La vague du siècle s'amplifie - Institut Esprit Service - Juin 2016

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La vague du siècle s’amplifie ! Agilité, Culture, Générations, Mutations, Talents Juin 2016

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La vague du siècle s’amplifie !

Agilité, Culture, Générations, Mutations, Talents

Juin 2016

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Avant-propos .............................................................................................. P 3Agilité, culture, générations, mutations, talents … défis et réponses ... Hervé Frapsauce, président Institut Esprit Service

Tribune ............................................................................................................................. P 4Pas de vague sans mouvement de fondEric Fimbel, conseiller scientifique Institut Esprit Service

Partie 1 ................................................................................................................................. P 5Mutations de l'entreprise quelles réalités ? Humain, culture, management, modèle

Partie 2 .............................................................................................................................. P 12Réconcilier Humain et digital dans l'entreprise pour plus d'agilité

Partie 3 ................................................................................................................................ P 17Compétences, comportements, motivations, talents … sortons des slogans !

Partie 4 .............................................................................................................................. P 22Valeurs, Labs, Co-working, droit à l'expérimentation, lien social, transformation culturelle

Contributions ................................................................................................................. P 26

Institut Esprit Service ........................................................................................... P 28

Sommaire

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Avant-propos

I AGILITÉ, CULTURE, GÉNÉRATIONS, MUTATIONS, TALENTS … DÉFIS ET RÉPONSES I

La vague du siècle s'amplifie ! Jamais, le défi de l'agilité n'a autant été posé aux dirigeants, et par ricochet la nécessité d'entreprendre les mutations culturelles et des modèles dictées par notre environnement devenu imprédictible. De même, jamais l'urgence de mettre en place des réponses concrètes au service du business ne s'est autant imposée au top management et à l'ensemble du corps social. Enfin, comme un paradoxe, jamais l'intégration du long terme dans la prise de décision n'est apparue aussi essentielle à un moment où le dirigeant jongle avec l'urgence de l'action.

Plusieurs tendances émergent de nos derniers travaux, plus de 80 entretiens individuels auprès de dirigeants et experts, observations et analyses. En premier lieu, l'attention à la personne et au sens donné revient en force, au cœur même du modèle, dans l'intérêt de l'entreprise, et c'est plutôt rassurant en soi. Ce qui l'est moins est le fait que cela devrait être une constante managériale intemporelle, déclinée dans le leadership et les pratiques, et que cela est bien loin de l'être partout. L'enjeu de la modernité managériale est ici considérable.

En second lieu, les organisations classiques sont à bout de souffle… mais elles en sont en majorité conscientes. L'heure est à la fragmentation, au maillage, à la circularité pour des entreprises en lutte contre la déresponsabilisation et les conservatismes qui la fragilisent. L'esprit numérique peut y aider en s'appuyant sur des modes collaboratifs renouvelés qui favorisent la Co-construction, la diversité et l'intergénérationnel et créent la confiance.

Troisième constat, l'accès généralisé à l'information accélère la diffusion du sociétal dans l'entreprise, sans barrières ni tabous, à l'exemple des valeurs modernes telles que partage, générosité, responsabilité, diversité, autonomie, transparence, bienveillance, en se focalisant sur un nouvel état d'esprit, une rupture affichée dans les mentalités et les comportements. Le défi est bien là de porter et diffuser ces valeurs par tout temps, ensoleillé ou en pleine tempête !

A travers cette nouvelle publication préparée par deux de nos Commissions « Agilité » et « Lien social & Transformations internes », l'Institut Esprit Service poursuit grâce à ses adhérents que je remercie ici ce travail de fond de décryptage prospectif et d'aide à la mise en œuvre des mutations de tous ordres au sein des organisations, publiques et privées.

Bonne lecture !

Hervé FrapsaucePrésident Institut Esprit ServiceDirecteur général MMA

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TRIBUNE I PAS DE VAGUE SANS MOUVEMENT DE FOND I

Les marins savent que la vague est un phénomène de surface, visible, éphémère… mais une vague ne nous dit rien du mouvement de fond qui la provoque : mouvement de plaques tectoniques, opposition entre vent et courant, … ? Essayer de discerner ce qui structure des mouvements de fond demande de ne pas confondre la vague avec les forces qui la provoquent et la structurent. Les façons rapides et inédites avec lesquelles nous avons, consciemment ou non, inséré ce fameux

« digital » dans nos vies individuelles et collectives ne nous donnent pas la réponse à l'essentielle et redoutable question : dans nos organisations, comme aux échelons individuels ou planétaires, quelles vigilances positives devons-nous activer, sans complaisance ni aveuglement, pour ne pas prendre l'écume pour la lame de fond, pour ne pas laisser aux générations arrivantes une facture économique, humaine, environnementale et sociétale insoutenable qui serait alors le vrai tsunami du siècle ?

Les 19ème et 20ème siècles ont été bercés par l'illusion que nos erreurs et nos prédations sur le monde étaient réparables, réversibles grâce à une foi naïve autant que partagée dans la technique et les technologies et une infinie liberté de puiser dans toutes les ressources, que nous les nommions humaines ou naturelles. Nos réflexions ne (nous) seront utiles que si elles s'affranchissent des dogmes, surtout ceux que nous prenons pour des évidences intangibles. Cette capacité d'interrogation est et doit rester la marque de fabrique de tout « think tank » digne de ce nom, y compris et surtout pour ce qui en dérange les certitudes établies de ses membres.

Eric FimbelConseiller scientifique INSTITUT ESPRIT SERVICE Docteur en sciences de gestion, professeur NEOMA et membre LIRSA CNAM PARIS

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Partie 1lMutations de l’entreprise quelles réalités ? Humain, culture, management, modèle

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Les modèles actuels sont dépassés. Projetons-nous quelques instants dans 5 ans, grosso modo sur la période 2020/2025. L'entreprise tend à devenir plus humaine, plus réceptive aux émotions et à la dimension sociétale qui ne s'arrête plus à ses portes. Pour résister à la pression de son environnement, elle gagne en agilité, apprend à accueillir en son sein dans les meilleures conditions la génération de l'an 2000, facilite le travail à plusieurs en mode projet, est un lieu vecteur de ruptures, accepte d'être revisitée, redessinée, remodelée…

Or, nos entretiens ont mis en évidence la réalité de ces enjeux, plusieurs éléments étant soulignés ici : le besoin renforcé de sens en pratique, incarné et porté par le management, l'irruption de l'émotion dans l'entreprise, ce qui ne sera pas sans conséquence sur les cultures des organisations, l'évolution des modes de fonctionnement, les approches des écosystèmes et marchés, les interactions avec les clients. Dans le quotidien de ce qu'est la vie d'une entreprise et de ses collaborateurs, l'on touche aux limites actuelles des modes d'organisation très hiérarchiques et stratifiés, des pratiques managériales très autocrates et fondées sur le principe hiérarchique, des frontières mêmes de l'entreprise remises en cause avec l'importance progressivement comprise de la prise en compte des écosystèmes dans la prise de décisions de nature stratégique ou managériale.

De même, l'irruption dans le monde professionnel des générations Y, Z ou Millenials, quels que soient les noms adoptés, change fondamentalement la donne en apportant de la fraîcheur et des idées nouvelles, plus de diversité, des jeunes formés et recrutés autrement, avec de nouvelles méthodes pédagogiques et de sourcing complémentaires des approches traditionnelles. Pour mettre en musique cette entreprise adaptée à son contexte économique, social mais aussi sociétal, les ressources humaines, certains parleront de l'actif Humain, en sont le levier fondamental qui doivent favoriser l'agilité à tous les niveaux, toutes les strates, toutes les circularités… mais comment faire concrètement ?

Frédéric Lippi, président LIPPI C'est au dirigeant de faire le premier pas. Il doit s'engager dans la logique de confiance, partir du principe que tout le monde est adulte… or ce n'est pas totalement vrai tout le temps. Il faut faire émerger une vision commune, un modèle social sur le vivre ensemble.

Frédéric Thomas, directeur général CREDIT AGRICOLE ASSURANCES Les collaborateurs ne supportent plus qu'on leur raconte des histoires. Ils sont éclairés et savent pertinemment que nous sommes dans un monde difficile. Il faut faire le pari de l'intelligence et tout dirigeant a ce devoir de vérité.

/ Les insuffisances dans le management fragilisent la cohésion dans l'entreprise / Plusieurs facteurs d'explications sont relevés dans nos entretiens, celui de l'hétérogénéité des lieux de l'entreprise, nombre d'implantations, éloignement vis-à-vis du siège, qui ne favorisent pas le présentiel, absence que la diffusion de l'information sur les grandes évolutions de la vie de l'entreprise et la mise en place de medias sociaux internes ne compensent pas ;

L'inadaptation des pratiques managériales, avec des premiers niveaux finalement assez peu managers dans l'âme, qui ne pratiquent que fort peu des entretiens de management et sont éloignés des réalités de terrain.

