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La structure du coup d'EtatVITTORIO FROSINI aa University ‘La Sapienza’ , RomePublished online: 12 Apr 2010.

To cite this article: VITTORIO FROSINI (2000) La structure du coup d'Etat, Parliaments, Estatesand Representation, 20:1, 1-8, DOI: 10.1080/02606755.2000.9522094

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La structure du coup d'Etat

VITTORIO FROSINI

SUMMARY

In this article Vittorio Frosini discusses the problem of defining and classifying thecoup d'itat as a historical phenomenon, emphasizing the need to distinguish it fromthe Court or Palace coup, which is a readjustment of office holding within anexisting system. He argues that the coup d'itat is a dialectical process, arising wherethere exists within a state a tension between a ruling elite and a counter elite, whichseeks to displace it, by force if necessary, and to introduce a radically differentpolitical order. The ideas are developed with reference to a series of twentieth­century examples.

DU xnsAUXIXE SIECLE

Le terme 'coup d'Etat' a fait son apparition, dans l'histoire de la science de lapolitique et dans les etudes d'histoire des institutions, il y a bien plus de troissiecles maintenant, dans Ie titre de l'oeuvre de Gabriel Naude, Considerationspolitiques sur Ie coup d'Etat, publie en 1639.1 L'expression se greffait sur un arbre ala frondaison deja abondante, celui d'un nouveau lexique qui avait pour referencel'Etat dans la culture europeenne. Le probleme d'une definition du coup d'Etat,et done de son identification parmi les divers aspects que peut assumer la formede l'Etat dans ses transformations, est toutefois une composante de la pensee,moderne, rnerne si des episodes, qui peuvent etre consideres comme des coupsd'Etat en une vision retrospective, ne manquent pas dans l'histoire de l'antiquiteclassique. Le coup d'Etat, devenu modele paradigmatique, est toutefois, selonl'avis des theoriciens de la politique, celui de Napoleon Bonaparte du 18 Brumaire(9-10 novembre 1799), definit d'ailleurs comme tel par son auteur lui-rneme.Napoleon III y trouva un modele pour celui du 2 decernbre 1851. Sur ces deux

Vittorio Frosini, University 'La Sapienza', Rome.I L'oeuvre a ete traduite en italien ed, Boringhieri, Torino, 1958.

Parliaments, Estatesand Represestation 20, November 2000. Published for the International Commissionfor the History of Representative & Parliamentary Institutions by Ashgate Publishing Ltd, GowerHouse, Croft Road, Aldershot, Hampshire GUll 3HR, Great Britain. © International Commission forthe History of Representative & Parliamentary Institutions, 2000.

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evenements il existe une tres vaste litterature, il est done superflu de les evoquerde nouveau. Notre propos, ici, consiste aexaminer les conditions dans lesquellesles coups d'Etat se sont verifies au XXc siecle, tenant compte des apports fournisa l'analyse du phenornene par la doctrine politique et juridique sur fond d'unscenario historique plutot divers par rapport acelui des siecles precedents, puisquela civilisation europeenne (au sein de laquelle nous limitons notre enquete) aconnu, depuis ses debuts, la participation des masses ala vie politique de l'Etat,

MALAPARTE ET LA TECHNIQUE DU COUP D'ETAT

C'est a l'ecrivain italien Curzio Malaparte (pseudonyme de Curt Suckert), querevient le merite d'avoir attire l'attention des observateurs d'experiences politiquessur Ie coup d'Etat. II publia, en 1931, en langue francaise, aParis, un livre inritulede maniere significative Technique du coup d'Etat, inserant sa configuration theoriquedans le cadre d'une civilisation technologique caracteristique de notre siecle, Levolume fut traduit, au cours des annees suivantes dans diverses langues europeennes,excepte en italien, car Mussolini en interdit l'edition en Italie se reconnaissantprobablement dans cet ouvrage comme l'un des principaux protagonistes et jugeantdone la diffusion du livre dangereuse. Ce dernier parut en italien seulement en1948,2 avec l'adjonction d'une longue Prtface, dans laquelle I'auteur indiquait queson livre, pub lie en allemand, avait ete jete aux flammes dans un bOcher publicsur une place de Leipzig tout de suite apres la venue d'Hitler au pouvoir. Enoutre, Malaparte affirmait que son arrestation, qui avait eu lieu en octobre 1933,avec emprisonnement d'abord et exil force ensuite, dependait d'une preciserequete d'Hitler, irrite par le portrait moral qu'il avait fait de lui, requete alaquelle Mussolini avait repondu favorablement. Merne si Ie fondement del'accusation faite par Hitler a ere mise en discussion par les critiques, Malapartequi, en outre, s'etait attire l'aversion d'autres personnalites importantes, ne voulaitpas dans son livre donner une justification des coups d'Etat declenches parl'offensive des naissantes dictatures fascistes contre la democratic, en Italie, enAllemagne et ailleurs. Comme son predecesseur Machiavel dans Le Prince,Malaparte avait au contraire voulu decrire, analyser et comprendre, avec un realismesans pitie, les moments de crise de la vie politique de son temps.

