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1 MÉMOIRE COLLECTIF Claudine Dorval Jean-Pierre Amyot Monique Gagnon Denis Bédard Céline Lapointe Mireille Bonin Nicolas Bédard Pierre Charpentier Aline Turcotte Jo-Anick Proulx Michael Ferland Hélène Paré Danielle Lafrenière Suzanne Barrette Le Groupe "Au coin de ma rue, une forêt qui nourrit" L’AMÉNAGEMENT DE NOTRE AGGLOMÉRATION POUR DEMAIN PROJET DE SCHÉMA DAMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT RÉVISÉ (SAD) DE LAGGLOMÉRATION DE QUÉBEC « Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui » (Paul Morand) Juin 2016

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MÉMOIRE COLLECTIF

Claudine Dorval Jean-Pierre Amyot Monique Gagnon Denis Bédard Céline Lapointe Mireille Bonin Nicolas Bédard Pierre Charpentier Aline Turcotte Jo-Anick Proulx Michael Ferland Hélène Paré Danielle Lafrenière Suzanne Barrette Le Groupe "Au coin de ma rue, une forêt qui nourrit"

L’AMÉNAGEMENT DE NOTRE AGGLOMÉRATION POUR DEMAIN

PROJET DE SCHÉMA D’AMÉNAGEMENT ET

DE DÉVELOPPEMENT RÉVISÉ (SAD) DE L’AGGLOMÉRATION DE QUÉBEC

« Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui »

(Paul Morand)

Juin 2016

A-QUE-PosteLS
Texte tapé à la machine
MÉMOIRE 045
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AVANT-PROPOS 3

INTRODUCTION 4

SECTION 1- UNE QUESTION DE PLANIFICATION 5

1.1 HORIZON 2040 !? 5

1.2 LES PERSPECTIVES DÉMOGRAPHIQUES 5

1.3 UN AGRANDISSEMENT DU PÉRIMÈTRE D’URBANISATION ? 6

SECTION 2 - UNE VISION DE L’HABITAT URBAIN À REVISITER 9

2.1 DES BESOINS ET DES TENDANCES 9

2.1.1 LES AÎNÉS 9

2.1.2 LES JEUNES FAMILLES 10

2.1.3 LE LOGEMENT ABORDABLE 11

2.2 DES ORIENTATIONS À CONSIDÉRER 11

2.2.1 RÉINVENTER LA BANLIEUE 11

2.2.2 LA MOYENNE DENSITÉ, UNE FAÇON DE FAVORISER LA CONVIVIALITÉ ? 12

2.3 UN REGARD NEUF 13

2.3.1. LA DENSIFICATION : PEUT-ON DENSIFIER AUTREMENT ? 13

2.3.2 DES QUARTIERS DURABLES 15

2.3.3 LA REDYNAMISATION DE L’INTERFACE-VILLE CAMPAGNE OU LE RAPPORT CENTRE-PÉRIPHÉRIE 16

SECTION 3 - POUR UNE ZONE AGRICOLE REVIGORÉE 18

3.1 LA NÉCESSAIRE AGRICULTURE URBAINE ET PÉRIURBAINE (AUP) 18

3.2 L’AGRICULTURE URBAINE ET PÉRIURBAINE D’ICI ET D’AILLEURS 19

3.3 L’AGRICULTURE DANS L’AGGLOMÉRATION DE QUÉBEC 21

3.3.1 UNE MISE EN VALEUR ACCRUE DE LA ZONE AGRICOLE 23

CONCLUSION 25

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AVANT-PROPOS

C’est au début de 2015 que notre petit groupe de citoyens engagés amorçait une démarche en vue de sensibiliser leurs concitoyens et concitoyennes à l’importance de préserver et de mettre en valeur la nature en ville. Cette quête, en faveur de l’amélioration de la santé publique en général, prend avant tout en compte les innombrables apports et services fournis par la multitude d’écosystèmes et par le règne végétal en particulier, dont celui de nous fournir de quoi se nourrir.

Au nombre des actions prises afin de favoriser la conscientisation en ce sens, deux conférences publiques ont été organisées. Ainsi, le 11 avril dernier, John Macleod, professeur en architecture de paysage de l’Université de Montréal, a offert une première conférence intitulée La renaissance des cours d’eau en ville. Une deuxième a été présentée le 30 mai dernier par le biologiste expert en biodiversité, Benoît Limoges; le sujet, évocateur et fort prisé, était La valeur monétaire de la nature en ville.

De fil en aiguille, un noyau de personnes partageant ces mêmes intérêts s’est ainsi constitué. Depuis lors, notre action a fait boule de neige, ayant comme résultat de rassembler de plus en plus de gens qui expriment désormais leurs préoccupations, en soulignant leur motivation à agir collectivement.

Dans cette foulée, le dimanche 29 mai dernier, quelques représentants de ce noyau citoyen se sont réunis avec d’autres acteurs de notre milieu, soit des finissants de la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional (ATDR) de l’Université Laval et des agriculteurs défenseurs de leur milieu de vie. Dans le cadre des consultations publiques ayant trait au Schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération de Québec (SAD ou Schéma), tout ce beau monde désirait discuter de leurs préoccupations communes au sujet du cadre de vie dans les quartiers résidentiels ainsi que de l’agrandissement du périmètre d’urbanisation de l’agglomération au détriment de la zone agricole existante.

Nous déplorons vraiment le peu de temps accordé pour préparer ce mémoire. De plus, le moment de l’année est difficile car c’est une période de transition pour beaucoup de gens; ainsi, les représentants des finissants de la maîtrise ATDR (dont nous citons les travaux d’équipe) ne pourront pas participer à la présentation de ce mémoire. Nous espérons que le Conseil d’Agglomération de Québec révisera les règles, afin de permettre à plus de gens d’être bien informés, d’avoir le temps de se préparer et de se prononcer en connaissance de cause lors des prochaines étapes du processus d’adoption du schéma révisé.

Nous offrons la possibilité à nos concitoyens et concitoyennes de soutenir notre démarche en co-signant le présent mémoire, même a posteori. Endosser nos propos constitue un geste nécessaire d’appui et de solidarité quant à notre désir de participer au développement harmonieux de notre ville et de notre communauté.

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INTRODUCTION

Ce premier projet de Schéma de l’Agglomération de Québec soulève plusieurs questions d’importance. Comme c’est la première fois depuis plus de 30 ans que cet exercice est effectué, il importe de ne pas précipiter des décisions qui auraient des conséquences irréversibles. Afin d’atteindre les objectifs du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ), qui doit donner le ton pour cette démarche, il faut d’abord s’assurer que les objectifs préconisés soient alignés de manière concordante.

Gérer la croissance constitue un véritable chantier qui invite à l’innovation et à la recherche d’un équilibre au profit d’un grand projet de société, dont nombre de jeunes et de moins jeunes ont besoin pour donner un sens à leur ville et à leur vie. Il faudra se montrer capable de sortir des sentiers battus. Au-delà de la simple analyse d’un plan d’aménagement, l’intérêt du présent exercice réside dans le défi de mettre en lumière cette occasion de répondre à certains besoins fondamentaux des citoyens, notamment, en favorisant la bonification d’une offre alimentaire saine, durable et de proximité.

S’inspirer de ce qui se fait de bien et de beau à travers le monde demeurera toujours valable. Cependant, quand on souhaite, en outre, être cité en exemple, il y a des rendez-vous avec l’Histoire qu’il ne faut pas rater. Lorsqu’ils sont consultés, les gens d’ici savent contribuer au mieux-être collectif en offrant le meilleur d’eux-mêmes. C’est dans cette perspective que nous adressons ces propos, en misant à la fois sur l’ouverture d’esprit de nos élus et sur l’adoption par ceux-ci d’approches novatrices. Qui sait si Québec ne deviendra pas un modèle?

Ce projet de schéma traite de nombreux sujets importants et, à cet égard, certaines orientations sont plutôt préoccupantes. Nous les avons regroupés sous trois volets : les principaux enjeux territoriaux de cette planification, l’habitat et la valorisation de l’agriculture.

Dans la section 1, nous abordons la planification sous trois angles : l’horizon temporel de planification, les projections démographiques et la pertinence de l’agrandissement annoncé du périmètre d’urbanisation à même les terres agricoles, dont la justification s’appuie sur les deux premiers points.

La section 2 concerne une vision de l’habitat urbain à revisiter et ce, sous les trois thèmes suivants : les besoins et les tendances (les aînés, les jeunes familles et le logement abordable), des orientations à considérer (réinventer la banlieue et la densification) ainsi que l’apport d’un regard neuf issu des travaux de finissants de la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional (ATDR) de l’Université Laval (l'urbanisme participatif et la densification, la planification de quartiers durables ainsi que la redynamisation de l’interface ville-campagne).

La section 3 porte sur la place de l’agriculture et sur la valorisation de la zone agricole. Elle présente d’abord une démonstration de l’importance de l’agriculture urbaine et périurbaine, puis donne aperçu de ses manifestations ici et ailleurs (l'accès aux aliments pour tous). Elle enchaîne alors avec un bref état de la situation sur le territoire de l’agglomération de Québec pour, enfin, énoncer quelques orientations pour une mise en valeur accrue de la zone agricole axée sur la production de proximité, tant avec des initiatives citoyennes qu’avec des entreprises.

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SECTION 1- UNE QUESTION DE PLANIFICATION

1.1 Horizon 2040 !?

Dans un monde où les événements se bousculent à une vitesse folle, il devient hasardeux de viser

l’horizon 2040 pour planifier bon nombre d’interventions sur le territoire d’un centre urbain comme

Québec. Rappelons que le schéma de la « défunte Communauté urbaine de Québec » (CUQ) a été modifié

une quarantaine de fois pour nous mener de 1985 à 2016. C’est qu’il en a coulé de l’eau sous les ponts

depuis 31 ans !

