LA VALLÉE DE LA TOURMENTE : UN PATRIMOINE … · riche : les Roger de Beaufort et deux papes...

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T URENNE E NVIRONNEMENT Une rivière (au sens local de cours d’eau et de bassin), la Tourmente, imprime dans le sol cette liaison entre Cor- rèze et Lot, avec les terroirs et les activités de sa vallée. La Tormenta est mentionnée dans des chartes de 898, 1153-1165, etc. Cet affluent de la Dordogne prend sa source au nord de Turenne, passe sous les murs de la cé- lèbre forteresse, conflue à Condat avec divers ruisseaux, baigne l’antique Uxellodunum par l’ouest et se réunit à la « Rivière Espérance » aux pieds des châteaux de Briance et de Mirandol. Soit un parcours nord-sud de quelque 25 km depuis les grès de Collonges-la-Rouge jusqu’aux calcaires du causse de Martel. Toute cette zone de transition, ce fragile pays de mar- che entre Bas-Limousin et Haut-Quercy, ce passage de l’ardoise à la tuile, maintient aujourd’hui encore de riches témoignages de son passé et exige que l’on se penche avec de grandes précautions sur son avenir pour ménager ses richesses. En faire l’exutoire d’un développement anarchique serait bafouer le bien com- mun des populations d’un pays magnifique menacé d’une attristante banalisation. La vallée de la Tourmente, depuis les communes de Vayrac et Saint-Denis-près-Martel jusqu’à celle de Jugeals-Nazareth, est aujourd’hui gravement menacée. Il est d’autant plus nécessaire de rappeler qu’elle synthétise à elle seule toute notre histoire nationale, qu’elle reflète l’essor économique millé- naire de l’Occident, qu’en conséquence elle nous offre une grande richesse patrimoniale à sauvegar- der et à valoriser résolument. une anthologie d’histoire : de César à Marianne La préhistoire ? Elle est présente surtout en pays de Brive mais aussi sur le causse corrézien près de La Fage, dans les communes de Saint-Michel-de-Ban- nières et de Vayrac. L’ oppidum d’Uxellodunum, le château de Turenne, le manoir de Croze se font l’écho d’une histoire deux fois millénaire. Voilà trois lieux de mémoire, trois sites emblématiques. Uxellodunum (puy d’Issolud) : Il symbolise, du premier siècle avant Jésus-Christ au VIII e siècle après, l’avènement de la romanisa- tion, le passage à la christianisation et finalement la disparition de l’État antique. • 51 avant J-C : siège d’Uxellodunum, fin de la guerre des Gaules et de l’indépendance. Romanisation : les to- ponymes en « ac » et les villae gallo-romaines, nombreu- 1 Entre les régions Limousin et Midi-Pyrénées, il existe, quelques kilo- mètres à l’est des principaux axes ferroviaires et routiers, un lien entre ces deux contrées que privilégient l’histoire, l’économie et le patrimoine. LA VALLÉE DE LA TOURMENTE : UN PATRIMOINE AVILI ? par Turenne- Environnement photographies Claude MAZE mise en pages Graphisme S

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T u r e n n e e n v i r o n n e m e n T

Une rivière (au sens local de cours d’eau et de bassin), la Tourmente, imprime dans le sol cette liaison entre Cor-rèze et Lot, avec les terroirs et les activités de sa vallée. La Tormenta est mentionnée dans des chartes de 898, 1153-1165, etc. Cet affluent de la Dordogne prend sa source au nord de Turenne, passe sous les murs de la cé-lèbre forteresse, conflue à Condat avec divers ruisseaux, baigne l’antique Uxellodunum par l’ouest et se réunit à la « Rivière Espérance » aux pieds des châteaux de Briance et de Mirandol. Soit un parcours nord-sud de quelque 25 km depuis les grès de Collonges-la-Rouge jusqu’aux calcaires du causse de Martel.Toute cette zone de transition, ce fragile pays de mar-che entre Bas-Limousin et Haut-Quercy, ce passage de l’ardoise à la tuile, maintient aujourd’hui encore de riches témoignages de son passé et exige que l’on se penche avec de grandes précautions sur son avenir pour ménager ses richesses. En faire l’exutoire d’un développement anarchique serait bafouer le bien com-mun des populations d’un pays magnifique menacé d’une attristante banalisation.La vallée de la Tourmente, depuis les communes de Vayrac et Saint-Denis-près-Martel jusqu’à celle de Jugeals-Nazareth, est aujourd’hui gravement menacée. Il est d’autant plus nécessaire de rappeler