/ Un besoin de management cellulaire y compris dans les grandes organisations / L'esprit de corps se retrouve dans des petites unités de 5/10 personnes qui vivent au quotidien ensemble, et qui se sentent peu concernés par les opérations de nature

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stratégique qui se passent « au-dessus de leurs têtes ». La réussite de l'entreprise tient à la capacité du management à embarquer ses collaborateurs, à les rendre extrêmement compétents quels que soient les contextes, à créer la confiance et la cohésion collective, à apporter la sérénité dans l'action pour que chacun donne le meilleur de lui-même, au profit de l'entreprise.

/ Le concept de l'entreprise libérée, mode ou réalité profonde ? / En 1993, Tom Peters écrivait « L'entreprise libérée : libération, management ». Le concept n'est donc pas nouveau mais il est réapparu depuis 5 ans dans la littérature managériale avec de nombreux titres, fruits d'expériences de dirigeants ou de réflexions de consultants et d'enseignants. Et nous assistons dans la presse spécialisée et sur les réseaux sociaux à des débats d'experts nourris de querelles sémantiques. Alors quel constat pouvons-nous faire ?

Aujourd'hui dans un environnement réglementaire complexe, le dirigeant est confronté à de nombreux défis : mondialisation des échanges, transformation digitale, arrivée des nouvelles générations. Et pour y faire face, il doit ajuster l'organisation de son entreprise et ses modes de régulation interne et externe.

Au-delà des mots et des débats, des tendances fortes se dégagent :

> Les nouvelles générations attendent un autre positionnement managérial, moins hiérarchique et plus ressource, en support. Elles ne sont pas réellement moins engagées que les précédentes mais elles sont plus exigeantes notamment en termes de responsabilité sociétale. Elles veulent pouvoir progresser rapidement. > La révolution digitale modifie les relations à l'autorité, l'information n'étant plus source de pouvoir en raison d'une accessibilité diverse. L'apparition des réseaux sociaux, qu'ils soient internes ou externes, crée des communautés de compétences ou d'intérêts.

Eric Dodin, directeur général FRAIKINLe leader de demain sera capable d'insuffler auprès de chaque collaborateur l'esprit de croissance, parce qu'il saura incarner au mieux la culture de l'entreprise qu'il dirige. Lui-même agile, lucide et audacieux à bon escient, il devra faire preuve de simplicité en tant que personne et faciliter la vie de ses équipes. L'expression claire du cadre de jeu est la condition préalable à la libération des énergies et leurs mises en connexion au sein de l'entreprise.

/ Une ré-interrogation forte des modes de management / Dans ce contexte, une grande majorité des entreprises s'interrogent sur leurs modes de management et elles doivent bien souvent créer leur propre processus managérial pour répondre à ces défis. C'est le défi majeur des équipes dirigeantes. Dans cette réflexion, deux dimensions apparaissent particulièrement importantes : la capacité à développer une vision partagée et le développement de l'autonomie des équipes fondé sur le principe de la confiance.Les mutations de nos environnements bouleversent nos organisations et font apparaître un manque de sens… et donc une recherche de sens. La création d'une vision partagée devient plus que jamais nécessaire. Les collaborateurs informés par de multiples canaux sont, pour la plupart, parfaitement conscients de la réalité à laquelle leur entreprise est confrontée. La vision leur permet de trouver le sens pour y faire face avec intelligence et respect de l'intérêt général.Cette vision se traduira par une stratégie efficace si la confiance prédomine à tous les niveaux dans l'exécution. Cette confiance doit se traduire concrètement dans des changements de postures managériales et dans la volonté de développer les compétences des équipes. Ce n'est plus alors tant l'entreprise qui est « libérée » que chaque personne qui, nourrie de la vision et forte de la confiance, peut agir pleinement pour le bien de ses clients.

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/ Quelques verbatims recueillis lors de nos entretiens / ) « On mise beaucoup plus sur la génération intermédiaire qui questionne et ne balaie pas d'un revers de manche le sujet de l'équilibre des individus. On facilite l'accès à la formation utile et à l'accompagnement personnalisé. On crée les conditions de la performance »

) « Le manager de proximité est la pièce essentielle pour conduire la transformation… donner le sens. C'est au président d'en incarner les valeurs. »

) « Peu importe que le manager soit opérationnel ou pas ; il devra travailler en transversal, avec des équipes plus restreintes. Il va manager en mode écosystème… »

) « Le mode de management hiérarchique est de plus en plus remis en question et crée autour de lui un certain nombre de souffrances que l'on ne mesure pas toujours et qui entrainent un désengagement des collaborateurs…. Le manager n'a pas seulement une fonction de pilotage de la performance, il en a deux autres tout aussi importantes : le leadership (il doit porter le sens) et le développement des personnes. »

/ Les limites des organisations actuelles /Beaucoup d'entreprises peuvent progressivement perdre leur capacité de se maintenir sur leurs marchés. En partie à cause de la trop forte influence des orientations stratégiques qu'elles se fixent, et souvent par souci de se concentrer exclusivement sur leur cœur de métier, ou core business. Leur stratégie se fonde autour de ce qui a fait leur succès. Elles sont convaincues que renforcer et exploiter leur socle de compétences est la meilleure façon de garantir la croissance. Par conséquent, elles ne traitent que les opportunités business qui cadrent avec leurs compétences de base, en privilégiant court terme au moyen et long terme.

/ Court terme et manque d'audace /Ce modèle stratégique est donc souvent borné par ces compétences, et leurs traductions concrètes en ressources mobilisables (cash,

hommes, moyens industriels…). Dès lors, les entreprises privilégient essentiellement les opportunités qui permettent une utilisation optimisée de ces ressources. Sous la pression des objectifs de profit à court terme des actionnaires, leur stratégie vise à l'obtention de résultats financiers également à court terme. Elles dédient leurs ressources aux marchés et clients actuels plutôt que d'investir sur des croissances à long terme.

Ces entreprises se restreignent la plupart du temps à des innovations « évolutives », donc des améliorations incrémentales sur des produits et services existants qu'elles commercialisent auprès de clients existants sur des marchés existants. Elles visent à maintenir, et idéalement renforcer leur position sur ces marchés. En dédaignant les innovations disruptives plus risquées, qui pourraient pourtant apporter plus de retour sur investissement à terme. Elles peuvent aussi craindre que ces innovations fassent concurrence aux produits existants et détruisent les marchés existants. Ce qui est pourtant déjà la réalité … venue de la concurrence plus entreprenante. L'évolution des marchés, la révolution numérique et de nombreuses mutations économiques et culturelles rendent cette approche frileuse très dangereuse, parce qu'elle ossifie les organisations, en la privant de la souplesse indispensable pour écouter et attraper nouvelles opportunités qui forgeront leur avenir.

/ Les entreprises agiles, en revanche, sont gouvernées par d'autres principes. /Leur stratégie vise principalement à capturer de nouvelles opportunités pour renouveler et développer leur business. Elles ne se limitent pas à la définition historique des compétences de base de l'entreprise, réalisant que de le faire limite leurs possibilités. Elles sont axées sur les clients, elles anticipent et créent des besoins avec ces clients plutôt que de se contenter de réagir à leurs besoins. La performance à long terme est privilégiée, même au détriment de la performance à court terme. L'innovation est une priorité, et notamment l'innovation disruptive qui leur permet de mener des mutations radicales autour de nouvelles opportunités commerciales en exploitant les nouvelles technologies. Elles cherchent à

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marginaliser leurs concurrents en créant de nouveaux marchés ou en créant une nouvelle croissance sur les marchés existants. Et pour porter cette dynamique, elles incitent leurs collaborateurs à être plus entreprenants.

/ L'Agilité dans nos organisations : du choix à la mixité /Nos organisations sont donc tiraillées entre deux exigences. D'un côté, il y a le nécessaire renforcement des mesures de normalisation, globalisation, contrôle des risques, maîtrise de dépenses, conformité, restriction des niveaux de délégation… tout un ensemble de carcans diront certains, qui peuvent accompagner la croissance par la réutilisabilité des bonnes pratiques, et améliorer la compétitivité par la réduction des dépenses et des risques. Sans oublier le résultat à court terme qu'attendent les actionnaires.

À l'opposé, pour ne pas dire en opposition, il y a la nécessaire souplesse, ou « agilité », qui puisse rendre cette organisation fertile pour l'innovation, et idéalement l'innovation disruptive. Et une agilité qui facilite l'adaptation rapide aux changements du marché, pour amener plus de flexibilité par rapport aux contextes (pays, cultures, types de clients…), et pour attirer des talents dans les nouvelles générations …etc. En d'autres termes, il faut ancrer l'organisation sur des fondements solides et vitaux pour optimiser et fiabiliser le fonctionnement. Mais il faut simultanément accepter plus d'espaces de liberté pour créer de la valeur sur de nouveaux territoires ou savoir vite s'adapter en ayant anticipé les changements.

