l'Administration de La Justice

download l'Administration de La Justice

of 44

Transcript of l'Administration de La Justice

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    1/44

    COMMISSION EUROPENNE POURL'EFFICACIT DE LA JUSTICE

    (CEPEJ)

    Administration et gestion

    des systmes judiciaires en Europe

    Analyse mene parlObservatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

    (OMIJ, EA 3177)Universit de Limoges

    Rdacteurs :Laurent BERTHIER, doctorant de lOMIJ

    Hlne PAULIAT, Professeur de droit public, Membre de lIUF

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    2/44

    2

    Avant-propos

    Ltude sest appuye sur les donnes 2004 fournies par la CEPEJ(rapport 2006), la suite de questionnaires adresss aux diffrents Etatsmembres et renseigns par des experts du domaine de la justice (pour lesquestions et les rponses pertinentes au regard de la prsente tude, voirannexe ; ltude a t acheve en juin 2008 avec les donnes disponibles cette date).

    Certaines difficults sont cependant apparues dans le traitement deces donnes ; outre le fait que, bien entendu, les diffrents Etats membres

    nen sont pas au mme niveau de rflexion sur le thme et que les termesne sont pas compris de la mme manire entre eux, il est important desouligner la diffrence de pertinence dans les rponses donnes et parfoislimprcision relative des questions poses. Ainsi existe-t-il de trsnombreuses manires de rpondre une question portant sur le traitement des plaintes des justiciables , selon que lon sattache au sensclassique de la plainte traiter, qui fait lobjet dune requte et du suivi strictdune procdure, ou son sens plus spcifique de plainte relative undysfonctionnement du service de la justice. Il a parfois t difficile dedterminer ce que lEtat souhaitait mettre en vidence. Il en est de mme duterme administration de la justice . Il aurait t aussi particulirement utilede disposer dun schma gnral du systme judiciaire de chaque Etatmembre ; certains ont prsent une analyse de leur systme juridictionnel

    mais non celui de leur structure judiciaire ; ainsi a-t-il t indispensable derechercher, dans chaque questionnaire parfois, une description, mmesommaire, indiquant les lments gnraux, comme le systme de gestion(par le ministre, par une institution indpendante, par une cour suprme).Lutilisation de langlais sest rvle galement parfois sourcedincertitudes, voire derreurs.

    En ralit, il a sembl aux auteurs que peu de questionsconcernaient la gestion elle-mme, en particulier les mcanismesbudgtaires prcis, ou encore la contractualisation. Cette dernire questionest parfois aborde dans les procdures durgence ou dans la question desdlais, mais jamais de manire synthtique. Ce pourrait tre un lmentintressant dans la perspective des grandes volutions venir.

    Il est apparu cependant que la base de donnes constituait unensemble de renseignements exceptionnel. Il serait alors intressant depouvoir ensuite suivre les volutions, en insistant davantage sur certainesquestions, qui viennent dtre voques, pour apprcier lvolution desdiffrents Etats membres sur ces thmes.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    3/44

    3

    RsumEtudier ladministration et la gestion de la justice et des juridictions

    est une tche dlicate par lambigut mme de la recherche envisage. Laterminologie est en effet fluctuante selon les Etats europens, ce qui doitconduire une grande prudence dans les comparaisons effectues.

    Ladministration et la gestion des juridictions sont souventenvisages comme des lments permettant datteindre ou dencourager uncertain niveau de qualit de la justice. Cette approche nest pas totalementnouvelle, pour certains Etats tout au moins, mais elle nest pas aise traduire concrtement dans les systmes judiciaires. Chercher structurerladministration de la justice, organiser la gestion des juridictions se heurte

    un principe constitutionnalis dans presque tous les pays du Conseil delEurope : le principe de lindpendance de la justice. Il est doncindispensable de trouver des mcanismes permettant tout la foisdamliorer la qualit de la justice en agissant sur son administration et sagestion, tout en tablissant des garanties pour protger lindpendance de la justice et de ses juges. Une fois ce premier quilibre trouv, il fautgalement dterminer ce qui relve de ladministration et ce qui relve du juridictionnel ; en dautres termes, il est indispensable dtablir la frontireentre les deux missions, parfois runies entre les mains dune mmeautorit. Ltude insiste donc sur les diffrents modles dadministration dela justice pratiqus par les pays europens, en mettant en vidence lidentitet le rle des organes de rgulation (modle unitaire, modle dcentralisou concurrentiel, modle autonomique ou gestionnaire). Deux tendances se

    rvlent : lune qui fonde la qualit de la justice sur les qualits prsentespar le juge, laccent tant donc mis sur son indpendance, le Conseilsuprieur (organe de rgulation) assurant cette garantie ; lautre qui fonde laqualit de la justice sur la qualit du systme judiciaire dans son ensemble,laccent tant alors mis sur lefficacit pilote par le Conseil suprieur. Cettedeuxime tendance semble tre privilgie par les organes europens.

    Ladministration de la justice est dsormais conue comme un outil,cens redonner confiance aux citoyens en leur justice. Les techniquesissues du management par la qualit sont donc largement sollicites pouramliorer la qualit de la justice en favorisant le dialogue avec les citoyens.Ainsi la contractualisation et lvaluation sont-elles largement utilises par denombreux pays, lune pour prciser et amliorer les relations entre

    juridictions ou entre juridictions et justiciables, lautre pour apprcier laqualit globale de la justice et du systme judiciaire (les mcanismes allantdu rapport annuel dactivit ltablissement dindicateurs deperformance). Mais la recherche de la qualit passe aussi par la matriseet la rsolution des dysfonctionnements de la justice ; mme si lon peuttenter de rduire les dlais ou damliorer certains processus, il nen restepas moins que des dysfonctionnements peuvent exister ou se rvler : desenqutes dopinion peuvent permettre de mesurer la satisfaction descitoyens lgard de leur systme judiciaire, mais il faut prendre lesrsultats avec beaucoup de prcaution, compte tenu des conditions dans

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    4/44

    4

    lesquelles elles sont parfois effectues. Ltude a souhait privilgier unaspect particulier, celui du traitement des plaintes des justiciables ; elle amontr que les termes refltaient parfois des ralits fort diffrentes, maisaussi que, lorsque les Etats parlaient bien de la mme chose, les rponsesapportes variaient considrablement (faut-il faire intervenir un Mdiateur, lajuridiction elle-mme, un Conseil suprieur ?).

    La qualit de la justice repose sur des techniques et des objectifsvariables dun pays un autre, mais la recherche de lefficacit du systme,tout en garantissant son indpendance, en recourant des Conseilssuprieurs aux comptences largies, et la restauration de la ncessaireconfiance des citoyens en leur justice sont des lments fondamentaux enEurope.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    5/44

    5

    Introduction Administrer la justice, est-ce encore administrer ou est-ce dj

    juger ? Les pays membres du Conseil de lEurope ont t amens sinterroger sur la rponse donner cette question, dans la mesure o lemode dadministration et de gestion du systme judiciaire dans sonensemble et celui des juridictions en particulier qui sont retenus tmoignentdu modle choisi, donc de la nature des relations que ces Etats souhaitenttablir entre la justice et les autres pouvoirs et institutions. Lexploitation dela base de donnes de la Commission europenne pour lefficacit de la justice (CEPEJ) a permis deffectuer une tude densemble des modesdadministration et de gestion des 46 Etats membres du Conseil de lEurope.Lobjectif de la recherche nest videmment pas de donner une lecture

    exhaustive des mcanismes qui existent dans chaque Etat ; lide est aucontraire de tenter dtablir une synthse des donnes, en dgageant desgrands modles dadministration et de gestion des systmes judiciaires. Ilna donc pas sembl essentiel de souligner toutes les nuances qui pouvaientexister dans chaque systme ; ltablissement de quelques grandsprincipes, la description de modles gnraux sont mis en vidence ; deslignes directrices europennes en la matire ont t releves : ainsi est-ilconstant que ladministration de la justice et la gestion des juridictions nesont pratiquement jamais considres de manire unique et pour elles-mmes ; elles font le plus souvent partie dune dmarche globale,conduisant sinterroger sur lefficacit ou la qualit de cette administrationou de cette gestion, au regard de lattente des justiciables ou, plusgnralement, au regard de la fonction que lon souhaite voir occuper par la

    justice dans un Etat de droit ; elles peuvent galement tre sources dequestionnement au regard de la recherche de la performance : telmcanisme ou telle mthode de gestion est-il (elle) de nature renforcer unmanagement efficace ou la qualit de la justice ?

    La diversit des pays tudis ne permet bien sr pas de retenir unegrille de lecture totalement uniforme. Certains Etats ne sont quau dbut dunprocessus de rflexion, ils prennent conscience progressivement de lutilitdu choix dun mode de gestion, mais ils sont en gnral proccups par desproblmes plus spcifiques (lutte contre la corruption, affirmation degaranties dindpendance des juges). Il ne peut donc exister de modleunique en Europe, les choix effectus tant largement tributaires deconsidrations historiques, politiques, sociales, conomiques propres au

    pays considr. La structuration mme de la justice et de lEtat est unlment prendre en compte : le modle ne peut tre le mme dans laFdration de Russie et en Andorre ou Saint-Marin, en Azerbadjan et auxPays-Bas ; le nombre de juridictions est diffrent, les relations entre les juridictions galement, le niveau budgtaire et les priorits ne peuventqutre largement distincts. Mais mme entre pays comparables, ceux parexemple qui nont pas subi de remises en cause brutales ou de transitionsdifficiles, les approches varient car les conceptions administratives ne sontpas identiques, les priorits et la part budgtaire consacre la justice nonplus.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    6/44

    6

    Les grands principes et les grands modles dgags ne peuventdonc tre que gnraux ; ils donnent ainsi un reflet des systmesdadministration et de gestion, mais ils permettent aussi de dgager lesproccupations des Etats. On note lattrait pour un modle donn, surtoutorient vers une forme de new public management appliqu la justice ;mais les considrations financires et budgtaires ne sont pas seules jouer un rle important. La lgitimit de la justice passe aussi par la prise encompte des justiciables, comme pour tout service public. On voit ainsiapparatre des rflexions sur le traitement des plaintes des justiciables lgard de certaines questions spcifiques, soit relatives la dure desprocdures, ce qui est un problme dadministration et de gestion dusystme judiciaire mais concerne sans doute plus directement le justiciable

    lui-mme, soit relatives au comportement dun magistrat ou aufonctionnement global du systme. Le traitement de ces plaintes conduitsouvent la juridiction ou le systme dans son ensemble trouver dessolutions ou des rponses, qui ne peuvent tre construites qu partir desprincipes dadministration et de gestion ; savoir de quelle autorit ouinstitution relve une plainte impose de connatre exactementlorganigramme de linstitution judiciaire, les relations quelle entretient avecdautres institutions, comme les mdiateurs ou ombudsman, et galementavec les conseils suprieurs de la justice ou les ministres concerns, letout en ayant toujours prsente lesprit lexigence dindpendance de lajustice.