Alors, imaginons d’ici 24 ans. Il faudra certes s’attendre à vivre au moins autant de bouleversements,

sinon davantage. Il suffit de penser au phénomène de la mondialisation, aux changements climatiques,

aux crises diverses, tant politiques qu’économiques, ainsi qu’aux habitudes de vie en mutation. Dans ce

contexte, comment peut-on envisager planifier judicieusement à si long terme ?

Pour sa part, le PMAD de la CMQ vise l’année 2031, soit un horizon de 20 ans, en référence aux données

statistiques de 2011. La durée effective de cet exercice sera d’environ 15 ans pour les schémas des cinq

composantes que sont les municipalités régionales de comtés ou leur équivalent (l’Agglomération de

Québec et la Ville de Lévis). En outre, le projet de Schéma ne prévoit-il pas déjà dans sa démarche de mise

en œuvre, qu’une certaine révision sera nécessaire à partir de 2020 (page 188) ? Puisque le PMAD donne

le ton aux schémas, selon la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), et qu’une règle de concordance

s’applique entre le PMAD et le Schéma, ne devrait-on pas plutôt s’en tenir qu’à l’horizon 2031 ? C’est

d’ailleurs cette position que nous privilégions.

1.2 Les perspectives démographiques

La principale prémisse, voire l’enjeu primordial, du projet de Schéma repose sur une augmentation

anticipée du nombre de ménages pouvant atteindre 61 500 d’ici 2040. Or, il faut souligner que, dans le

passé, la réalité des changements démographiques s’est parfois avérée bien différente des projections et

c’est arrivé dans un sens comme dans l’autre depuis 50 ans.

Ainsi, au début des années 2000, on prévoyait que la population n’augmenterait que très lentement à

l’horizon 2020 sur le territoire de la CMQ1; cela ne s’est visiblement pas produit car une croissance

continue s’est plutôt manifestée. Cette situation est illustrée par le scénario choc démographique dans le

projet de Schéma (Tableau 3 et Tableau 5, pages 32-33). Par ailleurs, on prévoyait en 1967 que la

population de 420 000 personnes en 1966 dans la Région métropolitaine (RMR) de Québec atteindrait

681 000 en 1987, soit une hausse de 62%2. Cependant, il a fallu attendre jusqu’en 2001 avant que la

population de la RMR atteigne 682 750 personnes3.

Comme l’a récemment indiqué un des experts de la Ville de Québec4, le niveau de précision des

projections démographiques tend à diminuer lorsque le territoire est plus restreint (ex. la ville de Québec

versus la CMQ) ou si on s’aventure plus avant dans le temps (ex. 2040 versus 2031). D’ailleurs, l’Institut de

1 « Le choc démographique, la population de la communauté métropolitaine de Québec à l’aube du XXIe siècle », cité dans le projet de schéma, page 32. 2 Vandry et Jobin - de Leuw, Cather et Assoc., 1968, « Plan de circulation et de transport région métropolitaine de

Québec - La commission d'aménagement de Québec et le ministère de la Voirie » (résumé). Notons que la RMR correspondait alors, pour l’essentiel, au territoire de l’ex-CUQ et de l’actuelle Ville de Lévis. 3

Recensement 2001. 4 Séance d’information du 9 mai 2016.

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la Statistique du Québec (ISQ) révise ses projections après chaque recensement et les ajuste même entre

les recensements. Ainsi, les données utilisées dans le projet de Schéma ont été ajustées en 2014.

Il est en outre reconnu que, en matière de planification, on utilise habituellement des scénarios

intermédiaires – ici le scénario de référence ISQ(2014)5 – plutôt que des scénarios forts ou faibles. C’est

d’ailleurs sur le scénario de référence ISQ(2011) que s’appuient les balises du PMAD6. En considérant 2031

comme l’horizon de planification du PMAD, le recours au scénario de référence ISQ(2014) indique une

augmentation de 34 877 ménages pour la période 2011-20317. Par contre, le scénario Étude

Tramway/SRB donne une hausse estimée à environ 51 0008 pour la même période. Cela correspond

sensiblement à la situation du scénario fort ISQ (2014)9. Dans tous les cas, nous nous retrouvons loin des

projections annoncées, qui sont de l’ordre de 61 500 ménages pour l’horizon 2040 du scénario Étude

Tramway/SRB (Tableau 6, page 33).

Signalons enfin, que, entre janvier 2011 et la fin de 2015, environ 16 000 logements ont été mis en

chantier à Québec et quelque 17 220 dans l’ensemble de l’agglomération10

. Un sommet de 4 600

logements a été atteint dans l’agglomération en 2012 mais le rythme a ralenti depuis. S’agit-il d’une

fluctuation sur le marché de la construction11

ou de l’amorce d’une tendance lourde pouvant influencer

les projections? Seul le temps pourra le dire.

1.3 Un agrandissement du périmètre d’urbanisation ?

Rappelons d’abord que le PMAD de la CMQ énonce des stratégies dont celles-ci12

:

« Stratégie 7 : Attirer en mettant l’agriculture « au cœur » de notre qualité de vie.

Objectif 7.1 Maintenir la pérennité du territoire et des activités agricoles à des fins

économiques et alimentaires. »

« Stratégie 11 : Durer en misant sur une consommation rationnelle et optimale de l’espace de

façon à protéger nos milieux agricoles et naturels.

Objectif 11.1 Établir, de façon réaliste, les périmètres d’urbanisation nécessaires à la croissance

afin de limiter la surconsommation d’espaces. »

En ce qui a trait aux actions qui découlent de ces stratégies et objectifs, mentionnons13

:

5 Données de 2011:

http://www.stat.gouv.qc.ca/docs-hmi/statistiques/population-demographie/perspectives/menages/mrc_menages_5ans_ed14.htm

6 PMAD, Tableau 19 (page 100) et Annexe 6 (page 170).

http://www.cmquebec.qc.ca/_media/document/1673/pm-pmad-en-vigueur.pdf 7 Données 2011 révisées en 2014:

http://www.stat.gouv.qc.ca/docs-hmi/statistiques/population-demographie/perspectives/menages/mrc_menages_5ans_ed14.htm

8 Estimation à partir de la courbe du Tableau 5 (graphique), projet de Schéma, page 33.

9 Idem. Les deux courbes sont très semblables.

10À noter: Les données de 2015 ne sont pas complètes car il manque les trois derniers mois. https://www.ville.quebec.qc.ca/gens_affaires/developpement_residentiel/mise-en-chantier.aspx

11 http://www.lapresse.ca/maison/immobilier/201606/02/01-4987626-un-condo-sur-trois-vendu-a-perte.php

12 PMAD, pages 67 et 97.

13 PMAD, page 71, avis gouvernemental du 15 juin 2012 et carte du périmètre d’urbanisation métropolitain:

http://www.cmquebec.qc.ca/_media/document/1673/carte-d.pdf

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Un « Énoncé d’intention relatif au territoire et aux activités agricoles » ;

La délimitation d’un périmètre d’urbanisation métropolitain qui empiète de plus de 1 100

hectares sur la zone agricole.

On peut d’emblée s’interroger sur les difficultés que cela peut comporter de concilier ces deux actions

mais également sur les possibilités réelles d’atteindre les objectifs énoncés ci-dessus.

Cela étant, il faut spécifier que cette délimitation du périmètre d’urbanisation métropolitain du PMAD a

été faite selon une évaluation de la demande de logements à l’échelle des municipalités, en fonction du

scénario de référence de l’ISQ(2011) et sur un horizon de 10 ans, soit 2011-202114

. L’horizon de la

décennie à considérer pourrait plutôt être maintenant 2016-2026.

Toutefois, précisons que le périmètre d’urbanisation métropolitain demeure théorique. Toute superficie

non comprise dans les périmètres d’urbanisation régionaux (MRC ou l’agglomération) existants au 30 avril

2011 ne pourra le devenir que dans le cadre de la révision des schémas découlant de la mise en œuvre du

PMAD, ce qui comprend les consultations publiques ainsi que, selon la LAU, les avis du gouvernement et

des instances géographiques voisines (MRC).

De plus, il y a des paramètres à respecter pour agrandir ces périmètres :

« Bien que les perspectives de croissance établies par l’ISQ dépassent cet horizon de

10 ans, il a été jugé opportun de prendre uniquement en compte la croissance

attendue d’ici 2021 [l’horizon devrait être maintenant 2026]15

afin de limiter les

demandes d’agrandissement des périmètres d’urbanisation régionaux et voir

comment, pendant cette période, le vieillissement de la population, les

investissements publics en matière de transport en commun ou certains

changements dans nos modes de vie, notamment en matière de développement

durable, modifieront notre façon d’occuper le territoire et, par conséquent, nos

demandes d’agrandissement en périmètre d’urbanisation […] »16

(les soulignés sont

de nous)

Et il ne faut pas oublier l’avis gouvernemental du 15 juin 2012, par lequel le ministre des Affaires

municipales autorisait l’entrée en vigueur du PMAD de la CMQ. Il spécifiait ceci :

« […] de nouvelles superficies sont identifiées pour éventuellement être utilisées à des

fins d’urbanisation. Ces superficies empiètent sur la zone agricole. […]

Conséquemment, je m’attends à ce que la Communauté poursuive son travail à cet

égard afin de trouver des solutions qui permettront de limiter le plus possible de tels

empiétements dans le futur et de diriger le développement vers des secteurs pouvant

accueillir la croissance urbaine tout en tenant compte des pressions exercées sur

l’environnement. À cette fin, la Communauté pourra exiger qu’une démonstration

des besoins soit faite à l’échelle de chaque composante avant de permettre des

agrandissements aux périmètres régionaux. » (Les soulignés sont de nous)

14 PMAD, Annexe 6 (page 170).

15 Cet ajout est de nous pour tenir compte d’un horizon de 10 ans à partir de 2016.

16 PMAD, Annexe 6 (page 170).

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Compte tenu des espaces disponibles figurant dans le Schéma (Tableau 7, page 37), il serait déjà possible

d’accueillir 52 987 nouveaux ménages dans le périmètre d’urbanisation actuel17

. Cela serait amplement

suffisant pour répondre aux besoins de tous les scénarios évoqués ci-dessus pour l’horizon 2031 (entre

34 877 et 51 000 nouveaux ménages) et peut-être même au-delà (scénario de référence pour 2036 :

40 978 nouveaux ménages.

