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  • LA

    VENDE ANGEVINELES ORIGINES L'INSURRECTION

    (Janvier 1789 - 31 Mars 1793)

    D'APRS DES DOCUMENTS INDITS ET INCONNUS

    PAR

    CLESTIN PORT

    MEMBRE DE L'INSTITUT

    Archiviste de Maine-et-Loire

    TOME P R E M I E R

    PARISLIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

    79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

    1888

  • PRFACE

    Deux amis, deux fois aujourd'hui mes confrres,

    tous deux diffrents d'esprit et d'tudes, mais de

    raison galement sre et de dvouement prouv,

    m'ont fait un devoir, rappel par maintes instances

    affectueuses, de prparer, de publier ce livre, rsum

    de recherches dj anciennes. J'y ai rpugn

    longtemps; puis le voici qui s'achve. Et la presse ne

    roulait pas encore, que je me sentais, comme il y a

    dix-sept ans, tout envelopp dj de menaces

    sourdes et de misrables entraves. Quelle piti !

    C'est qu'en vrit il y a main-mise de plein

    droit sur ce coin de terre, o j'ai voulu pntrer

    en curieux. On risque d'y venir troubler, en

    croire des rvlations antiques, une Arcadie idale,

    o l'accord d'un peuple candide et d'une noblesse

    innocente assurait toutes les vertus le refuge d'une

    flicit tranquille. Ici, point de pauvres sans

    secours; point d'enfants l'abandon; point de

    malades en dtresse ! Toute une campagne en fte,

  • VI

    avec d'opulents chtelains, protecteurs ns des

    murs et de la famille, et de braves gens reconnais-

    sants de tant de bien-tre leurs seigneurs, leurs

    curs ! Que sais-je encore ? Toutes les fadaises !

    Mais de cette contre bnie, qu'a-t-il pu sortir,

    sinon des lgions de Saints et de Saintes, et, si le

    monde s'en approche, la sainte guerre ? Les pro-

    phtes n'y ont pas manqu ; et certes, comme s'crie

    un de ces rapsodes en prose, l'pope n'a jamais

    rien imagin de plus magnifique 1 que ces feries,

    o il se garde bien de dire, que le meilleur est d'in-

    vention pure et qu'il y a apport sa part d'imagi-

    native.

    C'est d'ailleurs un trange tonnement, qu'on

    prouve, voir le consentement unanime, qui s'est

    cr tout d'un coup, pour accepter des traditions

    factices et le droit acquis d'un idal d'ignorance.

    Aux rcits nafs succdent les relations prtentieuses,

    aux prcis les longs romans, puis les compilations

    insipides ou mprisables; et il n'en a cot videmment

    pas plus de suivre dans le pays, par tapes, les cam-

    pagnes de Csar, que de reproduire, d'aprs Sal-

    1 Muret, Souvenirs de l'Ouest, p. 39. - Et les de Goncourt : Quel livre ! quelle pope ! quel roman ! C'est tout la fois l'Iliade et le Dernier des Mohicans ! que de tableaux !... l dedans les derniers hros ! Journal, I, 295-296.

  • VII

    luste ou Tite-Live, les harangues d'un voiturierillettr.

    Cependant, depuis un sicle bientt, aucune

    tude critique, aucune discussion autorise n'a pu

    encore se produire, et les scnes de l'invraisem-

    blance la plus trange, qui s'vanouissent la seule

    approche, forment comme le fond inaltrable d'un

    tableau merveilleux. Des hros, dont le nom seul

    est peine connu, comme dans tant de lgendes

    de Saints illustres, ont leurs portraits en pied,

    que chaque artiste refait ou retouche, avec des

    splendeurs de couleurs tonnantes ; et les orateurs

    en retraite, les bourgeois lettrs, les dames stu-

    dieuses, font l'essai, sur le tard, comme par manire,

    sans doute, de dclamation la Romaine, de peindre

    leur Vende. L'idal n'a gure chang, en somme,

    depuis le temps o les salons du grand monde

    le faisaient admirer aux enfants de tout ge,

    sous les traits d'un paysan endimanch, avec le

    brassard blanc et le cur de Jsus, en extase

    devant la douce chtelaine et son groupe de demoi-

    selles, affaires, comme elle, tirer le fuseau, filer

    la laine 1.

    1 Ce spectacle fut donn Georges Sand tout enfant, commeelle le raconte dans ses Mmoires, (t. III, p. 124, Paris, Calman-Lvy, 1870), par sa compagne du couvent des Anglaises, Louisede La Rochejacquelein, qui la conduisit un jour chez sa mre.

