LA THIONVILLOISE ADÉLAÏDE DECHAUX, VEUVE HOCHE

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LA THIONVILLOISE ADÉLAÏDE DECHAUX, VEUVE HOCHE par M. Jean-Marie ROUILLARD président de l'Académie nationale de Metz En 1838, notre confrère, le docteur Emile Begin, écrivait, dans les Mémoires de l'Académie alors « royale » : « Hoche, dont le nom s'enca- dre dans les annales du monde, appartient plus particulièrement à notre histoire provinciale sous la double influence de la gloire et de l'amour » (1). C'est en effet l'armée de la Moselle, « grande fille qu'il aimait comme une maîtresse », qu'il mena à la victoire. Mais, c'est aussi dans notre département qu'il tomba éperdument amoureux, et c'est à Thion- ville qu'il épousa une jeune fille de 16 ans aux solides attaches familiales messines. Anne Adélaïde Dechaux, dite Adélaïde, apparaît dans notre his- toire à l'âge de 15 ans. Elle est née à Thionville le 14 février 1778. Ses parents résidaient rue de Paris dans un immeuble actuellement dis- paru. Ils avaient aussi une propriété à Guénange où Hoche fut proba- blement reçu. Les trois enfants de cette famille ont certainement été élevés comme de jeunes bourgeois provinciaux. Leur éducation soignée transparaît dans leurs correspondances et leurs relations. Adélaïde culti- vait la musique et jouait du piano. Son frère devait entrer dans la toute jeune École Polytechnique. En 1793, sa route va croiser celle de Lazare. Le lieutenant Hoche s'était déjà distingué à Thionville l'année précédente, lors du fameux siège de sept.-octobre 1792, où il avait gagné ses galons de capitaine. Mais, en hiver 1793, an II de la République, c'est un tout jeune général en chef auréolé de sa victoire d'Alsace qui traverse Thionville pour se rendre à Metz. A cette époque, on ne s'étonnait plus de voir des jeunes gens, caporaux de la veille, bousculer des vieux généraux che- vronnés et accéder aux plus hautes destinées militaires. Mais il faut aussi se représenter l'impression que pouvait faire Ho- che sur ses contemporains et surtout sur ses contemporaines. Tous les

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LA THIONVILLOISE ADÉLAÏDE DECHAUX, VEUVE HOCHE

par M. Jean-Marie ROUILLARD président de l'Académie nationale de Metz

En 1838, notre confrère, le docteur Emile Begin, écrivait, dans les Mémoires de l'Académie alors « royale » : « Hoche, dont le nom s'enca­dre dans les annales du monde, appartient plus particulièrement à notre histoire provinciale sous la double influence de la gloire et de l'amour » (1).

C'est en effet l'armée de la Moselle, « grande fille qu'il aimait comme une maîtresse », qu'il mena à la victoire. Mais, c'est aussi dans notre département qu'il tomba éperdument amoureux, et c'est à Thion-ville qu'il épousa une jeune fille de 16 ans aux solides attaches familiales messines.

Anne Adélaïde Dechaux, dite Adélaïde, apparaît dans notre his­toire à l'âge de 15 ans. Elle est née à Thionville le 14 février 1778. Ses parents résidaient rue de Paris dans un immeuble actuellement dis­paru. Ils avaient aussi une propriété à Guénange où Hoche fut proba­blement reçu. Les trois enfants de cette famille ont certainement été élevés comme de jeunes bourgeois provinciaux. Leur éducation soignée transparaît dans leurs correspondances et leurs relations. Adélaïde culti­vait la musique et jouait du piano. Son frère devait entrer dans la toute jeune École Polytechnique.

En 1793, sa route va croiser celle de Lazare. Le lieutenant Hoche s'était déjà distingué à Thionville l'année précédente, lors du fameux siège de sept.-octobre 1792, où il avait gagné ses galons de capitaine. Mais, en hiver 1793, an II de la République, c'est un tout jeune général en chef auréolé de sa victoire d'Alsace qui traverse Thionville pour se rendre à Metz. A cette époque, on ne s'étonnait plus de voir des jeunes gens, caporaux de la veille, bousculer des vieux généraux che­vronnés et accéder aux plus hautes destinées militaires.

Mais il faut aussi se représenter l'impression que pouvait faire Ho­che sur ses contemporains et surtout sur ses contemporaines. Tous les

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témoignages concordent : ceux aes aames de Versailles a qui, garde-française, il faisait déjà tourner la tête, ceux des belles aristocrates de FOuest, celui de Rouget de Lisle.

Lors de son arrivée à Metz, Grigny, dans le journal de l'armée : L'Argus de la Moselle, décrivait le conquérant balafré d'une blessure reçue en duel : « Jeune comme la révolution, robuste comme le peuple... au regard fier et étendu comme celui de l'aigle ».

Lamartine n'a pas connu Hoche mais il était lié à sa veuve (2). Dans l'Histoire des Girondins, il fait de Hoche ce portrait, Adélaïde l'a-t-elle inspiré ? Elle ne l'a sûrement pas désavoué : « Hoche, beau, jeune, martial ; héros antique par la figure, par la stature, par le bras ; héros moderne par l'étude, par la lecture, par la méditation, qui place la force dans l'intelligence ; enfant d'une pauvre famille mais portant sur le front l'artistocratie des grandes destinées... ».

