This article was downloaded by: [Kungliga Tekniska Hogskola]On: 09 October 2014, At: 01:43Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registeredoffice: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

Canadian Journal of DevelopmentStudies / Revue canadienne d'études dudéveloppementPublication details, including instructions for authors andsubscription information:http://www.tandfonline.com/loi/rcjd20

La sécurité alimentaire, ses liens avec lanutrition et la santéHélène Delisle aa Département de nutrition Faculté de médecine , Université deMontréalPublished online: 24 Feb 2011.

To cite this article: Hélène Delisle (1998) La sécurité alimentaire, ses liens avec la nutrition et lasanté, Canadian Journal of Development Studies / Revue canadienne d'études du développement,19:4, 307-329, DOI: 10.1080/02255189.1998.9669789

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La skcuritk alimentaire, ses liens avec la nutrition et la santd

9fil2ne Delisle Dkparternent de nutrition

FacultC de mkdecine, Universitk de Montreal

Cet article met en ividence les interretations complexes de la skcuritt! alimentaire, de la nutrition et de la santk. LJinskcuritk alimentaire contribue h la malnutrition, mais elle n'en est pas la seule cause, de sorte que, pour faire reculer la malnutrition dans ses difkrentes formes, uneplusgrande h r i t k alimentaire doit se conjuguer avec l'amtlioration despratiques, des soins et des sewices de santkpour la skcurite' nutritionnelle. L'auteur insiste sur la notion de cc shr i tk alimentaire qualitative s, qui permet notamment de mieux comprendre l'inskcuritk alimentaire dans lespays industrialisks et qui favorise uneplusgrande contribution de l'agri- culture et des syst2mes alimentaires en gkne'ral au progrks nutritionnel.

SUMMARY

The paper addresses the complex interrelationships between food security, nutritional status and health. Food insecurity is an important factor in malnutrition, but to reduce malnutrition, nutritional security should also improve. This means that better food security must be combined with actions that enhance nutrition-relevant practices and care, as well as access to health services. Food security itselfgoes beyond access to enough food. It encompasses access to sufficiently diversijied foods for an adequate nutrient mix, in addition to safe and culturally acceptable foods. The strategic importance of these qual- itative aspects of food security are strategically important. They permit a better under- standing of food security issues where poor people may have enough to eat but lack access to an adequate diet, whether in the first or third world. Emphasis on qualitative food security stimulates the approaches of food systems to nutritional improvement, notably for the reduction of micro-nutrient deficiencies, thereby bridging the gap between food and health. Diversijication of food crops, micro-nutrient fortijication of staple foods through plant breeding, and improved food processing and storage techniques for better nutrient retention figure among qualitative food security strategies. Women play a key role in both providing and beneftingfiom the qualitative aspects o f fod security. As a nutri- tional and socio-economic development objective, food security is an ideal field for interdisci- plinary or intersectoral research and action.

Revue canadienne d'dtudes du de'veloppement, VOLUME X I X , N U M ~ R O SPBCIAL, 1998

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INTRODUCTION LA SBCURITB ALIMENTAIRE, CONCEPT MULTIDIMENSIONNEL

En matiere de developpement international comme dans d'autres domaines, les mots sinon les concepts ont un cycle de vie, tout comme les produits de

Revue canadienne consommation. 11s emergent tout d'abord comme innovations, puis devien- dlltudes du nent de plus en plus a la mode (a moins de disparaitre sans laisser de traces).

dlveloppement On les voit utilises de plus en plus, dans des acceptions de plus en plus larges, diffkrentes ou parfois mCme incongrues; c'est leur phase de croissance, periode de gloire. 11s envahissent les debats et sont mCme un element de (( rectitude politique a. 11s atteignent alors un plateau, phase de stagnation et de saturation, du moins au plan du concept; ils n'excitent plus ni les cercles techniques, encore moins les medias, pour qui la duree de vie des idees est encore plus courte. Espdrons toutefois que, pendant cette phase, la mise en application du concept, s'il est pertinent, s'affermit, se repand. I1 n'est pas rare, d'ailleurs, que le mCme concept renaisse apres une periode de latence, mais alors revCtu d'un habillage semantique tout neuf, pour que le mCme cycle de vie du nouveau terme reprenne.

N'y a-t-il pas un peu de cela a-propos du terme cc securiti alirnentaire D, depuis son apparition publique, a l'epoque de la premiere Conference mondiale sur l'alimentation de 19741 Des definitions de la securite alimentaire, Maxwell et Smith (1992) en denombraient dkjh plus de 30 en 1992. La skurite alimen- taire, certes, est un concept multidimensionnel pouvant Ctre aborde sous de multiples perspectives, comme aussi a diffirents niveaux de preoccupations - global ou mondial, national, familial ou mCme individuel. S'il est vrai, suivant en cela Oshaug, Barth Eide et Eide (1994), qu'a tous les niveaux d'analyse, l'offre alimentaire doit Ctre adequate et stable, sans parler de l'acces viable et durable, il reste nkanmoins malaise de regrouper sous un mCme vocable des considerations aussi disparates qu'une production alimentaire mondiale suf- fisante pour nourrir une population croissante, des reserves de cereales permettant de faire face aux crises, l'autonomie ou la souverainete alimentaire des etats (dans un contexte plus global d'interdependance) pour qu'ils assument et assurent l'approvisionnement alimentaire de leur population, ainsi que l'accks soutenu des individus et des menages A une alimentation satisfaisante. Le fait que la notion soit plurielle n'est pas un mal; ce peut mCme Ctre une richesse d'aprb Maxwell (1996), qui n'y verrait un inconvenient que dans la mesure oh cette pluralite risque de nuire a I'action. I1 est vrai que l'ob- jectif de securitd alimentaire n'exige pas les mCmes moyens et approches partout. L'important est de partir des besoins des gens et pour ce faire, une demarche participative est indispensable (Chambers, 1997; Ali et Delisle, 1998). Lang (1996) voit mCme un reel danger dans l'uniformisation des concepts et

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strategies, en l'occurrence, la confiance illimitke mise par les adeptes de la mondialisation dans les mecanismes du marche pour r$ondre de manikre satis- faisante aux besoins de securitd alimentaire quel que soit le contexte.

