La revue européenne des médias et du numérique - n°8

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Centre de Recherche de l’EBS 37, 39 bd Murat 75016 Paris Tél : 01 40 71 37 37 www.ebs-paris.com [email protected] RUBRIQUES En Europe Les événements les plus marquants ou les plus si- gnificatifs advenus au cours du trimestre écoulé dans l’un ou l’autre des pays membres de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe. Ces événe- ments décrits et analysés sont classés en fonction de leur domaine d’élection : le droit, les techniques, l’économie ou les usages. Ailleurs Les techniques, les tendances ou les nouveaux usages ayant marqué l’actualité récente, ailleurs, au-delà des frontières de l’Europe, dès lors qu’ils présentent un intérêt probable pour les acteurs ou les observateurs des médias européens. Les acteurs globaux La vie des groupes plurimédias, leur organisation, leur fonctionnement, leur activité, quel que soit leur métier d’origine, dès lors que leur champ d’action concerne plusieurs médias et plusieurs pays, en Europe ou ailleurs. A retenir Les mots nouveaux ou les expressions nouvelles que l’usage est en passe d’imposer, au-delà du seul vocabulaire technique. Vient de paraître Des résumés et des analyses critiques succincts de travaux publiés récemment en Europe : ouvrages de référence, études, recherches ou rapports, quels que soient leurs commanditaires. ARTICLES & CHRONIQUES Afin d’approfondir la réflexion sur un sujet de l’ac- tualité récente. La revue européenne des médias est conçue et réalisée par l’Institut de recherche et d’études sur la com- munication (IREC), dirigé par Francis Balle, professeur à l’Université Paris 2, (IREC - http://irec.u-paris2.fr) Rédactrice en chef : Françoise Laugée Comité de rédaction : Francis Balle, Alexandre Joux, Françoise Laugée Correctrice : Nicole Gendry Responsable de la publication : Bruno Neil, directeur de l’EBS Paris n ° des médias LA REVUE EUROPÉENNE

Transcript of La revue européenne des médias et du numérique - n°8

Centre de Recherche de l’EBS37, 39 bd Murat 75016 Paris Tél : 01 40 71 37 37 www.ebs-paris.com [email protected]

� RUBRIQUES

En EuropeLes événements les plus marquants ou les plus si-gnificatifs advenus au cours du trimestre écoulédans l’un ou l’autre des pays membres de l’Unioneuropéenne ou du Conseil de l’Europe. Ces événe-ments décrits et analysés sont classés en fonctionde leur domaine d’élection : le droit, les techniques,l’économie ou les usages.

AilleursLes techniques, les tendances ou les nouveauxusages ayant marqué l’actualité récente, ailleurs,au-delà des frontières de l’Europe, dès lors qu’ilsprésentent un intérêt probable pour les acteurs oules observateurs des médias européens.

Les acteurs globauxLa vie des groupes plurimédias, leur organisation,

leur fonctionnement, leur activité, quel que soit leurmétier d’origine, dès lors que leur champ d’actionconcerne plusieurs médias et plusieurs pays, enEurope ou ailleurs.

A retenirLes mots nouveaux ou les expressions nouvellesque l’usage est en passe d’imposer, au-delà duseul vocabulaire technique.

Vient de paraîtreDes résumés et des analyses critiques succincts detravaux publiés récemment en Europe : ouvragesde référence, études, recherches ou rapports, quelsque soient leurs commanditaires.

� ARTICLES & CHRONIQUES

Afin d’approfondir la réflexion sur un sujet de l’ac-tualité récente.

La revue européenne des médias est conçue et réalisée par l’Institut de recherche et d’études sur la com-munication (IREC), dirigé par Francis Balle, professeur à l’Université Paris 2, (IREC - http://irec.u-paris2.fr)

Rédactrice en chef : Françoise Laugée

Comité de rédaction : Francis Balle, Alexandre Joux, Françoise Laugée

Correctrice : Nicole Gendry

Responsable de la publication : Bruno Neil, directeur de l’EBS Paris

n°des médiasLA REVUE EUROPÉENNE

n°IRebsInstitut de Recherche de l’European Business School

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des médiasLA REVUE EUROPÉENNE

sommaiRUBRIQUESEn Europe p.3� Droit

Les autorités européenne et américaine de concur-rence s’en prennent à Intel

En Allemagne, la présence des médias de servicepublic sur le Web est jugée déloyale

Le Parlement européen se prononce sur la concen-tration et le pluralisme des médias

Protection des droits d’auteur ou protection de lavie privée : la suspension d’une connexion Internetest-elle une restriction d’une liberté fondamentale ?

Les majors du disque attaquent Baidu pour pira-tage

La circulation des données personnelles sur Inter-net au cœur de tous les débats

France : la réforme du régime des archives

� Techniques

Surfer sur le Net avec une télécommande

TMP en Europe : les offres en DVB-H se multiplient

� Economie

L’espagnol Planeta rachète Editis, numéro deux fran-çais de l’édition

Les encyclopédies papier migrent vers Internet pourcontrer Wikipedia

La presse quotidienne régionale poursuit son cycle deconsolidation en France

Cinéma européen : les coproductions réalisent demeilleures performances que les films nationaux

Tandis que le cinéma roumain triomphe à l’étranger,les salles du pays se vident

Après son OPA réussie sur sa filiale Sogecable, Prisaprocède à une restructuration de ses activités audiovi-suelles

News Corp. en position pour prendre le contrôle totalde la chaîne allemande Premiere

France Télécom ou le retour de la convergence

Droits du football : des images de la Bundesligua et dela Champions Ligue en clair en Allemagne, Sogecablerésiste face à Mediapro en Espagne, Belgacomconserve la Ligue 1 en Belgique, le magazine domi-nical italien toujours en clair

La Pologne mise enfin sur Internet

Apple lance l’iPhone 3G et autorise le subventionne-ment de ses terminaux en Europe

� Usages

Audiovisuel extérieur de la France : une réforme encours

Lancement d’Euronews en arabe

France : la place de l’Europe dans les JT reste limitée

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reLancement de Europarltv, la WebTV du Parlement eu-ropéen

Tandis que les Hongrois restent fidèles à leurs chaînesconventionnelles, les Roumains sont de plus en plusnombreux à regarder les chaînes du câble

Le téléphone européen : le fixe décline, la 3G pro-gresse

Téléchargement légal dans les rues de Varsovie

Ailleurs p.33Le géant américain CBS met la main sur CNET Net-works pour se renforcer sur Internet

Time Warner se restructure au détriment du câble etd’AOL

Les acteurs globaux p.36Publicité en ligne : guerre des nerfs autour de Yahoo !

Bertelsmann se retire de la major Sony-BMG, désor-mais contrôlée par le seul groupe japonais

Vivendi, premier éditeur mondial de jeux vidéo

Après l’échec de son OPA, Electronic Arts renonce às’offrir Take Two, malgré de nouvelles négociations

A retenir p.42Spaceshifting

Opt-in ou Opt-out

Crowdsourcing

Vient de paraître p.44Les médias à l’ère du numérique. Réflexions franco-allemandes pour l’Europe, sous la direction d’Isa-belle Bourgeois, CIRAC, juillet 2008, 151 pages.

Rapport sur le livre numérique, remis le 30 juin2008 au ministre de la culture par Bruno Patino,68 pages.

Media Accountability Today… and Tomorrow. Up-dating the Concept in Theory and Practice, T. VonKrogh, ed., Göteborg, Nordicom, 2008, 158 p.

The Changing Newsroom : What is Being Gainedand What is Being Lost in America’s Daily Newspa-pers ?, Tyler Marshall and Pew Research Center,Project for Excellence in Journalism, july 2008,57 pages.

Et aussi...

Ina.fr/europe-des-cultures

Archive.timesonline.co.uk

europafilmtreasures.fr

ARTICLES& CHRONIQUES p.48� Quel avenir pour la télévision ?Francis Balle

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EnEurope�DroitLes autorités européenne et américainede concurrence s’en prennent à Intel

La domination par Intel du marché mondial des pro-cesseurs est remise en question par les autorités deconcurrence européenne, américaine, coréenne etjaponaise, le groupe étant accusé de dumping surles prix visant à éliminer son principal concurrent, lefabricant américain AMD. .

Après une première plainte d’AMD (Advanced MicroDevices) à l’encontre de son concurrent Intel en2000, la Commission européenne avait ouvert dès2001 une enquête sur les pratiques tarifaires du lea-der mondial des microprocesseurs. Renforcée en2003, la plainte d’AMD a finalement conduit laCommission européenne à adresser une communi-cation de griefs à Intel le 27 juillet 2007. La Com-mission européenne reproche à Intel « trois typesd’abus de position dominante » qui visent à exclureAMD du marché. Il est reproché à Intel d’avoirconsenti des rabais à certains fabricants d’ordina-teurs à condition d’en devenir le fournisseur, d’avoirincité financièrement les fabricants d’ordinateurs àretarder ou annuler la commercialisation de maté-riels équipés de processeurs AMD, enfin d’avoirvendu à perte ses processeurs dans le cadre d’ap-pels d’offres sur le marché des serveurs, stratégiede dumping visant à tuer son seul véritable adver-saire, Intel contrôlant 80 % du marché contre 17 %pour AMD. Après avoir auditionné Intel en mars2008, la Commission européenne a, en juillet, re-connu Intel coupable de pratiques « visant à exclureson principal rival du marché ». Elle doit rendre sonjugement en septembre 2008.Les pratiques d’Intel font l’objet du même type d’en-quête en Asie et aux Etats-Unis. Le groupe a ainsi étécondamné en juin 2008 à 16,5 millions d’euros

d’amende par l’autorité de concurrence en Corée duSud pour abus de position dominante. Il est repro-ché à Intel d’avoir accordé 37 millions de dollars deréduction entre 2002 et 2005 aux fabricants Sam-sung et TriGem, en échange d’une exclusivité pourles processeurs Intel. Une procédure portant sur despratiques similaires est par ailleurs en cours auJapon.Aux Etats-Unis, après une première enquête antitrustlancée par l’Etat de New York en janvier 2008, laFederal Trade Commission (FTC), l’autorité améri-caine de concurrence, s’est emparée du dossier. Le4 juin 2008, elle assignait Intel à comparaître dansle cadre d’une investigation sur sa stratégie de prix.Alors que le prix moyen des microprocesseurs achuté de 42,4 % entre 2000 et 2007, la FTC s’in-terroge sur les raisons d’un tel effondrement sachantque le marché, en raison de la domination d’Intel,semble loin d’être « férocement compétitif », commes’en défend Intel. AJ

Sources :- « Après Microsoft, Intel se retrouve sur le banc des accusés à Bruxelles »,

Clarisse Jay, La Tribune, 11 mars 2008.

- « Intel face aux autorités antitrust américains », Laetitia Mailhes,

Les Echos, 9 juin 2008.

- « Les autorités fédérales enquêtent sur Intel », Eric Chalmet,

La Tribune, 9 juin 2008.

En Allemagne, la présence des médias deservice public sur le Web est jugée déloyale

A la suite d’une plainte émanant des médias privéspour distorsion de concurrence, les chaînes de télé-vision et les radios publiques allemandes devrontdésormais limiter leurs activités sur Internet. L’in-ventaire des contenus autorisés et interdits sera pu-blié dans un catalogue.

L’ampleur du conflit reflète la place d’Internet dansl’économie des médias traditionnels, le premier decette importance, selon les journaux, depuis le lan-cement des chaînes privées au début des années1980. Les groupes de médias privés, soutenus

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dans leur démarche par la commissaire européennechargée de la concurrence, Nelly Kroes, et par lacommissaire européenne chargée de la société del’information, Viviane Reding, estiment que l’usaged’Internet à des fins commerciales par le service pu-blic de l’audiovisuel constitue une concurrence dé-loyale. En juin 2008, le quotidien FrankfurterAllgemeine Zeitung dénonçait des médias publics« seuls garants d’un journalisme de qualité » et« qui prennent l’espace de la presse libre ». Le fi-nancement du secteur public de l’audiovisuel estdéjà assuré par la redevance, d’un montant total an-nuel de 7,3 milliards d’euros, alors qu’Internetconstitue pour les groupes privés une nouvelle res-source, primordiale pour certains. La polémique lan-cée au printemps 2008 par les médias privés, plusparticulièrement par les éditeurs de presse, leur a fi-nalement été bénéfique puisque les chefs de gou-vernement des 16 Länder ont établi en juin 2008 unprojet de contrat encadrant l’utilisation du Web parl’ARD, la ZDF, Deutschlandradio et leurs antennesrégionales. Le texte prévoit deux restrictions impor-tantes. La première concerne les contenus mis enligne, lesquels doivent désormais être strictement enrapport avec les émissions diffusées. Les médiaspublics allemands ne pourront plus éditer de presseen ligne et ils ne devraient donc plus disposer de ré-dactions ad hoc. (En Allemagne, 90 % des 14 à29 ans s’informent régulièrement sur Internet). Laseconde touche les programmes audiovisuels pourlesquels la mise en ligne sur le Web ne pourra ex-céder une durée de sept jours, à l’exception des évé-nements sportifs pour lesquels la télévision derattrapage sera accessible au maximum pendant24 heures.La liste des contenus concernés par ce nouvel ac-cord, autorisés ou interdits, figurera dans un cata-logue. Pour le chef de la conférence régionale desLänder, Roland Koch, il est certain que toutes les ac-tivités purement commerciales allant de la vente enligne de produits culturels aux petites annonces derencontres, en passant par les offres promotion-nelles touristiques, seront désormais exclues. Lapart de la redevance que les deux chaînes publiquesconsacrent à leur portail Internet est infime et le nou-vel accord ne prévoit pas de fixer le montant de leurinvestissement à venir sur le Web.

L’association des éditeurs de presse (VDZ), soute-nue par le patronat allemand (BDI), estime que l’ac-cord va dans le bon sens, même s’il n’est pas assezstrict puisqu’il reconnaît l’usage du Web par les mé-

dias publics. Cet accord a été mal accueilli par denombreux journalistes, la Fédération des associa-tions de consommateurs (VZBV), la confédérationdes syndicats (DGB) et certaines églises, qui yvoient une atteinte aux missions de service publicen matière d’information et d’éducation, au profit desmédias privés. Si la Commission européenne donneson feu vert, l’accord devrait être adopté lors de laprochaine réunion des ministres-présidents des16 Länder en octobre 2008. Ce projet constitued’ores et déjà une victoire pour les groupes de mé-dias privés. FL

Sources :- « L’Allemagne prête à limiter la place des médias publics sur Internet »,

AFP, tv5.org, 12 juin 2008.

- « L’Allemagne encadre l’offre Internet des médias publics », Karl de

Meyer, Les Echos, 16 juin 2008.

Le Parlement européen se prononce surla concentration et le pluralisme des médias

Considérant le rôle exercé par les médias dans lemaintien de la démocratie, les eurodéputés consi-dèrent indispensable, afin de garantir le pluralisme,l’existence de chartes éditoriales au sein des entre-prises de presse ainsi que la transparence des in-formations sur les propriétaires de médias.

Alors que la Commission européenne s’est engagéeà proposer de nouveaux indicateurs pour mesurerle pluralisme des médias, le Parlement européen aadopté, le 25 septembre 2008, par 471 voix pour,42 contre et 28 abstentions, une résolution sur laconcentration et le pluralisme des médias. L’instanceeuropéenne reconnaît dans ce texte que les médiassont « un outil d’influence politique » et que « leursfonctions d’autorité de surveillance de la démocra-tie » peuvent être vulnérables. Cette résolution de-mande aux Etats européens et à la Commissioneuropéenne de garantir à la fois un libre accès detous les citoyens à une presse diversifiée et l’indé-pendance des journalistes et des éditeurs. Deschartes éditoriales devront être élaborées pour pré-server l’indépendance des rédactions de l’influencedes groupes propriétaires et de leurs actionnaires,ainsi que de tout organe de pouvoir, y compris lesgouvernements.En revanche, l’idée d’un médiateur des médias n’apas été retenue par les eurodéputés, pas plus que lavolonté d’élaborer un cadre légal spécifique pour lesblogs, à propos desquels le Parlement souhaite ce-

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Droit

pendant la poursuite des discussions, pour cetteseule raison invoquée que les professionnels desmédias comme les particuliers choisissent de plusen plus ce moyen pour exprimer leurs opinions.En outre, si le Parlement européen n’est pas favora-ble à l’élaboration de règles plus strictes en matièrede concentration des médias, afin de ne pas faireobstacle au développement des entreprises euro-péennes face à leurs concurrentes des pays tiers, iln’en considère pas moins qu’ « un système fondéuniquement sur la concurrence de marché n’est pasen mesure de garantir à lui seul le pluralisme desmédias » et dénonce « le risque que représente pourl’indépendance des médias, l’existence de groupesde presse détenus par des entreprises pouvant pré-tendre à l’attribution de marchés publics ». De plus,les eurodéputés estiment que les informations rela-tives à la propriété des diffuseurs et des éditeurs decontenus doivent être portées à la connaissance dupublic.Les eurodéputés sont également favorables à l’ob-tention par les télévisions et radios publiques desressources financières suffisantes leur permettant deremplir leurs missions, y compris pour développerune offre de services numériques, ce sujet faisantactuellement débat au sein de la Commission (voirsupra). Selon la résolution du Parlement européen,les médias associatifs ou communautaires, dits al-ternatifs, devraient également bénéficier d’un sou-tien de la part de la Commission européenne, en tantque représentants de la diversité des cultures. FL

Source :- « Le Parlement européen veut garantir le pluralisme des médias et pré-

server l’indépendance des journalistes et des éditeurs », La Correspon-dance de la Presse, 26 septembre 2008.

Protection des droits d’auteur ou protectionde la vie privée : la suspension d’uneconnexion Internet est-elle une restrictiond’une liberté fondamentale ?

Le sujet de la riposte graduée pour lutter contre lepiratage des œuvres sur Internet est en discussionau sein du Parlement européen. Lors de l’examendu « paquet télécom », en septembre 2008, unamendement a remis en cause son principe.

La réforme du « paquet télécom », ensemble des di-rectives relatives aux télécommunications en Eu-rope, adoptée le 24 septembre 2008 en premièrelecture par les eurodéputés, comporte un amende-

ment incompatible avec le projet de loi françaisCréation et Internet, visant à lutter contre le piratagedes œuvres sur Internet. En effet, celui-ci prévoit lacréation d’une autorité administrative, la Hadopi(Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et laprotection des droits sur Internet), dont le rôle seraitde sanctionner les pirates par une coupure de leuraccès Internet si ces derniers ne mettaient pas fin àleur activité de téléchargement illégal après deuxavertissements. C’est le principe de « la riposte gra-duée », avertissements suivis d’une sanction, prin-cipe préconisé par la mission Olivennes conduite àl’automne 2007 (voir le n°5 de La revue européennedesmédias, hiver 2007-2008). Or l’amendement 138au « paquet télécom », voté à 573 voix pour et 74contre, stipule que les autorités de régulation natio-nales doivent promouvoir les intérêts des citoyensde l’Union « en vertu du principe selon lequel au-cune restriction aux droits et libertés fondamentalesdes utilisateurs finaux ne doit être prise sans déci-sion préalable de l’autorité judiciaire […] sauf encas de menace à la sécurité publique, où la décisionjudiciaire peut intervenir postérieurement ».Si l’amendement est adopté définitivement, c’est leprincipe même de la riposte graduée qui risqued’être remis en cause. En avril 2008, dans un rap-port parlementaire sur les industries culturelles, leseurodéputés s’étaient déjà déclarés opposés à laméthode choisie par la France pour lutter contre lepiratage : « Le Parlement européen engage la Com-mission et les Etats membres […] à éviter l’adop-tion de mesures allant à l’encontre des droits del’homme, des droits civiques et des principes de pro-portionnalité, d’efficacité et d’effet dissuasif, tellesque l’interruption de l’accès à Internet. […] La cri-minalisation des consommateurs qui ne cherchentpas à réaliser des profits ne constitue pas la bonnesolution pour combattre le piratage numérique ». Lacommission du Parlement européen chargée des li-bertés civiles, de la justice et des affaires intérieures(LIBE) a rejeté le 25 juin 2008 les amendements vi-sant à réintroduire le principe de la riposte graduée.

Le Conseil des ministres européens, présidé par laFrance, doit examiner le texte le 27 novembre 2008,avant son deuxième passage devant le Parlementeuropéen au début de l’année 2009. Viviane Re-ding, commissaire européenne chargée de la so-ciété de l’information et des médias, s’est expriméecontre cet amendement, à l’instar de la plupart dessociétés d’auteurs françaises (ARP, SACD,Sacem…) et des acteurs des industries musicales,

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audiovisuelles et cinématographiques qui soutien-nent le projet du gouvernement. Selon la ministre dela culture Christine Albanel, le projet de loi français« ne porte en aucun cas atteinte aux droits et liber-tés fondamentaux » et relève d’une démarche « pé-dagogique et préventive », tandis que l’amendementdu Parlement européen « se borne à rappeler unprincipe très général, qui n’ajoute rien au droit exis-tant ». Côté réseaux, la CNIL, l’Arcep, l’ASIC, l’Isoc etl’AFA* y sont favorables, remettant en cause le prin-cipe de la riposte graduée d’un point de vue aussibien juridique que technique.

En Grande-Bretagne, un accord interprofessionnel aété signé, l’été 2008, entre les six principaux four-nisseurs d’accès à Internet et les représentants del’industrie musicale, la British Phonographic Indus-try, et de l’industrie du cinéma, la Motion Picture As-sociation. Selon cet accord, les FAI s’engagent àenvoyer des lettres d’avertissement aux internautespirates présumés (ils seraient au nombre de 6 mil-lions en Grande-Bretagne), tandis que les produc-teurs d’œuvres musicales ou cinématographiquesvont développer des offres légales attractives et com-patibles aux différents standards existants. Le bilande cette expérience d’une durée de trois mois devraitpermettre d’évaluer la pertinence des solutions envi-sagées telles que la réduction du débit, la coupurede l’accès, le filtrage des connexions ou encore lemarquage des contenus légaux. Le gouvernementbritannique a lancé une consultation publique sur lesujet. FL

* La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), l’Au-

torité de régulation des communications électroniques et des postes

(Arcep), l’Association des services Internet communautaires (Asic), l’In-

ternet Society (Isoc), l'Association des fournisseurs d'accès et de ser-

vices Internet (AFA).

Sources :- Rapport sur les industries culturelles (2007/2153 (INI), Commission

de la culture et de l’éducation, Rapporteur Guy Bono, Parlement euro-

péen, 4 mars 2008.

- « Les FAI britanniques vont tester l’avertissement aux pirates », Julie

de Meslon, 01net.com, 25 juillet 2008.

- « Riposte graduée : la claque », Erwan Cario et Astrid Girardeau,

Libération, 25 septembre 2008.

- « Agitation autour du dispositif de riposte graduée contre les inter-

nautes pirates », Olivier Dumons, lemonde.fr, 26 septembre 2008.

- « Nouvel obstacle pour la loi antipiratage », Jamal Henni, La Tribune,26 septembre 2008.

- « Désaccords européens sur la future loi Internet », Nicole Vulser,

Le Monde, 27 septembre 2008.

- « La riposte graduée mise à mal », R.J., Ecran total, n°723, 1er au

7 octobre 2008.

Les majors du disque attaquent Baidupour piratage

Baidu, le leader chinois de la recherche en ligne, estcélèbre pour ses services de référencement des sitesde téléchargement de fichiers MP3, une spécialitéqui déplaît aux majors de la musique qui ont décidéde riposter : une plainte a été déposée contre le mo-teur de recherche, stigmatisé également dans unappel aux annonceurs pour organiser son boycott.