Aussi, est-ce à la manière galante que les dames de Thionville vou­lurent lui réserver un accueil de triomphateur. En secret, elles organisè­rent un bal où fut conviée, avec les officiers chamarrés, la fine fleur de la jeunesse thionvilloise.

Adélaïde y vint avec sa sœur Justine. La fete battait son plein et l'on n'attendait plus que notre héros. Mais celui-ci, obsédé par le dénue­ment de ses troupes, vient de pénétrer dans la forteresse parmi les convois de blessés. Il n'est pas d'humeur à se divertir et envoie un aide de camp prévenir qu'il ne paraîtra pas au bal, qu'il demande la fin des réjouissances et l'évacuation immédiate de la salle.

Esclaves de la discipline, les officiers s'inclinent sans trop murmu­rer, mais il n'en est pas de même des jeunes filles déçues et désavouées qui, écrit Begin, « déchirèrent Hoche à belles dents ». Par l'intermédiaire du colonel Debelle, ami de Hoche et amoureux de Justine, les sœurs Dechaux s'empressèrent de faire part de leur dépit au général en chef. Celui-ci, toujours sensible à sa réputation de séducteur, fut finalement navré d'avoir contristé les belles Thionvilloises et chercha à se faire pardonner.

A la première occasion, en public, il fit amende honorable conve­nant que si le général en chef avait peut-être eu raison, le jeune Hoche, lui, avait sûrement eu tort. Les temps ayant heureusement changé, La­zare Hoche rallia tous les cœurs en offrant, lui-même, un bal en expia­tion.

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Begin a ainsi imaginé la scène ou l'a racontée d'après le récit de témoins qu'il a encore pu interroger en 1838 : « (Ce fut) un bal magnifi­que. Hoche en fit les frais avec une grâce admirable ; mais, quoiqu'il se montrât d'une galanterie très recherchée avec toutes les femmes, on reconnut sans peine celle qu'il préférait. Historien direct, je me garderai bien de signaler le dépit mal déguisé de telles ou telles ; j 'observai seule­ment qu'Adélaïde Dechaux reçut les hommages du général Hoche avec une réserve dont il sut apprécier le mérite chez une personne aussi jeune. Le choix de notre héros était désormais fixé ».

Les événements vont se précipiter et c'est au pas de charge, comme au Geisberg, que Hoche va enlever la position. Mais si le siège est impétueux, il est fait dans les règles. Tout révolutionnaire et affranchi qu'il soit, il reste strictement respectueux des formes auprès de son futur beau-père qui n'aurait sans doute pas toléré d'entorses aux usages.

De son quartier général alors à Bouzonville, il charge de la négo­ciation Privât, son fidèle aide de camp : « Ne l'oublie pas, mon cher Privât, j 'a i besoin de tenir à quelqu'un, je demande le cœur et point la richesse ». Le prétendant est autorisé à faire sa cour ; elle sera surtout épistolaire car le général en chef est en perpétuel déplacement. Grâce à une correspondance très importante, parfois pluriquotidienne, pieuse­ment conservée par Adélaïde et ses descendants, nous connaissons les inquiétudes, les doutes, les triomphes du tendre amoureux, puis de l'époux attentif, enfin du père admiratif.

Par contre, les lettres d'Adélaïde à son mari ont été systématique­ment détruites par celui-ci ; le général en chef soumis aux aléas de la vie militaire et politique voulait éviter de voir les messages de sa femme tomber entre des mains ennemies. Ils auraient pu être à son encontre objets d'accusation ou de dérision.

Aussi devinons-nous les peines, les joies, les préoccupations de la jeune Adélaïde, uniquement à travers les réponses de Hoche.

Mais Adélaïde fut aussi le « faire valoir » de Hoche. Sans cette correspondance avec sa femme, nous connaîtrions le général et l'homme public, mais grâce à elle, nous connaissons aussi le jeune Lazare Hoche. C'est pourquoi la plupart des historiens, et encore tout récemment Gar-nier (3), l'ont utilisée pour cerner de plus près la personnalité de leur héros. Il serait intéressant d'analyser cette correspondance parallèle­ment à sa vie politique et militaire en la confrontant à son autre corres­pondance familiale et officielle. Nous n'en avons pas le loisir ce soir. Celui qui s'intéresse à ce roman d'amour peut se procurer le livre de Mathilde Alanic (4). « Le Mariage de Hoche », écrit en 1928, exploite

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abondamment la correspondance conservée au château de Gaillefon-taine, en Normandie. J'ai eu aussi le privilège d'en prendre connaissance grâce à l'obligeance du maître des lieux, le marquis des Roys, descen­dant direct de Hoche. Celui-ci m'a fait visiter le domaine, il m'a pré­senté les souvenirs de son ancêtre, m'a fait admirer les beaux portraits de famille, m'a conduit sur la tombe d'Adélaïde.

Nous avons laissé Hoche en position de prétendant impatient, anxieux, sinon transi. En effet, le retard du courrier, dû aux circonstan­ces extérieures, entretient son anxiété et suscite ses doutes. Mais quel cri de triomphe quand la lettre tant attendue d'Adélaïde le rassure sur les sentiments de la jeune fille ! Il abandonne le respectueux vouvoie­ment et marque sa position en utilisant dorénavant un tutoiement d'amoureux qui ne doit rien aux habitudes révolutionnaires.

