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L’AGROFORESTERIE, UNE SOLUTION D’AVENIR POUR DES TERRITOIRES DURABLES ET PRODUCTIFS

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L’agroforesterie, une soLution d’avenir pour des territoires durabLes et productifs

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2aSSOCIaTION FRaNCaISE D’aGROFORESTERIE

L’arbre intervient dans les processus conditionnant la Vie : l’air, le sol, l’énergie, le climat et l’eau. Il est également un formidable acteur de la propagation de la biodiversité qu’il héberge et nourrit de la pointe de la racine jusqu’à la dernière feuille de la partie sommitale. Ce sont des pollinisateurs, des oiseaux, des chiroptères, ou encore des individus contrôlant les ravageurs des cultures destinées à l’alimentation humaine aussi appelés « auxiliaires », qui vont bénéficier des services de l’arbre (habitat, nourriture). Ce cortège aussi bien végétal qu’animal assure la diversité génétique par la pollinisation et est fournisseur de ressources agricoles.

L’arbre joue un rôle crucial dans le cycle de l’eau en agissant sur sa disponibilité (en infiltrant l’eau et en l’exfiltrant), sa quantité et sa qualité. L’arbre n’est pas

consommateur d’eau mais un utilisateur qui va tamponner les manques et les excès d’eau. L’eau utilisée (97%) ne fait que transiter par le végétal qui l’absorbe, la purifie en retenant les particules en suspension ou dissoutes et la vaporise. L’arbre purifie doublement puisque son système racinaire va être capable d’assimiler les minéraux et les molécules polluantes (nitrates par exemple) grâce à la mycorhization. Enfin, l’arbre participe au cercle vertueux de l’aggradation de la fertilité en augmentant la teneur en matière organique des sols. La matière organique permet d’améliorer les capacités de rétention d’eau du sol et donc l’eau disponible. Du fait de ces spécificités, l’arbre est devenu une pierre angulaire des aménagements pour drainer, freiner, maintenir ou filtrer l’eau.

Ces mécanismes peuvent être considérablement amplifiés par l’association des arbres avec des couverts végétaux.

Sans arbre et sans couvert, les sols subissent les phénomènes d’érosion, d’assèchement ou même d’inondation. La Vie biologique du sol disparaît et le sol devient un support vide. La matière organique est éliminée et se retrouve trop souvent dans les cours d’eau dont elle vient asphyxier les habitants.

L’érosion du sol est quantifiée à 2,76 tonnes par ha et par an en Europe selon le Centre commun de Recherche (JCR). Autant de matière venant boucher les cours d’eau et détruire la Vie aquatique. L’association du végétal de manière plus large et de l’eau est une préoccupation sanitaire et alimentaire.

Figure 1 : de l’importance des couverts végétaux. Les 3F : les arbres associés aux couverts végétaux sont capables de FREINER les flux d’eau et de réduire les risques d’inondation, FIXER l’eau qu’ils protègent et rendent disponible, FILTRER l’eau de ses éléments dissous.

L’ARBRE, ACTEUR DU DEVELOPPEMENT

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La trame verte et bleue est un réseau écologique formé de continuités terrestres et aquatiques à toutes les échelles du territoire national. Ces continuités ont fait l’objet d’un engagement politique qui consiste à les restaurer dans l’objectif de (re)constituer un réseau d’échanges entre faune et flore, maintenant par là leur capacité à s’adapter, se reproduire, se nourrir et donc à terme assurer leur cycle. L’arbre est une entité vivante et une véritable infrastructure utile aux continuités écologiques façonnant des paysages à géométrie variable ; des points (arbres isolés), des lignes (haies, bandes boisées), des surfaces (zones boisées) et ce en lien avec le règne végétal dans sa globalité (bandes enherbées par exemple). Les connexions favorisent les échanges et la résilience des systèmes face à des événements biologique et ou abiotique, survenant seul ou en cascade.

Un exemple significatif concerne les canaux du Nord et du Midi. Des plantations ont été réalisées en bordure des canaux pour protéger du soleil et produire du bois. Des précautions sont de mises concernant ces aménagements : les essences installées doivent être adaptées au milieu et d’âges différents pour éviter ou limiter les effondrements de berge et les dégâts sur la faune aquatique. Des milieux variés vont également limiter la circulation et la prolifération des ravageurs.

