La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

57
adsp n° 49 décembre 2004 15 L a loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, annoncée et préparée depuis juillet 2002, passionnément débattue au Parlement pendant un an, a été adoptée le 11 février 2005. L’enjeu est considérable : permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale ; assurer à chaque personne, selon ses besoins, la compensation des conséquences de son handicap. Avec cette nouvelle loi, et avec la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, voilà donc accomplie la réforme des deux lois de 1975, et c’est dans un cadre largement rénové que va se poursuivre l’élaboration des politiques en direction des personnes handicapées. Il reste en effet un grand effort à accomplir, pour construire l’offre de prestations et services qui leur sont nécessaires, mais aussi pour rendre la société accueillante pour tous, et cette œuvre est nécessairement collective. Enjeu de société, donc, et enjeu de santé publique. Il n’est pas de politique de santé s’attachant à des problématiques au long cours qui ne doivent comporter des réponses sociales et médico-sociales (ainsi en est-il notamment des plans relatifs aux maladies chroniques, aux maladies rares, à la santé mentale). En contrepartie, les plans d’action élaborés pour les personnes handicapées en grande difficulté (comme les personnes autistes, cérébrolésées à la suite d’un traumatisme crânien, ou polyhandicapées) mettent en évidence des carences dans le champ de la santé publique (diagnostic, offre de soins, épidémiologie, recherche, formation des professionnels de santé, etc.). Il faut en finir avec les clivages conceptuels et institutionnels entre le sanitaire et le social : les personnes qui se trouvent en situation de handicap doivent recevoir simultanément tous les soins et toutes les aides dont elles ont besoin. Bien souvent, d’ailleurs, les uns conditionnent les autres : l’accompagnement par un proche ou un professionnel du champ social permet ou facilite l’accès aux soins et la réalisation des soins, et l’effectivité des soins permet aux intervenants sociaux de jouer tout leur rôle. Aborder la question du handicap, c’est entrer dans la complexité de processus où interviennent différents facteurs personnels et environnementaux en interaction. La diversité des situations de handicap est extrême, selon la nature du problème de santé d’origine, la personnalité et l’histoire de chacun, et les caractères de son environnement humain et matériel. Il est intéressant de noter que la nouvelle « classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé » propose une approche commune de la santé et du handicap. Le handicap requiert une approche attentive, centrée sur la situation de la personne et de ses proches, dans toutes ses composantes matérielles, psychologiques, sociales ; il appelle des réponses multiples, cohérentes et conjuguées, par des professionnels et non professionnels agissant dans tous les domaines de la vie (éducation, santé, logement, travail, culture etc.). Amenés le plus souvent à accompagner les personnes dans la découverte progressive de leur handicap et à les guider vers les aides qui leur sont nécessaires, les professionnels de santé doivent s’ouvrir à de nouvelles approches et prendre connaissance des ressources de leur environnement social et médico-social. Les personnes handicapées, leurs familles et leurs associations ont enfin, dans toute politique et toute action pour les personnes handicapées, un rôle essentiel, qu’il importe de souligner : non seulement elles exposent les problèmes, expriment une plainte et formulent des demandes (nous rappelant notamment que la santé publique est aussi une discipline clinique à l’écoute des personnes), mais elles apportent des savoir-faire incomparables en matière d’aide à la vie quotidienne, d’accompagnement des personnes, et de solidarité. L dossier coordonné par Martine Barrès Médecin inspecteur de santé publique, conseillère technique à la direction générale de l’Action sociale La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Transcript of La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

Page 1: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 15

La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, annoncée et

préparée depuis juillet 2002, passionnément débattue au Parlement pendant un an, a été adoptée le 11 février 2005. L’enjeu est considérable :

● permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale ;

● assurer à chaque personne, selon ses besoins, la compensation des conséquences de son handicap.

Avec cette nouvelle loi, et avec la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, voilà donc accomplie la réforme des deux lois de 1975, et c’est dans un cadre largement rénové que va se poursuivre l’élaboration des politiques en direction des personnes handicapées. Il reste en effet un grand effort à accomplir, pour construire l’offre de prestations et services qui leur sont nécessaires, mais aussi pour rendre la société accueillante pour tous, et cette œuvre est nécessairement collective.

Enjeu de société, donc, et enjeu de santé publique. Il n’est pas de politique de santé s’attachant à des problématiques au long cours qui ne doivent comporter des réponses sociales et médico-sociales (ainsi en est-il notamment des plans relatifs aux maladies chroniques, aux maladies rares, à la santé mentale). En contrepartie, les plans d’action élaborés pour les personnes handicapées en grande difficulté (comme les personnes autistes, cérébrolésées à la suite d’un traumatisme crânien, ou polyhandicapées) mettent en évidence des carences dans le champ de la santé publique (diagnostic, offre de soins, épidémiologie, recherche, formation des professionnels de santé, etc.).

Il faut en finir avec les clivages conceptuels et institutionnels entre le sanitaire et le social : les personnes qui se trouvent en situation de handicap doivent recevoir simultanément tous les soins et toutes les aides dont elles ont besoin. Bien souvent, d’ailleurs, les uns conditionnent

les autres : l’accompagnement par un proche ou un professionnel du champ social permet ou facilite l’accès aux soins et la réalisation des soins, et l’effectivité des soins permet aux intervenants sociaux de jouer tout leur rôle.

Aborder la question du handicap, c’est entrer dans la complexité de processus où interviennent différents facteurs personnels et environnementaux en interaction. La diversité des situations de handicap est extrême, selon la nature du problème de santé d’origine, la personnalité et l’histoire de chacun, et les caractères de son environnement humain et matériel. Il est intéressant de noter que la nouvelle « classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé » propose une approche commune de la santé et du handicap.

Le handicap requiert une approche attentive, centrée sur la situation de la personne et de ses proches, dans toutes ses composantes matérielles, psychologiques, sociales ; il appelle des réponses multiples, cohérentes et conjuguées, par des professionnels et non professionnels agissant dans tous les domaines de la vie (éducation, santé, logement, travail, culture etc.).

Amenés le plus souvent à accompagner les personnes dans la découverte progressive de leur handicap et à les guider vers les aides qui leur sont nécessaires, les professionnels de santé doivent s’ouvrir à de nouvelles approches et prendre connaissance des ressources de leur environnement social et médico-social.

Les personnes handicapées, leurs familles et leurs associations ont enfin, dans toute politique et toute action pour les personnes handicapées, un rôle essentiel, qu’il importe de souligner : non seulement elles exposent les problèmes, expriment une plainte et formulent des demandes (nous rappelant notamment que la santé publique est aussi une discipline clinique à l’écoute des personnes), mais elles apportent des savoir-faire incomparables en matière d’aide à la vie quotidienne, d’accompagnement des personnes, et de solidarité. L

dossier coordonné parMartine Barrès

Médecin inspecteur de santé publique, conseillère technique

à la direction générale de l’Action sociale

La situation des personnes handicapées :

un enjeu de société

Page 2: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

16 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

La notion de handicap a évolué. Le handicap suppose toujours une altération anatomique ou fonctionnelle, mais on tient compte aussi, dans son évaluation, des difficultés pour participer à la vie sociale et du rôle de l’environnement.

En mai 2001, l’Assemblée mondiale de la santé a adopté la Classification internationale du fonc-tionnement, du handicap et de la santé (CIF). Elle

succède à la Classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps : manuel de classification des conséquences des maladies (CIDIH) (OMS, 1980), pre-mière tentative de classification des handicaps, qui n’avait alors qu’un statut d’instrument expérimental en complément de la Classification internationale des maladies (CIM). La CIF est une classification « autonome » qui occupe aujourd’hui, au même titre que la CIM, une place centrale dans la famille des classifications interna-tionales de l’OMS, concrétisant ainsi l’importance qu’a pris le handicap dans l’approche actuelle de la santé, au cours d’une évolution conceptuelle, politique et sociale qui déborde largement le champ de la santé.

Ce sont les grandes étapes de cette évolution que nous tentons de retracer ici, en montrant la pluralité des facteurs, des enjeux et des acteurs impliqués.

Les classifications de l’OMSLes classifications de l’OMS ont pour fonction d’instru-menter l’enregistrement statistique de l’état de santé des populations, base de toute programmation de politique de santé publique.

À la Nomenclature des causes de décès, adoptée en 1893 par l’Institut international de statistique, fait

suite, en 1910, la Classification internationale des causes de maladies et de décès. Les révisions suc-cessives poursuivent ce double objectif, mais la prise en compte des maladies reste secondaire par rapport à celle des causes de décès. La sixième révision est entreprise par l’OMS à sa création en 1948, avec l’ob-jectif de donner un poids équivalent à la morbidité et à la mortalité. Elle produit la Classification statistique internationale des maladies et problèmes de santé connexes (CIM). Soumise à des révisions systématiques (la version actuelle est le fruit de la dixième révision), la CIM rencontre des difficultés à intégrer des catégories descriptives de problèmes de santé chroniques qui débordent les critères étiologiques et diagnostiques classiques. Or la période qui suit la Seconde Guerre mondiale voit la montée en charge des conséquences des maladies, accidents et traumatismes. Cette période est marquée, dans les pays occidentaux, d’une part par l’essor de la médecine de réadaptation qui se consacre à ces formes de pathologie avec d’autres objectifs que les objectifs de guérison traditionnels, et d’autre part par la transformation du profil démographique des populations entraînant avec elle de nouveaux enjeux épidémiologiques. Sous les effets conjugués du recul des maladies infectieuses avec la découverte des anti-biotiques, de la baisse de la mortalité néonatale et du vieillissement de la population, les maladies chroniques

Catherine BarralChargée de

recherche, Centre technique national

d’études et de recherche sur les handicaps et les

inadaptations

Qu’est-ce que le handicap ?

Du handicap à la situation de handicap L’évolution conceptuelle

Page 3: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 17

Qu’est-ce que le handicap ?

et les incapacités — conséquences d’accidents ou du vieillissement — deviennent un objectif majeur de politique de santé publique. Les indicateurs de mor-bidité fournis par la CIM s’avèrent insuffisants pour prendre en compte l’état fonctionnel des individus et des populations, ainsi que pour renseigner sur la durée et la sévérité des problèmes de santé.

Au début des années soixante-dix, l’OMS envisage alors la création d’une classification spécifique. Elle en confie la tâche au rhumatologue anglais Philip Wood. À la suite des travaux du sociologue de la médecine américain Saad Nagi (1965), celui-ci propose une clarification concep-tuelle distinguant trois plans d’expérience du handicap : la déficience au niveau physiologique et anatomique, l’incapacité au niveau fonctionnel et le désavantage social, conséquence sociale de l’un et ou l’autre des deux premiers niveaux. La Classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps, un manuel de classification des conséquences des maladies, est adoptée à titre expérimental par l’Assemblée mondiale de la santé en 1976, publiée par l’OMS en 1980, puis traduite en français par une équipe de l’Inserm et publiée par le CTNERHI en 1988 sous le titre Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités, désavantages (CIH).

Le parti pris de neutralité étiologique et diagnostique, et surtout la prise en compte des conséquences sociales des problèmes de santé qui caractérisent cette nouvelle classification marquent une évolution significative de la conception de la santé qui ne se limite plus à la seule absence de maladie et traduit une prise de distance par rapport au modèle biomédical.

Pourtant ces avancées ne suffisent pas à répondre aux attentes du mouvement international des personnes han-dicapées naissant. Ce mouvement, représenté alors par Disabled Peoples’International, créé en 1981 à Winnipeg, et par le mouvement social québécois de promotion des droits des personnes handicapées, s’exprimant par la voix de l’anthropologue Patrick Fougeyrollas, reconnaît l’intérêt opératoire de la segmentation conceptuelle que propose la nouvelle classification et approuve l’intro-duction de la dimension sociale dans la description des phénomènes de handicap. Se situant dans une pers-pective anthropologique, il récuse une approche médicale, réadaptative du handicap, réduisant la personne à des caractéristiques biophysiques et restreignant du même coup la question sociale qu’elle pose à des opérations de correction, réparation, compensation, et ajustements aux normes sociales. L’alternative proposée consiste à adopter une approche écologique de la personne dans son environnement, en interaction avec celui-ci.

À travers les critiques du schéma conceptuel de la CIDIH, s’exprime l’intention fondamentale d’agir en sorte que les politiques publiques relatives au handicap, ainsi que les instruments et recommandations interna-tionales qui les servent, révisent le modèle conceptuel du handicap qui les fonde.

Ces critiques, émanant d’un groupe d’acteurs sociaux

dont la qualité d’experts n’avait pas été consacrée par la communauté scientifique, auraient pu rester lettre morte si elles n’avaient été portées par un contexte international favorable. En effet les années quatre-vingt marquent un tournant dans la façon de concevoir le handicap et son traitement social et corrélativement, dans la représen-tation politique des personnes handicapées.

Déclarations de l’ONU et mouvement internationalDans la suite de la Déclaration des droits des personnes handicapées en 1975, l’ONU déclare l’année 1983 « Année des personnes handicapées », suivie de la Décennie des Nations unies pour les personnes handicapées, assortie d’un Programme mondial d’actions. Si jusque-là les recommandations onusiennes consacrées au handicap avaient principalement porté sur la question des soins et de la réadaptation, l’orientation donnée à partir de 1975 est radicalement différente. L’accent est mis sur la question des droits, de l’égalité des chances, de la non-discrimination et de la participation sociale pleine et entière. La Décennie pour les personnes handicapées s’achève avec les « Règles standard pour l’égalisation des chances des handicapés » en 1993. L’initiative de l’ONU est suivie de nombreuses mesures internationales et nationales (programmes d’actions de l’Union euro-péenne pour l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées, clause de non-discrimination des personnes handicapées dans le traité d’Amsterdam, législations antidiscriminatoires…).

Le déplacement de l’objectif, qui est passé de la foca-lisation médicale sur la réadaptation, à celle des droits et de la citoyenneté, montre à quel point la question du handicap déborde le champ de la santé pour concerner l’ensemble de la société et de ses institutions.

Parallèlement, le mouvement international des per-sonnes handicapées s’organise, gagne en puissance et constitue un groupe d’intérêts dont la consultation doit être systématiquement requise par les organisations internationales pour traiter des questions relatives au handicap (Comité d’experts sur la CIDIH au Conseil de l’Europe, Parlement européen des personnes handicapées, Forum européen des personnes handicapées, Convention de l’ONU pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées…).

Modèle social du handicapL’argumentation de leurs revendications s’appuie sur les théorisations sociologiques et anthropologiques du handicap développées dans les Disability Studies, champ de recherche qui a pris naissance dans les années soixante-dix, dans les milieux universitaires anglo-saxons. Des travaux précurseurs de sociologues interactionnistes de l’école de Chicago sur la production sociale de la déviance et la stigmatisation (Goffman, 1963), de Wolfensberger sur la normalisation, en France, les travaux de Stiker (1982), de Sanchez (1986), de Bardeau (1986) avaient ouvert le champ de la réflexion sur la marginalité à la question du handicap.

Page 4: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

18 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Au modèle individuel est opposé un modèle social du handicap expliquant le handicap par l’ensemble des barrières physiques et socioculturelles faisant obstacle à la participation sociale et à la pleine citoyenneté des personnes handicapées. Deux variantes du modèle social ont été développées : une approche environne-mentaliste selon laquelle le handicap est une consé-quence de l’absence de services et d’aménagements environnementaux ; une approche sociopolitique selon laquelle les personnes handicapées constituent un groupe minoritaire opprimé, stigmatisé : le handicap est une conséquence de l’organisation sociale et la question centrale est celle des droits de l’homme.

De très nombreux auteurs, souvent handicapés eux-mêmes, ont contribué au développement de ce champ de recherche (aux États-Unis et au Canada, Albrecht, Finkelstein, Hahn, Zola… ; en Grande-Bretagne, Barnes, Oliver, Priestley, Shakespeare…) à travers des publications telles que Disability Studies Quarterly aux États-Unis ou Disability, Handicap and Society (devenue depuis Disability and Society) en Angleterre.

Pratiques alternatives participatives et lobbyingL’autre source du répertoire argumentaire du mouvement international des personnes handicapées est fournie par la diffusion internationale de pratiques coopératives, alternatives aux dispositifs institutionnels spécialisés. L’Independent Living Movement est créé dans les années soixante-dix aux États-Unis, à l’initiative d’étudiants handi-capés moteurs de l’université de Berkeley. Ce mouvement pour une vie indépendante vise des objectifs concrets — répondre aux besoins individuels de rééducation et d’assistance personnelle —, et militants — défendre les droits des personnes handicapées, au premier rang desquels le droit à une vie indépendante en milieux ordinaires. Le contexte américain dans lequel s’inscrit la création d’Independent Living est alors marqué par des mouvements particulièrement actifs : le mouvement Self-help, le mouvement consumériste et les mouvements de lutte pour les droits civiques. La forme originale de services qu’instaure Independent Living (les centres de ressources pour une vie autonome) coopératives autogérées par les utilisateurs, s’inspire de ces trois types d’action. Des groupes de Self-help, ils adoptent les principes de soutien mutuel et d’échanges d’expérience ; du modèle consumériste, ils retiennent la revendication du droit de contrôle des consommateurs sur les presta-tions qui leur sont servies ; enfin, des mouvements de lutte pour les droits civiques et contre la discrimination, ils reprennent l’action militante et l’analyse politique en termes de groupe minoritaire opprimé (à l’instar des Afro-Américains et des homosexuels) ou discriminé (mouvement féministe).

Independent Living essaime rapidement aux États-Unis et au Canada, puis en Europe, en Australie, au Japon. En 1981, Disabled Peoples’International (Organi-sation mondiale des personnes handicapées) est créé, en prolongement politique lobbyiste de Independent

Living. Il se donne pour mission de défendre les droits des personnes handicapées et les principes mis en application par Independent Living, auprès des gouver-nements des pays où sont implantés des centres de ressources pour une vie autonome, et surtout auprès des organismes internationaux, en particulier l’ONU et ses agences (OIT, OMS).

L’évolution des représentations sociales du handicap, sous les effets conjugués des travaux théoriques des Disability Studies, des pratiques sociales nouvelles d’In-dependent Living, des recommandations onusiennes, s’accompagne et se renforce d’une évolution parallèle de la représentation politique des personnes handicapées dont la revendication se traduit par le leitmotiv « Rien pour nous, sans nous ».

Révision de la CIDIH et modèle systémiqueAussi, si dans le début des années quatre-vingt l’unité en charge de la Classification internationale des défi-ciences, incapacités, désavantages à l’OMS hésite à prendre en compte les critiques conceptuelles faites à la CIDIH, essayant de limiter la révision à une mise à jour de quelques aspects formels, ce n’est guère possible dans la décennie suivante en raison de l’émergence de cette nouvelle culture du handicap et de l’action militante des mouvements de personnes handicapées.

D’autant plus que, dès 1991, P. Fougeyrollas [7], pré-sident du Comité québécois pour la CIDIH, qui (bien que québécois) siège au Comité d’experts pour la CIDIH du Conseil de l’Europe, assortit ses critiques d’une pro-position alternative de classification : le Processus de production du handicap (PPH). Cette classification est la première à prendre pour base un modèle systémique du handicap, par intégration de l’approche individuelle réadaptative et de l’approche sociale ; elle est également la première à proposer une définition du handicap comme phénomène situationnel, résultant de l’interaction entre une personne et son environnement.

L’OMS lance officiellement le processus de révision en 1995. L’équipe de l’OMS, jusque-là composée d’experts médicaux et paramédicaux, est renouvelée et étoffée de consultants d’autres disciplines (juriste, anthropo-logue, démographe), le pilotage de la révision restant sous la responsabilité d’un médecin, neuropsychiatre. Une nouvelle classification est élaborée, qui se veut le reflet d’une approche « bio-psycho-sociale ». Les sept centres collaborateurs de l’OMS pour la CIDIH (Amérique du Nord, Australie, France, Japon, Pays-Bas, Pays nor-diques, Grande-Bretagne) et les réseaux internationaux centrés sur des questions spécifiques (santé mentale, enfance, facteurs environnementaux) sont chargés d’en tester les versions de travail successives. Les organisations nationales et internationales représen-tatives des personnes handicapées sont intégrées dans le dispositif de consultation. Le processus de révision s’achève par l’adoption en mai 2001 de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF).

Page 5: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 19

Qu’est-ce que le handicap ?

La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santéLa CIF est organisée en deux parties. La première comporte trois dimensions, reprenant la segmentation conceptuelle de la CIDIH, mais en adoptant une termi-nologie neutre : fonctions et structures anatomiques, activités, participation.

En réponse à l’une des principales critiques faite à la CIDIH, la notion de désavantage est remplacée par celle de participation sociale. La seconde partie correspond aux facteurs contextuels, constitués des facteurs environnementaux qui font l’objet d’une liste détaillée, et des facteurs personnels qui, eux, ne sont pas identifiés.

Le handicap n’est plus envisagé comme un attribut de la personne, mais comme une restriction de la par-ticipation sociale résultant de l’interaction entre une limitation d’activité liée à un problème de santé et des obstacles environnementaux.

Aujourd’hui, la traduction de ce modèle systémique du handicap dans les politiques sociales nationales constitue un enjeu considérable. Il est au cœur de la « loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », qui vient d’être adoptée dans notre pays. Le titre même de cette loi qui doit succéder à la « loi d’orientation en faveur des personnes handicapées » (1975) exprime le changement de champ sémantique qui s’opère. Ce changement n’est toutefois pas exempt d’ambiguïtés. Ainsi, le recours à la notion d’incapacité témoigne-t-il de la difficulté de se déprendre de l’ancien modèle réadaptatif. L’impor-tance accordée officiellement à l’accessibilité générale comme pilier fondamental de l’action, complémentaire de la compensation individualisée, traduit la percée du modèle systémique. Cependant l’essor et l’articulation de ces deux logiques impliquent non seulement de les identifier clairement, mais aussi d’affronter les change-ments sociaux qu’elles requièrent. L

« Observer le handicap » Problématique, sources et données, perspectives

La loi d’orientation en faveur des personnes handi-capées de 1975 ne comprenait aucune définition ni du handicap ni de la personne handicapée,

renvoyant aux commissions administratives qu’elle créait — commission départementale de l’éducation spéciale (CDES) pour les enfants et commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (Cotorep) pour les adultes — le soin de définir qui avait accès aux diverses prestations, services et aides : en France était donc « officiellement » handicapée toute personne reconnue comme telle par une commission.

« Le handicap se conjugue au pluriel »Par la suite, des travaux menés sous l’égide de l’Organi-sation mondiale de la santé (OMS) dans le domaine des classifications ont mis en évidence la pluri-dimensionalité du concept de handicap et les liens complexes qui en régissent les différentes dimensions. « Le handicap se conjugue au pluriel » est la formule qui titre une des pre-mières publications concernant les résultats de l’enquête HID1 « Handicaps-Incapacités-Dépendance », première grande enquête nationale en population générale sur

la question du handicap (lire encadré). Ses résultats produisent des images non superposables de la réalité observée, confirmant s’il en était besoin que la question complexe de l’observation du handicap ne peut s’aborder de façon univoque.

Les concepts, leur évolution, les multiples facettes du handicapLa Classification internationale du handicap (CIH), intro-duite par l’OMS en 1980, propose un modèle descriptif bâti sur quatre plans d’expérience, permettant d’aborder de façon systématique et simultanée la notion de han-dicap sous des angles différents. Elle a apporté indu-bitablement une vision dynamique du handicap, perçu comme un processus évolutif. Elle a permis également de surmonter des oppositions traditionnelles entre la maladie et le handicap. Enfin, c’est vraisemblablement son apport majeur et néanmoins sa dimension la moins aboutie, elle a introduit la notion d’interaction entre les caractéristiques individuelles d’une personne et les éléments de son environnement.

Mais cette classification a d’emblée été critiquée, notamment par les associations de personnes handi-capées, défendant une approche sociale du handicap et rejetant l’approche biomédicale issue de la médecine

1. « Le handicap se conjugue au pluriel », Mormiche Pierre, Insee et le groupe de projet HID, Insee-Première, n° 742, octobre 2000.

Hélène MichaudonAdjointe au chef du bureau « Politique de la vieillesse du handicap et de la dépendance », DreesPascale GilbertMédecin inspecteur de santé publique, chargée de mission, DreesPierre Mormiche Responsable de l’enquête HID, Insee

Page 6: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

20 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

de réadaptation, en vigueur dans la plupart des pays industrialisés.

Car dans ce domaine, au contraire de ce que l’on observe pour la Classification internationale des maladies (CIM), les professionnels spécialistes ne débattent pas entre eux : les personnes concernées estiment qu’une classification, support de concepts et de définitions, présente des enjeux majeurs pour elles. Elles revendi-quent non seulement de participer à son élaboration, mais également d’en être les principales utilisatrices naturelles.

Ce contexte impacte bien évidemment les processus de construction, d’adoption et de révision d’un outil qui n’est plus seulement un instrument scientifique.

C’est dire qu’à la complexité inhérente à la description d’un domaine multidimensionnel s’ajoutent des enjeux sociaux.

L’adoption en 2001 de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) se déroule dans ce contexte, après huit ans de travaux, interrompus par des obstacles notamment d’ordre con-ceptuel, puis repris.

Partant des constats d’insuffisance de la CIH, elle promeut une meilleure prise en compte de l’environnement en permettant sa description et sa cotation comme « obs-tacle » ou « facilitateur ». Elle s’appuie sur un vocabulaire positif ou neutre pour lutter contre la stigmatisation. Cependant les frontières entre les nouvelles dimensions « activité » et « participation sociale » qui appartiennent à un même axe de la classification, restent floues et leur utilisation n’est pas encore totalement arrêtée. Il n’est pas encore certain aujourd’hui que ses différentes dimen-sions sont opérationnelles, notamment pour un usage d’études ou de statistiques. Il est en tout cas malaisé de l’utiliser dans sa totalité, et les conséquences d’une utilisation partielle des axes ou de parties de ceux-ci ne sont pas entièrement appréhendées.

Que dénombrer ? Les différents modes de reconnaissance du handicapEn l’absence d’une définition univoque du handicap, et face à des modèles encore flous et discutés, différents critères peuvent être envisagés.

Tout d’abord, si l’on veut tenter de dénombrer des personnes handicapées, on peut rechercher si ces personnes ont été administrativement ou socialement reconnues comme telles.

La reconnaissance sociale et administrative du handicapDe nombreux dispositifs existent dans notre pays, bâtis sur un modèle parfois qualifié de « discrimination positive ». En effet, pour accéder à des prestations ou des aides spécifiques relevant de la solidarité nationale, il faut avoir été reconnu handicapé par une commission ad hoc : CDES pour les enfants, et Cotorep pour les adultes.

Cette reconnaissance se fait cependant sur des bases variables : pour obtenir une carte d’invalidité

par exemple, il faut un taux d’incapacité de 80 %, établi avec un barème spécifique. Avec ce même barème, un taux de 50 % permet d’accéder à certaines allocations, mais seulement si d’autres conditions d’éligibilité sont remplies, conditions différentes pour les adultes et les enfants et implicitement liées à l’environnement dans lequel vit la personne. Notons que ce barème, bien que produisant un taux dit d’« incapacité », ne s’appuie pas uniquement sur la description des incapacités de la personne, mais part des déficiences et inclut dans une certaine mesure la notion de désavantage.

Par contre, pour obtenir la « reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) » par une de ces commissions, il n’est pas fait appel à ce même barème, ce qui ne serait pas pertinent compte tenu des objectifs différents de cette évaluation. Il est donc procédé à une évaluation individuelle dont les critères ne sont pas explicitement rassemblés dans une doc-trine commune.

Mais la totalité des personnes handicapées n’ont pas recours obligatoirement à ce dispositif : d’autres systèmes d’aides et de prestations cohabitent, sans se recouvrir ni s’exclure totalement ; ils relèvent de la Sécurité sociale ou du système assuranciel privé.

Ainsi, un salarié peut bénéficier d’une pension d’inva-lidité de la Sécurité sociale, qui présente trois niveaux différents et dont le critère d’éligibilité est basé sur la perte de la capacité de gains. Il s’agit là encore d’un critère peu documenté, faisant l’objet d’une éva-luation individuelle par un médecin-conseil de caisse d’assurance maladie, sans barème spécifique et basé principalement sur la nécessité de prolonger encore un arrêt de travail déjà durable.

Le dispositif d’indemnisation des accidents de travail se rapproche, quant à lui, de la logique de réparation d’un préjudice subi, qui prévaut en matière assurancielle. Il s’appuie sur des barèmes détaillés qui permettent d’accorder, là encore, un taux d’incapacité, mais basé sur les lésions constatées médicalement plutôt que sur des incapacités dans des activités.

Les assurances privées s’appuient, elles aussi, sur des expertises médicales de ce type. La réparation du préjudice subi par la faute d’un tiers peut, sur ces bases, faire l’objet d’une fixation « à l’amiable » entre les parties, ou être décidée par un juge, les batailles d’expertise montrant que, malgré les barèmes, l’objecti-vation du préjudice n’est pas simple, et qu’elle n’est pas toujours uniquement liée au niveau de conséquences de l’accident.

Les personnes âgées bénéficient, quant à elles, d’un autre dispositif spécifique, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), ouverte à partir de 60 ans. Le critère l’éligibilité à cette prestation, qui solvabilise en partie un plan d’aide individualisé, est basé sur un outil de type médico-économique, construit à l’origine pour prédire la charge en soins de nursing des personnes âgées dépen-dantes en fonction de dix items de restriction d’activité dans des actes élémentaires de la vie quotidienne. Les

Page 7: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 21

Qu’est-ce que le handicap ?

différentes combinaisons de restriction d’activité sont distribuées grâce à un algorithme informatisé dans six groupes iso-ressources (GIR). La hiérarchie entre ces groupes est basée sur la lourdeur des soins personnels correspondant.

La reconnaissance sociale ou administrative du han-dicap n’est donc à l’évidence pas homogène, au sein pourtant d’un même pays. Elle dépend en effet, entre autres, de la cause du handicap, de l’âge de la personne et du dispositif auquel recourir de ce fait.

L’utilisation d’un tel critère s’avère ainsi complexe pour d’éventuelles comparaisons internationales.

D’autres approches pour cerner la population concernéeOn peut approcher la question du handicap chez une per-sonne ou dans une population avec d’autres entrées.

Il est ainsi possible de décrire les déficiences, ou altérations des organes et des fonctions, ce qui cons-titue un abord biomédical de la question, mais ne ren-seigne pas en général sur les difficultés concrètes de la personne.

Les difficultés ou impossibilités à accomplir certains actes de la vie quotidienne constituent des limitations d’activité.

Les désavantages sociaux ou les restrictions de participation sociale peuvent être examinés pour des situations plus spécifiques, en lien avec le travail, ou l’autonomie de la vie sociale. Il faut alors, pour rester dans le champ du handicap, relier ces difficultés à un problème de santé : par exemple, le fait de ne pas pouvoir apprendre à lire en raison d’une déficience intellectuelle est un handicap, alors qu’un illettrisme lié à un problème d’éducation dans un autre pays et une autre langue ne sera pas considéré comme tel.

La nécessité de recourir à une aide technique ou humaine pour des actes essentiels ou élémentaires de la vie quotidienne est aussi un des marqueurs du handicap.

Enfin, on peut demander à la personne si elle se considère handicapée (auto-déclaration).

L’ensemble de ces critères ne se comportent pas comme des variables binaires, en oui/non : il existe en général une gradation, pas toujours simple à mesurer. D’autre part, des situations combinent des éléments peu comparables entre eux : est-il plus « handicapant » d’être déficient intellectuel profond ou paraplégique ? De ne pas pouvoir se repérer dans la rue ou de ne pas pouvoir franchir un escalier ?

L’enquête HID : fiche signalétique

L’objectif central assigné à l’enquête était de fournir des

données de cadrage couvrant l’en-semble de la population ; cela sup-posait en particulier d’enquêter les personnes vivant en domicile ordinaire mais aussi celles qui sont hébergées en institutions (établissements pour personnes âgées, foyers pour adultes handicapés, foyers pour enfants ou adolescents handicapés, établisse-ments psychiatriques). Aucune fron-tière d’âge n’a été fixée.

L’angle d’approche retenu est social plus que médical : il s’agit d’appréhender les conséquences des problèmes de santé sur l’inté-grité physique, la vie quotidienne et la vie sociale des personnes. Un échan-tillonnage par le biais d’une enquête préalable associée au recensement a permis de surreprésenter les per-sonnes présentant des difficultés. Néanmoins, une certaine imprécision peut entacher les résultats sur les handicaps dont la déclaration est difficile. Par ailleurs, comme toutes les

enquêtes par échantillon, l’enquête HID est impuissante à appréhender les situations les plus rares. Deux échantillons ont été constitués, l’un de 22 000 personnes vivant en domicile ordinaire, l’autre de 15 400 personnes vivant en institution. Ont été réalisées 17 000 interviews individuelles sur le premier et 14 600 sur le second. Les personnes, interrogées une première fois en 1998-1999, ont été réinter-rogées deux ans plus tard.

Les principales thématiques abor-dées sont :● déficiences et incapacités● environnement socio-familial● aides techniques et humaines● accessibilité, aménagement du logement● scolarité et diplômes● situation professionnelle● revenus, allocations, protection juridique● participation sociale.

Tant au niveau de sa préparation que de son exploitation, l’enquête a eu un rôle structurant, en fédérant

différents partenaires. Un effort coor-donné a été entrepris par la Drees-Mire et l’Inserm pour développer des exploitations diversifiées de l’enquête HID. À cela s’ajoutent plusieurs autres recherches en cours sur la thématique du handicap, issues de deux autres appels d’offres associant la Mire et l’Inserm, et dans le second cas le CNRS (« Réseaux régionaux de re-cherche en santé publique » et « Santé mentale »). Un mode de valorisation original a été adopté, comprenant par exemple un colloque de restitution aux associations et aux organismes impli-qués dans les politiques d’aide.

