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La Révolution prolétarienne (Paris. 1925) Source gallica.bnf.fr / CODHOS (Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale)

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La Révolutionprolétarienne (Paris.

1925)

Source gallica.bnf.fr / CODHOS (Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale)

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La Révolution prolétarienne (Paris. 1925). 1936/12/10.

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12* année. — Na236. — 10 Décembre 1936 Prix : 2 francs

La Révolution

Prolétarienne

EVUE BIMENSUELLE SYNDICALISTE REVOLUTIONNAIRE

DANS-CE NUMÉRO !

R. LOUZON

Non ! pourles Baléares

etpour Tétouan,

nous ne marcheronspas !

Une nouvelle attaque du gouvernement français

contre laRépublique espagnole

aJ. PÉRA

Plus de 200 condamnations au Maroc

a

Crimes enRussie, intrigues

enEspagne

par Victor SERGE

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LA RÉVOLUTION

PROLÉTARIENNE

Rt:vuebimensuellesyndicalisterévolutionnaire(Paraissant le 10 et le 25)

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FliANCE, ALGERIE, COLONIESTrois mois 10 fr.Six mois 20 »Un an 40»

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ADRESSER LA CORRESPONDANCEconcernant la Rédaction et l'Adminis-tration à la Révolution Prolétarienne1)4,rue du Château-d'Eau, Paris-lU*

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SOMMAIRE DU N° 236

•jj|(10 décembre 1936)

CRIMES EN RUSSIE, INTRIGUES ENESPAGNE Victor SERGE.

PENSEE3 DE DURRUTI. L. NICOLAS.PLUS DE 200 CONDAMNATIONS AU

MAROC J. PÉRA.LES

DELEGUESD'ATELIER. M. CHAMBELLAND.

1: Renaissance du Syndicalisme

Arbitrageobligatoire G. DUCHÈNE.

Notes d'économie et de politiqueNon! pour les Baléares et pour Tétouan

nous ne marchons pas! — Une nouvelleattaque du Gouvernement français contrela République espagnole. En violation destraités le Gouvernement français auraitréduit l'importation des oranges espagno-les. — Chili, Espagne, Mexique: La so-lidarité des classes au delà des conti-nents. - De « l'idéologie» en voilà! —Vers l'Etat totalitaire: La généralisationdes lois scélérates. R. LOUZON.

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Livres, Revues, Journaux

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sur le procès de Moscou.. P. M.

La vérité sur l'U. R. S. S.

Stakhanovisme et « saboteurs »). YVON.

La Ligue Syndicaliste

La Ligue Syndicaliste se propose :

De faire prédominer dans les syn-

dicats l'esprit de classe sur l'esprit

de tendance, de secte ou de parti,

afin de réaliser le maximum d'ac-

tion contre le patronat et contre

l'Etat ;'.,;'C

De participer à l'œuvre d'éduca-

tion syndicale en procédant à l'exa-

men des problèmes pratiques et

théoriques posés devant le mouve-

ment ouvrier, et en préconisant la

formation de Cercles d'études syn-dicales ;

De maintenir vivant le préceptede la Première Internationale,

d'après lequel l'émancipation des

travailleurs ne sera l'œuvre que des

travailleurs eux-mêmes.

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Crimes enRussie, intrigues

enEspagne

i-

A chaque crime retentissant des misérables

qui gouvernent les Etats totalitaires, le senti-ment humain de ce temps tombe un peu plusbas et le crime suivant en est facilité. Aprèsles 16 fusillés de Moscou, que vaut encore lavie d'Edgar André? La hache d'un bourreaunazi s'abat. Que vaut maintenant la vie du res-

tant des combattants d'Octobre disparus dansles_prisons staltniennes ?

Fin novembre, au moment où paraît dans lesCahiers des- Droits de l'Homme, à Paris,l'étrange rapport de M. Rosenmark qui trouve

que l'assassinat des compagnons- de Lénine aété perpétré dans des formes suffisammentlégales, se déroule l'effarant procès de Novosi-birsk où le mensonge des aveux s'étale avecune telle impudence que le lecteur des jour-nanx se frotte les yeux; et le crime en est d'untel cynisme qu'il faudrait remonter fort loindans l'histoire pour lui trouver un équivalent. -

Neuf pauvres diables, dont un Allemand, ingé-nieurs et techniciens d'une mine où s'est pro-duite une catastrophe qui a coûté la vie à 14ouvriers, comparaissent devant le, tribunal etprodiguent les. plus incroyables aveux. L'Alle.-mand Stickling s'avoue agent de la Gestapo.Les ingénieurs déclarent avoir provoqué la ca-tastrophe sur instructions des trotskistes pourfaire du tort à « notre grand commissaire du

peuple Ordjonikidzé » et préparer en U.R.S.S.Uavènement du fascisme 1 C'est à la fois-infâmeet idiot. Au cours des débats, un accusé dé-clar.e avoir assisté près de Moscou, en 1927— en dix-neuf cent vingt sept! — à une réu-nion où Trotski scella son alliance avec lesnazis. C'est comme je vous le dis, vous n'avezpas la berlue. Naturellement, il n'y a pas, il nepeut pas y avoir un seul trotskiste sur le bancdes accusés. Il n'y a que de pauvres diablestorturés, terrorises, complaisants, toute hontebue et toute raison perdue, pris entre la certi-tude d'être fusillés s'ils résistent et le faibleespoir d'en réchapper peut-être à ce prix.

À chaque instant revient à la cantonnade lenom de ce Mouralov, opposant communiste degauche, authentique celui-là, depuis 1927, quiprit Moscou en février 1917 et la reprit en oc-tobre 1917, soldat intrépide de deux révolu-tions. Le voilà perdu. Piatakov, le plus capitu-lard des capitulards, qui nous lâcha dès 1928pour se faire le serviteur dévoué du stalinisme,est perdu, lui aussi, contre toute vraisemblance.Nous nous demandions pourquoi, un ami qui leconnaît bien et moi-même, et nous ne trouvionsque deux explications : Pas de témoins 1 — etencore: Piatakov buvait. Il aura, ivre, dit deschoses imprudentes, un peu de ce qu'il devaittout de même avoir sur le cœur.

Les neuf accusés sont naturellement condam-nés à mort. L'Allemand a été grâcié, bien sûr,et il a sauvé par contre-coup la vie à deuxRusses: il n'y a eu que six exécutions.

Et l'on prépare les procès suivants.Et l'on prépare bien autre chose ailleurs, car

tout se tient, car la révolution ouvrière étantunedans le monde, tout ce qui la pourrit, l'en-

sanglante, la trahit sur un point retentit dou-loureusement, dangereusement sur d'autres.

11Débridons la plaie. Pourquoi fait-on encore

le silence sur ces choses? Passe encore pourVendredi dont les silencês sont éloquents.Voici les faits. Il y a en Espagne un grand partiouvrier d'opposition communiste, c'est-à-direfermement hostile à la conception staliniennedu socialisme, à l'Etat totalitaire, au systèmebureaucratique : le Partido Obrero de Unifica-ciôn Marxista, — Parti Ouvrier d'UnificationMarxiste, par abréviation le P.O.U.M.

L'un de ses fondateurs, Joaquim Maurin, a

été fusillé par les rebelles. Le chef de sa pre-mière colonne motorisée, Etchebehere, purhéros prolétarien, a été tué sous Madrid il y adéjà de longues semaines. Et Germinal Vidal,et José Oliver, et Pedro Villarrosa. Les mortsde ce parti ne se comptent plus.

Au moment de la constitution de la junte dedéfense de Madrid, le seul comité qui n'ait pasquitté la capitale est celui du P.O.U.M.; etbien, que l'influence de ce parti soit au moinssensiblement égale à celle du parti stalinien, leP.O.U.M. se voit exclu de la junte de défense.Les militants, socialistes, syndicalistes et anar-chistes souhaitent la collaboration avec lui etle disent à nos amis Andrade et Gorkin. Leministre anarchiste juan Lopez (C.N.T.) a surce sujet avec les délégués du P.O.U.M. une en-trevue dont la presse de Valence publie uncompte rendu.

Et l'on apprend que c'est la pression ultima-tive du parti stalinien et de la légation de.l'U.R.S.S. à Madrid qui a fait exclure leP.O.U.M. de la junte de défense. La Batalla du27 novembre, commentant ce fait inouï, écrit(que l'on juge de sa modération) :

« Il est intolérable qu'en- nous prêtant unecertaine aide, l'on prétende nous imposer desnormes politiques déterminées, prononcer desvetos et diriger de fait la politique espagnole. »

Dès lors s'expliquent d'autres agressionscommises contre des révolutionnaires espa-gnols : la mise à sac du local des Jeunessescommunistes de Madrid par une bande stali-nienne et l'interdiction de l'organe du P.O.U.M.de Madrid, premier attentat à la liberté d'opi-nion dans la démocratie révolutionnaire.

La Batalla ajoute que « le consulat sovié-tique de Barcelone dirige la campagne d'in-sultes et de calomnies poursuivie contre nous. )

Campagnes de menaces aussi: les staliniensd'Espagne se plaisent déjà à parler de « fairesentir leur main de fer» (sic). On verra bien.Prenons' note toutefois de ce style et de ce ton

Le 28 novembre, le consulat soviétique à Bar-celone communique à la presse une note fiel-leuse accusant formellement la presse duP.O.U.M. d'être « vendue au fascisme interna-tional. » L'organe du parti stalinien de Barce-lone (le P.S.U.C.) Treball dénonce catégorique-ment les camarades du P.O.U.M. comme les« agents de Franco-Hitler-Mussolini » et ajoutechaque jour que ce sont d'ailleurs des trots-kistes, par conséquent des agents de la Gestapo« comme il a été prouvé au procès de Mos-

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2—374 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

cou. » Voyez comme se tiennent toutes ces in-famies et si elles mènent loin !

C'est donc pour mieux étrangler les révolu-tionnaires d'Espagne que l'on assassine lesvieux révolutionnaires de Russie !

Il va sans dire que l'influence soviétique estassez réelle sur la presse petite-bourgeoise deCatalogne où bien des politiques souhaitent sedéfaire un jour des prolétaires révolutionnairesles plus intransigeants. La Humanidad reprendces calomnies.

La Batalla y répond le 29, dans une note ex-trêmement ferme et modérée, rappelant sesmorts, sa fidélité aux principes du commu-nisme des grandes années et qu'elle a défendul'U.R.S.S. à des époques où bien de ses lauda-teurs d'aujourd'hui l'insultaient.

Alors se produit une curieuse interventionocculte, d'autant plus curieuse que le P.O.U.M.participe au gouvernement de la Généralité deCatalogne, dans lequel mon vieux camaradeNin s'occupe de la Justice. La censure inter-vient pour empêcher la publication de la notedu P.O.U.M. par d'autres journaux que la Ba-talla.

L'on apprend, à la même heure, que d'obscu-res intrigues se trament pour éliminer leP.O.U.M. du gouvernement de la Généralité.

Si les manœuvres staliniennes réussissaient(il faudrait pour cela que les camarades de laC.N.T. et de la F.A.I. se laissassent noyauter ourouler — et ils le payeraient cher par la suite),

les étapes suivantes de l'opération seraientassez prévisibles : le consulat soviétique s'ef-forcerait d'obtenir l'interdiction de la Batalla,c'est-à-dire d'imposer dans le mouvement ou-vrier catalan le régime du bâillon; et pourconsommer la mainmise sur ce mouvement, onfinirait bien par monter, à l'instar des comédiesjudiciaires de Moscou et de Novosibirsk, contredes révolutionnaires espagnols, quelques af-faires de « complot avec Hitler-Franco-Mus-solini •».

En dénonçant leurs adversaires politiquescomme des « agents du fascisme internatio-nal », devant un peuple souvent ignorant qui sebat pour sa vie, ses foyers, les représentantsofficiels de l'U.R.S.S. et les staliniens d'Espa-gne commettent un véritable crime contre lacause commune et en préparent d'autres. Cettecalomnie-là est une arme empoisonnée donton ne 'peut pas se servir impunément. Aucamp retranché de la révolution espagnole, lesagents du fascisme doivent être fusillés ou,s'ils sont inconscients, réduits à l'impuissancede nuire. Les révolutionnaires auxquels onessaie de jeter cette boue au visage et qui sesentent acheminés vers un guet-apens, doiventà leur tour mettre leurs calomniateurs au pilori.Les camarades du P.O.U.M. ont donné assez

*de preuves de force et de sang-froid pour qu'onleur fasse confiance. Puisse l'opinion ouvrièreinternationale les soutenir avec vigilance.

Victor SERGïi.

PENSÉES DE DURRUTI.

Maintenant qu'il ne vit plus, avant que lafièvre des événements n'emporte notre atten-tion et que la légende ne déforme sa réellefigure, essayons de recueillir ce qui prolongesa vie, c'est-à-dire quelques-unes de ses pen-sées, de ses expressions, de ses lettres.

