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LA SURSUICIDITE EN BRETAGNE CONTRIBUTION A UNE EXPLICATION SOCIO-CULTURELLE Recherche multidisciplinaire coordonnée par Yannick BARBANÇON, Président de la Mutualité Française Côtes d’Armor Chargé du département Santé Publique de la Mutualité Française Bretagne Novembre 2002

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CCOONNTTRRIIBBUUTTIIOONN AA UUNNEE EEXXPPLLIICCAATTIIOONN SSOOCCIIOO--CCUULLTTUURREELLLLEE

Recherche multidisciplinaire coordonnée par Yannick BARBANÇON,

Président de la Mutualité Française Côtes d’Armor

Chargé du département Santé Publique de la Mutualité Française Bretagne

Novembre 2002

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SOMMAIRE

La sursuicidité en Bretagne _____________________________________________________ 1

Contribution à une explication socio-culturelle _____________________________________ 1

SOMMAIRE _________________________________________________________________ 2

PREAMBULE________________________________________________________________ 6

INTRODUCTION1 ____________________________________________________________ 8

1. Le suicide : une priorité régionale de santé publique ____________________________ 8

2. La mise en place du groupe de recherche _____________________________________ 9

3. Des facteurs à dominante biomédicale________________________________________ 9

4. Des interprétations à dominante sociologique_________________________________ 11

5. Suicide et indicateurs économiques _________________________________________ 12

6. Une approche innovante et multidimensionnelle ______________________________ 12

7. La définition des axes de recherche _________________________________________ 13

8. La méthodologie ________________________________________________________ 14

1ère PARTIE : LE SUICIDE EN BRETAGNE D’HIER A AUJOURD’HUI ____________ 15

1. L’évolution du phénomène suicidaire en Bretagne (19è, 20è siècle) : contribution à une approche historique du phénomène ______________________________________________ 15

1.1 Un phénomène difficile à appréhender _________________________________________ 15 1.1.1. Les sources ____________________________________________________________________ 16 1.1.2. La critique des sources ___________________________________________________________ 17 1.1.3. La faiblesse des informations relatives aux motifs ______________________________________ 18

1.2 De la sous-suicidité à la sursuicidité ____________________________________________ 19 1.2.1. XIXe siècle : la Bretagne épargnée ? ________________________________________________ 19 1.2.2. Le XXe siècle : la montée des périls_________________________________________________ 21 1.2.3. Une croissance relative inquiétante sur deux siècles ____________________________________ 23

1.3 Aujourd’hui, une répartition inégale des suicides dans la région ____________________ 25 1.3.1. Surmortalité par suicide relativement récente__________________________________________ 25 1.3.2. Des variations géographiques des décès par suicide_____________________________________ 25

1 Ce document peut être téléchargé au format PDF sur les sites : www.mutualite.fr et www.orsb.asso.fr

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1.3.3. Suicide et maladies mentales en Bretagne ____________________________________________ 30 2. Une population active bretonne inégalement touchée par le phénomène suicidaire___ 31

2.1 Caractéristiques générales ___________________________________________________ 32 2.2 Dans la population active, le phénomène suicidaire progresse aussi avec l’avancée en age 32 2.3 Toutes les catégories socioprofessionnelles participent à la surmortalité bretonne chez les hommes comme chez les femmes, mais avec une contribution plus ou moins importante suivant les catégories : ___________________________________________________________________ 33 2.4 Données par Catégorie socioprofessionnelle _____________________________________ 36

2.4.1. Les ouvriers ___________________________________________________________________ 36 2.4.2. Les employés __________________________________________________________________ 36 2.4.3. Les agriculteurs exploitants et salaries _______________________________________________ 37 2.4.4. Les professions intermédiaires _____________________________________________________ 37

3. Suicide et grand âge : l’importance du phenomene ____________________________ 38 3.1 L’isolement social, familial ou géographique : facteur aggravant ? __________________ 38

3.1.1. L'isolement social _______________________________________________________________ 38 3.1.2. Maison de retraite et autres établissements d’accueil : lieu de risque ? ______________________ 39 3.1.3. Des méthodes radicales de suicide __________________________________________________ 40

3.2 Les pathologies _____________________________________________________________ 41 3.2.1. Les pathologies psychiatriques au premier rang des causes associées _______________________ 41 3.2.2. La maladie, le handicap et la douleur : les effets de la chronicité___________________________ 42 3.2.3. Les effets d’âge, de date et de génération _____________________________________________ 43

3.3 Des résultats à nuancer ______________________________________________________ 43 3.3.1. Les sous déclarations : ___________________________________________________________ 43 3.3.2. Une augmentation des suicides ou une augmentation des déclarations ? _____________________ 44

4. les tentatives de suicide ___________________________________________________ 44 4.1 Les jeunes scolaires en fonction du type d’établissement fréquenté __________________ 44 4.2 taux de tentatives de suicide __________________________________________________ 45 4.3 comparaison avec d'autres départements français ________________________________ 46

5. Des causes possibles du développement du suicide à l’élaboration d’hypothèses de travail______________________________________________________________________ 47

5.1 La sursuiicidite, une consequence du changement social? _________________________ 47 5.2 Un acte de moins en moins soumis à réprobation _________________________________ 49 5.3 Hypothèses de travail________________________________________________________ 52

2ème PARTIE : DE L’INFLUENCE DES TRANSFORMATIONS SOCIO-ECONOMIQUES FORTES ET BRUTALES SUR L’AUGMENTATION DES SUICIDES ________________ 54

1. Quelle relation entre suicide et environnement économique _____________________ 54 1.1 Recension de la littérature____________________________________________________ 54

1.1.1. relation suicide et culture _________________________________________________________ 54 1.1.2. relation suicide et environnement économique_________________________________________ 55

1.2 Un monde rural en développement en Bretagne__________________________________ 56 1.3 méthodologie : le choix de la méthode ethnosociologique __________________________ 59 1.4 Le choix du canton de Bourbriac dans les Côtes d’Armor _________________________ 59

2. Un contexte irlandais proche de notre région : comparaison avec le comté de Cork __ 60 2.1 Le développement agricole en irlande __________________________________________ 60 2.2 le choix du Comté de Cork en Irlande __________________________________________ 61

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3. De la modernisation au stress : deux études comparables _______________________ 62 3.1 Beaucoup de similitudes : ____________________________________________________ 62

3.1.1. Conséquences sur les relations sociales : _____________________________________________ 62 3.1.2. Changement des rapports du paysan à la nature, aux animaux_____________________________ 62 3.1.3. Changement des conditions de travail : les valeurs des paysans en péril._____________________ 63 3.1.4. Apparition de nouvelles contraintes : administratives et économiques_______________________ 64 3.1.5. La difficulté à suivre _____________________________________________________________ 65 3.1.6. Quelques points évoqués de manière différente ________________________________________ 65

4. Du stress au suicide: deux études comparables________________________________ 66 4.1 Conséquences du fort développement : _________________________________________ 66

4.1.1. En Bretagne : __________________________________________________________________ 66 4.1.2. En Irlande _____________________________________________________________________ 67

4.2 Le suicide : plus facilement évoqué à Bourbriac__________________________________ 68 4.3 Discrétion irlandaise sur le phénomène suicidaire : _______________________________ 68

5. Conclusion d’une comparaison inter région __________________________________ 69

3ème PARTIE : APPROCHE TRANSGENERATIONNELLE ________________________ 71

1. D’un questionnement clinique à la mise en œuvre d’une enquête _________________ 71

2. Résultats de l’enquête transgenerationnelle __________________________________ 74 2.1 La problématique de l’alcool _________________________________________________ 74 2.2 Le poids de l’héritage familial_________________________________________________ 75 2.3 L’importance d’un lien social et familial ________________________________________ 76 2.4 Catégories socioprofessionnelles_______________________________________________ 77 2.5 Une situation financière perçue différemment selon les âges________________________ 77 2.6 Une estime de soi négative____________________________________________________ 78 2.7 Un attachement fort à la mère et à la famille maternelle ___________________________ 79 2.8 La peur de la perte, de la séparation ___________________________________________ 80 2.9 Le deuil pathologique _______________________________________________________ 82 2.10 Sentiment identitaire breton ________________________________________________ 83

3. Conclusion_____________________________________________________________ 86

4ème PARTIE : RECHERCHE ACTION – Approche compréhensive et localisée du phénomène suicidaire et des pratiques préventives __________________________________ 89

1. Méthodologie : des analyses qualitatives, contextualisees et limitees_______________ 89

2. Analyse transversale des travaux de recherche-action coopérative ________________ 96 2.1 Les schémas heuristiques : des approches complexes et multi-factorielles pour comprendre les phénomènes suicidaires et étayer les actions de prévention. ___________________________ 96

3. Conclusion des ateliers de recherche-action coopérative ________________________ 99 3.1 Comprendre le phénomène suicidaire __________________________________________ 99 3.2 Relier et étayer des référentiels et les modalités de l’intervention préventive _________ 102 3.3 Valider des pratiques de recherche et de formation par la recherche _______________ 103

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4. Propositions des ateliers _________________________________________________ 104 4.1.1. Les formes, les cibles, la déontologie des interventions préventives _______________________ 105 4.1.2. La formation des acteurs, professionnels, institutionnels et bénévoles, _____________________ 105 4.1.3. L’information et la sensibilisation de la population,____________________________________ 106 4.1.4. La création d’espaces de communication, d’écoute et d’expression, _______________________ 106 4.1.5. La constitution, l’animation, et la consolidation des réseaux et la formalisation du travail en réseau, 106 4.1.6. Le maillage territorial et le décloisonnement professionnel et institutionnel,_________________ 107 4.1.7. Le soutien aux initiatives expérimentales et innovantes, la valorisation des connaissances, des bonnes pratiques et des ressources,_______________________________________________________________ 107 4.1.8. L’examen critique des violences sociales et institutionnelles génératrices de souffrances, (pression scolaire, traitement institutionnel des suicidants, souffrance au travail)_____________________________ 107 4.1.9. La promotion des recherches et recherches participatives ou coopératives comme vecteur de transformation des savoirs et des représentations, _____________________________________________ 108 4.1.10. L’évaluation dynamique des pratiques, des projets, des politiques. ________________________ 108

CONCLUSION GENERALE __________________________________________________ 109

1. Des conclusions________________________________________________________ 109 1.1 Des confirmations__________________________________________________________ 109 1.2 Des déterminants socio-économiques __________________________________________ 110

1.2.1. L’incidence des transformations socio-économiques ___________________________________ 110 1.2.2. Les conséquences de l’insécurité psychosociale_______________________________________ 110 1.2.3. Le suicide des jeunes ___________________________________________________________ 111

1.3 Des déterminants socio-culturels _____________________________________________ 111 1.3.1. Le basculement des attitudes _____________________________________________________ 112 1.3.2. L’acculturation ________________________________________________________________ 112 1.3.3. Les conduites à risque et les dépendances ___________________________________________ 112 1.3.4. La prégnance de l’histoire familiale ________________________________________________ 113 1.3.5. La perte des repères culturels _____________________________________________________ 113

1.4 Les limites de la recherche __________________________________________________ 113 2. Des preconisations _____________________________________________________ 114

2.1 Intégrer la dimension sante dans les politiques publiques _________________________ 114 2.2 Des objectifs generaux d’action ______________________________________________ 115

2.2.1. Repérer les situations à risque suicidaire, ____________________________________________ 115 2.2.2. Dès lors que l’on se situe dans une optique de prévention primaire, _______________________ 115

2.3 Des objectifs operationnels __________________________________________________ 115 2.3.1. Il convient de revoir le système de recueil de données __________________________________ 115 2.3.2. Des référentiels partagés_________________________________________________________ 116 2.3.3. Une nécessaire évolution des compétences et du financement ____________________________ 116

Bibliographie 118

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PREAMBULE

Comité de Pilotage

Yannick BARBANÇON, coordination et synthèse de la recherche, Président de la Mutualité

Française - Côtes d’Armor, chargé du département Santé Publique et Prévention de la

Mutualité Française Bretagne

Dominique CHAPERON, Médecin Conseil, Échelon Régional du Service Médical de la

CNAMTS, Rennes, représentant l’Assurance Maladie

Chefs de projet du PRS « Souffrance psychique et phénomène suicidaire » de la DRASS

Bretagne, le Dr Brigitte SUBILEAU puis le Dr Dominique DEUGNIER, représentant la DRASS et

l'ARH de Bretagne

Thierry FILLAUT, Président de la Conférence Régionale de Santé de Bretagne

Claude GUILLON, Maître de conférences en Psychologie Clinique, UFR de Philosophie,

Laboratoire de Philosophie des normes, Rennes 1

Equipes de recherche

Agnès BATT, Chercheur INSERM, Faculté de Médecine, Rennes 1

Thierry FILLAUT, Professeur d’Histoire contemporaine, Université Bretagne Sud, Lorient,

Centre de Recherches Historiques sur les Sociétés et Cultures de l’Ouest Européen

(CRHISCO, Rennes 2 – CNRS 6040)

Dr Véronique GRINER-ABRAHAM, Psychiatre des hôpitaux, CHU de Brest

MUTUALITE FRANÇAISE Région Bretagne, Département de Santé Publique, en

collaboration avec le Collège Coopératif en Bretagne, Rennes 2 (Alain PENVEN, Directeur,

Danièle DUJARDIN, Psychologue, Marie-Elisabeth COSSON-HAMON, Sociologue, Laure

BENMOUSSI, Sociologue, Arlette LOHER, Praticien Chercheur)

Alain TREHONY, Directeur de l’Observatoire Régional de la Santé en Bretagne, Rennes

Avec le concours de :

Arnaud CAMPEON, Département de sociologie, Rennes 2

Florence DOUGUET, Maître de conférences en sociologie, Université de Bretagne Sud,

Lorient, Atelier de recherche sociologique (UBO Brest, EA 3149)

Noreen KEARNS, National Suicide Research Foundation, Cork (Irlande)

Gwénola LEVASSEUR, Maître de Conférences, Faculté de Médecine, Rennes 1 (d’après la

thèse de médecine de Gaëlle SALLIOU)

Morgane MENGUY, Psychologue clinicienne, Brest

Dominique MONPLAISIR, Médecin au CHU, Brest 6

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Sabrina ROHOU, Service Promotion de la Santé – Santé Publique de la Mutualité Française

– Côtes d’Armor, Saint-Brieuc

Etude financée par :

Mutualité Française Bretagne

Fonds National de Prévention d’Éducation et d’Information Sanitaire, CNAMTS

DRASS Bretagne et Conseil Régional Bretagne, Contrat de plan Etat-Région

Agence Régionale d’Hospitalisation de Bretagne

Remerciements :

à Élie GUEGUEN, Directeur Régional de l'Action Sanitaire et Sociale de Bretagne pour son

soutien actif à cette recherche.

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INTRODUCTION

Bien que le phénomène suicidaire soit, en Bretagne, reconnu comme une priorité de santé

publique depuis 1996, une connaissance insuffisante des spécificités bretonnes de ses causes

et mécanismes rend aujourd’hui difficile sa prise en charge et, la mise en place d’actions de

prévention primaire.

En Bretagne, l’augmentation du suicide est relativement récente ; le nombre de décès par

suicide a fortement progressé par rapport à la moyenne nationale à partir des années 1950. La

surmortalité bretonne concerne aussi bien les hommes que les femmes, ainsi que tous les âges

de la vie.

En dehors des études épidémiologiques permettant d’observer les tendances évolutives du

suicide, peu de données peuvent expliquer l’importance de ce phénomène dans notre région.

1. LE SUICIDE : UNE PRIORITE REGIONALE DE SANTE PUBLIQUE

Depuis la mise en place des conférences régionales de santé en 1996, le suicide est reconnu

comme une priorité de santé publique en Bretagne. En 1998, le jury de la conférence a

constaté « …l’insuffisance des travaux permettant de mettre en évidence les causes profondes

du phénomène suicidaire en Bretagne » et, a recommandé que soit engagée « une

« recherche-action » pour déterminer les causes psychosociologiques et culturelles pouvant

expliquer la prévalence bretonne, impliquant les réseaux d’acteurs de soins et de prévention ».

De même, la conférence nationale de santé a également appuyé cette recommandation en

proposant en 2001 d’« …améliorer la connaissance du phénomène suicidaire : les tentatives et

les suicides accomplis. ».

En 1996, a été mis en place un Programme Régional de Santé. « Souffrance psychique et

phénomène suicidaire », afin de limiter dans les cinq ans à venir, la progression du phénomène

suicidaire en Bretagne, avec les objectifs spécifiques suivants : mieux repérer les indices et les

caractéristiques du risque suicidaire et, réduire le taux de récidives.

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2. LA MISE EN PLACE DU GROUPE DE RECHERCHE

Le groupe de pilotage régional du P.R.S. « Souffrance psychique et phénomène suicidaire »,

chargé de répondre aux priorités régionales en matière de santé publique, a initialement été

chargé d’analyser les conditions de faisabilité de mise en œuvre de la recherche des

spécificités sociologiques et culturelles permettant d’expliquer la prévalence du suicide en

Bretagne. Au vu de la complexité et la diversité des champs de cette recherche, le groupe de

pilotage a constaté la nécessité de constituer une équipe pluridisciplinaire compétente sur cette

étude. Ainsi, le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales de Bretagne a missionné

Yannick Barbançon, Président de la Mutualité Française Côtes d’Armor, membre du jury de la

Conférence Régionale de Santé, pour constituer un groupe de pilotage et coordonner

l’ensemble de cette recherche.

Si les travaux menés jusqu’alors en Bretagne ne permettent pas de rendre compte des causes

de la prévalence et des spécificités du suicide dans notre région, néanmoins de nombreuses

études menées sur un plan national ou international pointent certains facteurs dits

« favorisants ».

3. DES FACTEURS A DOMINANTE BIOMEDICALE

En premier lieu, sont souvent cités les troubles psychologiques. Ainsi, la plupart des auteurs,

cliniciens, psychiatres, considèrent que 20 à 40 % seulement des gestes suicidaires seraient le

fait de personnes présentant des troubles psychologiques plus ou moins graves et avérés2.

Les indicateurs de mortalité et de morbidité en santé mentale en Bretagne soulignent une

situation bretonne défavorable par rapport à la moyenne nationale et, cette situation ne semble

pas présenter de tendance à l’amélioration3. En effet, la part de la mortalité dont la cause

principale est une maladie mentale, est légèrement plus élevée en Bretagne qu’en moyenne

nationale (2.9% versus 2.6% en 1997). De même, parmi l’ensemble des prises en charge au

titre des affections de longue durée, la part des problèmes de santé mentale est également plus

élevée (17.5% versus 14.6% en 1995). Au regard de la répartition de la morbidité en santé

mentale, la part des dépressions est moindre en Bretagne (12% contre 16 % en France) et,

2 Michel Debout, Le suicide, Paris : Ellipses, 1996. 96p., p.48

93 Alain Tréhony, ORSB, 3 février 2000

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celle des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool y est supérieure à la

France (12% versus 7%). La schizophrénie ne présente pas de différence notable.

Les sources d’information concernant la santé mentale sont difficilement accessibles et, le lien

entre santé mentale et suicide tout aussi difficile à établir. En effet, la pathologie psychiatrique

associée n’est pas toujours facile à constater et peut être aléatoire lors d’un décès.

La consommation d’alcool, réelle priorité de santé publique en Bretagne, est à considérer chez

les personnes suicidantes. Néanmoins, son interprétation est beaucoup plus ambiguë. La

dépendance alcoolique est-elle en elle-même une cause du geste ou une conséquence du mal-

être ?

Durant un siècle et demi, la consommation d’alcool et les taux de suicide ont connu des

évolutions parallèles jusque dans les années 1970 qui sont marquées par une rupture :

l’alcoolisme chute durablement tandis que le suicide progresse4. Comparée à la moyenne

nationale, la situation bretonne quant à la consommation d’alcool reste défavorable au regard

des Indices Comparatifs de Mortalité (ICM) : cirrhose du foie (138,8 pour les hommes et 118,1

pour les femmes en 19985), psychose alcoolique et alcoolisme (respectivement 176,7 et 139,1),

cancers des voies aérodigestives supérieures (149,9 et 114,9).

Sans pour autant établir un lien de cause à effet entre suicide et alcool, c’est plutôt peut être

davantage l’ensemble des toxicomanies et dépendances qui sont à considérer et étudier, plutôt

que l’usage seul d’un produit qui varie en fonction des publics.

De même, peut-on s’interroger sur la sur représentativité des chutes accidentelles et décès par

noyade en Bretagne6. L’ICM par chute accidentelle est significativement supérieur (123,7 pour

les hommes et 109,6 pour les femmes) et les taux de décès par noyade également (2,8 en

Bretagne contre 1,1 pour 100 000 habitants de 15 ans ou plus).

Enfin, concernant les facteurs médicaux propres à chacun, on peut citer la souffrance physique,

qu’elle soit due au handicap, à la maladie, à la douleur…

4 Alfred Nizard, avec la participation de Nicolas Bourgoin et Geneviève De Divonne, Suicide et mal-être social, Population et Sociétés 1998,334 : 1-4 5 www.fnors.org, score-santé niveau 1, octobre 2002 6 www.fnors.org, score-santé niveau 1, octobre 2002

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4. DES INTERPRETATIONS A DOMINANTE SOCIOLOGIQUE

Les travaux sociologiques déjà menés en France sur le phénomène suicidaire tentent de

répondre aux questionnements selon deux angles principaux : la mesure des données sociales

caractérisant les populations et, la compréhension de l’acte suicidaire des personnes.

Durkheim sera pionnier dans cette démarche innovante considérant les comportements

suicidaires comme n’étant pas exclusivement déterminés par des causes individuelles et

personnelles, mais aussi influencés par des contextes sociaux.

Ainsi, le cadre familial, point d’ancrage social, semble avoir un rôle protecteur dans les

phénomènes suicidaires. Le relâchement des liens familiaux peut-il entraîner des répercussions

sur les taux de suicide ?

Le lien entre la fréquence du suicide et l’activité professionnelle a fait également l’objet de

nombreux travaux. On peut par exemple citer l’étude de N. Bourgoin7 qui montre une corrélation

entre le suicide et les catégories socioprofessionnelles les plus défavorisées, notamment chez

les hommes. Selon une étude de l’auteur portant sur trois critères (le niveau d’instruction, les

revenus, et les taux de chômage d’une profession donnée), les écarts aux modèles relevés

mettent en exergue une sursuicidité des professions suivantes : ouvriers agricoles, instituteurs,

employés de la fonction publique et employés administratifs d’entreprise. Qu’en est-il de la

situation bretonne, compte tenu de la distribution différente des professions et catégories

socioprofessionnelles dans une région fortement rurale et agricole ?

Outre le statut socioprofessionnel, l’avancée en âge augmente de manière certaine le risque

suicidaire. En effet, les courbes des taux de suicide en fonction de l’âge donnent à voir, d’une

manière alarmante, la gravité du phénomène. Cette progression du suicide avec l’âge suit les

mêmes tendances en France et en Bretagne, avec néanmoins une surmortalité bretonne à tous

les âges, selon les deux sexes. Cette situation est d’autant plus inquiétante que la population

bretonne est âgée comparée à la moyenne française ; les personnes âgées de plus de 60 ans

représentent 22,3 % de la population bretonne contre 20,4 % en France8; la proportion de

suicides chez les personnes âgées augmente de plus en plus. Une meilleure observation de

ces personnes âgées suicidantes en Bretagne permettrait de mieux appréhender cette

problématique.

7 Nicolas Bourgoin, Suicide et activité professionnelle, Population 1999, 54/1 :73-93

8 DRASS, Mémento STATISS 2000, les régions françaises

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L’isolement social semble être également un élément important dans la compréhension du

phénomène suicidaire. Les facteurs favorisant l’isolement social peuvent être d’origines

diverses, mais aussi liés à l’éloignement géographique. Ce facteur de risque, souvent mis en

exergue dans des études sur le suicide, intéresse particulièrement notre région du fait de son

caractère fortement rural. A l’époque de Durkheim, le suicide était un phénomène

principalement urbain9, mais ces observations sont aujourd’hui totalement inversées avec un

rapport inverse entre la taille des communes et le taux de suicide10 : les communes rurales de

moins de 2000 habitants connaissent les taux les plus élevés.

5. SUICIDE ET INDICATEURS ECONOMIQUES

Plusieurs travaux ont tenté de mettre en corrélation les taux de suicide et la crise économique,

au travers notamment des taux de chômage. Croire que le taux de chômage en France ait un

lien direct sur le suicide serait trop radical. Il s’agit là plutôt de considérer le cadre général de la

conjoncture économique avec sa multitude de facteurs tels que le taux de croissance de la

rémunération des salaires, la consommation, le pouvoir d’achat des ménages ou encore

l’opinion des français sur leur niveau de vie. La perception des ménages sur leur niveau de vie

est tout aussi importante que les indicateurs économiques chiffrés.

Néanmoins, on ne peut nier le bouleversement et le développement économique qu’a subi

notre région depuis une cinquantaine d’année, notamment de par sa spécificité agricole et

agroalimentaire. L’évolution des taux de mortalité bretons du suicide à cette époque, par

rapport à la moyenne nationale peuvent-ils être rapprochés de la conjoncture économique et

des évolutions socio-économiques ?

6. UNE APPROCHE INNOVANTE ET MULTIDIMENSIONNELLE

Ce rapide travail exploratoire sur le phénomène suicidaire permet d’entrevoir l’ampleur et la

complexité du travail de recherche à mener.

Ce phénomène multifactoriel et multicausal nécessite la mise en œuvre d’une recherche

pluridisciplinaire, innovante et multidimensionnelle, entre recherche théorique et recherche

9 Emile Durkheim, Le Suicide, 1981. 463 p.

1210 Debout M, Le suicide, Paris : Ellipses, 1996. 96 p.

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action au service d’un double objectif : l’élaboration de programmes d’actions de prévention

primaires plus efficaces, et une meilleure prise en charge des suicidants et des personnes à

risque en améliorant les pratiques professionnelles.

Il s’agit de mettre en place une approche aussi bien quantitative que qualitative. Les données

sur ce phénomène en Bretagne ne permettent pas en l’état de dresser finement le profil des

populations concernées, ni de mesurer l’ampleur du phénomène en fonction de variables

déterminées. Les auteurs chercheront également à mieux cerner, voire, comprendre le ressenti,

le vécu et peut-être les « motivations » expliquant le geste suicidaire et, repérer en quoi la

région Bretagne est davantage concernée.

Il s’agit aussi de prendre en compte l’étendue de la zone géographique à étudier, à savoir la

région, avec ses disparités infra régionales en terme sanitaire, culturel, économique, social,

démographique…

Pour mettre en œuvre, d’une manière cohérente, une recherche axée sur les divers facteurs

(dimension culturelle, médicale, psychologique, sociologique, épidémiologique, économique,

etc.), des chercheurs et praticiens d’origines diverses ont été sollicités mais aussi des acteurs

de terrain (professionnels et bénévoles) pouvant, eux aussi, à leur niveau, contribuer à cette

production de recherche, afin de veiller à l’opérationnalité future sur le terrain.

7. LA DEFINITION DES AXES DE RECHERCHE

Le comité de pilotage de la recherche a choisi de mener les travaux avec des entrées

thématiques (ex : champ socioprofessionnel; populationnel; basées sur les pratiques des

professionnels ou des bénévoles), tout en alliant une approche transversale, commune à

l’ensemble des travaux, afin de vérifier l’influence de nombreux facteurs sur le phénomène :

sociologiques, psychologiques, culturels (habitudes de vie, pratique religieuse, langue,

identité…). L'hypothèse de travail a plus consisté à établir et démontrer les liaisons existant

entre le phénomène suicidaire et certains facteurs psychosociologiques et/ou culturels, plutôt

qu'à établir un lien de causalité au sens propre, du fait notamment de la multiplicité des facteurs

intervenants. Les travaux ont été conduits en 4 phases :

Phase préalable d’état des lieux du suicide en Bretagne à la fois dans le temps et dans

l’espace : approche historique et évolution du suicide en Bretagne, regard porté sur ce

phénomène tant par la société que par les professionnels, visualisation du phénomène en

13

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fonction des variables disponibles (âge, sexe, zone géographique, profession et catégorie

socioprofessionnelle) afin de mettre en évidence les principales hypothèses de travail.

Phase de vérification des hypothèses :

- vérification de l'impact sur le phénomène suicidaire du développement agricole dans les

années 1960, période où les taux de suicide bretons augmentaient fortement.

- une analyse transgénérationnelle du phénomène pour vérifier l'éventuelle existence de

facteurs spécifiques à la Bretagne et non répertoriés dans les autres régions françaises

ou étrangères. A défaut, vérifier en quoi et pourquoi des facteurs associés connus

conduisent à la prévalence bretonne.

Phase de recherche-action associant de manière active des acteurs de terrain

(professionnels et bénévoles) visant la production de savoir et de savoir-faire utiles dans l’action

et susceptibles de permettre l'élaboration de préconisations pour les actions de prévention

primaire, et l'amélioration des pratiques de terrain.

Cette phase a été entamée avec un décalage dans le temps par rapport aux autres phases

dont elle a permis de conforter les hypothèses et résultats corroborés par les expériences de

terrain.

Phase de synthèse et d’élaboration des préconisations permettant de constituer ce

rapport final.

8. LA METHODOLOGIE

La méthodologie utilisée par chaque équipe de recherche est exposée dans chaque rapport de

recherche (annexes 1 à 7).

Le texte intégral de chacun des rapports de recherche des équipes engagées figure en

annexes 1 à 7.

14

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1ère PARTIE : LE SUICIDE EN BRETAGNE D’HIER A AUJOURD’HUI

1. L’EVOLUTION DU PHENOMENE SUICIDAIRE EN BRETAGNE (19E, 20E SIECLE) : CONTRIBUTION A UNE APPROCHE HISTORIQUE DU PHENOMENE11

Au regard des chiffres du XIXe siècle, l’augmentation récente du phénomène suicidaire en

Bretagne a de quoi inquiéter. Alors que l’on n’enregistrait guère qu’une centaine de suicides

dans toute la région12 dans les années 1830, on en comptabilise plus d’un millier dans les

années 1990 ; quant au taux brut de suicide, il atteint les 30 décès pour 100 000 habitants

quand il ne dépassait pas les 5 pour 100 000.

Il faut pourtant se garder d’exagérer cette évolution tant les données que l’on peut réunir sur la

longue durée manquent parfois de fiabilité. Car la représentation du phénomène rend

d’évidence celui-ci plus ou moins visible dans un contexte où « chaque mort volontaire met en

accusation la société et plus particulièrement ses responsables13 ».

1.1 UN PHENOMENE DIFFICILE A APPREHENDER

Appréhender un phénomène comme le suicide sur la longue durée et dans un cadre régional

n’est pas une chose simple et un avertissement préalable à toute présentation de résultats

s’impose : le travail de l’historien dépend en effet des sources que celui-ci est en mesure de

collecter (à l’encontre d’autres chercheurs en sciences humaines et sociales ou en sciences

exactes qui peuvent tester leurs hypothèses par des enquêtes spécifiques, l’historien n’a en

effet que peu de prise sur le matériau documentaire qu’il exploite) et de leur qualité. Or, du

suicide au XIXe et même au XXe siècle, on ne connaît souvent que peu de choses et les

chiffres, nombreux, que l’on peut réunir doivent être soumis à une critique sévère tant leurs

modalités d’élaboration soulèvent d’évidents problèmes. Car, une fois connues les conditions

de leur élaboration, une question qui peut sembler iconoclaste s’impose : l’évolution du suicide,

telle qu’on peut la reconstituer, n’est-elle pas autant celle des représentations sociales du

phénomène que celle du phénomène lui-même ?

11 Thierry FILLAUT, Professeur d’Histoire contemporaine Université Bretagne Sud – Lorient – Centre de Recherches Historiques sur les Sociétés et Cultures de l’Ouest Européen (CRHISCO, Rennes 2 – CNRS 6040). Cf. annexe 4 12 Les chiffres cités ici sont ceux de la région historique.

1513 Georges Minois, « L’histoire et la question du suicide », L’Histoire, 1995, n° 189, p. 31.

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1.1.1. Les sources

Pour traiter de l’histoire du suicide, les sources sont multiples : publications en séries (Compte

général de l’administration de la Justice criminelle, Annuaire statistique de la France, Statistique

des causes de décès notamment), ouvrages, thèses de médecine et articles sur le sujet, ou

bien encore diverses sources collectées dans les services d’archives (par exemple, rapports

des préfets aux Conseils généraux ou rapports médicaux et administratifs des médecins-chefs

des asiles départementaux, données diverses comme des procès-verbaux de gendarmerie ou

des enquêtes conservées dans les séries M – Administration générale et X – Assistance des

archives départementales).

Mais cette richesse et cette diversité apparentes ne doivent pas faire illusion car le suicide ne

fait pas l’objet d’approches spécifiques, du moins au niveau local. L’on peut ainsi constater un

écart considérable entre la pléthore de travaux généraux relatifs au suicide dès le début du XIXe

siècle et la rareté des données locales. C’est donc souvent aux détours d’autres documents,

comme par exemple des études sur l’aliénation mentale, que l’on obtient des informations.

En revanche, les données statistiques sont plus aisées à repérer car le suicide a toujours fait

l’objet d’un recueil d’information, ce qui témoigne bien du mal-être de la société face à la mort

volontaire. Elles sont de deux types :

• pour le XIXe siècle, il s’agit de données judiciaires (collectées par le ministère de la

Justice auprès des divers tribunaux, ces données étaient ensuite publiées dans le

Compte général de l’Administration de la Justice criminelle14, la seule publication « qui

puisse présenter sur les morts volontaires des indications précises et circonstanciées

puisque chaque suicide dénoncé au ministère public est, de sa part, l’objet d’une

enquête dont les résultats sont consignés dans les comptes transmis15 ») ;

• pour le XXe siècle, des causes de décès enregistrées d’abord par la Statistique générale

de la France puis par l’INSERM : le recueil par département débute en 1906.

Certes, la recherche de ces informations se heurte, au plan local, à la discontinuité des séries

(en ce qui concerne les données judiciaires par exemple, deux dépouillements

complémentaires ont été ainsi nécessaires : celui du Compte général de l’administration de la

Justice criminelle des années 1830 à 1880 puis celui de l’Annuaire statistique de la France de

1880 à 1930 ; dans le premier cas, les données étaient fournies par département ; dans le

second, par Cour d’appel seulement). Elle se heurte également, pour la période la plus récente,

à l’organisation administrative régionale (distinction entre la région historique et la région

14 Jean-Claude Chesnais indiquait en 1976 qu’il n’existait plus à sa connaissance en France que trois collections complètes de cette publication. Pour reconstituer les séries, ont été dépouillées systématiquement les cinquante années conservées à la bibliothèque municipale de Rennes et recherchés par ailleurs des exemplaires des autres années dans diverses bibliothèques et services d’archives de la région.

16

15 Rapport de M. Gustave Humbert, Garde des Sceaux, in Compte général de l’administration de la justice criminelle en France pendant l’année 1880, 1882, p. CXII.

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administrative). Il a été néanmoins possible de reconstituer le nombre des suicides et les taux

de suicide par département, ou au moins pour la totalité de la région16, pour quasiment toute la

période allant de 1835 à 1990.

1.1.2. La critique des sources

Bien entendu, ces données statistiques doivent être critiquées, ce qui est rarement fait dans les

approches rétrospectives existantes. Trop souvent, leurs auteurs -qui ne sont pas historiens-

ont tendance à considérer ces données comme absolument fiables : c’est oublier que les

statistiques judiciaires reflètent à la fois une réalité de terrain de l’activité de la police et de la

justice et que, pendant très longtemps, les statistiques médicales de causes de décès ne

reposaient que sur une minorité de causes effectivement constatées par des médecins (en

1932 par exemple, les causes de décès mal spécifiées représentent ainsi 20,2 % du total des

décès enregistrés en Loire Inférieure et 23,5 % dans le Morbihan ; en 1936, elles en

représentent 24,7 % en Ille-et-Vilaine et 28,9 % dans le Morbihan alors qu’en France, le

pourcentage est un peu moindre puisqu’il s’élève à 20,5 %).