L'année dernière, la première étude de la commission Agilité commençait par un éditorial d'Hervé Frapsauce qui titrait « du cachalot à l'otarie ! ». L'image est bien rendue. Elle est pourtant ambitieuse. Elle suggère en effet d'aborder le sujet comme une alternative (l'un ou l'autre) ou un chemin (de l'un vers l'autre). La complexité est probablement liée au fait qu'il faut pouvoir gérer une cohabitation entre l'existant et l'agilité (l'un et l'autre). Il en est des organisations comme des hommes. Sur l'île de Vanuatu, on dit que tout homme est tiraillé

entre deux besoins. Le besoin de la Pirogue, donc le désir du voyage et de l'aventure ou de la conquête, et le besoin de l'Arbre, c'est-à-dire de l'enracinement et de l'identité. Le mythe local raconte que les hommes oscillent entre ces deux aspirations choisissant tantôt l'une, tantôt l'autre, jusqu'à ce qu'ils comprennent que c'est avec l'Arbre qu'on fabrique la Pirogue.

/ Dilemme des espaces d'agilité cohérents avec les organisations en place /L'enjeu est effectivement de réussir à construire les espaces d'agilité, tout en restant en cohérence avec les organisations existantes, et en utilisant leur matière. Par exemple, pour plus d'innovation, et pour de l'innovation disruptive, on peut créer des laboratoires, des cercles d'innovation, des ateliers de design thinking, des spin-off, des structures d'entrepreneuriat interne … mais à chaque fois les moyens, l'assistance, le pilotage et la supervision de l'organisation tout entière doivent entourer et soutenir le projet. C'est une différence majeure par rapport aux jeunes pousses qui ne trouvent trop souvent dans leur environnement que des supports de nature financière. La Pirogue d'agilité a donc besoin de la matière de l'Arbre de l'organisation qui lui fournit la matière.

Ensuite, l'agilité ne vise pas à porter atteinte aux processus, ERPs, normes, et tous les autres tuteurs qui entourent le développement classique du business. Elle doit permettre de s'en abstraire autant que de besoin, mais pas plus que de besoin et dans des périmètres bornés. La question essentielle qui prévaut est le temps, et surtout la vitesse. L'espace d'agilité doit avant tout favoriser la vitesse d'exécution et la vitesse d'adaptation. Et l'organisation doit favoriser l'agilité parce que la création de richesses passe par cet élan et cette vitesse. L'existant seul est un ancrage stérile s'il ne permet pas l'agilité qui assurera ses lendemains. Donc l'Arbre fabrique son avenir à travers les Pirogues.

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Patrick Dugué, SOCIETE DUGUE

L'adaptation de l'immobilier commercial au e-commerce est une illustration d'agilité.

Du côté des bailleurs : l'immobilier commercial se valorise d'abord par le flux de clients auquel il donne accès. L'e-commerce pousse à quantifier de plus en plus précisément cette donnée pour les locaux commerciaux avec une valeur d'un emplacement qui s'appuie de plus en plus sur des mesures objectives de sa zone de chalandise, et fait passer au second plan les m2. Du côté des entreprises: la marque s'impose comme l'acteur clef du développement commercial: c'est elle qui ouvre la voie à de nouveaux produits, décide du modèle de distribution (magasin en propre ou non), et draine le flux de clients ; tout passe par la marque, avant le lieu de vente physique. L'agilité repose sur l'écoute des clients et la capacité à se mettre en phase avec eux», les modes passent vite, il fait savoir rapidement s'approprier les nouvelles.

/ Encourager la culture entrepreneuriale, entre collaboration et droit à l'erreur /Les entreprises agiles favorisant la culture entrepreneuriale s'attachent à créer un climat propice à l'initiative et l'innovation en prenant soin de diffuser cinq bonnes pratiques essentielles :

) Evaluer surtout la performance, en créant un environnement qui valorise la performance et l'atteinte d'objectifs difficiles. Elles récompensent l'audace que les collaborateurs déploient leur niveau et dans leur compartiment de jeu : gagner contre un concurrent, réussir un challenge technique, réduire considérablement un coût…

) Innover mais jusqu'à l'action : elles encouragent la créativité et le comportement entrepreneurial par la promotion de la recherche constante de nouvelles idées et opportunités d'affaires. Mais en reconnaissant cependant que la créativité et l'innovation ne suffisent pas. La vraie valeur est produite par

la transformation des idées en action, en time to market notamment, donc en résultats.

) Décider en gérant les risques : elles soutiennent la prise de risque calculée, considérant qu'on ne peut gagner qu'en risquant de perdre. Il vaut donc mieux encourager la gestion des risques plutôt que la réduction des risques, et ne pas craindre l'échec. Par conséquent, les principes de management doivent être fondés sur une volonté de prendre des décisions.

) Protéger malgré l'échec : elles protègent les collaborateurs entreprenants face à l'échec sans donner l'impression que seuls les gagnants sont promus. L'échec est considéré comme un résultat évitant les mêmes erreurs à l'avenir.

) Collaborer en partageant : elles encouragent le travail d'équipe et favorisent un sentiment de communauté et de confiance mutuelle, pour collaborer sans la contrainte des statuts personnels et des frontières organisationnelles. Elles libèrent la circulation de l'information nécessaire à l'entrepreneuriat et à l'innovation, et encouragent les individus à partager les connaissances et les compétences.

Gaétan de L'Hermite, président directeur général COMPASS GROUP FRANCE Nous mettons l'émotion au coeur de notre proposition de valeur. Nos équipes construisent au quotidien une relation affective avec nos convives pour créer un lien de loyauté avec ces derniers et donner du sens au service rendu. L'ADN de notre entreprise fait une place grandissante à cette dimension humaine. C'est un vecteur fort de différenciation sur le marché et une opportunité majeure pour booster l'adhésion et l'engagement de nos collaborateurs.

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/ Place à l'émotion dans l'entreprise / Le projet Aristote que Google a lancé en 2012 pour comprendre ce qui faisait l'efficacité d'une équipe conforte cette perception. Après avoir effectué toutes les analyses statistiques sur la composition des 100 équipes concernées par le projet, les responsables ont mis en évidence les 5 critères clés : la sécurité psychologique au sein de l'équipe permettant une expression libre, la Co-dépendance entre les membres, la clarté des structures et des buts, le sens et enfin l'impact. Et la sécurité psychologique arrive nettement en tête, confirmant l'importance des émotions dans l'efficacité collective et donc pour l'entreprise.

Pour autant, l'angélisme n'est pas de mise car la clarté des structures et des buts ou l'impact de l'action de l'équipe invitent à une mesure réelle des actions engagées. Il convient donc de définir les indicateurs, quantitatifs et qualitatifs, qui permettront à l'équipe de contrôler l'efficacité de son action au service de l'enjeu collectif de l'entreprise. La dimension financière de la mesure, si elle reste fondamentale, est alors complétée par d'autres dimensions (enchantement client, bien-être au travail, innovation, digitalisation…). Chaque équipe a alors la capacité à mesurer l'impact de son activité dans la réalisation du projet d'entreprise et à engager un dialogue responsable avec le reste de l'entreprise.

Dominique Buttin, directeur général RADIALLIl faut changer le paradigme en partant du principe de la confiance. S'il y a une vision partagée, je suis convaincu que cela suivra naturellement.

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Partie 2lRéconcilier Humain et digital dans

l’entreprise pour plus d’agilité

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Il nous est apparu essentiel d'analyser les impacts de l'irruption du numérique dans les organisations, entreprises ou sphère publique, et les interactions entre Humain, au sens large, et solutions digitales disruptives.

Le numérique est un pas supplémentaire de l'irruption de la machine dans les activités humaines : après l'agriculture et la mécanisation, l'industrie et la robotisation, c'est le tour des services avec l'intelligence artificielle. Le numérique est aussi une nouvelle forme de lien social qui se caractérise par un paradoxe : l'instantanéité et l'asynchronisation. On réagit immédiatement, le like, RT ou follow, mais en mode asynchrone, via un réseau social. En entreprise, le digital doit donc correspondre à la fois à ces nouveaux rites, codes sociaux et pratiques d'échange des idées et informations, un digital culturel interne, et à l'adaptation des activités aux nouvelles possibilités technologiques. Cette double transformation pour être pleinement réussie ne peut avoir lieu que par l'humain et pour l'humain, en conservant un sens au travail.

/ L'entreprise dans sa maitrise de cette «vague du siècle digitale» doit réconcilier l'humain et les innovations proposées par ces nouvelles technologies. /Dans cette quête, la DRH est doublement impactée :

> dans son métier, qui se digitalise comme les autres fonctions de l'entreprise avec de nouvelles pratiques, de nouvelles compétences et de nouveaux outils qu'elle doit s'approprier et diffuser ; > dans sa mission, avec une entreprise en pleine mutation vers plus d'agilité et de coopération qu'elle doit accompagner.