Le moteur de recherche Baidu, avec 60 % de partsde marché en Chine, le premier pays au monde ennombre d’internautes, fait désormais partie des ci-bles des majors du disque engagées dans une luttemondiale contre le piratage. En effet, la Chine est leparadis du téléchargement illégal, qui concerne prèsde 99 % de l’ensemble des téléchargements de mu-sique, ce qui, selon les majors du disque, leur faitperdre 80 % de leurs revenus théoriques sur le mar-ché chinois. Une perte accentuée par les liens re-censés sur Baidu qui permettent de trouver sansdifficulté le titre à télécharger illégalement.En associant le succès de Baidu à celui des télé-chargements illégaux en Chine, les majors mena-cent donc le moteur de recherche pour peser sur sastratégie. Dans un communiqué de presse diffuséen juin 2008, Universal Music, Warner Music etSony BMG, soutenues par des associations profes-sionnelles, appellent tout simplement au boycottagedu moteur de recherche par les annonceurs pour« riposter vigoureusement à Baidu, le plus impor-tant et plus incorrigible pourvoyeur de musique pi-ratée en Chine ». Car c’est bien le côté « incorrigible »de Baidu qui agace les majors : alors que le site af-fiche en première page un outil de recherche de fi-chiers MP3, destiné à faciliter le téléchargement demusique en ligne, Baidu se retranche derrière le faitqu’il n’offre qu’un service d’accès à des sites, quipeuvent être illégaux ou non. Il considère en consé-quence qu’il n’a pas à s’engager dans une politiquede non-référencement des sites illégaux pour luttercontre le piratage, ce qui bien évidemment dépré-cierait l’intérêt du service proposé aux nombreux in-ternautes tentés par le piratage.Outre les appels au boycottage, les trois majors ontégalement lancé une procédure à l’encontre du mo-teur de recherche chinois par l’intermédiaire de laFédération internationale de l’industrie phonogra-phique (IFPI). Une première plainte a été déposéeen avril 2008 à Pékin par l’IFPI, qui réclame500 000 yuans (72 000 dollars) de compensation

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Droit

En Europe

par titre piraté, une liste initiale de 127 titres ayantété fournie qui fait espérer à l’IFPI une amende deplus de 9 millions de dollars à l’encontre de Baidu.Et de nouvelles listes sont prêtes, qui atteignent environ250 000 titres. Reste à savoir qui, de l’appel au boy-cottage ou des tribunaux, pourra faire reculer le pi-ratage en Chine ou au moins imposer la prise encompte du respect des droits des auteurs sur Internet.

AJ

Source :- « L’industrie mondiale de la musique s’attaque au géant chinois Baidu »,

Yann Rousseau, Les Echos, 9 juin 2008.

La circulation des données personnellessur Internet au cœur de tous les débats

Google réduit de 18 à 9 mois la durée de stockageet Yahoo ! adopte le principe du opt-out. En Alle-magne, le gouvernement s’engage à mieux proté-ger les données personnelles.

Malgré les concessions récentes du moteur de re-cherche Google sur la durée de détention des logs deconnexion de ses utilisateurs, ramenée de 18 à9 mois (voir le n°6-7 de La revue européenne desmédias, printemps-été 2008), le G29 (comité des27 CNIL européennes) estime que d’autres progrèsdoivent être faits pour garantir les droits des inter-nautes. En effet, Google considère toujours que la loieuropéenne sur la protection des données ne lui estpas applicable, alors même qu'il dispose de serveurset d'établissements en Europe ; ce dernier considèreégalement que les adresses IP sont des donnéesconfidentielles, mais non personnelles, ce qui lui per-met d'éviter d'accorder certains droits à ses utilisateurs.Il est également reproché au moteur de recherche dene pas améliorer suffisamment ses mécanismesd'« anonymisation », ni ses conditions de recueil duconsentement des utilisateurs pour l'exploitation deleurs données à des fins de ciblage marketing.L’autre géant d’Internet Yahoo !, qui conserve les don-nées personnelles de ses utilisateurs pendant13 mois, quant à lui, a annoncé le 8 août 2008 qu’ilétait prêt à accorder davantage de possibilités decontrôle à ses clients sur leurs données personnellesen ligne, leur permettant notamment de refuser les pu-blicités ciblées grâce à une option dite opt out. Peu derisques cependant, pour ces géants du Web puisqueles statistiques montrent que cette option n’est choisieque par une minorité d’internautes, lorsqu’elle est déjà

disponible. Cette mesure a été prise par Yahoo !, l’undes premiers à réagir aux interrogations des parle-mentaires américains concernant les dérapages pos-sibles, en matière de conservation des donnéespersonnelles, parmi la trentaine de grands groupes In-ternet auxquels un courrier a été envoyé au cours del’été 2008 afin de connaître la nature des donnéesconservées, à quelles fins utiles et pour quelle durée.Et ces risques de dérapage, à n’en pas douter, sontbien réels.En atteste ce scandale révélé au mois d’août en Alle-magne, concernant des données informatiques confi-dentielles, y compris des numéros de comptesbancaires, de clients de Deutsche Telekom, acquisesillégalement contre le versement d’une certaine contri-bution financière. Ce trafic de données personnelless’appuierait en partie sur des « structures mafieuses »,selon le chef des services de la police criminelle alle-mande, et implique des sociétés de démarchage télé-phonique, sous-traitants, entre autres, du numéro uneuropéen des télécommunications. L’affaire a été dé-voilée par l’employé d’un centre d’appels télépho-niques qui a alerté l’Office de protection desconsommateurs en lui envoyant un CD comportant lesnoms, numéros de téléphone et références bancairesde 17 000 personnes. Ces centres d’appels télépho-niques, sous-traitant le service clientèle de grandesentreprises, compilaient des fichiers clients, revendusensuite illégalement, et même utilisés parfois, pour desprélèvements bancaires frauduleux. L’un des membresd’une organisation de protection de consommateursa réussi à acheter sur Internet 6 millions de donnéesconfidentielles, dont 4 millions de numéros decompte, pour seulement 850 euros.A la suite d’une réunion de crise, début septembre2008, à laquelle participaient les représentants desLänder et des experts, le gouvernement allemand s’estengagé à préparer une loi protégeant les données per-sonnelles. Ainsi, la diffusion et le commerce de cer-taines informations concernant les citoyens, sansl’autorisation explicite de ces derniers, pourraient êtreinterdits.Utilisées à des fins de ciblage marketing par les grandsgroupes Internet dont la valeur repose principalementsur leurs capacités à exploiter ces données, ou dé-tournées de manière illégale par des entreprises peuscrupuleuses, jamais les données personnelles n’ontautant circulé et, jamais, autant d’acteurs n’y ont euaccès aussi facilement. Tout cela souligne à quel pointil devient urgent de trouver un équilibre entre des mo-tivations juridiques, économiques et marketing sou-vent antagonistes, afin d’éviter de perdre la confiance

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des utilisateurs, fondement même du développementde la société de l’information. J-A FS

Sources :- « Yahoo ! permet de ne plus recevoir de publicité en ligne personnalisée »,

Michel Ktitareff, Les Echos, 11 août 2008.

- « Un trafic de données confidentielles fait scandale en Allemagne », Marie

de Vergès, Le Monde, 22 août 2008.

- « Le gouvernement allemand organise un sommet de crise sur la protec-

tion des données », Marie de Vergès, Le Monde, 27 août 2008.

- « L’Allemagne veut mieux protéger les données personnelles », La Croix,4 septembre 2008.

- « Respect de la vie privée : Google met de l’eau dans son vin », Emma-

nuel Grasland, Les Echos, 10 septembre 2008.

- « L’Allemagne cherche à lutter contre le trafic de données », Lorraine Ros-

signol, Le Monde, 21-22 septembre 2008.

France : la réforme du régime des archives

Après l’annonce d’une réforme du mode de finance-ment, en France, de l’audiovisuel public et avantl’organisation des Etats généraux de la presse, la loidu 15 juillet 2008 est venue assouplir les règlesconcernant les conditions d’accès aux archives pu-bliques.

En dépit des restrictions que, dans le souci affirmé deprotection de la vie privée et des droits des personnes,le Sénat avait, par voie d’amendements, tenté d’y in-troduire, suscitant de vives réactions des historiens etdes chercheurs, la loi du 15 juillet 2008 vise à as-souplir les conditions d’accès aux archives publiquespar la création notamment d’une catégorie d’archivesnon communicables parce que comportant des infor-mations relatives aux armes de destruction massive.A cette réserve près, les travaux historiques, la réali-sation de documentaires, le droit à l’information et lecontrôle démocratique de l’action des pouvoirs pu-blics, activités qui, toutes, se réalisent en ayant recoursaux médias, devraient ainsi en être grandement faci-lités.Initialement déterminé par une loi du 3 janvier 1979,le statut des archives est désormais l’objet du Livre IIdu code du patrimoine (C. patr.).L’article L. 211-2 dudit code pose que « la conserva-tion des archives est organisée dans l’intérêt public »notamment pour « la documentation historique de larecherche ». Cela vaut pour les archives publiquescomme pour les archives privées, soumises au de-meurant à un statut différent. L’essentiel des modifica-tions introduites par la loi nouvelle concerne le« régime de communication » des archives publiqueset particulièrement la détermination des délais à partir

desquels leur consultation est possible. Selon le dé-puté François Calvet, rapporteur du projet de loi à l’As-semblée nationale, « en raccourcissant les délais decommunication des documents », le texte nouveau« adapte la législation française à ce qui se fait dansla plupart des autres pays européens ».Le nouvel article L. 213-1 C. patr. pose pour principeque « les archives publiques sont […] communica-bles de plein droit ». Dans sa version antérieure, cemême article n’envisageait la communication immé-diate que des seuls documents administratifs, en ap-plication de la loi du 17 juillet 1978, et disposait que« tous les autres documents d’archives publiquespourront être consultés à l’expiration d’un délai detrente ans ou des délais spéciaux prévus » par l’arti-cle suivant. Sa nouvelle formulation fait disparaître cedélai général. En principe, les archives publiques sontdésormais immédiatement communicables… dèslors, du moins, que les documents en cause relèventde cette catégorie des archives, du fait, sans doute, deleur transfert dans un service d’archives, et que le pu-blic a connaissance de leur existence.Pour certaines archives publiques (dont la communi-cation porterait « atteinte au secret des délibérationsdu Gouvernement […] à la conduite des relations ex-térieures, à la monnaie et au crédit public […] au se-cret de la défense nationale, aux intérêtsfondamentaux de l’Etat dans la conduite de la poli-tique extérieure, à la sûreté de l’Etat, à la sécurité pu-blique […] à la protection de la vie privée », ou pourcelles « comportant des renseignements individuelsde caractère médical » ou bien celles relatives « auxenquêtes réalisées par les services de la police judi-ciaire » ou « aux affaires portées devant les juridic-tions »…), le nouvel article L. 213-2 C. patr. maintientdes délais spéciaux (25, 50, 75… ans) de commu-nication. Ceux-ci sont cependant généralement réduitspar rapport à ce qui était préalablement.A ces délais, l’article L. 213-3 C. patr. apporte des dé-rogations en posant que « l’autorisation de consulta-tion de documents d’archives publiques avantl’expiration des délais fixés […] peut être accordéeaux personnes qui en font la demande dans la mesureoù l’intérêt (essentiellement historique ou documen-taire) qui s’attache à la consultation de ces documentsne conduit pas à porter une atteinte excessive aux in-térêts que la loi a entendu protéger » et que« l’administration des archives peut également, aprèsaccord de l’autorité dont émanent les documents, dé-cider l’ouverture anticipée de fonds ou parties de fondsd’archives publiques ».A l’égard des faits du passé, dont la connaissance est

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Droit

En Europe

rendue possible par l’accès aux archives, commes’agissant d’événements plus actuels, un juste équili-bre est toujours difficile à trouver entre la liberté d’ex-pression et le droit à l’information, d’une part, et laprotection de certains intérêts individuels ou collectifs,d’autre part. Intervenant dans la détermination des ar-chives communicables ou non et des délais à res-pecter, la loi du 15 juillet 2008 va trop loin pourcertains, et pas assez pour d’autres. ED

Sources :- « Des historiens dénoncent un projet de loi visant à limiter l’accès aux ar-

chives », J. Birnbaum et N. Herzberg, Le Monde, 17 avril 2008.

« La nuit des archives. Le projet de loi en débat menace le travail des cher-

cheurs et des historiens », V. Duclert, Le Monde, 17 avril 2008.

« Les historiens se battent pour l’accès aux archives », D. Peiron, La Croix,29 avril 2008.

« Le gouvernement crée une catégorie d’archives "incommunicables"», Cl.

Fabre, Le Monde, 2 mai 2008.

« Réforme des archives », A. Chaminade, La Semaine Juridique, édition gé-nérale, Actualités n° 527, 3 septembre 2008.

�TechniquesSurfer sur le Net avec une télécommande

Au cours de l’édition 2008 de l’IFA, le salon del’électronique grand public de Berlin, les géants del’électronique ont présenté le téléviseur de demain.Cet appareil de salon qui, doté d’une connexion In-ternet, comme n’importe quel ordinateur, donneraaccès au Web avec une télécommande. Deuxconstructeurs européens, Philips et Loewe sontpresque prêts.

Entre le 29 août et le 30 septembre 2008, une soixan-taine de pays étaient présents au grand rendez-vousannuel des constructeurs d’électronique grand publicà Berlin, l’IFA (Internationale Funkaustellung). Au côtédes dernières innovations spectaculaires en matièred’écran (moins d’1 cm d’épaisseur pour Sony ou Phi-lips), d’économie d’énergie et d’adaptation à la lu-mière ambiante, la grande nouveauté de cette annéeest sans aucun doute l’écran connecté. La plupart desfabricants proposent d’accéder directement via un té-léviseur, grâce à une prise Ethernet, à des services enligne interactifs. La télécommande remplace la sou-ris, le « webspectateur » n’a plus qu’à cliquer sur desicones à l’écran pour consulter divers services de

météo, Bourse, jeux, information, réservation…Le japonais Panasonic, qui propose depuis le débutde l’année 2008 aux Etats-Unis un service d’IPTV avecGoogle, commercialisera son offre Viera Cast en Eu-rope en 2009. Panasonic a noué des partenariatsavec YouTube, avec Bloomberg pour les services d’in-formation boursière et avec Eurosport qui offrira no-tamment un service de vidéo à la demande en hautedéfinition. A ces contenus exclusifs et gratuits (pourles foyers déjà connectés) accompagnant l’achat d’untéléviseur avec connexion Internet, Panasonic envi-sage d’ajouter à l’avenir des services payants. Le fa-bricant sud-coréen Samsung, quant à lui, est présentsur le marché européen depuis septembre 2008 avecson offre Infolive associant Yahoo !. Relié à Internet parle système informatique domestique, le téléviseurSamsung peut donc servir à consulter des fichiersphoto, audio ou vidéo. En outre, une « librairie » per-met de télécharger divers contenus depuis le site Webdu constructeur.Côté européen, on en est encore au stade des proto-types. Philips a présenté à l’IFA sa Net TV, mais celle-ci ne sera pas commercialisée en Europe avant 2009.Elle fait l’objet de tests auprès de 250 foyers à Ams-terdam. Philips a d’ores et déjà noué des partenariatsavec Reuters, MeteoConsult, le logiciel de jeux FunS-pot, le site de films allemand Kino.de…Tout aussi confidentielle que révolutionnaire est l’in-vention du fabricant haut de gamme Loewe. L’alle-mand a révélé au salon IFA son premier prototype detéléviseur connecté couplé à un accès Internet« ouvert ». Le « webspectateur » pourra alors accéderà l’ensemble de la Toile, et non plus seulement à descontenus réservés, en utilisant une télécommandedotée d’un clavier alphanumérique.

Au Japon, l’IPTV est une réalité pour tous les grandsconstructeurs qui se sont réunis dans une joint-venture(coentreprise) baptisée Activila. Ils ont ainsi créé unportail, riche de plus de 80 programmes et services,y compris de vidéo à la demande, accessible directe-ment par un téléviseur, sans passer par une box ADSL.En Europe, les constructeurs d’électronique grand pu-blic arrivent timidement encore sur le marché de l’of-fre de contenus Internet, mais sans s’affranchir encoredes fournisseurs d’accès. FL

Sources :- « IFA 2008 : tendance "slim" et connexions tous azimuts », Olivier

Dumons, lemonde.fr, 6 septembre 2008.

- « IPTV : le poste de télévision veut aussi accéder au Net », Capucine

Cousin, Les Echos, 10 septembre 2008.

- « IFA 2008 : Philips Net TV », us.wannahaves.com

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TMP en Europe : les offres en DVB-H semultiplient

Après l’Italie, premier pays en Europe, la Suisse, laFinlande, l’Autriche, les Pays-Bas et l’Allemagne ontlancé leur offre de télévision mobile personnelle enmode DVB-H au printemps 2008, juste à tempspour l’Euro 2008 de football. Les Français, eux, de-vraient découvrir la TMP dans le courant de l’année2009.

L’Europe développe à son tour le marché de la télévi-sion mobile personnelle, après l’Asie, la Corée du Sudétant précurseur en 2005 avec 8,2 millions de télé-phones portables équipés de récepteur TV et le Japon,qui dénombre quelque 20 millions d’appareils. En Ita-lie, où la télévision mobile personnelle (TMP) a dé-buté en 2006, un million d’Italiens visionnent desprogrammes sur leur téléphone portable. Trois opéra-teurs se partagent le marché, 3 Italia, Telecom Italia etVodafone Italia. Filiale de l’opérateur hongkongais Hut-chison Whampoa, 3 Italia fut le premier à se lancer enEurope. Acteur européen de TMP le plus important, ilrecense près de 850 000 abonnés payants en sep-tembre 2008, soit 10 % de sa clientèle. Les « mo-bispectateurs » italiens ont accès à une dizaine dechaînes pour 19 euros par mois.

Jusqu’alors en Europe, à l’exception de l’Italie, les of-fres de télévision sur téléphone portable utilisaient lesréseaux de téléphonie mobile 3G, qui comportent deslimites techniques empêchant le développement del’offre télévisuelle, grosse consommatrice de débit.Contrairement à la transmission de point à point de latéléphonie mobile, le DVB-H, norme de diffusion hert-zienne, présente tous les avantages du mode broad-cast, la diffusion de masse et la qualité numérique.

Saisissant opportunément l’événement du Champion-nat d’Europe de football, plusieurs pays européens ontlancé leur offre TMP utilisant la norme DVB-H (DigitalVideo Broadcasting Handheld), que la Commissioneuropéenne a choisi de recommander (voir le n°2-3de La revue européenne des médias, printemps-été2007). En Suisse, l’opérateur Swisscom propose unbouquet de 20 chaînes payantes depuis le 13 mai2008, disponible sur les villes de Zurich, Berne, Lau-sanne, Genève et Bâle, ce qui équivaut à 37 % de lapopulation. En Finlande, l’opérateur Digita a obtenu lapremière licence de TMP en mode DVB-H, attribuéepour 20 ans, qui permettra de couvrir 70 % de la po-pulation. La première offre lancée en juin 2008 cou-

vre 30% de la population, sur la ville d’Helsinki et lescapitales régionales. En Autriche, trois opérateurs Mo-bilkom Austria, ONE et 3 Austria ont lancé la TMP surles villes de Vienne, Salzbourg, Innsbruck et Klagen-furt. Le réseau est opéré par une filiale de TDF, MediaBroadcast, qui devrait étendre le réseau à 50 % de lapopulation à la fin de l’année 2008. Aux Pays-Bas,c’est l’opérateur historique KPN qui propose depuis le5 juin 2008 un bouquet composé d’une dizaine dechaînes publiques et commerciales, facturé 10 eurospar mois, accessible sur 85 % du territoire et utilisantaussi la norme DVB-H. Cette offre devrait être complé-tée par un canal d’information en continu lancé parRTL ainsi que des chaînes thématiques. En août 2008,l’opérateur hollandais comptait plus de10 000 abonnés. Selon KPN, la commercialisation àgrande échelle prendra du temps, deux ans minimum.L’Allemagne, dès mai 2006 à l’occasion de la Coupedu monde de football, avait lancé une offre de TMP,« Watcha Mobile TV », en norme T-DMB, et le premierlancement de la TMP en DVB-H par l’opérateur MFDavait échoué faute de clients. Aujourd’hui, la situationsur le marché allemand semble incertaine, en raisondu désaccord entre les chaînes de télévision et lesopérateurs de télécom. En juin 2008, la société Mo-bile 3.0, regroupant les maisons d’édition Burda etHoltzbrinck ainsi que la société sud-africaine de mé-dias Naspers, a lancé un bouquet payant de neufchaînes de télévision et de trois radios comprenant lestélévisions publiques ARD, ZDF et les chaînes privéesRTL, ProSieben et Sat 1. Les premiers essais ont dé-buté le 1er juin 2008 dans les grandes villes et l’offredevrait être proposée sur une plus grande échelle pourla fin de l’année. Le projet, cependant, risqued’échouer. En effet, alors que la licence de diffusionMobile 3.0 avait été accordée, les opérateurs alle-mands de téléphonie mobile ont entre-temps décidéd’équiper leurs terminaux avec la norme DVB-T quipermet la réception de la TNT (télévision numériqueterrestre). Cette offre étant entièrement gratuite, ellepourrait fragiliser l’attrait pour la TMP en Allemagne.

En France, après une phase de test en 2005, suivied’une annonce de lancement en septembre 2007 àl’occasion de la Coupe du monde de rugby, le lance-ment de la TMP a été repoussé trois fois et devrait êtreeffectif au plus tard au second semestre 2009. D’oreset déjà, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a sélec-tionné, en mai 2008, treize chaînes parmi trente-cinqdossiers de candidature. Ce choix privilégie, d’unepart, une forme de continuité de service avec la reprisedes trois chaînes privées (TF1, M6 et Canal+) ainsi

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Techniques

En Europe

que trois chaînes publiques (France 2, France 3, Arte)et, d’autre part, deux thématiques grand public quesont l’information et le sport, à travers notamment deschaînes comme BFM TV et iTélé ou Eurosport etOrange Sport TV (déjà lancée en 3G depuisseptembre 2007). D’autres chaînes de la TNT ontété choisies : Direct 8, NRJ 12, NT1, Virgin 17 et W9.Le projet du producteur de cinéma Luc Besson (Euro-paCorp) a également été retenu. Les programmes pro-posés sont de format court, calibrés pour la mobilité.Il en coûtera entre 3 et 6 euros par mois au « mobi-spectateur ». Un nouvel appel à candidatures pourconstituer un second bouquet devrait être lancé en2009.On dénombrait près de 30 millions de téléspectateurssur téléphone portable dans le monde fin 2007, selonle cabinet d’études In-Sat, un chiffre qui aura doublé fin2008, grâce à la forte croissance du marché auJapon. Il existe de nombreuses normes différentes :DVB-H en Europe, MediaFlo aux Etats-Unis, ISDB-T auJapon, T-DMB en Corée du Sud, CMMB en Chine. FL

Sources :- « Réponses à la consultation publique du CSA », csa.fr, mars 2007.- « Treize chaînes pour lancer la télévision sur les mobiles », Paule Gonzales,Le Figaro, 28 mai 2008.- « KPN lance la télévision mobile aux Pays-Bas », Didier Burg, Les Echos,4 juin 2008.- « Regardez la télé sur votre portable », Kevin J. O’Brien, InternationalHerald Tribune in Courrier international, n°918, 5-11 juin 2008.- « Printemps 2009, la TMP en marche », tvnt.net, 16 juin 2008.- « Azzedine Boudguira, DiBcom, "2009 sera enfin l’année de la TV mobileen France" », Alexandre Habian, mobinaute.com, 6 août 2008.- « DiBcom a parié très tôt sur le démarrage de la TMP », E.P., Les Echos,16 septembre 2008.- telesatellite.com

�EconomieL’espagnol Planeta rachète Editis, numérodeux français de l’édition

Le rachat d’Editis, deuxième éditeur français, par legroupe catalan Planeta remodèle le paysage euro-péen de l’édition. Editis rejoint un groupe internationalspécialisé dans l’édition, qui devrait lui garantir desperspectives sur le long terme. De son côté, Planetarenforce ses positions sur le marché non hispano-phone, le groupe espagnol étant très présent en Amé-rique latine sans disposer de véritables ancragesdans le nord de l’Europe et les pays anglo-saxons.