qu’elle synthétise à elle seule toute notre histoire nationale, qu’elle reflète l’essor économique millé-naire de l’Occident, qu’en conséquence elle nous offre une grande richesse patrimoniale à sauvegar-der et à valoriser résolument.

une anthologie d’histoire :de César à MarianneLa préhistoire ? Elle est présente surtout en pays de Brive mais aussi sur le causse corrézien près de La Fage, dans les communes de Saint-Michel-de-Ban-nières et de Vayrac. L’oppidum d’Uxellodunum, le château de Turenne, le manoir de Croze se font l’écho d’une histoire deux fois millénaire. Voilà trois lieux de mémoire, trois sites emblématiques.

Uxellodunum (puy d’Issolud) :Il symbolise, du premier siècle avant Jésus-Christ au VIIIe siècle après, l’avènement de la romanisa-tion, le passage à la christianisation et finalement la disparition de l’État antique.

• 51  avant  J-C : siège d’Uxellodunum, fin de la guerre des Gaules et de l’indépendance. Romanisation : les to-ponymes en « ac » et les villae gallo-romaines, nombreu-

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Entre les régions Limousin et Midi-Pyrénées, il existe, quelques kilo-mètres à l’est des principaux axes ferroviaires et routiers, un lien entre ces deux contrées que privilégient l’histoire, l’économie et le patrimoine.

LA VALLÉE DE LA TOURMENTE :

UN PATRIMOINE AVILI ?

par

Turenne-Environnement

photographiesClaude MAZE

mise en pagesGraphismeS

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ses dans la vallée, attestent du processus d’assimilation.• L’Empire  romain  est  chrétien  depuis  313 : d’où les progrès de l’évangélisation des campagnes, l’im-plantation des premières églises baptismales et des grandes paroisses (probablement Condat, Cazillac et Vayrac). La christianisation voit le recul simultané du paganisme, les progrès de la civilisation, l’adou-cissement des rapports sociaux.

Turenne, la capitale politique :De 768 à 1789 (ou de la résistance aquitaine à la fin du particularisme de la vicomté de Turenne), le castrum de Turenne domine l’histoire du secteur pendant plus d’un millénaire. —Quelle pérennité !

• 768 : Prise du castrum de Turenne par Pépin le Bref dans son combat contre le duc indépendantiste d’Aquitaine, Waïffre. Le castrum est encore mention-né dans une charte de 859.

• 839 : L’empereur Louis le Pieux combat les partisans du roi séparatiste Pépin II d’Aquitaine « dans la région de Turenne ».

• À partir de 823 est attestée l’existence d’un comte de Quercy, grand propriétaire foncier à Turenne et dans son secteur, pour une très large part dans la vallée de la Tour-mente. Cette dynastie presti-gieuse donnera naissance aux vicomtes de Turenne (apparus vers 941). Le Xe siècle voit donc le départ d’une principauté féodale progressivement dotée (à partir de 1263) de privilè-ges devenus exorbitants. Les Vicomtins sont fort attachés à leur particularisme ; ils ont le goût des « libertés locales ». Malgré l’incorporation par Louis XV de la vicomté de Tu-renne au domaine de la Cou-ronne, en 1738, les habitants revendiquent toujours en 1789

le régime à part dont ils ont bénéficié (au plan fiscal, notamment) pendant cinq siècles.Quant à l’histoire des quatre dynasties qui se sont suc-cédées à la tête de la vicomté, elle est particulièrement riche : les Roger de Beaufort et deux papes d’Avignon, Henri de La Tour (1623), compagnon d’Henri IV, qui devient duc de Bouillon, et son second fils, le maré-chal de Turenne. La Révolution fait de Turenne une capitale politique déchue. Mais, note un intendant du XVIIIe siècle, les Vicomtins ont volontiers « l’esprit républicain ». Après les monarchies du XIXe siècle, lorsque s’implante définitivement la République, le pouvoir s’installe en d’autres lieux.