Des Ie titre, le lecteur note la nouveaute constituee par l'ouvrage: le coupd'Etat est considere comme une procedure technique d'attaque aI'Etat, commeune operation de strategic er de tactique de type militaire, qui est conduite enattaquant les centres nerveux de l'organisation technique qui soutient l'apparatde l'Etat contemporain. Malaparte en fournit une liste: les centrales electriques,les voies ferrees, les stations radio, les raccords vitaux dans les transports, lesports, les gazometres, les aqueducs. II oppose cette forme de conquete et decontrole au 'bovarysme insurrectionnel', c'esr-a-dire ala vieille maniere du XIXCsiecle de declencher l'attaque aI'Etat avec des manoeuvres purement politiques,et il attribue aLeon Trotzki la creation d'une technique moderne du coup d'Etat,

2 Public anouveau in C. Malaparte, Opere scette, sous la direction de L. Martellini, colI. 'I Meridiani',ed. Mondadori, Milano, 1998.

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et alui done, plutot qu'a Lenin, Ie merite du succes de la revolution bolcheviqueen octobre 1917, avec la prise du pouvoir a Saint Petersbourg. Bien que riched'observations appropriees et plutdt brillant dans l'exposition, I'essai de Malapartemanque, toutefois, d'une vraie definition du coup d'Etat, celle-ci ne pouvant etreque politique, car referee aune transformation du pouvoir politique, celui qui estdans les mains du gouvernement et du corps legislatif qui Ie soutient et luiconfere sa legitimite: il ne suffit done pas d'en montrer la phenornenologie.

Le merne titre, 1echnique du coupd'Etat a ete donne aIa traduction italienne du'manuel' ecrit par Edward Lutrwak (ne en Transylvanie mais devenu citoyenbritannique), TheCoup d'Etat: A Hondbook. 3 Ce manuel elargit I'horizon d'enquetede l'oeuvre de Malaparte, prenant en examen Ies coups d'Etat advenus nonseulement en Europe mais egalement ailleurs, et fournit une definition politique,meme si 'fonctionnelle', comme la qualifie l'aureur, c'est-a-dire susceptible d'etrerapportee a des cas concrets: 'Le coup d'Etat consiste dans I'infiltration d'unsecteur limite, mais critique, de I'apparat de l'Etat et dans son utilisation afin desoustraire au gouvernement Ie centrale des autres secteurs.' Mais, selon la penseede Luttwak egalement, Ie 'coup d'Etat' est 'politiquement neutre', pouvant etrede droite ou de gauche, reactionnaire ou progressiste, parce que Ie rneme. Ladialectique politique, celie qui fait eclarer Ie coup d'Etat, reste done exclue de sadefinition. Dans Ie sillage de ces etudes a caractere technico-politique, c'est-a­dire parcourues par une attention orientee vers les manifestations apparentes etparfois envahissantes d'un coup d'Etat, la doctrine politique successive a precedeet s'est maintenue. Traitant de I'argument, Carlos Barbe conclut ainsi son analyse:

Le coup d'Etat est un acte accompli par des organes de l'Etat. Dans sa manifesta­tion actuelle, dans la rnajorite des cas, il est realise par un groupe militaire et par lesforces armees dans leur ensemble. II implique I'appropriation des organes et desattributs du pouvoir politique, a travers une action improvisee qui suppose unecertaine marge de surprise et qui, habituellement reduit la violence intrinseque del'acte avec I'emploi minimum de violence physique."