Le concept de securite alimentaire a permis et permet encore, selon nous, de mobiliser les efforts des diffkrents secteurs vers une plus grande equite dans

Sicuritk les disponibilitks alimentaires et leur accessibilitk. Toutefois, il semble perdre du terrain et prendre le chemin du declin. Alors que la securite alimentaire ,, commence a Ctre connue et reconnue (Riches, 1997) comme problkme dans santk

les pays techniquement avances et non seulement dans les pays en developpe- ment (PED), on discerne maintenant dans le monde du developpement inter- national une certaine dksaffection pour le terme cc securite alimentaire )), peut-Ctre parce qu'on estime qu'il a kt6 galvaude, ou encore, qu'il reste trop ambigu. On parlera plutdt d'accks aux vivres, comme dans le recent Symposium sur la pauvrete et la nutrition (ACCISCN, 1997a), ou alors on aura tendance, non sans raison toutefois, a accoler skurite alimentaire A (c securite nutritionnelle )) ou cc nutrition D. La securite alimentaire est en soi une notion importante qui doit rester. C'est la traduction concrete du droit humain fondamental A la nourriture et un Clement important de la qualite de vie. C'est egalement un determinant majeur d'un bon etat de nutrition et de sante. Dans cet article, on s'attachera a discuter des liens complexes de la securite alimentaire avec la nutrition et la sante, ainsi qu'a montrer I'interet stratkgique qu'il y a mettre davantage l'accent sur la dimension qualitative de la securitk alimentaire, sans prkjudice d'autres considerations.

I. L'INSBCURITB ALIMENTAIRE ET SES LIENS COMPLEXES

AVEC LA MALNUTRITION

I1 y avait au moment du Sommet mondial de l'alimentation de 1996, selon les estimations de la FAO, environ 800 millions de sous-aliment& a travers le monde, ce qui reprksente encore, malgre certains progrks, environ 20 % de la population des pays en dkveloppement. La sous-alimentation ou la faim, manifestation d'une insecurite alimentaire patente1, n'est pas sans rapport avec la malnutrition par deficit nutritionnel general ou par carence specifique en un nutriment ou l'autre. D'aprks les derniers rapports sur la situation de la nutrition dans le monde (ACCISCN, 1997b; UNICEF, 1998), 30 % des enfants des pays en dkveloppement prksentent un deficit de poids par rapport A leur Pge, indice de malnutrition gknerale. En outre, on estime qu'environ 43 % des femmes des pays en dkveloppement soufient d'anemie ferriprive et qu'environ

1. La sous-alimentation ne rend pas entierement compte de l'ampleur de l'indcuritk alimentaire, qui n'est pas seulement la him, mais aussi la menace de faim, la prhitk alimentaire.

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Figure 1. Le cycle de la skurite alirnentaire et nutriticnnelle

Prariques d'ulimentation et Facteurs de de sanr4; acces (quantitative ET production,

qualitative) Revue dirponibilitb

alimenlaires canadienne d'itudes du

diveloppement

Securite nutritionnelle Productivitk, pouvoir d'achat

3,3 millions d'individus (jeunes enfants et femmes surtout) presentent des signes cliniques de carence en vitamine A. La carence en iode, autre problkme nutritionnel, menace 13,7 % de la population du globe. Ce ne sont l i que les principaux problkmes nutritionnels des pays en developpement presentant un lien avec les difficultis alimentaires.

MCme si insecurite alimentaire et malnutrition font bon menage, on ne saurait les assimiler ni pretendre que la malnutrition sera eradiquee par la securite alimentaire. Neanmoins, les preoccupations de securite alimentaire et de bien-Ctre nutritionnel sont indissociables.

La securite alimentaire mondiale ou mCme nationale, on l'a repet6 i satiete, ne garantit pas celle des menages et des individus. La securite alimentaire n'est pas non plus synonyme de securite nutritionnelle, encore moins de bon &at de sante. Le modkle presente i la figure 1, comme tout modkle, est incomplet et imparfait, mais il peut aider dans une certaine mesure a clarifier ces inter- relations. Ce modkle presente aussi I'interCt d'illustrer la relation i double sens de I'insecuritk alimentaire et de la malnutrition.

L'insecurite alimentaire, qui va souvent jusqu'i la sous-alimentation dans les pays et groupes pauvres, est un sympt6me des problkmes lies i la pauvrete et au sous-developpement. La faible productivite frequemment associee i la pauvrete peut Ctre responsable de l'insCcurit6 alimentaire. Celle-ci, i son tour, peut entrainer la sous-alimentation et mCme la malnutrition (Ferro-Luzzi et al, 1985). En alterant le potentiel de developpement physique et cognitif, ainsi

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que la cayacite de travail (USAID 1995), la malnutrition peut ainsi devenir un obstacle a la securite alimentaire. D'ailleurs, Quisumbing et a1 (1995) font de la skcuritk nutritionnelle un des trois piliers de la securite alimentaire, en plus de la disponibilite des vivres et de l'accks economique i ceux-ci. Dans leur optique, la cc skcurite nutritionnelle n s'entend de ces elements necessaires a la

Skuritt santk nutritionnelle, mais autres que les disponibilitks et l'accks aux vivres, alimentaire, rejoignant dans une certaine mesure le modkle de 1'UNICEF commente ci- aprks. Ce qu'il parait interessant de souligner, c'est que dans le monde de la santk

nutrition, on per~oit la securitk alimentaire comme un determinant du bien- Ctre nutritionnel et de la sante, ce qui est le cas du modkle de I'UNICEF, alors que dans d'autres disciplines ou secteurs, la nutrition et la santk sont consi- derees comme des intrants, des determinants de la skurite alimentaire indi- viduelle ou familiale, comme dans le modkle de Quisumbing. Quoi qu'il en soit, il est largement admis que le bien-Ctre nutritionnel est tant une condition prealable du dkveloppement [et de la skurite alimentaire] qu'un objectif ou resultat du dkveloppement.

Si on se base sur le modkle causal de l'UNICEF, largement diffuse et utilise depuis le Sommet mondial de l'enfance (UNICEF, 1990), un bon etat de nutrition (ou la malnutrition, son contraire), est la resultante de trois series de facteurs -, securite alimentaire, sante et soins - qui, ensemble, representent la securite nutritionnelle. La Convention relative aux droits de l'enfant de 1989, qui consacre le droit a la nutrition de l'enfant, precise d'ailleurs ces trois composantes vitales que sont les aliments, les soins et la sante (Jonsson, 1996). La composante cc aliments )) correspond a la securite alimentaire au niveau du menage - disponibilitk et accks ii la nourriture (de mCme qu'aux ressources pour la produire ou l'obtenir). Les determinants cc sante w ont aussi une signi- fication relativement claire, regroupant la disponibilite et l'accks aux services de sante, ainsi que l'eau et l'environnement sain. En revanche, et ceci est bien commente par Longhurst et Tomkins (1995), les cc soins )) (care) sont en quelque sorte un fourre-tout : ce qui ne rentre pas d'emblee dans cc aliments )) et cc santk )) tout en concourant ii la situation nutritionnelle des individus fait partie des soins. Suivant les auteurs dont les travaux sont passes en revue par Longhurst et Tomkins, on entendra par ccsoins)) en general le fait pour les individus de beneficier, dans le cadre du menage ou de la communaute, du temps, de l'attention et du support qui leur sont necessaires pour la satisfac- tion de leurs besoins, physiques, affectifs, intellectuels et sociaux. On peut definir aussi les soins comme tout ce qui touche aux pratiques ou comporte- ments, de mCme que l'allocation judicieuse des ressources, les deux elements pouvant se recouper en grande partie. En matikre de nutrition infantile plus specifiquement, font partie de la composante cc soins )) l'utilisation optimale des ressources alimentaires et non alimentaires familiales ou communautaires