l’élégant manoir de Croze :C’est un manoir ancien, attesté au XVe siècle au moins, mouvant de la vicomté de Turenne, passé au XVIIe siècle à la famille de Marqueyssac, puis en 1815 à François de Verninac dont les descendants comp-tent dans leurs rangs deux hommes politiques répu-blicains : Louis-Jean Malvy et son petit-fils Martin, actuel président de la région Midi-Pyrénées.

• François  Verninac  de  Croze est élu conseiller général du canton de Martel (1846).

• Charles  de  Verninac est sé-nateur du Lot, président du Conseil général du Lot, vice-président du Sénat, conseiller du canton de Vayrac sous la IIIe République.

• Louis-Jean Malvy est docteur en droit, ministre de l’Inté-rieur, ministre du Commerce, de l’Industrie et des PTT, dé-puté du Lot, maire, président du Conseil général, apparte-nant au parti radical-socialiste. Il rencontrera l’hostilité de Clemenceau en 1917.

• Son petit-fils, Martin  Malvy, continue la tradition familiale.

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Le châteaude Croze,

à Sarrazac.

Turenne, l’orgueilleuse :

la tourde César.

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un foyer économique à préserverLa vallée de la Tourmente demeure, depuis le Moyen Âge, un important foyer économique tourné vers l’agriculture et les échanges.

l’essor économique ancien :Se produisent l’occupation du sol et sa mise en valeur dans l’orbite des principaux monastères bénédictins de la région depuis le IXe siècle : Vigeois, Tulle, Beau-lieu, Uzerche, Souillac se disputent les riches terroirs de la plaine et des versants. Une population nombreu-se de paysans et de gentilshommes apparaît au fil des chartes. Sur le pays et ses habitants, les monastères exercent leur rayonnement économique et spirituel.Une attention toute particulière doit être portée à l’implantation dans la vallée de deux granges (unités d’exploitation) de l’abbaye d’Obazine (née vers 1140 et affiliée à l’ordre cistercien en 1147) : aujourd’hui, Le Granger, dans la commune de Sarrazac et Bannières, dans la commune de Saint-Michel-de-Bannières. Le faire-valoir direct du sol par les cisterciens est très in-novant. C’est aux frères convers d’Obazine que l’on doit le drainage de la vallée, sa mise en valeur, son aménagement hydraulique et l’implantation de bon nombre de moulins (à blé, à foulon etc.) sur la Tour-mente et son affluent le Vignon (les moulins de Friat, par exemple). Cette maîtrise de l’eau est une grande caractéristique du savoir-faire agricole de l’ordre de Cîteaux. Il existe au demeurant depuis 1996 un mou-vement associatif européen chargé de promouvoir ces prestigieux sites cisterciens auprès d’un public fervent (cf. la revue Sites et Monuments, n° 184, 2004).Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, une économie es-sentiellement agricole (l’arboriculture du noyer, l’in-troduction du maïs et du tabac) et pastorale — de ma-gnifiques herbages, sans doute les plus beaux de tout le département du Lot, s’étendent de Turenne-Gare à Saint-Denis-près-Martel, fournissant une large part de leur fourrage aux agriculteurs du causse voisin — do-mine les activités, comme en témoignent l’enquête de Henry de Richeprey (1781) en Haute-Guyenne et les cahiers de doléances du Quercy en 1789.De nombreux chemins permettent d’importants échanges dans les multiples foires de campagne, et les déplacements des pèlerins vers Rocamadour et Saint-Jacques-de-Compostelle… Il n’y a d’activités vraiment urbaines qu’à Martel et, dans une bien moindre mesure, à Turenne.

les révolutions économiques depuis le XIXe siècle :