    On soulignera enfin que la notion mme dadministration de la

    justice pose problme. Ses contours sont difficiles identifier avec prcision,car chaque Etat, l encore, possde ses particularits et seule une tudedensemble, spcifiquement consacre cette question, permettrait dtablirune typologie pertinente. Ainsi est-il pratiquement impossible, moinsdtudier chaque procdure de chaque pays et de chaque ordre de juridiction sil en existe plusieurs, de dterminer les frontires deladministration de la justice et de lacte de jugement ; or une typologie desmesures serait indispensable pour apprcier ltendue des comptencesadministratives et gestionnaires de chaque prsident de cour ou, de manireplus large, de chaque chef de juridiction. La seule tendance souligner est,semble-t-il, la prise de conscience du lien entre les deux aspects, et lancessit de diffrencier ces mesures pour identifier les contrles possibles,dans le respect de lindpendance et de limpartialit des juges.

    Ltude met en vidence la volont que la justice, comme touteinstitution charge dune mission dintrt gnral, rende des comptes, soitglobalement pour lutilisation des deniers publics, soit, de manire plusponctuelle ou en tout cas plus encadre, pour ses dysfonctionnements,administratifs ou non, en fonction de la frontire retenue. Le conceptdadministration de la justice est donc gomtrie variable ; mais larecherche ne peut, pour linstant, rpondre une question importante : osarrtent ladministration et la gestion de la justice, o commencent laprocdure et le jugement ?

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    7/44

    7

    I) Ladministration au service dune qualit prsuppose : une relationcomplexe entre administration et justice

    Ladministration peut se prsenter classiquement comme unensemble dorganes, de structures, dagents, placs sous lautorit dugouvernement et chargs daccomplir des tches animes par lintrtgnral

    1. La justice se dfinit quant elle de par la fonction quelle remplit au

    sein dun Etat, savoir celle de rsoudre des litiges sur la base dun droitprtabli. Dun point de vue plus organique, la justice est lensemble desinstitutions revtant le plus souvent une forme juridictionnelle, charges deremplir cette mission fondamentale dans un Etat de droit. Selon unepremire approche donc, administration et justice entretiennent des relationssmantiques trs tnues confinant mme linterdpendance

    2. Pourtant, si

    lon sattarde un instant sur la combinaison de ces deux entits biendistinctes, des difficults surviennent en ce quil est constant daffirmer quela justice a parfois du mal composer avec les impratifs deladministration

    3.

    Lanalyse de cette combinaison smantique fera alors apparatre ladistorsion du lien, pourtant vident selon une approche organique, entreadministration et justice. Toutefois, si lon retient une approche plusfonctionnelle de ladministration, il est possible denvisager un moyen detranscender cette contrarit originelle, administration et justice, dans uneperspective de recherche de la qualit de la justice, pouvant agir de concert.

    A) La distorsion classique du lien entre administration et justice au

    nom de lindpendance

    Il est difficile de dessiner les contours de ce que recouvrelexpression administration de la justice . Si lon sattache la dimensionorganique de ladite expression, seront alors vises les institutions habilites,par des normes prtablies (constitution, lois ordinaire ou organique) rendre la justice mais aussi, dans une perspective plus gnrale, tous les

    1Cette approche classique, voire approximative , de lAdministration (cf.

    Gilles Guglieni, Dictionnaire de la culture juridique, ss. dir. de D. Alland et S. Rials,Lamy-PUF, d. 2003, p 26) ne permet pas, selon J. Chevallier, de dcrire lecaractre ncessairement subordonn de lAdministration, laquelle peutconstituer un instrument daction au service dun pouvoir politique peru comme

    diffrent et suprieur , J. Chevallier, Sciences administratives, PUF, 3e d. (2002),p 72.2

    Les relations entre la justice et ladministration sont rciproques. La justicecontrle ladministration (). Mais linverse, la justice a besoin de ladministrationpour fonctionner : les juges se bornent trancher des litiges ( au nom de laRpublique ) ; lexcution concrte de leurs dcisions dpend du concours de laforce publique, cest--dire de ladministration (). Comme le lgislateur, le juge doitpasser par ladministration pour assurer la mise en uvre de ses dcisions (J. Chevallier, op. cit., p 93).3

    H. Pauliat, Ladministration de la justice dans les institutions franaises, in Lthique des gens de justice , PULIM 2001, p 75.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    8/44

    8

    organes habilits non plus rendre la justice, mais bien la grer (ministres, conseils suprieurs de justice). Cette premire dimension doitcependant composer avec une seconde, plus fonctionnelle, laquelle permet,en somme, de dfinir ladministration de la justice comme lensemble desmoyens humains, en personnel, en finances, etc. qui permettent lefonctionnement de la justice

    4. En dfinitive, selon ce double aspect, dfinir

    ladministration de la justice revient considrer un ensemble de matriauxncessaires lorganisation, la structuration mais aussi au fonctionnementde la mission dvolue la justice. Il convient de noter au passage que, selonune conception europenne de ladministration de la justice, cette dernirese prsente davantage comme lensemble des procds gravitant autour duprocs, ce qui tmoigne dune approche strictement fonctionnelle deladministration de la justice, confinant celle-ci son activit purement

    juridictionnelle

    5

    . Le problme serait alors de dterminer le positionnementstratgique de ladministration, laquelle se situe la croise entreorganisation et fonctionnement et ce surtout si la bonne administrationapparat de plus en plus comme une vritable exigence

    6.

    4H. Pauliat, Ladministration de la justice dans les institutions franaises, op. cit.,

    p 75.5

    CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal, Gonzalez et al. c. France, Rec. 1999-VII ; AJDA 2000, p 533, chron. J.-F. Flauss ; RTD civ. 2000, p 436, noteJ.-P. Marguenaud ; Les grands arrts de la Cour europenne des Droits de lHomme,PUF, 4

    ed. (2007), p 287 s. : si en principe, le pouvoir lgislatif nest pas empch

    de rglementer en matire civile, par de nouvelles dispositions porte rtroactive,des droits dcoulant de droits en vigueur, le principe de la prminence du droit et lanotion de procs quitable consacrs par larticle 6 sopposent, sauf pour dimprieuxmotifs dintrt gnral, lingrence du pouvoir lgislatif dans ladministration de la

    justice dans le but dinfluer sur le dnouement judiciaire du litige ; la Coureuropenne des droits de lhomme semble ainsi assimiler administration de la justiceet administration du procs, alors mme que les principes procduraux, tels quedfinis larticle 6 de la Convention europenne des droits de lhomme, doivent treconcilis avec des exigences nouvelles de rapidit, de gestion des flux, voiredconomie de la justice ; pour ces lments, cf. M.-L. Cavrois, H. Dalle et J.-P. Jean,La qualit de la justice, La documentation franaise, 2002 ; J.-P. Jean et H. Pauliat, Ladministration de la justice en Europe et lvaluation de sa qualit , D. 2005,n

    o9 p 598. Cette position europenne est rapprocher de la position du Conseil

    constitutionnel franais : 224 DC du 23 janvier 1987 Conseil de la concurrence : lorsque lapplication dune lgislation ou dune rglementation spcifique pourraitengendrer des contestations contentieuses diverses qui se rpartiraient, selon lesrgles habituelles de comptence, entre la juridiction administrative et la juridiction

    judiciaire, il est loisible au lgislateur, dans lintrt dune bonne administration de la justice, dunifier les rgles de comptence juridictionnelle au sein de lordre juridictionnel principalement intress , cf. L. Favoreu et L. Philip, Les grandesdcisions du Conseil constitutionnel, D. 13

    edition (2005), n

    o38, p 667 ; H. Pauliat,

    Les diffrents modes dadministration de la justice en Europe et au Qubec et leurinfluence sur la qualit, in Ladministration de la justice en Europe et lvaluation desa qualit, dir. par M. Fabri, J.-P. Jean, P. Langbroek, et H. Pauliat, p 23 s.6

    La bonne administration de la justice et la gestion efficace des tribunaux sont unecondition essentielle au bon fonctionnement du systme judiciaire et exigent, entreautres, des crdits budgtaires adquats , Res(2002)-12 du Conseil de lEuropetablissant la Commission europenne pour lefficacit de la justice (CEPEJ) ; plus

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    9/44

    9

    Il nen reste pas moins vrai que lalternative prsuppose par ladouble dimension de ladministration de la justice, balance entrelorganisationnel et le fonctionnel, est lorigine, au sein du systme judiciaire, dun conflit de territoire entre, dun ct, ce qui relve del administratif pur et de lautre du juridictionnel

    7. Les Etats ont alors

    plusieurs faons de rgler ce diffrend8. Certains pays prconisent la

    solution indpendantiste en ce quun juge doit se contenter de juger etnon dadministrer, la frontire entre ladministratif et le juridictionnel existantbel et bien, le juge ntant pas un administrateur. La Finlande et la Bulgarieen sont lexemple

    9. A cette conception sparatiste sopposerait une autre

    approche, qui engloberait sous une mme matire le juridictionnel etladministratif dans la mesure o, du montant des moyens budgtaires

    allous, dpendrait la qualit de lactivit juridictionnelle ; cette conceptiongnre alors une rpartition peu lisible des responsabilits au sein mmedune juridiction entre les diffrents protagonistes : prsident de juridiction, procureur et greffier. Au Pays-Bas par exemple, les juridictionssont administres par un comit lequel se compose du Prsident de la juridiction, des vice-prsidents en chef mais aussi dun administrateur qui joue le rle de directeur de cette dernire. En Belgique, le rledadministrateur de la Cour revient au greffier en chef. La France connatune situation marque de complexit : sont responsables de la gestion de la juridiction les chefs de cour, mais ces derniers doivent sappuyer sur unService dadministration rgionale et sur le service du greffe. Il apparat endfinitive difficile, au regard de ces diffrents modles, de dterminer desstandards de qualit, chaque Etat ayant sa propre conception de la

    meilleure faon dadministrer une juridiction. Mais lorsque cette dernire estpartage entre plusieurs responsabilits, un effort de clarification est fournir de manire ce que fonctions administratives et juridictionnelles nese superposent pas et ne paralysent ainsi le fonctionnement gnral de lajuridiction.

