La terreY a-t-il une justice de la terre ?

par Corentin Cadiou& Antoine Delhomme

Y a-t-il une justice de la terre ?I. La terre, l’homme et la communauté.II. La folie de l’homme exploitant.III. La terre, miroir de l’homme.

I. La terre, l’homme et la communauté1. Que se cache-t-il derrière la terre ?2. Quels liens rapprochent l’homme et la terre ?3. Où situer la terre vis-à-vis de la communauté ?

Que se cache-t-il derrière la terre ?Définition :

« Le tout passif mais équipé pour l’activité, inerte mais possesseur d’éléments du mouvement. » p.25

Que se cache-t-il derrière la terre ? Terre d’abondance : la Californie

« Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d’arbres fruitiers et les fermes. » p.318

Terre nourricière :« vivre de sa terre » p.56

Terre révoltée Terre déterminée : la tortue et le folle

avoine

Quels liens rapprochent l’homme et la terre ?Lien sentimental :

« Il ne connaissait pas, ne possédait pas, n’implorait pas la terre. Il n’avait pas foi en elle. Si une graine ne germait pas cela ne faisait rien. Si les jeunes plants se fanaient par suite de la sécheresse ou s’ils étaient noyés pas les pluies diluviennes, le conducteur ne s’en inquiétait pas plus que le tracteur. »

p.54

Quels liens rapprochent l’homme et la terre ?Un lien direct et proche :

« Il ne pouvait pas voir la terre telle qu’elle était, il ne pouvait pas sentir ce que sentait la terre ; ses pieds ne pouvaient pas fouler les mottes ni sentir la chaleur, la puissance de la terre. »p.53« Et quand cette récolte poussait et était moissonnée, nul homme n’avait écrasé entre ses paumes les mottes chaudes et n’en avait laissé couler la terre entre ses doigts. » p.53

Quels liens rapprochent l’homme et la terre ?Lien de protection Le fermier protège et entretient sa terre. La terre offre un abri à l’homme.

« Moi, je me plais là-dedans, cria-t-il. J’ai l’impression que personne ne viendra me chercher ici. » p.87

Où situer la terre vis-à-vis de la communauté ?La terre appartient au fermier mais plus encore à sa famille.

« Pas ma terre, notre terre. » p.210« Un homme, une famille chassés de leur terre. » p.211« C’est le commencement … du « Je » en « Nous ». » p.211

Où situer la terre vis-à-vis de la communauté ?Terre et famille partagent leur histoire.

« C’est mon grand père qui a pris cette terre, et il a fallu qu’il tue les indiens, qu’il les chasse. Et mon père est né sur cette terre, et il a brûlé les mauvaises et tué les serpents. […] Et nous on est nés ici. Là, sur la porte … nos enfants aussi sont nés ici. »

p.50

Où situer la terre vis-à-vis de la communauté ?

« mais c’est notre terre. C’est nous qui l’avons mesurée, qui l’avons défrichée. Nous y sommes nés, nous nous y sommes fait tuer, nous y sommes morts. Quand même elle ne serait plus bonne à rien, elle est toujours à nous. C’est ça qui fait qu’elle est à nous … d’y être nés, d’y avoir travaillé, d’y être enterrés. »

p.50

Où situer la terre vis-à-vis de la communauté ?La terre est le lieu du rassemblement familiale.

Une terre = une famille = une vie

« Pour repartir à zéro, on repart à zéro ! » p.323« Fallait que la famille traverse. » p.320

II. La folie de l’homme exploitant1. Métayers vs. propriétaires.2. Cheval vs. tracteur.3. Chronique de la décadence agricole.

Métayers vs. propriétaires« Si un homme a un peu de terre, cette terre est à lui, elle fait partie de lui, elle est pareille à lui. S’il a juste assez de terre pour pouvoir s’en occuper et être triste quand ça ne rend pas, et se réjouir quand la pluie se met à tomber dessus, cette terre c’est lui-même et dans un sens il est grandi parce qu’il en est le propriétaire. Même s’il ne réussit pas, sa terre lui donne de l’importance. » p.56

« Mais qu’un homme possède des terres qu’il ne voit pas, ou qu’il n’a pas le temps de passer à travers ses doigts, ou qu’il ne peut pas aller s’y promener … alors c’est la propriété qui devient l’homme. Il ne peut pas faire ce qu’il veut, il ne peut pas penser ce qu’il veut. C’est la propriété qu’est l’homme, elle est plus forte que lui. Et il est petit au lieu d’être grand. Il n’y a que sa propriété qui est grande … et il en est le serviteur. »p.56

La vision de la terre est différente.