Hoche avait bien besoin de cette consolation. Il était en butte à la malveillance, et ses affaires marchaient moins bien sur les autres terrains. La Révolution suivait son cours et les généraux, sur qui repo­sait le sort de la patrie, étaient constamment l'objet de délation qui pouvait les mener à la guillotine.

Mais le primidi 21 ventôse de l'an II, jour de la Mandragore (11 mars 1794), est un jour de gloire pour le général Hoche et le colonel Debelle qui épousent, à Thionville, Adélaïde et Justine. Hoche avait souhaité que « le jour de son mariage, 600 personnes ne viennent pas lui rire au nez ». Mais on peut tout de même imaginer que les jeunes mariés furent, au sortir du bureau de l'officier municipal, l'objet d'une ovation de la part de la population thionvilloise.

Des biographes de Hoche, comme Bonnechose (5), Cueno d'Or-nano (6) et Begin, reprenant la version de Rousselin (7), insistent avec complaisance sur la prétendue mésalliance d'un général en chef épou­sant la fille d'un simple garde-magasin ; c'est, en quelque sorte, la ver­sion républicaine du conte de fées où le ci-devant prince épousait la bergère. En réalité, les fonctions de garde-magasin correspondaient aux fonctions d'intendant ou de sous-intendant militaire, poste de confiance dans une forteresse de la frontière.

Dechaux, dont le nom fleurait bon la particule, avait été qualifié dans des actes de l'ancien régime d'« intéressé dans les affaires du roi ». Il avait, dans ses ancêtres, un seigneur d'Ancy, et l'acte de baptême d'Adélaïde confirme les relations aristocratiques de la famille. Madame Dechaux était une Jaunez, famille de bonne bourgeoisie messine. Les grands-parents maternels d'Adélaïde eurent quinze enfants, dont les descendants firent pour la plupart d'illustres alliances avec les Esling, les Rivoli, les Reille, les Masséna, les Villeroy, etc.

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Il faut y ajouter Edouard Jaunez, cousin issu de germain de la fille de Hoche. Le rôle de ce « grand-duc sans couronne de Lorraine » entre 1870 et 1914 a été rappelé par notre confrère Roth (8). Je salue ici, dans cette salle, les cousins messins de Hoche, descendants de Pierre Jaunez et de Jeanne Holard, grands-parents d'Adélaïde.

Debelle, le mari de Justine, était de bonne noblesse dauphinoise. Le père Dechaux payait la contribution patriotique qui était un peu l'I.S.F. de l'époque. Il avait du bien au soleil et dota honorablement ses filles.

Hoche, fils d'un palefrenier, lui-même ancien « pisse-chiens », ne faisait, en aucun cas, une mésalliance en entrant dans la famille De-chaux. Celle-ci prenait d'ailleurs un risque ; le comité de salut public tuait plus de généraux que les coalisés et les Vendéens. Leurs familles étaient aussi en danger ; c'est d'ailleurs ce qui arriva.

La félicité de Hoche et d'Adélaïde fut brève. Hoche, selon ses pro­pres termes, venait de « s'allier à la vertu ». Mais ses ennemis prirent prétexte de son mariage pour lancer contre lui des attaques venimeuses. « Les hommes sont toujours les mêmes, la Révolution ne les change pas », écrivait-il, désabusé.

Six jours après son mariage, Adélaïde est séparée de son mari... Pour éloigner Hoche de son armée et de ses amis, on le nomme général en chef de l'armée d'Italie, ce qui permet, dès son arrivée à Nice, de l'arrêter en douceur. Transféré à Paris, aux Carmes puis à la Concierge­rie, il voit partir à la guillotine 1.266 de ses compagnons, dont Thoiras, ami de sa famille.

Hoche, qui se résigne, n'attend plus que la mort. Dechaux, son beau-père, est également arrêté, et Debelle, son beau-frère, échappe à la proscription uniquement grâce à ses graves blessures reçues à Fleu-rus, blessures qui, écrit Hoche de sa prison, sont « un bienfait du ciel ».

Hoche, aussi longtemps que faire se peut, essaie de cacher la situa­tion à sa toute jeune et toute récente épouse.

Il lui présente son transfert dans les geôles parisiennes comme une sorte de mission de service. Quand le tragique de la situation se dévoile, en particulier avec l'arrestation du père d'Adélaïde et les ennuis de De-belle, ses lettres restent tout d'abord détachées ; il invite son épouse à s'appliquer à sa musique, mais lui suggère tout de même de faire

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disparaître certains papiers compromettants. Ses messages deviennent pourtant de plus en plus graves et, n'attendant plus que la mort, dans un billet clandestin adressé à Adélaïde, il confie « la vengeance du mari qui l'aimera jusqu'au tombeau, à l'histoire et à la postérité ».

Le 9 thermidor sauvera Hoche et la famille Dechaux, pour qui le mariage d'Adélaïde a failli être une catastrophe : « Je suis libre, Adé­laïde, exulte-t-il, rendons grâce au ciel. Je m'en vais à Thionville, à pied, comme il convient à un républicain ».

Mais Hoche gardera toujours au cœur les plaies ouvertes par la trahison et les pillages de ceux qu'il avait crus ses amis.