    Quoi quil en soit, et au-del de ces quelques considrationsliminaires trs gnrales, voquer ladministration de la justice, cestvoquer une administration d arrire-plan tourne vers un seul objectif :garantir la ralit et lefficacit de principe fondamental dorganisation et de

    gnralement, cf. J. Chevallier : Le postulat selon lequel la gestion publique,place au service de lintrt gnral, ne pouvait tre mesure en termes defficacit

    a fait place lide que ladministration est tenue, tout comme les entreprisesprives, damliorer sans cesse ses performances et dabaisser ses cots ; elle estsomme de remplir ses missions, dans les meilleures conditions possibles, enveillant la qualit de ses prestations et en utilisant au mieux les moyens sadisposition , J. Chevallier, LEtat post-moderne, Droit et Socit 2003, p 66.7

    Pierre Lampu, La notion dacte juridictionnel , RDP 1946, p 5 s ; cf.L.-M. Raingeard de la Bltire, Peut-on adapter ladministration aux finalits de la

    justice ? , RFAP, no

    57 p 61 s.8

    H. Dalle, Administration de la justice et acte juridictionnel , in Lthique des gensde justice, PULIM 2001, p 93 s.9

    Position envisage par lItalie et lAutriche.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    10/44

    10

    fonctionnement de la justice quest le principe dindpendance ;ladministration de la justice se prsenterait alors comme un panel plus oumoins large de garanties.

    Ladministration de la justice repose en effet tout dabord sur unegarantie normative, et ce au plus haut degr de la hirarchie des normes, ence que la totalit des Etats europens consacrent lindpendance de lajustice dans leur texte constitutionnel. Lindpendance de la justice est de cefait affirme dans toutes les Constitutions dEurope

    10. La formulation dun tel

    principe peut toutefois varier dune Constitution lautre. Si les Constitutionsde lAllemagne, de lEspagne, de lItalie, de la Belgique, ou encore de laRoumanie garantissent lindpendance des juges ou des magistrats,lesquels ne sont soumis qu la loi, les Constitutions portugaise et polonaise

    garantissent de faon plus gnrale lindpendance des tribunaux. LaCroatie quant elle voque lindpendance du pouvoir judiciaire. En France,le principe dindpendance de la justice nest affirm que de manireempirique par lintermdiaire de la garantie institutionnelle du rle duPrsident de la Rpublique

    11. Dune manire gnrale l encore,

    lindpendance de la justice revt le plus souvent la forme dune protectionstatutaire au dtriment dune dimension fonctionnelle

    12.

    Mais l nest pas lessentiel. Plus importante est la question de laprotection organique de lindpendance de la justice par le dveloppementnotable du rle des Conseils suprieurs de justice

    13. Toute interrogation sur

    ladministration de la justice et donc sur ltendue de lindpendance decette dernire, passe invitablement par une analyse des diffrents rles

    des organes de rgulation que sont les Conseils suprieurs de justice ;de tels conseils tiennent une importance variable ce qui nest pas sansgnrer des problmes de lisibilit dans la rpartition des comptencesadministratives en la matire. Diffrents modles peuvent alors tre

    10T. S. Renoux, Les fondements juridiques constitutionnels et lgislatifs de

    ladministration de la justice et de lorganisation judiciaire , in Ladministration de la justice et la gestion des tribunaux, colloque Bordeaux, juin 1995, organis par leConseil de lEurope, Documents du Conseil de lEurope, p 15 s.11

    Art. 64 de la Constitution du 4 octobre 1958 : Le Prsident de la Rpublique estgarant de lindpendance de lautorit judiciaire ; cf. Jorge Mendes Constante, Laplace de la justice dans la socit. La justice et la conception franaise de lasparation des pouvoirs , Les cahiers franais, n

    o334, p 19 s., H. Solus et

    R. Perrot, Droit judiciaire priv, S. 1961, T. I., p 473 et s. La Constitution armniennedu 5 juillet 1995 dfinit de la mme faon lindpendance de lautorit judiciaire larticle 94.12

    Seule la Constitution hellnique semble consacrer lindpendance dans son voletfonctionnel : article 87-1. : La justice est rendue par des tribunaux constitus demagistrats du sige qui jouissent dune indpendance tant fonctionnelle quepersonnelle . Il faut noter au passage que la Cour europenne des droits delhomme sattache au caractre fonctionnel de lindpendance de la justice ce quiramne, en dfinitive, une apprciation sur limpartialit du juge, CEDH 24 mai1989, Hauschildt c. Danemark, GACEDH, d. 2007, p 313.13

    Terme volontairement gnrique du fait dune htrognit des appellations.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    11/44

    11

    labors

    14

    , fonds sur une rpartition des tches administratives plus oumoins tendue : le modle unitaire et centralis, le modle dcentralis ou concurrentiel , et le modle autonomique , suivant en cela, en quelquesorte le polymorphisme tatique

    15.

    Dans le cadre dun modle dit unitaire , ladministration de la justice ressort de la comptence exclusive du ministre de la justice. Ilnexiste donc aucun Conseil suprieur sous quelque forme que ce soit

    16et

    ce alors mme que le principe dindpendance de la justice estsolennellement affirm dans le texte de valeur constitutionnelle. Selon cepremier modle, ladministration du systme judiciaire (gestion du corps desmagistrats et rpartition des ressources budgtaires) constitue un monopolegouvernemental, ce qui nest pas sans rappeler une conception plus

    fonctionnaliste de la sparation des pouvoirs, la justice restant une fonctionde lEtat et donc fortement lie au pouvoir excutif17

    .

    Le deuxime modle plus dcentralis , voire parfois concurrentiel car plus intermdiaire en somme, assure un certainpartage de ladministration de la justice entre deux entits distinctes savoir, dune part, le ministre de la justice qui semble conserver toutefoislessentiel des prrogatives en la matire et un ventuel Conseil suprieurdautre part. Ce modle est alors retenu par une large majorit des Etatseuropens ; son caractre mdian gnre parfois des problmes derpartition des comptences entre ministre et Conseil suprieur et donc unresserrement des comptences au profit du premier mais peut, linverse,favoriser lmergence de missions particulires au bnfice des seconds.

    Dans la plupart des cas, la rpartition des comptences administrativesentre Ministres de la justice et Conseils suprieurs de justice se montreassez dfavorable pour ces derniers, en ce sens que de tels organismes sevoient pourvus de comptences traditionnelles assez minces, rduites la

    14Sur ces questions, voir notamment Les Conseils suprieurs de la magistrature en

    Europe, dir. par T.-S. Renoux, La documentation franaise, 1999 ; J.-F. Kriegk, LesConseils suprieurs de justice, clef de vote de lindpendance judiciaire ? (examencomparatif partir de critres internationalement reconnus) , D. 2004 n

    o30,

    p 2166 s.15 Etat unitaire, dcentralis ou non, rgional et fdral.16

    Autriche, Bosnie-Herzgovine, Islande, Luxembourg, Suisse (au niveau fdraluniquement).17

    Ce qui peut tre gnrateur de certaines difficults au regard dinstrumentsinternationaux tels que la Charte europenne sur le statut des magistrats, laquelledispose dans son point 1.3 : Pour toute dcision affectant la slection, lerecrutement, la nomination, le droulement de la carrire ou la cessation de fonctionsdun juge ou dune juge, le statut prvoit lintervention dune instance indpendantedu pouvoir excutif et du pouvoir lgislatif au sein de laquelle sigent au moins pourmoiti des juges lus par leurs pairs suivant des modalits garantissant lareprsentation la plus large de ceux-ci.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    12/44

    12

    seule gestion du corps des magistrats

    18

    , voire parfois pour les seulsmagistrats du sige19

    . Cette mission originelle revient alors grer lacarrire des magistrats, tout en maintenant lassurance de garantiestraditionnelles dindpendance relatives la nomination, lavancement, ladiscipline et la formation professionnelles ; les comptences en matireadministrative et financire et plus gnralement politique relvent de laseule comptence du ministre.

    Cette rpartition assez ingalitaire de ladministration de la justice etapparemment hermtique peut toutefois laisser sinfiltrer un certainparticularisme la faveur, cette fois-ci, des Conseils suprieurs de justice.En Armnie par exemple, le Conseil judiciaire est comptent pour formulerdes recommandations lgard des programmes de formation des

    magistrats, il peut en outre donner son avis sur les remises de peineconsenties par le Prsident de la Rpublique20

    . En Belgique, le ConseilSuprieur de justice, dont la naissance est lie en partie laccord Octopus faisant suite la fameuse affaire Dutroux, est comptentpour mettre des avis et propositions relatifs au fonctionnement et lorganisation des juridictions

    21. Il est, dans le mme esprit, charg dune

    mission daudit et de contrle gnral des cours mais il est surtoutcomptent lgard des suites donner aux plaintes concernant lefonctionnement des juridictions

    22. La Constitution espagnole fait du Conseil

    gnral du pouvoir judiciaire lorgane principal de gouvernement de celui-ci

    23. En Turquie, la Constitution prvoit que le Conseil suprieur des juges et

    des procureurs statue sur les propositions manant du ministre de la justice en matire de suppression de tribunaux ou de postes de juges ou de

    procureurs et de modification de la comptence territoriale des tribunaux

    24

    .

    Cette rpartition peu lisible des comptences administratives peutenfin gnrer certaines volutions du fait dun manque de clart et qui vont justement dans le sens dune clarification. Cette hypothse semble seconfirmer en Bulgarie o le Conseil suprieur judiciaire

    25apparat comme le

    principal dtenteur des prrogatives administratives lgard du systmejudiciaire. Il dtient ce titre des comptences budgtaires importantes : il

    18 Albanie, Andorre, Azerbadjan, Croatie, Estonie, France, canton de Genve, Italie,

    Lituanie, Norvge, Moldavie, Pologne, Rpublique tchque, Russie, Slovaquie,canton de Tessin, et Ukraine.19

    Macdoine et Slovnie.20 Art. 95 de la Constitution.21

    La Constitution de la Rpublique du canton de Genve de 1847 prvoit, dans sonarticle 135-2, que le Conseil suprieur de la magistrature veille au bonfonctionnement des tribunaux et notamment ce que les magistrats de lordre

    judiciaire exercent leur charge avec dignit ; la Constitution de la Rpublique etcanton de Tessin, dans son article 79, prvoit que le Conseil suprieur de lamagistrature exerce un devoir de vigilance lgard des magistrats.22

    Cf. infra, p 15.23

    Art. 122-2 de la Constitution de 1978.24

    Art. 159 al. 2 de la Constitution de 1995.25

    Art. 130 de la Constitution de 1991.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    13/44

    13

    peut prparer le projet de budget du pouvoir judiciaire afin de le prsenter enConseil des ministres. Les rformes engages en 2002 et 2003 semblentaller dans le sens de ce mouvement de dcentralisation plus pousse cequi ne va pas forcment vers une relle clarification du partage desfonctions administratives entre ministre et conseil suprieur. De plus, lesrformes votes ne sont pas toujours appliques immdiatement et danslesprit qui a prsid leur laboration.