Métayers vs. propriétaires« Si un homme a un peu de terre, cette terre est à lui, elle fait partie de lui, elle est pareille à lui. S’il a juste assez de terre pour pouvoir s’en occuper et être triste quand ça ne rend pas, et se réjouir quand la pluie se met à tomber dessus, cette terre c’est lui-même et dans un sens il est grandi parce qu’il en est le propriétaire. Même s’il ne réussit pas, sa terre lui donne de l’importance. » p.56

« Mais qu’un homme possède des terres qu’il ne voit pas, ou qu’il n’a pas le temps de passer à travers ses doigts, ou qu’il ne peut pas aller s’y promener … alors c’est la propriété qui devient l’homme. Il ne peut pas faire ce qu’il veut, il ne peut pas penser ce qu’il veut. C’est la propriété qu’est l’homme, elle est plus forte que lui. Et il est petit au lieu d’être grand. Il n’y a que sa propriété qui est grande … et il en est le serviteur. »p.56

Le rapport à la terre est modifié.

Métayers vs. propriétaires« Si un homme a un peu de terre, cette terre est à lui, elle fait partie de lui, elle est pareille à lui. S’il a juste assez de terre pour pouvoir s’en occuper et être triste quand ça ne rend pas, et se réjouir quand la pluie se met à tomber dessus, cette terre c’est lui-même et dans un sens il est grandi parce qu’il en est le propriétaire. Même s’il ne réussit pas, sa terre lui donne de l’importance. » p.56

« Mais qu’un homme possède des terres qu’il ne voit pas, ou qu’il n’a pas le temps de passer à travers ses doigts, ou qu’il ne peut pas aller s’y promener … alors c’est la propriété qui devient l’homme. Il ne peut pas faire ce qu’il veut, il ne peut pas penser ce qu’il veut. C’est la propriété qu’est l’homme, elle est plus forte que lui. Et il est petit au lieu d’être grand. Il n’y a que sa propriété qui est grande … et il en est le serviteur. »p.56

L’image du cultivateur est défigurée.

Métayers vs. propriétairesLe propriétaire terrien est éloigné de la terre.

« voitures fermées »« auto fermées »« ils parlaient par les portières » p.47

Les fermiers sont constamment en contact avec le sol.

« Les fermiers […] s’asseyaient sur leurs talons et trouvaient des bouts de bois pour tracer des lignes dans la poussière. » p.47

Cheval vs. tracteur« Derrière le tracteur tournaient les disques luisant qui coupaient la terre avec des lames – de la chirurgie, non du labour – qui repoussaient la terre coupée à droite où la seconde rangée de disques la coupait et la rejetait à gauche ; lames tranchantes qui brillaient, polies par la terre coupée. […]Derrière les herses, les longs semoirs … douze verges en fer incurvées, érigées à la fonderie, aux orgasmes déclenchés par des leviers, au viol méthodique, au viol sans passion. […]Le conducteur mettait en marche et s’éloignait, traçait son sillage et tournait, et les herses ratissaient et les phallus du semoir pénétraient dans la terre. » p.54

Le viol rationnel de la terre par la machine.

Cheval vs. tracteur« Les tracteurs avaient leurs phares allumés, car il n’y a ni jour ni nuit pour un tracteur, et les socs retournent la terre dans les ténèbres et scintillent à la lumière du jour. Et quand un cheval a fini son travail et rentre dans son écurie il reste encore de la vie, de la vitalité. Il reste une respiration et une chaleur, des froissement de sabot dans la paille, des mâchoires broyant le foin, et les oreilles et les yeux sont vivants. Il y a la chaleur de la vie dans l’écurie, l’ardeur et l’odeur de la vie. Mais quand le moteur d’un tracteur cesse de tourner, il est aussi mort que le minerais dont il sort. La chaleur le quitte comme la chaleur animale quitte un cadavre. » p.161

Le vivant et l’inerte.