L’arbre, garant des territoires et paysages fertiLes

A l’interface économie-écologie-société, l’arbre, par son impact positif sur la

qualité de l’air, de l’eau, du sol et en faveur du climat, est un formidable vecteur

du développement durable. En aggradant les sols, en fournissant du bois et de

la biomasse, il alimente les économies de transformation de produits durables

et/ou renouvelables ; une économie positive basée sur un être vivant économe en

besoins.

L’économie au sens large bénéficie des services complémentaires de l’arbre qui sont encore peu intégrés dans les modèles économiques ; purification de l’air, régulation et filtration des ressources en eau, régulation du climat et adaptation, diminution de l’érosion de la biodiversité, qualité des paysages.

Figure 2 : la ripisylve, quand végétal et eau se rencontrent, cas d’une trame verte et bleue. Elle désigne l’ensemble des végéta-tions rivulaires en bordure des lieux d’eau formant un écotone riche en biodiversité. Elle est un purificateur d’eau efficace unique-ment si cette association est systématisée à l’échelle de tout le bassin versant considé-ré avec un aménagement agricole raisonné.

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En fournissant des denrées agricoles, de la biomasse et du bois, l’arbre est un véritable acteur d’une économie durable. En France, ce sont près de 500 000 hectares en bord de voirie (trame grise) et 800 000 hectares en bord de cours d’eau où l’on pourrait combiner une production importante de biomasse renouvelable avec la préservation des ressources eau et sol, et des milieux.

Les trames grises peuvent gêner ou bloquer les flux de biodiversité ainsi que les écoulements des eaux. Il est donc nécessaire d’atténuer ces effets en associant de manière raisonnée les trames grises, vertes et bleues.

L’intensification végétale ligneuse et herbacée (arbres alignés, haies arbustives, couverts végétaux…) optimise les surfaces agricoles et augmente leur potentiel productif, leur durabilité. Le végétal PRODUIT (bois, biomasse, produits non ligneux), PROTEGE les ressources, la biodiversité, les infrastructures et

Figure 3 : l’interaction sol-plante.L’arbre, outil d’aménagement économe et performant. L’arbre produit beaucoup avec peu. Une quantité importante de ressources, dont l’eau, ne font que transiter à tra-vers lui et son mécanisme de croissance, la photosynthèse, se fonde sur une res-source inépuisable : l’énergie du soleil. L’arbre ne va quasiment stocker que le car-bone, ce composé facteur de réchauffement climatique, dans sa partie aérienne mais également dans le sol sous forme d’humus, améliorant la fertilité des sols.

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conditionne le bon fonctionnement des cycles biologiques. Au niveau du paysage, il participe à l’attractivité et à l’identité des territoires (bocages normands, etc.).

L’arbre est également présent dans une diversité de systèmes agraires recensés dans le terme « agroforesterie » ; association fruitiers élevages (oliveraies, châtaigneraies pâturées), grandes cultures et arbres de bois d’œuvre (noyeraies et blé), bocages, haies composées de ligneux et d’herbacées, etc. Ces systèmes mobilisent les capacités de production de biomasse et de bois des arbres tout en maximisant leurs services pour les animaux et les cultures (ombrage, mise à disposition de ressources, etc.).

Figure 4 : une trame verte d’arbres isolés et de bocages. L’arbre, outil de l’aménagement, est multiforme et multifonctionnel. L’arbre est une compo-sante du paysage et agit sur ce dernier en le modifiant ; il tempère le climat et plus discrète-ment ionise et purifie l’air. Ce sont autant de silhouettes pouvant être aperçues (trogne, arbres émondés, canopée libre) au sein d’arbrements spécifiques en réseau (bocage), alignés, mail-lés ou dispersés. L’arbre permet à bas coût la valorisation des espaces et des infrastructures publics (parcs, parkings, aires de pique niques, zones de loisirs, monuments, cours, etc.) ainsi que des réseaux hydrographiques et des voiries. Ce sont autant d’espaces qui présentent un potentiel d’enrichissement de la trame verte améliorant par là le cadre de vie en zone urbaine et agricole ainsi que les cycles de la vie biologique. Les espaces vides ou délaissés peuvent être mis à profit et valorisés économiquement. Les finalités sont plurielles allant du maintien des talus, berges de canaux, à la restauration et stabilisation des sols de montagne.