Il n'est pas de notre propos de parler de la Vendée, de la campagne de Quiberon et d'Irlande, ni celle du Rhin, sinon pour expliquer comment Hoche, en perpétuel déplacement, passa comme un météore dans la vie de son épouse.

Les moments de félicité commune leur furent parcimonieusement comptés en jours plutôt qu'en semaines ou en mois à Thionville, à Paris, à Saint-Germain, à Rennes, à Metz et à Francfort. Ceci explique cette correspondance à travers laquelle nous devinons les préoccupa­tions d'Adélaïde. Celles-ci peuvent paraître parfois futiles en regard des événements historiques dont son mari est l'acteur. Mais elle n'a que 16 ans. Toujours séparée de son mari, elle trouve que « la gloire se paie cher aux dépens du bonheur ». Hoche lui tait autant que possible les dangers auxquels il est exposé du fait de l'ennemi, des assassins et de ses adversaires politiques, mais elle les pressent. A l'occasion d'une intervention en faveur de son beau-frère Debelle, Adélaïde a été ferme­ment prévenue qu'elle n'avait en aucun cas à s'occuper d'affaires mili­taires. Fidèle aux secrets des opérations, le général reste obstinément mystérieux sur ses déplacements et ses projets, ce qui suscite la jalousie d'Adélaïde, d'ailleurs parfois amplement justifiée. D'où des querelles d'amoureux. Hoche morigène sa femme et, pour marquer son mécon­tentement, lui donne de la « citoyenne » et reprend le vouvoiement. Lorsque le soleil réapparaît, il redevient très primesautier et s'adresse soit à « sa petite femme » soit à « Madame Adélaïde Hoche qui n'est même pas caporal ». Adélaïde se montre parfois jalouse et par seule­ment, comme le suggère Mathilde Alanic, de l'armée et de l'Irlande. Elle est assez fine mouche pour comprendre, de Thionville, que son trop beau et trop célèbre mari, comme il l'a écrit lui-même, « ne manque pas de femmes ». Il a fréquenté en prison puis dans l'Ouest de belles artistocrates dont certaines lui servent d'émissaires ou d'agents secrets comme la belle marquise de Grego, âgée de 19 ans, épouse d'un officier chouan : « délicieuse petite femme » selon Hoche, « épousé générale de tous les généraux » ricanaient ses bleus (9).

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En échange des « bons procédés » de la marquise de Grego, Hoche s'interposa pour qu'on lève le séquestre de ses biens (10). Rousselin, plein d'une étrange indulgence, explique : « Hoche ne redouta pas l'amour... Non seulement il le soumit à ses devoirs, il s'en servit peut-être encore comme d'un moyen plus sûr pour les remplir » (7).

En réalité, Hoche, en butte à bien des séductions et bien des pièges (Cueno) ne fut pas un mari fidèle et « il en sera ainsi partout où il apparaîtra » soupire l'infortunée Adélaïde.

Une des plus célèbres maîtresses prêtées à Hoche, et sans doute la rivale la plus dangereuse d'Adélaïde, fut Joséphine de Beauharnais, que Hoche connut en prison sous la Terreur. Barras, lassé de sa maî­tresse, voulait s'en débarrasser sur Hoche avant de trouver Bonaparte. Le divorce était devenu chose courante et un mariage à peine consommé avec une lointaine provinciale de 16 ans sans expérience ne devait pas être un obstacle insurmontable.

Nous rappelons cette liaison parce qu'elle est pour Gavoty (11) l'occasion de décerner à Adélaïde un hommage, et quel hommage : « Dominant de sa frêle silhouette le héros célèbre d'une intrigue où la passion était née de l'angoisse des prisons, avait crû dans le fracas des armes et s'était éteinte dans le choc des intérêts, Adélaïde force le respect et l'admiration. Durant 62 ans, sans ostentation comme sans défaillance, la veuve de Hoche vivra dans le culte du héros à qui elle avait, à l'âge de 16 ans, engagé sa foi, si bien que, dans ce drame dont elle avait été la consciente victime, c'est elle, l'ingénue au cœur fidèle, qui, changeant d'emploi, fait figure de grande amoureuse ».

Hoche avait jadis beaucoup fréquenté la Comédie Française où il assurait le service dévolu aux Gardes Françaises. Il s'y était imprégné de Molière. Il s'autorise à poursuivre l'éducation de sa jeune épouse dans l'esprit du bonhomme Chrysale des Femmes Savantes et, lui aussi, demande à sa femme d'être une bonne cuisinière plutôt qu'un bel esprit. Il l'encourage toutefois à se livrer à la géographie, à la poésie et à la musique qu'elle enseignera ensuite à son mari. Il demande à son beau-père chargé de la surveillance de la « jeune plante » de veiller à ce qu'aucun roman ne vienne empoisonner son âme et faire naître des désirs corrupteurs. Qu'elle lise les œuvres de Condillac et l'Emile mais surtout pas la Nouvelle Héloïse.

Adélaïde ne semble pas avoir fait d'objection à ce programme anti­féministe conforme en tous points aux idées des révolutionnaires de l'époque qui coupèrent la tête à Olympe de Gouges pour avoir, écrit le Moniteur, « oublié les vertus qui conviennent à son sexe ».