La voirie communale et départementale (depuis la loi Thiers de 1836) provoque très sensiblement le désencla-vement de la vallée. Ainsi Les Quatre-Routes-du-Lot (érigées en commune par une loi de 1912) deviennent-elles plus encore une plaque tournante vers la basse Corrèze, le causse de Martel et la grande prairie de la vallée de la Tourmente. Le chemin de fer (construit

mouvement coopératif démarre. Ainsi, une Coopé-rative fruitière du Bas-Limousin et du Haut-Quercy est-elle créée aux Quatre-Routes en 1932 pour écou-ler l’abondante production du secteur. Les échanges (marchés et foires) demeurent jusqu’aux années 1970 localement très animés. Il en est de même des « fê-tes votives » et autres réjouissances populaires. Mais le développement des grandes surfaces porte un coup sans cesse plus sensible au commerce local.La vocation agricole de la vallée de la Tourmente de-meure. On compte encore un nombre élevé d’exploi-tants agricoles (une dizaine à Cavagnac, par exemple). La production se concentre sur l’élevage, les fabrica-tions fermières de qualité (foies gras, magrets), les pro-duits labellisés et les AOC (fromage de Rocamadour, noix du Périgord). La D 820, la D 96 et la D 32 font partie du vaste réseau touristique de découverte Route de la Noix créé en 2001. Cependant, le secteur agricole se fragilise de plus en plus ; la relève des exploitants est mal assurée. Qu’en sera-t-il des surfaces cultivées dans

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sous le Second Empire et exploité par la Compagnie du Grand Central) est la première ligne Brive-Toulou-se par Capdenac (1862). Le long tunnel de Montplai-sir (2 371 mètres) permet à la voie ferrée de déboucher au nord dans la vallée de la Tourmente et de la suivre jusqu’à son confluent avec la Dordogne, dans le cadre remarquable du cirque de Montvalent.Ce lien ferroviaire est un facteur capital du dévelop-pement des échanges commerciaux et du désenclave-ment : gare des Quatre-Routes-du-Lot et nœud ferro-viaire de Saint-Denis-près-Martel diffusent pendant un siècle (jusqu’aux années 1960-1970) un considéra-ble trafic. Porté par ce moyen de communication, un

Le châteaude Blanat,à St-Michel-de-Bannières.

Le châteaudu Granger,à Sarrazac.

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l’avenir ? Il va falloir définir une stratégie claire de ges-tion des territoires et conduire une politique foncière durable face à la déprise agricole prévisible. Et surtout ne pas tomber dans la « muséification ».On doit désormais mettre en place des activités en-trant dans le cadre d’une « stratégie de développement rural durable », conformément à la réglementation de l’urbanisme et aux exigences d’aménagement du terri-toire. Un bon exemple d’activités s’intégrant au cadre de vie local est fourni par l’installation de la distillerie Élie-Arnaud Denoix à Turenne-Gare.

une richessepatrimoniale à valoriser

La magnifique vallée de la Tourmente appelle la pré-servation, la conservation de son riche patrimoine et la valorisation de son en-vironnement exceptionnelet, donc, de toutes ses res-sources touristiques.Trois dossiers concernant le raccordement de l’autoroute A 20 et comportant, entre autres, une étude environnementale, ont vu le jour jusqu’à présent, d’inégale perspicacité :1. Un dossier de concertation, de juin 1998, par la