Voici d'abord un portrait au front fait parun émigré antifasciste, V. Gozzoli, et publiépar Guerra di classe :

« .Nous l'avons retrouvé jeune, souriant,aimable, sûr de lui, décidé, fort et agile dansle geste et la parole, tel que nous l'avionsconnu à Paris et à Bruxelles.

« Si nous notons quelque chose de différenten lui, c'est de le trouver plus complet, pluscomplexe, plus « entier » si c'était possible.Harmonieux dans la gaîne que lui fait son vê-tement de milicien, pas de galons sur le brasni dans sa façon de donner des ordres aux ca-marades des milices.

« .Le samedi soir 25 octobre, on l'appela deBarcelone par téléphone pour l'inviter à parlerau grand meeting qui se tenait le lendemain auMonumental.

« Voici la réponse de Durruti :« — Les meetings, nous en faisons ici tous

les jours, toutes les heures, toutes les minutes.« Et sans attendre, il accrochait le récepteur« D'autres fois, bien des fois, très souvent

on l'appelait pour lui demander des nouvellesdu front.

« Alors venait la réponse inévitable, marte-lante, agressive, de Durruti :

« - Des cartouches, encore des cartoucheset toujours des cartouches. »

La même idée de méfiance envers ceux qui

nemettent pas en concordance la propagande

et l'action se fait jour dans sa lettre ouverteadressée aux ouvriers russes; ce documentcontient beaucoup de formules ampoulées,forme d'une diplomatie se croyant rusée pourne pas heurter le seul grand gouvernementfournissant les armes; mais le grain rude dela vérité y subsiste :

« .Nous n'avons confiance en aucun politi-cien soi-disant démocrate ou antifasciste; nousavons confiance dans nos frères de classe,dans les travailleurs; c'est à eux de défendrela révolution espagnole comme il y a vingtans nous avons défendu la révolution russe.

« Ayez confiance en nous; nous sommes devrais travailleurs; pour rien au monde nousn'abandonnerions nos principes, nous n'humil-ierions les outils, symbole de la classe ou-vrière. »

La conception pratique de la lutte le pour-suit comme une idée fixe après sa premièrevisite à Madrid, au temps où le gouvernementy siégeait encore. Au flot d'agitation, qui nefait que l'irriter, il répond :

« .La résistance ne se crée pas avec des

paroles, mais avec des retranchements. La

pioche et la pelle valent autant que le fusil.Il faut mobiliser dans Madrid une quantité deviveurs et de parasites qui restent à l'arrière-

garde. II est aussi nécessaire d'économiser

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PENSEES DE DURRUTI 3-375

l'essence utilisée pour les autos. Dans le sec-teur du Centre, il faut établir un réseau detranchées, parapets et barbelés. Que Madridtout entier vive pour la guerre, adonné à sa

propre défense. »

Une quinzaine de jours avant sa mort, ils'adressa à la radio, sans quitter son poste de

combat, aux ouvriers de Catalogne; ses der-nières paroles prononcées en public reflètentbien l'esprit du prolétariat militant de là-bas,sa volonté de lutte farouche, totale, mais aussises inquiétudes sur les déviations qui se pro-duisent à l'arrière et qui, dès maintenant, me-nacent d'infecter le régime nouveau dont ladéfense pourtant coûte tant de vies ouvrières.

« Les organisations ouvrières ne doivent pasoublier ce qui est le devoir impérieux du mo-ment actuel.

c Sur le front, comme dans les tranchées, il

n'y a qu'une seule pensée, un seul objectif. Les

yeux fixés devant nous, vers l'avant, avec laseule volonté: écraser le fascisme.

c Nous demandons au peuple de Catalogned'en finir avec les intrigues, les luttes intes-tines; élevez-vous au niveau des circonstances;laissez de côté les rancunes et la politique et

pensez à la guerre. Le peuple de Catalognedoit répondre aux efforts de ceux qui luttentsur le front. Il n'y a plus d'autre remède quecelui de mobiliser tout le monde; il ne faut pascroire que c'est toujours aux mêmes d'être mo-bilisés. Si les ouvriers de Catalogne doiventassumer la responsabilité de rester au front,le moment est venu d'exiger du peuple catalan

également le sacrifice de ceux qui vivent dansles villes. Une mobilisation effective de tousles travailleurs de l'arrière-garde est néces-saire, parce qu'au front nous voulons savoirquels hommes nous avons derrière nous.

« Que personne ne songe plus à présent auxaugmentations de salaires et aux réductionsd'heures de travail.

< Le devoir de tous les travailleurs, spécia-lement de ceux de la C.N.T., est dese sacrifier,de travailler autant que cela est, nécessaire.

< Je m'adresse aux organisations et je leurdemande qu'elles abandonnent les rancunes etles crocs-en-jambe. Ceux du front, nous de-mandons la sincérité* avant tout à la Confédé-ration Nationale du Travail et à la F.A.I. Nousdemandons aux dirigeants qu'ils soient sin-cères. Il n'est pas suffisant de nous envoyerau front des lettres d'encouragement et de nousexpédier des vêtements, des vivres, des car-touches et des fusils. Il faut aussi tenir comptedes événements, prévoir l'avenir. Cette guerrecomporte toutes les circonstances aggravantesde la guerre moderne et elle coûte beaucoup àla Catalogne. Les dirigeants doivent se rendrecompte que si cette guerre se prolonge beau-coup, il faut commencer par organiser l'éco-nomie de Catalogne, il faut établir un Codedans l'ordre économique.

« S'il est vrai que l'on lutte pour quelquechose de supérieur, ce sont les miliciens eux-mêmes qui vous le démontreront; ils sourientquand ils voient dans la presse les souscrip-tions en leur faveur, quand ils voient lestracts demandant pour eux des secours. Ilssourient parce que quand volent les avionsfascistes, ils leur lancent des périodiques fac-tieux, dans lesquels on lit des souscriptions etdes conseils identiques.

« Si vous voulez vous attaquer au danger,

il faut former un bloc de granit.« Le moment est venu d'inviter les organi-

sations syndicales et les partis politiques pouren finir une fois pour toutes. A l'arrière, il fautsavoir administrer. Ceux du front, nous exi-

geons à l'arrière une responsabilité et une ga-rantie; nous exigeons que ce soit les organisa-tions qui veillent sur nos femmes et nos en-fants.

« Si la militarisation décrétée par la Géné-ralité a pour but de nous faire peur et de nousimposer une discipline de fer, c'est une erreur;nous invitons -ceux qui ont confectionné le dé-cret à aller au front et à voir notre moral etnotre discipline; puis nous viendrons nousautres pourles comparer au moral et à la dis-cipline de l'arriére.

« -Spyez tranquilles. Au front, il n'y a nichaos, ni indiscipline. Tous nous sommes res-ponsables et nous savons quel trésorvous nousavez confié. Dormez tranquilles. Mais noussommespartis de Catalogne en vous confiantl'économie. Acquérez de la responsabilité etde la discipline. Ne provoquons pas par notreincompétence, après cette guerre, une autreguerre civile entre nous.

« Si chacun pense à ce que son parti soit -plus puissant pour imposer sa politique, il setrompe, parce que face à la tyrannie fascistenous ne devons opposer qu'une seule force; ilne doit exister qu'une seule organisation, avecune discipline unique. » -

Le souci de ne pas seulement exhorter lesouvriers madrilènes, mais de les aider direc-tement, ne le lâche plus. Déchiré entre ce souciet la volonté de poursuivre la lutte qu'il a sisouvent exaltée au cri de: « Il faut prendre.Saragosse! » il se rend dans la capitale,croyant d'abord y rester juste le temps néces-saire pour disposer au front une partie de sacolonne. Mais la gravité de la situation l'em-poigne; il le dit dans sa dernière lettre pu--bliée dans Solidaridad Obrera :

« Tout se concentre sur Madrid; je ne te ca-cherai pas qu'il me plaît de m rencontrer faceà face avec l'ennemi, parce que la lutte anno-blit. Avant de partir de Catalogne, j'ai demandéde la conscience à ceux qui ont les mêmesintérêts que nous. Je ne m'adressais pas à ceuxqui sont pauvres en âme et en 'énergie. Jem'adressais à ceux qui se sont engagés à don-ner la poussée suprême. Les fusils ne fontrien s'il n'y a pas une volonté et un calcul dansle tir.

« .Je suis content d'être à Madrid et avecMadrid; je ne te cacherai pas qu'il me plaitde le voir à présent sérieux comme un hommegrave, connaissant sa responsabilité, et nonfrivole et mesquin comme les hommes mena-cés par la tourmente. »

Les généraux bourgeois meurent dans leurlit, rongés par une vieillesse putride et déco*rée; les Ascaso et Durruti, conducteurs deguerre sociale, meurent en plein élan et enpleine force; à ceux qui pour l'efficacité dela lutte, les auraient souhaités plus prudentset plus retirés à l'arrière, s'appose l'éternelleénigme: dans la mêlée des grandes masseshumaines, qui l'emporte: le froid calcul de latechnique ou l'élan spontané des combattantsentraînés par la confiance en eux-mêmes, exal-tée par la présence et le sacrifice volontairedes meilleurs ?

L. NICOLAS.,

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LA RÉPRESSION AUX COLONIES

Plus de 200 condamnations au Maroc

Trois ans de prison pour avoir réclamé le droit d'écrire

Nous recevons de Péra les renseignements com-plémentaires suivants sur la scandaleuse terreurque le gouvernement de M. Blum vient de lancersur le Maroc:

Le 22 novembre.

Comme c'était trop prévu les arrestations mas-sives de Marocains ont été suivies d'autres arres-tations et condamnations en masse. Dans les deuxcents condamnations à des 1, 2 et 3 ans (la sévéritédes condamnations prenant pour excuse l' « inso-lence » des accusés, c'est-à-dire leur fermeté, leurobstination à formuler devant le tribunal leurs re-vendications républicaines: liberté de pensée, li-berté de réunion). Et ce n'est pas fini. La pressene fait pas mystère qu'on attend pour les princi-paux « meneurs» une « décision résidentielle »,c'est-à-dire la déportation administrative, la lettrede cachet appliquée par le Front populaire.

A cette occasion le parti communiste, tout ré-cemment autorisé au Maroc (par Noguès), vient dese livrer à sa première manifestation publique.C'est une grande affiche rouge adressée aux « Fran-

çais ». Et c'est une condamnation formelle des.condamnés. « Il est faux que le PARTICOMMUNISTE

FRANÇAISse soit associé aux agitations d'un natio-nalisme marocain, incité et trompé par le fascisme,et qui, par le désordre qu'il pourrait faire naître,mettrait la sécurité de la France en péril. »

Conclusion, en lettres énormes: «LAPATRIEESTENDANGER1 » — ce qui est ridicule, et prouve sura-bondamment que nos« communistes» ne sont pasmoins bêtes que nos« fascistes », les uns et lesautres étant obnubilés par l'esprit d'outrance et la

passion de clan. Pour les« fascistes» casablan-cais, la France est en péril du fait du « nationa-lisme marocain », allié au « communisme inter-national »; pour nos communistes, l'alliance du» fascisme international » et du nationalisme ma-rocain mettent la Patrie en danger. Les deux clans

français ennemis sont ainsi d'accord sur un point:la malfaisance du « nationalisme marocain », lanécessité de réprimer tout mouvement marocain.

Le parti communiste était déjà apparu, en Rus-

sie, comme un parti profondément réactionnaire.Il révèle au Maroc qu'il ne le cède en rien aux

partis les plus bêtement nationalistes et impéria-listes.

Le 26 novembre.

Je corrige légèrement ma correspondance de ces

jours-ci. -Le parti socialiste n'a, heureusement, pas adopté

la position purement impérialiste des autorités etdes communistes. Dans le « Maroc Socialiste » ilsreconnaissent la légitimité des revendications ma-rocaines. (Il ne se contentent donc pas, comme lescommunistes et les bourgeois, de les traiter de« menées nationalistes »)• Ils protestent contre lesautorités locales (prétendent-ils) qui, par leur ma-

ladresse, ont amené des incidents. Mais ils nevont pas jusqu'à réclamer la libération des em-

prisonnés — et écrivent que les manifestations, àla suite des premières arrestations, furent une« erreur de tactique ».

Donc, attitude timide, mais se différenciant tout

de même du concert purement impérialiste desautres partis. Ceci dénote très vraisemblablementl'existence, dans le parti socialiste, de quelqueséléments (trotskistes, je crois) qui veulent penseren hommes et non en colonialistes.

O^O

Quelques précisions. Les arrestations, rien qu'àFez, ont dépassé le millier. Au point de vue descondamnations, il y en a plus de 200. Et ce n'estpas fini. On continue à arrêter ceux que les ser-vices de police considèrent comme des esprits dan-gereux. Sans motif, naturellement. Je n'ai pas lude protestation contre cette entreprise syslémati-que de décapitation du peuple marocain. Et l'on nepeut pas nier qu'une entreprise de cette envergurepuisse être poursuivie sans l'assentiment du gou-vernement du « Front populaire» 1

ASSEZ D'HYPOCRISIE !

