriser le sol par le fumier.

La préparation du sol a lieu de juin à septembre. Elle est généralement mécanique, sauf sur les parcelles accidentées ou en pente où elle est effectuée à l’araire. Faute de moyens, certains agriculteurs font le semis direct. Le travail mécanique du sol est apprécié pour son coût moins élevé et sa rapidité. La majorité des agriculteurs a recours à la location. Les tractoristes, en utilisant la charrue à disque, refusent de travailler en courbes de niveaux pour des raisons d’économie d’énergie, ce qui favorise l’érosion du sol par le ruissellement. Ce travail est jugé inadapté aux conditions de ce milieu. En plus, le retournement du sol avec la charrue à disque ramène le sol profond plus pauvre en surface. L’intérêt du retournement pour la lutte contre les mauvaises herbes n’est pas très important pour les agriculteurs du fait que ces dernières leur sont utiles pour l’alimentation du troupeau.

La date de semis s’étale d’octobre à février. Elle dépend de la pluviométrie et du gel. L’orge est semée en premier, suivie du blé dur et du blé tendre. Le semis est manuel. La dose varie en fonction de l’espèce et du type de sol. Elle varie entre 0,5 et 1,5 qx /ha. De faibles doses de semis sont généralement utilisées pour réduire les risques de perte en mauvaise année. L’enfouissement des semences se fait généralement à l’araire.

Les engrais sont faiblement utilisés dans la zone. Les engrais de fond utilisés sont le 14-28-14 et le 33-15-33. L’amnonitrate (21%) et l’urée (46 %) sont utilisés en couverture entre mars et avril. Les quantités d’engrais apportées ne dépassent pas 1 ql/ha. Ceci est dû d’une part au coût des engrais, et d’autre part à la stratégie anti-risques des agriculteurs pour réduire leurs charges en cas de mauvaise année. Les parcelles d’avoine sont généralement fertilisées parce qu’elles sont conduites en monoculture.Le fumier est utilisé par la majorité des agriculteurs.

Le désherbage est généralement manuel et se déroule d’avril à mai. Selon les agriculteurs, la plupart des adventices sont utiles pour l’alimentation des animaux, même s’elles entraînent des réductions de rendement pouvant aller jusqu’à 30%. Ce constat explique le non recours aux herbicides. Cependant, la folle avoine est signalée comme étant un adventice redoutable. Quelques rares agriculteurs traitent chimiquement contre les mauvaises herbes.

Les principaux ennemis des cultures sont les pucerons, les courtilières et 1’helminthosporiose. Cependant quelques agriculteurs utilisent des produits chimiques pour lutter contre ces ravageurs et maladies. Le charançon cause également des dégâts lors du stockage. Les malles en bois de cèdre s’avèrent efficaces pour la conservation des céréales. Elles sont préférées à la «matmoura», technique de conservation dans le sol, où les risques d’attaque par les charançons sont plus grands. Toutefois, durant ces dernières années,

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le bois de cèdre est devenu de plus en plus rare et coûte plus cher. Quelques rares agriculteurs traitent leurs semences contre le charbon. Cependant, la méconnaissance des produits efficaces, la non maîtrise des techniques d’utilisation et la qualité des produits vendus au souk par des commerçants non spécialisés (problème de réglementation de la profession), font que les traitements ne donnent pas de résultats satisfaisants.

La récolte est généralement mécanique, sauf sur les terrains en pente ou accidentés. Elle coûte moins que la récolte manuelle (750 DH/ha). Cette dernière est plus précoce (début juillet). La récolte mécanique se déroule entre juillet et août. La récolte de l’orge est plus précoce que celle du blé. Pour l’avoine, une partie est récoltée au mois de mai avant l’épiaison pour préparer le foin. L’autre partie est récoltée à la maturité vers le mois de juillet. Le battage est généralement mécanique. Il a l’avantage d’être plus rapide et pas très cher, par contre sa paille est de qualité médiocre selon les dires des agriculteurs.

Les rendements obtenus sont très variables selon les conditions climatiques. Les principales menaces sont la sécheresse de fin de cycle, le gel vers le mois d’avril et mai et la grêle vers les mois de juin et juillet. Les rendements moyens en bonne année sont de l’ordre de 10 qx pour le blé dur, 12 qx pour le blé tendre, 10 qx pour l’orge (Monographie, CT Aghbala 2011). Les rendements moyens obtenus en 2011 dans la zone de Moulouya ont atteints 25 qx/ha pour le blé tendre et blé dur. Les productions du blé sont destinées essentiellement à l’autoconsommation familiale, sauf en cas d’excès une partie est commercialisée (3,5 Dh/kg les BD en 2011). L’orge est destinée surtout à l’alimentation des animaux.

b. Les cultures maraîchères

Les cultures maraîchères ont été introduites par le CT vers 1960. La pomme de terre constitue la principale culture maraîchère dans la zone. Les autres cultures maraîchères sont utilisées à petite échelle pour répondre surtout aux besoins des ménages. Les semences de pomme de terre proviennent du souk ; il n’existe pas de variétés locales. La variété Spounta à tubercules blancs et d’un très bon calibre est la plus dominante, mais se conserve mal. Le prix des semences varie en fonction de leur qualité.

La préparation du sol se fait entre mars et avril à l’araire ou à la charrue à disque. Le semis se fait par ligne, avec l’araire pendant le mois d’avril. La dose est d’une tonne/ha. Les premières feuilles sortent à la mi-juin. L’épandage de fumier a lieu juste avant la préparation du sol. Certains agriculteurs achètent du fumier pour compléter la fertilisation de leurs parcelles. Comme il s’agit de culture conduite en irrigué, l’apport de fumier n’entraîne aucun risque de brûlure. L’engrais de couverture utilisé est l’urée 46%. L’apport d’engrais, le désherbage, le buttage et le binage se font entre mi-juin et mi-juillet.

La pomme de terre est irriguée au mois de septembre pendant le semis, après la levée, puis une fois tous les dix jours jusqu’à la récolte. Bien que des insectes entraînent des dégâts sur la culture. Les agriculteurs recourent au traitement

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contre les ravageurs. Le rendement moyen de la pomme de terre est de l’ordre de 10 tonnes/ha et peut être amélioré. La zone se prête à la multiplication des semences de la pomme de terre.

La recolte de la pomme de terre est destinée principalement à la vente qui se fait soit sur place soit au souk pour ceux qui ont les moyens de transport. Les agriculteurs jugent les prix de vente non rémunérateurs (environ 1,5 à 2 DH/kg). Les autres espèces cultivées sont: oignons, tomates, carottes et cucurbitacées et sont destinées à l’autoconsommation familiale.

c. L’arboriculture fruitière

La principale espèce arboricole cultivée dans la zone est le pommier, suivie du prunier. Il existe également du cerisier et poirier. Les critères les plus appréciés par les agriculteurs en arboriculture sont par ordre d’importance : le rendement, la date d’entrée en production, la résistance au gel, à la grêle et aux maladies.

L’arboriculture s’est développée depuis une vingtaine d’années à Azarghfal. Après un début hésitant, la zone connaît depuis quelques années une extension rapide des vergers. Ce développement s’inscrit surtout sur le compte des investisseurs étrangers à la zone. Ces investisseurs sont soit des villages et villes avoisinantes, soit des grandes villes du Maroc (Rabat, Casablanca ...). Les vergers exploités par les agriculteurs locaux se trouvent en grande majorité le long des oueds. Ces vergers sont installés sur des terrains en bour achetés, qui étaient destinés auparavant à la culture des céréales. Certains agriculteurs locaux ont financé l’installation de leur verger par la vente d’une partie de leurs terrains aux investisseurs marocains. L’extension rapide de l’arboriculture a été accompagnée par une hausse importante des prix des terrains qui s’est encore accélérée ces dernières années.

Pour l’intégralité du périmètre d’Azagharfal, on compte environ 64 exploitations qui pratiquent l’arboriculture sur des superficies variant de 0,25 à 36 ha. Parmi les 64 exploitations, 34 se trouvent le long des oueds, 8 se trouvent le long des Seguia (venant de sources d’eau) et 22 utilisent uniquement l’eau des puits. Ces dernières appartiennent pour la grande majorité aux investisseurs. Localement, on considère toute exploitation avec une superficie supérieure ou égale à 4 ha, plantée et irriguée comme une grande exploitation.

Le mode de conduite technique poursuivi par les agriculteurs permet de distinguer entre les exploitations de type familial et celles de type intensif. Les exploitations de ce dernier type recourent à la mécanisation et à l’utilisation massive des intrants. L’arboriculture est conduite selon les normes techniques, certains agriculteurs emploient des techniciens spécialisés. Alors que les exploitations familiales recourent rarement à l’achat des intrants, faute de moyens et aussi au manque de connaissances techniques.

Les agriculteurs préfèrent s’approvisionner en plants à Azrou (150 km d’Aghbala), zone réputée par la qualité de ses produits. Il s’avère que les porte-greffes utilisés s’adaptent bien à la région. Pendant la plantation, aucun traitement chimique ou apport d’engrais n’est effectué. Les pieds greffés sont

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plantés entre janvier et mars, avec un apport de fumier et des irrigations durant la période d’avril à octobre. Pendant cette période, les arbres sont traités contre les pucerons, et ce traitement se répète chaque année. A partir de la deuxième année, les arbres reçoivent un apport d’engrais et de fumier entre janvier et février.

c1. Binage et Fertilisation du pommier

Les arbres sont fertilisés avec du fumier ou avec des engrais chimiques. Beaucoup d’agriculteurs pratiquent l’apport de fumier et de l’engrais en alternance. D’autres épandent l’engrais (azote) uniquement quand ils en ont les moyens. Les doses ne sont pas maîtrisées, de plus, les analyses de sol ne sont pas pratiquées. Le fumier est obtenu chez des éleveurs et coûte entre 800 à 1000 Dhs par charge de camion (4 à 6 tonnes). Il est apporté au moment du binage utilisé par la quasi-totalité des exploitations en janvier.

c2. Taille et Eclaircissage du pommier

Les techniques de taille sont mal maîtrisées par la plupart des agriculteurs. Pour la majorité ils ne font qu’une seule taille, au lieu de deux préconisées par les vulgarisateurs. Pour ceux qui ont les moyens, ils préfèrent recruter d’Azrou ou de Mèknes des tailleurs spécialisés à 75 Dh à 100 Dh par jour contre 35 à 40 Dhs par jour pour le tailleur local. La taille se pratique entre janvier et février, à partir de la seconde année de plantation. L’éclaircissage n’est pratiqué que par les grandes exploitations. Les petits exploitants ignorent l’intérêt de l’éclaircissage. Ils déclarent se contenter de la chute naturelle. Dans ce domaine, comme dans les autres, le contraste entre les exploitations familiales et les exploitations intensives est frappant. La taille mal maîtrisée et l’absence de l’éclaircissage ont pour conséquence une production largement inférieure au potentiel de production.

c3. La lutte phytosanitaire du pommier

Les principales maladies rencontrées sont causées par les pucerons verts et cendrés, par des acariens et par certains lépidoptères. Les grands exploitants traitent les arbres chaque année, tandis que les exploitations familiales ne traitent que durant les premières années, avant que les arbres ne commencent à produire avec des produits souvent moins chers et peu efficaces. Ceux qui traitent ont un sérieux problème de déficit de connaissance technique.

Le feu bactérien est apparu dans la région en 2010. Cette maladie a créé une panique dans le milieu des agriculteurs. Ces derniers soupçonnent des voisins ayants introduits de l’apiculture en provenance des régions infestées en 2009.

L’intervention du CT d’Aghbala / Service de la Protection des plantes de la DPA de Béni Mellal avec l’appui de l’Office National de la Sécurité et la santé Alimentaire (ONSSA) a été bénéfique en termes de sensibilisation des producteurs

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sur le danger de la maladie et les mesures et techniques préventives à prendre en compte pour en faire face54.

c4. La récolte

A cause de la vente sur pied qui laisse la décision de la période de récolter au vendeur, la récolte a souvent lieu très tard. Normalement, les fruits doivent être récoltés en septembre, mais certains acheteurs récoltent en octobre voire même début novembre. La récolte tardive épuise les réserves des arbres et provoque une diminution de la production l’année suivante. Les ouvriers masculins qui récoltent reçoivent environ 60 à 70 Dh par jour. Ils sont majoritaires, bien que les femmes soient souvent préférées, car elles ne reçoivent que 60 dirhams par jour tandis qu’elles entraînent moins de perte de production.

d. Les légumineuses alimentaires

Les légumineuses (lentilles et pois chiche) ont été introduites par le CT, mais elles restent d’une utilisation très limitée à cause de leur forte exigence en main d’œuvre et du besoin de la jachère pour l’alimentation des animaux. La fève est absente car elle ne résiste pas au froid. La mécanisation des travaux, surtout pour la préparation du sol, est relativement ancienne. La fertilisation et les traitements phytosanitaires sont encore rarement pratiqués dans la région.

La lentille est semée d’octobre à février. La préparation du sol consiste en une préparation superficielle à l’araire ou au pulvériseur dissymétrique léger. La lentille est très sensible aux mauvaises herbes (Coquelicots). Le désherbage est manuel et se fait entre février et avril. La fertilisation et les traitements phytosanitaires ne sont pas appliqués. La récolte est manuelle et se déroule entre la mi-juillet - août. Le ramassage se fait tôt le matin, immédiatement après la récolte pour éviter la chute des graines. Quant au pois chiche, il est semé en avril. Les semences sont achetées au souk. Le désherbage se fait manuellement en mai. Les rendements sont généralement faibles pour ces deux espèces, 3 à 4 qx/ha en moyenne, destinés principalement à l’autoconsommation.

e. Les cultures fourragères

La luzerne occupe la deuxième place après l’arboriculture. Etant donné que toutes les exploitations familiales qui font de l’arboriculture combinent cette activité avec l’élevage, elles cultivent la luzerne dans leurs terrains le long des oueds. La luzerne, si ses besoins en fertilisants sont bien respectés, peut tenir jusqu’à six années sur la même parcelle. La superficie totale de la luzerne irriguée est de l’ordre de 205 hectares, dont 90% existe à Aghbala et Tizinisly. L’extension de sa superficie est liée au développement de l’élevage bovin dans ces zones.

La luzerne est semée à deux moments différents, soit entre mai et juin, soit entre septembre et octobre, et ce pour éviter le froid. La préparation du sol et

54- A cette occasion, une fiche technique élaborée par l’INRA en 2009 sur le feu bactérien a été diffusée aux cadres, techniciens, associations locales et agriculteurs pour aider à mieux cerner la maladie.

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sa fertilisation se font de la même façon pour les deux dates de semis : labour à l’araire et apport de fumier. L’irrigation commence trois jours après le semis, mais elle ne reprend que quand la luzerne a bien germé. La première fauche se fait entre juillet et août. Après chaque fauche, un apport de fumier et d’azote doit être fait pour assurer sa pérennité (6 ans). Ensuite, on fauche chaque mois, la dernière fois en novembre. L’année suivante, la première fauche s’effectue en mars, et ensuite on fait une fauche par mois. Ainsi, les agriculteurs réalisent six fauches par an. Pour la luzerne semée en automne, une seule fauche est faite avant la fin de l’année, entre novembre et décembre. L’année suivante, cette culture est pratiquée exactement comme pour la variété semée en mai, donc avec une première fauche en mars et ensuite une fauche par mois. Quant aux superficies de l’orge fourragère et de l’avoine, elles représentent respectivement 95 et 50 hectares pour les 3 CR (CT Aghbala, 2011).

2.1.2.2. Le système d’élevage

L’élevage extensif a toujours été l’activité principale dans cette zone, suivi de la céréaliculture. La nature accidentée et la pierrosité, font que les terrains sont surtout destinés au pâturage. Ainsi, la région dispose des parcours collectifs et forestiers qui sont aujourd’hui en nette dégradation. Depuis quelques années, les services des eaux et forêts ont instauré des mesures de mise en défens et de contrôle dans le but de protéger la forêt. Il semble que la forêt est sérieusement menacée par l’exploitation actuelle, aggravée par la sécheresse. Ceci a énormément réduit les ressources fourragères pour les animaux.

Les Agdals, terres de pâturage collectif, dont les droits d’accès sont partagés par les différentes fractions de la région, étaient la base du système d’élevage extensif pratiqué par tous les éleveurs de la zone. Actuellement, la gestion des ces terres est contestée, car une partie importante des ayants-droits (petits éleveurs) ne sont plus capables d’en profiter. Ils réclament alors le partage de ces terres. Ceci pourrait réduire encore plus les ressources fourragères disponibles.

On rencontre actuellement une double situation du stress de l’écosystème agro-forestier et du stress du système de production agricole, qui n’arrivent plus à répondre aux besoins accrus de la population. L’effectif du cheptel, surtout des caprins a fortement baissé pour ces raisons. Le système de production basé sur l’élevage extensif commence à évoluer vers un système diversifié: agro-sylvo-pastoral.

Pendant longtemps, des nomades provenant du Sahara au Sud, des piedmonts et des plaines au Nord et des plateaux avoisinants, passaient dans la zone. Ces mouvements ont provoqué des brassages de populations et de races d’origines différentes d’ovins et de caprins, ce qui explique la large gamme des populations adaptées à la région (Timahdit, D’man).

L’élevage est l’activité de base de la population de la région. Il y a seulement deux générations que l’élevage constitue la seule source de revenus pour les

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nomades. Toutefois, les éleveurs actuels ont hérité d’un grand savoir-faire dans ce domaine.

Avec la sédentarisation et le recul progressif du nomadisme, les populations se sont orientées vers l’agriculture principalement la céréaliculture en parallèle avec l’élevage. Faute de ressources fourragères suffisantes, une partie de la population pratique à nos jours la transhumance collective en hivers en direction des plaines de Khenifra et Zaouit Chikh, où elle a recours à la location pour des périodes allant de 2 à 3 mois (janvier – mars). Le prix de location varie selon le nombre de têtes (ovin, caprin, bovin) et la superficie louée. Il se situe entre 10.000,00 et 30.000,00 DH (partagés par les transhumants). Les charges de location sont partagées par les éleveurs (4 à 5) et ce sont les femmes qui s’occupent de l’entretien des animaux et de la préparation de la nourriture pour la famille. Actuellement, toutes les terres sont partagées à l’exception de la forêt qui est un domaine de l’Etat. L’usage de la forêt est permis à toutes les fractions sauf pour les surfaces cultivées en forêt qui sont privées. L’élevage bovin prend de l’ampleur surtout pour l’engraissement.

a. Les ovins

Ils sont les plus importants, tant du point de vue numérique qu’économique. La principale population élevée est Timahdit qui a supplanté la race locale «Tisghaline». Les critères de choix de cette population sont: sa bonne production de laine et de lait, sa bonne adaptation au froid et une bonne faculté à se nourrir.

Avant, ils avaient une population ovine locale Tisghaline. Mais, après une campagne de sensibilisation menée par le CT afin d’augmenter la productivité de leur élevage, il y a eu introduction de la race Timahdit qui est actuellement la race la plus représentée dans la région. En effet, c’est une race bien adaptée aux conditions locales et appréciée par les agriculteurs.

La majorité des éleveurs reconstituent leurs troupeaux par des populations issues de leur propre élevage ou achetées sur le marché le plus proche. Certains parmi eux achètent des brebis gestantes sur le marché de Khénifra. La majorité des éleveurs choisissent leurs géniteurs parmi la race Timahdit. Cette dernière est dominante car préférée.

b. Les caprins

Leur effectif est relativement réduit par rapport à celui des ovins. Les troupeaux les plus importants sont localisés dans les exploitations limitrophes de la forêt. Les races élevées sont constituées uniquement par des populations locales comme les ovins et les caprins constituent une source de revenus très importante dans la majorité des exploitations. En effet, ils sont vendus pour subvenir aux besoins alimentaires de la famille et des animaux par l’achat de céréales, mais également pour financer une partie de la campagne agricole (la moisson principalement).

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Vu leur rusticité, leur résistance aux conditions difficiles et leur capacité de déplacement et d’exploitation des essences forestières, cette espèce constitue le pilier de l’élevage montagnard. Avec la dégradation des forêts, la forte pression sur les parcours et le passage du sylvo-pastoral à l’agro-sylvo-pastoral expliquent la tendance des éleveurs à substituer les caprins par les ovins.

c. Les bovins

Au cours des années 70, les bovins de races locales ont été conduits en troupeaux collectifs. Un seul berger s’occupe de leur gardiennage presque de la même façon que pour les troupeaux d’ovins. Actuellement, la diminution des pâturages collectifs et la mise en défens des forêts et des parcelles cultivées ont obligé les éleveurs à orienter le mode de conduite des ovins vers la stabulation durant une grande partie de l’année. La stabulation a poussé les agriculteurs à chercher une alimentation supplémentaire pour les périodes de soudure, à savoir le recours aux cultures fourragères en irrigué : luzerne et maïs, et en bour : folle avoine. La tendance vers la stabulation, la production de plantes fourragères et l’introduction d’alimentation diversifiée ont orienté les agriculteurs à diversifier leurs bovins en introduisant des races plus productives. Avec la disparition des parcours collectifs, la conduite des bovins en troupeaux n’est plus pratiquée. On distingue :

Les bovins de race locale (Tabaldit) : c’est la race dominante. Sa production ❐

laitière varie de 2 à 4 litres par jour. Le lait est destiné à l’autoconsommation, tandis que le veau est vendu sur le marché d’Aghbala.

Les bovins de race améliorée (Croisée): leur nombre est très limité. La ❐

production laitière est de 10 litres par jour en deux traites quotidiennes. Le lait est destiné essentiellement à la vente à 4 Dh/litre.

d. Conduite des animaux

Les troupeaux caprins et ovins sont menés sur les parcours à toutes les époques où les conditions climatiques le permettent. Pendant l’hiver, les éleveurs sont contraints de placer le troupeau en stabulation et de l’alimenter sur place. Ils utilisent alors le foin récolté pendant les saisons chaudes sur les parcelles de cultures de céréales et fourragères (luzerne). Ces réserves étant trop faibles, ils se trouvent contraints d’acheter des compléments d’alimentation (pulpe sèche de betterave, son de blé, orge) et d’aller en forêt récolter des branches de chêne vert. Ce travail est généralement fait par les femmes, qui sont chargées de l’alimentation des bovins et des équidés qui ne sont pas conduits sur les parcours avec le troupeau, et de la volaille.

Un grand changement dans le fonctionnement des systèmes d’élevage est l’abandon quasi total au niveau du douar de la pratique de la transhumance. Les éleveurs disent qu’avec la taille actuelle de leurs troupeaux, les déplacements en transhumance ne sont plus rentables. Une des charges de la transhumance est celle du gardiennage du troupeau qui nécessite la présence permanente d’un berger, donc un salaire en nature ou en espèce. A noter que la diminution

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des forêts et parcours touche plus l’élevage des caprins que celui des ovins, car les espèces forestières, chêne vert et genévrier, sont très appréciées par les caprins.

d1. Alimentation

Le morcellement des terres a amené chaque agriculteur à faire pâturer ses animaux dans sa jachère, son propre champ ou dans des champs loués. La location d’un hectare de jachère coûte 200 DH environ. Le même prix est appliqué également pour un hectare de chaumes. Pendant les périodes de déficit de pâturages, les animaux sont conduits dans les plaines de Khenifra. Ils y sont nourris moyennant le paiement d’une somme négociée entre le propriétaire du champ et son utilisateur. Cette transhumance vers la plaine dure trois mois (de février à avril). Les grands éleveurs constituent la majorité de ceux qui y vont. Les petits éleveurs s’associent pour faire face au coût élevé de la transhumance. Ce déplacement temporaire favorise le développement des herbes dans leurs jachères.

En hiver (octobre à mars), les animaux reçoivent une ration constituée d’orge, de paille de blé, de foin (luzerne, folle avoine ou de ray-grass) et de son de blé. Les grands éleveurs ont recours, en plus de cette ration, à la pulpe sèche de betterave et aux aliments concentrés. L’hiver constitue une période de soudure très coûteuse pour l’alimentation des animaux. A titre d’exemple, il faut 15.500 DHS pour nourrir un troupeau composé de 20 brebis et de 10 chèvres. Les jeunes ovins malnutris souffrent pendant cette période caractérisée par un taux de mortalité élevé. Le Tableau 8 résume les périodes et activités liées à l’alimentation des animaux.

Tableau 8. Calendrier des activités liées à l’alimentation des troupeaux

Période Activités

Période de soudure d’octobre à mars

Stabulation durant toute la période de soudure. ❐Stabulation durant une partie de la période de soudure suivie d’un ❐pacage dans les parcelles privées et/ou louées et/ou dans les vergers d’arboriculture fruitière. Stabulation pendant les périodes les plus difficiles d’hiver et utilisation ❐des parcours et forêts chaque fois que les conditions climatiques le permettent.

Le printemps d’avril à juin

Pacage dans les jachères privées et/ou louées, dans les vergers ❐d’arboriculture fruitière avec une complémentation le soir pour les animaux destinés pour l’engraissement.

L’été de juillet à septembre

Transhumance de la totalité du troupeau vers les parcours collectifs (les ❐Agdals) pour les grands et moyens éleveurs. Transhumance d’une partie du troupeau vers les parcours et pacage d’une ❐partie dans les jachères, dans les vergers d’arboriculture et sur les chaumes après récolte. Ce mode de conduite est réalisé par un nombre très limité de grands agriculteurs qui possèdent suffisamment de jachères et de vergers d’arboriculture. Pacage dans les chaumes et les forêts avoisinantes au douar durant toute ❐la période de l’été pour la majorité des petits éleveurs.

Source : Enquête KRADI, 2011

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d2. Gardiennage des animaux

Pour le gardiennage, deux cas de figures existent : i) les enfants qui ne fréquentent pas l’école assurent le gardiennage des animaux de leurs parents à partir de l’âge de sept ans. C’est le cas de la plupart des enfants qui habitent loin de l’école et ii) le recours à un berger payé en espèces à raison de 600 DHS / mois pour les adultes et 400 DHS/ mois pour les jeunes. Cette différence de salaire s’explique par la responsabilité plus élevée des adultes vis à vis de la conduite des animaux.