    Au total, le modle intermdiaire ou dcentralis se caractrisenettement par une absence de lisibilit dans la rpartition des rles dvolusau ministre et aux conseils suprieurs de justice ; la balance penche le plussouvent du ct ministriel, lequel conserve, dans la majorit des cas, lacomptence de droit commun en matire organisationnelle, les conseils

    suprieurs exerant alors une simple comptence dattribution. Ce modlemdian se caractrise galement par lhtrognit de ses adhrents en ce sens quil peut offrir parfois certaines particularits. Lon doit malgrtout noter une certaine tendance, et lexemple bulgare de le confirmer, aurenforcement des comptences gestionnaires des Conseils suprieurs.

    Il est possible enfin de dterminer lexistence dun troisimemodle dit autonomique ou plus gestionnaire au sein duquel leConseil suprieur dispose de comptences plus larges la fois dans ledomaine de la gestion du corps de magistrats, mais galement dans ledomaine de la gestion de lorganisation et du fonctionnement des juridictions. Participent de ce modle les pays comme le Danemark, laHongrie, lIrlande et les Pays-Bas, et un moindre degr, la Sude : le

    systme sudois est peu dconcentr. Une autorit administrative,lAdministration nationale des cours et tribunaux, est charge de la gestiondes juridictions ; son rle est cependant limit : elle sassure de la meilleurerpartition possible des moyens entre les cours et tribunaux.

    Au Danemark, le gouvernement sest vu retirer partir de 1998 sesprrogatives en matire dadministration de la justice au profit dun organeindpendant des deux autres pouvoirs : la Commission des tribunaux etcours. Lorgane essentiel en matire dadministration le Board ofgovernors une fraction de cette commission, est le principal responsablede ladministration (prparation des budgets et distribution des fonds aux juridictions). Le conseil judiciaire des Pays-Bas a lui, en charge la gestionquotidienne des cours. Dans le cadre de cette mission, il dispose des

    mmes prrogatives que le Board of governors danois en matirebudgtaire. Le conseil judiciaire nerlandais est en charge en outre dunemission tout fait spcifique de modernisation de la qualit des juridictionsde faon en garantir la relle efficacit, tel point quil peut tre prsentcomme le vritable rgulateur du systme judiciaire en ce quil participeconcrtement lamlioration de la qualit de ce dernier

    26.

    26En Irlande, le Court Service est responsable de la gestion des cours et

    tribunaux et est alors comptent pour dterminer des objectifs et les moyens dyparvenir. Il contribue ainsi, lui aussi, lamlioration de la qualit de la justice ; il se

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    14/44

    14

    Ces diffrentes approches conduisent alors sinterroger sur unresserrement du lien entre administration et justice, dans une perspectivedamlioration de la qualit du systme judiciaire.

    B) Un resserrement possible des liens entre administration et justiceau nom de lefficacit

    Aux termes de cette premire approche de ladministration de la justice, il semblerait que deux vritables modles se dtachent, entretenantdeux conceptions diffrentes de la qualit de la justice. Selon un premiermodle (largement pratiqu dans les pays dEurope du Sud), la qualit de lajustice reste attache la qualit du seul magistrat en tant que personne et

    donc la prservation de son indpendance, en consquence de quoi lesConseils suprieurs ne disposent que de comptences de gestion du corpsde magistrats. Selon un second modle (pratiqu surtout dans les paysdEurope du Nord), la recherche de la qualit de la justice passerait plus parlamlioration du systme judiciaire dans son ensemble. Suivant cetteperspective, les Conseils suprieurs semblent uvrer avec une acuitparticulire dans le sens dune vritable recherche de lamlioration de laqualit de la justice par la concrtisation de lidologie gnrale derecherche de la performance, de lefficacit notamment par la mesure delactivit judiciaire. En dfinitive, il semblerait que le modle autonomique soit le modle retenir en ce quil constituerait lenvironnement le plusfavorable la rception des instruments ncessaires laccomplissementdune dmarche qualit laquelle se situe dans une perspective

    europenne

    27

    . Ce second modle apparat vritablement comme le rfrent,dautant plus que le Conseil consultatif des juges europens vient deremettre un avis pour 2007

    28dans lequel il prconise un ensemble de

    solutions empruntes plutt au modle autonomique . Le Comitconsultatif estime cet effet que le Conseil de la justice doit avoir pourfonction de protger lindpendance la fois du systme judiciaire et dechaque juge, et de garantir, dans le mme temps, lefficacit et la qualit dela justice conformment larticle 6 de la CEDH afin de renforcer laconfiance des usagers dans la justice. A ce titre, le Comit poursuit enaffirmant que le Conseil de la justice devrait avoir un large ventail detches lui permettant de protger et de promouvoir lindpendance judiciaireet lefficacit de la justice, tout en veillant viter les conflits dintrts lorsde laccomplissement de ces diffrentes tches. En outre, le Comit

    considre que le conseil de justice doit simpliquer activement dans le travaildvaluation de la qualit de la justice et dans la mise en uvre des

    produit la mme chose en Hongrie o il appartient au Conseil national de la justicede grer le budget de la justice et de contrler lactivit des juridictions.27

    J.-P. Jean et H. Pauliat, Ladministration de la justice en Europe et lvaluationde sa qualit , D. 2005, n

    o9 p 598.

    28Avis n

    o10 (2007) du Conseil consultatif de juges europens lattention du comit

    des ministres du Conseil de lEurope sur le Conseil de la Justice au service de lasocit, disponible sur le site du Conseil de lEurope.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    15/44

    15

    techniques destines assurer lefficacit du travail du juge. De surcrot, leConseil de la justice devrait avoir des comptences financires tenduesconcernant la ngociation et ladministration du budget de la justice ainsique des comptences concernant ladministration et la gestion des tribunauxen vue damliorer la qualit de la justice. Le Comit conclut en affirmantquil convient dencourager la coopration entre les Conseils de la justiceaux niveaux europen et international.

    Comparaison nest peut-tre pas raison, mais lvolution delorganisation des systmes judiciaires semble suivre celle des formes juridiques de lEtat. Il est rare en effet de trouver en Europe un systmestrictement unitaire o le Ministre de la justice dispose du monopolenormatif en matire dadministration de la justice. Au contraire le modle

    dcentralis parat constituer le principal modle. Mais il sensuit unproblme de lisibilit dans le partage des tches, ce qui gnre unprocessus variable dun Etat lautre d autonomisation , pouvantdboucher sur la conscration dune relle autonomie de gestion (modle autonomique ). Or si le processus venait se confirmer, catalys desurcrot par les plus hautes instances europennes, ne pourrait-on pasenvisager un modle encore plus autonome, poursuivant en cela lanalogieavec les diffrentes formes de lEtat, un modle fdral , de manire consacrer rellement lexistence dun pouvoir judiciaire vritablementindpendant des autres, une relle et lisible rpartition des comptencessuivant une concrtisation effective de la subsidiarit ? Car qui mieux que lajustice peut administrer la justice ?

    Il convient en dfinitive de ne plus voir dans ladministration uncarcan au sein duquel aucun processus de modernisation ni derationalisation ne serait envisageable. Au contraire doit-on voir enladministration un instrument au service de la justice, capable de servirde support toute dmarche allant dans le sens dune recherche continuede lamlioration de la qualit du systme judiciaire

    29.

    Ainsi, ladministration de la justice peut-elle tre facteurdinnovation ; de frein toute volont de modernisation, elle passe unrle de catalyseur et de rvlateur dinnovations.

    29J.-P. Jean, Justice. Quels modes dadministration et dvaluation pour un service

    public complexe qui doit rendre des dcisions en toute indpendance ? , in TheChallenge of Change for Judicial Systems, dir. par M. Fabri et Ph. M. Langbroek, IOSPress 2000, p 47 s. ; S. Renaud, Amlioration de la qualit de la justice : difficultsthoriques et pratiques , RRJ2002 n

    ospc. p 2211.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    16/44

    16

    II) Ladministration de la justice, support dune qualit recherche : undialogue rtabli entre justice et citoyens

    Ladministration de la justice est dsormais conue comme un outil ;elle fait lobjet de rflexions nombreuses, pour tenter de dterminer de quellemanire la justice peut rendre au mieux le service quelle doit aux citoyens.Elle est donc considre comme vecteur ou support de techniquesnouvelles, permettant de renforcer sa lgitimit, sa transparence, tant lgard des citoyens utilisateurs que des professions judiciaires quicollaborent avec elle (avocats, avous). La recherche de lefficacit et dela qualit contraint les pouvoirs publics et les professionnels de la justice concevoir des mcanismes innovants de gestion et dadministration, pourrpondre aux mieux aux contraintes qui sont imposes et aux demandes qui

    sont formules. Ces techniques ont t plus longues simplanter dans ledomaine de la justice quau sein dautres institutions ou services publics,simplement parce que lon considrait quelles pouvaient tre largementincompatibles avec sa mission. Ainsi la contractualisation apparat-elle demanire trs rcente dans certains pays ; la culture de lvaluation sinstalle,mais de manire ingale, et surtout dans des conditions fort diffrentesselon les Etats.

    A) La mise en place de techniques inspires du management par laqualit

    Ces techniques sont essentiellement la contractualisation etlvaluation.

    1) Une diversit logique des domaines et des fonctions de lacontractualisation.

