La science au service - solabia.comsolabia.com/solabia/content/NT0000520E.pdf · En Côte...

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- Mai/Juin 2003 - urnommées « Te henua Enana » ou La Terre des Hommes, les Iles Marquises auraient tout aussi bien pu s’appeler la Terre des Hommes de Tradition tant le mode de vie de ses habitants est presque exclusivement basé sur des connaissances ancestrales transmises de génération en génération et qui perdurent encore aujourd’hui. En effet, restées à l’état sauvage et relativement éloignées du monde moderne et de ses innovations, les Iles Marquises sont avant tout le refuge de la tradition et de la pérennisation des rites du Pacifique. Le modernisme n’a pas encore réussi à prendre le pas sur ces paysages vierges, abritant des montagnes escarpées et une végétation luxuriante. Mais attention, respecter ses racines et faire écran au modernisme pour conserver un savoir ancestral ne signifie toutefois pas que les marquisiens soient un peuple reclus, hostile à toute évolution. A près de 4 heures d’avion de Tahiti ou quelques jours de goélette, les Iles Marquises se trouvent isolées. Dénuées de tourisme par l'absence de structures hôtelières, elles ont en fait très peu de ressources. Mis à part le citron vert, considéré comme étant de loin le meilleur de Polynésie, ou le nono, dont il est fait aux USA un jus doté de propriétés stimulantes et tonifiantes, les marquisiens ne disposent que de très peu de moyens pour développer une activité économique. Et pourtant… Ce ne sont pas les ressources végétales qui manquent ! Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité poursuivre la mission du Petit Botaniste ® dans ces îles encore sauvages. Mais pour parfaire cet objectif, il nous fallait compter sur l’appui local d’un partenaire afin de pouvoir, à terme, apporter aux marquisiens des solutions pour un développement durable. C'est ce qui nous a incité, comme vous le savez, à initier il y a plusieurs mois déjà une collaboration avec la société Pacifique Sud qui vient tout juste de s’implanter aux Marquises. Après le nono, dont nous avons valorisé les feuilles aux propriétés régénérantes, le Kau Pe (prononcez "Kao Pé"), fleur aux arômes suaves et envoûtants, c’est au tour de l’Agérate bleue de nous livrer ses secrets. Avant de vous laisser découvrir par vous-même les vertus de cette plante, le Petit Botaniste ® , dont vous connaissez tous le goût pour la recherche de signification, est allé pour vous consulter le grand dictionnaire du Langage des Plantes et des Fleurs. Et bien figurez vous que l’agérate symbolise la confiance. Pourquoi ? Peut être en raison de la couleur bleue de ses fleurs ? Il est vrai que le bleu est non seulement la couleur du rêve et de l’évasion mais aussi le symbole du retour au calme et à l’apaisement. Excellent moment en notre compagnie, S Feuille ethnobotanique éditée par le Groupe Solabia – N°42 – Mai/Juin 2003 Edito Terre des Hommes, Terre de Traditions

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Edité par CEP, Groupe Solabia, 29, rue Delizy, 93698 Pantin Cedex Tél. : (+33) 1 48 10 19 40 - Fax : (+33) 1 48 91 18 77 Responsable de publication : Jean François Molina Comité de rédaction : Patricia Houy et Carine Lebeau Crédits photos NC