À la lumière de l’analyse qui précède, il est clair qu’un agrandissement à court terme du périmètre

d’urbanisation pour accueillir les nouveaux ménages d’ici 2031 n’est pas nécessaire. Qui plus est, le

potentiel d’accueil pourrait même augmenter, si des mesures d’aménagement appropriées étaient mises

en place par les autorités municipales.

On peut alors se demander pourquoi un sentiment d’urgence semble néanmoins animer les autorités

municipales et les incite à vouloir procéder rapidement à une demande d’exclusion de la zone agricole

pour plusieurs centaines d’hectares (plan d’action, page 218) ? On peut avancer des hypothèses.

En premier lieu, lors des séances d’information du 12 mai à Sainte-Foy et du 25 mai en ligne, un des

urbanistes de la Ville de Québec a énoncé ce qui suit :

D’une part, des besoins à court terme ont été identifiés par les autorités de l’Agglomération face

à l’augmentation anticipée du nombre de jeunes familles à la recherche d’une maison.

(Ce propos laisse entendre qu’il n’y a guère de superficies disponibles pour ce genre de

constructions mais cela n’a pas été démontré clairement à travers les données disponibles)

D’autre part, s’il n’y a pas d’offre pour des maisons individuelles, duplex ou en rangée dans

l’agglomération, les jeunes familles iront plutôt s’établir en périphérie, ce qui entraînera la

production d’une plus grande quantité de gaz à effet de serre. Cette réponse était en lien avec

une question au sujet de l’incohérence que pourrait représenter la construction sur des terres

agricoles de maisons individuelles, duplex et en rangée quant à l’enjeu de l’augmentation des gaz

à effet de serre.

(Ce propos donne à croire que l’agglomération est en concurrence avec les municipalités sur son

pourtour pour ce genre de produit résidentiel).

En deuxième lieu, il est de notoriété publique que, pour l’essentiel, les superficies de la zone agricole

visées pour un agrandissement du périmètre d’urbanisation dans la partie est de l’agglomération

appartiennent à des non agriculteurs, dont l’objectif est de les urbaniser. Ces terres ont été acquises au

cours des dernières années, souvent à gros prix, et la situation actuelle est spéculative. Les promoteurs

sont en attente d’un éventuel « dézonage » pour concrétiser leurs projets de construction18

.

Mais ne pourrait-on pas faire autrement ?

17 À partir du Tableau 7, page 37 : Le potentiel d’accueil du périmètre d’urbanisation actuel, avec terrains vacants,

conversions et lotissements potentiels (45 380) + insertions et densification (6 807) = 52 987 logements potentiels (selon les densités prévues au projet de Schéma). 18

Il y a, bien sûr, le cas très médiatisé de la vente, en décembre 2014, des terres des Sœurs de Charité (204 hectares) à une société en commandite. Créée par le Groupe Dallaire, elle a pour but de favoriser la construction «d’une mini-ville d’environ 20 000 habitants », dont les profits serviraient à des fins philanthropiques. Mais il y a également des superficies au moins aussi importantes, sinon plus, avoisinant ces terres (notamment le long de l’avenue du Vignoble) qui ont fait l’objet d’importantes transactions au cours des années précédentes. La journaliste Claudette Samson (Le Soleil) en avait brossé un portrait dans une série d’articles parus au cours de l’été 2012.

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SECTION 2 - UNE VISION DE L’HABITAT URBAIN À REVISITER

2.1 Des besoins et des tendances

Le schéma énonce la prémisse d’un scénario tendanciel, à savoir que les choix résidentiels des jeunes

générations seraient en continuité par rapport à ceux des générations précédentes.

Ce pari pourrait être hasardeux ! Au-delà du nombre de nouveaux ménages, encore faut-il être en mesure

de cerner leurs principales caractéristiques. Mentionnons entre autres choses:

la répartition par groupes d’âge de la nouvelle population (le phénomène de vieillissement est

déjà connu avec un doublement prévu de la population des 65 ans et plus d’ici 20 ans);

la taille moyenne des ménages (elle a beaucoup diminué, notamment à cause du nombre

croissant de ménages formés d’une seule personne, souvent des 65 ans et plus)19

;

le coût du logement (il est certes moins cher à Québec que dans la plupart des grands centres

urbains canadiens et américains mais il est tout de même en hausse notable depuis la dernière

décennie) ; le revenu disponible (une relative précarité pour divers segments de la population et

un niveau d’épargne qui laisse à désirer, surtout en prévision de la retraite)20

.

Dans ce contexte, quels sont les nouveaux besoins et les préférences en matière résidentielle de la

population en ce XXIe siècle? Examinons ici quelques tendances.

2.1.1 Les aînés

Le Schéma pose l’hypothèse que les babyboomers pourraient vouloir rester plus longtemps dans leurs

maisons individuelles ou duplex (grâce à une meilleure santé et à une plus grande longévité) et que cela

entraînerait une demande accrue de logements pour les jeunes familles. La situation actuelle du marché

fait en sorte que les options de logement sont limitées pour les gens de 65 ans et plus. Cela pourrait se

traduire de la façon suivante pour nos aînés :

rester le plus longtemps possible dans la maison ou l’appartement où ils vivent depuis parfois

très longtemps, ce qui peut s’avérer plus ou moins adapté à leur style de vie et à leurs besoins ;

quitter leur maison ou appartement pour acheter/louer un condo/appartement, ce qui est loin

d’être toujours abordable financièrement ;

ultimement, se relocaliser dans un CHSLD ou une résidence privée pour les gens en perte

d’autonomie.

En général, il y a un grand besoin pour du logement abordable dans un milieu mixte, qui permet une vie

autonome basée sur le partage et l’entraide. Cela s’ajoute à la recherche d’un contexte de proximité

sécurisant et d’une convivialité dans des espaces communs, tels que : cuisines de groupes, salles

d’activité, salons, jardins collectifs, cour aménagée, etc. Cette tendance à la recherche d’un logement

19 La taille moyenne des ménages était de 2,1 personnes dans les ménages privés en 2011. Ceux composés d’une

seule personne comptaient pour 18,2% des ménages. Notons que, chez les personnes de 65 ans et plus, 35,5% vivaient seules. 20

La proportion de personnes seules à faible revenu avant impôt était de 18% en 2011. Chez les personnes seules de

65 ans et plus, cette proportion atteignait 31,9%.

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abordable, offrant des aménités communautaires (community amenities), constitue également un défi de

créativité chez nos voisins américains. Ajoutons que cette réalité ne se limite pas qu’aux aînés21

.

En conséquence, en favorisant les options les plus appropriées :

une partie des aînés pourrait davantage quitter leur maison ou leur appartement et ainsi

permettre à des jeunes familles de s’aménager un nid ;

ce recyclage résidentiel et la création de nouveaux types d’habitats pourraient aussi se traduire

par une densification douce dans des milieux déjà bâtis, principalement dans des quartiers semi-

centraux et des banlieues rapprochées qui ont besoin d’une cure de jeunesse.

2.1.2 Les jeunes familles

Un récent sondage québécois révèle que 60% des jeunes ménages de 18 à 34 ans (surnommés les Y)

souhaitent majoritairement devenir propriétaires, à la fois pour une meilleure qualité de vie et parce

qu’ils considèrent que c’est un investissement à long terme22

. D’ici 5 ans, 46% des jeunes prévoient

acheter une résidence :

Parmi ceux-ci, plus de 80% ont déjà choisi le type de propriété souhaitée ; près de 60 % veulent

une maison existante alors que moins de 25 % veulent une maison neuve.

Pourquoi une maison existante ? Parce que le coût d’achat est généralement plus abordable

(avec un compte de taxes moins élevé), même s’il faut rénover à court terme (en le faisant

parfois soi-même).

Pour le quart des répondants, le frein possible à l’achat découle essentiellement de leur situation

financière incertaine, à laquelle s’ajoute un manque d’épargne.

Beaucoup de jeunes veulent des rapports de proximité, l’accès à des aménités vertes ainsi qu’à une riche

vie sociale, sportive et culturelle. Tous ces éléments exigent une masse critique de résidents qui fait

généralement défaut dans la banlieue actuelle. Il en résulte que l’accès à ce type de service est souvent

tributaire de nombreux déplacements en automobile. S’ajoutent alors des coûts importants en termes de

temps et d’argent.

Ajoutons également que, dans l’ensemble des États-Unis, 60% des Y veulent acquérir une maison d’ici 5

ans. Cependant, une plus grande proportion préférerait s’établir en ville23

. Le genre de banlieue qui les

attire serait proche d’un centre-ville, à la fois desservie par des transports en commun et caractérisée par

une belle diversité de lieux, dont des endroits pour marcher24

. Bref, on veut les avantages de la ville et de

la banlieue, le transport étant vraiment le facteur clé. Par ailleurs, il semble que le statut de locataire,

souvent incontournable au début de la vie d’adulte, peut, notamment pour des raisons de flexibilité,

s’avérer un choix pour bon nombre de Y25

.