    La contractualisation est sans doute la technique principalementutilise pour mettre en vidence le nouveau type de relations qui doitsinstaurer entre les cours et les tribunaux, dune part, et les instancescharges dallouer les fonds, de lautre (ministres de la justice, conseilssuprieurs ou autres institutions). Cette contractualisation entrane unencessaire rflexion au sein des juridictions, particulirement visible dansles pays qui pratiquent une certaine dcentralisation de leur systme judiciaire. Elle renforce ainsi la transparence de ces relations et vite enprincipe un reproche tir de latteinte lindpendance de la justice. Elle

    saccompagne dans ces pays dune logique de rsultats ; le contrat est ainsitabli entre les instances nationales et la cour, pour parvenir un certainnombre dobjectifs dfinis en fonction de ltat de la juridiction un momentdonn, des moyens dont elle dispose et des possibilits ou margesdamlioration quelle peut esprer. Mais la contractualisation ne sert pasque dans ce type de relations ; elle est utilise, mais, au regard des donnesde la CEPEJ, de manire moins frquente, dans les relations entre lesavocats et les magistrats, donc entre professionnels de la justice. La Francea ainsi insist sur les contrats de procdure mis en place, cest--dire sur latechnique qui permet aux juges et aux conseils des parties de dcider du

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    17/44

    17

    calendrier de la procdure, ds la premire audience. Ce mcanismepermet donc desprer une rduction des dlais de jugement des affaires,mais surtout une prvisibilit de cette dure ; elle rend ainsi le demandeur etson conseil plus largement acteurs de leur dossier, ou en tout cas participant la matrise du dossier, la collaboration entre avocats, magistrats et usagers tant ainsi renforce. Le Danemark utilise la techniquecontractuelle dans une perspective comparable : ainsi la cour peut-elleconvenir avec les parties et leur conseil, lors de linstance prliminaire, desmodalits selon lesquelles va se drouler la suite de la procdure. LaFinlande et lIslande dveloppent de telles possibilits, avec semble-t-il unformalisme moins accentu. Mais lide est galement de rendre laprocdure plus transparente, en tout cas plus aise. La Norvge admet lemcanisme contractuel pour rduire les dlais prvus par la loi si les parties

    en sont daccord. Si des tentatives sont galement effectues en Albanie, ilapparat quelles sont plus administratives que lgitimantes, si lon ose lestermes ; en effet, les magistrats se contentent de dterminer les dates desaudiences ultrieures, mais aucun engagement ne formalise ces donnes ;elles ont donc une vocation dinformation et non de collaboration.

    Certains pays ne dveloppent pas du tout la techniquecontractuelle

    30, soit parce quils estiment quelle nest pas compatible avec la

    justice, soit parce quils soulignent que seule la matrise totale de laprocdure par la juridiction est conforme lintrt des citoyens. Nanmoins,la contractualisation peut aussi toucher dautres domaines, comme lesrelations directes entre la justice et le justiciable ; ainsi les Pays-Bas etlAllemagne connaissent-ils les peines ngocies ; il en est de mme, mais

    un moindre degr, de lItalie et de la France ; ladministration de la justiceenglobe alors lexcution de la dcision. Il sagit ainsi de mesuresdexcution de la justice, mais destines amliorer le fonctionnement duservice public, donc sa qualit.

    La contractualisation est ainsi une premire technique utile ladministration de la justice dans une dmarche qualit ; elle aurancessairement tendance se dvelopper puisque plusieurs Etatssengagent dans des dmarches de numrisation de documents de justice.Ils seront donc obligs de recourir au contrat, ne serait-ce que pourdterminer lorganisme de confiance, lorgane certificateur, mais aussi pourdfinir avec prcision ce qui peut faire lobjet dune dmatrialisation etdune numrisation, quels sont les bnficiaires de ce systme (avocats,

    justiciables, autres juridictions nationales ou europennes), quelles ensont les limites (les interconnexions de fichiers sont-elles autorises,

    30 Armnie. Les dlais sont fixs en Autriche de manire discrtionnaire par les

    juridictions, en application des textes. La Pologne prcise quil ny a pas despacepour une discussion contractuelle ; ladministration et la gestion de la justice, au sensde gestion des procdures et des affaires, appartiennent totalement aux juridictions.Ce pays ncarte pour autant pas toute hypothse de discussion entre les parties,leur conseil et les juges. Il nexiste donc pas de formalisation, ni dengagementrciproque, mais une simple prise en compte des demandes de chacun.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    18/44

    18

    jusquo ?). Le systme est alors fait pour instaurer la confiance au sein etentre les diffrents systmes judiciaires europens. Mais dautrestechniques, lies la recherche de la qualit, existent ; tel est le cas delvaluation.

    2) Une prfrence marque pour lvaluation collective de la justice

    Pour apprcier la qualit de la justice de manire rationnelle, ilconvient de dterminer des mcanismes fiables dvaluation. De trsnombreux pays europens dcrivent ainsi certains processus gnraux, quidoivent permettre de dfinir des critres, des grilles danalyse. Touteapproche subjective nest pas pour autant absente, mais elle reste, danscertains cas, marginale.

    La quasi-totalit des pays europens rendent compte, a minima, parun rapport annuel dactivit. Seules lEstonie, la Gorgie, la Grce indiquentne pas pratiquer ce qui sapparente, bien souvent, une remontedinformations. Cette obligation de remise dun rapport annuel nest pas pourautant perue comme un critre de performance ; il sagit dun bilan delactivit de la cour ou de la juridiction au cours de lanne coule, ce quinempche pas de nombreux pays de construire des bases de donnes surles nombres de cas entrants ou sortants, les flux daffaires pour matriserdavantage le temps et les dlais.

    Mais il est intressant de sinterroger sur lutilit de ce rapport : quieffectue le rapport ou qui tablit les donnes, quelle autorit est-il

    transmis, quapporte-t-il et quelles sont les suites donner ? En ce domaine,les Etats europens se divisent en plusieurs groupes : pour certains, lesrapports annuels dactivit et/ou les donnes statistiques sont adresss auMinistre de la justice (Albanie, Finlande, France, Italie avec la Directiongnrale de la statistique, Turquie), ou bien au Conseil suprieur de lajustice (Andorre, Portugal avec les inspecteurs des services qui dpendentdu Conseil suprieur), ou encore la Cour suprme de lEtat (Chypre),rarement au Parlement (Saint-Marin), ou plusieurs autorits la fois (enIslande, les donnes statistiques sont adresses la Cour suprme, auConseil administratif des Cours et au Ministre de la Justice). Les donnes enquestion sont varies : elles peuvent concerner la dure des procdures, lenombre de recours dposs devant la juridiction, le nombre de dcisionsrendues par la juridiction, le nombre daffaires en instance, le nombre de

    recours en appel des dcisions (Montngro, Serbie), la charge de travaildes magistrats (Bulgarie, Roumanie), le nombre de dcisions excutes(Espagne) ; au contraire, seules certaines dcisions ou catgories dedcisions peuvent faire lobjet danalyses statistiques (Autriche, Danemarkpour le suivi du dlai dans certaines procdures, Lituanie, Turquie). Lesdiffrents Etats nestiment pas, la plupart du temps, quil sagit dunprocessus dvaluation strictement entendu. Ces rapport et donnesstatistiques se contentent de donner une vue densemble du fonctionnementdes cours et tribunaux, dapprcier la dure des procdures, soit de manireglobale, soit de manire spcifique, en fonction des cas, en axant la

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    19/44

    19

    description sur les procdures prsentant les cas les plus graves comme lescrimes ou les viols, ou sur les points mettant en vidence lvolution desflux.

    Il est plus difficile dapprcier les mcanismes dvaluation et surtoutdvaluation de la performance du systme judiciaire dans son ensemble oudes cours ou juridictions en particulier. Les Etats se divisent ainsi asseznettement sur les modalits de lvaluation de la performance : qui doit lapratiquer, qui dtermine les critres ou indicateurs censs valuer laperformance, comment est-elle pratique, et dans quel but ? La dfinitionmme de la performance prte discussion : certains Etats lentendentcomme la suite presque logique de la carrire des magistrats, ils laconfondent donc avec lvaluation professionnelle

    31. Les critres sont

    videmment plus classiques, puisque seront apprcies les qualitsprofessionnelles du juge ou du procureur, son aptitude agir, sadontologie il ne sagit pas pour autant de lvaluation du systmejudiciaire ou dune cour en tant que telle.

    Les critres ou indicateurs de performance sont significatifs : laplupart des Etats ont choisi de retenir les standards de la Conventioneuropenne des droits de lhomme et leur application par la Coureuropenne. Ainsi range-t-on dans les indicateurs de performancelindpendance du systme judiciaire, limpartialit des juges (Armnie), leprocs quitable, le dlai raisonnable (Chypre), la charge de travail desmagistrats (Estonie, Lituanie, Russie, la Slovnie tant lun des rares pays axer la quasi-totalit de ses indicateurs sur la quantit de travail par

    magistrat, par juridiction, au regard des flux). La Slovaquie montre un releffort de prcision dans lapprhension de ces indicateurs ; au-del de lavrification du respect des principes europens de procdure, elle insiste surla qualit de la prparation des dcisions, la manire dont les journes deprocs sont utilises, les raisons pour lesquelles un procs est suspendu, ladignit de la conduite des juges ; dans bon nombre de cas, ce ne sont quedes lments parmi dautres. Les pays qui ont le plus dvelopp ces critreset rflchi sur leur pertinence prsentent une grille intressante en associantdes indicateurs lis aux standards europens mais aussi une dimensionconomique, tenant compte de lefficacit et de leffectivit de la justice. SilAutriche, le Danemark, la Hongrie, lItalie privilgient des indicateurschiffrs sur le nombre de dcisions, daffaires traites en les liant avec lesdlais, la France, en sappuyant sur la LOLF, a tent de mettre en place des

    lments plus prcis : dlai moyen de traitement des procdures, nombredaffaires traites par magistrat, taux de rponse pnale, taux dappel ou decassation Ces indicateurs sont sujets critiques mais ont le mrite dallerau-del dune simple analyse chiffre. De plus, cette approche sintgredans une dmarche budgtaire et financire globale permettant dvaluer laperformance des politiques publiques. Les Pays-Bas, en se fondant sur le

    31On notera que seule la France semble pratiquer le systme des primes de

    performance ou des primes de rendement ; lEspagne, qui avait tent lexprience, ya renonc devant les consquences que cela entranait.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    20/44

    20

    management intgral, valorisent la mesure de la productivit, au moyendindicateurs nombreux mais divers. LEspagne affirme sintresser laclrit et lefficience de la justice, mais les indicateurs restent sommaires.De manire gnrale, les pays du Nord, y compris la Sude, tendent mettre en place des indicateurs pour apprcier rellement la performance dusystme judiciaire, et donc, dune certaine manire, pour amliorer laperception que peuvent en avoir les citoyens ou plus spcifiquement lesusagers de la justice. Ladministration de la justice ne prsente pasncessairement de particularits par rapport dautres services ou dautrespolitiques publiques. Le management est important et doit accrotre laproductivit et lefficacit. La France semble retenir une approche diffrente ;mme si des rflexions sont largement engages sur ce point, lide estdavantage de justifier des moyens mis sur la justice, augmentation du

    budget, du nombre de postes de magistrats Il sagirait surtout de rendrecompte et non pas de grer une performance. Pour dautres Etats, lesindicateurs sont en train dtre mis en place ; mais souvent, ce sont desindicateurs lis aux standards europens (Bosnie-Herzgovine).