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pour l'alimentation de l'enfant, pour sa protection contre la maladie ou pour le traitement le cas kcheant. Les soins favorables a la sante nutritionnelle des jeunes enfants incluent : les pratiques d'allaitement et d'alimentation de complement; les pratiques favorables a la qualite et a la salubrite des aliments; les pratiques relatives a ]'hygiene; les comportements psycho-sociaw tels que

Revue canadienne l'ecoute de l'enfant et sa stimulation; enfin, les pratiques de sante, notamment d3irudesdu l'utilisation des services et les soins de santd a domicile (Engle, Lhotsk et

diveloppement Armstrong, 1997). Des travaux ont montrk que, mCme dans un contexte defa- vorable de pauvrete avec insecurite alimentaire et environnement defavorable a la sante, les cc soins B, en termes d'affection, de stimulation, de support emotionnel, qui conferent un sentiment de stabilitk et de securite, sont favora- b l e ~ a la survie, au developpement et a la croissance des jeunes enfants. Ceci correspond d'assez pres a la notion de cc deviance positive )) (Zeitlin, Ghassemi et Mansour, 1990). Dans une declaration rdcente (ACCISCN 1997c), le Sous- comite de nutrition des Nations Unies, exhortant a une nouvelle mobilisation pour le progres nutritionnel, reiterait l'importance de cette composante cc soins n et sa grande dependance de la situation des femmes. De mCme, un ouvrage recent (Engle, Menon et Haddad, 1998), dans la lignee des travaux anterieurs des mCmes auteurs, mettait en exergue les diffkrents types de ressources a renforcer chez les personnes responsables des soins, en l'occur- rence les meres, notamment: leurs connaissances et attitudes; leur propre sante physique, nutritionnelle, mentale; leur pouvoir, leur charge de travail, leur temps et leur support social. Les femmes occupent une place centrale, A la fois comme cc agents )) de la securite alimentaire et nutritionnelle de la famille, et comme cc beneficiaires )) des actions de securite alimentaire et nutritionnelle, car elles sont particulierement vulnerables aux diffkrentes formes de malnu- trition par carence.

La skcurite alimentaire va au-dela de la capacite de repondre aux besoins quantitatifs de nourriture, a l'echelle des individus, menages ou etats, mCme s'il s'agit 18 de I'aspect primordial. Dkja, la Conference internationale sur la nutrition (1992) precisait dans sa Declaration que pour ameliorer la securite alimentaire des menages, les approvisionnements alimentaires au niveau national et familial devaient Ctre siirs, adequats sur le plan nutritionnel et stables, et surtout, que chaque menage devait avoir les moyens de se nourrir correctement. Ces precisions sont reprises par le Sommet mondial de l'ali- mentation (1996), en particulier dans le second engagement de son Plan d'action, lorsqu'il est dit que des politiques seront mises en oeuvre c( . . .p our

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amkliorer l'acces.. . A une alimentation suffisante, adequate du point de vue nutritionnel et sanitaire, et son utilisation efficace )) . On rappelait encore tout rkcemment, dans un symposium sur la nutrition et la pauvretk (ACCISCN 1997a) que les aliments ne reprksentent pas que des calories et qu'il ne faut pas oublier les micro-nutrimentsz.

Skcuritk Cette dimension qualitative de la skcuritk alimentaire est importante A alimentaire, plusieurs titres. Elle permet de mieux comprendre les liens entre les problemes nutrition et de skcuritk alimentaire dans les PED et dans le <( premier monde H, aspect qui santi

sera dkveloppk dans la section 111. Reconnaitre que la skcuritk alimentaire va au-delA de la quantitk de nourriture, et suppose aussi des approvisionnements alimentaires suffisamment diversifies pour Ctre de composition nutritive adequate, satisfaisants quant A l'innocuitk et socio-culturellement appropriks favorise une contribution accrue de l'agriculture et plus gknkralement des systemes alirnentaires au progres nutritionnel dans les PED, ce qui sera discutk A la section IV. Dans les pays industrialisks, les systkmes alimentaires seront davantage impliquks dans les demarches de skcuritk alimentaire, ce qui fait l'objet de la section V.

La notion de skcurite alimentaire qualitative a aussi des implications pour l'kvaluation de la skcuritk alimentaire; il n'en sera pas question ici, mais cela a kt6 discutk ailleurs par l'auteur (Delisle, 1995). Qu'il suffise de signaler que la skcuritk alimentaire qualitative doit Ctre apprecike A la lumiere des perceptions des gens em-mCmes, mais que ceci doit Ctre complktk par d'autres indicateurs se rapportant, notamment, A la variktC alimentaire. Qu'il s'agisse de l'knergie ou des nutriments spkcifiques, l'adkquation des apports, ou rnieux, des approvision- nements alimentaires (disponibilitk et a&s) doit Ctre apprkcike par rapport A des criteres normatifs de besoins. Les apports nutritionnels recommandks A l'kchelle internationale par des groupes d'experts (FAOIOMSIUNU, 1985; FAOIOMS, 1989), pourvu qu'ils soient corredement interprkes, peuvent fournir des balises prkcieuses. Le secteur de la nutrition a un r6le A jouer dans le dkveloppement d'outils d'kvaluation de la dcuritk alimentaire, en particulier de ceux qui four- nissent des points de repere nutritionnel (Delisle, 1997).

Les autres aspects de la skcuritk alimentaire qualitative, A savoir la salubritk et l'innocuitk des aliments et leur acceptabilitk culturelle, sont tout aussi importants et mkriteraient d'Ctre approfondis, ce qui ne peut Ctre fait dans cet article.