C’est l’effectif des animaux qui détermine le nombre des gardiens. En effet, pour un petit troupeau, un seul gardien suffit. Un gardien adulte peut avoir à sa charge 200 ovins alors qu’un jeune gardera entre 20 et 30 ovins. Ce sont surtout les grands éleveurs qui ont recours aux gardiens salariés, les petits éleveurs faisant appel à la main d’œuvre familiale (femmes, enfants, hommes adultes).

Parmi les bovins, la population locale Tazougaght se distingue par sa capacité de déplacement dans la montagne. Les autres populations, essentiellement la race croisée Tafrkkacht, ne fréquentent que les parcours et les parcelles cultivées facilement accessibles. Ici, le gardiennage des troupeaux est obligatoire dans la zone à cause des déplacements lointains des animaux par rapport à l’exploitation pour l’alimentation et l’abreuvement, et aussi à la mise en culture des terres.

Ce sont généralement les femmes qui s’occupent du gardiennage des bovins, car elle ne demande que des déplacements courts. Cela leur permet de rentrer à la maison pour s’occuper d’autres tâches. Celui des ovins et caprins incombe aux hommes.

d3. Conduite de reproduction et sélection génétique

La sélection se fait sur la base du phénotype. L’achat de géniteurs se fait à l’extérieur, notamment sur le marché de Khénifra. Les éleveurs qui ne possèdent pas de géniteur mâle en empruntent avec à charge pour eux l’alimentation de l’animal pendant tout son séjour. Ils gardent le géniteur le temps d’assurer la saillie de leurs animaux. Cette coopération est fréquente pour les ovins. Par contre, au niveau des bovins, l’entretien du géniteur de race améliorée est coûteux.

En conclusion, les éleveurs ont donc de véritables pratiques de sélection des individus à l’intérieur des troupeaux, basée sur l’observation de l’héritabilité des caractères phénotypiques importants pour l’élevage. Ce n’est que pour cette raison qu’ils continuent à garder des individus, en majorité femelles.

d4. Les soins

En dehors des vaccinations menées par le service de santé animale, les agriculteurs ont recours aux vétérinaires privés pour faire face aux divers problèmes de santé de leurs animaux. Etant donné l’importance de l’élevage dans la zone et la multitude des populations issues de différentes espèces, différents problèmes

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sanitaires des animaux existent dans la région. Pour les ovins, caprins et bovins, deux types de prophylaxie sont suivies par les agriculteurs:

Une prophylaxie préventive, basée essentiellement sur l’utilisation des ❐

vaccins dans le cadre de campagnes de vaccinations contre contre les épédimies, organisée par le service de la santé animale (ONSSA).

Une prophylaxie curative basée sur l’utilisation de produits médicaux suite ❐

à des connaissances personnelles, professionnelles et/ou des services vétérinaires publics et privés. L’utilisation de produits à base de plantes médicinales pour lutter contre quelques maladies parasitaires existe également.

2.1.2.3. Destination des productions agricoles

Les animaux élevés doivent répondre à deux objectifs de production : leur viande doit être de bonne qualité la vache, la brebis ou la chèvre doivent fournir un lait de bonne qualité pour permettre la survie des naissances dans les conditions difficiles de l’élevage en hiver et leur engraissement rapide. La production de base est donc la viande qui est vendue lors des souks et surtout au mois de juin. Certains éleveurs s’efforcent de faire coïncider la période de vente des ovins et caprins avec l’Aid Al Adha « fête de sacrifice » pendant laquelle les prix par tête augmentent. La production de lait, quand elle excède les besoins des chevreaux, agneaux et veaux, est utilisée pour la consommation familiale, directe, transformée en beurre, en petit lait ou destinée au marché.

Les chevillards originaires du douar constituent une source d’informations pour les éleveurs sur les cours du marché ovins - caprins. Et ce, grâce à leur mobilité dans les différents souks de la région. Les recettes sont destinées au recrutement de la main d’œuvre pour le labour et la moisson de céréales, ainsi que l’alimentation des animaux pendant la période de soudure. Souvent, une partie de l’argent est réinvestie dans le renouvèlement du troupeau.

En ce qui concerne la qualité de la laine, c’est la longueur des poils qui compte pour la facilité du filage et pour la qualité du produit final. Elle est vendue au prix de 20 à 25 DH pour une balle de 5 kg. Les peaux avec la tête sont vendues en majorité à des commerçants qui approvisionnent les tanneurs de Fès à un prix variant de 50 à 70 dhs l’unité.

2.1.2.4. Activités annexes

Le tissage est l’une activité principale qui permet aux femmes de diversifier leurs sources de revenus. Pour les femmes appartenant à des familles pauvres, cette activité est limitée faute de matière première. Parfois, les riches du village leur donnent un peu de laine gratuitement après la toison (Zakat). Les femmes tissent également des nattes en doum. Elles ramènent la matière première de la forêt.

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En plus de la cherté et des difficultés d’approvisionnement en matière première, les femmes rencontrent des problèmes pour écouler leur marchandise. La seule possibilité est de la vendre à Imilchil pendant le festival des fiançailles. Elles aimeraient diversifier leurs activités artisanales par l’introduction de la broderie.

Des touristes viennent au niveau de la zone pour visiter certains sites touristiques (anciens greniers du marabout Sidi Boubker, la forêt, ...). Cependant, le potentiel touristique n’est pas bien exploité à cause de l’enclavement, le réseau routier degradé et la manque d’encadrement.

En dépit de la description des sites, la problématique retenue est : Trois Communes Rurales (CR) ont été étudiées : Aghbala, Tizinisly et Boutferda. Ces CR relevant du Cercle d’El Ksiba, province de Beni Mellal, reflètent la diversité écologique et agro-socio-économique, de cette région. Quoique ces CR présentent des similitudes en termes géographiques, climatiques et culturelles, elles ont des problématiques différentes, du coup, on a trois sites avec trois problématiques :

Aghbala : Comment améliorer les rendements des céréales tout en ❐

tenant compte de l’intégration céréales/élevage?

Boutferda : Comment assurer les besoins des animaux tout en ❐

sauvegardant les ressources naturelles disponibles?

Tizinisly : Quel avenir pour l’arboriculture dans la zone en relation avec ❐

l’eau?

2.1.3. Diversité, dynamique et stratégies des agriculteurs

2.1.3.1. Intégration agriculture-élevage : une condition vitale pour la survie des familles

Les systèmes de culture et d’élevage pratiqués exigent des quantités de ressources très inégales selon les saisons. Les agriculteurs se heurtent aussi bien à des périodes de pointes de travail, pour lesquelles la main d’œuvre et les équipements disponibles sont très demandées, qu’à des périodes de moindre activité durant lesquelles ces mêmes ressources peuvent être sous-utilisées. Le recours à la main d’œuvre salariée saisonnière venue d’ailleurs, essentiellement pendant les moissons manuelles, supposent que l’on soit capable non seulement de les payer à la fin de chaque journée, mais aussi de les héberger et de les nourrir. Les relations entre les différentes composantes et activités des systèmes de production ont été appréciées lors d’un entretien avec un groupe d’agricuteurs à partir de l’outil «calendrier des dépenses et des recettes». Il en résulte :

La vente d’animaux au printemps constitue une trésorerie de secours ❐

utilisée aussi bien pour les différents besoins du ménage que pour différentes dépenses sur l’exploitation, essentiellement celles relatives

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à l’entretien du verger du pommier, à l’alimentation et à l’entretien du bétail.

L’écoulement d’une partie de la production de céréales en hiver est ❐

utilisé comme trésorerie de secours (alimentation et besoins sociaux). Quant à la vente du pommier et d’une partie de blé en été, les recettes sont destinées au remboursement de la deuxième traite du crédit agricole d’une part et à la reconstitution du stock d’alimentation pour le bétail d’autre part. Une partie est réinvestie pour le renouvellement du troupeau.

On note une forte intégration de la céréaliculture et de l’élevage. Celle-ci se traduit par la valorisation des produits agricoles par les animaux qui s’explique par :

La pratique de la jachère une année sur deux en vue d’assurer une ❐

partie de l’alimentation des animaux. Ces derniers procurent en retour du fumier bénéfique pour les cultures. Le semis de variétés locales de blé comme l’ifer n’oumourgh qui allie une bonne qualité boulangère destinée à l’autoconsommation à une production de paille de qualité destinée aux animaux. L’orge, quelle soit sous forme de grains ou de paille, est réservée à la nourriture des animaux dans la majorité des exploitations. Dans bien des cas, elle n’arrive pas à couvrir leurs besoins, d’où le recours à des achats, principalement en hiver (période de soudure la plus difficile à traverser).

La présence d’avoine dans les champs des céréales est un choix de ❐

l’agriculteur. Ce dernier la laisse pousser en vue de constituer des réserves fourragères pour les animaux.

L’introduction de la luzerne en irriguée en relation directe avec ❐

l’introduction de l’élevage bovin.

Aussi, l’intégration des sous-systèmes de cultures et d’élevage se rapporte à deux types de relations : le premier type est une relation directe, où des sous-produits (paille, son de blé) et des produits (cultures fourragères, comme la luzerne ou le maïs) servent comme base d’alimentation des animaux. L’autre type de relation se trouve au niveau de la gestion de l’exploitation: le revenu de l’élevage sert à financer les activités agricoles (moisson, entretien des vergers du pommier...). En revanche, les recettes issues des cultures servent à financer la conduite d’élevage (alimentation, soins sanitaires).

Certaines exploitations ont intégré l’arboriculture dans ce type de relations, ce qui a entraîné des modifications dans le fonctionnement et dans la gestion financière du système. En observant la provenance des fonds finançant les différents frais engagés dans les différentes activités, il apparait clairement que la céréaliculture, l’arboriculture et l’élevage sont étroitement liés. En effet, le financement d’une dépense dans une activité est toujours fait à partir de recettes effectuées avec une autre activité.

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Seule la céréaliculture ne fournit aucun revenu alors qu’elle occasionne de grosses dépenses. Elle est maintenue à un niveau de frais de financement dont l’objectif est l’autoconsommation (alimentation familiale et alimentation du troupeau). C’est une question de culture et même de souveraineté pour l’exploitant.

L’élevage joue le rôle de capital productif et facilement mobilisable qui assure une disponibilité d’argent pour les frais d’alimentation du ménage et pour les frais occasionnels et imprévisibles ainsi que pour le financement des deux autres activités. Les flux sont fréquents puisqu’il peut y avoir vente de bétail au mois de juin et réinvestissement dans l’élevage dès le mois de juillet. Le capital d’élevage constitue une soupape de l’économie de l’exploitation.

Les revenus de l’arboriculture sont aléatoires à cause des dégâts occasionés par la grêle. Quand les revenus sont satisfaisants, ils permettent un bénéfice qui sera ou non réinvesti dans l’arboriculture ou dans une autre activité. S’ils sont juste moyens, ils servent à financer l’alimentation du bétail en hiver. En fait, le système de production fonctionne grâce aux flux monétaires entre les trois composantes (céréales, élevage, arboriculture fruitière).

La stratégie des agriculteurs est basée sur l’utilisation rationnelle des dépenses et des recettes de l’exploitation et le suivi des fluctuations des marchés. Elle leur permet d’amener leurs produits sur le marché au moment opportun.

Par ailleurs, l’insuffisance de l’épargne traduit l’incapacité des agriculteurs de retrouver une certaine stabilité. Beaucoup d’entre eux affirment que leurs situations ne cessent de se dégrader. Pour eux la majorité des éleveurs, mêmes ceux qui possèdent de grands troupeaux, sont menacés de retrouver la catégorie des pauvres en cas de catastrophe naturelle (inondations, épidémie).

L’organisation sociale coutumière autour de la Jmaâ s’avère extrêmement importante dans les domaines de l’utilisation et la gestion de la forêt et des parcours collectifs. Du coup, le concept de l’autogestion participative des ressources naturelles s’impose de lui-même en vue de :

Maintenir la cohésion et la solidarité sociale des ruraux ; ❐

Promouvoir l’autonomisation des ruraux en prenant en main la ❐

responsabilité de la durabilité des systèmes de production existants dans le cadre de plans de développement au niveau du terroir ;

Intervenir pour résoudre les problèmes alimentaires des animaux liés à la ❐

période de soudure.

Dans l’optique d’une vision globale pour l’ensemble des trois sites (Aghbla, Tizinisly, Boutferda), on note une forte intégration de la céréaliculture et de l’élevage qui se traduit d’une part par la pratique de la jachère une année sur deux, l’utilisation des chaumes, la fauche d’herbes en vue de constituer du foin, l’utilisation de l’orge, du son de blé et de la paille pour subvenir aux besoins

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alimentaires des animaux, et d’autre part par l’épandage du fumier produit par les animaux pour fertiliser les champs.

Cette intégration explique des pratiques agricoles comme le désherbage tardif observé au niveau des cultures de céréales. Les agriculteurs sont conscients de la baisse des rendements consécutive à la persistance des mauvaises herbes dans leurs champs. S’ils continuent à pérenniser cette conduite, c’est par souci de nourrir leurs animaux. Cette préoccupation est rarement satisfaite.

L’alimentation des animaux en hiver est la plus grande contrainte des agriculteurs dans tous les sites de la zone d’étude. En effet, la période de soudure (hiver) qui s’étale sur 3 à 5 mois (chez la majorité des cas) coûte cher en frais d’alimentation. Elle entraîne de nombreuses pertes par la mortalité des animaux fragiles (jeunes, animaux faibles). Pour faire face à cette situation, les petits agriculteurs ont recours à la vente de quelques ovins ou caprins pour acheter des aliments du bétail.

Quant à la production des céréales, elle est destinée à l’autoconsommation et les sous-produits (chaume, son...) ne suffisent pas à couvrir les besoins alimentaires des hommes et des animaux. Le recours à l’achat est quasi obligatoire pour la majorité des exploitations.

Dans les trois sites, le développement de l’arboriculture est lié à la disponibilité en eau et aux fonds d’investissement. Si à Azagharfal (Tizinisly) ces conditions sont réunies, ce n’est pas le cas à Aghbala et à Boutferda. Le dernier site est cependant le plus confronté à ces problèmes. On note partout une méconnaissance des techniques de taille, d’éclaircissage, d’irrigation et de protection phytosanitaire au niveau des exploitations familiales. Les problèmes de commercialisation (absence de moyens de conservation et de transport) sont communs aux grandes exploitations et à celles familiales. L’argent procuré par la vente des produits de l’arboriculture est souvent utilisé pour financer la céréaliculture et / ou l’achat d’animaux.

Dans le domaine du maraîchage, la pomme de terre est la principale culture dans les trois sites. Elle est destinée à l’autoconsommation et à la vente.

Au niveau des activités socio-économiques, on note la pratique de la céréaliculture et de l’élevage en association avec les agriculteurs sans terre dans l’ensemble des sites étudiés. Ce constat est également valable pour l’utilisation de la main d’œuvre familiale (hommes et femmes) et la vente de la force de travail. En dehors des activités agricoles, les femmes pratiquent le petit élevage et l’artisanat. De même, pour l’élevage conduit en association, qui après avoir dégagé les dépenses, les bénifices sont partagés en deux entre le propriétaire et l’associé.

L’exploitation des ressources forestières pose des problèmes dans les trois sites. L’acquisition de bois de chauffage se pose avec acuité principalement en hiver. Boutferda est le site le plus dépendant de la forêt pour l’alimentation des animaux. L’érosion des terres en pente est commune à tous les sites. Elle est due au surpâturage et aux techniques de travail du sol.

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Les expériences cumulées au fil de l’histoire par les générations sont imprégnées dans les comportements techniques et culturels des agriculteurs d’aujourd’hui. Grâce aux investisseurs marocains venus des villes limitrophes et des grandes villes telles que Casablanca et Rabat, le paysage a beaucoup changé. On est passé d’une agriculture pluviale de subsistance à une agriculture moderne basée sur l’arboriculture fruitière (pommier, prunier, abricotier, cerisier) conduit sous système d’irrigation de goutte à goutte. On peut dire que l’arrivée des investisseurs a permis de véhiculer le progrès scientifique et technologique. De nouveaux concepts de gestion des exploitations et de cultures sont également introduits : choix variétal, techniques d’intensification raisonnée des cultures, économie de l’eau, gestion assistée par des techniciens, fertigation.

2.1.3.2. Dynamique des systèmes de production agricoles

Les grands changements dans les systèmes de production agricoles dans cette région de montagnes sont caractérisés par l’apparition de nouvelles activités, l’introduction de nouvelles techniques culturales et technologies, la diversification des activités agricoles et para-agricoles, l’intensification des cultures. La transformation du système de production se résume alors à l’élevage transhumant (avant le protectorat) et qui a été remplacé par la suite par un système mixte agriculture vivrière/élevage qui s’est accompagné d’une sédentarisation. Enfin, depuis une vingtaine d’années, de nouveaux types de culture sont venus s’ajouter au système mixte. Il s’agit de la culture des arbres fruitiers à vocation commerciale et le maraîchage. Le profil historique (Tableau 9) ci-après illustre cette évolution :

Tableau 9. Profil historique

1931 : Unique activité agricole l’élevage transhumant et nomade. 1959 : La route menant à Aghbala a été goudronnée. 1960 : Les premières cultures pratiquées étaient le blé dur (l’lfr n’mourgh), l’orge

et le seigle. 1970 :

Introduction par le CT de la race bovine améliorée « Tifarkachin » dans ❐une perspective de remplacer la race locale Tibldiyn.Première délimitation de l’espace forestier pour la mise en défens. ❐

1977 : Installation du premier verger du pommier chez un agriculteur d’Aghbala. 1980 :

Seigle progressivement remplacé par le blé tendre, qui a été introduit ❐par le CT dans le cadre de l’opération intensification des céréales. Introduction de la race ovine D’man qui est aujourd’hui très appréciée par ❐les éleveurs et qui s’est bien adaptée au climat froid des montagnes.

1986 : Une coopérative a été créée, mais a échoué à cause des défaillances organisationnelles.

1995 : Introduction du système goutte à goutte pour pommier à Azagharfal sur 10 ha. ❐Deuxième délimitation des forêts pour la mise en défens. ❐

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2000 : Extension des rosacées pour atteindre 781 ha en 2010 (pommier et ❐prunier surtout).Extension de l’irrigation par pompage 541 hectares en 2010 soit 30% de ❐la superficie totale irriguée.Introduction du noyer est relativement récente (environ 10 années). Elle ❐offre une meilleure qualité qui lui garantit un écoulement plus facile à des prix plus élevés.

2010 : Agrégation de 104 petits producteurs du pommier sur une superficie de160 ha.

2011 : Introduction de la tomate en technique de palissade et melon chez certains agriculteurs comme cultures intercalaires.

Encadré 6 : Profil historique des SPA Source : Enquête KRADI, 2010

On constate qu’au fil du temps, les territoires des zones de montagne étudiées connaissent des transformations profondes dues au changement économique, politique et social et aussi au progrès technologique. En effet, les productions sont diversifiées, les investissements ont augmenté, les jeunes ruraux sont de plus en plus conscients des enjeux que présentent la montagne pour l’avenir du pays « château d’eau du Maroc », la société civile commence à s’organiser pour devenir porte parole des populations et promouvoir la culture locale et préserver les ressources naturelles.

Les systèmes de production se sont profondément modifiés au cours des dix dernières années. Les changements se sont accentués depuis le lancement du Plan Maroc Vert qui a apporté des nouveautés dans le système du financement agricole, subvention et encouragement de l’investissement. On note de plus en plus une certaine intégration au marché des exploitations agricoles, comme l’atteste l’évolution du nombre des exploitations agricoles arboricoles (pommier en l’occurrence) qui est en nette augmentation de 360 d’exploitations pour une superficie productive de l’ordre de 370 ha en 1996 à 390 exploitations pour une superficie du pommier d’environ 470 en 2011, soit une augmentation de 30% de la superficie. L’impact socio-économique de cette évolution est sans nul doute positif, illustré par la quantité de pomme produite estimé à 4700 tonnes destinée en totalité au marché générant l’équivalent de 18 millions DH /an55 et, un nombre de journées de travail estimés à 37.600 par an56. On peut dire que les prémisses d’une spécialisation de la région en arboriculture fruitière (pommier et prunier pour séchage) sont déjà amorcées.

Parallèlement à ces changements, on peut noter avec satisfaction l’augmentation du nombre des associations qui se sont multipliées, d’une dizaine

55- Estimation sur la base d’une production annuelle moyenne de 10 tonnes / ha pour une superficiede 470 hectares de pommier à 4 DH/Kg. 56 - Estimation sur la base de calcul d’un nombre moyen de journées de travail de 80 j/ha pour 470 ha de pommier irrigué en goutte à goutte (Taille= 7j ; confection cuvettes=10j ; épandage engrais= 3j ; épandage fumier=7j ; binage= 3j ; traitement phytosanitaire= 20j ; récolte= 30j)

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au début des années 2000 à une vingtaine 2010, dont 10 associations féminines regroupées autour des petites activités génératrices de petits revenus. Ces associations ne jouent pas encore pleinement leurs rôles dans l’encadrement, la sensibilisation, les prospections des projets de Recherche - Développement et la négociation avec les institutions en tant qu’interlocuteurs des agriculteurs pour l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de développement au niveau régional et local.

Globalement, on peut retenir 3 constats déterminants pour l’avenir de l’agriculture de montagne. Il s’agit de :

Tout d’abord, le manque de la main d’œuvre masculine entraine ❐

une certaine valorisation croissante de la fonction « Kabbales » qui sont des ouvriers permanents payés mensuellement. Non seulement ils représentent une source de force de travail avec leurs familles mais aussi détiennent la technicité et le savoir faire. Ces qualités leurs donnent plus de légitimité et de pouvoir de négociation. Ils ont réussi ces dernières années à augmenter le niveau de rémunération de 200 à 300 % pour atteindre le SMAG 2011 sans compter les avantages en nature (pourcentage de production atteignant des fois 10% de fruits). Cependant, la main d’œuvre féminine demeure plus ou moins disponibles recrutée pour des travaux de récoltes des fruits.

L’extension de l’irrigation par pompage des vergers de rosacées ❐

révèlent un nouveau mode d’agriculture intensive orientée vers le marché et la dimunition du sytème de transhumance au profit de la sédentarisation ont permis une nouvelle organisation spatiale des territoires et illustrent l’évolution que les zones de montagnes qui sont aujourd’hui non seulement des territoires de production mais aussi des territoires d’activités extra-agricoles liées essentiellement aux flux financiers engendrés par l’émigration et les travaux dans le secteur du commerce et du bâtiment.

La structure des revenus des exploitations agricoles est dominée par les ❐

recettes des activités extra-agricoles : 20 à 25 % (salaire des femmes de ménage en ville, émigration, commerce…).

2.1.3.3. Les nouveaux investisseurs en zone de montagne : un bouleversement des systèmes de production et des mentalités accéléré par le PMV.

Compte tenu de la dynamique des systèmes de production que connait la région, il y a lieu de souligner les effets positifs de l’investissement sur l’économie locale d’une part, et les bénéfices des externalités environnementales et sociales. Bien entendu, il y a des risques liés aux aléas climatiques et aux fluctuations du marché.

Le système montagnard

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112

L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

a. Estimation du coût d’installation d’un hectare de pommier pour un investisseur et impact économique

Pour appréhender le niveau d’investissement et son impact socio-économique sur l’exploitation agricole et de son environnement, il a été jugé opportun de donner une idée sur le coût de reconversion (Tableau 10) d’une culture vivrière à faible rendement (blé et orge) à une culture à haute valeur ajoutée (pommier, prunier, cerisier).

Tableau 10. Coût estimatif d’installation d’un projet de reconversion céréales en pommier pour une exploitation d’une superficie de 3,5 hectares en zone de montagne

Opération Quantité Coût unitaire en DH Coût en DH

Investissement (1ère année)

Creusement de puits Un puits Forfait 60.000,00

Equipement de puits Une motopompe Forfait 70.000,00

Matériel d’irrigation Canalisation, tuyauterie… Forfait 70.000,00

Plants certifiés 3000 plants 15,00 45.000,00

Aménagement de la parcelle (travaux du sol, traçage …)

1 Technicien + Aide technicien+ 2 journées x 5 ouvriers

Forfait 10.000,00

Main d’œuvre pour creusement des trous (50/60 cm)

3000 trous 3,5 dh/trou 10.500,00

Installation de Canaux d’irrigation

1 techniciens + 30 journées x 10 ouvriers Forfait 30.000,00

Plantations + Confection des impluviums 7 journées x 12 ouvriers 70 DH 5.880,00

Fumier 10 tonnes Forfait 2000,00

Ouvrier permanent 12 mois 1500,00 18.000,00

Divers (étude du projet et frais de suivi de la réalisation)

- Forfait 50.000,00

Totale 1ère année - - 371.380,00

Frais de campagne 2ème année

FumierEngraisPesticides, Insecticides et Fongicides

15 tonnes3 quintaux d’azoteTrois traitements

900,00 DH / 300,00 DH500,00 DH

2700,00900,001.500,00

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

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Source : Enquête KRADI, 2011

Il ressort de ce tableau, qu’en dehors des investissements de la première année, les charges annuelles d’un hectare de pommier sont estimées à 23.803,00 DH à partir de la 5ème année avant l’entrée en production prévue à partir de la 6ème année. En fait, plus l’arbre grandit plus il devient exigeant en entretien et en alimentation. A noter que les subventions accordées à l’irrigation localisée peut atteindre 100% (FDA, MAPM 2011) dans le cadre du Plan Maroc Vert.

b. Impact économique de l’investissement : cas d’un hectare de pommier/ prunier

La reconversion en cultures rentables permet en plus de l’amélioration des revenus des petits exploitants leur intégration dans le marché. Plus de 40 projets de reconversion spécifique au Pilier II du Plan Maroc ont été lancés pour un investissement avoisinant les 2 milliards de dirhams. La dynamique impulsée par les inaugurations de S.M. Le Roi Mohammed VI en 2010 (projets d’installation des unités frigorifiques est anti-grêles et désenclavement) permet de noter la vision stratégique qui va au-delà d’un traitement social de la problématique de la petite agriculture mais plutôt vers la mise à niveau socio-économique des petites exploitations agricoles, et ce dans une perspective de devenir des unités productives, économiquement viables et compétitives. Ci–après, on cite le cas de reconversion des céréales en arboriculture fruitière dans la région d’Azaghrafal/ CR Tizinisly (Tableau 11).