Cédé par Vivendi au groupe Lagardère en 2003, Edi-tis sera resté un an dans les mains du leader françaisde l’édition, aussitôt contraint par Bruxelles de reven-dre 60 % des actifs acquis pour des raisons deconcurrence. En juin 2004, Editis était donc revenduà la société d’investissement de la famille Wendel pour660 millions d’euros, dont 180 millions d’euros ennuméraire, la différence étant financée par endette-ment. La famille Wendel se déclarait à l’époque « dansl’édition pour longtemps et pour y mener une politiquede leader », n’anticipant pas une vente à terme pourvaloriser son LBO (Leverage Buy Out). Mais les ten-sions financières de la société d’investissement, qui aengagé début 2008 plus de 5 milliards d’euros dansSaint Gobain, ont précipité la revente annoncée d’Edi-tis, devenue entre 2004 et 2008 un fleuron de l’édi-tion française.Dirigé par Alain Kouck, le deuxième groupe françaisd’édition, qui contrôle les éditions Plon, Robert Laffont,10/18, présent également dans l’éducation avec Na-than et Bordas, ainsi que dans les dictionnaires avecLe Robert, a multiplié les acquisitions en quatre anstout en renforçant ses performances financières. Ainsi,entre 2004 et 2007, Editis a accru son résultat d’ex-ploitation de 60 %. Le groupe affiche un résultat opé-rationnel de 93 millions d’euros en 2007 sur un chiffred’affaires de 760 millions d’euros. Pendant cettemême période, Editis aura réalisé sept acquisitions,se renforçant sur le marché français avec les éditionsXO ou Le Cherche Midi, et amorçant un début d’inter-nationalisation avec le rachat de l’éditeur belge deBoeck. Mais Editis reste d’abord un éditeur françaisqui peine à sortir de ses frontières : en mars 2007, iléchouait à racheter le néerlandais Wolters Kluwer, spé-cialisé dans l’édition scolaire, ce qui lui aurait permisde doubler sa taille et d’atteindre l’objectif d’un milliardd’euros de chiffre d’affaires fixé par Wendel pour pou-voir introduire le groupe en Bourse. A défaut d’une telleopération, la famille Wendel annonçait, le 21 avril2008, être entrée en négociations exclusives avec Pla-neta, le premier éditeur espagnol, pour la cessiond’Editis.Finalisée le 30 mai 2008 pour 1,026milliard d’euros,la cession d’Editis à Planeta a été bien accueillie, d’au-tant que le groupe espagnol a confirmé laisser enplace la direction actuelle et le siège de l’entreprise àParis. Le rachat, essentiellement financé par endette-ment, ne devrait pas donner lieu à des reventes d’ac-tifs, notamment les éditions scolaires Nathan etBordas : un dossier politiquement sensible. Aucontraire, les deux entités comptent multiplier lessynergies et jouer de leur complémentarité. Editis

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bénéficiera d’un relais sur le plan international et seradétenu par un groupe dont le cœur de métier est l’édi-tion. De son côté, Planeta entend s’appuyer sur Editispour se renforcer dans l’enseignement à distance (e-learning), secteur où l’éditeur français est bien posi-tionné, ainsi que sur le développement du numériquepour les livres et les encyclopédies. Enfin, l’acquisi-tion d’Editis par Planeta permet au groupe cataland’accélérer son développement à l’échelle internatio-nale.Planeta est le premier éditeur hispanophone aumonde, avec 1 milliard d’euros de chiffre d’affairesdans l’édition, pour un chiffre d’affaires total de2,5 milliards d’euros en 2007. Outre ses positions enEspagne, qui contribuent pour 70 % au chiffre d’af-faires généré par l’édition, Planeta s’est positionné surle marché latino-américain, qui contribue pour 20 %au chiffre d’affaires de l’édition, en Argentine, au Chili,au Mexique ou en Colombie, où Planeta contrôle legroupe El Tiempo, éditeur du quotidien du même nom.Planeta est également présent au Portugal et en Italie,deux pays qui contribuent pour 10 % au chiffre d’af-faires édition du groupe. Avec l’acquisition d’Editis,Planeta s’impose donc également en France et étendsa présence européenne. Au total, le nouvel ensemblegénérera un chiffre d’affaires d’un peu moins de 2 mil-liards d’euros dans l’édition, le positionnant commeun acteur majeur européen. Stratégique pour Planeta,cette course à la taille devrait lui donner les moyens depénétrer le marché anglo-saxon où Lagardère, autregéant français, est très présent, occupant respective-ment les première et cinquième places sur les mar-chés britannique et américain. Enfin, le développementde Planeta passe également par la diversification dansles autres médias, le groupe étant l’actionnaire de ré-férence, aux côtés de l’italien De Agostini, de la chaîneprivée espagnole Antenna 3, mais également un ac-teur central de la presse en Espagne avec le contrôledu quotidien La Razon, du journal catalan Avui et dugratuit ADN. AJ

Sources :- « Wendel choisit de vendre Editis à l’espagnol Planeta », Nathalie Silbert,

Les Echos, 22 avril 2008.

- « Editis passe sous pavillon espagnol », Sandrine Bajos, La Tribune, 22avril 2008.

- « L’espagnol Planeta rachète Editis », Marie-Laetitia Bonavita et Anne-Laure

Julien, Le Figaro, 22 avril 2008.

- « Planeta fait miroiter à Editis de nouvelles opportunités de développement »,

G.S., Les Echos, 23 avril 2008.

- « Planeta : Editis restera un éditeur français », interview de José Manuel

Lara, président du groupe Planeta, réalisée par Marie-Laetitia Bonavita,

Le Figaro, 23 avril 2008.

- « Nathan, Robert Laffont et Le Robert tombent dans l’escarcelle de Planeta »,

Alain Beuve-Méry, Le Monde, 23 avril 2008.

- « Planeta finalise le rachat d’Editis », La Correspondance de la presse,3 juin 2008.

Les encyclopédies papier migrent versInternet pour contrer Wikipedia

Le succès de Wikipedia, sa réactivité et sa gratuitécontraignent les éditeurs d’encyclopédies papier àmigrer vers Internet. Mais trouver le bon modèle éco-nomique, entre abonnement et financement publici-taire, reste difficile face à la gratuité du projetcollaboratif. En Grande-Bretagne, Britannica joue lacarte de l’audience qualifiée. En France, Larousseinnove avec l’encyclopédie à tout faire, cumulant ar-ticles labellisés, contributions et services sur l’ac-tualité.

Wikipedia, l’encyclopédie collaborative en ligne, lan-cée en 2001, perturbe par ses qualités et son succèsles anciens modèles de l’édition encyclopédique. Dé-sormais classée dans les dix sites les plus consultésau monde, Wikipedia revendiquait début 2008 plusde 2 millions d’articles dans sa version anglaise,700 000 articles dans sa version allemande et600 000 dans sa version française, ces trois languesétant les plus représentées. Sans juger de la rigueur etde l’exactitude des articles disponibles sur Wikipedia,l’atout principal de l’encyclopédie en ligne, outre lagratuité, est incontestablement son exhaustivité surtous les plans, qu’il s’agisse du nombre d’entrées ou,surtout, de l’actualisation permanente des articles per-mise par le système des contributions en ligne. Eneffet, alors qu’une édition papier est vite obsolète pourtous les articles traitant du monde contemporain, d’au-tant que le taux moyen de renouvellement d’un dic-tionnaire est de dix ans, Internet permet auxencyclopédies en ligne, à l’inverse, d’intégrer les der-nières nouvelles et de ne jamais être dépassées parl’actualité. Evolutions qui contraignent les éditeurs tra-ditionnels des encyclopédies papier à réagir, d’autantque Wikipedia vient même les concurrencer sur leurpropre terrain. Ainsi, le 23 avril 2008, le groupe alle-mand Bertelsmann a annoncé la publication, en sep-tembre 2008, d’une version papier de Wikipedia,laquelle comportera les 50 000 articles de l’ency-clopédie collaborative les plus consultés sur l’année2007-2008.

Pour répondre à la concurrence de Wikipedia, les édi-teurs transfèrent aujourd’hui leurs encyclopédies del’univers papier vers le numérique en espérant trouveren ligne à la fois de nouveaux lecteurs et un nouveau

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Economie

En Europe

modèle économique. Mais la gratuité en ligne pourl’accès aux contenus, ce que propose Wikipedia,constitue un véritable défi. En effet, l’élaboration et lacertification de l’information par des professionnels, etnon directement par les internautes, a un coût que laseule publicité aura du mal à financer. Reste donc àtrouver le bon modèle économique, les éditeurs mul-tipliant à ce jour les services tests, qu’il s’agisse d’im-poser le paiement en ligne pour l’accès à des contenuscertifiés, ou de miser sur une audience plus large pourrécupérer par la publicité les recettes traditionnellesperdues sur les ventes.En Grande-Bretagne, la très réputée encyclopédie Bri-tannica a décidé de jouer les deux cartes à la fois,celle de l’abonnement et celle de l’audience. Alorsqu’elle disposait déjà d’un site payant, Britannica alancé début 2008 un service baptisé BritannicaWebShare, qui offre à des blogueurs accrédités l’ac-cès gratuit et illimité aux 122 264 articles de la célè-bre encyclopédie, les incite à créer des liens vers cesmêmes articles, ensuite accessibles en ligne à tout in-ternaute moyennant l’affichage de publicité. La straté-gie de Britannica est double : être plus souvent citéepour être mieux référencée dans Google, toucher unpublic d’internautes via des blogueurs influents en es-pérant que, de la lecture d’un article unique, ces inter-nautes passeront à l’abonnement annuel àl’encyclopédie en ligne. De ce point de vue, BritannicaWebshare reste un service relativement fermé et peuinteractif : s’il permet de partager les articles de l’en-cyclopédie, donc d’augmenter l’audience en ligne deBritannica face à celle de Wikipedia en Grande-Bre-tagne, 184 fois plus élevée, Britannica Webshare nepermet pas de créer de nouveaux articles ni de lesmettre à jour, laissant ainsi à Wikepidia l’avantage dela réactivité et de l’actualisation permanente. A titred’exemple, en avril 2008, Wikipedia avait une entréepour le terme « Wifi », inconnu encore dans l’ency-clopédie Britannica.C’est d’ailleurs le vieillissement rapide des éditions pa-pier et le succès de Wikipedia, grâce à sa réactivité etses contributeurs, qui ont conduit les éditions Larousseà lancer, le 13 mai 2008, une encyclopédie en ligned’un genre nouveau, mêlant les 150 000 articles del’encyclopédie Larousse, avec leur label de qualité, àdes contributions d’internautes, qui viendront comblerles lacunes de l’édition papier en actualisant certainssujets. Ce souci de la réactivité se traduit aussi par leprojet de Larousse.fr d’associer à son encyclopédie enligne et aux articles de ses contributeurs, le tout enaccès gratuit, un zoom quotidien sur les sujets d’ac-tualité. Autrement dit, l’encyclopédie revendiquera à

terme une réactivité suffisante pour devenir un supportd’information, à mi-chemin entre le texte scientifique etles news du journaliste. D’autres éditeurs ont de leurcôté fait le choix du tout numérique, considérant àl’évidence que le papier n’est plus un support adaptépour les encyclopédies. Ainsi, Robert Laffont a an-noncé, en décembre 2007, que son encyclopédiecompacte, Le Quid, publiée depuis 32 ans en versionpapier, ne serait plus disponible qu’en ligne à partir de2008. AJ

Sources :- « Allemagne : bientôt une version papier de l’encyclopédie Wikipedia »,

AFP, tv5.org, 23 avril 2008.

- « Britannica sème à tout blog », Astrid Girardeau, Libération, 25 avril 2008.- « Larousse lance la première "encyclopédie contributive" sur Internet », AFP,

tv5.org, 13 mai 2008.

- « L’éditeur Larousse sur les pas de Wikipedia », Marie-Laetitia Bonavita,

Le Figaro, 14 mai 2008.

- « Wikipedia affiche 100millions de visiteurs uniques mensuels », Edouad

Laugier, Le Nouvel Economiste, 4-10 septembre 2008.

La presse quotidienne régionale poursuitson cycle de consolidation en France

Après une première vague de concentration en2007, les groupes de presse quotidienne régionalefrançaise poursuivent le mouvement de consolida-tion, souvent par absorption de titres n’ayant plusles moyens de financer leur développement, ainside la prise de contrôle de l’Est Républicain par leCrédit Mutuel et de l’Yonne Républicaine par legroupe Centre France.

La cession des Journaux du Midi par le groupe LeMonde et celle du pôle « sud » de Lagardère avaientredessiné la carte de la presse quotidienne régionalefrançaise à la fin 2007, faisant émerger, à côté dequelques titres indépendants et de quelques groupesfamiliaux, quatre grands groupes de presse quoti-dienne régionale, Est Bourgogne Rhône Alpes (EBRA),le Groupe Hersant Media, Ouest France et le GroupeSud Ouest (voir n°5 de La revue européenne des mé-dias, hiver 2007-2008). Néanmoins, les mouve-ments de restructuration et la consolidation du secteurse poursuivent. En effet, les besoins d’investissementnécessaires à la refonte des titres et à la mise en placede synergies industrielles pour la presse quotidiennerégionale conduisent petit à petit les titres sous-finan-cés à se faire absorber par ceux dont la structure fi-nancière est plus saine, annonçant la disparition àterme du capitalisme familial pour la presse quoti-dienne régionale.

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Les difficultés de l’Est Républicain, en perte sur 2007et cumulant près de 350 millions d’euros de dettes,ont ainsi permis au Crédit Mutuel, son financeur tradi-tionnel, de prendre le contrôle d’EBRA. La structure,créée en février 2006 à l’occasion du rachat du pôleRhône-Alpes de la Socpresse par l’Est Républicain,était contrôlée à 51% par l’Est Républicain et à 49%par le Crédit Mutuel. En transformant une dette de128 millions d’euros en augmentation de capital, leCrédit Mutuel a, de facto, pris le contrôle de l’Est Ré-publicain et de sa filiale EBRA au terme de l’assembléegénérale de l’Est Républicain le 27 juin 2008. Le Cré-dit Mutuel contrôle désormais 51% du capital de l’EstRépublicain. La famille Lignac, jusqu’ici majoritaire àl’Est Républicain, ne dispose plus que de 26 % ducapital et le Groupe Hersant Médias, qui avait acquisune minorité de blocage dans l’Est Républicain en1997, voit sa participation diluée, passant de 27 %à 17% du capital. N’ayant pas été consulté alors qu’ildispose d’un droit de préemption obtenu en 1997, legroupe Hersant Médias a déposé un recours contre laprise de contrôle de l’Est Républicain par le CréditMutuel.

Autre titre endetté, après deux exercices négatifs, lequotidien régional l’Yonne Républicaine a lui aussi étévictime de son insuffisance capitalistique. L’YonneRépublicaine, une des dernières sociétés coopérativesde production (SCOP) dans la presse, avec le CourrierPicard, n’avait plus les moyens de financer son plansocial, de mettre en service ses nouvelles imprime-ries, et risquait le dépôt de bilan, avant que le groupeCentre France ne lui fasse une offre ferme de reprise.La proposition a toutefois été assortie d’un préalable :la dissolution de la SCOP et une prise de contrôle ef-fective du capital de l’Yonne Républicaine par legroupe Centre France. Le 16 juin 2008, le comitéd’entreprise de l’Yonne Républicaine émettait un avisfavorable sur le projet, entériné définitivement lors deson assemblée générale le 5 juillet 2008. Une fois laSCOP dissoute et l’Yonne Républicaine transformée ensociété anonyme, Centre France en rachètera les titresà hauteur au moins de 85 %, autorisant les salariésà conserver 15 % du capital. L’Yonne Républicaineviendra ainsi renforcer le pôle « centre » composéde La Montagne, du Journal du Centre, qui sera àterme imprimé dans les imprimeries de l’Yonne Répu-blicaine, le Populaire du Centre et le Berry Républicain.

AJ

Sources :- « Le CE de l’Yonne Républicaine favorable à l’offre de Centre France », AFP,tv5.org, 16 juin 2008.

- « Centre France se gave dans l’Yonne », Grégory Marin, L’Humanité,19 juin 2008.- « Le Crédit Mutuel se renforce dans les journaux de l’est de la France », N.S.,Les Echos, 26 juin 2008.

- « Le Crédit Mutuel prend le contrôle du groupe de presse régionale EBRA »,

Pascale Santi, Le Monde, 28 juin 2008.

- « Hersant annonce des recours contre la prise de contrôle d’ER par le Cré-

dit Mutuel », AFP, tv5.org , 30 juin 2008.

- « Le banco régional du Crédit Mutuel », Thomas Calinon, Libération, 30 juin2008.

- « Les salariés de l’Yonne Républicaine acceptent l’offre de rachat du GroupeLa Montagne – Centre France et abandonnent le statut de Société coopéra-

tive », La Correspondance de la presse, 7 juillet 2008.

Cinéma européen : les coproductions réa-lisent de meilleures performances que lesfilms nationaux

Les films qui font l’objet d’une coproduction entreplusieurs Etats européens se vendent mieux que lesfilms nationaux produits en Europe, selon une étudede l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA)présentée au Forum du Conseil de l’Europe sur lespolitiques cinématographiques, à Cracovie, en sep-tembre 2008.

L’étude de l’OEA, basée sur un échantillon de5 400 films sortis en salle dans 20 marchés euro-péens entre 2001 et 2007, analyse la circulation et lesperformances des coproductions européennes, tout àla fois à l’intérieur et à l’extérieur des marchés natio-naux. Ainsi, l’OEA dresse trois constats. Premièrement,les coproductions européennes sont distribuées dansau moins deux fois plus de pays que les films natio-naux : 77 % des coproductions sortent en salle dansau moins un marché non national contre 33 % pourles films nationaux. Deuxièmement, les coproductionscomptabilisent également 2,7 fois plus d’entrées queles films nationaux. Et, surtout, troisième constat, ellesréalisent plus d’entrées dans les pays qui n’ont pasparticipé au financement de leur production : « Les en-trées non nationales représentent 41 % du nombred’entrées totales pour les coproductions, en compa-raison des 15 % pour les films entièrement natio-naux ».

L’OEA explique en partie le plus grand succès des co-productions, comparées aux films nationaux, par desbudgets plus importants et donc une qualité de pro-duction supérieure, ensuite par un meilleur accès auxdiffuseurs et distributeurs internationaux, et enfin pardes sujets dont la notoriété dépasse les frontières.L’étude précise également qu’une distribution des rôlesbien équilibrée entre acteurs nationaux et acteurs in-

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Economie

En Europe

ternationaux facilite le succès des coproductions endehors des pays producteurs.Créé depuis plus de quinze ans, le programme MEDIAde soutien à l’industrie audiovisuelle européenne a étédoté en 2007 de plus de 750 millions d’euros pourune période de sept ans. Chaque année, près de300 films européens en bénéficient, ainsi qu’une cin-quantaine de films européens distribués en dehors deleur pays d’origine.Un nouveau plan baptisé MEDIA Mundus, visant à dé-velopper la coopération avec des pays tiers (hors Eu-rope), afin d’y augmenter la part de marché des filmseuropéens, et réciproquement, investira 60 millionsd’euros à partir de 2011. L’objectif est en fait de contrerl’hégémonie américaine en favorisant les échanges defilms et en assurant une meilleure distribution en Eu-rope comme dans les pays tiers privilégiés, notam-ment le Canada, l’Australie, le Japon, l’Inde ou laChine. FL

Sources :- « The circulation of European co-productions and entirely national films in

Europe », Martin Kanzler in collaboration with Susan Newman-Baudais and

André Lange, European Audiovisual observatory, august 2008.

- « L’UE compte remettre en question la règle hollywoodienne », euractiv.com,

11 juin 2008.

- « Selon une étude, les coproductions européennes réussissent mieux »,

euractiv.com, 16 septembre 2008.

Tandis que le cinéma roumain triomphe àl’étranger, les salles du pays se vident

Avec à peine un peu plus de 0,1 billet de cinémavendu en moyenne par an et par habitant -soit envi-ron 30 fois moins qu’en France- la Roumanie est, sta-tistiquement, l’un des pays les moins cinéphilesd’Europe. Une tendance qui ne cesse de s’aggraverpuisque la fréquentation des salles a diminué d’untiers en quatre ans, passant de 4 millions et demi despectateurs en 2003 à moins de 3 millions en 2007.Dans le même temps, les cinéastes roumains triom-phent dans les festivals du monde entier avec, en pointd’orgue, la Palme d’Or obtenue à Cannes en 2007par Cristian Mungiu pour son film Quatre mois, troissemaines et deux jours. Comme le déclarait récem-ment à l’AFP Radu Mihaileanu, réalisateur françaisd'origine roumaine : « C'est vraiment un paradoxe, lescinéastes roumains sont primés à l'étranger et le pu-blic du monde entier va voir leurs films, sauf en Rou-manie ».Cette baisse de fréquentation s’accompagne de nom-breuses fermetures de salles de cinéma. Le pays n’en

compte plus que 70 -pour 22 millions d’habitants-tandis qu’il y en avait encore près de 200 il y a qua-tre ans. Elles sont, de plus, souvent dans un état pi-toyable. Au cours des quatre dernières années, seulsles multiplexes se sont développés passant de 8 à 11,tandis que les salles indépendantes disparaissaientprogressivement et que les cinémas de campagne fer-maient les uns après les autres, conduisant à uneconcentration des salles dans les cinq plus grandesvilles du pays. Ainsi, Cristian Mungiu a été contraitd’organiser en 2007 une caravane itinérante pourpouvoir présenter son film dans les campagnes rou-maines, alors qu’il venait d’être primé à Cannes. PB

Source :- « Le paradoxe du cinéma roumain : succès à l’étranger et salles vides

dans le pays », Anca Teodorescu, AFP, fr.news.yahoo.com, 4 octobre 2008.

Après son OPA réussie sur sa filiale Soge-cable, Prisa procède à une restructurationde ses activités audiovisuelles

Le succès de l’OPA de Prisa sur sa filiale Sogecablepermet au premier éditeur de presse espagnol de serenforcer dans l’audiovisuel en intégrant à terme unpôle qui lui sera réservé à côté des activités de presse.D’un autre côté, ce succès a alourdi la dette du groupequi, en se restructurant, devra céder certains actifs, no-tamment la chaîne payante Digital+, en difficulté etmoins stratégique pour Prisa.

Prisa, le premier groupe de presse espagnol, éditeurdu quotidien El Pais, présent au capital du Monde àhauteur de 15 %, se transforme progressivement envéritable acteur plurimédia, spécialement avec le dé-veloppement d’un pôle audiovisuel intégré à côté desactivités de presse. Ainsi, alors que Prisa détenaitdébut décembre 2007 47,08 % du capital de Soge-cable, l’éditeur espagnol de la chaîne en clair Cuatroet de la chaîne à péage Digital+, le groupe annonçaitle 20 décembre 2007 détenir 50,03 % du capital deSogecable après le rachat d’une participation minori-taire. Le même jour, Prisa lançait une offre publiqued’achat (OPA) sur le reste du capital de sa filiale. Avecune offre à 27,98 euros par action, l’OPA de Prisa va-lorisait Sogecable à 3,87 milliards d’euros, unesomme importante qui pèse aujourd’hui dans lescomptes de Prisa.En effet, l’OPA a été couronnée de succès. Contre touteattente, le 9 mai 2008, l’opérateur espagnol de télé-communications Telefonica, deuxième actionnaire deSogecable avec une participation de 16,79 %, an-

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nonçait la cession de ses parts à Prisa pour650 millions d’euros. Le 13 mai 2008, l’autorité es-pagnole des marchés (CNMV) confirmait que Prisacontrôlait 97,7 % du capital de Sogecable. Au final,l’OPA aura coûté près de 2 milliards d’euros à Prisa,creusant le déficit du groupe à 4,9 milliards d’euros.Depuis, le groupe cherche à diminuer sa dette, prochede 5 milliards d’euros, tout en préparant l’intégrationde Sogecable dans son périmètre. Le 20 mai 2008,Prisa se séparait de trois immeubles, dont le sièged’El Pais, afin de récupérer des liquidités. Enfin, l’inté-gration et la restructuration des activités audiovisuellesde Sogecable doit permettre à Prisa d’établir des « al-liances stratégiques » dans le domaine audiovisuel,voire de décider de la vente de certains actifs. Le22 mai 2008, le directeur général de Prisa, Juan LuisCebrian, confirmait étudier la vente de Digital+, l’acti-vité de télévision payante de Sogecable. En effet, lachaîne cryptée, née en 2003 de la fusion de Via Digi-tal et de Canal Satellite Espagne, n’est jamais parve-nue à véritablement s’imposer dans le paysageespagnol, où les téléspectateurs sont peu enclins àpayer pour la télévision. Ainsi, le parc d’abonnés deDigital+ est passé d’un maximum de 2,5 millions à 2millions d’abonnés actuellement, tendance qui risquede s’accentuer avec la perte des droits de retransmis-sion du football au profit de Mediapro (voir n° 4 de Larevue européenne des médias, automne 2007).Certes leader de la télévision payante en Espagne, Di-gital+ perd cependant des parts de marché face à sesnouveaux concurrents, Ono et Telefonica, dont le tauxde recrutement de nouveaux abonnés, respectivement43 % et 30 %, est largement supérieur aux 6 % deDigital+. Enfin, Digital+ doit désormais faire face à uneconcurrence nouvelle, la chaîne Gol TV, lancée parMediapro le 20 septembre 2008 et consacrée exclu-sivement au football.Reste donc à trouver une bonne valorisation pour lacession de Digital+, Prisa misant sur 3,85 milliardsd’euros, malgré des perspectives de développementlimitées pour la chaîne. A ce jour, Rupert Murdoch etVivendi, les deux poids lourds de la télévision payanteen Europe, auraient fait une offre, ainsi que Telecinco,détenu à 50 % par Mediaset, Telefonica ou encoreFrance Télécom.A l’inverse de Digital+, les activités de production au-diovisuelle de Sogecable et la performante chaîne enclair Cuatro, avec une part d’audience de 13,1 %conquise en trois ans, devraient intégrer Prisa commefer de lance du nouveau pôle audiovisuel. La restruc-turation des activités a déjà commencée. Le 23 mai2008, la filière production faisait l’objet d’un premier

mouvement de concentration interne. Pour 50 millionsd’euros, Grupo Media Capital, filiale de production au-diovisuelle de Prisa au Portugal, prenait le contrôledes activités espagnoles de production de Sogecable,regroupées dans Plural Entertainment Espana. AJ

Sources :- « Prisa lance une OPA sur le solde du capital de Sogecable », LesEchos.fr,

20 décembre 2007.