- Reproduction Interdite - - M a i / J u i n 2 0 0 3 -

L e Pe t i t Bo tan is te ® L ’A g é ra te b l eue des Marq u is e s

Aujourd’hui, l'hyperurbanisation et les teintes ternes des constructionsmodernes ne laissent que très peu de place à la nature et à sa palette decouleurs, tantôt stimulantes tantôt apaisantes. Pourtant, depuis des millénaires, les Amérindiens, les Egyptiens ou les aborigènes avaient su tirer partie de l’action thérapeutique des couleurs et aujourd’hui, la chromathérapie, puisque tel est son nom, permet de nous soigner tout en douceur… Que ce soient des émetteur de radiations lumineuses, des instituts de beauté aux couleurs décoratives savamment choisies ou des crèmes cosmétiques dont les teintes sont en harmonie avec leursbienfaits, la thérapie par la couleur est partout ! Mais que peuvent bien nous amener ces couleurs ? Que signifient-elles ? Au sens strict, la chromathérapie se base sur l’énergétique chinoise : chaque longueur d’onde envoyée permet d’induire au sein de l’organisme une réaction qui va stimuler ou calmer une énergie, c’est l’action physiologique. Mais aujourd’hui, la chromathérapie, c’est aussi des couleurs auxquelles nous avons associé des symboles, des sensations ou des perceptions, c’est alors une action psychique qui s’exerce sur l’esprit de l’individu. Le bleu, symbole de paix et de bien-être Il est étonnant de constater que chaque civilisation, chaque religion, a attribué au bleu des vertus similaires. Ainsi dans le langage sacré des Egyptiens, le bleu symbolisait l'immortalité tandis qu'en Grèce, les prêtres de Chronos, maîtres dutemps, étaient vêtus de cette couleur et chez les Romains, le bleu était l'un des attributs de Jupiter et Junon, dieu et déesse du Ciel. Dans la religion chrétienne, le bleu occupe une place prépondérante. Les premiers chrétiens l'avaient choisi pour symboliser Dieu le Père et il prête aujourd'hui sa couleur à la Vierge, très souvent représentée vêtue de bleu. Couleur du ciel et de la mer, le bleu est synonyme d'évasion et de tranquillité. Clair, il est le chemin de la rêverie, quand il s'assombrit, ce qui est conforme à sa tendance naturelle, il devient celui du rêve. Symbole positif pour de nombreux peuples, le bleu représente globalement la loyauté, la sagesse, l'imagination et l'intelligence Image du temps qui passe, de la pureté, de l'évasion et de la détente, le bleu ne pouvait mieux illustrer les qualités de l'agérate !

La s c i ence au s e r v i c e de l a Na tu r e

llons maintenant examiner de plus près les propriétés de cette

plante tant utilisée par les pharmacopées traditionnelles. Les tiges et les feuilles de l’agérate présentent une activité bactéricide (notamment sur Staphyloccocus aureus) et antifongique, d'où son utilisation dans certaines maladies de la peau. Ces propriétés sont aussi mises à profit dans un certain nombre de pays aux faibles ressources économiques, la plante étant utilisée comme pesticides (contre les insectes et les nématodes parasites). L'agérate possède également une action anti-inflammatoire et des études ont démontré que, par voie orale, la plante est anti-douleur et analgésique. Bien qu'il soit difficile d'imputer à un seul élément de la plante ses propriétés curatives, sa diversité et sa complémentarité phytochimiques étant souvent la clé de son activité, l’agérate bleue est particulièrement intéressante pour son huile essentielle et ses flavonoïdes. L'huile essentielle, « Maire vaihi » en polynésien, est riche en terpènes, chromènes (conyzogorum) et dérivés coumariniques, qui lui confèrent des propriétés antibactériennes. Quant aux flavonoïdes (flavones, kaempférol, quercétine) , une étude a démontré qu'ils étaient en grande partie à l'origine de son activité anti-inflammatoire. L'agérate bleue contient également des tanins et des stérols. Terminons par un petit cours d'éthymologie. Conyzoides vient de « kónyz », nom grec de l’Inula helenium car les deux fleurs se ressemblent.