    Lvaluation de la performance peut dabord tre le fait duneautorit indpendante des pouvoirs, en particulier du pouvoir excutif ; maisil faut diffrencier selon que cest cette autorit qui value aprs avoirdtermin les indicateurs ou si elle se contente dappliquer des critresdfinis par une autre autorit. Le pouvoir excutif peut ainsi dfinir lesindicateurs (Finlande, Allemagne, Islande, Slovaquie, Sude), ce peut tre lelgislateur (France, Norvge), ou le pouvoir judiciaire (Hongrie, Pays-Bas, un moindre degr Roumanie), le lgislateur et le pouvoir judiciaire (Russie),

    lexcutif et le judiciaire (Slovnie), lexcutif et le lgislatif (Angleterre etpays de Galles). Souvent, les rponses au questionnaire mlent plusieursaspects. Il nest en effet pas indispensable que ce soit les juges eux-mmes,soit par leur Conseil suprieur de la justice, soit cour par cour, quidfinissent les indicateurs pour que le systme judiciaire soit dmocratiqueet performant. La dfinition peut en effet tre le fait du lgislateur ou dugouvernement, en fonction des contraintes densemble des diffrentespolitiques publiques ; ils peuvent vouloir mettre laccent sur tel aspect pourencourager au dveloppement de tel aspect de telle politique pnale oucivile. Ladministration de la justice et lvaluation de sa performance nepeuvent donc pas toujours relever de lautorit judiciaire elle-mme.Limportant est videmment que les magistrats et les fonctionnaires quitravaillent avec eux soient associs la dfinition de ces critres, pour tre

    en mesure dapprcier leur pertinence, leur applicabilit. Mais la dfinitionqui reviendrait au seul Conseil suprieur pourrait avoir un impact ngatif :comment sorganiserait alors la responsabilit de cette autorit, devantquelle instance ?

    Il faut surtout savoir si les indicateurs poss sont en relation avecdes objectifs fixs aux cours ou aux juridictions ; en clair, les indicateurssont-ils fonction de la situation de chaque cour ou sont-ils conus demanire globale et la conformit ces indicateurs, donc la vrification de laperformance, est-elle associe des objectifs que les juridictions doivent

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    21/44

    21

    respecter ? LAutriche ne sest pas engage dans cette voie ; si desindicateurs assez prcis existent, les cours nont pas respecter dobjectifsprcis et concrets. La France a dfini des objectifs globaux pour les cours,mais elle ne les lie pas avec un plan daction ngoci avec le ministre.Lide est de rendre des dcisions de qualit, dans des dlais raisonnables,amliorer lexcution des dcisions pnales, mais sans lier ces objectifs une programmation annuelle des cours. La Hongrie a galement dfini desobjectifs gnraux, comme lamlioration de la confiance des citoyens dansleur systme judiciaire, mais sans tablir de relation avec loctroi desbudgets par exemple. Pour la Roumanie, il sagit avant tout de mettrelaccent sur la lutte contre la corruption, et sur la volont damliorer laconfiance en la justice passe par lradication de ce phnomne. Maiscertains Etats sengagent (Bosnie-Herzgovine, Slovnie) ou se sont

    engags dans la voie de llaboration dun plan annuel pour les cours, danslesquels elles dfinissent leurs objectifs, le lien avec les indicateurs, lamanire datteindre les objectifs, leur budget tant alors allou en fonctionde ces paramtres. Lexemple le plus abouti est sans doute le Danemark. Le juge en charge des fonctions dadministration prpare un plan daction pourla juridiction ou la cour et doit prsenter les objectifs quil compte atteindre ;ladministration des cours danoises indique alors les points sur lesquels il estsouhaitable dinsister particulirement dans ce plan daction.

    Mais les techniques dadministration et de management ne doiventpas carter tout autre mcanisme permettant de rechercher la qualit dusystme judiciaire ; le corollaire des nouvelles mthodes dadministration etde gestion est lobligation de rendre compte, laccountability. Le terme nest

    pas synonyme de responsabilit, il concerne des domaines plus spcifiqueset des hypothses diffrentes. Mais il est important de souligner que les justiciables, ou plus largement ceux qui ont faire ou ont eu faire lajustice, souhaitent porter des rclamations contre les dysfonctionnements oules anomalies dans ladministration de la justice. Un tel chantier sest ouvertdepuis peu dans nombre dEtats ; il a pourtant partie lie avecladministration de la justice, car il implique que le systme judiciaire soit enmesure de se saisir de ces problmes et de trouver des solutions.

    B) Une rsolution des dysfonctionnements inhrente un managementpar la qualit

    Les citoyens semblent se montrer soucieux de la qualit de la justice

    dans les diffrents Etats et, dans le mme temps, marquent, si lon en croitcertaines enqutes ou certains sondages

    32, une relative dfiance vis--vis

    32V. J.-P. Jean, Les demandes des usagers de la justice , in M.-L. Cavrois,

    H. Dalle, J.-P. Jean, La qualit de la justice, La Documentation franaise, 2002,p. 23. Voir aussi J.-P. Jean, Au nom du peuple franais ? La justice face auxattentes des citoyens-usagers , in D. Soulez-Larivire, H. Dalle, Notre justice ; lelivre vrit de la justice franaise, Laffont, 2002, p. 103 ; B. Franois, Les

    justiciables et la justice travers les sondages dopinion , in L. Cadiet, L. Richer,Rforme de la justice, rforme de lEtat, PUF, coll. Droit et Justice, 2003, p. 41.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    22/44

    22

    de linstitution. Cest la raison pour laquelle les pays europens tendent mettre en place des mcanismes de traitement des plaintes des justiciables.

    1) La mesure de la satisfaction des citoyens lgard de leur systmejudiciaire

    Les opinions que lon peut recueillir dans telle ou telle recherche33

    sont cependant varies : ainsi les citoyens peuvent-ils mettre en vidence lalenteur de la justice, la complexit de son langage, le caractre excessif deson cot, le caractre inaccessible ou distant de ses professionnels, lemanque dinformations disponibles son sujet, sa faiblesse decommunication, la place quasi inexistante des citoyens dans le processusde justice

    Tous les Etats membres du Conseil de lEurope ne disposent pascependant de mcanismes spcifiques permettant de connatre ltat delopinion ou des justiciables sur le fonctionnement de la justice ou sur saqualit. Certains Etats disposent denqutes dopinion rgulires, ou tout aumoins compltes ; tel est le cas de lAutriche, de la Belgique qui a effectuun baromtre de la justice par enqute tlphonique, dont les rsultats ontt publis en 2004, donnant ainsi des informations quantitatives et surtoutqualitatives sur la justice, lchantillon tant de 3 200 personnes. LaBelgique a aussi dvelopp des enqutes ou sondages auprs de groupescibles sur des questions prcises ; loriginalit tient au fait que ce ne sontpas seulement des citoyens qui sont interrogs, mais aussi desprofessionnels de la justice (magistrats, avocats, greffiers). Les rsultats

    de ces enqutes de groupes sont en gnral analyss de prs par leConseil suprieur de la justice, qui tente den tirer des conclusions afindamliorer la qualit du systme judiciaire belge. La France a eu loccasionde procder une vaste enqute en mai 2001

    34; une autre enqute a port

    sur les victimes (2006). Le Portugal est un cas particulier puisquunobservatoire permanent de la justice a t cr par le Ministre de la justiceet luniversit de Coimbra ; des enqutes sont effectues rgulirement etsont rendues publiques. LItalie ne pratique que des enqutes dopinionlocales. LEspagne dispose dinformations fiables via des enqutes ralisespar lassociation des barreaux et des avocats. En Lituanie, des enqutessont pratiques mensuellement sur les habitants, en particulier leurdemandant leur opinion lgard des institutions sociales, ce qui inclut lescours ou juridictions. Il en est de mme pour la Slovnie : les enqutes

    33Pour des exemples, voir la recherche mene par lUniversit de Lige et

    lUniversit Catholique de Louvain, portant en Belgique sur : La Justice enquestion : aprs le baromtre de la justice, une recherche qualitative . Sur lebaromtre lui-mme, voir : S. Parmentier, G. Vervaeke, J. Goethals, R. Doutrelepont,

    A. Lemaitre, B. Cloet, J. Schoffelen, M. Vanderhallen, M. Sintobin, T. Van Win,M. Vandekeere, Une radiographie de la justice ; les rsultats du premier baromtrede la justice en Belgique, Gand, Academia Press, 2004.34

    Enqute de satisfaction ralise auprs de 1201 personnes reprsentatives des justiciables, v. La qualit de la justice, op. cit., p. 243. Dautres enqutes sontralises par les barreaux, par exemple.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    23/44

    23

    dopinion portent sur diffrentes institutions, et une seule question concernela justice. De manire plus originale, certains systmes pratiquent lesdemandes dopinion en ligne : en Serbie, certaines cours posent desquestions sur leur site internet pour essayer de savoir comment les citoyensconsidrent la justice de leur pays (est-ce que la juridiction est bien ou malorganise, est-ce que le nombre de juges nest pas trop faible ?). Le grosinconvnient est que ce systme nest pas coordonn, que les questionspeuvent tre plus ou moins prcises. La Norvge ne connat pas ce typedenqutes gnrales de satisfaction ou de confiance des citoyens lgardde leur systme judiciaire. Dautres Etats pratiquent les enqutes auprsdes professionnels de la justice directement (juges, magistrats, procureurs)mais dans un but souvent plus spcifique, comme la lutte contre lacorruption

    35.

    Cette exigence de rsultats, cette demande dinformations sont sansdoute le reflet des interrogations sur le rle et les missions de la justice. Lesplaintes qumettent les citoyens sur le fonctionnement de la justice sont desindications de la manire dont la socit considre lappareil judiciaire.Chaque plainte peut tre considre comme une source dinformation sur laqualit du service. Il est donc important que le traitement de ces plaintesfasse lobjet de toute lattention ncessaire, si lon veut que ces signauxservent quelque chose. Les nier serait une erreur dans le processus dereconqute de la lgitimit de la justice.

    2) Le traitement des plaintes lencontre de dysfonctionnements

    La question relative au traitement des plaintes des justiciables estsouvent dtourne par une autre interrogation, relative la responsabilitdes magistrats, parfois leur responsabilit personnelle

    36. La difficult est

    cependant disoler, dans ce que lon appelle les plaintes des justiciables, cequi peut relever dun traitement autonome, spcifique

    37; en ce sens,

    35Cest le cas de la Roumanie.