Irrigation (Mai à Août avec des irrigations d’appoint)

6 mois (une irrigation tous les 3 jours) Forfait 12.000,00

Main d’œuvre :- Epandage fumier (novembre) - Epandage engrais (mars)- Taille des plants (mars-avril)- Traitement phytosanitaire- Entretien des impluviums

2 journées x 10 ouvriers 2 journées x 10 ouvriers1 ouvrier pour 3000 arbres10 journées x 2 ouvriers15 journées x 2 ouvriers

70701,5 DH /arbre x 3000 7070

1400,001400,004500,001400,001400.00

Divers (Entretien motopompe et matériel d’irrigation…)

- Forfait 5.000,00

Ouvrier permanent 12 mois 1500,00DH 18.000,00

Total 2ème année - 50.200,00

Frais de campagne 3ème année

Total 3ème année = total 2ème année + 20%

+10.040,00DH /an 65.240,00

Frais de campagne 4ème année et au delà

Frais 4ème année à la 6ème année : augmentation des charges de campagne agricole d’au moins de 30 % (besoins plantations en augmentation avec l’âge)

- +18.072,00 / an 83.312,00

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

Tableau 11. Comparaison de produit d’un hectarede céréales reconverties en pommier / prunier en DH

Cultures Rendement moyen (1)

Prix unitaire moyen en DH (2)

Produit en dh (1) x (2)

Variation

Avant reconversion

BD BT Orge

10 qx /ha12 qx/ha10 qx/ha

300,00250,00250,00

3.000,003.000,002.500,00

Augmentation de produit en DH d’un hectare de plus de 20 et 7 fois respectivement pour le pommier et le prunier par rapport aux céréales

Après reconversion

PommierPrunier

10 t/ha 5 t/ha

6,50 DH4,00 DH

65.000,0022.000,00

Source : Enquête KRADI, 2011

b1 Les marges nettes du pommier et prunier selon les pratiques culturales

Les marges brutes pour le pommier et du prunier varient d’une exploitation à une autre. Elles dépendent des itinéraires techniques pratiqués par les agriculteurs qui sont liés aux disponibilités des moyens financiers. On distingue, en conséquence, deux types d’exploitations, celles maîtrisant les itinéraires techniques et donc plus performantes et celles ayant des difficultés de conduites techniques et moins performantes. A ce niveau, le rôle de l’encadrement et le transfert de technologies est primordial pour combler les écarts entre ces deux types d’exploitations (Tableau 12).

Tableau 12. Comparaison des performances économiques entre deux types de conduites du pommier conduit en système intensif et extensif

* Le potentiel de production à l’hectare est de 15 tonnes/ha.

Source : Enquête KRADI, 2011

Il ressort de ce tableau, une grande différence entre les deux systèmes extensif et intensif. Ce qui explique l’importance de l’investissement raisonné dans la conduite technique des cultures. Bien entendu, tout cela dépend des moyens financiers et matériels disponibles au sein de l’exploitation agricole.

Cultures Rendement moyen en

tonnes/ha (1)

Prix moyen en DH/kg sur

pied (2)

Recettes en DH (1)x(2) = (3)

Charges à l’ha/an en

DH (4)

Marge nette en DH/ha

(3-4)

P o m m i e r en intensif*

13 7,00 91.000,00 23.803,00 67.197,00

P o m m i e r en extensif

6 4,5 27.000,00 10.000,00 17.000,00

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

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Pour un hectare de prunier (variété destinée au séchage), les rendements dépendent du niveau d’intensification de la culture. Les marges nettes moyennes ainsi réalisées figurent dans le Tableau 13.

On note globalement que la tendance est vers l’intensification de la production, surtout avec l’extension des nouvelles exploitations de rosacées et l’arrivée des investisseurs. A souligner aussi, que le prix de vente du prodtuis dépend en grande partie de la qualité du produit et de l’offre et de la demande.

Tableau 13. Comparaison des performances économiques entre deux types de conduites du prunier conduit en système intensif et extensif

Cultures

Rendement moyen en tonnes/ha

(1)

Prix moyen en DH/kg sur pied (2)

Recettes en DH (1)x(2) = (3)

C h a r g e s à l’ha/an en DH (4)

Marge nette en DH/ha (3-4)

Prunier en intensif*

7 6,5 45.500,00 12.000,00 33.500,00

Prunier en extensif

4 3,5 14.000,00 5.000,00 9.000,00

* Le potentiel de production à l’hectare est de 8 tonnes/ha.

Source : Enquête KRADI, 2011

b2. L’efficience des pratiques culturales

L’efficience des pratiques culturales figurant dans le tableau 14 montre davantage l’importance de l’adoption des paquets technologiques appropriés par les agriculteurs sensibilisés sur l’utilité de l’investissement. Cet indice permet de suivre et évaluer les efforts réalisés par les agriculteurs durant la campagne agricole. Du point de vue économique, il montre l’aptitude de l’agriculteur à répondre assez aisément à ses besoins et ceux de sa famille et dégager de l’épargne éventuellement.

Tableau 14. Appréciation de l’efficience des pratiques techniques sur le pommier, le prunier et céréale

CulturesCharges/ha/ exploitation intensive (1)

Charges/ha/

exploitation extensive

(2)

Charges de plus en DH/ha/ (1)

- (2)=(3)

Marge nette/ha/exploitation

intensive en DH (4)

Marge nette/ha/

exploitation extensive en DH (5)

Marge nette/ en plus DH (4

-5)= (6)

Efficience en DH (6) /

(3)

Pommier 23.800,00 10.000,00 13.800,00 67.197,00 17.000,00 50.197,00 4,00

Prunier 12.000,00 5.000,00 7.000,00 33.500,00 9.000,00 24.500,00 3,50

Blé* 1500,00 750,00 750,00 3500,00 2500,00 1000,00 1,00

*Le rendement moyen oscille entre 10 et 12 qx/ha

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

Les calculs estimatifs montrent que le pommier et le prunier (pruneaux) valorisent mieux l’investissement dans le train technique. Globalement, on retient qu’un dirham investit permet de gagner 4 DH chez le pommier et 3,5 DH chez le prunier (on peut atteindre plus si les conditions du marché sont favorables). Comparativement au blé qui ne valorise pas l’introduction des techniques, son indice d’efficience est très faible puisqu’un Dirham investit permet de gagner un Dirham, du coup l’effort fourni par l’agriculteur n’est pas récompensé.

Par ailleurs, il faut signaler que la majorité des petits agriculteurs limite à l’extrême les dépenses en produits phytosanitaires, en fertilisants et en main d’œuvre. Ce comportement semble être lié à l’insécurité de la production (orage, grêle, feu bactérien, russet ring...). Par contre, les exploitations de type intensif mobilisent beaucoup plus de moyens de production en utilisant des intrants, des installations d’irrigation et une main d’œuvre plus qualifiée.

c. Impact sur la main d’œuvre : vers la contractualisation

Dans 100% des nouvelles exploitations, à dominance rosacées, il y a un ouvrier permanent résidant dans la ferme. La situation des ouvriers permanents, souvent jeunes mariés avec des enfants, est presque identique sur le plan activités et rémunération. Le salaire moyen oscille entre 1.300 et 1.500 DH par mois avec un logement. Il n’y a pas de contrat écrit qui les lie aux propriétaires, mais un contrat moral entre les deux parties basé sur la confiance qui se fait généralement en présence de deux ou trois personnes du douar.

Une des principales caractéristiques des ouvriers de ces régions de montagnes est leur sérieux dans le travail. D’où la confiance instaurée entre le propriétaire et l’ouvrier permanent. Ce dernier est aussi un manager de l’exploitation qui s’ocupe de l’identification des acheteurs, négocier avec eux le prix et les modalités de ventes, compter le nombre de caisses…Bien entendu, le téléphone mobile a facilité la tâche puisque toutes les transactions se font en commun accord avec le propriétaire. A noter qu’ils ont une connaissance satisfaisante des techniques culturales et prennent des initiatives : cultiver un peu de maraîchage pour l’autoconsommation par exemple. Beaucoup d’entre eux, exigent au moins une vache pour bénéficier de 50% des naissances après déduction des charges. C’est une forme de rémunération de l’effort de la femme qui a à sa charge l’élevage et apporte appui à son marie dans certains travaux de ferme.

Les ouvriers permanents rencontrés se sentent satisfaits. Leurs motivations semblent être liées aux comportements des propriétaires. Ces propriétaires résidant en ville leur réservent des primes à la fin des récoltes en pourcentage des bénéfices. D’autres motivations en nature, par exemple un agriculteur de la région de Tizinisly, autorise l’ouvrier permanent à élever une vache qu’il a acheté à partir des économies faites de son salaire. Cette vache vit avec le même troupeau du propriétaire, profite des herbes spontanées de la ferme, de la luzerne et des aliments concentrés et subit les mêmes soins vétérinaires…

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

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Sa femme s’occupe de la traite des vaches, de leur nourriture et des travaux d’entretien de l’étable. Elle reçoit au minimum un litre et demi de lait par jour en plus du beurre pour les besoins de sa famille.

On peut estimer les avantages que l’ouvrier perçoit en nature (nourriture de la vache en gestation, le lait, les légumes) à environ 700 DH/mois. Objectivement, les craintes du propriétaire sont énormes de voir l’ouvrier permanent démissionner. C’est pour cela qu’il y a moins de pression et d’autorité exercée sur lui, et des concessions sont faites en termes d’utilisation de certains produits de fermes (lait, beurre, légumes…). Certains fermiers recrutent des techniciens spécialisés en arboriculture pour s’occuper de la gestion des fermes. Ceci dit, pour plus de visibilité et dans l’intérêt de la société rurale, les rapports entre le propriétaire et l’ouvrier permanent soient lucides et conçus selon un contrat permettant à l’ouvrier permanent de bénéficier de la sécurité sociale.

2.1.3.4. Agrégation des producteurs : est – elle la solution ?

Deux principes directeurs du PMV : l’investissement et l’agrégation. Ce dernier concept est sans nul doute un bon concept si l’environnement socio-économique, écologique, politique, environnemental et culturel s’y prête. En fait, l’expérience d’agrégation57 récemment lancée dans les CR de Tizinisly et Aghbala / Cercle Ksiba, quoiqu’elle soit à ses débuts, les agriculteurs agrégés semblent être confiants et satisfaits des relations entretenues avec l’agrégateur. Ils ont trouvé des réponses à leurs attentes et besoins en termes de dépenses liées au financement de la campagne agricole (entretien des vergers). La réussite de cette expérience peut offrir des perspectives intéressantes pour les producteurs qui tirent très peu de bénéfice de leurs efforts puisque se sont les commerçants et les intermédiaires qui en profitent réellement.

a. Contexte de l’agrégation

La quasi-totalité des exploitations pratiquent la vente sur pied des pommes. Les prix par kilo varient entre 2 à 4 dirhams le kilo selon la qualité. Quoique les agriculteurs soient très peu informés des cours du marché, ils sont conscients du rôle néfaste des intermédiaires pour eux.

La vente sur pied a un avantage pour les exploitations familiales. Elle se fait en deux parties : la première partie est versée au moment de la réservation de la récolte sur pied au mois de juillet, elle correspond à 50% du prix estimé de la récolte à venir. La seconde partie est payée après la récolte, ce qui signifie qu’en cas de calamités, il n’y a pas de remboursement. La première recette est souvent utilisée pour financer d’autres activités agricoles, la deuxième est consacrée à l’achat de l’alimentation du bétail. Vu le manque permanent de fonds, le préfinancement de la récolte est apprécié. Il existe cependant des agriculteurs fortement endettés, qui se sont vus obligés de vendre leur récolte à l’avance sur plusieurs années.

57 - PMV, Agrégation des producteurs du pommier à Tizinisly et Aghbala / Cercle Ksiba, 2011.

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

Les possibilités de prendre en main la commercialisation des fruits par les producteurs eux même ne sont pas disponibles en l’absence de moyens financiers et matériels. Les agriculteurs n’ont pas de moyens de transport propres et ont difficilement accès aux sacs d’emballage.

Quoique la zone recèle de potentialités intéressantes (température, sol, disponibilité eau) pour la production de rosacées et d’autres produits de terroirs offrant par là des opportunités pour les projets de l’agriculture solidaire « Pilier II », elle présente aussi des contraintes auxquelles il faudrait apporter des solutions et qu’on présente dans la matrice «SWOT» (Tableau 15) ci-après :

Tableau 15. La matrice SWOP (atouts, potentialités contraintes et menaces)

Forces (S)

Le milieu naturel est relativement favorable ❐

puisque la région dispose d’une petite vallée irrigable et fertile d’une part, et de la grande plaine d’Azararghfal d’autre part où les sols sont de bonne qualité agricole. Le développement de l’arboriculture ❐

bénéficie de la disponibilité actuelle de ressources en eau qui permet l’aménagement de périmètres d’irrigation. Un patrimoine forestier important. ❐

Les parcours collectifs constituent une source ❐

stratégique importante pour l’alimentation du bétail et le bois de chauffe. Les conditions climatiques du printemps et de ❐

l’été sont favorables à la diversification des cultures et au développement des parcours. L’existence de populations locales d’ovin ❐

(race Timahdit), caprins (Tabkhnt) et bovins (Tajougaght), très adaptées aux conditions du milieu. Le savoir local des agriculteurs, ❐

essentiellement dans le domaine de l’élevage, ainsi que la disponibilité de la main d’œuvre locale libre en hiver sont des atouts à valoriser. Une agriculture biologique ❐ à très faible niveau d’utilisation d’intrants (engrais, produits phytosanitaires ...).

Faiblesses (W)

L’enclavement, les aléas climatiques ❐

(l’abondance de la neige en hiver), les inondations fréquentes, l’accès réduit à la forêt, l’exploitation non rationnelle des parcours collectifs « Agdals ». Difficultés de maîtrise, par les agriculteurs, ❐

de la période de soudure qui s’étend d’octobre à mars en vue d’entretenir un troupeau en mesure de passer un hivernage difficile et par conséquent d’assurer une trésorerie régulière pour subvenir aux besoins urgents des ménages.Défaillance de l’infrastructure socio- ❐

économique (ressources humaines et équipements des services de santé, route et pistes dégradées…) Faible encadrement des agriculteurs ❐

Faible maîtrise des nouvelles techniques ❐

de taille, de traitement contre les nouvelles maladies et ravageurs (erreurs de diagnostics et des erreurs d’emploi des produits parce qu’ils manquent de conseils).Difficultés dans la commercialisation de ❐

la production (Difficultés de transport, de conservation, qui contraignent le producteur à vendre sa production sur pied, ce qui limite beaucoup le bénéfice).

Opportunités (O)

PMV : FDA ❐

Agrégation ❐

Marché demandeur de produits de terroirs de ❐

qualitéPrix rémunérateurs ❐

Ecotourisme ❐

Diversité agro-écologique et culturelle. ❐

Environnement socio-politique (Emergence ❐

des ONG, Etat de droit...)

Menaces (T)

Apparition de nouvelles maladies : le feu ❐

bactérien et Rugosité annulaire (russet ring)Refus des agriculteurs de faire l’arrachage ❐

en cas de fléau « feu bactérien par exemple »La menace de la grêle sur l’arboriculture ❐

Dégradation de la forêt et des sols ❐

Indisponibilités et coût de la main d’œuvre ❐

Source : Enquête KRADI, 2011

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

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b . agrégation des producteurs de pommier – OCE : points forts et faiblesses

Fiche de présentation

Agrégateur : OCE ❐

Agrégés : 104 ❐

Superficie : 160ha ❐

CR : Tizinisly, Aghbala, Naour ❐

Date de démarrage : 2011 ❐

Superficie irrigué goutte à goutte : 75% ❐

Superficie irrigation gravitaire : 25% ❐

Engagements de l’agrégateur : ❐

Mobilisation de trois techniciens pour : ❍

• La réalisation des analyses des sols et l’encadrement ;• L’estimation des besoins en intrants des agriculteurs agrégés ; • L’intermédiation entre l’agrégateur et les agrégés et interlocuteur du

Centre de Travaux Agricole;• La préparation de la commande des intrants et acquisition (engrais et

produits phytosanitaires) d’une valeur avoisinant les 340.000,00DH ;• La remise les intrants aux agriculteurs selon une décharge dûment

signée par l’agrégé et certifiée (1ère avance) ;Etablissement d’une assurance anti-grêle au profit des agriculteurs agrégés ❍

d’une valeur de 160.000,00DH ; 2ème Avance sur la récolte de l’ordre de 0,50DH/kg de pomme au mois ❍

de novembre 2011;Récolte, transport et stockage de la production des agriculteurs agrégés ❍

(les frais facturés sont de l’ordre de 1,90 DH/kg de pomme);3ème Avance sur la récolte de l’ordre d’un dirham le kilo de pomme au ❍

mois de février 2012;Commercialisation des pommes par l’OCE selon les conditions du marché ❍

(prix rémunérateurs) : déduction des avances et charges et paiement des producteurs.

Encadré 7 : source enquête KRADI, 2011-2012

Les premières appréciations recueillies auprès du Directeur du CT d’Aghbla en sa qualité de superviseur du projet d’agrégation, du directeur de l’Agence Locale du Crédit du Maroc gérant les entrées et les sorties de l’argent et le financement, du technicien /coordinateur représentant l’agrégateur et auprès de certains agriculteurs « agrégés », sont positives. En effet, les agriculteurs ont été soulagés du fardeau des frais de campagnes agricoles, tels que l’acquisition des fertilisants, des produits phytosanitaires… en plus de l’encadrement des agriculteurs assurés par trois techniciens mandatés par l’agrégateur. Ils souhaitent à ce que les producteurs continuent à travailler dans le cadre de cette nouvelle organisation professionnelle.

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

Les avances reçues au titre de la production 2011 sont de l’ordre de 3,4dh/kg de pomme (Encadré 7). A la date de 30 janvier 2012, le prix d’un kilogramme de pomme varie entre 5 et 7 dirhams n’est pas rémunérateur. L’agrégateur attend à ce que le prix avoisine les 12dh/kg pour vendre la production est payé les producteurs après déduction des avances et autres charges. Or, les agriculteurs agrégés sont impatients de recevoir leur argent. D’où, l’utilité de sensibiliser les agriculteurs sur l’importance de stockage en vue d’une meilleure commercialisation profitant des conditions du marché quand elles sont favorables.

Les producteurs de la région relevant du Cercle d’Alksiba attendent avec impatience l’nnstallation du système anti-grêle ainsi que la construction d’une unité frigorifique pour le stockage des pommes.

On pense, que c’est un nouveau esprit introduit, qui peut avoir des effets positifs sur la mentalité des agriculteurs, pourvus que l’agrégateur fasse preuve de solidarité et continue positivement sur cette lancée, parce que l’échec de ce projet d’agrégation aura des retombées psychologiques négatives sur toute la communauté qui perdra confiance de ce qui vient de l’Etat. En d’autres termes, il faut préserver cette image positive créée par le Plan Maroc Vert, qui jusqu’aujourd’hui constitue un grand espoir pour les populations rurales.

c. Perspectives de développement des systèmes de production et avenir de l’arboriculture fruitière

Les perspectives d’évolution deviennent une question fondamentale dès lors que l’on choisit d’investir dans la culture de plantes pérennes, dont la production et la rentabilité se raisonnent à partir de 10 ans comme c’est le cas pour un verger d’arbres fruitiers (pommier, prunier, cerisier, poirier).

Les petits arboriculteurs « exploitations familiales » ne pratiquent pas de traitements phytosanitaires contre les ravageurs et les maladies. Or, c’est l’ensemble des arboriculteurs qui en subissent les effets car les vergers non traités contaminent les vergers traités. Du coup, la productivité et la qualité des fruits sont affectés négativement. D’où le rôle de l’encadrement et la vulgarisation agricole qui ne sont pas bien implantés dans la région à cause de l’insuffisance des ressources humaines (vulgarisateurs, techniciens…) au niveau du CT. Le Plan Maroc Vert à travers la nouvelle stratégie de conseil agricole donne de l’espoir pour rehausser le niveau des producteurs de cette région.

La commercialisation des produits agricoles est une problématique qui préoccupe la majorité des agriculteurs. En effet, les commerçants qui servent d’intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs réalisent des bénéfices importants sur le compte des producteurs. Les producteurs ne connaissent souvent même pas le prix de vente des pommes au kilo sur le marché et n’ont pas d’idée non plus sur leur évolution. Ils sont dépourvus d’information concernant la valeur réelle de ce qu’ils produisent, et en conséquence, ils sont

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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très dépendants des commerçants qui fixent les prix en maximisant leur propre profit. Là aussi, le concept de l’agrégation introduit par le Plan Maroc Vert est peut être la solution pour faire profiter les agriculteurs de leurs efforts, et par conséquent, améliorer leurs revenus, pourvus que les relations entre agrégateurs et agrégés soient basées sur la transparence et que chacun maîtrise ses droits et ses obligations.

La gestion des ressources hydriques et la mobilisation de l’eau sont déterminantes pour l’avenir de l’arboriculture fruitière dans cette région. Une étude prospective du devenir des ressources en eau, surtout souterraine, s’avérere nécessaire.

Comme dans tous les agro-systèmes fragiles, la recherche–développement doit œuvrer à valoriser les produits de terroirs ayant des avantages comparatifs et valoriser aussi le cadre et le mode de vie et l’ingéniosité des systèmes agricoles locaux à travers l’écotourisme non destructif des ressources naturelles.

2.1.3.5. Stratégies des agriculteurs selon les types d’exploitations agricoles

Une exploitation agricole typique de la région est composée de plusieurs couples et leurs enfants. Les hommes fournissent la quasi-totalité de la main d’œuvre pour les travaux agricoles, certaines tâches sont confiées aux femmes comme l’alimentation et l’entretien des animaux, la coupe de la luzerne, la récolte des fruits des rosacées et le sarclage des jardins potagers autour de la maison ainsi que l’élevage du poulet « Beldi » et lapin. A souligner que l’argent issus des travaux extra-agricoles est essentiel pour le budget de la famille.

Le chef de l’exploitation diversifie ses activités pour minimiser les risques de mauvaises récoltes. Il diversifie également les techniques selon la culture et les milieux au sein de son exploitation (verger arboricole irrigué, parcelle Bour et jardin potager) et cherche à valoriser les produits. En effet, l’agriculteur a des priorités et des objectifs et essaie de les satisfaire en tirant profit des produits de différents milieux cités auparavant.

Généralement, les produits vendus sur pieds sont les fruits du pommier, prunier et poirier. Les récoltes de céréales ou maraîchage sont destinés à l’autoconsommation familiale. Le tableau 16 donne une idée sur l’importance des activités agricoles dans la formation du revenu d’une exploitation type, et ce selon les conditions climatiques.

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

Tableau 16. Importance des activités agricoles dans le revenu de l’exploitation agricole

1er rang 2ème rang 3ème rang

Exploitation intensif marchande

Pommier / prunier Bovin engraissé -

Exploitation extensif familiale

Pommier caprin Activités annexes

Source : enquête KRADI, 2011

Globalement, on retient cinq catégories des exploitations existent dans la région en rapport avec les ressources naturelles disponibles qui seront présentées dans le point suivant.

a. Catégorie des ruraux sans terre

Ils sont assez nombreux. Ils ont leur part dans les Agdals, mais ils ne disposent pas de troupeaux pour profiter du pâturage collectif. Ils recourent généralement à l’élevage en association et au travail comme ouvriers occasionnels dans les autres exploitations. Ils constituent environ 25 % de la population. Cette catégorie a recours à l’agriculture et à l’élevage en association pour survivre. On note deux formes d’association pour les cultures. Dans le premier cas, le propriétaire ne fournit que la terre. Son associé finance toutes les opérations (du labour à la récolte). Dans ce cas, le propriétaire a droit au tiers de la récolte, les deux tiers revenant à son associé. Dans le deuxième cas, le propriétaire de la terre fournit la terre et la moitié de la quantité de semences requise, tout le reste étant fourni par son associé. Dans ce cas, il reçoit la moitié de la récolte. L’élevage en association s’offre à l’agriculteur sans terre selon un contrat établi entre le propriétaire des animaux et son associé : assurer la garde et l’entretien des animaux. En échange, il a droit au quart des produits nés au cours de l’année où il a pris en charge les animaux. En cas de non reproduction des animaux gardés, l’agriculteur sans terre ne reçoit rien, ce qui démontre la précarité de ses sources de revenus. Aussi vend-il souvent sa force de travail comme ouvrier agricole dès que son calendrier le permet, car il arrive souvent qu’il ne puisse se libérer, surtout s’il manque de main d’œuvre familiale importante (Figure 8).

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

123

Figure 8 : Schéma de la stratégie des ruraux sans terre

La gestion en association concerne environ 1/3 des exploitations mixtes de céréaliculture et d’élevage et environ la moitié des arboriculteurs. Les contrats sont pour une année et le propriétaire fournit les semences et terres tandis que le locataire en association est responsable du reste des activités. La récolte est partagée en un tiers pour le propriétaire et deux tiers pour le locataire. Auparavant, il existait une autre option où le propriétaire ne fournissait que les terres et ne recevait qu’ un 1/4 de la production.

Catégorie en situation instable et vulnérable

MOF Disponible

MFVIndirect

Stratégie:- Développement de l’élevage caprin/ovin en association- Céréales en association

Vente de forcede travail

Objectifs :- Satisfaire les besoins de la familleet un petit troupeau

Alimentation famille Alimentation bétail

1/3 ou 1/4 des récoltes et de l’elevage Remboursementde la dette

Epargne très faible

Atouts :• Savoir faire local• Disponibilité

Souhaits :• Achat de lopin de terre• Construction d’habitation

Elevage ovinet caprin

Achat de quelquestêtes d’ovin et/ou caprin

en cas disponibilitéde moyens Recours au crédit

auprès du propriétaire

Difficulté d'accèsà la scolarisation,santé, logement

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

b. Catégorie des petits agriculteurs

Leurs stratégies sont destinées à satisfaire les ménages en premier lieu et les animaux en second lieu. L’épargne, quand elle existe, est destinée à faire face aux périodes de soudure où le poids des charges pèse lourd sur le budget familial, d’autant plus que les revenus monétaires sont médiocres. Le recours à l’endettement selon les modalités fixées par le régime de prêts de l’Agence Locale du Crédit Agricole du Maroc est souvent la seule issue. Ce sont des exploitations de type «familial» caractérisées par l’absence de fonds permettant l’investissement, de petites superficies, une main d’œuvre familiale ou locale ayant une certaine expérience endogène leurs permettant d’entretenir les cultures et le petit élevage existant en se basant sur les produits de l’exploitation, tels que le fumier et la paille (Figure 9).