Plus intéressant encore est la provenance du terme Ageratum, issu du grec « a geras » qui signifie « anti-vieillissement », la fleur et la plante ayant une durée de vie importante. Il n'y a alors qu'un pas à franchir pour songer que l'agérate pourrait sans doute encore nous apporter de bonnes surprises dans le domaine de l'anti-âge, cher aux cosmétologues…

urnommées « Te henua Enana » ou La Terre des Hommes, les Iles Marquises auraient tout aussi bien pu s’appeler la

Terre des Hommes de Tradition tant le mode de vie de ses habitants est presque exclusivement basé sur des connaissances ancestrales transmises de génération en génération et qui perdurent encore aujourd’hui. En effet, restées à l’état sauvage et relativement éloignées du monde moderne et de ses innovations, les Iles Marquises sont avant tout le refuge de la tradition et de la pérennisation des rites du Pacifique. Le modernisme n’a pas encore réussi à prendre le pas sur ces paysages vierges, abritant des montagnes escarpées et une végétation luxuriante. Mais attention, respecter ses racines et faire écran au modernisme pour conserver un savoir ancestral ne signifie toutefois pas que les marquisiens soient un peuple reclus, hostile à toute évolution. A près de 4 heures d’avion de Tahiti ou quelques jours de goélette, les Iles Marquises se trouvent isolées.

Dénuées de tourisme par l'absence de structures hôtelières,

elles ont en fait très peu de ressources. Mis à part le citron vert, considéré comme étant de loin le meilleur de Polynésie, ou le nono, dont il est fait aux USA un jus doté de propriétés stimulantes et tonifiantes, les marquisiens ne disposent que de très peu de moyens pour développer une activité économique. Et pourtant… Ce ne sont pas les ressources végétales qui manquent ! Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité poursuivre la mission du Petit Botaniste® dans ces îles encore sauvages. Mais pour parfaire cet objectif, il nous fallait compter sur l’appui local d’un partenaire afin de pouvoir, à terme, apporter aux marquisiens des solutions pour un développement durable. C'est ce qui nous a incité, comme vous le savez, à initier il y a plusieurs mois déjà une collaboration avec la société Pacifique Sud qui vient tout juste de s’implanter aux Marquises.

Après le nono, dont nous avons valorisé les feuilles aux propriétés régénérantes, le Kau Pe (prononcez "Kao Pé"), fleur aux arômes suaves et envoûtants, c’est au tour de l’Agérate bleue de nous livrer ses secrets. Avant de vous laisser découvrir par vous-même les vertus de cette

plante, le Petit Botaniste®, dont vous connaissez tous le goût

pour la recherche de signification, est allé pour vous consulter le grand dictionnaire du Langage des Plantes et des Fleurs. Et bien figurez vous que l’agérate symbolise la confiance. Pourquoi ? Peut être en raison de la couleur bleue de ses fleurs ? Il est vrai que le bleu est non seulement la couleur du rêve et de l’évasion mais aussi le symbole du retour au calme et à l’apaisement. Excellent moment en notre compagnie,

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F e u i l l e e t h n o b o t a n i q u e é d i t é e p a r l e G r o u p e S o l a b i a – N ° 4 2 – M a i / J u i n 2 0 0 3

EditoTerre des Hommes, Terre de Traditions

Inula helenium

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L’Agérate bleue, magie et superstitions…

Comme souvent pour les plantes ayant des vertus médicinales, une atmosphère de mystères et de magie environne l'agérate.

En Côte d’Ivoire, la fleur aurait des propriétés magiques contre les morsures de serpent. Dans l’est du Nigeria, la forte odeur aromatique de la plante permettrait de calmer les esprits des sorcières et de combattre la magie noire. Au Congo, la sève de feuilles appliquée sur les mains des joueurs de cartes leur porterait bonheur. Et lors d’un procès, la croyance veut que si l'on applique la sève sur un accusé, qu’on le pique avec une aiguille et qu’il ne ressente aucune douleur, cela signifie qu’il est innocent.

Hiva Oa et Fatu Iva en images…

Taaoa

Atuona

ous vous l’avions dit dans le dernier Petit Botaniste®, les Iles Marquises recèlent

encore bien des trésors… En particulier les îles d’Hiva Oa et de Fatu Iva, sur lesquelles nous vous proposons de débarquer un moment… Des î l e s du bou t du monde L'île d'Hiva Oa (carte ci-dessous) est la capitale administrative des Marquises.