En même temps que les deux lettres de Péra,nous mettons sous les peux de nos lecteurs lamotion que, dans sa reunion tenue à Paris le30 novembre, la Commissioncoloniale du partisocialiste vient d'adopter:

La Commission coloniale du parti, réunie pourexaminer les événements qui se sont déroulés auMaroc depuis le 14 novembre,

Considérant que le Sultan a été amené à pres-crire des sanctions disproportionnées aux respon-sabilités réelles,

Constate que l'interdiction de la réunion privéedu 14, organisée par l'Action Marocaine, témoignede la part de certains fonctionnaires français duMaroc le dessein de provoquer, en l'absence duRésident, des troubles qui serviraient de prétexteà l'abandon des réformes prévues et l'établisse-ment d'un régime de répression;

Dénonce les agissements suspects tendant à fairecroire au Sultan que les manifestants de Casa-blanca avaient abusé de son nom et de son auto-rité;

Insiste pour que soient prises sans délai desmesures de grâce en faveur des condamnés, sansque soient prescrites des mesures d'exception oudes mesures administratives à l'encontre de cer-tains d'entre eux;

Affirme que seule une politique hardie de re-forme conforme au programme de Huyghens peutmettre un terme au trouble marocain;

Signale à nouveau la nécessité de rappeler lesfonctionnaires coloniaux fascistes, qui contrecar-rent sciemment la politique du Front populairedans le but de provoquer des difficultés au gou-vernement de Front populaire.

Libre à la Commission coloniale — nous allionsécrire colonialiste — du parti socialiste de suivreles traces du parti communiste en matière de jésui-tisme et de se payer la tête des lecteurs du Popu-laire, mais à la R. P. on n'est pas dupe.

Notre ami Péra a raison: l'Administration duSultan n'aurait pas pu procéder à la condamnationde plus de 200 indigènes « sans l'assentiment du

gouvernement de Front populaire » !J.-P. F.

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LES CAUSERIES DE LA "RÉVOLUTION PROLETARIENNE"

LES DÉLÉGUÉS IDPATELIER(L)

Leur rôle - Leur avenir - Le contrôle ouvrier

Camarades,

Le mois dernier, à la sortie de la conférencede notre ami Louzon sur la Dévaluation,un auditeur me .disait, évoquant la discussion

qui suivit l'exposé de Louzon — discussion

que nous eûmes le tort d'engager sur un autre

sujet que le sujet traité — que les causeries dela R. P., ce n'était pas autre chose qu'une« petite parlote » hors des réalités, sans in-fluence comme sans avenir.

Nous assurons évidemment une tâche ingrateen nous donnant la peine de traiter à fond,sans bluff, sans procédés oratoires, les ques-tions essentielles qui se posent à l'attentiondes militants ouvriers.

Pourtant, notre « petite parlote» peut reven-

diquer sur la question qui nous occupe aujour-d'hui l'honneur d'avoir été le seul groupe qui,avant le grand mouvement de Juin, ait précisé-ment posé devant les organisations syndicalesla revendication des délégués d'atelier.

Au congrès d'unité de Toulouse, au moisde mars, alors qu'il fallait choisir entrele programme électoral du Front populaire etle plan de la C.G.T. - choix qui, finalement,ne se fit pas, puisqu'il y eut une résolutiond'unanimité — nous avons déclaré que nouspourrions nous rallier au Plan, contre le pan-neau-réclame du Front populaire, sous lacondition que le Plan serait complété par l'ins-titution des délégués d'atelier.

Les prétendus « réalistes » auteurs du Plann'avaient pas pensé à cela! Il n'y avait pas,dans le Plan, un seul mot sur les délégués d'ate-lier.

Et, à la commission du Plan, j'avais déposéle texte que voici:

« Il devra être institué dans chaque entre-prise ou atelier de plus de cinquante ouvriersune représentation du personnel sous une dou-ble forme:

» 1° Délégués syndicaux d'atelier (2) ayantpour mission de veiller à l'application desconventions collectives et des lois sociales,particulièrement en ce qui concerne la durée

du travail; la compétence de ces déléguéss'étendra à toutes questions intéressant le per-sonnel de l'établissement, notamment l'embau-

chage et le débauchage ;«2° Délégués syndicaux à la sécurité dont

la tâche sera de veiller à l'hygiène et à la pro-tection contre les accidents du travail. »

Apeine trois mois après, en juin, les délé-gués d'atelier sont officiellement, légalementinstitués par les accords Matignon d'abord,par la loi du 24 juin 1936 sur les conventionscollectives de travail ensuite.

Etudiant le rôle et l'avenir des déléguésd'atelier qui, aujourd'hui, sont une réalitévivante dans toutes nos usines, je laisserai decôt'é l'aspect historique et l'aspect juridiquede la question.

On pourrait notamment dégager bien desenseignements en analysant les expériencesdéjà faites, mais ce n'est pas ce qui nous oc-cupe aujourd'hui.

Nous voulons envisager la question sous sonaspect actuel, au point de vue pratique, etessayer de voir clair dans son avenir.

C'est quelque chose d'extrêmement impor-tant. Il s'agit de l'organisation et de l'action deceux qui furent les animateurs des Journéesde Juin. En Juin, notre mouvement ouvriers'est profondément transformé. Même aprèsl'unité, il était demeuré un mouvement où lesorganisations de fonctionnaires, les cheminots,les postiers, les instituteurs, les services pu-blics gardaient une prépondérance marquée.Les travailleurs de l'industrie n'y étaient qu'enpetit nombre. Sans médire de nos camaradesfonctionnaires, on pouvait penser que jiotremouvement syndical n'était pas, du fait decette prépondérance, un vrai mouvement syn-dical. Un vrai mouvement syndical doit repo-ser avant tout sur les forces de production, ildoit réunir avant tout le prolétariat industriel.

Depuis Juin, c'est une chose faite. C'est parmillions que les travailleurs de l'industrie ontrallié nos syndicats. Il n'est pas aujourd'huid'usine qui n'ait son organisation syndicale etses délégués d'atelier.

1. n Les délégués a l'intérieur des établissements

Vous le savez, la notion de « délégués syn-dicaux », c'est-à-dire de délégués désignés parles organisations syndicales, n'est pas celle quia été retenue.

L'accord Matignon et la loi sur les conven-tions collectives stipulent que les délégués

(1) Causerie faite à Paris, le mercredi 2 décem-bre 1936.

(LI)Le mot« syndicaux Il a été ajouté à la de-mande de Jouhaux.

d'atelier doivent être élus par l'ensemble dupersonnel.

Il nous semble que c'est mieux ainsi. Les dé-légués d'atelier sont vraiment les représentantsdirects et authentiques des travailleurs.

L'élection a lieu à bulletin secret. C'est unedisposition que nous ne pouvons qu'approu-ver. Le vote à bulletin secret, c'est la possi-bilité pour l'ouvrier de manifester librementson opinion. Il faut la conserver.

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6-378 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

Les non-syndiqués votent et peuvent êtreélus. Cela n'est pas non plus un mal. Imaginezun renversement de la situation et, demain,l'institution d'un syndicalisme à la sauce fas-ciste : nous serions bien contents de disposerde la possibilité d'exprimer notre opinion etd'agir sur le lieu de travail, en dehors de lacontrainte de l'organisation syndicalo-fasciste.

Cela ne veut pas dire que, dans les électionsactuelles de délégués d'atelier, l'organisationsyndicale de l'usine ne doit pas faire tous sesefforts pour faire triompher son candidat.C'est, au contraire, notre devoir de conquérirpour l'organisation, par le jeu normal du scru-tin, pa,r la désignation des candidats les plusaptes, la totalité des postes de délégués.

Les comités de maison

La loi dit que tout établissement comptantplus de 10 ouvriers doit élire un délégué titu-laire et un délégué suppléant.

C'est une disposition qui s'applique égale-ment aux catégories professionnelles des éta-blissements composés de plusieurs ateliers ouservices.

Chaque atelier, chaque catégorie profession-nelle comptant plus de dix ouvriers a droit àun délégué titulaire et un délégué suppléant.

La loi et, malheureusement, dans certainscas, nos syndicats, se sont arrêtés là, à mi-chemin.

Il aurait fallu immédiatement conseilleraux délégués des diverses catégories de consti-tuer entre eux une organisation permanenteles réunissant périodiquement.

Autrement dit, il aurait fallu, il faudrait, ilfaut créer des comités de maison.

Un jour par mois, les délégués des catégo-ries se réunissent pour examiner les réclama-tions de chaque service, ainsi que les revendi-cations générales. Ce même jour, ils sont reçusà la direction pour l'examen et la solution desaffaires en cours (il y en a toujours). Ainsidevraient, ainsi doivent fonctionner les co-mités de maison, émanation des délégués d'ate-lier.

Le comité de maison peut être administré

par un bureau.Il faut, à mon sens, combattre la notion de

« délégué général » appliquée dans certainsétablissements.

Dans le Livre parisien, à la grande impri-merie Paul Dupont, il a été créé deux déléguésgénéraux pour l'établissement, qui n'ont pastouché leurs outils depuis juin et qui sont, en

somme, « permanents », mais. au compte du

patron.Nous combattons la notion de « délégué gé-

néral » parce que l'effort syndical doit êtreun « travail collectif » et non pas individuel,

quel que soit, par ailleurs, le degré de laconfiance faite aux militants.

Il faut, d'autre part, en formant les comitésde maison, éviter la dualité avec l'organismesyndical qui pourrait déjà exister dans le cadrede l'établissement.

Dans la maison où je travaille, nous avonsrésolu le problème en décidant que les hom-mes de confiance ou les collecteurs du ou des

syndicats, qui ne seraient pas personnellementélus délégués, siégeraient néanmoins au co-mité de maison au côté des délégués-.

Ainsi le comité de maison est en mêmetemps que la réunion des délégués le comitéintersyndical de l'établissement.

Le travail des déléguésLa loi dit que les délégués ont qualité « pour

présenter à la direction les réclamations indi-viduelles qui n'auraient pas été directemenlsatisfaites. »

Arrêtons-nous sur ce point.Maintenant qu'il existe partout des délégués

d'atelier, il faut faire comprendre à nos ca-marades qu'ils doivent, dans leur intérêt, aban-donner les réclamations individuelles directes,

On doit éviter de donner aux patrons lapossibilité de diviser. pour régner.

Les revendications individuelles doiventêtre présentées au délégué de la catégorie quifait ses démarches en compagnie d'un mem-bre du bureau et se réserver d'exposer les casépineux au comité de maison lors de la réu-nion mensuelle des délégués.

Ainsi, chaque ouvrier et chaque catégoriesont à même de bénéficier de l'appui total du

personnel pour les revendications indivi-duelles ou collectives reconnues justifiées parle comité de maison.

Bien entendu, il faut. agir surtout par la

persuasion et non par l'obligation : l'autorita-risme doit être soigneusement évité dans les

rapports entre le délégué et ses électeurs.Pour l'hygiène et la sécurité du travail, il

serait utile que le comité de maison spéciali-sât quelques-uns de ses membres, pour effec-tuer des visites périodiques de l'établissementet régler avec la direction les problèmes del'aération, du chauffage, des vestiaires, des

w.-c., des lavabos et des douches, ainsi quedes appareils et dispositifs de protection.

De même, il serait utile de spécialiser un dé-

légué pour les accidents du travail et leur rè-

glement.En ce qui concerne la rétribution du temps

passé par les délégués de chaque catégoriepour l'examen des revendications et le contrôlede l'hygiène et de la sécurité, les textes lé-

gaux sont à peu près muets. Les premièresconventions collectives établies renfermentà cet égard des dispositions stipulant que le

délégué a le droit de consacrer deux heures

par semaine à son travail de délégué. Nousavons donc une base de deux heures payéespar semaine. A mon avis, ces deux heures parsemaine doivent être réunies à l'échelle du

mois; ainsi, chaque mois les délégués pourrontconsacrer une journée de repos payé à la réu-nion du comité de maison et à l'entrevue avecla direction.

Cette réunion du comité de maison s'occu-

pera, en outre des revendications particu-lières à chaque catégorie, des revendications

générales de l'établissement :1) Application des salaires établis par la

convention collective; établissement et respectdes tarifs aux pièces; vérification et adoucis-

sement des chronométrages;2) Respect de la semaine de quarante heu-

res et police des heures supplémentaires;3) Organisation des vacances.Le comité de maison est l'organisme tout dé-

signé pour l'établissement de la convention col-

lective de travail quand elle n'existe pas en-

core. Lorsque la convention existe, le comité

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LES DELEGUES D'ATELIER 7—379

de maison a pour raison d'être de surveillerson application, de l'exiger au besoin.

Tout cela s'effectue normalement, en liaison

avec les syndicats, puisque les responsables deceux-ci siègent au comité de maison.