CLASSE ET CONTRE-CLASSE POLITIQUE DANS LE COUP D'ETAT

La definition a laquelle nous venons de faire allusion apparait viciee dans safocalisation initiale merne, a savoir que Ie coup d'Etat est oeuvre des organesd'Etat, qu'il consiste done exclusivement en un contraste interne a l'apparat del'Etat dont la tension atteint un point tel qu'il genere un conflit oil les forcesarrnees sont irnpliquees. Dans cette enquete methodologique egalement, l'auteurporte son attention sur les formes exterieures du coup d'Etat, ou au moins sur sonmecanisme, alors qu'au contraire, ce qu'il est important de mettre en evidence,c'est sa dialectique, c'est-a-dire, I'individuation des raisons intrinseques qui faitqu'il se verifie: non seulement done Ie comment, mais Ie pourquoi du coup d'Etat.Nous entendons poursuivre notre discours dans la recherche d'une matrice com­mune aux coups d'Etat, matrice capable de reveler quel est Ie ressort propulsif de

3 E.N. Luttwak, Tecnica del colpo di Stato, ed. Longanesi, Milano, 1969.4 C. Barbe, Colpodi Stato, in Disionariadi Politica, ed. TEA-UTET, Torino 1991, pp. 154-7.

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cet evenemenr dont depend non Ie succes occasionnel (la prise du pouvoir soustraitaux organismes d'Etat) mais Ie motif plus profond, celui qui permet Ie renversementd'un regime politique, la metamorphose de I'image de l'Etat,

II est necessaire de se referer a la doctrine de science politique elaboree parGaetano Mosca- pour obtenir une definition precise du coup d'Etat. Dans saconception, Ie noyau central est constitue par la decouverte de la realite permanented'une c1asse politique, c'est-a-dire d'une minorite de gouvernants qui representeI'axe portant de tous les regimes politiques. L'antique division (qui remonte aAristote) des formes d'organisation politique en monarchie, aristocratie ou polyarchieou, comme on dit aujourd'hui, democratic, selon que commandent les minoritesou les majorites, est ainsi eliminee, Selon Mosca, tous les Etats sont gouvernespar une c1asse politique restreinte qui s'appuie sur I'une ou I'autre formule politique(ou ideologique) pour justifier et consolider son pouvoir. Cette doctrine a subi descritiques et s'est enrichie au cours du vingtieme siecle: il faut au moins rappelerl'autre doctrine, enoncee par Vilfredo Pareto, celie des elites de gouvernants. Cequi a manque jusqu'ici, ou ce qui n'a pas ece pris avec la juste consideration, c'estque ala c1asse politique qui gouverne avec les instruments du pouvoir politiquerepresente comme systeme politique s'oppose, pour la merne loi dialectique de larealite - une contre-classe politique qui emerge c1airement dans les moments decrise. Cette contre-classe ne doit, en aucune facon, etre confondue avec I'oppositionparlementaire reconnue, celle qui participe e1le aussi ala composition de la c1assepolitique dominante; mais, au contraire e1le est constituee par ces opposants quicontrastent Ie regime en vigueur dans Ie but d'une eversion radicale, et qui,d'habitude, sont mis au ban et persecutes par Ie regime en place par Ie recours adivers degres de violence, masquee sous des formes legales (par exemple, avec lestribunaux speciaux), ou ouvertement brutale. Mais la contre-c1asse politique esttelle parce qu'elle exerce un pouvoir de persuasion (et quelquefois rnerne decontrainte) sur la societe civile des gouvernes, recourant a des moyens illegauxcomme Ie terrorisme et preparant de maniere clandestine les conditions pour unrenversement du pouvoir legal.

Le coup d'Etat consiste dans Ie passage du pouvoir legal de la c1asse politique ala contre-classe politi que, qui de cette facon devient elle-rnerne une c1assegouvernante et repousse la precedence dans une situation d'illegalite etd'impuissance politique. II ne s'agit done pas d'une alternance de gouvernemententre partis concurrents, mais d'un renversement des rapports de pouvoir, en unesubstitution forcee des gouvernants. L'existence d'une contre-c1asse politiques'insere done dans un rapport dialectique d'implication avec I'existence merned'une c1asse politique, par rapport a cette derniere elle represente comme Ierevers de la medaille, medaille qui porte toutefois une empreinte originaire di­verse. Un exemple historique grandiose est celui qui est offert par la diffusion etla consolidation de la religion chretienne en une structure ecclesiale durant lesderniers siecles de I'empire romain. Ueglise chretienne etait apparue comme un

5 G. Mosca, Elementi di saenzapolitico, sous la direction de G. Sola, ed. UTET, Torino, 1982 (10 ed.,1895, 2° ed., 1922).