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L’agroforesterie est une vaste gamme de pratiques agricoles, historiques ou innovantes, ayant des finalités économiques et écologiques grâce au génie du végétal. Le système de strates permet d’enrayer les phénomènes d’érosion, améliorer la structure du sol et la fertilité, améliorer la qualité de l’eau, ainsi que de diversifier l’économie de la ferme en fournissant des fruits, des services éco-systémiques ou des produits bois. L’agroforesterie est constituée d’une pléthore de systèmes agraires. Une haie multi-strates - arborée, arbustive, herbacée, muscinale

- associée à des cultures fait pleinement partie intégrante de l’agroforesterie, au même titre qu’une vigne associée à des cultures ligneuses et des couverts végétaux.

Quelques points pratiques : une haie réduit la vitesse du vent de 50 à 75% jusqu’à une distance de 7 fois sa hauteur. L’évaporation d’une culture associée à une haie est réduite de 25 à 50%. Les haies

peuvent réduire de 10% la quantité d’eau nécessaire à l’irrigation et l’humidité du sol augmente de 20%. Une haie peut absorber 85% de l’azote lessivé provenant des cultures ramenant une teneur en azote de 40mg/l en amont à 6mg/l en aval de la haie. L’arbre divise par 4 le flux de nitrate à son aplomb. (SIRVEN, 2016)

Figure 5 : parcelle agroforestière blé – feuillus (peupliers intercalés de feuillus précieux type noyer)

L’ARBRE AU SERVICE DE L’AGRICULTURE

Figure 6 : double haie en bordure de route

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Ainsi, une même dénomination ou association peut cacher plusieurs réalités ; l’espacement des arbres ainsi que leur forme peuvent varier en fonction des finalités de l’agrosystème. Dans un cas la structure fait penser à des champs pâturés avec des arbres isolés tandis que d’autres sont vus comme des forêts pâturées [pré-vergers et vergers]. L’exemple le plus poussé d’agroforesterie est sans nul doute le cas des jardins-forêt en zone tropicale. Ces associations très anciennes sont traditionnelles. En France, ce n’est que depuis une quarantaine d’années que l’arbre a cessé de faire partie intégrante des systèmes de production.

L’agroforesterie est un ensemble de pratiques et d’associations. L’arbre n’est qu’un composant parmi d’autres qui a la vocation avec les couverts végétaux de couvrir et aggrader les sols en réduisant les phénomènes d’érosion, les pertes en eau et en biodiversité. Ce besoin de couvrir les sols se traduit également par des pratiques de non travail des sols afin de ne pas porter atteinte mécaniquement à l’activité biologique. Un sol nu et travaillé est fragilisé, en termes biologique, chimique et physique. Les intrants censés compenser les manques ponctuels deviennent systématiques et, phénomène aggravant, ne sont pas retenus dans la parcelle : ils s’échappent de plus en plus vite au gré des aléas climatiques, sans intégralement profiter aux cultures et viennent polluer les cours d’eau et l’environnement alentour. L’agroforesterie vise la durabilité économique et écologique du système de production. Elle permet au système de production de gagner en autonomie et de facto d’être moins dépendant et dépensier. Elle se fonde sur 3 piliers, dans l’espace et dans le temps : l’optimisation des ressources disponibles, l’intensification végétale inspirée du modèle de la forêt et la diversification de la production.

Figure 7: l’agroforesterie et sa déclinaison territoriale

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Le premier pilier résulte de l’association des arbres à d’autres cultures forçant les premiers à descendre leurs racines en profondeur pour accéder à des ressources supplémentaires et les restituer aux seconds. La concurrence se transforme alors en complémentarité. Les associations se font également en périodes successives permettant des productions variées et échelonnées tout au long de l’année. L’agrosystème ne peut alors être déconnecté de sa dimension temporelle et nécessite l’étude de la synchronicité des exigences biologiques des espèces.