) « 80 % des salariés ont compris que leur évolution professionnelle et la nature de leur travail sont étroitement liés et impactés par le digital ; ils considèrent aussi souvent ne pas être suffisamment accompagnés par les managers ni par les RH. »

/ Qu'est-ce que le digital dans l'entreprise ? / Toutes les entreprises avec un degré de maturité variable sont confrontées à la transformation digitale qui les pousse à revoir leur proposition de valeur commerciale en produits ou services et

à repenser leur business model. Ce changement de paradigme entraine un bouleversement dans les organisations et les méthodes de travail, dans les pratiques managériales, le pilotage des ressources humaines et dans le type d'engagement des collaborateurs.La DRH est donc au cœur de cette vague de transformation avec un rôle essentiel de transformation des organisations vers un management 3.0 et d'accompagnement des changements auprès des collaborateurs vers plus d'agilité et de collaboration.

L'accélération de l'émergence des nouvelles tendances technologiques, l'attente des nouvelles générations couplée aux nouveaux usages proposés vont faire naître inexorablement de nouvelles tendances RH favorisant :

> La transformation des organisations ; > La mobilité grâce à des collaborateurs connectés ATAWAD (Any Time Any Where Any Device) ;

> Le marketing RH et l'individualisation de la relation avec le collaborateur ;

> Une nouvelle relation au travail par l'enchantement du collaborateur ;

> L'optimisation de l'expérience collaborateur ; > Le développement de la Main d'œuvre élargie ;

> L'émergence d'une RH orientée analytique avec du Big Data et de l'analyse prédictive ;

> La transformation des métiers avec les objets connectés et le machine learning.

L'ensemble de ces sujets va fortement impacter la performance globale de l'entreprise. La pertinence de leur mise en œuvre va optimiser les forces de production et donner un avantage compétitif déterminant à l'entreprise.

/ Complémentarité de l'humain et du digital, les changements de métiers /Dans beaucoup de domaine le digital va aider l'humain dans son activité professionnelle, il va transformer son métier vers un mode plus virtuel et moins exposé grâce aux objets connectés, à

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la réalité virtuelle et proposer des diagnostics et des solutions par l'expérimentation avec des solutions de machine learning.

En matière d'appropriation des connaissances et de formation, l'apport du numérique est flagrant car grâce aux solutions digitales. L'humain à la demande pilote en propre son apprentissage et la progression de ses connaissances. Le rôle de l'entreprise est de lui procurer l'outillage et le temps pour y parvenir. Ainsi, les nouveaux modèles d'apprentissage à distance vont prendre de plus en plus de place avec les outils de e-learning, les MOOC (Massive Open Online Course) et tutoriels en ligne de tous genres qui connaissent un véritable succès dans tous les domaines car ils donnent un accès illimités et immédiat à la connaissance et à l'excellence

En matière d'organisation collaborative, les outils digitaux vont remettre en cause les frontières des organisations par le développement de la main d'œuvre élargie. Les entreprises souhaitent à devenir des organisations « étendues » articulant de façon flexible main d'œuvre interne et externe pour être en ligne avec le besoin accru d'agilité gage de pérennité de leurs organisations. Néanmoins, ne berçons pas dans l'angélisme ou l'excès de modernité à tout prix, les contraintes majeures existent aujourd'hui, sans réponse totalement adaptée : la protection des données sur internet, respect des données personnelles, la cyber-menace, les contraintes juridiques et les réglementations …

/ Chaleur humaine et individualisation de la relation collaborateur /On le sait le digital a révolutionné les organisations marketing (voir fascicule Institut Esprit Service sur l'enchantement du client) par l'utilisation du Big Data, l'introduction des modèles prédictifs et des objets connectés, l'optimisation de l'expérience client, car l'ère de la donnée a renforcé la compréhension du client et a permis des personnaliser des offres et un parcours client. Les collaborateurs aspirent à la même chose et souhaitent avoir une considération personnelle dédiée avec une approche individuelle de leur parcours professionnel dans l'entreprise, par un mode d'échange fluide et flexible conjuguant des points de contacts traditionnel et des échanges virtuels

Du coup, la qualité de « l'Expérience collaborateur » devient en enjeu majeur pour satisfaire ses collaborateurs, l'analyse des données RH dans des outils Big Data favorise la compréhension du collaborateur et autorise des échanges personnalisés et ciblés pertinent favorisant l'émergence des talents et de leur fidélisation à l'enseigne employeur.

/ Engagement entre vie personnelle et professionnelle, quelle signification aujourd'hui ? /Ce sujet est générationnel et est en train de modifier profondément les modalités de travail. En effet, au-delà des générations « X » ou « Y », on assiste à l'émergence d'une catégorie de collaborateurs qui se sont appropriés les codes du digital. Ces personnes « connectés » le sont dans leur mode de consommation, dans leur vie privé et par voie de conséquence ont cette exigence dans leur vie professionnelle avec une connexion à tout moment (Any Time), en tout lieu (Any Where) et sur tout type de terminal (Any Device). L'ensemble de ces attentes sont résumées sous l'acronyme ATAWAD. A l'évidence, ces exigences sont un défi pour l'entreprise traditionnelle, sur la notion de temps de travail (en restant dans les limites du légal), l'accessibilité des systèmes sur des horaires étendus voire en 24h/24 et 7j/7 et avec ses propres outils personnels selon le principe du BYOD (Bring Your Own Device). Ces sujets posent le problème d'une sécurisation accrue et étendu des informations à caractère professionnelles sur l'ensemble des terminaux du marché du PC de bureau, aux lunettes connectées en passant par le smartphone, la tablette ou la montre connectée. Selon un rapport mondial CISCO de 2014, 53% des personnes ont une préférence pour le smartphone, ce qui confirme la tendance d'un collaborateur « connecté » en permanence.

/ Présentiel versus mobilité dans l'entreprise, télétravail et nomadisme /Selon une étude réalisée par ARCTUS France, 82% des personnes souhaitent avoir la possibilité de travailler sur des applicatifs métiers en situation de nomadisme. Compte tenu des nouvelles modalités de travail exposées juste avant, on voit très bien que l'entreprise si son activité le permet devra s'orienter vers une organisation du travail à distance en mode connecté sans avoir

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besoin d'être au bureau. Le télétravail existe mais reste à l'état expérimental ou très limité à des types d'activité, il éloigne de la vie de l'entreprise et pose la question de l'engagement perçu du collaborateur. Du coup entre travail à domicile ou traditionnel dans l'entreprise, une alternative émerge par la création de tiers-lieux. Ces espaces de travail accueillent à la demande ou de façon régulière des employés en télétravail ou en nomadisme dans un souci de cohérence managériale et pour rester en proximité du suivi ressources humaines nécessaire.

/ Comment le digital contribue à renforcer l'humain /Comme tout nouvel outil majeur émergent, le digital transforme l'environnement dans lequel l'Homme le met en œuvre et il va continuer à le faire, transformant certains métiers existant, en créant de nouveaux et en en faisant disparaître d'autres. Mais il reste un outil et, comme tel, c'est l'usage que nous en faisons qui est majeur. Si le digital peut parfois donner le sentiment que l'intelligence artificielle va remplacer progressivement l'intelligence humaine (robots de plus en plus perfectionnés, transhumanisme…) et générer des craintes, il est également un formidable outil pour développer l'efficacité des Hommes dans l'entreprise. L'accès à la connaissance est largement facilité par Internet, les réseaux sociaux permettent des connections immédiates avec des personnes éloignées géographiquement, les outils digitaux sont de plus en plus conviviaux et intuitifs. L'afflux continuel de contenu, connaissances et d'informations, positif et riche par nature, est aussi souvent déstabilisant, remettant en cause des croyances, entrainant des pertes de repères et pouvant ainsi créer du stress et des remises en cause de ses présupposés. Devant cette masse d'informations, l'Homme, s'il est éclairé et en capacité de trier le bon contenu du moins bon, peut discerner ce qu'il convient d'en faire et c'est sa responsabilité tant personnelle que collective. L'exemple des réseaux sociaux externes (professionnels ou personnels) illustre bien cette responsabilité personnelle et collective. Chacun, entreprise comme collaborateur, doit être conscient de véhiculer, et quasi immédiatement, une image de ce qu'il est ou rend visible, au-delà du

périmètre qu'il contrôle. Chacun doit donc soigner son e-réputation personnelle. De même, les réseaux sociaux d'entreprise viennent compléter les autres moyens de communication interne en permettant à des collaborateurs de se connecter en fonction de sujets d'intérêts communs ou de communautés de travail. Ils sont donc profondément un outil digital qui crée du lien. La richesse de ce lien étant étroitement dépendante des contextes et des personnes. Leur implémentation modifie néanmoins les rapports au sein de l'entreprise, accélérant la diffusion de l'information, jusque-là mission essentielle des managers. Ceux-ci deviennent alors moins des relais d'information que des porteurs de sens, mettant en perspective informations et actions. Leurs pouvoirs et même leurs zones de confort sont remis en cause. La légitimité du manager est battue en brèche au profit d'une crédibilité à façonner et à justifier au quotidien. La réussite d'un réseau social en entreprise repose donc sur deux piliers : un projet d'entreprise pour lequel le réseau est le vecteur de communicatio ; un accompagnement du management, parfois moins à l'aise que les collaborateurs avec l'outil et l'environnement numériques. La montée en puissance du digital dans notre environnement professionnel est également une occasion de repenser la relation Client. Chaque client pouvant avoir accès plus facilement à une information générale étendue, l'entreprise peut choisir de renforcer la relation en lui apportant une aide réellement personnalisée. Cela nécessite pour elle de former ses collaborateurs à une compréhension plus fine de son offre et de repenser sa gestion des carrières pour assurer la proximité entre ses collaborateurs et ses clients qui permet une réelle personnalisation de la relation. ) Raisonnons en opportunités d'emplois !