Les agriculteurs de cette catégorie sont nombreux. La céréaliculture est essentiellement destinée à l’auto-consommation familiale. L’élevage constitue leur source principale de revenus. Ils possèdent des champs dispersés dont la superficie totale est inférieure à 5 hectares. Ils possèdent souvent un troupeau de petits ruminants (ovins ou caprins) excédant rarement 20 têtes. Ce troupeau peut être augmenté en effectif par la pratique de l’élevage en association aux conditions susmentionnées. Ils utilisent largement la main d’œuvre familiale. Leur production céréalière satisfait rarement leurs besoins. C’est pour ce là qu’ils vendent leurs animaux soit pour acheter le complément de nourriture pour la consommation familiale, soit pour assurer la survie de leurs animaux en hiver, soit pour financer une partie des opérations culturales (labour, moisson, ...). La vente des animaux se fait donc pour satisfaire des besoins immédiats et ne peut donc pas toujours attendre la période la plus propice à des prix rémunérateurs (fêtes religieuses...). Les petits agriculteurs offrent également leur force de travail comme ouvriers occasionnels en hiver. Leurs enfants et épouses travaillent également à l’extérieur de l’exploitation.

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

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Figure 9 : Schéma de stratégie des petites exploitations

c . Catégorie des agriculteurs diversifiant les activités agricoles.

Ils pratiquent l’élevage, la céréaliculture, l’arboriculture et quelques cultures maraîchères. Ces agriculteurs ont des revenus suffisants leur permettant l’emploi de la main d’œuvre salariale disponible au niveau du douar. Ces agriculteurs moyens ont des superficies variant entre 5 et 10 hectares. Ils ont recours à la mécanisation par la location du matériel. Leur production céréalière est surtout destinée à l’autoconsommation et couvre dans les bonnes années les besoins du foyer. Ils font du maraîchage dont les produits sont autoconsommés et vendus. Ils pratiquent à une faible échelle l’arboriculture familiale qui permet de financer la céréaliculture. La taille du troupeau dépasse rarement 50 ovins et/ou caprins.

La production du maraîchage est destinée à l’autoconsommation et ne fait pas l’objet de dépenses ni d’investissements particuliers. Le coût d’opportunité

Exploitations qui lutte pour se maintenir dans

un environnement socio-économique

inconfortable

MOF Disponible

SAUMelk

MFVDirect

dominant

Stratégie:- Développement de l'élevage - Introduction de cultures d'été : sésame, haricot, fève, oignon...- Développement de cultures vivrières

Activités annexes (transport, petit commerce, vente de force de travail)

Objectifs :- Satisfaire les besoins de la famille et vente du surplus-Tendance vers la spécialisation en élevage

Production plus ou moins stabilisée

Alimentation famille Alimentation bétail

Recettes de la vente des produitsFinancementd'une partie

de la campagneagricole

Remboursementde la dette

Epargne faible et très limitée

Risque :• Exploitations exposées à l'éclatement• Morcellement élevé à cause de l’héritage

Souhaits :• Accès à l’eau par motopompe• Agrandissement du troupeau ovin + caprin

Elevage caprinet ovin

Recours au créditagricole et Intermédiaire

Difficulté d'accèsà la scolarisation,santé, logement

Achat d’animeauquand l’épargne

existe

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

élevé des terrains irrigables est dû au fait que ces terres-là peuvent être vendues à des investisseurs pour l’arboriculture à des prix élevés ou être mises en valeur par les agriculteurs eux-mêmes par l’installation d’un verger. Ainsi l’arboriculture et le maraîchage sont en concurrence directe pour l’attribution des terres irrigables, concurrence qui se solde à l’avantage de l’arboriculture (Figure 10).

Figure 10 : Schéma de stratégie des moyennes exploitations

Les exploitations de cette catégorie sont souvent émiettées à cause de l’héritage. Certains agriculteurs recourent à la location de petites parcelles pour cultiver du blé et faire un peu d’élevage de petits ruminants. Ils essayent de tirer le maximum de ressources de leur force de travail et celle de leurs familles. Les agriculteurs sont méfiants à l’égard du marché. Ils jugent qu’ils ne sont pas bien soutenus pour faire face aux intermédiaires. Cette situation nécessite un travail de grande haleine pour restaurer la confiance de ces petits producteurs qui ont développé des mécanismes d’adaptation à l’environnement socio-économique tout en minimisant les dépenses. Ils sont loins de l’intensification des cultures et de l’élevage.

MOFà 90%

SAUMelk

MFVDirect

Stratégie:- Développement de l'élevageovin / caprin- Développement de l’arboriculture fruitière

Equipement de l’exploitationen matériel agricole (matériel d’irrigation)

Objectifs :- Satisfaire les besoins de la famille et de l’élevage- Réaliser l’épargne pour l’entretien de l’exploitation en priorité

Recettes de la vente des produits

Epargne moyen

Risque :• Rareté de l’alimentation animale• Eclatement de la ferme suite à l’héritage

Souhaits :• Accès à l’eau par motopompe• Elargissement du troupeaucaprin + ovin• Augmentation de la superficie fourra-gère (Luzerne)

Exploitation en étatd’autosuffisance

Inve

stis

sem

ent

Achat des bovins pour engraissement

Inve

stis

sem

ent

Besoins de la famille satisfaits

Recours aucrédit

Remboursementde crédit

Autoconsommationfamiliale

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

127

d . Catégorie des grands agriculteurs focalisés sur l’arboriculture fruitière

Tout en intégrant l’élevage axé sur les bovins leur permettant de valoriser le pacage dans les vergers de pommier. Ces exploitations dites «intensives» sont caractérisées par des fonds d’investissement intéressants (aménagements pour l’irrigation, utilisation d’une main d’œuvre qualifiée, utilisation des intrants...) Contrairement aux exploitations de type familial, l’objectif prioritaire est le passage vers les cultures à haute valeur ajoutée générant des bénifices élevés.

Les grands agriculteurs qui disposent de superficies pouvant atteindre 50 hectares voire plus, forment une minorité d’exploitants. Ces agriculteurs font appel à la mécanisation (tracteurs pour le labour, moissonneuses-batteuses...) et à la main d’oeuvre salariée. Leur production céréalière couvre en général les besoins de leur foyer. L’excédent est vendu sur le marché. Il n’est pas rare que certains de ces agriculteurs vendent le reste de leurs céréales de l’année précédente. Ils possèdent très souvent un troupeau qui peut compter jusqu’à 200 têtes d’ovins ou de caprins. Ces animaux sont gardés par des bergers salariés ou remis à un associé. Les jeunes ovins (âgés de 6 à 8 mois) sont engraissés et vendus à l’occasion de l’Aid Al Adha. Les grands agriculteurs font également de l’arboriculture car ils ont les moyens d’investir dans ce domaine. L’argent tiré de la vente du pommier et le prunier constitue une trésorerie pour financer d’autres activités agricoles comme le maraîchage et réaliser d’autres investissements (bâtiment, achat de terre...). Les produits maraîchers (surtout la pomme de terre) sont destinés exclusivement à la vente. Pour amortir leur matériel (tracteurs, moissonneuses-batteuses), les grands agriculteurs le louent aux autres (prestataires de service). La main d’ouvre familiale est très peu utilisée par cette catégorie d’exploitants d’autant plus qu’ils ont les moyens de supporter la scolarisation de leurs enfants (Figure 11).

Le système montagnard

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Figure 11 : Schéma de stratégie des grandes exploitations.

L’arboriculture tout d’abord est l’activité dont la production et les revenus sont les moins sûrs à cause, en particulier, de la grêle que s’elle survient au cours de l’été, peut détruire une grande part de la production. Dans ce contexte, la vente sur pied est une façon de diminuer le risque car la moitié du revenu est reçue “cash” en juillet. Ces grands producteurs disposant de facteurs et moyens de production suffisants optent pour une utilisation massive des ressources et des intrants en vue d’une intensification éventuelle. Ces acteurs accèdent facilement aux circuits d’approvisionnement en intrants, de distribution et de commercialisation des produits et à l’eau par le pompage.

Ils peuvent programmer et exécuter sans entrave majeure toutes les productions qu’ils souhaitent. L’handicap qu’ils pourraient avoir est l’indisponibilité de la main d’œuvre salariée et les aléas du marché régis par l’offre et la

MOS à 100% SAU

MelkMFVDirect

Stratégie:- Développement de l'élevage bovin pour l’engraissement- Développement de l’arboriculture fruitière (pommier, prunier, cerisier...)- Diversification des cultures (Maraichage, luzerne)

• Equipement de l’exploitation• Investissement élargie en dehord de l’exploitation

Objectifs :- Développement des recettes et investissement

Production aisement stabilisée

Recettes de la vente des produitsde l’exploitation

Epargne forte

Risque :• Sur-exploitation de la nappe phréatique (plusieurs moto-pompes)• Rareté de la main d’oeuvre qualifiée

Souhaits :• Augmentation de la superficie de l’exploitation• Modernisation de l’exploitation agricole et introduction de nouvelles technologies

Exploitation en étatd’accumulation du capital

Inve

stis

sem

ent

Agrandissement du troupeau bovin de

race pure

Forte integration dans le marché

Inve

stis

sem

ent

Le système montagnard

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

fragiles au Maroc

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demande. Le travail est assuré à 100% par la main d’œuvre salariée journalière et permanente. Ces exploitations ont la possibilité d’investir en agriculture et en ville dans l’habitat et aussi dans l’extension de la taille de l’exploitation.

Cette catégorie d’exploitation est en état d’accumulation du capital par le retour des investissements consentis. La stratégie de ces exploitations est orientée vers une meilleure intégration dans le marché en valorisant au maximum les moyens et les facteurs de production. Les activités agricoles concernent essentiellement des spéculations à haute valeur marchande, telles que le pommier, prunier de séchage, cerisier. Ces exploitations disposent d’une marge de progrès considérable pour opter pour des systèmes performants respectueux de l’environnement, challenge du Plan Maroc Vert. Cette option nécessite un accompagnement pour sensibiliser et convaincre cette catégorie d’exploitants de l’importance du développement durable et se préparer aux exigences de la mondialisation.

2.1.3.6. Rôles des femmes des zones de montagnes (Aghbla, Tizinisly et Boutferda)

On note un manque accru d’appui aux femmes pour atténuer leurs vulnérabilités socio-économique, institutionnelle et culturelle, pour rehausser leur niveau et valoriser leurs efforts. Les programmes d’animation et de sensibilisation des femmes aux diverses technologies agricoles et autres, susceptibles de l’aider à s’acquitter convenablement de leurs tâches et en tirer profit, sont en deçà des aspirations et des attentes des femmes. Le Plan Agricole Régional doit impérativement les inclure pour en faire un élément capable de participer activement au développement de la zone et, par conséquent, à l’amélioration du revenu familial et aussi doter le CT de conseillères en animation féminine. Les thèmes les plus souvent cités par les femmes figurent dans le tableau 17.

Tableau 17. Actions prioritaires d’appui aux femmes

Planification familiale et maternité sans risques ❐

L’hygiène du milieu et la préservation de l’eau ❐

Nutrition et équilibre entre la population et les ressources naturelles ❐

Education et alphabétisation ❐

Conduite du poulet Beldi et lapin ❐

Conduite de l’élevage : hygiène de la traite et conservation du lait ❐

Conservation de denrées alimentaires ❐

Source : Enquête KRADI, 2011

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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2.1.4. Perception de l’avenir de l’agriculture de montagnes par les différents acteurs

Schématiquement, on peut distinguer trois catégories d’acteurs ayant un rôle déterminant dans l’économie de montagnes de la région étudiée : les ouvriers permanents, les nouveaux investisseurs et les agriculteurs propriétaires « les autochtones ». On a tenté d’établir des trajectoires d’évolution des systèmes de production agricoles en posant deux questions à ces catégories d’acteurs :

Les jeunes sont-ils intéressés par l’agriculture, pour prendre la relève et ❐

préserver le savoir local et connaissances endogènes ?

Quelles voies d’évolution envisagées par chaque catégorie d’acteurs ? ❐

2.1.4.1. Ouvriers permanents

Les ouvriers permanents existent chez toutes les nouvelles exploitations aménagées par les investisseurs. Ils sont originaires de ces zones de montagne, du coup ils détiennent souvent un savoir faire local riche en matière de conduite technique et de gestion de l’exploitation agricole. Pour eux, le métayage est en cours de disparition parce qu’il n’est pas rémunérateur. En effet, les rares « Khamas » existants disparaîtront à long terme « 15 à 20 ans ». Sur la base de ces déclarations, deux scénarii sont identifiés :

Premier scenario : les ouvriers permanents à terme vont accéder à un ❐

autre niveau social en achetant de la terre (petite parcelle) et pratiquer l’élevage, ce qui va poser des problèmes d’indisponibilité de la main d’œuvre. Les prémisses de la rareté de la main d’œuvre et de la cherté commencent à apparaître aujourd’hui.

Deuxième scénario : les ouvriers permanents qui n’arrivent pas à faire ❐

de l’épargne, leurs familles (enfants surtout) ne sont plus intéressés par le travail avec leurs parents parce qu’il n’est pas viable, et optent pour l’émigration vers les villes.

La seule solution pour le propriétaire est d’augmenter les salaires de ces ouvriers pour les motiver et les mettre dans des conditions de vie acceptables. L’institutionnalisation du travail permanant est donc recommandée, c’est-à-dire recrutement déclaré auprès de la délégation du travail et garantir par là la sécurité sociale de l’exploitant.

2.1.4.2. Nouveaux Investisseurs

La majorité de ces investisseurs prévoient de s’installer dans leurs nouvelles exploitations après la retraite (60 ans). Aujourd’hui, ces propriétaires sont confrontés aux difficultés de trouver des ouvriers permanents chargés de la gestion des affaires de l’exploitation agricole. Les scénarii ainsi formulés sont :

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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Premier scénario ❐ : vendre l’exploitation, mais le problème persistera toujours du fait de la problématique de la rareté de la main d’œuvre.

Deuxième scénario ❐ : s’installer définitivement sur l’exploitation et s’occuper de la gestion. A travers ce scénario, on peut prévoir une meilleure valorisation de l’agriculture de montagne si la technicité et main d’œuvre sont disponibles.

2.1.4.3. Propriétaires originaires de la région et présents sur place

Cette catégorie joue un rôle important en tant que gardiens de la nature parce qu’ils sont sur place. Deux scénarii sont envisageables selon les perceptions d’un groupe d’agriculteurs :

Scénario 1 ❐ : les agriculteurs rencontrent de plus en plus de difficultés à satisfaire les besoins de la famille. Ils vendent leurs terres pour aller s’installer en villes avoisinantes (Ksiba, Khénifra, Tadla ou Beni Mellal).

Scénario 2 ❐ : avec l’appui du PMV combiné à des conditions climatiques favorables, les productions vont être améliorées et les agriculteurs resteront sur place. Dans ce cas, le savoir faire local sera préservé et le paysage continue d’être entretenu.

2.1.5. Perspectives de développement des systèmes de production des zone de montagnes et implication sur les décisions politiques.

2.1.5.1. Renforcement des rôles des instances locales (Jmaâ, ONG, Associations) : vers l’autonomisation des ruraux montagnards

Pour suivre, évaluer et éventuellement contrôler la mise en œuvre des projets et leurs comptabilités avec leurs besoins exprimés lors de la conception de ces projets, surtout d’agrégation, destinés aux agriculteurs des zones de montagnes. La plus value doit revenir aux agriculteurs et au développement participatif au niveau local.

Ces instances doivent-être vues comme des organes représentant les différentes catégories des agriculteurs et des différentes typologies et diversités des exploitations agricoles. Elles doivent être aujourd’hui, plus que jamais, bien outillées pour réaliser leurs missions. On sous entend ici l’utilisation des nouvelles technologies de l’information. En tout cas, c’est l’avenir du monde rural qui est mis en jeux, c’est-à-dire on doit œuvrer de manière à ce que l’écart entre niveau de développement des zones de montagnes et zones riches (plaines) soit réduit à 50% d’ici 10 ans et zéro d’ici 20 ans au maximum en termes d’infrastructures de base (route, école, dispensaire...).

Voilà l’objectif qu’on se fixe, car il est impensable que ces agriculteurs continuent depuis des siècles à entretenir ces zones des montagnes, château d’eau du Maroc, sans pour autant bénéficier d’aucune contrepartie. Nous

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sommes partisans de ceux qui réclament une certaine indemnisation des ces pauvres agriculteurs pour le bienfait qu’ils apportent à la population marocaine dans sa globalité. Il est inacceptable de continuer à ce que les zones des plaines du Maroc tirent profit de l’eau des montagnes qui sous entendent les efforts des montagnards dans la restauration des bassins versants par la plantation qui permet de protéger les barrages contre l’envasement sans reconnaissance. Un débat national doit-être ouvert pour le partage des bénéfices tirés par les producteurs des zones des périmètres irrigués, arrosées par les sources de montagnes (Oum Rabii, Oued l’Abid, Oued Sebou…) pour qu’au moins une partie de la plus value soit réinjectée dans l’économie de montagne. C’est cela la solidarité et la complémentarité entre les régions, dont la nouvelle politique de régionalisation avancée est en cours d’être mise en place

En réalité l’organisation des agriculteurs, le renforcement du rôle de la Jmaâ au sein du douar « comité des sages » rendra plus facile l’action du gouvernement. Je veux dire ici qu’il ne faut pas fabriquer des associations ou groupements mais laisser l’initiative aux agriculteurs selon leurs intérêts et objectifs communs et leurs spontanéités. C’est le principe que les animateurs/ techniciens doivent appliquer pour réussir l’agrégation. En fait, les actions de développement des zones de montagnes à mener dans le cadre du PMV, en accord avec les habitants des régions concernées et selon le respect des conditions de durabilité, comprennent des orientations et des recommandations qui doivent impliquer tous les intervenants.

Les premières recommandations concernent le développement au niveau local avec la programmation des projets de recherche-développement à l’échelle de chaque douar. Le second type de recommandations concerne directement la recherche agronomique autour d’un Programme National de Recherche pour le Développement des zones de montagnes. Le troisième niveau de recommandations concerne la Commune Rurale. Il s’agit des actions qui ne sont pas du ressort du développement agricole.

2.1.5.2. Concilier le développement agricole et la gestion des ressources naturelles : Les enjeux du développement durable

La description et l’analyse des systèmes de production doivent donc donner les éléments de connaissance nécessaires pour comprendre le fonctionnement des systèmes de production mais aussi pour définir les orientations à suivre dans l’objectif de favoriser le développement agricole dans des conditions de respect de l’environnement et de gestion rationnelle des ressources naturelles.

a. La conservation des sols

La conservation des sols est un point de relation directe entre les pratiques au niveau des systèmes de production et ses répercussions au niveau de la gestion des ressources naturelles. Les modes de conduite de la céréaliculture

Le système montagnard

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en particulier conditionnent l’état des sols cultivés. Cette situation est illustrée par exemple à Almsid /Aghbala avec des problèmes d’érosion liés aux modes de labour avec la charrue à disques selon des sillons parallèles à la pente. De même, la dégradation de la forêt à Boutferda accentue le phénomène de l’érosion des sols.

La recherche agronomique peut fournir aux différents utilisateurs une gamme de solutions et les moyens de pratiquer une agriculture écologique productive sans contribuer à l’érosion des sols ni à une perte de fertilité. Cela peut se faire par exemple par la recherche de nouvelles séquences de travail avec des outils plus adaptés et des espèces adaptées au milieu.

b. La gestion de l’eau

La gestion de l’eau affecte le développement de l’arboriculture fruitière et au système d’irrigation. Elle est aussi liée à la dégradation de la forêt puisque celle-ci, par perte du couvert végétal, favorise le ruissellement et donc la perte d’eau qui ne va plus alimenter les nappes phréatiques mais favoriser l’érosion, accentuer les problèmes d’inondations, et créer l’envasement des barrages comme celui de Bin Ouidane qui reçoit les eaux du bassin versant d’oued Labid.

Le rôle de la Recherche Agronomique dans ce domaine est donc fondamental. Le centre d’aridoculture de Settat en particulier est appelé diffuser les résultats de ses travaux sur l’irrigation d’appoint, les techniques de valorisation des eaux de crues et des eaux de ruissellement. Le programme de reconversion en irrigation localisée encouragé par le département de l’agriculture dans le cadre du Plan Maroc Vert est une option judicieuse pour éviter les pertes de l’eau. Bien entendu, l’utilisation de la nappe phréatique doit être raisonnée en fonction de ses capacités selon des études hydraulogiques fiables.

c. La gestion de la forêt

La conservation de la forêt est importante non seulement pour la conservation de la biodiversité mais aussi pour la gestion de deux autres ressources, le sol et l’eau. La dégradation de la forêt ou la déforestation totale ont pour conséquence une mise à nu des sols. Ceux-ci, ayant perdu leur couvert végétal protecteur, sont soumis aux effets directs des précipitations et du vent qui sont des phénomènes érosifs d’autant plus forts que les pentes sont plus accentuées en milieu montagnard.

La gestion de la forêt est le point le plus sensible de la situation des systèmes de production en zone de montagnes. Dans l’objectif de concilier les intérêts des populations et la conservation des ressources naturelles, il a été recommandé à ce que les agriculteurs soient des gestionnaires de la forêt parce qu’ils sont bien

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fragiles au Maroc

placés pour le faire, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord et très logiquement, parce qu’ils sont sur place. Ensuite, parce qu’ils ont la connaissance du milieu et enfin, et c’est peut-être le plus important, parce qu’ils sont les utilisateurs immédiats des produits de la forêt, les premiers impliqués dans sa gestion et concernés par ses possibilités d’évolution. Actuellement, ils sont directement touchés par sa dégradation et atteints par sa diminution puisqu’elle affecte directement les potentialités de leur élevage qui est leur principale source de revenus. La recherche peut aussi jouer un rôle à ce niveau en contribuant à la diversification des systèmes fourragers afin de permettre aux éleveurs de nourrir leurs troupeaux sans surexploiter les ressources forestières d’une façon qui compromet leur pérennité.

Les caractéristiques de fragilité des écosystèmes montagnards à cause des pentes qui exposent les sols à l’érosion, de la rigueur du climat (hiver long et froid, violence des vents et des orages d’été), de l’enclavement dû aux difficultés de déplacement dans un milieu au relief accidenté et où la neige empêche les déplacements pendant les mois d’hiver, et enfin d’étroites relations entre état des ressources naturelles et potentialités de l’agriculture et de l’élevage sont communes à toutes les régions montagneuses. Les enjeux qui pèsent sur ces trois ressources sont donc généralisables au niveau du Moyen et du Haut Atlas. Ils représentent les problèmes généraux de gestion des ressources naturelles que sont l’eau, les sols et la biodiversité représentée ici par l’écosystème forestier.

Comme pour les hommes, il y a un besoin urgent de cerner les responsabilités et rôles des femmes par rapport aux hommes au sein des ménages et de la communauté. La connaissance de l’utilisation de leurs emplois du temps facilite la définition des programmes participatifs de renfoncement de capacités des femmes et d’élaboration des petits projets structurants, faisables et respectueux de l’environnement, générateurs de revenus avec un échéancier et des critères d’évaluation des résultats.

2.1.5.3. Implications sur la recherche -développement : axes de recherche- développement et transfert de technologies envisageables

Il est bien évident que la problématique de développement durable des zones de montagnes interpelle tous les acteurs et les opérateurs locaux avec l’appui de la recherche agronomique et des structures de développement à travailler ensemble en concertation et en synergie. Le Plan Maroc Vert offre des opportunités dans ce sens, surtout avec le Centre de Ressources pour le pillier II qui se veut un Groupement d’Intêret Publique (GIP) en appui à la petite agriculture des zones vulnérables.

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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a. Augmenter les ressources en eau en améliorant le système actuel :

L’eau étant la contrainte principale, constitue une préoccupation majeure pour ceux qui s’intéressent au développement local. Il est urgent d’agir pour :

Sensibiliser les agriculteurs à l’irrigation localisée (la subvention atteint ❐

100%).

Lancer des études de faisabilité pour une meilleure valorisation des eaux ❐

de ruissellement à partir des ravins (bassins collinaires, amélioration des dérivations des eaux de crues vers les zones irriguées…).

Promouvoir l’approche participative dans le cadre des projets de ❐

réhabilitation de l’espace montagnard, d’économie d’eau et la conservation des sols et de la biodiversité.

Renforcer les capacités des acteurs. ❐

b. Améliorer les techniques de production du pommier

Le pommier est une culture qui a été introduite il y a un peu plus d’une vingtaine d’années dans la vallée. Les superficies plantées sont de petites espaces parce que les agriculteurs ne veulent pas réduire la production du blé, du fourrage et du maraîchage (pomme de terre). De plus, pour eux, attendre 5 ans pour qu’un verger de pommier entre en production est beaucoup. Ils ont des besoins urgents à satisfaire. Leur manque d’expérience entraîne souvent une utilisation excessive ou inappropriée des intrants, par exemples :

Lutte contre le feu bactérien, qui a attaqué la région en 2010, est ❐

totalement méconnue par les agriculteurs. L’arrachage de l’arbre est quasi- impossible pour l’agriculteur.

Emploi des produits phytosanitaires, achetés au souk, au moment de la ❐

floraison, ce qui a un impact négatif sur les abeilles et la pollinisation.

Technique de taille du pommier n’est pas maîtrisée affectant la ❐

fructification, la vigueur de l’arbre et la qualité du fruit.