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mouvement religieux et anti-politique, mais Ie formation d'une classe dirigeantesacerdotale en son sein favorisa la creation d'une nouvelle classe de gouvernement.Dans l'oeuvre desorrnais classique d'Edward Gibbon, Decline and Fall of the Ro­man Empire (1788), on peut entrevoir la decadence de la classe politique imperialeet les ramifications de la contre-classe constituee par la hierarchic ecclesiastique,dans la lymphe du pouvoir.

LE COUP D'ETAT AU XXE SIECLE

Le coup d'Etat concerne l'histoire des institutions politiques representatives,etant donne que dans les regimes aurocratiques, monarchiques et presidentiels, Iecoup d'Etat, c'est-a-dire la substitution d'un regime politique par un autre, n'apas lieu, puisque la mutation gouvernementale advient a travers ce que l'ondefinit comme 'conjuration de palais', Pour mieux comprendre la difference entre'revolution', 'coup d'Etat' et 'conjuration de palais', il est bon de se referer a desepisodes historiques exemplaires. Comme nous l'avons deja rappele, l'operationconduite par LeoJ;1 Trotski en novembre 1917 a ete definie comme un Coupd'Etat. Cette operation a merne ere consideree comme une lecon pratique de'technique d'un coup d'Etat' au XXC siecle, technique qui consistait en l'utilisationde quelques equipes de techniciens saboteurs capables de bloquer les servicespublics et de paralyser de telle rnaniere l'apparat du gouvernement mis dansl'impossibilite d'exercer ses pouvoirs d'information et de commandement. Laconsideration faite a ce propos est en partie exacte. La transformation du regimepolitique en Russie se verifia dans Ie cadre, bien plus vaste, bien plus complexe etbien plus long, de la revolution en marche. La strategic du pouvoir s'insera dansIe mouvement revolurionnaire, mais, ne pouvant se substituer a la puissantepulsion revolutionnaire, Trotzki n'aurait pas reussi dans son enterprise sans Lenin:a l'origine fur Ie verbe, non Ie fait.

L'avenement du fascisme en Italie, en octobre 1922, fut lui aussi un coupd'Etat dans la mesure OU c'est une conquete du pouvoir par une 'contre-classepolitique' qui se realisa, Le changement survenu dans les institutions advintseulement plus tard et ne fut pas une consequence immediate de la 'revolutiondes chemises noires' et des escadrons d'actions arrnees. Elle annonca, maisn'accomplit pas le coup d'Etat. Le roi Victor Emmanuel III chargea Mussolini deformer Ie gouvernement et Ie nouveau president d'un conseil des ministres OUetaient representes egalement les partis parlementaires, obtint l'approbation de laChambre des deputes et du Senat, II n'y eut pas alors une rupture dans lacontinuite des institutions, Ie vrai coup d'Etat se realisa avec les lois liberticidesde 1925, quand Ie regime fasciste expulsa les adversaires du parlement, dessyndicats et des journaux, de la vie publique.f Dans Ie cas de la conquete dupouvoir par Ie parti national socialiste en Allemagne, on peut observer que cela seproduisit aussi dans un climat de destruction sociale et legale de la republique deWeimar et que l'application du tristement celebre article 48 de la constitution

6 G. Maranini, Co/po di Stato, in Enciclopedio Italiana, vol. X, Rorna, 1930, p. 893 (Uauteur soutientla continuite du gouvernement fasciste).

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favorisa cette conquete, mais le tout par voies legales. L'avenement au pouvoird'Hitler fut precede et annonce par le coup d'Etat de Von Papen, qui, le 20 juillet1932, abolit le gouvemement de la Prusse, se substituant a lui comme cornmissaire.?