Il y a cependant une lacune: le droit d'in-tervention n'est pas reconnu par la loi aux dé-légués en ce qui concerne l'embauchage et le

débauchage. Or c'est là quelque chose d'extrê-mement important. Il faut que les conventionscollectives suppléent à l'insuffisance des textesofficiels. Chaque convention collective doit

organiser ce contrôle, faute de quoi l'institu-tion même des délégués d'atelier et l'exercicede leurs droits pourraient être ruinés par labase et rapidement.

Un exemple. II existe une C.G.A. (Confédé-ration Générale Autonome) dont le siège estrue St-Marc à Paris et qui a pour secrétairegénéral un individu dont nous sommes quel-ques-uns à ne pas avoir perdu le souvenir,j'ai nommé Henri Lauridan. C'est une organi-sation d'inspiration patronale. Sur le vu d'uneannonce, un métallurgiste de mon Comitélocal s'y était présenté: on lui donna un pa-pier pour se faire embaucher chez Renault, onlui dit qu'on voulait constituer à l'intérieur desusines Renault un cadre d'ouvriers susceptiblesde s'opposer à la grève et à l'occupation, onlui assura que son salaire lui serait garantiet doublé en cas d'occupation.

Eh bien! le contrôle sur l'embauchage pour-rait éviter rde telles « infiltrations » : les délé-gués d'atelier doivent. y être très attentifs.Dès maintenant, leur initiative doit s'exercer

en vue de l'établissement de ce contrôle. C'estrelativement facile puisque, dans beaucoup demaisons, les patrons ont pris l'habitude desoumettre aux délégués les cas de débauchage.Donnant, donnant! Si l'on a besoin des délé-gués pour effectuer des licenciements, les délé-gués en peuvent profiter pour demander àleur tour d'être consultés pour l'embauche.

L'initiative syndicale peut combler la lacunelégislative.

Le recrutement syndical est une des tâches

principale des déléguésd'atelier. Il leur fautl'assumer avec toute la souplesse désirable,car, en ce moment, il faut éviter toute créationde « noyau» hostile à l'organisation. En cedomaine, la persuasion est bien préférable àla manière forte; celle-ci risque d'aboutir àun résultat tout à fait contraire au but pour-suivi.

Souplesse également lorsqu'on a en face desoi un syndicat chrétien ou autonome. Il fautne rien faire qui risque de le rendre perméa-ble aux manœuvres patronales. S'il est impor-tant, il faut lui réserver sa place dans le comitéde maison, lui donner ses droits, sans arrière-

pensée.Les délégués doivent maintenir à l'intérieur

des établissements le bloc du personnel. S'ilse crée un « noyau» ou une organisation hos-tile aux revendications et à l'action du syndi-cat et qu'un conflit éclate, le patron peut seservir, en cas d'arbitrage, de la partie « fidèle »de son personnel et influencer ainsi la décisiondes arbitres. Cela commence à se voir un peutrop fréquemment.

II. - Les délégués d'atelier et les syndicats

De cette simple énumération des tâches des

délégués d'atelier, une conclusion se dégage.Ce que les délégués doivent faire à l'intérieur

des usines n'est pas différent de ce que -doiventy faire les organisations syndicales elles-mê-mes. Les tâches du délégué et les tâches syn-dicales se confondent.

En fait, le délégué doit être l'animateur etl'organisateur syndical dans son atelier.

On a dit, à propos des délégués d'atelier,que c'était la conquête d'un droit nouveau.

L'expression n'est pas tout à fait juste.Il s'agit plutôt d'une sorte de reconquête du

droit syndical.C'est la réalisation de ce que nous deman-

dions depuis des mois et des années: la renais-sance du syndicalisme à l'usine.

Ce n'est pas devant des militants que jem'appesantirai sur la situation qui nous étaitfaite dans les usines avant Juin. Inscrit dansla loi, le droit syndical était pratiquementinexistant à l'endroit même où il devait s'exer-cer : sur le lieu de la production.

Vous avez lu dans la Révolution proléta-rierme le remarquable article de S. Galois surles causes profondes du mouvement dans lamétallurgie parisienne. Je ne reviendrai passur ce témoignage.

Aujourd'hui, le syndicalisme n'est plus frap-pé d'interdit. Il n'est plus une usine qui nepossède ses délégulés et sa section syndicale.

Seulement, est-ce que notre machine syndi-cale est au point? Où en sont les rapportsentre les délégués d'atelier et les organisationssyndicales? Ces millions de syndiqués nou-

veaux se trouvent-ils à leur aise chez nous?Saurons-nous les conserver? En un mot,"est-ceque ça « tourne rond » entre les déléguésd'atelier et les syndicats ?

Pas tout à fait.Si nous regardons ce qui se passe dans la

région parisienne, nous ..ap:ercevons çà et làdes malentendus qui risquent de compromet-tre, finalement, la renaissance du syndicalismeque nous avons saluée avec joie.

Un délégué d'usine m'a apporté, il y a quel-ques semaines, le compte rendu d'une assem-blée des délégués de la métallurgie parisiennetenue rue de la Grange-aux-Belles. Dans cetteassemblée des délégués de ce très important,ce très puissant syndicat, les dirigeants — ce

-sont pourtant des camarades tout à fait « dansla ligne» et on n'a pas peur d'écrire d'euxqu'ils sont « aimés des masses» — n'ont pasréussi à se faire entendre : ils furent, à cer-tains moments, hués de belle façon : la salleréclamait l'application immédiate des quaranteheures, elle s'indignait de la tactique de tem-porisation qu'on lui conseillait. A telle ensei-gne qu'on dut lever la séance sans décision etreporter celle-ci à une assemblée seulementformée des « responsables syndicaux ». Lefait est symptomatique.

Dans le Papier-Carton, j'ai assisté, au débutde juillet, à la scène suivante: les déléguéesd'une maison de cartonnages se procurent letexte de la loi sur les vacances payées aussitôtsa promulgation; elles le lisent et se rendentparfaitement compte que les vacances doiventêtre appliquées tout de suite. Elles font une

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8-380 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

démarche auprès de leur patron qui, naturel-lement, prétend le contraire. Comme les délé-guées insistent, le patron dit :

— Eh bien ! je vais téléphoner à votre syn-dicat.

Le syndicat répond que les vacances ne sontpas immédiatement applicables, qu'il faut at-tendre je ne sais quel décret d'administration-publique.-

Or, le syndicat avait tort.- Trois jours après, il devait en convenir.

Qu'ont bien pu penser, je vous le demande,les déléguées d'atelier de la réponse de leursyndicat ? Pas beaucoup de bien. Il y a encoredu froid.

Un autre cas, pris dans les Produits Chimi-

ques. C'est là une industrie d'une importanceinsoupçonnée dans notre région parisienne.Elle se divise en de nombreuses branches trèsdifférentes les unes des autres: les pétroles,les caoutchoucs, l'ébonite, les abrasifs, les cou-leurs et vernis, etc. On a attendu des semaines— voire des mois — pour former les branchesindustrielles nécessaires. Tout dernièrement,un délégué d'atelier est venu me trouver pourse plaindre qu'à la réunion de formation des-dites branches, on avait mis les délégués en

présence de listes de responsables établies enhaut, listes qu'ils n'eurent plus qu'à ratifier;les candidats venant d'en bas furent écartés.Mon délégué n'était pas content du tout decette façon de procéder.

Dans le Textile, il n'existe qu'un syndicat-général. Or, ici aussi, les spécialités sont nom-

- breuses et très différentes. Quand il s'agitd'établir le contrat collectif d'une branche, cen'est pas toujours un militant de la partie quien est chargé. Il est sûr qu'un garçon de la-voir, par exemple, connaît assez peu de chosessur la Passementerie. C'est pourtant un garçonde lavoir, ou quelque chose d'approchant,qu'on a mis à la disposition des passementiers.Les affaires de ces derniers ont été si bien

- menées que la débandade a commencé de semettre dans les rangs des syndiqués; les délé-

gués sont très montés contre les dirigeants du

syndicat. -

Dans ma propre corporation, le Livre, nousvenons d'assister à une assemblée de déléguésd'atelier repoussant la convention collectivedu Labeur que les dirigeants syndicaux avaienteu le tort de mettre debout sans la moindreconsultation des équipes : le texte de la con-vention aurait pu être bien meilleur, il auraitété repoussé quand même. Les militants dessyndicats finirent où ils auraient dû commen-cer : réunir un congrès des délégués d'atelier

pour soumettre la convention à leurs délibé-rations. Le malaise n'est pas encore dissipé.

Ces quelques exemples pris sur le vif nousamènent à examiner plus à fond les points defriction entre les délégués d'atelier et les syn-dicats.

Responsabilités des délégués

J'ai horreur de toute démagogie: loin demoi la pensée d'accabler les responsables denos syndicats. Je dois dire, car c'est vrai, cen'est que trop vrai, que les délégués d'atelieront leur part de responsabilités dans les nom-breux malentendus qui se sont créés :

a) On a pu remarquer chez eux à la fois tropet pas assez d'esprit de lutte. Trop, quand, tout

feu tout flamme, ils déclenchent un mouve-ment sans étude et sans prévenir l'organisa..tion, notamment sans s'assurer de l'accord desautres usines de leur branche industrielle, li-mitant la grève à une seule maison, la leur.Pas assez, quand on les voit, par exemple,poursuivre des mouvements uniquement pourobtenir le paiement des jours de grève. Vrai-ment, il y a là de quoi suffoquer un syndica-liste. Quand je vois ça, les bras m'en tombent.Ils devraient comprendre, ces camarades, quela classe ouvrière ne doit pas attendre de jene sais quelle Providence le moyen de fairegrève, sans qu'il leur en çaûte quoi que ce soit.

b) Les délégués ont eu tendance à jouer unpeu à la grève. On a vu des grèves se déclen-cher sans qu'un cahier de revendications aitseulement été déposé, et même sans qu'on ait deréclamations à présenter. C'était pour « fairecomme les autres » !

c) Certains délégués s'imaginent qu'il suffitd'occuper l'usine pour arracher d'un seul couptout ce qu'on revendique; ils ne savent pasque la besogne syndicale est une longue pa-tience et qu'il faut parfois des mois pour abou-tir à faire triompher une seule revendication;

d) La tendance à trop compter sur le dehorset pas assez sur soi est très répandue: on semet en grève et l'on attend. le-Messie;

e) On méconnaît bien souvent l'organisationpatronale et lorsqu'on aboutit à l'échec, c'estle syndicat qui prend, alors qu'on ne devraits'en Drendre qu'à son ignorance;

f) Les délégués manquent parfois de sou-plesse dans la conduite des mouvements: dansbeaucoup d'usines, on a obligé les femmes à

passer la nuit, on a interdit les sorties dansla journée. Des histoires ont été faites pourdes vétilles;

g) Il arrive que la liaison avec le syndicatne soit pas assurée du tout, que des tentativessoient - faites de signer des conventions endehors du syndicat.

Responsabilités des syndicats

Là-dessus, je suis sûr de n'être contredit

par aucun des militants qui ont participé et

qui participent encore aux mouvements depuisJuin.

L'accord paraît moins certain lorsqu'il s'agitd'énumérer quelques-unes des responsabilitésdes syndicats.

Voulez-vous avoir une idée de ce qu'on ne

comprend pas dans les usines? De ce quidresse souvent les ouvriers et les déléguéscontre les syndicats ? Voici :

a) On ne comprend pas la condamnationdes grèves, sans doute parce que les militantsdes syndicats ne prennent pas la peine d'ex-

pliquer aux nouveaux syndiqués que, s'il y ades syndicats, des unions, des fédérations, uneC. G. T., c'est pour coordonner et généraliserune action vouée à l'insuccès lorsqu'elle est

isolée;b) On n'a pas compris et on ne comprend

pas la condamnation dela tactique des occu-

pations d'usines. Les déclarations du repré-sentant du gouvernement au Sénat ont faitl'effet d'une douche froide sur les délégués etleurs mandants. Que la direction de la C. G. T.se soit ralliée, toutes tendances réunies, à cette

condamnation, cela a été une autre douche

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LES DELEGUES D'ATELIER 9—381

froide. On n'a pas su faire comprendre qu'ils'agissait seulement de ne pas jouer avec l'oc-

cupation, pas plus qu'il ne saurait s'agir defaire la grève pour la grève;

c) Certains syndicats repoussent systémati-quement et aveuglément tout mouvement, mêmeceux qui seraient possibles et utiles, même

quand les circonstances sont propices à obte-nir des satisfactions immédiates;

d) Au lendemain de la signature des accords

Matignon, on a pu regretter l'absence de disci-

pline confédérale; des mouvements conti-nuaient à partir au petit bonheur. Depuis, lasituation ne s'est. pas améliorée; la stratégiesyndicale la plus élémentaire est méconnue parbeaucoup de « responsables » ;

e) Nos syndicats parisiens sont des « machi-nes » trop grandes et trop grosses, trop com-

pliquées; beaucoup de délégués se plaignentd'être mal reçus et mal conseillés dans nos

organisations, qui sont littéralement débordées

depuis le mois de juin. Si l'on examine la si-tuation dans les Métaux, les Produits Chimi-

ques, le, Textile, on discerne vite, en effet, quela formule du syndicat d'industrie telle qu'onl'a réalisée a fait faillite. (C'est, du moins, maconstatation personnelle.) La structure de nos

organisations èst, en général, beaucoup tropvaste. Il semble nécessaire de « desserrer »un certain nombre de syndicats si l'on veut

que toutes les catégories d'une industrie soient

traitées sur le pied d'égalité et effectivementdéfendues;

f) Les exemples sont nombreux où les délé-gués d'atelier ne comprennent pas pourquoi lessyndicats les abandonnent à leur sort quandils sont frappés de renvoi: c'est arrivé assezsouvent depuis Juin, et ça continue. Quellevaleur auront les conventions collectives lejour où il n'y aura plus de délégués d'ateliercapables de les faire respecter ?