Cependant, il y a des agriculteurs éveillés, dont les connaissances et le savoir faire peuvent être exploités dans le cadre de réseau d’échange d’expériences entre les producteurs de pomme au niveau régional. C’est le rôle de la vulgarisation agricole. L’agrégateur peut également organiser des séances de contacts pour échanger les expériences entre les producteurs.

c. Améliorer la fertilisation de la culture de pomme de terre

La pomme de terre a été introduite dans les années 1970, et elle s’est imposée en tant que culture commerciale dans les années 1980. Après des débuts aux résultats très encourageants (toutes les familles l’ont adoptée), on a noté une baisse de rendement depuis une dizaine d’années. Cela est peut être à mettre en relation avec les pratiques de fertilisation. En effet, la pomme de terre est

Le système montagnard

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une plante exigeante en phosphore et en potasse. La présence de bore aussi semble importante. Or, l’utilisation de la fumure animale seule pourrait entraîner un déséquilibre entre les éléments minéraux présents dans le sol. C’est un axe de recherche- développement qui mériterait d’être vérifié par des analyses de sol et des essais de fertilisation.

Quant aux variétés de pomme de terre utilisées par les agriculteurs, elles proviennent de périmètres irrigués du Tadla / Province de Beni Mellal. On peut supposer que ces semences sont adaptées aux conditions de culture de montagnes. Il serait sûrement intéressant de mettre en place un programme de test de variétés adaptées aux zones de montagne.

d. Améliorer la fertilité des vaches

Les enquêtes ont montré que l’intérêt économique de l’élevage bovin résidait davantage dans la vente du veau plutôt que le lait. Dans ces conditions, une productivité faible (1 veau tous les 2 ans) est jugé peu rentable. On note certaines difficultés liées à l’insuffisance des fourrages pour les vaches de race améliorée exigeantes en alimentation, au prolongement de la traite du lait qui rend les périodes de chaleurs peu visibles. Ceci nécessite d’urgence un appui technique de proximité pour aider les femmes à améliorer les performances du bovin.

e. La production de miel

Les marocains sont de grands consommateurs de miel, et ils savent reconnaître la finesse d’un miel de haute qualité. C’est un produit qui se vend cher et certains sont prêts à faire des kilomètres pour en acheter. L’année 2010 a connu l’apparition du feu bactérien. Les agriculteurs soupçonnent les ruches d’abeilles achetés de régions contaminées par cette maladie et introduites dans la région. Un programme de recherche-développement en appui à l’apiculture est recommandé.

f. L’artisanat comme activité génératrice de revenus

Le visiteur sur place sera impressionné par le sens esthétique des gens de la région : mariages de couleurs inédits, façades peintes, décorations diverses sur les murs intérieurs des maisons: décoration des maisons, confection de tapis de tissus par les femmes. On sent, pourtant qu’il y a là un potentiel de créativité important. Les femmes savent tisser mais elles ne le pratiquent pas beaucoup à cause du manque du temps et de l’indisponibilité de la matière première (laine). Encourager les activités des femmes dans le cadre de programme intégré agriculture-écotourisme leur permettra d’assurer un minimum d’autonomie financière.

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g. Développer des labels « montagne»

La pomme, la viande caprine, le blé dur Infnemourgh, la pomme de terre, le miel… sont des produits de terroir de qualité. Les conditions de production répondent aux normes de cultures biologiques et donc susceptibles d’être labélisées Bio. De même, le petit élevage essentiellement de volailles (poulets, dindons et canards) et de lapins est la principale activité des femmes. Il constitue une source de revenus non négligeable. Le poulet beldi local peut-être un créneau important à encourrager au profit des femmes dans cette région.

2.2. Cas du Rif « province de Chefchaouen »

La province de Chefchaouen fait partie de la région Tanger – Tétouan du Maroc. Elle couvre une superficie de 435.000 hectares, soit 14,6% de la superficie de la région. Le cheptel caprin est estimé à plus de 200.000 têtes. Cet effectif a tendance à fluctuer à cause de l’action conjuguée de la diminution des superficies de la forêt (monographie DPA Chefchaouen). Les superficies du cannabis ont diminué de près de 60% (Ministère de l’Intérieur).

L’étude58 réalisée sur le caprin dans la région de Chefchaouen par une équipe multidisciplinaire en 2005 (Carte 3) avait pour objectif d’explorer d’une part, les pistes d’élaboration d’une stratégie concertée et participative pour le développement de l’élevage caprin dans la province et d’établir des mécanismes pour le renforcement de la collaboration, la concertation et la synergie entre les différents acteurs au niveau régional, d’autre part pour élaborer et réaliser ensemble des programmes de recherche pour le développement répondant aux besoins de la population.

58 - Alami N. et al, Quelle stratégie de recherche –développement pour l’élevage caprin dansla province de Chefchaouen – Maroc, Série n° 127 ICRA 2005.

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Carte 3 : Sites chefchaouen

Il est sans aucun doute clair que le développement de la filière caprine au niveau de la province a toujours suscité l’intérêt aussi bien des administrations techniques, représentées par les structures de développement, que les instituts de recherche et d’enseignement et les ONG. Les interventions des structures étatiques dans le développement de la filière caprine font partie des missions assignées à ces structures (encadrement, vulgarisation, campagne de vaccination...), du programme conjoncturel (exemple de la composante de sauvegarde du cheptel, des programmes de lutte contre les effets de la sécheresse), des programmes spécifiques de recherche et aussi des actions dans le cadre de projets de développement rural. Les interventions des ONG ont été dans leur globalité très localisées prenant la forme de projets intégrés, généralement à l’échelle de quelques douars ou simplement entreprendre des expériences pilotes visant uniquement une seule activité, et dont l’effet escompté est de voir ces actions se reproduire à grande échelle dans l’espace.

D’une manière synthétique, toutes les interventions menées par les différents acteurs en vue du développement de l’élevage caprin ont été dirigées vers la production laitière en se limitant à un champ d’action couvrant la zone péri - urbaine et des zones plus ou moins accessibles59.

59 - Idem que 58

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2.2.1. Principales contraintes

Les systèmes de production agricole autour du noyau dur « le caprin » se heurtent à des difficultés liées à la production, à la rentabilité économique et l’organisation professionnelle. Ceci se traduit par la baisse de la production de l’élevage caprin dans la région de Chefchaouen. La Diminution progressive des effectifs du caprin durant les dix dernières années (DPA Chefchaouen, 2005) est due :

à la diminution ❐ des superficies des parcours : Les nouvelles plantations d’arbres fruitiers, conjuguées à l’action de défrichement des espaces sylvo-pastoraux pour la mise en culture ont fortement contribué à la diminution de la superficie des parcours. La forte pression démographique que connaît la région, accentuée éventuellement par le retour à la campagne, est un facteur expliquant cette situation ;

à la diminution des quantités de fourrages fournies par les parcours : ❐

Reboisements par des espèces non fourragères (le pin) ainsi que la mise en défens des espaces pendant plusieurs années ;

au manque de bergers ❐ : Certains éleveurs évoquent que le gardiennage des troupeaux constitue un véritable problème, dû essentiellement d’une part, à l’augmentation du taux de scolarisation des enfants, chose positive à faire valoir en optant pour d’autres alternatives, et d’autre part, du fait que cette activité est considérée comme dégradante et peu rémunératrice ;

à l’augmentation des besoins vitaux de la population poussent les ❐

éleveurs à vendre une partie de leurs troupeaux pour réduire les charges liées à leur alimentation : Le troupeau caprin joue un rôle important dans l’alimentation de la trésorerie des ménages ruraux dont les besoins deviennent de plus en plus croissants.

2.2.2. Formulation des scénarii de développement

Pour l’identification des axes stratégiques d’intervention à proposer en vue du développement de l’élevage caprin au niveau de la province de Chefchaouen, la méthode dite « Scénario de Développement » a été adoptée. Une démarche structurée dont les principales étapes sont :

Identification des principales forces motrices constituant les facteurs ❐

externes sur lesquels les acteurs locaux n’ont ni contrôle, ni possibilité d’action et qui influencent négativement ou positivement sur la résolution de la problématique liée au caprin;

Identification des différents scénarii, résultat de la combinaison des ❐

évolutions les plus probables des forces motrices ;

Formulation des recommandations. ❐

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2.2.2.1. Identification et description des forces motrices

L’identification des forces motrices a été faite de manière participative impliquant l’ensemble des acteurs concernés par la problématique. La combinaison des évolutions les plus probables des forces motrices a permis d’identifier quatre scénarii (Tableau 18).

Tableau 18. Forces motrices et scénarii probables

Forces motrices

Cannabis Marché Appui de l’Etat & société civile

= - = + = +

Scénario 1

Scénario 2

Scénario 3

Scénario 4

= : Situation inchangée - : Baisse + : Augmentation/Amélioration

Source : Etude INRA – ICRA, Chefchaouen 2005

a. La production du cannabis

Stabilisation ❐ : Difficulté de mettre en œuvre la stratégie du gouvernement marocain pour lutter contre cette culture et la faible adoption par les agriculteurs d’alternatives économiquement intéressantes, sont deux facteurs influençant le maintien de la tendance actuelle en termes d’importance de cette culture dans l’utilisation des ressources disponibles (capital et travail). L’hypothèse du maintien de la situation actuelle impacte sur l’environnement (défrichement, érosion…) avec le même rythme et la même intensité. La mise en œuvre de cette stratégie nécessite du temps et les premiers résultats positifs commencent à apparaître avec les programmes de reconversion lancés dans le cadre le du Plan Maroc Vert.

Diminution ❐ : La minimisation de l’importance de cette culture dans les exploitations agricoles de la province peut être favorisée par un ensemble d’interventions : multiplication des efforts, amélioration des conditions de vie de la population rurale de la province, adoption et appropriation par les agriculteurs de nouvelles activités génératrices de revenus, augmentation des investissements publics et privés, amélioration des infrastructures de base, encouragement de projets économiques créateurs d’emploi et enfin poursuite par les autorités locales des mesures déjà entreprises afin de réduire les zones de culture.

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b. La situation du Marché

Statu quo du marché ❐ : Le pouvoir d’absorption du marché local des produis caprins pourrait se maintenir à son niveau habituel. Cette situation résulterait d’une stagnation de la demande des marchés ruraux (souks), destination principale des produits notamment la viande caprine, dont la capacité d’absorption reste très limitée en l’absence d’une stratégie pour élargir la commercialisation vers d’autres zones en dehors de la province. Une situation qui risque de perdurer eu égard du maintien du niveau actuel de la consommation des produits caprins insuffisamment ancrés dans les habitudes alimentaires des ménages au niveau des grandes agglomérations urbaines, et ce malgré son appréciation.

Diminution ❐ : Le marché peut évoluer vers une augmentation du pouvoir d’absorption des produis caprins. Ce cas de figure peut être favorisé par une demande accrue, que ce soit au niveau local ou national, par l’augmentation de la production et l’amélioration de la qualité.

c. L’appui de l’Etat et de la Société civile

Invariable ❐ : C’est-à-dire persistance de la situation actuelle, les interventions agricoles pour le développement du caprin seront caractérisées par la divergence des objectifs et des approches des différents acteurs.

En augmentation ❐ : La promotion de l’élevage caprin dans la province de Chefchaouen pourrait prendre une dimension plus importante et constituer une composante principale des différents projets bénéficiant d’une allocation spécifique et importante des ressources. Cet appui pourrait être très efficace avec des actions coordonnées ayant trait à l’amélioration de la productivité de l’élevage caprin et aussi à l’organisation des groupes bénéficiaires.

2.2.2.2. Description des scénarii

a. Scénario I : Statu quo des systèmes de production, culture du cannabis, option privilégiée des agriculteurs

Les forces motrices indiquent les tendances suivantes : persistance importante de la culture du cannabis dans les exploitations agricoles, stagnation du marché des produits caprins (niveau faible de la demande) et appui faible des structures d’encadrement auxquelles le PMV essaye d’apporter des alternatives. Les impacts probables sur l’élevage caprin sont caractérisés par la stabilisation des effectifs caprins voire même une tendance à la diminution. La productivité reste à un niveau faible à moyen. Les volumes de production stagneront voire diminueront.

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Malgré le renforcement accru du processus de développement de l’élevage caprin, les différentes interventions ne concerneront que les zones accessibles, ne bénéficieront qu’à un nombre limité d’éleveurs. Les seules bénéficiaires probables de cette situation sont les éleveurs producteurs de lait, avantagés par la proximité de la zone urbaine. Ils continueront à accaparer l’essentiel des actions mises en œuvre pour le développement de cet élevage.

Dans ce cas de figure, la filière caprine reste précaire et ne profitera guère de l’amélioration de la rentabilité de l’élevage caprin situé dans les zones éloignées. Les intermédiaires continueront à jouer le même rôle en désavantageant les éleveurs à faible pouvoir de négociation.

Dans l’hypothèse du maintien du même système agricole dans lequel la culture du cannabis occupe une place importante dans les systèmes de cultures, il va sans dire que la dégradation de l’environnement (défrichement, érosion…) va se poursuivre et au même rythme.

b. Scénario II : Reconversion des systèmes de production, réduction des superficies du cannabis et appui de la société civile

Les tendances d’évolution des forces motrices projettent : la diminution des superficies du cannabis, la stabilisation du marché et l’augmentation de l’appui aux structures. De telles éventualités favoriseraient un regain d’intérêt pour cette activité et contribueraient à la stabilisation voire même à une légère augmentation des effectifs caprins et de leurs productions.

Ce scénario connaîtra une certaine dynamique de l’organisation des éleveurs et une valorisation importante des produits caprins (viande et fromage). Il va sans dire que la diminution de la part de la culture du cannabis dans les assolements des exploitations aura des incidences favorables dans le sens d’une réorientation vers le développement de cultures alternatives. Les producteurs agricoles ou non agricoles ayant adopté les innovations en matière de production profitent à bon escient de cette situation. Par ailleurs, le recul de cette activité (cannabis) déclenche à terme un mouvement d’exode rural vers les grandes villes riveraines à la recherche de meilleures opportunités d’emploi.

c. Scénario III : Vers l’amélioration de la productivité des cultures et de l’élevage et de leurs retombées positives.

Les forces motrices évoluent de la manière suivante : les superficies du cannabis restent constantes, le marché évolue favorablement (les éleveurs tireront profit des prix offerts) et l’appui en matière de recherche-développement augmente. Compte tenu de la multiplication des efforts déployés par les structures pour dynamiser l’essor de l’élevage caprin, conjuguée à une appréciation du marché en termes de demande, davantage d’éleveurs installés dans des zones plus ou moins accessibles bénéficieront des services d’encadrement et d’appui des différents programmes de développement.

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Ceci favorise une stabilisation et probablement une légère augmentation des effectifs de caprins, une amélioration nette de la productivité et par conséquent une augmentation sensible de la production. L’organisation des éleveurs est effective avec une tendance vers une plus grande valorisation des produits caprins pour profiter des opportunités de commercialisation engendrées par l’évolution favorable du marché. Quant à l’impact sur l’environnement, du fait que la culture de cannabis continue à occuper une place importante au niveau des exploitations, la dégradation se poursuit au moins au rythme actuel.

d. Scénario IV : Vers une agriculture économiquement et écologiquement saine et durable.

C’est le scénario le plus optimiste. Si toutes les actions prévues dans le cadre des Plans Agricoles Régionaux du Plan Maroc Vert sont exécutées avec succès. La superficie du cannabis diminuera, le marché évoluera favorablement et les appuis visant le développement de l’activité augmenteront. Ce scénario peut être considéré comme une évolution du scénario III avec le recul des superficies du cannabis.

Les évolutions bénéfiques des trois forces motrices entraînent une légère augmentation des effectifs du caprin et une amélioration nette de la productivité. Les éleveurs seront plus organisés avec une orientation vers une valorisation de plus en plus importante des produits caprins. Par rapport à cette situation, les producteurs ayant adopté des innovations verront leur position se renforcer. Dans l’hypothèse d’une diminution des superficies du cannabis, la dégradation de l’environnement sera moins intense. Le secteur touristique (écotourisme) en profitera amplement et entamera une phase dynamique de développement local.

Ainsi, l’organisation de la commercialisation est un aspect capital dans la mesure où elle permet de diminuer les coûts de transaction, d’éviter les intermédiations qui amenuisent les marges bénéficiaires des éleveurs. On parle alors d’un modèle d’agregation réussi.

2.2.3. Mesures pour accompagner les scénarii positifs et éviter les scenarii négatifs

2.2.3.1. Transfert du progrès technique

La gamme de solutions proposées par la recherche agronomique (Offre de l’INRA au PMV)60 se base sur un éventail d’options d’amélioration offertes aux agriculteurs. La validité de ces options doit être vérifiée par l’agriculteur lui-même dans les conditions spécifiques de son exploitation. On parle d’une

60 - Offre INRA en technologies pour accompagner le Plan Maroc Vert, INRA édition avril 2009.

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approche holistique, c’est-à-dire que les nouvelles options d’amélioration, introduites de manière intégrée, prennent en compte le système de production dans son ensemble. Par exemple, une nouvelle pratique de prophylaxie peut également nécessiter de nouvelles options d’hygiène, d’habitat et de conduite d’animaux61.

2.2.3.2. Amélioration de l’efficacité de la Filière de la viande caprine

Il faut souligner que toute stratégie visant à promouvoir l’élevage caprin extensif destiné à la production de viande, doit considérer à sa juste valeur l’utilisation des ressources disponibles (capital et travail) par les éleveurs. Cette activité fait partie de la stratégie des éleveurs dans un milieu hostile et à risque élevé. De plus, le rôle dévolu à cette activité a un caractère multifonctionnel.

En plus de leurs aptitudes d’adaptation et d’exploitation d’un milieu fragile et complexe et des ressources forestières disponibles, les caprins permettent d’assurer des liquidités assurant ainsi une trésorerie disponible pour l’agriculteur - éleveur. La vente des caprins offre des possibilités d’épargne pour réaliser des investissements tout en garantissant une source de sécurité financière permettant une prise de risque sur d’autres activités. Dans cette optique et dans un souci d’assurer l’efficacité et l’efficience des interventions futures ou en cours. Les options potentielles à privilégier dans une stratégie de développement de ce type d’élevage doivent considérer certaines pistes d’amélioration ayant trait aux aspects d’optimisation de la production, de l’organisation des éleveurs et de la commercialisation. L’élevage extensif a des aptitudes réelles pour générer des réponses favorables à des interventions ciblées dans le cadre de programme d’intervention. De réelles marges de manœuvre pour améliorer la productivité de ce type d’élevage : existence d’un substantiel rendement d’échelle croissant.

Concrètement, toute action visant l’amélioration des paramètres techniques de la productivité du caprin doit s’inscrire dans une démarche de recherche-action permettant une large diffusion des techniques. Une telle entreprise ne pourra se concrétiser efficacement qu’à travers une réorientation des techniques de vulgarisation et des processus conventionnels de transfert de technologie vers le renforcement d’une approche d’apprentissage par l’action avec des groupes de femmes et des jeunes appuyés par des conseillers agricoles qualifiés (T.Doefer, 2005).

2.2.3.3. Amélioration de l’efficacité des intervenants

Dans le but d’améliorer l’efficacité et l’efficience de toutes les interventions, les différentes contributions des structures en matière d’appui au développement

61 - Alami N. et al, Quelle stratégie de recherche –développement pour l’élevage caprin dansla province de Chefchaouen – Maroc, Série n° 127 ICRA 2005.

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de l’élevage caprin doivent s’insérer dans le cadre d’une stratégie d’intervention commune, claire et ciblée. Cette stratégie doit passer inévitablement par l’élaboration d’un plan stratégique global définissant les grandes lignes d’intervention. Sa mise en œuvre nécessite le développement d’un partenariat concerté au sein duquel toutes les parties prenantes s’engagent à réaliser un plan opérationnel d’intervention en vue d’un développement durable de l’élevage caprin dans la province de Chefchaouen. Le Plan Agricole Régional doit intégrer impérativement ces aspects.

2.3. Cas du Rif occidental « Provine de Taounate »

La province de Taounate est située dans la partie septentrionale du Royaume, au sein de la région économique Tanger - Tétouan - Al Hoceima. Elle s’étend sur une superficie de 5.585 km2. La population totale de la province est de 628.840 habitants dont les ruraux sont au nombre de 576.566 habitants, soit 91,6% de la population totale. Son habitat est dispersé à travers plus de 1600 douars. Son économie est basée essentiellement sur l’agriculture et l’élevage, sources principales d’emploi en faisant travailler 81,1% de la population active (RGPH, 1994).

Dans cette région, la problématique de développement se heurte au problème de la culture du cannabis, dont 3000 hectares ont été rasés et un vaste programme de plantations de 600.000 oliviers et caroubiers a été lancé62. Les activités agricoles à elles seules ne peuvent pas assurer aux populations rurales la satisfaction de leurs besoins qui s’assimilent de plus en plus à ceux des populations urbaines. D’où la nécessité de diversifier les sources de revenus dont le salariat et le petit commerce.

2.3.1. Stratégies des agriculteurs

L’étude réalisée par une équipe de chercheurs dans la province de Taounate63 (Carte 4) a montré que les pratiques des agriculteurs se caractérisent par l’intégration «agriculture / élevage ». L’intégration entre les différents éléments du système de production se traduit par l’utilisation des résidus des cultures par les animaux qui fournissent à leur tour du fumier et sont utilisés dans les opérations de labour, de battage, de transport, etc. L’examen du calendrier fourrager et agricole permet de rendre compte de cette situation. Il explique certaines décisions ou pratiques de l’agriculteur dans la conduite technique des cultures64.

62 - Taounate : la lutte contre la culture du cannabis s’intensifie, l’économiste du 21 juin 201163 - Ahlonsou R. et al, l’olivier et les systèmes de production des zones de montagnes de Taounate. ICRA, Série n° 82, Maroc - 1999. 64 - Idem que 63

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Carte 4 : Sites études province Taounate

Les superficies des légumineuses alimentaires sont en régression. Cultivées en alternance avec les céréales, elles représentent 25 à 30% de la superficie de l’exploitation agricole dans la province de Taounate65. La récolte de la fève est utilisée pour l’alimentation humaine et pour l’engraissement des animaux. Celles du pois chiche et de la lentille sont destinées à l’autoconsommation familiale. Les excédents de récoltes de ces cultures sont vendus à l’état sec pour couvrir certains besoins de la famille et alimenter la trésorerie de l’exploitation.

L’INRA dans le cadre de la Programmation par Objectif (PPO) a tiré les sonnettes d’alarme sur ce secteur stratégique et important pour l’économie rurale dans les systèmes de rotation de culture et l’alimentation des animaux. En effet, les emblavements ont diminué de 0,75% par an et le rendement de 1,8% alors qu’on assiste à une croissance démographique de 2,5% par an (Collion et Kissi 1994). D’où la question posée aujourd’hui sur la stratégie à adopter pour faire progresser la production des légumineuses alimentaire et améliorer leur rentabilité. La réponse doit être apportée dans l’évaluation des premiers résultats des Plans Agricoles Régionaux mis en œuvre.

65 - Kradi C. et al, systèmes de production des légumineuses alimentaires dans la région de Taounate, INRA- GTZ, avril 1999, p. 33

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La jachère, bien que rare, est une pratique traditionnelle de gestion de la fertilité des sols, qui permet aussi à certains agriculteurs d’alimenter leur bétail. L’introduction de l’orge fourragère dans l’assolement témoigne du souci de l’agriculteur d’assurer non seulement ses propres besoins de consommation, mais aussi ceux de son troupeau. Les céréales fournissent l’essentiel de l’alimentation des animaux grâce à l’utilisation des variétés de blé qui, en plus des grains, produisent suffisamment de paille66.

En cas de surplus de production, une partie des revenus engendrés par la vente des produits agricoles est destinée à l’achat d’animaux qui seront engraissés et revendus à l’approche de la fête du sacrifice ou pour reconstituer le troupeau. Le reste est destiné à la satisfaction des besoins du ménage ou au financement des activités agricoles pour la campagne suivante.

Etant en zone de montagnes très accidentée, donc d’accès difficile, les équidés jouent un rôle important dans les travaux culturaux, la transformation des produits agricoles (maâsras), mais surtout dans le transport. En effet, les équidés facilitent l’écoulement des produits agricoles vers les différents souks hebdomadaires, ce qui explique la présence des mulets et des ânes au niveau de la majorité des exploitations. En plus de la force de travail, les animaux fournissent à l’agriculture du fumier. Dans les étables, les déjections sont régulièrement ramassées pour la fertilisation des sols ou pour la production d’énergie67. L’élevage sert pour certains agriculteurs de trésorerie sur pied, dans laquelle ils prélèvent en cas de besoin pour financer les travaux culturaux ou pour faire face aux dépenses du ménage.

Cependant, en dehors de cette complémentarité, on note une certaine concurrence entre ces deux activités. En effet, les cultures fourragères sont délaissées au profit des cultures céréalières pour garantir les besoins d’autoconsommation familiale surtout chez les petits agriculteurs. Ainsi, les animaux sont privés d’une source d’alimentation surtout avec l’amenuisement des forêts et des parcours d’une année à l’autre dans la région. Le recours à la main d’œuvre féminine lors des périodes de pointe pour les travaux agricoles (moissons surtout) pousse les femmes de délaisser les animaux dont elles ont la charge et/ou les confient aux jeunes enfants démunis pour faire face aux problèmes qui peuvent survenir dans le troupeau (pertes, accidents…).

66 - Ahlonsou R. et al, l’olivier et les systèmes de production des zones de montagnes de Taounate. Série n°82, Maroc - 199967 - Idem que 66

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2.3.2. Diversités des revenus des agriculteurs

Les activités extra-agricoles se caractérisent par leur nature saisonnière (travaux agricoles) voire inconstante (travaux de bâtiments). Lors d’un entretien semi-structuré à El Ourtzagh avec un groupe de jeunes ruraux lettrés, ces derniers ont émis le souhait de disposer d’une fiche technique sur la conduite du cannabis. Pour ces jeunes, les systèmes de production basés sur la production et la transformation des olives, des céréales, des légumineuses alimentaires et de l’élevage ne permettent pas de subvenir aux besoins croissants des ménages68.