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Pour l'éducation des enfants, il fait siens les principes de Jean-Jac­ques Rousseau et il va pouvoir les mettre en pratique. Après le séjour de sa femme à Rennes en germinal au III (mars, avril 1795), il attend la « consolation qu'il désire le plus ». Ce sera un garçon, il s'appellera Charles comme son grand-père Dechaux et on le fera porter sur les fonts baptismaux par la bonne Madame Dechaux. Si, par hasard (ou par malheur), c'était une fille, son prénom n'aura pas plus de trois syllabes. La naissance d'une petite Jenny le 25 nivôse an IV (15 janvier 1796) comble tout de même de joie toute la famille. Le papa Dechaux plante un lilas blanc et Hoche exulte à Paris lorsque la nouvelle lui parvient. Il s'empresse de féliciter sa femme et lui promet que leur fille aura un petit frère l'année suivante.

Mais, obligé de repartir en Bretagne, il attendra plus d'un an avant de pouvoir embrasser sa petite Jenny lors d'un bref séjour d'Adélaïde à Paris en février 97. Pour son éducation ultérieure, Hoche cède à l'an­glomanie. A la veille des combats de Quiberon, alors que la flotte an­glaise va croiser dans la baie, il précise que son enfant recevra une éducation anglaise qui ne fait pas comme la française « des polissons de nos fils, et de nos filles des coquettes étourdies ou des Agnès que la timidité rebute ».

Le jeune père de 1795 n'est plus le sans-culotte maratiste de 1793. Les relations aristocratiques nouées en prison puis dans les guerres de l'Ouest, les conseils de Le Veneur, son premier général, toujours vénéré, en ont fait un homme nouveau. Sa tenue vestimentaire, son langage, son comportement en société ont changé. Il devient un « mari musca­din » dont la femme doit être à la dernière mode.

Il a évolué spirituellement. Le pacificateur de la Vendée estime que la fin des hostilités vaut bien une messe. Il invite les chouans à prier Dieu et ses officiers à assister aux cérémonies religieuses. Il de­mande que son enfant, sans être un capucin, soit baptisé et connaisse un culte car « la religion », écrit-il, « nous console et qui pratique la morale de l'Evangile, ne peut être un méchant ».

En 1796, Hoche est en recherche de la vérité «en attendant le jour où sa raison plus éclairée lui fera adopter un parti selon les aspira­tions de sa conscience ».

Il est vrai que Hoche, dont l'intelligence précoce n'était pas passée inaperçue, avait reçu, malgré son extraction des plus modestes, une éducation générale et religieuse chez les frères de Saint-Germain et l'abbé Legrand. Il y avait appris assez de latin pour le lire dans le texte et continuer toute sa vie à le perfectionner ; il adopta d'ailleurs une devise en latin : « Res non verba » : (des actes et non des mots), ce qui, par parenthèse, ne l'empêcha pas de beaucoup écrire.

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La prison et l'angoisse de la mort ont participé à cette évolution mais le rôle discret d'Adélaïde est peut-être aussi à prendre en compte. Certaines des affirmations de Hoche pourraient être une réponse aux interrogations de son épouse, qui vécut et mourut en catholique, sollici­tant pour elle et son mari les prières de l'Eglise.

En juillet 1797, Hoche est à Metz au sein de sa famille dans la maison des Jaunez, rue Saint-Marcel. Ce pourrait être une période de bonheur. Pour la première fois, Adélaïde a récupéré son mari dans un vrai foyer familial et Hoche écrit au Directoire sa satisfaction de « pouvoir trouver un moment de repos... qui lui permet de jouir à Metz des embrassements de sa famille ». Les préliminaires de paix de Leoben permettent au général en chef de l'armée de Sambre-et-Meuse de souf­fler. Ils sont en pays ami et Hoche et Adélaïde sont entourés de sollici­tude.

Le sextidi 26 messidor an V, Hoche assiste avec sa famille à la fête commémorant le 14 Juillet. La municipalité de Metz lui a réservé un véritable triomphe. Il en est très ému.

Mais c'est la politique intérieure qui menace maintenant la tran­quillité du couple. Hoche, compromis dans les préliminaires de Fructi­dor, se sent menacé. Il quitte Metz le 15 thermidor (2 août 1797) pour regagner son armée en Allemagne. La municipalité de Metz, pour l'ho­norer, lui organise un départ en fanfare. Ses amis sont frappés de son abattement. Contrairement à ses habitudes, il emmène avec lui, au quartier général de Wetzlar, sa femme et sa fille comme pour les mettre, au sein de son armée, sous la protection de ses fidèles, entre autres Ney, Lefebvre, Soult et son beau-frère Debelle. On le voit se promener avec sa fille au bord du Rhin, la faisant admirer à ses soldats. Il court avec Adélaïde à la foire de Francfort et lui achète des colifichets. Ce sont les derniers jours de bonheur.

Le découragement et les soucis aggravent dangereusement son état de santé. Il refuse d'aller se reposer à Metz ; il continue à commander son armée et à suivre l'évolution politique.

Le 3e jour complémentaire de l'an V, ou 19 septembre 1797, Hoche meurt à Wetzlar, âgé de 29 ans, au cours d'une hémoptysie tubercu­leuse. Adélaïde, désespérée, effondrée, est à son chevet avec Jenny, sa fille. Elle est enceinte de 6 mois, c'est pourquoi on préfère la ramener à Metz avant les grandioses funérailles militaires de son mari. Mais, le 29 vendémiaire ou 20 septembre, elle fut invitée à la pompe funèbre célébrée à Metz dans l'église du Centre, ex-cathédrale (12).