L'opposition entre humain et digital est souvent soulignée sous l'angle de l'emploi, de son évolution en nombre, en valeur absolue de création ou destruction nette du nombre d'emplois. Or, les opportunités de création de nouveaux métiers et de passerelles entre fonctions et inter-organisations seront renforcées.

/ Générations, vous avez dit générations ? /Pour comprendre pourquoi les nouvelles générations (Y, Z…) posent une

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problématique particulière à notre société en général et aux entreprises en particuliers, il faut prendre en compte tous les aspects d'un phénomène que l'on voudrait, à tort, réduire à la seule dimension intergénérationnelle. En réalité, les susceptibilités en question ne sont nullement nouvelles ; elles sont de tous les âges et de toutes les cultures. Mais il y a conjonction, superposition d'une difficulté ancestrale ordinaire... avec d'autres phénomènes, dont plusieurs sont effectivement inédits dans l'Histoire :

> La modernité, comme telle, est de chaque génération dans une évolution qui est pour partie cumulative : celle qui touche aux sciences, aux techniques, à l'économie… et pour partie toujours à renouveler : l'humanité et la sagesse. Mais cette modernité supposait des références temporelles et locales dans la notion même de succession progressive. Or nous sommes passés dans une réalité post-moderne, dans laquelle ces références sont en grande partie éclatées dans l'instantanéité et le virtuel.

Chacun peut constater l'effondrement des repères verticaux traditionnels (politiques, religieux, familiaux, managériaux… et même économiques et éducatifs) et une reconstitution plus horizontale, en système de réseaux, du pacte social. La révolution digitale constitue la trame sous-jacente et la possibilité – d'abord pratique – de cette mutation. Les outils, on le sait, sont toujours causes dispositives ; c'est encore plus vrai avec les technologies informatiques – très addictives – dont nous disposons aujourd'hui. Mais ceci ne doit pas nous cacher le sens profond de cette révolution : elle n'est pas – ou plus – d'abord une question d'outils ou de technologie, mais de mode de coopération et de collaboration.

> Avec les logiques de réseaux, nous sommes passés d'un état de spectateur à un état d'acteur : nous sommes tous devenus générateurs d'information et de sens. Pour le meilleur ou pour le pire. L'entreprise se confronte à un système de communautés diverses et variées, diffracté selon des règles tenant souvent de la théorie du Chaos : résultat de l'interférence des multiples informations et actions diffusées par chaque acteur interne et externe.

> L'évolution des technologies nous amène à une vitesse insoupçonnée vers la fin de l'exécution. Certes, il y aura indiscutablement création de nouveaux métiers, mais pas forcément au même endroit ni pour les mêmes personnes, ni dans un cycle de temps en phase avec l'évolution socioprofessionnelle.

Nous observons également une évolution profonde de mentalité, de nature sociétale. Les jeunes générations veulent du sens, dans les trois acceptions du mot : le pourquoi, la direction et l'utilité. Le triptyque Confiance – Autonomie – Responsabilité devient la base non négociable du travail possible. C'est retrouver le sens de l'œuvre, en lieu et place du tripalium : non pas remettre l'homme au cœur de l'entreprise, mais remettre l'entreprise dans le cœur de l'homme !Autre composante du changement d'ère : l'évolution profonde du Business ! Il ne suffit plus de tirer la compétitivité par le haut en trouvant de nouveaux marchés, de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux partenariats, de nouvelles coalitions, de nouveaux modes d'organisation, des sources de production plus performantes, moins chères, etc.… C'est désormais tout le modèle de l'entreprise qui doit être innovant, on parlera dès lors d'écosystèmes innovants plus que d'innovation au sens strict. Le modèle économique doit avoir l'innovation permanente comme principe structurant. Retour sur l'agilité et l'organisation apprenante… en résumé : ce que nous dénommons « génération Y » associe en fait tous ces phénomènes en les faisant porter – par métonymie – par la classe d'âge qui leur est contemporaine. Mais il s'agit d'une toute autre réalité que d'une classe d'âge !

« Il faut s'adapter au fait que le client prenne la main et investisse le terrain de l'entreprise, en accélérant les moments de rencontres avec chaque collaborateur»

« Chaque personne a son importance »

« Peu importe que le manager soit très opérationnel ou non. Ce qui importe est qu'il devra apprendre à travailler en transversal, avec des équipes plus restreintes en cultivant le mode de travail collaboratif façon écosystème. »

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Partie 3lCompétences, comportements, motivations,

talents … sortons des slogans !

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Nombreux sont les slogans qui feignent une culture d'entreprise forte, authentique et incarnée. Des valeurs comme l'intégrité, la communication, le respect et l'excellence sont portées par bon nombre d'entreprises sans être incarnées sur le plan individuel. Comment faire aujourd'hui pour réduire l'incongruence entre le discours et les actes ? Entre la promesse de l'entreprise et la motivation des collaborateurs ? Et quels leviers actionner pour replacer l'humain au cœur des enjeux de performance ?

Alain Thibault, président JULHIET STERWEN Nous sommes dans un environnement paradoxal : jamais les grands groupes n'ont autant cherché à centraliser et pourtant jamais le besoin sur le terrain n'a été aussi demandeur d'autonomie, d'organisation libérée, de responsabilisation, ... jamais les grands groupes n'ont tenu des discours sur l'humain aussi forts et pourtant la très grande majorité des investissements se portent sur les réductions de coûts, les optimisations, l'automatisation des process.

Le grand écart est encore en train de s'accentuer entre les dirigeants de ces grands groupes et les équipes terrain… attention aux risques de rupture quel que soit le niveau déclaré d'agilité.

Beaucoup d'entreprises ont investi dans des managements gestionnaires, dont l'objectif était l'optimisation des profits en vue de rentabiliser au mieux le capital investi et restituer aux actionnaires leur investissement pour d'autres projets. Cette logique est remise en cause aujourd'hui par la nécessité pour eux de régénérer leurs propres modèles économiques, au risque sinon de disparaitre. Il devient indispensable d'orienter la sélection managériale vers la capacité à donner une vision et à entrainer, à développer de nouvelles activités et faire évoluer les activités existantes, et pour cela à savoir être en phase avec les collaborateurs, toutes générations et tous profils, pour les engager dans ces transformations.La rupture technologique (internet social et internet des objets, big data, robots…) met également l'accent sur la capacité d'ouverture, à savoir piloter dans de mauvaises conditions de visibilité ou en tout cas sans déterminisme établi. Les profils qui ont besoin de plans

bien établis, autrefois facteurs de succès de l'industrialisation des processus, sont moins adaptés à cet environnement de rupture. A l'inverse, les profils qui valident au fil de l'eau les objectifs et les adaptent aux circonstances, donnent plus de chance à l'entreprise de s'en sortir. L'individu tend à devenir plus radicalement motivé par sa contribution à un projet de société qu'aux projets de l'entreprise. Celle-ci doit donc lier son développement à des causes sociétales, au risque sinon de manquer de main d'œuvre ou bien savoir recourir à la robotisation.

Aujourd'hui, de nombreuses solutions innovantes adressent ces enjeux. Qu'il s'agisse de sourcing, de formation, de développement personnel, de mesure de la qualité de vie au travail, etc. Elles valorisent l'humain dans l'entreprise selon trois perspectives. / Le rapport à l'humain par la connaissance de soi /Des solutions de matching innovantes permettent aujourd'hui d'intégrer des critères liés à la personnalité et à la motivation pour recruter les meilleurs candidats ou former des équipes efficientes. L'enjeu ? Identifier les talents en tenant compte de leurs savoir-faire, savoir-être et appétences pour évaluer leur capacité à s'intégrer dans leur futur environnement de travail et à être performant. C'est aussi le pari qu'a fait l'association Stagiaires Sans Frontières, en proposant aux étudiants des stages mi-entreprise, mi-association. Une manière habile de favoriser le décloisonnement et d'attirer les jeunes générations en quête de sens dans leur travail.

/ Le rapport à l'humain dans ses interactions avec l'entreprise /La valorisation de l'humain est également l'un des principaux enjeux de la marque employeur.

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Et nous assistons aujourd'hui à un changement de paradigme : il ne s'agit plus de sélectionner les talents, il faut avant tout savoir les séduire. La génération Y (20-35 ans) ou « Millennial », constituera 50 % des effectifs au travail en 2020 et 75 % en 2025, dans moins de 10 ans ! Pour répondre à leurs attentes, tournées vers l'épanouissement personnel, le travail collaboratif, et la formation tout au long de la vie, de nouvelles solutions existent qui valorisent les employeurs les plus attractifs. Des startups comme Digital Recruiters ou Welcome to the Jungle proposent aux candidats de se projeter dans l'environnement de leur future entreprise, vidéos, images, témoignages des managers à l'appui. La valorisation de l'humain passera avant tout par davantage de transparence.