Des efforts importants de lutte contre la mise en culture du cannabis ont été lancés depuis les années 90 : ainsi, des campagnes de sensibilisation et d’information des ruraux ont – été lancées pour empêcher de cultiver cette culture à proximité des barrages, des étangs et des espaces forestiers en raison des effets négatifs sur l’environnement. Selon les autorités locales, cette campagne (2010-2011) a permis de venir à bout de superficies cultivées en cannabis estimées à 4.000 hectares, situées dans 19 communes rurales limitrophes de la région de Ketama et Chefchaouen. La région représente 20% de la production totale de cannabis, soit 10.000 tonnes par an, pour 27.000 hectares environ. Cette activité implique quelques 136.000 personnes69.

2.3.3. Rôle de la femme : un atout pour une meilleure valorisation des produits de terroirs

La valorisation des productions agricoles doit passer par l’organisation des agriculteurs en groupements. L’agrégation autour de la filière oléicole préconisée par le Plan Maroc Vert constitue une alternative et une solution. La femme requiert un rôle primordial, et doit être impliquée dans le processus de développement des filières (Tableau 19).

Tableau 19. Calendrier général des activités de la femme montagnarde.

Mois

Activités

Jan. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.

EbranchageBois de feu

DésherbageMoissonElevageTravaux ménagers

68 - Kradi C. & Boujnah, Ourtzagh – Taounate (non publié) 1999. 69 - Mahjoub R., Taounate s’attaque à la culture de cannabis, 2005

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La femme travailleuse et porteuse de moyens d’existence continue à souffrir de l’analphabétisme (Nassif F.). Dans le meilleur des cas, les plus actives des femmes rurales sont considérées comme étant des aides familiales. Selon le rapport du développement humain 2005, la catégorie « aide familiale » s’applique à 85% des femmes rurales actives du pays, (PNUD – Maroc 2006). Les constats sur le terrain en zone de montagnes, d’oasis et des parcours (zones marginales) pour les femmes marocaines sont caractérisés par l’analphabétisme et l’exclusion sociale.

Il faut promouvoir les associations féminines pour valoriser leurs efforts et tirer profit des opportunités économiques offertes par les souks hebdomadaires. Les femmes ayant un niveau de scolarité acceptable, c’est-à-dire, sachant lire et écrire, contribuent à la constitution d’un environnement propice pour la réussite de leurs enfants dans la vie scolaire et leur ouvrent le chemin de la vie professionnelle. Le renforcement des capacités des femmes est une question vitale pour le développement de la société marocaine dans son ensemble.

2.3.4. Savoirs locaux

Les savoirs locaux agricoles se développent et se transmettent entre agriculteurs à l’intérieur des douars de génération en génération. Cette dynamique couvre plusieurs domaines de la production agricole, du stockage et de la transformation agroalimentaire. A titre d’exemple, l’ancienne pratique de la multiplication de l’olivier par le greffage sur l’oléastre, la traditionnelle méthode de trituration des olives vertes en huile alouana70, la confection des maâsras à l’aide de matériaux locaux, le stockage et la conservation des produits agricoles, etc. Pour un développement durable des systèmes de production, il serait bénéfique d’entreprendre des recherches pour évaluer ces connaissances endogènes et le savoir-faire des agriculteurs afin de les améliorer pour mieux les valoriser. Ceci suppose une bonne coopération entre la recherche, la vulgarisation et les agriculteurs.

2.4. Cas du Haut Atlas (Vallées Anougal et Imintala)

La vallée Anougal /Province de Marrakech (Carte 5 ) se situe en Haut Atlas à des altitudes allant de 800 à 2000 mètres. Le gradient d’altitude suppose un gradient de température et de précipitation ayant une influence sur les activités agricoles axées sur l’élevage ovin-caprin, le noyer, l’orge, le blé et surtout la pomme de terre.

Quant à la vallée d’Imintala / Province de Marrakech , elle se situe à environ 1400 mètres d’altitude. La forêt est constituée du chêne vert, du pin de canaris,

70- Huile tritutée de noix d’olive chauffés .

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du genévrier, de l’armoise et du thym. Les activités agricoles montrent une forte intégration agriculture – élevage (ovin, caprin, céréales, maraîchage et pommier).

Carte 5 : Sites étudiés dans le Haut Atlas, Province de Marrakech

Les disparités entre les familles sont analysées selon le concept de l’Unité de Production Familiale (UPF). C’est l’ensemble des personnes qui consomment et travaillent à partir des mêmes ressources et qui sont représentées par un chef de famille. Une UPF peut regrouper plusieurs ménages de la même lignée ayant droit à l’accès à l’eau. Les enquêtes réalisées ont révélé une grande diversité des UPF, laquelle diversité peut être expliquée selon le niveau d’accès à l’eau71.

L’accès à l’eau à partir de la source est réservé selon le droit coutumier aux membres des lignages fondateurs du Douar. Donc, ces UPF ont la possibilité de diversifier leurs activités agricoles. Les familles n’appartenant pas à ces lignages ou nouvellement installées dans le Douar n’ont pas accès à l’eau mais ont la possibilité d’acheter le droit d’usage de l’eau chez les ayant droits ne disposant pas de terre. On rencontre aussi des UPF qui n’ont qu’une portion de droit d’eau, situation résultant le plus souvent d’un morcellement des droits d’eau par succession de l’héritage.

Il est à rappeler que les membres des lignages fondateurs ont la priorité d’acheter l’eau. Cela leur permet d’accumuler plusieurs tours d’eau. Ces UPF regroupent parfois plusieurs ménages qui se partagent les tours d’eau.

71 - Etude CNEARC – INRA – CT Amezmiz, Haut Atlas, 2000

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Par ailleurs, certaines personnes externes au village et possédant des moyens financiers ont pu acquérir des droits d’eau sur la source en même temps qu’ils achetaient des terres et parfois des oliviers.

2.4.1. Catégories des agriculteurs

Trois groupes d’agriculteurs ont été identifiés72 selon trois critères déterminants: la superficie de l’exploitation, les activités agricoles et le revenu de l’exploitant. Ils se présentent comme suit :

2.4.1.1. Groupe des pauvres

C’est le groupe ayant moins d’un hectare et sans accès aux ressources (eau, financement…). Il est constitué par des ménages (ou «canoun» = un couple avec enfants), dont le revenu est constitué des recettes de la vente du caprin et le travail à l’extérieur de l’exploitation contribuant par leurs émoluments ou pécules au budget de la famille. Ce groupe ne dispose pas d’autosuffisance en céréales et en orge surtout, ne produit en moyenne que le 1/3 de ses besoins et s’approvisionne au marché pour le reste. Il se situe en dessous du seuil de pauvreté estimé à environ 20.940 DH/an pour un ménage moyen en milieu rural de 6,4 membres, soit 3272 dh/personne/an (HCP, 2004). Le seuil de pauvreté est une ligne évaluée en dirham marocain, en dessous de laquelle l’individu est considéré pauvre, c’est-à-dire ne parvient pas à satisfaire ses besoins fondamentaux73.

La situation de ce groupe est précaire. L’agricuteur essaye par tous les moyens de diversifier ses activités rémunératrices non dépendantes des aléas climatiques tel que le petit commerce. Le risque pour ce groupe est grand : perte de ses moyens dérisoires de production (vente des terres) et exode rural.

2.4.1.2. Groupe des vulnérables

Ce groupe est relativement autosuffisant mais en situation fragile. Il dispose de 1 à 2 hectares de terres avec accès à l’eau de source pour l’irrigation du maraîchage, de la luzerne et de l’olivier destiné au marché. L’orge satisfait les besoins alimentaires de la famille et du bétail constitué essentiellement d’une à deux vaches et une vingtaine de têtes de caprins. Le seuil de pauvreté est tout juste dépassé grâce aux revenus de l’émigration variant entre 25 et 30.000 DH/an. Du fait de la fragilité des systèmes de production, surtout en années difficiles, et faute d’épargne, ce groupe d’agriculteurs peut basculer dans le groupe des pauvres.

2.4.1.3. Groupe des familles pourvues en moyens

Les activités de ce groupe disposant de superficie allant de 2 à 4 hectares sont focalisées sur l’élevage, constitué généralement de 3 à 5 vaches de

72 - Idem que 7173 - Zarra Y., Pauvreté, approches et mesures : cas du Maroc, mai 2005, p. 11

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races améliorées et environ 100 ovins/caprins, qui assure la plus grosse part de ses revenus. Ce groupe a une bonne capacité à atténuer l’effet des aléas climatiques par la diversification de ses activités. Il possède des maâsras et fait de la trituration pour les tiers moyennant le paiement en huile au prorata (quantité d’olive triturée). Les membres de ce groupe disposent de relations avec le marché. Les échanges entre les agriculteurs se font par des travaux d’entraide selon une organisation appelée « touiza » pour réaliser des travaux en commun tels que le labour, et la moisson. Ce groupe a la possibilité de faire de l’épargne et d’investir au sein de l’exploitation ou en dehors de l’exploitation notamment dans le bâtiment.

Selon l’étude74 d’Imintala, une des principales source de revenus des agriculteurs est la transformation des écorces de racine de noyer. Cependant, cette activité qui pose d’énormes problèmes de la préservation du noyer constitue une source de recettes pour le chef de l’exploitation. L’opération consiste à retirer l’écorce de la racine et l’enrouler sur un petit morceau de bois pour la revendre dans les souks avoisinants comme « produit cosmétique traditionnel» appelé localement «souak», permettant aux femmes de blanchir les dents et de colorer les gencives. Souvent, l’acheteur est un vendeur ambulant ou l’épicier du Douar.

2.5. La montagne : des potentialités sous exploitées à bon escient

2.5.1. La multifonctionnalité de l’agriculture : un atout à exploiter pour promouvoir le développement participatif local

L’étude réservée aux rôles de l’agriculture marocaine a généré des informations extrêmement importantes sur les externalités positives des communautés rurales dans les zones de montagnes75. Le cas de la contribution de l’agriculture à l’entretien et au façonnement du paysage en zones de montagnes du Haut Atlas occidental montre que l’agriculture produit de multiples externalités environnementales positives (plantation de rosacées, aménagements hydro-agricoles, conservation in situ du patrimoine génétique local…) dont les valeurs qui leur sont attribuées par les chercheurs en agro-écologie et en économie rurale sont hautement significatives. D’où la nécessité d’élaborer des politiques spécifiques permettant de les valoriser de façon systématique et durable dans le cadre des projets de développement en cours (INDH, PMV). C’est une occasion réelle pour accorder la place qu’il faut aux rôles que jouent les montagnards et les oasiens dans la gestion de l’eau, du sol et de l’agro-biodiversité.

La pression démographique n’est pas toujours un mobile de taille induisant la dégradation des ressources naturelles. La présence humaine intense, bien

74 -Etude CNEARC – INRA – CT Amezmiz, Haut Atlas, 200075 - Moussaoui M. et al, Analyse socio-économique des rôles de l’agriculture et conséquences en matière de politiques

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organisée et responsable est souvent le garant et le protecteur de la nature par l’entretien du paysage. Avec la charte de l’environnement, la prise en considération de la dimension systématique des activités agricoles et de développement des filères agricoles nous laisse optimistes quant à l’avenir du développement durable.

Ainsi, la redynamisation du mouvement associatif autour des savoirs locaux et des modes traditionnels de gestion des terroirs est un préalable à la réussite des projets de recherche-développement participatif visant l’amélioration des revenus des ruraux et de leurs conditions de vie et, par conséquent, la stabilité sociale. Dans ce sens, l’approche participative doit être vue comme une alternative de mobilisation et de responsabilisation des ruraux autour de la Jamaâ (comité des sages) dans la gestion des terroirs.

La question de la production des externalités bénéfiques pour le paysage marocain et la protection des ressources naturelles (cas des agriculteurs montagnards, oasiens et pastoraux) et celles ayant des effets négatifs sur l’environnement et l’homme en termes d’intensification non raisonnée des cultures, de pollution des eaux (cas des agriculteurs des plaines) est soulevée. En effet, le débat doit permettre d’aboutir à des recommandations pratiques pour encourager ceux qui jouent leur plein rôle « de protecteur de la nature » dans des conditions difficiles.

2.5.2. L’agriculteur innovateur : une richesse pour le développement local et le transfert du savoir faire

L’expérience vécue sur le terrain montre que les rapports entre l’agriculteur et les acteurs de développement sont tâchés d’ambigüité traduisant dans la majorité des cas des comportements antagonistes. Souvent, le dernier mot revient aux Chercheur/Développeur/Vulgarisateur pensant qu’ils détiennent toutes les solutions aux contraintes posées. Pourtant, l’agriculteur innovateur, expert de son exploitation, cède au débat et se soumis aux idées des techniciens en pensant tout simplement que ces représentants de l’Etat viennent avec l’argent/ subventions…Malheureusement, ce style de relation persiste encore à nos jours, et qui semblent être parmi les causes de l’échec de l’intervention agricole.

Pour enrichir le débat, on pose les questions suivantes : comment faire pour que l’approche participative, sans démagogie, soit institutionnalisée et équilibrée dans les rapports de forces entre le technicien et l’agriculteur ? L’agriculteur au centre des considérations et le technicien facilitateur : limites et portés ? La reconnaissance de l’agriculteur expert comme instrument de développement durable n’est-elle pas la piste à privilégier dans la conception et la mise en œuvre des programmes de développement?

On ne pense pas que les objectifs fixés pour l’agriculture solidaire « pilier II » dans le cadre du Plan Maroc Vert seraient atteints si on ne clarifie pas les relations entre les différents acteurs (chercheurs, techniciens…) et l’agriculteur. On n’a plus le temps aujourd’hui à perdre, car beaucoup de projets et de

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programmes d’intervention ont échoué parce que tout simplement les projets conçus ont été incompatibles culturellement et territorialement avec les aspirations des agriculteurs.

En fait, les zones de montagnes ont été toujours marginalisées dans les programmes de développement. Elles connaîssent aujourd’hu un regain d’intérêt et une prise de conscience des décideurs politiques sur l’urgence de protéger et développer les moyens d’existences des populations qui y vivent. Le Plan Maroc Vert est dans ses débuts. Il a créé des attentes que ces populations souhaitent voir se concrétiser.

Certes, pour aboutir à des résultats positifs, il faut absolument s’appuyer sur l’homme, son savoir-faire et ses usages locaux pour la programmation des actions de développement. La recherche-développement peut aider à mieux comprendre les besoins de populations. C’est la motivation principale pour moi qui m’a poussé à prendre le cas d’un montagnard (Moha) comme un cas général pour justifier qu’on ne peut pas continuer à travailler sans prendre en considération la richesse en ressources humaines.

2.5.2.1 Comment un simple agriculteur devient un véritable développeur / conseiller agricole

a. Profil historique

Il s’agit d’un agriculteur/ chauffeur76, vivant dans l’un des villages perchés du Moyen Atlas où il s’est forgé une riche expérience au fil du temps qu’il met au profit des agriculteurs de la région. Ses armes sont : les mains, le cerveau et la volonté. Il est recherché par tout preneur de terre pour mettre tout en ordre (les plantes, l’irrigation, l’élevage, les puits…). C’est une personne hors du commun. incarnant une extraordinaire expérience. En plus de ses capacités techniques, ses qualités humaines et communicationnelles font de lui un homme au service de la communauté locale. Cet homme, fils d’agriculteur et agriculteur lui-même, je l’ai connu en 1997 à l’occasion d’un travail de recherche que j’avais initié et réalisé avec une équipe multidisciplinaire et multi-institutionnelle INRA – ICRA sur le thème « Quelles recherches pour le développement des zones de montagnes au Maroc : cas de 3 Communes Rurales du Moyen Atlas» dans une zone enclavée du Moyen Atlas Central / Aghbala – Tizinisly /Cercle Laksiba/ Province de Beni Mellal. Il était le chauffeur de l’équipe qui conduisait un véhicule tout terrain, et je voyais comment il se débrouillait pour nous amener aux sites de l’étude. Il est aujourd’hui en retraite mais contenu à travailler sur le terrain. Grâce à lui, une centaine d’hectares ont été aménagés, plantés et irrigués en goutte à goutte… Il a beaucoup appris des vulgarisateurs du Centre de Travaux Agricoles dans lequel il exerçait comme chauffeur et a accumulé une grande expérience.

76- Agent de support de Centre de Travaux Agricoles d’Aghbala (Moha A.). Il est aujoud’huit supervi-

seur/gestionnaire/conseiller de plusieurs fermes modernes dans la région.

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Son cas m’a inspiré et m’a donné l’envie de rédiger cette partie en reconnaissance à ce petit agriculteur simple qui devient au fil des années une personne ressource en agriculture. C’est un cas à méditer et à prendre comme symbole de la richesse que renferme les zones de montagnes en termes de savoir-faire et connaissances endogènes, en expertise innée locale. A travers ce personnage, je tente de montrer aux lecteurs que le capital humain, indépendamment de la marginalisation et de l’exclusion sociale, constitue une opportunité et un atout à préserver et à développer pour un développement durable des systèmes de production montagnards.

Profil historique de Moha

Age : 60 ans

Niveau scolaire : CE 3

Fils d’agriculteur :

Aide son père (BD, orge, pomme de terre, oignon : irrigation à partir de la ❐

Source d’eau…).

Travail saisonnier à Elksiba comme aide pépiniériste dans le traçage des ❐

nouvelles plantations de rosacées

1979 : Recrutement aux Eaux et Forêts :

Traçage des périmètres de boisement (genevrier, chêne vert) et caporal ❐

d’équipes d’ouvriers de plantations forestières dans les sites suivants : Boumia (75 has), Tizinsly (30 has) et Oued labid Warin (50 has) avec un taux de réussite de 100%.

1983 à 1986 : Intégration du CT d’Aghbala / SC de Tizinily

Tractoriste : prestation de service pour l’opération labour ❐

Participation à la lutte anti-acridienne en qualité de responsable du ❐

pulvérisateur.

1996 : Participation à la mise en place de la première exploitation moderne du pommier à Tizinisly

1998 – 2011 : Spécialisation dans l’installation de la goutte à goutte dans la région et installation des verges de rosacées.

Encadré 8 : source enquête KRADI, 2011

b. L’Impact socio-économique et environnemental

On entend beaucoup parler d’un énorme manque d’infrastructures de bases (routes, réseaux d’électricité, adduction d’eau potable…). Mais d’un autre côté, le monde rural (particulièrement dans les zones fragiles et pauvres) souffre d’une pénurie de professionnels et de travailleurs qualifiés et, a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée et compétente, capable de contribuer au développement de l’économie de manière productive, d’où, l’urgence de valoriser les compétences, les expériences et les savoirs locaux et d’investir dans le capital humain.

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b1. Impact socio-économique

Le cas du personnage pré-cité est un cas intéressant. Il démontre à quel point, le capital humain est source de la croissance économique au niveau local. En participant à la reconversion des cultures annuelles (céréales) à l’arboriculture fruitière dans une zone de montagnes où toutes les conditions sont favorables pour les plantations, on contribue systématiquement à l’amélioration des revenus des agriculteurs (cf. sous point b1, point 2.1.3.3, chap. 3). En examinant son parcours en constate que durant 1996 - 2011 a contribué à la spécialisation de sa région dans l’arboriculture fruitière dans les deux CR de Tizinisly et Aghbala. Les efforts de Moha sont illustrés par l’encadré suivant:

Sur 60 exploitations équipées en goutte à goutte, 10 ont été travaillées ❐

par Moha, soit l’équivalent de 60 hectares sur 300 has dans la CR de Tizinisly (20%).

Sur 34 exploitations équipées en goutte à goutte, 11 ont été travaillées ❐

par Moha, soit l’équivalent de 19 hectares sur 64 has dans la CR d’Aghbala (30%).

Encadré 9 : Enquête KRADI, 2011

b2. Impact environnemental

Grâce à l’extension des plantations et aux installations des techniques économes de l’eau (irrigation localisée), on produit des externalités positives sans que l’acteur soit récompensée.

Parmi ces externalités, on peut citer la beauté du paysage qui profite aux opérateurs touristiques par la valorisation de l’écotourisme, la réduction de l’érosion des sols et leur impact sur l’environnement en général et les barrages

Photo (Kradi C.) 8 : Verger pommier et prunier à Tizinisly .

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en particulier. ces derniers irriguent les cultures à haute valeur ajoutée destinées à l’exportation dans les plaines marocaines. L’économie de l’eau qui a des répercussions sur la pérennité des eaux de surfaces et souterraines et le maintien des populations sur place est un grand chantier lancé par le département de l’Agriculture auquel de nombreux agriculteurs adhérent.

L’exemple de l’apiculteur qui profite de la proximité de l’arboriculteur, obtenant un miel de bonne qualité qu’il commercialise à un meilleur prix. L’arboriculteur ne reçoit pas de récompense pour le service indirect qu’il a rendu à l’apiculteur. Il s’agit là d’une externalité positive. En contre partie, l’arboriculteur profite de la pollinisation de ses arbres fruitiers sans rien payés. L’externalité est positive dans les deux sens77.

77 - Capital humain – wikpédia, Célèbre exemple de James Meade, 1952

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Conclusion du chapitre III

Les recommandations ainsi proposées ont enrichi le débat sur la question de développement durable des zones de montagnes, particulièrement en ce qui concerne l’élaboration des opérations de recherche et de recherche –développement dans le cadre de la programmation régionale de la recherche.

Toutes les études réalisées sur les systèmes de production montagnards ont tiré la sonnette d’alarme sur les externalités négatives (défrichement, pompage excessif…) portant préjudices à la durabilité écologique et socio-économique des zones étudiées. Ces informations sont nécessaires et très utiles à exploiter pour la mise à niveau des zones pauvres enclavées dans le cadre des différents programmes de développement projetés pour les prochaines années. Les objectifs sont aujourd’hui clairs plus que jamais ; il n’y a pas de Maroc utile et Maroc inutile. Chaque région, chaque localité et chaque terroir doit bénéficier des efforts consentis par l’Etat et apporter sa contribution pour le développement durable.

Le socle de l’activité économique pour les montagnards est l’agriculture et ses liens avec la valorisation des produits de terroirs, l’entretien du paysage et le développement de l’écotourisme. En fait, la reconnaissance de l’agriculture solidaire « Pilier II » par le gouvernement marocain est une reconnaissance du Maroc profond, de ses diversités, de ses difficultés, de ses atouts et de ses potentialités. Les moyens mobilisés par l’Etat à cet effet témoignent de la volonté politique d’aller de l’avant pour rehausser le niveau de vie des communautés montagnardes et améliorer leurs moyens d’existence.

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Photos (CRRA Oujda) 9 et 10 : Parcours de l’oriental marocain.

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Chapitre 4 Zones arides et semi - arides

IntroductionLa caractérisation des systèmes de production agricoles arides et semi-arides

a pour finalité la compréhension du fonctionnement et la dynamique de ces écosystèmes vulnérables ayant des conséquences socio-économiques et environnementales néfastes sur les agriculteurs et leurs environnements. Dans ce qui suit, nous présentons les grands traits de ces écosystèmes, leurs évolutions et les voies d’amélioration à travers des programmes de recherche-développement identifiés sur la base des diagnostics participatifs.

I. Cas de la plaine des Rhamnas

Dans les zones semi-arides et arides à faible pluviométrie (200 mm/an) et dans le but d’appuyer la région des Rhamnas à élaborer son Plan Agricole Régional du Plan Maroc Vert, un diagnostic participatif a été réalisé sur les systèmes de production dans les Communes Rurales (CR) Labrikyine & Tizmarine (Carte 6) par une équipe multidisciplinaire78 de chercheurs. Ces CR sont caractérisées par des systèmes de production basés sur les cultures vivrières couplés à la pauvreté et aux conditions climatiques peu favorables font que les attentes des populations sont énormes.

Le choix de ces deux CR est motivé par le fait qu’elles n’ont pas bénéficié, par le passé, de programmes intégrés d’envergure en matière de développement rural. Elles sont complémentaires en termes de vocation et potentiel agricole (agro-pastoral, disponibilité de l’eau, potentiel de développement arboricole : vigne, olivier, cactus), de l’existence d’un grand marché demandeur en fruits, légumes, viande et lait (Marrakech notamment). Ces deux CR peuvent servir de modèle et d’exemple de développement agricole et rural pour toute la région des Rhamnas.

78 - BENLHABIB O., EL HIMDY B., A. MAHHOU A., ILHAM A., ALALI S., KARIB H./ IAV Hassan II et KRADI C. / INRA, Document du projet novembre 2007

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Carte 6 : Sites étudiés dans la plaine des Rhamans

1.1. Caractéristiques des systèmes de production et problématique

La zone d’étude couvre une superficie totale de 33.545 ha. La SAU représente une superficie de 21.245 ha, dont 585 ha irrigué (3%). Le statut dominant est le Melk (80%). La superficie céréalière est dominée par l’orge (9.500 ha), soit 55% avec un rendement sur 5 ans (2002-2007) oscillant entre 2 et 4,5 quintaux/ha. Le maraîchage occupe une superficie de 292 ha conduit en irrigué. Quant à la production animale, elle est dominée par l’élevage ovin (43.666 têtes), bovin (3.210 têtes), caprin (18.000 têtes). L’élevage camelin a beaucoup régressé dans la région et ne représente aujourd’hui qu’un effectif de 70 têtes ( CT Benguerir, 2007).

La CR Labrikiyne est caractérisée par la dominance du sol de type R’mel favorable à la vigne et à l’agro-pastoral. Elle est aussi caractérisée par la dominance de l’olivier 600 ha (62% de la superficie arboricole). Alors que la CR Tizmarine est caractérisée par la présence de l’Oued Bouchane au long duquel est pratiqué le maraîchage irrigué.

En résumé, la région dispose de potentialités intéressantes qui se résument en la présence de points d’eau, une vallée à grande potentialité en eau (cas Tizmarine), en sol favorable au développement de la vigne et du maraîchage,

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une zone agro-pastorale, berceau de la race Sardi, zone accessible au marché et mécanisable (Tableau 20).

Tableau 20. Principales caractéristiques des Communes Rurales étudiées

Eau Pluviométrie moyenne annuelle 200 mm et moins de 100 mm pour ❐

2006/2007 ;Plusieurs années successives de sécheresse : sur 20 ans, 14 années ❐

sèches ;Rabattement de la nappe phréatique dû au pompage / sécheresse ❐

(1m/ an).