L'interdiction des grèves

Enfin, et nous abordons le plan de l'actualitétoute fraîche, bien des délégués ne compren-nent pas que la C. G.T. n'ait pas su conserveraux travailleurs la liberté entière du droit degrève. Certes, l'arbitrage obligatoire voté par'la.Chambre est un peu la rançon de la généra-lisation des convéntions collectives. Certes, de-puis Juin, la tendance à tirer les pieds-de-bicheministériels s'est développée énormément. Ilest sûr aussi que l'institution de l'arbitrage estsusceptible, dans certains cas, de gêner nos

patrons de combat. Mais tout cela n'empêchepas que la limitation du droit de grève, pres-que son interdiction, réalisée à la demande dela direction de la C. G. T. — où les hommesde - la tendance ex-unitaire semblent rivaliser

de réformisme avec les ex-confédérés — ne. vapas contribuer à améliorer les rapports entreles délégués et les syndicats.

III. Quels remèdes ?

Le moyen le plus simple d'améliorer cesrapports, c'est tout bonnement d'appliquerdans nos syndicats les règles de la démocratieouvrière.

Ces règles n'ont jamais été plus indispensa-bles. Or, depuis Juin, on les suit de moins enmoins.

Les effectifs syndicaux sont devenus telle-ment importants dans certaines corporationsque l'assemblée générale, jusqu'à présent con-sidérée comme l'instance syndicale suprême,est devenue quelque chose de tout à fait impos-sible.

Pour tenir une assemblée générale, dans denombreux syndicats parisiens, la plus grandesalle de Paris ne suffit pas.

Et quand bien même la plus grande salle deParis suffit, il ne s'agit plus d'une assembléegénérale, mais d'un meeting: il n'y a plus dis-cussion claire et pouvoir de décision libre-ment exercé, il y a débordement de la plusdégoûtante démagogie (3). -

Les congrès d'usines

Nos syndicats devraient rechercher la for-mule qui leur permette d'incorporer sansheurt, d'assimiler sans douleur le mouvementdes délégués d'atelier.

Ce sont en effet — je crois l'avoir montré— les délégués d'atelier qui constituent main-tenant la base essentielle des syndicats. Com-ment appliquer notre vieux principe qui veutque les organisations syndicales soient diri-

(3) N'a-t-on pas vu cela à la dernière assembléedu Syndicat de la S.T.C.R.P.où Jaccoud fut siffléet où Deveaux ne put ouvrir la bouche?

gées de bas en haut et non de haut en bas ?-Eh bien! en 1923 — ce n'est pas hier —

notre petite « parlote » — la Révolution pro-létarienne n'existait encore qu'en puissance — -

, avait lancé et même réalisé, notamment par lessoins de notre camarade Delagarde et de sesamis des Métaux parisiens; la formule descongrès d'usines.

Qui peut remplacer l'assemblée générale ?Un congrès annuel ou biannuel des délégués

d'atelier, congrès régulièrement précédé dedélibérations sérieuses au sein de chaque co-mité de maison, congrès où toutes les entre-prises seront mises à même d'exercer entière-ment le pouvoir syndical. Et pas un simulacrede pouvoir.

On a dit, à la veille du tout récent congrèsde la Fédération des Métaux, que l'Union Syn-dicale de la Métallurgie parisienne avait

approuvé les propositions ex-unitaires par189.000 voix contre une dizaine de milliers devoix seulement aux propositions ex-confédé-rées.

Je suis bien tranquille à propos de ces chif-fres. Combien, sur les 189.000, y a-t-il de « mé-tallos » exactement informés des problèmesposés et mis à même de se prononcer libre-ment et en connaissance de cause ?

Les congrès d'usines sont la formule d'ave-nir, à condition qu'ils puissent délibérer régu-lièrement et administrer directement l'organi-sation, à condition qu'ils ne soient pas desimples assemblées consultatives.

A condition aussi qu'ils procèdent sans troptarder au « desserrement syndical », qu'ilsdonnent à chaque branche industrielle une au-tonomie suffisamment large pour qu'elle puissevivre.

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10-382 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

Liaison entre les comités de maison

Par les soins du syndicat, les comités demaison d'une même firme possédant des éta-blissements sur divers points du pays, et lescomités de maison d'une même branche indus-trielle, doivent créer entre eux des organismesde liaison.

C'est la liaison verticale indispensable pourfaire face victorieusement à la concentrationpatronale.

Cartels de firme, cartels de branche indus-trielle, autant d'organismes nécessaires pourorganiser la stratégie syndicale en accordavec les délégués d'atelier.

Le rôle des comités locaux

Dans la région parisienne, les comités lo-caux ont un grand rôle à jouer en ce qui con-cerne la liaison avec les délégués d'atelier.

La commission exécutive d'un comité localest formée :

- d'une demi-douzaine de militants élus parl'assemblée générale des syndiqués habitant lalocalité;

— d'un représentant de chaque section syn-dicale ou section d'entreprise importante dela localité.

Le comité local est donc très bien placé pourréunir et organiser les délégués d'atelier.

Dans mon comité local, nous avons résoluainsi le problème: chaque délégué d'atelier

est membre de notre C. E., ilparticipe avec

tous pouvoirs de décision à toutes les reunions,donc à toute la vie syndicale locale. Aussin'existe-t-il aucun malentendu entre les délé-gués d'atelier et le comité local.

Les tâches des comités locaux comportententre autres le ravitaillement en cas de grève.C'est quelque chose de très important, qui doitêtre minutieusement organisé.

A ce propos, il nous faut regretter que l'onn'ait pas vu de plus haut la question des comi-tés locaux. Il aurait fallu, il faudrait encorecréer dans chaque localité une vraie Boursedu travail fonctionnant sous le contrôle réelde l'Union des Syndicats. On a malheureuse-ment laissé les comités locaux se débrouillerseuls avec la ristourne de 10 centimes par moiset par syndiqué qui leur est accordée. Ques'est-il produit ? Les comités locaux sont géné-ralement tombés sous l'influence des partisdont les militants se sont emparés de la plu-part des postes de « permanents » locaux —au détriment du syndicalisme.

Education syndicale

M'adressant à des militants, je ne m'attar-derai pas sur le gros effort d'éducation syndi-cale — théorique et pratique — qui s'imposepour nos délégués d'atelier.

Actuellement, cet effort est des plus res-treints.

Il faut le développer au maximum.

IV. - L'a. venir des délégués d'atelier

Il ne fait pas de doute que les déléguésd'atelier sont une institution que le patronatn'a pas accepté de bon gré.

Les patrons, les grands comme les petits, ontbien senti que l'autorité patronale sur le lieudu travail s'en trouvait d'ores et déjà singu-lièrement réduite.

Il est certain que le patronat multipliera sesefforts pour entraver le fonctionnement nor-mal de la loi et l'application des conventionscollectives.

Il est non moins certain que nous devons,tout au contraire, montrer aux délégués d'ate-lier l'importance de leur rôle et leur indiquercomment il est possible d'étendre leurs attri-butions.

Par exemple, neuf fois sur dix pour ne pasdire quatre-vingt dix neuf fois sur cent, nousnous sommes trouvés en Juin devant des pa-trons qui nous disaient :

— Impossible de vous accorder ça. Les af-faires vont trop mal. Ma situation est pré-caire.

Et de nous offrir de « voir ses livres ».Eh bien! lorsqu'un patron nous dit cela, il

faut sauter sur l'occasion !Il faut saisir ce moyen de. voir clair dans

la gestion des entreprises.Il faut prendre connaissance du compte

d'exploitation; le bilan est tout à fait impro-pre à nous renseigner.

Naturellement, soyons prudents.Demandons le temps de procéder à cet exa-

men. Le temps et les moyens: c'est-à-dire ledroit de se faire accompagner par un techni-cien désigné par l'organisation syndicale.

Le problème du débauchage doit être pour

les délégués l'occasion de mettre le nez dansle carnet de commandes.

Mille circonstances de la vie des usines seprêtent à merveille à la réalisation dans lesfaits du contrôle ouvrier. Pour cela, nos délé-

gués d'atelier doivent déployer la plus grandeinitiative.

Ainsi, ils commenceront d'acquérir la capa-cité de gestion.

Ainsi, ils se mettront à même de pouvoirdemain, dans le régime syndicaliste que noussouhaitons, faire « tourner » les entreprises.

Nous devons échapper, lorsque nous feronsnotre révolution, à la formule du « triangle »appliquée en U.R.S.S. dans les conditions quenous a exposées notre camarade Yvon.

Pas de « triangle » (directeur de l'usine,secrétaire de la « cellule » du parti, respon-sable syndical) pour gérer les usines, après larévolution, sous la dictature d'un parti quelqu'il soit !

Gestion directe par les délégués d'atelier,les comités de maison et les syndicats.

Le contrôle ouvrier exercé en régime capi-taliste nous préparera à la réalisation du grandmot d'ordre: « Au syndicat le pouvoir! »,formule plus actuelle que jamais alors quenous enregistrons l'impuissance des partis po-litiques.

<>0

Les malentendus actuels entre les déléguésd'atelier et les syndicats sont la rançon de lareconstruction de l'unité faite sur le plan duréformisme.

Loin de régénérer le syndicalisme de la

C.G.T., les dirigeants ex-unitaires se montrent

chaque jour plus réformistes que Jouhaux.

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RENAISSANCE DU SYNDICALISME 11—383

Si nous avions un Syndicalisme agissantdans la voie tracée par la Charte d'Amiens,synthèse de l'effort quotidien pour les reven-dications immédiates et de l'effort révolution-naire, un syndicalisme de masse et, en même

temps, d'action, à la fois constructif et révo-lutionnaire, la possibilité d'une rupture entreles délégués d'atelier et les syndicats ne vien-drait à l'esprit de personn.e.

Mais nous ayons un mouvement orienté versle trade-unionisme, comme vient encore d'entémoigner la réalisation de l'arbitrage obliga-toire.

Si notre mouvement ne se redresse pas, sile Syndicalisme d'Amiens ne renaît pas dansla C.G.T., alors qu'il est toujours vivace dans

l'esprit de la classe ouvrière, alors ce Syndi-calisme cherchera son expression ailleurs quedans la C.G.T.

Peut-être la trouvera-t-il dans l'organisationautonome des délégués d'atelier qui risquentfinalement de se dresser contre des syndicatsqui seraient devenus un simple rouage du ré-

gime capitaliste ?C'est le danger de demain. ,

Maurice CHAMBELLAND.

RENAISSANCE DU SYNDICALISME-

ARBITRAGE OBLIGATOIREl'

1906, trente ans déjà 1 Congrès d'Amiens, assisesconfédérales. Motion Griffuehles votée à la pres-que unanimité. Motion qui fut la charte du syndi-calisme. On vient de la zigouiller en cinq sec 1.

Quatre cent trente-huit députés — dont une ma-jorité du Front populaire

— ont fait ce bel ou-vrage sans honte ni remords.

Où êtes-vous, les vieux militants qui avez tantbataillé pour cette charte? N'avez-pous pas tres-sailli dans vos tombes, lors de cet 'étranglement?

Et les autres signataires de cette charte, cama-rades syndicalistes, où êtes-vous?

Ne voyez-vous pas le carcan que l'on vient depasser au cou du prolétariat? Allez-vous Jaisserfaire?

<>+<>Avant le congrès d'unité de Toulouse, nos res-

ponsables — ex et ex — n'auraient pas osé aborderla discussion d'un tel sujet; ç'aurait été la bagarre.Tous plus rouges les uns que les autres 1

Aujourd'hui, cinq millions de syndiqués. Silenceà la base. Les dirigeants veulent digérer.

Relisez, camarades, le préambule de l'avant-pro-jet d'accord annexé au projet de loi:

PREAMBULE

Les délégués de la C.G.P.F., qui déclarent êtreen complet accord avec le Comiténational d'en-tente économique, et les délégués de la C.G.T. con-firment leur commune volonté de respecter et d'ap-pliquer l'accord du 7 juin 1936signé par eux, aprèsarbitrage de M. le président du Conseil.