21 Urban Land Institute (ULI) and PricewaterhouseCoopers (PwC), Emerging Trends in Real Estate® - United States and

Canada 2016, page 11: http://uli.org/wp-content/uploads/ULI-Documents/Emerging-Trends-in-Real-Estate-United-States-and-Canada-2016.pdf 22

http://www.journaldemontreal.com/2016/05/05/les-jeunes-menages-veulent-toujours-devenir-proprietaires 23

ULI and PwC, pages 6 et 9. 24

Idem. 25

Idem, page 75.

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11

2.1.3 Le logement abordable

Là encore, les tendances émergentes aux États-Unis et au Canada indiquent aussi des changements dans

les choix d’habitat. Tel que mentionné préalablement, une partie non négligeable des aînés et des jeunes

sont à la recherche de logements abordables. Dans ce contexte, le statut de propriétaire n’est pas

toujours la solution recherchée, notamment pour un bon nombre de Y.

Aux États-Unis, une part importante du marché locatif est constituée d’appartements mais aussi de

maisons unifamiliales. Cette dernière tendance n’est toutefois pas encore présente ici de manière

notable26

. Par ailleurs, devant le choix à faire entre de longs déplacements et un coût d’achat ou de

location élevé en ville, de plus en plus de Canadiens seraient disposés à vivre dans un espace plus

restreint qui, en contrepartie, donne accès à diverses aménités et services procurant une qualité de vie

appréciable et plus intéressante27

.

Enfin, que ce soit au Québec, au Canada ou aux États–Unis, les économistes soutiennent que le marché du

condominium est saturé28

. Toutefois, il y aurait un grand besoin de logements abordables dans un milieu

de moyenne densité. Au Québec, comme dans l’ensemble du Canada, le stock immobilier de location ne

s’est guère renouvelé, surtout depuis 1980 (le nombre d’unités construites ne cesse de diminuer)29

. Cette

situation fait en sorte qu’une partie des condos serait condamnée au marché locatif. Pour de nombreux

ménages canadiens, à défaut de pouvoir disposer d’une somme minimale pour acheter une maison, la

location devient l’alternative.

2.2 Des orientations à considérer

2.2.1 Réinventer la banlieue

Le marché immobilier américain fait face au défi de réinventer la banlieue, ce même modèle d’habitat

que nous avons imité avec enthousiasme au cours des dernières décennies. À l’heure actuelle, ne

devrions-nous pas examiner aussi les solutions qu’explorent nos voisins américains ? Par exemple, une

formule qui semble plaire beaucoup aux Y ainsi qu’aux aînés, gravite autour de l’aménagement d’une

sorte de banlieue planifiée. Elle se veut intergénérationnelle (aînés très actifs), piétonnière et pourvue

d’un système de transport en commun efficace. Elle favorise des usages mixtes, des services de proximité,

une économie de partage (transport et travail) ainsi que l’accès à divers agréments30

.

Pourrions-nous trouver une manière d’introduire une partie de ces composantes dans une

reconfiguration de nos banlieues de première couronne ? Par la même occasion, ne pourrait-on pas aussi

revitaliser certains emplacements abandonnés ou sous-utilisés, qui sont légion au centre de Québec ? Par

exemple, des inventaires sommaires amorcés avec OpenStreetMap permettent de localiser rapidement

de nombreuses surfaces asphaltées de stationnements qui ne sont pas toujours essentiels et qui

contribuent à créer des îlots de chaleur (voir à ce sujet le mémoire de Québec Arbres).

À cet égard, combien de stationnements de centres commerciaux, dits de grande surface, sont appelés à

disparaître, à cause des habitudes d’achat qui passent de plus en plus par le web ? Une partie de ces

26 ULI and PwC, pages 91-92.

27 ULI and PwC, page 82.

28 Nouvelles économiques à Radio-Canada (27 mai 2016), ULI and PwC, page 21, et :

http://www.lapresse.ca/maison/immobilier/201606/02/01-4987626-un-condo-sur-trois-vendu-a-perte.php 29

ULI and PwC, page 82-83. 30

Idem, page 76.

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surfaces présente un potentiel pour des actions de verdissement et/ou d’insertion de bâtiments

résidentiels. Le verdissement est d’ailleurs une approche qui a le vent dans les voiles et plusieurs

initiatives ont récemment été réalisées ou sont en cours à Québec.

Réinventer la banlieue pourrait devenir un slogan mettant en évidence l’objectif du PMAD en matière de conception de milieux de vie innovants, conviviaux, complets et inclusifs. Ces milieux sont foncièrement définis à partir de cinq thèmes (chaque thème comporte plusieurs éléments)

31 :

milieux de vie et espaces publics ;

mixité des fonctions urbaines et qualité de l’habitat ;

mixité sociale et accessibilité universelle ;

mobilité ;

sécurité et qualité de l’environnement urbain.

Réinventer la banlieue serait sans doute une approche à privilégier afin de favoriser une densification en

douceur pour aider à requinquer le cadre de vie et ranimer la vie communautaire. Ne serait-ce pas là une

perspective enthousiasmante pour les résidents de divers quartiers ? Ne pourrait-on pas en outre prévoir

des mesures incitatives (fiscales ou autres) pour encourager ce genre d’intervention ?

2.2.2 La moyenne densité, une façon de favoriser la convivialité ?

Consolider des milieux de vie existants permet de rentabiliser les infrastructures (routes, aqueduc et

égouts entre autre). Cela passe par la densification des milieux de vie (mais pas nécessairement de la forte

densité). Les milieux plus denses sont d’ailleurs propices à la « marchabilité » accrue, un des premiers

critères d’une vie urbaine forte.32

Sauf pour le centre-ville de Québec, ciblé pour un seuil minimal de densité de 75 logements/hectare, le

minimum prévu pour les pôles secondaires et les axes structurants correspond à de la moyenne densité,

soit entre 35 et 40 logements/hectare. On sait qu’il y a déjà des interventions à plus forte densité. Le

problème dans ces milieux réside parfois dans le fait qu’il n’y a pas de maximum de densité. Dans ce

contexte, des mouvements d’opposition tendent à se manifester contre l’insertion de projets à très forte

densité (ex. de 90-100 logements/hectare).

Par ailleurs, il ne suffira pas de densifier autour des pôles et le long des axes structurants pour développer

des quartiers attrayants (attractifs en lien avec un des 6 thèmes du Schéma) par leur qualité et pour

implanter de manière fructueuse le transport en commun ou actif. Il faudrait aussi favoriser des habitats

de moyenne densité (environ de 30 à 60 logements/hectare) dans la plus grande partie de

l’agglomération. Il en résulterait ainsi une masse critique de gens apte à soutenir des services de

proximité, à donner accès à des aménités diverses (vertes, culturelles, patrimoniales et sociales) et à

susciter de riches rapports de convivialité.

Pour concrétiser l’objectif du PMAD de créer des milieux de vie innovants, conviviaux, complets et

inclusifs, il y aurait lieu d’envisager la hausse des seuils minimaux de densité figurant au PMAD : ex. passer

de 18 à 25-30 logements/hectare pour les autres parties de Québec et de 16 à 20-25 pour Saint-Augustin-

de-Desmaures. La situation de L’Ancienne-Lorette démontre que c’est possible. En effet, le PMAD indique

que les Lorettains avaient déjà atteint 30 logements/hectare en 2010. La densification est alors de mise

puisqu’il n’y a pratiquement plus de terrains vacants.

31 PMAD, Stratégie 5, Tableau 6, page 51.

32 Gehl Jan, 2013, Pour des villes à échelle humaine, Montréal

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Soulignons que le Guide du participant33

pour la consultation du Schéma vante les mérites de secteurs de

la ville de Québec « très prisés et souvent cités en exemple pour leur qualité de vie et la richesse de leur

vie de quartier » (page 13). Ils sont pour la plupart de moyenne densité, soit entre 30 et 60

logements/hectare :

Duberger-Les Saules : 28,8 logements/hectare

Saint-Louis : 31,3 logements/hectare

Du Plateau : 39 logements/hectare

Pointe-Sainte-Foy : 50,3 logements/hectare

Cité universitaire : 57,1 logements/hectare

Saint-Sacrement : 88 logements/hectare

Ce document aurait également pu mentionner le quartier Montcalm, qui présente des densités variées

mais plutôt moyennes34

et qui est notamment prisé du fait de sa localisation entre la Colline

parlementaire et Saint-Jean-Baptiste, d’un part, et Sillery et Sainte-Foy, d’autre part.

Ne pourrait-on pas s’inspirer de ce Guide produit par la Ville de Québec pour transposer certaines

caractéristiques dans d’autres parties de l’agglomération qui nécessitent une injection de vitalité ?

2.3 Un regard neuf

2.3.1. La densification : peut-on densifier autrement ?

Comme dans de nombreuses autres grandes villes, le marché résidentiel de notre agglomération est

dominé depuis plusieurs décennies par une dichotomie souvent polarisée :

d’un côté, des constructions à faible densité (15-20 logements/hectare)35

: maisons unifamiliales,

duplex et parfois maisons en rangée, plutôt en banlieue;

de l’autre côté, des constructions à forte densité (80-100 logements/hectare, avec au moins 5

étages et même des tours) : appartements et condos, surtout dans les quartiers centraux.