Plus globalement, la dimension qualitative de la skcuritk alimentaire aide A dkfinir les contours du droit A l'alimentation3, les obligations qui en dkcoulent pour les pouvoirs publics et aussi, les actions A engager par les autres acteurs

2. De meme que les macro-nutriments, en particulier les protgies, qu'il ne faudrait pas nwger. 3. Sinon du droit A la nutrition, comme le soutiennent Eide, Oshaug et Barth Eide (1991).

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de la societk civile. Dans leur modkle normatif de la securite alimentaire des menages, qui remonte h 1991, Eide et ses collaborateurs (Eide, Oshaug et Barth Eide, 1991; Oshaug, Barth Eide et Eide, 1994) precisent que le caractere satisfaisant des approvisionnements alimentaires - un des criteres de securite alimentaire - recouvre leur adequation aux besoins nutritionnels, leur

Revue canadienne innocuiti et qualite, ainsi que leur acceptabilite culturelle. Pour remplir ces dlktudes du conditions de qualite, les auteurs suggkrent divers types de mesures s'adressant

dkveloppement aux ktats dans le cadre du respect, de la protection et de la realisation du droit a la nourriture, lesquelles sont aussi applicables a la societe civile . Le tableau 1 est extrait et adapt6 de leurs travaux. La matrice d'origine des auteurs comprend aussi, ce qui n'est pas montre ici, les conditions de securitk alimen- taire reliees a la stabilite des approvisionnements alimentaires et de l'accks h ceux-ci. I1 comporte aussi, au-delh de la securite alimentaire, les composantes (( soins a et cr santk ,) de la securite nutritionnelle.

Dans un contexte de pays industrialise et s'adressant aux professionnels de la nutrition, Campbell, Katamay et Connelly (1988) ont propose diverses actions de skcuritk alimentaire, dont plusieurs privilkgient la dimension qua- litative. Des exemples de strategies d'education, de developpement economique, de recherche et d'evaluation, &alliances et de rkglementation ou de politiques sont proposes pour chacun des six themes ou objectifs d'action : disponibilite des aliments, accessibilite des magasins, pouvoir d'achat suffisant, liberte de choix d'aliments, confiance renforcee dans les aliments disponibles et, enfin, accessibilite d'une information juste et comprehensible sur l'alimentation et la nutrition. Ce dernier dement, l'information des consommateurs, ne fait gineralement pas partie des composantes de la dcurite alimentaire suivant les modeles classiques, lesquels s'en tiennent a la disponibilite et h l'accessibilite des aliments. C'est le cas mCme du modele de l'equipe de Eide comment6 plus haut. Et pourtant, au-dela de la disponibilitk et de l'acds, l'utilisation adequate des aliments est une precision qu'on retrouve au second engagement du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation (1996). Aussi peut-on conside- rer qu'une information appropriee est une des conditions de la skcuritk alimentaire. Dans le projet de developpement de la securite alirnentaire a Montreal, auquel l'auteur est associee, l'accks h une information simple et fiable qui confire des habiletks et permet des choix alimentaires eclaires constitue effectivement un critere, outre les exigences tenant aux approvision- nements et au pouvoir d'achat (Dupont et Bertrand, 1998).

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L'inskcuritk alimentaire est un problkme extrkmement grave dans le monde en dkveloppement. Elle existe aussi dans le monde industrialisk, mais elle

Revue canadienne apparait peut-Ctre moins dramatique dans son ampleur et dans ses manifesta- 8i tudes du tions. L'inskcuritk alimentaire kquivaut souvent h la sous-alimentation dans les

dkveloppement pays du Sud, alors que c'est un dkfaut de diversitk et, donc, de qualitk alimen- taire qui prkdomine dans les pays riches. A preuve, l'embonpoint, voire l'obksitk, est une caractkristique frkquente dans les couches favoriskes du Tiers-Monde, alors qu'au contraire, dans les pays industrialisks, l'obksitk est plus fortement prhalente dans les groupes h faible revenu que dans les strates aiskes (voir, par exemple, Bertrand, 1997). Malgrk ces contrastes, la skcuritk alimentaire demeure sous toutes les latitudes un dkfaut d'accks h des approvi- sionnements alimentaires adkquats pour soutenir une vie active et saine. On peut aussi constater que les conskquences sur la nutrition et la santk peuvent se rejoindre. Nkanmoins, le Sommet mondial de l'alimentation (1996) n'a pas accord6 tellement d'importance h l'inskcuritk alimentaire dans les pays du Nord, ni d'ailleurs A la skcuritk alimentaire qualitative h l'kchelle mondiale.

La malnutrition associke h la sous-alimentation, en partie attribuable h l'in- skcuritk alimentaire, augmente le risque de dices et peut altkrer de maniere importante le dkveloppement cognitif et moteur des enfants et, ainsi, leur productivitk en tant qu'adultes. En outre, le problkme tend B se perpktuer d'une generation h l'autre, puisque les femmes sous-alimentkes sont h plus haut risque d'avoir des nouveau-nks de petit poids, par malnutrition fktale (UNICEF, 1998). I1 y aurait aussi un lien de causalitk entre la malnutrition fktale ou dans la premiere enfance et le risque de maladies chroniques, selon l'hypothkse de Barker (1994) soutenue par plusieurs autres (Hoet; 1997; Shetty 1997). C'est un aspect non encore entierement klucidk, mais nkanmoins prk- occupant. Plusieurs travaux suggerent, en effet, que les anomalies mktaboliques ou vasculaires menant au diabete, aux maladies cardio-vascu- laires et h l'hypertension auraient leur origine et seraient programmkes dans la vie uterine ou t8t dans l'enfance. Ainsi, ce risque lik h la sous-alimentation prkcoce se conjuguerait avec les risques lies aux styles de vie, en particulier ceux qui favorisent la skdendaritk et l'obksitk. C'est dire que les pays en dkveloppement, en particulier ceux qui sont en transition socio-kconomique rapide, sont exposes A une pandkmie de maladies chroniques non transmis- sible~ et qu'une partie de cette charge de morbiditk pourrait Ctre allkgke par une plus grande skcuritk alimentaire, laquelle concourt A rkduire la sous- alimentation maternelle et infantile. Beaton (1997) fait remarquer qu'il est vraisemblable, compte tenu de ces nouvelles donnkes, que la contribution de

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la sous-alimentation et de la malnutrition, telle qu'kvaluke par les poids de naissance et par la croissance des jeunes enfants, 1 la charge globale de morbidit6 et de mortalit6, soit encore plus importante que ne le suggerent les rapports de Pelletier, Frongillo et Habicht (1993).