Les conditions d’élaboration des statistiques judiciaires en montrent bien les limites. Ainsi,

comme le souligne Jean-François Tanguy à propos des données relatives à l’Ille-et-Vilaine à

l’orée du XXe siècle, les moyens d’investigation de la police étaient « très insuffisants pour

percer les secrets d’une population qui a encore tendance à dissimuler… ce qui, à défaut d’être

un délit, n’en constitue pas moins un acte honteux17 ». De fait, ces données étaient collectées

au même titre que toutes les morts suspectes « parvenues à la connaissance du Ministère

public et dont il a eu à vérifier l’origine » puisque, aux termes de l’article 81 du Code civil,

« lorsqu’il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d’autres circonstances qui

permettent de le soupçonner, on ne pourra faire l’inhumation qu’après qu’un officier de police,

assisté d’un docteur en médecine ou chirurgie, aura dressé procès-verbal de l’état du cadavre

et des circonstances y relatives ». Les morts violentes survenues dans un lieu public étaient

donc mieux connues que celles survenues dans la sphère privée, tout comme elles l’étaient

mieux à la ville qu’à la campagne, surtout au XIXe siècle : « de façon générale, remarque Jean-

Claude Chesnais, la complétude de l’enregistrement dépend de la distance entre le lieu du

décès et le chef-lieu du canton de rattachement18 ».

C’est pourquoi on ne peut accorder une confiance aux statistiques qu’à la condition de tenir

compte des modalités de leur élaboration.

16 Autant que faire se peut, les données collectées l’ont été pour les cinq départements de la Bretagne historique, ceci pour faciliter les comparaisons sur des bases territoriales identiques (exemple du ressort de la Cour d’Appel de Rennes qui correspond au territoire de la Bretagne historique). 17 Jean-François Tanguy, Le maintien de l’ordre public en Ille-et-Vilaine (1870-1914), Thèse histoire Rennes 2, 1986, p. 429.

1718 Jean-Claude Chesnais, Les morts violentes en France depuis 1826. Comparaisons internationales, Paris, PUF, 1976, p. 6.

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Deux exemples, plus ponctuels, suffiront à illustrer ce propos :

La baisse du suicide à la fin de la guerre 1914-1918 et les années d’immédiate après-guerre ne

s’explique pas tant par une baisse réelle de la mortalité par suicide que par des problèmes de

collecte de l’information : ainsi, pour les départements bretons, on enregistre une forte baisse

pour la Loire-Inférieure en 1918 et 1919 dont la raison est la non-transmission des données

détaillées pour les arrondissements de Nantes et St-Nazaire : tirer des conclusions des chiffres

départementaux devient alors pour le moins hasardeux.

Plus anecdotique, mais non moins significatif, l’exemple d’une forte poussée du suicide à

Plouay en 1935 (dépouillement d’un registre par commune, AD Morbihan, 5M131) : cette

année-là, en effet, cette commune enregistre 21 suicides pour une population de 4380

habitants (contre 3 suicides en 1933, 1 en 1934 et 0 en 1936) ; l’explication est aisée à trouver,

il s’agit d’une erreur de report de ligne (la ligne suivant celle des suicides correspond à autres

maladies et cette année-là, elle n’est pas renseignée).

Ces éléments sont d’autant plus importants que le nombre des suicides est « relativement »

faible : la moindre erreur à la hausse ou à la baisse joue de manière sensible quand on veut

établir des taux et des comparaisons géographiques.

1.1.3. La faiblesse des informations relatives aux motifs

Reconstituer le cours du suicide au fil du temps ne suffit pas ; il faut aussi s’interroger sur les

motifs. Et là, malheureusement, on ne sait rien ou presque rien sur l’origine du geste : pour le

XIXe siècle, les sources judiciaires n’apportent que des informations très ponctuelles. Pour le

XXe, c’est pire puisque les certificats médicaux de décès ne nous sont pas accessibles : on en

est donc réduit aux conjectures.

Ainsi, au XIXe siècle, les motivations du passage à l’acte sont très imprécises. Si alcoolisme et

folie sont souvent mis en avant pour expliquer les suicides, les soucis familiaux, les chagrins

domestiques sont aussi monnaie courante : on peut citer le cas du « nommé Créac’h, [qui] sous

l’influence de soucis, s’était livré dans sa commune à plusieurs tentatives de suicide19 » et fut

interné à l’asile de Quimper.

18

19 Dr Follet et Dr Baume, Considérations administratives et médicales sur l’asile public St Athanase à Quimper, Quimper, Blot, 1856, p. 78.

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Souvent, les soucis évoqués sont à mettre en relation avec la situation sociale des individus,

notamment leur extrême pauvreté20.

De fait, à Rennes, ouvriers, petits employés et domestiques représentent 43 % de l’effectif des

suicides enregistrés par la police dans ses rapports journaliers entre les années 1880 et 1908,

et les personnes sans profession, de 13 à 15 %21.

Il était évidemment très difficile aux autorités d’apporter la moindre explication à la plupart des

suicides, sachant que dans bien des cas (noyades par exemple), elles hésitaient même sur la

nature accidentelle ou non de la mort22. Or, comme le souligne Jean-François Tanguy à propos

de Rennes, « chaque année, on retrouve dans la Vilaine, un certain nombre de cadavres

flottant au fil de l’eau », si bien que « selon la répartition arbitraire » qu’en fera la police, « on

modifiera la statistique des morts accidentelles, des suicides, des homicides23 ».

En outre, bien des familles cherchaient à cacher la cause du décès, à l’instar de cette mère et

de cette femme de Bannalec dont la première réaction, rapporte le gendarme chargé de

constater le décès, avait été de cacher le suicide de leur fils et époux24. Et cela n’est en rien

étonnant compte tenu de la réprobation générale dont le suicide est alors l’objet.

1.2 DE LA SOUS-SUICIDITE A LA SURSUICIDITE

Malgré leurs défauts communs (sous-évaluation possible du phénomène dans le passé,

perception du phénomène par les observateurs) et en prenant quelques précautions pour les

interpréter, les données judiciaires et sanitaires permettent de cerner les grands rythmes de

l’évolution du phénomène suicidaire en Bretagne. Ainsi, un regard cavalier sur la mortalité par

suicide en Bretagne au long des XIXe et XXe siècles met-il en évidence une croissance continue

de ce phénomène.

1.2.1. XIXe siècle : la Bretagne épargnée ?

Au XIXe siècle, la Bretagne semble à l’abri d’un phénomène qui, Durkheim l’a montré en 1897,

touche plutôt les zones urbanisées et industrialisées : en moyenne, pendant tout le XIXe siècle,

20 Tel cet ouvrier de chantier de Concarneau de 52 ans qui ne semble pouvoir sortir sa famille de la « profonde misère » dans laquelle elle se trouve parce qu’il est incapable de travailler « à cause d’une fracture du bras ». Archives départementales du Finistère, 4 M 81, Police judiciaire, rapports divers (suicides, 1857-1870). 21 Pourcentages calculés par Jean-François Tanguy, Le maintien de l’ordre public en Ille-et-Vilaine (1870-1914), Thèse histoire Rennes 2, 1986. 22 Ainsi, le commissaire de police de Rennes hésite-t-il à se prononcer à la suite de la découverte dans la Vilaine en avril 1900 du cadavre de Cécile J., femme D., âgée de 27 ans dont la « mort paraît devoir être attribuée à un suicide » Archives municipales de Rennes, I 52. Police, hygiène publique, justice. Vagabondage, mendicité ; rage, crimes, suicides (1797-1950). 23 Jean-François Tanguy, Le maintien de l’ordre public en Ille-et-Vilaine (1870-1914), Thèse histoire Rennes 2, 1986, p. 432 et suiv..

1924 Archives Départementales du Finistère, 4 M 81, suicides, 1857-1870.

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le taux breton est d’ailleurs inférieur de 40 % au taux national. Pour autant, du suicide en avril

1806 à Rennes du héros malheureux de la bataille de Trafalgar, l’Amiral Villeneuve, disgracié

par Napoléon25, à la tentative de se donner la mort que Jean-Marie Déguignet raconte dans ses

mémoires26, près d’un siècle plus tard, la liste est longue des suicidés en Bretagne.

Dans quelques cas, le suicide atteint même à la Belle Époque des chiffres supérieurs à ceux

des Trente Glorieuses comme c’est le cas à Rennes (taux moyen annuel de 18,5 suicides pour

100 000 habitants pendant la période 1901-1910 et de 12,3 pour 100 000 en 1951-196027). En

outre, après une période de relative stabilité au cours des années 1830 à 1850 (entre 4,5 et 5,3

suicides pour 100 000 habitants de 1835 à 1851) la mortalité par suicide ne cesse d’augmenter

du Second Empire à la Première Guerre mondiale (on passe de quelque 6 à 16 suicides pour

100 000 habitants de 1860 à 1914), avec un pic à la veille de la Guerre.

Figure 1 : Évolution du taux de suicide dans le ressort de la Cour d’Appel de Rennes

entre 1835 et 1930 (taux pour 100 000 habitants)

Taux de suicide en Bretagne (1835-1930)Sources judiciaires

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

12,0

14,0

16,0

18,0

20,0

1835 1845 1855 1865 1875 1885 1895 1905 1915 1925

Taux

pou

r 100

000

h.

Années

Cour d'Appel Rennes

Aucun département n’est vraiment épargné par cette hausse, l’urbanisation jouant toutefois un

rôle majeur dans l’augmentation. Phénomène urbain plutôt que rural, le suicide exerce en effet

principalement ses ravages dans des villes en pleine expansion du fait de l’exode rural : Brest

25 Relaté par Charles Allo, « Après Trafalgar », L’Ouest-Éclair, mardi 24 octobre 1905. 26 Jean-Marie Déguignet, « Mémoires d’un paysan bas-breton » [édition établie par Berner Rouz], An Here, Le Relecq Kerhuon, 1998.

20

27 Cf. Pierre Hardy, Étude climatologique, démographique et sanitaire de la ville de Rennes depuis 1900, thèse pharmacie Rennes, 1965, n° 24.

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et sa banlieue concentrent 24 % des suicides finistériens en 1907, Lorient 20 % des suicides

morbihannais. Mais il ne faudrait pas conclure pour autant que le suicide est un fait purement

urbain : d’une part, parce que le suicide en milieu rural est moins bien connu qu’en milieu

urbain28 ; d’autre part, parce que les populations urbaines sont en moyenne plus âgées (peu

d’enfants en bas âge) que celles des campagnes.

Quant à savoir qui sont ceux qui se donnent la mort, les sources judiciaires permettent d’en

brosser un profil approximatif. D’abord, on ne peut guère douter que le suicide soit un

phénomène de genre : les hommes sont en effet trois à cinq fois plus nombreux que les

femmes à se suicider. Ensuite, quoique critiquable, la loi établie par le mathématicien belge

Adolphe Quételet du « penchant au suicide » qui va « continuellement en augmentant jusqu’à la

vieillesse la plus reculée29 », semble dans ses grandes lignes confirmée ; l’âge moyen des

suicidés est d’ailleurs élevé au regard des structures démographiques de l’époque30 et croît

avec le vieillissement de la population : en 1910, 68 % des suicidés avaient plus de 40 ans.

Enfin, célibataires et veufs sans enfant représentent la moitié du contingent de suicidés en

1883-1885.

Ainsi, s’il fallait dresser un portrait type, la figure du suicidé serait plutôt celle d’un homme mûr

et sans attache qui utilise pour accomplir son acte les moyens les plus facilement à sa portée.

De toute évidence, la pendaison est le procédé le plus utilisé dans les campagnes, avec la

noyade ; en ville, les modes opératoires sont plus variés, sans doute en raison des conditions

d’habitat : comme on peut le constater à lecture des procès-verbaux de police ou de

gendarmerie, on s’y tranche plus souvent la gorge avec un couteau ou un rasoir, on se jette par

la fenêtre de son logement ou bien encore l’on s’asphyxie.

1.2.2. Le XXe siècle : la montée des périls

Tout autant qu’au XIXe siècle, la tendance à la hausse du taux de suicide en Bretagne est nette

au XXe siècle. Les seules années qui sont marquées par un décrochage sont celles

correspondant aux deux conflits mondiaux. Ainsi, en quelque 80 ans, le taux de suicide pour

l’ensemble de la Bretagne historique a-t-il doublé. De l’ordre de 15 pour 100 000 habitants vers

1910, il atteint les 20 pour 100 000 à la fin des années cinquante pour culminer à 30 pour

100 000 au début des années 1990.

Toutefois, on notera que la croissance est assez lente sur la longue durée et que l’impression

de hausse est souvent favorisée par des à-coups dont on peut d’ailleurs se demander s’ils

28 Cf. la remarque de Jean-Claude Chesnais à propos des statistiques sanitaires in Les morts violentes en France depuis 1826, Paris, PUF, 1976, p. 6 : « De façon générale, la complétude de l’enregistrement dépend de la distance entre le lieu du décès et le chef-lieu du canton de rattachement ». 29 Adolphe Quételet, La statistique morale et les principes qui doivent en fournir la base, 1846, cité par Frédéric Chauvaud, De Pierre Rivière à Landru. La violence apprivoisée au XIXe siècle, Brepols, 1991, p. 35.

21

30 Pour mémoire, l’espérance de vie à la naissance en France était de 43,4 ans pour les hommes et de 47 ans pour les femmes en 1900.

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traduisent l’amplification du phénomène ou un meilleur signalement : il pourrait être ainsi tentant

de mettre en relation immédiate la hausse observée dans les années 1970 avec le début de la

crise économique ou les transformations d’une société plus individualiste ; mais il serait tout

aussi intéressant de se demander quel a été l’impact de la prise de conscience du phénomène

suicidaire sur son repérage au cours de cette période : rappelons que c’est au tout début des

années 1970 que le ministère de la Santé lance diverses actions sur la prévention du suicide,

justifiée dans le cadre des études de rationalisation des choix budgétaires, alors même que les

statistiques du suicide montrent que “sa fréquence, au cours de vingt dernières années, a peu

varié” et que “la presse, délibérément, double le chiffre en donnant 14 200 cas, dont la moitié,

soit 7 000 environ, seraient des suicides d’adolescents de 17 à 25 ans [quand] chaque année, il

meurt, en moyenne, 8 000 adolescents de 15 à 24 ans31.

Figure 2 : Évolution du taux de suicide en Bretagne (sources sanitaires) entre 1907 et

1997

Taux de suicide en BretagneDonnées sanitaires (1907-1997)

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

35,0

40,0

1907 1922 1937 1952 1967 1982 1997

Taux

pou

r 100

000

hab.

Années

Bzh Région

De fait, une inversion de tendance peut être observée qui explique ces changements, inversion

que résume en deux phrases Jean-Michel Grignon : « au XIXe siècle, le suicide était un

phénomène urbain : on trouvait les plus forts taux dans les villes. Au XXe siècle, le phénomène

s’est inversé : c’est dans les communes rurales que l’on se suicide le plus32 ». Le fait est patent

et semble incontournable : la cartographie par canton des taux de suicide montre que,

désormais en Bretagne, les plus touchés sont des cantons ruraux. Ainsi, au milieu des années

31Dr Guidevaux, « Commentaires statistiques sur la mortalité par suicide », dans Pour une politique de santé, vol. 4, « Le suicide, La documentation française, 1975, p. 21 et p. 19.

2232 Jean-Michel Grigon, « Le suicide en Bretagne », Octant, n° 26, p. 29.

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1970, la sursuicidité masculine se concentre-t-elle tout particulièrement dans la partie

occidentale des Côtes-du-Nord, une zone de dépeuplement notable (supérieur à 30 % entre

1954 et 1982) fortement marquée culturellement (« communisme agraire »).

D’autres éléments retiennent l’attention, comme l’impact du vieillissement de la population. Car

le suicide reste d’abord une affaire de personnes vieillissantes : 27 % des suicides en 1981-

1984 sont le fait des 65 ans et plus en Bretagne quand cette tranche d’âges ne représentait pas

14 % de la population régionale.

Force est néanmoins de constater qu’historiquement, ce n’est pas tant la question du suicide

des personnes âgées qui a retenu l’attention que celle du suicide des jeunes, au centre des

préoccupations depuis les années 1970. Il est vrai que l’augmentation est considérable : le taux

de suicides des jeunes filles de 15 à 24 ans a doublé entre 1925-1927 et 1981-1982 ; pour les

hommes, il a triplé au cours de la même période33.

1.2.3. Une croissance relative inquiétante sur deux siècles

La tendance générale observée en Bretagne n’a évidemment qu’une valeur relative. Ce qui

frappe aujourd’hui, c’est l’importance du suicide dans la région en comparaison des moyennes

nationales. Il est donc pour le moins nécessaire de faire une telle comparaison sur la longue

durée, et mettre ainsi en évidence les spécificités régionales au regard des moyennes

nationales.

Or, ce qu’il est intéressant de noter, c’est que la moyenne régionale, nettement en deçà de la

moyenne nationale pendant tout le XIXe siècle (l’indice comparatif tourne autour de 50 pendant

toute cette période), la rattrape pendant la première moitié du XXe (l’indice comparatif dépasse

pour la première fois 100 dans les années 1910) pour la dépasser sensiblement et selon un

rythme de croissance élevé à partir des années 1950 (l’indice passe de 110 à 150 au cours de

cette période).

23

33 cf. J. Chaperon et J.M. Chaperon, « La mortalité par suicide des moins de 25 ans dans les régions françaises (1925-1982) », Cahiers de sociologie et de démographies médicales, juillet-septembre 1985, n° 3, pp. 199-220.

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Évolution comparée du taux de suicide en Bretagne (région historique) par rapport à la

moyenne nationale (France = 100)

L'évolution du suicide en Bretagne(1835 - 1997)

0

20

40

60

80

100

120

140

160

1835 1850 1865 1880 1895 1910 1925 1940 1955 1970 1985

Indi

ce (F

ranc

e=10

0)

années

Stat. judiciaires Stat. sanitaires

Tous les départements sont concernés, mais ce sont les Côtes-d’Armor qui enregistrent la plus

forte croissance en un siècle : en 1877-1886, avec un taux de l’ordre de 8,5 suicides pour

100 000 habitants, l’indice comparatif n’est que de 45 ; il dépasse légèrement 100 en 1927-

1936, pour atteindre 183 en 1977-1986.

Ainsi, au fil du temps ne peut-on manquer de souligner le basculement des attitudes vis à vis du

suicide en Bretagne : hier relativement faible, le phénomène suicidaire est aujourd’hui

particulièrement visible. Et bien qu’il concerne massivement les jeunes, il n’en demeure pas

moins surtout le fait de personnes vieillissantes qui, dans un monde dont les repères culturels

traditionnels s’effritent (religion, famille, relations collectives), se trouvent peut-être de plus en

plus confrontées à un isolement social et psychologique générateur de souffrance, en particulier

en milieu rural.

24

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1.3 AUJOURD’HUI, UNE REPARTITION INEGALE DES SUICIDES DANS LA REGION 34

Comme en France, la mortalité par suicide est trois fois plus importante pour les hommes que

pour les femmes.

1.3.1. Surmortalité par suicide relativement récente

La Bretagne connaît aujourd’hui, une surmortalité par suicide comparée à la France, dans

toutes les tranches d’âges et dans les deux sexes : depuis 1974-76 pour les hommes et depuis

1981-83 pour les femmes. Les taux maximums de mortalité ont été atteints en 1981-83 pour les

premiers et 1989-91 pour les secondes.

Évolution de la surmortalité masculine

La Bretagne, dans son ensemble, a présenté une surmortalité masculine par rapport à la

moyenne nationale depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Cette surmortalité a

augmenté de 1954 jusqu’à 1975 pour ensuite se stabiliser autour de plus de 60 %.

Évolution de la surmortalité féminine

A l’exception de l’année 1954, la Bretagne a présenté également une surmortalité féminine

depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Cette surmortalité a fortement progressé de 1968

à 1990 pour se stabiliser ensuite proche de plus de 70 %, avec une croissance dans le temps

différente selon les départements.

En 1996, le taux standardisé de mortalité par suicide des Bretons atteint 6.1 pour 10 000

habitants de 15 ans et plus chez les hommes et 2.0 pour 10 000 chez les femmes. Il est

sensiblement plus élevé que celui de la population française : respectivement 3.8 et 1.2.

1.3.2. Des variations géographiques des décès par suicide

Évolution de la surmortalité variable selon les départements :

Depuis 1962, pour les hommes et 1976 pour les femmes, chacun des départements bretons

observe une surmortalité par suicide par rapport à la France, tous âges confondus. Celle-ci est

supérieure à 60 % pour la période 1995-97.

Chez les hommes :

2534 D’après travaux d’Alain TREHONY, Observatoire Régional de la Santé en Bretagne en annexe 1

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Quelle que soit la période étudiée, le département des Côtes d’Armor est le plus défavorisé. Il

présente la plus forte mortalité par suicide, soit actuellement 7.1 décès pour 10 000 habitants

de 15 ans et plus, contre 3.8 chez les français en 1995-97.

Le département d’Ille-et-Vilaine quant à lui a connu la plus forte progression : plus de 64% entre

1953-55 et 1995-97. C’est le seul département breton à avoir eu un taux inférieur à la France

en 1953-55 ; il a vu sa situation progressivement se dégrader pour rejoindre les niveaux des

autres départements bretons en 1981-83.

Évolution des taux standardisés masculins pour 10 000 habitants de 15 ans et plus

Taux pour 10 000 habitants de 15 ans et plus

8,0

7,0

6,0

Côtes d'Armor 5,0 Finistère Ille-et-Vilaine 4,0 Morbihan Bretagne

3,0 France

2,0

1,0

0,0 1954 1962 1968 1975 1982 1990 1996

Chez les femmes :

Les départements bretons (à l’exception du Finistère) se sont partagés la première place au

cours des périodes étudiées. Actuellement, comme chez les hommes, c’est le département des

Côtes d’Armor qui est le plus défavorisé avec 2.2 décès pour 10 000 habitants de 15 ans et

plus contre 1.2 décès pour la France. Le département du Finistère a connu la plus forte

progression : Plus 155 % entre 1953 et 1997. Ce n’est qu’à partir de 1981-83 que l’écart s’est

creusé avec la France. Jusqu’alors, les départements avaient une situation sensiblement

voisine de la moyenne nationale.

26

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Évolution des taux standardisés féminins pour 10 000 habitants de 15 ans et plus

Taux pour 10 000 habitants de 15 ans et plus

3,0

2,5

2,0 Côtes d' rmor AFinistère Ille-et-Vilaine 1,5 Morbihan Bretagne France

1,0

0,5

0,0 1962 1968 1975 1982 1990 19961954

Les taux de suicide ont connu des évolutions différentes selon les âges, les sexes et les

départements : d’une manière générale, la période charnière critique se situe entre les années

80 et 90, pour connaître une légère amélioration depuis le début des années 90, sauf pour les

femmes dans le Finistère ; la situation des femmes finistériennes de 15 à 64 ans s’est

constamment détériorée au cours de la période, les taux les plus élevés sont ceux de la

dernière période.

Une répartition géographique actuelle inégale Les données précédentes ont montré des disparités géographiques quant à l’évolution

comparée des suicides par département.

Une visualisation cartographique des taux de suicide, à partir des données statistiques les plus

récentes, permet de mettre en exergue des disparités infra départementales, en fonction du

sexe et de l’âge.

27

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Cartographie des taux standardisés des décès par suicide selon les cantons chez les

hommes et chez les femmes

Chez les hommes, les cantons se répartissent comme ceci : 7 % sont en dessous de la

moyenne nationale, 40 % sont compris entre la moyenne nationale et la moyenne régionale,

24% sont compris entre la moyenne régionale et deux fois la moyenne nationale, 29% sont au-

dessus de deux fois la moyenne nationale. Toutefois, aucune zone géographique

correspondant à une délimitation administrative claire (département, secteur sanitaire, pays) ne

se dégage de manière distincte.

Chez les femmes, les cantons se répartissent ainsi : 17 % sont en dessous de la moyenne

nationale, 37 % sont compris entre la moyenne nationale et la moyenne régionale, 28% sont

compris entre la moyenne régionale et deux fois la moyenne nationale, 18% sont au-dessus de

deux fois la moyenne nationale. Toutefois, aucune zone ne ressort clairement.

Néanmoins, on remarque que peu de cantons présentent un taux inférieur à la moyenne

nationale et que la surmortalité par suicide est davantage marquée chez les hommes. Il

28

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conviendrait aussi de visualiser géographiquement la surmortalité par suicide en fonction de

deux générations opposées.

Nous avons ensuite comparé la mortalité par suicide d'une population jeune avec celle d'une

population âgée.

Les effectifs par canton étant trop faibles pour effectuer une comparaison significative, nous

avons utilisé la zone d'emploi détaillée plus importante.

Répartition géographique des taux standardisés des décès par suicide par bassin d’emploi selon deux tranches d’âges (15-34 ans et 65 ans et plus).35

35 L’exploitation consiste dans la représentation cartographique des taux de décès dans deux populations, l’une ayant entre 15 à 34 ans, l’autre ayant 65 ans et plus, réparties selon les zones d’emploi. Les taux standardisés sont calculés en rapportant les effectifs moyens annuels de décès par suicide sur la période 1988-1997 (source : INSERM) à la population au recensement de 1990. La standardisation est réalisée sur les effectifs quinquennaux des deux sexes confondus.

29

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Ces deux cartes, dessinées suivant les zones d’emploi, l’une concernant les 15-34 ans et

l’autre les 65 ans et plus, sont d’un aspect très différent : l’opposition régionale Est–Ouest de la

première est marquée, ce qui n’est pas le cas pour la seconde.

Chez les 15-34 ans, parmi l’ensemble des zones d’emploi de Bretagne, trois d’entre elles

(Morlaix, Lannion et Guingamp) forment un ensemble assez compact qui présente des taux de

décès au moins 2 fois supérieurs à la moyenne nationale ; la zone d’emploi présentant le plus

fort taux est celle de Morlaix : 3.5 pour 10 000 par une moyenne nationale de 1.5. Notons

qu’aucune zone d’emploi ne présente un taux inférieur à la moyenne nationale.

Chez les 65 ans et plus, une seule zone d’emploi se distingue avec un taux de décès inférieur à

la moyenne nationale, il s’agit de celle de Brest (le taux est de 3.8 pour 10 000 pour une

moyenne nationale de 4.1).

Dans les deux tranches d’âges, seulement trois zones d’emploi présentent des taux élevés

(Morlaix, Lannion et Guingamp) : il conviendrait de s’intéresser particulièrement à ces

territoires.

1.3.3. Suicide et maladies mentales en Bretagne36

Répartition des suicides en fonction de la première cause associéeHommes en 1999

0%

20%

40%

60%

80%

100%

5-14 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75-84 85-94 95+Nom

bre

de s

uici

des

en B

reta

gne

en 1

999

troubles mentaux physiques causes pas définies

3036 Observatoire Régional de la Santé en Bretagne, septembre 2002

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Répartition des suicides en fonction de la première cause associéeFemmes en 1999

0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%

100%

5-14 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75-84 85-94 95+

Nom

bre

de s

uici

des

en B

reta

gne

en 1

999

troubles mentaux physiques causes pas définies

Les troubles mentaux représentent une part non négligeable dans les suicides des hommes et

des femmes, mais se répartissent différemment selon les sexes. Ils apparaissent davantage

associés au suicide chez les femmes.

Les analyses statistiques préalables ont donné à voir la mortalité par suicide selon les âges, les

sexes, la situation géographique et la santé mentale. S’intéresser maintenant à la Profession et

Catégorie SocioProfessionnelle apportera un complément utile permettant de mieux

caractériser la population concernée par le phénomène.

2. UNE POPULATION ACTIVE BRETONNE INEGALEMENT TOUCHEE PAR LE

PHENOMENE SUICIDAIRE37

L’étude a porté sur la population active ayant entre 25 et 59 ans de 1988 à 1992, en référence

au recensement général de la population de 1990, et comporte certaines limites : l’analyse

statistique a été réalisée à partir de données disponibles c’est-à-dire les certificats de décès,

qui concerne seulement cette tranche d'âge pour les catégories socioprofessionnelle. D’autres

éléments sont à prendre en compte : le codage (sous ou sur déclaration, mauvaise déclaration

de la profession par rapport à la classification proposée, etc.), d’où quelques biais inévitables

en l’état.

3137 D’après les travaux d’Alain TREHONY, Observatoire Régional de la Santé en Bretagne, en annexe 1

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2.1 CARACTERISTIQUES GENERALES

En 1990, chez les hommes la proportion d’agriculteurs exploitants est un peu plus de 2 fois

supérieure en Bretagne qu’en France métropolitaine, respectivement 9 % contre 4 %. A

l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures sont moins représentés en

Bretagne (11 %) qu’en France métropolitaine (15 %). Les autres professions ne présentent pas

de différences de structure marquées.

Dans la population active féminine, ce sont les employées qui représentent la proportion la plus

importante (47 %), proche de leur niveau national (45 %). En revanche, la part des cadres et

professions intellectuelles supérieures est moins élevée en Bretagne qu’en France

métropolitaine comme chez les hommes. Les agricultrices exploitantes sont fortement

représentées en Bretagne (trois fois plus qu’en France métropolitaine).

2.2 DANS LA POPULATION ACTIVE, LE PHENOMENE SUICIDAIRE PROGRESSE AUSSI

AVEC L’AVANCEE EN AGE

Dans la population active, la surmortalité bretonne par rapport à la France est de plus 83 %

chez les hommes et de plus 63 % chez les femmes.

Taux de mortalité par suicide de la population active selon le sexe et l’âge en 1988-92

80

70

60

50

40 Hommes BretagneHommes France30 Femmes Bretagne

20 Femmes France

10

0 25-29 ans 30-39 ans 40-49 ans

50-59 ans

Source : RGP 1990 - INSEE, INSERM SC8 Exploitation ORS Bretagne

32

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Les taux de mortalité par suicide de la population active augmentent avec l’âge et la

surmortalité bretonne par rapport à la France métropolitaine persiste à tout âge chez les

hommes comme chez les femmes. C’est à partir de 50 ans que l’augmentation des taux de

mortalité par suicide semble plus marquée en Bretagne par rapport à la France.

2.3 TOUTES LES CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES PARTICIPENT A LA

SURMORTALITE BRETONNE CHEZ LES HOMMES COMME CHEZ LES FEMMES, MAIS AVEC UNE

CONTRIBUTION PLUS OU MOINS IMPORTANTE SUIVANT LES CATEGORIES :

Chez les hommes :

Comparé au poids que représente chaque PCS38 dans la population active masculine, trois

catégories présentent des effectifs importants de décès par suicide : il s’agit des ouvriers (47%

des décès, alors que cette PCS représente seulement 40 % de la population active), employés

et agriculteurs.

Indices comparatifs de mortalité par suicide selon la PCS chez les hommes en Bretagne

en 1988-92

ICM Suicides selon la PCS - Hommes - Bretagne - 1988-92

169% 163% 169%154%

163%

210%

0%20%40%60%80%

100%120%140%160%180%200%220%240%

Agriculteursexploitants

Artisans,commerçants

et chefsd'entreprise

Cadres etprofessions

intellectuellessupérieures

Professionsintermédiaires

Employés Ouvriers

Source : RGP 1990 - INSEE, INSERM SC8 Exploitation ORS Bretagne

En éliminant les effets de structure par âge, les ICM39 montrent aussi un risque plus élevé de

décès en Bretagne qu'en moyenne nationale dans toutes les PCS et surtout chez les ouvriers

(risque multiplié par 2,1).

38 Profession et catégorie socioprofessionnelle

3339 Indices Comparatifs de Mortalité

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Effectifs cumulés masculins de suicides en excès en Bretagne estimé selon le niveau de

risque en France métropolitaine en 1988-92

Effectifs cumulés masculins de suicides en excès en Bretagne estimé selon le niveau de risque en France

période 1988-92

123 87 44109 146

3569259

3154

85

394

0

100

200

300

400

500

600

700

800

Agriculteursexploitants

Artisans,commerçants et

chefsd'entreprise

Cadres etprofessions

intellectuellessupérieures

Professionsintermédiaires

Employés Ouvriers

ExcèsAttendus

Source : RGP 1990 - INSEE, INSERM SC8 Exploitation ORS Bretagne

55 % de l’excédent total des décès sont expliqués par les ouvriers, 13 % par les employés et

12% par les agriculteurs exploitants.

Chez les femmes :

La PCS a compter le plus de décès par suicide est celle des employées, avec néanmoins une

proportion moindre comparée au poids de cette catégorie dans la population active féminine.

Vient ensuite celle des agricultrices exploitantes et professions intermédiaires. Toutefois, la

proportion des décès par suicide des agricultrices est deux fois supérieure au poids de cette

PCS dans la population active.

34

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Indices comparatifs de mortalité par suicide selon la PCS chez les femmes en Bretagne

en 1988-92

ICM Suicides selon la PCS - Femmes - Bretagne - 1988-92

160%139% 135%

150%164%

214%

0%20%40%60%80%

100%120%140%160%180%200%220%240%260%280%300%

Agriculteursexploitants

Artisans,commerçants

et chefsd'entreprise

Cadres etprofessions

intellectuellessupérieures

Professionsintermédiaires

Employés Ouvriers

Source : RGP 1990 - INSEE, INSERM SC8 Exploitation ORS Bretagne

Les effets de structure par âge éliminés, le risque de décès par suicide est maximum chez les

ouvrières (ICM : 2,14).

Néanmoins, compte tenu du nombre important d’employées, la majorité de l’excès de mortalité

provient de cette PCC.

Effectifs féminins cumulés de suicides en excès en Bretagne estimé selon le niveau de

risque en France métropolitaine en 1988-92

Effectifs cumulés féminins de suicides en excès en Bretagne estimé selon le niveau de risque en France

période 1988-92

3814 8

39

85

20

55

19

36

23

22

0

20

40

60

80

100

120

140

160

Agriculteursexploitants

Artisans,commerçants et

chefsd'entreprise

Cadres etprofessions

intellectuellessupérieures

Professionsintermédiaires

Employés Ouvriers

ExcèsAttendus

Source : RGP 1990 - INSEE, INSERM SC8 Exploitation ORS Bretagne

35

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2.4 DONNEES PAR CATEGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE

2.4.1. Les ouvriers

Comme chez les agriculteurs exploitants, la proportion d’ouvriers agricoles est aussi très

représentée en Bretagne (5 % versus 3 %).

Toutes les catégories d’ouvriers présentent une surmortalité par rapport à la France

métropolitaine. Le risque de décès par suicide est de 1.5 fois (pour les chauffeurs) à 3.6 fois

(pour les ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et du transport) ceux observés en

France métropolitaine.

La majeure part de l’excès de mortalité par suicide (54 %) provient de la catégorie des ouvriers

qualifiés. Ceci est dû à plusieurs facteurs : les ouvriers qualifiés représentent la plus forte part

des ouvriers en général, leur ICM est élevé, le nombre de décès attendu est aussi élevé.

2.4.2. Les employés

La distribution de la population des employés montre qu’à l’exception des employés

administratifs d’entreprise moins représentés en Bretagne (29 %) qu’en France (35 %), des

proportions sont un peu plus élevées en Bretagne des autres catégories d’employés qu’en

France métropolitaine.