Cette dichotomie a interpellé un groupe de finissants de la maîtrise en aménagement du territoire et

développement régional (ATDR) de l’Université Laval. Ils ont analysé les aspirations des citoyens et le rôle

que ceux-ci pourraient jouer en matière de planification. Ils ont ainsi examiné la couverture médiatique au

sujet de la densification à Sillery et à Beauport (terres des Sœurs de la Charité).

À cet égard, ils ont notamment constaté les problèmes que posent :

33http://www.ville.quebec.qc.ca/planification_orientations/amenagement_urbain/sad/docs/SAD_GuideParticipant_

mai2016.pdf (page 13) 34

Entre 31 et 84 logements/hectare, selon les exemples présentés dans le document de la Ville de Québec sur les densités: https://www.ville.quebec.qc.ca/planification_orientations/amenagement_urbain/sad/docs/images_densite_residentielle.pdf 35

Les références aux divers niveaux de densité (faible, moyenne, forte) sont en fonction des balises du document de la Ville de Québec intitulé « Images de la densité résidentielle sur le territoire de l’agglomération de Québec »: https://www.ville.quebec.qc.ca/planification_orientations/amenagement_urbain/sad/docs/images_densite_residentielle.pdf

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« la perte de contact avec l’identité du milieu, le manque de vision globale de la

planification et l’incohérence des projets avec la trame urbaine existante [… le

respect de la mémoire des lieux apparaît comme une valeur forte»36

.

Mais, selon leurs constats et la littérature scientifique consultée, la question de la densification n’est pas

simple37:

« Si la densification est une occasion de redynamiser et d’améliorer les milieux de vie

anciens, tout en contribuant à un développement plus durable, certains projets

s'harmonisent mal à leur voisinage au regard du caractère physique des nouvelles

constructions (gabarit, dégagement latéral, alignement des façades, forme du toit,

conservation des arbres matures, etc.). »

« Pour les chercheurs, densifier la ville ne signifie pas de construire des immeubles

imposants ou en hauteur sans lien avec le milieu d’implantation, encore moins dans

les secteurs anciens au tissu urbain à fort caractère patrimonial. (…) Tous les milieux

ne doivent pas nécessairement être densifiés. »

Ainsi, est-ce que l’impact psychologique sur la vie des gens est pris en compte ? Par exemple, quand ils se

voient imposer à quelques mètres de chez eux un édifice comportant de nombreux étages, qui

transforme à jamais le paysage urbain, et qui provoque un sentiment d’étouffement, d’écrasement, de

petitesse... À cet égard, une opinion publiée au cours des derniers jours au sujet du tout récent projet de

loi 109 sur « Québec - Capitale nationale » rappelle à quel point l’implantation de bâtiments à forte

densité peut soulever des malaises et de l’opposition.38

Le groupe de finissants en ATDR formule des observations sur les réalités du marché et sur les aspirations

des citoyens39

:

« Or, on peut se questionner sur les choix résidentiels qui sont offerts sur le territoire

de la Ville de Québec.

36 2015-2016, David Garceau, Nicolas Jomphe-Côté, Sarah Julien, Jo-Anick Proulx. « L’urbanisme participatif à l’heure

de la densification Ou comment densifier autrement », Essai-laboratoire en participation citoyenne, Résumé :

https://www.esad.ulaval.ca/files/esad/Perspecto2016_enligne.pdf (pages 42 et 45)

37 2015-2016, David Garceau, Nicolas Jomphe-Côté, Sarah Julien, Jo-Anick Proulx. « L’urbanisme participatif à l’heure

de la densification Ou comment densifier autrement », Essai-laboratoire en participation citoyenne, Sous la

supervision de Geneviève Cloutier, Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design, École Supérieure

d’aménagement du territoire et de développement régional, pp. 18-21.

38 http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201606/11/01-4990897-le-processus-referendaire-

empeche-t-il-la-densification.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=envoyer_cbp

39 Ibidem.

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« Si les promoteurs disent répondre à la demande, c’est peut-être aussi qu'aucune

alternative attrayante n'est proposée et que l’écart de perception entre la maison

unifamiliale détachée et le condo (surtout associé à de grandes tours) est trop

grand. »

« Les citoyens de la région de Québec ne rêvent pas tous de la maison unifamiliale en

banlieue, certes, mais plusieurs ont encore besoin d'être convaincus par cette

philosophie d'habiter la ville autrement. »

« Y aurait-il un entre-deux ? »

Dans le résumé de son rapport, le groupe énonce que les citoyens peuvent être mis à contribution pour

enrichir la réflexion sur la planification40

:

« Le débat sur la densification, tel qu’abordé dans les médias, laisse croire que

l’ensemble des citoyens lui sont réfractaires. Notre processus participatif permet de

constater que, dans les quartiers ciblés par des projets de densification, celle-ci a été

le catalyseur d’une réflexion sur la construction d’un milieu de vie amélioré. Au fait

des lacunes et des potentialités de leur quartier, les citoyens mobilisés ont des

propositions qui font état de réflexions articulées et approfondies, confirmant ainsi

leur statut « d’experts de leur milieu » (Nez, 2011). L’urbanisme participatif serait-il

une approche permettant de conjuguer les principes de la densification avec leur

mise en œuvre ? »

2.3.2 Des quartiers durables

Après nous être questionnés sur les nouveaux besoins et la densification, examinons maintenant

quelques aspects de la planification d’ensemble. Un autre groupe de finissants de la maîtrise ATDR s’est

penché sur diverses initiatives de développement durable à Québec41

. Ils se sont notamment intéressés

aux projets d’écoquartiers et aux plans particuliers d’urbanisme (PPU).

Ils ont noté le potentiel élevé de ces projets mais ils ont constaté certaines limitations. Ainsi :

« Malgré l’appellation d’écoquartier, ces projets se déploient à l’échelle d’un îlot ou

d’une friche urbaine, et ne constituent pas de réels quartiers durables. Cette réalité

limite l’intégration complète des différents volets du développement durable. Au

point de vue substantif, les projets d’écoquartier de Québec consistent

essentiellement à des projets immobiliers avec une forte composante

environnementale. Les dimensions sociale et économique sont, quant à elles, moins

présentes. Si on vise une certaine mixité sociale des résidents et la constitution d’un

pôle d’emploi à D’Estimauville, l’ampleur des projets limite la réalisation de ces

objectifs.

40 Résumé, page 42.

41 Guy-Aume Descôteaux, Michael Ferland, Louis-Félix Gamache, mai 2016. « Le développement urbain durable:

analyse de pratiques dans la ville de Québec », Essai-laboratoire, Sous la supervision de Mario Carrier, Volet Développement régional, Maîtrise en aménagement du territoire et développement régional Université Laval, Québec, Canada

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Ajoutons que, au-delà de la taille restreinte des superficies comprises dans ces

projets, leur localisation pose aussi un problème : même si la proximité du fleuve ou

de la rivière Saint-Charles leur confèrent un attrait potentiel indéniable (aménité

bleue), tant le projet d’écoquartier D’Estimauville que celui de la Pointe-aux-Lièvres

sont partiellement enclavés par des autoroutes. »

2.3.2.1 La synthèse des travaux de ce groupe souligne ce qui suit :

« L’étude démontre que la gouvernance écologique est au cœur du développement

urbain durable. En effet, la participation accrue des citoyens aux enjeux sociaux,

économiques et environnementaux du territoire apporte de nouveaux défis pour les

décideurs publics. Cette recherche d’une ville durable nécessite des pratiques

novatrices qui divergent, et par le fait même, questionnent les fondements du cadre

de gouvernance traditionnel de la ville.

Les décideurs publics locaux cherchent à optimiser l’attractivité du territoire afin de

favoriser la croissance. Les aménités vertes s’imposant comme un critère de choix

important pour les ménages et les entreprises, on tentera d’innover et de proposer

des alternatives de développement. L’utilisation des outils de planification à petite

échelle, comme les PPU, et l’expérimentation de nouveaux types de développements

via les écoquartiers démontrent l’intérêt de la Ville à effectuer un virage vers

l’intégration de pratiques plus « durables ». Toutefois, l’intégration des principes

centraux du développement durable au développement de la ville devra être facilitée

afin d’obtenir une réelle synergie de ses trois volets. »

Nous retenons de ces constats que les éco-quartiers ne devraient pas être seulement des exceptions et

aussi qu’ils devraient comporter des surfaces plus importantes (ex. à l’échelle d’un PPU). Il est aussi temps

que l’on s’intéresse davantage au qualitatif et à la substance de l’habitat, en portant une attention plus

grande aux aménagements entourant le bâti résidentiel. À cet égard, le mémoire du Collectif 55+ formule

de nombreuses préoccupations concrètes et des suggestions fort pertinentes. L’étude de cas présentée ci-

dessous présente également une approche novatrice.

2.3.3 La redynamisation de l’interface-ville campagne ou le rapport centre-

périphérie

En terminant, il nous faut relever les travaux d’un troisième groupe de finissants à la maîtrise ATDR42

.

Pour revigorer le tissu urbain de Charlesbourg, on y propose des interventions d’aménagement en vue de

tirer profit des aménités culturelles, institutionnelles et agricoles avoisinantes43

:

42 Ariane Fortin-Ouellet, Katerine Girard, Laurence Choquet-Houle et Ramiro Antonio Bedoya, mai 2016, Entre Bourg

et Prairie - lier centralité et périphérie pour une transformation durable des milieux de vie, Essai-laboratoire \Volet

urbanisme 2015-2016. Sous la supervision de David Paradis, Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design,

École Supérieure d’Aménagement du territoire et de Développement régional, Université Laval

https://www.esad.ulaval.ca/files/esad/Perspecto2016_enligne.pdf, pp. 10-17 43

Résumé p. 12, 14 et 16.