- « Prisa envisage une fusion avec Sogacble », G.S., Les Echos, 13 mai

2008.

- « Prisa détient plus de 98% de Sogecable à l’issue de son OPA », La Cor-respondance de la presse, 14 mai 2008.

- « Prisa va étudier la vente éventuelle de la télé payante Digital+, de sa fi-

liale Sogacable », La Correspondance de la presse, 26 mai 2008.

- « Le groupe espagnol Prisa va vendre Digital Plus », Thierry Maliniak,

La Tribune, 26 mai 2008.

- « Digital Plus suscite les convoitises », Thierry Maliniak, La Tribune, 8 juil-

let 2008.

- « Bataille en Espagne autour du prix de vente de Digital Plus », Thierry Ma-

liniak, La Tribune, 18 septembre 2008

- « Espagne : Gol TV défie Digital+ sur le terrain du football à péage », Gilles

Sengès, Les Echos, 23 septembre 2008.

- « Prisa valorise sa filiale Digital+ à 3,85 milliards d’euros », La Corres-pondance de la presse, 26 septembre 2008.

News Corp. en position pour prendre lecontrôle total de la chaîne allemande Pre-miere

Après s’être encore renforcé au capital de Premiere,News Corp. a obtenu de la Commission européennel’autorisation sous condition de prendre le contrôle dela chaîne à péage.

Après avoir franchi la barre des 20 % de capital dansPremiere (voir n° 6-7 de La revue européenne des mé-dias, printemps–été 2008), condition sine qua nond’une prise de contrôle effective de la chaîne à péage,News Corp. a multiplié les initiatives pour se mettre ensituation de prendre le contrôle total du leader de latélévision payante en Allemagne. Le 5 mai 2008, laCommission européenne précisait avoir reçu notifica-tion « d’un projet de concentration par lequel l’entre-prise News Corporation acquiert le contrôle del’ensemble de l’entreprise Premiere AG par achat d’ac-tions ». La notion de « contrôle », initialement présen-tée par Rupert Murdoch, PDG de News Corp., commela volonté d’exercer une influence significative sur Pre-miere, pourrait toutefois signifier qu’une prise decontrôle de la totalité du capital est envisageable, aucas où News Corp. souhaiterait intégrer complètementla chaîne cryptée allemande dans son pôle européende télévision payante par satellite.

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Economie

En Europe

Dans cette éventualité, News Corp. proposait débutjuin 2008 à la Commission européenne une séried’aménagements, afin d’éviter une enquête approfon-die des autorités de concurrence. Alors que la Com-mission européenne devait se prononcer initialementle 11 juin 2008, la phase d’examen de l’opération aété reportée jusqu’au 25 juin 2008, date à laquelle lesservices européens de la concurrence ont finalementautorisé sous condition la prise de contrôle de Pre-miere par News Corp.

Afin d’éviter que l’opération ne renforce la position dePremiere sur le marché allemand de la télévision àpéage, la Commission européenne a pris acte de l’en-gagement de News Corp. de garantir l’accès des tiersà la plate-forme technique de Premiere, une neutralitétechnologique déjà effective en Allemagne où lesabonnés de Premiere peuvent, avec leur décodeur, re-cevoir également des chaînes concurrentes. Cet en-gagement interdit donc à News Corp. de calquer sur lesystème de diffusion de Premiere sa technologie decryptage, utilisée pour ses autres plates-formes euro-péennes et développée par sa filiale NDS Group. Laquestion pourrait avoir de l’importance en cas de prisede contrôle de la totalité du capital de Premiere parNews Corp., si la chaîne allemande devait être intégréeaux activités européennes du groupe. Reste que NewsCorp. poursuit sa montée au capital de Premiere. Le19 mai 2008, le groupe annonçait être passé de22,7 % à 25,01 % du capital de la chaîne à péage.Par ailleurs, le limogeage du patron de Premiere,Michael Börnicke, en septembre 2008, et son rem-placement par le directeur financier de News Corp.pour l’Europe et l’Asie, Mark Williams, pourraient an-noncer à terme une prise de contrôle définitive deNews Corp. sur Premiere. Au début du mois d’octobre2008, le nouveau PDG fait état de pertes brutes d’unmontant compris entre 40 et 70 millions d’euros. Ildévoile en même temps qu’un million d’abonnés ontété comptabilisés par erreur. La chaîne doit ainsi ob-tenir l’accord de ses banques afin d’échelonner lepaiement de sa dette, dans cette période de crise fi-nancière inaugurée par la chute mondiale desBourses, le 15 septembre 2008. AJ

Sources :- « News Corp. accroît sa participation dans Premier AG à 25,01% »,

La Correspondance de la presse, 20 mai 2008.

- « Prise de contrôle de Premiere : News Corp. propose des aménagements

à Bruxelles », La Correspondance de la presse, 6 juin 2008.

- « L’Union européenne autorise sous conditions News Corp. à prendre le

contrôle de Premiere », La Correspondance de la presse, 26 juin 2008.

- « L’ombre de Murdoch plane sur la télévision à péage en Europe », N.S.,

Les Echos, 1er juillet 2008.

- « Lemagnat desmédias resserre son étreinte sur Premiere », Karl de Meyer,

Les Echos, 12 septembre 2008.

- « Premiere révèle 1 million d’abonnés fantômes et plonge en Bourse »,

Karl de Meyer, Les Echos, 6 octobre 2008.

France Télécom ou le retour de la conver-gence

L’achat d’une partie des droits de retransmission de laLigue de football par France Télécom a constitué lepremier pas d’une stratégie qui ajoute au métier del’opérateur de réseaux celui d’éditeur de chaînes, letout au nom d’une nouvelle forme de convergence.Avec l’acquisition quelques mois plus tard des droitsd’une partie des catalogues de Warner, HBO et Gau-mont, s’est confirmée la stratégie qui devrait voir naî-tre fin 2008 un nouveau bouquet de chaînes payantesen France, édité et détenu par Orange, réservé en ex-clusivité à ses abonnés. Une stratégie qui pourrait sou-lever des problèmes de concurrence et suscite à coupsûr les inquiétudes du leader français de la télévisionpayante, le groupe Canal+.

Après avoir emporté en février 2008 trois des douzelots de l’appel d’offres de la Ligue de football profes-sionnel (voir n° 6-7 de La revue européenne des mé-dias, printemps-été 2008), France Télécom aconfirmé se positionner comme éditeur de contenusen plus de ses activités d’opérateur de télécommuni-cations, les deux métiers étant désormais présentéscomme complémentaires. Autant dire que FranceTélécom joue la carte de la convergence, paradigmede l’économie des réseaux à la fin des années 1990,qui a été une première fois battu en brèche par l’ex-plosion de la bulle spéculative au printemps 2000 etl’échec des deux plus importantes opérations entre-prises en son nom, d’une part la fusion AOL-TimeWarner et d’autre part la constitution d’un groupe in-tégré de communication par Vivendi avec le rachat deSeagram et des actifs d’Universal.

Ce « retour de la convergence » s’incarne dans la stra-tégie déployée par Didier Lombard, arrivé à la tête deFrance Télécom en 2005. Il s’explique essentiellementpar deux raisons, une première liée à l’évolution destechnologies et de leurs capacités, qui modifie en pro-fondeur le métier d’opérateur de télécommunications,une seconde liée à la spécificité du marché françaisdes contenus, contrôlé intégralement pour ses exclu-sivités en accès payant par Canal+ depuis la fusion dubouquet avec son concurrent TPS en 2004.

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La « convergence » et l’univers de l’usager

Pilotée par Didier Lombard, la réorganisation deFrance Télécom en entreprise convergente a débutévéritablement en 2006. Afin de proposer à ses clientsà travers le monde une offre unique d’accès à des ser-vices et contenus, la marque Orange, utilisée alorsdans la téléphonie mobile, a été poussée commemarque de référence du groupe pour regrouper toutesles offres sous une même appellation. Comme a pul’être l’étendard Vivendi à sa création, Orange s’im-pose désormais comme unique bannière pour les of-fres de l’opérateur de télécommunications, qu’ils’agisse de la téléphonie mobile, de l’accès à Internet,de ses chaînes de télévision ou encore de ses servicesen ligne. Seules les activités françaises de téléphoniefixe sont encore commercialisées sous la marqueFrance Télécom, avec 55 millions de clients, maiselles doivent être intégrées à terme dans l’offre globaleOrange, qui coiffera alors les 115 millions de clientsde l’opérateur dans le monde.A la stratégie de marque s’est également superposéeune stratégie de leadership technologique sur les ré-seaux de communication, même si France Télécom alongtemps freiné l’essor de l’Internet en France enmaintenant la facturation au temps de consommation.Mais, passé 2003 et les premières offres d’accès hautdébit illimitées, Orange a multiplié les innovations.Premier groupe mondial de télécommunications à lan-cer la télévision par ADSL, avec l’offre TPSL en dé-cembre 2003, Orange a également poussé les offrestriple puis quadruple play en France, avec son télé-phone Unik (voir le n°0 de La revue européenne desmédias, hiver 2006). Le groupe promeut l’Internet mo-bile en ayant l’obtenu l’exclusivité de la commerciali-sation de l’iPhone en France (voir infra) et développeaujourd’hui une offre de télévision liée à une offre d’ac-cès, première mondiale pour un opérateur de télé-communications.L’objectif est tout simplement d’inventer la télévisiondu futur en structurant le marché par l’éducation desinternautes, en imposant de nouveaux usages enligne. Pour Didier Lombard, la banalisation de l’accèsavec le développement de l’Internet haut débit, de l’In-ternet mobile, des terminaux de communication, as-sociée à terme avec l’arrivée du très haut débit grâceà la fibre optique, fragilise les opérateurs de télécom-munications sur leur cœur de métier, l’exploitationd’une infrastructure. En effet, le consommateur ne payeplus pour l’accès, mais pour des services. Habitué àêtre connecté partout et à tout moment, il exige uneubiquité du réseau pour y déployer son activité en

ligne, à tel point que la technologie, pour être adoptée,doit s’effacer au profit des usages. Or, en matièred’usages, les internautes plébiscitent d’abord les ser-vices proposés par Google, Yahoo ! ou encore Micro-soft, générant un trafic considérable dont les revenuséchappent aux opérateurs. A l’inverse, avec la télévi-sion par ADSL et la distribution de bouquets dechaînes, les opérateurs de réseaux récupèrent une par-tie du coût du service facturé, ce qui n’est pas le casavec des services comme YouTube, site d’échange devidéos, ou encore la messagerie instantanée de Mi-crosoft qui, avec la banalisation des chats vidéo, aug-mente exponentiellement la consommation en bandepassante.D’où le constat de Didier Lombard : alors que les be-soins en bande passante augmentent, que les opéra-teurs doivent investir massivement dans ledéveloppement d’une infrastructure en fibre optiquepour offrir le très haut débit au plus grand nombre,alors qu’une partie des recettes de l’Internet échappecomplètement aux opérateurs, il est nécessaire d’in-verser cette tendance en associant aux réseaux deFrance Télécom des contenus que d’autres ne peuventproposer. Il s’agit tout à la fois de fidéliser son parcd’abonnés, d’en recruter de nouveaux, et d’inciter lesabonnés Orange à consommer de la bande passantepour accéder à des contenus sur lesquels Orange peutespérer à terme générer une marge, que ce soit grâceà des services payants ou à la publicité.De ce point de vue, le contrôle des réseaux est au-jourd’hui un atout en ce qu’il permet de valoriser lescontenus en les « poussant » sur tous les terminauxet sur les différents réseaux d’accès de son parcd’abonnés. Mais sans contenus contrôlés en propre,l’efficacité des réseaux bénéficie uniquement auxgéants de l’Internet. Or, pour Didier Lombard, il n’est« pas question de construire des autoroutes pour queseules des voitures californiennes aillent rouler des-sus », d’où la stratégie de France Télécom en matièred’acquisition de contenus et de constitution d’une offreexclusive, mais également la cohérence de son dis-cours, quand l’opérateur déclare agir ainsi pour pré-server son cœur de métier face à Google et Microsoft,plutôt que de chercher à s’imposer face à Canal+ etson offre de télévision payante.

Une stratégie d’acquisition de contenus exclusifs

Reste pourtant que la constitution d’une offre de conte-nus exclusifs par France Télécom, notamment en ma-tière audiovisuelle, annonce une confrontation avecCanal+ et le groupe Vivendi, également concurrent de

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Economie

En Europe

l’opérateur historique sur l’accès à Internet et la télé-phonie mobile. La concurrence entre les deux groupespour l’achat des droits les plus prisés est apparue augrand jour à l’occasion de l’appel d’offres de la Liguede football professionnel (LFP) pour les saisons2008-2012, au terme duquel France Télécom s’estemparé de trois lots pour 203 millions d’euros : lematch du samedi soir en exclusivité, jusqu’ici détenupar Canal+, le lot du magazine à la demande et lesdroits de retransmission des matchs sur les mobiles.La concurrence sur le marché des droits s’est encoreprécisée avec l’annonce par Orange, le 7 avril 2007,d’un investissement, estimé aux alentours de 100mil-lions d’euros, pour l’achat de droits cinéma et sériesauprès des grands producteurs, clients traditionnelsde Canal+, HBO et Warner aux Etats-Unis, Gaumonten France, mais également le producteur français Fi-délité, Orange s’étant engagé auprès de ce dernier àpréacheter tous ses films en exclusivité. Cette stratégiemenace à l’évidence Canal+, au moins parce qu’elleannonce une inflation des droits cinématographiques,notamment quand la chaîne devra renégocier ses ac-cords pluriannuels avec les studios américains. Eneffet, depuis sa fusion avec TPS début 2007, Canal+bénéficie d’un monopole sur la télévision payante quilui a permis de constituer dans de bonnes conditionsune offre de films exclusive, à tel point qu’aujourd’huiCanal+ se targue d’offrir à ses abonnés « 95 % desfilms français et 90 % des films américains en exclu-sivité », selon les propos de son PDG, Bertrand Méheut.Or, c’est justement la mainmise de Canal+ sur lescontenus qui a motivé la stratégie d’Orange. A la suitede la fusion entre CanalSat et TPS, Orange a prisconscience de sa dépendance vis-à-vis de Canal+pour son approvisionnement en programmes, alorsque le groupe travaillait d’abord avec TPS. Ce senti-ment s’est encore renforcé avec le retrait de la chaîneInfosport, détenue par Canal+, de l’offre de chaînesdiffusée par Orange, ce qui a conduit en 2007 l’opé-rateur à initier sa stratégie volontariste de productionde contenus et d’édition de chaînes, une premièremondiale pour un opérateur. En septembre 2007,Orange lançait sa chaîne Orange Sport après avoircréé quelques mois plus tôt sa propre filiale de pro-duction de films, Studio 37. Avec l’achat des droits dufootball et les contrats passés auprès de Warner, HBOet Gaumont, l’offre va désormais s’étoffer pour deve-nir un véritable bouquet.Comme pour Orange Sport, disponible auprès desabonnés d’Orange en IPTV et sur mobile, et pour toutinternaute sur le site d’Orange, les nouvelles chaînesseront d’abord accessibles sur tous les supports, télé-

vision, Internet, mobile. Lancée le 9 août 2008 pourle début du championnat de football, la chaîne OrangeFoot est accessible pour 6 euros par mois aux abon-nés de l’opérateur sur Internet et sur la TV d’Orange,une autre offre au même tarif étant proposée sur lesmobiles, l’opérateur n’ayant pas la possibilité de com-mercialiser une offre unique sur tous supports sauf àenfreindre les règles de la concurrence.Enfin, les droits achetés auprès de HBO, Warner etGaumont permettront à Orange de lancer quelque sixchaînes de cinéma avant la fin 2008, une offre bap-tisée Orange cinéma séries. L’offre de chaînes, an-noncée à moins de 15 euros, devra toutefois passer,avant son lancement commercial, l’étape du conven-tionnement par le Conseil supérieur de l’audiovisuel(CSA), une procédure qui risque d’être difficile. Leschaînes Orange ne seront en effet conventionnéesqu’une fois un accord conclu entre Orange et les or-ganisations représentatives du cinéma qui espèrent unmontant garanti d’investissement dans la création dela part d’Orange de 60 à 80 millions d’euros annuels,ce qui est à coup sûr dissuasif pour Orange.Cette étape franchie et les chaînes lancées, resteraalors à l’opérateur d’imposer une nouvelle façon deregarder la télévision, où la valorisation des contenuspar le réseau compte autant que les contenus eux-mêmes, où le medium équivaut en importance straté-gique au média.

De l’accès au réseau à l’accès aux contenus : unenouvelle donne pour la distribution audiovisuelle

Plus que l’achat de droits et la sécurisation de sescontenus, Orange menace d’abord Canal+ en inno-vant dans sa stratégie de distribution des contenus,fondée sur son métier d’opérateur, tout autant que parla politique tarifaire que le groupe pratique pour sescontenus. En effet, Orange reste avant tout un opéra-teur de réseaux qui cherche à valoriser son offre d’ac-cès. Lors de l’assemblée générale de France Télécomen mai 2008, Didier Lombard a d’ailleurs précisé àses actionnaires qu’il ne changeait pas de métiermais, au contraire, qu’il achetait « les meilleurs conte-nus pour valoriser ses réseaux », convaincu que lesclients s’abonnent et restent fidèles à leur opérateur« en fonction des chaînes de télévision disponibles,des jeux », et non plus en fonction des débits dispo-nibles. Autant dire que les investissements dans lescontenus « peuvent être considérés comme des fraiscommerciaux », stratégie qui dérange Canal+, Orangecommercialisant ses contenus à bas coût, comparéà un abonnement à la chaîne cryptée.

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Cette stratégie est en effet étrangère à l’univers de la té-lévision payante, qui commercialise d’abord deschaînes et des programmes, quel que soit le supportde diffusion et le prestataire technique pour la distri-bution, quand il faut à l’inverse être un client d’Orangepour le mobile ou l’Internet avant de pouvoir accéderà l’offre de contenus audiovisuels proposée par l’opé-rateur. Les chaînes d’Orange ont donc pour cible leseul parc d’abonnés Orange, qu’il s’agisse de sesabonnés ADSL ou mobile. Pour étendre sa couverturegéographique en triple play auprès de ses 7,6 millionsd’abonnés Internet, dont seulement la moitié peut bé-néficier de débits supportant l’IPTV, Orange a d’ailleurslancé, le 3 juillet 2008, une offre de télévision par sa-tellite, relayée par Eutelsat, qui n’a pas pour vocationd’offrir les chaînes Orange par satellite à toute per-sonne le souhaitant, mais seulement aux abonnésADSL d’Orange qui ne peuvent bénéficier de l’IPTV. Au-tant dire que l’offre satellite n’est là que pour valoriserle réseau de l’opérateur dans les zones où l’ADSL estmoins performant, permettant ainsi de couvrir au total98 % de la population française en offres triple play,donc 98 % de la population susceptible de souscrired’abord une offre d’accès pour avoir ensuite une offrede contenus exclusive.Cette stratégie, qui couple offre d’accès et offre decontenus, cette dernière étant annoncée à bon mar-ché, 6 euros pour Orange Foot et près de 15 eurospour les six chaînes cinéma, n’est pas sans risquespour l’économie générale de la télévision payante quia besoin d’amortir les coûts des programmes sur leplus grand nombre possible d’abonnés. Aussi, dès lespremières indications sur le coût des offres Orange,Bertrand Méheut, PDG de Canal+, constatait-il que« certains prix peuvent ne pas être réalistes à moins deles sponsoriser avec une autre activité ». En juin 2008,Jean-Bernard Lévy, PDG de Vivendi, demandait doncque « les activités contenus de l’opérateur soient filia-lisées sans délai et que ses comptes soient audités etpubliés », en espérant probablement prouver ainsiqu’Orange cherche à tuer la concurrence en investis-sant le marché à perte.Enfin, allié à Free, Vivendi, par l’intermédiaire de NeufCegetel, a cherché à briser la stratégie d’Orange baséesur le couplage de l’offre ADSL et de l’offre de conte-nus. Après avoir demandé à Orange de pouvoir distri-buer Orange Foot sur le réseau ADSL, une demanderestée sans réponse, Free et Neuf Cegetel ont saisi finjuin 2008 le tribunal de commerce de Paris pourconcurrence déloyale, considérant que l’offre OrangeFoot, exclusive pour les clients ADSL de France Télé-com, constitue une « vente subordonnée » interdite par

le code de la consommation. Cette considérationn’apas été reconnue par les juges, le tribunal de com-merce de Paris ayant considéré que l’offre d’accès etl’offre de football constituent « un produit unique et in-dissociable », essentiellement pour des raisons tech-niques et parce qu’Orange Foot n’est pas une simplechaîne, mais d’abord une offre déclinée sur plusieurssupports, télévision, Internet et mobile. Free a cepen-dant fait appel de cette décision.Outre la bataille judiciaire qui s’annonce, la stratégied’Orange pourrait paradoxalement susciter l’inquiétudedes détenteurs de droits, qu’elle a pourtant favorisés enranimant la concurrence pour les droits du football oules films et séries en exclusivité. En effet, la valeur desdroits étant liée à l’attractivité des programmes, un mi-nimum d’audience est requis pour maintenir l’en-gouement autour de certains programmes,notamment pour le football, sans quoi le sport perdraitde sa valeur commerciale. Or, la stratégie de distribu-tion exclusive d’Orange conduit, de facto, à une res-triction de l’exposition des images qui pourrait à termeinquiéter les clubs de football. Ainsi, selon le quotidienL’Equipe, Rennes – OM, le premier match diffusé parOrange Sport, le samedi 9 août, pour l’ouverture duchampionnat, aurait été vu par seulement14 000 abonnés, c’est-à-dire moins que le nombrede spectateurs dans le stade, une équation intenableà terme, alors que la diffusion des matchs sur Canal+attirait en moyenne 1,3 million d’abonnés. AJ

Sources :- « Avec Didier Lombard, France Télécom passe à l’Orange », Florence Puy-

bareau, La Tribune, 4 avril 2008.

- « Les contenus sont l’oxygène de nos réseaux », interview de Didier Lom-

bard par Jean-Christophe Féraud, Frédéric Schaeffer et Guillaume de Cali-

gnon, Les Echos, 7 avril 2008.

- « Au Festival de Cannes, Orange pousse Canal+ dans ses retranchements

», Guy Dutheil, Le Monde, 15 mai 2008.

- « Orange lancera sa télévision par satellite au début du mois de juillet »,

G.C., Les Echos, 20 mai 2008.

- « Orange et Canal+ désormais en guerre ouverte », Enguérand Renault,

Le Figaro, 24 – 25 mai 2008.

- « Didier Lombard : France Télécom ne change pas de métier », G.C.,

Les Echos, 28 mai 2008.

- « Free et Neuf Cegetel n’empêcheront pas le lancement d’Orange Foot »,

Jamal Henni, Les Echos, 2 juillet 2008.

- « Canal+ reproche à Orange ses pubs "mensongères" sur le foot », G.C.,

Les Echos, 10 juillet 2008.

- « Orange fait son entrée dans le monde du football », P.G., Le Figaro, 8 août2008.

- « Canal+ veut élargir la gamme de ses programmes », Paule Gonzalès,

Le Figaro, 28 août 2008.

- « Orange prend la place de Canal Plus à Deauville », I.R., La Tribune,1er septembre 2008.

- « Négociations difficiles entre Orange et le cinéma », Enguérand Renault,

Le Figaro, 29 septembre 2008.

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Economie

En Europe

Droits du football : des images de la Bun-desligua et de la Champions Ligue enclair en Allemagne, Sogecable résisteface à Mediapro en Espagne, Belgacomconserve la Ligue 1 en Belgique, le ma-gazine dominical italien toujours en clair

Partout en Europe, groupes audiovisuels et de télé-communications se battent pour l’acquisition desdroits du football afin de disposer de contenus exclu-sifs et de justifier souvent le coût des abonnementsdemandés pour l’accès aux chaînes payantes. Cettelutte se joue au détriment des chaînes en clair, qui nepeuvent amortir l’achat des droits avec la seule publi-cité, relançant le débat sur le droit d’accès gratuit auximages du football.