L’éventuelle pérennisation de l’enquête et son inscription dans le champ des enquêtes relatives à la santé au niveau européen sont des enjeux de taille en matière d’obser-vation du handicap. L

Cet encadré s’inspire directement de « L’en-quête Handicaps, Incapacités, Dépendance : apports et limites », P. Mormiche, RFAS n° 1-2, janvier-juin 2003.

Page 8: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

22 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Enfin, il n’est pas suffisant de se centrer sur la per-sonne elle-même, l’environnement physique et social est considéré aujourd’hui comme un des déterminants essentiels de la situation de handicap. Il doit désormais être examiné comme une variable à part entière dans l’observation des situations de handicap.

La question à laquelle l’enquête HID devait tenter de répondre était « Combien y a-t-il de personnes han-dicapées en France ? ». Compte tenu de cette diversité des approches possibles, HID ne s’est pas construite sur une définition unique du handicap. Elle a adopté a priori des points de vue variés pour croiser et confronter les diverses approches du handicap et il est ainsi vite apparu évident que la question ne pouvait recevoir de réponse univoque : pas plus les 40 % de personnes déclarant éprouver des difficultés physiques, sensorielles, intellectuelles ou mentales dans leur vie quotidienne, que les 9 % qui recourent à une aide humaine, les 7 % ayant une reconnaissance administrative ou les 4 % déclarant percevoir une allocation du fait d’un handicap ou d’un problème de santé, ne peuvent être considérées comme « la » population des personnes handicapées.

Ces fréquences, qui décroissent fortement des défi-ciences aux incapacités puis aux restrictions de parti-cipation sociale, semblent suggérer un certain « emboî-tement » des populations concernées. D’ailleurs, une interprétation courante des classifications internationales se situe dans cette logique : des déficiences peuvent entraîner des incapacités, sources de limitations d’activité et potentiellement de reconnaissance administrative. Dans les faits, les exploitations de l’enquête HID montrent que cette hypothèse d’une inclusion des catégories les unes dans les autres ne correspond pas à la réalité : chaque catégorie délimite une population spécifique, qui n’est qu’en partie incluse dans les catégories plus nombreuses. Un tel constat bat en brèche l’idée d’une « population handicapée » qui serait identifiable au seul critère de « sévérité » près et pourrait donc faire l’objet d’un traitement global et spécifique. Il apparaît ainsi que des approches croisées associant les différents angles possibles sont nécessaires pour appréhender la question du handicap2.

Enfin, les interactions entre les différents niveaux décrits ne sont pas à sens unique. Pour rendre réalisable une activité qui ne l’était pas, on peut fournir une aide (humaine ou technique). La personne réalisant désormais cette activité peut être conduite à ne plus déclarer une incapacité qui n’est plus perçue comme telle. Or la reconnaissance administrative peut être basée sur tel ou tel niveau d’incapacité ou de restriction d’activité. La compensation d’une limitation peut donc rétroagir en minorant la reconnaissance administrative du handicap et ainsi entraver l’accès à une autre compensation.

Si l’on inclut la nécessité de considérer l’environnement en plus de décrire les personnes sous ces différents

aspects, il semble difficile d’ambitionner le dénom-brement de « personnes handicapées », et probablement incontournable de s’attaquer à la notion encore plus complexe de « situation de handicap ». Les approches à retenir vont alors dépendre principalement des objectifs poursuivis, selon par exemple qu’on cherche à prévoir l’impact d’une mesure ou évaluer les résultats d’une action de prévention ou de compensation.

Quelles sources pour l’observation du handicap ?Le dispositif statistique d’observation du handicap est constitué de données provenant d’une part de remontées administratives, et d’autre part d’enquêtes menées auprès des personnes.

Les remontées administrativesIndispensables pour suivre le fonctionnement des dispo-sitifs, elles proviennent de différents points de passage des populations qui y ont recours.La reconnaissance administrative par les commissions (CDES et Cotorep)Ces commissions départementales sont chargées de l’attribution de diverses prestations et de l’orientation des personnes handicapées vers les structures médico-sociales de prise en charge.

La CDES est compétente de 0 à 20 ans et en général pour tout ce qui concerne l’enseignement et l’éducation. La Cotorep prend le relais, éventuellement avant 20 ans pour les questions liées au travail, et est compétente y compris pour les personnes de plus de 60 ans pour certaines attributions. Ces commissions produisent des décisions et leur système de gestion enregistre un certain nombre de caractéristiques des bénéficiaires. Des remontées statistiques annuelles sont assurées au niveau national concernant le flux des décisions prises. Malheureusement, les données de stock ne peuvent à ce jour qu’être estimées, et bien que l’exhaustivité soit atteinte en ce qui concerne les décisions prises, les informations concernant les bénéficiaires sont souvent lacunaires. C’est notamment le cas pour les données décrivant les déficiences et les incapacités, ainsi que pour un certain nombre de données sociales (situation familiale, revenus, emploi, scolarité…). De plus, la question de l’évaluation et de la satisfaction des besoins ne peut être abordée actuellement avec ces sources.Les structures assurant un service ou une prise en chargeLes établissements et services médico-sociaux (assurant un hébergement comme les foyers, une éducation spé-ciale comme les instituts médico-éducatifs, un travail protégé comme les centres d’aide par le travail ou des prestations en intégration dans les lieux ordinaires de vie) font l’objet d’une enquête à périodicité variable (enquête ES). Tous les quatre ou cinq ans, elle recueille des renseignements concernant la clientèle, réalisant une photographie des bénéficiaires. Son questionnaire relève alors la déficience principale et une déficience

2. « Les désignations du handicap — Des incapacités déclarées à la reconnaissance administrative » I. Ville, J.-F. Ravaud et A. Letourmy, in Revue française des affaires sociales n° 1-2 janvier- juin 2003.

Page 9: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 23

Qu’est-ce que le handicap ?

associée ; en outre, quelques items d’incapacités ont été introduits lors de la dernière enquête au 31 décembre 2001. Combinés aux données concernant le type d’éta-blissement fréquenté ainsi que l’hébergement et l’activité (travail, scolarité), ces éléments permettent de dresser un tableau à un moment donné de la population fré-quentant les établissements médico-sociaux.

Il s’agit d’une enquête exhaustive, seules les données concernant les incapacités sont basées sur un échan-tillon. Sa répétition depuis plus de quinze ans permet d’apprécier l’évolution du dispositif et de la population qui le fréquente. Sa limite est justement que les popula-tions n’y ayant pas recours ne sont pas du tout visibles, et jusqu’à HID, il n’y avait pas de source permettant de situer cette population prise en charge dans un ensemble plus large.

Par ailleurs, l’Éducation nationale réalise auprès des établissements sanitaires et sociaux recevant des enfants une enquête dite « enquête 32 » qui interroge les structures de ce champ susceptibles de scolariser des enfants. Des rapprochements entre ces deux enquêtes ont été opérés suite au plan Handiscol’ de 1999 en faveur de l’intégration scolaire. Des publications con-jointes sur la scolarisation des enfants handicapés ont été réalisées par les directions statistiques des deux ministères (DEP et Drees). Ces travaux conduisent à envisager des évolutions de ces deux enquêtes afin d’en améliorer la complémentarité et d’en réduire les redondances.Les dispositifs de droit commun ayant des obligations envers les personnes handicapéesPour les enfants, l’intégration scolaire est un droit affirmé dès la loi du 30 juin 1975, et conforté par la loi d’orientation sur l’éducation de 1989. Cependant, compte tenu des difficultés patentes et persistantes dans ce domaine, il est nécessaire de pouvoir en suivre les modalités et l’évolution. Une enquête annuelle dite « enquête 19 » est réalisée auprès des établissements scolaires ordinaires, dont un volet concerne les enfants dits « intégrés ». Outre des difficultés liées à des grèves administratives ayant entravé les remontées, il s’avère difficile pour les directeurs d’établissements scolaires de donner une description fine des déficiences de ces enfants. C’est pourquoi une enquête spécifique dissociée de l’enquête 19 a été lancée en 2004 pour recentrer les données recueillies sur l’intégration scolaire et ses modalités concrètes, en remontant des données individuelles et non plus agrégées, sans chercher tou-tefois à décrire finement des caractéristiques médicales des enfants, ce qui ne serait pas pertinent venant des directeurs d’école.

Côté travail, la loi de 1987 fait obligation aux entre-prises de plus de 20 personnes d’avoir un effectif minimum de 6 % de personnes handicapées ou sinon de s’acquitter d’une contribution financière à l’Association de gestion du fond pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Les remontées liées à cette contribution permettent de connaître les

travailleurs handicapés, mais seulement s’ils relèvent d’entreprises de plus de 20 personnes. L’AGEFIPH connaît cependant une partie de ces travailleurs handicapés par les mesures qu’elle met en œuvre à leur bénéfice pour favoriser leur embauche ou leur maintien dans leur emploi. Par l’ANPE, on peut également connaître les personnes demandeuses d’emploi qui ont à un titre ou un autre une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. L’ensemble de ces sources fait l’objet de publications ayant des champs rarement comparables entre eux.Les caisses assurant le paiement de prestations dédiées aux personnes handicapées, l’aide sociale départemen-tale et communaleLa Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) et la Mutualité sociale agricole (MSA), qui versent l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation d’éducation spéciale (AES), fournissent des statistiques exhaustives sur les caractéristiques individuelles des bénéficiaires (sexe, âge, taux d’incapacité, département de rési-dence…). La Cnaf dispose de surcroît d’un échantillon individuel qui permet des analyses approfondies. La Caisse nationale d’assurance maladie fournit le nombre de bénéficiaires de pensions d’invalidité et de rentes d’accidents du travail. Enfin, des enquêtes menées par la Drees auprès des communes permettent de mieux connaître l’organisation générale de l’action sociale sur le territoire communal, la répartition des activités menées en matière d’action sociale entre la commune et le centre communal d’action sociale (CCAS), ainsi que les champs et modes d’intervention. La Drees exploite également des questionnaires remplis par les conseils généraux sur les dépenses d’aide sociale départementale, qui permettent de connaître le nombre de bénéficiaires de l’aide aux personnes handicapées au titre de l’aide sociale départementale. Près d’une aide sur deux prend la forme d’une allocation compensatrice pour l’aide d’une tierce personne. La comparaison de ces résultats avec ceux qui sont issus d’enquêtes auprès des personnes permet d’évaluer la sous-déclaration qui affecte généralement les réponses faites par les enquêtés sur leur situation administrative et financière.

Les enquêtes auprès des personnesLa principale enquête, déjà citée, est l’enquête HID — Handicap-Incapacités-Dépendance —, unique enquête en France sur ce sujet à avoir été réalisée en population générale. Elle représente à ce titre une source privilégiée. Elle constitue un support unifié permettant de croiser et de confronter les diverses approches existantes, et notamment par une description très riche des conditions de vie. Par contre, compte tenu du caractère déclaratif de cette enquête, sur certains champs les imprécisions sont importantes : les troubles à l’origine des handicaps, la reconnaissance administrative sont des caractéris-tiques mal renseignées en général. Par ailleurs, une enquête d’une telle ampleur nécessite la mobilisation de moyens très importants. Enfin, sauf à développer

Page 10: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

24 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

encore des techniques statistiques « innovantes » comme les « petits domaines », on peut déplorer l’absence de représentativité à des échelons infranationaux.

D’autres enquêtes portent sur des sous-popula-tions, dans le cadre d’un module complémentaire à une enquête existante, par exemple : les personnes d’âge actif (enquête complémentaire Emploi).

Enfin, d’autres enquêtes portent sur des personnes émargeant à certains dispositifs ; elles combinent des données administratives et des données recueillies directement auprès des personnes ou des familles. On peut ainsi interroger des populations particulières à partir d’une caractéristique (comme le recours à un service, spécifique ou non des personnes handicapées), par exemple les usagers des services d’aide aux personnes à domicile (Sapad), les familles d’enfants passés en CDES (enquête en cours), l’enquête auprès des bénéfi-ciaires de l’AAH (ainsi que d’autres minima sociaux) ou encore l’enquête auprès des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie.

Si ces enquêtes restent en partie de type déclaratif, elles présentent cependant l’avantage d’être combinées à des données administratives. Il s’agit en général d’enquêtes ponctuelles. Toutefois, ces enquêtes spéci-fiques sont un complément indispensable aux données de cadrage apportées par les autres sources car elles seules permettent d’approfondir une problématique.

Quelques résultats marquantsOn a vu précédemment que l’aspect du handicap comme réalité à multiples facettes a été bien documenté grâce à HID. Mais cette enquête a mis au jour bien d’autres questions, parmi lesquelles on peut citer :

Handicap et inégalités socialesHID permet pour la première fois d’approcher très concrètement les liens entre le milieu social ou les conditions de vie et les différentes composantes du handicap. On constate ainsi que le nombre moyen de déficiences déclarées par les ouvriers est près de deux fois supérieur à celui que déclarent les cadres, à âge et sexe standardisés. De plus, la traduction des défi-ciences en incapacités diffère selon les catégories socioprofessionnelles, indépendamment de l’inégale répartition des déficiences. En matière d’insertion, chez les ouvriers, le non-emploi pour raison de santé est six fois plus fréquent que chez les cadres, à parité d’âge et de sexe.

Handicap et emploi : des analyses novatrices grâce à HIDEn effet, HID3 permet d’avoir une vision d’ensemble sur une réalité jusque-là appréhendée de façon parcellaire à travers les différentes sources existant en matière d’emploi. Ainsi, ce sont plus de 1,4 million de personnes qui se déclarent « travailleurs handicapés » au sens de

la loi de juillet 1987. La question du chômage, plus important chez les travailleurs handicapés (12 %) que dans la population générale (9 %), était déjà bien docu-mentée grâce aux sources administratives. Elle ne repré-sente toutefois qu’une partie du problème de l’insertion professionnelle des personnes handicapées : en effet, au-delà du chômage concernant des personnes sans emploi et qui en recherchent un, HID permet d’observer que l’inactivité, c’est-à-dire le fait d’être retiré totalement du marché du travail, est beaucoup plus forte chez les personnes handicapées. La population générale d’âge actif comprend 73 % d’actifs occupés, 9 % de chômeurs et 18 % d’inactifs, alors que la population de personnes ayant la qualité de travailleur handicapé comprend seu-lement 37 % d’actifs occupés, mais 12 % de chômeurs et 51 % d’inactifs. On notera encore que plus de 10 % des personnes en âge de travailler déclarent au moins une incapacité forte (les plus pénalisantes étant celles portant sur les efforts physiques, les déplacements, la compréhension, et les moins pénalisantes sur le comportement et la communication).

L’activité des commissionsLes CDES traitent environ 290 000 demandes chaque année, pour 180 000 enfants. 20 % sont des premières demandes, et on constate une hausse des demandes d’allocation d’éducation spéciale, mais qui porte princi-palement sur les renouvellements, ainsi qu’une hausse des orientations en services d’éducation spécialisée et de soins à domicile, au détriment des prises en charge en internat, de moins en moins nombreuses4.

Les Cotorep traitent, quant à elles, 1 470 000 demandes annuelles, qui concernent 750 000 demandeurs. On note en particulier une hausse des accords d’allocation aux adultes handicapés au titre de l’article L. 821-2, c’est-à-dire pour des personnes qui présentent un taux d’incapacité compris entre 50 et 80 % et qui se trouvent, compte tenu de leur handicap, dans l’impossibilité de se procurer un emploi5.

La scolarisation des enfants et adolescents handicapés6

Suite au constat de sources disparates et incomplètes concernant l’intégration scolaire des enfants handicapés, le plan Handiscol’ mis en place en 1999 avait créé (mesure n° 5 du plan) une cellule statistique intermi-

4. Source : Études et résultats n° 268, octobre 2003 « L’activité des CDES et l’Allocation d’éducation spéciale » Christophe Trémoureux, ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, Drees.5. Source : Études et résultats n° 344, octobre 2004 « L’AAH, un minimum social destiné aux adultes handicapés », Jean-Marie Chanut et Hélène Michaudon, Avec la collaboration d’Anne Pla, ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, ministère de la Santé et de la Protection sociale, Drees.6. Source : Études et résultats n° 216, janvier 2003 « La scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap » Élise de Lacerda et Christophe Jaggers, ministère de l’Éducation nationale, DPD Hélène Michaudon, Christian Monteil et Christophe Trémoureux ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées Drees.

3. Ces résultats sont issus d’« Incapacités, reconnaissance admi-nistrative du handicap et accès à l’emploi : les apports de HID », M. Amar et S. Amira, RFAS n° 1-2, janvier-juin 2003.

Page 11: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 25

Qu’est-ce que le handicap ?

nistérielle chargée de promouvoir un rapprochement des statistiques des ministères chargés de l’Éducation nationale et des Affaires sociales. Un premier état des lieux réalisé par cette cellule a conduit à la publication d’une synthèse des données disponibles concernant l’intégration scolaire.

Ainsi, en 1999, 52 000 enfants et adolescents étaient accueillis en intégration individuelle dans des classes ordinaires, dont 28 000 dans le 1er degré, 17 000 dans le second degré et 7 000 dans le supérieur.

On constate une nette sous-représentation des enfants présentant un handicap mental, les déficiences viscé-rales ou métaboliques, et sensorielles apparaissant comme les plus compatibles avec la poursuite de la scolarité.

Pour ce qui concerne l’intégration dite « collective » : 51 000 enfants étaient concernés, dont 48 000 en classes d’intégration scolaire dans le premier degré et 1 600 en unités pédagogiques d’intégration dans le second degré. Parmi les jeunes accueillis en structure sanitaire ou médico-sociale, 6 700 enfants sont scolarisés toute l’année dans un établissement hospitalier. Parmi les 115 000 jeunes de 6 ans et plus accueillis dans un établissement du secteur médico-éducatif, 60 % sont scolarisés à temps plein dans l’établissement, 17 % sont scolarisés dans une classe d’un établissement scolaire ordinaire et 24 % ne sont pas scolarisés.

PerspectivesOn a dit du dispositif statistique concernant les per-sonnes porteuses de handicaps qu’il est particuliè-rement « éclaté ».

Ce constat doit être nuancé : la multiplicité des sources est inévitable si l’on veut tirer parti des avantages de chaque type de données. Plutôt que de tenter d’intégrer dans les remontées administratives des informations qui ne participent pas directement à la gestion des dispositifs (et qui seraient donc coûteuses à obtenir, et vraisemblablement de qualité médiocre), un rappro-chement entre les différentes sources est systémati-quement recherché afin de parvenir à une meilleure cohérence d’ensemble. La Drees a ainsi mené une étude sur les enfants handicapés en internat, sur la base à la fois de l’enquête exhaustive menée auprès des établissements et services médico-sociaux pour personnes handicapées (ES) et de l’enquête HID, qui apporte des éléments nouveaux sur la situation familiale et les conditions de vie de ces enfants.

Toujours afin de parvenir à une plus grande cohérence d’ensemble, des collaborations interministérielles ou interdirectionnelles ont été mises en place et sont en cours de développement. Des données chiffrées cohérentes sur la scolarisation des enfants et des ado-lescents handicapés ont ainsi été produites à partir du rapprochement des sources statistiques des ministères de la Santé et de l’Éducation nationale, et une description des concepts et outils utilisés a été présentée. Ces travaux seront poursuivis, de même que l’amélioration

de la cohérence des données statistiques relatives à l’emploi, grâce à l’exploitation commune par la Dares et la Drees du module « handicap » intégré à l’enquête Emploi menée par l’Insee en mars 2002.

Cependant, malgré la diversité des sources existantes, il subsiste des zones d’ombre : on connaît très mal les personnes sans prise en charge, et les personnes handicapées vivant à domicile font difficilement l’objet d’une vision globale de leur situation car elles ne sont appréhendées le plus souvent qu’à travers le filtre d’un dispositif d’accueil ou de prise en charge sans que les recouvrements entre les dispositifs soient aisément repérés. Il reste également difficile d’étudier les tra-jectoires des personnes qui circulent éventuellement d’un dispositif à l’autre.

Afin de promouvoir une vision d’ensemble des popu-lations concernées, une amélioration des données administratives est recherchée, par la refonte des sys-tèmes d’information des commissions que sollicitent les personnes handicapées ayant besoin de mesures et prestations spécifiques. Ces travaux sont également conditionnés par les évolutions législatives, avec la loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Les commissions seront regroupées au sein de la maison départementale du handicap, dans le pilotage de laquelle les conseils généraux seront largement impliqués. Les processus de décision en matière d’équipements et services pour les personnes handicapées, prévus notamment par la loi 2002-2 du 2 janvier 2002, nécessiteront en par-

figure 1Population des plus de 16 ans vivant en domicile ordinaire en France métropolitaine, ayant au moins une incapacité, une limitation ou une invalidité reconnue : 11 840 208 — 26,4 %

Source : Ville I., Ravaud J.-F., Letourmy A, Les désignations du handicap, des incapacités déclarées à la reconnaissance administrative, Revue française des affaires sociales, n° 1-2, janvier-juin 2003.

2,7 %

11,9 %

0,7 %

2,7 %

1,5 % 5,1 %

1,8 % Invalidité reconnue 3 390 574

7,6 %

Limitations d’activité > 6 mois 4 669 426

10,4 %

Incapacités 9 459 460

21,2 %

Page 12: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

26 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI)

C réé en 1975 sous forme associative régie par la loi du 1er juillet 1901, le Centre technique national d’études

et de recherches sur les handicaps et les inadaptations constitue un dispositif original conçu par les pouvoirs publics. Le CTNERHI comprend 48 adhérents, dont 19 centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadap-tée (CREAI) et 29 associations et organismes œuvrant dans le champ du handicap ou de l’inadaptation.

Il entretient de nombreux contacts internationaux. Il assure notamment la mission de Centre collaborateur français de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF).

Des missions de service publicSelon ses statuts, le CTNERHI a pour objet permanent d’« éclairer le ministre des Affaires sociales, notamment sur les besoins des enfants et adultes handicapés ou inadaptés, les méthodes de prévention et d’observation en matière de handicap ou d’inadaptation, l’efficacité des politiques publiques ». À cet effet, le centre « entre-prend ou suscite, soit à la demande du ministre, soit à la demande de personnes publiques ou privées, soit à sa propre initiative, toutes les enquêtes ou travaux nécessaires ». Il rassemble, diffuse et tient à jour une documentation française et étrangère concernant les études et les diverses politiques en direction des per-sonnes en situation de handicaps.

Une convention pluriannuelle de programmeUne convention pluriannuelle de programme, signée en-tre le CTNERHI, la direction générale de l’Action sociale (DGAS) et la direction de la Recherche, des Études de l’Évaluation et des Statistiques (Drees) pour le minis-tère en charge des questions politiques relatives aux personnes en situation de handicaps, structure sur une période de trois ans l’activité du CTNERHI.

Un centre de documentationLes bases de donnéesSaphir www.ctnerhi.com.fr/pages/saphir.htm recense plus de 19 000 références bibliographiques sur l’aspect psychosocial du handicap. Plusieurs centres de docu-mentation collaborent à la mise à jour régulière de la banque de données Saphir : l’Unapei www.unapei.org, l’APF www.apf.asso.fr, l’OPHQ (Office des personnes handicapées du Québec) www.ophq.gouv.qc.ca. La base de données Saphir du CTNERHI est partiellement versée dans la Banque de données santé publique (BDSP) www.bdsp.tm.fr/.

LEGI : base de données législatives qui recense depuis 1989 les textes législatifs et réglementaires parus sur le handicap et plus largement dans le domaine social www.ctnerhi.com.fr/pages/legi.htm.

Un fonds documentaire sur le handicap unique en FranceCe fonds documentaire est constitué de 14 000 ouvrages et 200 collections de périodiques.

Les sujets couverts concernent :● les droits des personnes handicapées● l’éducation et l’intégration scolaire● l’intégration sociale et professionnelle● les sports et loisirs● l’environnement familial● la prise en charge institutionnelle et les établisse-ments spécialisés● le coût économique et social du handicap

Une unité des études, recherche et développementL’Unité des études, recherche et développement (UERD) réalise et valorise des travaux en sciences humaines sous l’égide d’un conseil scientifique.

Équipe pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales, l’UERD réalise des travaux d’étude et de re-cherche sur l’ensemble des domaines constitutifs du champ du handicap.

Ses programmes de travail intègrent, dans le cadre de conventions pluriannuelles, des thèmes intéressant la direction de l’Action sociale, la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques et les autres partenaires publics ou privés du CTNERHI.

Le CTNERHI : éditeurLe Centre informe tous les professionnels et personnes handicapées au travers de :Trois collections● Études et recherches sur les handicaps et les ina-daptations● Histoire du handicap et de l’inadaptation● « Point sur… »

Une revue « Handicap, revue de sciences humaines et sociales »Revue pluridisciplinaire à comité de lecture, elle privilégie la publication de résultats de recherche et les analyses les plus récentes en sociologie, psychologie sociale et clinique, épidémiologie sociale, anthropologie, écono-mie, droit, histoire.

Un hebdomadaire, Flash-informations handicap.

Des dossiers professionnels documentaires et réglementaires.

PrésidentMarc Dupont, Inspecteur général des Affaires sociales. LMarc Maudinet

Directeur du CTNERHI

Page 13: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 27

Qu’est-ce que le handicap ?

ticulier à ce niveau, ainsi qu’au niveau régional, une meilleure connaissance de l’offre disponible et des besoins quantitatifs et qualitatifs. Les acteurs locaux, y compris associatifs, seront donc également deman-deurs d’une information permettant d’appréhender ces différentes dimensions.

Concernant les dispositifs de prise en charge, la loi 2002-2 déjà citée prévoit la mise en place d’un système d’information compatible entre ces structures, l’assu-rance maladie et l’État, ce qui devrait à terme permettre une certaine harmonisation des données et indicateurs utilisés par ces différents acteurs.

Une enquête sur les trajectoires des enfants passés en CDES est préparée en collaboration avec la Direction générale de l’action sociale, le Centre technique national d’études et de recherche sur le handicap et l’inadaptation et la Direction de l’enseignement scolaire de l’Édu-cation nationale. Elle combine les données des CDES

et des informations recueillies directement auprès des familles. Cette enquête devrait notamment permettre de mesurer la fréquence des situations de non-scola-risation dans les parcours des enfants. Elle donnera aussi une estimation du nombre d’orientations par défaut, et fournira des éléments sur la satisfaction des familles. En permettant d’aborder des questions insuffisamment explorées jusqu’alors, elle illustre bien l’intérêt de combiner source administrative et enquête complémentaire auprès des usagers.

La complexité inhérente au processus de handicap et à sa description sous des angles nécessairement multiples ne peut prétendre être approchée par une méthode unique et universelle. Des approches croisées semblent bien aujourd’hui être un passage obligé pour une meilleure connaissance, un questionnement enrichi et l’ouverture de nouvelles pistes dans l’observation du handicap. L

Page 14: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

28 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

La prévention en matière de handicap, c’est éviter l’apparition du problème de santé invalidant, mais c’est aussi prévenir ses conséquences. La récente loi française a pour ambition de garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie et d’améliorer leur participation à la vie sociale.

La notion de prévention renvoie à un vaste champ conceptuel et, pourrait-on dire, à l’ensemble des actions de santé. Tout soin, d’une certaine façon,

prévient des complications et vise à empêcher l’aggra-vation de l’état de santé d’une personne.

En matière de handicap, la conception d’une politique de prévention comporte cette dimension sanitaire, mais doit aussi apporter une dimension nouvelle sur le versant social : elle vise à ce que la personne vive le mieux possible malgré ses problèmes de santé quand ceux-ci sont irréductibles. Il s’agit de permettre à chaque enfant, adolescent ou adulte d’optimiser toutes ses aptitudes et ses compétences. La prévention des handicaps est ainsi constituée des actions conjuguées de nombreux acteurs, dans un continuum sanitaire et social. Elle considère la vie d’une personne à différents niveaux : analytique, fonctionnel et situationnel.

Une démarche continueLa prévention des handicaps s’attache à chaque étape du processus de constitution du handicap, et en vise chaque élément, qu’il soit propre à la personne ou lié à son environnement, en considération des interactions à l’œuvre dans ce processus. L’approche proposée ici s’écarte un peu de la systématisation traditionnelle :

prévention primaire, secondaire et tertiaire, du fait de cette continuité.

Éviter l’apparition du problème de santéLa première action est d’éviter, autant que faire se peut, les maladies ou les accidents potentiellement à l’origine de séquelles.

Cette prévention peut comporter le conseil génétique, la prévention de la prématurité, les soins périnataux, les actions menées dans le cadre de la protection maternelle et infantile, la vaccination, le dépistage et la correction des facteurs de risques ou des conduites à risques, la prévention des accidents domestiques, de la route, du travail ou des loisirs, celle des maladies professionnelles ou liées à l’environnement, l’éducation sanitaire.

Si une altération de la santé est survenue, tenter de la dépister et d’y remédier le plus tôt possible, par les soins directs, et empêcher ou réduire autant que possible la survenue de déficiences résiduelles par la rééducationSi une maladie, un accident, une anomalie congénitale ou tout autre problème de santé a provoqué une altération d’organes ou de fonctions, il s’agit d’abord, par une prise en charge thérapeutique optimale, d’empêcher la survenue de déficiences. Cela suppose la prise

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

Martine BarrèsMédecin inspecteur de santé publique,

conseillère technique à la direction

générale de l’Action sociale

Bruno PollezPraticien hospitalier, conseiller technique

à la direction générale de la Santé

La prévention des handicaps

Page 15: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 29

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

en charge médicale première du problème de santé, en tant que tel, visant la restauration de l’intégrité si possible, et, en corollaire, la lutte active contre toutes les déficiences susceptibles d’être séquellaires (réé-ducations).

L’accès aux soins, qu’il s’agisse des soins primaires (personnes en situation de précarité par exemple) ou des soins de rééducation (personnes souffrant d’une affection chronique invalidante évolutive parfois non accueillies en services de rééducation par exemple), l’accès à la compétence (maladies rares) et aux trai-tements, l’organisation optimale des soins (respect des contraintes de temps et des urgences, correctes orientations tout au long du parcours de soins — en aigu comme en soins de suite —, adéquation des plateaux techniques, filières de court séjour et de soins de suite et de réadaptation cohérentes et fluides, comportant les rééducations adaptées aux besoins thérapeutiques spécifiques — la neuropsychologie pour les traumatisés crâniens par exemple) et leur efficience concourent à ces objectifs de prévention ou de minimisation des déficiences. En particulier, le schéma régional d’orga-nisation des soins « soins de suite et de réadaptation » (Sros-SSR) doit permettre une offre qualitativement et quantitativement adaptée.

La correction des facteurs de risque initiaux et la prévention d’une éventuelle récidive de l’événement de santé qui s’est produit y sont naturellement associées. Mais les nouvelles conditions d’état de santé de la personne peuvent aussi engendrer une nécessité de suivi régulier, de façon à prévenir les nouveaux risques spécifiquement induits (suivi neuro-urologique et urody-namique des blessés médullaires, par exemple).

À ce niveau de la prévention (généralement dite secon-daire), la réponse est donc essentiellement constituée par la qualité de l’offre de soins, notamment les mesures de rééducation, ainsi que l’éducation thérapeutique et éventuellement le suivi.

Toutefois, la maladie existante n’est pas toujours immédiatement apparente.

Un mode d’action réside aussi dans l’attention apportée au repérage des troubles de santé, déficiences ou incapacités d’une personne par son entourage familial et par les professionnels qui sont à son contact (par exemple : les professionnels d’une crèche ou de l’école, les assistants de service social, le médecin traitant ou le médecin du travail), et le diagnostic effectué préco-cement qui en découle, grâce à une orientation adaptée dans le système de santé. Le but est d’apporter au plus vite des réponses adaptées, thérapeutiques mais aussi éducatives et préventives secondaires. Par exemple, repérer et diagnostiquer rapidement une déficience sensorielle chez un enfant permet d’éviter une pénali-sation du développement cognitif et relationnel, comme faire tôt le diagnostic d’une maladie chronique chez un adulte (sclérose en plaques, Alzheimer) peut en optimiser la prise en charge et en minimiser l’impact. Pour les mêmes raisons, le plan d’actions récemment

lancé pour les personnes autistes, ou ayant un autre trouble envahissant du développement, fait une large part au diagnostic précoce et à l’intervention précoce en matière d’éducation et de soins adaptés.

Le dépistage est une mesure de santé publique qui consiste en l’organisation du repérage et du diagnostic pour des pathologies déterminées ; il permet une prise en charge précoce et intéresse tous les âges (par exemple : dépistages prénataux ou néo-nataux, examens de santé obligatoires, dépistage des troubles du langage, médecine scolaire, dépistage du saturnisme, de la dégénérescence maculaire liée à l’âge).

Le dépistage est indiqué si une action au bénéfice de la personne est possible. Ainsi en est-il des cinq dépistages néo-nataux réalisés de façon systématique (phénylcétonurie, hypothyroïdie, hyperplasie congénitale des surrénales, drépanocytose, mucoviscidose).

Un questionnement de caractère éthique est toutefois posé avec le dépistage systématique, in utero ou dans des ovules fécondés in vitro, de pathologies invalidantes non accessibles à une intervention thérapeutique et pour laquelle la seule proposition de « réponse » est une interruption de grossesse ou un tri d’embryons.

Si des déficiences sont demeurées irréductibles, s’efforcer qu’elles n’engendrent pas d’incapacités ni de limitations d’activité pour la personne, ou le moins possible, par le contournement des difficultés fonctionnelles, la valorisation de ses compétences, dans le cadre de la réadaptationIl s’agit par exemple qu’une personne qui demeure paralysée ou aveugle puisse quand même se mouvoir ou agir sur son environnement, qu’une personne aphasique, anarthrique ou sourde puisse quand même communiquer, qu’une personne porteuse d’une insuffisance cardiaque puisse gérer son engagement physique.