La PCS des employés administratifs d’entreprise est celle qui présente la proportion la plus

élevée dans la mortalité par suicide (38 %) alors qu’elle ne représente que 29 % de la

population totale des employés. L’autre PCS qui se situe dans un rapport défavorable entre

poids dans la mortalité et poids dans la population totale des employés est celle des policiers et

militaires : 14 % contre 8 %.

On observe une surmortalité significative en Bretagne par rapport à la France métropolitaine

parmi les employés à l’exception des employés de commerce. Le risque de décès par suicide

chez les employés varie de 1.4 à 1.8 fois celui observé en métropole.

Les deux PCS qui fournissent la grande majorité de l’excédent de mortalité par suicide sont les

employés civils et agents de service de la fonction publique ainsi que les employés

administratifs d’entreprise. Le principal facteur est l’importance de l’effectif de ces deux

catégories parmi l’ensemble des employés.

36

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2.4.3. Les agriculteurs exploitants et salaries

Taux de suicide pour 10 000 habitants selon la catégorie socioprofessionnelle

Bretagne France

Hommes Femmes Hommes Femmes

Agriculteurs 12,4 5,5 8,2 3,8 Salariés agricoles 22,6 4,8 8,4 3,4

Patrons 7,4 2,6 4,0 1,3 Cadres supérieurs/ professions libérales

2,5 1,6 1,9 1,1

Cadres moyens 3,6 1,6 2,3 1,0

Employés 6,3 1,0 3,5 0,8 Ouvriers 6,7 1,3 3,2 0,8 Personnel de service

6,0 1,7 9,6 0,9

Source : Octant, le suicide en Bretagne, n°26, 1986

Au regard des taux de suicide par PCS, les agriculteurs et plus particulièrement les salariés

agricoles sont davantage concernés par ce phénomène, surtout en Bretagne ; la faible

représentation de ces deux catégories dans la population totale est la raison pour laquelle les

agriculteurs et salariés agricoles ont une part peu importante dans les excès de mortalité.

2.4.4. Les professions intermédiaires

Parmi les professions intermédiaires, trois PCS ont des proportions plus élevées dans la

mortalité par suicide que dans la population totale des professions intermédiaires, ce sont les

instituteurs et assimilés, les professions intermédiaires de la santé et du travail social et les

techniciens.

On observe une surmortalité significative en Bretagne par rapport à la France métropolitaine

chez les professions intermédiaires de la santé et du travail social, chez les professions

intermédiaires administratives et commerciales des entreprises et chez les techniciens. Le

risque de décès par suicide varie dans un rapport de 1.3 à 2 fois celui observé en France

métropolitaine. Ce sont les techniciens bretons qui ont la situation la plus défavorable au sein

des professions intermédiaires.

L’excédent de mortalité par suicide provient de l’ensemble des PCS, à l’exception des

professions intermédiaires administratives de la fonction publique. 37

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3. SUICIDE ET GRAND AGE : L’IMPORTANCE DU PHENOMENE40

Le phénomène suicidaire progresse avec l’âge et ce, de manière accentuée chez les hommes.

Il y a presque deux fois plus de suicides chez les hommes que chez les femmes. Chez les

hommes, les taux de mortalité par suicide augmentent avec l’âge passant de 73/100 000 entre

60 et 74 ans à 111.7 entre 75 et 80 ans et 159.5 après 85 ans. Chez les femmes au contraire,

les taux sont stables à 30/100 000 quelle que soit la classe d’âge, à partir de 60 ans.

La surmortalité masculine par suicide se vérifie également après 60 ans : on constate près de

deux fois plus de suicide chez les hommes que chez les femmes41. Après 85 ans, les taux de

suicides masculins sont 5 à 6 fois plus élevés par rapport aux femmes.

Pour ce qui concerne la répartition par département, comme dans les autres tranches d’âge, le

département des Côtes d’Armor est le plus défavorisé dans les deux sexes. Les taux de

mortalité s’élèvent à 103,8 chez les hommes et 36,7 chez les femmes pour 100 000. Le

Finistère est quant à lui le département le moins touché avec respectivement 76,1 et 23,7 pour

100 00042.

3.1 L’ISOLEMENT SOCIAL, FAMILIAL OU GEOGRAPHIQUE : FACTEUR AGGRAVANT ?

3.1.1. L'isolement social

Chez les hommes, comme chez les femmes, les veuves et veufs présentent des taux de

mortalité par suicide plus importants43. Néanmoins, les hommes et les femmes semblent

accepter le veuvage de manière différente. Chez les hommes, ce sont les veufs qui ont le taux

spécifique de mortalité le plus important à partir de 60 ans (194/100 000 contre 35,4 pour les

femmes), puis les divorcés et enfin les célibataires. Chez les femmes, ce sont les femmes

divorcées qui se suicident le plus (53,3/100 000), puis les veuves (35,4/100 000) et enfin les

célibataires (12,5/100 000).

Le mariage paraît donc être un facteur de protection contre le suicide44, car il est un facteur de

protection contre l’isolement, un facteur de maintien d’un lien relationnel, et surtout affectif.

Il faut retenir que c’est bien le réseau relationnel que l’on a constitué au sein de sa famille et à

l’extérieur qui est important. L’absence d’un tel réseau, lorsqu’il est subi, peut entraîner

40 D’après les travaux de Florence Douguet et Gwénola Le Vasseur (d’après la thèse de Gaëlle SALLIOU) – En annexe 2 et 3 41 Cf. Thèse de Gaëlle SALLIOU en annexe 3 42 Cf. Thèse de Gaëlle SALLIOU en annexe 3 43 Cf. Thèse de Gaëlle SALLIOU en annexe 3

38

44 Durkheim (1897) avait déjà insisté sur le rôle protecteur de la famille, notamment du groupe parents-enfants. Plus que le couple conjugal, c’est la densité de la famille -déterminée par le nombre d’enfants- qui offre ce caractère protecteur.

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l’isolement ou un sentiment de solitude, qui sont deux éléments que l’on retrouve souvent

lorsque l’on tente de trouver des significations à l’acte suicidaire.

Le fait de vivre seul, non entouré, est un facteur aggravant. De tous les facteurs évoqués, ce

sont sans doute la solitude, l’isolement, l’abandon, l’impression de ne plus être utile, ni aimé,

qui jouent le rôle le plus important, au moins dans les dires des suicidants âgés45.

Il est important d’opérer la distinction entre la solitude recherchée (qui permet de se retrouver et

de se donner des forces pour reprendre la relation avec autrui) et la solitude subie, triste et

amère, qui résulte de l’abandon, du rejet, de l’oubli.

A mesure que l’état de santé se dégrade avec l’avance en âge, l’impression de solitude et

d’abandon est plus durement ressentie, notamment chez les hommes46. Cette situation est

rendue plus pénible quand viennent s’y s’ajouter le(s) deuil(s) et l’absence des enfants retenus

au loin pour des obligations professionnelles : la cohabitation des enfants avec leurs

ascendants tendant effectivement à régresser. De ce point de vue, l’analyse des motivations du

suicide n’est jamais facile. Il y a l’événement (un deuil), la situation (isolement, maladie), mais il

y a la façon dont sont vécus l’événement et la situation : culpabilité, frustration, revendication

agressive, tout peut exister dans la conscience du suicidant sans qu’on soit en droit d’affirmer

détenir ainsi la clé d’une stratégie limite, celle de la mort47.

3.1.2. Maison de retraite et autres établissements d’accueil : lieu de risque ?48

Chez les hommes, comme chez les femmes, les taux de mortalité par suicide sont plus

importants en maison de retraite ou autre établissement d’accueil49. Le suicide y est 1.6 fois plus

fréquent avant 75 ans, 1.4 fois après 75 ans, chez les hommes. Les femmes s’y suicideraient

1.2 fois plus souvent que celles demeurant à leur domicile personnel au-delà de 75 ans.

On peut légitimement se poser la question de la fiabilité des sources de données.

Tout d’abord, on peut penser que certains établissements hésitent à faire apparaître la mention

suicide dans leurs déclarations de décès. D’une part, par la peur d’une enquête de police ou de

gendarmerie ou du représentant de l’administration, ressentie sur un mode inquisitorial. Cette

procédure tendant aussi à renforcer le sentiment de culpabilité que peut éprouver le personnel.

D’autre part, la mauvaise image de marque que peut entraîner un tel événement, peut

également être un facteur incitant certains établissements à dissimuler le suicide.

45 Pelicier, 1978 46 Andrian, 1988, 1991 47 Pélicier, 1978 48 D’après la thèse de Gaëlle SALIOU et les travaux de Florence DOUGUET, en annexe 3 et 2

3949 Cf. Thèse de Gaëlle SALLIOU en annexe 3

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Pour L. Duret (1998)50, ces différences sont aussi imputables à la nature des lieux investigués ;

les unités de long et moyen séjour étant des unités médicalisées, il est probable que la

présence infirmière et médicale, la possibilité de trouver un interlocuteur et les soins délivrés au

corps y constituent un rempart contre le suicide. Selon le même auteur, les unités de séjour

prolongé représenteraient des lieux dans lesquels « on réfléchit » à l’avenir de la personne

âgée, où l’on envisage le plus souvent avec elle les possibilités ou non de retour à domicile,

bref un lieu où existe encore une certaine dynamique. La maison de retraite est a priori le

dernier domicile, pas toujours choisi ni désiré par la personne âgée, et c’est bien souvent un

lieu situé à l’écart, où l’attente constitue la principale activité51.

La ruralité : un risque supplémentaire ?52

On remarque également des taux de mortalité par suicide plus importants en milieu rural chez

les hommes comme chez les femmes. Le phénomène est aggravé dans les zones rurales et

dans les communes de moins de 5000 habitants. Plus la taille de la commune augmente, plus

le taux de suicide tend à diminuer.

3.1.3. Des méthodes radicales de suicide

Les hommes et les femmes âgées ont plus souvent recours à la pendaison (62,5% et 45,7%).

Vient ensuite, chez les hommes l’emploi d’arme à feu (15,5%) puis la noyade (10,4%). Les

femmes ont davantage recours à la noyade (28,7%) ainsi qu’aux empoisonnements (10,5%)53.

Ces modalités de suicide (pendaison et noyade) chez les femmes en Bretagne sont plus

fréquentes que celles observées en France (28.5% et 15.6% contre 45.7% et 28.7% constatés

ici). Les empoisonnements volontaires sont peu fréquents mais lorsqu’ils surviennent et que le

produit est connu, il s’agit majoritairement de prises de psychotropes.

Tous les experts soulignent la violence des moyens de suicide chez les plus âgés54, notamment

la pendaison qui constitue la méthode la plus utilisée chez les hommes comme chez les

femmes à partir de 65 ans. Cette radicalité dans les moyens utilisés explique le taux élevé de

réussite des actes suicidaires des personnes âgées55, à l’inverse des jeunes chez qui les

tentatives de suicide sont prédominantes. Le rapport numérique entre les deux conduites

suicidaires tend donc à se réduire à mesure de l’avancée en âge. De plus, il est vrai que les

conséquences d’une tentative suicidaire -même limitée et maladroite- sont souvent plus graves

50 L. DURET, 1998 51 Cf. rapport de Florence DOUGUET en annexe 2 52 Cf. Thèse de Gaëlle SALLIOU en annexe 3 53 Cf. Thèse de Gaëlle SALLIOU en annexe 3 54 Cf. rapport de Florence DOUGUET en annexe 2

40

55 La conséquence étant que les suicidants âgés apparaissent comme des sujets dépourvus d’antécédents suicidaires. L’acte suicidaire chez la personne âgée possède un caractère très brutal (Walter, Labouret, 1995).

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chez le sujet âgé, dans la mesure où l’acte est commis sur un corps vieillissant, un organisme

affaibli, fragilisé qui résiste moins bien à l’agression. La majorité des auteurs s’accordent sur le

fait que l’efficacité des méthodes utilisées par les personnes âgées traduit leur motivation

profonde et leur forte détermination à mourir56.

3.2 LES PATHOLOGIES

3.2.1. Les pathologies psychiatriques au premier rang des causes associées

La pathologie notifiée la plus fréquemment associée au suicide chez les hommes comme chez

les femmes est la pathologie psychiatrique (qu’il s’agisse de la première ou deuxième cause

associée) et la dépression vient ici très largement en tête (pour 38,2 % des cas chez les

hommes et 52 % chez les femmes)57.

Les experts sont unanimes pour affirmer que la dépression constitue un important facteur de

risque suicidaire chez les personnes âgées58. De ce point de vue, la fréquence de la dépression

chez les sujets âgés peut expliquer la prévalence du suicide dans ce même groupe. Ainsi, 80%

des gestes suicidaires de la personne âgée surviendraient dans un contexte de pathologie

dépressive59.

Le plus fréquemment, il s’agit d’une dépression « masquée », modérée, non évidente et non

inquiétante pour l’entourage ou le médecin généraliste. Ce tableau conduit bien souvent à sous

diagnostiquer et donc à ne pas traiter la dépression chez la personne âgée. Ainsi, dans la

plupart des cas, les personnes âgées ayant commis un geste suicidaire ont vu leur médecin

traitant dans le mois précédent ce geste, mais seulement 12% des suicidés avaient un

traitement antidépresseur. D’ailleurs, la découverte même du phénomène dépressif chez le

sujet âgé est très récente60.

Cependant, il semble que la dépression s’avère insuffisante pour recouvrir tous les cas de

suicide, puisque tous les suicidés ne sont pas déprimés lors du passage à l’acte (Hantouche,

1989)61.

La place de la maladie mentale dans le suicide des personnes âgées est difficile à estimer car

dans de nombreux cas, on ne trouve aucun antécédent psychiatrique62. En fait, les conduites

56 <malavaud et al., 1989 ; Simeone, 1985 57 Cf. thèse de Gaëlle SALIOU, en annexe 3 58 Cf. rapport de Florence DOUGUET, en annexe 2 59 De Léo et al., 2001 60 Walter, Labouret, 1995 61 Cf. rapport de Florence DOUGUET en annexe 2

4162 Léger et al., 1987

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suicidaires du sujet âgé surviendraient le plus souvent en dehors d’une pathologie mentale

notoire63. Par ailleurs, il est vrai que la question du lien éventuel entre le suicide et la pathologie

mentale se pose en dehors même du contexte de l’âge64.

3.2.2. La maladie, le handicap et la douleur : les effets de la chronicité

La place des maladies somatiques comme facteurs de risques chez les personnes âgés est

difficile à appréhender, d’autant plus qu’il existe une sous notification importante65. En première

pathologie associée, les cancers représentent seulement 7.4% des premières causes

associées et 2.7% chez les femmes. Ce qui pourrait bien confirmer l’hypothèse d’A.

Hantouche66, selon laquelle le suicide est exceptionnel dans les cas de maladies sévères. Les

atteintes cardiovasculaires apparaissent comme cause première associée mais seulement dans

8.7% des cas chez les hommes et 4.1% des cas chez les femmes. Elles ne semblent pas être,

en elles-mêmes, un facteur de risque particulier de suicide. Il est probable que la somme des

pathologies somatiques associées puisse par contre entraîner des risques supplémentaires.

Néanmoins, certains signalent qu’aux âges élevés de la vie, le suicide peut être lié au refus de

la douleur ou de la dépendance dues aux pathologies chroniques.

La survenue de la maladie peut créer un facteur d’aggravation venant s’ajouter aux deuils,

ruptures familiales, apportant au vieillard une perception de déchéance (Andrian, 1991). Les

cas dans lesquels le suicide a été adopté pour se soulager d’une maladie sévère demeurent

exceptionnels. Le schéma classique correspond à un trouble physique chronique, de sévérité

modérée, ayant subi une aggravation récente ou interagit avec un trouble préexistant ou

secondaire (douleur, handicap fonctionnel)67.

De la même façon, la douleur physique n’entraînerait pas, le plus souvent de réactions

autolytiques. Pourtant, signe d’une perte d’intégrité corporelle, elle peut être à l’origine d’une

telle conduite, surtout lorsqu’elle devient intolérable ou se prolonge indéfiniment (Andrian, 1988,

1991)68.

63 Duret, 1998 64 Vedrine, 1987 65 Cf. thèse de Gaëlle SALIOU, en annexe 3 66 Hantouche E, le risque suicidaire chez le sujet âgé. Gazette médicale 1989 ; 96 (41) : 47-53. 67 Par exemple, l’article de Picault et al. (1996) rapporte la tentative de suicide d’un homme de 83 ans après l’apparition et le traitement récents (depuis quelques jours seulement) de problèmes prostatiques. L’homme était pourtant actif, impliqué dans la vie associative de sa commune, veuf depuis 4 ans, vivant seul mais voyant souvent ses enfants. 68 Cf. rapport de Florence DOUGUET en annexe 2

42

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3.2.3. Les effets d’âge, de date et de génération69

Les fluctuations importantes en terme de mortalité par suicide invitent à rechercher, au-delà de

l’effet de l’âge sur la propension au suicide des effets de date ou de période liés à la

conjoncture économique et sociale, ainsi que les comportements caractéristiques des

générations qui composent la population à un moment donné.

Ainsi relève-t-on un effet de cycle sensible au cours des années 80 avec une remontée de la

mortalité au cours de la première moitié de la décennie, suivi d’une baisse accentuée.

Par ailleurs, les générations du « baby-boom », semblent y être nettement plus sujettes, en

particulier les hommes. La tendance « spontanée » pourrait donc être, hors effet des politiques

de prévention, à une hausse potentielle des taux de suicides, avec le vieillissement des

générations nées dans l’après-guerre.

3.3 DES RESULTATS A NUANCER 70

Cette analyse des données statistiques statistique doit être relativisée compte tenu de

l’existence de nombreux biais concernant ces données.

3.3.1. Les sous déclarations :

Celles-ci peuvent être liées aux pressions de l’entourage qu’il s’agisse de celles de la famille du

patient ou de celles de l’institution (Cf. paragraphe 4.2.3) mais aussi à un déficit d'analyse des

causes de décès par mort violente.71

Certains modes de décès (noyade, précipitation, coup de feu, etc.) peuvent être déclarés sans

que soit précisé s’il s’agit d’un geste volontaire ou d’un accident. Dans ce cas, le décès est

codé sous la rubrique “Traumatismes d’intention indéterminée”. Ceci induit une sous évaluation

du nombre de suicides. Les certificats concernant les morts suspectes, justifiant une expertise

médico-légale, contribuent à cette sous déclaration. Ils ne sont pas transmis à l’INSERM et sont

codés en “cause non déclarée”. Ceci a pour effet une sous estimation de 20 à 25% des suicides

en France72. Il est vraisemblable que ce pourcentage ne soit guère différent en Bretagne. De

plus, la rédaction du certificat exige une bonne connaissance du patient. La nature et le nombre

des informations transmises varient considérablement d’un médecin à l’autre, comme en

témoignent les pourcentages non négligeables de sous notification des pathologies associées.

69 Marie Angus, Chantal Cases, Pierre Scrault, Etudes et résultats, Ministère de l’emploi et de la Solidarité, DRESS, 2002 (185) 70 Cf. thèse de Gaëlle SALIOU en annexe 3 71 Analyse interrégionale des statistiques des décès par mort violente met en exergue les différences d'analyse des décès

43

72 Badeyan G, Parayre C, Suicides et tentatives de suicide en France – Une tentative de cadrage statistique. Etudes et Résultas, Ministère de l’emploi et de la solidarité, DREES 2001 (109)

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3.3.2. Une augmentation des suicides ou une augmentation des déclarations ?

Les cas enregistrés ne correspondent pas toujours à une augmentation réelle : une

augmentation du nombre de déclarations des suicides peut signifier que le nombre de cas a

réellement augmenté, mais aussi peut aussi signifier que la surveillance du problème est

devenu plus efficace parce que les médecins y sont plus sensibilisés.

4. LES TENTATIVES DE SUICIDE

Contrairement aux décès par suicide, les tentatives ne font pas l'objet d'un recensement

systématique. Les informations éparses existantes ne sont pas exploitables en l'état et ne

permettent pas une analyse rétrospective de l'évolution du phénomène. Les seules données

utilisables pour la Bretagne résultent d'enquêtes. La dernière enquête générale régionale est

celle réalisée par l'ORSB73 sur l'année 1990 auprès des services d'urgences des hôpitaux

publics dans les quatre départements bretons.

4.1 LES JEUNES SCOLAIRES EN FONCTION DU TYPE D’ETABLISSEMENT FREQUENTE74

Les données statistiques sur la population active peuvent également être rapprochées de celles

de la population scolarisée, en fonction du type d’établissement fréquenté.

Les tentatives de suicide selon le type d’établissement fréquenté

(données recueillies auprès des jeunes)

Lycée Agricole Collège Lycée Général et technique

Lycée Professionnels

Total des répondants

Jamais 169 87 %

927 91 %

605 94 %

203 87 %

1904 91 %

1 fois 20 10 %

80 8 %

25 4 %

23 10 %

148 7 %

Plusieurs fois 5 3 %

14 1%

12 2%

7 3 %

38 2 %

Total des répondants

194 100 %

1 021 100 %

642 100 %

233 100 %

2090 100 %

Source : Observatoire Régional de la Santé de Bretagne, oct. 2002

Les élèves de lycées agricoles et professionnels sont plus nombreux à déclarer avoir fait une

ou plusieurs tentatives de suicide au cours de leur vie. Les résultats sont à rapprocher de ceux

73 ORSB, Les tentatives de suicide en Bretagne en 1990, ORSB Rennes, avril 1992

44

74 ORSB, Enquête sur la santé des jeunes en Bretagne, octobre 2002: enquête auprès de 2106 jeunes de 52 collèges et lycées généraux, techniques, professionnels, agricoles

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concernant les suicides selon les professions chez les adultes (cf. infra, étude selon les CSP

concernant les ouvriers et les agriculteurs).

4.2 TAUX DE TENTATIVES DE SUICIDE

Au cours de l'année 1990, il a été dénombré 945 décès par suicide (soit le double des décès

par accident de la route). Sur les 6337 suicidants accueillis dans l'un des 26 services d'urgence

des hôpitaux publics bretons en 1990, 5996 étaient domiciliés en Bretagne, dont 3671 femmes.

Il en résulte un taux de tentative de suicide de 20 pour 10 000 habitants de plus de 15 ans pour

les hommes, et de 33 pour 10 000 habitants pour les femmes.

Taux comparés de tentatives de suicide et de décès par suicide

en Bretagne par sexe et âge (taux pour 10.000 habitants)

HOMMES FEMMES T.S. Décès T.S. Décès

DEUX SEXES

10-14 ans 1,3 3,4 2,3 15-24 ans 24,8 2,1 49,3 0,8 37,1 25-34 ans 40,3 50,4 45,5 35-44 ans 26,8

5,9 44,8

1,7 35,9

45-54 ans 13,4 28,3 21 55-64 ans 5,6

6,9 11,9

3 9

65 ans et plus 3,7 >10 5 3,6 4,5 Tous âges confondus 20 6,3 33 2,2

Source: ORS Bretagne – Enquête TS de 1990, et mortalité par suicide de 2001

C'est la tranche d'âge des 25-34 ans qui présente le taux le plus élevé. Les 10-24 ans

représentent 28% des tentatives de suicide soit un taux de 39,4 pour 10.000 habitants.

Contrairement aux décès par suicide, les tentatives de suicide sont plutôt un phénomène

urbain.

Taux et localisation des tentatives de suicide des 25-34 ans

Moyenne bretonne 7 grandes villes bretonnes

Taux Hommes 40 70

Taux Femmes 50 81

Source : ORS Bretagne 1990

45

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Les zones les plus concernées par les tentatives de suicide sont le nord ouest des Côtes

d'Armor, le nord est et le sud est du Finistère, recoupant ainsi la cartographie des décès par

suicide. Les zones de plus faible taux sont celles de Bretagne centrale.75

Les suicidants sont plus fréquemment célibataires ou divorcés. Ils sont chômeurs dans une

proportion de 2 à 3 fois supérieure suivant les tranches d'âge.

4.3 COMPARAISON AVEC D'AUTRES DEPARTEMENTS FRANÇAIS

Aucune enquête systématique n'étant disponible, les données bretonnes n'ont pu être

comparées qu'avec quelques départements de Midi-Pyrénées (Haute Garonne, Lot, Hautes

Pyrénées, Lyon, Bas Rhin).

Comparaison des taux standardisés de tentatives de suicide dans différentes enquêtes

(pour les 15 ans ou plus, taux pour 10.000 habitants)

Enquête Hommes Femmes

Lyon et Bas-Rhin (1)

Haute Garonne

Lot

Hautes Pyrénées

Côtes d’Armor

Finistère

Ille et Vilaine

Morbihan

12,4

10,2

8,8

10,2

18,7

22,5

22,1

16,2

25,2

19,8

16,8

19,3

30,7

32,5

38,4

26,3

Source : ORSB – Enquête TS 1990, INSERM, ORS Midi Pyrénées

Population de référence : Recensement 1982 (Midi-Pyrénées) et 1990 (Bretagne) – INSEE – 2 sexes réunis.

(1) Les taux ne sont pas détaillés par zone d’étude.

Cette comparaison fait apparaître des taux bretons toujours supérieurs, pouvant être plus de

deux fois supérieurs chez les deux sexes par rapport à ceux de Midi Pyrénées (Lot

notamment), essentiellement dans les tranches d'âge dans lesquelles on retrouve le plus grand

nombre de décès par suicide.

46

75 L'enquête ne tenait cependant pas compte que du fait de l'éloignement des services d'urgence, les tentatives de suicide sont aussi prises en charge en médecine ambulatoire.

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Comparaison des taux de tentatives de suicide des hommes selon l’âge : Lyon et Bas-Rhin, Haute Garonne, Lot, Hautes Pyrénées, Bretagne

HOMMES Tranches

d'âge Lyon Bas-Rhin

Haute Garonne Lot Hautes

Pyrénées Bretagne

10-14 ans - 1,2 - - 1,3 15-24 ans 21,6 13,9 15,2 18,9 24,8 25-34 ans 20,8 15,2 10,5 16,6 40,3 35-44 ans 13,5 12 13,9 14,8 26,8 45-54 ans 5,7 4,7 3,3 4,3 13,4 55 et plus 4,1 - - - 4,6

Comparaison des taux de tentatives de suicide des femmes selon l’âge : Lyon et Bas-Rhin, Haute Garonne, Lot, Hautes Pyrénées, Bretagne

FEMMES Tranches

d'âge Lyon Bas-Rhin

Haute Garonne Lot Hautes

Pyrénées Bretagne

10-14 ans - 4,5 - - 3,4 15-24 ans 46,2 28 16,7 26,8 49,3 25-34 ans 34,6 27,2 26,2 35,2 50,4 35-44 ans 32,5 27 45 30 44,8 45-54 ans 16,2 16,6 12,1 15,5 28,3 55 et plus 6,2 - - - 7,6

Source : ORSB – Enquête TS 1990

Les taux les plus forts sont en gras

Les taux les plus faibles sont en italique.

5. DES CAUSES POSSIBLES DU DEVELOPPEMENT DU SUICIDE A L’ELABORATION

D’HYPOTHESES DE TRAVAIL

5.1 LA SURSUIICIDITE, UNE CONSEQUENCE DU CHANGEMENT SOCIAL?76

Nous ne développerons pas ici de façon importante les facteurs socio-économiques. On peut

sans crainte, comme l’ont fait de nombreux sociologues, par exemple Christian Baudelot et

Roger Establet, mettre en rapport l’augmentation récente des taux de suicide, notamment en

milieu rural, avec le changement qui a marqué les campagnes bretonnes depuis un demi-siècle,

bouleversant aussi bien les paysages que les modes de vie et de production des paysans.

Signe de cette évolution, les effectifs de la population active agricole ont été diminué par plus

de moitié en moins de vingt ans (545 000 actifs agricoles en 1954, 208 000 en 1975). De fait, la

4776 Thierry FILLAUT en annexe 4

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mécanisation et plus encore la pénétration du capitalisme agroalimentaire dans un monde

vivant jusqu’alors principalement en autarcie ont certes permis de notables progrès (conditions

de vie par exemple), mais elles ont eu aussi leurs effets pervers, telle l’apparition d’un

“sentiment d’incertitude et d’insécurité d’autant plus vivement ressenti que les avatars des

marchés pèsent sur l’agriculture et, à une moindre échelle, sur les transformateurs et les

distributeurs77”.

De même, on ne peut manquer de mettre en relation l’impact du vieillissement et de la relative

désertification d’un certain nombre de zones rurales, par exemple en Centre Bretagne, avec le

développement du suicide dans la région. Dissémination des hommes dans une région

d’habitat dispersé (en 1975, deux tiers des ruraux bretons vivaient hors d’agglomérations de

plus de 100 habitants quand la moitié de la population régionale se concentrait sur environ 8 %

du territoire), célibat forcé d’un grand nombre d’agriculteurs dans des campagnes délaissées

par des femmes confrontées plus qu’eux à des conditions de vie pénibles, veuvage ou encore

difficultés de déplacement pour les personnes âgées sont autant de facteurs qui favorisent

l’isolement et les pertes de lien social, sinon l’exclusion.

À ce propos, on notera que ce n’est pourtant pas la question du suicide des personnes âgées

qui a retenu l’attention depuis les années 1970. Il est vrai que “ce n’est que depuis les années

1970 que les jeunes Bretons et Bretonnes de 15 à 24 ans se suicident plus que la moyenne des

Français du même âge, avec notamment un accroissement important des suicides des jeunes

hommes78”. En outre, l’augmentation est considérable : le taux de suicide des jeunes filles de 15

à 24 ans a doublé entre 1925-1927 et 1981-1982 ; pour les hommes, il a triplé au cours de la

même période79.

Enfin, au plan culturel, on ne peut passer sous silence le recul de la pratique religieuse, y

compris dans les campagnes : à Limerzel (Morbihan), 98 % des habitants allaient encore

régulièrement à la messe le dimanche au lendemain de la guerre ; un peu plus de la moitié

seulement s’y rendait en 197580. Ce phénomène, observé principalement depuis le milieu des

années 1960, ne peut donc être ignoré dans une région où le catholicisme innervait une grande

partie des activités sociales, “du syndicalismes aux patronages et aux banques mutuelles81”.

Il conviendrait également d’évoquer le recul de la langue bretonne. En un demi-siècle, le

nombre total de locuteurs, évalué à environ un million encore dans les années cinquante, a 77 Yvon Bertrand, Yann Jégou et Michelle Potet-Kergoat, « Fresque historique de l’économie de la Bretagne (1950-1975) », Cahiers économiques de Bretagne, 1978, n° 2-3, p. 18. 78 Carole Depoivre, « Approche épidémiologique du suicide des jeunes âgés de 15 à 24 ans en Bretagne », Sauvegarde de l'enfance, 1994, n° 1, p. 8. 79 cf. J. Chaperon et J.M. Chaperon, « La mortalité par suicide des moins de 25 ans dans les régions françaises (1925-1982) », Cahiers de sociologie et de démographies médicales, juillet-septembre 1985, n° 3, pp. 199-220. 80 D’après Y. Lambert, « Les changements dans la commune de Limerzel », cité in La Bretagne au XXe siècle, Skol Vreizh, 1983, p. 31.

48

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diminué de 80 %, les familles faisant le choix massif d’éduquer leurs enfants en français. “Aux

yeux des jeunes filles en particulier”, parler français faisait plus “chic” et “plus distingué”, moins

“arriéré”. Si bien que dans les années 1990, il n’y a plus guère que les personnes âgées à

s’exprimer en breton en Basse-Bretagne : “les deux tiers » des bretonnants « ont plus de

soixante ans et, sauf exception, les moins de vingt ans ne savent plus que le français82”.

Mais il est aussi un point qui mérite qu’on s’arrête davantage : c’est la représentation que se

font du suicide les populations. C’est en effet un acte qui semble au fil du temps de moins en

moins soumis à réprobation.

5.2 UN ACTE DE MOINS EN MOINS SOUMIS A REPROBATION83

Force est de constater que durant tout le XIXe siècle et encore pendant la première moitié du

XXe, un mur de silence entoure la question du suicide. Dans une région de forte tradition

catholique comme la Bretagne, la première des raisons est peut-être à chercher dans la

condamnation très ferme de cet acte par les autorités religieuses.

Cette condamnation est ancienne. Dès 542, le concile d’Arles déclara que le suicide était un

crime et ne pouvait être l’effet que d’une fureur diabolique, crime dont la sanction sera très vite

le refus de commémoration et de sépulture religieuses. Viendra la pénalisation de l’acte dans le

droit coutumier ; le cadavre ne sera plus seulement privé de sépulture, il sera également

supplicié et les biens du défunt souvent confisqués. La Coutume de Bretagne ne laisse planer

aucun doute quant au châtiment : “si aucun se tue à son escient, édicte-t-elle, il doit être pendu

par les pieds et traîné comme un meurtrier, et tous des biens meubles acquis à qui il

appartiendra84". Ce que confirmera l’ordonnance criminelle de 1670 pour l’ensemble du

Royaume qui autorisait de faire un procès aux cadavres « pour le crime de lèse-majesté divine

ou humaine, duel, homicide de soi-même ou rébellion à justice avec force ouverte dans la

rencontre de laquelle il aura été tué ».

Or, si la justice se montre plus souple au fil du temps, cette pratique de condamner les

cadavres perdure jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, en particulier en Bretagne où, “au début de

la Révolution, on retrouvera à Quimper un cadavre salé depuis cinq ou six ans, attendant

l’exécution, et une vingtaine à Saint-Malo85”. Selon une étude menée par Guy Bareau86, la

81 Voir article « Catholicisme » de Michel Lagrée dans le Dictionnaire du patrimoine breton sous la direction d’Alain Croix et Jean-Yves Veillard, Apogée, 2000. 82 Selon Fanch Broudic et Franis Favereau, article « Langue » du Dictionnaire du patrimoine breton sous la direction d’Alain Croix et Jean-Yves Veillard, Apogée, 2000. 83 Thierry FILLAUT, en annexe 4 84 Cité dans l’article « suicide » du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la direction de Déchambre, Masson, 1869, p.250 85 Georges Minois, Histoire du suicide, Fayard, 1995, p. 327.

4986 Guy Bareau, Les suicides en Bretagne au XVIIIème siècle, DES Lettres Rennes, 1971.

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justice instruira 22 cas de suicides, principalement en Haute Bretagne, au cours du XVIIIème

siècle : 18 procès concernaient des hommes, 4 des femmes ; dans 15 cas, le cadavre sera

pendu.

Autant dire que de telles pratiques, si elles n’empêchaient nullement le suicide, favorisaient sa

dissimulation puisque pour les familles, le suicide de l’un des leurs devenait une source de

stigmatisation et de condamnation financière au point que c’était parfois la rumeur publique ou

la délation qui provoquait l’intervention de la justice. Et l’on peut sans risque avancer qu’au

XIXe siècle, cette double sanction pèsera encore sur les représentations du suicide dans la

région. Surtout que sa condamnation par les prêtres semble appliquée sévèrement aux

lendemains de la Révolution malgré la dépénalisation de ce geste au plan civil. Georges Minois

relève par exemple plusieurs conflits entre les autorités civiles et religieuses sous la

Restauration, les premières reprochant aux secondes de refuser les inhumations des suicidés.

Il cite ainsi le cas du curé de Recouvrance à Brest qui en 1821 s’enorgueillit d’avoir refusé “en

enterrer quatre” depuis le début de son ministère dans cette paroisse, et ce “sans éprouver le

moindre désagrément87”.

Toujours est-il qu’au début du XXe siècle encore, la condamnation de l’Église catholique à

l’encontre des suicidés est manifeste. Ainsi, le nouveau code de droit canon de 1917 déclare-t-il

que la sépulture ecclésiastique doit être refusée à “ceux qui se sont donné la mort de propos

délibéré”, prescription qui, reprise ensuite dans les statuts synodaux des différents diocèse, par

exemple ceux du diocèse de Rennes, Dol et St Malo, publiés en 1930 par le cardinal Alexis-

Armand Charost, “entraîne le refus de toute cérémonie funèbre publique, de toute annonce de

décès, de toute recommandation publique aux prières des fidèles88” En 1958 encore, les statuts

synodaux rappelleront ce précepte pour les “suicidés conscients et volontaires89”. L’opprobre est

poussée plus loin encore, puisque “tout catholique doit s’abstenir des enterrements civils

imposés par l’Église aux suicidés90”, comme le rappelle une conférence diocésaine en juillet

1927.