Ils estiment que l'application des réformes so-ciales éxige le maintien de l'ordre et l'observationdes lois; celle-ci comporte, en même temps que ledroit de grève, le respect de la propriété et de laliberté individuelle. Il importe, en conséquence, demettre fin au plus vite à la situation créée par ledéveloppement et la durée des conflits du travail.L'agitation actuelle trouble en effet la vie des en-treprises; sa persistance compromettrait la repriseéconomique au détriment des employés et des ou-vriers autant que des employeurs.

:Les deuxconfédérations sont donc d'accord pour

réprouver toute violation des lois en vigueur, ainsique des engagements signés par les organisations

patronaleset ouvrières, parmi lesquels figurent

l'accord du 7 juin 1936 et les conventions collec-tives.

Elles rappellent que ces dispositions imposentnotamment, conformément à l'article 3 de l'accordnotamment,1936, le respect de la liberté syndicale,qui comprend à la fois la faculté pour tout tra-vailleur d'adhérer ou non, sans risque de repré-sailles, à tout syndicat formé par les salariés, etl'assurance que l'exercice du droit syndical serapleinement garanti, en particulier contre tout licen-ciement abusif.

-

Les deux confédérations rappellent, en outre,que les délégués ouvriers ont mission de repré-senter les ouvriers auprès des directions d'entre-prises, afin de transmettre à celles-ci, conformé-ment à l'article 5 de l'accord du 7 juin 1936, lésréclamations individuelles qui n'auraient pas étédirectement satisfaites, visant l'application deslois, décrets et règlements du Code du travail, destarifs de salaires, des mesures d'hygiène et de sécu-

-

rité, mais non le droit ni de se substituer à l'as-semblée régulière du syndicat, ni de décider lacessation du travail, ni de porter atteinte à l'ordreintérieur des entreprises ou à l'autorité des direc-tions.

Maintien de l'ordre: il n'yen a jamais eu autantque depuis l'occupation des usines.

Respect de la propriété: les grévistes se sontévertués à la maintenir en bon état.

Respect de la liberté individuellë: qu'en pense-rait Acherchour et tous nos malheureux camaradestombés victimes des balles fascistes?

L'agitation actuelle trouble, en effet, la vie desentreprises. et la digestion de ces messieurs, con-viendrait-il d'ajouter.

Allons, plus de grèves: c'est intolérable! SousLaval, ça passe; mais pas maintenant que les pe-tits copains sont aux leviers de commande.

Et le petit passage relatif aux délégués d'atelier,il ne vous dit rien ?.

Si c'est un rappel aux principes de la démocra-tie syndicale, j'approuve. Mais alors, nos déléguésresponsables de la C.G.T. ont-ils pressenti la basesur ce projet d'arbitrage obligatoire ?

Comptez-vous les syndicats qui en ont discuté etpris des décisions?

Pauvre Charte d'Amiens, étranglée !. Et par

qui?Pas seulement par des députés n'ayant connu

a classe ouvrière que po-ur piper leurs voix, mais— triste constatation ! — par des élus cumulantleurs fonctions avec celles de responsables de fédé-rations ouvrières.

Es-tu satisfait, prolétariat? Es-tu content? Tuas voté le cumul, tu as désiré un président (il estvrai que ça fait riche 1). Secrétaire, même général,ça ne reluit pas assez. Es-tu heureux avec labelle chaîne que l'on vient de te mettre au cou ?

Et puis, attends. tu riras davantage dans quel-ques jours, quand tu sauras les sanctions contreles méchants qui n'accepteront pas l'arbitrage obli-gatoire. ,

Que so-ni-elles ? Je ne sais. Peut-être les grévistesde certains usines pourraient te renseigner. Entreautres celle du chocolat des Gourmets.

Et l'on ose prétendre qu'accepter une telle loi estune preuve de la puissance du syndicalisme ! Nonmais, sans rire 1

Allons-nous accepter cette domestication?N'aa-t-il pas, dans cette masse de cinq millions de

syndiqués, une minorité avertie qui demandera descomptes à nos dirigeants fédéraux et confédéraux ?

Alerte, camarades, il y va de notre liberté !.

- G. DUCHÊNE.

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NOTES D'ECONOMIE ET DE POLITIQUE

Non ! pour les Baléares

et pour Tétouan

nous ne marcherons pas !

Nos pacifistes gouvernementaux s'en vont enguerre!

Unanimes, ils déclarent qu'ils sont prêts à fairela guerre. Mais, bien entendu, pas pour défendre ledroit du gouvernement espagnol d'acheter des

armes, encore moins pour défendre le droit du peu-ple espagnol à disposer de lui-même; ils sont prêtsà faire la guerre « si le statut actuel en Méditerra-née ou au Maroc devait être remis en question etsi la liberté des voies de communication de laFrance avec l'Afrique du Nord devait se trouveren péril ».

Tels sont, en effet, les termes du communiquéqui a suivi le Conseil des ministres du 25 novem-bre, à part que « prêt à faire la guerre» a étéremplacé par l'expression toute diplomatique, maisfort claire de « résolu à faire preuve de fermeté».

Ainsi, nous voilà prévenus! Si l'Italie s'installeaux Baléares ou si l'Allemagne s'établit dans lazone dite espagnole du Maroc, ce gouvernement, quiprétend placer au-dessus de tout les intérêts de lapaix, qui n'hésite pas à violer le Droit internationalet le Pacte de la S.D.N. à l'encontre d'un pays ami,soi-disant pour défendre la paix, ce gouvernement« populaire» se déclare prêt à faire la guerre siles intérêts de l'impérialisme français en Méditer-ranée ou au Maroc sont menacés!

D'autre part, à la Commission des finances, troisjours plus tard, pour ne pas être en reste, un dé-nommé Ramette, que les journaux qualifient, certai-nement à tort, de « communiste», justifie (sic) « lanécessité d'assurer à la France la maîtrise de laMéditerranée<» !

Ainsi, le caractère impérialiste du « Front popu-laire » français, jusqu'ici recouvert plus ou moinsdu masque pacifiste, s'étale maintenant crûment.

Nous, nous ne marchons pas! Nous restons plusque jamais antiimpérialistes et internationalistes.

Pour l'Espagne ouvrière et révolutionnaire, tout!Pour l'impérialisme français, que ce soit en Médi-

terranée ou sur le Rhin, rien!

<>0

Une nouvelle attaque

du Gouvernement français

contre la République espagnole.En violation des traités

le Gouvernement français

aurait réduit l'importation des

oranges espagnoles

La France et l'Espagne sont liées, comme on lesait, par un traité de commerce. Ce traité fixe no-tamment la quantité d'oranges et de tomates quel'Espagne est autorisée chaque année à importer enFrance. Or, le 2 décembre, les journaux publiaientla note d'allure officieuse que voici :

Paris, 1er décembre.— L'accord commercial fran-co-espagnol du 21 décembre 1935, n'ayant pas étédénoncé par le gouvernement français au 30 no-vembre date limite, se trouvera prorogé par tacitereconduction au 31 décembre prochain.

dlEn conséquence, le contingent d'oranges, fixé

d'après les chiffres de 1934 et représentant 96du contingent global, soit 853.000quintaux pour lapremier trimestre et le contingent de 40.000 quin-taux de tomates devraient se trouver automatique-ment renouvelés; il semble toutefois qu'en consi-dération de la situation actuelle du marché espa-gnol dont les paiements ne sont plus assurés etpour satisfaire aussi aux revendications des pro-ducteurs algériens, les chiffres de ces contingentsaient été sensiblement réduits par décision du gou-vernement français.

Ainsi, par un acte de sa seule volonté, par unedécision « unilatérale « au premier chef, le gouver-nement français aurait violé cyniquement un enga-gement volontairement pris, consigné dans un traité,et en contre-partie duquel, d'ailleurs, l'autre partieavait, bien entendu, consenti de son côté des avan-tages !

Mais le plus merveilleux, c'est le prétexte invo-qué: « Les paiements ne seraient plus assurés enEspagne» ! Est-ce donc que les Espagnols auraientà payer pour vendre leurs oranges et leurs tomates?

C'est, si je ne me trompe, l'acheteur et non levendeur qui a à payer la marchandise fournie, donc,en l'espèce, le Français. C'est le Français qui a àpayer et non l'Espagnol. Qu'est-ce, alors, que lespaiements des Espagnols ont à faire là-dedans?

Mais il y a plus encore. Ainsi que je l'ai expli-qué dans la R.P. du 10 novembre, les paiementsentre la France et l'Espagne doivent s'effectuer parclearing, c'est-à-dire que les acheteurs françaisd'oranges et tomates espagnoles n'en verseront pasle prix d'achat en Espagne, mais à la Chambre decommerce de Paris qui, elle, avec cet argent, paierales Français qui auront vendu des produits à l'Es-pagne. Cet argent servirait donc précisément àeffectuer les paiements qu'on prétend ne pas êtreassurés!

Une telle décision, si elle a vraiment été prise,est réellement formidable!

Qu'on ne s'y trompe pas! Il s'agit là d'une ques-tion vitale pour le gouvernement espagnol. Les oran-ges et les tomates sont les plus importants des pro-duits espagnols d'exportation; d'autre part, ellesviennent toutes de la région de Valence, donc d'unezone entre les mains des républicains. Aussi est-ceavant tout sur l'exportation des oranges, exporta-tion dont la campagne s'ouvre actuellement, que legouvernement républicain compte pour se procurerles sommes nécessaires à ses achats à l'étranger.En lui supprimant, ou en lui re&treignant cetteexportation, on lui coupe le moyen d'acheter à

l'étranger.Est-ce que Blum va tolérer cela aussi ?Croit-il, ce remarquable comédien, qu'il lui suf-

fira indéfiniment de sangloter que « son cœur estavec les miliciens », tandis que son gouvernement,au mépris duDroit international, empêche la Répu-blique espagnole d'acheter des armes, et qu'en vio-lation des traités il fait payer à Franco ses mine-rais et empêche la République de vendre ses fruits?

Chili, Espagne, Mexique

La solidarité de classes au delà

des continents

On a sans doute remarqué qu'après les puissancesfascistes européennes, c'est le Chili qui soutient le

plus ostensiblement les rebelles espagnols. Ses am-bassadeurs et délégués à Genève sont toujours là,

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NOTES D'ECONOMIE ET DE POLITIQUE 13-385

à point nommé, pour faire le jeu de Franco; sonconsul a quitté Barcelone, et ses députés réclamentla reconnaissance officielle du pseudo gouvernementde Burgos.

C'est tout naturel.L'un des principaux objectifs de la rébellion espa-

gnole est d'empêcher la réforme agraire, de main-tenir cette grande propriété féodale qui règne enmaîtresse depuis des siècles dans le Centre, l'Ouestet le Sud de l'Espagne.

Or, au Chili règne le même type de propriétéexactement qu'en Espagne.

L'hacienda du Chili central est entièrement com-parable à celle de Castille ou d'Estremadure : mêmesénormes dimensions (plus de 10.000 hectares etparfois plus de 100.000); même absentéisme du pro-priétaire qui ne consacre même pas de capitaux —à la différence du fermier capitaliste — à l'exploi-tation et à l'amélioration de son domaine; mêmeservage de fait du travailleur agricole, même misèreépouvantable.

Voici, par exemple, comment le géographe De-mangeon dépeint le régime agraire du Chili, d'aprèsun récent ouvrage américain:

Les« haciendas, sont rarement exploitéespar leur propriétaire. La plupart des « hacienda-dos» vivent à la ville, laissant à un intendant oubien à un fermier le soin de diriger le travail.Certes, l'ouvrier agricole est légalement libre dequitter le domaine; aucun contrat écrit ne l'y atta-che.Mais, en fait, il y demeure lié, comme l'ontété ses ancêtres. S'il voulait s'en aller, il ne trou-verait d'emploi nulle part; aucun « haciendado »ne voudrait accueillir ce transfuge. Sur le domaine,il habite une chaumière de roseaux et d'argilequi appartient au maître; il dispose d'un petit jar-

din pour ses légumes. Il doit au maître 240 joursde travail par an; pendant ces journées, il reçoitune ration de vivres.

N'est-ce pas là précisément, à certains détailsprès, le régime des haciendas espagnoles?

Par contre, n'était-ce pas là aussi le régime deshaciendas mexicaines, ces haciendas qu'évoque sipuissamment le début du superbe film Viva Villaqui a eu, et pour cause, tant de succès en Espagne?

Seulement, le Mexique, lui, est maintenant débar-rassé, grâce à vingt ans de révolution, des « hacien-das » et des « haciendados »; il a libéré les « peo-nes » qui en étaient les serfs, et, malgré les effortsdésespérés des revenants, il est bien résolu à em-pêcher toute restauration de l'ancien régime.

C'est pourquoi, de même que le Chili, pays degrande propriété foncière, intervient en Espagne ducôté de Franco, souteneur du seigneur féodal espa-gnol menacé d'expropriation, le Mexique, pays main-tenant de propriété paysanne, intervient du côté dela République parce que la République a promis laréforme agraire.