Inquiétés par le rachat des droits de la Bundesliga parLeo Kirch, tenté de les commercialiser auprès desseules chaînes payantes (voir n° 6-7 de La revue eu-ropéenne des médias, printemps-été 2008), les Alle-mands peuvent être rassurés sur l’accès aux imagesen clair des matchs de la Ligue 1 allemande de foot-ball. En effet, alors que le Bundeskartellamt, l’autoritéallemande de concurrence, avait à se prononcer sur laprise de contrôle par Sirius, la société de Leo Kirch, dela totalité des droits de retransmission de la Bundes-liga, pour les commercialiser ensuite auprès deschaînes, le débat allemand sur l’accès aux images duchampionnat aura été entendu : le Bundeskartellamt aen effet autorisé l’opération sous conditions, imposantque les téléspectateurs aient accès sur les chaînes gra-tuites aux extraits les plus importants des matchs àun horaire « proche » de celui de leur diffusion en di-rect sur les chaînes payantes, soit avant 20 heures lesamedi soir, les matchs de la Bundesliga se jouant lesamedi après-midi. Cette décision dévalorise de faitles droits acquis par Leo Kirch, qui s’était engagé àverser 500 millions d’euros par saison à la Fédéra-tion allemande des clubs de la Bundesliga (DFL) enéchange d’une garantie d’exclusivité pour la diffusiondes matchs et d’un report en fin de soirée de l’accèsen clair aux images du championnat. La décision duBundeskartellamt, en dénonçant une partie des rela-tions contractuelles entre la DLF et Sirius et notammentla garantie d’exclusivité, a finalement conduit la DLF àmettre fin, le 25 septembre 2008, au contrat avec LéoKirch tout en annonçant la reprise de la commerciali-sation par ses propres soins des droits de la Bundesliga.

Outre les extraits en clair le samedi soir, les Allemandsdevraient également pouvoir regarder en clair quelque

17 matchs de la Ligue des champions et 29 matchsde la Coupe de l’UEFA, les droits ayant été acquis parSat.1, la chaîne gratuite leader du groupe ProSieben-sat.1. Le reste des matchs de la Ligue des championset de la Coupe de l’UEFA sera diffusé sur Premiere, quia obtenu les droits réservés aux chaînes payantes. Lachaîne, qui avait perdu les droits de la Bundeslingaau profit d’Arena en 2005, peut ainsi réaffirmer sa stra-tégie axée sur le football, en attendant de savoir cequ’il en sera des conditions d’accès aux matchs de laBundesliga pour les saisons 2009-2015.En Espagne aussi, les acteurs de l’audiovisuel les plusimportants continuent de se mobiliser autour des droitsde retransmission des matchs de football. Alors quel’affrontement sur le contrôle des droits de la Ligue 1entre les groupes Sogecable et Mediapro a finalementtourné à l’avantage de Mediapro (voir n° 4 de La revueeuropéenne des médias, automne 2007), les com-pétitions sportives internationales sont désormais l’en-jeu de la lutte entre les deux grands groupesaudiovisuels privés espagnols.Après avoir diffusé l’Euro 2008 sur TV Cuatro, legroupe Sogecable a perdu au profit de Mediapro unepartie des droits qu’il contrôlait sur les matchs inter-nationaux. En effet, le 11 juillet 2008, Mediapro et laRTVE, la télévision publique espagnole, ont annoncéavoir obtenu les droits de diffusion de la Ligue deschampions pour les saisons 2009-2012 pour unmontant estimé à 85 millions d’euros. La RTVE diffu-sera sur sa chaîne TVE1 le match de premier choix dumardi soir, la FORTA (Fédération des stations de télé-vision et de radio régionales) le match de premierchoix du mercredi soir, enfin Mediapro diffusera en di-rect tous les autres matchs pour la télévision payante.Pour les précédentes saisons, les matchs de premierchoix des mardis et mercredis étaient diffusés par An-tena 3 et Canal+, ce dernier faisant partie de Sogeca-ble, et par la plate-forme Digital+ de Sogecable pourl’ensemble des autres rencontres en direct. Alors quele football espagnol, jusqu’ici contrôlé exclusivementpar Sogecable, est en train de changer de mains, So-gecable a toutefois pu se rassurer en annonçant, le5 août 2008, avoir acquis les droits de retransmis-sion du mondial 2010 en Afrique du Sud.En Belgique en revanche, le statu quo est maintenuau prix d’une hausse importante des coût des droits dediffusion du football : après s’être emparé une premièrefois des droits de la Ligue 1 de football pour les sai-sons 2005-2008, l’opérateur de télécommunicationsBelgacom a de nouveau obtenu, le 3 juin 2008, lesdroits de diffusion de la première division de footballpour les saisons 2008-2011. Mais Belgacom a dû

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cette fois-ci proposer 44,7 millions d’euros par sai-son, contre 36 millions d’euros par saison lors du pré-cédent appel d’offres, soit une inflation des coûts de25%. La facture sera toutefois allégée dans la mesureoù Belgacom, qui diffuse les matchs sur sa chaînepayante en ligne Belgacom TV, a d’ores et déjà an-noncé un partenariat avec les chaînes publiques VRTpour la partie néerlandophone et RTBF pour la partiefrancophone du pays, lesquelles diffuseront en clairles résumés et les magazines de la Ligue 1.Les Italiens, à l’instar de leurs voisins allemands, ontconnu eux aussi une période d’inquiétude sur la pos-sibilité ou non d’accéder à des images en clair duchampionnat national de football, le Calcio. Alors quela Ligue nationale des clubs souhaitait augmenter lemontant des doits perçus sur les magazines en clairdu dimanche soir pour les prochaines saisons, elle adû faire face à des propositions en retrait des chaînesgratuites. En effet, si le Calcio se négocie à prix fortpour la diffusion des matchs sur les chaînes payantes,soit sur Sky, soit sur Mediaset Premium, les imagespour les magazines en clair du dimanche soir ont étévictimes des stratégies de réduction des coûts deschaînes généralistes, notamment de la part de la RAI.Cette dernière a proposé à la Ligue 20 millions d’eu-ros par an pour les extraits de ses magazines du di-manche soir et les droits radio sur le championnat, unchiffre que la Ligue nationale des clubs a refusé, pré-cisant qu’elle touchait l’année précédente 70 millionsd’euros pour ces mêmes droits. En définitive, c’estseulement une journée avant la reprise du champion-nat qu’un accord a été trouvé, sous la pression dugouvernement, pour un montant total de 27,5 millionsd’euros pour la saison 2008-2009 et 28 millionsd’euros pour la saison 2009-2010. S’il permet auxItaliens de conserver des images du Calcio en clair,l’accord, favorable à la RAI, risque toutefois de mena-cer à terme l’accès en clair aux images des matchs eninfléchissant la stratégie de la Ligue, déjà tentée decéder aux chaînes payantes les droits des magazinesdu dimanche soir pour augmenter le montant desdroits perçus. AJ

Sources :- « Football : Belgacom décroche les droits TV de la D1 belge pour trois ans »,

AFP, tv5.org, 3 juin 2008

- « Allemagne – Ligue des champions : Sat.1 et Premiere s’adjugent les

droits », AFP, tv5.org, 19 juin 2008

- « Espagne : la télévision publique TVE et Mediapro s’adjugent les droits de

la Ligue des champions pour les saisons 2009 à 2012 », La Correspon-dance de la presse, 15 juillet 2008.

- « Feu vert en Allemagne au contrôle des droits TV du foot par Leo Kirch »,

AFP, tv5.org, 17 juillet 2008.

- « Prisa s’accorde un bol d’air financier en trouvant un accord avec ses ac-

tionnaires », Gilles Sengès, Les Echos, 22 juillet 2008.

- « Mondial 2010 – Espagne : Sogecable acquiert les droits de retransmis-

sion », AFP, tv5.org, 5 août 2008

- « Italie : le football restera transmis en clair », M.-L.C., Les Echos,1er septembre 2008.

- « Droits TV : les clubs de la Bundesliga vont rompre le contrat avec Leo

Kirch », Thomas SChnee, CBNews, 17 septembre 2008.

La Pologne mise enfin sur Internet

Développer l’accès à Internet est une priorité du nou-veau gouvernement de Donald Tusk, qui entend luttercontre la « fracture numérique » qui place le pays enqueue de peloton européen en ce qui concerne l’équi-pement informatique. Le gouvernement entend lancerun plan en deux temps. Il s’agira tout d’abord de fa-voriser l’accès aux connexions de haut débit pour lesparticuliers et notamment les collégiens, avec un pro-gramme baptisé « un ordinateur par élève ». L’ambi-tion est de faire de la Pologne un pays phare del’économie numérique, au moment où Varsovie pren-dra pour la première fois de son histoire la présidencede l’Union européenne en 2011. La ville de Lodz serala première à lancer, dès 2009, le Wi-Fi gratuit pourtous. Dans le même temps, Zoliborz, un quartier deVarsovie, suivra l’exemple, avant que les connexionsgratuites sans fil et de haut débit ne se généralisent àl’ensemble de la capitale polonaise en 2010 pour uncoût total de 11 millions d’euros pris en charge par lamunicipalité.Dans un second temps, le gouvernement prévoit demettre l’accent sur les contenus avec une politiqued’investissement radicale. Près de 4 milliards d’eurosdevraient être, par exemple, investis dans des créa-tions et modernisation de services publics en ligne.Enfin, Bill Gates, lui-même, a promis d’y contribuer enaidant les bibliothèques à s’équiper d’ordinateurs etde connexions Internet permettant d’emprunter des li-vres en ligne. PB

Sources :- news.poland.com

- Brèves audiovisuelles polonaises, service de coopération audiovisuelle de

l’Ambassade de France en Pologne, juillet 2008.

Apple lance l’iPhone 3G et autorise lesubventionnement de ses terminaux enEurope

Avec la première génération d’iPhone, Apple aura tentéd’imposer un nouveau modèle économique aux opé-

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Economie

En Europe

rateurs de télécommunications, notamment euro-péens, basé sur le partage des revenus, l’interdictiondes subventions et l’exclusivité pour le distributeur. Lesventes décevantes en Europe auront toutefois conduitApple à faire marche arrière pour le lancement del’iPhone 3G, qui est subventionné et vise un marchéde masse, alors même que l’univers des téléphonesintelligents a longtemps été réservé au seul marchéprofessionnel.

Après avoir vendu 3,6 millions d’iPhone en 2007,Apple espère atteindre ses objectifs de 10 millionsd’iPhone vendus dans le monde fin 2008. Pour cela,le groupe s’appuie sur la nouvelle version de l’iPhone,adaptée à l’Internet mobile, et opère un changement destratégie dans la commercialisation de l’iPhone. Eneffet, la stratégie initiale de commercialisation exclu-sive de l’iPhone par un opérateur, si elle a permis d’at-teindre les objectifs de vente aux Etats-Unis, où lesconsommateurs sont habitués à acheter leur téléphonemobile sans qu’il soit subventionné par un opérateur,n’a pas, en revanche, été un succès en Europe. Lesconsommateurs européens ont été dissuadés par lestarifs de l’iPhone de première génération, 399 euros enFrance, préférant les modèles subventionnés de laconcurrence. Ainsi, en France, Orange n’avait venduque 100 000 iPhone de première génération à fin juin2008. Pour inverser cette tendance et atteindre ses ob-jectifs, Apple a donc dû revoir sa stratégie de distribu-tion exclusive, sans subventionnement, avecreversement par l’opérateur bénéficiant de l’exclusivitéd’un pourcentage des revenus générés par les com-munications depuis l’iPhone.

iPhone de première génération : Apple abandonnela distribution exclusive et l’interdiction de subven-tionnement

L’abandon du principe de l’exclusivité a été officialiséle 6 juin 2008 quand Apple a autorisé à la fois Voda-fone et Telecom Italia à distribuer l’iPhone en Italie. Acette première entorse au modèle initial de commer-cialisation (voir n°4 de La revue européenne des mé-dias, automne 2007) s’est ajoutée rapidementl’autorisation de subventionner l’iPhone. Ainsi, T-Mo-bile ou Orange ont écoulé de nombreux iPhone de pre-mière génération à 99 euros, contre 399 eurosinitialement, sur la fin du premier semestre 2008.Enfin, pour atteindre ses objectifs de vente, Apple amultiplié les lancements dans de nouveaux pays ens’appuyant sur les opérateurs de télécommunicationsinternationaux après avoir attribué en Europe la

commercialisation de l’iPhone principalement auxchampions nationaux, Orange en France, O2 auRoyaume-Uni, T-Mobile en Allemagne, Telefonica enEspagne, ou encore TeliaSonera dans les pays nor-diques et baltes. Ainsi, alors qu’O2 distribue l’iPhoneau Royaume-Uni, c’est Vodafone qui a été sélectionnépour la distribution de l’iPhone à travers dix pays, dontl’Inde, la Turquie ou encore l’Italie. Orange, distribu-teur exclusif en France de l’iPhone, bénéficie égale-ment d’un accord de commercialisation àl’international pour l’Autriche, la Belgique, l’Egypte, laJordanie, la Pologne, le Portugal, la République do-minicaine, la Roumanie, la Slovaquie, la Suisse et lesmarchés africains. Après l’Italie, et par le recouvrementdes zones de distribution des opérateurs internatio-naux, l’exclusivité de la commercialisation de l’iPhonepar un opérateur est donc tombée aussi pour le Por-tugal, la Suisse, les Indiens, les Egyptiens et les Aus-traliens. Seuls les pays ayant bénéficié des premièrescommercialisations exclusives, comme la France,voient le statu quo maintenu, l’accord entre Apple etOrange pour l’Hexagone courant jusqu’à fin 2010.

Une stratégie confirmée avec le lancement del’iPhone 3G

Avec le lancement, le 11 juillet aux Etats-Unis et enEurope, le 17 juillet en France, de la nouvelle versionde l’iPhone, dotée d’une puce 3G et d’un GPRS, Applea confirmé l’évolution de sa stratégie en abandonnantla distribution exclusive et en autorisant le subven-tionnement des terminaux par les opérateurs. Encontrepartie du subventionnement et de la fin des ex-clusivités, Apple renonce au pourcentage qui lui étaitreversé sur les communications des utilisateurs del’iPhone. Pour compenser cette perte, Apple devradonc vendre plus d’iPhone 3G, ce que corrobore sastratégie de distribution à l’échelle internationale,l’iPhone 3G devant être distribué dans 70 pays avantla fin de l’année 2008, contre 6 pays pour la premièreversion, et pour une somme en phase avec le marchédes téléphones haut de gamme, soit 199 dollars auxEtats-Unis ou 149 euros en France, dans la mêmegamme de prix que ses concurrents Nokia, LG, HTCou Samsung.Pour l’iPhone 3G, la France est un cas à part, l’opé-rateur Orange conservant l’exclusivité de la distribu-tion et un prix de vente relativement élevé. A l’inverse,au Royaume-Uni, l’iPhone est offert aux clients d’O2qui s’engagent pour un abonnement mensuel de 45 li-vres sur plus de 18 mois. Il suffit d’1 euro en Alle-magne pour disposer d’un iPhone 3G chez T-Mobile

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avec un forfait de 69 euros mensuels sur 24 mois.L’iPhone reste donc élitiste par les forfaits à acquitter.En acceptant le subventionnement, à l’instar des au-tres constructeurs, Apple compte sur l’effet volume etdevrait passer le cap des 10 millions d’unités venduesà fin 2008.En effet, en jouant la carte du marché de masse,l’iPhone 3G entre véritablement en concurrence avecles mobiles intelligents ou smartphones, ceux connec-tés à Internet qui permettent d’accéder aux e-mails(courriels). Sur ce marché, initialement réservé auxprofessionnels, Apple occupait la troisième place aupremier trimestre 2008 selon le cabinet Gartner, avec5,3 % des ventes mondiales, contre 45,2 % pourNokia et 13,4 % pour le BlackBerry de Research inMotion.Avec l’iPhone 3G, optimisé pour la navigation sur In-ternet, désormais compatible avec Microsoft Ex-change, le système de Microsoft de synchronisationdes réceptions des mails PC et mobile, un systèmequi a fait le succès du BlackBerry, Apple devrait par-venir à gagner des parts de marché face à ses concur-rents. Ainsi, à fin 2008, selon le cabinet StrategyAnalitics, Apple devrait détenir 6,8% du marché mon-dial des smartphones, derrière Nokia (55,1 %) et leBlackBerry (12,2 %), ce dernier perdant des parts demarché.En s’adressant par ailleurs au grand public, avec no-tamment des jeux et des services en ligne ainsi quel’accès aux sites communautaires comme MySPace,ce qui n’est pas le cas du BlackBerry, Apple devrait enoutre banaliser l’utilisation du smartphone à des finsnon professionnelles et contribuer au renouvellementdu marché de l’Internet mobile.

Cette évolution des smartphones vers un marché demasse, non professionnel, s’est traduite dans lesventes de l’iPhone 3G dès le premier mois de sa com-mercialisation : alors qu’Orange avait peiné à écouler100 000 exemplaires de la première version del’iPhone, le groupe est parvenu à vendre quelque134 000 exemplaires de l’iPhone 3G entre le17 juillet et fin août 2008, même si la moitié desventes correspond à des remplacements d’iPhone depremière génération. Et les nouveaux utilisateurs del’iPhone 3G s’avèrent échanger en ligne deux fois plusde données, soit 100 mégaoctets en moyenne par uti-lisateur en août 2008, que l’utilisateur moyen desmartphone. Apple serait-il en train de réussir son parid’imposer l’Internet mobile dans le paysage des com-munications grâce à un terminal adapté, comme a pul’être l’iPod pour le téléchargement légal de musiqueen ligne ? AJ

Sources :- « iPhone : Apple abandonne le principe de l’exclusivité à un opérateur »,

G.C., Les Echos, 7 mai 2008.

- « Orange distribuera l’iPhone dans une dizaine de pays », D.C.,

19 mai 2008.

- « Orange décroche l’iPhone pour une quinzaine de pays », G.C., Les Echos,19 mai 2008.

- « TeliaSonera va vendre l’iPhone dans les pays nordiques et baltes »,

Les Echos, 28 mai 2008.

- « Apple : un nouvel iPhone deux fois moins cher », M.C., Le Figaro,10 juin 2008.

- « Apple relance l’iPhone en cassant les prix », Guillaume de Calignon,

Les Echos, 11 juin 2008.

- « T-Mobile vendra l’iPhone à 1 euro à ses bons clients », G.C., Les Echos,17 juin 2008.

- « Avec l’iPhone 3G, Apple part à l’assaut du marché mobile grand pu-

blic », Delphine Cluny, La Tribune, 11 juillet 2008.

- « Plus de 110 000 iPhone 3G vendus en France », Delphine Cluny,

La Tribune, 1er septembre 2008.

- « La machine iPhone commence à engranger », G.F., Challenges,11 septembre 2008.

�UsagesAudiovisuel extérieur de la France : une ré-forme en cours

Des travaux de la Cour des comptes, présentés enjuillet 2008 et repris dans le rapport d’informationdu député Patrice Martin-Lalande pour la commis-sion des finances de l’Assemblée nationale, établis-sent un diagnostic très critique de la politiqueaudiovisuelle extérieure de la France, dénonçant lesdéfauts du système et l’échec des réformes succes-sives. Un an après l’annonce du projet de réorgani-sation de l’audiovisuel extérieur, une société holdinga bien été constituée, mais celle-ci n’a pas encore lecontrôle effectif des trois médias concernés,TV5Monde, RFI et France 24. TV5Monde reste uncas à part, et la reprise par l’Etat de la participationde TF1 dans la chaîne France 24 fait toujours l’ob-jet de négociations.

Quatre rapports nouveaux

La Cour des comptes a publié quatre rapports sur lessociétés de l’audiovisuel extérieur : France 24, RFI,TV5Monde et la banque de programmes Canal Franceinternational (CFI). En présentant ces travaux devantla commission des finances de l’Assemblée nationale,le 22 juillet 2008, le président de la 3e chambre de la

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Usages

En Europe

Cour des comptes, Jean Picq, énonce : « La chertéd’une politique ne garantit pas la richesse d’une so-ciété ». Incluant les travaux de la Cour des comptesdans son rapport d’information sur l’audiovisuel exté-rieur de la France pour la commission des financesde l’Assemblée nationale, le député Patrice Martin-Lalande souligne la convergence de leurs constatsrespectifs : « une déficience stratégique d’ensemble etun pilotage défaillant des opérateurs audiovisuels ».Cette stratégie poursuivie « entre instabilité et incohé-rence » s’illustre notamment par une multiplication desstructures, doublée d’une insuffisance des ressources.« L’Etat a mal calibré les moyens financiers mis à dis-position de l’audiovisuel extérieur » : l’augmentationconstatée de 31 % des crédits accordés à l’audiovi-suel extérieur entre 2002 et 2007, pour atteindre281 millions d’euros, correspond à la création de lanouvelle chaîne d’information France 24, et non à unemanne supplémentaire pour RFI, CFI et TV5, dont lesfinancements publics ont peu progressé au cours decette période, respectivement +4,4 %, -11,4 % et+6,9 % en euros constants.L’appréciation des résultats est délicate, voire impos-sible. CFI, RFI et TV5 consacrent moins de 1 % deleurs ressources à la mesure d’audience. Dans le rap-port qu’elle a consacré à TV5, la Cour des comptesexplique que les performances de la chaîne en termesd’audience sont évaluées à partir de deux indicateurs :d’un côté, l’audience potentielle (le nombre de télé-spectateurs initialisés) qui correspond à l’extensionmondiale de son offre de programmes et de l’autre,l’audience réelle, qui fait l’objet d’une mesure effectiveen Europe uniquement. Pour les autres régions dumonde, ce sont les résultats de la mesure de l’au-dience de la chaîne dans une cinquantaine de villes,au rythme de six à huit fois par an, qui servent de baseà l’extrapolation des résultats. Selon la Cour descomptes, le fait que l’audience potentielle de TV5 pro-gresse plus vite que son audience effective en Europedémontre la nécessité d’une « politique plus cibléed’indentification de ses publics ».Quant au pilotage des acteurs, il ressort des enquêtesmenées par la Cour des comptes que les objectifs as-signés aux sociétés de l’audiovisuel extérieur françaisont été « insuffisamment précis et parfois contradic-toires ». Les travaux de la Cour des comptes révèlentque la société de programme RFI a pâti de la dualitéde tutelle de la direction du développement des médias(DDM) et de la direction de l’action audiovisuelle ex-térieure du ministère des affaires étrangères et, parconséquent, de la dualité de son financement, qui re-lève à la fois du Quai d’Orsay et de l’affectation d’une

partie du produit de la redevance audiovisuelle.« La double tutelle s’est avérée inefficace et paraly-sante, rendant impossible la mise au point d’uncontrat d’objectifs et de moyens (COM), pourtant obli-gatoire ». RFI est aujourd’hui la seule entreprise del’audiovisuel public dans ce cas. « RFI a ainsi fait l’ob-jet d’une moindre attention des pouvoirs publics alorsqu’elle était la société de l’audiovisuel extérieur dontla situation appelait les arbitrages les plus nécessairesde leur part ». A RFI, les tensions sociales sont trèsfortes et la direction est appelée à négocier en perma-nence avec les syndicats.

Concernant TV5, la Cour des comptes souligne no-tamment la contradiction jugée majeure, résultant dudéveloppement de l’information sur la chaîne, alorsmême qu’était prise la décision d’en lancer une nou-velle, spécialement consacrée à l’information interna-tionale, fin 2004. Les dirigeants de la chaîne commeson ministère de tutelle ont permis l’accroissement del’offre d’information, jusqu’à un tiers de la grille entre2002 et 2005, faisant de TV5 « un modèle inédit de"chaîne info/généraliste" ». Si la chaîne a enregistréune hausse de son audience, la masse salariale de sarédaction a augmenté de 60 %. Cette tendance de laprogrammation s’est inversée en 2007, sans pour au-tant que le budget de l’information (10millions d’euros)diminue sensiblement.