Elevage Zone à vocation pastorale et berceau de la race Sardi; ❐

Appréciation de la race Sardi par les consommateurs ; ❐

Disponibilités fourragères limitées et des parcours dans la région ; ❐

Développement de l’Aviculture à grand rythme (dinde et pintade) ; ❐

Introduction de caprins : environ 18.000 têtes ; ❐

12% de l’effectif bovin est de race améliorée ; ❐

15 millions l/an de lait produit, dont 5 millions commercialisés. ❐

Production végétale

Rendement moyen des céréales en bonne année avoisinant les 12qx/ ❐

ha ;Céréaliculture liée à l’élevage, à dominance orge ; ❐

320 ha équipés par le système goutte-à-goutte destinés au ❐

maraîchage ;Pratique de céréales dans les parcours. ❐

Source : Diagnostic Rhamnas 2007

En revanche, la région est caractérisée par des contraintes d’ordre technique, socio-économique et environnemental ayant des conséquences négatives sur l’activité agricole et sur les revenus des agriculteurs (Figure 12). Il s’agit d’une agriculture vivrière, très peu diversifiée et où l’agriculteur cherche à minimiser les dépenses face aux risques liées à la disponibilité de l’eau. Du coup, nous sommes en face d’une situation où l’agriculture ne peut pas à elle seule atténuer l’effet de la pauvreté des exploitations très vulnérables aux aléas climatiques et économiques.

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Figure 12 : Arbres des contraintes Rhamnas

Les chefs des exploitations agricoles trouvent d’énormes difficultés à satisfaire leurs besoins et ceux de leurs familles et du bétail. Pour les chercheurs, le renforcement des capacités des agriculteurs et leur encadrement et accompagnement selon des programmes de recherche-développement structurant pourront aider, dans un cadre bien organisé, à passer d’une agriculture d’autosubsistance à une agriculture permettant des revenus convenables. L’optimisation de la productivité est liée aux bonnes pratiques agricoles et aux choix des décisions par les agriculteurs appuyées par l’encadrement téchnique et support financier de l’Etat.

1.2. Plan d’action proposé à la lumière du diagnostic

A la lumière de l’analyse des contraintes (Figure 12), un plan d’action a été élaboré et s’insère dans une vision globale de développement territorial de la région des Rhamnas. La conception des actions du Plan Agricole Régional s’articule autour des principes suivants : i) une démarche participative procurant la synergie des actions et optimisant l’utilisation des moyens humain, matériel et financier et responsabilisant la population ; ii) une approche par filière permettant une harmonisation des interventions au niveau des différents segments constituant la filière et aussi une garantie de la valorisation des productions visées par le projet et, iii) une orientation des actions vers des groupes cibles bien identifiés.

Etant donné la vocation de la région basée fondamentalement sur l’élevage ovin, l’objectif principal visé par le Plan Agricole régional proposé est

Cout élevédes intrants

Faibleencadrement

Transfert detechnologiedéfaillant

Surexploitation PompageFaible

organisationprofessionnelle

Faibletransformation etconditionnement

des produitslocaux

Baisse dela nappe

phréatique

Valorisation technologiqueet commerciale insuffisante

Techniques deproductivité

inappropriées

Conduite dutroupau peumaitrisée et

non optimisée

Parcours dégradé Prédominanceintermédiaires

Dégradationdes ressources naturelles

Faible productivitéde l’élevage

Faible productivitédes cultures (céréales)

Revenu des agriculteurs insuffisantet besoins des ménages non satisfaits

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d’améliorer les revenus des éleveurs de la région des Rhamnas, au niveau des communes rurales Ouled Ameur Tizmarine et Labrikiyine, par l’augmentation de la productivité de leurs élevages à travers des interventions au niveau des conduites de leurs troupeaux ovins, ainsi que par la vulgarisation et le développement de l’élevage ovin d’engraissement. Ce projet se justifie par l’importance de l’élevage ovin dans ces deux communes rurales qui compte environ 40.000 têtes conduites, pour la plupart du temps, selon des modes traditionnels qui se répercutent négativement sur la rentabilité. En outre, l’élevage d’engraissement, qui est une activité peu contraignante et à valeur ajoutée importante, est d’autant plus justifiée que les disponibilités fourragères des parcours dans la région sont limitées (le recours à l’utilisation des aliments composés de commerce sera privilégié). Les communes rurales d’Ouled Amer Tizmarine et Labrikiyine comptent respectivement 153 et 65 éleveurs - engraisseurs, avec des capacités d’engraissement des ateliers de 8.000 et 3.000 têtes. De plus, la commercialisation des produits est garantie par la demande accrue liée, d’une part, à la proximité de la région des grands centres urbains (Marrakech, Casablanca) et d’autre part, à l’appréciation par les consommateurs de la race Sardi, dominante dans la région.

Quant à la production végétale, compte tenu des conditions climatiques souvent difficiles, les activités sont centrées sur les cultures de l’orge, de l’olivier et de la vigne. En cas de disponibilité de l’eau, le maraîchage est pratiqué également. On note une forte intégration agriculture - élevage dans les CR étudiées.

Concernant le développement de l’irrigation, les périmètres des petites et moyennes hydrauliques existants au niveau des deux CR sont en majorité de type traditionnel et couvrent des superficies très variables et de petites tailles. Les techniques d’irrigation consistent en la mobilisation des eaux de puits par de petits ouvrages simples et répartis au niveau des parcelles par des seguias en terre. Du coup, les pertes d’eau sont importantes et pouvant dépasser 50%. Deux catégories d’irrigation existent au niveau de ces CR : irrigation à partir de la nappe et irrigation à partir de l’oued Bouchane.

Le travail associatif qui est à ses débuts connaît une certaine dynamique au niveau de la région. Ce chantier mérite une attention particulière selon une approche participative et une approche genre. Les actions définies selon cette démarche seront suivies par l’établissement de partenariats, de réunions d’approche méthodologique, puis seront organisées en ateliers de communication, de formation, d’apprentissage, d’encadrement et de suivi méthodologique.

Sur la base de ce diagnostic, un plan d’action (Tableau 21) avec un échéancier a été proposé, validé avec les agents de développement, les CR, les représentants des agriculteurs et les associations. Ce programme proposé

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a été pris en considération dans la finalisation du Plan Agricole Régional des Rhamnas.

Tableau 21. Axes du Plan Agricole de la Région des Rhamnas.

Axe 1 : Diversification et valorisation de la production végétale pour l’amélioration des revenus des agriculteurs à travers :

Mobilisation des ressources en eau des barrages collinaires ; ❐

Equipements des points d’eau (puits) en motopompe ; ❐

Equipements en système goutte à goutte ; ❐

Introduction de cultures horticoles à plus haute valeur ajoutée ; ❐

Installation d’unités de trituration des olives ; ❐

Installation d’unité de transformation des figues de barbarie ; ❐

Organisation des agriculteurs en groupements (cas de la vigne): Agrégation; ❐

Encadrement et accompagnement des agriculteurs. ❐

Axe 2 : Amélioration de la production ovine dans la région des Rhamnas

Appui à la conduite des troupeaux ovins : reproduction, alimentation, hygiène, ❐

prophylaxie et sélection des animaux; Vulgarisation des techniques de conduite en atelier d’engraissement « élevage hors ❐

sol » à travers : la mise au point de formes d’alimentation sur la base des produits locaux (cactus, orge…);Prophylaxie contre les principales maladies non concernées par les campagnes ❐

prophylactiques menées par l’Etat (entérotoxémies, maladies parasitaires, fluorose).

Axe 3 : Développement durable de la petite et moyenne hydraulique

Première phase :Sensibilisation à l’amélioration de l’utilisation de l’eau et l’efficience de l’irrigation sur la ❐

superficie de 585 hectares;Aménagement foncier par des opérations de nivelage, équipement en technique de ❐

goutte à goutte et conservation des sols sur une superficie totale avoisinant les 20 ha au sein des 2 Communes Rurales.

Deuxième phase :Construction de deux bassins d’accumulation des eaux superficielles (1 par CR) avec ❐

des ouvrages légers de dérivations, et ce, à des fins d’irrigation de complément à très petite échelle.

Axe 4 : Renforcement des capacités des associations locales et mise en place d’un programme de recherche - développement participatif pour la préservation de l’agro-biodiversité

Identification et caractérisation des associations locales existantes ; ❐

Suivi-évaluation du niveau d’implication des associations dans la réalisation des objectifs ❐

du projet en l’occurrence ceux liés à la diffusion et l’appropriation des technologies par les ruraux;Valorisation des ressources naturelles et du savoir-faire local de la région (Jujubier, figue ❐

de barbarie, escargots…) à travers un festival des journées de promotion des produits de terroirs et articles d’artisanat de la région ;Appui à l’enseignement préscolaire et à la réinsertion des jeunes en abandon de ❐

scolarité des deux sexes ;Appui aux activités génératrices de revenus (poulets et/ou dinde beldi, cuniculture, ❐

apiculture et transformation des produits locaux).

Source : Etude Rhamnas 2007

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Du fait de la vocation de la région orientée vers l’élevage ovin, il a été recommandé d’engager un programme pour l’amélioration de la qualité de fourrage à base de cactus, dont les résultats de recherche sont disponibles79. Il s’agit :

Des blocs alimentaires. L’incorporation de fruits de cactus varie de 20 ❐

à 50 %. Les autres ingrédients incorporés dans les blocs peuvent être le tourteau de tournesol, le son de blé, la paille, l’urée, le complément minéral et vitaminé.

La technique d’ensilage qui est réalisé par fermentation du cactus haché ❐

et mélangé à d’autres additifs (paille, foin de luzerne, mélasse, urée….). Le cactus ainsi ensilé est équilibré en matières azotées, les épines sont alors gonflées et par conséquent inoffensives.

La production de farine de cactus qui peut être incorporée comme ❐

ingrédient pour la fabrication d’aliments composés.

Le hachage - séchage est la technique la plus élémentaire car elle ne ❐

consiste qu’à l’enlèvement des épines puis le hachage des raquettes. Leur séchage pendant quelques jours (2 à 3) permet alors la réduction de leur teneur en eau et par conséquent l’amélioration de l’ingestion.

Selon les spécialistes, ces techniques peuvent faire du cactus une ressource de base pour le développement d’une industrie de production des viandes rouges.

Photo (CT Benguerir) 11 : Cactus des Rhamnas Photo (CRRA Agadir) 12 : Arboretum Cactus

du Domaine Expérimental de Melk Zhar/

INRA Agadir

79 - Idem que 78

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A noter, que deux arboretums de cactus80, espèces du genre Opuntia, sont installées dans les domaines expérimentaux de l’INRA. Le premier est composé de 213 accessions d’origine marocaine et 42 variétés étrangères au Domaine Expérimental Melk Zhar / Province d’Agadir. Le deuxième arborétum est constitué de 186 accessions au Domaine Expérimental Foum El Oued / Province de Laâyoune. Ces arboretums constituent un patrimoine important pour l’amélioration et la conservation des ressources génétiques au Maroc en vue de sélectionner les meilleurs écotypes et les mettre à la disposition des agriculteurs.

2. Cas des parcours du Maroc occidental central

Les parcours du Maroc Occidental Central occupent 1,3 millions d’hectares répartis sur les régions de Khouribga, Settat, Kalaâ Sraghna, Marrakech, Beni Mellal, Safi et Settat. L’effectif des petits ruminants est estimé à environ 1 million de têtes, dont 90% ovins. Ils sont caractérisés par de nombreuses contraintes liées à l’alimentation des animaux, au caractère très aléatoire de la production végétale et à la dégradation des ressources naturelles. Ces contraintes sont synthétisées dans la figure 13. Du fait de la forte intégration élevage - cultures (céréales-fourrages surtout) dans ces zones, les agriculteurs cherchent à répartir les risques entre les différentes activités en donnant la priorité à l’élevage, ossature de l’économie des exploitations agricoles.

Figure 13 : Arbres de contraintes des parcours.

80 - Boujghagh M., Atlas du cactus (opuntia spp.) de diffrérentes provenances marocaines, INRA 2011, p. 26 - 27

Surcharge, surexploitationEncadrement et transfertde technologie peu efficace

Superficies de parcoursen diminution Dégradation des parcours

Extension des culturescéréalières

Rentabilité des cultures et d’élevage en déclin

Alimentation des troupeauxinsuffisantes et disponibilité

fourragère en diminution

Rendement des cultures(céréales et fourrages) médiocreet en deçà du potentiel génétique

Pratiques culturales peu adaptées :préparation des sols, techniquesde semis, conservation de l’eauet du sol, fertilisation, techniquesde récoltes et techniques de stockage.

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2.1. Profil historique des systèmes de production pastoraux

Selon l’étude sur les parcours réalisée par une équipe ICRA-INRA81, les changements socio-économiques, les évolutions édaphoclimatiques, écologiques et les systèmes agraires se trouvent en transformation continue. En effet, le recours à l’historique est un moyen qui permet non seulement de comprendre les facteurs de changement dans un système donné mais aussi de faire des projections sur l’avenir et les tendances sur l’évolution à court et à long terme. C’est le cas du site d’Ouled Fares / El Brouj (Carte 7).

Carte 7 : Sites étudiés à Khouribga.

Les grandes phases de l’évolution des systèmes de productions au niveau de ces sites sont caractérisées par :

La période s’étalant entre les années 1920 et les années 1940 durant ❐

laquelle les systèmes de production agricoles étaient à caractère pastoral où dominait l’élevage, dit extensif. Ce dernier est basé sur l’exploitation des pâturages naturels et la transhumance vers le sud (Rhamana- Sraghna) qui constituait à l’époque une stratégie à double fin : éviter les conséquences de la fluorose et couvrir les besoins alimentaires des animaux. En cette période, la mise en culture était limitée à quelques fermes ;

81 - Anoun N. et al, Etude de l’état actuel des terres de parcours dans le Maroc occidental central : cas des communes rurales d’Ouled Fares El Hall (El Brouj) et Ouled Fennane (Oued Zem), Série n° 58 - 1996

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Entre les années 1950 et les années 1970, l’élevage extensif était encore ❐

important. Le taux de transhumance se réduisait dès la décision du partage et de la privatisation des terres collectives. A ce moment, la céréaliculture a commencé à prendre de l’ampleur, mais elle est restée limitée à des moyens traditionnels. L’attelage animal constituait la base des travaux de labour et de la moisson ;

Les années 1980-90 ont été marquées par les grands mouvements ❐

d’émigration à l’étranger (Italie, Espagne…), ce qui a bouleversé le système. A cause des investissements des émigrés dans la mécanisation agricole qui a remplacé les pratiques traditionnelles et a permis une extension à grande échelle de la céréaliculture au détriment des meilleures zones pastorales. Cette période a connu une réduction importante de la transhumance.

Le constat aujourd’hui est que l’évolution de la transhumance et la variation des effectifs semblent être un phénomène qui peut avoir plusieurs explications: les conditions climatiques, les épidémies, les ventes saisonnières, etc. La réduction de la transhumance est probablement une conséquence directe de la réduction des disponibilités fourragères fournies par les parcours naturels et le recours croissant à la complémentation alimentaire. Les nouveaux découpages administratifs ont joué également un rôle important dans la sédentarisation et la limitation des déplacements des troupeaux et des populations. Ce qui fait qu’actuellement, l’élevage est plutôt semi-intensif basé sur la complémentation (orge, son, pulpe sèche de betterave et aliment composé) au moment où la jachère et le parcours naturel ne peuvent plus couvrir les besoins des troupeaux, surtout en année sèche qui est très fréquente dans une telle zone bioclimatique82.

2.2. Etat actuel et recommandations

Autour de la problématique de la dégradation des parcours, le diagnostic participatif réalisé par une équipe multidisciplinaire de chercheurs « INRA - ICRA » dans deux Communes Rurales (CR) d’Ouled Fennane / et Ouled Fares a permis d’analyser les comportements des éleveurs à l’égard des parcours. Les résultats de ces travaux ont été exploités dans l’élaboration des Projets de Mise en Valeur des Zones Bours (PMVB) lancés dans le cadre de la loi83 33/94.

Avec la promulgation de cette loi, on note un regain d’intérêt pour les zones de parcours. C’est une approche basée sur le renforcement de la recherche de proximité et l’implication des agriculteurs dans l’orientation des actions de recherche-développement. Ces dernières passent inévitablement par une meilleure maîtrise du fonctionnement et de la dynamique des différentes

82 - Etude ICRA – INRA, document de travail n° 58, 199683 - Stratégie de développement des zones Bours (pluviales), DAF – MADR, 1995

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composantes des systèmes de production. La conjugaison de l’ensemble des atouts (techniques et socio-économiques), pour lever les contraintes des systèmes de production, dans un cadre intégré de développement, constitue une option judicieuse.

Les données recueillies sur la conduite des cultures et de l’élevage, les calendriers saisonniers des activités, les dépenses et recettes, les rendements obtenus, les marges brutes ainsi que les données quantitatives liées à l’histoire des systèmes de cultures, à l’exploitant, à sa famille, ses moyens et facteurs de production et ses relations avec le marché, ont permis d’établir des situations de références spécifiques aux systèmes de production (référentiels technico-économiques) discutés avec les agriculteurs lors des ateliers de restitution organisés dans les douars avec la Jmaâ. Une gamme de solutions pour améliorer la productivité des cultures et de l’élevage sans pour autant bouleverser les modes de gestion technique de l’agriculteur a été formulée. Ces référentiels sont d’une utilité importante pour la conception et la mise en œuvre des programmes de recherche-développement participatifs dans le cadre de projets d’agrégation.

En fait, les chercheurs sont arrivés à la conclusion suivante : les superficies des parcours des sites étudiés sont en diminution, à cause de l’extension de la culture des céréales. Ils connaissent aussi une certaine dégradation à cause de la surexploitation et des conditions climatiques défavorables84.

Selon cette étude, le bétail du site « Ouled Fares » est nourri essentiellement par les produits et sous-produits de l’exploitation agricole car les parcours collectifs sont situés sur des terres pauvres avec une végétation limitée. On parle d’un système d’élevage ovin agro-pastoral où 70% des besoins en énergies et 16% des protéines sont fournis par l’exploitation agricole. Dans le deuxième site étudié « Ouled Fennane », le système est dit agro-sylvo-pastotal. Les parcours forestiers y jouent un rôle important dans l’alimentation des ovins, soit 60%. Le reste des besoins des animaux provient des chaumes et de la jachère.

Dans ce contexte, les éleveurs adoptent des stratégies incluant la notion du risque dans leur raisonnement. Ils orientent leurs systèmes de production vers une meilleure combinaison et intégration des cultures pratiquées et de l’élevage. Pour satisfaire les besoins de la famille, l’éleveur procède à la valorisation des produits et sous produits végétaux par les animaux, une orientation vitale pour la survie de la famille.

Pour améliorer les conditions de vie des éleveurs et préserver les ressources pastorales, les chercheurs préconisent de centrer les activités de recherche – développement sur deux aspects i) renforcement de la

84 - Idem que 83

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gestion communautaire pour responsabiliser les éleveurs / pasteurs selon une approche d’autogestion participative et éviter les conflits, ii) amélioration des parcours par la multiplication et l’installation d’espèces à Intérêt Pastoral.

La recherche agronomique à tarvers son Centre Régional de la Recherche Agronomique (CRRA) d’Oujda, pôle d’excellence en recherche sur les systèmes agro-sylvo-pastoraux et le CRRA d’Errachidia, dispose d’une expérience riche et des résultats importants dans la lutte contre la dégradation des terres à mettre à la disposition des utilisateurs de ces espaces85. Pour illustration, on peut citer les exemples suivants :

Diversification du matériel végétal à planter dans les parcours par les ❐

espèces autochtones à intérêt pour les éleveurs (Stipa tenacissima L., Artemisia herba alba asso., Rosmarinus officinalis L., Ziziphus lotus Lam., Retama sp., Acacia raddiana svai., Atriplex halimus L. et Juniperus phoenicea) ;

Maîtrise des techniques de multiplication des espèces locales ; ❐

Création d’un arboretum à Errachidia pour étudier le comportement ❐

des arbres et arbustes au contexte présaharien ;

Méthodes d’installation et du comportement d’arbres et arbustes à ❐

intérêt pastoral dans le contexte présaharien :

Installation et suivi de comportement de deux arbres multi-usages ❍

à intérêt pastoral dans le contexte présaharien par la méthode du bloc en ciment (Argania spinosa et Ceratonia siliqua L.) ;

Impact de l’hydrogel sur l’installation et le comportement de ❍

deux espèces autochtones pastorales (Acacia raddiana svai. et Rosmarinus officinallis L.) ;

Installation et production fourragère de deux variétés de Cactus ❐ (l’Atriplex nummularia L.) dans le contexte présaharien ;

Utilisation des Eaux Salines d’Ain Atti pour la Lutte contre la ❐

Désertification: La sélection des espèces tolérantes aux sels pour valoriser les terres marginales et les eaux souterraines salines ainsi que pour le développement et la conservation environnementale des zones arides marocaines est l’une des approches adoptées pour contribuer à la lutte contre la désertification. Plusieurs espèces végétales choisies sur la base de leur tolérance aux sels et de leur importance économique et écologique ont été testées en utilisant l’eau d’irrigation provenant de la nappe artésienne salée de Aïn El Atti dont la teneur en sels est d’environ 10g/l.

85- Acquis et perspectives de recherche sur les parcours, rapports d’activités 2003 à 2010. CRRA Oujda.

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Conclusion du chapitre IV

Les zones arides et semi-arides et agro-sylvo-pastorales renferment des potentialités importantes à valoriser selon une démarche participative et durable. Malheureusement, ces écosystèmes se dégradent encore à cause du surpâturage, la mise en cultures et le défrichement. De plus, les approches d’intervention manquent encore de ciblage et de coordination harmonieuse des actions. Du coup, l’impact des programmes de réhabilitation et d’amélioration des parcours, cas de l’Oriental, sont en deçà des objectifs fixés86. En revanche, malgré ces contraintes, l’éleveur continue à produire de la bonne viande ovine et caprine et à la valoriser sous forme de produit local qui n’est pas encore labélisé et commercialisé dans de bonne conditions profitables aux agriculteurs/éleveurs.

La recherche agronomique dispose aujourd’hui d’outils et d’une expertise importante à valoriser dans le cadre des Plans Agricoles Régionaux tels que l’utilisation des techniques de télédétection spatiale et le Système d’Information Géographique pour la mise en place d’une veille informationnelle du suivi de l’évolution des parcours87 et la planifacation/programmation pastorale.

Il est bon de rappeler que la programmation en zone pastorale diffère de celle dans d’autres projets agricoles. Elle nécessite une parfaite collaboration et synergie entre le chercheur – le développeur- le conseiller agricole et le pasteur. Ce dernier utilise un milieu complexe caractérisé par une certaine variabilité climatique conditionnant la présence de la végétation dans l’espace et dans le temps au cours de l’année mais aussi d’une année à l’autre. De plus, les questions institutionnelles ont souvent le même poids que les questions techniques et même plus dans certains cas.

Comme alternative à la problématique de l’alimentation des animaux, le département de l’agriculture mise sur le développement des nouveaux produits à base du cactus. C’est une culture incontournable pour les systèmes de production dans les zones arides et semi-arides.

86 - Maâtougui et al, les pâturages steppiques de l’Oriental marocain, juin 201, page 4 87 - Laboratoire SIG du CRRA d’Oujda

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Chapitre 5 Instruments et outils pour accompagner la dynamique des systèmes de production agricole

IntroductionCe chapitre est le fruit d’une réflexion afférente à la prise en compte d’un

certains nombre d’outils et d’instruments pour accompagner les différentes interventions de recherche-développement actuelles et futures dans des conditions propices en vue d’accompagner la dynamique des systèmes de production agricole. L’accent est mis sur la communication et le conseil agricole comme instruments de promotion des acquis de recherche dans une ère où l’utilisation des technologies de l’information devient vitale, sur le rôle que peuvent jouer les Groupements d’Intérêt Publics dans le nouvel élan donné par le Plan Maroc Vert à l’agriculture marocaine, sur l’importance d’adopter des démarches participatives pour l’élaboration et la mise en œuvre des programmes d’actions dans le cadre d’une approche territoriale avec un système d’évaluation performant en mesure de renseigner sur les réussites et les échecs de telle ou telle action et d’en corriger les distorsions.

1. Les enjeux et défis de l’utilisation des TIC

L’introduction des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) en milieu rural est une option essentielle. Cependant, elle se heurte aux contraintes liées à la pauvreté, à l’enclavement, au manque d’infrastructures, à l’analphabétisme. En fait, l’accès de tous les citoyens ruraux à l’information d’une manière équitable est une condition nécessaire à la réussite des programmes de recherche - développement. Exploiter les compétences disponibles (les ingénieurs et techniciens ayant bénéficié de l’opération du départ volontaire), la disponibilité et la volonté d’adopter les nouvelles technologies de l’information par les jeunes ruraux lettrés (ouverture d’esprit) et l’émergence de nouveaux investisseurs constituent le prolongement logique de l’approche « Farmer to farmer». En fait, la dynamique que connait le monde rural et le secteur de l’agriculture constitue une opportunité à saisir pour combler le retard au niveau de la campagne marocaine en matière d’information et de communication

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à travers l’utilisation des TIC pour le renforcement des programmes d’action au profit des communautés locales. Pour ce faire, il est urgent de renforcer davantage les programmes de lutte contre l’analphabétisme en milieu rural. La recherche - développement est appelée à développer des logiciels adaptés aux ruraux sans pour autant négliger les outils classiques utilisés par les structures de recherche et de développement ayant prouvé leur efficacité dans les interventions agricoles et les méthodes traditionnelles utilisées par les agriculteurs pour communiquer entre eux. Dans ce sens, les souks hebdomadaires constituent des lieux et moments forts durant lesquels les ruraux réalisent leurs transactions et échangent des informations.