Le 2 novembre 1797, à Metz, elle donne le jour prématurément à Lazare-François Hoche. Ce fils tant désiré ne survivra pas.

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Mariée à 16 ans, veuve à 19, Adélaïde, encore mineure, est mise sous tutelle ainsi que sa fille Jenny. Dorénavant, elle ne veut être que la veuve Hoche, signant ainsi toutes ses lettres. Les buts de sa vie seront d'exalter la mémoire de son mari, d'élever sa fille dans le souvenir de son père et, plus tard, d'entretenir chez ses petits-enfants le culte de leur grand-père.

Elle était au bord de la gêne financière. Debelle demanda pour elle une aide au conseil des Cinq-Cents. Pour résoudre ses embarras, elle quitta Metz et se fixa à Paris chez sa sœur Justine Debelle dont elle partagea l'existence.

Elle veilla à se tenir à l'écart de la vie politique et de la cour consu­laire puis impériale où trônait sa rivale Joséphine.

Napoléon, toujours très grand marieur, aurait désiré lui faire épou­ser un de ses maréchaux. Plusieurs sollicitèrent en vain sa main. Et pourtant, à 20 ans, la veuve Hoche était charmante si l'on en croit la description que le général Hardy (13) en faisait à sa femme dans sa lettre du 11 fructidor an V (11 août 1797), quelques semaines avant la mort de Hoche : « Madame Hoche est jolie, aimable, jeune comme toi, intéressante sous tous les rapports... ; la charmante femme ! ». J'ai pu admirer dans la salle d'honneur du château de Gaillefontaine le portrait qu'Asperi a fait d'elle en 1798. « La veuve de 20 ans, blonde aux grands yeux clairs et aux traits réguliers » (Gavoty) s'est fait repré­senter avec un voile de deuil sur ses épaules et sa fille Jenny pressée contre son sein pour affirmer qu'elle n'était plus dorénavant que veuve et mère.

Les ennuis d'argent ne lui furent pas épargnés. Bien qu'elle ait refusé la charge de dame d'honneur de Marie-Louise, Napoléon la tira finalement d'affaire en lui attribuant une rente de veuve de maréchal.

Debelle, son beau-frère, brillant artilleur, le « Lasalle de l'artillerie légère », périt dans l'expédition de Saint-Domingue, ainsi que son frère François Honoré Dechaux, jeune polytechnicien plein d'avenir.

En 1800, elle acquit à tempérament la terre de Gaillefontaine, près de Forges-les-Eaux, en Normandie, domaine sur lequel Pauline de Beaumont, égérie de Chateaubriand, avait des droits. Celle-ci mourut en 1803 avant la fin des tractations et c'est avec Chateaubriand que fut réglé le solde. Avec cet argent, celui-ci fit élever à Pauline un monu­ment à Saint-Louis-des-Français.

Elle perdit cinq de ses sept petits-enfants.

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L'imposant château actuel, de style gothique, n'existait pas. Il fut construit par le petit-fils de Hoche et d'Adélaïde en 1908. Accueillie dans une communauté religieuse, elle résida en bordure du village dans une simple maison qui est toujours debout mais paraît abandonnée. Partageant la vie des villageois, elle vécut là, entretenant ses propriétés. Plus tard, elle fit à Paris de longs séjours réguliers chez sa fille et chaque année elle se rendait en pèlerinage à Versailles à la maison natale de son mari et, depuis 1832, sur la place où s'élevait la statue de Hoche.

Napoléon destinait Jenny au fils du maréchal Lefebvre, mais elle épousa le vicomte des Roys en 1814. Celui-ci était issu d'une vieille famille légitimiste du Velay qui devait donner plusieurs parlementaires au pays. Ainsi le cœur de la fille du héros de 1793 s'enflamma pour un bel aristocrate, comme celui de sa mère l'avait fait pour un jeune général républicain. Deux petits-enfant seulement survécurent et Adé­laïde, lors de ses séjours à Paris, s'attacha à leur éducation.

Une tendre complicité la liait à son dernier petit-fils, Ernest des Roys avec lequel elle entretenait une correspondance suivie.

Voici quelques extraits du portrait qu'Ernest des Roys a laissé de sa grand-mère : « Je ne la connus jamais jeune mais je la vis toujours belle... A 80 ans, ma grand-mère rougissait encore tant son âme avait conservé le velouté et la pudeur que l'on trouve chez les jeunes filles... Loin de ressembler aux vieillards qui disent toujours « de mon temps », elle trouvait que le temps présent avait amélioré le sort de chacun et elle ne voulait pas le repousser comme lui échappant... Elle aimait les jeunes gens, se mettait à leur portée, leur parlait du passé mais jamais comme d'un exemple, seulement comme d'un conseil ».

C'est au cours d'un séjour à Paris, rue Saint-Dominique, qu'Adé­laïde mourut le 10 mai 1859 à l'âge de 81 ans.

Les obsèques en l'église Sainte-Clotilde réunirent à la fois les hum­bles qu'elle avait aimés et les grands qu'elle avait fréquentés. A Versail­les, un prêtre, fils et neveu de soldats de Hoche, célébra au milieu d'une grande affluence des messes à la mémoire de Lazare et d'Adélaïde.