Le mode de financement de France 24 est jugé« baroque » par le député P. Martin-Lalande. Le bud-get et l’intégralité des risques financiers sont assuméspar l’Etat. Pourtant, la chaîne a été créée par une so-ciété privée, détenue à parité par un actionnaire pu-blic, France Télévisions, et un actionnaire privé, TF1,et régie par un pacte d’actionnaires leur conférant unpouvoir de codécision. Le montage de la société est telque ses actionnaires n’encourent aucun risque finan-cier réel. L’Etat s’est engagé par convention à assurerà France 24 un niveau de financement assorti d’uneclause d’indexation favorable (3 % à 3,5 % d’aug-mentation par an) sur cinq ans, et à financer le déve-loppement de la chaîne (diffusion en langue arabe,extension de la zone de couverture…). Le budget deFrance 24 a ainsi été fixé à 88,5 millions d’euros pourl’année 2008, contre 70 millions d’euros dans la loide finances initiale, à 117 millions d’euros en 2009,puis 130millions d’euros en 2010, soit un quasi dou-blement du budget initialement prévu en 2006, l’an-née de son lancement. La convention de subventionsignée entre l’Etat et la chaîne ne prévoit ni le déve-loppement de ressources propres, ni l’intéressementdes actionnaires aux performances de la société.

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Par ailleurs, en l’absence d’une clause de retour sur in-vestissement, l’Etat ne peut bénéficier en aucune façonde la valorisation de France 24. Les actifs revien-draient aux actionnaires en cas de cessation d’acti-vité, précise le rapport.Deux questions d’ordre capitalistique restent à résou-dre afin de poursuivre la réforme : la prise de contrôle,par la société holding Audiovisuel extérieur de laFrance, de France 24 et de RFI. Des négociations dif-ficiles sont en cours entre l’Etat et TF1 qui évalue à90 millions d’euros sa participation, acquise deux ansplutôt pour 17 500 euros. Selon P. Martin-Lalande,« ses prétentions vont au-delà de ce que l’Etat peut sepermettre, sans parler des aspects moraux de la ques-tion ».Quant à l’entrée de la holding au capital de RFI, la loisur la modernisation de l’économie prévoit de modi-fier la loi de 1986 relative à la liberté de communica-tion, afin que l’Etat puisse détenir indirectement, et nonplus directement, la totalité du capital de la radio pu-blique.Enfin, concernant TV5Monde, le rapport conclut queses caractéristiques de média généraliste, multilatéralet francophone, font de la chaîne de télévision TV5 uncas à part qui « doit être traité –du moins dans un pre-mier temps– en marge d’une réforme dont l’enjeu pre-mier est le rapprochement de RFI et France 24 ».

Si P. Martin-Lalande considère que la réforme de l’au-diovisuel extérieur en cours « va dans le bon sens »,notamment grâce à la constitution d’une société hol-ding regroupant les différents acteurs, il consacre la der-nière partie de son rapport aux « clefs de la réussite » :

« - en finir avec la dispersion des cibles : mieux choi-sir les zones géographiques et bien identifier les pu-blics et les médias qui les desservent ;- ne pas précipiter la réforme…[…] Ainsi, avant dedire ce que doit être et ce que doit faire la nouvellestructure, il faut être au clair sur les questions à réglerpour chaque société… ;- ne pas rater le tournant du multimédia pour un rap-prochement des compétences et une meilleure cohé-rence des supports ;- veiller à la réalité des synergies en empêchant la dé-rive des coûts de la réforme ;- […] mettre en place un véritable pilotage politique àcôté du pilotage opérationnel par la société holding. »

Selon P. Martin-Lalande, « La politique extérieure del’Etat ne se définit pas dans le conseil d’administra-tion d’une société ».Reste à espérer, à la suite de P. Martin-Lalande, que

l’ensemble de ces travaux servira « à nourrir le débatsur la refondation de l’audiovisuel ».

La réorganisation se poursuit

Depuis l’annonce présidentielle durant l’été 2007 dela réorganisation de l’audiovisuel extérieur, seule lasociété holding a été créée, sans être dotée d’unpouvoir effectif. Désigné par la volonté du présidentde la République, président de la société holding Au-diovisuel extérieur de la France, du directoire deFrance 24 et de TV5Monde, Alain de Pouzilhac a éténommé président de RFI par le CSA en juin 2008,conformément à la loi selon laquelle ce dernier doitêtre choisi parmi les représentants de l’Etat auconseil d’administration.Avant la fin de l’année 2008, la société holdingconclura avec l’Etat un contrat d’objectifs et demoyens déterminant sa stratégie financière pour lesannées 2009 à 2011. Pour l’année 2009, l’Etat aprévu une augmentation de 0,8 % du budget consa-cré à l’audiovisuel extérieur, porté à 298 millionsd’euros, 233 millions d’euros émanant du budgetde l’Etat auxquels s’ajoutent 65 millions d’euros deredevance audiovisuelle. La réforme devra donc sefaire à budget constant, en attendant que les syner-gies envisagées portent leurs fruits.Désignant d’emblée TV5Monde comme un cas àpart, l’équipe dirigeante de la holding annonce vou-loir créer des synergies entre France 24 et RFI dansles domaines de ressources humaines, de la com-mercialisation des services et dans le développe-ment des nouvelles technologies, en même tempsqu’elle affiche sa volonté de coordonner leur distri-bution, afin notamment d’éviter de mettre les deuxchaînes en concurrence sur un même réseau. L’idéed’une newsroom commune à RFI et France 24, ouencore le projet de création d’un portail d’informationcommun, ont été abandonnés.

TV5Monde, un « cas à part »

La nouvelle directrice générale de TV5Monde, Marie-Christine Saragosse, envisage des synergies avecles autres organismes composant la holding Audio-visuel extérieur de la France, France 24 et RFI, pournégocier avec les opérateurs de réseaux de diffu-sion, les agences de presse ou pour réaliser desétudes d’audience. Néanmoins, la chaîne continueraà produire ses programmes d’information, tout encollaborant avec RFI ou France 24 à l’occasiond’événements particuliers.Pour Marie-Christine Saragosse, l’avenir de TV5Monde

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Usages

En Europe

réside plutôt dans sa mutation en « unmédia global et multisupport ». A l’instar des autreschaînes de télévision internationales, TV5Monde doitpréserver son maintien sur les réseaux de distri-bu-tion des grands opérateurs du câble et du satellite,en même temps qu’elle doit s’efforcer d’être acces-sible partout et sur la totalité des nouveaux supportsnumériques. Face à la forte concurrence des chaînesdans l’offre de base des opérateurs, TV5Monde doitdiversifier ses supports de diffusion. Ainsi, la chaîneva tenter d’adapter son offre sur Internet avec la créa-tion de portails différents selon les régions, commele portail TV5 Afrique, et lancer de nouveaux servicesd’IPTV, de vidéo à la demande, de télévision de rat-trapage et de téléphonie mobile. Elle doit égalementtoucher de nouvelles franges de public, en propo-sant des programmes ciblés pour les enfants ou lesvoyageurs. L’annonce de la suppression de la pu-blicité sur la télévision publique a déjà produit sespremiers effets sur TV5Monde : -50% de revenus surl’antenne France Belgique Suisse (1,6 million d’eu-ros), du fait des couplages publicitaires.

L’incident diplomatique ayant été évité de justesseentre la France et ses partenaires à propos de la ges-tion de la chaîne francophone (voir le n°6-7 de Larevue européenne des médias, printemps-été2008), la ministre canadienne du patrimoine, JoséeVerner, a estimé lors de la première rencontre de juin2008 entre le gouvernement canadien et les nou-veaux dirigeants français de TV5Monde que l’accordsigné en avril 2008 consacre l’autonomie de lachaîne, en confirmant la place de TV5Monde face àla réforme engagée par la France dans le domainede l’audiovisuel extérieur, et en distinguant la fonc-tion de président de celle de directeur général, élupar le conseil d’administration de la chaîne pour unedurée de cinq ans.

L’accord du 29 avril 2008 prévoit notamment uneaugmentation de la diffusion de programmes pro-duits par les partenaires de la chaîne ainsi qu’un ac-croissement de leur participation budgétaire. LeCanada, en septembre 2008, a réaffirmé son sou-tien à TV5, par l’intermédiaire de son Premier mi-nistre Stephen Harper, en s’engageant à verserl’équivalent de 16,5 millions d’euros supplémen-taires sur cinq ans, soit 9,9 millions d’euros pourTV5Monde et 6,6 millions d’euros pour TV5 Québec-Canada. Les programmes canadiens passeraient de6 % à 9 % dans la programmation de la chaînefrancophone. Le gouvernement canadien souhaiteainsi prendre part à la direction de TV5Monde.

La subvention attribuée à l’antenne Québec-Canadade TV5 sera consacrée à la production d’émissionsen haute définition et au développement de nou-veaux services comme la vidéo à la demande. Lesministres des pays partenaires chargés deTV5Monde devaient entériner officiellement leur ac-cord et s’accordaient sur un nouveau plan straté-gique pour la chaîne dans le courant de l’automne2008.

Le dossier France 24 / TF1

Tant qu’un accord ne sera pas trouvé avec TF1 surla reprise par l’Etat de sa participation dans France 24,la réforme de l’audiovisuel extérieur restera lettremorte. La question devait être réglée avant l’été2008, mais l’Etat n’a pas encore trouvé de solutionau rachat de la participation de TF1 dans la chaîned’information internationale. Fin septembre 2008,les négociations n’ont toujours pas abouti. L’enga-gement de TF1, à parité avec France Télévisions,dans la création de France 24, semble relever da-vantage de la tactique politique que de la diversifi-cation de ses activités. Après une mise de départ de17 500 euros en échange de 50 % du capital, laparticipation de TF1 au développement de France 24s’est concrétisée par l’apport rémunéré de moyenstechniques et d’images. En 2007, l’ensemble de cesprestations a été facturé 3,8 millions d’euros parTF1. Alors que TF1 s’est opposée à la fournitured’images « fraîches » (ayant moins de24 heures), la chaîne a facturé ses images 50 %plus cher que celles produites par France Télévi-sions. D’emblée, il s’agissait pour la chaîne dugroupe Bouygues, éditeur de la chaîne d’informationLCI, d’empêcher la diffusion nationale de France 24,en s’opposant systématiquement à la reprise de lachaîne d’information internationale sur l’ADSL dontles offres de chaînes diffusent LCI. Selon le rapportdu député P. Martin-Lalande de juillet 2008, TF1 ré-clamait 90 millions d’euros aux pouvoirs publics enéchange de sa part « réévaluée » dans le capital deFrance 24. La chaîne aurait consenti, selon lapresse, à ce que cette somme lui soit versée nonpas en numéraire, mais sous la forme d’un allége-ment de ses obligations réglementaires. Les pou-voirs publics, quant à eux, estimaient que laparticipation de TF1 était comprise entre 15 et20 millions d’euros.A la mi-septembre 2008, les chiffres annoncésavaient été revus à la baisse : il ne s’agissait plusque de 45 millions d’euros, c’est-à-dire la moitié dela valorisation de France 24, soit 90 millions d’euros

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selon une analyse de la banque Rothschild. TF1 se-rait même revenue entre-temps au montant plus« raisonnable » de 15 millions d’euros. Après avoirenvisagé de rompre les négociations avec TF1,laissant ainsi la chaîne privée poursuivre son parte-nariat dans France 24 sans avoir de rôle opération-nel, l’Etat a finalement opté pour la solution de ladernière chance en proposant à TF1 un contrat plu-riannuel de fourniture d’images à France 24, enéchange de ses parts de capital. Pour la chaîne pri-vée qui facturait déjà des images d’archives et decompétitions sportives grâce à sa filiale Eurosportpour 1,5 million d’euros annuels, cette solution decontinuité pourrait s’apparenter à une véritable rentede situation. Les images revendues sont en effet déjàamorties sur ses propres antennes.Il est urgent pour l’Etat de sortir de cette situation deblocage. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, Alain dePouzilhac, PDG de la société holding Audiovisueltérieur de la France (AEF), a quitté provisoirementses fonctions de président du directoire de France 24,le 29 septembre 2008, le temps de mener les né-gociations avec TF1. Tandis que la chaîne traverseune grave crise interne, à la suite du licenciementpour faute grave du directeur de la rédaction,Grégoire Deniau, et du rédacteur en chef, BertrandCoq, la rédaction de la chaîne, par l’intermédiairede son intersyndicale, publiait le communiqué sui-vant : « La concomitance de ces évictions avec leséchéances qui attendent France 24, appelée à re-joindre la holding de l’Audiovisuel extérieur, susciteparmi les salariés des interrogations sur d’éven-tuelles manœuvres politiques ». Le 3 octobre 2008,Vincent Giret, de la direction Presse MagazineFrance de Lagardère Active, a été nommé directeurde la rédaction de France 24.

Un bouquet satellitaire de chaînes francophones ?

Dans une tribune libre publiée dans le quotidien Li-bération en date du 26 septembre 2008, PhilippeCayla, président de la chaîne européenne d’infor-mation Euronews, ancien directeur du développe-ment international de France Télévisions et ancienadministrateur de TV5, défend l’idée d’un bouquetde chaînes francophones diffusé par satellite. SelonPhilippe Cayla, les francophones et les expatriés se-raient intéressés par une offre payante d’un bouquetlocal si celui-ci comportait les chaînes de France Té-lévisions. Il faudrait pour cela utiliser le principe dela « gestion collective de droits » auquel France Té-lévisons recourt déjà pour être reprise sur les bou-quets satellitaires en Afrique. Ce mode de commer-

cialisation, inventé dans les années 1950, a permisla diffusion en Belgique des chaînes inter-nationales.La « gestion collective de droits » consiste à fairepayer les droits audiovisuels a posteriori par les opé-rateurs de réseaux, au lieu d’être payés d’avance parles chaînes, à condition que la retransmission soitintégrale, simultanée et sans changement, c’est-à-dire sans sous-titres et sans rediffusion. Ainsi, enévitant les décalages horaires trop importants, la dif-fusion peut couvrir un axe Nord-Sud sur lequel setrouve l’essentiel de la francophonie européenne etafricaine. Ce bouquet devrait regrouper à termetoutes les chaînes publiques francophones, à com-mencer par les partenaires belges, suisses et cana-diens de TV5Monde. Concernant l’information,Philippe Cayla propose de transformer France 24 enune chaîne d’information francophone à laquelle sejoindraient des journalistes belges, suisses, cana-diens, africains, afin de donner à la chaîne l’identitéqui lui manque face à la concurrence. Tandis queTV5Monde pourrait ainsi abandonner la diffusiondes journaux d’information pour devenir une chaînedu divertissement, de la culture et du sport, avec unsous-titrage systématique des programmes. SelonPhilippe Cayla, la France est le seul pays européenoù l’Etat, et non le service public audiovisuel, exercela responsabilité opérationnelle de l’audiovisuel ex-térieur. FL

Sources :- « Les grands chantiers de TV5Monde », Paule Gonzalès, Le Figaro,2 juin 2008.- « TV5Monde : rencontre à Ottawa pour les nouveaux dirigeants de lachaîne », AFP, tv.org, 3 juin 2008.- « Controverse financière entre TF1 et l’Etat autour de France 24 », Gré-goire Poussielgue, Les Echos, 17 juin 2008.- « Les grands chantiers de l’audiovisuel extérieur », Paule Gonzalès,Le Figaro, 8 juillet 2008.- « Marie-Christine Saragosse redonne de l’élan à TV5Monde », IsabelleRepiton, La Tribune, 8 juillet 2008.- « La réforme de l’audiovisuel extérieur peine à se concrétiser », IsabelleRepiton, La Tribune, 23 juillet 2008.- Audiovisuel extérieur de la France : nouvelles analyses pour mieux réfor-mer, P. Martin-Lalande, Assemblée nationale, XIIIe législature, Rapport d’in-formation n°1087, juillet 2008.- « Audiovisuel extérieur : la Cour des comptes dénonce de errements del’Etat », Grégoire Poussielgue et Jamal Henni, Les Echos, 18 août 2008.- « TF1 se voir proposer un schéma pour sortir du capital de France 24 »,Grégoire Poussielgue, Les Echos, 19 septembre 2008.- « Alain de Pouzilhac quitte "provisoirement " la tête de France 24 », AFP,tv5.org, 29 septembre 2008.- « Alain de Pouzilhac : ça s’en va et ça revient », Libération, 30 septembre2008.- « France 24 : l’intersyndicale exprime sa vive inquiétude pour l’avenir », AFP,tv5.org, 20 septembre 2008.- « Canada : le Premier ministre Stephen Harper veut augmenter sonsoutien au budget de TV5Monde, La Correspondance de la Presse,22 septembre 2008.

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Usages

En Europe

- « Hausse de 3 % de la ressource publique allouée aux différentes socié-

tés du secteur audiovisuel public en 2009 (hors compensations publici-

taires) », La Correspondance de la Presse, 29 septembre 2008.

- « Pour un bouquet de chaînes francophones », Philippe Cayla, président

d’Euronews, Libération, 26 septembre 2008.

Lancement d’Euronews en arabe

La chaîne d’information en continu, européenne etmultilingue, Euronews, a répondu à un appel d’of-fres de l’Union européenne et s’est lancée en languearabe en juillet 2008. A l’instar de France 24 et deBBC Arabic, Euronews tente d’étendre sa diffusionau Proche et au Moyen-Orient, où les chaînes ré-gionales sont dominantes.

Etablie en France, dans l’agglomération lyonnaise,la chaîne européenne d’information Euronews a étélancée en cinq langues en 1993, à l’initiative del’UER (Union européenne de radiodiffusion). Le mar-ché de l’information ne comptait alors que cinqchaînes internationales. Elle fut la première chaîned’information à basculer en numérique dès 1999.Euronews est diffusée dans 130 pays via 35 satel-lites et est accessible sur l’ensemble des vecteursnumériques, ADSL, TNT, téléphonie mobile, depuis2004. Vingt et une chaînes publiques, principale-ment européennes, composent son actionnariat.Son budget total est de 50 millions d’euros, dont78 % de ressources propres en 2008, l’objectifétant que celles-ci atteignent 90 %, au plus tard en2013. La rediffusion de ses programmes par leschaînes publiques européennes actionnairescomme France Télévisions, la RAI, la TVE, ou en-core la SSR, lui assure 22 % de ses revenus, maiscelles-ci souhaitent diminuer leur contribution.

A l’instar de Deutsche Welle en 2005 et de France 24en 2007, qui ont commencé à émettre quelquesheures de programmes quotidiens en arabe, ainsique de BBC Arabic Television née en mars 2008(voir le n°6/7 de La revue européenne des médias,printemps-été 2008), Euronews s’est lancée enlangue arabe le 12 juillet 2008. L’Union euro-péenne, qui avait émis un appel d’offres pour ce pro-jet, investit 5 millions d’euros par an et garantit sonfinancement sur cinq ans. Euronews a ainsi aug-menté son effectif, 200 salariés permanents origi-naires d’une trentaine de pays, en recrutant dix-septjournalistes supplémentaires de huit nationalités dif-férentes. La chaîne qui n’a quasiment pas de jour-nalistes sur le terrain, aura à l’avenir uncorrespondant pour les pays arabes. Un accord

passé avec l’opérateur satellite Arabsat permet à lachaîne d’élargir sa zone de diffusion bien au-delàde l’Europe et de couvrir le Proche-Orient et leMoyen-Orient, l’Afrique du Sud et certains paysd’Asie comme la Malaisie et l’Indonésie. Désormais,Euronews propose donc ses programmes en huitlangues –français, anglais, allemand, espagnol, ita-lien, portugais, russe, arabe-. Ce multilinguismeoffre à la chaîne la possibilité de devancer sesconcurrentes anglo-saxonnes en Europe du Sud eten Europe de l’Est, d’autant plus que 83 % des dé-cideurs européens préfèrent regarder les informa-tions dans leur propre langue, comme le montrentdifférentes études.La zone de diffusion de la chaîne couvre quelque199 millions de foyers dans le monde. Son au-dience effective en Europe est de 6,6 millions de té-léspectateurs quotidiens au deuxième trimestre 2008 :2,9 millions de téléspectateurs grâce au câble et ausatellite, et 3,7 millions par le réseau hertzien dans19 pays européens, soit un résultat supérieur à CNNInternational (1,7 million) et BBC World News(1,2 million). La chaîne envisage de poursuivre sondéveloppement en ajoutant trois nouvelles languesd’Europe centrale et d’Asie grâce à un accord récentavec l’opérateur Asia Sat. Pour accroître sa popula-rité, la chaîne s’est parée d’un nouvel habillage enjuin 2008, elle a changé de logo (un globe blanc),de slogan (« Euronews pure ») et de site Web.Euronews n’en est pas à sa première tentative dansles pays arabes, à instar de la BBC (voir le n°6/7 deLa revue européenne des médias, printemps-été2008). Ses programmes en arabe avaient été lan-cés en 1997, mais furent interrompus deux ans plustard. La concurrence sur ce terrain est en effet trèsrude : d’autres chaînes occidentales tentent de cap-ter l’audience arabophone, telles l’américaine al-Hurra et la russe Roussia al Yaum.Se définissant comme une chaîne d’informationmondiale avec une perspective européenne, Euro-news souhaite devenir une nouvelle source d’infor-mation pour les pays du Maghreb, du Proche-Orientet du Moyen-Orient. Elle souhaite également inté-resser les quelque 15 millions d’arabophones vivanten Europe. Pour cela, Euronews produira davantagede sujets sur le monde arabe, mais n’envisage paspour autant d’adapter sa grille de programmes. Lesprogrammes en arabe sont identiques à ceux quisont offerts dans les sept autres langues, sans pré-sentateur, ni débat, ni émission de plateau. Lesmêmes images sont utilisées d’un programme àl’autre, mais les commentaires, rédigés par des jour-nalistes de nationalités différentes à partir des

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dépêches des agences de presse, ont chacun uneidentité singulière. La grille de programmes est com-posée d’un journal chaque demi-heure, de maga-zines au format court, de société, de culture, desport, d’économie, ainsi que de No comment, pro-gramme réalisé à partir d’images d’actualité brutessans commentaire. Ce traitement particulier de l’in-formation en continu est l’une des singularités de lachaîne.

Ainsi, Euronews se positionne davantage en concur-rente de CNN ou BBC World, plutôt que des grandeschaînes d’information régionales, al-Jezira, lachaîne de l’Etat qatari ou al-Arabiya, financée pardes capitaux saoudiens. Mais, dans l’ensemble, leschaînes occidentales ne parviennent pas à s’instal-ler de manière significative dans les pays du Procheet Moyen-Orient. Les deux chaînes al-Jezira et al-Arabiya auxquelles s’ajoute la chaîne du Hezbollahal-Manar sont dominantes. La grande majorité de lapopulation ignorerait même jusqu’à l’existence deprogrammes occidentaux en arabe. Depuis son lan-cement, BBC Arabic enregistrerait des résultats dé-cevants, ce qui explique le report du passage de12 heures à 24 heures de diffusion prévu initiale-ment cet été. Quant à l’audience de la chaîne amé-ricaine al-Hurra, elle serait devenue trèsconfidentielle si l’on en croit un centre jordaniend’études d’opinion.

Néanmoins, malgré le climat de défiance dont souf-frent les médias de l’Occident dans les pays arabes,il reste nécessaire d’établir un lien médiatique, aussiténu soit-il, entre le monde arabe et l’Europe. Ce quele politologue libanais Joseph Bahout résume ainsi,selon l’AFP : « La bataille se situe au niveau poli-tique et non au niveau des parts de marché (ndlr :d’audience). Comme on a une ambassade dans lemonde arabe, il faut avoir une télévision ; ça fait par-tie de l’arsenal diplomatique. Il faut exister politi-quement ». En février 2009, le Japon lancera luiaussi une nouvelle chaîne internationale d’informa-tion et de divertissement, jibTV (Japan InternationalBroadcasting). Diffusée en anglais, jibTV sera géréepar le groupe public NHK. Selon son PDG HatsuhisaTakashima, elle est déjà présentée comme laconcurrente de CNN, al-Jezira, France 24 et BBCWorld News : « Le Japon est la deuxième puissanceéconomique planétaire. Mais pourquoi a-t-il une vi-sibilité si faible à l’échelle mondiale et pourquoi lesétrangers doivent-ils dépendre des médias améri-cains ou européens pour s’informer à son sujet ».

FL

Sources :- « Euronews diffusée en arabe », Marie-Annick Depagneux, Les Echos,5 juin 2008.

- « Euronews new-look », Alice Géraud, Libération, 9 juin 2008.

- « Euronews fait sa mue », Sandra Bensoussan, Ecran total, n°711,11 juin 2008.

- « La télévision européenne Euronews se lance samedi en arabe », AFP,

tv5.org, 11 juillet 2008.

- « Des médias occidentaux tentent de percer dans l’opinion arabe », AFP,

tv5.org, 11 juillet 2008.

- « La NHK va lancer en février 2009 une nouvelle chaîne de télévision in-

ternationale », AFP, Les Echos, 27 août 2008.