Elle renferme plusieurs centres archéologiques intéressants et notamment, le plus grand site archéologique de Polynésie, situé dans la vallée de Taaoa. On y trouve également le plus grand tiki polynésien, le tiki « Takai’i », mesurant 2,40m de haut. Ces sites ancestraux permettent facilement d’imaginer la vie des Maoris. Hiva Oa est également le lieu choisi par deux célèbres personnages, Jacques Brel et Paul Gauguin, pour passer les dernières années de leur vie. Ils reposent tous deux dans la ville d'Atuona.

"Veux-tu que je te dise, gémir n’est pas de mise… Aux îles Marquises" Les Marquises - J. Brel

Fatu Iva, quant à elle, est la plus isolée des Iles Marquises, mais aussi peut être la plus belle car la plus sauvage : seules les goélettes la ravitaillent... Ses habitants, très peu nombreux, sont spécialisés dans la préparation de l’Umuhei mais aussi dans la confection de tapas (Le Safran d'Océanie - Petit Botaniste n°37) et de sculptures de cocos et bois précieux. Malgré leur éloignement, ces deux îles sont reliées par un point commun, un "lien végétal" que nous vous invitons à découvrir.

L ’Agé r a t e b l eue , Une p l an t e de con f i ance… On retrouve en effet en abondance sur ces deux îles une petite plante herbacée à la tige hérissée de poils, aux feuilles rêches au toucher. Mais la multitude de fleurs bleu violacé semblables à des pompons font vite oublier ce premier contact peu engageant !

Et ce d'autant plus que les marquisiens, fidèles observateurs de la nature , ont su tirer partie des attributs un peu spéciaux de cette plante…

' agérate bleue (Ageratum conyzoides), ou Pùtara

(prononcez "poutara") en langage traditionnel marquisien, a en effet plus d'un tour dans ses feuilles ! Les marquisiennes les utilisent ainsi pour leur toilette matinale afin de nettoyer leur visage, la présence de ces "cils végétaux" étant probablement liée dans leur esprit à une activité purifiante. Traitement un rien agressif penserez-vous? Détrompez-vous, comme toujours Dame Nature a tout prévu ! Lors du passage de la plante sur le visage, elle laisse s’écouler une sève aux propriétés anti-inflammatoires, propre à calmer toute irritation et à apaiser les peaux les plus fragile. Les marquisiens ont donc compris depuis longtemps que l'on pouvait faire confiance en l'agérate, et ce n'est sans doute pas un hasard si cette plante symbolise la confiance dans le langage des fleurs…

Une he rbe a roma t i que , composan t de l 'Umuhe i L'agérate était aussi utilisée traditionnellement pour « laver » les marquisiens dans leurs parties les plus intimes et sous les aisselles, sans doute en raison de ses propriétés anti-bactériennes. Mais c'est également pour son parfum que le pùtara était utilisé en soins corporels. Ses propriétés aromatiques sont d'ailleurs aussi mises à profit dans la préparation de l’Umuhei (Le Kau Pe des Marquises - Petit Botaniste n°41), bouquet végétal porté par les femmes marquisiennes pour éveiller la sensualité des hommes. L 'Agé r a t e b l eue à t r a ve r s l e monde Dans une autre partie de l’océan Pacifique, beaucoup plus au sud, sur les îles d’Hawaï, l’agérate est aussi très prisée. La phytothérapie locale utilise les différentes parties de la plante pour de multiples applications : désinfecter les plaies, combattre les douleurs intestinales (décoctions), traiter les conjonctivites et les ophtalmies (suc des feuilles). La plante est même considérée comme dépurative et analgésique par voie orale. On en compose également des bains que l’on fait prendre aux patients atteints de meurtrissures, notamment après une chute. Les feuilles pulvérisées mélangées à l’huile chaude sont appliquées sur la peau pour favoriser la cicatrisation tandis que la décoction de racine constitue une excellente tisane fébrifuge et anti-dysentérique.