Cela passe par le travail interdisciplinaire « médico-paramédico-technico-psycho-social » de réadaptation : acquisition de nouvelles modalités fonctionnelles, apprentissages spécifiques permettant de contourner la difficulté, mise en œuvre d’aides techniques et tech-nologiques.

Cette dimension devient d’autant plus prégnante que l’efficience médicale, et particulièrement de l’en-semble de la chaîne de soins hospitaliers, permet certes à des personnes que leur vie se poursuive, mais parfois au prix de séquelles invalidantes et d’un degré de dépendance notables. Il faut donc aider ces personnes à recomposer leur vie. Plus couramment, on peut remarquer que dans beaucoup de situations nosologiques lourdes, notamment neurologiques avec séquelles importantes définitives (accident vasculaire cérébral grave, paratétraplégie, suites de traumatisme crânien grave, sclérose en plaques évoluée, etc.), cette dimension de réadaptation et par la suite celle d’ac-compagnement de réinsertion sont au moins aussi importantes à considérer que celle de rééducation. Réadaptation et réinsertion sont d’ailleurs inscrites

Page 16: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

30 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

dans les missions de l’hôpital, par son secteur de soins de suite et de réadaptation.

Il semble adéquat que tout ou partie de ce volet « réadaptation » puisse prendre place en situation réelle de vie, sur le lieu de l’action à établir. Par définition, ce n’est que là, dans le concret de l’environnement réel de vie, humain, technique et social, que la définition et l’apprentissage des modalités fonctionnelles du quotidien peuvent être finalisés. Le premier objectif est déjà que les acquis fonctionnels obtenus pendant la phase hospitalière de rééducation, le cas échéant, passent bien dans la réalité vécue. Or ce transfert, s’il n’est pas accompagné, ne se fait souvent pas sans perte ou régression, pour des raisons diverses : condition-nement, non-stabilisation psychologique de la personne et de ses proches, défaut d’adaptation des différentes composantes de l’environnement, par exemple.

Cela suppose donc le décloisonnement et l’optimisation de la liaison hôpital-ville (visites à domicile pendant le temps hospitalier, permissions thérapeutiques, liaisons et transmission d’informations précises aux acteurs du lieu de vie qui prendront le relais — professionnels de ville et aidants naturels —, suivi post-hospitalier spécialisé), ainsi que des organisations transitionnelles spécifiques (équipes mobiles, hospitalisation à domicile de réadap-tation, hôpital de jour, réseaux de santé « handicap », « démarche précoce de réinsertion Comète-France »…). Ainsi peuvent être proposés l’accès sur le lieu de vie à la pluridisciplinarité sanitaire (ergothérapie, psychologie, par exemple) et sociale nécessaire et la prise en compte de l’environnement de la personne à tous égards, humain autant que technique, en particulier l’association étroite des proches à l’apprentissage des nouvelles modalités de vie, élément indispensable de la réadaptation. Dans le cas précis d’un handicap acquis, l’accompagnement et le soutien psychologique lors du retour au milieu de vie ordinaire, c’est-à-dire lors de la pleine prise de conscience de la modification des conditions fonction-nelles par la personne et ses proches, est une donnée déterminante quant à la réussite ou à l’échec de la réinsertion et de la reprise du cours de la vie.

Les circulaires récentes décrivant l’organisation des soins et services destinés aux personnes victimes d’un accident vasculaire cérébral, d’un traumatisme crânien ou d’un traumatisme médullaire illustrent ces approches.

La politique de santé mentale et l’organisation de la psychiatrie publique offrent aussi un exemple de déploiement de services au domicile et dans la com-munauté qui permet un développement de la réadap-tation des patients à la vie quotidienne et aux relations sociales.

La mise en place d’organisations (équipe mobile, hospitalisation à domicile, réseau) permettant l’accès sur le lieu de vie à toute la palette des compétences médico-paramédico-technico-psycho-sociales est d’ailleurs également nécessaire pour les personnes qui vivent avec un handicap chez elles sans provenir

d’un parcours hospitalier imposé par un événement de santé récent modifiant leurs conditions fonctionnelles de vie. Ainsi en est-il, par exemple, des personnes atteintes de maladies chroniques invalidantes lentement évolutives (sclérose en plaques, maladie de Parkinson, hérédo-degénérescences, par exemple). Le manque de certaines professions de réadaptation sur le lieu de vie (dont l’exercice est paradoxalement surtout effectif en milieu hospitalier comme l’ergothérapie), l’insuffisance de formation des acteurs de terrain à l’approche globale sanitaire et sociale de la lutte contre le handicap ou la difficulté de réelles concertation et définition d’objectifs partagés entre ces acteurs contribuent en effet à ce que des personnes qui en ont le besoin n’aient pas accès à une vraie démarche de réadaptation et ne puissent pas être accompagnées dans une lutte active contre le handicap.

Pour ces travaux de réadaptation doit aussi être pour-suivie l’amélioration de l’accès aux aides techniques et technologiques (conseil, essais, apprentissage et financement). Le « dispositif national vie autonome », décliné en « sites départementaux pour la vie autonome » s’appuyant sur les « équipes techniques labellisées » pour chaque type de handicap est à cet égard une avancée fondamentale.

Cela suppose en amont que le domaine de l’appareillage des personnes en situation de handicap puisse pour le moins bénéficier des avancées technologiques réalisées pour l’industrie, et qu’un pan de recherche technologique leur soit dédiéIl faut prévenir le désavantage de situation et la restriction de participation sociale auxquels se trouve confrontée une personne ayant à vivre avec des déficiences et limitations d’activité (thématiques de l’insertion ou de la réinsertion et de la participation sociale).

Cette dimension majeure est constituée par l’approche environnementale, situationnelle et plus largement, sociétale. Elle touche tous les domaines de vie et d’ac-tivité (vie quotidienne, domestique, familiale, logement, éducation, formation, emploi, culture, loisirs, transports, vie dans la cité). Elle concerne toutes les collectivités, institutions et organisations communément en charge de la vie dans la cité, et comporte des aspects techniques, architecturaux, sociaux, financiers, politiques et éthiques. À incapacité égale, le handicap vécu est fonction des exigences ou des facilitations du milieu et du contexte de vie, dans toutes ses composantes.

Il s’agit de mettre en œuvre toute action individuelle ou collective pouvant contribuer à atténuer les barrières, à lutter contre les difficultés fonctionnelles induites et les obstacles à l’insertion sociale, et à empêcher l’exclusion et la discrimination à l’égard des enfants, adolescents et adultes ayant un handicap :

● en assurant l’accès facile à l’information des droits et la facilitation des démarches ;

● en permettant l’obtention des ressources et moyens de compensation nécessaires ;

Page 17: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 31

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

● en assurant l’accès à l’école, au travail, à la culture, aux loisirs, et, d’une façon générale, aux acti-vités citoyennes ;

Le rôle de l’école doit être particulièrement souligné. L’accueil à l’école représente en effet, pour l’enfant et sa famille, un acte de reconnaissance citoyenne fondamental, ainsi que la meilleure chance pour l’enfant ayant un handicap d’exercer ses compétences parmi ses pairs et d’envisager sa vie au milieu des autres. C’est aussi pour l’ensemble de l’école et pour les autres enfants, une occasion de ren-contre et d’exercice de la solidarité qui peut apporter de grands bénéfices. Tout doit donc être mis en œuvre pour accompagner l’enfant, sa famille et les enseignants dans cette entreprise.● en veillant à l’accessibilité du monde physique

(espace public, cadre bâti, transports), par la levée des obstacles matériels à la mobilité de personnes, qui, sans eux, auraient une totale autonomie de dépla-cement (telles les personnes en fauteuil roulant), comme par l’adaptation des moyens de communication et de signalisation (permettant aux personnes sourdes ou aveugles de se repérer, par exemple) ;

● en luttant contre les préjugés, en informant et éduquant le public et les décideurs ;

Les obstacles sociétaux à la participation des personnes handicapées sont pour une bonne part liés aux idées fausses, aux craintes ou à l’indifférence à l’égard de la situation vécue par ces personnes, considérées comme « à part ». La sensibilisation et l’information du public peuvent prendre de multiples formes, du dialogue en petit groupe, à l’oc-casion d’une rencontre avec des personnes handicapées, aux émissions ou campagnes grand public. Les décideurs devraient être formés, chacun dans leur champ de com-pétence, à la question de l’accueil non discriminant de toutes les personnes.● en facilitant l’exercice de la solidarité, en particulier

de l’entraide des personnes handicapées et des familles de personnes handicapées.

Les associations de personnes handicapées ou de familles de personnes handicapées, notamment, jouent un rôle considérable pour la participation sociale des unes et des autres.

Quelques éclairages particuliers à propos de cette démarcheEn matière de handicap, la démarche de prévention amène à considérer chaque intervenant : la personne concernée, ses proches, les professionnels. Certains points doivent être soulignés.

● Si la personne est un enfant, il s’agit d’une démarche de construction première, sur le plan humain personnel et sur le plan social. L’éducation adaptée des enfants handicapés doit viser à prévenir l’installation de désa-vantages dans la vie, par l’apprentissage des techniques de compensation des déficiences, par la valorisation attentive des capacités, et aussi par la construction active et spécifique des éléments d’une participation pleine et entière, dans la famille d’abord, puis à l’école et dans

les lieux fréquentés par les enfants (cette participation aura d’ailleurs des effets réciproques).

Il est nécessaire d’accompagner et de soutenir les personnes au moment de l’annonce, puis durant la prise de conscience de leur situation de handicap, du bouleversement de leurs conditions intrinsèques de vie, puis au cours d’une vie aux difficultés durables est sous-jacent à une mobilisation de leurs capacités et compétences.

Il ne s’agit pas de construire un « projet de vie » à la place de la personne, mais de l’aider à élaborer et réaliser son projet personnel, dans toutes ses composantes, personnelles, familiales et sociales, et de l’accompagner activement dans sa recherche de qualité de vie.

En particulier la considération de la souffrance psy-chologique, sociale et existentielle des personnes han-dicapées est essentielle. La survenue d’un événement de santé grave et invalidant — que cette gravité soit objective ou subjective — peut bouleverser l’identité même de la personne et lui faire perdre toute appétence à vivre. La recherche à donner à nouveau du sens au présent, dans l’instant ou dans un projet de vie, et à connaître une certaine qualité de vie, peut être, en particulier dans certains cas de handicap très lourd, un challenge extraordinairement difficile qui suppose un soutien professionnel.

La souffrance peut également avoir des facteurs sys-témiques, familiaux, sociaux, sociétaux : ainsi en est-il de personnes victimes d’un traumatisme crânien grave dont les troubles génèrent les plus grandes difficultés de réinsertion sociale, et déjà familiale ou de personnes atteintes de troubles psychiques, ou de personnes dites handicapées mentales, à la souffrance cachée.

Tout simplement la dépendance peut être facteur de grande souffrance dans la relation à l’autre.

● La prise en considération des conséquences de la maladie ou du handicap d’une personne sur la vie de ses proches est également essentielle. C’est d’ailleurs l’objet d’un domaine d’études émergeant, la « proximologie ». Pour eux aussi la vie est bouleversée ou connaît des difficultés durables. Pour eux aussi une réadaptation est nécessaire qui suppose un accompagnement.

La charge liée à la dépendance, que celle-ci soit physique, mentale, psycho-comportementale, influe lourdement sur la vie. Parfois majeure, cette charge peut être à l’origine d’un épuisement physique et psy-chologique, d’une détresse sociale qu’il faut pouvoir prévenir et éviter par des mesures d’accompagnement des différents registres et des solutions de décharge, de relais ou de répit.

● La formation et le soutien des professionnels sont une nécessité.

La lutte contre le handicap relève toujours d’une interdisciplinarité sanitaire et sociale.

Or, chacun des professionnels est souvent insuffi-samment formé au regard global, aux ressources à mobiliser, à cette nécessité de pluridisciplinarité, aux moyens de solliciter et de mettre en œuvre ses dif-

Page 18: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

32 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

férentes composantes et surtout à la pratique de la concertation indispensable. On peut noter à cet égard le progrès que la réforme du deuxième cycle des études de médecine générale a introduit par la création d’un module « handicap », à l’approche transversale.

Si les professionnels peuvent ainsi se sentir peu ins-truits ou un peu isolés et démunis face à une situation lourde relevant de différents registres, ils peuvent aussi se trouver eux-mêmes en désarroi et déstabilisés dans leur pratique en raison de la gravité des souffrances auxquelles ils sont confrontés, de la lourdeur des res-ponsabilités et des attentes dont ils sont investis et de leur impuissance à « guérir ». Ils peuvent nécessiter d’être assistés et soutenus tout au long de leur exercice, qui peut s’apparenter, dans certains cas de handicap majeur, à un accompagnement de nature palliative de très longue durée.

La nouvelle loi ouvre des perspectives d’action nouvelles quant à la prévention des handicapsLa nouvelle loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées consacre une place importante à la compensation des conséquences du handicap, c’est-à-dire aux dispositifs et mesures destinés à répondre spécifiquement aux besoins de chaque personne handicapée (maisons départementales des personnes handicapées et com-missions des droits — anciennes CDES et Cotorep — et moyens de compensation adaptés à chaque personne). On peut espérer qu’elle réponde à cet égard à certains des aspects soulignés plus haut.

Elle comporte aussi, pour la première fois, un article consacré à la prévention des handicaps. Celui-ci prévoit que, en complément des dispositions déjà prévues par le Code de la santé, et s’appuyant sur des programmes de recherche, l’État, les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale mettent en œuvre des politiques de prévention des handicaps ainsi pré-cisées :

« La politique de prévention du handicap comporte notamment :

« a. Des actions s’adressant directement aux personnes handicapées ;

« b. Des actions visant à informer, former, accompagner et soutenir les familles et les aidants ;

« c. Des actions visant à favoriser le développement des groupes d’entraide mutuelle ;

« d. Des actions de formation et de soutien des pro-fessionnels ;

« e. Des actions d’information et de sensibilisation du public ;

« f. Des actions de prévention concernant la maltraitance des personnes handicapées ;

« g. Des actions permettant d’établir des liens concrets de citoyenneté ;

« h. Des actions de soutien psychologique spécifique proposées à la famille lors de l’annonce du handicap, quel que soit le handicap ;

« i. Des actions pédagogiques en milieu scolaire et professionnel ainsi que dans tous les lieux d’accueil, de prise en charge et d’accompagnement, en fonction des besoins des personnes accueillies ;

« j. Des actions d’amélioration du cadre de vie prenant en compte tous les environnements, produits et services destinés aux personnes handicapées et mettant en œuvre des règles de conception conçues pour s’appliquer uni-versellement.

« Ces actions et programmes de recherche peuvent être proposés par le Conseil national consultatif des personnes handicapées mentionné à l’article L. 146-1 ou par un ou plusieurs conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées mentionnés à l’article L. 146-2 lorsque ces actions ou programmes sont circonscrits à un ou plusieurs départements. »

Elle comporte par ailleurs un titre « Accessibilité » qui traite de la scolarité, de l’emploi, ainsi que de l’ac-cessibilité du cadre bâti et des transports, reprenant et complétant les dispositions existantes pour faciliter davantage l’insertion des personnes handicapées en milieu ordinaire.

ConclusionLa prévention des handicaps comporte de multiples aspects qui doivent tous être pris en compte. Par exemple en l’état actuel des connaissances, la « prévention » de la trisomie 21 vise à empêcher la naissance d’enfants porteurs de cette particularité génétique ; la prévention des handicaps résultant de la trisomie 21 vise à aider les enfants nés avec cette particularité génétique à devenir des adultes épanouis et les plus autonomes possible, en les accueillant et en valorisant toutes leurs compétences.

La prévention des handicaps ne sert pas seulement les personnes handicapées et leurs proches : elle a une valeur éducative collective, en termes d’éducation à la santé, notamment, mais aussi en termes d’éducation civique, d’ouverture à la solidarité, de culture, pour l’ensemble de la population ; ainsi, l’insertion scolaire des enfants et adolescents « à besoins spécifiques » a un double impact, sur les enfants accueillis et sur les enfants les accueillant.

La prévention des handicaps, en effet, relève d’abord des institutions de droit commun, celles qui concernent tous les citoyens, et appelle une très large mobilisation de l’État et des collectivités territoriales, de l’école, des milieux de travail, et d’associations d’horizons variés, en coopération étroite avec le système de santé, elle repose sur un décloisonnement et une synergie étroite et permanente des acteurs sanitaires et des acteurs sociaux. L

Page 19: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 33

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

La France conduit une politique spécifique en direction des personnes handicapées tenant compte de l’évolution du concept de handicap, des autres

politiques menées dans le champ social, médico-social ou sanitaire, et des dispositifs de droit commun.

L’action conduite obéit à un double objectif :● garantir une solidarité aux personnes dont la situation

de handicap réclame des prestations spécialisées, des mesures d’accompagnement, des solutions de compen-sation ou l’attribution d’allocations spécifiques ;

● favoriser l’autonomie de tous ceux qui peuvent s’intégrer dans le milieu de vie ordinaire, notamment en éliminant ou diminuant les obstacles qui contrarient cette autonomie, en valorisant les potentialités de chacun et en mettant en œuvre des principes de lutte contre la discrimination.

L’affirmation d’une politique pour les personnes han-dicapées passe par un préalable : considérer comme légitime, tant vis-à-vis des personnes handicapées que de l’ensemble de la société, la conception et la mise en œuvre d’une politique spécifique. C’est le choix politique, social et éthique opéré par la loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, mais qui fait débat aujourd’hui dans certains pays européens et dans les instances de l’Union européenne qui se sont réorganisées dans l’optique de politiques transversales. La Commission européenne a inscrit à son programme de travail 2004-2005, avec l’accord des représentants des États membres, une tentative de définition commune de l’approche intégrée des questions liées au handicap dans les politiques appropriées (mainstreaming).

À un modèle de la réadaptation qui imputerait le handicap aux seuls individus sans se préoccuper suf-fisamment de leur environnement, doit se substituer un modèle pour la vie autonome dans une société accessible.

La récente loi sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handi-capées se situe dans une logique intermédiaire puis-qu’elle réunit, dans un même texte, des dispositions favorisant la non-discrimination à l’égard des personnes handicapées à travers différentes législations de droit commun (éducation, logement, transports…) et des mesures spécifiques visant à compenser le handicap et à faciliter l’accès aux droits et l’accès à la vie sociale et publique des personnes handicapées.

Politiques et programmesLa loi d’orientation de 1975 a permis la mise en place de dispositifs fondamentaux, d’orientation, d’allocation et de prise en charge des personnes handicapées.

Depuis lors, les politiques mises en œuvre ont, tour à tour, mis l’accent :

● tantôt sur le besoin de compléter et de faire évoluer l’équipement en structures médico-sociales et de main-tenir le niveau des aides financières accordées aux personnes handicapées,

● tantôt sur la nécessité de donner une priorité beaucoup plus marquée à la recherche de l’intégration et de l’autonomie.

Parfois cependant, ces objectifs ont été affichés simul-tanément de manière à ne pas opposer réponses dites institutionnelles et démarches intégratives et à ne pas opérer de clivages entre différentes « catégories » de personnes handicapées.

Mais les préoccupations ayant trait à l’insuffisance de dispositifs institutionnels de prise en charge des personnes handicapées ont conduit trop longtemps à faire passer au second plan les objectifs de formation, d’accès à l’emploi et d’intégration sociale dont la loi faisait pourtant aussi une obligation nationale. La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs han-dicapés, la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 et la loi du 13 juillet 1991 relative à l’accessibilité des locaux d’habitation, des lieux de travail et des instal-lations recevant du public ont cependant déjà contribué à opérer, au moins au niveau du droit, un rééquilibrage en faveur de l’autonomie des personnes handicapées et de leur intégration dans le milieu ordinaire de vie.

La multiplication, au cours des dernières années, de plans d’action et de programmes opérationnels con-cernant les personnes handicapées répond à des besoins encore insatisfaits à la fois sur le plan quantitatif (nombre de personnes en attente de solution, persistance du maintien de jeunes adultes dans les établissements pour enfants et adolescents, déséquilibres géographiques, couverture financière insuffisante des surcoûts auxquels peuvent être exposées les personnes handicapées et les familles) ou qualitatif (manque de diversification et de souplesse des prises en charge, insuffisance des formations, de la qualité des prestations ou de la qualité de vie dans les établissements, de l’intégration sociale, du respect du libre choix de vie, problèmes de fonctionnement des organismes gestionnaires, etc.). Des programmes et mesures spécifiques ont concerné certains publics confrontés à des difficultés particu-lières, comme les personnes autistes, traumatisées crâniennes, polyhandicapées, sans parvenir encore à une situation satisfaisante pour elles.

Les grandes associations (à la fois représentantes des personnes handicapées et de leurs familles et gestionnaires de services et d’établissements), mais

Philippe Didier CourbinSous-directeur, sous-direction des personnes handicapées, DGAS

La politique du handicap

Page 20: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

34 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

également des personnes handicapées intervenant à titre personnel ou regroupées en collectif se sont mobilisées pour une meilleure prise en compte de leurs besoins. Les élus restent attentifs à la fois aux difficultés des personnes, mais aussi aux conséquences économiques des choix opérés, qu’il s’agisse de dépenses pour les collectivités locales ou de l’impact, sur l’aménagement du territoire et l’emploi local, de l’implantation des structures d’accueil.

Les préfets expriment eux-mêmes, en dépit des effets progressifs des programmes en cours, des demandes

toujours fortes de moyens nouveaux en vue de la création de places supplémentaires dans les établissements et services pour enfants ou adultes handicapés. Ils recon-naissent en même temps les limites des instruments dont ils disposent pour évaluer les besoins, réguler les orientations et constatent la rigidité de certaines structures qui ne s’adaptent pas nécessairement à l’évolution qualitative des besoins ou ne donnent pas la priorité à la prise en charge des situations d’urgence ou des cas les plus difficiles. Se posent aussi la pré-occupation de ne pas laisser se dégrader l’existant

Présentation et missions du CNCPH

En application de l’article 1 de la loi du 30 juin 1975, un décret

du 22 mars 1984 avait institué un Conseil national « rassemblant des associations et organismes regrou-pant des personnes handicapées, développant des actions de recherche ou finançant leur protection sociale aux côtés d’organisations syndicales et patronales ». En 2002, le CNCPH a connu d’importantes évolutions dans le contenu des missions issues des lois de janvier et mars de la même an-née. Ses missions étendues, appuyées sur une configuration renouvelée, lui confient un rôle de trait d’union entre les pouvoirs publics et les personnes handicapées, leurs familles et leurs associations.

Comptant 65 membres, dont une majorité d’associations repré-sentatives des principaux intéres-sés ou exerçant une activité dans le champ du handicap, le CNCPH est composé aussi de représentants des organismes de protection sociale, des collectivités territoriales, de l’As-semblée nationale et du Sénat, des organismes de recherche, des orga-nisations syndicales et d’employeurs, auxquels s’ajoutent les représentants des nombreux ministères concernés. Ses sept commissions rassemblant plus d’une centaine de personnes produisent des travaux sur les thèmes jugés essentiels, notamment dans la perspective de la nouvelle loi : pré-vention, aide précoce et dépistage, éducation, scolarisation et emploi, choix de vie et évaluation, âges de

transition et vieillissement, compen-sation et autonomie, accessibilité à la cité, répartition des compétences.

Garantir la participation des personnes handicapéesLa loi du 17 janvier 2002 fixe pour première mission au CNCPH de ga-rantir la participation des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques les con-cernant. Sa seconde mission con-siste à suivre les travaux des conseils consultatifs départementaux. La loi de modernisation sociale a en effet créé en complément du CNCPH des conseils départementaux chargés de donner un avis et de formuler des propositions sur les orientations et les mesures à mettre en œuvre au plan local pour assurer la coordina-tion des partenaires institutionnels et associatifs. Chaque conseil, outre la production d’un rapport au mois de mars de chaque année, a pour obligation de réaliser un recensement des personnes handicapées et un re-pérage de la nature de leur handicap. Le rôle de ces conseils consistera aussi, en liaison avec le CNCPH, à conduire une réflexion territorialisée sur la politique du handicap, en lien avec les schémas nationaux, régio-naux et départementaux.

Évaluer la situation des personnes handicapéesLa troisième mission du CNCPH est fixée par la loi du 4 mars 2002, qui lui confie l’évaluation de la situation

matérielle, morale et financière des personnes handicapées. Au-delà des multiples instruments statistiques de grande qualité qui existent déjà, c’est à une observation permanente que le Conseil national devra se consacrer en prenant appui sur la Délégation interministérielle aux personnes han-dicapées qui est par ailleurs membre du CNCPH. L’objectif n’est nullement de se substituer aux outils perfor-mants, mais d’établir une cohérence autour d’une commande sociale dont le CNCPH, compte tenu de sa mission première, doit être porteur.

Même s’il entend être consulté sur tous les textes législatifs et régle-mentaires concernant les personnes handicapées, le CNCPH ne se con-tente plus du seul rôle consultatif. Ses commissions travaillent autour des thèmes jugés essentiels pour la nouvelle loi. Leurs travaux ont déjà permis de faire inscrire plus nettement dans les textes les grands principes de la non-discrimination, du respect des choix de vie et des parcours indi-vidualisés, de l’accessibilité au sens large favorisant la participation et la citoyenneté. De façon générale, le CNCPH a déployé beaucoup d’efforts pour que soit renforcée une réelle égalité d’accès à tout pour tous, et notamment à la scolarisation, à la formation et à l’emploi, mais aus-si à tout ce qui constitue la vie en société. L

Jean Marie SchléretPrésident du Conseil national consultatif des personnes handicapées

Page 21: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 35

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

(vieillissement des structures et mises aux normes) et celle de prévoir les ressources humaines de la prise en charge des personnes handicapées.

De nouvelles priorités se font progressivement jour : réponses sociales et médico-sociales à apporter aux personnes handicapées en raison de troubles psychiques, jeunes souffrant de troubles du comportement et de la conduite pouvant nécessiter l’intervention d’instituts de rééducation, réponses diversifiées pour faire face au vieillissement des personnes handicapées présentes dans les établissements ou en milieu ordinaire, etc., structures de répit pour les familles (hébergement tem-poraire ou accueils de jour).

Ont ainsi été conduits des programmes pluriannuels de création de places dans les établissements et services pour personnes handicapées (plan quinquennal 1999-2003 et plan triennal 2001-2003, prolongés et amplifiés en 2003 et 2004). Grâce aux moyens nouveaux dégagés par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, conjugués avec les moyens financiers supplémentaires consentis par l’État et l’assurance maladie, il a été décidé de lancer un nouveau programme pluriannuel de création de places (2005-2007) permettant d’accélérer les mesures concernant certains publics (autistes, per-sonnes handicapées du fait de troubles psychiques), de poursuivre les actions prioritaires concernant les autres personnes lourdement handicapées, l’éducation précoce et l’appui à l’intégration scolaire, et de soutenir enfin de nouveaux modes d’intervention (services d’ac-compagnement médico-social pour personnes adultes handicapées, accueil temporaire…).

Par ailleurs, constatant le manque de réponse adaptée et de prise en charge financière des besoins en aides techniques et aménagement du logement des personnes handicapées, un dispositif constitué de sites départe-mentaux pour la vie autonome a été mis en place au début des années deux mille.

Le site pour la vie autonome est conçu comme un système de guichet unique et d’accompagnement de la personne handicapée, qui peut recevoir toutes les demandes des personnes handicapées concernant ces besoins. Ce dispositif vise à :

● développer l’accès aux solutions de compensation des incapacités pour les personnes handicapées, quels que soient l’origine ou la nature de leur handicap, leur âge et leur lieu de résidence ;

● simplifier, clarifier les procédures de financement et réduire les délais ;

● faciliter l’accès au financement des solutions pré-conisées ;

● constituer un réseau intégrant tous les partenaires concernés par la mise en œuvre de ce dispositif.

Mais la mobilisation de ces aides ne permet pas toujours de faire face aux besoins et, notamment pour le maintien à domicile, les efforts reposent aussi beaucoup sur la solidarité familiale. Le principal axe de dévelop-pement des réponses a en effet été, durant le dernier demi-siècle surtout dirigé vers les institutions, qui sont

de plus en plus considérées comme ségrégatives par les personnes handicapées elles-mêmes. Pour l’avenir, les enjeux se portent davantage vers l’aide humaine et l’accompagnement de la personne handicapée à la recherche de la meilleure qualité possible pour sa vie personnelle, familiale, professionnelle, ainsi que vers le soutien aux proches qui lui apportent leur aide.

Principales réformes prévues dans la nouvelle loiLa nouvelle loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes han-dicapées :● Apporte une nouvelle définition du handicap qui s’appuie sur une approche plus pratique et notamment sur la prise en compte de l’environnement de vie de la personne.● Prévoit la mise en œuvre de politiques de prévention, de réduction et de compensation du handicap ainsi que de programmes de recherche sur le handicap permettant une amélioration de l’accès aux soins et aux avancées thérapeutiques et technologiques.● Garantit aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie, en opérant une distinction claire entre la compensation des conséquences des handicaps et les moyens d’existence tirés du travail ou de la soli-darité nationale :

– Le droit à une compensation personnalisée des handicaps trouve dans cette loi à la fois une définition et sa concrétisation, notamment avec la création d’une prestation de compensation des surcoûts liés au han-dicap. Elle sera déterminée en fonction des besoins de la personne dans le cadre d’un plan personnalisé de compensation du handicap par l’équipe pluridisci-plinaire de la maison départementale des personnes handicapées ; elle sera accordée pour faire face à des charges d’aides humaines, techniques, animalières, d’aides à l’aménagement du logement et du véhicule ou spécifiques ou exceptionnelles comme celles rela-tives à l’acquisition ou l’entretien de produits liés au handicap. Elle sera versée en nature ou en espèces, selon le choix du bénéficiaire ; elle sera décidée par la Commission des droits et de l’autonomie et versée par le département ; elle sera mise en place au 1er janvier 2006.

– Il est prévu, dans un délai de trois ans et cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, une harmonisation des dispositifs concernant la prestation de compensation concernant les enfants et les adultes (suppression des barrières d’âge) ;

– Une réforme de l’allocation aux adultes handicapés est prévue afin, d’une part, de permettre un meilleur cumul avec un revenu d’activité pour les personnes han-dicapées qui peuvent travailler, d’autre part, d’instituer, selon le cas, une garantie de ressources (complément de ressources) ou une majoration pour la vie autonome pour celles qui ne perçoivent pas de revenu d’activité à caractère professionnel afin qu’elles puissent vivre de manière autonome dans un logement indépendant.

Page 22: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

36 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

● Affirme la priorité d’une scolarisation de droit commun en milieu scolaire ordinaire de proximité, la loi pose le principe de la reconnaissance du choix des parents, renforce la responsabilité de l’État en matière de sco-larisation des enfants handicapés, prévoit un projet individualisé élaboré en fonction de l’évaluation des besoins de l’enfant et organise la complémentarité des réponses pédagogiques et médico-sociales.● Introduit des dispositions en matière d’insertion professionnelle des personnes handicapées, tendant à mobiliser les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation collective, à amener les entreprises et les trois fonctions publiques à recruter des personnes han-dicapées et à procéder aux aménagements raisonnables exigés par la directive des Communautés européennes du 27 novembre 2000.● Fait évoluer les dispositifs de travail adapté ou protégé en créant les entreprises adaptées et, s’agissant des centres et services d’aide par le travail, en prévoyant des dispositions concernant la formation et la qualification des travailleurs handicapés, en redéfinissant les con-ditions dans lesquelles peuvent s’effectuer des mises à disposition en entreprises et en créant un dispositif de suivi et d’accompagnement et un droit au retour en établissement, destinés aux personnes handicapées sortant du milieu protégé de travail dans le cadre d’un contrat de travail en entreprise.● Renforce l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées, en particulier par :

1. une extension des publics visés avec une prise en compte de tous les types de handicaps (moteur, sensoriel, psychique, mental et cognitif).

2. une extension du champ des constructions con-cernées au secteur des maisons individuelles lors de leur construction, selon des modalités à définir par décret ; aux bâtiments d’habitation existants lorsqu’ils font l’objet de travaux, sachant que des dérogations ne peuvent être autorisées que pour des raisons tech-niques ou de préservation du patrimoine architectural ; aux établissements recevant du public existants, selon un calendrier adapté au type des établissements con-cernés et ce, même s’ils ne font pas l’objet de travaux. Des dérogations pourront être accordées exception-nellement, sachant qu’elles devraient obligatoirement s’accompagner des mesures de substitution pour les établissements recevant du public remplissant une mission de service public.

3. une obligation de formation : la formation à l’ac-cessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées est rendue obligatoire dans la formation initiale des architectes et des professionnels du bâtiment.

4. un renforcement des contrôles et des sanctions : à l’issue de l’achèvement des travaux, soumis à permis de construire, des établissements recevant du public, des bâtiments d’habitation et des lieux de travail, le maître d’ouvrage doit fournir à l’autorité qui a délivré le permis de construire un document attestant de la prise en compte des règles d’accessibilité ; en cas

de non-respect des règles d’accessibilité, il peut être décidé par l’autorité administrative la fermeture d’un établissement recevant du public en cause ; les sanc-tions pénales sont également renforcées.