4 facteurs majeurs, conditionnant la réussite d’un projet agroforestier dans sa composante arborée ont été identifiés : le choix variétal, la couverture du sol, la gestion des adventices à l’étape d’installation, la taille de formation et l’élagage, la protection gibier. Les techniques de taille de formation et d’élagage de l’arbre sont à adapter en fonction des productions recherchées (fruits, fourrages, bois).

Le développement de l’agroforesterie ne peut s’affranchir d’une sensibilisation de la sphère publique et privée ainsi que d’un accompagnement technique permettant de former les aménageurs du territoire (agriculteurs, techniciens, élus, etc.) aux pratiques de l’agroforesterie. Ces deux conditions réunies rendent possible l’expérimentation à l’échelle des territoires et in fine le déploiement de politiques nationales et régionales. L’association est de mise à toutes les étapes du cheminement, à toutes les échelles et entre les métiers bénéficiant directement des services économiques de l’arbre et les représentants de la société. L’association consiste à concerter et organiser les actions tout en mutualisant les moyens afin de répondre à des enjeux et des objectifs partagés. Les expériences mutualisées et capitalisées permettent une amélioration constante des techniques et de l’efficacité des mesures déployées.

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L’arbre fournit des réponses dans l’espace (agricole et non agricole) ainsi qu’à tous les niveaux décisionnels de la société (état, collectivité, association, ferme, jardin).

Les arbres sont aux premières loges aux abords des villes et donnent une image positive, une valeur d’embellissement aux villes. Une gestion adaptée des espaces verts nécessitant une compréhension du territoire et un travail multi-acteurs permet un équilibre entre écologie et économie. Pour les élus du territoire il y a un gain de visibilité pour les orientations politiques d’aménagement du territoire. L’agroforesterie ou la maximisation des systèmes de production par le végétal peut servir les objectifs des territoires à énergie positive (TEPOS) qui engagent une transition énergétique. Ces territoires visent la réduction des besoins énergétiques et l’utilisation à 100% d’énergies renouvelables locales. Les territoires ruraux jouent un rôle de premier plan pour l’atteinte de cet objectif qui vise un développement local. L’agroforesterie est un outil utile pour chaque Etat ayant une stratégie de croissance verte.

L’agroforesterie permet à l’agriculteur, gestionnaire de l’espace, d’optimiser les bords de champs avec une mise en place de couverts végétaux permettant de répondre à des services de 1) lutte contre l’érosion éolienne et hydrique par la formation d’une structure brise-vent (haies, plantation d’arbre, installation d’un couvert herbacé, régénération de l’existant…) 2) biodiversité et accueil pour les auxiliaires des cultures 3) augmentation de la biomasse 4) réduction d’impacts négatifs sur l’environnement (fixation des nitrates, etc.) 4) connexion des espaces agricoles et naturels. Les riverains vont bénéficier de l’arbre à l’interface entre les systèmes agraires et les chemins de randonnée, diffus dans le milieu urbain.

L’élaboration de programmes d’implication et de sensibilisation des enfants et des riverains à l’intérêt de la végétation spontanée et du végétal est rendue possible et doit être favorisée. Les associations locales peuvent alimenter ces événements à destination du public.

La demande en bois toujours croissante peut être en partie satisfaite par les ressources locales venant approvisionner les filières du bois et des produits dérivés. Les produits secondaires (écorce, fibre, feuilles, fleurs, etc.)

multi usages peuvent être valorisés économiquement et servir l’activité locale.

De la gestion à la valorisation, les filières bois énergie et bois raméal fragmenté (BRF) ne demandent qu’à être structurées localement.

Figure 8 : production de bois raméal fragmenté.