Comme le souligne si justement Habicht dans sa prkface aux actes d'un sicunti symposium sur la sdcuritk alimentaire tenu 1 Montreal (Delisle et Hamelin, alimentaire,

1997), l'inskcuritk alimentaire n'est pas qu'un manque global de nourriture, nu,itio, ,, plutbt rare dans le monde occidental. Dans un contexte de pays riche en parti- santi

culier, le dkfaut d'accks kconomique 1 la nourriture peut signifier l'impossi- bilitk de choix appropriks d'aliments et, pour les enfants, l'adoption d'habitudes alimentaires qui les exposent 1 un risque accru de troubles cardio- vasculaires et d'autres maladies chroniques likes 1 la nutrition dans la vie adulte. C'est ce qui pourrait expliquer la prkvalence relativement forte de ce genre de troubles dans les groupes 1 faible revenu de pays industrialisks, entre autres, d'aprks les enquCtes effectukes au Quebec (Bertrand, 1997), tout comme l'augmentation importante 21 l'kchelle des pays en dkveloppement qui connaissent une transition kconomique rapide, notamment 1'Europe centrale, l 'hkrique latine et certains pays du sud-est asiatique (voir les statistiques de I'OMS reproduites par Shetty , 1997).

Par ailleurs, l'inskcuritk alimentaire expose 1 des risques de deficit d'apport nutritif, mCme dans le cc premier monde B. L'ktude rkcente de Tarasuk et af (1998) aupres de 153 fernmes de Toronto ayant eu recours 1 des services de depannage alimentaire montre bien le lien entre pauvretk, inskcuritk alimentaire et apports nutritifs inadkquats. De ces femmes, 90 % avaient des revenus en-deq1 du seuil de faible revenu au Canada. La frkquence des apports insufisants s'elevait 1 38 % pour le fer, 3 1 % pour le magnesium, 28 % pour la vitamine A, 23 % pour les folates et 12 % pour le zinc; mCme une carence d'apport en protkines ktait relevke, dans 15 % des sujets.

Ainsi, pour la skcuritk alimentaire qualitative sur le plan nutritionnel, on pourrait considkrer que doivent Ctre rkunies les conditions suivantes de l'accks alimentaire : (i) une variktk suffisante d'aliments pour rkpondre aux besoins spkcifiques

en divers nutriments; (ii) un choix suffisant pour une alimentation kquilibrke propre 1 prkvenir les

maladies chroniques; (iii)une information appropride sur les produits et leur utilisation, et sur les

bons choix santk. Les problkmes de skcuritk alimentaire du Nord et du Sud, s'ils ne sont pas

identiques, ont malgrk tout des similitudes. On ne saurait non plus passer sous silence l'interdkpendance Nord-Sud en matiere de skcuritk alimentaire. De cela, on entend fort peu parler. Les systkmes alimentaires du Nord, en effet,

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peuvent affecter la skcuritk alimentaire l'echelle mondiale et dans les PED de plusieurs manieres, directement ou indirectement, B court ou A long terme, en raison, notamment, des impacts negatifs que peuvent avoir nos modkles de production, avides d'knergie, polluants et integres, sur l'environnement, la fertilitk des sols, de mCme que sur les conditions de vie des producteurs du

!@vue canadienne Tiers-Monde. L'interdkpendance, en matiere de securite alimentaire comme d$itudes du d'environnement, est A l'echelle planetaire. I1 serait grand temps que les pays

de'veloppement industrialises se prkoccupent de l'impact, sur la securite alimentaire dans les PED, de leur aide alimentaire sous ses diffkrentes formes, de leurs importa- tions alimentaires venant des PED, ainsi que des pratiques actuelles de produc- tion et de consommation en general. Pour les consommateurs, il est tres pertinent, comme la pratique tend actuellement B se developper, de s'inter- roger sur l'origine et le cc pedigree )) de leurs aliments, dans une perspective de consommation alimentaire reflechie et ethique pour une plus grande skcuriti alimentaire de tous. Cette demarche consiste B rechercher qui produit, pour le benefice de qui et moyennant quels coQts sociaux et environnementaux. C'est en partie ce qui se fait au Quebec, avec le Groupe de recherche d'intirCt public qui a publie Justice sans faim (GRIP, 1994).

IV. CONTRIBUTION DE LA PRODUCTION AGRICOLE AU P R O G R ~ NUTRITIONNEL PAR LA SBCURITE ALIMENTAIRE

Le r61e determinant de la production agricole au sens large, y compris elevage et pecheries, dans l'atteinte d'une plus grande securite alimentaire B l'kchelle mondiale est inconteste. Pour plusieurs, A l'instar de Brown (1995), le defi majeur reste de produire sufisamment pour nourrir une population crois- sante, l'accent ktant mis sur les denrees de base, principalement les cereales, car ce sont les principaux fournisseurs d'energie alimentaire.

Le r61e de l'agriculture et, plus genkralement, des systemes alimentaires va ou devrait aller beaucoup plus loin que des approvisionnements alimentaires suffisants en energie. La notion de securite alimentaire qualitative peut aider en cela. La relation entre l'amelioration des revenus, ou la reduction de la pauvretk, et l'amelioration de la securite alimentaire des menages dans sa dimension quantitative (assez de nourriture, moins de sous-alimentation) est assez nette. En revanche, le lien entre le revenu et la situation nutritionnelle est beaucoup moins evident. Bouis (1991), par exemple, a note dans une etude aux Philippines que la relation entre le revenu des menages et les apports en micro-nutriments etait plut6t 14che. Paraphrasant Levinson (1994), on peut dire que la skcurite alimentaire (quantitative et qualitative) devrait Ctre la cc conscience )) de I'agriculture , comme la nutrition. Dans les PED, A forte majorite rurale, l'agriculture peut contribuer B la fois B la securitk alirnentaire

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quantitative et qualitative en augmentant la production et les revenus des paysans les plus pauvres, qui sont aussi A plus haut risque nutritionnel, de mCme qu'en favorisant la diversification de leurs productions alimentaires; elle peut aussi contribuer A amkliorer les disponibilites alimentaires pour les ruraux et les citadins d'un point de w e quantitatif et qualitatif. La diversifica-

StcuritC tion alimentaire, dans la production ou l'offre sur les marches, est en verite alimentaire, une des cles de la securite alimentaire qualitative. De la mCme manikre que les ,, individus doivent disposer d'un assortiment adequat d'aliments pour arriver santk

A un bon equilibre de leur ration, l'ensemble des productions vkgetales ou animales d'une rkgion devrait avoir un profil nutritionnel satisfaisant. Des modifications dans les productions pourraient Ctre envisagees pour l'ameliorer, A la lumikre des bilans des disponibilites locales en nutriments.