/ Le rapport à l'humain dans sa relation avec les autres / Pour encourager l'épanouissement des collaborateurs au quotidien et faire de l'intelligence collective un véritable levier de performance, il existe également des outils innovants. La startup Zewaow par exemple, propose une application qui permet de partager simplement des moments de vie avec des personnes autour de soi. L'objectif est clair, rapprocher les collaborateurs pour améliorer la performance des équipes. Pour faciliter le partage de savoir-faire et de bonnes pratiques, L'entreprise Elamp a, quant à elle, développé une plateforme de gestion collaborative et agile des compétences. Elle permet non seulement aux collaborateurs d'identifier et de contacter un expert maitrisant une compétence recherchée, mais aussi de mettre en place un référentiel de compétence ouvert et collaboratif. Une équation subtile pour un monde digital plus humain.

Les dernières décennies ont vu les entreprises se recentrer sur leur valeur ajoutée, développer leur agilité, donner à chacun des capacités de décision, de l'autonomie pour répondre avec toujours plus d'efficacité aux besoins parfois volatils de leurs clients. Ce mouvement est accompagné par une évolution des attentes des collaborateurs au travail qui recherchent de plus en plus de marges de manœuvre pour agir, de capacité à créer, à innover par eux-

mêmes. Ce double mouvement s'est traduit par une littérature grandissante sur les modes d'organisation à mettre en place pour gérer ce besoin d'autonomie grandissant des individus au travail.

/ Une contradiction entre recherche d'autonomisation et mode de fonctionnement centralisé / A l'inverse, les modes de management et de gestion des ressources humaines restent marqués par un mode de fonctionnement centré sur le développement des compétences des collaborateurs par les services formation et les managers, par une responsabilité de manager dans la motivation des salariés, par une gestion proactive des “talents”. Ce mode de fonctionnement est essentiellement centré sur le fait d'apporter un service aux collaborateurs.

Cécile Mathivet, directrice LAB'HO Groupe ADECCOLe manager intermédiaire est en prise avec des injonctions paradoxales, entre attentes de ses collaborateurs et demandes de sa hiérarchie. A l'ère du digital, les collaborateurs sont au moins aussi informés que lui par les réseaux sociaux. L'enjeu consiste donc à apporter de la pertinence à l'information pour la transformer en vision. La capacité du manager à évoluer dans une organisation mouvante en devient vitale.

La tendance à l'autonomisation est pourtant antinomique avec le fonctionnement constaté à ce jour dans la plupart des entreprises. Peut-on maintenir une forte autonomisation et parallèlement être dans une recherche constante de responsabilité de l'entreprise vis à vis des individus. Dit autrement, l'autonomie comporte à la fois la liberté d'agir et la responsabilité qui l'accompagne. Ces interrogations sont d'autant plus pertinentes qu'elles prennent forme dans des projets que certaines entreprises mettent en place. Soit passif de nature Push qui consiste à « pousser » la formation, la gestion de carrière, les éléments de motivation, la gestion du potentiel vers les

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individus. A l'inverse, l'émergence d'un mode actif Pull crée des opportunités d'apprendre, de progresser dans sa carrière, de constituer un environnement motivant… Les individus sont alors replacés devant leur responsabilité de saisir ou non l'opportunité qui leur est faite et ainsi d'assumer jusqu'au bout l'autonomie grandissante dont ils jouissent.

/ Montée en compétence, fini les usines à gaz, place au sur-mesure ! / La GPEC, approche centralisée des parcours professionnels, aura fait long feu après avoir occupé les entreprises pendant près de 10 ans. En effet, les enjeux des entreprises ont drastiquement changé d'horizon, les plans à moyen terme ont fait place aux adaptations de stratégie pour faire face aux mutations rencontrées. Or, la GPEC n'a pas su répondre au défi de l'agilité et à la nouvelle contrainte du temps. La raison de cet échec est intimement liée à la question du push/pull évoqué plus haut. L'hypothèse reposait sur le fait que la construction du parcours professionnel se fasse sous l'action de l'entreprise qui oriente les personnes et leur offre un parcours.Peu à peu, les entreprises ont remplacé, de facto, ce mode d'action par une logique plus environnementale. Aujourd'hui, il s'agit d'accompagner les individus dans la détection d'opportunités de carrière pour qu'ils se construisent eux-mêmes leur parcours que ce soit dans l'entreprise ou en dehors. Les “réunions de carrière” qui regroupent les candidats à la mobilité, les font réfléchir sur leur projet et les aide à candidater en interne en sont une illustration intéressante. Cette approche est bien plus cohérente qu'une approche centralisée pour au moins deux raisons. D'une part, la mobilité implique une recomposition des compétences utilisées qui est difficilement prédictible à l'aide de référentiels ; la compétence encapsulant des ressources (savoirs, savoir-faire…) dans une situation donnée. La transposition de ces ressources dans un autre contexte est une opération qui dépasse le cadre des compétences décrites à une date donnée. D'autre part, la construction d'un projet professionnel à moyen ou long terme ne peut en aucun cas se passer de l'individu et de sa

propre capacité à identifier les enjeux de la transition professionnelle.Ainsi les grands parcours tendent à disparaître. A la place, de petits modules indépendants décidés par les individus eux-mêmes mais cohérents viennent s'assembler comme les briques d'un parcours unique. A ce titre, les récentes évolutions de l'environnement réglementaire de la formation ne répondent pas encore pleinement à l'enjeu de reconnaissance des modules courts, espacés dans le temps, comme un parcours à part entière que l'individu s'est construit pour prendre en main l'évolution de ses compétences.

/ L'engagement au cœur des enjeux / 9 salariés sur 10 ne se sentent pas engagés dans leurs entreprises (source Gallup). La performance des organisations est largement associée à l'engagement des équipes, leur adhésion aux projets, leur envie de participer et de s'impliquer, de réaliser en mode collaboratif, au-delà du “travail prescrit'. Il n'y a pas dans l'absolu de collaborateurs motivés ou qui ne le soient pas, la question est plutôt : est-ce que les motivations fondamentales des individus rencontrent les conditions de leur expression au sein de l'environnement de travail ? Est-ce que les caractéristiques de l'environnement permettent de couvrir un spectre de besoins suffisants? Cela questionne en réalité plus les pratiques organisationnelles que la compréhension fine des besoins individuels. Est-ce que les organisations sont prêtes à se questionner, et le management à se remettre en cause ?Du point de vue de l'organisation, s'intéresser à ce vers quoi les individus tendent et ce qui les met en mouvement de manière naturelle n'est pas un sujet anodin. Un environnement qui permet l'expression naturelle des besoins et un environnement au sein duquel ils sont plus heureux, plus engagés et par effet rebond, plus performants. Chaque organisation devrait avoir pour objectif de créer les conditions nécessaires à la performance des équipes.

Un récent baromètre sur les motivations des salariés, mené auprès de plus de 50 000 salariés d'âges et d'organisations variées,

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montre que, parmi neuf grandes motivations couvrant le spectre des besoins des salariés au travail (autonomie, apprentissage, réalisation, diversité, organisation, pouvoir, appartenance, altruisme, reconnaissance), les motivations qui arrivent en tête de classement, au-delà des critères générationnels, sont : l'organisation (le processus), la réalisation (notion d'effort) et l'autonomie (la liberté d'action). Plus que la reconnaissance et l'argent, plus que les relations ou le plaisir, plus que la créativité ou l'expertise, les collaborateurs ont envie de réaliser quelque chose de concret, avec une certaine latitude décisionnelle ou l'expression d'un style propre, dans un cadre clair, structuré. Ni francs-tireurs libérés, ni exécutants dociles, ils décrivent ainsi la voie du milieu, celle de l'équilibre, faite de négociation positive et expression, cadre et initiative.

Quels enseignements tirer de ces motivations à priori contradictoires? Les grandes structures centralisées évoluant dans des environnements concurrentiels ne doivent pas laisser la logique du processus l'emporter, qui empiète généralement sur les marges de liberté des individus. Développer une culture agile favorisant l'expérimentation et l'expression de la créativité, peut, par exemple, permettre à ces groupes de trouver le juste équilibre. Inversement, les entreprises très agiles de type adocratique ou “libéré”, ont tout intérêt à maintenir et diffuser un système de règles de fonctionnement impliquant des repères structurant.

