L’administration itérative d’HBPM

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Flash pratique Quand rechercher une résistance à l'aspirine ? t Luc CHRlSTlAENS Département médico-chirurgical de cardiologie, CHU de Poitiers En l'état actuel des connaissances, la risque hémorragique doublé avec 1 à 2 % d'hémorragie par an. (( résistance à I'aspirine ), est définie par Vu l'importante population concernée, il est vraisemblable l'absence d'effet anti-agrégeant plaquet- qu'une proportion non négligeable de patients ne bénéficie pas L. Christiaens taire sur des tests réalisés in vitro chez un de la protection antithrombotique attendue sous aspirine mais en patient traité par aspirine pour la préven- subit les effets secondaires néfastes. En cas de résistance à l'as- tion des événements thrombotiques artériels ou coronaires. pirine l'utilisation du clopidogrel est logique. Malgré les argu- Normalement, I'aspirine diminue fortement I'agrégabilité plaquet- ments physiopathologiques et la mise en évidence d'un risque taire dès la posologie de 75 mg par jour par une inhibition irréver- thrombotique accru, en cas de résistance à I'aspirine, le bien- sible de la cyclo-oxygénase plaquettaire et la diminution du fondé d'une recherche systématique de cette résistance n'est thromboxane A2. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour toutefois pas actuellement démontré, le rapport coût-efficacité détecter cette résistance : évaluation directe de l'agrégation pla- d'une telle démarche étant inconnu. Une évaluation biologique quettaire (agrégométrie, test PFA-100.. .) ou dosage des dérivés systématique de l'efficacité des anti-agrégeants n'est pas sou- urinaires du thromboxane. Quelle que soit la méthode il existe un haitée par la Conférence européenne de consensus qui a renou- continuum entre les valeurs normales et les valeurs patholo- velé ses recommandations en 2004. Vu les alternatives thérapeu- giques compliquant la classification binaire des patients en résis- tiques possibles, une résistance à I'aspirine doit être recherchée tants ou sensibles. Au moins 20 Oh des insuffisants corona- en cas d'événement thrombotique sévère inexpliqué, chez un riens stables traités 75 à 360 mglj d'aspirine ne présentent pas patient sous aspirine. une baisse significative de leur agrégation plaquettaire et cette proportion augmente en cas d'angor instable ou après pontage aorto-coronaire. La détection d'une résistance à I'aspirine en cas de cardio~athie ischémiaue stable n'est Das sans conséquence En ~ratiaue : Surtout si événement clinique puisqu'elle s'associe à un risque d'événement artériel thrombotique sévère multiplié par 2 à 3. Un traitement au long . . cours par aspirine à dose anti-agrégeante est responsable d'un thrombotique sévère. Lgadministration itérative dyHBPM Thomas LECOMPTE CHU de Nancy . Y Les HBPM peuvent induire une thrombo- pénie induite (TIH), y compris avec sa conséquence clinique, thrombotique, qui b Lecompte peut être désastreuse. Dans certains cas, l'administration d'une héparine, HBPM ou non, est ponctuelle ou de courte durée mais itérative : hémodialyse, accès veineux, procédures endoarté- rielles répétées, voyages prolongés fréquents, épisodes médi- caux récidivants conduisant à une immobilisation ... Ce type d'administration comporte-t-il un risque accru de TIH ? II n'y a pas, à ma connaissance, d'élément objectif de réponse à cette question, tiré d'étude clinique. Un certain nombre de fac- teurs démontrés de moindre risque peuvent néanmoins être cités : HBPM (par rapport aux héparines non fractionnées) ; pro- phylaxie de la thrombose veineuse ; circonstance non chirurgica- le ; traitement de moins de 5 jours ... ce qui correspond souvent aux cas de figure proposés. Mais il est en général admis que la présence des anticorps caractéristiques du syndrome TIH est aussi fréquente (mais pas plus) chez les hémodialysés que dans les autres circonstances médicales, et il a été confirmé que la fréquence est moindre avec une HBPM plutôt qu'une HNF ; des TIH ont été rapportées chez des malades hémodialysés (exposés de manière itérative mais limitée, à chaque séance), et autres porteurs d'un accès vasculaire, dont la perméabilité est mainte- nue dans l'intervalle des utilisations par un verrou héparinique. Chez ces malades la TIH peut devenir brutalement apparente, dès les tout premiers jours d'un traitement héparinique conven- tionnel, quelque temps (le plus souvent 2 à 3 semaines) après I'administration antérieure ponctuelle d'une quantité minime de cet anticoagulant. En effet, l'immunisation peut survenir dans une première phase sans manifestation (baisse de la numération pla- quettaire, thrombose), notamment parce que le traitement était de courte durée ; mais les anticorps peuvent persister semble-t-il jusqu'à 100 jours, de sorte qu'une réadministration peut déclen- cher le syndrome complet. Donc, il n'y a pas d'argument pour considérer que la fréquence est supérieure, ni même inférieure, dans les cas de figure propo- sés. Toutefois la fréquence des TIH tend à diminuer au-delà d'une certaine durée (cumulative) d'exposition, classiquement 20 jours en cas de traitement conventionnel, et quelques années après le début d'une dialyse chronique. En pratique : Ne jamais banaliser l'administration d9HBPM. AMc pd&-pe No 135 - 25 janvier 2005