5. la mise en place d’incitations : des mesures fiscales sont prévues, afin d’inciter les organismes bailleurs à réaliser des travaux d’accessibilité ou d’adaptation. L’octroi des aides publiques pour la construction, l’ex-tension ou la transformation du gros œuvre d’un bâtiment sont par ailleurs subordonnés à la production d’une attestation signée par le maître d’ouvrage témoignant du respect des règles d’accessibilité.● Renforce l’accessibilité des transports par :

– l’obligation de remplacer par un matériel accessible tout matériel de transport en commun à l’occasion de son renouvellement ;

– la mise en accessibilité, dans un délai de dix ans, des services de transports collectifs ;

– en cas d’impossibilité technique avérée de mise en accessibilité de réseaux existants, l’obligation pour l’autorité organisatrice de transport normalement compétente de mettre à disposition (organisation et financement) des moyens de transport adaptés aux besoins des personnes handicapées ou à mobilité réduite. Le coût de ce transport de substitution pour les usagers handicapés ne doit pas être supérieur au coût du transport public existant ;

– la subordination de l’octroi des aides publiques pour le développement des systèmes de transport collectif à la prise en compte de l’accessibilité.● Réforme le dispositif public d’accueil, d’évaluation et d’orientation des personnes handicapées grâce à la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées, chargées d’exercer une mission d’accueil, d’information et de conseil, et d’organiser le fonctionnement d’une équipe pluridisciplinaire d’éva-luation et d’une commission des droits et de l’auto-nomie se substituant à la CDES et à la Cotorep et se prononçant sur l’ensemble des droits et prestations et, en particulier, les droits nouveaux créés par la loi (notamment prestation de compensation). Ces maisons départementales seront organisées sous forme de grou-pements d’intérêt public entre l’État, le département et les organismes de protection sociale qui sont membres de droit ; d’autres personnes morales, en particulier des représentants d’organismes gestionnaires d’éta-blissements et de services, pourront demander à faire partie du groupement. La commission exécutive qui l’administre est présidée par le président du conseil général et comprend notamment des représentants de personnes handicapées.● Organise le dispositif central en précisant les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie créée par la loi n° 2004-323 du 30 juin 2004, qui est en particulier chargée de répartir les crédits entre les départements et d’assurer un échange d’expériences et d’informations entre les maisons départementales et de veiller à l’équité de traitement des demandes de

Page 23: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 37

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

compensation. Elle participe à la définition d’actions de recherche.● Introduit des mesures favorisant l’exercice effectif de la citoyenneté et l’accès à la vie sociale : accès à tous les types d’activités, tels que les loisirs et la télévision, favorisé par tous les moyens techniques ou les obligations mises à la charge des chaînes de télévision en matière de sous-titrage pour les personnes déficientes auditives ; dispositions prévues pour l’accès aux bureaux de vote et aux conditions de vote ; dispositions permettant aux personnes handicapées de disposer de moyens adaptés en cas d’audiences devant des tribunaux.

● Prévoit l’élaboration d’un plan des métiers du handicap afin de favoriser la complémentarité des interventions et l’articulation des formations, de reconnaître des fonctions émergentes, de procéder à une gestion pré-visionnelle de l’emploi, en tenant compte du rôle des aidants familiaux et des bénévoles.

La mise en œuvre de la loi relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées va donner lieu en 2005 à un intense travail d’élaboration de textes réglementaires, de référentiels et d’outils d’aide à la décision (notamment :

Échéances de mise en œuvre de la loi

Les maisons départementalesLa maison départementale offrira un guichet unique qui dispensera des informations pratiques, exposera à la personne handicapée l’ensemble des droits et prestations auxquels elle peut prétendre, la renseignera sur les démarches à effectuer et l’accompa-gnera dans l’élaboration de son projet de vie. Dès janvier 2006, des mai-sons départementales des personnes handicapées seront ouvertes dans chaque département français.

Les ressourcesPour les personnes handicapées qui ne peuvent travailler, une garantie de ressources de 140 euros par mois intégralement cumulable avec une AAH à taux plein, ce qui assure une ressource de 728 euros, soit 80 % du SMIC. Pour les personnes handi-capées au chômage, une autonomie de 100 euros par mois, pour alléger les frais de logement de ceux qui sont au chômage en raison de leur handicap. Ces deux dispositions de-vraient être rendues effectives dès juillet 2005.

Pour celles qui travaillent, un meilleur cumul de l’AAH et des re-venus du travail. Pour les person-nes en établissement (hospitalier, médico-social, ou pénitentiaire), soit une AAH disponible d’au moins 30 % contrairement à 12 % aujourd’hui.

La prestation de compensationLa prestation de compensation, des-

tinée à compenser les conséquences du handicap, prend la forme d’une aide humaine, technique ou anima-lière, en fonction du projet de vie de la personne handicapée. Il peut s’agir, par exemple, de la prise en charge de l’achat d’un fauteuil ou de l’aménagement du logement, d’une personne pour aider au quotidien la personne handicapée ou encore d’un chien d’assistance.

La prestation de compensation sera effective dès janvier 2006.

AccessibilitéLa loi introduit l’obligation de mise en accessibilité des transports en commun et de l’ensemble des lieux recevant du public, qu’ils soient pu-blics ou privés conformément au principe de « tout pour tous ». Des dérogations peuvent intervenir sur les moyens, jamais sur les objectifs. Par exemple, compte tenu de l’im-possibilité de mise en conformité du métro dans ce délai, des moyens de substitution tels que le bus ou le tram-way devront être fournis. De même, une épicerie de quartier, difficilement transformable du fait de sa petite taille, devra décliner l’ensemble de son offre de produits et services par d’autres canaux tels que la livraison à domicile.

Dix ans est le délai de mise en accessibilité général, mais les trans-ports disposent d’un délai de trois ans seulement pour proposer des moyens de substitution.

ScolaritéTous les enfants devront être ins-crits dans l’école du quartier où ils résident. La loi répond ainsi à une volonté d’intégration des enfants han-dicapés en milieu ordinaire, tout en garantissant le respect des besoins de l’enfant. Aussi, des passerelles seront créées entre l’Éducation na-tionale et le milieu médico-social, afin d’assurer à l’enfant la continuité dans son parcours scolaire.

Dès la rentrée 2005, tous les enfants handicapés seront inscrits à l’école du quartier. Les écoles se prépareront dès le printemps à les accueillir.

« Plan métiers »« Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le gouvernement présentera un plan des métiers, qui aura pour ambition de favoriser la complé-mentarité des interventions médi-cales, sociales, scolaires au béné-fice de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant. Ce plan des métiers répondra à la nécessité des reconnaissances des fonctions émergentes, l’exigence de gestion prévisionnelle des emplois et le souci d’articulation des formations initiales et continues dans les diffé-rents champs d’activités concernés. Il tiendra compte des rôles des aidants familiaux, bénévoles asso-ciatifs et accompagnateurs. » L

Page 24: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

38 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

maisons départementales des personnes handicapées, nouvelle commission des droits et de l’autonomie, instruments d’évaluation du handicap et référentiels d’attribution des nouveaux droits, création de la prestation de compensation, scolarisation des élèves handicapés, réforme du dispositif de rémunération des travailleurs des centres d’aide par le travail et intervention des centres d’aide par le travail en entreprises, accessibilité du cadre bâti).

L’organisation des relations avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sur le champ du handicap et la préparation de la convention d’objectifs s’accompagneront d’une redéfinition des relations avec les services déconcentrés pour la poursuite des pro-grammes pluriannuels de création de places.

Des dispositifs transitoires d’aide aux personnes très lourdement handicapées sont prévus en 2005 dans l’attente de la mise en place effective de la prestation de compensation (aides humaines, aides techniques, aménagement du logement), et permettront d’expéri-menter de nouveaux outils d’évaluation et de définition des besoins.

La rénovation des systèmes d’information des CDES et Cotorep se poursuivra dans la perspective de la mise en place des maisons départementales.

Il conviendra enfin d’entamer assez rapidement la préparation de la réforme de l’allocation d’éducation

spéciale en vue d’une intégration d’ici trois ans des enfants dans le nouveau dispositif de compensation (prestation de compensation) et la préparation de la suppression des barrières d’âge concernant les per-sonnes handicapées âgées.

En effet, l’adoption du projet de loi, qui constitue l’aboutissement de deux années de concertation intense avec les partenaires associatifs, les professionnels, les élus, les financeurs et les principales institutions œuvrant dans le champ du handicap et d’un travail parlemen-taire extrêmement riche, marque aussi le départ d’une nouvelle série de travaux et de consultations qui vont permettre à cette loi d’entrer le plus rapidement possible en application dans toutes ses dimensions. L

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est un

acteur nouveau de la politique en faveur de l’autonomie des personnes âgées et handicapées. Elle a pour rôle de mettre en œuvre la politique de compensation des personnes han-dicapées et de la perte d’autonomie, ainsi que de garantir l’égalité de trai-tement sur tout le territoire.

Missions● Financer la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées à domicile et en établissement ;● Participer à la définition de réfé-rences de base et d’outils permettant d’évaluer les besoins de compen-sation ;● Assurer un rôle d’expertise tech-nique, d’appui et de suivi de l’action des maisons départementales des personnes ;

● Contribuer à l’évaluation des aides techniques et veiller à la qualité des conditions de leur distribution ;● Définir et impulser des actions de recherche dans le domaine de la pré-vention et de la compensation de la perte d’autonomie ;● Assurer une coopération avec les institutions étrangères ayant la même mission.

OrganisationLa CNSA est dotée d’un directeur et d’un conseil qui regroupe tous les acteurs du handicap en France :● les associations,● les conseils généraux,● les organisations syndicales,● l’État,● des experts.Parallèlement un conseil scientifique assiste le conseil et le directeur dans la définition des orientations et la conduite des actions de la caisse.

Un financement qui repose sur la solidarité nationale

BudgetLa Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie intègre chaque année :● la recette engendrée par le don d’un jour férié (1,7 milliard d’euros),● l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) médico-social pour personnes han-dicapées, qui reste voté dans le cadre du PLFSS,● les sommes actuellement desti-nées au fond d’allocation person-nalisée d’autonomie.

La CNSA est chargée de fixer une pro-grammation financière pluriannuelle et de répartir ces crédits de manière équitable sur tout le territoire. L

Page 25: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 39

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

La modernisation des outils et des instances qui concourent à l’évaluation des besoins des per-sonnes handicapées est l’un des points importants

de la réforme de la législation en faveur des personnes handicapées. En effet, l’évaluation et ces outils, que ce soit en termes de référentiels ou d’instances, doivent évoluer en fonction des objectifs poursuivis par une politique rénovée du handicap. Ils sont aussi la repré-sentation des principes et paradigmes qui fondent cette politique, ainsi que le reflet de la conception de la notion de handicap.

Depuis 1975, la façon d’appréhender le concept de handicap a évolué, d’abord avec la Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités désavantages (CIH), qui aborde, en 1980, le handicap à travers trois dimensions qui sont dans une relation quasi linéaire : déficiences, incapacités et désavantages ; puis avec la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) en 2001. En effet, un processus de révision de la CIH a été engagé par l’OMS dès 1993, pour répondre aux critiques formulées à son encontre. Celles-ci portaient notamment sur un abord principalement biomédical, une conception trop statique du handicap et une prise en compte jugée insuffisante du rôle de l’environnement.

La CIF utilise un vocabulaire plus neutre, plus positif (les chapitres portent sur les fonctions organiques, les acti-vités et la participation, les facteurs environnementaux). Elle donne une part plus importante à l’environnement (environnement architectural, personnel, socioculturel…), qui peut se révéler comme facilitateur ou comme un obstacle. L’articulation entre les différents éléments est plus complexe, moins linéaire. La CIF n’a donc pas une approche uniquement centrée sur les déficiences et incapacités du handicap. Si elle permet de repérer les limitations et obstacles, elle permet aussi d’apprécier les ressources et les éléments positifs ou facilitateurs, qui aident à en réduire l’expérience négative.

Les aspirations des personnes handicapées ont, elles aussi, évolué. Il existe une aspiration forte pour une vie en milieu ordinaire qui s’accompagne d’une demande de mesures visant à rétablir l’égalité entre personnes handicapées et personnes valides. C’est ce droit à compensation dont le principe figure déjà dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui est l’un des pivots de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

L’implication des personnes est aussi plus importante, que ce soit pour l’élaboration des politiques spécifiques les concernant, avec la participation à des instances

nationales1 ou départementales2, et la participation aux instances d’évaluation et d’orientation va grandissante3. Elle se traduit aussi par une demande de participation plus active à l’évaluation qui peut être conduite dans ces instances.

Vers une instance uniqueLes dispositifs actuels destinés aux enfants et aux adultes font l’objet de nombreuses critiques, mais ils sont « victimes » de leur succès. En effet, un nombre toujours plus important de personnes a recours aux commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (Cotorep) : en 2003, 758 000 personnes se sont adressées à elles pour 1 580 000 demandes4 de prestations, ce qui représente presque un doublement des demandes tous les dix ans (832 632 demandes de prestations en 1992 et 474 132 en 1981). Cette augmentation existe, mais à une moindre échelle, dans les commissions départementales d’éducation spéciale (CDES) : 150 000 enfants étaient concernés pour l’année scolaire 1989-1990 et 185 000 en 1999-20005.

Concernant les principes qui ont présidé à la mise en place de ces instances, dès leur origine, trois fonctions ont été identifiées : l’une centrale de production de décisions et les deux autres d’appui, concernant d’une part « l’accueil et l’information de l’usager » et d’autre part « l’orientation et l’aide à l’insertion ».

La terminologie retenue pour les instances mises en place par la loi du 30 juin 1975, CDES et Cotorep, ne permet pas d’identifier les différentes composantes qui concourent à leur activité, notamment les équipes techniques pluridisciplinaires et les commissions. Le terme d’évaluation n’apparaît pas en tant que tel, il est question « de recueillir les informations nécessaires pour apprécier les capacités de travail et les besoins en formation et en aides financières ». Cependant, dans les textes réglementaires, le caractère pluridisciplinaire de l’équipe technique a toujours été affirmé, ainsi que l’ap-proche globale, avec la prise en compte des différents aspects notamment médicaux, sociaux psychologiques,

Chantal EraultMédecin inspecteur de santé publique, conseillère technique, sous-direction des personnes handicapées, DGAS

Les instances d’évaluation et leurs outils

1. Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés (CSRPSTH).2. Conseil départemental des personnes handicapées (CDCPH).3. Commissions techniques d’orientation et de reclassement profes-sionnel (Cotorep) pour les adultes et des commissions départementales d’éducation spéciale (CDES) pour les enfants, qui seront remplacées par la Commission des droits et de l’autonomie.4. Source : Études et résultats n° 363, décembre 2004 : « L’activité des Cotorep en 2003 ».5. Source : Études et résultats n° 268, octobre 2003 : « L’activité des CDES et l’allocation d’éducation spéciale ».

Page 26: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

40 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

professionnels, ainsi que les besoins et l’avis de la personne.

Les dispositifs n’ont pas permis de donner toute leur mesure à ces principes, et il en résulte que l’on est, actuellement, plus dans une logique de réponse à une demande ciblée de prestations que dans une logique de plan d’aide.

Par ailleurs, le dispositif est limité au périmètre des prestations pour lequel il est compétent. C’est ainsi que les aspects relatifs aux aides techniques et aux aménagements de logements ne sont pas abordés par les Cotorep et n’ont vu leur prise en compte que récemment avec le développement des sites pour la vie autonome des personnes handicapées (SVA).

Le futur dispositif prend en compte les évolutions sur-venues dans les attentes, les principes et les concepts, et doit permettre de simplifier les démarches des usagers en assurant une fonction de guichet unique, rassemblant dans une seule instance les champs de compétences des actuelles CDES, Cotorep et SVA. Ce dispositif apporte une clarification en identifiant ces différentes compo-santes et en définissant clairement les missions : maison départementale des personnes handicapées, équipe pluridisciplinaire et commission des droits et de l’auto-nomie des personnes handicapées. Il doit permettre, en complément du travail de l’équipe pluridisciplinaire et de la commission, d’assurer l’accueil dans toutes ses dimensions (accueil, conseil, information), ainsi que le suivi et l’accompagnement des personnes handicapées à l’issue des décisions de la commission.

L’évaluation : sa définition et ses outilsLe terme évaluation est fréquemment utilisé pour désigner des opérations pouvant être de nature très différente. Il peut s’agir soit d’une simple mesure, soit d’une analyse en vue de déclencher une action ou d’une analyse ayant pour objet d’apprécier les résultats d’une action6. Ici, l’évaluation est la démarche qui conduit à identifier les besoins de la personne handicapée pour élaborer un plan de compensation. Elle comporte, d’une part, une phase d’observation et de recueil d’informations et, d’autre part, une phase d’analyse et de mise en perspective des informations.

Le mot évaluation recouvre des opérations diverses, des pratiques et des objectifs variés, parfois implicites. Il convient donc, dans un premier temps, de préciser la finalité de cette évaluation.

Dans le cadre des maisons départementales des personnes handicapées et des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, il y a en fait deux objectifs à la fois différents et complé-mentaires :

● Élaborer un plan d’aide et/ou de compensation ;● Fournir les informations nécessaires pour se pro-

noncer sur une ouverture de droits.Dans le premier cas, il s’agit d’avoir une analyse

personnalisée et partagée, avec la personne et entre professionnels, de sa situation et de ses besoins.

Dans le deuxième cas, il s’agit de repérer des critères de recevabilité pour l’attribution des prestations.

Il s’agit de deux étapes d’un processus dont on peut penser que pour être plus opérant et pour plus de lisi-bilité, il doit être doté d’outils différents. C’est d’ailleurs l’une des recommandations du Comité pour l’adaptation des outils d’évaluation de l’autonomie7 qui précise que l’établissement du plan d’aide et l’ouverture du droit à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) doivent s’appuyer sur deux outils différents.

Les outils à disposition des instances sont actuel-lement peu nombreux et tous sont des outils d’aide à la décision pour l’attribution d’une prestation ou la détermination d’un taux d’incapacité.

Il existe un outil commun pour les CDES et Cotorep : le guide barème, uniquement destiné à déterminer le taux d’incapacité. Les critères d’attribution des prestations destinées aux adultes sont définies succinctement par des textes réglementaires.

La CDES dispose d’un guide d’évaluation pour l’at-tribution d’un complément à l’allocation d’éducation spéciale. Par ailleurs, les SVA disposent d’un référentiel fonctionnel d’analyse de la situation de handicap et de prise en compte du besoin de compensation.

Dans le champ des personnes âgées, la grille Aggir est utilisée pour déterminer l’éligibilité à l’APA.

Les perspectives en matière l’évaluation des besoinsLa loi pour l’égalité des droits et des chances, la parti-cipation et la citoyenneté des personnes handicapées accorde une place importante à l’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées et prévoit explicitement d’appuyer cette évaluation sur des réfé-rentiels8. Cette évaluation des besoins se caractérise par le fait d’être :

● personnalisée, associant les intéressés et réalisée sur la base de leur projet de vie ;

● orientée vers l’appréciation des besoins, en prenant en compte le projet de vie de la personne, ses limita-tions fonctionnelles mais aussi ses aptitudes et ses potentialités, les conséquences sociales (restriction de participation) notamment par rapport à l’emploi ainsi que les interactions avec l’environnement (l’entourage…) ;

● conduite par une équipe pluridisciplinaire et s’ap-puyant sur des référentiels ;

● prolongée par l’élaboration d’un plan personnalisé de compensation.

Cependant la notion d’évaluation des besoins est plus complexe qu’elle peut apparaître au premier abord. Il ne semble pas qu’il existe de « besoin absolu » ou de besoin parfaitement objectivable. Il existe notamment des interactions entre l’identification d’un besoin et l’offre existante, avec le risque d’une appréciation différenciée du besoin en fonction de l’existence ou non d’une offre. De plus, des déficiences ou des limitations d’activité identiques peuvent, en fonction du projet de vie de la personne, de ses potentialités et de son environnement, conduire à identifier des besoins différents.

6. Il s’agit alors d’en vérifier la bonne réali-sation, de détecter et

de quantifier les écarts, d’imaginer et de fournir

des indications pour mettre en place des élé-

ments de correction.7. Ce comité scientifique

a été créé à l’occasion de la mise en place de

l’APA ; il est notamment chargé d’effectuer un

bilan de l’utilisation de la grille Aggir (auto-nomie gérontologique

groupe iso-ressources) et d’en proposer des

adaptations. Ce comité a produit un rapport en

janvier 2003.8. Art. L. 146-4 du

CASF : « Une équipe pluridisciplinaire évalue les besoins de compen-

sation de la personne handicapée ou polyhandi-

capée et son incapacité permanente sur la base

de références définies par voie réglementaire et propose un plan person-nalisé de compensation

du handicap… »

Page 27: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 41

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

Il existe en France et à l’étranger des outils d’éva-luation des besoins, s’appuyant aussi sur un modèle social et prenant en compte l’avis de la personne et son environnement. Cependant, si ces outils fournissent des orientations intéressantes, aucun d’eux n’est direc-tement transposable dans le contexte de la mise en place de la nouvelle loi.

La direction générale de l’Action sociale (DGAS) conduit des travaux pour l’élaboration d’un outil d’évaluation multidimensionnelle, destiné à servir de support à la phase d’observation et d’analyse de la situation de la personne handicapée, pour identifier ses besoins de compensation. Elle porte sur des aspects physiques, psychiques, sociaux, professionnels et environnementaux, ainsi que sur les attentes et les projets exprimés par la personne ou son entourage.

Cette évaluation des besoins de compensation ne se limite pas aux seuls aspects relatifs à la prestation de compensation mais porte aussi sur ceux concernant la scolarité, l’insertion professionnelle, les ressources, l’ac-compagnement par des structures médico-sociales…

Cette évaluation doit être globale, c’est-à-dire, aborder les différents aspects et dimensions de la situation d’une personne handicapée. L’analyse de la situation consiste notamment, à partir de la problématique de chaque personne, à repérer les difficultés pour la réalisation d’activités et de rôles sociaux divers. Elle comporte une approche de ses facteurs personnels, de son environnement et des interactions qui existent entre les deux.

Elle nécessite aussi de prendre connaissance et de mettre en cohérence ou de donner du sens aux démarches déjà effectuées par la personne et aux prises en charge et accompagnements dont elle bénéficie.

Ce guide d’évaluation multidimensionnelle est un outil polyvalent qui permet une analyse de la situation de la personne handicapée et de ses besoins quels que soient le type de handicap et/ou la demande.

En effet, les actuelles instances mais aussi les futures maisons départementales des personnes handicapées accueillent et accueilleront un public divers, tant par la nature du handicap qu’il présente que par son âge ou les demandes qu’il peut faire, qui peuvent concerner des prestations relatives à l’insertion sociale (carte d’invalidité, carte de stationnement, allocation com-pensatrice ou prestation de compensation, allocation aux adultes handicapés, orientation vers une structure médico-sociale) mais aussi l’insertion professionnelle (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et orientation professionnelle : formation, travail en milieu protégé…).

Les éléments nécessaires à l’appréciation de chacune des différentes prestations comportent des spécificités ; cependant ils comportent aussi de nombreuses données communes. Il est important d’éviter de réclamer plusieurs fois les mêmes informations lorsque la personne fait une demande portant sur plusieurs prestations.

Cet outil, qui vise à structurer l’évaluation a pour objectif d’améliorer les pratiques et de favoriser leur harmonisation sur tout le territoire. En donnant un langage commun aux différents intervenants, il permet de rassembler les différents professionnels de l’équipe pluridisciplinaire autour de concepts et d’une démarche commune. Il contribue aussi à une clarification de leurs missions, du contenu de leurs métiers et conforte ainsi l’importance du caractère pluridisciplinaire de la démarche. Il tend aussi à éviter la multiplication des évaluations avec des outils différents, à favoriser

Le guide barème pour l’évaluation des déficiences et des incapacités

Le guide barème pour l’évaluation des déficiences et des incapacités

des personnes handicapées, qui figure en annexe au décret n° 93-1216 du 4 novembre 1993, est une méthode d’analyse qui s’appuie sur les con-cepts de la CIH. Si la porte d’entrée se fait par les déficiences, l’analyse porte ensuite sur les incapacités et les conséquences qui en résultent dans la vie quotidienne, sociale, scolaire ou professionnelle de la personne. Cette approche permet d’aborder tous les types de handicap, même lorsqu’ils ne sont pas mentionnés de façon détaillée ou explicite, et de mieux prendre en compte les évolutions thérapeutiques ou les pronostics qui

peuvent intervenir. La notion de taux d’incapacité peut laisser penser qu’il y a un intérêt et une signification à fixer un taux d’incapacité de façon précise, or en fait, il n’y a pas dans le guide barème de graduation linéaire des taux. En effet, pour chaque type de déficiences, il est mentionné 3 ou 4 niveaux, à partir de fourchettes de taux, sans qu’il y ait une conti-nuité des taux entre les différentes fourchettes. En pratique deux seuils sont importants du fait de leur rôle pour l’attribution des différentes pres-tations : les taux d’incapacités de 50 % et 80 %.

● Le taux de 50 % correspond à une entrave de la vie sociale de la

personne, entrave qui peut être com-pensée au prix d’efforts importants ou d’une compensation spécifique. Il permet sous conditions l’accès à l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

● Le taux de 80 % correspond à l’atteinte de l’autonomie individuelle, dès lors que, pour les actes de la vie quotidienne qualifiés d’essentiels, la personne doit être aidée totalement ou partiellement ou surveillée. Il ouvre droit à l’AAH, à la carte d’invalidité et sous conditions à l’allocation com-pensatrice pour tierce personne. La re-cherche de déficiences associées, qui majoreraient ce taux, n’apporte aucun avantage supplémentaire. L

Page 28: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

42 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

ainsi l’articulation et les échanges avec les parte-naires (AFPA, ANPE, réseau CAP Emploi, organismes de sécurité sociale…), ou lorsque des personnes extérieures apportent leur concours à l’évaluation, en raison de leurs compétences particulières ou pour des missions spécifiques. Enfin, il rend possible le recueil d’informations quantitatives et qualitatives sur les caractéristiques des personnes qui s’adressent à la maison départementale des personnes handicapées, ce qui, bien que n’étant qu’un objectif secondaire de l’évaluation, est cependant un point important. En effet de nombreux rapports ont fait le constat de carences importantes dans la connaissance des caractéristiques et des besoins de cette population.

Cette évaluation des besoins doit être réalisée au plus près de la situation de vie réelle de la personne et doit être effectuée si nécessaire à domicile, notamment en ce qui concerne l’évaluation des besoins en aide humaine, aide technique et aménagement du logement.

Le recueil de l’information doit être adapté, en fonction de la problématique de la personne. Il peut comporter des temps individuels (visite médicale, entretien social ou à visée professionnelle, examen par un ergothérapeute, un psychologue…) et des temps collectifs regroupant tout ou partie de l’équipe pluridisciplinaire, pour faire la synthèse et élaborer des propositions mais aussi, si besoin, en cours d’évaluation.

Pour certaines demandes (notamment en ce qui concerne les aides techniques), mais aussi pour des handicaps liés à des déficiences ou limitations d’activité fluctuantes, il peut être nécessaire d’inscrire l’évaluation dans la durée, avec parfois des mises en situation et/ou et d’engager une composante d’accompagnement. C’est notamment dans ces situations que l’équipe pluridis-ciplinaire peut mobiliser les dispositifs spécifiques qui composent son réseau d’experts (unité expérimentale d’évaluation, de ré-entraînement et d’évaluation sociale et/ou professionnelle — UEROS —, dispositifs spéci-fiques pour personnes handicapées psychiques, équipe technique labellisée intervenant dans les SVA, centre de pré-orientation…).

La démarche d’évaluation multidimensionnelle com-porte ainsi plusieurs étapes qui permettent d’aborder les différentes composantes de l’évaluation, jusqu’à l’élaboration du plan personnalisé de compensation et aux propositions pour la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.

Il se dégage un certain consensus sur son contenu qui fait explicitement référence aux concepts développés dans la CIF et qui s’inscrit dans le cadre des recom-mandations issues du Conseil de l’Europe, notamment celles figurant dans la déclaration issue de la deuxième conférence européenne des ministres responsables des politiques d’intégration des personnes handicapées qui s’est tenue à Malaga en 2003.

Cette évaluation multidimensionnelle peut aborder notamment :

● L’expression des souhaits, des attentes et des

projets de la personne handicapée. Il s’agit d’une des composantes du projet de vie,

● Son environnement familial, social et physique (logement, service de proximité…) mais aussi les aides, accompagnements et prises en charge dont la per-sonne bénéficie au moment de l’évaluation. Il s’agit de repérer les éléments facilitateurs ou, au contraire, faisant obstacle,

● Des aspects professionnels (projet professionnel, formation, parcours professionnel…),

● Des aspects médico-psychologiques qui portent notamment sur l’analyse des déficiences, des incapa-cités et des contraintes liées à la mise en œuvre des traitements, soins et autres moyens de compensation de ses déficiences et de ses incapacités.

● Une analyse des aptitudes de la personne à réaliser certaines activités en situation de vie. Cela permet de repérer ses limitations d’activité (incapacités), qui peuvent être en relation avec les différents types de déficiences, mais aussi ses potentiels. De nombreux domaines peuvent ainsi être explorés : locomotion et manipulation ; entretien personnel ; vie domestique et vie courante ; communication ; apprentissage et application des connaissances ; tâches et exigences générales, tâches et exigences relatives au travail ; relations avec autrui. Cette analyse doit notamment permettre de préciser les aides nécessaires pour la réalisation de ces activités.

Le plan personnalisé de compensation est élaboré à partir de l’analyse des différentes composantes de la situation, des attentes et objectifs de la personne, des problèmes rencontrés et des besoins identifiés. Il détermine les interventions et ressources à mettre en œuvre dans le cadre des mesures qui relèvent de la commission, mais il peut, le cas échéant, comporter des préconisations de droit commun. Il peut aussi comporter des précisions sur la nature des interventions, le type de ressources nécessaires, la durée, la fréquence et l’intensité des interventions, ainsi qu’un échéancier pour la révision de la situation.

Une évaluation des besoins au service du projet de vieLe processus d’évaluation des besoins de compen-sation donne une place importante au projet de vie. En cela, la loi s’inscrit dans la ligne des principes déve-loppés au niveau international (Nations unies, Conseil de l’Europe ou Union européenne) qui réaffirment la nécessité de favoriser une pleine participation de la personne handicapée, ce qui requiert l’amélioration de son autonomie, c’est-à-dire qu’elle puisse maîtriser ses propres choix de vie.

L’objet du projet de vie9 de la personne handicapée est en lien direct avec l’objectif de l’évaluation, qui doit déboucher sur l’élaboration d’un plan personnalisé de compensation. Ainsi, si l’accès au droit doit se faire sur la base d’une évaluation approfondie, la réponse aux besoins individuels de la personne doit être élaborée

9. Son contenu est donc d’une nature un

peu différente de celle du projet individualisé, parfois aussi nommé

projet de vie, formalisé dans le cadre de prises

en charge institution-nelles (établissement ou service). Dans ce cas, le projet de vie représente l’engagement des inter-

venants envers la per-sonne prise en charge. Il formalise les moyens

d’intervention à partir de la réalité de chaque per-

sonne et de ses besoins.

Page 29: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 43

Les politiques et actions en faveur des personnes handicapées

selon des modalités définies avec elle, en fonction de ses choix, de ses capacités et de ses aspirations.

Il s’agit alors de favoriser une démarche qui permette à la personne handicapée d’exprimer et/ou d’élaborer des souhaits et de faire œuvre de son libre choix, ce qui ne doit pas donner lieu systématiquement à la réa-lisation d’un document formalisé, ni à un engagement contractuel. Suivant les circonstances, le projet de vie peut se résumer à l’expression de quelques souhaits ou, au contraire, avoir un contenu plus étoffé.

Cette démarche doit être adaptée en fonction de la situation de la personne. L’approche sera individualisée pour tenir compte des capacités de la personne à for-muler des choix. L’expression et la participation de la personne seront recherchées, selon ses possibilités, y compris si elle présente des déficiences mentales ou psychiques. Dans ce cas, un travail sera aussi néces-saire avec la famille et/ou le représentant légal. Elle peut aussi être différenciée, notamment selon qu’il s’agit d’une personne dont le handicap est survenu récemment ou vient de s’aggraver, ou d’une personne dont le handicap plus ancien est stable et qui connaît parfaitement ses besoins.

Le projet de vie ne peut pas se réduire à un document réalisé isolement par la personne handicapée, avant l’évaluation conduite par l’équipe pluridisciplinaire. Ce doit être, dans certains cas, un processus dynamique, conduit avec la personne, pour un cheminement « réaliste » vers des réponses appropriées, qui se construit en tenant compte de ce que la personne perçoit d’elle-même, c’est-à-dire de ses capacités, ses limites, ses aspirations, ses intérêts, mais aussi de son environnement.

Si les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire procèdent à l’évaluation de la situation, ils ont aussi un rôle important d’accompagnement et de conseil personnalisé au cours de cette démarche. Cela peut conduire la personne à envisager des solutions différentes des souhaits qu’elle a initialement exprimés. En effet, l’ensemble de cette démarche d’élaboration du projet de vie, l’évaluation ainsi conçue et, le cas échéant, les essais effectués (en particulier lorsqu’il s’agit d’aides techniques), doit permettre d’offrir un espace de négo-ciation pour la définition des réponses.

De l’évaluation des besoins à l’ouverture de droits : quels outils ?Afin d’harmoniser les pratiques et de garantir une égalité de traitement des usagers, un outil d’éligibilité semble nécessaire pour guider la décision des commissions.

Dans la mesure où certaines dispositions font réfé-rence à un taux d’incapacité (carte d’invalidité, AAH), il paraît difficile de s’abstraire d’un tel outil. Doit-on conserver l’actuel barème ? Faut-il continuer à s’ap-puyer sur un outil d’éligibilité spécifique pour le champ de la compensation du handicap ou doit-on aller vers l’utilisation d’un même outil d’éligibilité par diverses instances (assurance maladie, Commission nationale des accidents médicaux…) ? Cette dernière question

avait déjà été examinée au cours des travaux qui ont conduit à l’élaboration du guide barème. La conception d’un outil commun n’avait pas été possible notamment du fait des objectifs spécifiques à chaque instance.

Le recours à un barème s’appuyant sur un modèle strictement biomédical apparaîtrait comme un retour en arrière. Malgré ses limites et imperfections, l’actuel guide barème est, pour beaucoup, un outil pertinent dans son approche, mais qui cependant doit être rénové.