Qui plus est, dans le courant du XIXe siècle, en convoquant tour à tour les chiffres du Compte

général de l’Administration de la Justice criminelle puis ceux des asiles pour tenter de percer

les raisons de ce comportement jugé “anormal”, médecins et moralistes participent également à

la réprobation du suicide en faisant souvent un symptôme du mal-être de la société ou, pire

encore, de sa dégénérescence.

87 Georges Minois, Histoire du suicide, déjà cité, p. 365. 88 Mgr Alexis-Armand Charost, Statuts synodaux du diocèse de Rennes, Dol et St-Malo, Rennes, Imp. H. Vatar, 1930, art. 271 à 273, pp 86-87. 89 Mgr Roques, Statuts synodaux du diocèse de Rennes, Dol et St-Malo, Rennes, Imp. Bahon-Rault, 1958, p. 109.

5090 Rapport sur les conférences diocésaines, Rennes, Imp. Vatar, 1928, p. 64.

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À la fin du XIXe siècle, la relation qui est établie par les aliénistes entre suicide et alcoolisme

témoigne de l’ambiguïté du regard porté sur le suicide. Certes, les chiffres, notamment ceux

des asiles, semblent montrer que des rapports étroits lient suicide et alcoolisme : à Quimper par

exemple, sur 38 patients entrés pour la première fois à l’asile en 1904 pour folie alcoolique, sept

y ont été admis pour tentatives de suicide, deux parce qu’ils présentaient une tendance au

suicide, et enfin un dernier pour tentatives de meurtre et de suicide. Mais la plupart d’entre eux

n’ont que faire de le démontrer. À l’instar du Dr Lucien Lagriffe, qui veut pour preuve des

ravages sans cesse croissants de l’alcoolisme dans le Finistère le nombre des suicides “qui ont

plus que quadruplé” dans ce département entre 1827 et 1906, l’exemple du suicide n’a d’intérêt

que dans la mesure où sous le coup de l’alcool, l’homme n’est pas “moins qu’autrefois l’ennemi

de l’homme, quand il n’est pas lui-même son propre bourreau91”, et qu’au travers cet acte, c’est

la dégénérescence d’une société que l’on met en avant. Avant lui, le Dr A. Corre estimait

pareillement qu’“avec les caractères abaissés, les cerveaux dégradés”, on voit “naître […] les

crimes, délits de la débauche et de l’immoralité, de la basse jalousie, des vanités gonflées et

susceptibles » et « les suicides de même origine…”. Pire, les femmes sont loin d’être exemptes

de ce grand mal, puisque “à Brest, l’intempérance d’habitude est répandue jusque parmi les

femmes » qui « fournissent le septième environ des suicides92”.

En tous les cas, les troubles mentaux deviennent rapidement une explication simple et sans

doute rassurante des suicides. Tout comme l’alcoolisme, un internement antérieur, l’immoralité

et la débauche sont autant d’indicateurs, de signes d’une démence qui expliquerait le passage

à l’acte.

Quant à l’Église, elle semble trouver là un moyen de faire preuve de plus de tolérance à l’égard

des suicidés et de leurs familles. Ainsi, l’Ami du clergé introduit-il de nombreuses nuances dans

l’attitude à adopter face aux suicidés dès le début du siècle, notamment si l’on peut incriminer

une folie ancienne ou passagère qui aurait pu être la cause du passage à l’acte : il n’y a plus

guère qu’en cas de “preuves évidentes d’un suicide commis de propos délibéré et avec

réflexion” qu’il “ne faut pas que la crainte d’un enterrement civil fasse violer les lois de l’Église” ;

autrement, “la présomption est en faveur de la perte de la raison” et “si le suicidé était en proie

à quelque maladie récente ou ancienne, le médecin doit donner un certificat constatant la perte

de la raison93” : la levée du cercueil, son introduction à l’église, la conduite au cimetière sont

alors autorisées.

Au fil du temps, l’interdit se fait de toute façon moins prégnant dans une société saisie par le

changement où le recul de la pratique religieuse est patent. Corrélativement, d’une question

morale, le suicide devient progressivement un problème de santé publique dont l’ampleur éclate

91 Dr Lucien Lagriffe, op. cit., p.154. 92 Dr A. Corre, « Le délit et le suicide à Brest », op.cit.

5193 L’Ami du clergé, tables générales, article « suicide » de la partie « questions de science ecclésiastique », Langres, 1900, p. 391.

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à la fin des années soixante-dix. Voilà pourquoi de nombreuses mesures vont être prises pour

tenter d’enrayer la montée de ce que certains n’hésitaient pas encore à appeler un “fléau pour

désigner ce que cette conduite représente d’individuellement désastreux et de socialement

menaçant94”.

Sans doute, au regard des chiffres du XIXe siècle, l’augmentation récente du phénomène

suicidaire en Bretagne a-t-elle de quoi inquiéter. Alors que l’on n’enregistrait guère qu’une

centaine de suicides dans toute la région95 dans les années 1830, on en comptabilise plus d’un

millier dans les années1990 ; quant au taux brut de suicide, il atteint les 30 décès pour 100 000

habitants quand il ne dépassait pas les 5 pour 100 000.

Mais il faut se garder d’exagérer cette croissance du suicide en Bretagne au long de l’époque

contemporaine tant les données que l’on peut réunir sur la longue durée manquent parfois de

fiabilité. De l’ampleur du suicide au XIXe siècle, l’on ne sait finalement que peu de choses car

les données chiffrées fournies par l’administration de la Justice sont biaisées par la nature

même de leur recueil à une époque où le suicide demeure l’objet d’une réprobation morale qui

n’incite guère à sa déclaration. Plus tard, lorsque la médecine s’emparera du problème et que

les statistiques de causes de décès l’emporteront sur celles de la Justice, les données

demeureront longtemps sujettes à caution.

En outre, une fois les chiffres mis à plat, la question des raisons sous-jacentes à l’acte

suicidaire demeure entière au point que l’on peut se demander avec Michel Winock si “établir

une loi sociologique du phénomène” n’est pas “une entreprise douteuse, tant la dimension

psychologique, personnelle et mystérieuse de l’acte suicidaire, paraît réfractaire à la

généralisation96”. Et autant qu’à chercher les causes possibles du suicide, l’on doit s’intéresser

aux changements de regards portés sur le suicide dans la région au cours de ces deux siècles.

Car la représentation du phénomène rend d’évidence celui-ci plus ou moins visible dans un

contexte où “chaque mort volontaire met en accusation la société et plus particulièrement ses

responsables97”.

5.3 HYPOTHESES DE TRAVAIL

Il ressort de cette étude quelques points qui méritent d’être mis en avant, avec les précautions

d’usage98 :

• Au fil du temps, on ne peut manquer de souligner le basculement des attitudes vis à vis

du suicide en Bretagne : hier relativement faible, pour partie sans doute en raison de la

94 M.-M. Gaultier et A. Gorceix, « La société face au suicide », La Santé de l’homme, 1972, n° 177, p. 15. 95 Les chiffres cités ici sont ceux de la région historique. 96 Michel Winock, « Barrès, Durkheim et la mort des lycées », L’Histoire, 1995, n° 189, p. 42. 97 Georges Minois, « L’histoire et la question du suicide », L’Histoire, 1995, n° 189, p. 31.

5298 Thierry FILLAUT, en annexe 4

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réprobation dont il était l’objet, le phénomène suicidaire est aujourd’hui particulièrement

visible.

• La volonté de toujours rapporter les taux de suicide à une norme (moyenne nationale,

moyenne internationale), comme s’il existait en la matière un seuil de référence à ne pas

dépasser, constitue-t-elle la meilleure façon d’appréhender le phénomène ? Cette

comparaison n’a en effet qu’une valeur toute relative, qu’il faut mettre en relation par

exemple avec la représentation sociale dominante du suicide.

• Bien qu’il concerne massivement les jeunes, il n’en demeure pas moins surtout le fait de

personnes vieillissantes qui, dans un monde en plein changement et dont les repères

culturels traditionnels s’effritent (religion, famille, relations collectives), se trouvent peut-

être de plus en plus confrontées à un isolement social et psychologique générateur de

souffrance, en particulier en milieu rural. Une chose en tous les cas semble certaine : à

voir la cartographie des suicides en Bretagne, porter son attention sur les personnes

âgées et le monde rural semble un objectif majeur en matière d’action sanitaire et

sociale.

• Enfin, au regard des taux de suicide par PCS, les facteurs socioprofessionnels ne sont

pas à négliger dans la compréhension du phénomène.

Au terme de cette phase préalable d’état des lieux, les axes de recherches dégagés sont les

suivants :

L’impact des transformations socio-économique sur l’augmentation des suicides, en zone

rurale, illustré par le développement agricole : approche comparée avec deux autres régions.

Approche transgénérationnelle permettant de vérifier des hypothèses cliniques,

psychopathologiques, socioculturelles, et de repérer les similitudes et différences entre

générations, au travers du discours de personnes suicidantes ; il s’agira de comprendre

l’influence de déterminants : recul de la pratique religieuse, pratique de la langue bretonne,

représentation du suicide par la population, alcoolisme, profil psychopathologique des

suicidants, lien social.

Approche complémentaire, compréhensive et localisée du phénomène suicidaire par des

acteurs concernés par la problématique (professionnels du soin, social, prévention, éducatifs,

bénévoles associatifs…), sous forme de recherche action coopérative.

53

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2ème PARTIE : DE L’INFLUENCE DES TRANSFORMATIONS SOCIO-ECONOMIQUES FORTES ET BRUTALES SUR

L’AUGMENTATION DES SUICIDES99

1. QUELLE RELATION ENTRE SUICIDE ET ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE100

1.1 RECENSION DE LA LITTERATURE

1.1.1. relation suicide et culture

Les études recensées font apparaître des comparaisons très variées entre cultures. On peut

cependant déplorer que les définitions utilisées soient le plus souvent implicites pour les

auteurs et/ou peu développées; les études répertoriées portent sur de grands blocs le plus

souvent ethniques dans lesquels la culture n'est qu'un des composants.

Par ailleurs, si l’on classe les pays par taux décroissants la France se situait au 10ème rang en

1970, au 7ème en 1988 puis au 4ème pour les hommes et au 5ème chez les femmes en 1994.

Pendant tout la période, les taux de suicide ont augmenté dans tous les pays. On peut en

conclure que :

- ce ne sont pas les pays pauvres qui nous “ dépassent ” mais des pays riches et développés (il

s’agit du Danemark, la Finlande, l’Autriche, le Luxembourg ).

- dans la mesure où les taux augmentent dans tous les pays et (globalement) dans le même

ordre, certains auteurs pouvaient conclure que des facteurs cultuels tels que “conviction

religieuse, coutumes, points de vue social, climat et autres influençant la conduite humaine”

pouvaient être corrélés avec les taux de suicide.

- par contre, quand un pays, ou une région comme la Bretagne, voit ses taux augmenter de

manière assez brutale et “gravir plusieurs rangs” d’un seul coup, il faut avoir recours à d’autres

hypothèses, car, les facteurs cités ci-dessus ont une inertie telle qu’ils ne peuvent rendre

compte de phénomènes rapides.

Les diverses corrélations mises à jour ne sont jamais élevées au rang de causalité culturelle ni

psychologique. Les valeurs de la communauté à laquelle les individus appartiennent peuvent

agir en tant qu'agent de protection contre le suicide. Parmi ces valeurs celles qui créent du lien

99 Agnès BATT ( INSERM, Faculté de médecine, Rennes 1) avec le concours d’Arnaud CAMPEON (Département de sociologie, Rennes 2), Noreen KEARNS et Paul CORCORAN (National Suicide Research Foundation, Cork, Irlande) en annexe 5

54100 Document Agnès BATT, en annexe 5, p. 16-18

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social et en sont les garants (la famille, la religion, la situation économique) sont les remparts le

plus souvent étudiés et discutés.

A l’opposé, les changements brusques imposés par l'immigration et/ou certains changements

économiques, parce qu'ils sont destructeurs de lien social et vont jusqu'à remettent en cause

l'identité, sont sources de vulnérabilité et sont souvent corrélés avec une augmentation des taux

de suicide . Il semble qu'avec le temps l'identification avec la communauté d'accueil se fasse

plus forte, mais on sait qu'il est toujours difficile de faire décroître les taux de suicide après une

.phase d'augmentation. Tous les individus d'une société n'ont pas les mêmes ressources pour

aborder le passage d'un monde communautaire, centré sur une identité à un monde plus

individualiste valorisant la performance.

1.1.2. relation suicide et environnement économique

A plusieurs reprises les transformations sociologiques récentes allant de pair avec les

conditions économiques ont été citées comme en lien avec les taux de suicide. Nous nous

attarderons sur cette question. Les liens entre taux de suicide et chômage font l’objet d’une

volumineuse littérature riche de controverses. Deux grands types d’étude peuvent être

repérées : des études portant sur des personnes suite à leur geste suicidaire et des études

portant sur des données agrégées au niveau d’une région ou d’un pays101. Il est difficile

d’atteindre une conclusion d’après les études de suivi. En effet on observe que les associations

entre chômage et suicide, quand elles existent, se vérifient pour certaines tranches d’âge

uniquement.

Dans l’étude de Moser et coll.102 (1986) des tendances différentes entre régions connaissant des

taux de chômage proches ne vont pas dans le sens d’une association entre les deux

phénomènes. D’un point de vue méthodologique, l’amalgame entre chômeurs et inactifs

atténue la portée de certaines conclusions. De plus, la méthode statistique interfère parfois

avec les résultats. C’est la conclusion de Jones et coll.103 (1991) “ une absence de causalité

entre les deux phénomènes demeure une hypothèse viable ” qui retiendra notre attention. En

2002, Platt104 propose de ne plus s’attacher aux seules variables statiques qui définissent la

composition d’un groupe mais aussi au contexte “écologique” dans lequel cette composition se

forme, entraînant une variation des risques individuels.

Pour ce qui est des études de données agrégées, les arguments en faveur d’une association

entre suicide et chômage sont encore moins convaincants. L’ensemble des résultats peut être

101 Pour une étude plus détaillée voir Batt 2001: Les facteurs de risque précédent la crise suicidaire in La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge ; actes de la conférence de consensus. (Octobre 2000) p 45-65. 102 Moser KA et coll. Unemployment and mortality : comparison of the 1971 and 1981 longitudinal study census samples. British Medical Journal. 1986 ; 294 : 86-90. 103 Jones et coll. The role of unemployment in parasuicide. Psychological Medecine 1991 ; 21 : 169-176.

55104 Platt S.; communication à 9th European Symposium on Suicide and suicidal behaviour, Warwick. 2002.

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résumé par la conclusion de Crombie105, dans une étude portant sur 16 pays “une augmentation

de suicide n’est pas une conséquence inévitable d’une aggravation du chômage”. Et Platt et

Hawton106 (2000) plaident en faveur d’études qualitatives qui puissent venir en complément des

études statistiques citées.

La part des facteurs économiques est aussi abordée. Chuang et Huang (1996) ont montré que

les facteurs purement économiques (PIB, PNB par habitant) avaient plus d’impact sur les taux

de suicide au niveau national que les variables “durkheimiennes” sociologiques, très

ponctuelles. Mäkinen, quant à lui, avance que les événements sociaux, quels qu’ils soient,

n’agissent pas aveuglément sur les groupes sociaux “ … Chaque individu filtre les messages de

son environnement à travers un ensemble de connaissances et de valeurs “ culturelles ” formé

en partie en réponse mais aussi en défense contre les forces en présence. Cette connaissance,

transmise de générations en générations est plus forte que les variables sociologiques

ponctuelles ”. Il en vient à recommander de travailler à l’identification de variables décrivant les

mentalités et leurs évolutions plutôt que les circonstances.

1.2 UN MONDE RURAL EN DEVELOPPEMENT EN BRETAGNE

Paul HOUEE décrit trois grandes étapes dans l’évolution du monde rural107 :

• 1815 à 1880 : “ l’ouverture du monde rural, marquée par l’ébranlement des industries

rurales, le décollage de l’agriculture, l’ouverture des sociétés rurales et l’éveil des

campagne ” ;

• 1880 à 1930, “ l’organisation d’un monde séparé qui s’organise de façon autonome à

partir de l’agriculture, pour s’adapter aux contraintes et aux incohérences de la société

globale” ;

• 1930 à 1950, “ le cri de révolte d’un monde rural en crise, qui cherche dans de grands

rêves corporatistes ou socialistes un remède à son isolement et à son dépérissement. ”

A la Libération, des perspectives nouvelles s’ouvrent : l’objectif est de favoriser une nation plus

forte, capable d’affronter la concurrence sur les marchés extérieurs tout en tirant le meilleur

parti pour le bien être de tous. Le secteur agricole fait partie de ce projet108.

Par sa position géographique orientée vers la mer, et son éloignement des grands centres

économiques, la Bretagne est longtemps restée une région périphérique de l’espace français et 105 Crombie IK. Can changes in unemployment rates explain the changes in suicide rates in developped countries ? International Journal of Epidémiology. 1990 ; 19 : 412-416.. 106 Platt S & Hawton K. Suicidal behaviour and the labour market in The international handbook of suicide and attempted suicide. K. Hawton & van Heeringen K. 2000 : chapter 20 : 309-384. 107 Paul Houée, Les étapes du développement rural (tome1) : une longue évolution 1815-1950. éditions ouvrières, 1972 108 “ L’agriculture apparaît ainsi comme la seule activité capable pendant un certain temps de faire vivre la France, d’approvisionner son industrie et même de lui assurer par l’exportation les moyens de se procurer les marchandises dont elle ne pourrait se passer. ”, VERGEOT et AUBEE, Rapport sur le problème agricole français, données et solutions, ministère des affaires étrangères, 1944.

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en une cinquantaine d’années, elle a connu une véritable mutation globale. Cette région est

entrée, au prix de profonds bouleversements dans ce qu’il est, aujourd’hui, courant d’appeler la

“ modernité ”. On peut citer un processus accéléré et cumulatif de changements ponctuels,

contribuant ainsi à en faire une région “à part entière”, à savoir économiquement compétitive et

rentable.

Divers groupes de pression vont voir le jour ou se reconstituer pour diriger, influencer et aussi

sauver cette évolution de l’anarchie. On peut citer :

• Le Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (CELIB) fondé en 1949, officialisé

en 1951 se fixe pour but de sortir la Bretagne de son “ sous-développement ”.

Regroupant élus et municipalités de toutes tendances, le CELIB vise à fédérer les

différents secteurs de l’économie bretonne pour permettre leur intégration dans la

nouvelle Europe économique en formation. En même temps, il cherche à défendre

l’économie bretonne contre les nouvelles concurrences qu’entraîne l’élargissement du

marché. Le CELIB se fait le porte-parole des intérêts économiques bretons auprès des

pouvoirs publics, proposant des mesures en faveur du développement économique de la

Bretagne.

• La Jeunesse Agricole Chrétienne (JAC) : “ Pour l’essentiel, le mouvement social qui va

entraîner la transformation des campagnes naît ailleurs, dans les groupements de

jeunesse ; il s’affirme dans la vulgarisation professionnelle et le renouvellement syndical,

avant l’organisation et la politique agricole. ”109. La JAC se répand donc en Bretagne. Sa

devise est “ voir, juger, agir ”. Par l’enseignement dispensé en son sein, elle offre aux

jeunes ruraux des possibilités de formation, ce qui était une de ses ambitions, pour

accéder à des postes de pouvoir, susceptibles de faire évoluer “ les choses ”. Mais c’est

surtout après 1955, sur le plan syndical et professionnel, que les jacistes, nourris à la

fois de valeurs individualistes et communautaires, prennent en charge leur milieu et le

transforment110.

Engagé dans un processus de développement et d’intensification / spécialisation / sélection, le

système de polyculture élevage va rapidement trouver ses limites face à l’exiguïté des

structures d’exploitation et du nombre d’actifs agricoles trop important qui y travaille. Le

démarrage du marché commun le 1er janvier 1958 offre de nouvelles perspectives en France et

par voie de conséquence, en Bretagne et pour son agriculture.

109 HOUEE P., Les politiques de développement rural, des années de croissance aux temps d'incertitudes. Paris. Ed. Economica. 1998

57110 FORT R., Ils ont révolutionné le monde rural: l'aventure de la JAC en Bretagne (1930-1970). Brest. Ed. Le Télégramme; 2001.

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La production agricole continue à croître de 1968 à 1982 et nombreux sont les domaines qui

“ explosent ” littéralement, notamment dans les productions hors-sol111. Face à ce

développement inespéré, l’homogénéité idéologique sur laquelle reposait l’unité syndicale et

paysanne du “ bloc social moderniste ” ne tarde pas à se fissurer et à amorcer une longue crise

agricole. Une phase nouvelle démarre, que C. Canévet caractérise en 5 points : une forte

croissance de la production, une politique agricole plus sélective, la constitution d’un complexe

socio-économique agroalimentaire de plus en plus cohérent, l’apparition des divergences

d’intérêts entre producteurs, l’éclatement syndical.

Au terme de trente années de mutations agricoles, l’agriculture bretonne et sa population

affichent un bilan contrasté :

• un gonflement spectaculaire de la production agricole bretonne, contribuant à faire de la

Bretagne la première région agricole française, et la seconde d’Europe, passant de 6,6%

à plus de 12% de la production agricole française, 80% de ses récoltes exporté hors de

la région,

• Une fragilité économique :

• L’évolution des quantités proposées au niveau européen, a saturé le marché.

Apparition des mesures destinées à limiter la production (quotas laitiers en 1984).

• Le renversement du rapport taux d’intérêt/ taux d’inflation, augmente le prix de

l’argent, avec comme conséquence d’accroître le nombre d’exploitations déjà en

difficulté, où en passe de l’être.

• Une grande fragilité de ses “ forces vives ” qui disparaissent progressivement.

D’autres bouleversements vont apparaître dans un contexte lui-même perturbé. En effet, on est

passé d’une Europe communautaire (1958) constituée dans un contexte de relative pénurie

alimentaire à une situation d’excédents chroniques structurels par rapport au marché

communautaire. La nouvelle PAC de 1992, constitue une remise en cause de l’agriculture de

type intensive (surproduction, pollution …). Il s’agit maintenant de :

• Maîtriser les quantités produites (diminution des prix et gel d’une partie des surfaces)

• Stabilisation des marchés en fonction des échanges internationaux,

• Respect de l’environnement.

• Soutien direct aux agriculteurs (maintenir le niveau de vie face à la baisse des prix)

• Stopper l’hémorragie des agriculteurs.

En terme de bilan quantitatif, la modernisation de l’agriculture est également allée dans le sens

d’une réduction considérable du nombre des exploitants, condition au demeurant indispensable

pour pouvoir moderniser les exploitations en les agrandissant.

111 Voir annexe 2 courbes d’évolution de la position relative de la Bretagne pour un certain nombre d’indicateurs. l’INSEE. Dossier

58

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Le développement agricole de la Bretagne et des taux de mortalité par suicide allant de pair

dans leur évolution, on peut se poser la question de la relation entre ces deux phénomènes. Le

coût social et humain du développement qu’a connu la Bretagne dans les années 50 aurait-il un

lien avec l’augmentation des suicides ?

1.3 METHODOLOGIE : LE CHOIX DE LA METHODE ETHNOSOCIOLOGIQUE

En Bretagne et en Irlande, a été privilégiée une approche ethnosociologique qui permettait de

mettre le récit des individus (tour à tour acteurs et victimes) au centre de l’étude (l’aspect

ethnologique) et de recueillir leur perception du progrès et des rapports sociaux, voire des effets

pervers de la modernisation (la construction sociale de leur histoire). Ce type d’approche

permet de décrypter, à partir de l’expérience de terrain des interviewés, comment les situations

se sont construites. Elle permet l’élargissement du débat au développement rural dans son

ensemble et la comparaison avec des études sur la représentation du suicide en milieu rural112

ou des “conduites de remplacement”113.

Une étude comparative entre deux régions situées dans deux pays différents a été envisagée.

Très vite, les difficultés à mettre en place, dans deux régions d’Europe, deux études tout à fait

identiques, sont apparues. La base géographique, fut la première : prise de contact avec la

population, implantation de l’enquête.

Pour ces raisons, dont aucune n’a mis en question la volonté ni l’utilité de travailler en commun,

les deux responsables de l’enquête114 ont fait valider qu’il était plus juste de considérer ce

travail comme une “ étude conjointe (joint study) ” plutôt qu’une étude à proprement parler

comparative. Les grilles d'entretien utilisées dans les deux études ont été élaborées d'un

commun accord tout en tenant compte des spécificités bretonnes et irlandaises115.

1.4 LE CHOIX DU CANTON DE BOURBRIAC DANS LES COTES D’ARMOR

Le canton de Bourbriac satisfait aux critères suivants :

• Un canton avec un fort taux de suicide.

• Le département des Côtes d’Armor est très touché par le phénomène suicidaire (cf.

études de l’ORSB, citées ci avant). Dans les cantons du nord-ouest du département on

INSEE, Octant n° 27 : 11. 112 GRANDAZZI G., Le suicide dans le Sud-Manche : des représentations aux pratiques de prévention. Mémoire de maîtrise de l'Université de Caen, 2000. 113 MORTIER B., La sorcellerie, symptôme de la crise de la modernité. Mémoire de maîtrise de l'Université de Caen, 2000. 114 Agnès BATT en Bretagne et N. Kearns en Irlande, en annexe 5

59115 Le détail des grilles d'entretiens est exposé en annexe 5

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note une nette augmentation du phénomène entre les périodes 1975-1981 et 1982-

1988116. La tendance ne fléchit pas entre 1990 et 1996.

• Un canton rural, suffisamment éloigné de la côte pour ne pas subir les variations liées

au tourisme d’été ; plus de 70% de la population vit dans une espace à dominante rurale

contre 42% pour l’ensemble de la Bretagne. Le canton de Bourbriac a pendant

longtemps été un canton très majoritairement agricole, qui témoigne de l’importance et

du poids de ce secteur d’activité. Pourtant, au fil des décennies, ce secteur agricole s’est

progressivement atténué au profit des autres secteurs d’activité et a entraîné une

saignée démographique hypothéquant sérieusement son avenir.

• Un canton qui a une identité forte : en l’occurrence, il s’agit d’un canton “ rouge ” de

Bretagne 117

La population de référence a été la population agricole briacine qui a subi la “ révolution

silencieuse ”, à savoir des personnes en âge de travailler dès les années 1950, aujourd’hui

âgées de 65 ans au moins. C’est en effet par rapport à elles que s’est joué le développement

économique de cette région. L’échantillon est essentiellement masculin. Les femmes sollicitées

ont répondu n’avoir “ rien à dire d’intéressant ” ou plus souvent “ je veux bien répondre avec

mon mari”.

• Au total, 20 personnes ont été interrogées. Il s’agit principalement de retraités agricoles.

• Choix de la méthode ethnosociologique : étude comparative ou conjointe ?

2. UN CONTEXTE IRLANDAIS PROCHE DE NOTRE REGION : COMPARAISON AVEC LE

COMTE DE CORK

2.1 LE DEVELOPPEMENT AGRICOLE EN IRLANDE

De 1939 à 1958, l’Irlande a émergé d’une longue période de protectionnisme et de taux

d’immigration alarmants. A partir des années 50 le niveau de vie augmente, les conditions de

logement et l’éducation bénéficient de la meilleure santé de l’économie. Des zones rurales se

sont repeuplées, grâce à l’apport d’anciens immigrants de retour au pays, mais ceux-ci ne se

sont pas forcément investis dans l’agriculture.

En 1973, l’adhésion à l’Europe va transformer la situation. Traditionnellement, l’agriculture tient

une place prépondérante dans l’économie du pays. A partir de cette date, celui-ci a fait un bond

116 Observatoire Régional de la Santé en Bretagne, cartographie bretonne des causes médicales de décès : contribution au Schéma Régional d’Organisation Sanitaire de Bretagne - 1993

60117Cf. définition qu’en donne Le Coadic dans Les campagnes rouges de Bretagne 1991. Morlaix, Skol Vreizh.

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économique sans précédent et l’agriculture représente la plus grande proportion d’emplois

comparés aux autres états européens.

Dans le même temps, la taille des exploitations a augmenté et les systèmes de production

modernisés118. Newby119 déplore le passage d’une “ agriculture comme mode de vie ” à une

“ agriculture comme business ”, de l’économie de subsistance à la démarche commerciale, en

réponse aux dépenses croissantes de la modernisation, à partir des années 1950. A partir de

cette époque, les principes du marché infiltreront de plus en plus le monde rural. Le terme

“ d’agribusiness ” est créé pour décrire le nouveau type de relation entre le monde rural et le

monde de l’économie. Ce secteur devient très actif et créateur d’emplois. On observe la

création de grandes unités d’élevage intensif. Les unités moins intensives et lucratives

devenant synonymes de “ petites exploitations120 ”.

Un changement majeur dans l’économie des exploitations est l’adoption de sources de revenus

qui ne proviennent pas de l’exploitation elle-même mais qui ressortissent à ce qu’on appellera

l'agriculture à temps partiel (“ part time farming ”). Ces sources de revenus provenant d’emplois

à temps partiel dans d’autres secteurs d’activités s’ajoutent aux pensions et retraites des

personnes âgées.

2.2 LE CHOIX DU COMTE DE CORK EN IRLANDE

Tout d’abord, en comparaison avec la Bretagne, l’Irlande a répondu à plusieurs critères :

• Un pays celte avec des similitudes culturelles à la Bretagne

• Un fort développement agricole

• Une progression des taux de suicide

• Des taux de mortalité par suicide en augmentation de 8 pour 100 000 en 1989 à 10 en

1993

Le choix de la paroisse de Caheragh du canton de Cork :

• Un environnement rural et agricole et un habitat dispersé

• Une unité de recherche sur le suicide basée à Cork, prête à s’investir sur le terrain

A l’instar de l’échantillon briacin, ont également été interrogées des personnes ayant connu le

fort développement agricole irlandais dans les années 50, mais également des jeunes adultes

impliqués dans la paroisse, exerçant d’autres professions. Ainsi, 23 personnes ont pu être

interrogées, selon une grille d’entretien proche de celle de Bourbriac.

118 Commins P. Keane M. 1993. Developing the rural economy : problems and prospects (Dublin : National economic and social concil). 119 Newby H.ed. International Perspectives in rural sociology (John Wiley sons : Chischester) 1978.

61

120 Il ne faut pas perdre de vue le problème d’échelle : en Irlande la taille moyenne d’une exploitation est de 26 hectares, très supérieure à la moyenne en Bretagne. Une « petite »exploitation peut représenter une vingtaine de vaches

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3. DE LA MODERNISATION AU STRESS : DEUX ETUDES COMPARABLES

3.1 BEAUCOUP DE SIMILITUDES :

3.1.1. Conséquences sur les relations sociales :

L’arrivée de la motorisation (mécanisation) a irrémédiablement entraîné une nouvelle

organisation du travail du paysan. La grande majorité des enquêtés a confié que c’est avec

l’arrivée de la motorisation que les travaux en groupe et que la convivialité entre paysans se

sont progressivement perdus. “ Ah oui ça me manque, et je le ressens. Par exemple, quand le

maïs s’est bien implanté sur le secteur, on faisait même une fête du mais sur Bourbriac. C’était

tous les gars qui bossaient le maïs, qui se retrouvaient le soir entre eux après le travail. On

cassait la croûte, on buvait un coup, on dansait… On fêtait ça tous ensemble, c’était convivial. ”

(Pierre A., agriculteur). Cette convivialité est regrettée, car elle est de plus en plus rare, du fait

de l’arrivée de ces éléments techniques qui ont poussé tout un chacun à pouvoir se passer des

autres pour réaliser les divers travaux qui ne pouvaient, autrefois, se réaliser sans l’assistance

de plusieurs bras. L’agriculteur est aujourd’hui seul face à ses responsabilités.

En Irlande, l’un des effets négatifs de la modernisation qui est souvent déploré, est la disparition

de la “crémerie”. C’est là que les fermiers avaient l’habitude d’apporter leur lait et produits

dérivés. Il apparaît dans les entretiens que ces “crémeries” étaient devenues, au cours du

temps, de véritables pôles économiques et une institution sociale dans la paroisse. “ En même

temps que les fermiers apportaient leurs produits ils venaient acheter des marchandises qu’ils

ne pouvaient pas produire eux-mêmes ” (thé, café, sucre, produits pour la ferme). Mais plus que

tout, c’était le lieu de rencontre journalier très prisé et l’occasion de faire passer des messages

à d’autres membres de la paroisse. L’introduction du tank à lait, rempli jour après jour et

collecté une fois par semaine a détruit ces liens sociaux. De la même manière, les foires aux

bestiaux ont disparu, entraînant les mêmes commentaires par les personnes interrogées.

3.1.2. Changement des rapports du paysan à la nature, aux animaux

En premier lieu, sur Bourbriac a été cité le remembrement. Utile et efficace pour résoudre la

complexité des parcelles d’exploitations jusque-là éclatées et émiettées, le remembrement a

suscité les plus vives controverses au sein du monde paysan breton en général, et briacin en

particulier. Attaché à ces terres “ de traditions ” transmises de génération en génération, le

paysan briacin a du mal à accepter ces échanges de terres. Quoi qu’il en soit, ces échanges ne

sont pas sans provoquer des heurts entre les habitants d’une même commune qui voient donc

avec difficulté cet aspect de la modernisation : “ Cela a posé des problèmes car d’anciens

cultivateurs ne voulaient pas du remembrement. Après des siècles d’immobilisme, ce n’était

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pas facile d’accepter cela. En 20 ans, on a déplacé 20 siècles ! (…) Cela faisait peur ! ”

(Christophe H., habitant de Bourbriac).

Si l’ensemble des enquêtés a plus ou moins reconnu l’utilité de cette transformation, tous

déplorent en revanche la manière dont elle fût conduite. Les paysans ne concevaient pas leur

terre, ni même leurs animaux comme des simples outils de travail mais plutôt comme une

manière de vivre en harmonie avec toute cette nature qui les entourait. Pour Camille Guillou121

(agriculteur et auteur de “ Les saigneurs de la terre ”), “ L’affection du paysan pour sa terre a

été remplacée par le souci de sa productivité : on a substitué l’engrais à l’amour. ”.

Il s’ensuit un manque d’attachement à la terre, déploré par les plus anciens, chez les plus

jeunes et une tendance croissante à la location des terres. Comment s’attacher à une terre que

l’on ne possède pas et sur laquelle on ne travaille qu’à mi-temps du fait des lourdes charges

financières qui pèsent sur la ferme ? “ Dans ce domaine, il faut toujours s’agrandir … vous

devez toujours progresser … ” “ il y a une pression pour moderniser, pour renouveler

l’équipement ” notera un couple irlandais.

Il apparaît que l’avènement de cette capitalisation de l’agriculture a également changé le lien

humain qui pouvait exister entre le paysan et ses animaux. A titre d’exemple nous pouvons citer

le nom qui était autrefois donné aux vaches et qui n’est plus guère possible aujourd’hui faute de

cheptel trop important : “ Moi je me rappelle encore les noms des vaches de ma grand-mère. Il

y en a une qui s’appelait Musique, l’autre Rossignol, l’autre Pimpante. Il y a eu 7 à 8 vaches

chez ma grand-mère.” (Christophe H., habitant de Bourbriac). Une perte de contact d’autant

plus grave que dans la société paysanne traditionnelle, l’animal (comme la terre), n’était pas

utilisé comme un simple outil de travail mais était symboliquement et émotionnellement investi.