Au contraire, le 25 juillet 1943, l'episode de la reunion du Grand Conseil dufascisme qui marqua le suicide du regime, exprimant par un vote son opposition ala politique de Mussolini et permettant de cette maniere au roi Victor EmmanuelIII d'accomplir l'operation inverse de celie du 28 octobre 1922, peut ctrecorrectement defini coup d'Etat. Le roi qui, 20 ans auparavant, avait appele augouvemement Mussolini, cette fois, au contraire, l'expulse du pouvoir, et toutl'apparat de regime s'ecroule d'un coup. Toutefois, selon I'avis de ceux quiasisterent aces evenemenrs, Ie bombardement de Rome par les forces alliees, Ie19 juillet, avait eee determinant, ce qui jeta desordre et decouragement dans lac1asse dirigeante de I'ltalie.s Par contre, l'appel de Charles De Gaulle aux francais,le 18 juin 1940, de Radio Londres, doit ctre considere comme un authentiquecoup d'Etat. En fait, par cet appel, la legitimite de toute la c1asse politiquerepresentee legalement par Ie gouvemement du Marechal Petain etait niee et lalegitimation etait pleinement assurnee par De Gaulle lui meme, pour lui et pourses partisans. De cette maniere se verifia un coup d'Etat antiparlementaire. Installehors du territoire national, le gouvemement, preside par De Gaulle qui s'etaitpromu leader, prive d'investiture populaire, exclu de la reconnaissanceintemationale, s'affirma tout de suite comme gouvemement representatif de lanation francaise, La victoire finale donna raison a De Gaulle."

Les faits qui se sont deroules en Europe orientale durant le periode del'hegernonie de l'Union Sovietique et qui se sont conclus par l'extinction duregime communiste symbolisee par la chute du mur de Berlin ont ete densesd'episodes dramatiques. Certains d'entre eux peuvent ctre qualifies de 'coupd'Etat', a commencer par les evenements du 21 fevrier 1948 en Tchecoslovaquiequi marquerant la prise du pouvoir par le gouvemement communiste, jusqu'auxsubstitutions de la c1asse politique qui se verifierant avec la crise des ditesdemocraties populaires. Une analyse detaillee de tous ces episodes va toutefoisau-dela de l'objectif que nous sommes fixe. Contentons-nous de constater que,chaque fois, un renversement de regime politique, un changement de c1assepolitique, une mutation de systerne constitutionnel a eu lieu, mais il ne s'est pastraite d'un mecanisme prive de jugement, exempt de valeurs politiques affirmeesdialectiquement. On peut penser, au contraire, que tout cela est absent dans les

7 D. Dyzenhaus, Legol;ty and Legit;mocy, Clarendon Press, Oxford, 1997, pp. 28-32. Sur la crise de laRepublique de Weimar, voir. Frosini, Lo democrasia pericolonle (Notestondlesuli'art. 48 del/oCostitu:r.;onedi ~;mor), in 'Diritto e Societa', 1979, no. 2, pp. 315-28.

8 Ce jugement politique est controverse, On admet au contraire, surtout de la part des juristes, quel'acce accompli par Ie roi a ete legal: voir C. Ghisalberti, Storia costituzionale d'Itatia 1849/1948, ed,Laterza, Bari, 1974 (et ed. successives) pp. 381-2.

9 S. Gentile, Capo carismatico e demo&roz;o. 1/ coso De Goul/e, ed. F. Angeli, Milano, 1998, p. 59.Larrivee au pouvoir de De Gaulle, en 1958, a aussi ete juge par son adversaire politique F.Mitterand,Le coup d'Etat permonent, ed. Fayard, Paris, 1964; partiellement publie a nouveau, sous Ie titre Lemecanism« du coup d'Etat, in Pol;t;que, ed. Fayard, Paris, 1977, vol. I, pp. 247-58.

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coups de mains des militaires rebelles en Afrique ou en Amerique latine OU onpeut dire que Ie coup d'Etat est 'neutre', denue de sens politique. Mais lesappeler coups d'Etat correspond apeu pres ace qu'exprimait B. Croce affirmantqu' 'un re di coppe ere'.