L'idee de renforcer la contribution de l'agriculture au progrks nutritionnel n'est pas nouvelle, mCme si les concepts de securite alimentaire qualitative et de securitk nutritionnelle sont apparus plus recemment. En effet, dks le debut des annees 80, des intiatives importantes ont kt6 prises par la FA0 en ce sens (FAO, 1982). Kennedy (1994) cite quelques types de programmes agricoles s'etant aver& efficaces pour amkliorer la securite alimentaire et la nutrition : dkveloppement des cultures de rente ou des cultures vivrikres selon les cas ; introduction de variktes hybrides; services adequats de vulgarisation agricole et octroi de credit aux producteurs, hommes et femmes. Kennedy insiste sur l'importance de cibler les femmes afin d'etablir un effet positif sur la nutrition. I1 importe, en effet, de se preoccuper du contrble qu'elles peuvent avoir sur le revenu et les autres ressources, de mCme que des rkpercussions de la generation de revenus sur le temps dont elles disposent pour les enfants. Le Fonds international de developpement agricole (FIDA), dont le mandat est d'amdiorer les conditions de vie et de nutrition des populations rurales les plus pauvres h travers le monde, a constate au fil du temps que la seule amelio- ration des productions et revenus ruraux ne suffisait pas pour arriver A une consommation alimentaire adequate, durable et stable des menages, ni pour amkliorer l'etat de nutrition des individus. Cet organisme utilise maintenant la cc lentille n de la securite alimentaire du menage dans l'klaboration des projets. Pour la securite nutritionnelle, des collaborations avec d'autres orga- nismes sont recherchees afin de mettre en oeuvre des interventions relikes A la sante et A l'assainissement (IFAD, 1996). Pour le FIDA, la securite alimentaire des menages et les ameliorations nutritionnelles qui en decoulent representent un investissement dans le capital humain, non seulement pour le bien-Ctre, mais aussi pour une plus grande productivitd.

Dans une perspective de securite alimentaire qualitative, l'agriculture peut largement contribuer au developpement d'approches alimentaires de lutte contre les carences en micro-nutriments, pour augmenter la disponibilitk d'aliments

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qui en contiennent et m@me pour augmenter la concentration des aliments en certains micro-nutriments. I1 y a eu des progres non nkgligeables dans ce sens, mCme si la tendance dominante reste de considkrer que les problemes de carences d'apport en certains nutriments spkcifiques sont du ressort de la nutrition et de la santk. Les approches A longue portke se fondant sur les

Revue canadienne aliments reprennent effectivement du galon (FA0 et ILSI, 1997), apres l'en- $ktudesdu gouement pour les programmes de supplkmentation, qui prksentent des

dkveloppement limites skrieuses en termes de pkrennitk et de prise en charge du probleme par les populations concernkes (Delisle, 1994). Ces approches doivent s'appuyer, outre sur la nutrition, sur les diverses sciences likes A la production alimentaire et A sa mise en marchk, sur la technologie alimentaire, ainsi que sur les tech- niques d'information, d'kducation et de communication.

Comrne le signale Calloway (1995), trois raisons peuvent expliquer que l'ali- mentation soit dkficiente en vitamines ou minkram certains micro-nutriments sont distribuks de maniere inkgale dans les diverses categories &aliments, notamment les vitamines A et C (type 1); dans d'autres cas, en particulier pour l'iode, il s'agit d'un deficit environnemental (sol et eau) qui se rkpercute sur les aliments (type 2) ; enfin, d'autres micro-nutriments ont une faible bio- disponibilitk ou utilisation par l'organisme, les meilleurs exemples ktant le fer et le zinc des vegktaux (type 3). L'agriculture peut jouer un r61e surtout pour les micro-nutriments de type 1 ou 3,4 surtout par une diversification des cultures et par l'appui aux productions dites (( secondaires B, mais importantes pour l'kquilibre des rations en micro-nutriments (fruits, feuilles vertes et autres legumes, lkgumineuses et, mCme, petit klevage). I1 faut souligner que ces cultures ou productions autres que les denrkes de base sont souvent du ressort des femmes, qui ont ainsi un r61e central dans la skcuritk alimentaire qualita- tive. Mettre davantage l'accent sur cette dimension de la skcuritk alimentaire a travers l'agriculture concourt A accorder davantage d'importance aux produc- tions des femmes, ce qui est hautement souhaitable.

Bien que cette approche soit A plus long terme et, selon nous, moins deter- minante que la diversification agricole et un meilleur encadrement des productions des femmes, le dkveloppement des technologies de croisement pour des cultivars A plus forte teneur en micro-nutriments critiques re~oit actuellement beaucoup &attention dans la recherche agronomique. Le projet micro-nutriments et agriculture du CGIAR (Consultative Group on International Agriculture Research), qui regroupe 17 centres internationaux de recherche agronomique, a prkciskment pour but d'identifier et de mettre en oeuvre des approches productives et efficaces pour augmenter les apports en

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4. Encore que pour l'iode, micro-nutriment de type 2, la Chine expkrimente avec un certain succks l'enrichissement de l'eau &irrigation (voir DeLong et al, 1997).

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micro-nutriments. Ce projet represente une initiative multi-disciplinaire regroupant des specialistes en agronomie, en nutrition et en sciences sociales. L'enrichissement des denrees de base en micro-nutriments g rke au developpement par croisements de cultivars qui en contiennent de plus grandes quantites est privilkgik dans ce projet. Cette approche presente

Sicuritk plusieurs avantages selon Bouis (1996)' une fois que l'investissement de depart alimentaire, est fait pour obtenir des cultivars enrichis, les frais recurrents sont minimes nutrition et comparativement aux autres strategies - supplementation, enrichissement ou santi