Hormis quelques rares irréductibles, le cheval a disparu : “ A partir de là, avec l’arrivée des

tracteurs, au début on a gardé un cheval, certains en ont gardé deux, puis petit à petit, ils ont

été éliminés, vers 1968, vraiment éliminé. (…) Bon, il y a eu quelques années de transition, ils

servaient à biner. (…) Oui on le gardait, il y avait la nostalgie du cheval. D’ailleurs il y en a

beaucoup qui sont mordus de chevaux et qui en ont gardé pour le plaisir. ” (Bernard J.,

agriculteur). Cet exemple du cheval a été évoqué à Bourbriac mais également en Irlande.

3.1.3. Changement des conditions de travail : les valeurs des paysans en péril.

La rapidité avec laquelle s’organise le changement est telle que les agriculteurs ont le sentiment

d’une explosion trop brutale, d’autant plus que ces changements apportent soudainement des

nouvelles raisons de faire et de voir différentes qui leurs sont imposées par des directives

provenant du monde non agricole, c’est à dire provenant de personnes n’ayant pas les mêmes

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valeurs. Effectivement, il semble que ce n’est pas le travail nouveau en lui-même qui est

dénoncé mais bien plus les conditions dans lesquelles il se déroule. Les nouvelles conditions

qui mettent en péril la cohérence d’un ordre symbolique, c’est à dire un ordre qui garantissait

l’équilibre d’ensemble de la communauté villageoise autour de méthodes et de valeurs

particulières.

3.1.4. Apparition de nouvelles contraintes : administratives et économiques

Toutes les conditions étaient donc présentes pour inciter à la modernisation ; il fallait suivre le

progrès pour ne pas disparaître. Faire faillite, disparaître, c’était risquer sa vie, son ménage, en

s’exposant au devant de difficultés financières et morales, qui sont susceptibles de rompre la

cohérence interne d’une existence que l’on a mis une vie entière à construire. Parallèlement, se

risquer à investir, c’était également se risquer à perdre tout, en cas de crise agricole ou de

problème quelconque. Car tout investissement financier se traduisait par la nécessité de

rentabiliser cet investissement, source d’angoisse.

Les nouvelles contraintes administratives et économiques ont été largement commentées par

les différents interlocuteurs. “ Nous sommes plus contrôlés qu’à l’époque de nos parents à partir

du moment où des sommes d’argent ont été investies. Avant, nos parents faisaient attention

mais la production était pour la famille, alors qu’après il fallait savoir gérer son affaire et bien

calculer car plus de choses rentraient en compte. Les anciens eux ils avaient pas été formés

pour ça mais ils se débrouillaient quand même, les jeunes maintenant ils ont des conseillers,

des comptables. ” Résumera Gérard K., retraité agricole.

En aval, le processus tend de la même façon à enchaîner l’agriculteur au réseau de la

commercialisation où le marché tend là aussi à imposer un prix fixé et ce d’autant plus que

l’intégration européenne exige l’intervention de l’état dans tous les domaines : “ Il y a un truc qui

est clair, l’agriculteur donne tous ses produits pour le prix que l’on veut bien lui donner. Il n’est

maître de rien du tout. Il est mené par le bout du nez, il est tenu en laisse. » (Jean G., retraité

agricole).

Il n’est alors pas rare de voir apparaître des petites exploitations qui, autrefois totalement

indépendantes, deviennent des simples ramifications d’une firme, qui se charge, en échange

des moyens de production, de l’écoulement de la totalité de la production : “ Avant, on faisait le

lait, la crème, le beurre… et on voyait toute la filière parce qu’elle était assez réduite ! Ca se

négociait un peu entre nous. Puis après, t’as eu l’arrivée du collecteur de lait et à partir de là,

tout s’est emballé ! Maintenant, quand on vend son lait à la coopérative, on ne sait plus rien. On

64121 Agriculteur et auteur de « Les saigneurs de la terre »

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est déconnecté complètement, on ne sait même plus où vont nos produits ! C’est devenu un

vrai système où on est tous spécialisé et où on ne voit plus rien. ” (René O., retraité agricole.)

Parallèlement, à ces contraintes apparaissent des impératifs administratifs plus présents :

“ Trop de contraintes. L’agriculture devient de plus en plus compliquée. Au niveau de la gestion,

de la paperasserie cela devient dingue. (…) Cette paperasserie est arrivée quand ils ont

instauré la fameuse TVA. Après cela n’a pas cessé. Il faut faire des tas de déclarations. ”

(Gérard K., retraité agricole).

3.1.5. La difficulté à suivre

A ce stade ceux qui tentent de rester dans la course se différencient de ceux qui se rendent

compte de la difficulté à suivre et qui sont, par là même obligés de ralentir, et de ceux qui

décrochent.

Il n’est pas difficile d’imaginer que dans de telles circonstances, l’engrenage d’investissements

sans fin ait pu conduire un certain nombre d’agriculteurs dans l’impasse de l’endettement.

L’endettement devient une nouvelle norme. Au même titre que toute entreprise, le secteur

agricole devient “ une activité à haut risque d’échec ”, d’autant plus fragile que dépendante d’un

ensemble de composants qu’elle ne maîtrise plus ; « On aurait du arrêter cette industrialisation

mais les libéraux n’étaient pas pour et du coup beaucoup ont capoté ! Moi j’en connais qui ont

été obligés de mettre la clé sous la porte. Faut pas s’étonner ! ” (René O., retraité agricole). Et

de fait, le nombre de “ cas difficiles ” ne cesse d’augmenter, et le nombre de faillites commence

également à devenir l’une des composantes du métier: “Certains se sont surendettés pour

différentes raisons. Il y a aussi les faillites camouflées, le rachat de l’entreprise par la

coopérative. Et je pense qu’il y en a pas mal. ” (Sylvain L., retraité agricole). Détresse financière

et détresse psychologique apparaissent alors comme les résultantes d’un sentiment “ d’échec ”

personnel qui fragilisent et rendent illusoire toute perspective d’avenir.

3.1.6. Quelques points évoqués de manière différente

En Bretagne, les témoignages insistent fortement sur les pressions extérieures incitant les

paysans à produire davantage, les entraînant dans un engrenage. Ils évoquent aussi des

facteurs plus personnels : l’imitation, la jalousie. Il semble que ce facteur a également eu un

poids déterminant. Paul Houée utilise le terme de “ tracteur psychologique. » Le fils dit à son

père : “ écoute papa, si tu ne me paies pas un tracteur je pars à Paris ”. Il ne faut pas oublier

que cette époque (à partir de 1955) est l’époque d’une véritable fascination technique qui

pousse les agriculteurs à s’équiper rapidement. Nombre des enquêtés ont parlé de l’acquisition

du premier tracteur, d’un "tracteur psychologique", qui est acquis non par nécessité immédiate

mais par besoin de reconnaissance que procurait ce dernier : “ Nous on s’est modernisé quand

on a vu notre petit voisin, avec une ferme de 7 hectares, avec un tracteur. Alors nous à

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l’époque, on avait 20 hectares alors on s’est dit qu’il fallait qu’on investisse et on a acheté un

tracteur de 30 chevaux. (…) Quand on a vu qu’il avait moins de surfaces et qu’il avait un

tracteur… on s’est dit que c’était possible et là dessus, y’a les voyageurs qui sont arrivés pour

nous proposer de vendre nos chevaux en échange. ” (Jacques C., retraité agricole).

En Irlande, les femmes sont amenées à travailler à l’extérieur : c’est le développement du

temps partagé (“part time farming”). A la différence des interviewés de Bourbriac, à Caheragh

“ on ne demande pas aux femmes de travailler sur la ferme, il n’y a pas de travail pour elles ”.

Les femmes sont parties travailler en ville, ou bien elles quittent la ferme tous les jours pour

travailler à l’extérieur ou encore elles s’impliquent dans les poulaillers industriels par exemple.

Dans le West Cork, on voit fleurir une multitude d’activités annexes : accueil à la ferme et “ bed

and breakfast ”, petit artisanat, vente de matériel agricole, menuiserie… Ceci est d’autant plus

souligné que les fermes sont plus petites.

4. DU STRESS AU SUICIDE: DEUX ETUDES COMPARABLES

4.1 CONSEQUENCES DU FORT DEVELOPPEMENT :

4.1.1. En Bretagne :

La transformation d’un métier en une activité devenue incertaine, mal reconnue, a provoqué

des crises identitaires profondes et durables. Certains s’en sont rendu compte à temps : “ Si

j’avais eu encore 10 ans à faire, moi j’aurais changé de système ! Oui parce qu’en fait, on a

voulu aller trop vite et trop fort sans tenir compte de rien. Il fallait produire, produire et c’est tout

ce qui comptait. ” (René O., retraité agricole) ; “ Socialement, cela n’a rien apporté de bien, que

de la jalousie, de l’envie. Les gens ne contrôlent plus leur situation. ” (Charles R., retraité

agricole).

Si la motorisation a changé le travail de l’agriculteur, qui est devenu moins physique, elle n’en a

pas pour autant diminué le poids ; “ On travaille de plus en plus. Ceux qui sont rentrés dans ce

système, ils ont une vie de fou, ils travaillent du matin au soir pour rembourser et ils sont

souvent seuls sur la ferme car comme ils ont du mal, le conjoint est obligé de travailler à

l’extérieur pour avoir un deuxième salaire alors qu’il y aurait facilement du travail pour deux et

même plus ! et bien sur, pas les moyens d’avoir des salariés ! (…) Certains, on aurait pu les

sortir, les aider mais eux ont préféré choisir d’arrêter parce que c’était trop dur. Ils en avaient

marre ! Ils en ont marre de bosser comme des dingues du matin au soir. Il faut qu’ils se mettent

aux normes et plutôt que de se mettre aux normes et d’engager à nouveau de l’argent, ils

préfèrent arrêter et vendre leur affaire.” (René O., retraité agricole).

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Les effets sociaux de la modernisation et le passage à l’économie de marché n’ont pas

concerné que les agriculteurs. Les bouleversements du monde agricole ont eu des

répercussions sur d’autres couches sociales de la population, plus ou moins dépendantes du

paysage agricole. A Bourbriac, comme dans d’autres cantons de même type où l’agriculture a

longtemps entraîné l’économie rurale, suite à l’exode agricole, un certain nombre de

commerces, d’écoles… et donc de personnes a “ disparu ”.

Ce faisant, les “ gagnants ” sont apparus aux yeux des “ perdants ”, comme « leur » groupe de

référence, entraînant un sentiment de « frustration relative » selon l’expression de Boudon122.

En d’autres termes, il n’est pas à exclure que la promotion sociale de certains, engendrée par

un contexte de compétition, a paradoxalement engendré un niveau de frustration global

considérable pour la majorité des participants qui se sont vu exclure ou marginaliser faute de

prise de risques ou de moyens insuffisants pour rester dans la course.

Autre cause de frustration, l’aspiration à vivre comme les autres. Elle s’est généralisée dans le

monde paysan. Les conditions de vie et de confort se sont améliorées, et grâce à la

mécanisation/ motorisation, la pénibilité du travail a diminué. Il n’en demeure pas moins que le

niveau de vie paysan n’a pas suivi l’ampleur des investissements consentis et que l’écart entre

les salaires est demeuré et est encore vécu pour une majorité, comme une cruelle injustice.

Face à la remise en question des habitudes mentales et physiques, on peut aisément imaginer

les situations de stress (changements de méthodes, spécialisation, l’incitation à l’endettement,

adaptation difficile au fonctionnement même de l’appareil bureaucratique…). Un certain nombre

de symptômes “ pathologiques ” : instabilité émotionnelle, insomnie, anxiété/ angoisse,

culpabilité, etc. apparaissent.

L’acceptation de tous les efforts n’a pas toujours payé. Faillites, cessations d’activités,

reconversions contraintes, agriculture à temps partiel et pluriactivité, apparaissent comme

autant de possibilités qui peuvent désormais affecter chaque agriculteur au terme ou en cours

d’un plan de modernisation.

4.1.2. En Irlande

Les regrets sont surtout basés sur le fait qu’ils sont passés d’une société où les lieux de

socialisation étaient situés dans la maison familiale à une situation où tout se passe au pub. Et

nombre d’interlocuteurs se disent très préoccupés par les problèmes d’alcoolisation qui

accompagnent cette situation nouvelle. Un autre mentionnera “ un biais urbain ” faisant allusion

à l’attraction des villes d’autant plus accessibles que les gens ont de plus en plus de voitures

(suite à la fermeture des dessertes locales du train).

67122 Boudon R., Effets pervers et ordre social. Paris: PUF (Ed. Quadrige) 1993 (1ère ed. 1977)

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4.2 LE SUICIDE : PLUS FACILEMENT EVOQUE A BOURBRIAC

Au travers des différents entretiens, nous avons constaté que le suicide était suffisamment

ancré dans l’esprit des répondants. En effet, onze personnes sur vingt ont évoqué

spontanément le suicide et des raisons qui avaient pu conduire certains agriculteurs de leur

entourage à réaliser ce geste : “ J’ai connu des gens qui se sont suicidés carrément à cause de

problèmes financiers et qui n’étaient pas soutenus par les autres agriculteurs ! Ils se sentaient

tous seuls, ils avaient l’impression de ne plus être dans le coup (…), ils avaient l’impression

d’être responsables. ” (Pierre A., agriculteur.) ; “ Il y en a qui se sont suicidés car ils ne

pouvaient pas payer leurs dettes ! En ce moment, on a des suicides dans le milieu agricole. Et il

ne faut pas être surpris s’il y’en a d’autres. La vie n’est plus ce qu’elle était à l’époque. ” (Daniel

N., retraité agricole).

Les causes évoquées par les enquêtés sont les suivantes :

Chez des personnes placées dans une situation délicate (endettement, faillite, autres

problèmes personnels…), le sentiment de culpabilité et la mésestime de soi deviennent vite un

mur opaque, étanche aux contacts amicaux. Un repli sur soi d’autant plus problématique que

les structures d’aides sont moins nombreuses en milieu rural qu’en milieu urbain, et que

lorsqu’elles existent, les agriculteurs sont plus réticents à les utiliser “ pour les hommes, il y a la

fierté qui empêche… ”.

Quand la situation est perçue comme une immobilité professionnelle et sociale voire une

régression, l’immobilité géographique s’ajoute pour créer un sentiment de marginalité.

“ Lorsqu’une conjoncture sociale, en effet, provoque des modifications de positions

professionnelles ou des reclassements et des tendances à l’émigration, pour certains individus,

elle implique pour ceux qui sont immobiles socialement et spatialement, un état émotionnel où

se mélangent une constellation de sentiments comme la déception, l’envie, le ressentiment, la

lassitude ou le désespoir ”. Dans ce contexte, l’inertie provoquée ne peut être appréhendée que

comme un facteur de déchéance sociale qui se double d’une dimension d’autant plus tragique

que l’institution familiale n’exerce plus ses fonctions protectrices et sécurisantes. Pour échapper

à la perpétuation de cette condition sociale “ sans avenir ”, explique Serge Wachter, l’une des

voies possibles trouve sa résolution dans l’autodestruction, contribuant à faire du suicide une

pathologie de l’enracinement imposé plutôt que du déracinement.

4.3 DISCRETION IRLANDAISE SUR LE PHENOMENE SUICIDAIRE :

Le mal-être a été exprimé tout au long des entretiens mais rarement nommé en temps que tel.

Discrétion ? Tabou ? Peur de parler de soi devant quelqu’un que l’on connaît peu ? Peur “ que

le voisin sache ” dans une communauté où les gens se connaissent bien ?

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Le plus grand individualisme et la perte des réseaux sociaux ont été souvent relevés. La

disparition des fêtes locales, des festivals de fin de moisson, de ramassage des foins, la perte

des occasions de pratiquer les danses collectives traditionnelles, le manque de temps (ou

d’occasions) pour rendre visite aux voisins ont été très largement débattus.

Tout ceci amène plusieurs interlocuteurs à aborder la question du suicide, en l’absence de

questions directes sur le sujet. Pour eux, le suicide est l’issue des situations de solitude

décrites. Un grand nombre de raisons est avancé : le stress lié à la charge de travail, les

pressions financières, le déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes dans la région,

le sentiment d’anomie chez les jeunes, la pauvreté des relations interpersonnelles et le manque

de résilience chez les plus jeunes. “ La frustration est immense chez les gens de ma génération

(dit un homme d’âge moyen) … il existe un grand désir de devenir fermier mais avec toutes les

limitations (les quotas) les gens doivent penser à d’autres sources de revenus. Il y a beaucoup

de suicides qui sont liés à la pression des banques…. C’est un gros boulet attaché à la ferme…

moi d’un point de vue des relations sociales, ça va mais il y en a qui se suicident autour … la

population féminine est absente ici à la campagne ” “ et c’est comme ça depuis une vingtaine

d’années ”. Le problème est de faire en sorte que les jeunes trouvent leur “ niche ” dans la

communauté. “ il n’y a pas de travail pour les jeunes ici ”. “ Il y a toutes sortes d’obstacles pour

les jeunes ”. Les conditions de travail ont changé. Dans notre paroisse, il y a “ un bon peu123 de

suicide. Il y a une incapacité à communiquer de nos jours. ”. “ Il y a un manque de résilience de

nos jours ”, qui peut mener à la dépression voire au suicide.

5. CONCLUSION D’UNE COMPARAISON INTER REGION

Ce travail n’est pas exhaustif. Il apporte un éclairage sur ce qui s’est passé dans le secteur qui

a tiré la Bretagne vers la modernité dans les années 1960, au moment où les taux de suicide

augmentaient fortement, à savoir l’agriculture.

Néanmoins, il est important de rappeler que les personnes interrogées ont largement souligné

les effets positifs de la modernisation (plus de standing de vie, meilleur revenu …) mais ont

aussi noté les effets pervers.

Le développement agricole a été vécu à Bourbriac comme un basculement brutal qui a eu des

répercussions multifactorielles : sur le travail, la nature, les animaux, la famille, les relations

extérieures, la ruralité, l’argent et l’épargne… Ces répercussions ont été constatées avec plus

ou moins d’importance sur Bourbriac et Cork.

69123 "un bon peu" = une quantité assez importante

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Au travers de ce travail, il ne s’agissait pas de démontrer que l’augmentation du mal-être perçu

dans le milieu agricole et par extension dans tout le tissu rural pouvait, à lui seul, rendre compte

de l’augmentation du suicide en Bretagne. Il s’agissait de montrer, avec l’aide des personnes

interviewées, que dans une région agricole comme la Bretagne dans les années 1950-1960, le

stress, le désenchantement, la frustration qui ont pris la suite d’une période d’exaltation et de

dévouement, ont eu une part, à priori importante, dans l’augmentation des suicides dans la

région.

Il ne faut pas perdre de vue également que les agriculteurs avaient des familles, des proches

des amis, des collègues qui ont pu souffrir par un effet “ boule de neige ”, des situations créées.

Ce qui s’est produit dans le milieu agricole a donc indirectement influencé les taux de suicides

dans le milieu rural et aussi dans d’autres milieux.

De cette étude, des enseignements peuvent en être dégagés, notamment pour prévenir et

pallier des situations de changements brutaux ou d’échecs dans d’autres secteurs

professionnels.

Quelques précautions d’usage doivent néanmoins être rappelées :

- Il s’agit de deux études très localisées nécessitant une grande prudence

quant à la généralisation de ces conclusions à la région, études basées sur le

discours d’enquêtés.

- Entre les situations réelles et ressenties vécues par les enquêtés : quelle est

la part de nostalgie du passé ?

Enfin, il a été matériellement impossible de réaliser l’étude comparative telle qu'elle avait été

initialement prévue avec le Languedoc Roussillon. Cette région avait été choisie car elle

présentait des caractéristiques proches de la Bretagne (importance de l’agriculture/viticulture,

fortes mutations socioéconomiques souvent vécues en crises, points communs socioculturels)

et des conséquences radicalement différentes en ce qui concerne l’évolution du taux de suicide

et le traitement socioéconomique.

70

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3ème PARTIE : APPROCHE TRANSGENERATIONNELLE124

1. D’UN QUESTIONNEMENT CLINIQUE A LA MISE EN ŒUVRE D’UNE ENQUETE

Conformément aux recommandations de la Conférence Régionale de Santé, cette étude a

mobilisé activement les services du CHU de Brest, à savoir

Unité Angéla Duval expérimentale pour les jeunes (une première analyse

statistique des 500 fiches patients a permis un préalable à l’étude)

Accueil urgences psychiatriques et services de psychiatrie adulte

Unités de gérontopsychiatrie.

Les hypothèses explicatives doivent être avancées avec la plus grande prudence. La

psychiatrie se situant au carrefour des études portant sur le biologique, le psychologique et le

social, il faut en effet se garder de tout raisonnement fonctionnant selon un modèle de causalité

linéaire. Les auteurs ont constaté au cours de leur pratique clinique, des similitudes troublantes

dans le discours des patients vivant à Brest et dans sa région et qui avaient effectué un geste

suicidaire. Il leur était impossible de ne pas ne pas rapprocher ces similitudes de

comportements pathologiques inhérents à la pratique de la psychiatrie finistérienne, à savoir la

fréquence de l’alcoolisme, la surconsommation de produits psychotropes, l’inhibition verbale,

les phobies sociales, les pathologies du narcissisme et notamment cette « sensitivité

bretonne », objet fréquent de taquineries et de railleries entre collègues bretons et non bretons.

Toutes ces constatations ont amené à poser les questions suivantes :

Y a-t-il une spécificité de la psychopathologie du suicide dans le Finistère ? C’est à dire : y a-t-il

une prédominance de facteurs généraux prédisposant au suicide déjà mis à jour par les

enquêtes épidémiologiques nationales et internationales, et pourquoi ?

Et /ou y aurait-il des facteurs prédisposant spécifiques au Finistère et quels sont-ils ?

En Bretagne, des hypothèses relatives à la perte des repères ruraux, des repères religieux et

de la langue bretonne ont souvent été avancées. Mais cela est-il bien spécifique à notre

région ?

124 D’après les travaux en annexe 6 de Véronique GRINER-ABRAHAM, avec le concours de Morgane MENGUY et Dominique MONPLAISIR

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Le choix a été fait de s’intéresser au discours de certains patients et à l’analyse qualitative de

ce discours. Il s’agit de s’interroger sur la sensibilité à la perte que manifestent les Bretons dans

le Finistère.

«Faire un travail de deuil » ne peut se faire qu’avec une bonne estime de soi et de ses

capacités, ce qui nécessite d’avoir pu mener à bien les différentes étapes du développement

psychoaffectif dans l’enfance et la nécessaire étape de séparation - individuation à

l’adolescence. On pourrait mettre en relation cette question de l’estime de soi à l’histoire de la

Bretagne et à celle de l’affect de honte qui, selon la plupart des auteurs125, la caractérise. La

revue de la littérature126 montre que ce qui concerne le développement psychoaffectif, la

particularité de la fonction maternelle et de l’œdipe en Bretagne a été remarquablement traitée.

Qu’en est-il dans le discours des patients? De plus on ne peut, en raison de la fréquence des

deuils pathologiques, ignorer le lien que les Finistériens entretiennent avec la mort et la

configuration sociale propre au culte des morts.

Cette enquête en milieu hospitalier est axée sur le discours des patients, discours subjectif

autour de leurs valeurs, leurs croyances, leur souffrance. Étant donné les conditions et l’état

psychique des patients lors de l’enquête, il est à préciser que ces entretiens ont été menés par

des professionnelles de la santé mentale (médecin psychiatre, médecin généraliste et

psychologue). L’anonymat des patients a été respecté.

Cette enquête en milieu hospitalier a été menée entre 2001 et 2002 sur un échantillon total de

45 personnes ayant effectué un geste suicidaire. Il s’agit d’une étude transversale de trois

groupes d’âges différents de patients suicidants. Ces patients ont été “recrutés” au CHU de

Brest, c’est à dire aux urgences psychiatriques, à l’unité Angéla Duval ou dans les services de

psychiatrie adulte et de gérontopsychiatrie de l’hôpital de Bohars. Ces patients y ont été admis

à la suite d’un geste suicidaire.

Les critères d’inclusion étaient les suivants : Avoir fait une tentative de suicide dans l’année,

être âgé de 15 à 25 ans (15 cas étudiés), de 40 à 50 ans (10 cas étudiés), ou de plus de 60 ans

(20 cas étudiés), vivre actuellement dans le Finistère et avoir donné son consentement oral.

Les critères d’exclusion étaient les suivants : ne pas présenter de pathologie psychotique

avérée, à savoir être indemne de schizophrénie, de psychose maniaco dépressive, de bouffées

délirantes aiguës et autres psychoses chroniques.

Le protocole d’enquête repose sur un entretien directif puis semi directif. L’objectif était de

recueillir auprès des patients un certain nombre de réponses spécifiques et d’en dégager des

similitudes ou des différences en fonction des trois générations représentées. Perçoit-on les

125 Philippe CARRER , Y. DAUMER et J. MAISONDIEU. Conduites de dépendance en Bretagne. Institut Culturel de Bretagne, 1982.

72126 Notamment Philippe CARRER. Le matriarcat psychologique des bretons .Payot, 1984 et Œdipe en Bretagne. Privat, 1986.

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mêmes choses aux mêmes âges? Les difficultés exprimées sont-elles du même ordre à 20 ans

qu’à 60 ans? L’objectif final était de regrouper les thèmes récurrents de leur discours afin

d’obtenir des ébauches d’explications socioculturelles à la fréquence de l’acte suicidaire dans le

Finistère.

Il est important de pouvoir exposer les limites de cette recherche. D’une part, en ce qui

concerne le “recrutement” des patients, il n’a pas été possible de voir les patients admis

directement en chirurgie et en traumatologie qui sortent avant d’avoir bénéficié d’un avis ou

d’une consultation psychiatrique. D’autre part, on ne peut pas garantir que les patients ne

rentreront pas ultérieurement dans le cadre de la schizophrénie ou d’une psychose maniaco-

dépressive, pour les adolescents et les jeunes adultes, dans le cadre de la démence ou d’une

psychose hallucinatoire chronique pour les plus âgés. Le critère « indemne de pathologie

psychotique avérée connue » est donc relativement critiquable. En ce qui concerne la croyance

religieuse et la langue bretonne, il faut admettre que nous travaillons sur des représentations,

des histoires singulières et non sur des critères objectifs quantifiables. Reconnaissons aussi la

difficulté de questionner les patients dans les dix jours qui suivent le geste. Ce critère initial

d’inclusion a été revu et étendu. En effet, le travail de réflexion et d’introspection était

impossible, trop loin des préoccupations socioculturelles. Il est nécessaire d’attendre une

certaine restructuration psychique. De plus, au fil des entretiens, il a été constaté une grande

inhibition verbale, de la timidité et du malaise à l’approche de certaines questions et notamment

en ce qui concerne les croyances religieuses. Ce sont des patients d’autant plus difficiles à

interroger, qu’ils parlent peu d’eux - mêmes.

Enfin, il ne faut jamais perdre de vue que ce travail concerne les tentatives de suicide et qu’une

sous représentation peut être interprétée de deux manières : est-ce réellement un élément

significatif de sous représentation ou au contraire de sur représentation de suicides parce que

ces patients là ne se ratent pas?

Pourquoi ne pas nous intéresser directement aux suicidés, aux morts? Tout d’abord l’étude des

suicidés et l’étude des tentatives de suicide ne sont pas forcément antagonistes… On ne peut

pas dire que seuls ceux qui sont morts voulaient vraiment se suicider. De plus, l’étude des

morts par suicide, pour être rigoureuse, demanderait un travail d’autopsie psychologique. Des

travaux de ce type effectués au Canada127 et en Finlande nécessitent 15 chercheurs pour un

cas de suicide et sont donc hors de nos possibilités ici compte tenu des moyens disponibles.

Les biais sont donc inéluctables. Mais il faut toujours garder à l’esprit que ce sont moins les

biais qui posent problème que le fait d’en ignorer, délibérément ou non, l'existence.

73127 En particulier les travaux de Monique SEGUIN, au Saint Mikael’s hospital à Toronto

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2. RESULTATS DE L’ENQUETE TRANSGENERATIONNELLE

2.1 LA PROBLEMATIQUE DE L’ALCOOL

Les études nationales et internationales128 montrent que les patients alcoolo-dépendants sont

exposés à un risque majeur de crise suicidaire et de mort par suicide. Le risque suicidaire est

plus élevé chez les sujets de plus de 40 ans. Les sujets plus jeunes dans le Finistère,

consomment l’alcool de manière festive, en groupe. L’alcool semble faire partie intégrante du

lien social et permet la reconnaissance des pairs. Les plus de 40 ans consomment plutôt seuls,

isolément et dans un but anxiolytique et/ou euphorisant.

Il ne faut en aucun cas banaliser ces alcoolisations massives des jeunes. L’abus d’alcool ou la

dépendance multiplient par huit le risque de crise suicidaire129. Une étude130 montre, qu’une prise

d’alcool juste avant ou au moment de la tentative de suicide était fréquente chez les hommes

vivants seuls, chez les sujets jeunes et chez ceux qui avaient plusieurs antécédents de

tentatives de suicide. Le risque suicidaire est donc particulièrement élevé chez les adolescents

consommant de l’alcool de manière paroxystique et confrontés à des situations de maltraitance.

L’alcool, par son effet désinhibiteur et antalgique, favorise la réalisation de gestes suicidaires à

haute létalité même chez des sujets qui n’ont pas un niveau très élevé de désespoir.

Dans la mesure où les pathologies alcooliques dans le Finistère sont importantes et

supérieures à la plupart des autres départements, le sujet finistérien est donc particulièrement

vulnérable à la tentative de suicide. La prise d’alcool influence et facilite la mise en acte des

idées de suicide par l’augmentation de l’impulsivité et la réduction des possibilités de contrôle

comportemental. Des études131 nous ont montré que les tentatives de suicide chez les

alcooliques sont plus impulsives, peu préméditées et moins liées au niveau d’intentionnalité

suicidaire (les idées et tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les alcooliques déprimés

que chez les déprimés non alcooliques). C’est ainsi que l’on constate, et tout particulièrement

chez les plus de 40 ans, une non reconnaissance de la gravité du passage à l’acte avec refus

d’aide psychologique, de soins, d’où l’importance des consultations d’alcoologie de liaison.

Dans le cadre de cette enquête, chez les plus de 40 ans, l’alcool est systématiquement associé,

sauf dans 1 cas sur 43 passages et à des taux d’alcoolémie élevés, allant de 1,92 à 5 g/l ! Ces

patients de plus de 40 ans et de moins de 50 ans sont déjà connus des services de soins. Peu

sont hospitalisés. Ils ressortent rapidement, parfois sont orientés en clinique. D’après l’équipe

128 J. ADES et M. LEJOYEUX. Quelles sont les relations entre crise suicidaire et alcool ? 129 I. ROSSOW ET A. AMUNDSEN. Alcohol abuse and suicide : a 40-year prospective study of Norwegan conscripts. Addiction, 1995 ; 90(5) : 685-91 130 J.SUODS et J. LONNQUIST. Suicide attemps in which alohol is involved : a special group in general hospital emergency rooms. Acta Psychiatr Scand. 1995 ; 91(1) : 36-40.

74

131 K. SUOMINENE et Al. Hoelessness, impulsiveness d intent among suicide attempers with major depression, alcohol dependance, or both. Acta Psychiatr Scand. 1997 ; 96(2) ; 142-9.

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infirmière, le geste serait très impulsif et lié à l’ingestion d’alcool avec une critique du geste

rapide et un appel téléphonique aux urgences pour annoncer leur arrivée. Ils ont ensuite envie

d’oublier, de ne pas en parler. Les recontacter s’est avéré difficile. La proposition du

questionnaire est accueillie avec indifférence ou réticence : “laissez-moi tranquille, J’ai un

problème d’alcool, pas de suicide”. Le suicide peut faire partie des conséquences de l’alcoolo

dépendance même s’il n’est pas le but recherché. Le patient alcoolique a avant tout besoin

d’alcool pour vivre et ne l’utilise pas pour mourir.

Si nous nous attardons sur les gestes suicidaires des patients plus jeunes (toujours dans ce

registre des urgences psychiatriques du CHU de Brest), nous constatons l’apparition

d’alcoolisations fortes à partir de 30 ans (patients nés en 1970, 1971, 1972). L’exploitation

« des fiches patients » de l’unité Angéla Duval de 1998 à 2000 retrouve d’ailleurs cette même

particularité. Plus les patients avancent en âge et plus l’alcool est associé au geste.

2.2 LE POIDS DE L’HERITAGE FAMILIAL

D’une manière plus générale, dans les antécédents familiaux et quelle que soit la tranche

d’âge, on retrouve une grande fréquence de pathologies familiales qui touchent notamment les

mères des patients, à type de dépression (dans la plupart des cas, il s’agit de personnages

féminins tels que la mère, la sœur, la cousine).

Plus de la moitié des jeunes patients a connu des maladies psychiatriques, notamment la

dépression, dans leur environnement familial proche. Le suicide ou la tentative de suicide d’un

proche dans la famille revient dans un peu plus de la moitié des cas. Ce chiffre est moindre

chez les plus de 60 ans, par rapport aux autres tranches d’âge.

Il n’est pas rare de constater que les familles touchées par le suicide d’un de leur membre le

sont pour plusieurs : banalisation, idéalisation du suicidé au sein de la famille, ou effet

d’identification ? Si les statistiques évoquent l’augmentation du taux de suicide ces dernières

années, qu’en est-il de la connaissance des suicides familiaux anciens, marqués à cette

époque du sceau du non-dit et de la honte?

Un décès par suicide agit sur l’entourage comme un puissant traumatisme. Une énigme

s’impose à la famille. L’entourage doit se mettre en quête du sens du geste, rechercher une

logique acceptable. La culpabilité constante peut être véhiculée de génération en génération.

Les jeunes patients ne peuvent mettre un sens sur cette mort inconnue. Parfois la place du

mort dans la filiation n’est pas connue : “Un oncle ou un grand-oncle, je ne sais pas très bien”.

Des récentes études indiquent que suite à un suicide, la plupart des personnes en deuil

éprouvent des sentiments de honte ou de rejet (imaginaires ou dans la réalité), qui peuvent

avoir des répercussions sur leurs futurs rapports sociaux. Si le suicide de membres de

75

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générations précédentes entraîne le suicide des descendants d'aujourd'hui, les taux finistériens

s’auto entretiendraient ils?

Ensuite, plus de la moitié a un parent (à dominance masculine, le père le plus souvent désigné)

atteint d’alcoolisme. Enfin, quelques patients ont un proche dépendant à une substance

psycho-active.

D’autre part, ces patients ont été également touchés dans la moitié des cas par des maladies

somatiques de parents proches (surtout cancer et pathologie cardio-vasculaire), avec une

proportion moindre chez les plus de 60 ans.

Enfin, des violences, abus physiques, psychologiques ou sexuels (violence sous alcool) ont été

soulevés par les personnes interrogées.

L’ensemble de ces facteurs sont connus et ne sont pas spécifiques aux finistériens. Mais ils

sont un peu plus fréquents dans ce département, notamment l’alcoolisme, le suicide, les

cancers et pathologies respiratoires.

2.3 L’IMPORTANCE D’UN LIEN SOCIAL ET FAMILIAL

La situation matrimoniale influence la propension au suicide.

Une seule personne parmi les dix de 40 à 50 ans est mariée

De même chez les vingt personnes de plus de 60 ans, treize vivent seules (le plus souvent

veuves, ou encore divorcées)

Là non plus, rien de bien exceptionnel n’apparaît, par comparaison aux facteurs

épidémiologiques connus.