    36Pour une approche densemble, F. Bottini, La responsabilit personnelle des

    magistrats , RRJ, 2006-4, p. 2193 ; M. Deguergue (dir.), Justice et responsabilit delEtat, PUF, coll. Droit et justice, 2003, spcialement N. Albert, De la responsabilitde lEtat la responsabilit personnelle des magistrats ; les actions rcursoires etdisciplinaires lencontre des magistrats , p. 209 ; M.-A. Frison-Roche, La

    responsabilit des magistrats : lvolution dune ide , JCP, 1999, I, 174 ; sur uneanalyse historique de cette responsabilit personnelle, G. Kerbaol, La responsabilit

    personnelle des magistrats de lordre judiciaire, Thse Montpellier I, 2003 ; v.galement La responsabilit des magistrats, H. Pauliat et S. Gaboriau (dir.), PULIM,2008 (avec une approche compare).37

    On scarte donc de la question plus classique en France du champ dapplicationet de la porte de larticle L. 781-1 du COJ (devenu art. L. 141-1 depuis ord. du 8 juin2006), selon lequel lEtat est tenu de rparer le dommage caus par lefonctionnement dfectueux du service de la justice. Cette responsabilit nestengage que pour une faute lourde ou un dni de justice . Pour un exemple rcentet clairant sur cette question : J. Pradel, Inactivit dun juge dinstruction pendant

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    24/44

    24

    laugmentation des plaintes dmontrerait que le citoyen est attentif aufonctionnement de la justice, quil cherche en comprendre lesmcanismes. Mais comment traiter la plainte du justiciable : il faut apporterune rponse, indispensable dans un service public, pour pouvoir ensuitecorriger les dysfonctionnements, les erreurs

    38, les lenteurs Qui doit

    apporter la rponse ? Au regard de la dfinition de la plainte, cest avant tout un organisme apte jouer un rle dOmbudsman que lon peut penser

    39,

    avec des procdures ou des processus spcifiques. La fonctiondOmbudsman se caractrise par le statut spcifique reconnu une autorit,qui doit tre considre comme indpendante et objective, et par desmissions particulires, consistant en une surveillance des autoritsadministratives et/ou des tribunaux, en particulier par un mcanismedanalyse et de traitement des plaintes, pouvant aboutir ldiction de

    recommandations lintention de linstitution lorigine de la difficult

    40

    . Untel rle est indispensable assurer dans un Etat de droit, pour parvenir construire un vritable management des plaintes et renforcer la qualit dusystme judiciaire

    41. Les pays europens ont adopt des mcanismes trs

    plus de quatre ans et responsabilit de lEtat , commentaire de larrt Cass., civ. 1re

    ,13 mars 2007, D. 2007, JP, p. 1929.38

    Sur la notion, voir E. de Valicourt, Lerreur judiciaire, LHarmattan, coll. Logiques juridiques, 2005. En Andorre, lEtat rpare les dommages causs par une erreur judiciaire ; la plainte est dpose devant le Tribunal suprieur de justice.39

    Voir la Recommandation no

    R (85) 13 du 23 septembre 1985 du Comit desMinistres aux Etats membres relative linstitution de lOmbudsman, qui rappelle lesfonctions de lOmbudsman, qui comprennent notamment lexamen de plaintesindividuelles concernant des erreurs ou dautres insuffisances imputes aux autoritsadministratives en vue daccrotre la protection de lindividu dans ses rapports avecces autorits.40

    Cette dfinition sinspire de celle qui est propose par G. Cornu, Vocabulairejuridique, Quadrige, PUF, 2000, la rubrique Ombudsman et Ombudsmaneuropen. On rappellera que lorigine du terme ombudsman est sudoise, le motsignifiant porte-parole des griefs ou homme des dolances . On trouve parfoisle terme ombudsmdiateur , qui regrouperait le statut et les missions delOmbudsman traditionnel et du mdiateur. Comme le souligne M

    meR. Saint-

    Germain, Protectrice du citoyen au Canada, ce sont lindpendance, limpartialit,lquit, la confidentialit et laccessibilit qui, ensemble, assurent la crdibilit dechaque fonction dOmbudsman. Ces principes et valeurs fondateurs ont laparticularit de se renforcer les uns les autres et de conditionner notre efficacit.Voil pourquoi les conditions dexercice de la fonction sont dterminantes de sonimpact. Les garanties formelles relatives au statut de lOmbudsman sont la base de

    son indpendance et en soutiennent la capacit dintervention. Ces garanties sontessentielles la pleine excution de sa mission (Intervention au colloque de mai2007, Montral, Universalit et diversit de linstitution de lOmbudsman). De trsnombreuses tudes sectorielles existent (v. par ex. P. Langbroek, P. Rijpkema,"Demands of proper administrative conduct ; a research project into theombusprudence of the Dutch National Ombudsman, Utrecht Law Review, vol. II,Issue 2, dcembre 2006). Voir galement le numro spcial de la revue Ethique

    publique, automne 2007, volume 9 no

    2, consacr aux gardiens de lthique.41

    Quelques prcautions doivent cependant tre prises ; ainsi lOmbudsman peutapparatre comme une autorit administrative, certes indpendante, ou mme, danscertains cas, comme une autorit politique, tout dpend de la manire dont elle est

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    25/44

    25

    diffrents pour traiter cette question ; des rflexions sont toujours en cours,mais les systmes saffinent progressivement.

    La Charte europenne sur le statut des juges42

    , dpourvue de valeurcontraignante, voque la question des plaintes ou des rclamations des justiciables, dans un point consacr la responsabilit des magistrats.Selon lexpos des motifs, le traitement des plaintes est plus ou moinsorganis selon les Etats et nest pas forcment trs bien organis. La Charteprvoit donc la possibilit pour toute personne de soumettre, sansformalisme particulier, sa rclamation relative un dysfonctionnement de lajustice dans une affaire donne un organisme indpendant, tant prcisque les magistrats ne dtiennent pas le monopole des dysfonctionnementsdu service de la justice ; il ne faut donc pas carter le fait que ledit

    organisme ait connatre de questions mettant en cause undysfonctionnement ayant pour origine lactivit ou linaction dun avocat oudun autre personnel de justice (greffier, huissier).

    Les donnes europennes mettent en vidence le fait que letraitement de ces rclamations est effectivement

    43plus ou moins bien

    dtermin et dfini : 22 pays indiquent disposer dun systme permettantdindemniser les usagers pour des dures de procdure excessives ; 44pays ou entits disposeraient dun systme pour valuer lindemnisation despersonnes arrtes illgalement et 43 auraient un mcanisme de mmenature pour des condamnations illgales

    44. Mais il est important de dfinir ce

    quest une plainte, au sens o lentendent les diffrents Etats avantdaborder la question de son traitement spcifique ou non

    45.

    cre, organise et ventuellement contrle. Son lien avec la justice doit treprcis de manire trs claire. On peut rappeler ici que la Constitution de Bosnie-Herzgovine de 1994 prvoyait la cration de trois ombudsmen (un parcommunaut), chaque Ombudsman ayant qualit pour intervenir dans lesprocdures juridictionnelles pendantes. Des rserves simposent alors, car il peutinterfrer avec le cours de la justice, ce qui modifie considrablement son rle. LaCommission de Venise avait indiqu que, selon elle, lOmbudsman devait pouvoircontrler le fonctionnement de ladministration de la justice (au sens de toutelactivit non dcisionnelle de la justice, y compris celle des greffes, des notaires, deshuissiers de justice, ainsi que les lenteurs, la gestion administrative des dossiers)et ventuellement intervenir dans lexcution des dcisions judiciaires.42

    Charte europenne adopte le 10 juillet 1998 ; voir pour une analyse dtailleT.-S. Renoux (dir.), Les Conseils suprieurs de la magistrature en Europe, La

    Documentation franaise, 2000, spcialement la Troisime partie sur la Charte(p. 271 et s.).43

    Sur la notion de dysfonctionnement et de fonctionnement dfectueux du service dela justice, v. D. Sabourault, La fonction juridictionnelle entre autorit, indpendanceet responsabilit , in M. Deguergue (dir.), Justice et responsabilit de lEtat, op. cit.,p. 171 et s.44

    V. Systmes judiciaires europens, ed. 2006, Les tudes de la CEPEJ, no

    1, Ed.du Conseil de lEurope, p. 58 et s., tableau 17.45

    Ce dveloppement a fait lobjet dune analyse un peu moins complte mais aussidiffrente, v. H. Pauliat, le traitement des plaintes des justiciables : un ombudsmanserait-il ncessaire ? , Ethique publique, automne 2007, vol. 9, n

    o2, pp. 83-96.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    26/44

    26

    a) La qualification de la plainte

    Une recherche interuniversitaire a propos une grille danalyse desplaintes, permettant didentifier leurs caractristiques ; toute manifestationde la part dun justiciable ne peut en effet recevoir cette dnomination. Il fautdonc tenter de mettre en vidence la plainte qui va pouvoir recevoir untraitement particulier au sein de lordre judiciaire. Selon les travauxeffectus, la plainte peut porter sur le contenu dune dcision de justice, surla politique suivie, sur le fonctionnement de lordre judiciaire.

    Une plainte sur le contenu dune dcision de justice ne peutsanalyser comme une rclamation du justiciable lencontre de lordre

    judiciaire ou lencontre du fonctionnement du service public de la justice.Cette critique , pour rester vague, ne peut tre traite que par la voie dela rformation des dcisions juridictionnelles

    46et ne peut donner lieu

    remise en cause de la part dune autre institution. Si lon dlaissemomentanment le contexte des pays du Conseil de lEurope, il estintressant de se rfrer au systme canadien : le site du Conseil canadiende la magistrature comprend, sur sa page daccueil, un lien pour les plaintesque pourraient dposer les personnes mcontentes, sur un point ou unautre, de la justice. Mais la page avertit lauteur potentiel dune plainte quecette rclamation ne peut porter sur la dcision juridictionnelle. Seules lesvoies de recours traditionnelles sont alors ouvertes. Les dcisions juridictionnelles sont en lien direct avec lindpendance de la justice ; lesmcanismes de contrle des dcisions juridictionnelles ne peuvent soprer

    que selon les rgles de procdure prvues dans chaque Etat.

    Il est plus dlicat de se prononcer sur la nature juridique de la plainte lencontre de la dure excessive dune procdure juridictionnelle

    47; doit-on

    en effet la considrer comme la suite de la dcision juridictionnelle et la fairetraiter par une juridiction, ventuellement spcifique, ou doit-elle treanalyse comme mettant en cause le fonctionnement du service public de la justice, susceptible alors dtre traite par une autre autorit ? Dans laplupart des Etats qui ont pris des mesures permettant de traiter ce type dedysfonctionnements, la rponse est variable : ainsi la France a-t-elle admisque le particulier victime de la dure excessive dune procdure pouvait

    46Ainsi lAlbanie, la Gorgie, lIrlande et le Liechtenstein nont-ils envisag que ces

    hypothses.47

    Le Conseil de lEurope avait attir trs tt lattention des Etats membres sur lasurcharge de travail des juridictions ; voir la Recommandation n

    oR (86) 12 du

    16 septembre 1986 du Comit des Ministres aux Etats membres relative certainesmesures visant prvenir et rduire la surcharge de travail des tribunaux. Le textenvoque aucun moment linstitution de lOmbudsman. La plupart des paysmembres du Conseil de lEurope disposent dsormais dune procdure permettantde ddommager les justiciables en cas de dure excessive de la procdure(Andorre, Autriche, Azerbadjan, Bulgarie, Croatie, Danemark, France, Grce,Hongrie, Islande, Italie, Luxembourg, Norvge, Pologne, Portugal, Slovaquie,Slovnie, Espagne, Sude, Angleterre et pays de Galles, Irlande du Nord, Ecosse).