education. L'approche n'exige pas de modification des habitudes alimentaires; au contraire, elle tire parti de la consornrnation elevke des denrees de base ciblkes. En outre, les rendements de ces varietes ameliorees pourraient mCme &re augment&, car la forte teneur des semences en un oligo-element, par exemple, pourrait compenser la pauvretk du sol en ce nutriment. La stratkgie d'en- richissement par croisement n'est cependant efficace que si on arrive effec- tivement 1 obtenir des semences 1 plus forte teneur en micro-nutriments, si les producteurs sont disposes 1 accepter ces varietes, si les consommateurs les acceptent et si ces micro-nutriments sont bien utilises par l'organisme. I1 existe dkj1 des exemples de reussite, comme le blk riche en zinc maintenant exploit6 en Australie et le soja qui concentre le fer, pour les sols qui en sont pauvres aux hats-Unis (Bouis, 1996). Sauf les changements de couleur qui pourraient Ctre associks 1 une augmentation de la teneur en carotkne, on estime que l'augmentation de la teneur en micro-nutriments ne modifierait pas les propriktks organoleptiques des denrees, de sorte qu'il n'y a pas de raison que les consommateurs rejettent les varietes amkliorkes. A moins de rkduire les inhibiteurs ou d'augmenter les promoteurs de l'absorption, il n'y a pas lieu de penser toutefois que les micro-nutriments auraient une biodisponibilite diffkrente de celle de la variktk non amelioree et pour cette raison, il est possible que cette forme d'enrichissement n'ait qu'un impact modeste sur la teneur de ces micro-nutriments. On peut se demander, en outre, si les petits producteurs qui vivent en autosubsistance auraient acces A ces variktks amdiorkes, ce qui pourrait rkduire l'impact. L'enrichissement des denrkes de base et peut-Ctre mCme d'autres vkgetaux en micro-nutriments grace A des croisements est une approche prometteuse, mais certainement pas 1 court terme. Une fois l'amklioration gknktique rkaliske par croisement, on estime qu'il faudrait environ dix ans avant que ces variktks amkliorkes sur le plan nutritionnel soient disponibles pour la production commerciale dans les pays en dkveloppement. D'ailleurs, il est bien reconnu que cela ne saurait supplanter les autres stratQes de lutte contre les carences en micro-nutriments. I1 ne s'agirait que d'une voie complkmentaire. Un tel enrichissement pourrait aussi Ctre rdahk par genie gknktique, mais plusieurs questions environnementales,

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socio-kconomiques et kthiques ne sont pas encore rksolues en matiere de production d'aliments transgkniques (Jarvis et Harris, 1996) .

En 1996, un atelier international a regroup6 A Salt Lake City (Utah) des scientifiques, des experts techniques, des concepteurs de programmes et des spkcialistes du dkveloppement de plusieurs pays pour identifier des possibilitks

Revue canadienne de solution au problkme des carences en micro-nutriments par le biais des dJttudes du systkmes alimentaires, pour ce qui est des actions A engager et des prioritks de

dkveloppement recherche (Combs et al, 1996). Les approches de la malnutrition par le systkme alimentaire sont importantes et, selon les participants, devraient Ctre mieux dkfendues auprks des dkcideurs. En outre, des bilans nutritionnels plus exhaustifs des disponibilitks alimentaires locales ou rkgionales devraient servir A kvaluer les progrks de la production agricole. La diffkrence faite lors de cet atelier entre la recherche pour gknkrer de nouvelles connaissances et celle qui est nkcessaire pour l'utilisation optimale des connaissances dkjA disponibles est fort A-propos. Par exemple, dans ce dernier cas, on reconnait le besoin de recherche pour diversifier la production, y compris des techniques approprikes de conservation et de transformation des produits afin d'hiter les penuries saisonnieres et limiter les pertes de rkcoltes. En outre, des etudes sont jugkes nkcessaires pour mieux comprendre les processus dkcisionnels des menages quant A la production, l'acquisition, la distribution et I'utilisation des aliments. On releve kgalement les besoins de recherche en IEC (information, education, communication) pour promouvoir les approches A base alimentaire. Une contribution de cet atelier A signaler est une definition plus claire du concept de (( systeme alimentaire )) , qui recouvre toutes les activitks relikes A la production, A l'acquisition et h l'utilisation des aliments et qui affectent l'ktat de nutrition et de sant6 des humains.

Comme le precise ultkrieurement Waltner-Toews (1996), la rkponse au probleme des carences en micro-nutriments peut bien impliquer la production par croisement de variktks vkgktales enrichies, des programmes d'education, l'amendement des sols, des incitatifs kconomiques, etc., mais on ne peut en dkcider que par une approche systkmique du probleme avec les gens eux- mCmes, approche qui suppose qu'on se penche sur le contexte humain, socio- kconomique et environnemental. Combs , Duxbury et Welch (1996) voient dans le diagnostic et l'analyse du systeme alimentaire, depuis le niveau local jusqu'au niveau national, un outil permettant d'apprkcier l'influence de la production, de la transformation, de la preparation et d'autres facteurs relies aux aliments sur la skcuritk alimentaire qualitative et la nutrition. Dans la foulke de l'atelier de Salt Lake City, des rkseaux reliant les communautks scien- tifiques de l'agriculture, de l'kducation, de la nutrition et de la santk publique ti l'kchelle internationale sont A se mettre en place, notamment dans le but de crker une alliance stratkgique entre les institutions engagkes dans une

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approche de la malnutrition par les systkmes alimentaires (Combs, Duxbury et Welch, 1996).

alimentaire, Dans une perspective mondiale, comme lorsqu'il est question des PED, l'agri- et culture domine le champ de la skcuritk alimentaire. Cela peut reflkter les santk

problkmes de disponibilitks alimentaires qui s'ajoutent souvent aux problkmes d'accks A la nourriture dans plusieurs pays pauvres 5. Dans les pays industria- lisks, en revanche, les actions de skcuritk alimentaire ignorent encore largement les systkmes alimentaires et se concentrent sur l'assistance alimen- taire et la lutte contre la pauvretk. Pourtant, la quCte d'une skcuritk alimentaire locale ou mondiale durable doit forckment s'appuyer sur les systemes alimen- taires. En effet, la skcuritk alimentaire A long terme peut Ctre compromise par des systemes alimentaires excessivement knergivores ou polluants, ou encore, qui visent avant tout le profit, ce qui est flagrant dans l'optique de libkralisa- tion et de mondialisation des kconomies. Le Conseil de la politique alimen- taire de Toronto (1995), par exemple, fortement engagk dans une demarche de skcuritk alimentaire A l'kchelle de la municipalitk, estime, en s'appuyant sur des etudes de cas, que le systeme d'klaboration des politiques agricoles au Canada subordonne A des intkrCts kconomiques les questions de skcuritk alimentaire, de nutrition et de production durable pour l'environnement. Si ces questions ktaient au centre des prkoccupations de la politique agricole comme il se devrait, le Conseil estime que la somatotropine bovine ne serait pas approuvke eu kgard aux possibles rkpercussions sociales et de sante A longue portke. Le droit des brevets kviterait l'appropriation du vivant, les consommateurs auraient accks A une information plus complete et cohkrente sur leurs aliments et la rkglementation des engrais favoriserait, plutdt que de les dkcourager, des pratiques agronomiques plus durables.