La totalité des patients jeunes vit en famille et s’en plaint, alors que la plupart des 40-50 ans vit

seule sur un plan socio-familial. La plupart d’entre eux, hommes ou femmes n’a pas la garde de

ses enfants.

Les personnes de plus de 60 ans présentent un isolement géographique et socio familial dans

presque la moitié des cas. En effet, sur la totalité de l’échantillon, neuf personnes vivent seules

à leur domicile, souvent éloigné géographiquement d’une ville ou à la périphérie d’un bourg, car

il s’agit très souvent de la ferme familiale. Dans plusieurs situations, les personnes présentent

un attachement massif à leurs biens, maisons et terres et mènent envers et contre tout une vie

à domicile en situation précaire. Elles expriment leur difficulté à supporter cette solitude, ce

sentiment d’inutilité, le manque d’activités sociales. La maison de retraite ne paraît pas la

solution. Les patients s’isolent dans l’institution pour signifier leur mal être et leur désespoir

devant la dépendance. Est également exprimé le sentiment de rejet par la famille et par les

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enfants : “Ils ont tout vendu, ma maison, mes terres et se sont débarrassés de moi en me

plaçant en maison de retraite” dit Mme A. On constate aussi des plaintes récurrentes

concernant l’éloignement familial. Il faut reconnaître que, très souvent, pour des raisons

professionnelles, les enfants ont quitté le domicile familial et la ville du lieu de naissance pour

d’autres contrées éloignées (Paris, Rennes...).

Ainsi, chez les personnes âgées, comme chez les adultes et les jeunes, on note une extrême

fragilité et pauvreté du lien social. Ceci est certainement majoré par la dispersion de l’habitat,

l’isolement géographique, socio familial et la perte d’autonomie (pas de véhicule ou véhicule

retiré), en particulier chez la personne âgée. Cependant, la dispersion de l’habitat existe dans

toute la zone ouest d’une ligne reliant Le Havre à Genève, on ne peut donc prétendre que

l’isolement géographique est spécifique au Finistère. Considéré dans l'absolu, il ne pourrait

donc expliquer la fréquence du suicide dans le Finistère. Reste à savoir s'il n'y a pas des

régions où cet isolement lié à la dispersion de l'habitat serait traditionnellement mieux assumé

qu'en Bretagne.

2.4 CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES

Une majorité, non significative d’adultes de 40 à 50 ans, de parents des jeunes de 15 à 25 ans,

et de personnes de plus de 60 ans, sont ou ont été ouvriers. Les statistiques de l’Unité Angéla

Duval confirment également les résultats ; les parents des jeunes patients sont majoritairement

ouvriers et employés132. On peut aussi noter que peu d’entre eux sont inactifs.

2.5 UNE SITUATION FINANCIERE PERÇUE DIFFEREMMENT SELON LES AGES

Les idées de ruine sont très présentes chez les patients âgés ; chez les jeunes, on note des cas

de surendettement. Dans les deux situations, il existe une distorsion de la réalité. Les

personnes âgées n’ont aucune raison de s’inquiéter dans la réalité alors que les jeunes ne

s’inquiètent pas assez de leur surendettement. Les adultes, eux, sont préoccupés par leurs

difficultés financières ce qui induit des troubles anxieux importants. Certains les désignent

mêmes comme les raisons principales de leur geste. En effet, les patients de la tranche 40–50

ans ont recours facilement aux crédits garantis ou non garantis. Ils ne possèdent, dans notre

échantillon, aucun bien personnel (immobilier, terrains...).

Dans ce département, où l’attachement à la terre est un élément fort, ne pas avoir un bien

personnel pourrait accentuer le sentiment d’échec. Une étude plus poussée concernant

l’attachement des Français à leur patrimoine dans les différents départements (ainsi que la

nature de ce patrimoine) serait à mener. Dans nos recherches bibliographiques, nous n’avons

pas retrouvé d’éléments pouvant confirmer ou infirmer notre hypothèse.

77132 Cf.1 l’analyse des PCSP réalisée pour cette recherche par l’ORSB, supra 1ère partie et annexe 1

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2.6 UNE ESTIME DE SOI NEGATIVE

Dans la majorité des cas et quelle que soit la tranche d’âge, les patients suicidants ont une

estime d’eux-mêmes très négative. La perception qu’ils ont d’eux-mêmes, renvoie au sentiment

de “ne pas être à la hauteur”.

Chez les plus de 60 ans, nous trouvons souvent le sentiment d’être un poids pour les autres

“J’embête les autres... Je ne sais pas me débrouiller toute seule”, nous dira Mlle C. (74 ans). La

plainte la plus manifeste concerne la timidité, retrouvée dans toutes les tranches d’âges,

comme caractéristique principale. Arrivés au terme de leur vie, plusieurs ont le sentiment

négatif de « ne pas avoir réussi » et remettent ainsi en question leur parcours. De nombreuses

personnes évoquent leur malaise en société, leur difficulté à aborder l’autre. Les capacités

évoquées ne le sont qu’en terme de réussite scolaire, professionnelle ou d’obtention de

diplômes. “Mon patron n’a jamais eu à se plaindre de moi” dit M. A. (69 ans), “J’étais une bonne

institutrice et cela a rempli ma vie jusqu’à la retraite“ dit Mlle C. (74 ans).

Les deux autres tranches d’âge sont très critiques vis à vis d’eux–mêmes. La dévalorisation est

au premier plan. Ils se plaignent de ne pas avoir suffisamment confiance en eux, de douter de

leurs capacités, et évoquent aussi leur malaise relationnel. Ils se trouvent trop introvertis et trop

fragiles. Les termes sont éloquents : “Je me dégoûte” (Mme B.), “Je ne suis rien”, “J’ai honte de

moi” (Marie B., 17 ans). Dans tous les cas, c’est la carence de capacités psychiques et sociales

qui est évoquée.

Ce sentiment d’insuffisance psychique les a empêchés par ordre de priorité, de réussir leur vie

scolaire et professionnelle d’abord, affective ensuite. “J’aurais certainement pu aller plus loin

dans mes études si je n’avais pas été si sensible aux remarques des maîtres et si paniqué à

l’oral” nous confie un patient de 65 ans. “Ce n’était pas que je ne savais pas mes cours, et je

l’avais très bien compris, mais au tableau, j’étais tétanisée” raconte Marie B. (17 ans).

Quel que soit la tranche d’âge, les patients émettent le souhait de changer en devenant “plus à

l’aise, moins timides” et avec une meilleure confiance en eux. Ils regrettent d’être si anxieux et

impulsifs en ce qui concerne les 15-25 ans. Les regrets concernent principalement le degré de

leur réussite scolaire ou professionnelle, plutôt chez les hommes âgés.

Chez les jeunes patients, il s’agit en plus d’une pression scolaire émise par l’entourage familial :

“Réussissez mieux que nous, parents, n’avons pu le faire !”. Certains parents de mineurs

refusent la signature de la demande de soins pour des motifs scolaires. Ainsi, M.X. fustige :

“Vous ne vous rendez pas compte, il a contrôle demain !”, semblant totalement inaccessible à

l’idée de la mort de son fils, et qu’une préparation d’obsèques aurait pu remplacer la

préparation du contrôle…

78

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2.7 UN ATTACHEMENT FORT A LA MERE ET A LA FAMILLE MATERNELLE

Le lien d’attachement à la mère est significatif. La mère ou ses substituts, est la personne qui

est (ou a été) la plus chère. Au-delà de la mère, c’est souvent la grand-mère, voire toute la

famille maternelle qui est représentée. Dans la majorité des cas, il s’agit d’une référence

féminine. On y perçoit au travers des discours un lien de dépendance, de fusion, un

attachement pathologique. Les hommes semblent rechercher auprès de leur épouse, ce lien

maternel originel. Ainsi, M. X nous rapporte : “ Ma mère. C’est sacré pour moi, elle était très

gentille. Ma femme est bien aussi, mais trop nerveuse, elle n’a pas les qualités de ma mère”.

Eugénie R. (16 ans) : “Depuis que ma grand-mère maternelle est morte, je n’ai plus envie de

vivre. Je veux être enterrée avec elle lorsque mon tour sera venu”. ’Autres réponses vont

encore plus loin : “C’est à ma mère qu’il faudrait poser certaines questions. Elle, elle sait ce que

je vaux et ce que j’ai raté” dit Anna O.

Il apparaît incontournable, après ces phrases, de reprendre les données de la littérature.

Le matricentrisme ou matriarcat psychologique en Bretagne a fait l’objet de multiples travaux.

Le terme de matricentrisme a été proposé par le Docteur Carrer qui y voit une des particularités

ethnopsychologiques Bretonnes. En 1978 en collaboration avec Jacqueline Le Petit, il étayait

son hypothèse par une étude auprès d’enfants de 10 à 11 ans, de Bretagne et d’autres régions

françaises, à partir du test du dessin de famille de Corman, en milieu scolaire. Ces résultats

permettent aux auteurs de conclure à une situation tout à fait particulière en Bretagne, sur le

plan des imagos parentales chez les enfants par rapport au reste de la France, avec une

prédominance de l’imago maternelle quel que soit le sexe. Du côté de la mère, il semble y avoir

un certain « plus » en Bretagne, et surtout en Basse Bretagne (dans le Finistère), alors que du

côté du père, c’est plutôt un certain manque qu’il s’agit. Cette étude confirme bien la société

bretonne en tant que société imagoïque maternelle. Pour P. Carrer, reprenant les termes de G.

Mendel, cette société à image du père faiblement intériorisée équilibre la toute puissance

maternelle au moyen d’un “père extra-psychique”, constitué en fait par les coutumes, les rites

religieux et sociaux, mais aussi par le groupe social et par le culte des morts.

Il existe trois formes de relation sociale entre les enfants et leurs parents : la relation de pouvoir,

la relation de filiation, la relation géographique. Actuellement, dans notre société, seul le lien de

filiation reste défini juridiquement. Relation de pouvoir? L’autorité parentale est partagée (même

en cas de divorce, l’autorité reste conjointe). Par contre, la matrilocalité bretonne est très forte.

Qu’en est-il du statut de la femme en Bretagne133?

Au long des siècles en Bretagne, on trouve une continuité culturelle favorable aux femmes.

79133 Agnès AUDIBERT. La femme en Bretagne. Universels Gisserot, 1996.

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Dans l’ouest, la femme avait un droit égalitaire sur le patrimoine familial au contraire du sud de

la France, et notamment du sud ouest. Aucun enfant n’est exclu de la succession quel que soit

son sexe ou sa place dans la fratrie. Ceci a des conséquences sur le patrimoine agricole.

On constate aussi l’uxorilocalité : le gendre vient habiter dans le groupe géographique local de

sa femme, la relation gendre/beau-père étant moins conflictuelle que celle belle-fille/belle-mère.

Le gendre se plie aux décisions des femmes, est nommé en référence à sa femme (par

exemple “le Yves à la Marie Gouriou”). Même mariée, on désigne la femme sous son nom de

jeune fille. Dans les cimetières, il n’est pas rare que l’homme soit désigné sous le nom de sa

femme (ex Bourbigot Guillaume, époux Tollec).

Les travaux de Philippe Carrer seraient fortement contestés. Nos recherches bibliographiques

concernant ces contestations n’ont rien retrouvé. Si ces hypothèses sont à relire avec

prudence, dans le Finistère, au nord comme au sud, nos quinze années134 de pratique

quotidienne clinique en psychiatrie, nous permettent, en tout cas, de confirmer la place

importante de la femme et de la mère dans la famille et la vie sociale. Ceci se retrouve dans la

plupart des thèses de psychiatrie et de médecine du Finistère et dans les écrits littéraires

bretons135. On peut d’ailleurs se demander si ces contestations ne proviennent pas de

l’extension de l’hypothèse à l’ensemble de la région Bretagne et non plus seulement cantonnée

à la Basse Bretagne (comme le retrouve Ronan Le Coadic136). Peut être actuellement en

agriculture, la femme aurait perdu sa place en raison de l’inégalité du savoir technicien137. Là

aussi, si les contestations des hypothèses de Philippe Carrer tendent à montrer que “les

taches” dévolues à la femme n’ont rien de spécifiquement breton, peut être l’originalité bretonne

résiderait-elle dans l’intensité de la dévolution? Tout se passe comme si le mari abandonnait

parfois totalement à sa femme la part de responsabilité qui lui incombe…138. Nous retrouvons à

nouveau une idée de surinvestissement psychique de l’ordre du qualitatif.

2.8 LA PEUR DE LA PERTE, DE LA SEPARATION

Dans la majeure partie des cas, plus fréquemment chez le sujet jeune, le geste suicidaire

s’inscrit dans un contexte d’épisode dépressif modéré à majeur.

Les patients de plus de 60 ans se plaignent d’anxiété diffuse et chronique souvent liée à un

isolement géographique et/ou familial avec des ruminations mentales incessantes. Les

situations de rupture, de changement de repères familiaux et sociaux, comme l’entrée en

134 Véronique GRINER ABRAHAM est psychiatre au CHU de Brest 135 Pierre Jakez HELIAS. Le cheval d’orgueil. Plon, Terre Humaine, Paris, 1975 et Edgar MORIN. Commune en France : la métamorphose de Plodézet. Fayart, Paris, 1967. 136 Ronan LE COADIC. L’identité bretonne. PUR, nov.1998, p.90. 137 Anne GUILLOU. Les femmes, la terre, l’argent. Guiclan en Léon, Braspars, 1996.

80138 Ronan LE COADIC. id ibid, p.93.

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institution pour ces patients, semblent réactiver une problématique abandonnique et des

angoisses de séparation. Les principaux facteurs en jeu dans la dépression de la personne

âgée, sont représentés par des blessures narcissiques, avec la perte d’autonomie physique

voire psychique et la crainte de l’incontournable évolution. Ainsi, M.C. (88 ans) nous dit : “J’ai

une peur terrible de ne plus pouvoir marcher, déjà que je ne peux plus conduire ma voiture”.

Ces prises de conscience de dégradations majorent le processus de dépression, avec nette

péjoration de l’avenir. D’autres préoccupations prennent une place importante, c’est le cas du

devenir du patrimoine familial, surtout lorsque celui-ci ne pourra pas être transmis.

Les patients âgés de 40 à 50 ans font, dans la majorité des cas, état d’un passé douloureux

empreint de carences, de traumatismes, de séparations (notons l’importance des divorces, de

l’éloignement des enfants, de familles reconstituées), de ruptures et de deuils non résolus. Les

troubles anxieux sont dominants, liés à des difficultés relationnelles intra familiales, des

difficultés financières, des deuils pathologiques (celui surtout de la mère ou du père). Ils

expriment une profonde solitude et pensent avoir raté leur vie. Ces sujets sont en prise avec

une forte culpabilité, des regrets et des remords. L’estime d’eux-mêmes est médiocre.

Chez les patients âgés de 15 à 25 ans, le sens accordé au geste semble différent. Ces patients

se plaignent souvent de leur impulsivité. Les fonctions accordées au geste visent davantage un

changement, un appel à l’autre, une reconnaissance de leur souffrance et de leur mal être.

L’intentionnalité de mort est moindre comparée à la détermination des personnes plus âgées.

Ce geste n’est cependant pas à banaliser pour autant. Il s’inscrit souvent dans un épisode

dépressif avec des caractéristiques mélancoliques. Ces patients se présentent comme inhibés,

réservés et peu loquaces, contrairement aux personnes âgées. Les raisons du passage à l’acte

qu’ils évoquent sont de l’ordre de la rupture et de la perte (sentimentale, professionnelle), qui

semblent là aussi réactiver des angoisses de séparation. Ce qui paraît peut-être spécifique au

Finistère, c’est la fréquence de l’échec scolaire et/ou professionnel comparé à d’autres études.

Le Finistère est l’un des départements qui présente le plus fort taux de diplômés. Que signifie

cette idéalisation de la réussite scolaire et universitaire?

Ces jeunes patients s’auto-déprécient, présentent des difficultés d’adaptation, des intolérances

à la frustration. Conjointement, cette population présente une consommation abusive de

substances psycho-actives et d’alcool entraînant des difficultés familiales et parfois légales. Les

phobies sociales et les troubles paniques sont fréquemment repérés.

Comment définit-on la personnalité dépendante, caractéristique des suicidants finistériens

interrogés? D’une part, il s’agit d’une personne qui présente un besoin général et excessif d’être

pris en charge, qui conduit à un comportement soumis et à une peur de la séparation. En effet,

le sujet a du mal à prendre des décisions, et à les affirmer auprès d’autrui. Il a besoin de l’appui

et de l’approbation de l’autre qui doit le rassurer et le conseiller. La prise de responsabilités est

préférentiellement évitée. En général, la personne dépendante évite les conflits de peur de 81

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perdre le soutien d’autrui. Le manque de confiance significatif en lui qui lui confère des doutes

perpétuels, l’empêche d’initier des projets et de mettre en place des activités. Il est

extrêmement mal à l’aise lorsqu’il doit affronter une situation seul car il a le sentiment récurrent

de ne pas y arriver seul. Ses craintes sont centrées autours de la séparation par peur de ne pas

avoir les soins et le soutien dont il a besoin.

De manière générale, cette population de suicidants finistériens présente un narcissisme

fragile. La population bretonne est-elle plus vulnérable sur le plan psychique?

2.9 LE DEUIL PATHOLOGIQUE

Les événements marquants de la vie des plus de 60 ans sont sur représentés par des décès de

personnes proches telles que les parents, les enfants, les conjoints. Ces décès sont survenus

souvent dans des conditions violentes ou foudroyantes (suicides, infarctus du myocarde...). Les

patients suicidants rapportent avec émotion la difficulté encore actuelle à accepter ce deuil

ancien et peut faire penser à une existence importante de deuils pathologiques, non élaborés,

non résolus.

Les patients rapportent aussi de manière récurrente l’existence de traumatismes encore relatifs

à la perte et au deuil (divorce, rupture sentimentale, fausse couche). Les abus sexuels chez les

patients ou leur fratrie (et ceci dans les trois tranches d’âge) sont fréquents. La médiatisation de

ces faits amène en effet les personnes de plus de soixante ans à l’évoquer, parfois pour la

première fois et avec une douloureuse émotion (ceci est hélas déjà connu dans les enquêtes

épidémiologiques nationales et internationales).

Le deuil pathologique est présent chez presque tous les patients interviewés qui ont effectué

une tentative de suicide et cela quelle que soit la tranche d’âge. Rappelons qu’un deuil

pathologique est une perte qui n’a pu être dépassée, élaborée et acceptée par le sujet. Cette

mort le maintient dans des états de désorganisation, de dépression chronique, de

ressentiments, de regrets. Elle le concentre sur son monde interne et son passé et non plus

vers l’avenir. Nous avons remarqué également la fréquence de décès inavoués ou inavouables,

dans l’histoire transgénérationnelle de ces patients, sans nom, sans sens, sans explication et

sans histoire. Une énigme reste alors en suspens, “un cadavre dans le placard”, comme le dit si

bien le proverbe. Si les secrets de familles font l’objet de multiples travaux chez les thérapeutes

de suicidants, ce n’est pas sans raisons.

Ces deuils pathologiques seraient-ils spécifiques au Finistère? Y a-t-il une pathologie du

deuil dans le Finistère ? Quel est le rapport à la mort des Finistériens aujourd’hui quand on sait

l’importance d’antan vouée au culte des morts? Aujourd’hui comment vit-on son deuil dans le

Finistère? Quelle place accordait-on autrefois au culte des morts? Autant de questions

essentielles pour essayer de comprendre la place de la mort dans cette culture bretonne.

82

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On s’aperçoit au travers des récits mythiques, religieux et traditionnels, de la forte prise en

compte de la mort au cœur de la vie bretonne jusqu’au milieu du XXème siècle. Qu’en est-il

aujourd’hui de ces coutumes qui ont pour fonction de se représenter un au-delà bienveillant et

structurant? Coutumes dont la description montre que la mort dans le Finistère est théâtralisée,

mise sur le devant de la scène sociale, montrée. Le fossé s'accentue encore entre ces rites

théâtraux et la quasi invisibilité des obsèques actuelles notamment en ville. Depuis la seconde

moitié du vingtième siècle, deux éléments originels se sont estompés : la ritualisation de l’adieu

et la proximité de la mort. C’est dans un lieu familier, habité par les siens que l’on mourait et

que l’on reposait avant l’enterrement. Maintenant, sept français sur dix meurent à l’hôpital. La

modernisation, les recompositions familiales dans un contexte de médicalisation de la mort, ont

eu pour effet de repousser le « passage » hors de la vie derrière la porte des hôpitaux, de le

déléguer hors de la famille. Parallèlement, le rite s’est limité, les cérémonies sont réduites à leur

plus simple expression (les cortèges et larges réunions de famille ont disparu). Nombre

d’enterrements sont aujourd’hui conduits, semble-t-il, avec un souci prioritaire de rapidité et

d’efficacité, laissant de côté la ritualisation du travail de deuil.

Qu’en est-il du rapport des bretons au suicide?

Si la mort est continuellement présente tant dans la vie quotidienne que dans l’imaginaire des

Bretons (l’Ankou), la mort volontaire ne pose a priori pas de problèmes. Il ne semble pas, en

effet, que pour les Bretons et plus largement avant eux les Celtes - familiers de la mort - le

suicide soit aussi condamnable que le prône la religion.

2.10 SENTIMENT IDENTITAIRE BRETON

« Qu’est-ce qu’être Finistérien ? Quel que soit l’endroit où on va, on a un besoin viscéral de

revenir ici, de retrouver son coin. C’est joli ailleurs, mais ici c’est un des plus beau coin du

monde » répète Mme H. (70 ans) adepte de grands voyages.

« Ce fort attachement des Bretons pour leur région se retrouve dans les sondages. Alors que

50 % des personnes interrogées dans l’ensemble de l’hexagone se déclaraient « très attachées

à leur « région », le pourcentage atteint 70 % dans la région Bretagne (les 4 départements) »139.

En ce qui concerne l’identité bretonne, les patients âgés s’en défendent avec virulence « on est

comme tout le monde », alors que les jeunes soit la revendiquent, notamment à travers les

concerts, les légendes, la scolarité à l’école Diwan, soit s’en défendent « On s’en fiche

complètement d’être bretons ». Les personnes âgées d’origine rurale n’ont pas d’éléments de

comparaison. « J’ai jamais rencontré des gens qui n’étaient pas du coin ; les touristes, on leur

parle pas... Je sais pas quelle différence il peut avoir entre eux et nous… » dit M. K..

83139 Pierre Jean SIMON. La bretonnité : une ethnicité problématique. PUR, Octobre 1999.

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Notons qu’à la question sur les traits de caractère spécifiques aux Finistériens, les réponses

étaient systématiquement négatives « têtus, introvertis, durs, froids, alcooliques …», sont les

principales caractéristiques données par les personnes interrogées. La représentation du

breton apparaît négative dans la totalité des questionnaires, alors que la représentation de la

Bretagne est positive « paysages magnifiques, patrimoine important, superbes abbayes, plages

propres… ». Il serait intéressant de poser la même question dans d’autres départements ou

d’autres régions. Dans un département où l’estime de soi est faible, comment ne pas coller à

des représentations négatives et s’auto-entretenir dans une auto-flagellation?

D’après Ronan Le Coadic140, la majorité des bretons et, c’est aussi le cas pour la plupart des

patients jeunes de notre enquête, sont «fiers » aujourd’hui de leur identité, ce qui n’a pas

toujours été le cas dans un passé récent. La grande majorité de la population se sent

aujourd’hui l’héritière d’une culture qu’il ne faut pas perdre... Alors qu’il y a quelques décennies,

on rejetait tout ce qui était breton. 80% de la population aurait une vision positive de la

« bretonnité ». Ce basculement de l’opinion s’est opéré en une vingtaine d’années. L’influence

des musiciens a été importante. Alan Stivell a montré le chemin et le niveau musical en

Bretagne est, aujourd’hui, considéré comme un patrimoine exceptionnel. Le bilinguisme renaît à

l ‘école. L’image des pauvres paysans bretons, alcooliques et sauvages - largement diffusé par

l’école républicaine - avait convaincu les bretons qu’il fallait qu’ils se débarrassent de leurs

signes de bretonnité (langue, vêtements, habitat...) pour devenir des hommes modernes. Deux

voies de promotion sociale et de modernité furent empruntées : les uns se jetèrent dans les

études (pression scolaire importante de la part des ascendants à l’égard des descendants afin

d’accéder à une reconnaissance sur le plan social et une réussite sur le plan professionnelle),

les autres dans la modernisation de l’agriculture (cf. hypothèses Agnès Batt141). Mais,

aujourd’hui, on est en pleine crise de la modernité et plus personne ne croît à la solution

magique du progrès.

Certains patients ont d’eux même mentionné le climat : « Y’en a qui disent que c’est le mauvais

temps qui nous rend triste », dit Mme H. (70 ans) et pourtant ils n’en ont pas parlé sinon qu’en

termes positifs ! « Ici, on respire, l’air est pur, vivifiant … » dit Mme H. (70 ans). « C’est

physique, je ne peux pas partir longtemps d’ici, l’air me manque rapidement » explique M. A.

(68 ans) et Anna O. (17 ans). « Il nous semble critiquable d’établir des corrélations entre les

variations des taux de suicide et les variations des conditions météorologiques. En effet, devant

le nombre de variables de celles-ci, température, pression atmosphérique, sens et force du

vent, mais aussi variation de température, de pression, changement de direction et de force du

140 LE COADIC (R.), L’identité Bretonne, Collection Terre De Brume, PUR, Rennes, 1998.

84141 Agnès BATT, supra 2ème partie et annexe 5

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vent, il est fort probable mathématiquement qu’il existera une corrélation entre la variation du

taux de suicide et là d’une de ces données prise isolée ou combinée »142.

Autre signe revendiqué par les patients d’appartenance à la culture bretonne : la langue. Même

si les jeunes, à une exception près ne le parlent pas, ils mettent en avant le fait qu’ils

comprennent, ne serait-ce que quelques mots de breton.

Qu’y a-t-il de spécifique dans ce département finistérien concernant la perte de la langue

régionale? On peut légitimement se poser la question. Pourquoi les alsaciens (900 000

locuteurs), les basques (100 000 locuteurs), les corses (100 000 locuteurs) se suicideraient-ils

moins ? Les recherches historiques sur les langues minoritaires insistent sur la particularité du

« génocide culturel breton »143.La perte de la langue n’est certes pas spécifique au Finistère

mais elle a été plus durement interdite et on peut penser que les traces psychiques de ces

méthodes d’interdiction pourraient être plus profondes.

Aujourd’hui la question des identités - l’identité bretonne comme les autres - se pose désormais

dans une perspective mondiale. Mais le sentiment identitaire est avant tout question

d’équilibre ; s’il est trop fort, il conduit au refus d’autrui ou à l’impérialisme ; s’il est trop faible, il

conduit à des comportements autodestructeurs tels que l’alcoolisme, la drogue et le suicide. La

Bretagne se retrouve dans le second cas puisque celle-ci est la région la plus touchée en

France par les tentatives de suicide et les décès par suicide, tout autant que les maladies liées

à l’alcoolisme, au tabac et les conduites de dépendance.

Est-ce la conséquence de ce sentiment identitaire affaibli, en quête de nouveaux repères, de

nouvelles voies?

Et si la réponse à nos questions était celle du « un peu plus » qui transparaît dans le discours

des patients les plus jeunes ? Marie B. (17 ans) : “On boit plus qu’ailleurs … Surtout les jeunes

…On ne sait pas s’arrêter … On ne sait pas faire la fête sans alcool … Quand on va en

vacances ailleurs, on se rend compte qu’on est “un peu plus“ timides, qu’on a besoin “d’un peu

plus“ d’alcool …”. Anna O. (19 ans), recontactée un an après son geste, qui suit de brillantes

études à Paris relate : “J’avais peur d’être nulle. Mais les Bretons, sans se vanter, on est “un

peu plus“ préparé aux études, au travail … On a un niveau “un peu plus” haut que la moyenne

de la classe …” ; “et puis, on est “un peu plus” attachée à notre mère…On a plus que les autres

le cafard de notre mère…au début c’est dur.” Eugénie R. (16 ans) : “C’est dommage qu’on soit

“un peu plus” sensibles que les autres, “un peu plus” sensibles à la mort surtout”. Ce "un peu

plus que l'on retrouve aussi dans les données épidémiologiques au passif de la Bretagne, ou

dans la rudesse, la rapidité et l'importance des mutations socioéconomiques bretonnes depuis

les années 1960.

142 Pierre BODENEZ, thèse de médecine, décembre 1984.

85143 Jacques LECLERC. L’aménagement linguistique dans le monde, référence : [http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/danemark.htm].

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3. CONCLUSION

Cette étude retrouve d’importantes fragilités narcissiques chez les suicidants finistériens, ainsi

que la grande fréquence des pathologies de la dépendance dans ce département. Alcoolisme

et toxicomanie ne sont pas des conduites suicidaires, mais par leur effet pharmacologique, elles

finissent par le produire…Conduites de dépendances et suicide sont liés par une problématique

commune : le corps, l’image du corps. Le thème du miroir et de la mort est un thème classique

dans les légendes et coutumes bretonnes. La coutume veut qu’en présence d’un mort, on

retourne ou recouvre d’un linge les miroirs. Anatole Le Bras144 dans la légende de la mort,

rapporte l’histoire d’un miroir ramassé comme épave faisant revenir dans la maison où il est

accroché la femme qui s’y est mirée. De même, l’intersigne de l’étang rapporté par Anatole Le

Bras145 où une jeune fille voit le linceul de son père lavé par une lavandière serait peut-être à

relier au mythe de Narcisse. Une version de la légende de Narcisse a voulu que Narcisse fut

mort noyé pour avoir tenté de rejoindre l’image à laquelle il donnait corps sous les traits de sa

sœur jumelle défunte46.

Les écrivains du suicide associent le miroir au double monstrueux. Le suicidé ne veut-il pas

effacer ce double monstrueux ? « Plutôt la mort que la souillure » devise d’Anne de Bretagne…

Le suicide permet de ne laisser vivante que l’image idéale. On vit mieux mort que vivant dans la

mémoire de ses amis.

« Vous ne pensiez pas à moi, et bien, maintenant, vous ne m’oublierez jamais ».

Sur un plan psychopathologique, cet aspect serait à notre avis important à développer dans une

étude spécifique. La poussée objectale antinarcissique qui tire le sujet à peine né à se dessaisir

de son énergie et de sa substance au profit de l’objet (la mère) auquel il semble voué, serait-

elle plus forte dans le Finistère ? C’est en effet de l’alliance harmonieuse entre les

investissements narcissiques et antinarcissiques que dépend l’équilibre psychique ultérieur.

Dans cette conclusion, nous n’insisterons jamais assez sur le caractère extrêmement réducteur

des liens de causalité linéaire qui pourraient être faits, notamment lorsqu’ils s’appliquent à un

phénomène humain.

Nous avons essayé de mieux connaître ces patients afin de mieux prévenir ces conduites.

Il paraît capital de prendre en compte le contexte culturel.

144 Anatole Le Braz : La légende de la mort. p. 351 (Le miroir épave, éditions Coop Breizh, 4ème trimestre 1994 145 idem page 39 46 Pierre Dessuant, Le Narcissisme, collection “Que sais-je” ?, PUF, page 6.

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Plutôt qu’un programme national de prévention, ne faudrait-il pas ébaucher des programmes

régionaux, voire départementaux de prévention ?

A chaque item et discussion nous avons amorcés des idées de prévention.

Plutôt que de les reprendre point par point nous préférons insister sur quelques grandes lignes

de conduite, à savoir :

l’importance de la création d’unités pour jeunes suicidants (type Anjela Duval au CHU de Brest).

Cette création, fortement critiquée, en proie à l’hostilité déclarée des milieux hospitaliers et

associatifs, a montré dés la fin de l’année 1999, sa fonction préventive. Nous recevions à

l’époque 36 % de suicidants contre 41 % de suicidaires et 23 % d’autres troubles du

comportement146. L’unité de suicidants est plutôt une unité de suicidaires. Les chiffres se sont

encore majorés en ce sens, mais n’ont pu être donnés pour l’année 2002. Le travail important

de l’équipe de prévention menée par Loïk Jousni et Marc Elie Huon, psychologues de l’unité en

est une pierre angulaire. Ces équipes de prévention doivent être étoffées !

L’importance de la création des unités d’alcoologie-toxicomanie de liaison menée au CHU de

Brest par le Dr Pierre Bodenez et le Dr Catherine Mouden.

L’importance des unités d’écoute pour les endeuillés par suicide.

L’importance du travail en réseau entre professionnels de santé et professionnels de l’éducation

pour trouver assez tôt une solution autre que le suicide à l’échec scolaire.

L’importance du travail en réseau pour les services d’action gérontologique. Faudrait-il

développer l’achat de studios dans les maisons de retraite pour préserver ce lien viscéral au

patrimoine et sauvegarder la dignité de la personne, qui semble se situer là dedans ?

L’importance du traitement social du chômage, de la création de lieux d’écoute, autant pour les

chômeurs longue durée que pour les professions à haut risque, agriculteurs, employés et

ouvriers de l’agroalimentaire. Ces professions sont depuis ces dernières années les mauvais

objets (pollueurs, porteurs de maladies). Les crises successives de la viande bovine, de

l’aviculture, du maïs transgénique ne se sont pas passées sans dégâts humains, loin s’en fau.

Comment concilier aujourd’hui dans l’agriculture, le défi de la pollution et le défi de la

mondialisation ? Ces deux aspects ne se régleront pas en quelques semaines et malgré le

savoir faire des professionnels concernés par ce double problème, le savoir être de l’agriculture

est en crise. Ces agriculteurs d’hier ont perdu aujourd’hui la reconnaissance, la sécurité et le

sentiment d’appartenance, besoins secondaires vitaux pour chaque individu.

87146 Sources : Mme Josepha Le Roux, secrétaire de l’unité Angéla Duval, CHU de Brest. Données extraites du logiciel Epi Info.

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Enfin et pour conclure, nous préconisons bien évidemment la qualité de l’écoute du sujet

suicidant dans sa trajectoire de vie dans notre domaine de pratique quotidienne psychiatrique.

Pour ceci, la création d’unité d’hospitalisations de courte durée (UHCD) avec un nombre décent

de lits et du personnel adapté permettrait de se donner 24 h ou 48h pour réfléchir au geste

suicidaire, à l’ivresse aiguë, aux récidives afin de mener correctement un travail de prévention.

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4ème PARTIE : RECHERCHE ACTION – Approche compréhensive et localisée du phénomène suicidaire et des

pratiques préventives147

1. METHODOLOGIE : DES ANALYSES QUALITATIVES, CONTEXTUALISEES ET

LIMITEES La Mutualité Française Bretagne, avec le concours du Collège Coopératif en Bretagne, a

proposé d’engager deux actions complémentaires. La première vise, la mise en place d’une

démarche coordonnée d’ateliers de recherche-action coopérative (ARAC), qui se situe en

position parallèle aux recherches disciplinaires conduites, tout en recherchant, en cours de

processus, la transversalité nécessaire. Cette démarche s’adresse à des praticiens qui dans un

territoire donné, peuvent constituer un réseau de prévention et de soin.

La seconde, vise la formalisation d’outils utiles à l’action pouvant se traduire dans les pratiques

de prévention et de formation. Ces propositions formalisées sont le fruit de transferts opérés par

l’exploitation des travaux réalisés dans une perspective opérationnelle.

Il convient de souligner que la démarche de recherche-action coopérative, d’essence

qualitative, compréhensive et inductive, s’inscrit dans une logique différente de celle, plus

classique de la production de recherche mono ou pluridisciplinaire.

Elle apporte un éclairage complémentaire à plusieurs niveaux : l’analyse par des acteurs de la

prévention de situations concrètes, localisées, singulières, l’appropriation des observations et

des analyses réalisées par les chercheurs et leur confrontation avec le savoir issu de

l’expérience des acteurs, la transformation des représentations et des pratiques individuelles et

collectives.