/ Les talents individuels et collectifs, une valeur mal appréciée / Avec l'irruption des technologies dans la formation et le recrutement, parler de gestion des talents n'est pas sans intérêt. Elle peut soit concerner les hauts potentiels soit s'adresser à l'ensemble des collaborateurs, selon que l'entreprise soit du comment ou du pourquoi. Des études scientifiques menées auprès de champions (sportifs, joueurs d'échec, musiciens) montrent que le facteur le plus déterminant dans la réussite est en réalité la pratique ou l'entraînement - tant en terme de quantité que de qualité - à travers la répétition

attentive du geste et la qualité de la relation avec un entraineur, impliquant les notions de confiance et de feedback précis sur les performances pour un développement des apprentissages. Aussi, les facteurs génétiques et individuels qui sont des terrains mis en avant ne peuvent expliquer à eux seuls la réussite ou la virtuosité, sans y intégrer nécessairement des facteurs environnementaux et de pratique qui entrent en résonnance avec ces dispositions. Mais, ce qui est intéressant avec la notion de “Talent” - emprunté à la sémantique de l'univers sportif et culturel – est de valoriser le phénomène de rareté d'une population ressource et par conséquent de la nécessité pour l'entreprise à l'heure des médias sociaux de savoir l'attirer, la manager et la conserver.

) « Je recrute différemment depuis quelques temps, dans deux directions, à la fois des webmasters et des personnes agiles capables d'évoluer rapidement. L'objectif étant de disposer d'individualités en capacité de réfléchir aux processus ».

Ces biais d'internalité ont pourtant la vie dure et s'appliquent au monde de l'entreprise. Il existe en effet une surestimation de l'importance accordée aux dispositions individuelles dans l'explication de la réussite au travail, au détriment de facteurs environnementaux, de pratique et d'apprentissage. Cette erreur fondamentale d'attribution s'illustre notamment dans l'impératif de sélection des “meilleurs éléments” ou la détection des “hauts potentiels”, avec l'appui de batteries de tests sophistiqués. La tentation réelle est celle de recruter les individus « idéaux » les plus intelligents, à l'écoute mais également compétiteurs, résistants au stress et loyaux envers l'entreprise. Ces caractéristiques de dispositions auraient ainsi plus de probabilité de mener à la performance et il conviendrait de les repérer impérativement. Or, il y a une grande différence entre la réussite individuelle d'un commercial dans les ventes et une “force de vente” performante. En effet, derrière cette notion de Talent, il y a tout de même le risque d'accorder trop d'importance à la notion d'individus au détriment du collectif, l'un n'allant pas sans l'autre.

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Partie 4lValeurs, Labs, Co-working, droit à

l’expérimentation, lien social, transformation culturelle

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/ Une période d'expérimentation, à tout va, on teste tout ! / On assiste à un foisonnement d'initiatives, testées pour transformer en profondeur les organisations dans leur ensemble, les entreprises en particulier. Création de Think Tank internes, de LABS, rachats de start-ups ou créations d'incubateurs internes, espaces de travail renouvelés, dans un esprit de Co-working, travail de modernisation des valeurs, intégration des sujets sociétaux, plus d'initiatives autour des mobilités et du nomadisme, voire du télétravail. De même, place est de plus en plus accordée au Reverse Mentoring, ce coaching digital en quelque sorte qui facilite le partage des expertises, réalisé par les plus jeunes au sein de l'entreprise, avec des premiers résultats positifs d'acculturation à l'environnement numérique et aux usages digitaux. Le défi est autant de gagner en niveau de maturité numérique que de créer les conditions pour la Co-construction dans l'entreprise.

/ Transformation numérique de l'entreprise : en résumé, de quoi parle-t-on ? / Dans son rapport sur la « transformation numérique de l'économie », Philippe Lemoine propose un cadre d'analyse qui distingue trois familles d'effets caractéristiques de cette transformation : des effets d'automatisation, de dématérialisation et de désintermédiation / réintermédiation. L'utilisation de ce cadre éclaire utilement les transformations internes aux entreprises et celles des modes de management :

> L'automatisation croissante renvoie ainsi aux questions des évolutions quantitatives et qualitatives des effectifs mais aussi entre autres aux limites de l'automatisation et de la part d'humain qu'il sera nécessaire de conserver ou de promouvoir, par exemple pour fournir aux clients des expériences enchanteresses et non répétitives.

> La dématérialisation est à la base du télétravail qui illustre à la fois les nouvelles possibilités offertes d'organisation du travail et de prise en compte des contraintes personnelles des collaborateurs mais aussi

le besoin de conserver un lien social et un sentiment d'appartenance à un collectif. Le travail à distance contribue à transformer radicalement le rôle du manager de « proximité » et repose, dans sa mise en œuvre, sur une confiance réciproque entre l'entreprise et ses salariés.

> La désintermédiation / réintermédiation redéfinit les contours de l'entreprise. Dans des modèles comme UBER, elle pose la question d'un équilibre à trouver entre aspirations personnelles, sécurité du statut salarié et précarité en même temps qu'elle contribue à cette agilité si nécessaire. Elle renvoie également aux compétences majeures qui doivent être maîtrisées comme celles liées à l'utilisation et la sécurisation des données. Au final c'est ainsi à partir d'un cadre identique que l'ensemble des conséquences de la transformation numérique pourrait être analysée.

/ Gouvernance digitale au service du changement de culture / Vaste sujet que celui du leadership du « sujet » digital dans l'entreprise. Sans vouloir pointer du doigt ou adresser des bons et mauvais points, force est de constater qu'il y a là un réel enjeu de pouvoir, une bataille d'influence dans les organisations. Dans la réalité, plus que de savoir qui du DRH, du directeur marketing, du directeur de la transformation ou du directeur des systèmes d'informations prendra la main, le plus fondamental réside dans l'élaboration collective d'une stratégie de transformation numérique, portée au plus haut niveau, et relayée par l'ensemble des membres des comités exécutifs, Geeks et moins Geeks. Dans 35 % des cas, le champion de la transformation numérique est le directeur général. Après, tout est question de maturité digitale de l'organisation. Charge à chaque entité et direction, ou pays, de prendre par la suite le relais une fois que les valeurs, le plan stratégique, la gouvernance et les conditions du déploiement numérique sont posés et mis en œuvre.

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/ Test and Learn au service de la transformation culturelle / Nous constatons la création de cellules ou petites entités autour d'enjeux de culture, digital, innovation pour résumer, hors structure en place, avec le plus souvent des personnes recrutées en interne ou une hybridation collaborateurs et personnes externes. Le point remarquable est bien de, de 5 personnes recrutées en interne. Ceci peut générer par exemple, la création de blogs publics, le lancement de laboratoires (LABS) sur les objets connectés, voire la mise en place de programmes de recherche sur l'intelligence artificielle, les neurosciences appliquées au marketing, l'ouverture de plates-formes permettant le dialogue entre experts et praticiens, etc.

Christophe Collignon, directeur général IMA TECHNOLOGIESIl y a un manque de sens et donc une recherche de sens. Nous avons recruté des adultes qui, par nature, veulent construire leur vie et qui détestent qu'on vienne leur dire ce qu'ils doivent faire. Un manager est un coach qui veut faire grandir les membres de son équipe. Cela signifie pour lui d'être digne de confiance, de faire confiance, et pour tous de se faire confiance.

Patrick Bouvard, rédacteur en chef RH INFO, blog d'ADP FranceX, Y et Z correspondent aux différents taux de pénétration de toutes ces évolutions conjuguées dans les différentes tranches d'âge ; ce qui veut dire que chaque tranche d'âge trouve en son sein de l'X, de l'Y et du Z ! La cartographie démographique réelle de ce «séisme sociétal», ce «changement d'ère» évoqué par Michel Serres et Edgar Morin, nous étonnerait sans doute beaucoup !

/ Les valeurs d'entreprise, du décret à l'émergence de la modernité / Comme le soulignait récemment François Dupuy, les slogans et les valeurs décrétées sont devenus monnaie courante. Face aux difficultés rencontrées par les entreprises pour faire changer les comportements, elles établissent des valeurs, des chartes, des principes qu'elles souhaitent partager, voire édicter en modèle de référence à l'ensemble de leurs collaborateurs. Elles souhaitent ainsi faire évoluer leur culture interne, souvent en décalage avec ce qu'elles souhaitent accomplir, en conformité avec leurs orientations stratégiques. Malheureusement, la culture d'entreprise n'est pas un sujet compatible avec une politique volontariste basée exclusivement sur la communication. En effet, les comportements individuels sont la résultante d'une histoire, de mythes, d'une organisation et d'identité du métier et de la fonction qui dépassent parfois le cadre de l'entreprise elle-même. En d'autres termes, la culture de l'entreprise interroge l'organisation, le management, la structure des sanctions et récompenses symboliques autant que réelles, plutôt que le seul service communication.Cette réflexion, une fois encore est une invitation à penser l'entreprise comme un environnement, un écosystème global, une constellation, un objet social qui façonne l'individu autant qu'il l'influence. Sortir des slogans sur ce thème c'est, pour les dirigeants, accepter que la question ne soit plus systématiquement “voici ce que je veux que vous fassiez” mais “pourquoi agissez-vous ainsi”. De l'affirmation à la question, car sortir du slogan c'est avant tout mieux comprendre la complexité des organisations.