PROFILS JURIDIQUES DU COUP D'ETAT

Les considerations que nous avons faites sur la structure du coup d'Etat se sontessentiellement concentrees sur son aspect politique, dans la mesure ou c'est Iechangement des institutions politiques, vu atravers sa dialectique interne, qui estconcerne, II faut toutefois observer que, acote de cet aspect politique, I'aspectjuridique a une egale importance. II represente pour ainsi dire la croissancestructurelle du pouvoir de gouvernement: Ie jeu des forces politiques est fait detensions et conversions du pouvoir politique, mais ce dernier acquiert une stabilitedans les nouvelles lois. En Italie, au debut du siecle, Santi Romano a attirel'interet des juristes sur ce theme, concentrant son attention sur cet argumentdans son ample essai sur Llinstaurazion« di fatto di un ordinamento costituzionale e 10sua leg;ttimazione en 1901.10 Selon Romano, la violation juridique des normes envigueur (celles du vieil ordre) concerne exclusivement I'ordre interne de l'Etat, Sielle ne trouble pas cet ordre mais est seulement contraire au droit international,'Ia notion de coup d'Etat n'existe pas'. Plutot symptomatique est Ie contraste depensee entre la doctrine de Santi Romano et la doctrine pure du droit de HansKelsen qui, dans sa General Theory ojLaw and State (1945), retient que la ruptureprovoquee par un coup d'Etat dans la continuite du droit national assume unesignification juridique 'seulernent si on suppose I'existence d'une norme de droitinternational qui reconnait la revolution victorieuse ou Ie coup d'Etat reussi commemethodes legitimes pour changer la constitution';'!

Dans la culture juridique italienne, il faut encore rappeler les apports qu'ontofferts ala recherche d'une definition juridique du coup d'Etat, deux auteurs. Lepremier, Silvano Tosi, publia en 1951 un volume intitule precisernent II colpo diStato,12 ou une enquete attentive sur les caracteres et sur Ie deroulernent desdivers coups d'Etat etait conduite. Selon Tosi, on peut definir Ie coup d'Etatcomme 'cette alterati~n des pouvoirs qui a un caractere violent et qui comporte,par son affirmation, une innovation constitutionnelle successive: cette derniererepresente done I'approbation decisive du coup d'Etat, dans la mesure ou elle estson debouche predestine'. Le fait politique se resout ainsi dans I'acte juridiqued'une nouvelle constitution. L'autre juriste italien qui s'est occupe de ce theme,Vincenzo Gueli, a mis en evidence les deux aspects sous lesquels on peut exam­iner Ie coup d'Etat: 13 comme evenement evaluable et qualifiable du point de vueda sa contrariete a I'ordre juridique en vigueur, comme figure autonome de la

10 Public anouveau in Seniti minori, vol. I, ed. Giuffre, Milno, p, 107 et suivantes, en particulier pp.121-3.

II H. Kelsen, Teoria generoledel diritto e dello Stato, Ediz. Di Comunita, Torino, 1952, pp. 225, 37~.12S. Tosi, /I colpo di Stato, ed. Gismondi, Roma, 1951.13 V. Gueli, Colpo di Stato, in Enciclopedia del diritto, ed. Giuffre, vol. VII, Milano, 1960, pp. 666-79.

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typologie des processus juridiques de transformation constitutionnelle; ou encorecomme fait normatif de production juridique dans la mesure OU celui-ci donnelieu a l'instauration d'un ordre constitutionnel different et nouveau. Toutefois,I'auteur a distingue entre la modification de l'ordre constitutionnel entendu ausens formel, comme realite normative, et l'ordre constitutionnel entendu commeregime politique, comme constitution materielle: er, a notre avis, c'est sur cepoint, qu'il faut insister pour comprendre la structure dialectique du coup d'Etat.

One consideration d'ensemble du coup d'Etat est celIe qui le voit sous les deuxaspects, le politique et Ie juridique, dans la mesure ou il n'est pas possible de lereduire aun episode singulier, isole du contexte politique et juridique, ponctuelmais fin en soi: cela est au contraire le moment culminant, le point de crise decisifd'un processus qui Ie prepare et qui l'accomplit. On ne peut pas separer l'avant etl'apres, la forme externe et le contenu interne, la coquille et Ie cerneau. Le coupd'Etat se manifeste comme mouvement dialectique, en acre, comme contrapositionde theses et antitheses et puis comme synthese successive, etant donne que leneuf absorbe Ie vieux et la structure portante devient Ie paradigme de referencedu changement des valeurs, des normes, des personnes. II confere done legitimitea une nouvelle oligarchie du pouvoir ou a un nouveau corps representatif de lasouverainete populaire. II n'y a pas de coup d'Etat sans une metamorphose de lastructure de l'Etar, de sa raison d'etre.!"

14Sur la Morfologio del poterepolitico, V. Frosini, iin Cos/ituzione e socie/a civile, 20 ed., Edizioni diComunita, Milano, 1977, pp. 173--82.

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