LES RéPONSES DE L’AGROFORESTERIE AUX ENJEUX TERRITORIAUX

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La force de l’habitude est un frein non négligeable au développement de l’agroforesterie et à la réhabilitation de l’arbre et de ses rôles dans les territoires. L’habitude de faire « propre » dans des milieux où il paraît nécessaire de piloter la biodiversité, le cloisonnement des usages et des espaces, le cantonnement de l’arbre à des fonctions mathématiques admises mais ignorant sa multi-fonctionnalité… Sans oublier la peur du « qu’en dira-t-on » pour des agriculteurs soucieux de l’image qu’ils renvoient, empêchant encore trop souvent le passage à l’action. Que ce soit dans les systèmes agraires (agroforesterie au sens large), au niveau des trames vertes et bleues ou dans les villes, il est essentiel de reconsidérer l’arbre autant pour son potentiel productif que pour ses externalités positives. Tous les échelons de la société doivent œuvrer au changement des mentalités. La responsabilité est partagée par tous, avec un objectif : remettre l’arbre à l’ordre du jour dans le cadre d’une agriculture dynamique et vivante. Les apports de l’arbre en font un moyen de mener une transition écologique, économique, climatique et agronomique dans un nouveau cadre d’action.

Habitués à tort à sécuriser les espaces en faisant « très propre », nous en oublions que cela a un coût et qu’il est possible d’engager une démarche de progrès en conservant d’avantage de végétation (paysage, biodiversité, lutte contre l’érosion, biomasse, etc.). La création du vide entraîne une fragilisation des écosystèmes. Il ne tient qu’à nous de convertir des espaces coûteux et improductifs en véritables continuités écologiques et valorisables. Les dynamiques sont parfois déjà amorcées en régions et il n’y a plus qu’à prolonger les actions menées.

VERS UN CHANGEMENT DES MENTALITES/PRIORITES POUR UNE MODIFICATION DES PRATIQUES

LES TECHNIQUES DE GESTION DE L’ARBRE AGROFORESTIER

En dehors de l’aspect règlementaire permettant d’insuffler des dynamiques de préservation des arbres, il est important d’organiser et de planifier la gestion de l’arbre, comme une culture à part entière, dans le temps et l’espace. Il est nécessaire de connaître les arbres, leur rôle et de réaliser un inventaire permettant de classer les éléments arborés par type, en zones arboricoles dégradées ou non, en fonctionnalités (protection, production, usages etc.), le tout dans des limites géographiques pertinentes. Le diagnostic permet d’entretenir le réseau végétal existant et d’améliorer ce qui peut l’être, en respectant les cycles de végétation et en utilisant des techniques adaptées.

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régénération natureLLe assistée

Après un traumatisme subi ou la disparition de l’arbre, certaines opérations techniques adaptées doivent être étudiées. Le renouvellement de l’existant tient une place importante et il est nécessaire de l’anticiper. Dans le cas de la valorisation d’un espace nu, il peut être intéressant de favoriser le développement de la végétation spontanée afin de favoriser les mécanismes d’auto-régénération et de défenses des systèmes. La régénération naturelle assistée (RNA) est à privilégier en bords

de route, sur talus, le long des fossés et vise l’expression des capacités de colonisation de la végétation adaptée au contexte local. Elle permet de copier le fonctionnement de la nature et d’accélérer des processus pouvant prendre des centaines d’années. La propagation de la biodiversité locale permet d’aménager et de protéger à bas coût. Elle représente une alternative à la mise en place de parterres de fleurs souvent gourmands en intrants et produits phytosanitaires. La RNA consiste

à encourager les végétaux d’intérêt et contenir la végétation envahissante. Le niveau d’intervention est fonction de la végétation en présence ; protéger du gibier les plants lorsqu’ils sont au stade de plantule, gestion des adventices ou encore réaliser des semis si nécessaire. Dans ce dernier cas, la RNA est complétée par une technique de plantation.

pLantation d’arbres

Lorsque la régénération naturelle n’est pas possible en raison de contraintes du milieu, et que le souhait de maîtriser la composition végétale est émis, il est nécessaire de passer par une plantation. Réussir l’implantation d’arbres à un endroit donné, présuppose de penser l’adéquation entre les exigences de l’arbre, appelées « autécologie », et le milieu qui l’accueille : « la station ». D’autres précautions sont requises comme la protection des plants de la faune et une artificialisation absente ou ponctuelle ; pas d’apports d’engrais, pas d’irrigation mais un paillis de couverture afin de contenir l’enherbement et améliorer la structure du sol et le stockage de l’eau. La plantation doit se faire à partir de jeunes plants (2-3 ans) qui ont une meilleure croissance