L’instauration de la prestation de compensation nécessite d’en préciser les critères d’éligibilité. En effet, s’il existe un lien évident entre l’évaluation des besoins et l’accès à la prestation, et si l’outil d’éva-luation multidimensionnelle s’inscrit dans la démarche d’éligibilité, ces outils ne peuvent toutefois pas se superposer. La prestation de compensation ayant vocation à être étendue aux personnes âgées dans un délai de cinq ans, la question du recours à l’outil d’éligibilité utilisé pour l’APA s’est posée. La grille Aggir, si elle a l’avantage de l’antériorité et de la simplicité, n’apparaît pas adaptée à la prestation de compen-sation. En effet, cette grille ne permet pas d’avoir une approche complète des besoins de compensation liés aux divers types de handicaps et elle ne couvre pas tous les aspects auxquels devra répondre la prestation de compensation. Des travaux sont déjà engagés pour un outil d’aide à la décision spécifiquement dédié à la prestation de compensation, mais qui tiendra compte des points positifs des instruments déjà existant en France et à l’étranger.

L’entrée dans le dispositif étant liée à l’existence d’un handicap, l’éligibilité devrait donc s’appuyer à la fois sur des aspects médicaux et sur des critères relatifs aux aptitudes et à l’autonomie.

Pour être opérationnel, un tel outil ne doit pas chercher à être trop fin, mais plutôt s’attacher à ne comporter qu’un nombre limité de critères. L’analyse détaillée de la situation, nécessaire à l’élaboration du plan d’aide, relève de l’évaluation multidimensionnelle globale évoquée précédemment.

Pour répondre aux attentes des personnes handi-capées, il est important que ces nouvelles instances soient composées et dimensionnées en conséquence, mais aussi outillées (référentiels, système d’information, formation…).

La réalisation des outils d’évaluation est un chantier considérable, qui doit être poursuivi. En effet, si des travaux ont déjà été engagés, leur aboutissement nécessite que les objectifs et le périmètre de ce que l’on souhaite aborder ou mesurer aient été précisément définis. L’adoption de la loi marque une première étape de clarification. Toutefois, la poursuite des travaux ne peut être envisagée concrètement qu’en interaction avec l’élaboration des décrets d’application.

La rigueur méthodologique qui doit présider à la struc-turation du dispositif d’évaluation et de ses outils doit aussi permettre de conserver, dans la conduite de l’éva-luation, une part de pragmatisme, d’humanité. L

Page 30: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

44 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Un des axes majeurs de la politique en faveur des personnes handicapées porte sur l’intégration en milieu ordinaire. Ainsi tout enfant, si son état de santé le permet, devra être en priorité inscrit dans l’école de quartier où il réside. Afin de veiller à la non-discrimination à l’embauche, mesures incitatives et sanctions sont accrues.

Le titre choisi pour cet article invite à questionner les modalités, successivement privilégiées en France, pour penser l’éducation de jeunes présentant (ou

censés présenter) une déficience, une maladie invali-dante, un handicap. Cette question émerge à la fin du XIXe siècle, d’abord en termes de débat sur leur « éduca-bilité », à l’instigation de personnalités, souvent issues ou proches du monde médical. On pense notamment à Bourneville, médecin chef de l’hospice de Bicêtre, créateur en 1882 de la Fondation Vallée, première véritable section d’asile pour l’accueil des enfants idiots. Sa démarche est portée par la conviction que ces enfants sont édu-cables, même si l’on ne peut espérer les guérir.

Une tradition d’éducation « spéciale » : éduquer séparément les élèves différentsPour Philippe Raynaud1, cette conviction de la possibilité d’éduquer et de soigner est à l’origine de la naissance de la psychiatrie comme de l’éducation spécialisée.

« Les traits essentiels de l’éducation spécialisée appa-raissent donc dès ses origines : elle repose sur la combi-

naison de la ségrégation (comme moyen de protection et création de nouvelles situations d’apprentissage) et de l’intégration (comme but final de l’éducation) ; elle vise la totalité de la personne, même si elle admet une relative autonomie des différents apprentissages. »

Dans notre pays, l’ouverture d’un espace pour l’édu-cation spéciale au sein de l’école s’effectue grâce au vote de la loi du 15 avril 1909 qui autorise la création de classes et écoles autonomes de perfectionnement au bénéfice des enfants arriérés et instables, appelés encore « anormaux d’école » par opposition aux « anormaux d’asile ».

La croyance en la vertu du « traitement à part » pour les élèves qui ne parviennent pas à s’inscrire dans la « norme scolaire » constitue la pierre angulaire du système qui se construit au fil des années.

À cet égard, le modèle est en place dès 19092, même s’il se généralise seulement trente-cinq ans plus tard (entre 1945 et 1970) : la réponse que suggère la loi du 15 avril 1909 repose sur un a priori qui sera longtemps partagé (et qui est encore revendiqué par certains acteurs

1. Philippe Raynaud, « L’éducation spécialisée », in Encyclopaedia Universalis, Vol. « Mise à jour 1984 » (p. 219-222)

Marie-Claude Courteix

Chef de la mission de l’adaptation

et de l’intégration scolaire, ministère

de l’Éducation nationale

La place des personnes handicapées dans la société

Intégration scolaire et éducation spéciale

2. Cf. Vial Monqiue, Les enfants anormaux à l’école. Aux origines de l’éducation spécialisée 1882–1909, A. Colin 1990.

Page 31: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 45

La place des personnes handicapées dans la société

aujourd’hui même) : pour bien éduquer les élèves qui ont des besoins « spéciaux », il faut des maîtres ayant une formation « spéciale » exerçant dans des classes et des établissements « spéciaux, séparés de l’école commune »3.

Cette conviction largement partagée traverse toute l’élaboration des réponses apportées tant à la diffi-culté scolaire qu’à la déficience sensorielle, motrice ou intellectuelle, ou encore à la maladie mentale ou somatique, pendant presque trois quarts de siècle. Ce type de réponse n’est d’ailleurs pas propre à la France, mais commun à bien des systèmes éducatifs, du moins jusqu’au milieu des années soixante-dix. Certaines ten-dances sont cependant particulièrement marquées en France : d’une part, l’assimilation fréquente et abusive de la difficulté scolaire à une « déficience intellectuelle légère », d’autre part, le poids très important du médical dans l’approche des processus « d’échec scolaire » et qui va contribuer à légitimer la délégation de l’éducation des enfants présumés déficients ou handicapés à des établissements médico-éducatifs, placés sous la tutelle du ministère en charge des Affaires sociales et financés par les crédits de l’assurance maladie (ce qui constitue véritablement une spécificité française).

C’est aussi cette tradition qui rend compte, au moins pour partie, de la faible ambition scolaire pour ces élèves qui se traduit notamment par le fait que seuls des postes d’enseignants du premier degré seront dits « spécialisés », et surtout que seuls des enseignants du premier degré auront la possibilité de recevoir une formation validée par une certification pour exercer auprès de ces élèves, et cela jusqu’à la rentrée 2004.

Cette tradition a retardé l’émergence d’une approche « compensatrice » visant à répondre aux besoins pour favoriser le développement des potentialités.

Néanmoins, et s’agissant au moins des principes d’action, un tournant essentiel s’effectue au cours de l’année 1975. Cette même année, sont votées deux lois. La première est bien sûr la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Elle affirme leur droit à accéder aux institutions ouvertes à tous et à se maintenir dans un cadre ordinaire de travail et de vie. L’autre, du 11 juillet 1975, connue sous le nom de loi Haby, organise le système éducatif dans la forme qu’on lui connaît aujourd’hui et entend mettre un terme à l’existence des filières, notamment en posant le principe du « collège unique ». Elle ne modifiera pas cependant sensiblement la situation des jeunes han-dicapés, préférentiellement orientés vers des filières ou des établissements spécialisés.

Ainsi, même après le vote de la loi du 30 juin 1975, l’accès à l’institution scolaire demeure fragile et aléatoire pour de nombreux élèves en situation de handicap. Le contexte institutionnel ne change guère jusqu’au début

des années quatre-vingt-dix. Lorsque l’on analyse les résistances ou les obstacles rencontrés, on constate que demeurent prédominantes les convictions selon lesquelles handicap est synonyme de déficience, donc de difficultés scolaires, justifiant protection au sein de l’institution spécialisée et scolarisation séparée.

Proposer, dans l’école de tous, des réponses aux élèves présentant un handicapOn ne peut cependant méconnaître les évolutions sen-sibles qui se sont fait jour depuis le début des années quatre-vingt-dix, dynamisées plus récemment par la mise en place du plan Handiscol (à partir de 1999), et qui se traduisent par l’accroissement rapide du nombre d’élèves intégrés.

Dans la période qui suit l’entrée en vigueur de la loi relative à l’éducation du 10 juillet 1989, un ensemble d’éléments a concouru à favoriser les démarches de scolarisation en milieu ordinaire d’élèves en situation de handicap.

Ce sont en premier lieu dans les principes organisa-teurs de la loi que se trouvent au moins deux des élé-ments particulièrement propices à ces démarches :

● d’une part, la conviction que la diversité des élèves est la réalité première de toute classe et que la recherche du « groupe homogène » est vaine ;

● d’autre part, l’affirmation selon laquelle les réponses pédagogiques — même les plus individualisées — à la diversité des besoins des élèves ne peuvent trouver leur efficacité que dans une concertation collective des acteurs au sein de l’école ou de l’établissement scolaire.

En outre, dans le même temps la rénovation des textes réglementant l’organisation et le fonctionnement des éta-blissements et services médico-éducatifs (annexes XXIV au décret du 9 mars 1956) va permettre le dévelop-pement des services de soutien à l’intégration scolaire et dynamiser largement les démarches.

Mais c’est essentiellement à partir de 1999, grâce à la mise en œuvre du plan Handiscol — en réponse aux défaillances constatées dans le rapport conjoint remis par les Inspections générales de l’Éducation nationale et des Affaires sociales (IGEN-Igas) d’avril 1999 — que le processus de scolarisation en milieu ordinaire va s’accélérer dans le cadre d’une intense coopération entre les deux ministères directement concernés et qui se traduit notamment par la publication conjointe d’un certain nombre d’orientations communes aux ministères en charge de l’Éducation nationale et de l’Action sociale.

Ainsi, et en cohérence avec ces principes, les textes publiés en avril 20024 assignent aux dispositifs d’adap-tation d’une part, d’intégration d’autre part, la fonction de ressources, différentes mais complémentaires, tendant à assurer une plus grande différenciation des réponses

4. Circulaires n° 2002-111, Adaptation et intégration scolaires : des ressources au service d’une scolarité réussie, et n° 2002-113, Les dispositifs de l’AIS dans le premier degré, du 30 avril 2002.

3. Cf. Mège-Courteix Marie-Claude, Des aides spécialisées au bénéfice des élèves. Une mission de service public. ESF éditeur coll. Actions sociales/Société, 1999.

Page 32: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

46 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

pédagogiques aux besoins des élèves, ces dispositifs ne constituant d’ailleurs qu’une partie des ressources disponibles.

Dans cette perspective, les dispositifs collectifs d’in-tégration scolaire, classes d’intégration scolaire (CLIS) ou unités pédagogiques d’intégration (UPI), n’ont d’autre vocation que de favoriser la construction de parcours de scolarisation pour des élèves ayant des besoins éducatifs relativement proches et qui peuvent, à certains moments, ne pas trouver toutes les réponses qui leur sont utiles dans le cadre d’une intégration individuelle dans une classe.

En effet, ce qui caractérise les élèves handicapés, c’est qu’ils vont avoir besoin durablement non seulement d’adaptations des situations pédagogiques, mais aussi d’accompagnements d’une autre nature (éducatifs, rééducatifs, thérapeutiques). Il faut répondre à ces différents besoins de telle sorte que la multiplicité des aides concourt à un objectif commun : développer les compétences des élèves, leur permettre de réaliser tous les apprentissages sociaux et scolaires dont ils sont capables en assurant leur maintien dans toute la mesure du possible dans l’école commune. C’est à cette condition qu’il est possible de réduire les incapa-cités et les désavantages qui aggravent la « situation de handicap ».

Au cours de ces dernières années, le nombre d’entre eux qui ont pu poursuivre une scolarisation en milieu ordinaire s’est considérablement accru et s’est même accru très rapidement. En 1999, dans le rapport précité, les inspecteurs généraux de l’Éducation nationale et des Affaires sociales évaluaient à un sur trois le nombre de ces élèves qui étaient accueillis dans les établis-sements scolaires. L’enquête conduite à l’occasion du rapport Lachaud5, relatif à la scolarisation des jeunes handicapés, confirme d’autres analyses et permet de dire qu’en quatre ans, le nombre d’élèves handicapés scolarisés s’est accru sensiblement et représente main-tenant environ un sur deux.

Une note d’information commune6 publiée par les directions statistiques des deux ministères a permis de dresser un état des lieux très complet des données disponibles en ce domaine.

D’autres éléments attestent de la réalité de cette dynamique. C’est ainsi qu’entre 2002 et 2004, le nombre d’élèves handicapés scolarisés à temps plein dans le second degré est passé de 20 587 à 27 603, et scola-risés à temps partiel de 1 666 à 2 479.

Au cours de l’année 2002-2003, 7 650 étudiants poursuivaient leurs études, soit à l’université, soit dans des classes post-baccalauréat. Même si ce nombre reste modeste, on note cependant une augmentation de 54,7 % en cinq ans.

Répondre aux besoins éducatifs particuliers de certains élèvesPour dépasser les difficultés qui demeurent, il est utile de mobiliser dans ce qu’elle a de plus fécond la notion

de « besoins éducatifs particuliers », dont l’usage s’est beaucoup développé en Europe et qui — au demeurant — ne concerne pas seulement les élèves handicapés. Mais, appliquée à ces élèves, elle conduit à s’inter-roger sur les moyens qui doivent être mobilisés pour répondre à leurs besoins et assurer la continuité de leur parcours de formation. Or les réponses efficaces sont précisément celles qui conjuguent aides à l’élève et aménagement de l’environnement.

C’est ainsi que les mesures récentes ont permis d’offrir aux élèves de nouvelles formes d’aides com-pensant les restrictions d’autonomie, caractéristiques de la situation de handicap :

● En assurant le financement depuis 2001 d’aides techniques : des matériels pédagogiques adaptés peuvent faire l’objet d’un prêt individuel aux élèves sur décision de la CDES (8 millions d’euros en 2001 et 15 millions en 2002, plus de 16 millions en 2003). Cette mesure est désormais consolidée en loi de finances 2004 à hauteur de 23 millions d’euros.

● En assurant, depuis la rentrée 2003, le financement d’assistants d’éducation pour assurer les fonctions d’auxiliaires de vie scolaire (AVS). À partir de la rentrée 2003 et en assurant progressivement la transition avec le dispositif emplois-jeunes qui avait permis l’ex-périmentation, ce sont plus de 6 000 emplois gérés et rémunérés par l’Éducation nationale qui sont destinés à ces fonctions.

Cependant, il faut aussi rendre l’établissement sco-laire plus accessible et, pour ce faire, il est nécessaire de diversifier les réponses pour rendre possibles des parcours.

L’accroissement de la scolarisation des élèves han-dicapés et leur accès de plus en plus fréquent aux établissements du second degré rendent beaucoup plus perceptible l’anticipation indispensable pour concilier au mieux la demande d’une scolarisation de proximité et l’exigence de technicité et de qualité des réponses.

Les dispositifs d’intégration collective appropriés aux besoins communs d’un groupe d’élèves et bénéficiant des appuis techniques nécessaires ne peuvent être disponibles dans tous les établissements scolaires. Le choix de l’implantation de nouvelles UPI, dont la création7 a été annoncée en janvier 2003, implique une réflexion préalable et concertée avec les partenaires indispensables que sont les collectivités locales et l’administration des Affaires sociales.

Dans l’ensemble des réponses à proposer pour assurer la continuité des parcours, les établissements et services médico-éducatifs ont évidemment toute leur place, qu’il s’agisse d’assurer, notamment en appui aux dispositifs collectifs, les accompagnements indispensables à l’élève au sein de l’école ou de l’établissement scolaire ou d’offrir une solution plus globale lorsque, provisoirement ou plus durablement, la scolarisation en milieu ordinaire s’avère peu appropriée aux besoins de l’enfant et de l’adolescent.

Cette possibilité d’assurer des transitions plus souples

5. Rapport remis en septembre 2003, à sa

demande, au ministre de l’Éducation nationale, par

Yvan Lachaud, député du Gard.

6. Note d’information 03-11 (février) de la

Direction de l’éva-luation et de la pros-pective (MENESR) et n° 216 janvier 2003 de la Direction de la

recherche, des études, de l’évaluation et des

statistiques (MSPS-METCS).

7. Création prévue de 1 000 UPI supplé-

mentaires entre 2003 et 2007

Page 33: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 47

La place des personnes handicapées dans la société

et plus faciles, voire de véritables passerelles entre établissements scolaires, établissements sanitaires ou médico-sociaux est l’une des conditions de réalisation de parcours plus fluides, tenant compte de l’évolution des besoins des jeunes, tout comme l’accompagnement par une assistance pédagogique à domicile de jeunes dont la scolarité est provisoirement interrompue en prévoyant, dans certains cas, le recours à des modalités d’enseignement à distance.

Tout cela suppose une forte concertation de l’ensemble des partenaires locaux. Les contraintes géographiques tout comme l’équipement existant sont très différents selon les lieux. Le taux de prévalence varie sensiblement selon les déficiences. Leurs conséquences sur les appren-tissages scolaires, selon l’âge, la gravité des atteintes ou le moment de la scolarité, sont diverses. Enfin, sur le versant proprement scolaire, la poursuite de la scolarité dans le second degré, notamment en lycée, avec la con-trainte supplémentaire qu’induit le choix des langues, des options, des sections, est génératrice de nouvelles complexités et laisse peu de place à l’improvisation.

Répondre à des besoins d’ordres différents et les organiser en un projet individualisé cohérentCe point est sans doute l’un de ceux sur lesquels on a le plus progressé sans toutefois parvenir toujours à préciser, au sein de ce projet, le programme pédagogique person-nalisé qui permet d’identifier les objectifs d’apprentissage attendus. Mais il ne suffit pas de concevoir ce programme, encore faut-il donner à l’enseignant les moyens de le mettre en œuvre au sein du groupe classe.

Certes les aides techniques (de type matériels péda-gogiques adaptés) ou les aides humaines (auxiliaires de vie scolaire) constituent autant d’éléments de compen-sation qui concourent à une facilitation de la scolarité. Elles ne peuvent cependant se substituer aux réponses proprement pédagogiques ; il ne suffit pas de doter un élève d’un ordinateur à usage individuel pour que cela constitue « en soi » une facilitation.

Quant aux aides humaines, elles peuvent de manière plus subtile réintroduire, si l’on n’y prend garde, une autre forme de traitement à part, au sein même de la classe.

Accroître la compétence des enseignants dans la perspective de la scolarisation des élèves handicapés, c’est d’abord leur donner tout simplement les moyens d’une différenciation pédagogique effective au sein même de la classe et utile pour tous les élèves.

Prendre en charge la diversité des besoins des élèves mobilise nécessairement une organisation des réponses conçue en commun par l’équipe éducative et qui inclut les personnels enseignants et non enseignants de l’Éducation nationale, mais aussi les intervenants extérieurs apportant des soins et des rééducations. Cette organisation ne peut être spontanée, elle ne peut être que voulue et organisée dans le cadre du projet collectif de l’école ou de l’établissement. La qualité et l’efficacité de l’aide individualisée sont absolument liées

à l’organisation du cadre pédagogique, dans la classe et dans l’école ou l’établissement scolaire.

Ces deux registres de l’action, on le perçoit, sont marqués par une tension entre la dimension indivi-duelle et la dimension collective des projets : il ne peut y avoir de réponse adaptée qu’en recherchant la conciliation optimale entre l’individualité des besoins (projet individualisé de l’élève) et la réponse sociale qui lui est fournie dans le cadre du projet collectif de la classe et de l’école. Ce constat fait d’ailleurs justice d’une opposition qui ne pourrait être que stérile entre une aide pensée de façon individualisée pour répondre aux besoins d’un élève et une réflexion sur l’environ-nement, l’organisation réfléchie du milieu scolaire qui rend possible la mise en œuvre de l’aide.

Assurer une meilleure qualité des réponses pédagogiques en diversifiant les modalités d’accès à la formation spécialiséeIl n’est pas possible d’espérer donner en formation initiale des enseignants, ni même en formation initiale spécialisée, l’ensemble des compétences nécessaires à l’exercice du métier, compte tenu de la diversité de ses formes et de l’évolution des pratiques.

C’est ce qui a motivé la rénovation de la formation spécialisée des enseignants du premier degré et la mise en œuvre de modalités propres aux enseignants des collèges et lycées.

À l’issue de la formation de base, des modules complémentaires sont proposés afin d’accompagner la pratique des enseignants spécialisés qui peuvent exercer auprès des élèves dans différents contextes. Ces modules permettent également de proposer des temps de formation à des enseignants qui accueillent, individuellement, dans leur classe des élèves exigeant des aménagements de situations pédagogiques.

En forme de conclusionDans le cadre nouveau proposé par la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la notion d’éducation spé-ciale a été supprimée. Il s’agit par là même de signifier qu’il y a un droit imprescriptible à l’éducation pour tous et — en outre — une exigence pour les jeunes handi-capés : adapter les situations ou les conditions de cette éducation pour accroître l’égalité des chances.

C’est à ce changement nécessaire de perspectives que nous invite le législateur. C’est donc sur l’amé-lioration de la continuité des parcours de formation, adaptés aux possibilités et aux compétences de chacun en vue, selon les cas, d’un accès à l’université, d’une formation, d’une insertion sociale et/ou professionnelle, que doivent aujourd’hui porter les efforts de tous les partenaires. Telle est la tâche qui s’impose à l’école, mais que l’école ne réalisera pas seule tant il est vrai que, pour répondre aux besoins éducatifs particuliers des élèves handicapés, la coopération de l’ensemble des professionnels du secteur est indispensable. L

Page 34: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

48 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

L e début de l’année 2005 a été marqué par l’adoption de la loi 2005-102 du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la parti-

cipation et la citoyenneté des personnes handicapées. Comme cela était le cas pour la loi d’orientation du 30 juin 1975, cette nouvelle loi a des incidences déter-minantes sur le dispositif français d’aide aux personnes handicapées en matière d’emploi. Elle a aussi, bien entendu, des incidences sur la plupart des domaines de la vie des personnes handicapées, notamment par la prestation compensation et l’effort sans précédent sur l’accessibilité, mais seules les conséquences que pourra avoir cette révision sur leur emploi seront ici abordées.

Jusqu’ici, trois textes légaux, repris dans différents codes ou autres lois, servaient de référence pour l’emploi des personnes handicapées :

● la loi 75-534 d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées (processus d’orientation professionnelle, fonctionnement du travail protégé, et garantie de ressources) ;

● la loi 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés (pour l’obligation d’emploi dans les secteurs privés et publics) ;

● la loi 90-602 du 12 juillet 1990 relative à la pro-tection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap.

Compte tenu des imbrications précédentes entre la loi d’orientation de 1975 et la loi sur l’emploi des personnes handicapées du 10 juillet 1987, il était impensable de revoir la première sans que cela ait des incidences importantes sur la seconde, et encore moins de laisser cette dernière en l’état tandis que l’on irriguait la seconde des dernières avancées conceptuelles. En conséquence, la révision touchera les deux législations. De même quelques précisions seront données sur l’application des principes de non-discrimination servant de référence européenne depuis 1997.

Seront successivement abordés, pour chacun des domaines concernant l’emploi des personnes handi-capées, un rappel de la situation antérieure, puis les changements prévus par la nouvelle loi.

La reconnaissance préalable des besoins d’aide et l’orientationLa loi d’orientation de 1975 avait institué, au niveau départemental, un guichet unique, la Cotorep1, pour traiter la situation de tous les adultes handicapés en âge de travailler. La commission disposait, jusqu’en 2002, d’une première section concernant l’emploi et d’une seconde section, chargée de calculer le taux d’in-

validité, et d’attribuer cartes d’invalidité et/ou allocations. La Cotorep pouvait également adopter une formation spécialisée pour la fonction publique, formation qui disparaîtra progressivement après 2001.

La première responsabilité de la première section était de reconnaître la qualité de travailleur handicapé (RQTH) à ceux qui faisaient une demande d’aide dans le domaine de l’emploi. Deux types de refus pouvaient être opposés : l’un stipulant que la personne ne semblait pas suffisamment handicapée ; l’autre reconnaissant le handicap trop important pour espérer une vie profession-nelle. La RQTH (250 000 reconnaissances effectives en 2003 sur 300 000 demandes) se fait alors sous forme de trois catégories permettant d’envisager une intensité différente des aides en fonction de la gravité et de la durée du handicap constaté : A (léger ou temporaire : 19 % des attributions) ; B (modéré et durable : 54 %) ; C (grave et définitif : 27 %).

Une fois la reconnaissance obtenue, la même section de la Cotorep pouvait prendre une décision d’orientation entre trois grandes options : l’orientation vers le milieu ordinaire avec ou sans aide spécifique ; l’orientation vers la formation ; l’orientation vers un établissement de travail protégé. En 2003, sur environ 200 000 demandes d’orientation professionnelle, 78 % ont abouti à des décisions effectives, dont plus de la moitié (53 %) d’orientation vers le milieu ordinaire de travail, 34 % vers le milieu protégé et 13 % vers la formation. L’orien-tation vers le travail protégé concernait soit un atelier protégé (20 % en 2003) ou un centre de distribution de travail à domicile (CDTD, très rares) pour ceux qui avaient au moins 30 % de la capacité d’un travailleur ordinaire, soit un centre d’aide par le travail (CAT) pour les autres (73 %), quelques cas d’emplois protégés au sein d’entreprises pouvant s’ajouter.

Les nouvelles commissionsLa nouvelle loi transforme profondément le dispositif d’évaluation des besoins, d’attribution des prestations et d’orientation. Les décisions seront dorénavant prises dans des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées qui prennent leur place dans les maisons départementales des personnes handicapées, chargées de constituer le guichet unique de toutes les prestations, mais aussi un lieu unique d’accueil, d’information, d’accompagnement et de conseil des personnes handicapées. La commission s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire qui rassemblera, à quelque chose près, celles de la CDES et celle de la Cotorep, auxquelles s’ajouteront certainement tout ou partie du personnel des Services pour la vie autonome (SVA).

1. Elle est composée de 26 membres dont

un président, à voix prépondérante en cas

de partage, qui est, en alternance le directeur

départemental des Affaires sanitaires et

sociales (Ddass) ou le directeur départemental

du Travail, de l’Emploi et de la Formation pro-fessionnelle (DDTEFP).

Elle est également dotée d’un secrétariat unique d’une équipe technique

désormais unifiée (aupa-ravant une pour chaque

section).

Dominique VelcheChargé de recherche,

CTNERHI

L’emploi des personnes handicapées

Page 35: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 49

La place des personnes handicapées dans la société

L’effet concret des apports de ce regroupement ne peut, bien évidemment, pas être anticipé car cela dépendra des moyens disponibles.

L’emploi dans les établissements industriels et commerciauxLa loi d’orientation de 1975 prévoyait l’insertion pro-fessionnelle en milieu ordinaire, mais c’est surtout la loi du 10 juillet 1987 qui précisera les modalités visant à améliorer la situation des personnes handicapées. Les bénéficiaires n’en sont plus les seuls travailleurs handicapés reconnus par les Cotorep, mais aussi les titulaires d’une rente d’accident du travail (IPP d’au moins 10 %), une partie des pensionnés d’invalidité (ayant une réduction de leur capacité de travail ou de gain d’au moins deux tiers) et les titulaires d’une pension militaire d’invalidité et assimilés2.

En 1987, la loi passe d’une obligation de procédure (loi antérieure de 19573), où les employeurs n’avaient qu’à signaler aux services publics de la main-d’œuvre des emplois pouvant être proposés à des travailleurs invalides, à une obligation de résultats où ce qui va compter est l’emploi effectif de personnes handicapées. Le taux d’emploi requis est de 6 % dans les établisse-ments de 20 salariés et plus. La loi exclut de l’assiette d’assujettissement un certain nombre de catégories d’emploi exigeant des conditions d’aptitudes particu-lières. Enfin, l’obligation d’emploi dans les entreprises ne se calcule pas par personne mais par unité bénéficiaire, pondération accentuée en 1992.

Le maintien de l’obligationBien en amont du lancement de ce chantier de révision de la loi de 1975, la question a été largement débattue de savoir s’il fallait abandonner l’obligation d’emploi de 1987 pour renforcer plutôt un dispositif juridique autour de la non-discrimination et de l’égalité des chances, rompant ainsi avec l’assistance pour se tourner réso-lument vers la question des droits. Les représentants des employeurs français semblaient plutôt favorables4, mais non véritablement partisans d’une telle solution, ne sachant pas bien à quelles autres contraintes cela pouvait les mener. Quant aux associations de personnes handicapées, à quelques exceptions près, elles faisaient valoir que les critiques adressées jusqu’ici à la loi de 1987 appelaient seulement quelques corrections, et que le remplacement de l’obligation d’emploi par la non-discrimination dans un fonds culturel français où le recours aux tribunaux n’est accepté qu’en dernière instance, aurait des conséquences désastreuses sur l’emploi effectif des personnes qu’elles représentaient. Un accord tacite se fit rapidement sur la nécessité de garder l’architecture générale de la loi de 1987 et d’apporter les corrections nécessaires à ce qui semblait ne pas avoir fonctionné correctement dans la loi. Il n’a pas été question de changer le niveau du quota : il restera à 6 % pour chaque établissement industriel ou commercial de 20 salariés et plus.

Le nouveau texte ajoute cependant deux catégories de personnes handicapées aux neuf catégories de bénéficiaires de la loi de 1987 : les titulaires de la carte d’invalidité et les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH)5. On notera que les nouveaux arrivants ont un degré élevé de handicap (80 % d’invalidité6), et que cette possibilité leur évite un passage par la RQTH qui allongerait le délai avant que la personne puisse bénéficier de l’obligation d’emploi.

Quelques changements dans la façon de compter les bénéficiairesJusqu’ici, la loi permettait de pondérer le nombre d’unités en fonction du handicap, reprenant différentes difficultés d’insertion de la personne liées à la sévérité des incapa-cités, l’âge ou le parcours antérieur. Dans certains cas, une même personne pouvait compter jusqu’à 5 unités bénéficiaires et demie.

La méthode de calcul du respect de l’obligation est profondément transformée. La pondération apparaissait choquante aux associations de personnes handicapées, qui y voyaient une façon d’éviter, à bon compte, d’em-ployer un nombre plus important de personnes handi-capées réelles. Elles firent tout pour que ce système soit abandonné, et il le fut. Désormais, les entreprises assujetties compteront une unité bénéficiaire pour chaque travailleur handicapé plein temps, quels que soient la sévérité de son handicap, son âge, son parcours. On peut se demander si les personnes les plus difficiles à insérer (selon les différentes analyses qui avaient amené à imaginer cette pondération) ne pâtiront pas de ce changement.

Le maintien des alternatives à l’emploi directLui aussi très largement débattu, le principe d’alter-natives à l’emploi direct a été maintenu. Il s’agissait en effet de faire en sorte que les entreprises qui ne parvenaient pas, quelle qu’en fût la raison, à employer leur quota de travailleurs handicapés puissent, par d’autres voies, participer à l’emploi des personnes handicapées. Ainsi, les entreprises peuvent toujours s’acquitter de leur obligation en totalité en appliquant un accord d’établissement, d’entreprise ou de branche, et depuis cette loi de 2005, de groupe7. Elles peuvent aussi toujours s’acquitter d’au plus la moitié de leur obligation d’emploi (soit l’équivalent de 3 % de leurs

2. Jusqu’en 2005, neuf catégories de bénéficiaires de l’obli-gation d’emploi dans les entreprises étaient listées : 1. Personnes reconnues travailleurs handicapés par la Cotorep (et désormais la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) ; 2. Titulaires de rentes d’accidents du travail ou de maladies pro-fessionnelles ayant au moins 10 % d’incapacité partielle permanente (IPP) ; 3. Titulaires d’une pension d’invalidité pour au moins 2 ∕3 de réduction de la capacité de travail ou de gain ; 4. Titulaires de pensions militaires d’invalidité ; 5. Veuves de guerre non remariées ; 6. Orphelins de guerre ; 7. Veuves de guerre remariées avec enfant ; 8. Femmes d’internés pour aliénation mentale pour fait de guerre ; 9. Titulaires de rentes d’invalidité des sapeurs pompiers.3. Loi 57-1223, du 23 novembre 1957, sur le reclassement profes-sionnel des travailleurs handicapés.4. Audition de M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics, Domi-nique Tellier, directeur des relations sociales, et Mme Catherine Martin, directrice de l’emploi, du Mouvement des entre-prises de France (Medef) devant la commission du Sénat, mercredi 10 avril 2002, Compte rendu des auditions publiques sur la politique en faveur des personnes handicapées.5. Notons par ailleurs que de nombreuses mesures prises par la nouvelle loi excluent de fait les catégories 5 à 8, qui ne concernent pas directement des per-sonnes handicapées.6. Sauf pour les titulaires d’AAH au titre de l’ar-ticle 821-2 du Code de l’action sociale et des familles.

7. Négocié entre partenaires sociaux et agréé par les services du ministère du Travail, qui doit impérativement prévoir, pour une durée d’un à trois ans, en plus d’un plan d’embauche (pour réduire l’écart au quota de 6 %), au moins deux types d’action parmi trois possi-bilités en direction des personnes handicapées : 1. insertion et formation ; 2. adaptation aux nouvelles technologies ; 3. maintien dans l’emploi en cas de licenciements. Ces accords, qui trouvent trop peu d’échos chez les employeurs, on n’en comptait que 53 en 2004 (Agefiph, 2004 ; chiffres clés disponibles en novembre 2004), peut-être par méconnaissance de ce qu’ils permettent, ont pourtant l’intérêt de mettre la question du handicap au cœur des négociations entre partenaires sociaux au lieu de l’abandonner à la routine d’une déclaration faite par le responsable des ressources humaines.