- euronews.net

France : la place de l’Europe dans les JTreste limitée

Selon une enquête statistique, la place consacrée àl’Europe dans le traitement de l’information interna-tionale est réduite au sein des journaux télévisés dif-fusés par les chaînes nationales françaises, celle quiest réservée aux institutions européennes l’est plusencore.

D’après ina’sta, le baromètre thématique des jour-naux télévisés mis en place par l’INA (Institut natio-nal de l’audiovisuel), l’information internationalereprésente en moyenne annuelle 17 % du nombredes sujets traités dans les journaux du soir diffuséspar les six chaînes nationales hertziennes entre2000 et 2007. Lorsque les journaux télévisés fran-çais traitent de l’Europe, ils s’intéressent plus facile-ment aux pays voisins ou à ceux ayant une relationde proximité historique avec la France. Se trouventainsi dans le peloton de tête des pays les mieuxconsidérés (en tant qu’acteur principal ou secon-daire d’un événement) par les journaux télévisés en2007 : la Grande-Bretagne (884 sujets), l’Alle-magne (774 sujets), l’Italie (454 sujets), l’Espagne(368 sujets) et la Belgique (216 sujets). La Po-logne, membre de l’Union européenne depuis 2004,occupe la 8e place du classement (128 sujets). Enrevanche, les pays du nord de l’Europe, si souventpris en exemple pour leur modèle social, sont peureprésentés : Danemark (36 sujets), Suède (32 su-jets), Finlande (21 sujets).Concernant les thèmes abordés dans les JT, les su-jets traitant de politique intérieure ou de l’activité di-plomatique d’un Etat sont les plus nombreux pour leRoyaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, la Belgiqueet le Portugal, à l’exception de la Grèce pour laquellel’environnement est le sujet le plus abordé (celaétant lié aux incendies de l’été 2007), et le secondthème pour l’Espagne et la Belgique. Le sport est le

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Usages

En Europe

sujet de prédilection à propos de l’Italie et le secondretenu pour nous informer sur la Grande-Bretagne.L’économie est le second thème privilégié pour l’Al-lemagne. Après les sujets de politique intérieure etextérieure, les faits divers et la justice constituentprincipalement l’actualité en provenance du Portu-gal. Si l’Europe des 27 est sous-représentée dansl’actualité télévisée, les institutions européennes quila gouvernent le sont plus encore. En 2007, 2,2 %des sujets diffusés leur sont consacrés. Le score étaitseulement de 2,5 % (737 sujets) en 2000, annéedurant laquelle la France exerça la présidence duConseil de l’Union européenne. Seule exception,l’année du référendum sur le projet de Constitutioneuropéenne, en 2005, avec 5 % des sujets(1 487). En 2007, sur un total de 716 sujetsconsacrés aux institutions européennes, 442 por-taient sur l’Union européenne, 91 sur la Commis-sion européenne, 74 sur la Convention européenneet 49 sur le Parlement européen, tandis que seule-ment 6 sujets concernaient la Cour de justice desCommunautés européennes, 4 le Conseil de l’Eu-rope et 3 la Cour européenne des droits de l’homme.

A l’échelle de la planète, ce sont les Etats-Unis aux-quels les JT des chaînes françaises ont consacré leplus de sujets (1 329). Quatre pays européens seretrouvent classés dans les 10 premières places : leRoyaume-Uni en 2e place avec 884 sujets, l’Alle-magne à la 3e place avec 774 sujets, l’Italie à la 5e

place avec 454 sujets et l’Espagne à la 8e placeavec 368 sujets. Le Japon est à la 20e place (204),l’Inde à la 28e place (127), le Brésil à la 31e place(104) mais la Chine à la 7e place (370). FL

Source :- « L’Europe loin des projecteurs », ina’stat, n°9, INA, juin 2008.

Lancement de Europarltv, la WebTV du Par-lement européen

Comme de nombreux parlements nationaux, le Par-lement européen a lancé en septembre 2008 sa pro-pre chaîne de télévision. L’institution européenne aopté pour le Web, afin notamment de conquérir lesjeunes Européens, tandis que, en juin 2009, plusde 350 millions d’Européens seront appelés à voter.

En dix ans, les chaînes parlementaires se sont mul-tipliées en Europe selon deux modèles distincts. Al’instar de BBC Parliament, certaines chaînes dé-pendent des organismes publics de radiodiffusion

tandis que d’autres, comme en France et en Grèce,émanent des parlements eux-mêmes.

Le 17 septembre 2008, le Parlement européen alancé sa chaîne de télévision sur le site www.euro-parltv.europa.eu. avec une trentaine d’heures de pro-grammes disponibles. La chaîne diffusera desévénements parlementaires en direct, ainsi que desportraits d’eurodéputés, des interviews et des débats.Le principe des formats courts a été retenu, les émis-sions ne dépasseront pas 7 minutes à l’exceptiondes débats qui dureront au maximum 20 minutes. Laréalisation d’Europarltv a été confiée à deux socié-tés, l’une britannique, Twofour Digital, pour la plate-forme Internet, et la belge Mostra pour la productionde contenus. A l’avenir, la chaîne produira plus de300 heures de programmes par an, s’ajoutant auxdirects. Le budget annuel est de 9 millions d’eurosdont 7 millions d’euros pour la programmation.

L’offre de programmes a été scindée en quatre ca-naux correspondant chacun à une cible particulière :Votre Parlement pour « ceux qui portent un intérêtparticulier à la politique au niveau communautaire »(groupes industriels, partenaires sociaux, lob-byistes, universitaires…) ; Votre Voix pour le grandpublic, avec la possibilité de poster des contenus ;Jeune Europe pour un public scolaire et, enfin, LeParlement en direct pour suivre en continu les évé-nements parlementaires et notamment les débats enplénière. Une première sur le Web : tous les pro-grammes sont traduits en 22 langues.

En optant pour une WebTV, le Parlement européenprend en compte les nouveaux modes de consom-mation des images et de l’information en général,« où je veux, quand je veux », « une forme de dé-mocratie à la demande » précise le site de la chaîne.Le site du Parlement européen dénombraitjusqu’alors 60 000 visites par jour seulement contre15 000 en 2005. Par ce nouveau mode de com-munication, le Parlement européen espère familiari-ser les citoyens européens avec les travauxparlementaires et, notamment les jeunes Européenspour lesquels Internet est devenu le premier médiad’information, les 16-24 ans déclarant passer plusde temps sur Internet que devant la télévision (voirle n°5 de La revue européenne des médias, hiver2007-2008). Europarltv est également un moyend’atteindre un public extra-européen. FL

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Sources :- « Le Parlement européen s’offre une chaîne de télévision », euractiv.fr,

16 septembre 2008.

- « Le Parlement européen lance sa propre chaîne de télévision sur

Internet », AFP, tv5.org, 16 septembre 2008.

- europarl.europa.eu/news

Tandis que les Hongrois restent fidèles àleurs chaînes conventionnelles, les Rou-mains sont de plus en plus nombreux à re-garder les chaînes du câble

Le récent DISCOP EAST, le plus grand marché devente de programmes de télévision pour les chaînesd’Europe centrale et orientale, qui s’est déroulé du18 au 20 juin 2008 à Budapest, a été l’occasionde constater le dynamisme des acteurs régionaux.1 300 chaînes locales étaient présentes, 20 % deplus que l’année passée. Cette rencontre a été l’oc-casion de porter un regard sur les comportementsdes téléspectateurs de la « nouvelle Europe ». LesHongrois sont les plus « fidèles au poste », avec4 heures et 19 minutes passées quotidiennementdevant leur écran mais aussi les plus fidèles à leurschaînes préférées puisque les deux principaleschaînes privées (RTL Klub et TV2) rassemblent en-core conjointement près de la moitié des téléspecta-teurs. Ce sont, en revanche, les Roumains qui sontles plus nombreux à être raccordés au câblepuisque 76,5 % des foyers sont équipés, pour unedurée moyenne d’écoute par personne et par jour de3 heures et 54 minutes.

Le marché le plus « porteur » dans la région de-meure toutefois la Pologne. Les 38 millions de po-lonais passent en moyenne quatre heures et uneminute devant leur poste tandis que la moitié d’en-tre eux reçoit la télévision par câble ou par satellite.Si l’offre s’enrichit grandement et rapidement, la de-mande n’est pas indéfiniment extensible. Néan-moins, la multiplication des chaînes de télévision aconduit les téléspectateurs à passer sept minutes etdemie seulement de plus par jour devant leur postede télévision. PB

Sources :- « Europe centrale et de l’Est. L’explosion des chaînes thématiques »,

Communiqué de presse, Eurodata TV Worldwide, Médiamétrie,

19 juin 2008.

- TVFI (TV France International).

Le téléphone européen : le fixe décline, la3G progresse

Selon une enquête réalisée fin 2007 par la Com-mission européenne auprès de 27 000 foyers enEurope, près d’un quart des foyers européens ontchoisi de téléphoner exclusivement avec un télé-phone portable, contre 18% en 2005, alors que 14%seulement n’en ont toujours pas. Néanmoins, lenombre de ménages n’ayant qu’un téléphone fixeest de 21% en Bulgarie, 20 % en Allemagne et 18%en France, alors qu’à l’inverse 64 % des Tchèqueset 61 % des Finlandais l’ont abandonné. Par ail-leurs, l’Europe comptait 101,5 millions d’abonnésaux réseaux de troisième génération (3G) finmai 2008, soit un taux de pénétration de 11,1%.Les trois pays ayant le plus grand nombre d’abon-nés à la 3G, soit plus du quart de la population, sontla Suède, la Norvège et l’Italie. FL

Sources :- « Mobiles : l’Europe franchit le cap des 100 millions de clients 3G »,

Les Echos, 25 juin 2008.

- « Un quart des Européens ont renoncé au téléphone fixe », Les Echos,30 juin 2008.

Téléchargement légal dans les rues deVarsovie

La Pologne innove avec les « médiamats ». Varso-vie est la première capitale au monde à s’équiper de« Médiamats » : des kiosques interactifs où il estpossible d’acheter des œuvres musicales, des re-vues et des livres sous forme électronique. Breve-tées par une start-up polonaise baptisée « Dmp4 »,huit bornes de ce type ont déjà été installées dansles lieux les plus fréquentés de la capitale : centrescommerciaux, gares, aéroport et bibliothèques.

Brèves audiovisuelles polonaises*

* Lettre d’information publiée par le service de coopération audiovi-

suelle de l’Ambassade de France en Pologne. Rédaction Laurent Jerinte,

juillet 2008.

32En Europe

Usages

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Le géant américain CBS met la main surCNET Networks pour se renforcer sur Internet

En rachetant CNET Networks pour 1,8 milliard dedollars, CBS entre dans les dix premiers groupes demédias au monde en termes de fréquentation Inter-net et annonce des synergies avec ses propres sites.

Mi-mai 2008, le géant américain des médias CBSdéposait une offre de rachat sur CNET Networks à11,50 dollars par action, soit une prime de 44 %par rapport au cours du titre avant le dépôt de l’offreet une valorisation de l’éditeur de sites à 1,8milliard dedollars (1,16 milliard d’euros). L’offre fut salvatricepour la direction de CNET Networks, en butte aufonds Jana Partners, détenteur de 10 % du capitaldu groupe Internet et insatisfait de ses performances,exigeant « un changement fondamental stratégiqueet opérationnel ».Le 31 juin, CBS prenait le contrôle effectif de CNETNetworks avec une tout autre approche que celle dé-fendue par les fonds, le PDG de CBS, LeslieMoonves, ayant présenté CNET comme « rentable etbien gérée ».

En effet, CNET n’a pas les mêmes ambitions ni lamême stratégie que les sociétés de services en ligne,à l’instar de Google ou encore de Yahoo !. Le groupeest d’abord un éditeur de sites de contenus, qui serémunère sur la vente de bannières, tout en « pous-sant » vers les annonceurs la connaissance de sescibles grâce à la maîtrise éditoriale de son offre.Ayant refusé de céder à l’euphorie de la rémunéra-tion au click, CNET défend une politique d’affichageclassique où la publicité en ligne est rémunérée à lapage vue, ce qui lui permet de revendiquer 12 dollarsde revenus pour 1 000 pages vues, une très bonneperformance dans l’univers Internet. Une approchequ’un groupe de médias comme CBS maîtrise enoutre parfaitement en tant qu’éditeur de chaînes, à telpoint que le rachat de CNET par CBS devrait d’abord

permettre des synergies entre leurs sites d’informa-tion et de divertissement respectifs, réunis au-jourd’hui dans CBS Network : CBS.com,CBSNews.com ou encore CBSSports.com pour legéant américain, CNET, ZDNet, MP3.com,News.com pour CNET.Classé dixième des réseaux de sites les plus impor-tants au monde selon Comscore, avec 124 millionsde visiteurs uniques par mois, CNET va propulser legroupe CBS parmi les premières sociétés mondialesde médias en termes de fréquentation Internet, avec60 millions de visiteurs uniques par mois aux Etats-Unis et 200 millions dans le monde. Un relais decroissance idéal à l’heure où les programmes et lesmarques, cœur de métier de CBS, doivent suivre leconsommateur sur tous les supports, radio, télévi-sion et Internet, pour s’imposer dans son univers deréférence. AJ

Sources :- « CBS met la main sur l’éditeur de sites spécialisés CNET », S.C.,

La Tribune, 16 mai 2008.

- « CBS accélère sur Internet en s’offrant CNET », Laetitia Mailhes, Les Echos,16 mai 2008.

Time Warner se restructure au détriment ducâble et d’AOL

Le géant mondial de la communication, le groupeTime Warner, se recentre progressivement sur lesmédias et restructure AOL. L’ancienne étoile de l’In-ternet mondial se positionne désormais sur le sec-teur stratégique de la publicité en ligne pour inverserla chute de son activité depuis l’explosion de la bullespéculative autour des nouvelles technologies. Cetteréorganisation de Time Warner a un coût, qui passepar la sortie du câble du périmètre du groupe et parla cession probable de certaines activités d’AOL, quidoit d’abord être scindé en deux branches, l’unepour l’accès, l’autre pour les contenus et la régie pu-blicitaire.

Ailleurs��

Après avoir cherché à imposer en vain ses action-naires au conseil d’administration de Time Warnerentre 2005 et 2006, le raider Carl Icahn est finale-ment en train d’obtenir gain de cause sur la straté-gie de démantèlement qu’il a toujours préconiséepour le géant américain de la communication. Eneffet, le remplacement de Richard Parsons par Jef-frey Bewkes à la tête de Time Warner, le 1er janvier2008, annonce une vaste réorganisation du groupe,notamment pour doper le cours de Bourse de TimeWarner, celui-ci ayant chuté de 29 % sur la seuleannée 2007. Parmi les grands chantiers annoncés,Time Warner va se désengager de sa division câble,Time Warner Cable (TWC), qui génère à elle seule34 % du chiffre d’affaires du groupe, mais égale-ment procéder à la scission d’AOL, entre les activi-tés de contenus et de régie publicitaire d’une part,les activités de fournisseur d’accès Internet d’autrepart, afin d’« accroître les options stratégiques dechacune des branches » selon Jeffrey Bewkes.

La vente de Time Warner Cable

Fortement endetté, le groupe Time Warner a an-noncé, en mai 2008, avoir trouvé un accord sur lesmodalités de sa scission avec sa filiale Time WarnerCable (TWC), qu’il détient à 84 %. La scission, quidoit être effective au quatrième trimestre 2008, setraduira par le versement par Time Warner Cabled’un dividende exceptionnel de 10,9 milliards dedollars, dont 9,25 milliards de dollars reviendront àTime Warner pour sa participation de 84 % dansTWC. L’opération permettra ainsi à Time Warner desolder près des deux tiers de sa dette, même si ellelui fait perdre sa division la plus importante, aumoins en termes de chiffre d’affaires et de rentabilité.Ainsi, au deuxième trimestre 2008, TWC a enregis-tré une hausse de 7 % de son chiffre d’affaires, à4,3 milliards de dollars, une bonne performancealors que le câble américain est de plus en plusconcurrencé par les opérateurs de télécommunica-tions et que TWC supporte les coûts d’intégration del’ex-numéro cinq du câble américain, Adelphia, ra-cheté en 2007 alors qu’il était en faillite.

Les conséquences de la bulle spéculative pour AOL

La scission d’AOL, l’ancien fleuron de la « nouvelleéconomie » qui s’était emparé de Time Warner enjanvier 2000 pour 183 milliards de dollars, s’inscritdans le processus de réorientation stratégique dufournisseur d’accès et éditeur de services. AOL s’est

imposé à la fin des années 1990 grâce à sa poli-tique d’abonnement, qu’il s’agisse des premiersabonnements pour l’accès à Internet ou tout sim-plement de l’abonnement à son portail pour l’accèsà des services en ligne. Or le succès du financementpublicitaire des services en ligne, après l’éclatementde la bulle spéculative entre 2000 et 2001, a faitvoler en éclats le modèle économique de l’abonne-ment. Les conséquences ont été nombreuses pour AOL.

Première d’entre elles, la mise en ligne de servicesfinancés par la publicité n’impose plus d’avoir unparc d’abonnés pour leur offrir des services com-plémentaires et une offre de portail. En conséquence,les activités de fournisseur d’accès et d’éditeur deservices sont moins interdépendantes aujourd’huiqu’elles ne le furent à la fin des années 1990.Deuxième conséquence, le marché de l’Internet sestructurant de plus en plus sur les recettes publici-taires, le contrôle des régies en ligne devient straté-gique (voir le n°6-7 de La revue européenne desmédias, printemps-été 2008). La spéculation ai-dant, le coût d’accès au marché des régies en lignes’envole, mobilisant les plus grands acteurs, Goo-gle, Microsoft, Publicis, et imposant aux sociétés quisouhaitent s’emparer de start-up (jeunes pousses)soit de disposer de grandes quantités de liquidités,soit de procéder à des acquisitions en actions. OrAOL a été retiré de la Bourse après avoir vu ses re-cettes et perspectives s’effondrer. C’est en grandepartie la raison pour laquelle le groupe n’a pas pufaire face à Google dans la compétition pour le ra-chat de Double Click ni relever son offre dans l’OPAlancée contre TradeDoubler, la régie interactive d’ori-gine suédoise, qui lui a finalement échappé.Troisième conséquence, l’émergence d’offres de ser-vices non liées à des activités d’accès favorise au-jourd’hui les sites communautaires, nouveauxpoints d’entrée sur Internet, au détriment des portailset même des moteurs de recherche. En définitive,l’univers en ligne des internautes se structure désor-mais à partir de leur moteur de recherche et de leursaffiliations aux réseaux sociaux, jamais à partir d’unportail dont l’offre, parce qu’elle est propriétaire etcontrôlée par son éditeur, est par nature limitée.

La réorientation stratégique d’AOL

Conscient des limites actuelles du modèle d’AOL, ladirection de Time Warner a entrepris une réorienta-tion stratégique du groupe depuis 2006. Cette ré-orientation s’est d’abord traduite par la vente fin

34Ailleurs

2006 des activités européennes de fournisseur d’ac-cès, AOL conservant à chaque fois ses activités defourniture de contenus, d’édition de portail et de régieen ligne (voir le n°0 de La revue européenne desmédias, hiver 2006).Dans un deuxième temps, le groupe a cherché àrenforcer ses activités de régie publicitaire en ligne etmobile en investissant près d’un milliard de dollarspour racheter notamment les sociétés Tacoda, Ad-Tech, Third Screen Media, Lightingcast, Quigo,toutes réunies dans une division publicitaire baptiséePlatform A. Pour garantir un débouché à Platform A,outre la gestion de certains sites tiers, AOL a égale-ment entrepris une reconquête de son audience enligne. L’ensemble des sites AOL se classe à la qua-trième position mondiale, derrière Google, Yahoo ! etMicrosoft, notamment grâce aux service de messa-gerie instantanée AIM et ICQ. Pour résister aux troisgéants de l’Internet mondial, AOL a dû toutefois jouerégalement la carte des sites communautaires : alorsque Google s’est emparé de YouTube, Yahoo ! deFlickr et que Microsoft a pris une participation au ca-pital de Facebook, AOL est parvenu à s’emparer,pour 850 millions de dollars, du réseau social bri-tannique Bebo, leader au Royaume-Uni, en Irlande,mais également en troisième position aux Etats-Unisderrière Facebook et MySpace. Annoncée le13 mars 2008, cette opération permet à AOL dedoubler le nombre d’internautes directement touchéspar le groupe, les 40 millions d’utilisateurs de Bebos’ajoutant au 40 millions d’utilisateurs des messa-geries d’AOL.

La scission annoncée d’AOL

Réorganisée en régie publicitaire en ligne et forte deson audience, la branche « contenu » d’AOL consti-tue aujourd’hui un géant de l’Internet, mais qui doitencore s’imposer face aux trois leaders mondiauxde l’Internet, Google, Yahoo ! et Microsoft, sauf à serapprocher de l’un des trois à l’occasion de laconsolidation annoncée du marché de l’Internet.Consciente de l’intérêt stratégique de cette option, lanouvelle direction de Time Warner a annoncé lascission des activités de fournisseur d’accès etd’édition d’AOL, qui sera effective au quatrième tri-mestre 2008. Estimée par les analystes financiersentre 3 et 4 milliards d’euros, la branche « contenu »et régie publicitaire est la plus stratégique pour legroupe Time Warner, du moins s’il veut garder uneprésence sur Internet.Alors que Microsoft et Google se livrent une guerreautour de Yahoo ! (voir infra), la branche « contenu » et

régie en ligne d’AOL pourrait bénéficier des suren-chères pour le contrôle du marché publicitaire surInternet. Des discussions ont été engagées avecYahoo ! et Microsoft, sans que le groupe Time War-ner ait confirmé sa volonté de céder la branche« contenu » d’AOL. Reste cependant que Google, dé-sireux de faire barrage à ses deux rivaux, avait prisen décembre 2005 une participation dans AOL àhauteur de 5 % du capital, pour un milliard de dol-lars, à l’époque pour sécuriser l’accord commercialpassé avec AOL en 2002. Cette participation, queGoogle pourrait aujourd’hui déprécier dans la me-sure où la valeur d’AOL, estimée en 2002 à20 milliards de dollars, a été depuis divisée pardeux, permet toutefois au moteur de recherche depeser sur les éventuelles transactions entre labranche « contenu » d’AOL et ses repreneurs potentiels.La vente de l’activité américaine de fournisseur d’ac-cès d’AOL, qui cumule 8,1 millions d’abonnés, estbeaucoup plus probable, d’autant que des préten-dants se sont déjà manifestés. Valorisée entre2 et 3 milliards de dollars, la branche accès d’AOLa suscité l’intérêt du fournisseur d’accès EarthLink,qui a déclaré ses intentions fin juillet 2008. Les en-chères pourraient monter avec l’arrivée inattenduede Liberty Media, John Malone ayant proposé àTime Warner de lui échanger les 2,8 % du capitalqu’il détient dans le groupe, une participation valo-risée à 1,76 milliard de dollars, en échange de labranche accès d’AOL. Pour John Malone, patron deLiberty Media, il s’agit de se défaire d’une participa-tion passive et de prendre le contrôle d’une entre-prise rentable. L’opération, si elle a lieu, permettra àLiberty Media de renforcer son offre en couplant té-lévision et Internet. En effet, John Malone a déjàéchangé sa participation dans News Corp., début2008, contre le contrôle de DirecTV et de ses10,7 millions d’abonnés, auxquels il pourrait ad-joindre les abonnés AOL pour étoffer sa clientèleadressable. AJ

Sources :- « Time Warner planche sur l’éventuel retour en bourse d’AOL », DelphineCluny, La Tribune, 11 juin 2007.- « Time Warner pourrait introduire AOL en Bourse en 2008 », S.G., LesEchos, 2 janvier 2008.- « Time Warner va scinder AOL en deux », Virginie Robert, Les Echos,7 février 2008.- « AOL multiplie les acquisitions », I.R., La Tribune, 14 mars 2008.- « Time Warner va récupérer 9,2 milliards de dollars en se séparant de soncâble », Les Echos, 22 mai 2008.- « Time Warner achève la séparation des activités d’AOL », Valérie Collet,Le Figaro, 5 août 2008.- « Google va déprécier sa part dans AOL », Olivier Pinaud, La Tribune,11 août 2008.- « LibertyMedia convoite une branche d’AOL », V.C., Le Figaro, 13 août 2008.

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Publicité en ligne : guerre des nerfs autourde Yahoo !