De nombreuses autres pharmacopées utilisent les vertus d'Ageratum conyzoïdes, plante très répandue dans l’est de l’Afrique du Sud et dans certaines régions de l’Asie et de l’Amérique du Sud. En Guyane par exemple, les Créoles utilisent la richesse en mucilages des feuilles pour confectionner de petites boulettes à mâcher, le jus obtenu calmant les maux de gorges. Une décoction de feuilles bien concentrée apaise les rages de dents et les parties aériennes, préparées en tisane, sont fortement diurétiques et antidiarrhéiques. Au Guatemala, les parties aériennes de la « mejorana » sont utilisées pour soigner les boutons (en bain) et la coqueluche. Elles sont également conseillées dans le traitement des conjonctivites, des blessures et des pneumonies.

En Afrique du Sud, ce sont les maladies mentales et infectieuses, les maux de têtes, la dyspnée (difficulté respiratoire), la fièvre et les douleurs intestinales (entéralqie) qui sont soignés avec l’agérate. On lui prête également des propriétés analgésiques.

A Madagascar, son nom signifie « parfum des puiseuses d’eau » car elle embaume de son arôme tous les chemins près des villages. Les feuilles et les tiges sont employées en fomentation (application d’un topique chaud) contre certaines éruptions cutanées et notamment la lèpre. Les feuilles agissent contre la cirrhose. La décoction des parties aériennes soigne la toux, celle des racines est fébrifuge (combat la fièvre) et anti-dysentérique. Utilisée en lotion froide, elle aide à soigner l’ophtalmie.

NL

Fabrication de tapa Sculpture de cocos Tiki « Takai’i » Baies de Hanavave - Fatu Hiva

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L’Agérate bleue, magie et superstitions…

Comme souvent pour les plantes ayant des vertus médicinales, une atmosphère de mystères et de magie environne l'agérate.

En Côte d’Ivoire, la fleur aurait des propriétés magiques contre les morsures de serpent. Dans l’est du Nigeria, la forte odeur aromatique de la plante permettrait de calmer les esprits des sorcières et de combattre la magie noire. Au Congo, la sève de feuilles appliquée sur les mains des joueurs de cartes leur porterait bonheur. Et lors d’un procès, la croyance veut que si l'on applique la sève sur un accusé, qu’on le pique avec une aiguille et qu’il ne ressente aucune douleur, cela signifie qu’il est innocent.

Hiva Oa et Fatu Iva en images…

Taaoa

Atuona

ous vous l’avions dit dans le dernier Petit Botaniste®, les Iles Marquises recèlent

encore bien des trésors… En particulier les îles d’Hiva Oa et de Fatu Iva, sur lesquelles nous vous proposons de débarquer un moment… Des î l e s du bou t du monde L'île d'Hiva Oa (carte ci-dessous) est la capitale administrative des Marquises.

Elle renferme plusieurs centres archéologiques intéressants et notamment, le plus grand site archéologique de Polynésie, situé dans la vallée de Taaoa. On y trouve également le plus grand tiki polynésien, le tiki « Takai’i », mesurant 2,40m de haut. Ces sites ancestraux permettent facilement d’imaginer la vie des Maoris. Hiva Oa est également le lieu choisi par deux célèbres personnages, Jacques Brel et Paul Gauguin, pour passer les dernières années de leur vie. Ils reposent tous deux dans la ville d'Atuona.

"Veux-tu que je te dise, gémir n’est pas de mise… Aux îles Marquises" Les Marquises - J. Brel

Fatu Iva, quant à elle, est la plus isolée des Iles Marquises, mais aussi peut être la plus belle car la plus sauvage : seules les goélettes la ravitaillent... Ses habitants, très peu nombreux, sont spécialisés dans la préparation de l’Umuhei mais aussi dans la confection de tapas (Le Safran d'Océanie - Petit Botaniste n°37) et de sculptures de cocos et bois précieux. Malgré leur éloignement, ces deux îles sont reliées par un point commun, un "lien végétal" que nous vous invitons à découvrir.

L ’Agé r a t e b l eue , Une p l an t e de con f i ance… On retrouve en effet en abondance sur ces deux îles une petite plante herbacée à la tige hérissée de poils, aux feuilles rêches au toucher. Mais la multitude de fleurs bleu violacé semblables à des pompons font vite oublier ce premier contact peu engageant !