Sogelerg-Sogreah Sud Ingénierie, pour le Conseil général du Lot. Il fait place (pages 15-26 et 27-40) à une analyse socio-économique et à une analyse de l’environnement avec un relevé très sommaire du pa-trimoine culturel et historique ;2. Un dossier d’enquête préalable à la DUP, de fé-vrier 2001, par la Sodeteg-Sogelerg Ingénierie, pour le Conseil général du Lot. Il comporte (pages 25 et 26) la même étude sommaire tout en reconnais-sant l’existence d’un « paysage doux et sensible, pra-tiquement vierge de tout point noir » (hormis Les Quatre-Routes-du-Lot);3. Une étude de l’accès à l’autoroute A 20, datée de mai 2000, par Études Conseils Environnement Pay-sage (ÉCEP) pour le Conseil général de Corrèze. C’est le seul dossier qui renferme une analyse sérieuse de l’environnement (pages 11 à 35) sur le tracé, tant en Corrèze que dans le Lot. Elle reconnaît au secteur tra-versé « une grande qualité paysagère et architecturale » (page 23) ; elle recense scrupuleusement le patrimoine : monuments et sites protégés ainsi que d’autres sites re-marquables (page 25) en nombre impressionnant pour la préhistoire, le néolithique, l’âge des métaux, l’épo-que gallo-romaine, le Moyen Âge, les Temps modernes, etc. Elle accorde toute son importance à l’architecture vernaculaire, aux paysages : « Cette connivence de l’ar-chitecture ancienne avec la topographie a donné nais-sance à de nombreux sites remarquables, particulière-ment sensibles » (page 1). Une iconographie pertinente achève de convaincre le lecteur.

de nombreux sites historiques :De Vayrac à Turenne et au-delà, l’Histoire se conjugue avec les terroirs pour ménager des lieux de mémoire, des paysages encore vierges et une zone naturelle d’in-térêt écologique, floristique et faunistique :

• Au  Puy  d’Issolud, roc désormais officiel d’Uxel-lodunum (26 avril 2001) où les fouilles archéologi-ques se poursuivent autour de la fontaine de Loulié sous la direction de M. J.-P. Girault, se dresse le glo-

rieux oppidum défendu par le chef gaulois Lucte-rius. L’endroit synthétise l’Histoire, les révélations de l’archéologie et le my-the national. Une remar-quable exposition a été consacrée à ce site majeur au musée Labenche de Brive durant l’été 2004.

• Sur  la  roque  de  Turen-ne, entre la vallée de la Tourmente et le causse de Martel, domine la for-teresse et son complexe défensif toujours inscrit

au cœur du village médiéval. Avec ses demeures des XVe au XIXe siècles, il est « l’un des plus beaux vil-lages de France ». Mais c’est tout le site environnant, avec pour autre pôle un second village de la vicomté,

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Le voyageur qui emprunte la vallée de la Tourmente, de Turenne à Vayrac,découvre sur les versants de la ri-vière et tout au long de la plaine de 25 km de prairies, une richesse patrimoniale naturelle et architecturale dont il est fait état ici et qui n’est qu’un reflet de la ri-chesse patrimoniale des bourgs traversés de Turenne à Vayrac : Sarrazac, Cavagnac, Les-Quatre-Routes-du-Lot, Condat, Saint-Michel-de-Bannières. Toute-fois, la présente étude est circonscrite à la vallée de la Tourmente elle-même, aussi le lecteur ne s’étonnera-t-il pas qu’elle ne fasse pas mention des éléments de notre patrimoine ni des communes voisines qui ne sont pas directement visibles des abords de la rivière.

Ci-dessus,le châteaude Muzac,

à Sarrazac,et ci-contre,

celui deBannières à

St-Michel-de-Bannières.

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Collonges-la-Rouge (à 6 km), également décoré du même label, qui devrait être classé et protégé.

• Les paysages de la vallée se composent tout d’abord de grasses prairies dentelées par les ripisylves et de zo-nes humides à la flore sensible, dignes d’être préser-vées par une mesure Natura 2000. L’ensemble est utile comme bassin d’étalement des eaux en raison de fré-quentes crues. Eugène Delacroix, qui séjourne à Croze en 1855, y exécute quelques dessins du « joli vallon » où François (de Verninac) a planté des peupliers, et se dit « charmé de cet endroit ». Par ailleurs, les versants bocagers du causse de Martel offrent sur les commu-nes de Saint-Denis-près-Martel, Strenquels, Cazillac, Sarrazac et Turenne l’inestimable patrimoine de leurs cœurs de villages et hameaux bien conservés.