Enterré d'abord au Père-Lachaise, le corps d'Adélaïde fut inhumé ensuite à Gaillefontaine. Les cendres de Hoche, pour des raisons que je n'ai pas à développer ici, ont été finalement déposées à Weissenthurm sous l'imposante pyramide élevée par Krahe au bord du Rhin, à la demande de son armée. Ce monument récemment restauré par la France, gardé et très bien entretenu par un ancien militaire français, domine le panorama de ses dernières victoires. La tombe de Hoche est entourée du respect des populations rhénanes.

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Avant de nous séparer d'Adélaïde, puis-je vous emmener vers d'au­tres lieux qui conservent le souvenir de nos héros :

Sur le Geisberg, près de Wissembourg, il n'y a plus que les débris de la stèle élevée à la gloire des vainqueurs de 1793 et des soldats mal­heureux de 1870. Ce monument avait en 1909 rassemblé l'Alsace fran­çaise comme celui de Noisseville l'avait fait pour les Lorrains en 1908. Il a été détruit en 1940.

A Quiberon, où toutes les passions ne sont pas éteintes, les plasti­queurs de 1974 et 1978 se sont vengés sur son effigie du massacre des émigrés et de la perte des libertés de la Bretagne. Ils n'ont fait qu'écor­ner le bronze qui représente Hoche contemplant, le visage triste, le théâ­tre de son amère victoire.

Au Geisberg, à Quiberon, à Weissenthurm, Hoche appartient uni­quement à ses soldats. Mais en d'autres endroits, le souvenir d'Adélaïde est intimement lié à celui de son mari. A Versailles, on se souvient encore qu'elle venait tous les ans se recueillir devant la statue de Hoche, depuis 1832, date à laquelle elle avait assisté à l'inauguration. Elle n'ap­préciait guère le marbre, à l'antique, trop dénudé de Lemaire et vit avec satisfaction celui-ci remplacé en 1836 par le bronze actuel de Mil-homme coulé dans les canons d'Alger. (14).

A quelques pas de là, l'église Notre-Dame de Versailles a recueilli le 28 juillet 1860 le cœur de Hoche primitivement déposé dans le caveau de famille du Père-Lachaise. La ville de Versailles voulut associer le souvenir d'Adélaïde à celui de Lazare, par l'inscription suivante : « Ce monument a été élevé par la ville de Versailles pour recevoir le cœur de Lazare Hoche, général en chef des armées françaises, mort à 29 ans, pacificateur de la Vendée, vainqueur des ennemis de la France à Landau, Weissembourg (sic), Quiberon, Neuwied et pour conserver la mémoire d'Adélaïde Dechaux qui pendant 62 ans de veuvage s'est montrée digne gardienne de ce grand nom ».

Adélaïde, elle, repose à Gaillefontaine dans le silence d'une clai­rière, à l'abri d'une chapelle construite au début du siècle. Elle a été recueillie par la famille des Roys. Ornées des armes de cette famille, les pierres tombales de ses descendants, tous titrés, entourent celle de la simple Anne Adélaïde Dechaux : « Née à Thionville le 14 février 1778, décédée à Paris le 10 mai 1859, mariée à Thionville le 11 mars 1794 à Louis Lazare Hoche, général en chef des armées françaises, veuve le 19 septembre 1797. De profundis».

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Mais cette plaque est aussi ornée d'un écusson : ce sont les armes qu'Adélaïde a données à Hoche : un grand H entouré d'une couronne de lauriers avec en pal une épée surmontée de la devise du héros : « Res non verba ».

Le mausolée, érigé primitivement au Père-Lachaise en mémoire de Hoche, recouvre la tombe. Il est frappé des mêmes armes, rappelle les victoires du général, le lieu de sépulture de son corps en Allemagne et de son cœur à Versailles avec en conclusion l'abréviation de la prière chrétienne : Requiescat in pace - R.I.P.

Pendant que je me recueillais devant cette tombe et ce mausolée, j 'avais à mes côltés le marquis des Roys, descendant direct de Hoche et d'Adélaïde par son père et de Jules de Polignac par sa mère. A la veille du bicentenaire, j'enregistrais le clin d'œil que nous adresse l'his­toire et qui nous interdit tout sectarisme : dans le cœur de mon aimable hôte, descendant à la fois d'une simple fille de chez nous et des plus grands noms de la vieille France, circulait le sang des deux plus ardents défenseurs, l'un de la République, l'autre de la Royauté légitime.

Ainsi la destinée n'a pas réuni dans la même tombe Adélaïde et Lazare, mais leurs descendants, comme les habitants de Versailles ont tenu à ce que le souvenir de l'un soit indissociable de celui de l'autre.

Et chez nous ? A Thionville, il y a une rue « Lazare-Hoche, général en chef de l'armée de la Moselle ». Le curieux pourra contempler avec émotion aux archives de cette ville l'acte de baptême d'Adélaïde et sur­tout l'acte de mariage d'Adélaïde et de Lazare avec les signatures des deux jeunes gens, de leurs parents et de leurs témoins.

A Metz, le buste commandé à Pioche en 1797 par la municipalité ne fut jamais réalisé car le portrait destiné à servir de modèle avait déjà été envoyé au Directoire par d'Adélaïde. (15).

Aux archives municipales, on peut trouver quelques journaux de l'époque relatant le passage de Hoche, puis de sa veuve dans notre cité et décrivant la pompe funèbre célébrée en son honneur à la cathé­drale (16).