Ainsi, la recherche-action coopérative (ARAC) ne limite pas son projet à la production de

savoirs expérientiels sur un objet délimité collectivement, elle constitue un processus de

transformation du système d’acteurs impliqués. L’un des premiers effets de la recherche est de

provoquer la constitution ou la consolidation de réseaux interprofessionnels et inter

institutionnels de prévention. L’effort de réflexivité ainsi encouragé, est aussi source de

mobilisation, d’examen critique des pratiques, d’identification des lacunes et des

dysfonctionnements.

L’inscription dans le temps, et la régularité des rencontres, sont des atouts indéniables à la

production de savoirs collectifs : la confiance entre les membres participants instaure un contrat

moral qui doit aider à dépasser les contraintes institutionnelles omniprésentes pour chacun.

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147 Mutualité Française Bretagne avec le concours du Collège Coopératif en Bretagne, Université de Rennes 2, en annexe 7, téléchargeable sur le site www.uhb.fr/ccb

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Rappelons que l’engagement dans ce groupe est individuel et volontaire, demandant à chaque

membre de participer pleinement au travail et à un enrichissement collectif, par sa présence

régulière, par sa parole, ses témoignages… Le premier enjeu est donc de constituer un groupe,

savoir pourquoi chacun s’apprête à s’investir dans ce travail afin que des nouveaux statuts

s’établissent, dépendants de ce moment particulier que représente la recherche-action.

En collaboration avec la Mutualité Française Bretagne, différentes institutions ou organismes

furent sollicités pour s’inscrire dans ce programme de recherche-action coopérative. Une

réunion d’information dans chacun des départements a permis de présenter les conditions

inhérentes à la réussite de cette expérience : investissement à long terme mais dans un temps

limité dans lequel se superposent temps de travail ou personnel et temps de recherche, quête

individuelle et collective de définition statutaire afin de passer de professionnel ou de bénévole

à celui de membre d’un groupe de recherche-action, dépasser les cadres institutionnels tout en

se servant de l’expérience qui s’y trouve inhérente pour la collecte de savoirs et y revenir pour

penser à « l’Action », etc. Les paramètres épistémologiques et méthodologiques étant posés,

divers individus ou institutions ont répondu favorablement à cette demande. Un certain nombre

de métiers sont représentés : infirmiers, psychologues, médecins généralistes, éducateurs

spécialisés, assistants sociaux, réalisateur de film, animateurs prévention, gendarme,

infirmières… au travers d’institutions à vocation médicale, sociale ou encore éducatives. A ces

professionnels s’ajoutent des bénévoles qui se définissent comme tels ou encore comme

écoutants selon l’association à laquelle ils appartiennent.

Cette hétérogénéité est d’une grande richesse : la capitalisation des expériences ne peut en

être que plus importante. Mais elle ne favorise pas pour autant l’apprentissage collectif, loin de

là. Comment dépasser la représentation de soi pour faire don de son savoir (sans crainte, ni

appréhension de jugement) ? Des « stratégies identitaires » sont déployées, pour acquérir un

statut propre aux ateliers de recherche action coopérative, valable que « pour et dans » ce

temps de recherche bien spécifique

Le Collège Coopératif en Bretagne148, accompagne cette démarche de production collective des

savoirs d’acteurs sur les phénomènes de suicide en Bretagne et leur prévention, en mobilisant

la méthodologie de la recherche-action coopérative. Nous entendons par recherche-action une

démarche de recherche en sciences sociales donnant une large place :

• à la prise en compte de l’expérience des acteurs dans l’analyse des pratiques concrètes

(praxéologie),

• à l’implication des acteurs au processus d’objectivation et de formalisation (recherche

impliquée),

• à la production de savoirs et savoir faire utiles dans l’action (recherche appliquée).

90148 Centre de formation continue et de recherche coopérative, Université Rennes 2 La Harpe.

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Les quatre ateliers149 ont mobilisé des ressources diverses traitées principalement dans le

cadre d’une méthodologie qualitative.

En premier lieu, les connaissances et les expériences des participants ont été mutualisées afin

d’offrir au groupe des matériaux issus de situations vécues. L’analyse collective, la

confrontation des points de vue permettant de contribuer à l’effort de distanciation nécessaire.

Ces récits d’expérience offrent l’opportunité de procéder à des analyses de pratiques ou études

de cas, tout en prenant les précautions indispensables (confidentialité, déontologie).

Les mêmes précautions ont été nécessaires pour la conduite d’entretiens biographiques auprès

de personnes suicidantes. De plus, la situation d’entretien est potentiellement un temps

d’expression et de construction d’une histoire singulière dont les effets sur le locuteur peuvent

générer un trouble ou au contraire un soulagement. Les entretiens biographiques ont été

menés, le plus souvent, par des binômes associant sociologue et professionnel du soin ou de

l’accompagnement social afin d’éviter les effets perturbateurs de la situation d’enquête.

Des enquêtes ont également été conduites auprès d’acteurs impliqués dans des actions de

prévention. L’observation directe de rencontres citoyennes, puis la conduite d’entretiens auprès

de différents participants apporte une lecture de situations collectives et du sens donné par les

acteurs à leur implication et aux effets de leur implication.

Par ailleurs, les groupes de recherche ont utilisé deux ressources complémentaires : l’audition

de spécialistes pouvant éclairer une dimension de la recherche ; la collecte et l’analyse de

ressources documentaires (articles, rapports, enquêtes locales).

Quatre groupes inter institutionnels et interprofessionnels ont été constitués à l’échelon local :

Département Finistère/Brest ; Département Côtes d'Armor/Trégor, Département

Morbihan/Pontivy, Département Ille et Vilaine/Rennes Métropole. Ainsi, les questions de

recherche et les méthodologies propres à chacun des groupes de recherche-action sont les

suivantes :

• L’ARAC de Brest150 s’est orienté vers la prévention primaire151 du suicide des jeunes en

travaillant sur les pratiques.

Une phase liminaire de terminologie a été indispensable pour se créer une culture commune.

Le groupe a ensuite posé la question des moyens et compétences utiles à la prévention

primaire du suicide en direction des jeunes.

149 Brest, Lannion-Trégor, Pontivy, Rennes

150 Groupe ARAC29, Brest : Nadine KERSULAC, Psychologue, Association Parentel, Quimper ; Charles PAPERON , Renée LE LEZ , Bénévoles Association SOS Amitié ; Michèle ABIVEN, Infirmière, Unité Anjela DUVAL ; Debby MONTOPOLY , Bénévole, Association Escapade ; Fabienne COLAS, Animatrice de prévention, Mutualité du Finistère ; Ronan LE REUN, Médecin, Service de santé publique , ville de Brest ; Marie Hélène MARECHAL, Educatrice spécialisée, Association Dom Bosco ; Nicole PITON, Assistante sociale, IRE/EN ; Yvonne PLOUZENNEC, Conseillère technique santé et insertion, Mission Locale de Brest ; Marie JAOUEN, Psychologue, Médecine préventive universitaire, Laure BENMOUSSI, Sociologue, UBO.

91151 englobant les notions de prévention,de promotion de la santé et d'éducation à la santé

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Après une phase de distanciation du groupe par rapport à sa pratique afin d’objectiver les faits,

il s’est agit ensuite de reparcourir le chemin en sens inverse. Les hypothèses ont été soumises

à l’expérience individuelle en tant que professionnel ou bénévole. Afin d’avoir une grille de

lecture commune, il fut décidé de classer les données, pour chaque hypothèse, selon quatre

axes : expliquer la méthodologie d’intervention, montrer quelles en sont les limites

professionnelles et institutionnelles, enfin valoriser les atouts d’une telle pratique.

Hypothèses retenues :

- Le souci de la prévention primaire s'inscrit dans un programme de promotion de la santé.

- La prévention primaire doit permettre de travailler sur la libération de la parole du jeune par la

levée du tabou du suicide, la prise en compte des représentations sociales et de la différence

de réactivité des filles et des garçons.

- La prévention primaire repose sur la constitution de réseaux entre partenaires et acteurs pour

assurer le suivi du jeune.

• L’ARAC du Trégor152 s’est principalement attaché à travailler sur les relations entre le

processus suicidaire et la construction identitaire.

Les membres du groupe se sont tout d’abord attardés à décrire les spécificités du territoire sur

lequel ils vivent et/ou exercent leurs missions professionnelles. Défini de manière précise à

partir de l’intervention d’un historien du Droit153, le Trégor est très vite apparu comme un espace

d'oppositions multiples. Récurrentes dans les propos des acteurs, ces dichotomies fortes

s’opposent.

Ces constats ont souvent été mobilisés par les membres du groupe pour rendre compte, à côté

d'autres facteurs explicatifs, des difficultés que peuvent rencontrer des personnes en situation

de fragilité. Il semblerait qu'il leur soit particulièrement difficile de trouver leur place dans cet

espace de concurrences...

Nourri de ces constats de terrain et de nombreuses lectures154 relatives à ces questions, le

groupe a retenu quelques concepts permettant de formaliser un premier questionnement :

152 Groupe ARAC22, Trégor : Mme LE GUEN Louisette Infirmière de Secteur psychiatrique, Mr NOJAC, Adjoint, Brigade de gendarmerie, Louisa BEGHDALI, éducatrice spécialisée CDS Trégor rural, Gisèle LE CHARLES, bénévoles, association FILEA, Marie-Paule CIVILISE, bénévole, association Filéa, Chantal PAQUE, animatrice CMR (Chrétiens du monde rural), Sylvie GUYADER, Assistante sociale scolaire, Nathalie MONTJARET, Secrétaire en charge du suivi social et professionnel, Marylise MORVAN, Infirmière insertion, CSD Trégor rural, Françoise ROUSSEL Assistante sociale CSD Trégor rural, Anne-Marie LEBORGNE, Infirmière psychiatrique, Sabrina HOUEE, animatrice de prévention, Mutualité 22, Marie-Elisabeth COSSON-HAMON, Sociologue, Chargé de formation au Collège Coopératif. 153 Intervention de Thierry HAMON, Maître de Conférences en Histoire du Droit, Université de Rennes 1, "L'espace trégorois : une réalité sociale et administrative ancrée dans l'histoire et la nature", mardi 18 décembre 2001 (Atelier n°06).

92154 Cf. : bibliographie en fin de rapport.

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Processus suicidaire

et

passage à l'acte

IDENTITE

(pour soi)

Honte, stigmatisation

Absence d'une culture

de la parole...

Culture Langue, religion...

Territoire Compétition, agriculture,

industrie, mer...

Identité pour les autres, reconnaissance, place de

l'individu

Pour ce faire, deux axes d’investigation ont été retenus :

• L’analyse des causes du suicide. Ce dernier étant appréhendé comme un processus

tout au long duquel de multiples facteurs explicatifs se cumulent.

• L’analyse des freins au recours à l’aide, au soutien psychologique existant sur le

territoire.

Ne souhaitant aucunement définir à priori un corpus d'hypothèses permettant d'expliquer le

passage à l'acte de suicidants, le groupe a travaillé de manière inductive : la méthode de

l'entretien s'est imposée. Il s'est alors agi de collecter les récits de trajectoires individuelles de

personnes ayant tenté de mettre fin à leurs jours. Si le choix d'une méthode permettant

d'apporter des éléments de réponse à la problématique n’a, en théorie, posé aucune difficulté

au groupe, la mise en œuvre de la procédure de recherche a, pour sa part, été mûrement

réfléchie et discutée en groupe. On comprend les difficultés qu'induit ce type de procédure de

recherche. Le groupe s'est donc entouré de nombreuses précautions dans la réalisation du

travail de recherche155.

Parallèlement à ces entretiens, des investigations complémentaires ont été conduites auprès de

professionnels intervenant dans la prise en charge de ces personnes.

93

155 Cf. rapport en annexe

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• L’ARAC de Pontivy

Les orientations prises par le groupe156 se sont articulées à partir des trois thèmes suivants :

- Les différents facteurs déterminants identifiés des tentatives de suicide

Le groupe a pu relever trois niveaux de construction de la personnalité qui sont en

interdépendance étroite : l'aspect individuel et le sentiment de souffrance de la personne, le

second niveau est défini par le groupe comme celui de l'univers relationnel de la personne, le

dernier serait celui de son environnement social, professionnel, économique.

- Les statistiques en matière de suicide

Les travaux du groupe se sont orientés sur l’hétérogénéité et la complexité des données

statistiques du suicide et leur communication auprès du public. Cette notion de communication

des données revêt un caractère important en matière d’information des publics et nécessite en

préalable une large concertation des acteurs et des institutions.

- Les différents constats et préconisations sur les méthodes de prévention

Le groupe s’est intéressé aux dynamiques de prévention existantes et plus particulièrement

autour des notions de réseaux et de partenariat.

Les travaux ont donc été orientés vers les phénomènes environnementaux, culturels, sociaux,

économiques, régionaux susceptibles de fournir des hypothèses de compréhension. Plusieurs

axes de travail ont ainsi été privilégiés : l’exode rural des années 60-70, la perte du sentiment

religieux, la perte de l’identité culturelle bretonne et les mutations sociales et économiques très

importantes en Bretagne…

Ces investigations ainsi que l’intervention de diverses personnes ressources ont permis de

concevoir une hypothèse sociologique du phénomène suicidaire en centre Bretagne dans le

monde rural notamment autour des crises économiques du monde agricole.

Le groupe de travail a pu alors relever la nécessaire mise en place d’un réseau constitué de

l’ensemble des acteurs concernés, professionnels et bénévoles, afin d’augmenter la vigilance

auprès de la population.

Tout au long de la démarche de recherche-action, les enjeux éthiques de la prévention,

notamment la notion d’interventionnisme, ont été largement au cœur des échanges.

94

156 Groupe ARAC 56 Pontivy : Mr BIENAIME, capitaine des pompiers du groupement de Pontivy, MR THILLIEZ, Chef de Centre ; GALLOUEDEC DOMINIQUE, assistante sociale, MSA du Morbihan ; LE BERRE REGINE, gériatre moyen séjour, centre hospitalier E.JAN Pontivy ; LERAY JEAN MICHEL, coordinateur du réseau PASSE-MURAILLE ; LUCAS OLIVIER, médecin anesthésiste au CH E.JAN Pontivy ; MANDART JEAN CHARLES, psychologue UMP au CH E. JAN Pontivy ; PERAN CHANTAL, assistante sociale, éducation nationale, lycée professionnel de Pontivy ; PIERRE MARTINE, chef de service à l’IMPRO DE Pontivy et adjointe à la politique de la ville à la mairie de Pontivy ; RIGUIDEL NICOLAS, animateur de prévention à la mutualité du Morbihan ; VALY MARIE JOSEE, conseillère technique à la mission locale de Pontivy ; Arlette LOHER, praticien chercheur, Collège Coopératif en Bretagne

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• L’ARAC de Rennes157 a travaillé sur le lien social et sa rupture

C’est à partir de questionnements, d’échanges d’expériences vécues, d’études et d’observation

de terrain que le groupe a orienté sa dynamique de travail autour du point de vue qu’un homme

ne peut se développer qu’en tissant avec un autre. Le parti pris est donc d’approfondir les

conditions ordinaires de la « présence à l’autre », ce qui impose attention, respect et

considération : l’attitude à promouvoir est celle qui assure que « je ne te juge pas, je

m’intéresse à toi, je te considère comme un interlocuteur valable ».

Le suicide est ici défini comme l'expression ultime de la rupture du lien (social), et de la

suspension de cette relation aux autres, sinon à l'autre. D’autre part, il est retenu que le

phénomène suicidaire témoigne de traumatismes qui s'inscrivent dans une histoire individuelle,

et qu’il est utile, voire nécessaire d'évaluer les effets de ces blessures plus ou moins profondes.

Cette évaluation renvoie alors au champ du diagnostic, et permet d'envisager réadaptation,

rééducation, réparation, et relève des compétences du secteur spécialisé. Il est par ailleurs

démontré qu'au-delà de ses fragilités, il est fondamental de repérer et promouvoir les

ressources internes de l'individu. Dans toute relation, il est donc nécessaire d'apprendre ou de

réapprendre à formuler "tu es capable de", "plutôt que tu n'es pas capable de"158. Or, dans une

société qui organise la lutte des places, nous repérons que la souffrance psychique159 est

souvent évaluée comme un signe de faiblesse, voire de dégénérescence.

Devant ce paradoxe, le parti pris de cet atelier est de produire une réflexion sur les moyens à

mettre en œuvre pour participer à cette transformation radicale des mentalités et des pratiques.

Au-delà de ces ressources internes de l’individu, le choix est principalement de s'intéresser aux

ressources externes qui structurent le lien entre les individus. Le souci est donc de repérer les

conditions d’un environnement qui ne stigmatise pas les fragilités, mais permettent de les

aménager. C'est à ce champ des ressources externes, aux actions à promouvoir dans un

quotidien ordinaire, aux moyens à organiser par la société civile, que le groupe a décidé de

s'attacher dans cette dynamique de recherche action160notamment à travers l’analyse des

rencontres citoyennes grâce à la méthode de l’enquête au vu des usagers.

157 Groupe ARAC 35 Rennes Métropole : Rozanne BEUREL, Résidence Mutualiste pour personnes âgées, Geneviève BLANCHARD, Infirmière ; Marie Reine COLLIGNON, service social des personnels de l'Education Nationale ; Marie Claude BOUIN , CLI de Redon/Rennes ; Annie COLLIN, Service social en faveur des élèves, Inspection académique 35 ; Jean Claude CORDIER, Centre de consultation médico-psychologique de St Malo ; Marguerite DENIS , Lycée St Vincent, Mireille FAGES, Véronique LEPALLEC, UMIV ; Sylvie GALARDON SOS amitié , Catherine LE TACON, Médecine du travail,Université de Rennes1 ; Madeleine POUGEOISE, Association Sources-lieu d'écoute, Claude CAMUS, Direction départementale de la PJJ/service de psychiatrie infantile Redon. Avec la participation du Dr. M.C DARTIGE psychiatre.

158 savoir sémantique : Dans le cas où cette disposition à la considération ne serait pas suffisamment développée, il conviendra de penser les conditions permettant d'infléchir une attitude, repérée comme néfaste. 159 rendue visible à travers l'échec scolaire, la toxicomanie et le passage à l'acte, les conduites à risques, les dynamiques de lutte des places

95

160 Ces constats croisent un point de vue développé par Boris Cyrulnik160 dans ses travaux sur le traumatisme. "On peut fuir une agression externe, la filtrer ou la tamponner, mais quand le milieu est structuré par un discours ou par une institution qui rendent l'agression permanente, on est contraint au mécanisme de défense au déni, au secret ou à l'angoisse agressive. C'est le sujet sain qui exprime un malaise dont l'origine se trouve autour de lui, dans une famille ou une société malade."

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Ainsi pour relever ce défi, les observations et les questionnements se sont organisés sur trois

axes d'exploration à partir des observations de terrain (savoirs action), à partir de présentation

d'études qui font déjà référence (savoirs stabilisés et reconnus par un groupe de spécialistes),

exposés d'expériences vécues (savoirs sur le sens et la signification).

Une douzaine de séances programmées au cours des années 2000, 2001, 2002, ont permis de

créer une dynamique collective d’analyse des expériences et des phénomènes, d’engager un

processus d’approfondissement thématique et enfin de formuler des préconisations,

principalement dans le domaine de la prévention primaire.

.

2. ANALYSE TRANSVERSALE DES TRAVAUX DE RECHERCHE-ACTION

COOPERATIVE

La lecture transversale des journaux d’atelier et des synthèses permet de caractériser la

production des groupes de recherche-action à partir de trois dimensions :

Le schéma heuristique construit dans la confrontation et la conciliation de divers supports de

structuration d’un questionnement commun : la commande initiale, l’expérience des

participants, les ressources mobilisables pour la recherche, les centre d’intérêts des membres

et enfin la dynamique propre au groupe constitué.

La méthodologie retenue et les méthodes, principales et complémentaires, mobilisées.

Les propositions.

2.1 LES SCHEMAS HEURISTIQUES : DES APPROCHES COMPLEXES ET MULTI-FACTORIELLES POUR COMPRENDRE LES PHENOMENES SUICIDAIRES ET ETAYER LES

ACTIONS DE PREVENTION.

Le premier schéma161, est similaire au modèle desrochien162 de recherche-action. Pour cet

auteur « la recherche-action est une recherche dans l’action, c’est à dire une recherche portant

sur des acteurs sociaux, leurs actions, leurs transactions, leurs interactions ; conçue pour

équiper d’une pratique rationnelle leurs pratiques spontanées ; assumées par ces acteurs eux-

161 Arac Finistère Brest

96162 Directeur de recherche à l’EHESS, fondateur du Collège Coopératif (Paris)

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mêmes, tant dans ses conceptions que dans son exécution et ses suivis163 ». Reprenons les

caractéristiques de cette recherche-action.

Une recherche dans l’action ?

Le groupe constitué sur la base du volontariat et de l’inter (interprofessionnel et inter

institutionnel) n’est pas au départ à proprement parler un groupe d’intervention ou un réseau. Il

s’agit dans un premier temps de l’association de praticiens qui conduisent, les uns et les autres,

diverses actions dans un cadre professionnel ou bénévole et qui acceptent le principe de la

mutualisation et de la co-production de savoirs utiles à l’action. La recherche coopérative est

l’occasion, à partir de récits d’expériences, de mettre en commun des connaissances, des

pratiques, des interrogations. Le processus de recherche-action n’est pas linéaire, il produit du

changement en cours d’action sur les référentiels de l’action et aussi sur la structuration d’une

dynamique propre au groupe constitué. Ces référentiels de l’action sont construits à partir de

représentations partagées, de règles acceptées explicites ou implicites, de pratiques légitimées

par la profession ou l’institution. La recherche coopérative va offrir l’opportunité d’interroger ces

référentiels de l’action, de construire par le jeu de l’échange et de la formalisation, des

réflexions et des catégories de la pratique. L’élaboration d’un vocabulaire commun, précis,

opérationnel participe de cet étayage de l’action.

Une recherche pour l’action ?

Le travail du groupe est orienté vers la production d’hypothèses opérationnelles qui proposent

une relation entre pratique et théorie, sens commun et conceptualisation, compréhension et

guide pour la prévention.

Une recherche assumée par les acteurs ?

Cette recherche, réalisée par des praticiens, avec l’appui méthodologique et scientifique d’un

chercheur, est validée en premier lieu par le groupe de recherche lui-même. Sa production a du

sens au regard de ses investissements passés, présents et futurs. De plus, elle agit, ou doit

agir, non seulement au plan individuel comme formation et renforcement du référentiel d’action,

mais aussi au plan institutionnel et inter institutionnel puisque les réflexions seront partagées

dans différents cercles. La recherche-action apporte alors une contribution, certes modeste et

localisée, à la promotion des savoirs d’actions.

Le second schéma164, qui repose sur une orientation de recherche visant à comprendre les

processus suicidaires à travers la construction identitaire des suicidants, s’inscrit dans une

tradition sociologique et psychosociologique. Le suicide est, par hypothèse l’aboutissement de

163 Henri Desroches, Entreprendre d’apprendre, Les éditions ouvrières, 1983

97164 Arac Trégor Côtes d'Armor

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tensions, crises, ruptures identitaires. L’identité, définie par Claude Dubar165 comme « le

résultat stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel

des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et

définissent les institutions » est à considérer dans ses dimensions biographiques, comme une

histoire singulière de socialisation, et relationnelles, comme le rapport de soi à autrui. A cette

lecture à la fois synchronique et diachronique, il convient de prendre en compte les spécificités

territoriales et culturelles qui apportent des indices complémentaires (le rapport à la langue

bretonne, le rapport à la mort, la culture de la honte, les mutations économiques et sociales du

Trégor).

Il est également utile de prendre en considération les transformations propres et

contemporaines de la construction identitaire. Ainsi, l’identité attribuée par les puissantes

institutions de socialisation cède la place à une construction plus individuelle; plus complexe

dans la mesure où les agents de socialisation sont plus nombreux

L’approche biographique permet d’identifier la douloureuse construction de soi, le poids des

héritages familiaux, le cumul des situations de discrédit ou de honte. Cette fragilité identitaire,

issue d’une socialisation chaotique, génère aussi un mode de relation sociale en repli ou en

rupture, aggravé notamment par des conduites addictives. Ces observations sont à situer aussi

dans un contexte local où la réussite scolaire, la performance et la modernité constituent une

pression sociale qui devient insupportable pour des personnes en situation d’échec, cultivant un

sentiment de disqualification sociale et professionnelle. Ces remarques plaident aussi pour un

examen critique de la violence sociale et institutionnelle génératrice de souffrances et de

culpabilité.

Le troisième schéma166, repose sur une démarche hypothétique de repérage de causes fondée

sur trois dimensions structurant le profil psychologique et relationnel de la personne suicidante :

le niveau personnel (son sentiment de souffrance, ses dispositions psychologiques, ses

ressources, son énergie vitale) ; l’univers relationnel constitué des proches (famille, amis) ;

l’environnement social professionnel et économique. Dans ce schéma, structuré en cercles

relationnels, l’événement traumatique pouvant susciter des conduites suicidaires, est vécu et

interprété de manière diversifiée. La posture heuristique retenue accepte la complexité des

interactions sociales des différents cercles et récuse toute simplification mono-causale, pour

une incertitude inhérente à la prise en compte de multiples facteurs.

Autrement dit, il s’agit de refuser l’illusion scientiste de l’explication de l’inexplicable, et de

privilégier une approche plus compréhensive des indices permettant de caractériser une

situation et d’agir avec pertinence et efficacité tout en acceptant la part d’énigme de la condition

humaine.

165 Intervention au Collège Coopératif, 2001.

98

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Le premier niveau apparaît plus difficilement identifiable sauf si une première tentative a eu lieu

(prévention de la récidive), en cas de maladie mentale, ou lors d’une démarche de demande

d’aide et de soutien psychologique.

La lecture des spécificités territoriales, économiques, sociologiques et culturelles, induit une

approche de groupes sociaux fragilisés à l’exemple de la crise avicole dans le secteur de

Pontivy.

Le quatrième schéma167 enfin, fondé sur le dialogue maïeutique permet de produire un

patrimoine commun, expérientiel et sémantique, qui oriente l’analyse dans un aller-retour entre

observations des phénomènes et des pratiques et la conceptualisation. Ce modèle de

recherche-action est étayée par l’exploration de trois formes de savoirs : les savoirs d’action,

les savoirs d’expériences et savoirs formels en référence aux travaux de Pascal Galvani,

Université de Tours168. L’approche du phénomène suicidaire, défini ici comme l’expression

ultime d’une rupture du lien social, conduit à la construction d’une « réponse –prévention »

complémentaire à la « réponse-soin ». Ainsi, la prévention du risque suicidaire peut être

pensée, à partir d’un effort de communication et d’une écoute attentive et respectueuse, comme

la mobilisation de ressources à trois nivaux :

le niveau de l’individu, ce qui suppose un accompagnement à «l’auto-prévention»,

le niveau de l’intervention spécialisée et coordonnée (sociale, médico-sociale, médicale),

le niveau de l’intervention citoyenne et de l’implication responsable de chacun en matière de

renforcement du lien (social et sociétal).

3. CONCLUSION DES ATELIERS DE RECHERCHE-ACTION COOPERATIVE

En conclusion de ce processus collectif de recherche-action nous pouvons relever quelques

enseignements transversaux qui peuvent orienter de manière raisonnée la compréhension du

phénomène suicidaire en Bretagne, étayer les référentiels et les modalités de l’intervention

préventive et enfin valider des pratiques de recherche et de formation par la recherche.

3.1 COMPRENDRE LE PHENOMENE SUICIDAIRE

166 Arac Pontivy Morbihan 167 Arac Rennes Ille et Vilaine

99

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Les éléments de définition élaborés collectivement au cours des ateliers de recherche-action ne

nous permettent pas de proposer une explication générale de la prévalence du suicide en

Bretagne. En effet, les choix heuristiques opérés ont volontairement laissé à d’autres le soin

d’une approche macro-sociale à visée explicative.

Déjà Emile Durkheim 169(1897), dans ses travaux pionniers et fondateurs, avait proposé une

approche macro sociologique en développant la thèse que « les courants suicidogènes » ont

pour origine non pas l’individu mais la société. Tout en développant une critique des

interprétations psychologisantes, il proposait un modèle explicatif étayée par une analyse multi

variée, croisant des variables comme le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, la

localisation géographique, et aboutissant à une typologie des formes de suicide : égoïsme,

altruisme, fatalisme et anomie.

A l’inverse, de nombreux travaux fondés sur la clinique mobilisent les théories psychologiques

et psychiatriques permettant d’analyser l’individu en souffrance. (Cf. : bibliographie ci-après)

L’entrée en recherche par les terrains et les acteurs a orienté les travaux sur une approche

compréhensive et localisée du phénomène suicidaire et des pratiques préventives. La

démarche compréhensive prend appui sur l’expérience des acteurs, (leurs discours et leurs

pratiques), elle est ici définie comme une démarche inductive privilégiant, le dialogue

maïeutique, l’observation et la description de situations collectives, l’entretien biographique, et

la production progressive d’outils théoriques à partir des matériaux collectés. En référence aux

travaux d’Anselm Strauss170 et de Jean Claude Kaufmann171 cette démarche qualitative

privilégie la compréhension des interactions sociales et le sens donné à celles-ci par les acteurs

impliqués. Ainsi, dans cette configuration, les acteurs concernés ne sont pas réduits à la

position d’objets passifs de la recherche mais participent aux différentes phases de la collecte,

de l’analyse et de la schématisation envisagée.

Ces précautions méthodologiques et épistémologiques étant posées nous pouvons nous

interroger sur la « montée en généralité » que pourrait permettre ces travaux. Nous pouvons en

effet proposer une hypothèse compréhensive, issue de la réflexivité des groupes de praticiens

et des chercheurs impliqués dans l’animation de ces ateliers :

Le suicide n’est pas une maladie, c’est un acte d’autodestruction qui est l’aboutissement d’un

processus. Ce processus suicidaire est inscrit dans la durée ce qui indique qu’il participe de la

construction identitaire du sujet. De plus, il est marqué par des événements traumatisants,

générateurs d’un choc moral ou d’un choc traumatique qui entraîne des troubles psychiques ou

somatiques. Ces troubles résultent de la difficulté du sujet à faire face de manière adaptée à la

168 Recherche-action, Université et pauvreté. 169 Emile DURKHEIM, Le suicide, PUF/Quadridge, 1976, 463p ; Gilles FERREOL, Dictionnaire de la sociologie, Armand Colin, 1991, 300P ; 170 Anselm STRAUSS, La trame de la négociation, sociologie qualitative et interactionnisme, Paris : L’Harmattan, 1999, 311p. – The discovery of grounded théory (avec Barney Glazer) Chicago : Aldine, 1967.

100171 Jean Claude Kaufman, l’entretien compréhensif, Paris : Nathan, 1997, 128p.

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situation qui lui fait violence et à la dépasser. Le processus suicidaire est marqué par des

ruptures successives de liens sociaux. Le suicide est à considérer comme la rupture ultime du

lien social.

Nous pouvons alors définir le processus suicidaire à partir de trois formes de violence dont le

paroxysme va conduire le sujet à mettre fin à ces jours et donc à ses souffrances. Ces trois

formes, distinguées pour les commodités de l’exposé, sont en interaction.

La première violence est le choc traumatisant ou traumatique (ou la succession de chocs). La

perte d’un être cher, un licenciement ou une faillite, une maladie grave ou un handicap, une

séparation sont différents facteurs identifiés. Conduites addictives ou agressives, troubles

psychiques ou somatiques, résilience… sont différentes attitudes développées ou subies par

l’individu pour surmonter le choc vécu.

La seconde violence identifiée est la rupture de liens. Générée par un choc brutal ou de

manière plus lente, la rupture ou la perte de liens sociaux conduit l’individu à la solitude, puis au

désespoir. L’absence de relations affectives, conjugales, familiales, filiales, amicales,

professionnelles, de voisinage ampute l’individu de sa dimension relationnelle et le déséquilibre

dans son rapport au monde et à la société.

La troisième violence est une tension identitaire insupportable qui génère un sentiment de

honte, d’inutilité, de mésestime de soi, de domination.

« J’ai pensé à plusieurs reprises à me suicider car je suis une sous merde » 172 Cette absence

de considération pour soi-même, illustré par ce témoignage, interroge le sens même de la vie.

La tension identitaire, ou conflit identitaire, s’inscrit dans le rapport du sujet avec lui-même. Le

sujet est en quelque sorte en désaccord avec lui-même. Il s’inscrit aussi dans le rapport avec

autrui. Cet autrui structurant la construction identitaire est schématisé en plusieurs cercles de

socialisation : conjoint, famille, amis, collègues, voisinage, institutions.

Les études récentes sur l’identité173 comme l’observation des mutations sociétales174 montrent

que les mécanismes de dé-institutionnalisation et de dé-traditionnalisation, comme le déclin de

l’État Nation provoque une crise, ou un nécessaire re-positionnement du citoyen et de la

citoyenneté. La perte de repères structurants, les mutations économiques et sociales,

notamment les mutations du couple et de la famille, rapides et profondes, libèrent l’individu tout

en le fragilisant. Les processus de construction identitaire façonnés et attribués par la tradition,

la filiation et les puissantes institutions de socialisation (église, armée, école) se transforment.

La construction de l’identité, pour soi et pour autrui, est aujourd’hui plus complexe et passe par

la mobilisation de ressources intellectuelles, physiques, relationnelles.

172 Témoignage exprimé lors d’une émission de Mireille Dumas (FR3) sur la prostitution. Octobre 2002 173 Claude DUBAR, La crise des identités, l’interprétation d’une mutation, PUF, 2001, 239 p.

101174 Yves BONNY, « Modernité, postmodernité» in Au Cœur de la Cité, PUR/CCB, 2002, pp.17-34

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3.2 RELIER ET ETAYER DES REFERENTIELS ET LES MODALITES DE L’INTERVENTION

PREVENTIVE

Cette définition du processus suicidaire permet d’orienter la construction du «référentiel» de

l’intervention préventive. La «réponse-prévention», complémentaire de la « réponse-soin », doit

permettre d’agir sur les violences identifiées, sources de souffrance sociale et psychique, afin

de les prévenir, de les réduire et aussi de réparer ses effets par un travail relationnel.

A ces trois formes de violence identifiée au cœur du processus suicidaire (choc traumatisant ou

traumatique ; rupture des liens sociaux, conflit identitaire), il est nécessaire de mobiliser trois

niveaux d’intervention : l’intervention spécialisée, l’intervention du sujet sur lui-même,

l’intervention citoyenne. Ces trois niveaux ne sont pas à considérer comme un découpage

sectoriel renvoyant la responsabilité de l’action aux professions, à l’individu, à la société. Ils

sont à mobiliser comme des dimensions en interdépendances et en interaction, ce qui justifie

d’ailleurs le recours à des pratiques coordonnées en réseau fondées sur l’écoute, la

communication véritable, la pratique critique et réflexive.

Et lorsque nous parlons d’intervention spécialisée, elle est justifiée par des situations qui

nécessitent la mobilisation d’une compétence spécifique et attestée. Elle se déroule dans le

cadre d’un mandat ou d’une mission organisée en référence à un cadre juridique ou

déontologique. Chaque profession dispose de ce référentiel d’intervention plus ou moins

formalisé. Ce qui fait défaut aux yeux des praticiens c’est en quelque sorte le « référentiel des

référentiels » qui permettrait de définir et de réguler les complémentarités. Cette recherche de

cohérence a été désignée par les notions de décloisonnement, de travail en réseau et de code

partagé.