Cheval vs. tracteur« Quand les portes de tôle sont refermées il rentre chez lui, et son chez-lui n’est pas la terre. » p.162

Chronique de la décadence agricole.Chapitre XIX : conquête de la Californie Les fermiers chassent les occupant

premier des terres (Mexicains, Indiens) : vol des terres.

Batailles pour voler les terres puis pour les protéger.

Le vol devient propriété.

Chronique de la décadence agricole. Les fermiers possèdent (beaucoup) et

petit à petit, ils se détachent de leur terre.« toutes ces choses, ils les avaient, ils en étaient si riches qu’ils finissaient par ne plus les voir. » p.324« Car le fait de posséder vous congèle pour toujours en « Je » et vous sépare pour toujours du « Nous ». »p.212

Chronique de la décadence agricole. Apparition du vocabulaire économique et de

l’argent :« chiffrer », « dollar », « capital », « intérêt », « vendu », « achetées », « argent », « produit »« Et tout l’amour qu’ils portaient en eux se desséchait au contact de l’argent ; » p.325

Fermiers « bons commerçants » « homme d’affaire »

« minables marchants […] de la terre. » p.325

Chronique de la décadence agricole. Passage de l’agriculture à l’industrie.

obligation de vendre obligation de produire

« Et il advint que les propriétaires cessèrent complètement de travailler à leurs fermes. Ils cultivaient sur le papier, ils avaient oublié la terre, son odeur, sa substance et se rappelait seulement qu’elle leur appartenait, se rappelaient uniquement ce qu’elle rapportait et ce qu’elle leur coûtait. » p.326

III. Le terre, miroir de l’homme

1. Que nous apprend la relation de l’homme à la terre ?2. Comment est définie la propriété ?3. La terre, témoin du déséquilibre entre les hommes ?

Que nous apprend la relation de l’homme à la terre ?La terre des métayers est source de : Confiance cf I.2 Sécurité : cachettes : champs de la

famille, « grotte » de Muley, buisson de Tom.

Fierté voc. mélioratif ch.25

Que nous apprend la relation de l’homme à la terre ?Les terres des grands propriétaires traduit leur pauvreté intérieur.

« S’il a besoin d’un million d’arpents pour se sentir riche, c’est qu’il doit se sentir bougrement pauvre en dedans de lui. » p.289

On compare :« Et les mains fouillaient les poches et en tiraient des petites pièces. Devant l’entrée de la tente un petit tas d’argent s’élevait. Et la famille le trouvait là. » p.336-337

Que nous apprend la relation de l’homme à la terre ?Trop posséder mène à la décadence.

« désir de posséder » Ce désir se transforme en :

« Ils en étaient si riche qu’ils finissaient par ne plus les voir. » p.289« De fermiers qu’ils avaient été, ils devinrent de minables marchands de produit de terre. »

p.325

Que nous apprend la relation de l’homme à la terre ?Trop posséder mène à l’incompréhension:

« Les Grands Propriétaires, inquiets parce que pressentant le changement et incapables d’en deviner la nature. Les Grands Propriétaires s’en prenant aux choses immédiates, au gouvernement qui étend son emprise sur tout, à l’unité croissante des groupements ouvriers, aux taxes nouvelles, aux plans; ne sachant pas que ces choses sont des effets, non des causes. »

Que nous apprend la relation de l’homme à la terre ?Trop posséder mène à la peur et la paranoïa

« Les Grands Propriétaires se liguaient, créaient des Associations de Protection Mutuelle et se réunissaient pour discuter des moyens d’intimidation à employer, des moyens de tuer, d’armes à feu, de grenades à gaz. Et toujours planait sur leurs têtes cette menace effrayant – trois cent mille – si jamais ils se rangent sous l’autorité d’un chef – c’est la fin. »

Comment est définie la propriété ?Axe d’étude : 3 conceptions qui définissent 3 classes

Comment est définie la propriété ? Banques.Définition économique & législative des banques :

« C’est la banque, le monstre, qui est propriétaire. » p.51« un papier avec des chiffres dessus » p.50« Pa a emprunté de l’argent à la Banque, et maintenant la banque veut la terre. » p.210

Banque = propriétaire légaux

Comment est définie la propriété ? Banques.Définition économique des banques :

« La banque n’est pas comme un homme. », « le monstre »

p.50« C’est les hommes qui l’ont créé, mais ils sont incapables de le diriger. » p.51

Banque = propriétaire inhumain

Comment est définie la propriété ? Métayers.Définition morale des métayers :

« c’est ça qui fait qu’elle à nous… d’y être nés, d’y avoir travaillé, d’y être enterrés. C’est ça qui donne le droit de propriété. »

p.50« Une récolte – c’est déjà un titre de propriété […]un homme serait fichu de se battre pour conserver une terre qui l’a nourri. » p.331

Comment est définie la propriété ? Métayers.L’apparition de la conscience de classe.