Et ce d'autant plus que les marquisiens, fidèles observateurs de la nature , ont su tirer partie des attributs un peu spéciaux de cette plante…

' agérate bleue (Ageratum conyzoides), ou Pùtara

(prononcez "poutara") en langage traditionnel marquisien, a en effet plus d'un tour dans ses feuilles ! Les marquisiennes les utilisent ainsi pour leur toilette matinale afin de nettoyer leur visage, la présence de ces "cils végétaux" étant probablement liée dans leur esprit à une activité purifiante. Traitement un rien agressif penserez-vous? Détrompez-vous, comme toujours Dame Nature a tout prévu ! Lors du passage de la plante sur le visage, elle laisse s’écouler une sève aux propriétés anti-inflammatoires, propre à calmer toute irritation et à apaiser les peaux les plus fragile. Les marquisiens ont donc compris depuis longtemps que l'on pouvait faire confiance en l'agérate, et ce n'est sans doute pas un hasard si cette plante symbolise la confiance dans le langage des fleurs…

Une he rbe a roma t i que , composan t de l 'Umuhe i L'agérate était aussi utilisée traditionnellement pour « laver » les marquisiens dans leurs parties les plus intimes et sous les aisselles, sans doute en raison de ses propriétés anti-bactériennes. Mais c'est également pour son parfum que le pùtara était utilisé en soins corporels. Ses propriétés aromatiques sont d'ailleurs aussi mises à profit dans la préparation de l’Umuhei (Le Kau Pe des Marquises - Petit Botaniste n°41), bouquet végétal porté par les femmes marquisiennes pour éveiller la sensualité des hommes. L 'Agé r a t e b l eue à t r a ve r s l e monde Dans une autre partie de l’océan Pacifique, beaucoup plus au sud, sur les îles d’Hawaï, l’agérate est aussi très prisée. La phytothérapie locale utilise les différentes parties de la plante pour de multiples applications : désinfecter les plaies, combattre les douleurs intestinales (décoctions), traiter les conjonctivites et les ophtalmies (suc des feuilles). La plante est même considérée comme dépurative et analgésique par voie orale. On en compose également des bains que l’on fait prendre aux patients atteints de meurtrissures, notamment après une chute. Les feuilles pulvérisées mélangées à l’huile chaude sont appliquées sur la peau pour favoriser la cicatrisation tandis que la décoction de racine constitue une excellente tisane fébrifuge et anti-dysentérique.

De nombreuses autres pharmacopées utilisent les vertus d'Ageratum conyzoïdes, plante très répandue dans l’est de l’Afrique du Sud et dans certaines régions de l’Asie et de l’Amérique du Sud. En Guyane par exemple, les Créoles utilisent la richesse en mucilages des feuilles pour confectionner de petites boulettes à mâcher, le jus obtenu calmant les maux de gorges. Une décoction de feuilles bien concentrée apaise les rages de dents et les parties aériennes, préparées en tisane, sont fortement diurétiques et antidiarrhéiques. Au Guatemala, les parties aériennes de la « mejorana » sont utilisées pour soigner les boutons (en bain) et la coqueluche. Elles sont également conseillées dans le traitement des conjonctivites, des blessures et des pneumonies.

En Afrique du Sud, ce sont les maladies mentales et infectieuses, les maux de têtes, la dyspnée (difficulté respiratoire), la fièvre et les douleurs intestinales (entéralqie) qui sont soignés avec l’agérate. On lui prête également des propriétés analgésiques.

A Madagascar, son nom signifie « parfum des puiseuses d’eau » car elle embaume de son arôme tous les chemins près des villages. Les feuilles et les tiges sont employées en fomentation (application d’un topique chaud) contre certaines éruptions cutanées et notamment la lèpre. Les feuilles agissent contre la cirrhose. La décoction des parties aériennes soigne la toux, celle des racines est fébrifuge (combat la fièvre) et anti-dysentérique. Utilisée en lotion froide, elle aide à soigner l’ophtalmie.