• Enfin,  sur  la  commune  de  Turenne, aux abords du gouffre de la Fage (zone en voie de classement Natura 2000), une ZNIEFF protège flore, faune et écosystèmes. Ainsi doivent être également sau-vegardés dans ce secteur karstique habitat, vestiges paléontologiques et archéologiques, ressources natu-relles. Autant de richesses que le barreau routier de Jugeals-Nazareth vers l’A 20 mettrait à mal (ferme de Lagleygeolle, vallée de la Vapaudie, notamment).

les monuments et le bâti :Dans la vallée de la Tourmente et ses alentours, le pa-trimoine architectural frappe par sa qualité et sa di-versité qui caractérisent d’abord les principaux monu-ments que sont les églises et les châteaux, classés pour certains d’entre eux. Mais cette allure se retrouve dans le cachet de l’architecture vernaculaire, tandis que le petit patrimoine abonde en sa variété.

• Églises et châteaux :Toutes les églises chefs-lieux de paroisse sont de fondation fort ancienne : la population s’est concen-trée dans la petite vallée et ses versants aux terroirs fertiles. Mais les aléas du temps expliquent que ces sanctuaires nous soient parvenus dans les formes architecturales différenciées des époques de leur re-construction et remaniement. Ainsi, le style roman des XIIe–XIIIe siècles domine-t-il à Saint-Michel-de-Bannières, à Notre-Dame-de-Cavagnac, à Ligneyrac, et à Condat dans une moindre mesure. La guerre de Cent Ans a marqué de ses impé-ratifs de défense, voire de réédifi-cation les églises Saint-Martin de Vayrac mais aussi Saint-Michel (toutes deux fortifiées au XVe siè-cle), Beyssac (Les Quatre-Routes-du-Lot) bon exemple de restaura-tion des années 1450. La Réforme catholique et l’époque classique nous ont laissé la belle collégiale de Turenne (1661) et l’église de Saint-Palavy avec son retable en bois doré début du XVIIIe siècle, sorti d’un atelier proche de celui des maîtres sculpteurs Tournié,

de Gourdon) rebâtie et consacrée en 1680. Stren-quels a reconstruit son église néoromane en 1895.Comme les églises, les châteaux de la vallée de la Tourmente, extrêmement nombreux — autre témoi-gnage de prospérité —, représentent également toutes les époques. Si l’on met à part le castrum de Turenne dont les vestiges actuels (datant seulement des XIIIe-XIVe siècles) dominent le pays, une place spéciale doit être réservée aux deux sites cisterciens du Granger et de Bannières. Sur les emplacements primitifs de ces granges d’Obazine fondées vers 1160 à 10 km de distance, se dressent aujourd’hui deux remarquables châteaux dans leur ultime aspect du XIXe siècle. À l’époque médiévale appartiennent, en tout ou en par-tie, les châteaux de Cavagnac (XIIIe et XVIIIe siècles), de Croze (les vestiges médiévaux ont été remaniés du

XVIe au XIXe siècles), de Blanat (édifié au XVe siècle et périodique-ment restauré jusqu’à nos jours), de Sarrazac (commune de Saint-Michel-de-Bannières), et de Lan-glade, soigneusement entretenu jusqu’au XXe siècle.Aux Temps Modernes (XVIe au XVIIIe siècle), outre les remanie-ments apportés aux précédents monuments, il faut attribuer, sur le confluent de la Tourmente et de la Dordogne, les deux châ-teaux de Mirandol et de Briance, sites au demeurant classés dès

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Le château et l’église de Cavagnac.

L’église de Saint-Michel-de-Bannières.

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oratoires champêtres et autres marques de la dévotion populaire. Celle-ci est souvent en relation avec l’eau des bonnes sources ou fontaines qui guérissent de di-vers maux. Dans le quotidien paysan, l’eau des puits, des citernes, des cuves, des « lacs » et lavoirs tient une place essentielle qui a donné lieu à des aménagements plus ou moins sommaires qui, souvent, méritent leur conservation. De même, tout un bâti d’exploitation agricole est à observer et à sauver dans la mesure du possible, à commencer par le pain des fours et fournils. Les granges aux cintres surbaissés (très caractéristi-ques) avec les cours et porches (superbes au XVIIIe siè-cle), les pigeonniers, les aires à battre, les travails, les pressoirs, les séchoirs à noix, également fort typiques… Dans l’étendue des domaines, outre quelques rares passages et clôtures spécifiques, ce sont moins les ra-res cazelles, gariottes ou cabanes des champs que les nombreuses loges de prés dans les herbages de la vallée qui caractérisent le paysage agricole.