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« Les terres agricoles viennent mobiliser des acteurs aux visées opposées et

polarisées entre deux options d’apparence inconciliables : urbaniser ou protéger

l’agriculture. »

Relier les secteurs du Trait-Carré de Charlesbourg, du Bourg-Royal, des Promenades

Beauport et du golf, via l’aménagement de coulées vertes à caractère agricole et

récréatif: réseau de liens cyclables, piétonniers et agricoles (agriculture urbaine et

jardins communautaires) alternative au « tout-à-l’ automobile » caractéristique du

secteur; ossature verte reliant les secteurs ciblés aux attraits naturels saillants; lieux

de séjour et de rencontre pour les résidents; voies permettant aux piétons et cyclistes

de passer d’un ensemble à l’autre.

Consolider la centralité existante du Trait-Carré en favorisant le déploiement de son

effet centripète, à partir du Moulin des Jésuites jusqu’aux terres agricoles en

intervenant dans les milieux bâtis mise en lien avec l’École du Fierbourg (programme

de formation horticole et réseau d’agriculture urbaine).

Donner une identité forte au secteur grâce à l’aménagement d’une interface ville-

campagne : diminuer la fracture ville-agriculture (marché public, serres, incubateur

agricoles, activités éducatives). »

Leur approche a aussi permis d’identifier dans le milieu bâti des sites potentiels pour la densification

douce et met l’accent sur des mesures incitatives44

:

« La densification douce correspond à l’augmentation du nombre de logements sur

une parcelle, soit par l’ajout d’un étage, la transformation du sous-sol, la

construction d’un pavillon secondaire, etc. »

« En utilisant les lieux d’arrimage ciblés pour le secteur et en exploitant l’attractivité

des lieux mentionnés plus haut, le projet suggère environ 100 sites stratégiques pour

l’ajout d’un logement.

Bien entendu, la densification douce se fait par les propriétaires fonciers, donc des

incitatifs peuvent être mis en place pour encourager la population à faire les travaux

nécessaires à l’ajout d’un logement. Par la densification douce, le projet propose une

réponse concordant avec [… l’objectif de densification du PMAD de la Communauté

métropolitaine de Québec. »

Cet exemple illustre l’effet structurant et dynamisant d’un espace agricole devenant le centre d’intérêt

d’un milieu et valorisé en tant qu’aménité verte par une intervention urbanistique. Les services qu’il peut

offrir ne le se limitent pas à la nourriture qu’il peut produire et aux paysages que l’agriculture peut créer.

La proximité de cette cohabitation peut aussi générer une synergie susceptible de faire émerger toutes

une série de bénéfices pour la population environnante aux plans sportif, éducatif, social et

thérapeutique. Et ces bénéfices de proximité ont un prix. Par exemple, une maison à côté d’un lac ne

vaut-elle pas plus qu’une maison semblable au bord de l’autoroute ? Et combien coûte l’accès à certains

44 Rapport au long, page 37.

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sentiers en forêt ?... Il existe maintenant des méthodes pour calculer la valeur monétaire de ces

services.45

Au-delà de la densification douce et de la redynamisation du milieu à partir des aménités, certains

éléments de la conclusion du rapport permettent d’y voir aussi un potentiel d’harmonisation de

l’interface ville-campagne46

:

« Au-delà de l’absence d’urbanisation, qu’est-ce qui définit la périphérie urbaine ? Et

finalement comment l’agriculture peut-elle qualifier le territoire pour le rendre

structurant pour la ville voisine ?

En somme, cet exercice d’urbanisme physico-spatial croisé à un exercice d’urbanisme

instrumental, démontre qu’il est possible d’assurer une croissance urbaine tout en

conservant des milieux d’intérêt collectifs. C’est donc en utilisant l’agriculture pour

faire rayonner et croître les centralités qu’il est possible de lier ville et campagne. »

SECTION 3 - POUR UNE ZONE AGRICOLE REVIGORÉE

3.1 La nécessaire agriculture urbaine et périurbaine (AUP)

Chaque jour s’ajoutent dans le monde environ 227 000 nouvelles bouches à nourrir, soit 2,6 individus par

seconde. De 7,35 milliards d’individus qu’elle était en 2015, la population planétaire devrait atteindre 9,73

milliards en 2050. Près de 75 % de cette marée humaine se retrouvera alors dans les villes47

.

Dans ce contexte et avec, par surcroît, une diminution des superficies agricoles mondiales, l’agriculture

urbaine et périurbaine (AUP) connaît un engouement dans bon nombre de communautés en quête

d’autonomie et de sécurité alimentaire. Selon l’Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et

l’agriculture (FAO), l’agriculture urbaine serait pratiquée par 800 millions de personnes à travers le

monde48

.

Bien que les contours de la définition de l’AUP fassent toujours l’objet de discussions, elle est

généralement considérée comme étant une agriculture localisée en ville ou dans sa périphérie. Elle

génère avant tout des biens et des services majoritairement destinées aux citadins, qui forment la

majorité de la population dans au moins la moitié des pays sur la planète. Se situant à la croisée d’enjeux

alimentaires, environnementaux, sociaux et d’aménagement du territoire, ce modèle d’agriculture suscite

un tel intérêt que, en 2010, même la FAO a souligné en ces termes l’importance de sensibiliser les

instances publiques à cette forte mouvance:

« […] l’agriculture urbaine et périurbaine doit être reconnue comme une activité

commerciale et professionnelle à part entière et qu’il convient d’intégrer dans les

45 Conférence de Benoît Limoges le 30 mai 2016 : La valeur monétaire de la nature en ville.

46 Idem page 45.

47 Institut national de la statistique et des études économiques de France (Insee).

48 FAO, L’agriculture urbaine, site web de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture

(consulté en juin 2016).

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politiques nationales de développement agricole, les programmes d’alimentation et

de nutrition, l’urbanisme et la gestion des ressources. »49

Voilà un vaste chantier, s’il en est un !

Ainsi, déjà largement contributrice à l’alimentation des villes dans les pays du Sud, l’AUP connaît, depuis

la fin des années 1990, une popularité sans cesse croissante dans les riches pays de l’hémisphère Nord.

En effet, au-delà de bonifier l’offre alimentaire, elle contribue aussi à la saine gestion des ressources du

paysage. Tout en recyclant la matière résiduelle fertilisante des villes et de certaines industries, elle

améliore le cadre de vie; en outre, elle favorise l’aménagement du territoire en faveur d’une plus grande

biodiversité. Finalement, elle contribue à réduire l’émission de gaz à effet de serre.50

Ajoutons également qu’en plus de faciliter l’accès à des aménités vertes, elle offre un contre-projet à

l’étalement urbain, en favorisant la densification et le renouvellement des villes. Pour nombre de gens, la

recherche d’un développement urbain responsable passe sans équivoque par l’intégration d’une politique

des espaces agricoles, forestiers et naturels. C’est dans cet esprit que notre groupe désire se faire

entendre et se mettre en action.

3.2 L’agriculture urbaine et périurbaine d’ici et d’ailleurs

Tenant compte du contexte de notre présentation et du court délai avec lequel nous devions composer, à

défaut de pouvoir présenter un tour d’horizon exhaustif sur cet enthousiasme qui déferle et essaime à ce

sujet dans les pays industrialisés, nous relevons quelques faits illustrateurs de l’ampleur du dynamisme de

ce phénomène :

Aux États-Unis, par exemple, on estime que les revenus engendrés par l’agriculture en milieu

urbain sont passés de 4 milliards de dollars en 2002 à 7 milliards en 2012. Fait à noter, il importe

de retenir que les sommes dépensées dans l’agriculture locale restent essentiellement dans

l’économie locale.51

Une revue des tendances émergentes du marché immobilier américain indique que52

:

« Food is getting Bigger and Closer »

« foodies of all generations abound »

« the new vision that has urban land as the most precious and flexible of resources ».

Dans de nombreuses villes américaines, l’idée que la fin d’un usage immobilier signifie

l’extinction de la valeur du terrain n’est plus de mise, au profit d’une adaptation créative des

49 FAO, Développer des villes plus vertes, Rome 2010, p. 12.

50 Radio-Canada, Une révolution agricole urbaine : les avantages économiques, juillet 2015, site web consulté en juin

2016. 51

Daniel, Anne Cécile, Aperçu de l’agriculture urbaine en Europe et en Amérique du Nord, Institut des sciences et

industries du vivant, Paris, 2012, p. 22-31.

52 ULI and PwC, page 82.

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usages intra-urbains, comme le recyclage de bâtiments et emplacements à des fins d’agriculture

intensive (serres, hydroponie, production à l’intérieure ou à l’extérieur, etc.).53

À Détroit, dans la foulée des fermetures d’entreprises chez des grands de l’automobile,

l’agriculture urbaine s’est développée à tel point, que les fruits et légumes produits auraient créé

5 000 nouveaux emplois, tout en générant des ventes annuelles de 200 millions de dollars.54

Conformément à sa Charte alimentaire adoptée en 2001, la Ville de Toronto s’est engagée,

depuis plusieurs années, non seulement à encourager les jardins communautaires, mais

également à protéger les terres agricoles locales et à soutenir l’agriculture urbaine.55

Pour sa part, la ceinture de verdure d’Ottawa, constituée de 20 000 hectares d’espaces verts, en

recèle 5 400 qui sont protégés et consacrés à l’agriculture. Que ce soit en produisant maïs, soya,

blé, légumes, fruits et fines herbes, cette ceinture verte aide à répondre à la demande

alimentaire de près de 1,5 million de citoyens.56

Dans le but d’encourager la production alimentaire sur des terres agricoles sous-utilisées, la Ville

de Surrey, en Colombie-Britannique, fait appel à l’Institut d’horticulture durable de l’Université

de Kwantlen pour mettre en valeur ces terres. En plus d’être créatrice d’emplois, cette mesure

vise à protéger ces zones agricoles contre des développements immobiliers.57

Au cours de la saison estivale, que ce soit à Strasbourg, Paris, Bruxelles, Liège ou Montréal, des

formations grand public sur l’agriculture urbaine, la biodiversité et l’alimentation publique sont

désormais offertes par différentes universités.