NL

Fabrication de tapa Sculpture de cocos Tiki « Takai’i » Baies de Hanavave - Fatu Hiva

Edité par CEP, Groupe Solabia, 29, rue Delizy, 93698 Pantin Cedex Tél. : (+33) 1 48 10 19 40 - Fax : (+33) 1 48 91 18 77 Responsable de publication : Jean François Molina Comité de rédaction : Patricia Houy et Carine Lebeau Crédits photos NC

- Reproduction Interdite - - M a i / J u i n 2 0 0 3 -

L e Pe t i t Bo tan is te ® L ’A g é ra te b l eue des Marq u is e s

Aujourd’hui, l'hyperurbanisation et les teintes ternes des constructionsmodernes ne laissent que très peu de place à la nature et à sa palette decouleurs, tantôt stimulantes tantôt apaisantes. Pourtant, depuis des millénaires, les Amérindiens, les Egyptiens ou les aborigènes avaient su tirer partie de l’action thérapeutique des couleurs et aujourd’hui, la chromathérapie, puisque tel est son nom, permet de nous soigner tout en douceur… Que ce soient des émetteur de radiations lumineuses, des instituts de beauté aux couleurs décoratives savamment choisies ou des crèmes cosmétiques dont les teintes sont en harmonie avec leursbienfaits, la thérapie par la couleur est partout ! Mais que peuvent bien nous amener ces couleurs ? Que signifient-elles ? Au sens strict, la chromathérapie se base sur l’énergétique chinoise : chaque longueur d’onde envoyée permet d’induire au sein de l’organisme une réaction qui va stimuler ou calmer une énergie, c’est l’action physiologique. Mais aujourd’hui, la chromathérapie, c’est aussi des couleurs auxquelles nous avons associé des symboles, des sensations ou des perceptions, c’est alors une action psychique qui s’exerce sur l’esprit de l’individu. Le bleu, symbole de paix et de bien-être Il est étonnant de constater que chaque civilisation, chaque religion, a attribué au bleu des vertus similaires. Ainsi dans le langage sacré des Egyptiens, le bleu symbolisait l'immortalité tandis qu'en Grèce, les prêtres de Chronos, maîtres dutemps, étaient vêtus de cette couleur et chez les Romains, le bleu était l'un des attributs de Jupiter et Junon, dieu et déesse du Ciel. Dans la religion chrétienne, le bleu occupe une place prépondérante. Les premiers chrétiens l'avaient choisi pour symboliser Dieu le Père et il prête aujourd'hui sa couleur à la Vierge, très souvent représentée vêtue de bleu. Couleur du ciel et de la mer, le bleu est synonyme d'évasion et de tranquillité. Clair, il est le chemin de la rêverie, quand il s'assombrit, ce qui est conforme à sa tendance naturelle, il devient celui du rêve. Symbole positif pour de nombreux peuples, le bleu représente globalement la loyauté, la sagesse, l'imagination et l'intelligence Image du temps qui passe, de la pureté, de l'évasion et de la détente, le bleu ne pouvait mieux illustrer les qualités de l'agérate !