Lorsque nous parlons de l’intervention de l’individu sur lui-même nous faisons référence à une

conception du sujet qui porte en lui les capacités d’autonomisation (autodétermination, auto-

prévention) dans la mesure où l’environnement proche l’accompagne dans cette voie. Le

soutien et l’accompagnement de proches ou d’intervenants spécialisés peuvent s’inscrire dans

cette recherche de consolidation du sujet.

L’intervention citoyenne est justifiée par un postulat, qui rejoint celui posé par Emile Durkheim,

le phénomène suicidaire n’est pas réductible à sa dimension individuelle, il est un phénomène

de société, dont la responsabilité doit être assumée par les membres de cette société. La

production de la société par l’intervention de la société sur elle-même, impose une prise de

conscience des mécanismes qui induisent les processus suicidaires et une mobilisation des

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citoyens, et de leurs institutions, afin de dépasser le tabou, de réduire le sacrifice, d’agir de

manière individuelle et collective pour prévenir les violences sociales et les conduites de risque.

3.3 VALIDER DES PRATIQUES DE RECHERCHE ET DE FORMATION PAR LA RECHERCHE

La recherche-action coopérative produit du changement, une forme de savoir (et un tissage de

savoirs) et aussi des matériaux et des outils utiles pour la recherche et pour l’action.

Argumentons notre affirmation afin de livrer les premiers éléments d’évaluation.

- La recherche-action produit du changement

La démarche de recherche-action est un processus continu de transformation des

représentations, des savoirs, des pratiques. Ces changements se produisent au sein des

collectifs d’acteurs impliqués par l’analyse de l’expérience, la mutualisation des savoirs, la co-

construction de significations et de sens. Ces changements touchent à la fois l’individu qui

s’engage et le collectif d’acteurs. Les pratiques d’animation de la recherche-action, combinaison

d’une dynamique de groupe et de méthodologies de la recherche en sciences sociales, mettent

les praticiens en situation d’expérimentation d’action concertée. Cette pédagogie de l’action

réflexive, formation de l’acteur à la production d’une pensée critique et pratique, offre

l’opportunité de prolongements en matière d’intervention, de valorisation et de communication.

La production du groupe de recherche est aussi un vecteur de changement. Support de

l’intervention et de sa structuration, la production de recherche est à la fois un outil de référence

pour les acteurs et un patrimoine commun. C’est aussi un moyen de sensibilisation et

d’implication des autres acteurs et des institutions.

- La recherche-action produit du savoir

La recherche-action, le présent rapport en atteste, met en relation dialogique différentes formes

de savoirs. Des savoirs expérientiels portés et exprimés par des sujets, des savoirs d’action

communiqués par des praticiens (professionnels ou bénévoles), des savoirs formels mobilisés

et médiatisés par des conférences ou une analyse documentaire. Sans hiérarchie, mais en

prenant en compte leurs conditions et contextes d’émergence, ces savoirs sont convoqués,

discutés, travaillés, combinés, afin de donner une lecture compréhensive des phénomènes et

des situations.

- La recherche-action produit des matériaux inédits et des outils transférables.

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Ces matériaux inédits sont issus, principalement, de récits d’expériences individuelles ou

collectives, de récits biographiques collectés par enquête qualitative (observation directe et

entretien) et aussi au cours de l’atelier de recherche-action. L’effort d’écriture et d’analyse

permet au groupe de recherche de se constituer un patrimoine commun de matériaux et

d’analyses. La recherche-action produit également des outils transférables. Ce sont des outils

d’animation et de formation de collectifs, outils d’analyse des phénomènes et des pratiques,

supports de communication et de valorisation.

Ainsi, au delà de la recherche-action calibrée et déterminée par une commande et un cahier

des charges, des processus collectifs d’action réflexive sont en marche, les initiatives prises par

les participants aux ateliers en témoignent. Ils peuvent être encouragés et soutenus dans une

perspective de transformation durable des représentations et des pratiques.

4. PROPOSITIONS DES ATELIERS

A l’issue de cette lecture des quatre synthèses réalisées, nous pouvons retenir 10 domaines de

propositions :

les formes, les cibles, la déontologie des interventions préventives,

la formation des acteurs, professionnels, institutionnels et bénévoles,

l’information et la sensibilisation de la population,

la création d’espaces de communication, d’écoute et d’expression,

la constitution, l’animation, et la consolidation des réseaux et la formalisation du travail en

réseau,

le maillage territorial et le décloisonnement professionnel et institutionnel,

le soutien aux initiatives expérimentales et innovantes, la valorisation des connaissances, des

bonnes pratiques et des ressources,

l’examen critique des violences sociales et institutionnelles génératrices de souffrances,

(pression scolaire, traitement institutionnel des suicidants, souffrance au travail),

la promotion des recherches et recherches participatives ou coopératives comme vecteur de

transformation des savoirs et des représentations,

l’évaluation dynamique des pratiques, des projets, des politiques.

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4.1.1. Les formes, les cibles, la déontologie des interventions préventives

Les formes de l’intervention, souhaitées et souhaitables, sont multiples, individuelles ou

collectives, fondées sur des valeurs, des principes d’actions et des compétences relationnelles

et communicationnelles. Au titre des valeurs de référence notons le respect de la personne

humaine, la tolérance et la solidarité. Les principes d’action doivent prendre en compte la

complémentarité et le décloisonnement des interventions (travail en réseau de prévention

coordonné). Les clivages institutionnels, corporatistes et territoriaux sont autant de freins à la

mise en cohérence de l’action et à son optimisation. L’intervention professionnelle et bénévole,

sans nier les spécialités et les domaines de compétences, est à inscrire dans un référentiel

commun privilégiant : la qualité d’écoute et l’empathie, l’approche objective, sereine et

responsable du phénomène afin d’éviter les effets de stigmatisation, de culpabilisation ou

encore de négation par refoulement175. La mobilisation et la capitalisation des ressources

comme le développement des compétences relationnelles et communicationnelles apporteront

aux acteurs les outils nécessaires. Une réflexion approfondie est nécessaire à propos de la

circulation de l’information, de la confidentialité et aussi de la maîtrise de la médiatisation.

Les cibles privilégiées sont à déterminer localement dans le cadre d’un projet de prévention

territorial à partir d’un diagnostic et d’une approche des catégories d’âge (Collégiens, Lycéens,

Etudiants, personnes âgées, cependant des actions intergénérationnelles sont à expérimenter),

de groupes sociaux et professionnels ou encore de populations « construites » par les

dispositifs (Mission locale, RMI…).

Le cadre des interventions et leurs limites (problème de l’interventionnisme) sont à définir sous

la forme d’un code de déontologie de l’intervention produit par des praticiens. Il convient

également de mettre à la disposition des intervenants un lieu inter institutionnel (un nœud

central du réseau) pour assurer collectivement une régulation, appuyée éventuellement par une

supervision.

4.1.2. La formation des acteurs, professionnels, institutionnels et bénévoles,

Différentes modalités de formation existent dans le cadre de la formation initiale et continue des

professionnels du soin ou de l’accompagnement social. La formation des écoutants bénévoles

apporte également une réponse appréciée. A partir d’un état des lieux et d’une évaluation des

contenus et des méthodes didactiques et pédagogiques, il est probablement possible

105

175 chaque citoyen peut aussi participer à l’action préventive par le maintien du lien social, sa restauration, sa reconstruction : respect, considération, prise de position sans jugement, présence , dialogue, signe d’intérêt constitue des modalités d’intervention.

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d’améliorer l’offre actuelle. Cependant, les enseignements de la recherche-action conduisent à

orienter l’effort de formation sur les approches territoriales de promotion de la santé (agir de

manière coordonnée pour le développement d’un projet de prévention à l’échelle d’un territoire),

le travail en réseau (ce qui suppose une distance aux rôles professionnels et institutionnels et

un agir assuré fondé sur la transversalité et la communication, l’analyse des pratiques

(formation-action prenant appui sur l’expérience et l’alternance) et enfin la définition d’un code

déontologique.

4.1.3. L’information et la sensibilisation de la population,

Il est indispensable d’offrir aux praticiens de la prévention des données statistiques de cadrage

localisées, actualisées, harmonisées et lisibles, leur permettant d’ajuster leurs projets de

prévention à l’évolution des phénomènes.

Il est possible d’éviter les travers classiques de la communication commerciale

(marchandisation du message, exploitation de la fibre émotionnelle, sensationnalisme) pour une

communication directe, authentique, en dehors de lieux spécialisés, dans des lieux de passage

pour tous, non stigmatisants, visant la conscientisation à partir d’une approche globale et

rigoureuse par le vecteur de témoignages notamment. A cet égard, les rencontres citoyennes

ouvrent la voie. De plus, des personnes enquêtées sont volontaires pour témoigner. Par

ailleurs, il est souhaité la réalisation de supports d’information adaptés aux publics (plaquette,

théâtre Forum…) concernant des problèmes et difficultés individuelles et intimes.

4.1.4. La création d’espaces de communication, d’écoute et d’expression,

La création d’espace d’expression et d’écoute pour les personnes en souffrance est réclamée

par les acteurs. Des expériences existent, elles permettent d’offrir à des personnes en situation

de risque l’opportunité d’une écoute attentive, d’un soutien approprié. Notons que

l’institutionnalisation de ces lieux peut générer des réactions de fuite ou de repli de la part du

public visé.

4.1.5. La constitution, l’animation, et la consolidation des réseaux et la formalisation du travail en réseau,

« Le réseau ne se décrète pas, il se construit », nous ajoutons qu’il se construit dans la

transversalité et la territorialité, et va à l’encontre des logiques verticales, hiérarchisées,

corporatistes, institutionnelles. Un réseau ne se contrôle pas comme une structure

organisationnelle ou un corps professionnel, il s’anime par la volonté d’un ensemble d’acteurs

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organisés en système d’interactions et d’interdépendances. Des obstacles freinent la logique de

formation des réseaux : les relations de pouvoir, une définition rigide des prérogatives et des

compétences, les conflits de légitimité, les logiques sectorielles, le secret professionnel… Nous

pouvons considérer que l’adhésion à un réseau, compris comme le processus de construction

de l’intervention coordonnée et décloisonnée à l’échelle d’un territoire, suppose l’adhésion à

des valeurs et représentations communes, des pratiques partagées d’intervention et

d’évaluation et enfin une confiance réciproque favorable à la circulation de l’information.

La constitution d’un annuaire (électronique ?) des ressources et des acteurs de la prévention

permettrait de rendre lisible le réseau et de faciliter les contacts.

4.1.6. Le maillage territorial et le décloisonnement professionnel et institutionnel,

Dans le prolongement des réflexions sur les réseaux de prévention, il convient de rendre lisible

les ressources d’un territoire, d’en évaluer les forces et les faiblesses par un diagnostic partagé,

de mobiliser les acteurs par une démarche de projet territorial de prévention.

4.1.7. Le soutien aux initiatives expérimentales et innovantes, la valorisation des connaissances, des bonnes pratiques et des ressources,

Face à la déstabilisation potentielle que provoque les phénomènes suicidaires sur les acteurs

(culpabilité, découragement, doute sur l’efficacité de l’intervention), il convient de soutenir les

initiatives, notamment les expérimentations innovantes afin de les valoriser et de conforter la

position de leurs promoteurs. La capitalisation des expériences et des ressources

(documentaires, statistiques, récits d’expériences…) est de nature à mobiliser, dans la durée,

les réseaux de prévention.

4.1.8. L’examen critique des violences sociales et institutionnelles génératrices de souffrances, (pression scolaire, traitement institutionnel des suicidants, souffrance au travail)

Vaste programme, puisqu’il s’agit ici d’interroger les logiques sociétales, culturelles et

institutionnelles qui imposent un modèle dominant fondé sur la réussite, la performance,

l’intégrité du corps, la modernité… La violence symbolique de ce modèle est génératrice de

souffrance, de sentiment de disqualification et de stigmatisation. L’acceptation et la promotion

de modèles alternatifs, fondés sur une prise en considération de la diversité humaine176, des

modes de vie et des appartenances offre l’opportunité de proposer des espaces de

107

176 John Hume, prix Nobel de la paix évoquait, lors du colloque Identité et démocratie, le 19 septembre 2002, la nécessité de prendre en compte la diversité humaine et de l’institutionnaliser dans une perspective démocratique.

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reconstruction de soi (A titre d’exemple, le culte de la réussite scolaire et universitaire,

particulièrement vive en Bretagne, doit être tempéré par une reconnaissance des métiers

manuels, de l’autodidactie ou de la sociodidactie, ou encore de l’utilité sociale de pratiques

dévalorisées). Cela suppose que les discours des leaders d’opinion, des éducateurs (parents,

enseignants, intervenants sociaux) corrigent les dérives élitistes.

4.1.9. La promotion des recherches et recherches participatives ou coopératives comme vecteur de transformation des savoirs et des représentations,

Il conviendra d’effectuer un bilan général des recherches conduites et de leur impact. Dès à

présent, nous pouvons souligner l’intérêt de démarches pluridisciplinaires et des recherches

participatives pour étayer les pratiques de savoirs actualisés et formalisés. La communication

des travaux de recherche auprès de différents cercles (spécialistes, non-spécialistes, publics)

constitue un enjeu de valorisation et de dynamisation.

4.1.10. L’évaluation dynamique des pratiques, des projets, des politiques.

L’évaluation s’impose aujourd’hui dans la conduite des projets et des politiques. L’évaluation

dynamique (en cours de processus assurée en interne ou avec l’appui d’un conseil extérieur)

intègre un principe participatif et doit permettre de renforcer l’efficacité et l’efficience des projets

et aussi de consolider les pratiques partenariales. En complément de cette évaluation de projet,

il convient aussi de développer une culture de l’évaluation (dans le sens d’attribuer une valeur

et non d’effectuer un contrôle) des pratiques d’interventions, professionnelles et bénévoles et

aussi d’expérimenter et de développer les évaluations au vu des usagers. L’appui technique de

référents, la formation-action sont les outils mobilisables pour consolider des compétences

professionnelles et sociales individuelles et collectives.

108

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CONCLUSION GENERALE

Une approche transversale et synthétique des travaux des différentes équipes

multidisciplinaires a permis d'élaborer les conclusions de ce travail et de formuler des

préconisations pour l'action, objectif ultime et fondamental de cette recherche.

1. DES CONCLUSIONS

1.1 DES CONFIRMATIONS

L'analyse de l'ensemble des travaux réalisés (données bibliographiques, historiques,

statistiques, enquêtes, questionnaires et entretiens, ateliers de recherche-action rendant

compte de l'expérience des acteurs de terrain) confirme que le suicide, comme phénomène et

processus, fait appel pour son explication et sa compréhension (selon qu'on l'aborde à un

niveau sociologique ou clinique) à une pluralité de facteurs entre lesquels il n'est pas toujours

facile d'établir une hiérarchie. Nos travaux ont montré que dans certains cas ces facteurs

peuvent se cumuler. Toute approche monocausale serait totalement réductrice; comme il serait

illusoire de vouloir l'explication de tout à tout prix. C'est pourquoi nous lui avons préféré une

approche plus compréhensive des indices permettant de caractériser une situation afin d'agir

avec pertinence et efficacité tout en acceptant la part d'énigme de la condition humaine et notre

savoir incomplet.

L'ensemble des travaux confirme également, dans l'appréhension du phénomène suicidaire,

l'importance des interactions sociales, pointées comme particulièrement fortes en Bretagne. Si

le constat n'est pas exclusif à la Bretagne, certains composants177 de ces interactions sociales y

prennent plus de relief qu'ailleurs. L'importance de ce particularisme se trouve d'autant plus

exacerbé dans les cas de mutations socioéconomiques fortes et rapides, que la spécificité du

contexte psycho-socio-culturel breton l'accentue.

177 Analysés par les travaux de V.Griner-Abraham et des ateliers de recherche-action : rupture de lien social; isolement; sentiments de honte, d'échec, de mise au ban social; estime de soi négative…

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1.2 DES DETERMINANTS SOCIO-ECONOMIQUES

1.2.1. L’incidence des transformations socio-économiques

Elle est d'autant plus forte sur le suicide que ces transformations auront été importantes,

rapides et radicales; que leurs conséquences psychosociales n'auront été ni anticipées, ni

prises en compte par la collectivité. Les études réalisées sous la conduite d'A. Batt montrent

bien les dégâts causés par le "miracle breton" dans le secteur agricole, confortant ainsi des

conclusions antérieures portées par des sociologues comme Christian Baudelot et Roger

Establet ou Paul Houée. Ainsi, peut-on constater que le monde rural a et continue de payer un

lourd tribut au développement économique régional, même si une partie des ruraux peut

estimer à juste titre en avoir aussi été bénéficiaire. La question n'est bien entendu pas de porter

un quelconque jugement sur les choix économiques faits en Bretagne à partir des années 1960,

mais plutôt de constater que les conséquences psychosociales de ces choix n'ont à aucun

moment été prises en compte. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas exclusif à la Bretagne,

puisque l'on retrouve les mêmes constats dans les travaux réalisés par la MSA de la Manche.

A l'inverse, lorsque le soutien social des agriculteurs est une réalité comme au Canada178, on

constate que "les taux provinciaux de suicide chez les exploitants agricoles sont généralement

inférieurs ou comparables à ceux observés dans les groupes de comparaison de Canadiens de

sexe masculin". Le soutien social dont ont bénéficié ces agriculteurs au cours de la période de

fortes transformations socio-économiques étudiée (1971-1987) a eu un effet protecteur, lorsqu'il

est corrélé à une stabilité et une durabilité des relations sociales dans des collectivités

solidaires.

1.2.2. Les conséquences de l’insécurité psychosociale

Liées aux évènements et transformations socio-économiques elles ne se limitent pas aux seuls

agriculteurs ainsi que le montre l'analyse par catégorie socioprofessionnelle des décès par

suicide. Si les agriculteurs et ouvriers agricoles sont, en taux, les plus touchés, en valeur

absolue c'est la catégorie des ouvriers chez les hommes, et des employées chez les femmes,

qui fournit le contingent le plus important de décès par suicide. Qu'il s'agisse des conséquences

des conditions de travail179 ou de celles résultant du chômage180, le lien entre le stress causé

par ces situations et la dépression, puis le suicide, a souvent été reconnu. L'étude de la

mortalité des Rmistes dans le bassin de Redon181 a mis en évidence une forte surmortalité de

178 William Pickett, Will D. King : et al. Le suicide chez les exploitants agricoles canadiens - Maladies chroniques au Canada Vol.20, n°3- 1999 179 Michel Debout: La France du suicide- Paris Stock 2002 180CES : Travail, violence et environnement, Rapport présenté par M. Debout – JO 1999

110

181 V. Bernard, S. Rougère, J. Chaperon: Etude de la mortalité des Rmistes dans le bassin de population de Redon –pour le CDAS et DAS35- Mars 2000

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cette population par rapport à la population générale, en particulier dans les premières années

de l'accession au RMI.

Décès observés et attendus dans la population appariée

Durée de RMI Effectif Décès observés Décès attendus Moins d'1 an 1190 21 1 De 1 à 2 ans 576 18 1.9 de 2 à 3 ans 347 13 2.3 De 3 à 4 ans 201 5 2.1 De 4 à 5 ans 121 6 1.6 De 5 à 6 ans 108 10 2.0 De 6 à 7 ans 51 3 1.0 De 7 à 8 ans 30 0 1.1 De 8 à 9 ans 20 2 0.6

De 9 à 10 ans 15 0 0.6 De 10 à 11 ans 7 0 0.3

TOTAL 2666 78 14.5 Source : Étude de la mortalité des RMIstes dans le bassin de population de Redon, Mars 2000

L'étude n'avait certes pas pour objet de déterminer les causes de cette surmortalité, cependant,

ses résultats complètent utilement les constats statistiques relatifs au chômage et confortent les

observations des enquêteurs tant dans l'équipe de recherche de Brest (V. Griner-Abraham) que

dans les Ateliers de Recherche Action Coopératifs (Mutualité / Collège Coopératif en Bretagne).

1.2.3. Le suicide des jeunes

Les travaux ont mis en évidence un lien fort entre leurs tentatives de suicide et la pression

scolaire dont ils sont l'objet, soit sur un plan collectif ou institutionnel, soit sur le plan familial. Le

rapprochement des courbes de l'augmentation du nombre de tentatives de suicide et de décès

par suicide chez les jeunes, et des courbes de l'amélioration en Bretagne du taux de réussite au

Bac182 et du taux d'accès au niveau du Bac, met en évidence des similitudes : dans les deux

cas le phénomène est récent (années 1970), et ils sont concomitants dans le temps. Ces

constats ne peuvent manquer d'interpeller l'observateur, à défaut d'établir à eux seuls un lien de

cause à effet unique.

1.3 DES DETERMINANTS SOCIO-CULTURELS

Ici encore, aucun des items évoqués ne saurait suffire seul pour expliquer la prévalence

bretonne. Mais leur accumulation et leur conjugaison participe à l'explication.

111182 La Bretagne se situe au 1er rang national

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1.3.1. Le basculement des attitudes

L'analyse historique des attitudes vis-à-vis du suicide montre un profond changement au cours

du XXème siècle. Non seulement il a affecté la perception individuelle, mais aussi la perception

collective : le suicide n'étant plus sujet tabou a fait l'objet de recherches, d'articles et de

publications grand public qui sont venus conforter les changements individuels.

Alors qu'il faisait l'objet d'une condamnation très ferme de la part des autorités religieuses

bretonnes jusqu'à la moitié du XXème siècle, le suicide s'est trouvé banalisé. Dans le même

temps, d'une question morale, il est progressivement devenu une question de santé publique

depuis les années 1970 (Rapport Boulain, étude de RCB...)

1.3.2. L’acculturation

Ou plus exactement la brutalité avec laquelle elle a été appliquée peut également être évoquée.

Les mutations culturelles sont communes à toutes les régions, de même que le recul des

langues ou dialectes locaux. Par contre, la culture et la langue bretonnes ont fait l'objet de

mesures coercitives, et même d'une interdiction de pratique pour ce qui concerne la langue

dans les lieux publics. Quand on sait l'importance que revêtent la langue et la culture dans les

processus de structuration et d'équilibre de la personnalité, on ne peut que retenir les

témoignages et explications recueillis dans les entretiens ou rapportés par les professionnels.

D'autant que la "condamnation" de la culture bretonne ne s'est pas limitée à la seule Basse

Bretagne bretonnante, mais fut appliquée et en tout cas, ressentie comme telle sur l'ensemble

de la région.

1.3.3. Les conduites à risque et les dépendances

Notamment183 de l'alcool apparaissent, comme l'importance des décès par suicide, l'un des

traits particuliers de la morbidité et de la mortalité de la Bretagne. L'enquête sur la santé des

jeunes bretons réalisée en 2001-2002 par l'ORSB est venue confirmer l'augmentation de la

consommation de cannabis et d'alcool, ce dernier étant de plus en plus consommé sur le même

mode que le "shoot" toxicomaniaque184. Ici encore il ne s'agit pas d'un phénomène

exclusivement breton. Mais ainsi que le rapportent les jeunes de l'Unité Angéla Duval de Brest,

on constate qu'ils sont "un peu plus…" : plus angoissés, plus atteints par le sentiment de honte,

plus consommateurs d'alcool ou de cannabis etc.

183 La consommation de cannabis par les jeunes est en hausse selon l'enquête de l'ORS Bretagne de 2001 précitée. Pour les autres stupéfiants et les autres catégories de population la Bretagne se situe à un niveau de consommation en dessous de la moyenne.

112

184 La quantité globale d'alcool consommée par la population est en constante diminution, mais sa consommation par les jeunes en grande quantité, destinée à l'ivresse, est concentrée dans des temps courts et répétés.

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Et si le refuge dans l'alcool par exemple peut constituer un temps une certaine protection contre

le passage à l'acte, il n'en reste pas moins un facteur désinhibiteur finalement facilitateur lors

d'un moment de plus grande angoisse. Ainsi que le rapporte V. Griner "le risque suicidaire est

donc particulièrement élevé chez les adolescents consommant de l’alcool de manière

paroxystique et confrontés à des situations de maltraitance. L’alcool, par son effet désinhibiteur

et antalgique, favorise la réalisation de gestes suicidaires à haute létalité même chez des sujets

qui n’ont pas un niveau très élevé de désespoir".

1.3.4. La prégnance de l’histoire familiale

Elle fait aussi figure de constante. La recherche généalogique tout comme les entretiens ont

mis à jour des séries familiales de suicides, de maladies mentales, de morts violentes ou de

traumatismes familiaux non assimilés, et qui ont péjoré la construction identitaire et ce dans des

proportions supérieures, au moins dans le Finistère.

1.3.5. La perte des repères culturels

Tous nos travaux convergent sur ce point, quel que soit l'angle d'approche utilisé et les publics

enquêtés (population générale, suicidants, professionnels ou bénévoles). La perte des repères

culturels est un facteur déterminant important du phénomène suicidaire. Qu'il s'agisse du recul

de la religion, des modifications de la structure familiale, de l'affaiblissement de la relation

sociale ou solidaire, tous ces facteurs sont récurrents quant à leur impact traumatisant.

Toutefois nombre de ces facteurs se retrouvent sous des formes voisines dans d'autres régions

françaises ou étrangères. Pourquoi alors entraînent-ils en Bretagne un plus grand nombre de

tentatives de suicide et de décès par suicide ? La collation des résultats de l'ensemble de nos

travaux nous conduit à poser l'hypothèse que l'intensité particulièrement forte en Bretagne des

déterminants liés aux repères culturels, la brutalité et la rapidité avec laquelle leur perte est

intervenue en Bretagne, appliquées à une population au profil psychopathologique fragilisé (par

une faible estime de soi, une prégnance du sentiment de honte, une fragilité narcissique…),

génère un nombre plus important de passages à l'acte.

1.4 LES LIMITES DE LA RECHERCHE

Les conclusions et préconisations qui sont ici présentés ne doivent pas être appréciées en

valeur absolue. Elles ne peuvent être "justement" appréhendées que sous la réserve de

l'acceptation préalable des biais inévitables et des limites de cette recherche.

113

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• La rareté des données historiques, la discontinuité des séries de données, leur fiabilité

souvent aléatoire, voire leur inexistence comme pour ce qui concerne le recensement

des tentatives de suicide, limitent considérablement le champ de l'analyse qui, au lieu de

porter sur des cohortes conséquentes, doit être circonscrite à une part restreinte de la

population, posant ainsi des interrogations quant à sa représentativité. Et ce, même si

de nombreuses constantes ont pu être mises en évidences entre nos différents sites

d'étude.

• L'impossibilité matérielle de conduire une étude comparée des motifs et facteurs

déterminants du suicide auprès d'un échantillon de suicidants survivants, et d'un

échantillon de suicidants décédés, la technique de l'autopsie psychologique étant trop

lourde pour les moyens (pourtant déjà importants) dont nous disposions. Nous avons

cependant pu développer une approche médiane en confiant à une historienne

généalogiste, Marlène Darcel, le soin d'une exploration généalogique à partir des cas

étudiés par Dr le V. Griner-Abraham au CHU de Brest.

• L'évolution de la représentation du suicide tant dans la population que chez les

professionnels ou les autorités médicales et administratives, peut constituer un biais

important pour la mesure de l'évolution du suicide au cours du temps.

2. DES PRECONISATIONS

2.1 INTEGRER LA DIMENSION SANTE DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES

On sait bien en santé publique que la santé de la population est plus déterminée par des

facteurs environnementaux que par le dispositif de soins. Que l'on considère le suicide comme

un problème de société ou comme un problème de santé publique, notre conclusion s'y

appliquera de la même manière tant il est acquis que c'est l'action sur les divers facteurs

environnementaux, en particulier les spécificités évoquées dans nos conclusions, qui pourra

avoir un effet décisif sur les primo tentatives de suicide. Ce qui ne dispense pas, toutefois, de

poursuivre l'action entamée pour l'amélioration de la prise en charge des suicidants.

Mais si l'on ne veut pas que les dispositifs de soins et de santé publique ne soient encore et

toujours que des remèdes aux carences de la société, il est tout aussi urgent qu'indispensable

d'inclure la dimension santé dans les politiques publiques, qu'elles soient nationales, régionales

ou locales. Il devient alors possible d'intégrer au processus de décision politique et/ou

économique l'analyse du risque qu'elle est susceptible de générer (sur le modèle des études

d'impact déjà utilisées), et de prévoir des mesures de prévention primaire adaptées (écoute,

suivi, aide aux personnes en difficulté psychologique…). Ainsi, dans le cadre de leurs

compétences économiques, les collectivités pourraient même aller jusqu’à conditionner leur 114

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aide financière en faveur du développement économique, industriel ou agricole, à la prise en

compte de l'impact sur la santé des projets aidés.

2.2 DES OBJECTIFS GENERAUX D’ACTION

2.2.1. Repérer les situations à risque suicidaire185,

alerter et assurer le suivi après la prise en charge. Ces fonctions sont d'ores et déjà

partiellement assurées, mais souvent à titre expérimental et de manière éparse et non

coordonnée. Il convient donc de systématiser la démarche tout en mettant l'accent sur quelques

territoires particulièrement à risque tels qu'ils sont apparus dans la cartographie de l'ORSB.

La mise en œuvre de notre première préconisation, à savoir intégrer la dimension santé dans

l’ensemble des politiques publiques, permettra, dans le cadre d’un programmation pluri

institutionnelle débordant largement le secteur de la santé, de mobiliser les acteurs pour

développer des programmes de prévention primaires territoriaux.

2.2.2. Dès lors que l’on se situe dans une optique de prévention primaire,

il convient d'organiser l'action sur les représentations psychologiques, culturelles et sociales du

suicide (cf. propositions des ARAC). Et dans le même temps de mettre en place des dispositifs

psychosociaux permettant de compenser les violences sociales institutionnelles génératrices de

souffrances. L'actuelle crise agricole en Bretagne, et son vraisemblable développement dans

les prochaines années, doit faire l'objet de ce type d'accompagnement, lequel doit bien entendu

s'appliquer aussi aux autres secteurs économiques.

2.3 DES OBJECTIFS OPERATIONNELS

2.3.1. Il convient de revoir le système de recueil de données

concernant le suicide afin d'améliorer la connaissance, les possibilités de suivi et d'évaluer

l'impact à long terme des mesures mises en œuvre. L'absence de recensement des TS est

particulièrement préjudiciable. Un recensement systématique sur l'ensemble de la région est

indispensable. De même, doit-on affiner le recueil des données concernant les catégories

socioprofessionnelles. Afin de permettre leur exploitation soit à des fins épidémiologiques, soit

115185 ANAES : Conférence de consensus « La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge », 20/10/2000

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pour la recherche ou l'analyse critique de la pratique, il serait bon aussi d'harmoniser les fiches

patients des accueils d'urgence et des lieux d'écoute.

2.3.2. Des référentiels partagés

Qu'il s'agisse de la formation (en particulier des médecins généralistes), des pratiques, pour les

professionnels comme pour les bénévoles, elles doivent s'élaborer à partir de référentiels

communs et partagés en réseau. L'objectif est ici à la fois d'améliorer la qualité de l'intervention

et de mieux mobiliser les acteurs dans des démarches territoriales de prévention primaire, pour

une action en complémentarité hors du cloisonnement institutionnel, corporatiste ou territorial

actuel. Dès lors, pourraient être créés des lieux inter institutionnels (nœud de réseau) pour

assurer collectivement la régulation voire la supervision des actions.

La démarche de recherche-action coopérative, en ce qu’elle permet de produire à la fois du

changement (des représentations, des savoirs et des pratiques des acteurs), des matériaux et

des outils utiles pour l’action, doit être soutenue et proposée tant aux professionnels qu’aux

bénévoles. Elle permet, outre son aspect formateur, de contribuer à la constitution ou à la

structuration des réseaux d’acteurs territoriaux indispensables à la réussite des actions de

prévention.

2.3.3. Une nécessaire évolution des compétences et du financement

La part importante des psychopathologies dans les premières causes associées au décès par

suicide, tout comme la préconisation d’un renforcement des dispositifs d’écoute, d’aide

psychologique (prise en charge préventive hors maladie mentale) et de prise en charge

psychothérapeutique permettent de conclure à une augmentation substantielle du nombre

d’actes et des besoins de professionnels formés. Or, on constate une insuffisance de psychiatre

pour déjà faire face aux actuels besoins. Par ailleurs, hors système hospitalier, les professions

non médicales du domaine psychiatrique ne sont pas reconnues. Elles sont dans la situation

que connaîtraient les auxiliaires médicaux (infirmiers, kiné, par exemple). Si seuls les médecins

étaient habilités, hors hôpital, à pratiquer et coter les actes thérapeutiques. Situation qui serait

intenable, et l’est d’ailleurs tout autant pour le domaine de la santé mentale. Et pourtant, 186Les

infirmiers, les éducateurs et leurs cadres respectifs travaillent de moins en moins exclusivement

dans les hôpitaux ou dans les institutions. Beaucoup d’entre eux se montrent, avec l’expérience

acquise ou grâce à une formation, d’excellents thérapeutes et opérateurs en santé mentale. Il

en est de même des assistants sociaux qui se sont montrés, dès avant le secteur, les premiers

et remarquables opérateurs en santé mentale dans la communauté.

116

186 Gérard MASSE, Serge KANNAS : Evolution des compétences des professionnels de la Santé mentale – in la Santé de l’homme n° 359, p. 24 à 26 – mai-juin 2002

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La question des psychologues paraît comparable. Même si l’ont peut s’interroger sur les aléas

d’une formation trop théorique, l’expérience montre que, comme pour les autres métiers, ils

sont parfaitement capables – ils le montrent quotidiennement – d’être psychothérapeutes et

d’animer des programmes de santé mentale. On peut considérer qu’ils sont sous recrutés et

donc sous-utilisés par rapport aux besoins des patients et des structures, au regard du nombre

de psychologues formés et sans emploi.

Deux réflexions s’imposent :

• l’une concerne l’équilibre entre les professions médicales et non médicales en santé

mentale. La situation actuelle fait converger vers le psychiatre l’essentiel des tâches et

des responsabilités, les autres métiers étant plutôt exclus, par principe ou par

méconnaissance. L’augmentation observée des demandes (50% en sept ans), qui était

prévisible, va continuer à faire augmenter la partie médicalisée des tâches et donc la

pression sur les temps médicaux, alors même que les demandes psychosociales vont

exploser. A l’opposé, déconnecter le travail du psychiatre des tâches psychosociales ou

des programmes, en les confiant exclusivement aux autres métiers de la santé mentale,

serait inefficace et dangereux.

• L’autre concerne la formation elle-même, pour assurer des pratiques renouvelées, avec

un équilibre transformé et clarifié entre les métiers . Pour les non-médecins, des

garanties de durée d’exercice, d’accréditation pédagogique et des contraintes

déontologiques fortes sont indispensables.

Dans tous les cas, il s’agirait de décloisonner, en les renouvelant radicalement, les pratiques et

les métiers, sans renoncer à leur spécificité de base, tout en reconnaissant au psychiatre une

place modernisée et équilibrée au sein du dispositif public de santé mentale.

Cette réorganisation des tâches et des compétences doit s’accompagner d’une évolution de

l’Assurance Maladie vers une prise en charge des actes ambulatoires pratiqués par des non

médecins reconnus et évalués.

Au terme de cette recherche, et en dépit des insatisfactions naturelles liées aux limites de ce

travail et aux difficultés rencontrées que nous avons évoquées, la question que l’on doit se

poser est : en sait-on suffisamment pour commencer à agir, sur quels domaines et avec quels

moyens et méthodes ? Pour nous la réponse est clairement oui, d’autant plus facilement que

dans le même temps que nous agirons, d’autres recherches pourront approfondir les questions

encore pendantes.

25 novembre 2002

117

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sans oublier les problèmes méthodologiques posés dans les comparaisons entre pays, mentionnés dans le chapitre 1.

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