En 2011, lors de la troisième édition de l’École d’été en agriculture urbaine organisée à l’UQAM

par le Collectif de recherche sur l’aménagement paysager et l’agriculture urbaine durable

(CRAPAUD), en association avec l’Institut des sciences de l’environnement (ISE), 150 acteurs de

la société civile ont jeté les bases d’une première charte citoyenne montréalaise sur l’agriculture

urbaine. Tout cela en vue de faire reconnaître et d’intégrer l’agriculture urbaine dans les

politiques municipales, provinciales et nationales.58

Après une vaste consultation sur l’agriculture urbaine, la ville de Gatineau vient d’élaborer un

programme ainsi qu’un plan d’action 2016-2018 pour son agriculture urbaine; entre autres, six

serres seront construites d’ici 2019 pour fournir des aliments qui seront vendus au Marché

Notre-Dame tout au cours de l’année.59

60

53 Idem.

54 Ibidem.

55 Wolfe, Florion et al., Bilan de l’implication du milieu municipal en agriculture urbaine, Alternatives, Montréal, 2012,

p. 28. 56

Radio-Canada, Ceinture verte : un rempart agricole – Ottawa, juillet 2015 (site web consulté en juin 2016). 57

Idem, Ville agricole : l’identité d’une ville par l’agriculture – Surrey. 58

Duchemin, E, Pour l’inclusion de l’agriculture urbaine dans le plan d’aménagement territorial de la CMM, UQAM, Montréal, le 19 septembre 2011, p. 8-9. 59

Ville de Gatineau, Un programme d’agriculture urbaine verra le jour à Gatineau, Service de communications, Gatineau, le 29 mars 2016. 60

Radio-Canada, Un nouveau visage pour le Vieux-Gatineau d’ici 10 ans, le 4 juin 2016 (site web consulté en juin 2016).

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À l’Université Laval, la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation (FSAA), en

collaboration avec le groupe étudiant AgroCité, a organisé le 10 mars dernier une journée

d’information et d’activités pour sensibiliser le grand public aux avancées dans le domaine de

l’agriculture urbaine et à leurs répercussions positives sur l’environnement et la société.61

Enfin, en plus des réalisations et des formations données par des organisations telles que les

Urbainculteurs, Craque-Bitume ou Vivre en ville, mentionnons que l’Institut des sciences de

l’environnement de l’UQAM offre également un cours d’été, au niveau de la maîtrise, sur

l’aménagement des villes nourricières.

3.3 L’agriculture dans l’agglomération de Québec

Du côté des instances publiques, le territoire et les activités agricoles n’ont guère fait l’objet

d’événements stimulants ou rassembleurs au cours des dernières années. On n’a qu’à penser :

à l’annonce, en 2011, d’un projet pour implanter un centre de compostage industriel à ciel

ouvert à Québec, dans un secteur intensivement cultivé de la zone agricole, à l’ouest de

l’aéroport Jean-Lesage (l’impact aurait pu s’étendre sur environ 320 hectares; ce projet a été mis

de côté) ;

au retrait, en 2013, du volet « jugement des animaux » à Expo-Québec, ce qui a provoqué

l’affaiblissement et probablement la fin, après 100 ans d’existence, de la plus grande exposition

agricole de l’Est du Canada (cet événement a été repris entre-temps à Montmagny mais il a été

abandonné récemment) ;

et, finalement, à l’abandon, en 2015, de l’engagement de l’Agglomération à réaliser un Plan de

développement de la zone agricole (PDZA), qui a été remplacé par une Vision du développement

des activités agricoles et agroalimentaires dans l’agglomération de Québec (VDAAA) faisant

abstraction de l’existence même de la zone agricole (!).

En outre, il faut souligner l’annonce, en décembre 2014, d’un projet de développement domiciliaire de

plus de 6 000 unités de logement sur plus de 200 hectares d’excellentes terres agricoles, toujours

cultivées, ayant jusqu’alors appartenu directement aux Sœurs de la Charité de Beauport (TSC). Rappelons

que, pendant plus d’un siècle, ces terres ont fait partie d’une immense ferme urbaine, gérée par les Sœurs

de la Charité, qui a nourri jusqu’à 5 000 personnes, soit les malades de l’ancien hôpital psychiatrique ainsi

que le personnel soignant62

.

Le mouvement d’opposition à ce projet est depuis lors devenu le fer de lance d’une vision

d’aménagement et de développement qui intègre la sauvegarde et la valorisation d’un patrimoine

inéluctable pour notre qualité de vie.

En ce qui nous concerne, l’histoire, l’emplacement et les qualités intrinsèques de ce foncier lui confèrent

un riche potentiel afin de devenir un parfait laboratoire pour une agriculture urbaine branchée sur la

population environnante, voire une école de vie, pouvant aider à alimenter le garde-manger ainsi qu’à

61 Université Laval, Colloque sur l’agriculture urbaine, Le Fil, volume 51, numéro 19, Québec, le 24 février 2016.

62 Manon Boulianne, Michèle Pageau, Marie-Hélène Beaudry, La ferme SMA des Soeurs de la Charité de Québec : une

initiative pionnière en agriculture urbaine, Cahier numéro EE1501, publié le 5 février 2015 (recherche en lien avec le site de l’Institut Mallet).

http://www.culturephilanthropique.ulaval.ca/sites/culturephilanthropique.ulaval.ca/files/boulianne_pageau_beaudry_ferme_sma_ee1501.pdf

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affirmer l’identité et la signature de notre Capitale Nationale. À ce titre, la réalisation d’un vaste projet

d’agriculture urbaine axé sur l’économie sociale et le développement durable s’inscrirait dans la lignée

des fonctions nourricières, thérapeutiques, sociales et communautaires traditionnelles de ces lieux.

Imaginons ce qu’en feraient des citoyens comme ceux de Liège, en Belgique, qui s’évertuent actuellement

à réinvestir des friches industrielles pour produire leurs aliments de proximité.63

Par ailleurs, soulignons qu’une part importante de la zone agricole de l’agglomération de Québec

est toujours convoitée ou accaparée par des investisseurs et des spéculateurs64

. Outre la

spéculation à des fins urbaines, il semble que, dans un contexte financier parfois incertain, des

investisseurs se tournent vers les terres agricoles comme une valeur refuge, qui pourrait s’avérer

plus sûre, ou du moins plus réelle, que des obligations ou des actions en bourse. Au-delà de la

sous-utilisation ou de l’abandon de l’agriculture qu’entraîne l’accaparement des terres par des

spéculateurs, il y a aussi un impact à long terme. Ce phénomène est rigoureusement documenté.

Ainsi, une vaste étude couvrant l’ensemble de la plaine de Montréal et publiée en 1972 avait

permis d’identifier notamment les effets de la spéculation sur le prix des terres agricoles et,

surtout, la déstructuration lente de l’agriculture en lien avec une anticipation de l’urbanisation65

.

Ce dernier type d’effets apparaissait clairement comme le plus néfaste car il stérilisait inutilement

et quasi définitivement des superficies très supérieures aux besoins réels de l’urbanisation. C’est

en partie sur la base des résultats de cette étude que le zonage agricole a pu être implanté au

Québec en 1978. Une autre étude de cette équipe a d’ailleurs souligné en 1986 les effets positifs

de cette loi pour contribuer à contrer ce phénomène66

, qui demeure cependant toujours latent.

Par contre, et c’est heureux, il y a un fort dynamisme dans de nombreuses organisations communautaires

et les citoyens sont très actifs. Ce sont eux qui portent le flambeau de l’agriculture et la font rayonner à

travers l’agglomération et même au-delà. Pensons, entre autres, à la Fête des semences (qui attire des

milliers de personnes à chaque printemps) et aux projets de forêt nourricière en développement en divers

endroits, dont au Bois-de-Coulonge et à Portneuf67

. Plusieurs activités sont notamment regroupées à

travers une concertation du Réseau d’agriculture urbaine de Québec (RAUQ)68

, dont font partie les

groupes cités au début de cette section (Les Urbainculteurs, Craque-Bitume et Vivre en ville), impliqués

dans la formation et la réalisation de divers projets. Les initiatives foisonnent dans tous les directions,

entre autres à travers des collaborations avec d’autres groupes, comme le projet Verdir St-Roch pour des

initiatives de verdissement69

. Dans la même veine, mentionnons aussi le projet Milieux de vie en santé

lancé récemment70

.