La s c i ence au s e r v i c e de l a Na tu r e

llons maintenant examiner de plus près les propriétés de cette

plante tant utilisée par les pharmacopées traditionnelles. Les tiges et les feuilles de l’agérate présentent une activité bactéricide (notamment sur Staphyloccocus aureus) et antifongique, d'où son utilisation dans certaines maladies de la peau. Ces propriétés sont aussi mises à profit dans un certain nombre de pays aux faibles ressources économiques, la plante étant utilisée comme pesticides (contre les insectes et les nématodes parasites). L'agérate possède également une action anti-inflammatoire et des études ont démontré que, par voie orale, la plante est anti-douleur et analgésique. Bien qu'il soit difficile d'imputer à un seul élément de la plante ses propriétés curatives, sa diversité et sa complémentarité phytochimiques étant souvent la clé de son activité, l’agérate bleue est particulièrement intéressante pour son huile essentielle et ses flavonoïdes. L'huile essentielle, « Maire vaihi » en polynésien, est riche en terpènes, chromènes (conyzogorum) et dérivés coumariniques, qui lui confèrent des propriétés antibactériennes. Quant aux flavonoïdes (flavones, kaempférol, quercétine) , une étude a démontré qu'ils étaient en grande partie à l'origine de son activité anti-inflammatoire. L'agérate bleue contient également des tanins et des stérols. Terminons par un petit cours d'éthymologie. Conyzoides vient de « kónyz », nom grec de l’Inula helenium car les deux fleurs se ressemblent.

Plus intéressant encore est la provenance du terme Ageratum, issu du grec « a geras » qui signifie « anti-vieillissement », la fleur et la plante ayant une durée de vie importante. Il n'y a alors qu'un pas à franchir pour songer que l'agérate pourrait sans doute encore nous apporter de bonnes surprises dans le domaine de l'anti-âge, cher aux cosmétologues…

urnommées « Te henua Enana » ou La Terre des Hommes, les Iles Marquises auraient tout aussi bien pu s’appeler la

Terre des Hommes de Tradition tant le mode de vie de ses habitants est presque exclusivement basé sur des connaissances ancestrales transmises de génération en génération et qui perdurent encore aujourd’hui. En effet, restées à l’état sauvage et relativement éloignées du monde moderne et de ses innovations, les Iles Marquises sont avant tout le refuge de la tradition et de la pérennisation des rites du Pacifique. Le modernisme n’a pas encore réussi à prendre le pas sur ces paysages vierges, abritant des montagnes escarpées et une végétation luxuriante. Mais attention, respecter ses racines et faire écran au modernisme pour conserver un savoir ancestral ne signifie toutefois pas que les marquisiens soient un peuple reclus, hostile à toute évolution. A près de 4 heures d’avion de Tahiti ou quelques jours de goélette, les Iles Marquises se trouvent isolées.

Dénuées de tourisme par l'absence de structures hôtelières,

elles ont en fait très peu de ressources. Mis à part le citron vert, considéré comme étant de loin le meilleur de Polynésie, ou le nono, dont il est fait aux USA un jus doté de propriétés stimulantes et tonifiantes, les marquisiens ne disposent que de très peu de moyens pour développer une activité économique. Et pourtant… Ce ne sont pas les ressources végétales qui manquent ! Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité poursuivre la mission du Petit Botaniste® dans ces îles encore sauvages. Mais pour parfaire cet objectif, il nous fallait compter sur l’appui local d’un partenaire afin de pouvoir, à terme, apporter aux marquisiens des solutions pour un développement durable. C'est ce qui nous a incité, comme vous le savez, à initier il y a plusieurs mois déjà une collaboration avec la société Pacifique Sud qui vient tout juste de s’implanter aux Marquises.

Après le nono, dont nous avons valorisé les feuilles aux propriétés régénérantes, le Kau Pe (prononcez "Kao Pé"), fleur aux arômes suaves et envoûtants, c’est au tour de l’Agérate bleue de nous livrer ses secrets. Avant de vous laisser découvrir par vous-même les vertus de cette

plante, le Petit Botaniste®, dont vous connaissez tous le goût

pour la recherche de signification, est allé pour vous consulter le grand dictionnaire du Langage des Plantes et des Fleurs. Et bien figurez vous que l’agérate symbolise la confiance. Pourquoi ? Peut être en raison de la couleur bleue de ses fleurs ? Il est vrai que le bleu est non seulement la couleur du rêve et de l’évasion mais aussi le symbole du retour au calme et à l’apaisement. Excellent moment en notre compagnie,

A

S

F e u i l l e e t h n o b o t a n i q u e é d i t é e p a r l e G r o u p e S o l a b i a – N ° 4 2 – M a i / J u i n 2 0 0 3

EditoTerre des Hommes, Terre de Traditions

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