Qu'on cesse donc de nous fatiguer les oreillesavec les « croisades idéologiques », cette dernièretarte à la crème des gens de lettres et politiciens.Il n'y a pas, il n'y a jamais eu de croisades « idéo-logiques » (pas même les croisades du moyenâge. Voir, à ce sujet, Diderot); il y a seulementdes luttes de classes. Mais les luttes de classessont des luttes qui se poursuivent internationale-ment, par-dessus les frontières, par delà les conti-nents. Il n'est pas de croisades idéologiques, maisil est des croisades de classes.

De « l'idéologie », en voilà

Nous avons attiré l'attention, audébut des événements d'Espagne,sur l'erreur considérable qui con-sisterait à penser que les Etatsfascistes, seuls, sont du côté desrebelles. Nous avons indiqué quel'hypocrite politique d'interventionen faveur de Franco, menée parles démocraties occidentales sousle nom de « non-intervention »,était manifestement due à la puis-sance des intérêts capitalistes deces pays qui sont engagés en Es-pagne, et dont le sort est étroite-ment lié à celui de la victoire deFranco, ainsi que le démontrent lescours de Bourse.

Pour faire suite au graphiqueque nous avions alors publié, nouspublions ci-contre celui des coursdu Rio Tinto (mines de cuivre es-pagnoles sous, le contrôle anglais)et de Penarroya (mines de plombespagnoles sous le contrôle fran-çais) entre le 14 octobre et le 23novembre.

Tant que dura, de Badajoz àMadrid, la marche triomphale desMarocains et des légionnaires, lescours de l'affaire française deplomb comme ceux de l'affaire an-glaise de cuivre montent à une allure record, attei-gant leur maximum le jour où les troupes rebellesatteignent Madrid et où l'on pensait qu'elles allaiententrer dans la capitale sans coup férir.

"robevictorieusedes rebelles vere Madrid Arrêt des rebell.8 devantMadrid

Au contraire, dès que la résistance de Madrids*avère, les cours tombent presque aussi verticale-ment qu'ils avaient monté, faisant un unique cro-chet en hausse le jour où les Marocains s'emparent

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!4—386 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

du pont des Français et s'établissent dans la CitéUniversitaire.

N'est-ce pas parfaitement clair ?

Quand des intérêts capitalistes aussi puissantsque Rothschild (Rio Tinto) et que Mirabaud (Penar-roya) sont à ce point solidaires d'une insurrection,comment voulez-vous que nos Etats démocratiquescapitalistes puissent ne pas intervenir en faveur desinsurgés ?

Ne cherchez pas ailleurs les causes de la poli-tique franco-anglaise de « non-intervention ».L' « idéologie», c'est le portefeuille.

Vers l'Etat « totalitaire »

La généralisation des lois

scélérates

Ainsi donc, voici à quoi aboutit le gouvernementde « Front populaire » : une nouvelle loi scélérate.

Nous avions déjà, aux derniers temps du minis-tère Sarraut, dénoncé le scandale de ces partis degauche et d'extrême gauche votant d'enthousiasmeune loi sur la provocation au meurtre qui étaitl'extension explicite de la loi scélérate de 94;maintenant, c'est bien mieux: c'est l'application duprincipe même des lois scélérates aux rares délitsde presse qu'elle n'englobait pas, par le transfertau tribunal correctionnel de délits qui étaient jus-que-là de la compétence du jury.

Rappelons encore une fois que toutes les luttespour la liberté, depuis les débuts de la Restaurationjusqu'à 1881, ont précisément été centrées sur cepoint: que les délits de presse fussent de la com-pétence du jury et non de la correctionnelle. L'ar-gument fondamental et péremptoire que fournirenten faveur de ce principe, qu'ils jugeaient à justetitre comme tout à fait essentiel, tous les républi-cains et tous les esprits libres de ces trois quartsde siècle, était que le délit de presse étant en règlegénérale caractérisé essentiellement par une atta-que contre le gouvernement, ce ne pouvait être desfonctionnaires du gouvernement qui en soient faitsjuges; le gouvernement ne pouvait être à la foisjuge et partie; le jugement devait donc être rendunon par des magistrats professionnels, mais pardes hommes indépendants du gouvernement: lesjurés.

C'est le principe qu'aussitôt arrivés au pouvoirles républicains firent passer dans le Code, par laloi sur la presse de 1881, l'une des lois les plusfondamentales de la République.

Il fallut la terrible frousse qui s'empara des par-lementaires après là bombe de Vaillant pour quece principe fut transgressé à l'encontre des anar-chistes. Ce ne fut d'ailleurs pas sans protestationdes républicains. Tout ce que la Chambre compre-nait de députés de gauche, non pas seulement lessocialistes, mais les plus pâles radicaux, prit alorsposition contre cette correctionalisation des délitsde presse commis par les anarchistes, en la quali-fiant dès ce moment de « scélérate». Le vieuxfranc-maçon Brisson fit à ce sujet un discours quifut l'honneur de sa carrière.

Mais maintenant, ce sont ceux qui se prétendentles défenseurs de la Démocratie et de la Républiquequi prennent eux-mêmes l'initiative d'étendre encorela correctionalisation des délits de presse, et del'appliquer au délit pour lequel elle est la plusscandaleuse: l'accusation portée contre un hommepublic à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.Ce seront désormais les fonctionnaires de ceux quisont accusés qui auront à juger si l'accusation estvraie ou fausse! Le magistrat dont l'avancement

dépend du ministre de la Justice devra juger entoute « indépendance» (!) si les accusations por-tées contre son ministre, son ancien ministre ouson futur ministre, sont des diffamations ou nesont au contraire que l'expression de la vérité!

Cela mesure le chemin parcouru depuis cinquanteans dans le développement de l'arbitraire et dansle mépris des garanties de l'individu à l'égard del'Etat.

On compare souvent le moment actuel à celui quisuivit l'affaire Dreyfus: le « Front populaire» àla « Défense républicaine » de Waldeck-Rousseauet au « Bloc des gauches » de Combes.

C'est vrai pour certains côtés. Dans les deux cas,il s'agit de briser une forte offensive de la « réac-tion », baptisée « nationalisme » en 1900, « fas-cisme » en 1936, et pour ce faire une certaine frac-tion de la bourgeoisie et la paysannerie ont partieliée avec la classe ouvrière. Mais là s'arrête lasimilitude.

Waldeck-Rousseau et Combes brisèrent la réac-tion, eux, pafr des lois de liberté. L'œuvre deWaldeck fut la loi sur les associations: avant celle-ci, il était interdit de former des associations sansautorisation de l'Etat; par cette loi, la formationd'associations devint libre: loi de liberté. L'œuvrede Combes fut la séparation des Eglises et del'Etat: par elle, nul n'était plus tenu d'entretenirde ses deniers les cultes religieux: loi de liberté.

Le « Front populaire », lui, n'offre rien de sem-blable; en fait de liberté, il ne propose que de nou-velles entraves, de nouvelles formes de ligotage. Ily a trente ans, on abattait la réaction en accrois-sant les libertés; aujourd'hui, on ne voit commemoyen de s'en défendre que de restreindre laliberté. Preuve manifeste de vieillissement de lasociété bourgeoise!

Cependant, comme il eût été facile de profiterdu cas Salengro pour étendre la liberté, pour faireune réforme profondément démocratique!

Que craint-on, en effet, en maintenant le jurycomme tribunal dans le cas de « diffamation »contre les hommes publics? C'est que le juryacquitte systématiquement si la diffamation portesur un homme de gauche. Mais pourquoi cela ?Parce que le jury est composé de bourgeois. Seuls,en effet, les bourgeois, les messieurs qui ont pignonsur rue, sont membres du jury. Le remède, leremède « démocratique », se trouvait donc à portéede la main: c'était la réforme du jury; c'était sup-primer ce privilège exorbitant que la bourgeoisies'est réservé: le privilège de juger. Au lieu detransférer le droit de juger, comme on se le pro-pose, du petit bourgeois indépendant qu'est le juréau grand bourgeois servile qu'est le magistrat pro-fessionnel, il fallait édicter que tout le monde seraitjuré, les ouvriers comme les bourgeois.

Là était la seule réforme républicaine et démo-cratique.

Bien entendu, aucun de nos républicains et dé-mocrates dégénérés n'y a seulement pensé.

J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de le dire.Ce qu'il y a d'effrayant dans le développement dufascisme à l'heure actuelle, c'est que ce développe-ment ne se manifeste pas seulement dans les partisfascistes, mais autant, si ce n'est plus, dans les

partis dits antifascistes. C'est une course entre lesdeux clans pour qui supprimera le plus d'indépen-dance d'esprit, le plus de libertés, le plus de garan-ties, à qui sacrifiera davantage le droit des indi-vidus à l'arbitraire de l'Etat et des chefs: c'est à

qui ira le plus vite à l' « Etat totalitaire ».

R. LOUZON.

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LIVRES, BEVUES, JOURNAUX

Trois documents

sur le procès de Moscou

Les événements vont vite; on a à peine réuni lesdocuments principaux sur le procès -de Moscou''dumois d'août dernier qu'un autre procès s'est déjàjugéet que d'autres se préparent.

Faut-il que l'attention cesse de se porter versle passé, un passé pourtant tout récent, pour sefixer vers les drames présents ? Non, car ces pro-cès s'enchaînent. Le procès Zinoviev a ses racinesdans l'affaire Kirov; de même que le procès deNovossibirsk et celui qui se prépare contre Piata-kov sont liés au procès de Moscou.

Comprendre les procès d'hier, c'est à moitié com-

prendre ceux d'aujourd'hui et de demain. Liquiderles mensonges d'hier, c'est détruire d'avance ceuxd'aujourd'hui.

Si l'opinion ouvrière internationale, la premièreémotion calmée, ne s'était pas désintéressée de la

centaine d'exécutions et des milliers d'arrestationsqui marquèrent l'affaire Kirov, il est probable quele procès de Moscou n'aurait pas eulieu, les 16n'auraient pas été fusillés. De même, en ce mo-ment, si l'opinion internationale se laisse éloignerencore une fois, il est certain que la troisièmevague d'exécutions sera plus formidable encore. Delà le grand intérêt de la brochure de Victor-Serge:16 Fusillés (1), de celle de Sédov : Livre rouge surle procès de Moscou (2), et du cahier des « Hum-bles » de septembre-octobre: Dossier des Fusil-leurs (3). Il est indispensable de les lire et de lesfaire lire. Ces trois documents complètent ce que laR.P. a dit dans son numéro du 10 septembre. Ilssont de nature à montrer l'urgence d'une commis-sion d'enquête pour sauver les militants ouvriersde Russie.

Victor-Serge trace en une quarantaine de pages,au texte tassé, le tableau d'ensemble du procèsZinoviev-Kamenev-Smirriov. Un tableau coloré, ani-mé, qui apporte une multitude de faits mais qui,surtout, montre les principales victimes sous unjour presque nouveau. Avant de les tuer, leursassassins ont réussi le tour de force de les faire sedéshonorer. Déjà dans d'autres procès russes, nousavions vu des accusés se proclamer coupables decrimes invraisemblables. Dans le procès de Moscou,c'a été pire encore. Victor-Serge s'efforce de laverZinoviev et Kamenev de cette comédie des fauxaveux. Il démontre qu'ils n'avaient pas plus deresponsabilité dans le meurtre de Kirov qu'ilsn'avaient préparé d'autres actes de -terrorisme.Mais alors à quoi ont obéi Zinoviev et ses amis?Ont-ils menti ainsi pour sauver leur vie? Serge nele croit pas. C'est par dévouement au parti queZinoviev et ses amis ont fait ces dépositions men-songères, qu'ils se sont chargés d'actes qu'ilsn'avaient pas commis, que matériellement ilsn'avaient même pas pu commettre. Ils croyaientainsi sauvegarder la possibilité de rester ou derévenir au parti, ce parti hors duquel rien n'estpossible en Russie, paraît-il; pas même de vivrepour un bolchevik. Autrefois, nous ne comprenionspas ces rétractations tapageuses dont nous avionsle fréquent spectacle. Aujourd'hui nous ne com-prenons pas davantage ces dépositions menson-gères. Toujours la pensée, la vérité, le respect desoi-même sacrifiés à la règle du parti. La vérité,un mot; le respect de l'homme, un préjugé. Voilàcomment, de rétractations en proclamations à lagloire de Staline, les fusillés d'août sont mortsdéshonorés par eux-mêmes. Victor-Serge a-t-ilréussi à leur rendre l'honneur? Il a, au moins,expliqué une énigme.Il est bien certain que siZinoviev n'avait plus rien valu, s'il n'avait pas étéencore un danger pour Thermidor, si les vieux bol-chéviks n'étaient pas restés un péril pour la bu-reaucratie russe, celle-ci ne les aurait pas fusillés.

Le compte rendu officiel du procès de Moscou,

publiépar le Commissariat de la Justice de l'U.R.

S.S., sue l'imposture à chaque page. Sédov n'a pasde peine à l'établir dans son Livre rouge.