63 Remits, Jacqueline, Agriculture urbaine : quand Liège devient fertile, CCI mag, 5 mai 2015.

64 Dans la portion ouest de l’agglomération, au moins 500 hectares appartiennent au même propriétaire immobilier,

qui en loue une partie à des agriculteurs ; il serait même actuellement en démarche pour acquérir d’autres terres à

Saint-Augustin-de-Desmaures. Voir aussi note 18. 65

Thibodeau, Jean-Claude (coordonnateur) (1972). Région Sud, Agriculture, Montréal Centre de recherches urbaines

et régionales (INRS), cité dans Thibodeau et al. (1986), avant-propos. 66

Jean-Claude Thibodeau; Jeannine Bergeron; Marcel Gaudreau; INRS-Urbanisation. Le zonage agricole, un bilan

positif: les effets de la loi 90 dans la région sud de Montréal, INRS-Urbanisation, 1986. 67

http://www.potagerforestierqc.org/ 68

http://www.agricultureurbaine.net/description-du-reseau/ 69

http://www.monsaintroch.com/entreprises/verdir/ 70

http://atquebec.org/2016/04/18/invitation-lancement-du-projet-milieux-de-vie-en-sante/

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Certains membres du RAUQ sont engagés dans les jardins communautaires et les jardins collectifs pour lesquels les listes d’attente sont longues. Il faut d’ailleurs souligner le rôle important du transfert d'information et de connaissances ainsi que des échanges de techniques qui s'opèrent au sein des jardins communautaires et collectifs sur le territoire. Bref, la popularité grandissante de ces occasions d'échange indique clairement que la population de Québec est prête à accueillir et intégrer un mode de développement urbain comportant une vision d’agroforesterie nourricière.

3.3.1 Une mise en valeur accrue de la zone agricole

Conscients de la valeur de ces joyaux mésestimés que sont nos terres agricoles, nous appuyons sans

réserve les agriculteurs et les neuf organisations civiles qui, le 31 mai dernier, ont émis un communiqué

de presse en faveur de la protection intégrale de ces dernières dans l’agglomération et de la réalisation

d’un parc central à vocation nourricière71

. Un sondage qui vient d’être rendu public le 13 mai 2016

montre que la cause de cette nouvelle coalition reçoit un appui populaire significatif72

.

Avec approximativement 12 500 hectares en zone agricole, dont près de 5 900 en culture et 5 100 en

forêt, l’agglomération de Québec dispose de riches espaces propices à la découverte de la nature, à la

détente et, bien sûr, à la production significative de biens agroforestiers de proximité. À l’heure actuelle,

les propriétaires des 118 fermes (données de 2010) de ce vaste territoire pratiquent surtout une

agriculture traditionnelle, qui s’inscrit dans une dynamique de mise en marché dans des circuits longs de

commercialisation. À cet égard, nous croyons qu’au-delà de la consolidation des entreprises existantes,

l’avenir de notre agriculture locale passe par la valorisation de sa multifonctionnalité et, notamment, par

la sensibilisation de la communauté agricole à l’importance grandissante de l’AUP et par des incitatifs

pour encourager une mutation graduelle vers une production davantage axée sur des circuits courts de

commercialisation.

En attendant de disposer d’outils de soutien à portée nationale, comme le sont la Charte européenne

pour l’agriculture périurbaine et le réseau Purple (Peri-urban platform Europe)73

, notre Agglomération ne

pourrait-elle pas, dans un premier temps, compléter la réalisation d’un vrai PDZA, en énonçant des

orientations spécifiques pour la préservation et la mise en valeur de la zone agricole? Il convient de garder

à l’esprit que cet exercice rassembleur de tous les acteurs du milieu s’effectue partout au Québec, en

s’articulant à l’échelle d’une municipalité régionale de comté (MRC) ou d’une agglomération. Rappelons

que le PDZA a comme objectif de rapprocher la communauté agricole et le monde municipal, en vue de

contribuer au développement et à la pérennité des activités agricoles, d’atténuer les pressions de

l’urbanisation et de favoriser la vitalité et l’occupation dynamique du territoire.

et http://milieuxdevieensante.org/

71 Coalition d’agriculteurs et d’organisations de société civile, Projet de schéma : non au dézonage agricole à Québec,

Québec, le 31 mai 2016.

https://static1.squarespace.com/static/5596a440e4b04990388f0909/t/574d0047ab48de41ef989f45/1464664138694

/Communiqu%C3%A9_Prot%C3%A9geonslesterresdeQu%C3%A9bec_31mai.pdf

72 https://vivreenville.org/nos-positions/communiques/communiques/2016/dezonage-agricole-74-de-la-population-

de-quebec-favorable-a-la-protection-des-terres-agricoles/

73 Purple, L’enjeu périurbain en Europe, site web de la région Hauts-de-France, Nord Pas de Calais-Picardie (consulté

en juin 2016).

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Dans cette perspective, il résulte donc de tout cela que le défi premier du Schéma d’aménagement

proposé consiste à réconcilier les notions de progrès, de croissance et de développement avec ceux de

protection de la zone agricole et d’agriculture de proximité. Ce premier pas peut sembler difficile à

franchir, à cause de croyances et de perceptions qui ne sont pas toujours fondées. Toutefois, nous

sommes confiants que, au-delà de cette étape, un dialogue constructif et une collaboration respectueuse

et fructueuse pourraient s’établir.

Avec l’adoption d’une réglementation et de mesures incitatives appropriées en faveur de l’optimisation

d’une production agricole sur ces terres, l’essor de notre agriculture et l’émergence d’une relève

entrepreneuriale, attirée par l’AUP, seraient alors grandement facilités. En dernière analyse, il appert que,

grâce à une ouverture et à une sérieuse réflexion, nos élus pourront, comme nous, mesurer l’ampleur de

la richesse d’un tel bien collectif. Pendant des siècles, il a fourni le gîte et le couvert à nos ancêtres, qui

ont parfois mis des décennies à défricher et préparer ces terres pour la production d’aliments. À un point

tel peut-être, que l’agrandissement du périmètre d’urbanisation n’apparaîtra dorénavant plus que comme

une option désuète, à la mode du siècle dernier.

Alors, nous serons disposés à croire en la véracité et la sagesse de l’énoncé de mission du VDAAA qui

soutient que, désormais :

« La Ville de Québec souhaite placer l’alimentation de proximité*, saine et durable,

au cœur de la qualité de vie des citoyens de l’agglomération ».74

* Pour nous toutefois, la proximité, c’est la région de la Capitale-Nationale, bien sûr, mais c’est

d’abord la Communauté métropolitaine et l’agglomération mais, avant tout, notre municipalité et

même notre quartier.

De plus, nous pourrons déployer nos énergies avec confiance et enthousiasme en vue de concrétiser les

éléments de la vision proposée dans le VDAAA, qui serait intégrée au futur PDZA.

Ainsi, en 2025 :

« La Ville de Québec sera une plaque tournante de l’industrie agroalimentaire

régionale, favorisant la rencontre et les échanges entre consommateurs et

producteurs.

Les assiettes des citoyens de Québec seront régulièrement composées de produits

locaux, frais et sains.

La Ville de Québec aura mis en place des actions destinées à favoriser la

diversification des cultures et des élevages de l’agglomération, de pair avec la

consolidation des fermes existantes, la rétention de la relève agricole et le démarrage

74 Ville de Québec, Vision du développement des activités agricoles et agroalimentaires dans l’agglomération de

Québec, Québec, 2015, p. 4. Soulignons que le document spécifie en bas de page que « L’alimentation de proximité

réfère aux produits agroalimentaires qui sont produits, transformés et mis en marché à l’intérieur de la région de la

Capitale-Nationale ou encore aux produits provenant de l’extérieur de cette région, mais pour lesquels un minimum

d’intermédiaires est intervenu entre le producteur et le consommateur. »

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de nouvelles entreprises. La bonne cohabitation de ces entreprises avec les activités

qui les entourent sera une préoccupation constante.

Les citoyens de l’agglomération de Québec cultiveront des fruits et des légumes à

proximité de leur lieu de résidence, dans le respect de leur voisinage. »75

Dans cet esprit, nous souhaitons offrir notre collaboration en vue d’une vaste mobilisation pour élaborer

une démarche rassembleuse et visionnaire de mise en valeur de la zone agricole, dans l’intention affirmée

de concevoir et soutenir l’implantation de divers projets d’agriculture urbaine et périurbaine

multifonctionnelle au cours des prochaines années.

Ces projets pourraient non seulement répondre à des préoccupations reliées à l’agriculture et à

l’alimentation (production biologique, expérimentation, transformation, distribution) mais aussi à la

création d’emplois (nouvelles entreprises, relève sans terre), à la formation (stages, transmission

intergénérationnelle, initiation au jardinage), aux arts, aux loisirs et à la thérapie, etc.

L’invitation est lancée !

CONCLUSION

La révision du Schéma d’aménagement et de développement de notre agglomération offre une occasion

exceptionnelle de refaçonner notre environnement en faveur de notre santé, de notre alimentation, de

notre qualité de vie et de notre bien-être collectif. Dans cette perspective, en tant que contributrice de

premier choix à notre quête en matière de sécurité alimentaire, la production agricole de proximité

constitue un enjeu majeur, qui mérite bien davantage d’attention.

Quand on considère la rareté des terres agricoles au Québec et le fait qu’elles sont convoitées à un haut

niveau d’intensité ainsi que la précarité de leur statut, il convient de soutenir, qu’ici et ailleurs dans le

monde, bon nombre d’agglomérations seraient ravies de posséder le joyau qui nous entoure. Malgré le

fait que ces territoires nourriciers sont soumis à de nombreux assauts depuis fort longtemps, leur

préservation, qui relève presque du miracle, permet toujours d’offrir des possibilités qui répondent à des

préoccupations sociales et écoresponsables.

En somme, devant l’irréversibilité des impacts de certains de nos choix, il importe plus que jamais de

prendre le temps nécessaire pour arrêter des décisions qui répondent aux intérêts fondamentaux de la

collectivité d’aujourd’hui et de demain.

Rappelons que, en plus de nourrir la population et de faciliter l’accès à des aménités vertes, l’agriculture

urbaine et périurbaine offre un contre-projet à l’étalement urbain, en favorisant la densification et le

renouvellement des villes. Ces quelques mots résument l’essence et le sens de ce mémoire.

75 Idem, page 10