  • VIII

    J'ai fait comme tout le monde, et l'on ne m'accu-

    sera pas, tout au moins, de parti pris. Il y a long-

    temps qu'en dpouillant, par mtier, une srie de

    documents 1, dont j'ai, depuis vingt ans, imprim

    l'inventaire, j'avais pu prendre du pays, des

    murs, des habitants une entrevue bien distincte,

    l'encontre des donnes de convention. La conqute

    inespre des Cahiers des paroisses m'ouvrait jour

    sur les sentiments mmes de ces populations, voues,

    prtendait-on, une indiffrence bate. Quand j'ai

    d, pourtant au courant de mon grand Dictionnaire

    Angevin, rsumer, en biographe, les hauts faits de nos

    preux, les renseignements me manquant, comme

    tant d'autres, je dus me borner puiser les

    livres, ainsi qu'il tait juste, dans leur esprit mme,

    en laguant seulement, de mon mieux, les merveilles.

    Puis, au fur et mesure du travail et de la vie,

    les sries de pices me sont venues en main. Les

    documents originaux rencontrs de hasard par

    groupes, les lettres, les rapports, les dpositions de

    tmoins, d'acteurs, protestaient grands cris contre

    toute lgende ; et j'avais l'veil ! Mais sait-on ce

    qu'il faut d'nergie et de peine pour se dgager

    d'une conviction de routine, qui obsde, et se pn-

    trer d'une ide ! d'une ide nouvelle ! Les textes

    1 Srie C des Archives dpartementales.

  • IX

    ne parlent une premire fois qu' demi-voix ; il

    faut les couter de prs pour les bien comprendre,

    les revoir, les rapprocher entre eux, comparer leur

    dire, questionner encore. Petit petit, pour le

    chercheur qui les suit, le jour change. On hsite, on

    revient, on marche. Tout d'un coup, quelque

    dtour, l'horizon s'est transform, et la voie s'ouvre

    dans une claircie lumineuse. J'entends les cris!

    mais la mienne est faite, et l'on m'y suivra, en

    s'applaudissant.

    Je m'tais d'ailleurs dlimit la tche ds le pre-

    mier pas. La Vende Angevine a sa vie propre, o

    elle se dploie, presque sans relations, sans alliances,

    dans un isolement longtemps triomphant. Mais l

    mme, je n'ai cru que sage de me restreindre encore.

    Des combats, des grands plans de guerre, des

    armes en dtresse ou victorieuses, la trace se peut

    suivre. Elle m'et men hors de mon domaine, l o les

    documents essentiels me feraient dfaut ; et peut-

    tre aussi est-ce le cur qui m'et manqu ! J'avais,

    ds le dbut, d m'attarder sur un terrain tout

    inconnu, vide ou peupl de fantmes et de songes.

    J'y suis rest pour y prendre demeure; et j'espre

    y avoir ramen, sous le soleil, en pays ami, des

    hommes comme nous, ayant me et figure hu-

    maines.

  • X

    J'ai dcrit nos Mauges, rgion perdue dans l'aban-

    don du monde, dserte, ruine, sans chemins,

    sans commerce, sans travail, presque sans cul

    ture, en proie des misres honteuses; puis, le

    renouveau de la premire heure, l'applaudissement

    inou de 1789 ; puis, les maladresses des pouvoirs

    lointains, les dceptions locales, l'exploitation des

    dfaillances, et ces trois annes ignores, o toutes

    les bonnes volonts s'puisent, o toutes les nergies

    s'irritent, o se prparent de toute main les foyers

    de guerre ; puis, l'insurrection elle-mme, les

    menes sourdes ou publiques, la leve d'armes, les

    trois semaines de la surprise, l'entre en bataille...

    Et je m'en tiens l.

    C'est assez, je crois, pour avoir renouvel la

    source vive d'une ralit sincre le sentiment qui

    devra animer toute la suite de cette histoire.

    A des conceptions de fantaisie ou de sentimen-

    talit j'ai oppos une srie de faits certains,

    affirms par des documents srs et qui ne redoutent

    aucun contrle, sans y ajouter un dtail de faux clin-

    quant pour la parade. J'ai multipli, prcis les dates,

    qui vitent et ruinent, sans discussion vaine, les jeux

    de rcits dicts de trop haut style ou d'inspiration. Sur-

    tout j'ai vit de prter aux personnages des ides, des

    plans, de grands gestes. Quand l'un d'eux parle ou

  • XI

    propose, c'est que je tiens sa confidence de main

    directe ou par tmoignages immdiats, recueillis

    dans le temps mme. J'ai acquis, dans cette tude

    spciale, l'exprience qu'au lendemain peine de