Page 36: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

50 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

effectifs) en passant des contrats de fourniture de sous-traitance ou de prestation avec des établissements de travail protégé8. La possibilité (pour 2 %) offerte par l’accueil de personnes handicapées en stage de formation professionnelle a été également conservée. Enfin, beaucoup plus contestée, à la fois par les asso-ciations de personnes handicapées et par les analystes politiques, la possibilité de se dégager de la totalité de son obligation en versant une « contribution volontaire » à l’Agefiph est, elle aussi, maintenue. Cette contribution qui se calculait en heures de Smic par bénéficiaire manquant, modulée selon la taille de l’établissement : 300 pour des effectifs de 20 à 199 salariés, 400 pour 200 à 749 salariés, et 500 au-delà. Son maximum est porté désormais à 600.

Compte tenu de la difficulté que rencontrent la majorité des entreprises pour atteindre leur quota, les sommes récoltées sont importantes : 388 millions d’euros pour près de 50 000 établissements contribuant (soit 52 % des établissements assujettis). Ces sommes, et c’est véritablement l’esprit de cette loi, servent à financer des actions visant à favoriser l’insertion en milieu ordi-naire. Peuvent présenter des demandes à la fois les entreprises qui désirent se lancer dans ce type de politique (par exemple, en demandant des audits, par des actions de sensibilisation de leur personnel, de la formation de travailleurs handicapés ou des aménage-ments de postes), même si elles n’ont aucun travailleur handicapé, les services concourant à l’insertion ou les personnes handicapées elles-mêmes ayant besoin d’une aide spécifique non prévue par les textes, de bilans de compétences ou de formations. En 2003, près de 222 000 interventions ont été effectuées, pour 395 millions d’euros (soit plus que collecté)9. La garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu de travail ordinaire est également prise en charge par l’Agefiph (43 millions d’euros).

Des tentatives pour pénaliser la mauvaise volontéCela donne-t-il des résultats probants ? Les chiffres les plus récents sur le respect de l’obligation d’emploi dans les entreprises portent sur 200110. Dans les quelques 95 000 établissements assujettis (environ 7,5 millions d’emplois), il y avait 224 000 travailleurs handicapés pour près de 309 000 unités bénéficiaires. En tenant compte des contrats de sous-traitance, cela faisait un taux d’emploi légal de 4,13 %11. On est donc toujours loin des 6 % visés. La grande majorité des bénéficiaires de ces emplois dans les entreprises étaient les tra-vailleurs handicapés ayant une RQTH par la Cotorep (61 %, en constante augmentation de leur part depuis 1988), suivis des accidentés du travail (en régulière baisse jusqu’à 28 %), puis des invalides pensionnés (10 %, en légère augmentation). Les mutilés de guerre et assimilés ne sont plus que 1 %.

De leur côté, les 120 organismes de placement financés à 96 % par l’Agefiph (49 millions d’euros) ont accueilli plus de 85 000 travailleurs handicapés

en 2003 et réalisé plus de 46 000 placements, dont 37 % en CDI. On comptait cependant, fin 2003, près de 158 000 demandeurs d’emploi (catégorie 1) prio-ritaires (reconnus travailleurs handicapés au sens de bénéficiaires potentiels de l’obligation d’emploi), dont 65 000 chômeurs de plus d’un an12.

Face à de tels résultats, d’une certaine manière, le maintien de ces alternatives indique que la difficulté, pour les entreprises, de remplir totalement leur quota en employant des personnes handicapées est à peu près acceptée. Par contre, ce qui a été unanimement dénoncé dans les débats préparatoires est la position des entreprises qui se refusent durablement à avoir une telle personne dans leurs effectifs. En effet, la proportion d’employeurs assujettis qui n’ont aucun travailleur handicapé reste à peu près constante autour du tiers (près de 37 % en 2000). C’est pour cela que la somme à verser par les entreprises qui n’ont occupé aucun bénéficiaire de l’obligation durant trois ans, ni passé d’accords d’établissement, ni contracté avec des établissements de travail protégé et qui sont donc consi-dérées comme faisant preuve de mauvaise volonté, a été portée par la loi à un niveau maximum de 1 500 Smic horaires. Les autres entreprises, celles qui remplissent partiellement leur obligation ou ne sont en défaut que pendant une période courte, n’auront à contribuer que sur la base de 600 Smic horaires (au maximum).

Autre façon de les contraindre à prendre au sérieux cette question, les entreprises qui n’auront pas rendu leur déclaration annuelle relative aux emplois occupés par des bénéficiaires de l’obligation d’emploi ou versé les contributions qu’elles doivent à l’Agefiph ne pourront, l’année suivante, être admises à concourir aux marchés publics13. Une clause identique conditionne désormais la délégation de service public accordée par des col-lectivités territoriales.

Reconnaissant son rôle déterminant, les députés et sénateurs ont désiré cadrer l’activité de ce fonds en l’amenant à conclure avec l’État une convention d’objectif pour trois ans, qui inclura l’implication du service public de l’emploi et les organismes de placement spécialisés. L’Agefiph est également incluse par la loi dans un dis-positif de pilotage des actions en faveur des personnes handicapées, comprenant l’État, le service public de l’emploi et les organismes de placement spécialisés, l’ensemble de ces partenaires devant mettre en œuvre des politiques concertées d’accès à la formation et à la qualification professionnelles, qui sont l’un des problèmes essentiels rencontrés par les personnes handicapées. L’Agefiph présentera annuellement une évaluation des actions qu’elle conduit pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire.

L’emploi des personnes handicapées dans la fonction publiqueAlors que dans la loi antérieure, celle de 1957, le secteur public ne répondait que par un petit 3 % aux 10 % d’obli-gation des entreprises, la loi du 10 juillet 1987 a rétabli

8. En 2001, près de 20 000 entreprises utili-saient cette possibilité. (Agefiph, 2004, op. cit.).

9. Agefiph, 2004. Chiffres clés disponibles

en novembre 2004.10. Agefiph, 2004.

Chiffres clés disponibles en novembre 2004. Voir aussi, pour 2002 (provi-

soire) Amira S., Meron M. (2005). « L’activité profes-sionnelle des personnes handicapées ». In Insee,

France, Portrait social 2004-2005, 173-193.

11. En calculant en personnes effectivement

présentes (un pour un), ce taux correspond à

3 %.12. Agefiph, 2004.

Chiffres clés disponibles en novembre 2004.

13. Une clause identique se trouve dans la légis-

lation américaine.

Page 37: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 51

La place des personnes handicapées dans la société

l’équilibre à 6 % pour les deux secteurs. L’opposition n’est d’ailleurs plus, dans ce texte, entre secteur public et secteur privé, mais entre établissements industriels ou commerciaux, qu’ils soient de gestion privée ou publique, d’une part, et, d’autre part, administrations ou établissements autres qu’industriels et commerciaux dépendant de l’État, de collectivités territoriales ou de la fonction publique hospitalière. Dans cette dernière catégorie, la nouvelle loi inclut désormais l’exploitant public « La Poste ».

D’autres catégories de bénéficiaires de l’obligationLa définition des bénéficiaires de l’obligation comprend, pour les administrations et établissements non industriels ou commerciaux, en sus des neuf catégories précitées, deux autres groupes spécifiques : les agents reclassés en raison d’inaptitudes à leur poste de travail et les agents qui bénéficient d’une allocation temporaire d’invalidité (ATI) correspondant à une incapacité permanente d’au moins 10 %, suite à un accident de service ou à une maladie professionnelle. Cet ajout est important car, par exemple, les premiers représentaient près de 20 % des bénéficiaires dans la fonction publique d’État en 2002, et les seconds, 30 %. Les mêmes comptaient dans la fonction publique hospitalière en 2000 pour, respectivement, 61 % et 26 %. Cela ramenait les tra-vailleurs reconnus handicapés par les Cotorep à, dans chaque cas, 20 % et 8 %, soit loin des plus de 50 % de l’ensemble des bénéficiaires dans les établissements industriels et commerciaux. Par ailleurs, il n’y a pas, pour la fonction publique, de catégories de personnels exclues de l’assiette de calcul du quota. Contrairement à ce qui se pratiquait dans les entreprises, les unités bénéficiaires n’y étaient pas pondérées selon le han-dicap ; on comptait un agent pour un.

Différents modes de recrutement et d’aide des fonctionnaires handicapésLa loi de 1987 prévoyait d’une part des aménagements pour le passage des concours d’accès à la fonction publique, et d’autre part un recrutement direct par un contrat d’une année, renouvelable une seule fois, à l’issue duquel les intéressés peuvent être titularisés s’ils sont jugés aptes professionnellement à exercer les fonctions occupées pendant la durée du contrat, et bien sûr s’ils remplissent les mêmes conditions de diplômes que celles exigées des candidats aux con-cours correspondants. Ce mode de recrutement direct et déconcentré remplace depuis 2002, la procédure antérieure de recrutement des travailleurs handicapés en catégorie B et C par la voie dite des « emplois réservés ». Par ailleurs, un fonds interministériel d’aide à l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique a été créé en 1998 ; les moyens de ce fonds ont été portés à 6,06 millions d’euros en 2003. Par ailleurs, il existait depuis 1994 un fonds interministériel pour l’accessibilité aux personnes handicapées des locaux recevant du public, qui abonde les efforts entrepris

par les administrations dans la mise en conformité de leurs locaux.

Des résultats insuffisants, mais supérieurs à ceux des entreprisesContrairement aux idées reçues, le respect de l’obligation d’emploi dans les trois fonctions publiques n’était pas en retrait par rapport à ce qui était constaté dans les établissements industriels et commerciaux, au contraire. Ainsi, aux 3 % observés chez ces derniers en calculant sur la base comparable d’un pour un, correspondaient 4,3 % dans la fonction publique d’État (hors Éducation nationale)14 en 2002 (4,2 % si l’on exclut les équivalents correspondant aux 9 millions d’euros de commandes des administrations au secteur protégé), 4,4 % pour la fonction territoriale en 2001 et 4,5 % pour la fonction publique hospitalière15.

Un rapprochement des conditions d’application de l’obligation avec ce qui prévaut pour les entreprisesJusqu’ici, cependant, les conditions d’application de ces quotas de 6 % étaient sensiblement différentes de celles en vigueur pour les entreprises, notamment parce que le calcul du respect de l’obligation d’emploi se faisait sans pondération. La nouvelle loi abolit cette différence, puisque les établissements industriels et commerciaux comptent sur les mêmes bases désormais.

Mais la plus notable différence entre les entreprises et les administrations, la plus critiquée aussi, tenait au fait que lorsque ces dernières n’atteignaient pas leur quota, ce qui était le plus souvent le cas, elles n’encou-raient aucune pénalité, mais, de plus, elles n’étaient pas conduites à verser, comme les entreprises, une contribution à un fonds œuvrant à l’amélioration de l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Certains esprits critiques notaient malicieusement que rien ne forçait les administrations à s’acquitter de leur obligation. L’esprit des modifications introduites par la nouvelle loi est largement inspiré du protocole d’accord signé avec les partenaires sociaux le 8 octobre 2001 pour améliorer le recrutement et le reclassement.

Depuis le vote de la loi sur l’égalité des chances, ces différences ont été réduites. Désormais, la fonction publique dispose d’un organisme identique à celui géré par l’Agefiph dans le secteur privé. Ce fonds pour l’in-sertion des personnes handicapées dans la fonction publique sera géré par un établissement public placé sous la tutelle de l’État. Il sera réparti en trois sections : fonction publique de l’État, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière. La contribution est calculée selon l’écart aux 6 % visés, le cas échéant réduite par les contrats passés avec le travail protégé, ainsi que par les sommes dépensées à l’adaptation de postes de travail aux personnes handicapées.

Pour permettre une application effective de l’obligation, chaque employeur public devra déposer une déclaration annuelle, accompagnée du paiement de sa contribution. Si cette déclaration n’est pas déposée un mois après

14. L’Éducation nationale n’est pas en mesure de fournir des données statistiques fiables sur l’emploi des personnes handicapées dans son champ de compétence.15. Ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’État (2004). Fonction publique : faits et chiffres 2003. Paris, La Documentation fran-çaise (p. 164 à 171).

Page 38: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

52 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

16. Agefiph (2004). Chiffres clés disponibles

en novembre 200417. Loi 90-602, du

12 juillet 1990, relative à la protection des per-

sonnes contre les discri-minations en raison de

leur état de santé ou de leur handicap.

la mise en demeure adressée par le gestionnaire du fonds, l’employeur public sera considéré comme ne satisfaisant pas du tout à l’obligation, et le montant de sa contribution sera alors calculé sur la base de 6 % de son effectif.

Autres obligations des employeurs publicsPar ailleurs, dans tous les cas, les employeurs publics doivent désormais prendre les mesures appropriées pour permettre aux personnes handicapées de travailler, à condition que les charges afférentes ne soient pas disproportionnées. Les conditions d’accès à la fonction publique ont été adaptées, en écartant toute exclusion non justifiée, en supprimant les limites d’âge pour l’accès aux emplois et aux grades publics, et en aménageant des dérogations aux règles de déroulement des concours et examens. Quant à l’entrée contractuelle, elle obtient un statut légal. Les fonctionnaires handicapés obtiennent une priorité pour leurs préférences en matière de mutation ou de détachement, un accès de plein droit au temps partiel et des aménagements d’horaires (également accordés à des fonctionnaires ayant à s’occuper d’un parent proche handicapé dépendant).

Le regard extérieur s’impose enfin aux administrations. Chaque employeur public doit présenter un rapport annuel devant les autorités chargées de contrôler son fonctionnement. De même, le gouvernement devra déposer, chaque année, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la situation de l’emploi des personnes handicapées dans chacune des trois fonctions publiques.

Les mesures d’aide à l’emploi de droit commun et la non-discriminationPour compléter ce tour d’horizon, il faut signaler que les personnes handicapées, qu’elles soient ou non reconnues telles, peuvent toujours bénéficier des dispositifs d’aide à l’emploi de droit commun. Pour celles qui ont une reconnaissance officielle, certaines mesures (concernant l’âge, la durée, les aménagements…) assouplissent les conditions de participation. En 2003, les travailleurs handicapés représentaient 20 % des bénéficiaires de contrats initiative emploi (CIE) et contrats d’accès à l’emploi (CAE), 11 % des contrats emploi solidarité (CES) et 14 % des contrats emploi consolidé (CEC). Elles ont participé à hauteur de 23 % aux stages d’insertion et de formation à l’emploi (SIFE) individuels ou collectifs et aux stages d’accès à l’entreprise (SAE) ou autres stages dans le cadre du FNE16.

L’aide au poste en milieu ordinaireDésormais un employeur peut obtenir une aide au poste, financée par l’Agefiph, dans le cas où un employé han-dicapé présente des caractéristiques particulières. Cette aide au poste remplace les anciens abattements de salaire souvent jugés stigmatisants pour les personnes handicapées. Les emplois dits légers (à mi-temps) sont ainsi supprimés. Une aide au poste peut également être

attribuée aux personnes handicapées qui ont fait le choix d’exercer une activité professionnelle non salariée si leur productivité se trouve notoirement diminuée.

Des précisions sur l’application du principe de non-discriminationLe principe de non-discrimination est apparu dans la législation française en matière d’emploi des personnes handicapées dès 1990, soit bien avant que les Bri-tanniques l’adoptent (1995) ou qu’il soit inclus, pour l’Union européenne dans son ensemble, dans l’article 13 du traité d’Amsterdam (1997). Ainsi, l’élargissement des bénéficiaires des lois sur l’emploi des personnes handicapées pourrait se poursuivre à partir de la juris-prudence liée à la loi du 12 juillet 199017. Dans la nouvelle loi sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes han-dicapées, la première section du chapitre concernant l’emploi se réfère naturellement au principe de non-discrimination. La nouvelle loi stipule que « le refus de prendre des mesures appropriées… peut être constitutif d’une discrimination… ».

Les employeurs devront également, si nécessaire, faire bénéficier d’aménagements d’horaires leurs salariés handicapés ou, chose nouvelle réclamée par les asso-ciations, des employés ayant en permanence à aider des proches handicapés.

Par ailleurs, les organisations liées par une convention de branche ou des accords professionnels devront négocier, tous les trois ans, sur les mesures tendant à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, portant sur l’accès à l’emploi, la formation, la promotion, les conditions de travail, les mesures concourant au maintien dans le poste de travail ou au reclassement dans l’établissement ou ailleurs. Quant aux entreprises où se sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, elles doivent également engager chaque année des négociations sur le même sujet.

Les changements dans le travail protégéQuand toutes les dispositions prises pour favoriser l’emploi des personnes handicapées en milieu ordi-naire, préalablement exposées, ne suffisent pas pour surmonter les difficultés liées à la sévérité des incapa-cités, la législation française prévoit le recours à des modalités de travail plus spécifiques, soit bénéficiant d’un soutien financier de l’État, soit s’inscrivant dans un rapport différent au travail.

Dans le cadre de la loi d’orientation de 1975, le travail protégé était constitué de deux types d’établissements : les ateliers protégés (AP) et CDTD d’une part, où les travailleurs considérés par la Cotorep comme ne pouvant pas travailler en milieu ordinaire avaient un statut de salariés relevant du Code du travail ordinaire, et les CAT d’autre part, institutions médico-sociales où étaient placés des travailleurs ne pouvant pas présenter dura-blement, selon la Cotorep, plus de 30 % de la capacité

Page 39: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 53

La place des personnes handicapées dans la société

de travail d’un travailleur ordinaire. Les orientations des commissions n’étant aucunement des placements, le nombre de travailleurs en CAT était d’environ 97 000 et celui des travailleurs en ateliers protégés de 17 000 fin 200118, mais il y avait d’importantes listes d’attente.

Dans les ateliers protégés et CDTD, le salaire, calculé sur le rendement, pouvait être inférieur au Smic, mais était complété par un complément de rémunération payé par l’État pour atteindre une garantie de ressources qui

variait, selon le salaire de départ, entre 90 % et 130 % du Smic par un système de bonus laissant au travailleur handicapé une partie de ses gains de productivité. Dans le cas des CAT, compte tenu du statut des travailleurs, il ne peut s’agir de salaire mais de simples rémunéra-tions du travail. Le principe de garantie de ressources s’applique également, mais de 100 % à 110 % du Smic, en incluant une part d’AAH différentielle, et avec une rémunération directe du travail au minimum de 5 %

L’Association pour la gestion du Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph)

Cinq questions à Claudie Buisson directrice générale de l’Agefiph

Qu’est-ce que l’Agefiph ?L’Agefiph est le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handi-capées. Chaque année, elle soutient plus de 200 000 actions en termes de formation, aménagement de postes, aménagement des locaux, etc. Nous intervenons comme conseil et appui financier pour favoriser l’embauche ou le maintien dans l’emploi des per-sonnes handicapées de façon à ce que cela ne représente pas un coût supplémentaire pour l’entreprise.

En quinze années d’existence, nous sommes devenus un acteur central et un expert reconnu de cette question. Songez qu’avant le vote de la loi du 10 juillet 1987, seules 7 000 per-sonnes handicapées par an entraient dans l’emploi alors qu’aujourd’hui près de 100 000 sont embauchées chaque année dans les entreprises ! Ce bilan est honorable, même s’il reste beaucoup à faire.

Quelle est son action en faveur de l’emploi des personnes handicapées ?Outre le conseil, nous dispensons des aides financières pour faciliter le recrutement de collaborateurs han-dicapés : aménagement du poste de travail (siège ergonomique, téléa-grandisseur, interface braille, chaîne de production, etc.), aides humaines (traducteur en langue des signes…),

aides techniques, mais aussi à la formation et à la qualification…

Par ailleurs, nos aides visent à permettre le maintien dans l’emploi de salariés devenant handicapés ou dont le handicap s’aggrave.

En résumé, nos aides permettent de couvrir l’ensemble des besoins de la personne handicapée tout au long de son parcours vers l’emploi mais aussi une fois intégrée dans l’entreprise.

Comment une entreprise peut-elle passer à l’action ?Il est important qu’elle puisse être accompagnée, si elle le souhaite, tant dans les étapes de réflexion, de diagnostic, que dans la mise en œuvre. La palette de nos interven-tions est large : informer sur le cadre réglementaire et sur les possibilités d’intégrer des collaborateurs handi-capés dans les effectifs, sensibiliser au handicap en le démystifiant. Il s’agit, par exemple, d’expliquer que certains postes doivent être compati-bles avec le handicap mais que, à l’in-verse, de nombreux handicaps n’ont aucune incidence sur la capacité de travail ou sur le poste en lui-même : le handicap est une notion relative et contingente, on parlera plutôt de situation de handicap.

Comment une entreprise peut-elle intégrer la dimension handicap dans sa gestion des ressources humaines ?Les personnes handicapées consti-tuent un indicateur avancé des ques-

tions liées au vieillissement de la population active et au maintien dans l’emploi puisque, par nature, elles y sont malheureusement confrontées plus tôt. Intégrer des personnes han-dicapées dans les effectifs peut per-mettre aux entreprises d’anticiper ces difficultés en s’y préparant mieux. De nombreuses entreprises le font, pas simplement pour faire une bonne action, mais parce qu’elles y trouvent aussi leur compte. Les exemples de réussite sont nombreux.

Le maintien dans l’emploi des personnes handicapées est-il un enjeu pour les entreprises ?Dans un contexte de vieillissement de la population active et d’allongement de la durée de vie au travail, la ques-tion du maintien dans l’emploi risque de connaître une ampleur nouvelle en devenant un enjeu majeur de gestion des ressources humaines pour les en-treprises. Il est donc nécessaire pour les entreprises de bâtir une politique de ressources humaines permettant aux salariés confrontés à un problème de santé de poursuivre leur carrière professionnelle. Il convient pour cela de dépasser l’approche médicale et individuelle du handicap en élargis-sant la problématique du maintien dans l’emploi au concept de situation de handicap. Parce que cela concerne tous les salariés qui peuvent rencon-trer à un moment ou à un autre de leur vie professionnelle des difficultés à tenir leur emploi. L

18. Vanovermeir, S. (2004). « Les établisse-ments pour adultes han-dicapés au 31 décembre 2001 ». Études et Résultats n° 308, mai 2004, 12 p.

Page 40: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

54 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

du Smic, le complément de rémunération ne pouvant excéder 50 % du Smic.

D’une certaine manière, dans la loi d’orientation la Cotorep disposait d’une sorte de continuum pour l’orien-tation professionnelle entre le milieu ordinaire, les AP ou CDTD, puis les CAT19, d’autant plus qu’il y avait aussi, dans le cadre de la garantie de ressources prévue par la loi d’orientation, la possibilité pour les employeurs de demander à la commission des abattements de salaires compensés par l’État, puis par l’Agefiph.

Les entreprises adaptéesDésormais, avec la nouvelle loi, les ateliers protégés deviennent des entreprises adaptées, lesquelles, avec les CDTD, ressortent du milieu ordinaire. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ne fera donc désormais d’orientation que vers les éta-blissements et services d’aide par le travail (ESAT) ou vers le milieu ordinaire.

Quant aux entreprises adaptées et aux CDTD, ils ne seront plus agréés par le représentant de l’État dans la région, comme devaient l’être AP et CDTD auparavant, mais devront passer avec lui un contrat d’objectif triennal valant agrément et prévoyant notamment, par un avenant financier annuel, un contingent d’aides au poste. Ces aides au poste seront attribuées de façon forfaitaire par l’État pour chaque travailleur envoyé par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ; elles sont incompatibles avec d’autres aides telles que celles attribuées par l’Agefiph. Entreprises adaptées et CDTD doivent faire travailler une majorité de personnes handicapées et, compte tenu des surcoûts générés par cette obligation, ils recevront en outre une subvention spécifique qui permettra aussi un suivi social et une formation spécifique de la personne handicapée à son poste de travail. Le salaire versé par ces entreprises ne pourra être inférieur au Smic. Il ne dépendra plus du rendement du travailleur, comme c’était le cas aupa-ravant, mais de sa qualification. En cas de départ volon-taire vers une entreprise ordinaire, le salarié handicapé démissionnaire bénéficiera d’une priorité d’embauche s’il désire réintégrer l’entreprise adaptée.

Les établissements et services d’aide par le travailLes établissements et services d’aide par le travail remplacent les CAT. Comme c’est le cas dans tous les

établissements et services médico-sociaux, un contrat de séjour sera conclu avec le travailleur handicapé accueilli, qui sera dénommé « contrat de soutien et d’aide par le travail ». Les ESAT offrent des possibilités d’activité diverses à caractère professionnel, ainsi qu’un soutien médico-social et éducatif en vue de favoriser l’épanouissement personnel et social de personnes handicapées à propos desquelles la commission d’orien-tation a constaté que leurs capacités de travail ne leur permettent de travailler ni en entreprise ordinaire, ni en entreprise adaptée ou CDTD, ni d’exercer une activité professionnelle indépendante. Un système d’aide au poste permettra de combler le déficit de productivité. Le niveau de la rémunération garantie, incluant comme avant une AAH différentielle, devrait être au moins iden-tique à celui de l’ancienne garantie de ressources. Les travailleurs des ESAT pourront aussi être mis à disposition des entreprises.

Les ESAT participent à l’entretien et au dévelop-pement des acquis, scolaires et professionnels, ainsi que d’autonomie et d’implication dans la vie sociale. Les modalités d’une validation des acquis de l’expérience de ces travailleurs seront recherchées. D’une certaine manière, les ESAT retrouvent une fonction de formation qui était un peu déniée aux CAT.

Dans le cas où des travailleurs d’ESAT seront employés sous contrats d’insertion aidés par des entreprises, eux et leurs employeurs pourront bénéficier, par convention, du soutien de l’ESAT ou du service d’accompagnement, dans la limite d’un an renouvelable deux fois. En cas de rupture de ce contrat ou si elle n’est pas définiti-vement recrutée à son terme, la personne handicapée est réintégrée de plein droit dans l’ESAT ou à défaut dans un autre ESAT.

Les indications données ci-dessus sur les conséquences immédiates de l’adoption de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ne peuvent couvrir l’en-semble des changements induits par cette révision. Pour l’essentiel, le passage d’un simple toilettage ou aggior-namento du dispositif antérieur à une réelle avancée dans les conditions de vie des personnes handicapées dépendra des décrets adoptés pour donner corps aux principes énoncés, et encore plus des moyens accordés aux organismes chargés de les appliquer. L

19. Notons aussi que les associations ges-

tionnaires ont souvent complété ce dispositif,

en dehors du cadre prévu par la loi de 1975, en

demandant aux conseils généraux de financer des « foyers occupationnels » ou « foyers de vie » pour

ceux qui ne peuvent pas accéder aux CAT, soit par

manque de capacités, soit par manque de

places.

Page 41: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 55

La place des personnes handicapées dans la société

Dominique VelcheChargé de recherche au CTNERHI

Emploi et/ou allocations : les tendances actuelles dans l’Union européenne

En Europe, la prise en charge du handicap s’oriente vers une complémentarité entre aides à l’accès professionnel et attribution d’allocations, avec la

volonté de favoriser l’insertion.Les citoyens invisibles que ne veulent plus être les

Européens en situation de handicap peuvent-ils espérer avoir les mêmes assurances de mobilité que les autres dans les frontières de l’Union ? Le principe de subsi-diarité maintient les particularismes nationaux, mais les textes adoptés par les instances européennes visent de plus en plus à définir un cadre commun aux lois futures concernant les conditions de vie des personnes handicapées.

Deux tendances fondamentales apparaissent résulter de l’évolution des conceptions concernant le handicap et des textes adoptés par les instances européennes :

● un abandon au profit de mesures dites « actives », c’est-à-dire favorisant l’accès ou le retour au travail aussi ténu soit-il, d’anciennes mesures dites « pas-sives », entérinant l’inactivité économique des personnes concernées, en répondant aux conséquences du handicap par la mise en œuvre automatique de mécanismes de compensation de sécurité sociale contributifs ou, à défaut, d’aide sociale payée par l’impôt (opposition mesures actives/mesures passives) ;

● une bipolarisation des modalités de réponse au handicap, avec, d’un côté, une série de mesures visant à combattre les mécanismes d’exclusion et à supprimer les obstacles que rencontrent les personnes handicapées qui pourraient travailler et, de l’autre, un renforcement des aides financières, techniques et humaines qui assurent une qualité de vie personnelle et collective, aussi proche que possible des normes nationales, aux personnes que leur état de santé ou leurs incapacités confinent à l’inactivité (une dichotomie non-discrimination/droit à compensation).

Comment se déclinent ces tendances fortes en fonction du substrat que constituent les pratiques institutionnelles et des habitudes culturelles et politiques de différents pays européens ?

Une préférence marquée pour des mesures dites « actives »Au cours des deux dernières décennies, une fois que le dispositif institutionnel de « réparation », de compen-sation, de prise en charge et d’accompagnement s’est trouvé développé à un niveau, sinon suffisant, du moins acceptable, deux constats ont été faits.

D’une part, alors qu’une sorte de culpabilité avait

conduit dans de nombreux pays européens à proposer aux personnes handicapées des allocations d’une façon presque automatique, la crise économique et ses consé-quences en matière d’affectation des budgets sociaux ont incité à réétudier l’intérêt de trouver des alternatives aux ressources garanties versées aux inactifs handi-capés ou au financement de dispositifs spécifiques de prise en charge.

D’autre part, alors que l’on espérait qu’après avoir bénéficié de la solidarité de la collectivité nationale et de moyens de développer leurs potentialités les personnes handicapées pourraient prendre leur envol vers un peu plus d’autonomie financière, les dispo-sitifs allocataires et institutionnels agissaient plutôt comme des pièges enfermant pour longtemps ceux qui y goûtaient.

Face à ces deux phénomènes, de nombreux pays ont recherché les moyens d’éviter d’entériner un statut de « handicapé ».

On a d’abord limité, autant que possible, les orien-tations automatiques vers des allocations totalement substitutives aux gains du travail, en supprimant leur incompatibilité avec l’emploi, puis en durcissant les critères ou les procédures d’attribution. Dans le même mouvement, on bloquait la création de places nou-velles d’établissements spécialisés ou l’on en réduisait l’accès, là encore en resserrant les critères d’admission (Suède, Pays-Bas). Un autre moyen de contrôle a été adopté au Danemark, où les municipalités chargées de toute action en faveur des personnes handicapées ne se voient remboursées par l’État de leurs dépenses qu’à 35 % s’il s’agit de prestations d’invalidité, à 50 % pour la réadaptation et à 100 % pour les programmes d’emploi diversifiés.

Vers une complémentarité allocations/revenus du travailL’incompatibilité entre revenus du travail et allocations initialement prévues comme des revenus de rempla-cement et dont les droits étaient souvent perdus dès lors que les personnes handicapées montraient une capacité de travail, si minime fût-elle, était l’un des obstacles à leur insertion professionnelle.

Désormais, dans la plupart des pays européens, cette opposition est levée, et l’accès à l’emploi, d’abord à temps partiel, voire à l’essai, puis à plein temps se fait en gardant tout ou partie du montant des allocations pendant une période de transition. De telles possibi-lités de complémentarité s’observent en Autriche, en

Page 42: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

56 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Espagne, en Finlande, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et d’une certaine façon en Suède.

Cette complémentarité est également exprimée en imposant le préalable de la recherche d’un emploi ou d’un reclassement avant toute attribution d’allocations de substitution au revenu du travail. C’est clairement établi en Suède où les moins de 30 ans n’ont plus d’accès automatique à une pension, mais seulement pour trois ans renouvelables après vérification de l’im-possibilité du retour au travail. Cela se met en place dans la réforme allemande de 2001 (comme d’ailleurs en Autriche), avec le préalable de mesures de participation, l’attribution de la pension d’invalidité (Erwerbsminde-rungsrente [EMR]) ne se faisant qu’à défaut de succès de ces mesures de réadaptation fonctionnelle ou profes-sionnelle et tentatives d’insertion, et seulement pour un temps limité (trois ans). Cela fonctionne aux Pays-Bas depuis 1998 avec l’adoption de la loi dite PEMBA, qui impose aux employeurs, aux employés présentant des incapacités dans leur travail et aux organismes chargés de leur attribuer une pension d’invalidité (WAO) l’étude préalable d’un plan de réinsertion. C’est également le cas, de façon provisoirement plus douce, lorsque, au Royaume-Uni, on impose au demandeur d’une Incapacity Benefit (IB) l’étude préalable de ses chances d’accès ou de retour à l’emploi avec un conseiller du travail du Job-centre Plus chargé à la fois de l’attribution des allocations et de l’insertion. Dans l’avenir, on ne peut exclure qu’à moyen terme la participation aux programmes de New Deal for Disabled People (NDDP), activation qui est non obligatoire aujourd’hui, deviennent aussi un passage obligé pour les personnes handicapées au Royaume-Uni comme le sont d’autres New Deals pour d’autres personnes en difficulté.

Des critères de plus en plus restrictifs d’attribution des allocationsPlusieurs moyens ont été adoptés pour maîtriser les possibilités d’accès à un niveau d’allocation qui permette aux bénéficiaires d’en vivre sans se préoccuper de la recherche d’autres sources de revenus.

Le premier a été de renforcer les contrôles sur les procédures d’attribution et les personnes chargées de les appliquer. Le second a été de changer les condi-tions administratives qui ouvraient droit à l’allocation, comme la durée de cotisation préalable dans le cas de dispositifs contributifs, le nombre d’années de pré-sence dans le pays, le niveau de revenu disponible, sa composition…, pour les nouveaux entrants, avec instauration d’une périodicité de révision automatique pour traiter l’ensemble du stock dans des délais rai-sonnables (Pays-Bas, Suède).