en conclusionOn ne peut pas vouloir tout et son contraire : vanter la beauté des paysages, des sites, du bâti, la douceur de vivre, la campagne et ses villages(cf. le dépliant tou-ristique de l’été 2003 intitulé Pays du Haut-Quercy / Dordogne) et, simultanément, souhaiter se raccorder par tous les artifices juridiques à l’agglomération de Brive, en offrant son territoire à des zones d’activités logistiques et industrielles au prix d’une uniformisa-tion anarchique et d’un mitage pavillonnaire accéléré et calamiteux : démographiquement, dans les années qui viennent, de nombreux Européens, et particuliè-rement de jeunes actifs et retraités, viendront chercher le calme et un habitat de qualité en recourant au ser-vice de l’artisanat et du commerce local.La vocation de la vallée de la Tourmente est large-ment agricole, agroalimentaire avec la transformation des produits du terroir et doit favoriser également un développement de services tertiaires (artisanat et tourisme). Un territoire offrant cette qualité de vie doit permettre d’accueillir les métiers liés à l’infor-matique pourvu qu’il y ait volonté politique de géné-raliser l’ADSL désenclavant ce secteur en matière de télécommunication. Il suffit pour cela de centrer les énergies sur la mise en valeur d’un patrimoine existant dont nous avons décrit l’exceptionnelle qualité et qu’il faut faire connaître toujours davantage.Les exigences de la démocratie participative doivent jouer dans ce projet un rôle essentiel dorénavant.

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Turenne-Environnementroute de Noailhac - 19500 Turenne

La vallée de la

Tourmente vue du

château de Linoire.

1947 ; Termes (commune de Saint-Denis-près-Mar-tel) ; Balager (commune de Condat, reconstruit au XIXe siècle) ; Muzac et les Chabannes (commune de Sarrazac) et leurs remarquables situations ; le manoir Renaissance du Peuch (commune de Ligneyrac) ; Li-noire (site protégé depuis 1945) et La Peyrouse (com-mune de Turenne). Enfin, au XIXe siècle, époque de reconstruction ou de restauration, appartiennent les châteaux de Lagarrigue (commune de Strenquels), et de Saint-Palavy (commune de Cavagnac). Au total, c’est plus d’une quinzaine d’édifices remarquables qui se pressent sur l’étroite vallée et en font, en quel-que sorte, un petit Périgord castral.

• L’architecture vernaculaire :Le bâti traditionnel révèle également qualité et diver-sité, surtout dans les villages et les bourgs qui parsè-ment toute la vallée de la Tourmente et ses versants,

particulièrement ca-ractéristiques sur les territoires de Saint-Denis-près-Mar tel, Strenquels, Cazillac, Cavagnac. Toute une typologie, depuis la belle maison de maî-tre jusqu’aux habita-tions très frustes des métayers et journa-liers de naguère, se

dessine aux yeux du promeneur curieux d’architec-ture paysanne. L’architecture bourgeoise, quant à elle, est bien représentée par les maisons et demeures du bourg de Turenne (XVe-XIXe siècles).Une mention toute particulière doit être faite des très nombreux moulins qui ponctuent le cours de la Tour-mente depuis le moulin des Champs, de Billet, de Gramont…, et de ses affluents tel le Vignon avec, pour ne retenir qu’eux, les trois moulins de Friat ; leur im-plantation remonte souvent au haut Moyen Âge, bien que les établissements actuels soient plus ou moins ré-cents (le moulin du Pont-Neuf à Condat se présente cependant sous son aspect des XVIe-XVIIe siècles).

• Le petit patrimoine :Ici encore, il parsème le secteur. Il s’agit tout d’abord

des « sacralités » qui sont autant de jalons d’une chris-tianisation sans cesse ranimée : croix de chemin et de missions,

Le château de Linoire.

Dépô

t lég

al en

cour

s.