Rue Saint-Marcel, la maison des Jaunez où habitait très probable­ment Hoche et où Adélaïde fut recueillie après sa mort n'existe plus. Il s'agissait de la grange St-Marcel qui fut détruite en 1800 pour le percement du prolongement de la rue du Pont-Saint-Marcel (17).

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Le père d'Adélaïde, François Hubert Dechaux y habita de 1796 à 1800, date à laquelle il quitta Metz pour aller à Paris. Le conseil de l'administration municipale lui accorda un certificat de civisme et de moralité. Mais il faut signaler que le 4, rue Saint-Marcel appartenait aussi au grand-père d'Adélaïde et que son beau-frère Debelle, mari de Justine Dechaux, acheta l'hôtel de Redon au numéro 38. Rien dans ce quartier ne rappelle que Hoche y passa les derniers temps de sa vie.

De nombreuses villes de France, qui n'ont pas nos raisons, s'hono­rent d'une rue, d'une place ou d'un square Hoche. Je n'ai pas su en trouver à Metz.

Sauf erreur de ma part, il n'y a non plus ni caserne, ni quartier, ni fort pour rappeler à Metz ou en Moselle le nom du général en chef de la glorieuse armée de la Moselle. Cette étonnante carence de notre mémoire m'a semblé, à la veille des commémorations de 1789, devoir être rappelée ici devant les représentants des autorités civiles et militai­res de la ville et du département.

Au terme de cet exposé, limité par un horaire qui ne permet pas de plus longs développements, vous trouverez, peut-être, que sous pré­texte de vous présenter Adélaïde, j 'a i beaucoup parlé de Hoche.

Mais il est également impossible de parler de Hoche sans faire intervenir Adélaïde. J'en prends à témoin Jean-Paul Palewski (18) qui, en 1968, lors du 2e centenaire de la naissance de Hoche, prononçait à l'Académie de Versailles une conférence ayant pour titre « Lazare Hoche ». C'est par un admirable hommage à Adélaïde qu'il jugeait bon de conclure. Je fais miennes ses conclusions :

« Adélaïde Dechaux, veuve inconsolable du général Lazare Hoche, gardienne jalouse du nom, du foyer, de l'enfant, Adélaïde Dechaux, petite amoureuse de 20 ans sut porter pendant des lustres le culte du héros avec tendresse et respect, digne de l'amour qu'elle inspira, digne du soldat, digne de l'idéal forgé depuis les années d'enfance à l'école des Frères de Saint-Germain-en-Laye. Adélaïde Dechaux incarne la pu­reté dans nos rêves ».

Si des personnages divers jouent dans l'âme de Lazare Hoche tan­tôt une comédie de vie, tantôt un drame chrétien, tantôt inspirent un héros, Adélaïde demeure simple, toute raidie dans son seul amour, tout illuminée par la gloire de l'homme, toute confiante dans la grâce de Dieu.

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1. Begin (E.), Hoche et Debelle dans Mém. Ac. Nat. Metz, 1838-39, p. 86 et suiv.

2. Lamartine, Histoire des Girondins, 1847, t. VII, p. 93-107.

3. Garnier (R.) , Hoche, 1986.

4. Alanic (M.) , Le mariage de Hoche et le roman de Vamour conjugal, 1928.

5. Bonnechose (F.), Lazare Hoche, général en chef des armées de la Moselle, d'Italie, des côtes de Cherbourg, de Brest et de l'Océan, de Sambre-et-Meuse, 1793-1797, 1872.

6. Cueno D'Ornano (E.), Hoche, sa vie, sa correspondance, 1892.

7. Rousselin (A.), Vie de Lazare Hoche, 1800.

8. Roth (Fr.), Les Lorrains entre la France et VAllemagne, 1981.

9. Les Amours de Hoche à Vannes, dans Nouvelle revue de Bretagne, 1950, IV, 235, 319, 399.

10. Gain (A.) , La Restauration et les biens des émigrés.

11. Gavoty (A.) , Joséphine, Hoche et Bonaparte dans Revue des Deux Mon­des, 15 avril 1958, p. 677 et suiv.

12. Paquet (R.) , Bibliographie analytique de l'Histoire de Metz pendant la Ré­volution.

13. Hardy (J.), Correspondance intime recueillie par son petit-fils, le Général Hardy de Perini, 1901.

14. Damien (A.), Survie de Hoche dans Revue de l'histoire de Versailles, LXV, 1980-1981, p. 19 et suiv.

15. Klipffel, Hoche à Metz dans Cahiers lorrains, mars 1928, n° 3, 7% année, p. 61-63.

16. Journal départemental de la Moselle, de la Meurthe, etc., 28 vendémiaire, an. VI ( № 4) et 4 brumaire an VI (n° 17).

17 Barbé (J.-J.), A travers le vieux Metz - Les maisons historiques, 2 vol.

18. Pawewski (J.-P.), Lazare Hoche. Conférence prononcée le 23 février 1968 pour le 2e centenaire du général Hoche, 1768-1968.

19. Privât. Notes historiques sur la vie morale, politique et militaire du général Hoche par le citoyen Privât, un de ses aides de camp, 1851.

20. Fabre (A.) , Hoche, l'enfant de la victoire, 1768-1797, 1947.