Dès lors, les TIC doivent être également perçues comme un moyen d’échanges de l’information entre les structures de recherche et de développement et perçus aussi comme un outil puissant de communication des résultats de recherche sous forme de messages dont le contenu est clairement défini et facilement assimilable par les ruraux. Bien entendu, le téléphone mobile a eu un impact positif sur l’organisation de la communication en milieu rural, surtout dans le domaine des prix des produits agricoles qui varient d’un souk à l’autre et d’une région à l’autre. Dans ce sens, il est recommandé de :

Développer des réseaux d’agriculteurs organisés et/ou agrégés dans ❐

le cadre des projets d’agrégation et aussi des agriculteurs individuels pilotes ayant les mêmes objectifs de développement. Autrement dit, des projets se rapportant à la même filière mais répartis géographiquement sur le terroir marocain. Ceci va sans doute renforcer l’échange de l’information entre les agriculteurs sur leurs expériences respectives ;

Développer en concertation avec les ruraux le contenu des logiciels ❐

avec l’appui des structures de vulgarisation et de développement ;

Mettre en place un système de suivi-évaluation de l’impact des TIC sur ❐

les agriculteurs et leurs environnements socio-économiques, culturels et écologiques ;

Mettre en place un programme de renforcement de capacités dont ❐

le contenu doit être élaboré en concertation avec les spécialistes en la matière et les utilisateurs finaux des TIC. Les jeunes ruraux lettrés, les jeunes émigrés, les jeunes investisseurs et les conseillers agricoles peuvent être les fers de lances de l’introduction des TIC.

On doit disposer d’une stratégie de communication selon les thématiques à traiter, des réseaux des agriculteurs agrégés et non / groupements / associations pilotes. Il est donc impératif de trouver les meilleurs supports pour la diffusion de l’information. Le but recherché est une communication pour le développement durable en agissant sur le fond et sur la forme des messages. Sur le fond, les messages élaborés doivent être appropriés, claires et intelligibles respectant les critères de qualité, de crédibilité et d’adaptabilité à chaque situation et à chaque groupe cible.

Instruments et outils pour accompagnerla dynamique des systèmes de production agricole

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Egalement, l’édition de supports techniques en Arabe, Amazigh, et Français doit être de qualité pour faciliter l’accessibilité à l’information en adoptant des formats et des types adaptés aux besoins des populations. D’où la nécessité de renforcer le développement local par des personnes ressources telles que les attachés de communication au niveau de chaque région à l’instar de l’expérience de la recherche agronomique. Ces attachés de communication jouent le rôle de courroie de transmission de l’information scientifique et technique, de facilitateurs et d’animateurs.

Aujourd’hui, la société du savoir, de la connaissance, du progrès de l’information est un pouvoir et une opportunité. La femme à côté de l’homme doit être en mesure de lire un message technique, suivre le déroulement de la scolarité des enfants, comprendre et suivre le contenu d’une ordonnance médicale, etc.

2. Le renforcement des capacités des acteurs : une nécessité absolue pour le maintien de la durabilité des systèmes

Pour améliorer les qualifications des différents intervenants dans les domaines de la recherche- développement, la recherche-action, le transfert de technologie et la formation des formateurs et des leaders des agriculteurs du « pilier II », il y a lieu d’explorer les opportunités offertes par le Centre de Ressources de Pillier II (CRPII) recemment créé88.

3. Les défis majeurs pour la mise en œuvre du CRPII le Centre de Ressources de Pillier II de Plan Maroc Vert dédié à l’appui de

l’agriculture solidaire est devant un certain nombre de défis89, dont:

la valorisation de la SAU et toutes les ressources végétales et pastorales de ❐

l’espace agraire représentant l’essentiel des revenus des agriculteurs ;

la valorisation des potentialités des terroirs à travers la diversification ❐

des activités et l’accès au marché ;

l’implication et la responsabilisation des acteurs et opérateurs locaux ❐

dans le développement participatif local et la préservation des ressources naturelles;

le suivi de comportements des agriculteurs face aux changements ❐

climatiques et préconisation des solutions et mesures d’accompagnement ;

le développement d’une bonne coordination et synergie entres les ❐

différents programmes et projets au niveau de terroir pour en tirer le meilleur bénifice au profit des communautés rurales pauvres.

88 - Kradi C, Eléments de reflexion pour le développement du CRPII, INRA, Novembre 2011.89- CRPII, Rapport intermédiaire, CGDA mars 2009

Instruments et outils pour accompagner la dynamique des systèmes de production agricole

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4. Les méthodes et les approches participatives : une obligation pour maîtriser les perceptions des ruraux (femmes et hommes) et la planification de la recherche - développement

Les méthodes de diagnostic rapides et participatives doivent être également bien maitrisées parce qu’elles sont sources d’informations qualitatives et quantitatives et d’inspiration pour les chercheurs. Etant donné qu’on s’intéresse à des écosystèmes complexes et fragiles avec forte intégration « agriculture-éle-vage-ressources naturelles », la méthodologie envisagée doit combiner impérativement les trois dimensions suivantes :

Systémique : un ensemble d’éléments en interaction organisés et reliés ❐

entre eux pour atteindre un objectif donné (Bourgeois A. 1983) ;

Filière : une chaîne d’activités constituée d’anneaux allant de l’amont ❐

à l’aval de l’exploitation agricole ;

Aménagement de territoire : prise en compte des points forts et points ❐

faibles dans la gestion et l’organisation du territoire national en vue de la durabilité des systèmes de production.

En définitive, l’approche participative doit s’insérer dans une vision globale de développement provoquant de l’auto-analyse et de l’autocritique par les ruraux eux-mêmes de la situation d’agriculture au niveau local. L’approche participative est également une approche qui doit faciliter la définition des objectifs, des priorités et leur mise en œuvre. Bien entendu, le chercheur-développeur à son mot à dire dans la formulation des décisions finales. Le développement participatif au niveau local, doit-être considéré, dans le cadre des Plans Agricoles Régionaux , comme un processus de renforcement de l’autonomisation des ruraux , c’est-à-dire, plus de renforcement des pouvoirs des ruraux en termes de gestion des terroirs et réalisation des objectifs de développement durable.

5. La veille technologique et informationnelle

Mettre en place une démarche de veille technologique et informationnelle afin de suivre les évolutions de l’environnement technique et technologique, socio-économique et environnemental est très souhaitable. C’est un appui extrêmement important à la recherche–développement en particulier et la mise en œuvre du Plan Maroc Vert. Dans ce sens, des économies importantes pourront être réalisées en adaptant les acquis d’autres pays et régions du monde présentant des conditions similaires au Maroc, d’où les fonctions suivantes :

Observer l’environnement (signaler les publications récentes dans un ❐

domaine précis et les nouvelles manifestations) ;

Détecter le plutôt possible les informations ; ❐

Instruments et outils pour accompagnerla dynamique des systèmes de production agricole

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Analyser et filtrer les informations qui risquent d’affecter la mise en œuvre ❐

de diverses composantes de la stratégie de l’entreprise ;

Assurer la diffusion sélective de l’information. ❐

On doit être bien outillé en termes de veille technologique et informationnelle pour bien servir la demande et disposer de bases de données actualisées sur les besoins prioritaires spécifiques à chaque agro-système, aux types d’exploitations agricoles. La veille technologique consiste à s’informer de façon systématique sur les technologies les plus récentes ainsi que l’évolution de l’environnement scientifique, technique, agro-industriel pouvant servir l’agriculture marocaine. La cellule qui s’en occupe doit s’informer régulièrement sur les innovations technologiques produites par la recherche nationale, régionale et internationale et veiller à leur étude, adaptation et diffusion. Cette activité met en œuvre des techniques d’acquisition, de stockage et d’analyse d’informations et leur distribution automatique aux différents acteurs concernées de l’entreprise sous forme de revue de presse ou communiqué de presse via les outils des nouvelles technologies de l’information.

La veille technologique fait partie des activités préparant un transfert de technologie en détectant le plus tôt possible l’information et l’analyser. Car, être à l’écoute et suivre tout ce qui se passe au niveau de la conjoncture agro-socio-économique et écologique nationale et internationale est une option pour la mise à jour des connaissances dans le domaine de la recherche - développement. Au niveau de l’INRA, on est au début, puisque la veille informationnelle mise en place se limite aujourd’hui à l’information électronique ayant trait à l’agriculture marocaine. Cette revue de la presse électronique hebdomadaire est diffusée aux chercheurs et aux structures du MAPM par Internet et intranet. On doit passer à une recherche plus pointue pour être informé sur les innovations et les percées scientifiques dans le domaine de la recherche - développement à l’échelon national (agriculteur innovateur) et mondial. Ceci aidera sans nul doute les chercheurs-développeurs à tester les gammes des solutions aux problèmes posés par les agriculteurs en milieu réel.

Il est temps donc de mettre en place une démarche de veille afin de suivre les évolutions de l’environnement de l’agriculture par la création de dossier de veille spécifique à chaque thème (blé dur, blé tendre, orge, viande caprine, palmier dattier, olivier… et par l’observation de l’évolution de la science en signalant les publications récentes ayant traits aux percées scientifiques et techniques majeures réalisées (amélioration génétique, biotechnologie…).

A l’ère électronique, se suffire des moyens et méthodes traditionnels pour repérer, récupérer et diffuser l’information n’est plus en mesure de satisfaire les besoins en information surtout que les nouvelles technologies de l’information et de la communication permettent d’offrir un meilleur service. En effet, elles permettent de rendre l’information plus accessible et sa communication

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plus aisée grâce à sa faculté d’abolir toutes les frontières géographiques et les contraintes temporelles. Elles permettent aussi de réaliser des économies importantes en dépenses (courrier traditionnel, téléphone, frais de production de documents…) et en temps.

Enfin, impacter les résultats des programmes d’action selon des indicateurs et critères d’évaluation permet une meilleure orientation et réajustement de ces programmes.

6. Renforcement de la liaison Recherche –Conseil Agricole : Une voie sûre et rapide pour répondre à la demande et besoins accrus des agriculteurs

Il est important de noter que la maitrise du processus de transfert de technologie et de connaissances aux utilisateurs des résultats de recherche est un élément clef dans la chaine de développement de l’innovation. Ceci requiert un système de Conseil – Agricole fluide et professionnel en mesure d’accompagner les Plans Agricoles Régionaux en l’occurrence ceux se rapportant à l’agriculture solidaire « Pilier II du Plan Maroc Vert » qui a besoin de plus d’appui aujourd’hui plus que jamais.

Il est tout à fait raisonnable, à notre sens, d’orienter les programmes de conseil agricole et transfert de technologies pour l’agriculture solidaire (petite agriculture familiale) vers des actions conciliant le développement socio-économique et la gestion des ressources naturelles. Il nous emble, que c’est la seule piste à privilégier parce que bon nombre de ruraux, surtout en zones de montagne, qui ont désespérément besoins d’infrastructures de bases (route, hôpital, école, électricité, eau potable…) donnent des signes claires de dégout et d’aversion à continuer à fournir des efforts pour la préservation et entretien du milieu qui à leurs yeux n’apportent pas d’avantages individuelles et continuent à vivre dans la pauvreté. D’où le rôle du conseiller agricole qui doit-être un catalyseur / facilitateur dans le processus développement et bien outillé, en l’occurrence, en méthodes de communication et également bien informer de l’environnement socio-économique, technique et écologique des agriculteurs. Ces derniers veulent un appui tangible des structures de développement au niveau régional selon des programmes d’action ciblée avec un impact positif sur leurs familles et leurs exploitations agricoles.

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Conclusion du chapitreV

La problématique de la communication est en grande partie expliquée par les insuffisances décelées au niveau de la liaison Recherche et Transfert de Technologie/Conseil Agricole et des mécanismes de Transfert de Technologie. Cette carence explique la raison pour laquelle les résultats de recherche ne sont pas suffisamment connus par le grand public en général et par les agriculteurs en particulier. Les résultats parviennent difficilement aux producteurs.

L’expérience de l’INRA a montré que l’organisation et la gestion de l’interface Recherche-Transfert de Technologies est le meilleur moyen de renforcer la liaison avec les utilisateurs des résultats de recherche dans un cadre global de communication combinant les techniques de communication traditionnelles et les outils offerts par les nouvelles technologies de l’Information et ce, pour toucher les différents groupes cibles (petits et grands agriculteurs, agro-industriels, chercheurs, développeurs, vulgarisateurs, décideurs,...).

En fait les institutions de recherche et les agents de développement ont pour défi de renforcer leurs capacités de communication afin de faciliter l’interaction efficace et efficiente entre les chercheurs, les agents de Transfert de Technologies/Conseillers Agricoles et les agriculteurs90.

Aujourd’hui, le contexte politique, institutionnel et socio-économique requiert une vision claire en matière de Communication et Transfert de Technologies. Tout l’espoir est basé sur les résultats de l’étude stratégique du système nationl de la recherche et de la formation supérieure agricoles en termes d'organisation, de gestion, et aussi sur l’institutionnalisation et la valorisation du métier du « Conseil Agricole » dans le cadre du futur Office National du Conseil Agricole (ONCA). Ce dernier devrait être doté de compétances qualifiées et convenebles pour être en mesures de répondre à la demande des agriculteurs en conseil et en technologie et aussi, répondre aux éxigences et objectifs du Plan Maroc Vert.

90 - Le programme scientifique du SIAM 2012 est articulé autour du thème : Recherche-Innovation- Conseil. Il a pour objectif d’apporter de nouveaux éclaircisesments liés à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie du Conseil Agricole avec l’appui de l’enseignement agricole, la recherche et la profession dans le cadre du Plan Maroc Vert. MAPM/DEFR, Février 2012

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Conclusion générale

la recherche sur les systèmes de production agricole est un appui incontournable au développement de la petite agriculture/ Agriculture solidaire (Pilier II du Plan Maroc Vert).

Les débats sur le devenir de l’agriculture dans l’ère des changements climatiques, de sécurité alimentaire, de droit à la nourriture en quantité et qualité ne peuvent être fructueux qu’à travers la compréhension du fonctionnement des systèmes de production agricole dans leurs environnements technique, socio-économique et environnemental.

L’objectif du Plan Maroc Vert visant la professionnalisation de la petite agriculture en transformant un million d’exploitation en petites unités de production économiquement viables, orientée vers le marché, est un objectif réalisable, pourvu qu’on œuvre pour préserver les spécificités des exploitations agricoles et d’appuyer les pratiques locales et modes de gestion traditionnels/ancestraux, qui constituent une richesse pour l’agriculture marocaine par leurs diversités de production. Dans ce sens, le rapprochement du chercheur, de l’enseignant-chercheur, du conseiller agricole - développeur et des professionnels est déterminant pour aider les petits agriculteurs à améliorer leurs conditions de vie en les accompagnant pour mieux valoriser leurs productions, en tirer profit et se protéger des griffes de la globalisation. Ce rapprochement doit donc se faire dans un cadre de concertation et de compréhension autour des réalités des systèmes de production et de réalités locales.

La grande question qui demeure posée est comment opérationnaliser une stratégie et comment la mettre en œuvre et la pérenniser. Car, on peut disposer d’une bonne stratégie de développement telle que le Plan Maroc Vert, mais sans approches et sans outils appropriés et surtout sans conviction et avec un manque de citoyenneté et de solidarité des acteurs et des opérateurs locaux et régionaux, les objectifs seront difficilement atteints.

La régionalisation est un chantier extrêmement décisif pour le développement rural et agricole du Maroc. Elle est conçue de manière à ce que chaque région profite de ses atouts et de ses potentialités avec un esprit de solidarité et complémentarité entre les régions et de bonne gouvernance. La reconnaissance de l’agriculture solidaire « Pilier II » par le gouvernement marocain est une reconnaissance des aspirations des agriculteurs démunis et de leurs efforts dans la production des produits de terroir et des externalités

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paysagères favorables à l’écotourisme. De plus, la deuxième phase de l’INDH lancée par S.M. le Roi Mohamed VI à Oujda le 4 juin 2011 va également dans cet esprit pour améliorer les revenus et les moyens d’existences des ménages ruraux. Le rôle de la femme et son intégration dans le processus de développement est une composante essentielle de ces stratégies.

La nouvelle constitution du Royaume du Maroc (1er juillet 2011) ouvre de nouvelles perspectives pour un développement durable, équitable, profitant à toutes les catégories des agriculteurs. La place de la recherche et la science est pour la première fois constitutionnalisée. L’objectif est de mettre à niveau le Maroc en termes de production de connaissance et technologies et offrir un cadre approprié aux jeunes pour exprimer leurs génies par la créativité et le savoir. C’est la seule option la plus sûre pour la création des richesses et par conséquent de l'emploi.

La recherche agronomique dispose aujourd’hui d’outils et d’une expertise dans les domaines de la Recherche - Développement et de la production des technologies et connaissances à valoriser dans le cadre des Plans Agricoles Régionaux / Plan Maroc Vert, de l’Initiative de Développement Humain et tout autre chantier ayant trait au développement durable de l’agriculture marocaine.

La question des changements climatiques est sérieusement posée et menace la durabilité des systèmes de production agricoles. Les projections climatiques, réalisées au Maroc, montrent que l’aridité va progressivement augmenter à cause de la régression de la pluviométrie et l’augmentation de la température à 3°C, et peut même atteindre 5°C dans les zones orientales et montagneuses à l’horizon 208091. Dans ce sens, le savoir et le progrès technologique demeurent la meilleure option pour atténuer ces effets sur la petite agriculture déjà vulnérable.

le Maroc, à travers la recherche agronomique, dispose d’une gamme de technologies efficaces qui méritent d’être améliorées et mieux valorisées telles que : les nouvelles variétés du blé tendre permettant un gain en rendement annuel d’un ½ ql/ha si l’agriculteur respecte l’itinéraire technique proposé92; la productivité de l’eau estimée à 22kg/mm (soit une économie potentielle d’eau de 2,27mm/an) pour les nouvelles variétés dans les zones à pluviométrie défavorable93, la technique du semis direct, la récolte de l’eau, l’irrigation d’appoint, les cartes de vocation agricoles et les systèmes d’alertes et de prévision de récoltes.

91 - Balaghi R. et al, le progrès technologique : une option incontournable pour adapter l’agriculture marocaine au changement climatique – document non publié ; 4 p.92 - Jlibene M., 2009. options génétiques d’adaptation du blé tendre au changement climatique. Prix Hassan II pour l’innovation et la recherche, édition 2009 ; 47p.93 - Idem que 91.

Conclusion générale

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Au fait, nous sommes aujourd’hui devant une situation où les changements climatiques n’épargnent aucune partie du globe terrestre. Les experts estiment qu’il est temps de penser non seulement à la gestion de la rareté des intrants « exemple de la pénurie d’eau en cas de sécheresse » mais aussi être capable de gérer l’excès « cas de l’eau en bonne année climatique ». La recherche scientifique peut aider par des outils, approches et technologies à rationnaliser et optimiser l’utilisation des intrants en période de rareté et/ou excès et aussi peut largement aider à produire plus sur des petites espaces d’une façon durable.

Le renforcement de la recherche scientifique et technique est la clef de réussite pour toute politique de développement et de création de richesses à travers une économie agricole compétitive. L’avenir du Maroc est lié à son positionnement sur les nouveaux créneaux porteurs de recherche et de recherche - développement tels que : la biotechnologie et l’amélioration génétique, l’environnement et le développement durable et la technologie de l’information pour la diffusion des résultats de recherche...

Notons enfin que le thème abordé dans ce livre est très vaste et complexe. Nous nous sommes persuadés qu’au fur et à mesure de sa lecture avec recul, nous nous rendions compte qu’il y a encore des aspects à approfondir. C’est la difficulté majeure rencontrée dans la rédaction de ce livre qui constitue à notre sens une plate forme de discussion sur la problématique de développement durable des systèmes de production agricole en particulier. Cet ouvrage peut être enrichi au fil du temps par toutes les personnes intéressées par la recherche sur les systèmes de production agricole et le partage de nouvelles voies en faveur d’un développement social, économique et environnemental durable et équitable des communautés rurales démunies.

Conclusion générale

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Liste bibliographique

Acherkouk M., M. Boughlala, S. Kaci, N. Omeiri, C. Onana et S. R. Rakotson : ◆

Systèmes de production oasiens et sylvo-pastoraux : interactions, complémentarités et développement durable. Cas du bassin de Gheris. Maroc 2003, 137 p.Ahlonsou R. ◆ et al. L’olivier et les systèmes de production des zones de montagnes de Taounate. Série n° 82, Maroc 1999.Akesbi N., Le Plan Maroc Vert : une analyse critique, questions d’économie ◆

marocaine 2011.Amadou T. Dia ◆ et al, Quelles recherche pour le développement des zones de montagnes au Maroc, INRA – ICRA, Série n° 66 , 1997.Andriamainty Fils J. M., R. Djaddou, S. Nait Merzoug et V. T. Nguyen : Analyse ◆

des systèmes de production oasiens et des stratégies des agriculteurs dans la province d’Errachidia au Maroc. Maroc 2002, 152 p.Atlas de l’agriculture, CGDA, 2008. ◆

Balaghi R. ◆ et al, Le progrès technologique : une option incontournable pour adapter l’agriculture marocaine au changement climatique – document non publié ; 4 p.Belarbi A., Bouayad A., M. Diaou, N. Kassis et M. Tidjani Maliki : ◆

Agrobiodiversité et durabilité des systèmes de production oasiens dans la palmeraie d’Aoufouss - Errachidia. Maroc 2004, 167 p.Constitution du Royaume du Maroc, juillet 2011. ◆

Diagana C. ◆ et al, recherche pour le développement des systèmes de production en montagne d’Ifrane. Série n° 74, Maroc – 1998.Etude de deux douars du Haut Atlas marocain : contribution au ◆

développement rural des zones de montagne, CNEARC – 2000.FAO Maroc, SIPAM, 2011. ◆

Fonds de Développement Agricole, les aides financières de l’Etat pour ◆

l’encouragement des investissements agricoles, MAPM, Edition 2011INRA, Des acquis pour la mise en œuvre du Plan Maroc Vert, DIC – INRA, ◆

Edition 2009.Jlibene M., 2009. Options génétiques d’adaptation du blé tendre au ◆

changement climatique. Prix Hassan II pour l’innovation et la recherche, édition 2009 ; 47p.Jurgen Werner, Développement participatif d’innovations agricoles, GTZ, ◆

1996 ; p. 180.Kradi ◆ et al, les enquêtes participatives en débat : ambition, pratiques et enjeux, Kradi et al, Gret –Karthala – ICRA, 2000.

Liste bibliographique

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L’agriculture solidaire dans les éco-systèmes

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KRADI C ◆ et al, Actes de l’atelier sous-régional sur l’application des TIC pour le perfectionnement des liens de vulgarisation, coordination et services, FAO, Tunisie, 2004.KRADI C et al, Le Plan Maroc Vert, une opportunité pour la recherche et ◆

la vulgarisation pour améliorer leurs performances dans le domaine de la communication et le transfert de technologie, Liban, 2008. Kradi C., INRA Compte rendu de l’atelier sur le transfert de technologies ◆

du 09 juin 2001, CRRA de Marrakech, 2001.Kradi C. INRA, Compte rendu de la table ronde sur la Recherche/ ◆

Développement et le transfert de technologies du 07 octobre 2004Kradi C. et al, Vision, communication et gestion de l’information, 2008 ◆

(non publié).KRADI C. ◆ et al, Systèmes de production des légumineuses alimentaires dans la région de Taounate, INRA – GTZ, avril 1999.Moha Khettouch ◆ et al, Les groupements d’intérêt scientifique, technologique et économique, INRA, 1993.Maâtougui A., ◆ et al, les Pâturages Steppiques de l’Oriental Marocain, juin 2011.Mettrick, Hal, Recherche agricole orientée vers le développement : le ◆

cours ICRA, Centre International pour la Recherche Agricole orientée vers le Développement, Wageningen, 1994, 288 pages. Rapport 50 ans de développement humain, perspectives 2025, ◆

RDH-synthèse, janvier 2006, p. 28 et 37. Situation de l’agriculture marocaine n°, MAPM 2010. ◆

Stratégie nouvelle de vulgarisation agricole à l’horizon 2020, Exposé DEFR ◆

/ MAPM Mars 2011.Toon Dofoer ◆ et al, Curriculum d’apprentissage participatif et recherche-action (APRA), manuel de facilitateur, CTA, IFDC, IFDC, 2004.

Liste bibliographique

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Glossaire

Agdal : Parcours collectifs en zones de montagnes Alouana : Huile d’olive verte trituré selon un processus traditionnel Bayoud: Maladie du palmier dattier (Fusarium oxysporum sp. albedinis)Beldi : Produit localBour : Agriculture pluvialeCanoun : un couple avec des enfants ( en référence à la cuisine) D’man : Race locale ovine des oasis Douar : VillageJellaba : Burnous en laine Jmaâ : Comité des sages au sein du Douar constitué par un groupe

d’agriculteursMatmoura : Technique de conservation dans le sous sol à une profondeur de 1 à 3

mètres (Lieu de stockage)Mergued : Lieu de campement des pasteurs nomadesMejhoul : Variété de Datte nobleSouak : Produit cosmétique traditionnel à base d’écorce des racines

du noyerSardi : Race ovine Seguia : Petit cours d’eauSouk : MarchéTouiza : Forme de collaboration entre les agriculteurs du Douar pour la

réalisation de certaines activités agricoles (labour...)

Glossaire

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Biographie

Natif de Kénitra le 30/11/1954 et père de deux enfants, Chafik KRADI est lauréat de l’ENA de Meknès, (Option Technique et Développement, 1981) et titulaire du Diplôme d’Ingénieur d’Etat de l’IAV Hassan II, (Option Agro-économie, 1989).

Il a travaillé, durant toute sa carrière (de 1981 à 2012) dans le domaine de la Recherche – Développement: coordinateur du Programme Amélioration de la Production Olivier et Amandier dans la DPA de Fès-Taounate (1981 à 1986) ; Chef de service des statistiques et des études économiques DPA Taounate (1990 – 1992).

Depuis son intégration à l’INRA en 1992, il a occupé plusieurs fonctions: Chef de Service de Coordination (1992-2003), Chef de Département de Recherche-Développement (2003-2007) et Chef de la Division de l’Information et de la Communication depuis 2007 où il a essayé d’instaurer un système de communication ouvert à même de faire valoir les acquis de la recherche agronomique.

Il est l’auteur de plusieurs communications et a contribué dans la rédaction de plusieurs documents à caractères stratégiques et ouvrages en relation avec la recherche-développement, la communication, le transfert de technologies et le management de la recherche. Il a participé au renforcement de capacité de plusieurs chercheurs et techniciens dans le domaine de la recherche système.