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Flash pratique

Quand rechercher une résistance à l'aspirine ?

t Luc CHRlSTlAENS Département médico-chirurgical de cardiologie, CHU de Poitiers

En l'état actuel des connaissances, la risque hémorragique doublé avec 1 à 2 % d'hémorragie par an. (( résistance à I'aspirine ), est définie par Vu l'importante population concernée, il est vraisemblable l'absence d'effet anti-agrégeant plaquet- qu'une proportion non négligeable de patients ne bénéficie pas

L. Christiaens taire sur des tests réalisés in vitro chez un de la protection antithrombotique attendue sous aspirine mais en patient traité par aspirine pour la préven- subit les effets secondaires néfastes. En cas de résistance à l'as-

tion des événements thrombotiques artériels ou coronaires. pirine l'utilisation du clopidogrel est logique. Malgré les argu- Normalement, I'aspirine diminue fortement I'agrégabilité plaquet- ments physiopathologiques et la mise en évidence d'un risque taire dès la posologie de 75 mg par jour par une inhibition irréver- thrombotique accru, en cas de résistance à I'aspirine, le bien- sible de la cyclo-oxygénase plaquettaire et la diminution du fondé d'une recherche systématique de cette résistance n'est thromboxane A2. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour toutefois pas actuellement démontré, le rapport coût-efficacité détecter cette résistance : évaluation directe de l'agrégation pla- d'une telle démarche étant inconnu. Une évaluation biologique quettaire (agrégométrie, test PFA-100.. .) ou dosage des dérivés systématique de l'efficacité des anti-agrégeants n'est pas sou- urinaires du thromboxane. Quelle que soit la méthode il existe un haitée par la Conférence européenne de consensus qui a renou- continuum entre les valeurs normales et les valeurs patholo- velé ses recommandations en 2004. Vu les alternatives thérapeu- giques compliquant la classification binaire des patients en résis- tiques possibles, une résistance à I'aspirine doit être recherchée tants ou sensibles. Au moins 20 Oh des insuffisants corona- en cas d'événement thrombotique sévère inexpliqué, chez un riens stables traités 75 à 360 mglj d'aspirine ne présentent pas patient sous aspirine. une baisse significative de leur agrégation plaquettaire et cette proportion augmente en cas d'angor instable ou après pontage aorto-coronaire. La détection d'une résistance à I'aspirine en cas de cardio~athie ischémiaue stable n'est Das sans conséquence En ~ratiaue : Surtout si événement clinique puisqu'elle s'associe à un risque d'événement artériel thrombotique sévère multiplié par 2 à 3. Un traitement au long . . cours par aspirine à dose anti-agrégeante est responsable d'un

thrombotique sévère.

Lgadministration itérative dyHBPM Thomas LECOMPTE CHU de Nancy

. Y Les HBPM peuvent induire une thrombo- pénie induite (TIH), y compris avec sa conséquence clinique, thrombotique, qui

b Lecompte peut être désastreuse. Dans certains cas, l'administration d'une

héparine, HBPM ou non, est ponctuelle ou de courte durée mais itérative : hémodialyse, accès veineux, procédures endoarté- rielles répétées, voyages prolongés fréquents, épisodes médi- caux récidivants conduisant à une immobilisation ... Ce type d'administration comporte-t-il un risque accru de TIH ? II n'y a pas, à ma connaissance, d'élément objectif de réponse à cette question, tiré d'étude clinique. Un certain nombre de fac- teurs démontrés de moindre risque peuvent néanmoins être cités : HBPM (par rapport aux héparines non fractionnées) ; pro- phylaxie de la thrombose veineuse ; circonstance non chirurgica- le ; traitement de moins de 5 jours ... ce qui correspond souvent aux cas de figure proposés. Mais il est en général admis que la présence des anticorps caractéristiques du syndrome TIH est aussi fréquente (mais pas plus) chez les hémodialysés que dans les autres circonstances médicales, et il a été confirmé que la fréquence est moindre avec une HBPM plutôt qu'une HNF ; des TIH ont été rapportées chez des malades hémodialysés (exposés de manière itérative mais limitée, à chaque séance), et autres porteurs d'un accès vasculaire, dont la perméabilité est mainte-

nue dans l'intervalle des utilisations par un verrou héparinique. Chez ces malades la TIH peut devenir brutalement apparente, dès les tout premiers jours d'un traitement héparinique conven- tionnel, quelque temps (le plus souvent 2 à 3 semaines) après I'administration antérieure ponctuelle d'une quantité minime de cet anticoagulant. En effet, l'immunisation peut survenir dans une première phase sans manifestation (baisse de la numération pla- quettaire, thrombose), notamment parce que le traitement était de courte durée ; mais les anticorps peuvent persister semble-t-il jusqu'à 100 jours, de sorte qu'une réadministration peut déclen- cher le syndrome complet. Donc, il n'y a pas d'argument pour considérer que la fréquence est supérieure, ni même inférieure, dans les cas de figure propo- sés. Toutefois la fréquence des TIH tend à diminuer au-delà d'une certaine durée (cumulative) d'exposition, classiquement 20 jours en cas de traitement conventionnel, et quelques années après le début d'une dialyse chronique.

En pratique : Ne jamais banaliser l'administration d9HBPM.

AMc pd&-pe No 135 - 25 janvier 2005