Figure 9 : haie menée selon le principe de la RNA

Figure 9 : haie menée selon le principe de la RNA

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et reprise, afin de favoriser la tenue de l’arbre. La distance doit également être considérée afin que l’arbre ne devienne pas une gêne ; si l’arbre planté dépasse les 2 mètres, son axe doit se trouver à deux mètres de la limite de propriété au minimum, sinon à 0,5 mètres minimums. Dans certains cas une plantation mitoyenne peut être envisagée.

gestion différenciée trame verte et bLeue

Les techniques de gestion de cours d’eau amenant à la disparition de ripisylves sont proscrites. La gestion doit respecter les milieux et le fonctionnement des rivières afin de prévenir tout désordre écologique et fonctionnel (érosion et effondrement des berges, turbidité de l’eau, asphyxie de la faune et de la flore, etc.). Les interventions et leur fréquence ne doivent pas raser toute la végétation présente sans distinction pour répondre au seul postulat du « faire propre ». Chaque situation doit avoir une gestion appropriée. Cette gestion des trames vertes et bleues (et grise) est dite « différenciée ». La ripisylve perçu comme une contrainte d’entretien apparaît alors comme une opportunité de production de biomasse pouvant être valorisée. Les coûts d’entretien peuvent être alors considérablement réduits. Une attention particulière doit être apportée au choix des essences en bordure des cours d’eau qui doivent supporter des immersions temporaires et croître sur des sols instables (aulnes, peupliers noirs et frêne commun par exemple). La diversité des espèces doit être privilégiée ainsi que des classes d’âge différentes. La canopée mise en place permet une régulation thermique des cours d’eau par l’ombrage et évite la prolifération d’algues.

Il est important de souligner que la gestion différenciée n’est pas de la « Non Gestion ». Dans le cadre d’une régénération naturelle, les stades pionniers en particulier (ronce, prunellier) sont souvent temporaires et seront contenus latéralement les premières années. Les chênes, noyers, érables et autres arbres prendront le relais. Il est par ailleurs nécessaire de gérer les espaces verts en bords de cours d’eau et de voiries afin d’éviter que les arbres ne déstabilisent les talus là où ils devaient être garant de la stabilité.

trognes

Les trognes ou arbres têtards sont des arbres taillés par émondage ou étêtés. La taille de trognes fait appel aux capacités de régénération des arbres qui va produire des repousses après la section du tronc ou de branches. Le travail humain maximise le rôle d’habitat tout en visant l’accroissement de la productivité de l’arbre. L’augmentation des zones de contact et des cavités favorise la biodiversité. De nombreux insectes saproxyliques vivent en son sein comme les coléoptères friands autant des cavités que du bois mort, qui, en le décomposant, participent au renouvellement de l’écosystème sans compromettre la santé de l’arbre.

Le platane est un archétype de trogne de par ses capacités de réitération et sa capacité à produire du bois de qualité. Son expansion a été encouragée le long de routes et de canaux, comme le long du canal du midi.

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FIgure 11 : les trognes démontrent que « l’action de l’Homme et la satisfaction de ses besoins sont tout à fait compatibles avec la biodiversité » (SIRVEN, 2016).

DOCUMENTATION & REFERENCES

Sirven, 2016. Le génie de l’arbre. Ed. Actes Sud. 425p.

Mansion, 2010. Les trognes. L’arbre paysan aux mille usages. Ed. Ouest France.

143p.

CONTACTS MIDI-PYRENEES

Association Française d’Agroforesterie – [email protected]

Arbre et Paysage – [email protected]

ABREVIATIONS & DEFINITIONS

BRF : bois raméal fragmenté

RNA : régénération naturelle assistée

TEPOS : territoire à énergie positive

TVB : trame verte et bleue

Mycorhizes : association entre les racines des plantes et les champignons dans une

relation d’échanges (nutriments, eau, etc.)

Saproxylique : se dit d’une espèce dont le cycle de Vie dépend du bois mort ou

mourant