Changer la nature et la sévérité du handicap justifiant la prestation est plus compliqué en raison de l’incidence qu’a une telle mesure sur les capacités d’interprétation des situations individuelles par les experts chargés de l’évaluation. Néanmoins, en Suède, la couverture des accidents du travail (LAF) s’est fortement réduite depuis

1993. La suppression de l’allocation est possible si une autre semble la remplacer. Au Royaume-Uni, de nombreuses prestations (Attendance Allowance [AA], SDA ou DPTC) ont ainsi disparu. Quant à la réduction des montants versés, on les observe par exemple en Allemagne pour l’EMR comme pour l’aide sociale, et en amont du dispositif pour l’indemnité maladie en Suède (Sjukpenning) ou aux Pays-Bas (Loondervingsuitkering). Parallèlement, toutefois, certaines pensions d’invalidité espagnoles augmentent.

Enfin, certains pays comme les Pays-Bas et la Suède ont allongé le délai de carence préalable au paiement de l’indemnité maladie, porte principale de l’entrée en invalidité.

Une nouvelle partition autour du travailAprès avoir été à l’origine de la définition des popu-lations dites invalides ou handicapées, la question du travail va de nouveau servir de ligne de partage, mais à l’intérieur de cette population. Les temps ont changé. La preuve est désormais faite qu’avec des aides (réparation, appareillage, aide technique, réadap-tation, adaptations, bonnes pratiques, accueil…), une partie non négligeable des personnes présentant des déficiences et des incapacités peut accéder à une vie professionnelle socialement significative.

Les personnes handicapées, dans leur expression collective, plus peut-être que dans leur projet individuel, n’ont pas manqué cette opportunité de revendiquer le droit à l’inclusion, soit pour que l’État améliore les conditions de cet accès à l’emploi, soit pour qu’il mette fin à des pratiques injustement discriminantes.

La non-discrimination pour les plus autonomesLes pays nordiques optèrent pour une politique basée sur la désinstitutionalisation et la normalisation, c’est-à-dire sur des efforts partagés en commun dans une société solidaire pour que la vie des personnes handicapées se déroule de façon identique à celle des autres citoyens : scolarisation à l’école ordinaire, formation en même temps que tous, emploi avec les autres, hébergement dans des habitations ordinaires… Les moyens d’accom-pagnement sont prévus pour rendre cela possible et le recours à des solutions spécialisées n’est envisagé que lorsque cet accompagnement se révèle incapable de donner un sens à l’utilisation des dispositifs de droit commun.

Du côté de cultures admettant mieux les principes de l’économie libérale, imposer un type de travailleurs à un employeur est évidemment inacceptable, comme pour les personnes handicapées d’être embauchées pour leur handicap et non pour leurs compétences. Le rôle de l’État, réduit à la portion congrue, est dès lors d’améliorer l’employabilité des personnes handi-capées, et surtout d’assurer que, cela étant acquis, leur candidature ne sera pas rejetée a priori ou leur carrière et leur rémunération professionnelle bloquées. C’est l’approche en termes de non-discrimination où

Page 43: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 57

La place des personnes handicapées dans la société

l’appareil de justice veillera au sain respect des règles de concurrence.

La façon dont se déclinait l’obligation d’emploi dans les pays qui en avaient adopté le principe montrait qu’une harmonisation n’était possible ni sur le quota (de 2 % à 7 %), ni sur les seuils d’assujettissement (de 20 à 50 salariés), ni sur la définition des bénéficiaires (impossible à décrire ici). À la recherche d’une stratégie commune minimale, l’Union puis tous les pays membres adoptèrent la non-discrimination dont la régulation par la jurisprudence, au niveau national puis européen, assure une mise en place progressive sans les douleurs des négociations entre États. Depuis, tous les textes votés par les parlements nationaux doivent éviter d’être en contradiction avec ce principe supranational.

Il reste que tout n’est pas réglé. Les Suédois, par exemple, considèrent que la non-discrimination est une régression par rapport aux pratiques qui sont les leurs. Elle prend sens en effet dans le cadre d’une libre concurrence entre demandeurs d’emploi, qu’ils aient des incapacités ou non. Mais il est difficile d’apporter la preuve que le refus d’une candidature repose sur la prise en compte d’une incapacité qui n’aurait pas effet sur la façon de tenir le poste de travail. De plus, il est partout constaté que les personnes handicapées ont un niveau de formation plus faible que le reste de la population, leurs incapacités ayant entravé l’accès à une formation initiale ou leurs conditions de vie ou de travail, corollaires à un faible niveau d’étude et de formation, les prédisposant à des accidents ou à des maladies invalidants. Elles ne sont donc pas, de fait, à égalité avec les autres sur le marché du travail et le jeu de la concurrence les exclut le plus souvent.

Enfin, la règle généralement adoptée est que l’em-ployeur prenne des mesures de compensation des incapacités à hauteur de ce qui est économiquement acceptable pour son entreprise. Ce sera au tribunal de juger si ce principe a été respecté. Encore faut-il que la personne handicapée se plaigne et donc y recoure pour faire valoir ses droits, ce qui n’entre pas dans les habitudes culturelles de nombreux pays de l’Union. La charge indue dépendant du contexte économique, dans les situations de crise, les droits des personnes handi-capées risquent de s’en trouver réduits. C’est pour cela que le principe d’égalisation des chances est avancé, dans une sorte de complémentarité entre un principe de non-discrimination et des actions visant à réduire des écarts, y compris en recourant à des programmes ciblés sur des sous-populations désavantagées.

Un droit à la compensation pour les plus sévèrement handicapésMais les autres, ceux pour lesquels nos savoir-faire médicaux, technologiques et sociaux ne trouvent pas de solution leur permettant d’exprimer leur potentiel productif d’une façon qui prenne un sens économique incontestable, que deviennent-ils ?

Pour eux, on va progressivement instituer un droit à la compensation, sous forme financière, mais aussi en facilitant l’accès à des aides techniques et humaines, aussi proches que possible des besoins évalués, pour leur assurer un niveau de participation sociale accep-table selon les standards du pays (cela est devenu un thème important en France). La mobilisation de l’aide de la collectivité risquant d’atteindre rapidement des volumes conséquents, elle est donc explicitement réservée à ceux qui présentent les plus forts niveaux de dépendance. Le pays qui a été le plus loin dans ce registre est très certainement la Suède, avec les lois relatives au soutien et aux services spécialisés (LSS) et à l’assistance personnelle (LASS). Mais d’autres pays tentent d’assurer la compensation des situations de dépendance, souvent au plus près du besoin d’aide à couvrir, comme dans le dispositif britannique de Disability Living Allowance (DLA) ou celui, allemand, d’assurance de soins (Pflegeversicherung). En Suède, le respect à la fois d’un besoin de proximité et d’une absence de limite a priori conduit à confier aux municipalités le rôle d’attribution de ces aides, l’État assurant en arrière les sommes excédant les moyens des collectivités locales.

Dans ce contexte se développe aussi un nouveau mode d’affinement de la couverture du besoin : l’attri-bution d’un budget personnalisé (Allemagne, Belgique, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède) permettant au bénéficiaire de choisir librement le prestataire de l’aide requise, y compris parfois auprès de proches, à la place du recours souvent décevant aux services sociaux municipaux.

Les oubliés possiblesEntre ces deux modes de gestion du handicap, non-dis-crimination et compensation, il y a le risque d’une sorte d’angle mort où les personnes auront des incapacités trop importantes pour ne pas être un désavantage sur un marché du travail concurrentiel et peut-être insuffi-santes pour justifier une prise en charge quotidienne par la collectivité. Cet entre-deux pourrait être laissé pour compte. L

Page 44: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

58 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Concevoir pour tous… avant de construire conforme

La possibilité de circuler

et d’avoir accès à tous les services est

un principe reconnu par les textes législatifs.

Pourtant, la France est loin de permettre

aux personnes souffrant d’une déficience

de bénéficier de cette accessibilité.

Thierry LailleConseiller national,

Association des Paralysés de France

Comme tout citoyen, la personne handicapée doit voir ses droits fon-damentaux satisfaits, lui offrant des

conditions qui garantissent sa dignité, favo-risent son autonomie et sa participation active à la vie socio-économique et culturelle. Si les adaptations environnementales ne suffisent pas à éliminer toutes les barrières, notamment sociales, elles constituent cependant un des pi-liers du processus « d’égalisation des chances » par lequel le cadre général de la société (envi-ronnement bâti, services sociaux et de santé, enseignement et emploi, vie culturelle et sociale, etc.) est rendu accessible à tous.

Or, force est de constater que la liste des obstacles rencontrés quotidiennement par les personnes handicapées est encore trop longue. Malgré la perception d’une amélio-ration sensible des conditions d’accessibilité rapportée par une étude de l’Ifop1, les taux de satisfaction restent inférieurs à 50 %, et ce quels que soient les domaines (voirie, modes de transport, lieux de loisirs et commerces de proximité).

D’une manière générale, seules quelques agglomérations ont su faire évoluer la prise en compte de l’accessibilité, notamment s’agissant des transports publics collectifs et de la voirie. Cependant, la situation est loin d’être satisfaisante.

On peut donc légitimement s’interroger sur l’efficacité des politiques censées amé-liorer le quotidien des personnes handicapées. Pourquoi, après vingt-cinq années de ré-glementation en leur faveur, les personnes

en situation de handicap sont-elles encore confrontées aux barrières architecturales qui leur interdisent toute possibilité de participer pleinement à la vie de la cité ? À l’heure ou une loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » ambitionne de renforcer le cadre législatif, il convient de s’interroger sur les résultats mitigés des politiques publiques développées dans le domaine de l’accessibilité de l’environnement bâti [2].

Réglementation : un avantage ou un frein ?L’histoire récente montre que, depuis la pro-mulgation de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, la France s’est dotée d’un dispositif législatif ambitieux instaurant l’accessibilité comme une obligation nationale. Il est admis que la culture de l’accessibilité a évolué du fait même de la pression législative et réglemen-taire. Cette évolution a connu une avancée remarquable, suite à la loi du 13 juillet 1991 spécifique à l’accessibilité, notamment par l’instauration, pour les projets neufs de cons-truction d’établissements recevant du public, d’un contrôle et dont la délivrance des auto-risations de construire est subordonnée au respect des règles d’accessibilité.

Toutefois, le dispositif réglementaire en vigueur n’engendre des obligations que pour les bâtiments neufs et la voirie neuve, excluant du même coup l’ensemble de l’environnement bâti existant. Or cette situation est d’autant plus préjudiciable aux personnes en situation de handicap qu’il n’y a pas d’obligation con-cernant le matériel de transport collectif,

1. Sondage effectué dans les capitales régionales en août 2004 pour l’APF.

trib

unes

Page 45: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 59

Tribunes

ce qui limite considérablement ce droit à l’accessibilité dans leur quotidien. Cela peut sans doute s’expliquer par la nature des décrets d’application qui ont redéfini et diminué la portée du texte législatif initial.

À ces « vides » réglementaires, il faut ajouter les effets d’une mise en œuvre fragmentaire, qui obéit à une logique administrative. Ainsi, on pourra édifier une médiathèque parfai-tement accessible sans se préoccuper de savoir si la voirie permet à tout un chacun d’y ac-céder. De la même manière, si la personne handicapée peut habiter un logement bien adapté, elle n’en sortira jamais parce que les transports ne le seront pas. Une personne handicapée pourra accéder au quai de la gare, sans pouvoir embarquer faute d’équipements appropriés.

Ces situations de handicap, qui ne sont malheureusement pas marginales, confirment l’idée que l’efficacité des mesures adoptées pour promouvoir un cadre de vie ouvert à tous nécessite que l’ensemble des maillons de la chaîne, constituant de quotidien des personnes, soit considéré. Sans minimiser le rôle des instruments législatifs et réglemen-taires, la mise en œuvre d’un environnement accessible nécessite de décloisonner les pra-tiques institutionnelles et administratives, et impose d’inscrire la réflexion dans une logique d’objectif afin que la chaîne de déplacement ne soit pas un « tas de chaînons ».

Concevoir pour tousIl serait faux de penser que l’accessibilité ne concerne que les personnes atteintes d’une déficience, et plus particulièrement motrice. Les enjeux de l’accessibilité vont bien au-

delà des besoins de cette population. Cette approche globale doit permettre un accès de chacun aux biens et services ouverts à tous, utilisables et compréhensibles par tous avec le maximum d’autonomie possible.

Si les obstacles environnementaux, ju-ridiques, techniques et économiques sont identifiés, il ne faut pas sous-estimer les obs-tacles plus sournois, notamment s’agissant de la représentation sociale du handicap [10]. Il convient donc de développer une dyna-mique de développement de l’accessibilité universelle2 qui ne fait pas de clivage entre les populations dites « handicapées » et les autres dites « valides » — ce qui traduirait l’idée que les bénéfices des actions ne concerneraient qu’une petite fraction de la population. Il s’agit plutôt de passer d’un point de vue considéré comme spécifique et marginal à une approche globale, de sortir l’accessibilité du domaine de la réglementation, donc technique, pour la situer au niveau de la culture d’une société afin de ne pas donner l’impression du devoir accompli par le simple fait d’avoir respecté la réglementation.

En forme de conclusion, il nous paraît essentiel, dans le sens de la déclaration de Madrid [5] du Forum européen des personnes

handicapées, d’opposer à la vision actuelle une approche qui :

– « abandonne l’idée préconçue de la défi-cience comme seule caractéristique de la personne […] pour en venir à la nécessité d’éliminer les barrières, de réviser les normes sociales, politiques et culturelles, ainsi qu’a la promotion d’un environnement accessible et accueillant ;

– abandonne l’idée préconçue d’actions éco-nomiques et sociales pour le petit nombre […] pour en venir à la conception d’un monde pour tous ». L

2. L’accessibilité universelle (universal design en anglais) est un concept d’aménagement qui s’appuie sur les vingt-deux règles standard des Nations unies con-cernant la politique du handicap, qui vise à concevoir et à composer les produits et des environnements qui soient accessibles, compréhensibles et utilisables par tous, sans recourir à des solutions nécessitant une adaptation ou une conception spéciale. Toutes les déficiences sont considérées (motrice, visuelle, auditive, cognitive, etc.).

Concevoir pour tous… avant de construire conforme

Page 46: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

60 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Les personnes handicapées psychiques : point de vue des usagers et de leurs familles

La spécificité du handicap psychique —

ce handicap qui ne se voit pas — est ici présentée par deux associations,

d’usagers et de familles, qui travaillent

pour une meilleure prise en charge des plus

de 600 000 personnes concernées.

Claude FinkelsteinPrésidente de la Fnap-Psy

Jean CannevaPrésident de l’Unafam

La situation des personnes handicapées psychiques sera évoquée rapidement. Ensuite seront présentées les grandes

lignes du plan d’action demandé par les deux associations signataires du présent article. Le succès de ce plan constitue, en effet, un enjeu considérable pour la cité de demain.

La situation des personnes handicapées psychiques en FranceLe handicap psychique est, comme les autres handicaps, le constat d’incapacités qui font que la personne concernée n’est pas à égalité des chances avec les autres citoyens pour mener sa vie dans la cité. Par contre, ces incapacités, qui perturbent gravement le fonctionnement de la subjectivité ne sont pas forcément visibles.

Les maladies psychiques apparaissent soit à la naissance, soit en cours de vie et, le plus souvent, à l’adolescence. Elles sont imprévi-sibles et terriblement invalidantes, en ce sens que c’est l’identité de la personne elle-même qui est en cause. Les incapacités provoquées par ces maladies n’ont pas grand-chose à voir avec les déficiences intellectuelles ou mentales qui sont désormais bien connues du public sous la forme du handicap de même nom. La nature du handicap psychique est moins connue. Beaucoup ne savent pas, par exemple, qu’une personne handicapée psychique peut rester intelligente et être, dans le même temps, incapable d’agir. Ils ne comprennent pas, en particulier, que cette personne ne parvienne plus à se servir de ses facultés au point de ne pas pouvoir, momentanément ou dura-blement, conserver une activité profession-nelle ou se déplacer avec aisance comme tout

le monde. Des médicaments nouveaux sont apparus depuis quarante ans qui permettent de calmer certaines manifestations plus ou moins délirantes des maladies, mais pas de supprimer les angoisses souvent provoquées par les troubles psychiques.

L’enjeu est considérable puisque la po-pulation concernée représente au moins 600 000 personnes pour les cas les plus dif-ficiles à gérer, auxquels il faut ajouter tous les cas limites. L’entourage est très fortement impliqué à tous les niveaux et dans tous les domaines. Dans ces conditions, l’expérience acquise ces dernières années par ceux qui se situent dans le face-à-face quotidien avec ces problèmes dans la cité prend une importance particulière.

Autrefois, les personnes malades étaient soignées dans de grands hôpitaux qui remplis-saient deux fonctions : l’une de soins et l’autre de protection, on disait d’« asile ». Désormais, les hôpitaux ne reçoivent plus que les situa-tions de crise et la durée des hospitalisations les plus courantes se situe autour de quelques jours. Entre les hospitalisations, les personnes malades sont renvoyées dans les familles, lorsque celles-ci existent. En réalité, elles sont quasiment abandonnées si des structures spé-cialisées ou des proches ne les prennent pas en charge sur pratiquement tous les plans.

En 2003, les lois de janvier et mars ont théoriquement placé l’usager « au centre du dispositif » de soins. L’orientation générale de ces textes est, en effet, de passer d’une logique d’offre à une logique plus orientée vers la satisfaction des besoins des usagers. La réalité est bien différente.

En psychiatrie, il existe deux catégories

trib

unes

Page 47: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 61

Tribunes

Présentation de la Fnap-Psy

La Fnap-Psy est une fédération d’associa-tions de patients en psychiatrie, créée en

1992. Elle regroupe 35 associations sur toute la France. Elle aide à la création d’associations d’usagers, tâche difficile pour ceux qui sont touchés par la souffrance et le repli sur soi. Elle œuvre aussi dans la défense collective des usagers : signature de la charte de l’usager en santé mentale en décembre 2000 avec les professionnels et le ministère de la Santé.

La Fnap-Psy travaille en partenariat avec l’Unafam et les professionnels.

Elle représente les usagers toutes patho-logies confondues. Seule la souffrance est prise en compte.

Pour la Fnap-Psy, la personne handicapée est un citoyen comme les autres, qui a donc des droits et des devoirs. Une société se juge à la manière dont elle répond aux besoins des personnes les plus faibles. Cependant la réponse matérielle doit être accompagnée du respect dû à toute personne humaine.

Il est important, pour une société comme la nôtre, de reprendre la notion de han-dicap. L’aide que la société doit apporter aux personnes handicapées devrait être na-turelle, cependant cette aide n’est pas un dû. C’est simplement la libre circulation des ressources pour une harmonie sociale, équilibre important pour que chacun puisse s’épanouir dans la mesure de ses moyens et des moyens de la société. Cette notion est primordiale, et chacun, individuellement et collectivement, devrait avoir les moyens de l’intégrer. En effet, les personnes handicapées

peuvent se sentir coupables des demandes qu’elles formulent, ou ressentir de la révolte devant les difficultés pour obtenir « ce à quoi elles ont droit ». Nous oscillons sans arrêt d’un sentiment à l’autre, ce qui fausse complètement le regard des « bien portants » envers les « handicapés », et vice versa.

Nous sommes actuellement dans une société qui se sent mal, mais dans laquelle tous devraient être beaux, jeunes et bien portants. Ce regard nous empêche d’avancer. L’équilibre doit être recherché, il passe par l’acceptation des différences.

Un handicap spécifique nécessitant des réponses adaptéesLe handicap psychique ne se voit pas, c’est le point crucial. Pour répondre aux besoins d’une personne handicapée psychique, il faut rechercher les critères de reconnaissance adaptés. Par exemple : dans le cadre d’un handicap physique, la personne ne peut pas se lever ; mais si le handicap est psychique, la personne peut se lever, mais n’en a pas le courage.

Le recours aux aides doit être simple. La maison du handicap demandée par le président de la République est, à ce sujet, une avancée évidente.

Pour le handicap psychique, un plus doit être apporté. En effet, les personnes concernées vont rarement « demander ». De surcroît, elles sont davantage sujettes à la désocialisation, n’ayant pas la force de, par exemple, sim-plement remplir un formulaire.

Ce trait spécifique doit être pris en compte, dès le début, par un personnel formé à ce type de handicap. La Fnap-Psy met actuellement au point des formations destinées aux professionnels pour les sensi-biliser aux réactions de ces personnes.

La nécessité d’une aide spécifique, souple, présentée mais non imposée, est impor-tante. Cette aide doit être présentée, suivie spécialement. Le facteur temps est, pour le handicap psychique, un facteur déter-minant.

L’intégration du handicap n’est pas une offre, c’est la réponse à un besoin de la société. Cela passe bien entendu par des campagnes de déstigmatisation, notamment pour le handicap psychique, dont la prin-cipale caractéristique est justement de ne pas être visible.

Ces campagnes et, dans le même temps, la récente loi sur la compensation du handicap permettront à chaque citoyen de se sentir bien dans une société adulte, équilibrée, sécurisante mais non infantilisante.

Nous ne pouvons plus supporter de discri-mination positive ou négative. L’intégration naturelle doit être notre réponse, et évitera toute revendication agressive. Chacun doit pouvoir tenir sa place dans notre société. C’est à nous d’y réfléchir et de demander à nos représentants, les politiques, de nous aider à faire avancer la mise en place de ces mesures de bon sens.

Il pourrait s’agir simplement d’augmenter le bien-être national brut. L

Les personnes handicapées psychiques : point de vue des usagers et de leurs familles

Page 48: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

62 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

d’usagers : les usagers patients et anciens patients, représentés ici par la Fnap-Psy, et les usagers familles, représentés ici par l’Unafam.

Les patients et anciens patients sont mieux placés que quiconque pour parler du ressenti des maladies, des effets secondaires des mé-dicaments, de la qualité de l’accueil dans les lieux de soins et des difficultés particulières vécues par ceux qui partagent leur condition de patients. Par contre, leur capacité à agir peut être momentanément ou durablement diminuée par leur état de santé.

Les familles concernées en la personne d’un proche sont aussi des utilisateurs des services de psychiatrie. Elles sont, en outre, de très loin les principaux accompagnants au quotidien des personnes malades et, à ce titre, partenaires des soignants, même si beaucoup de soignants ne le reconnaissent pas encore.

Les deux associations associées à la pu-blication du présent document ont publié en 2001, un Livre blanc, puis en 2003 un plan détaillé dans lesquels elles ont expliqué comment, selon elles, devait s’organiser l’ac-compagnement des personnes handicapées psychiques dans la cité. Les dispositions de ce plan intéressent directement les élus et tous les services en relation avec le public qui rencontrent, comme les familles et les soignants, les personnes malades.

En 2005, la reconnaissance du handicap psychique par la loi concernant les personnes handicapées va constituer un progrès remar-quable dans la reconnaissance, par tous les citoyens et leurs représentants, d’une popu-lation qui vit aujourd’hui dans la cité.

Cette reconnaissance est essentielle. Elle implique que des explications soient données

par ceux qui ont une expérience person-nelle de ces réalités qui, pour être en partie influencées par la pathologie, n’en sont pas moins humaines au sens où elles concernent le fonctionnement du psychisme. Ce point a été traité par le droit qui pose bien le problème, soit à propos de la protection juridique (loi de 1968), soit de l’obligation de soin (loi de 1990), soit dans le cadre des procédures judi-ciaires (article 122-1 du Code pénal), mais il n’a pas été explicité aux non-spécialistes dans le cadre de la vie courante.

Or c’est justement dans le cadre immédiat et concret de la vie courante que les difficultés se posent (refus de soins, déni de la maladie, abandon social,…). Les associations qui re-groupent les personnes et les familles con-cernées sont devenues les plus expérimentées en la matière. Leur rôle va être déterminant pour l’avenir. Les demandes d’information sur le sujet explosent littéralement. Elles proviennent de tous les professionnels, dans le secteur social, les services au public, la

police, la justice, les services pénitenciers ou simplement les voisins de palier.

C’est dans cette perspective que la Fnap-Psy et l’Unafam proposent des solutions concrètes qui font l’objet d’un plan en six points : le Plan des partenaires concernant l’accueil et l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques dans la cité

Les partenaires constatent que toutes les réponses à mettre en œuvre font intervenir plusieurs prestataires relevant de plusieurs administrations (en particulier médicales et sociales). Ils pensent qu’il est donc nécessaire et urgent de constituer des alliances durables entre les familles, les professionnels et les élus, et de promouvoir des associations de patients chaque fois que possible. Ces ac-tions concertées ne sont possibles que dans le cadre d’une planification qui anticipe les solutions au lieu d’attendre que les problèmes deviennent urgents. L’expérience montre que les élus ont un rôle déterminant dans l’orga-

Présentation de l’Unafam

L’association regroupe depuis quaran-te ans des familles pratiquement toutes

concernées. De ce fait, l’expérience accu-mulée en matière d’accompagnement est considérable et les 12 000 familles actuel-lement adhérentes ne cessent de l’enrichir chaque jour. L’association met cette expé-rience au service de l’ensemble des familles touchées par les problèmes psychiques, sur la totalité du territoire national. 800 bénévoles assurent des permanences dans tous les départements, parfois dans les com-

munes. Un service téléphonique est acces-sible aux heures ouvrables. Ce service reçoit actuellement environ 700 appels par mois, d’une durée moyenne de 20 minutes. Tous les membres des familles appellent, ainsi que des professionnels de tous les secteurs sociaux. L’Unafam assure, dans ce cadre, un véritable service public conformément aux objectifs de la reconnaissance d’utilité publique obtenue en 1968.

L’objectif commun des familles de l’as-sociation est de participer activement à

l’accompagnement au quotidien des per-sonnes malades. Les problèmes ne sont pas seulement pratiques. Toutes les personnes concernées savent que la confrontation avec les troubles de l’esprit implique une remise en cause profonde du sens que chacun donne à sa vie. Pour les personnes malades comme au sein des familles, cette remise en cause aboutit, dans la durée, à une véritable « culture » de l’acceptation de la différence et de l’accompagnement quoi qu’il arrive. L

Les six objectifs du plan d’accueil et d’accompagnement de l’Unafam

Les six objectifs du plan d’accueil et d’ac-compagnement sont les suivants :

● Pour tous :– la continuité des soins (urgences

comprises) (objectif 1),– l’obtention de recettes minima pour

vivre humainement (objectif 2),– l’obtention d’un logement et la

création d’hébergements adaptés (ob-jectif 3),

– la mise à disposition de lieux d’accueil

et de dispositifs d’accompagnement (Clubs et SAVS) (objectif 4).

● Si nécessaire, une protection juridique (objectif 5),

● Si la santé le permet, des activités et, le cas échéant, un travail (objectif 6).

Les six points sont liés comme les pro-fessionnels qui vont intervenir.

Comme déjà indiqué, les élus ont un rôle déterminant dans la coordination des actions.

Page 49: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 63

Tribunes

nisation et l’animation de ces collaborations interservices.

Cette demande de partenariats liée à la nature des troubles justifie, pour les parte-naires du Livre blanc, la création des conseils de secteur dont les modalités de mise en œuvre, au moins au niveau des principes généraux, ont été explicitement approuvées par la Conférence des présidents de CME, de CHS il y a déjà plus d’un an.

L’évolution d’aujourd’hui vers un indivi-dualisme généralisé représente, sans doute, une difficulté pour l’avenir. Mais, dans tous les cas, le partenariat proposé paraît la meilleure façon de rompre l’isolement, volontaire ou non, des différents acteurs du secteur de la santé mentale.

Vis-à-vis de l’ensemble de la population, il existe un besoin de dé-stigmatisation évident.

C’est pour répondre à ces exigences ,qui ont une dimension incontestablement politique, que le plan publié en 2003 s’adresse à tous les acteurs concernés dans la cité (association de patients, familles, soignants, élus et, avec eux, les professionnels du social, de la justice, de la police et des prisons).

Les dispositions du plan, citées ci-dessus, présentent des aspects innovants qu’il n’est pas sans intérêt d’évoquer rapidement.

● Le plan anticipe les risques. La dimension politique est devenue déterminante.

● Pour les patients et leurs proches, les troubles psychiques ont des conséquences dans les domaines psychologique, écono-mique, familial, politique et social. Dans cette perspective obligatoirement globale, la psychiatrie ne peut pas traiter les malades comme les somaticiens font vis-à-vis des patients autonomes. Le plan doit obligatoi-rement associer les environnements familial et social.

● Le plan admet qu’il y a un problème particulier à résoudre du fait que les personnes en cause peuvent n’accepter ni les maladies ni les soins.

● Le plan fait la promotion du concept de « club d’accueil et d’entraide » qui répond de manière adaptée à l’objectif prioritaire de rompre l’isolement provoqué par les troubles psychiques, tout en intégrant le fait que les personnes en cause peuvent ne plus être en état de demander de l’aide.

● Le plan constitue une vraie solution pour les élus et les services sociaux ; il permet de démontrer qu’une offre d’accueil adaptée, y compris pour les urgences, a été faite et qu’il n’y a pas abandon des populations en cause.

● Le plan fait exister une population qui ne rentre pas dans les critères habituels de l’insertion exclusivement par le travail et qui a, pourtant, un besoin impératif d’être accueillie et accompagnée.

● Pour les institutions déjà existantes, la reconnaissance des besoins spécifiques de cette population est une révolution, dans la mesure où l’accompagnement est d’abord au service des personnes dans leur recherche d’une auto-nomie reconnue difficile à obtenir. Les pro-fessionnels des clubs ne se substituent pas aux soignants, ils assurent le service au quotidien que les soignants ne peuvent assumer. Le club permet également aux personnes malades de faire la connaissance d’autres adhérents, avec lesquels une entraide sera possible.

● Le plan répond à une question clairement posée par tous les établissements et services qui reçoivent de plus en plus de personnes souf-frant de troubles psychiques. Jusqu’à présent, le problème a été évoqué davantage comme une question de formation des personnels. Il paraît plus réaliste de reconnaître qu’il existe bien une nouvelle fonction d’accueil et d’ac-

compagnement qui aura sa logique propre, ses impératifs, ses modes d’évaluation, quitte à ce que cette fonction soit assurée en complément d’autres activités plus classiques.

Dans les clubs déjà en place, la formation d’origine des professionnels a été sanitaire et sociale. Leur compétence commune est leur incontestable expérience dans l’accom-pagnement des personnes ayant des troubles psychiques. Ils ne sont plus infirmier ou travailleur social. Ils sont tous « animateurs » et volontaires pour l’être. Ils pratiquent tous le travail en groupe. Il s’agit bien d’une com-pétence pratique. Les fonctions décrites rap-pellent celles qui sont proposées par le Samu social.

ConclusionLes associations d’usagers ont accumulé une grande expérience depuis des années.

Elles ont pris conscience que les savoirs théoriques ne suffisaient pas et qu’il y avait lieu de construire en urgence des réponses collectives et pratiques aux problèmes, en particulier relationnels, auxquels les personnes concernées par les troubles psychiques sont confrontées dans l’instant. Elles ont acquis une connaissance particulière de l’accompa-gnement qui va jusqu’à l’épreuve de l’ineffi-cacité apparente.

La Fnap-Psy et l’Unafam maintiennent le point de vue qu’elles défendent depuis 2001 selon lequel on doit, dans tous les cas, d’abord respecter l’être qui souffre jusque dans son incapacité à vivre. Elles appellent à une très grande humanité dans les interven-tions à caractère sanitaire et social qui sont nécessaires vis-à-vis des populations les plus fragiles. L

Page 50: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

64 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Accessibilité à la cité et participation sociale des personnes handicapées mentales

La participation sociale

des personnes handicapées

mentales passe par un accompagnement

adapté et des mesures de protection juridique

repensées.

Régis DevoldèrePrésident de l’Unapei

Aujourd’hui, l’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs

amis (Unapei) a deux objectifs majeurs : promouvoir la participation de la personne handicapée à son projet de vie et à une vie sociale, et revendiquer une réelle accessibilité de la cité pour les personnes en situation de handicap mental.

Pour elles, et contrairement à d’autres types de handicap, la participation sociale ne passe pas par la mise en place ou la fourniture d’équipements, ou du moins très rarement. Elle nécessite un accompagnement humain soit dans le cadre d’un projet individualisé (c’est la logique de compensation du handicap mental), soit par la mise à disposition, par la collectivité publique et les services publics, de personnels formés à l’accueil de personnes ayant des difficultés de compréhension et d’expression.

L’Unapei est porteuse, depuis de nom-breuses années, du concept de citoyenneté de la personne handicapée. Cette valeur fon-damentale se traduit par le droit à la dignité, à l’intégrité, droit à la compensation pour remédier à son handicap, droit aussi à la parole et à sa participation.

Nos perceptions et nos actions, tant paren-tales qu’associatives, évoluent : nous sommes passés de la notion de « prise en charge » à celle d’« accompagnement ». Il s’agit d’aider, de soutenir ou d’accompagner la personne handicapée dans un itinéraire personnalisé. La notion de projet personnalisé, que ce soit dans le contexte de l’habitat, la vie sociale et de loisirs, ou celui du travail, de l’activité et de l’insertion professionnelle, apparaît comme

la résultante incontournable de l’expression de la personne handicapée. Cette expression est toujours riche, à condition qu’on lui apporte l’écoute et le décodage nécessaires. De même, l’accompagnement est facteur d’expression. Il libère les attentes et les rêves et permet à la personne handicapée de se positionner comme le principal acteur de sa propre vie.

La place de la famille est, bien sûr, primor-diale dans cette fonction d’écoute et d’accom-pagnement. L’Unapei, dans sa dimension familiale, synthétise et représente les garanties du respect dû aux personnes, de leur droit d’expression et de participation active.

Nous confirmons ainsi que la famille, les parents sont au plus proche de l’expression des attentes de leur enfant, même si celui-ci est devenu adulte. C’est cette famille qui a éveillé et transmis à son enfant ses valeurs fondamentales, sociales, culturelles, morales… Elle a été la première à mener l’insertion de son enfant dans la société, à l’aider à faire sa place et à le promouvoir.