Ce recul, cette prise de hauteur sur l'organisation et l'environnement qu'elle créé pour les collaborateurs est un temps utile. Car la rapidité des décisions, l'efficacité, l'agilité, l'évolution des business modèles, ce n'est pas faire fi de l'existant, c'est le comprendre suffisamment pour agir au bon endroit avec impact.

Alexandre Gérard, président INOV-ONJ'ai été marqué par un proverbe africain qui dit : seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

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Lars Backhaus, cofondateur SOMNOO HOTELSIl faut savoir laisser la place aux projets personnels des collaborateurs, la tendance étant de mener plusieurs activités en parallèle type slasher. De même, il est nécessaire de développer l'employabilité externe comme gage de la performance des collaborateurs dans l'entreprise, les offres externes étant une bonne mesure de la qualité de nos collaborateurs et aussi un bon challenge pour élaborer des voies de développement de qualité en interne.

) « Il est par ailleurs notable que la coresponsabilité fonctionne relativement mal en France où la hiérarchie est importante. »

) « Les RH devraient être un acteur d'accompagnement de la transformation mais ils n'en ont pas toujours la crédibilité ni l'expérience du travail en mode changement. »

/ Quelques illustrations de pratiques / ) « Je me suis doté d'une politique digitale et je l'ai confié à un des membres de mon comité de direction. Nous avons réuni les 600 cadres de l'entreprise pour leur poser les enjeux et travailler ensemble. Pour la plupart des acteurs de notre secteur, le digital est essentiellement défensif, porté par des filiales de grands groupes. Je pense au contraire, que c'est notre raison d'être que de donner l'impulsion au Corporate. »

Des dirigeants utilisent les réseaux sociaux (Google+ par exemple) pour donner des informations et échanger avec les collaborateurs, tous dotés d'une adresse mail dans l'entreprise, pour nourrir les réflexions mutuelles. En complément, des rendez-vous sont posés à fréquence régulière pour faire le point.

) « Nous sommes en train de développer un portail digital interne, qui pourra héberger ces produits et tous les

outils RH créés récemment en étant interconnecté avec l'intranet. Aujourd'hui, nous avons fait tomber certaines barrières, permettant aux collaborateurs d'accéder directement aux réseaux sociaux à partir de leur poste de travail et ainsi d'interagir sur des sujets partagés. »

) « Il nous faut pour demain, en fait pour aujourd'hui, un mode de management beaucoup plus collaboratif. »

Andreas Lambropoulos, Head of Strategic Initiatives BNP PARIBAS INTERNATIONAL FINANCIAL SERVICESL'agilité d'une entreprise n'a de réalité que par sa culture, son mode de management : elle doit être inscrite dans ses valeurs. L'agilité est particulièrement valorisée dans les start-ups. Dans les grandes structures, il faut savoir reconnaître les efforts faits pour qu'elle existe, inciter et promouvoir le partage des pratiques agiles.

/ Pour conclure, penser et organiser agile, lâcher prise et fluidifier l'entreprise /Il y a de vraies ruptures en marche ! D'où ces oppositions de conceptions et postures conservatistes refusant le changement qui s'impose à nous. L'agilité s'appuie sur une approche moderne de l'entreprise. Cet espace vivant, écosystème riche de la pluralité des personnes qui le composent, doté d'une vision nouvelle, partagée et collective des valeurs, ces clefs de voûte qui sont l'expression de la culture de l'organisation. Favoriser la prise d'initiatives et donc le droit à l'erreur - là où l'on apprend de ses échecs en analysant avec justesse les retours d'expériences – est essentiel. De même, tout ce qui apportera de l'enthousiasme, favorisera les échanges, le travail collaboratif et la Co-construction, tout ce qui permettra de modifier en profondeur le lien entre l'entreprise et les collaborateurs ira dans le bon sens. La pérennité des organisations, dont les entreprises, est à ce prix.

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I CONTRIBUTIONS IL'Institut Esprit Service remercie l'ensemble des contributeurs à la rédaction de cette publication, membres de deux commissions - la première intitulée Agilité, la seconde Lien social & Transformations internes - personnes auditionnées et interviewées. Nous publions la liste de celles et ceux qui ont accepté d'être cités.

Marc Alaurent BNP PERSONAL FINANCEPierre-Marie Argouac'h FDJJean-Michel Arnoux INSEECarl Azoury ZENIKALars Backhaus SOMNOOJosé-Manuel Baeta BNP PERSONAL FINANCEFrançois Barbé SIRCADavid Bellaiche ALTHEACharles-Henri Besseyre des Horts HECEric Bodin WHY CONSULTINGPatrice Bonte GROUPE GTChristian Bottin MONDIAL ASSISTANCEPatrick Bouvard RH INFO ADP FRANCEMatthieu Buronfosse LYOVELDominique Buttin RADIALLNicolas Capitoni MASERGYJacques Cazin ADWAYSJean-Michel Chanavas MERCATELSylvie Charbonneau BRIOChristophe Collignon IMA TECHNOLOGIESThierry Courtecuisse THALESBruno Debatisse LEGRANDGaétan de L'Hermite COMPASS GROUP FRANCECyril de Souza Cardoso AUDALOMPierre Delort INSTITUT MINES TELECOMMarc d'Haultfoeuille NORTON ROSE FULBRIGHTEric Dodin FRAIKINPatrick Dugué SOCIETE DUGUEEric Fimbel NEOMA & CNAM LIRSAStéphanie Foache BNP PARIBASHervé Frapsauce INSTITUT ESPRIT SERVICE & MMAJérôme Friteau CNAVEric-Jean Garcia SCIENCESPOAlexandre Gérard INOV-ONJean-Michel Guillon MICHELINNicolas Guy LAB RH

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Gilles Jacob SOPRA STERIAVannina Kellershohn ORANGE BUSINESS SERVICESAndreas Lambropoulos BNP PARIBAS IFSJérémy Lamri MONKEY TIEDiane Laurent-Jubin SERVAIRJulien Lever JULHIET STERWENPierre Levy GARTNERDorian Liegeois SEEQLEFrédéric Lippi LIPPIAnne-Claire Long MICHEL & AUGUSTINFrank Maassen BUTThierry Majorel BPIJean-Rémy Martinez TELEPERFORMANCECécile Mathivet LAB'HO GROUPE ADECCOChristian Mayeur ENTREPARTAlice-Anne Medard ADPJean-Christophe Messina AUDALOMPhilippe Michon ALLIANZPatrick Miliotis INSTITUT ESPRIT SERVICEVéronique Montamat SOPRA HR SOFTWAREPaul-Louis Moreau BNP PARIBASJean-Luc Pouget REGION PAYS DE LA LOIREJean-Louis Raynaud EDHECVincent Roubertie AMAREXIAFabrice Sauvignon AG2R LA MONDIALEVéronique Subileau TRANSDEVDario Tarantelli EKARAAlain Tedaldi INSTITUT ESPRIT SERVICEAlain Thibault JULHIET STERWENChristian Thioudellet MONKEY TIEFrédéric Thomas CREDIT AGRICOLE ASSURANCESFrançois Vaquier EIMXavier Viollet BNP PARIBAS LEASING SOLUTIONSSophie Virapin AIR FRANCENathalie Wright MICROSOFT

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Contact : Alain Tedaldi - délégué général - 01 53 59 17 09

Email : [email protected]

I INSTITUT ESPRIT SERVICE IPréparer aujourd'hui les entreprises aux défis émergents, créer de nouveaux avantages compétitifs et mettre en place des coopérations inédites, entre entreprises et avec les acteurs publics. Association loi de 1901, think tank créé par le MEDEF, l'Institut Esprit Service (IES) est un lieu ouvert et pluriel. Il réunit des directions générales d'entreprises (groupes, entreprises patrimoniales, start-ups), administrations, monde académique et organisations diverses, de tous secteurs d'activités. Plus de 800 personnes de tous horizons, dirigeants d'entreprises, responsables d'administrations, universitaires, experts, contribuent aux activités (commissions et groupes de travail, LAB, auditions, enquêtes, recherche, événements).

Plusieurs LABS positionnés sur les « Nouveaux modèles économiques et collaboratifs ».

I Les 6 Commissions intitulées : I1. Agilité ;

2. Lien social et transformations internes ;

3. Défense ;

4. Modèles de Coopérations Public Privé ;

5. Action numérique ;

6. Enchantement client.

I Les trois orientations stratégiques de l’Institut : I 1. Lien social et transformations internes managériales et organisationnelles, leadership

2. Modèles de coopérations public privé et interentreprises, agilité, écosystèmes innovants

3. Nouveaux business modèles, ruptures numériques, enchantement client

I Les cinq ambitions de chaque commission et du LAB : I1. Stratégie de contenu inédit, prospectif en demeurant pragmatique

2. Lieu d'expertise, par du benchmark et des enquêtes de fond

3. Espace reconnu d'influence et de débats d'idées ouverts

4. Rayonnement par des évènements positionnés au bon niveau

5. Organisation plurielle grâce aux passerelles tissées avec des administrations et le monde académique et associatif

Ses adhérents reflètent cette diversité.

Les dernières publications sont téléchargeables sur http://institutespritservice.com

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