« Vous qui n’aimez pas les changements et craignez les révolutions, séparez ces deux hommes accroupis; faites-les se haïr, se craindre, se soupçonner. Voilà le germe de ce que vous craignez. Voilà le zygote. Car le « J’ai perdu ma terre » a changé; une cellule s’est partagée en deux et de ce partage naît la chose que vous haïssez : « Nous avons perdu notre terre ». » p.211

Comment est définie la propriété ? Métayers.L’apparition de la conscience de classe.

« Pour peu qu’on les laisse s’organiser, c’en est finit de nous. »

Comment est définie la propriété ? Propriétaires.Définition historique pour les Grands Propriétaires :

« Et ces choses [sol, récoltes] devinrent leur propriété, car possession valait titre. »« Les « squatters » se métamorphosèrent en propriétaires. » p.324

Comment est définie la propriété ? Propriétaires.Propriété des Grands Propriétaires : vol et mépris d’autrui.

« Ils volèrent la terre des Sutter et la terre des Guerrero et firent main basse sur les concessions. » p.324« Ils n’ont pas de besoins. Ils ne sauraient que faire de salaires élevés. » p.325

Comment est définie la propriété ? Propriétaires.Propriété des Grands Propriétaires : inscrite à la limite de la légalité.

« Fairfield leur fournissait la nourriture et le whisky, et une fois qu’ils ont eu les papiers, le vieux les leur a repris. […] Il disait que la terre lui avait coûté une pinte de gnôle l’arpent. »

p.333

La terre, témoin du déséquilibre entre les hommes Injustice de l’accès à la nourriture.

« Il y a là un crime si monstrueux qu’il dépasse l’entendement.Il y a là une souffrance telle qu’elle ne saurait être symbolisée par les larmes. Il y a là une faillite si retentissante qu’elle annihile toutes les réussites antérieures. Un sol fertile, des files interminables d’arbres aux troncs robustes, et des fruit mûrs. Et les enfants atteints de pellagre doivent mourir parce que chaque orange doit rapporter un bénéfice. Et les coroners inscrivent sur les constats de décès : mort due à la sous-nutrition – et tout cela parce que la nourriture pourrit, parce qu’il faut la forcer à pourrir. » p.492

La terre, témoin du déséquilibre entre les hommes

« Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. »p.492

La terre, témoin du déséquilibre entre les hommes Injustice de l’accès à la propriété.

« T’as vu la gueule qu’y faisait quand on lui a démoli son carré de navets ? Une vraie tête d’assassin, moi je te l’dis. Ces gars-là, faut les dresser, sans ça ils prendraient tout le pays. »

p.331« C’est beau à regarder mais jamais vous n’aurez le droit d’y toucher. » p.288

La terre, témoin du déséquilibre entre les hommesTémoin de la révolution qui se trame.

« Pas ma terre, notre terre. »« Lorsqu’une majorité a faim et froid, elle prendra par la force ce dont elle a besoin. »

« Les propriétaires les détestaient parce qu’ils se savaient amollis par trop de bien-être, tandis que les Okies étaient forts. »p.327

« la répression n’a pour effet que d’affermir la volonté de lute. »

Conclusion Il existe un lien physique et affectif très

fort entre la terre, l’homme et la communauté.

La culture augmente l’humain, l’exploitation fait la fortune matérielle de l’individu.

La terre nous enseigne une leçon de justice, celle de l’équité (et qui t’es toi ?).

« Les hommes qui ont donnés de nouveaux fruits au monde sont incapables de créer un système grâce auquel ces fruits pourront être mangés. »

p.491

Steinbeck, Les Raisins de la Colère

Merci Joris !