Mais nous sommes aussi conscients que la famille, porteuse du devenir de son enfant, de son désir de grandir et de devenir chaque jour plus autonome, peut être aussi un frein. Les tendances à se renfermer sur la cellule familiale, les sentiments par trop exprimés de protection peuvent devenir étouffants et occulter le désir de l’autre. Nous connaissons tous dans notre environnement associatif ces exemples d’enfermement familial ou ces tendances à vouloir trop bien faire, tout faire, qui conduisent à ne plus entendre la parole de l’autre. Nous savons qu’il est difficile pour des parents d’autoriser leur enfant à « prendre

trib

unes

Page 51: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 65

Tribunes

des risques » et qu’un souci de protection peut devenir de la surprotection.

Professionnels et parents, nous sommes les témoins privilégiés de l’expression des per-sonnes handicapées mentales. Quel que soit leur niveau de communication, nous avons appris à entendre et comprendre leurs be-soins, leurs désirs et leurs rêves. Nous sommes souvent surpris des valeurs fondamentales qu’elles expriment et de cette spontanéité qui leur permet d’être « vrai ». Soyons encore plus attentifs et elles sauront nous indiquer le chemin qu’elles souhaitent emprunter pour tracer leur propre vie, comme souvent elles nous ont indiqué notre propre voie.

La nécessité d’un accompagnement adaptéPour ce faire, l’accompagnement adapté est l’élément de compensation toujours néces-saire. L’accompagnement n’est pas un assis-tanat qui consiste à tout faire à la place de l’autre ; c’est la capacité de marcher à côté de l’autre et de l’aider à éviter les obstacles qu’il nous indique.

La participation sociale doit, bien entendu, s’exercer dans tous les lieux de vie des per-sonnes handicapées :

● d’abord, les lieux ouverts à l’ensemble de la population. C’est l’importance que nous accordons à l’accès aux loisirs, aux vacances, à la culture, au sport…

● c’est ensuite le cadre institutionnel. Des outils existent pour permettre un dialogue avec la personne handicapée mentale et s’assurer de sa participation au projet d’établissement et de son adhésion à son propre projet de vie. La loi du 2 janvier 2002 fournit un certain nombre de garanties à cet effet (conseil de la vie sociale, contrat de séjour, livret d’accueil…). La mise en œuvre de ces outils ne doit pas être formelle et artificielle. À cet effet, l’Unapei a développé des outils mettant en œuvre une démarche de communication adaptée à la personne en situation de handicap mental : traduction des documents sous forme d’images, de photos, de pictogrammes… Certaines de nos as-sociations sont déjà très avancées dans ce travail. Pour l’Unapei, il est donc primordial que cela soit étendu à toutes afin de s’assurer de la participation effective des personnes handicapées mentales, y compris de celles les plus lourdement handicapées.

Dans la mesure où le handicap mental se caractérise, notamment, par une difficulté à analyser les situations et l’environnement et à prendre les décisions nécessaires, l’accessibilité de la cité aux personnes handicapées mentales

consiste à compenser ces difficultés par des moyens permettant le repérage dans l’espace et le temps. Ces moyens sont principalement de deux ordres : le développement d’une signalétique adaptée et la mise en place de points d’accueil dans les lieux publics com-prenant du personnel à même d’accueillir les personnes handicapées, et en particulier les personnes handicapées mentales.

Les tutelles : une réforme attendueJe terminerai ces quelques réflexions en évo-quant un dossier très sensible pour l’Unapei : celui de la mise en œuvre d’une mesure de protection juridique.

Le droit assimilait naguère les personnes handicapées mentales aux aliénés, et les consi-dérait comme des incapables. L’Unapei défend le fait que, pour un certain nombre d’entre elles, les personnes en situation de handicap mental ont besoin d’une mesure de protection pour que leurs capacités puissent s’exprimer pleinement. La protection juridique dont elles peuvent faire l’objet constitue alors un moyen de les accompagner dans tous les actes de leur vie : une mesure de protection juridique n’est pas une contrainte, bien au contraire, elle est libératrice pour la personne. C’est parce qu’elle bénéficie d’une mesure de protection juridique que nous pourrons prendre « des risques », mesurés bien sûr, dans la recherche de son autonomie.

Au même titre qu’un fauteuil roulant permet à la personne handicapée physique d’avancer dans la vie, le tuteur et le curateur compensent les conséquences du handicap mental en apportant une protection aux biens, mais aussi à la personne. Il ne s’agit pas d’agir à sa place sans tenir compte de ses aspirations, mais de faire avec elle. Dans de nombreux domaines, la loi a reconnu cette mission au tuteur : droit des malades, expéri-mentation biomédicale, droits des usagers, loi du 2 janvier 2002 sur les institutions sociales et médico-sociales… Il apparaît indispensable que la loi l’étende à tous les actes de la vie personnelle.

Il n’a pas été facile de le faire comprendre, car une telle mesure est souvent vue uni-quement comme restrictive de droits. Certes, c’est vrai, mais, pour nous, il s’agit surtout d’un dispositif profondément émancipateur, dans la mesure où il constitue une sorte de « filet de sécurité » qui permet de rendre auto-nomes les personnes handicapées mentales sans les exposer à des risques dont elles mé-connaîtraient la portée et l’existence. L’Unapei attend de la réforme annoncée (depuis si

longtemps) qu’elle permette d’aller plus loin en reconnaissant explicitement la place et le rôle de la tutelle à la personne et en permettant une participation plus étroite de la personne concernée à la mise en œuvre de sa mesure de tutelle.

Au début de mes propos, j’ai évoqué la citoyenneté des personnes handicapées je les conclurai en disant : « affirmer la citoyenneté à part entière de la personne handicapée mentale, c’est la reconnaître, c’est-à-dire quelquefois me-surer ce que l’on doit lui apporter…, C’est toujours apprécier ce qu’elle donne. » L

Page 52: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

66 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

Déficience visuelle et participation sociale : l’histoire de Paul…

Même si, avec des aides et

accompagnements, les déficients visuels

obtiennent une qualification suffisante,

le monde du travail reste difficilement accessible.

Jean-Pierre GantetVice-président du Comité national

pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CNPSAA)

Intégration, insertion, lutte contre l’ex-clusion représentent des notions qui, de plus en plus, se déclinent à travers

des outils financiers, administratifs ou ins-titutionnels, faisant oublier que le handicap se situe avant tout au niveau du vécu, du ressenti de la personne. Il suffit de constater à quel point un jeune peut être perturbé par le fait d’avoir un nez trop long, des oreilles décollées ou des cheveux roux, pour imaginer combien il est difficile de vivre aveugle, sourd ou paraplégique.

C’est même cette notion de trop grande différence, d’irréversibilité, de terrible injustice qui fait qu’un certain nombre d’entre nous, après avoir essayé de se battre, perdent con-fiance, baissent les bras, se replient sur eux-mêmes, s’excluent et deviennent ces fameux « citoyens invisibles ». Bien entendu, ce n’est pas la règle. Certains, à force de courage, d’énergie et d’un peu de chance, arrivent à mener une vie à peu près équilibrée. Beaucoup d’autres pourraient y parvenir s’ils se sen-taient mieux compris, reconnus, et si nous savions leur apporter ce qu’il faut au moment voulu.

Il faut donc regarder comment ces phéno-mènes se déclinent au niveau de la déficience visuelle avant de pouvoir exprimer un avis sur la pertinence des dispositifs juridiques ou financiers que nos instances mettent en place en notre faveur.

Bien que la moitié des Français portent, ou devraient porter, des lunettes, le han-dicap visuel est, heureusement, relativement rare. Il y a toujours des batailles autour des chiffres du handicap, chacun majorant sa population pour faire valoir ses arguments.

L’enquête Handicaps-Invalidités-Dépendance (HID) commence à mettre un peu d’ordre dans ce domaine ; simplement, pour des handicaps relativement rares, entre 1 et 2 % de la population, ces enquêtes, fondées sur le volontariat et le déclaratif, sont difficiles à extrapoler. Raisonnablement, on estime qu’il existe entre 50 000 et 70 000 aveugles totaux, 300 000 personnes gênées pour la lecture d’un document ou la traversée d’une rue, et 1 million à 1,5 million ayant des dif-ficultés avec la signalétique de la SNCF ou des aéroports.

Ces estimations sont d’autant plus délicates que cette population est en pleine mutation, les progrès de la médecine entraînant un triple effet :

– de moins en moins d’aveugles de nais-sance, la cataracte congénitale et le glaucome de l’enfant s’opérant dès la première enfance, avec malheureusement une récupération pouvant être incomplète,

– de plus en plus de malvoyants, la mé-decine et la chirurgie arrivant à sauver de grands prématurés ou de graves accidentés, mais au prix de séquelles parfois oculaires,

– le vieillissement de la population, s’ac-compagnant naturellement de son lot de malvoyants.

Il faut enfin noter qu’il y a une diffé-rence fondamentale entre cécité totale et malvoyance. Voir, si peu que ce soit, facilite grandement la vie : notion du jour et de la nuit, d’un danger ou d’un mouvement. De même, il ne faut pas confondre un aveugle tardif qui se souvient des couleurs, des vo-lumes, des formes et un aveugle de naissance pour lequel ces notions sont abstraites.

trib

unes

Page 53: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 67

Tribunes

La cécité : un handicap spécifiqueLa différence entre une personne handicapée physique et une autre handicapée visuelle réside dans le fait que la première peut ou ne peut pas faire les choses : franchir un obstacle, accéder aux toilettes, monter dans un wagon, alors que la seconde peut tout faire avec deux petites réserves : il lui faut d’abord comprendre de quoi il s’agit, quels sont les gestes à effectuer, mais surtout elle n’a aucune notion des dangers que cela peut engendrer pour elle ou pour les autres.

Aussi, mon ami Paul, aveugle de nais-sance, est toujours très perplexe devant les questionnaires que lui adresse la Cotorep : peut-il s’asseoir, manger seul, faire sa toilette, s’habiller, faire quelques pas ? Bien entendu, il peut tout faire, ce qui laisserait supposer qu’il n’est qu’un handicapé de pacotille. D’ailleurs, certaines associations le proclament : nous sommes comme les autres, nous pouvons tout faire. Il existe même un club des « Mirauds volants ». Et de bons intellectuels prétendent que la cécité n’existe que dans la tête… Ce n’est pourtant pas le sentiment de Paul.

Il se souvient encore de sa rage de petit garçon quand il entendait les enfants de son âge jouer au ballon ou faire de la bicyclette alors qu’il était obligé de mesurer ses gestes pour ne pas se cogner ou tomber à chaque instant.

Plus tard, adolescent, quand il sortait avec des amis, il avait toujours le sentiment d’être « à la traîne », d’être le vilain petit canard incapable de jouer aux cartes ou au volley-ball. Si une fille s’intéressait à lui, il se posait la question de savoir si elle ne le faisait pas par gentillesse, par instinct maternel.

Cela ne l’avait pas empêché de faire de bonnes études. Ses parents avaient eu l’in-telligence de le mettre d’emblée dans un établissement possédant un bon professeur de braille qui lui avait permis d’acquérir rapidement une bonne aisance au niveau de la lecture, de l’écriture, du calcul et, très tôt, du maniement du bloc-notes électronique. Il était resté en milieu protégé jusqu’à la fin du collège, puis avait intégré un lycée ordinaire grâce à l’aide d’une association qui, tous les soirs, venait l’aider à faire ses devoirs et surtout lui expliquer les dessins, photos, graphiques se trouvant dans ses livres et intraduisibles en braille. Aujourd’hui, cet appui à la scolarisation en milieu ordinaire est nettement plus répandu et, même si la si-tuation est variable d’un département à l’autre, beaucoup d’enfants peuvent y effectuer toute leur scolarité. Cependant, demeure toujours le problème des livres scolaires, dont très peu

sont traduits en braille ou en langage électro-nique. La création récente d’un groupement d’intérêt public (GIP) regroupant les usagers, l’Éducation nationale et les éditeurs devrait améliorer les choses.

L’université fut un rude challenge. Non seulement parce qu’il est plus difficile de s’y faire aider alors que la recherche de docu-ments devient primordiale mais également par l’immensité des lieux et la difficulté à s’y repérer. Il y avait retrouvé sa vieille peur d’enfance de tomber, de renverser les choses, de se faire renverser. Cette vieille peur qui ne vous quitte jamais, même à la sortie d’un spectacle quand la foule vous pousse vers une sortie débouchant sur un trottoir étroit que les voitures frôlent sans arrêt…

Il est cependant un grand amateur de cinéma, même si les scénarios construits autrefois à partir d’un roman ou d’un écrit solide, deviennent, de nos jours, un simple complément de l’image ou si les films étrangers, autrefois doublés en français, sont maintenant sous-titrés, ce qui arrange nos amis sourds en nous éliminant…

La dure réalité du monde du travailCe monde universitaire, malgré ses incon-vénients et ses difficultés, était encore un monde protégé, un monde de jeunes, de solidarité, d’amitié. La vraie compétition, âpre et sauvage, est apparue au niveau du travail. Cette constatation est valable pour tous les types de handicap : plus de chômage, départs anticipés à la retraite (52-55 ans)…, mais est encore plus frappante chez les déficients vi-suels, dont le niveau scolaire est généralement satisfaisant. Parmi les malvoyants et quel que soit le pays d’Europe, seul un tiers d’une génération est effectivement au travail.

Trouver un emploi n’est jamais simple, même avec une bonne qualification. Une personne handicapée doit en plus convaincre l’employeur que le handicap ne nuira pas à l’efficacité du travail accompli. Une fois l’emploi obtenu, il faut faire face. S’il s’agit d’un travail posté où l’on peut avoir son ma-tériel adapté, ses rangements, ses habitudes, les chances de réussite sont raisonnables, mais il n’y a pas de progression possible, aucun profil de carrière.

Aujourd’hui, pour progresser, il faut être polyvalent, bouger, se former en perma-nence, assister à de nombreuses réunions où les documents vous sont distribués à la dernière minute ou commentés en rétro-projection…

C’est à cet instant que Paul a pris conscience

que finalement la plus grande difficulté ren-contrée par un déficient visuel était l’accès à l’information, tout simplement parce que celle-ci est à 90 % visuelle : écrans en tout genre, montagnes de documentation écrite, photos, graphiques, « camemberts », signaux lumineux fixes ou clignotants, distributeurs automatiques souvent à écrans digitaux ou à menus déroulants…

Il y a quelques années, l’arrivée de l’infor-matique fut une véritable révolution : enfin, nous pouvions accéder à l’information et communiquer par mail — quel progrès, quelle joie, quelle richesse pour toute une génération, enfin pouvoir se gaver de lecture…

Malheureusement, chaque solution a ses limites : les nouveaux logiciels sont riches en icônes intraduisibles en braille et ne sont pas toujours compatibles avec l’électronique de nos outils adaptés (plages braille, télé-agran-disseurs). Notre maniement du Web demeure incomplet, lent et peu compétitif, même si d’importants progrès sont en cours.

Heureusement, Paul est un garçon volon-taire, tenace, intelligent, et il a pu bénéficier rapidement de l’aide d’un assistant de bon niveau qui, en le dégageant d’un certain nombre de contraintes, lui a permis de donner toute sa mesure.

Aujourd’hui, il bénéficie d’une bonne si-tuation mais souvent il pense à tous ceux qui sont restés sur le bord de la route avec le sentiment d’un immense gâchis : que de richesses inexploitées, gaspillées, que de dé-tresses stériles… Et il se demande si la nouvelle loi en préparation sera capable d’aborder des problèmes aussi complexes.

En améliorant l’accessibilité (cité, trans-ports, culture, loisirs…) et en compensant les conséquences du handicap par des aides (humaines, financières, techniques…), cette loi sera bénéfique, Paul s’en réjouit car bien des problèmes seront résolus.

Par contre, la participation et la citoyenneté promises dans la loi ne sont pas vraiment au rendez-vous. Nous le regrettons tous car le fond du problème est humain. Rien ne sert de vouloir gaver un homme qui n’a plus faim ni soif. Il faut redonner confiance à la personne, l’aider à se construire ou à se reconstruire, cesser de l’assister pour la responsabiliser petit à petit à la hauteur de ses moyens, la respecter et la traiter en être humain à part entière, en véritable citoyen.

Ce n’est qu’au prix de cette refondation des principes que l’on redonnera sens à cette loi, et donc probablement une certaine efficacité. L

Page 54: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

68 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

La recherche sur le handicap en France : un retard à combler

Il est aujourd’hui primordial de concevoir de

nouveaux rapports entre le monde de la recherche et celui des associations de personnes handicapées.

Les cloisonnements traditionnels doivent être dépassés pour davantage

de transversalité.

Jean-François RavaudDirecteur de recherche Inserm, Centre de recherche médecine,

sciences, santé et société, Cermes (Inserm U502, CNRS UMR 8559,

EHESS), Villejuif, directeur de l’Institut fédératif

de recherche en réseau sur le handicap (IFR25-RFRH)

Dans un contexte national caractérisé par la coïncidence d’une démarche d’initiatives et de propositions sur

l’organisation de la recherche française et la révision de la loi de 1975, socle de la politique française sur le handicap, la recherche sur le handicap fait l’objet d’intenses réflexions et de recommandations visant à lui donner un nouvel élan. Face au retard pris en regard de la situation internationale, la création d’un Ins-titut national de recherche, développement, formation et innovation sur le handicap sous une forme en réseau, aujourd’hui accueillie favorablement par les acteurs de la recherche, rencontre une demande sociale croissante.

État des lieux de la recherche sur le handicapL’état des lieux de la recherche française sur le handicap, ou mieux, en direction des personnes handicapées, met en lumière un développement insuffisant qui tranche avec l’intérêt que suscite ce champ de recherche dans les pays scandinaves ou anglo-saxons et l’intensité des débats scientifiques inter-nationaux.

Cette situation est dénoncée de façon ré-currente en France depuis vingt ans et l’on relève la faiblesse de ses moyens, sa pauvreté en hommes et son manque de visibilité. Les causes de cette situation ont été également régulièrement analysées : caractère néces-sairement multi ou transdisciplinaire des recherches, alors que le système universitaire français est tout entier organisé selon un découpage disciplinaire, petitesse des équipes concernées et flou des limites du champ.

En fait, malgré la création dès 1975 du

CTNERHI (Centre technique national d’études et de recherches sur le handicap et les inadaptations), notre pays n’a pas connu de politique incitative à destination des or-ganismes de recherche ou des universités permettant une structuration de ce champ de recherche. Tour à tour, la Commission des affaires sociales du Sénat vient d’évoquer en 2002 une « grande diversité d’acteurs confrontés à une insuffisance partagée de moyens finan-ciers », et la Cour des comptes a déploré en 2003 « un dispositif complexe et une absence de coordination ». Deux rapports viennent d’être remis sur cette question en 2004 au ministère de la Recherche et au secrétariat d’État aux Personnes handicapées par les Pr M. Fardeau et P. Thoumie. Tous dénoncent le faible in-vestissement de la recherche publique sur ce sujet, tant dans les organismes de recherche que dans les universités, et recommandent que la recherche sur le handicap soit définie comme priorité de la recherche publique.

Cette situation française contraste avec un intérêt croissant porté sur ce champ tant aux États-Unis que dans plusieurs pays européens, avec le développement important des sciences de la réadaptation et l’avènement des disability studies comme discipline autonome.

L’examen de la situation internationale fait apparaître des instituts spécifiquement dédiés à cette thématique comme le NIDRR (National Institute for Disability and Rehabi-litation Research), un des instituts des NIH (National Institutes of Health) aux États-Unis, ou l’Institut suédois du handicap, des universités qui ont fait de cette thématique l’emblème de leur excellence tant aux États-Unis d’Amérique (Berkeley, Chicago) qu’en

trib

unes

Page 55: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 69

Tribunes

Angleterre (Kent, Leeds). Mais ce sont aussi des sociétés savantes ou des réseaux de cher-cheurs qui se sont constitués comme la Society for Disability Studies outre-Atlantique, qui comporte plusieurs centaines de membres, ou plus près de nous le Nordic Network for Disability Research.

Il est donc à ce jour tout à fait essentiel de (re)penser l’organisation de la recherche, mais aussi de l’enseignement en France dans le domaine du handicap.

Définition et délimitation d’un champ de rechercheIl est vrai que ce champ est aussi à la re-cherche de ses limites. Des améliorations considérables ont été apportées aux défini-tions, des clarifications conceptuelles ont accompagné les travaux de révision par l’OMS de la classification internationale des handicaps. Néanmoins, des conceptions divergentes continuent de s’opposer suivant qu’elles s’appuient sur un modèle individuel, médical, du handicap ou sur un modèle social. Cette différence de perspective et d’intérêt fonde ainsi dans les pays anglo-saxons la distinction entre les disability studies et les rehabilitation sciences.

Les disability studies correspondent à un courant académique autonome, une nouvelle discipline universitaire en pleine émergence peu représentée en France [1]. Elles sont fondées sur le modèle social du handicap, et apportent leur éclairage à l’accessibilité univer-selle et à l’élimination des barrières physiques et sociales qui font obstacle à l’intégration des personnes handicapées.

Les rehabilitation sciences correspondent à

nos sciences de la réadaptation (médecine de rééducation, mais aussi diverses disciplines paramédicales : kinésithérapie, ergothérapie, psychomotricité, orthophonie, etc.). Elles sont centrées sur les déficiences et incapacités, et mettent l’accent sur la rééducation, les systèmes de compensation fonctionnelle et les aides techniques.

En s’appuyant sur les nouveaux concepts de l’OMS, et en essayant de dépasser les cli-vages précédents, il est aujourd’hui possible de proposer une définition du champ de recherche, qui évite les écueils d’une vision trop restrictive du sujet ou à l’inverse trop extensive et englobant potentiellement toute la recherche biomédicale. Entreraient dans le champ de la recherche sur le handicap : « les recherches effectuées en direction de l’évaluation du fonctionnement humain, de la prévention, la compensation et la réduction des incapacités de la personne, des facteurs environnementaux et subjectifs, et d’une amélioration de la partici-pation sociale des personnes ». Pour l’essentiel, il s’agit de recherches appliquées en interaction constante avec des recherches plus fonda-mentales, effectuées dans plusieurs champs disciplinaires, des sciences humaines et so-ciales aux sciences de l’ingénieur, en passant nécessairement par les sciences médicales, en particulier les sciences et techniques de la réadaptation.

Ainsi délimité ce champ de recherche, l’objectif est alors de construire une com-munauté scientifique, c’est-à-dire d’œuvrer à sa cristallisation, son unification, son déve-loppement et sa visibilité internationale. Un tel objectif ne peut être atteint sans prendre en compte les trop rares initiatives plus ou

moins anciennes déjà prises sur un plan plus sectoriel dans telle institution ou tel champ disciplinaire et essayer de les fédérer.

Mais surtout, il est aujourd’hui crucial de concevoir de nouveaux rapports entre recherche et personnes handicapées. La struc-turation de la recherche sur le handicap se doit d’impliquer les associations de personnes handicapées dans l’élaboration de ses orien-tations stratégiques.

Organisation de la recherche sur le handicap et ses perspectives en FranceDonner un véritable élan à la recherche sur le handicap en France nécessite de dépasser un certain nombre de cloisonnements tradi-tionnels qui ont pesé sur le développement de ce champ de recherche. À cette fin, il faut penser différents types d’interfaces et de transversalités.

– Dans une perspective universaliste, comme celle qui sous-tend la démarche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avec la CIF, il n’y a pas de justification à limiter à certaines catégories d’âge le champ du handicap et, par exemple, à en exclure le handicap lié au vieillissement. Les handicaps de toute nature sont par ailleurs concernés qu’ils soient consécutifs à des déficiences phy-siques, sensorielles, mentales ou psychiques, ayant pour origine une maladie, un accident, une malformation ou le vieillissement.

– Il est indispensable de tisser des ponts entre la recherche sur le handicap effectuée dans les établissements publics de recherche (Centre national de la recherche scientifique [CNRS], Institut national de la santé et de la recherche médicale [Inserm], Institut na-

La recherche sur le handicap en France : un retard à combler

Page 56: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

70 adsp n° 49 décembre 2004

La situation des personnes handicapées : un enjeu de société

tional d’études démographiques, Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, Institut national de recherche en informatique et en automatique, etc.), dans les universités ou les grandes écoles, dans divers organismes publics ou parapublics (Drees, Insee, CTNERHI) et dans le secteur industriel, et de favoriser toute forme de collaborations qui permette de réduire ces frontières institutionnelles.

Si plusieurs ensembles disciplinaires (sciences humaines et sociales, sciences de la vie, sciences pour l’ingénieur, sciences et technologies de l’information et de la com-munication) ont déjà développé ce secteur de recherche, l’étape à franchir est celle de la nécessaire pluridisciplinarité de ce champ. C’est d’une confrontation entre recherche clinique, recherche en santé publique, re-cherche en sciences humaines et sociales, recherche technologique qu’émergeront les nouvelles connaissances qui feront progresser ce champ de recherche et les conditions de vie des personnes concernées.

Un groupe de propositions réunissant des acteurs de la recherche, caractérisé par sa

diversité tant du point de vue des initiatives déjà prises, des organismes et disciplines re-présentés, que des compétences dans différents types de handicap, travaille actuellement en lien avec divers partenaires et associations à élaborer des propositions stratégiques avec le souci de ces équilibres.

Il est ainsi préconisé de doter enfin ce champ de recherche dans notre pays d’une structure visible, d’envergure nationale, transcendant les frontières des organismes de recherche et regroupant l’ensemble des équipes et labora-toires sous la forme d’un Institut « sans murs », conçu en réseau. Certaines de ces équipes et certains de ces laboratoires ont d’ores et déjà entamé quelques démarches de regroupement ces dernières années mais en réseaux distincts (cf. encadré). Le projet est de les fédérer sous la forme d’un Réseau national de recherche, développement, innovation et formation sur le handicap. L’objectif serait de mettre en œuvre, dès la conception d’un tel institut, les liens indissociables de la recherche sur le handicap, d’une part avec l’enseignement et la formation, d’autre part avec le développement technologique et la valorisation sociale.

Outre le lancement d’un programme na-tional de recherche thématisé sur le han-dicap, cet institut devrait assurer plusieurs fonctions visant à assurer la pérennisation de ce champ de recherche. Sa mission serait aussi de s’atteler à la structuration régionale, c’est-à-dire à l’organisation et à l’optimisation d’un développement territorial.

La réflexion sur la structure ne pourra se préciser qu’après une concertation large avec les partenaires concernés et en fonction de leur engagement dans cette dynamique. Mais il y a d’ores et déjà consensus pour penser qu’il est temps, pour la recherche française sur le handicap, de passer à la vitesse supérieure pour combler son retard et être à la hauteur de cet enjeu majeur de santé publique. L

référencesVoir les ouvrages [1], [6], [12] et [14] référencés dans la bibliographie page 71.

L’Institut fédératif de recherche sur le handicap

Le programme des IFR (instituts fé-dératifs de recherche) a été mis en

place par les ministères en charge de la Recherche et en charge de la Santé, en liaison avec la Conférence des présidents d’université, le CNRS, l’Inserm, l’Institut national de recherche agronomique, l’Ins-titut de recherche pour le développement et le Commissariat à l’énergie atomique, pour favoriser les synergies et complé-mentarités entre établissements publics à caractère scientifique et technologique et universités dans les sciences de la vie et de l’environnement.

Créé en 1994 par le Pr Michel Fardeau, à l’initiative de l’Inserm, l’Institut fédé-ratif de recherche sur le handicap (IFR 25), dirigé ensuite par le Pr Jean-Pierre

Didier, est le seul IFR en réseau. Évalué favorablement, il a été reconduit pour la période 2003-2006, sous la direction du Dr Jean-François Ravaud, directeur de recherche à l’Inserm.

Constituant une des rares initiatives visant à animer et coordonner ce secteur de recherche, l’IFR 25 représente actuel-lement une fédération de 24 laboratoires réunis autour d’un champ commun : celui du handicap.

Cette fédération lie par convention :● 3 établissements publics à caractère

scientifique et technologique : l’Inserm, le CNRS, l’Ined,

● 16 universités,● le Conservatoire national des arts et

métiers,

● l’Institut Garches● le CTNERHI.Il est organisé autour de trois axes entre

lesquels se répartissent les équipes, unités de recherche et services hospitaliers :

● Recherches en santé publique et en sciences humaines et sociales,

● Recherche clinique et sciences de la réadaptation,

● Recherches technologiques et systèmes de compensation.

Les unités constituantes sont implantées dans huit régions géographiques.

L’IFR25-RFRH a un site web : http://rfr-handicap.inserm.fr/ qui hé-

berge en particulier toutes les informations sur l’Enquête HID (Handicaps-Incapacités-Dépendance) réalisée avec l’Insee. L

Page 57: La situation des personnes handicapées, un enjeu de société

adsp n° 49 décembre 2004 71

bibliographie et adresses utiles

bibliographie

1. Albrecht Gl, Ravaud J.-F., Stiker H-J. « L’émergence des disability studies : état des lieux et perspectives ». Sciences So-ciales et Santé, 2001, 19 (4) : 43-73.

2. Assante V. Situations de handicap et ca-dre de vie, Conseil économique et social, 2000.

3. Cohu S., Lequet-Slama D. (avec la col-laboration de Dominique Velche). « Les politiques en faveur des personnes han-dicapées en Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède ». Études et Résultats, 305, avril 2004, 461-483.

4. Cohu S., Lequet-Slama D., Velche D. « La Suède et la prise en charge sociale du handicap, ambitions et limites ». Revue française des affaires sociales, n° 4, octobre-décembre 2003.

5. Congrès européen du Forum européen des personnes handicapées en 2003 : Décla-ration de Madrid, « non-discrimination plus actions positives font inclusion sociale ».

6. Fardeau M. Structuration de la recherche sur le handicap en France, note d’orienta-tion pour le ministre délégué à la Recher-

che et aux Nouvelles Technologies et le secrétariat d’État aux Personnes handica-pées, janvier 2004.

7. Fougeyrollas P., L’évolution conceptuelle internationale dans le champ du handi-cap : enjeux sociopolitiques et contribu-tions québécoises, Pistes, 4, 2, UQAM, Montréal, novembre 2002.

8. « Handicaps-Incapacités-Dépendance ». Revue française des Affaires sociales, n° 1-2, janvier-juin 2003.

9. « La Classification Internationale du fonc-tionnement, du handicap et de la santé ». Handicap, Revue de sciences humaines et sociales, n° 94-95, CTNERHI, Paris, avril-septembre 2002.

10. « Mission d’étude en vue de la révision de la loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées ». Vincent Assante, avec le concours d’Henri Jacques Stiker, Eric Plaisance, Jésus San-chez, 2002.

11. Organisation mondiale de la santé, Classi-fication internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé. Genève, 2001.

12. Ravaud J.-F. « Vers un modèle social du handicap : l’influence des organisations internationales et des mouvements de personnes handicapées ». In Une nouvelle approche de la différence : comment re-penser le « handicap ». Éditions Médecine et Hygiène, collection « Cahiers médico-sociaux », 2001, 55-68.

13. Velche, D. « L’insertion professionnelle en milieu ordinaire des personnes handica-pées dans l’Union européenne : diversité ou convergence des politiques sociales ? » Handicaps et Inadaptations, Les Cahiers du CTNERHI, n° 65-66, 123-157, 1995.

14. Ville I., Ravaud J.-F. (éds) « Personnes handicapées et situations de handicap ». Problèmes politiques et sociaux, Paris, La Documentation française, septem-bre 2003, n° 892.

15. Waterplas L., Samoy E. « Attribution d’un budget personnalisé : nouvelle panacée ou cheval de Troie dans les dispositifs de services aux personnes handicapées ? » Handicap, Revue de sciences humaines et sociales, n° 90, 1-27, 2001.

adresses utiles

Bases de données et centres de documentation Saphir www.ctnerhi.com.fr/pages/saphir.htm Unapei www.unapei.org APF www.apf.asso.fr OPHQ (Office des personnes handicapées du Québec) www.ophq.gouv.qc.ca Banque de données santé publique (BDSP) www.bdsp.tm.fr/ Legi www.ctnerhi.com.fr/pages/legi.htm.

Agefiph Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées 192 avenue Aristide-Briand 92226 Bagneux Cedex Téléphone : 01 46 11 01 55 Télécopie : 01 46 11 01 52 Site : www.agefiph.asso.fr

APF Association des Paralysés de France 17 boulevard Blanqui 75013 Paris Téléphone : 01 40 78 69 00 Site : www.apf.asso.fr

CNPSAA Comité national pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes 5 rue Duroc 75007 Paris Téléphone : 01 44 49 27 17 Courriel : [email protected] Site : www.cnpsaa.fr/

CTNERHI Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations 236 bis rue de Tolbiac 75013 Paris Téléphone : 01 45 64 59 00 Site : www.ctnerhi.com.fr

Fnap-Psy Fédération nationale des associations d’(ex)patients en psychiatrie 3 rue Évariste Galois 75020 Paris Téléphone : 01 43 64 85 42 Site : www.fnappsy.org

IFRH Institut fédératif de recherche sur le handicap 57, avenue de Joinville 94130 - Nogent-sur-Marne Site : ifr-handicap.inserm.fr

Ministère des Solidarités, de la Santé et de la Famille Site : www.handicap.gouv.fr

Unafam Union nationale des amis et familles de malades psychiques 12 villa Compoint 75017 Paris Téléphone : 01 53 06 30 43 Courriel : [email protected] Site : www.unafam.org

Unapei Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis 15 rue Coysevox 75876 Paris Cedex 18 Téléphone : 01 44 85 50 50 Courriel : [email protected] Site : www.unapei.org

Unisda Union nationale pour l’insertion sociale des déficients auditifs 254 rue Saint Jacques 75005 Paris Téléphone : 01 53 73 14 23 Site : www.iddanet.net