On connaît la thèse de l'accusation: Kirov au-rait été tué sur l'ordre d'un Centre terroriste exé-,cutant lui-même les instructions de Trotsky, ins-tructions transmises à Smirnov par Sedov, fils deTrotsky. Le malheurpour cette thèsec'est que cha-cun de ses piliers s'effondre dès qu'on y touche.Si la dixième,partie de ce dont s'accusèrent lesinculpés avait été vrai, dit Sédov, ils auraient étéjugés et fusillés il y. a au moins deux ans. Enréalité, l'assassinat de-Kirov fut l'acte de quelquesjeunes communistes désespérés de Leningrad, sansliaison avec quelque organisation terroriste centraleque ce fût, ni zinovietiste, ni trotskiste, ni zino-vieto-trotskiste. Staline en est plus assuré que per-sonne. Mais l'événement lui fournit un bon pré-texte pour se débarrasser de toutes les variétésd'oppositionnels, des plus souples comme des plusfermes, les plus anciennes comme les plus nou-

- velles. Tout le monde est accusé de terrorisme. Englissant dans le nombre quelque agent double duGuépéou et de la Gestapo, voilà les accusés enmême temps agents de la Gestapo.

Sédov rappelle quelques exemples d' « amal-gaijie », l'officier de Wrangel agent du Guépéou,le consul qui s'offrait à mettre Nikolaïev en corres-pondance avec Trotsky; il examine quelques figu-res inquiétantes parmi les accusés: Berman-Iou-rine, Fritz David, M.Lourié, exécuteurs d'attentatsqui n'eurent jamais lieu; hier, dans l'appareil sta-liniste en Allemagne, accusés au procès d'être enrelation avec la Gestapo.

-

Sédov a beau jeu de montrer la fausseté de dé-clarations suivant lesquelles il aurait été àvCopen-hague avec Goltzman. Il n'a jamais été à Copen-hague de sa vie. L'hôtel Bristol où Goltzman dits'être rencontré avec lui n'existe pas; il a existé,mais il fut fermé en 1917.

Le Dossier des Fusilleurs des « Humbles », quis'ouvre sur l'article de Martinet que publia la R. P.,contient notamment un article et une étude deSerge, l'article l'Exécution des Seize, donnant desrenseignements poignants qui ont filtré sur l'exé-cution même, et ce mot de Smirnov, qui déjàdevant les juges avait été lie-pliis digne: « Nousavons méritéça par notre attitude indigne au pro-cès. Je me suis honteusement conduit au procès,je veux mourir en révolutionnaire. » L'étude Ceuxqu'il faut sauver, le tableau de la répression enRussie contre les socialistes, les anarchistes, lescommunistes d'opposition. Wullens, dans une co-

pieuse revue de presse, nous conserve les articlesles plus caractéristiques publiés sur le procès.Quand on voudra voir jusqu'où peuvent descendrele servilisme et la bassesse humaine, on rèlira cer-tains échantillons de l'Humanité.

Après l'affaire Kirov, l'affaire Zinoviev; aprèsl'affaire Zinoviev, l'affaire Piatakov; après l'affairePiatakov, l'affaire Radek, etc., etc. Piatakov, Ra-dek qui avaient accepté de signer des articlesdéshonorants. Et des centaines, des milliers d'au-tres, noms connus, noms inconnus. Tous à défen-dre, tous à sauver. Il ne faut pas se. lasser deréclamer la commission d'encmête qui fera justicede la justice russe.

P. M.

(1) Victor-Serge: Les Seize Fusillés, édit. de« Spartacus 1), 140, boul. Saint-Germain, Paris-6*.Prix : 2 fr. 25.

(2) L. Sédov : Livre rouge sur le procès de Mos-cou, Edit. Populaires, 15, passage Dubail, Paris-lle.Prix: 4 francs.

(3) Dossier des Fusilleurs, n° des Humbles, 229,rue de Tolbiac, Paris-13®.Pour nos leeteurs, cecahier 5 francs.

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LA VÉRITÉ SUR IL IU.IK.

STAKHANOVISME ET « SABOTEURS »

Il y a un an, la vague de stakhanovisme, à peinenée, était déjà en plein épanouissement. Issue dela mine, elle promettait, par des records invrai-semblables, de révolutionner la cadence d'extrac-tion du charbon.

Les mois passèrent; les programmes des minesfurent augmentés, les normes d'abatage égalementet les « costauds » furent décorés, tandis

quegran-

dissait une haine sourde contre eux (voir R.P. 212et 221). Par-ci par-là, on signala quelques acci-dents — les recordmen, pour gagner du temps, neprenaient pas toujours les precautions nécessaires— et, le 23 septembre 1936, une catastrophe vintcouronner la décade de surproductivité, commémo-rative du premier anniversaire du stakhanovisme.Au fond du puits Tsentralnaïa des mines de Kémé-rovo (Kouzbass, second bassin houiller de l'U. R.S. S.), dix mineurs furent déchiquetés par uneexplosion de gaz et quatorze autres grièvementblessés. L'émoi dut être grand chez les mineurs:le stakhanovisme exécré ajoutait la mort à lamisère.

Par ailleurs, malgré une propagande intense,menée par le parti et les syndicats, l'extractiondu charbon restait le point faible de .l'économie(seulement 85 %, puis 82 du nouveau programmefurent atteints en octobre et novembre): on de-mandait trop à ces hommes mal nourris et baignantdans l'atmosphère si déprimante de normes jamaisatteintes parce que constamment augmentées.

Le « tout-puissant », qui ne se reconnaît jamaisde responsabilité dans les échecs de sa propre poli-tique et les catastrophes qu'elle entraîne, devaittrouver un bouc émissaire. C'est le classique sabo-teur qu'il vient de ressusciter.

Voilà, à notre avis, l'explication de la fusilladedernière en date, celle qui vient de clôturer le pro-cès de Novosibirsk. Tout le reste n'a été mêlé àl'affaire que par habitude, pour profiter de l'occa-sion. Certes, il y a de l'espionnage allemand etdu trotskisme en U.R.S.S., mais guère plus qu'ail-leurs et, à les mettre partout, on s'exagère vrai-ment le degré de crédulité des hommes.

Après un procès public tenu à Novosibirsk (cen-tre administratif de la Sibérie occidentale), le col-lège militaire du tribunal suprême de l'Union vientde condamner à mort neuf personnes, la pluparttechniciens, du rayon minier de Kémérovo; huitRusses: Noskov, Choubine, Kourov, Liachtchenko,Andréïev, Kovalenko, Léonenko, Piéchékhonov, etun ingénieur allemand: Stikling. Pour ce dernier,Kovalenko et Léonenko, la peine fut commuée endix ans de prison; les six autres furent exécu-tés (1).

Ils étaient accusés d'avoir saboté l'extraction ducharbon, provoqué des catastrophes dans la mineet organisé des attentats contre les dirigeants du {pays dans le but de diminuer la puissance mili- ftaire du pays, de renverser le pouvoir soviétique tet de restaurer le capitalisme. f

Ces pauvres provinciaux vivant à quelque troismille kilomètres de Moscou, au cœur de l'Asie, de-vaient être pour le moins fous s'ils avaient punourrir des ambitions d'une telle envergure. Cetteconsidération suffit à prouver l'artificiel de l'af-faire.

Il n'y eut aucun témoin à décharge — qui ose-rait? — et les faits reprochés se résument à lacatastrophe citée plus haut, au mauvais état d'aéra-tion et de sécurité du travail dans la mine et à unpetit accident d'automobile, sans suites, dont futvictime Molotov, président du Conseil des commis-saires du peunle.

Une fois de plus, les « saboteurs,) ne semblent

(1) Izviestia des 18, 20, 21, 22, 23 et 26 novem-bre 1936.

être que de pauvres victimes sacrifiées pour dé-tourner des vrais coupables le mécontentementlégitime des travailleurs. Ceux-ci sont particulière-ment miséreux dans une« brousse« nouvellementdéfrichée comme le Kouzbass.

Les accusés ont« avoué » tout ce qu'on voulait.Ils se sentaient si faibles en face du conformisme,de la cruauté et de la puissance du nouvel ordresocial. Ils se seraient reconnu des relations avecle diable même, si on l'avait exigé. Il n'y a pas silongtemps que l'Inquisition. mais c'était une autreéglise! Yvoiq.

Notre deuxième tirage de la BROCHUREd'YVON est épuisé. Nous avons fait pro-céder à un

TROISIEME TIRAGE

Que tous nos amis nous aident à l'épui-ser, lui aussi, très rapidement!

La presse ouvrière INDEPENDANTE aété unanime, aussi bien en Belgique et enSuisse qu'en France, à prodiguer ses élo-

ges à l'œuvre de notre camarade, ainsi

qu'on peut le constater par les différentsextraits que nous publions en 36 page denotre couverture depuis déjà plusieurs nu-méros. La classe ouvrière tout entièreratifiera ces éloges, dès qu'elle connaîtrala brochure, mais il faut qu'elle la con-

naisse, et cela dépend de l'activité quemettront tous nos amis, nos lecteurs, nos

abonnés, tous les AMIS DE LA VERITE, àla répandre. Ce n'est pas une dizaine demilliers d'exemplaires qu'il nous faudrait

vendre, mais CENT MILLE au moins.Ce serait d'ailleurs très possible, puis-

qu'il suffirait pour cela que chacun denos abonnés ou lecteurs nous prenne 50

exemplaires.Quel est le militant qui ne peut trouver

à vendre 50 exemplaires d'une forte etbelle brochure de près de 100 pages, dontle prix n'est que de

DEUX FRANCSUne brochure dont TOUT LE MONDE

PARLE !

Le COMITE POUR L'ENQUETE sur le pro-cès de Moscou organise, pour le jeudi 17 dé-

cembre, à 21 heures-, au Palais de la llJutllalité,un

GRAND MEETING

auquel participeront : Félicien Challaye, Lucie

Colliard, André Breton, Georges Pioch et dif-férents orateurs délégués par les organisationsqui demandent une enquête internationale surle procès de Moscou.

Participation aux frais: 0 fr. 95.

Le gérant: M. CHAMBELLAND.

Ltc9t»rro6*A?M£ H.Il.<<IIlrJ.cûutetvQie.•otF.

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a L'OPINION DE LA PRESSE OUVRIÈRE Il

SUR

Ce qu'est devenue la Révolution Russe

de M. VVOÏNI

Préface de Pierre PASCAL

M

ŒLes dernières pages de ce livre,

qui nous ouvrent tant d'horizons,

tantôt grandioses, tantôt terrifiants,sont ce que j'ai lu de plus lumineuxsur le problème russe. »

(Les Primaires.)

« C'est le premier livre que nousdonne un ouvrier français munid'une grande expérience de la vie

soviétique. Systématiquement, l'au-teur a évité de s'égarer dans la con-troverse politique pour se limiter àun inventaire plus simple et plusessentiel: Comment vit l'ouvrier rus-se dix-neuf ans après la révolution?Comment est-il logé? Comment

peut-il se nourrir? De quelles liber-tés jouit":;l? D'e nouvelles classes pri-vilégiées l'oppressent-elles ? Voilàles questions auxquelles le livred'Yvon répond grâce à une docu-mentation abondante et sérieuse. Celivre vous expliquera beaucoup dechoses. »

(Le Rouge et le Noir), Bruxelles.

« Tout ce que nous savions surle niveau de vie et le degré de li-berté dont jouissent les travailleursrusses vient de nous être confirméd'une

façon pertinente, non pas parun quelconque journaliste bour-

geois ou un politicien rétrograde enveine de confidences contre un ré-

gime qui leur déplaît, mais par uncamarade ouvrier qui a passé onzeannées en Russie, vivant exacte-ment comme n'importe quel ci-

toyen soviétique; ce camarade nous

apporte un témoignage indiscuta-

ble, et d'àilleurs jusqu'ici indis-cuté. »

(Bulletin dela Chambre SyndicaleTypographique Parisienne.)

« Chacun trouvera, condenséedans les 87 pages de cette brochure,une expérience qui a fait faillite àses engagements; il verra ce que« les spécialistes, les techniciens, lesinitiés » ont fait des travailleursrusses : des cobayes de laboratoireslivrés sans défense au bon plaisird'une nouvelle caste qui étouffesous ses chiffres, avec l'âme hu-

maine, la liberté individuelle, la di-

gnité, quand ce n'est pas la vie elle-même. »

(Le Semeur.)

« Plusieurs lecteurs nous ont de-mandé des précisions sur les réser-ves que La Patrie Humaine a for-mulées à plusieurs reprises surl'œuvre de Staline, Qu'ils lisentdonc la brochure d'Yvon: ils ytrouveront tous les éclaircissementsvoulus. »

(La Patrie Humaine.)

« A l'heure où tant de pauvresbougres se laissent suggérer l'idéede se battre « pour la défense del'U.R.S.S. », le témoignage d'Yvonest d'une importance capitale. Tousnos amis devraient se procurer, lireet répandre cette brochure, d'un

prix modique, si riche de substan-ce. »

(Le Barrage.)

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