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    27/44

    27

    obtenir rparation devant le juge administratif

    48

    , un dispositif faisantintervenir le juge administratif est galement en place au Portugal49

    , mais leHaut conseil de la justice est amen intervenir : ainsi peut-il prendre desmesures pour acclrer une procdure pnale donne

    50. LItalie a mis en

    place un mcanisme proche grce la loi Pinto51

    ; lAutriche, qui a t lobjetde plusieurs condamnations de la part de la Cour europenne des droits delhomme, a mis en place un dispositif satisfaisant par le Public AuthoritysLiability Act : si une juridiction passe un certain temps sans prendreaucune mesure, lune des parties peut soumettre une requte devant cettecour ou devant une cour suprieure pour quelle impose la juridiction deprendre une mesure spcifique dans un dlai dtermin. Si la juridictionprend toutes les mesures procdurales demandes dans la requte dans lesquatre semaines qui suivent la dcision, la requte des parties est

    considre comme tant retire car satisfaite, sauf si les parties dcidentdans les deux semaines aprs notification de la dcision de la cour quellessouhaitent maintenir leur requte. Dans ce cas, la cour suprieure doitstatuer sur la demande en dommages et intrts

    52. La Belgique sest

    montre particulirement audacieuse, en retenant une responsabilit delEtat lgislateur, dans des termes qui ont fait dbat

    53; en Slovnie, cest un

    48V. en particulier CE, A, 28 juin 2002, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice C./

    Magiera, Rec. Leb., p. 247 ; AJDA, 2002, p. 596, chron. Donnat et Casas ; RFDA,2002, p. 756, concl. Lamy ; voir galement CE, 25 janvier 2006, SARL Potchou,

    AJDA, 2006, p. 589, chron. Landais et Lenica ainsi que le dcret no

    2005-911 du28 juillet 2005, art. R. 311-1 7 du CJA.49

    Ce sont les cours administratives, art 4, nr1, g) de la loi 107-D/2003 du31 dcembre.50 Une telle possibilit est prvue par le Code pnal portugais ; 46 requtes ont tdposes sur ce fondement en 2004, ce qui constitue une forte augmentation parrapport aux annes prcdentes.51

    Loi no

    89 du 24 mars 2001 ; dans leur troisime rapport annuel sur la dureexcessive des procdures judiciaires en Italie pour lanne 2003 (CM/inf/DH(2004)23rvis le 24 septembre 2004), les dlgus des ministres insistaient sur le fait que laloi Pinto navait pas rgl toutes les difficults, bien au contraire, puisque la loi, nonseulement nacclre pas les procdures pendantes, mais en plus, risque desurcharger encore plus les tribunaux. Voir galement la Rsolution intrimaireResDH(2005)114.52

    La Cour europenne des droits de lhomme a indiqu que ce dispositif constituaitbien une voie de recours effective pour encourager la rduction des dlais deprocdure. Dsormais, une telle voie de recours doit tre utilise par les parties quise plaignent de la dure excessive dune procdure avant de dposer une requte

    devant la Cour europenne des droits de lhomme.53

    Cour de cassation de Belgique, 30 juin 2006, Etat belge c./ Mme

    Ferrara Jung(n

    oC.02.0570.F), selon lequel En dclarant le demandeur responsable envers la

    dfenderesse en raison de la faute consistant avoir omis de lgifrer afin dedonner au pouvoir judiciaire les moyens ncessaires pour lui permettre dassurerefficacement le service public de la justice, dans le respect notamment de larticle 6.1de la Convention [] de sauvegarde des droits de lhomme et des libertsfondamentales , larrt ne mconnat pas le principe gnral du droit et ne violeaucune des dispositions que vise le moyen, en cette branche . Larrt de courdappel avait en effet indiqu que Il rsulte de ces motifs que lEtat belge commetune faute qui engage sa responsabilit lgard de ses nationaux lorsquil omet de

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    28/44

    28

    fonds dindemnisation qui a t cr, en Pologne, les parties peuventrclamer une indemnisation financire devant une juridiction suprieure54

    .Les plaignants peuvent, dans certains cas, sadresser au Parquet

    55ou au

    Ministre de la Justice56

    , ou encore la Cour constitutionnelle57

    . Le Comitdes Ministres attire rgulirement lattention des Etats sur la ncessit deprvoir des mcanismes de compensation financire en cas de dureexcessive des procdures

    58. La plupart des Etats cherchent indemniser

    financirement les prjudices rsultant de dures excessives de procdureou de jugement, aiguillonns en cela par la jurisprudence de la Coureuropenne des droits de lhomme

    59. Ce dysfonctionnement est donc trait

    de manire spcifique et ne correspond en gnral pas lide de plainte oude rclamation qui pourrait tre porte devant une autorit autre, telle unmdiateur. Pour autant, il nest pas exclu quun ombudsman intervienne ;

    ainsi lAzerbadjan a-t-il prvu une procdure spcifique, sans doute appelecependant poser quelques problmes. Selon la Loi sur le Dfenseur desdroits humains (ombudsman) du 28 dcembre 2001, lombudsman a le droitdenquter sur des plaintes lies la violation des droits fondamentaux enparticulier dues au non-respect des dlais, la perte ou la non-communicationde documents dans les dlais devant les juridictions, le retard danslexcution des dcisions de justice. Cette plainte doit tre traite dansun dlai de 30 jours, mais sil est ncessaire dobtenir des informationssupplmentaires, ce dlai peut tre prolong dun mois. Le Dfenseur publicen Gorgie peut sassurer du respect des droits de lhomme pendant leprocs mais ne dispose pas de comptences sagissant des dlais excessifsde procdure

    60. La Sude mle lintervention de plusieurs autorits en ce

    prendre les mesures lgislatives susceptibles dassurer le respect des prescriptionsde larticle 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertsfondamentales et, en particulier, lorsque cette carence a pour effet de priver le

    pouvoir judiciaire et en lespce les juridictions bruxelloises des moyenssuffisants pour lui (leur) permettre de traiter les causes qui lui (leur) sont soumisesdans le dlai raisonnable (de 6 8 mois) qui a t dfini ci-avant . De plus, le Codedinstruction criminelle prvoit que, si la dure des poursuites pnales dpasse leseuil du dlai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simpledclaration de culpabilit ou prononcer une peine infrieure la peine minimaleprvue par la loi.54

    Loi du 17 juin 2004. En Autriche et en Espagne, par exemple, comme en Pologne,plusieurs mcanismes existent, les uns permettant dacclrer les procdures, lesautres permettant une indemnisation en cas de dure excessive (voir galementCEDH, Grande chambre, 29 mars 2006, Ernestina Zullo c./ Italie, spcialement 79

    et suivants).55

    Danemark.56

    Espagne, Sude.57

    Croatie.58

    On peut ainsi citer la rsolution intrimaire CM/ResDH(2007)74 concernant desdures excessives de procdures devant les juridictions administratives grecques etlabsence de recours effectifs.59

    Entre autres, CEDH, 26 octobre 2000, Kudla c./ Pologne, RFDA, 2003, p. 85.60

    Il faut cependant noter que, si le Dfenseur du peuple constate une violation desdroits fondamentaux lors dune procdure, il a la possibilit de demander au tribunalde rouvrir laffaire.

  • 8/3/2019 l'Administration de La Justice

    29/44

    29

    domaine : lOmbudsman et le Chancelier de la Justice peuvent mettre descritiques lencontre dune autorit qui met du temps se prononcer sur uncas, ce qui inclut les autorits juridictionnelles ; mais aucune de ces deuxautorits ne dispose du pouvoir dordonner une autorit publiquedacclrer la procdure ou de la conclure dans un dlai dtermin.

    Il convient galement de rserver un traitement spcifique desplaintes qui auraient pour objet de se plaindre du comportement individueldun magistrat donnant lieu poursuite disciplinaire. Une institutionspcifique est en principe en charge de ce type de situations. Il peut sagirdun Conseil suprieur de Justice, le Conseil suprieur de la magistrature enFrance, par exemple. Certains Etats ont cependant donn un rle particulier des organes spcifiques: le Dfenseur du peuple peut jouer un rle

    important en Espagne

    61

    , il en est de mme en Finlande

    62

    et en Sude.Depuis la loi du 3 avril 2006, un secrtariat des plaintes, sous laresponsabilit conjointe du Lord Chancellor (Ministre de la justice) et du LordChief of Justice (reprsentant de lautorit judiciaire devant le gouvernementet le Parlement) traite les demandes des particuliers en Angleterre et aupays de Galles et dcide des suites quil faut leur donner. Les citoyensanglais ont la possibilit dadresser leurs plaintes lOmbudsman qui lestransmettra au secrtariat

    63. Le Danemark propose galement un

    mcanisme formalis, en se fondant sur le Code judiciaire qui permet tout justiciable qui estime quil na pas t trait comme il aurait du par un jugede saisir directement le tribunal disciplinaire des magistrats. Aux Pays-Bas,depuis 2002, toutes les cours ont introduit une procdure de traitement desplaintes fondes sur le comportement dun magistrat ou dune personne

    travaillant pour la juridiction. La Cour suprme dispose dune chambrespciale pour traiter les plaintes concernant les juges. Il est intressant desouligner que cette chambre fonctionne comme un ombudsman, maisquelle peut galement prendre des mesures disciplinaires lencontre des juges. En Roumanie, toute personne peut dposer une plainte devant leConseil suprieur de la magistrature, qui se fonderait sur le comportement

    61Le Dfenseur du Peuple ou Mdiateur est prvu larticle 54 de la Constitution

    espagnole ; son statut a t prcis par une loi organique du 7 mai 1981, modifie.Son article 13 dispose que Quand le Mdiateur reoit des plaintes concernant lefonctionnement de ladministration de la justice, il doit les adresser au ministrepublic pour que celui-ci analyse si elles sont fondes et prenne les mesures

    pertinentes conformment la loi, soit les transmettre au Conseil gnral du pouvoir judiciaire, en fonction du genre de rclamation dont il sagit .62

    La plainte contre un juge doit tre dpose devant le ministre ou le mdiateurparlementaire.63

    Ce mcanisme spcifique de