Si les citoyens consommateurs n'ont pas de prise sur le systkme agro-alimen- taire (offre), ils sont impuissants et se voient imposer des produits et des modes de production ou de distribution qui ne vont pas forckment dans le sens de leurs intkrCts et de leurs valeurs. Le mouvement pour la skcuritk alimentaire communautaire, qui vise en prioritk A redonner aux citoyens la maitrise de leurs approvisionnements alimentaires, pourrait bien rkhabiliter l'agriculture et les autres acteurs des systkmes alimentaires dans les demarches

5. Les disponibilitks alimentaires et I'accks A celles-ci sont des notions diffkrentes mais infi- niment reliles. En effet, s'il y a des tensions de I'offre, les prix augmentent et ceci affecte la demande effective et donc I'acchs aux disponibilitls alimentaires.

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de skcuritk alimentaire au sein des pays industrialisks. La skcuritk alimentaire communautaire est en quelque sorte une approche de dkveloppement social qui intkgre I'action sur le systkme alimentaire et la lutte contre la pauvretk, bien que jusqu'h maintenant, le premier type d'action prkdomine. Cette approche, dont l'origine remonte A quelques annkes seulement, en Californie, ne cesse de

Revue canadienne s'ktendre (Joseph, 1997). Dkcentraliske, elle se prksente comme une alternative d'etudes du au systkme alimentaire bask sur la mondialisation et le marchk, que les prota-

diveloppement gonistes de la skcuritk alimentaire communautaire considerent comme destructeur tant kcologiquement que socialement. Cette position est par certains points proche de celle qui a kt6 adoptke dans la Declaration du Forum d'ONG sur la skcuritk alimentaire, tenu h Rome en m&me temps que le Sommet mondial de l'alimentation. Le libellk de cette dkclaration ne laisse, en effet, aucun doute sur son orientation : cc profit pour quelques-uns ou skcuritk alimentaire pour tous )) (NGO Forum on Food Security, 1996).

Dans cette ligne de penske, soutenue notamment par Lang (1996) et Lendzberg et Kloppending (1996), plus les systkmes alirnentaires sont branches sur le marchk mondial et moins il y a de contrble de la part des producteurs, des travailleurs et des institutions kconomiques locales. Plus on perd de skcuritk kconomique en raison de la mondialisation de l'industrie (alimentaire notamment), plus on perd aussi de skcuritk alimentaire. L'approche dkcen- traliske qui est prkconiske et qui s'appuie sur le concept d'autonomie alimen- taire rkgionale, ou h une kchelle plus vaste, de souverainetk alimentaire, exige une restructuration des economies alimentaires en faveur des communautks et de l'emploi. Elle n'exclut pas les kchanges avec l'extkrieur, mais elle met l'accent sur une moindre dkpendance.

La skcuritk alimentaire communautaire, en tant que mouvement de dkveloppement social, est comparable h certains kgards aux cc viUes et villages en santk )) dans la promotion de la santk. Elle pourrait bien reprksenter une vkritable lame de fond permettant A la fois de contrer les rkpercussions nkfastes des mouvements de mondialisation et de libkralisation des marches dans le secteur alimentaire et de promouvoir l'emprise des collectivitks sur leur systkme alimentaire. Et cela, sans oublier la lutte contre la pauvretk qui peut Ctre like au dkveloppement d'initiatives relikes au systkme alimentaire local. MCme si le mouvement est pour l'instant surtout present en Amkrique du Nord, il est prkvisible qu'il se propage aussi dans les PED et qu'il y prospkre, contribuant A davantage de cc pouvoir alimentaire w , comme de skcuritk alimentaire, pour les populations.

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CONCLUSION : LA SECURITB ALIMENTAIRE EST UN CHAMP

PAR EXCELLENCE POUR L'INTERDISCIPLINARITE ET

L'ACTION INTERSECTORIELLE

La skcuritk alimentaire, par dkfinition multidimensionnelle, est un objectif Stcurite' intkgrateur et un thkme de dkveloppement. Le concept est complexe et protki- alimentai.e,

forme, mais il ne devrait pas ceder de terrain. Au contraire, il y aurait interCt nutrition et B approfondir ses multiples facettes. Reflktant cette complexitk, les solutions santt

doivent se caractkriser par l'interdisciplinaritk, la contribution respective des divers secteurs &ant modulke suivant la problkmatique contextuelle et la culture institutionnelle. Maxwell (1998) passait rkcemment en revue les experiences passkes en matikre de planification multidisciplinaire ou intersec- torielle pour signaler les pikges B kviter dans la programmation de skcuritk alimentaire B l'kchelle nationale, dans la foulke du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation.

La skcuritk alimentaire est incontestablement un objectif de nutrition et de santk tout autant que de dkveloppement socio-kconomique. Malgrk tout, la skcuritk alimentaire ne rksout pas B elle seule tous les problkmes de malnutri- tion et, inversement, les approches de nutrition qui font abstraction des problkmes de skcuritk alimentaire peuvent Ctre inopkrantes ou, du moins, d'une pkrennitk douteuse. Schuftan, Levinson et Ramalingaswani (1998) soulignaient rkcemment les risques pour le progrks nutritionnel de l'engoue- ment excessif de la communautk internationale et des donateurs pour les micro-nutriments, avec des solutions techniques et des rksultats attrayants parce que spectaculaires. La skcuritk alimentaire est difficile, car elle doit s'appuyer, au-deli des solutions techniques rapides, sur la lutte contre la pauvretk, l'kquitk et une plus grande maftrise de leur systeme et de leur situation alimentaire par les gens eux-mCmes. De mCme, la malnutrition gknkrale, autrefois appelke cc malnutrition protkino-knergktique *, est associke, du moins en partie, i l'inskcuritk alimentaire dans ses effets skvkres de sous- alimentation. Elle exige qu'on s'en prkoccupe en tant que telle, tant dans une approche de skcuritk alimentaire, en insistant sur la diversification alimentaire et les ktapes en aval de la production alimentaire, que dans une approche de skcuritk nutritionnelle, laquelle requiert des actions de santk et de cc soins D.

Nous ne pouvons donc que souhaiter une collaboration plus ktroite entre les principaux acteurs de la skcuritk alimentaire, dans une approche de complkmentaritk. Selon nous, dans une perspective de progrks nutritionnel, de collaboration intersectorielle et de cohesion Nord-Sud, il est souhaitable de renforcer la notion de skcuritk alimentaire qualitative, qui jette un pont entre les systkmes alimentaires et la santk.

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