En proposant de racheter Yahoo ! pour 45 milliardsde dollars le 1er février 2008, Microsoft a inaugurésix mois d’une bataille à plus haut niveau autour dutroisième acteur mondial de l’Internet en termesd’audience. Tous les scénarios auront été tentés parMicrosoft pour constituer face à Google un nouveaugéant capable de rivaliser sur le marché stratégiquedes moteurs de recherche. Mais c’est Google qui agagné la mise en convaincant Yahoo ! de lui confierla gestion des liens sponsorisés de son moteur derecherche. Google contrôle donc désormais, direc-tement ou indirectement, la quasi-totalité du marchédes liens sponsorisés.

En 2007, Google s’impose face à Yahoo ! etcontraint le groupe à une réorganisation sansprécédent

L’année 2007 aura entériné la victoire de Google surYahoo !, celle de l’Internet de l’après-2000 sur l’unedes icônes de la bulle spéculative de la fin des an-nées 1990. Bien que Yahoo !, avec 136,6 millionsde visiteurs uniques en décembre 2007, résiste en-core en parts d’audience sur le marché américainface à Google et ses 132,9 millions de visiteursuniques, le classement mondial des audiences del’Internet consacre désormais le moteur de re-cherche. En décembre 2007, Google se prévalaitd’une audience mondiale de 588 millions de visi-teurs uniques selon ComScore, suivi par Microsoft

avec 540 millions de visiteurs uniques et enfin deYahoo ! avec 485 millions de visiteurs uniques. Surle marché des recherches sur Internet, point de pas-sage obligé de nombreux internautes pour « navi-guer », Google est, de par son modèle stratégique,là encore ultra dominant, avec 53,4 % du marchémondial des recherches en 2007, mais presque100 % dans certains pays, suivi de Yahoo ! avec17,6 % des recherches et de Microsoft avec 6,4 %des recherches.

Sur le marché de la publicité en ligne, Google pro-fite des performances de son moteur de recherchepour dominer le marché de la vente de mots clés, cequi lui permet de contrôler actuellement 32 % dumarché mondial de la publicité en ligne, selon le ca-binet eMarketer, contre 17,5 % pour Yahoo ! Cetécart entre les deux géants de l’Internet se doubled’une tendance défavorable à Yahoo !, Google aug-mentant ses parts de marché quand Yahoo ! est à lapeine. Selon eMarketer, aux Etats-Unis, Yahoo !n’aurait attiré que 16,3 % des dépenses de publicitéen 2007, une part de marché en repli de 3 pointsentre 2004 et 2007, au profit de Google avec 27,4%de parts de marché en 2007. Et cet écart se mesureégalement dans les valorisations boursières desdeux groupes, Google valant près de sept fois la ca-pitalisation boursière de Yahoo ! à fin 2007.

Confronté à la concurrence de Google, Yahoo ! tentede réagir. En juin 2007, Jerry Yang, le fondateur del’entreprise en 1994, a été rappelé à la tête dugroupe pour le relancer. Jerry Yang compte imposer

Lesacteursglobaux��

Les acteurs globaux

Yahoo ! comme un portail incontournable sur Inter-net, point d’entrée sur le réseau pour les internautes-ce que fait Google en tant que moteur de recherche-,mais également plate-forme incontournable de dif-fusion de publicité pour les annonceurs. Si Yahoo !se positionne actuellement sur l’Internet mobile etdéveloppe son savoir-faire sur la publicité ciblée(voir n°6-7 de La revue européenne des médias,printemps-été 2008), les résultats sont encore dé-cevants. Pour l’année 2007, le résultat net dugroupe est en baisse de 12,1 %, passant de751 millions de dollars en 2006 à 660 millions dedollars (446 millions d’euros) en 2007, pour unchiffre d’affaires en hausse de 8 % à 6,9 milliardsde dollars. Mais cette hausse est finalement modesteet témoigne des difficultés de Yahoo ! dont la crois-sance du chiffre d’affaires est inférieure à celle dumarché de la publicité en ligne, en hausse de 23,9%en 2007. En conséquence, le 29 janvier 2008,Jerry Yang prenait acte des résultats décevants deson entreprise et annonçait le lancement d’un plande redressement avec passage en revue des diffé-rentes activités et suppression de 7 % des effectifs,soit 1 000 emplois, une mesure que Yahoo ! n’avaitprise qu’une fois jusqu’alors, au moment de l’ex-plosion de la bulle spéculative autour des valeurstechnologiques en 2000.

L’offre de Microsoft sur Yahoo ! révèle le désamourde la Silicon Valley à l’égard du géant mondial dulogiciel

La faiblesse de Yahoo ! et la chute de son cours enBourse, 50 % de valeur en moins depuis la fin2005, auront sans doute convaincu l’autre concur-rent de Google sur Internet, le groupe Microsoft, depasser à l’offensive pour contrer le moteur de re-cherche. Le 1er février 2008, Microsoft présentait uneoffre de rachat de Yahoo ! pour 44,6 milliards dedollars (30,1 milliards d’euros), une offre supérieurede 62 % au cours de l’action Yahoo ! la veille del’annonce. Pour l’éditeur de logiciels, qui compteréaliser un quart de son chiffre d’affaires dans la pu-blicité en ligne à l’horizon 2010, ce rapprochementpermettrait de faire émerger un rival sérieux face àGoogle sur le marché de la publicité en ligne, où Mi-crosoft, qui reste un outsider, peut toutefois s’ap-puyer sur les audiences colossales de sesmessageries. Par ailleurs, un rapprochement de Mi-crosoft et de Yahoo ! permettrait à Microsoft d’instil-ler une culture de l’Internet dans ses équipes afin demieux résister aux tentatives de diversification de

Google sur le marché des logiciels en ligne, secteurencore peu développé mais qui menace l’hégémo-nie mondiale du groupe de Redmond. La confronta-tion directe entre Microsoft et Google s’est d’ailleursrécemment renforcée, cette fois-ci sur le marché desnavigateurs, trusté par Internet Explorer, une domi-nation que Google entend remettre en cause depuisle lancement, le 2 septembre 2008, de son proprenavigateur baptisé Chrome.Si elle a fait couler beaucoup d’encre, l’offre publiqued’achat de Microsoft sur Yahoo !, qui a mobilisé toutce que le monde de la communication et de l’Inter-net compte de plus puissant, a finalement abouti àune plus grande emprise de Google sur le marchéde la publicité en ligne, Yahoo ! ayant préféré se met-tre en position de dépendance face à Google plutôtque de céder au géant mondial des logiciels.L’histoire de l’offre publique d’achat de Microsoft surYahoo ! éclaire toutefois à elle seule les intérêts desdifférents géants de l’Internet et les stratégies de leursdirigeants, alors qu’un mouvement de consolidationdu secteur est attendu. Les grandes manœuvres onten fait commencé après le 11 février 2008, date àlaquelle le conseil d’administration de Yahoo ! a re-jeté l’offre de Microsoft, considérant qu’elle sous-évaluait fortement Yahoo !, sans pour autantopposer un non de principe au rapprochement. Puisvinrent les « chevaliers blancs », ces offres en ré-ponse qui permettent d’envisager d’autres scénarios :un rapprochement de Yahoo ! et d’AOL, les numéros3 et 4 du marché mondial de l’Internet, a d’abordété évoqué, avant que l’éventuel rachat de Yahoo !par News Corp., qui contrôle notamment MySPace,ne focalise l’attention, le tout au conditionnel.Faute de voir Yahoo ! trouver son chevalier blanc, le5 avril 2008, Steve Ballmer, directeur général de Mi-crosoft, adressait une lettre en forme d’ultimatum auconseil d’administration de Yahoo !, lui donnant troissemaines pour trouver un accord, sans quoi l’éditeurde logiciels menaçait de prendre contact directementavec les actionnaires du portail. Le 7 avril, JerryYang opposait un non de principe à l’ultimatum deMicrosoft, rappelant que son offre sous-évaluaitYahoo !, un non qui n’est toutefois « pas opposé àune transaction avec Microsoft », mais à un meil-leur prix. Ainsi bloquée, Microsoft refusant de releverson offre, la situation a fait émerger de nouvelles ini-tiatives.

Le désamour pour Microsoft conduit Yahoo ! à sejeter dans les bras de Google, au risque de déplaireà ses actionnaires

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Le 10 avril 2008, outre une nouvelle mention d’unéventuel rapprochement avec AOL, Yahoo! annon-çait être parvenu à un accord avec Google qui, pourune phase de test, prendra en charge l’insertion desliens sponsorisés dans les requêtes adressées sur lemoteur de recherche de Yahoo !. L’accord est signi-ficatif, d’abord parce qu’il révèle l’insuffisance de larégie en ligne de Yahoo !, obligé d’aller chercherl’aide de son concurrent pour optimiser son offre etrésister aux pressions exercées par Microsoft. En-suite, parce qu’il témoigne de l’opposition de prin-cipe, voire d’un rejet viscéral de la direction deYahoo ! à l’égard de Microsoft. De son côté, Micro-soft organisait le même jour des fuites sur une éven-tuelle alliance avec News Corp. pour s’emparer de Yahoo !

Comme dans toute entreprise, ce sont les action-naires qui, finalement, ont tranché. Lors de la pré-sentation des résultats de Yahoo ! pour le premiertrimestre 2008, le 23 avril 2008, les analystes ontapprécié la hausse du bénéfice net, mais ils n’ontpu que constater que la croissance du chiffre d’af-faires de Yahoo ! était inférieure à celle du marché dela publicité en ligne, autant dire que les perspectivesdu groupe se détériorent. A l’issue de l’ultimatum deMicrosoft fixé au 26 avril, les actionnaires ont doncété déçus quand ils ont appris que, malgré une re-prise des négociations entre les deux directions etun relèvement de l’offre de Microsoft de 5 milliardsde dollars, la direction de Yahoo ! avait encore refusél’offre d’achat. Le 3 mai 2008, Microsoft annonçaitofficiellement renoncer à son OPA. Le lendemain,l’action Yahoo ! chutait de 15 % et les actionnairesmanifestaient ouvertement leur mécontentement.Dans le même temps, le raider Carl Icahn commen-çait à racheter les actions Yahoo ! Le 15 mai, fortd’une participation de 4,3 % au capital de Yahoo !,Carl Icahn ouvrait la bataille contre Jerry Yang, PDGde Yahoo !, en proposant sa propre liste d’adminis-trateurs et la révocation de l’actuel conseil d’admi-nistration à l’occasion de l’assemblée généraleprévue au 3 juillet 2008 mais reportée au 1er août.L’objectif, évident, était de renverser la direction poursigner ensuite un accord avec Microsoft sur la basede l’offre initiale qui satisferait tous les actionnaires.Fort de ce rebondissement en sa faveur, Microsoft aalors proposé à Yahoo !, le 18 mai 2008, un ac-cord de coopération dans la publicité en ligne, pourà la fois faciliter le rapprochement des deux groupeset éviter que le test publicitaire entre Yahoo ! et Goo-gle ne se transforme en partenariat ferme et défini-tif.Cet accord portait sur un investissement de 8milliards

de dollars dans Yahoo ! en contrepartie du rachatpar Microsoft pour 1 milliard de dollars du moteur derecherche de Yahoo ! La proposition n’a pasconvaincu Jerry Yang qui, le 12 juin 2008, confir-mait avoir choisi de s’allier à Google deux heuresaprès avoir annoncé la fin de toute négociation avecMicrosoft. L’accord de partenariat, d’une durée dequatre ans, porte sur les Etats-Unis et le Canada, oùGoogle gérera l’insertion des liens sponsorisés dansles pages du moteur de recherche de Yahoo !, ce quidevrait, selon Jerry Yang, rapporter entre 250 et450 millions de dollars de recettes par an. PourYahoo !, l’intérêt de cette alliance reste à démontrer,Google étant son concurrent direct, bien plus queMicrosoft. Certains des cadres dirigeants de Yahoo !ont d’ailleurs préféré partir à la suite de l’accord avecGoogle, qui signifie de fait un recul des ambitionsde Yahoo ! sur le marché des régies en ligne.

Les dernières tentatives de Microsoft butent surl’entrée de Carl Icahn au conseil d’administrationde Yahoo !

Cherchant à tirer profit du mécontentement deséquipes dirigeantes de Yahoo ! et de ses action-naires, Microsoft a multiplié les tentatives de rap-prochement avec Yahoo ! durant le mois de juilletafin d’être en mesure de proposer un projet convain-cant aux actionnaires lors de l’assemblée généraledu groupe, le 1er août. Ainsi, le 2 juillet 2008, leWall Street Journal révélait que Microsoft avait sol-licité Time Warner et News Corp. pour un projet derachat commun de Yahoo !, Microsoft conservant lemoteur de recherche et l’activité « liens sponsorisés »quand le portail serait récupéré par son allié, offrantde nombreuses synergies pour un groupe de mé-dias. Mais toutes les velléités de Microsoft à l’égardde Yahoo ! se sont effondrées le 21 juillet avec l’an-nonce surprise d’un accord amiable entre Yahoo !et Carl Icahn : en échange de son entrée au conseild’administration avec deux autres administrateursde sa liste, Carl Icahn a accepté de retirer sa motiondemandant le remplacement de la totalité du conseild’administration de Yahoo ! Le 1er août, jour de l’as-semblée générale du groupe, fut donc très calme,mais l’entrée de Carl Icahn au conseil d’administra-tion annonce une forte pression sur la direction deYahoo ! et n’exclut pas à terme une scission de lasociété ou de certaines de ses activités, dont sonmoteur de recherche.A court terme, Yahoo ! devra répondre de sa straté-gie d’alliance avec Google sur les liens sponsorisés.

38Les acteurs globaux

En effet, à eux deux, Google et Yahoo ! contrôlentplus de 50 % des recettes publicitaires mondialesen ligne et 75 % des recherches sur Internet, unquasi-monopole qui a conduit le Département amé-ricain de la justice (DoJ) à ouvrir une enquête anti-trust sur l’accord entre Google et Yahoo ! Les deuxgroupes ont d’ores et déjà annoncé qu’ils atten-draient la décision des autorités avant de mettre enapplication leur accord. Une décision qui pourraitbien être retardée depuis que l’Association mondialedes journaux (AMJ) a demandé le 15 septembre2008 aux autorités de concurrence américaine, ca-nadienne et européenne de bloquer l’accord entreGoogl et Yahoo ! du fait de son « impact négatif » surles recettes des journaux, notamment parce qu’ilrisque de donner « à Google le pouvoir de fixer et deconserver un niveau de prix élevés sur d’importantssegments de la publicité en ligne ». La Commissioneuropéenne confirmait le lendemain sa décisiond’enquêter sur les conséquences de ce rapproche-ment pour savoir s’il soulève un problème deconcurrence. AJ

Sources :- « Yahoo ! pourrait supprimer plusieurs centaines de postes pour se re-

lancer », G.C., Les Echos, 23 janvier 2008.

- « Yahoo tente de combler l’écart grandissant avec Google », Cécile Du-

courtieux, Le Monde, 31 janvier 2008.

- « Yahoo ! distancé par son concurrent Google », V.C., Le Figaro,31 janvier 2008.

- « Yahoo ! se restructure pour rebondir face à Google », Virginie Robert,

Les Echos, 31 janvier 2008.

- « Pour contrer les ambitions publicitaires de Google, Microsoft lance une

offre non sollicitée de 44,6 milliards de dollars sur Yahoo ! », La Corres-pondance de la presse, 4 février 2008.

- « Yahoo ! va rejeter l’offre de Microsoft », La Correspondance de lapresse, 11 février 2008.

- « Yahoo ! fait monter les enchères sans fermer la porte à Microsoft », David

Barroux, Les Echos, 12 février 2008.

- « Yahoo ! discute avec AOL pour contrer Microsoft », Pierre-Yves Dugua,

Le Figaro, 6 mars 2008.

- « Fusion avec Microsoft : Steve Ballmer lance un ultimatum à Yahoo ! »,

Laetitia Mailhes, Les Echos, 7 avril 2008.

- « Yahoo ! veut un meilleur prix de Microsoft », Virginie Robert, Les Echos,8 avril 2008.

- « Les géants des médias se lancent à leur tour dans la bataille pour

Yahoo ! », Cécile Ducourtieux, Le Monde, 11 avril 2008.

- « Yahoo ! signe un partenariat avec Google et pourrait s’allier à AOL, pour

résister à la pression de Microsoft », La Correspondance de la presse,11 avril 2008.

- « Yahoo ! a peu de chances d’échapper à l’étreinte de Microsoft », Michel

Ktitareff et Jean-Christophe Féraud, Les Echos, 24 avril 2008.

- « Microsoft renonce à une surenchère pour s’offrir Yahoo ! », Eric Chalmet,

La Tribune, 5 mai 2008.

- « Yahoo ! sanctionné pour son rejet de Microsoft », Pierre-Yves Dugua,

Le Figaro, 6 mai 2008.

- « Le "raider" Icahn veut le départ des administrateurs de Yahoo ! et pousse

à une fusion avec Microsoft », C. Du., Le Monde, 17 mai 2008.

- « En mal de stratégie sur Internet, Microsoft tend la main à Yahoo ! », Eric

Chalmet, La Tribune, 20 mai 2008.

- « Yahoo ! veut rester indépendant et s’appuie sur Google », Yves Mamou,

Le Monde, 14 juin 2008.

- « La stratégie contestée de Jerry Yang provoque l’exode de dirigeants de

Yahoo ! », Eric Chalmet, La Tribune, 23 juin 2008.

- « Microsoft envisage de repartir à l’assaut de Yahoo ! », Virginie Robert,

Les Echos, 3 juillet 2008.

- « Yahoo ! et Carl Icahn font la paix », AFP, tv5.org, 21 juillet 2008.

- « La presse ne veut pas de l’alliance Google-Yahoo ! dans la publicité en

ligne », N.S., Les Echos, 15 septembre 2008.

- « Accord Google/Yahoo !: ouverture d’une enquête de l’UE », AFP, tv5.org,

16 septembre 2008.

Bertelsmann se retire de la major Sony-BMG, désormais contrôlée par le seulgroupe japonais

Le groupe allemand Bertelsmann, qui se recentre surses activités stratégiques, a vendu à son partenairejaponais les 50 % de capital qu’il détenait dansSony-BMG, deuxième major mondiale du disque, ti-rant ainsi un trait sur sa présence mondiale dans ledomaine de la musique. Pour Sony, l’opérations’inscrit dans la stratégie d’intégration verticale dugroupe entre contenants et contenus.

L’alliance conclue en 2004 entre Bertelsmann MusicGroup (BMG) et Sony aura fait long feu. Après qua-tre années de rebondissements sur les conditionsdu rapprochement ayant donné naissance à ladeuxième major mondiale du disque (voir le n°0 deLa revue européenne des médias, hiver 2006), lesautorités européennes de concurrence voient le dos-sier Sony-BMG se régler par abandon de l’une desdeux parties. En phase de restructuration straté-gique, le groupe allemand Bertelsmann a en effetdécidé de se séparer de ses activités dans la mu-sique, après avoir vendu Direct Group North Ame-rica, sa branche clubs de livres, de musique et deDVD aux Etats-Unis et au Canada, un accord défini-tif sur la cession ayant été conclu avec Najafi Com-panies, le 11 juillet 2008 (voir n°6-7 de La revueeuropéenne des médias, printemps-été 2008).Le 5 août 2008, Bertelsmann annonçait avoir trouvéun accord avec Sony pour le rachat par le groupe ja-ponais des 50 % du capital qu’il détenait dans lacoentreprise Sony-BMG. Depuis, la transaction a étéautorisée par les autorités européennes de laconcurrence qui considèrent, comme en 2004 et en2007, malgré les rebondissements de l’affaire, quel’opération « n’est pas susceptible d’entraîner des ef-fets coordonnés entre grandes sociétés musicales ».

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L’opération, en effet, ne fait pas naître une nouvellemajor par fusion de deux entités, mais constitueseulement un transfert de capital et une prise decontrôle total de l’entreprise par un de ses action-naires.Pour Sony, le coût de la transaction au profit de sonancien partenaire s’élève à 1,2 milliard de dollars,dont 900 millions de dollars pour les 50 % de ca-pital détenus par Bertelsmann et 300 millions dedollars pour la part de trésorerie de Bertelsmanndans Sony-BMG. La somme est donc importante surun marché de la production et de la distribution demusique en crise, confronté notamment au piratage.Mais, pour Sony, l’enjeu est ailleurs. La prise decontrôle de la deuxième major mondial du disqueva lui permettre d’intégrer dans son périmètre degroupe un pôle musical fort, Sony-BMG devenantSony Music Entertainment Inc. (SMEI), une filiale deSony Corporation of America, connue égalementpour ses productions hollywoodiennes. Ce pôle« contenu » du groupe Sony complétera ainsi en-core mieux le pôle électronique, le groupe japonaisdéfendant une stratégie d’intégration verticale. Leséquipements Sony sont en effet destinés à diffuserdes contenus produits par Sony, ce qui impose augroupe japonais de contrôler complètement les en-treprises éditrices de produits culturels, qu’il s’agissede la musique, des films ou des jeux vidéo.Pour Bertelsmann, son retrait du capital de Sony-BMG met fin au processus de sortie du groupe alle-mand du secteur de la musique et révèle les erreursstratégiques de Bertelsmann face au développementdu numérique. En effet, alors que la production et ladistribution de musique se sont effondrées, confron-tées au succès de la dématérialisation de la mu-sique, la gestion des droits des artistes apparaît aucontraire comme le relais de croissance du secteurde la musique, obligé de diversifier ses sources derevenus, qu’il s’agisse de vendre des sonneries pourportable, d’organiser des concerts ou de développerle merchandising. Une évolution bien anticipée parle numéro un mondial de la musique, UniversalMusic Group, qui avait racheté, en 2006, BMGMusic Publishing, activités d’édition musicale deBMG. Une évolution qui ne laisse d’ailleurs pas in-différent Bertelsmann, le groupe ayant conservé,malgré son retrait de Sony-BMG, la gestion desdroits musicaux d’un catalogue européen de 200artistes, une manière de revenir sur un secteur dé-serté par le groupe depuis deux ans.Plus généralement, la vente par Bertelsmann de sesparts dans Sony-BMG s’inscrit dans le vaste plan de

restructuration stratégique amorcé par Harmut Os-trowski, PDG du groupe depuis le 1er janvier 2008.Bertelsmann ne devrait conserver, à terme, que sesactivités les plus rentables, la vente de livres et laproduction et distribution de musique faisant partiedes secteurs les moins performants du géant alle-mand des médias, et se concentrer sur les secteursplus prometteurs de la télévision, de la formation etde l’Internet. Outre la cession de sa participationdans Sony-BMG, Bertelsmann envisage égalementde céder sa filiale française de distribution de livres,Direct Group France, connue sous la marque FranceLoisirs. Les sommes ainsi récupérées serviront à fi-nancer les nouveaux investissements du groupe quisouhaite afficher un chiffre d’affaires annuel de30 milliards d’euros en 2015, contre 19 milliardsd’euros en 2007. AJ

Sources :- « Bertelsmann vend son activité de clubs américaine à Nafaji Companies »,

auswaertiges-amt.de, 14 juillet 2008.

- Bertelsmann prépare la vente de France Loisirs », Nathalie Silbert,

Les Echos, 7 août 2008.

- « Bertelsmann vend ses parts dans Sony-BMG à son partenaire japonais »,

Karl de Meyer, Les Echos, 6 août 2008.

- « Bertelsmann cède sa part de 50 % dans la major Sony-BMG », Nicole

Vulser, Le Monde, 7 août 2008.

- « Sony fait un pari risqué dans la musique », Régis Arnaud, La Tribune,11 août 2008.

- « L’UE autorise Sony à reprendre les 50 % de Bertelsmann dans Sony-

BMG », AFP, tv5.org, 15 septembre 2008.

Vivendi, premier éditeur mondial de jeuxvidéo

Les actionnaires ont entériné l’acquisition par legroupe français, annoncée en décembre 2007, de52 % du capital de la société californienne éditricede jeux vidéo Activision, en juillet 2008, faisant deVivendi le premier acteur mondial du secteur.

Le groupe français de médias et de télécommunica-tions Vivendi a finalisé son acquisition de l’éditeur dejeux américain Activision, en juillet 2008. Annoncéeen décembre 2007 (voir le n°5 de La revue euro-péenne des médias, hiver 2007-2008), l’opérationd’un montant de 1,7 milliard de dollars fait de Vi-vendi à travers sa filiale rebaptisée Activision Bliz-zard (du nom du studio de création de VivendiGames), le premier éditeur de jeux vidéo du mondedevant l’autre géant du secteur, Electronic Arts (voirinfra). Au début des années 2000, le groupe avaittenté de vendre sa filiale de jeux vidéo parmi d’autres

40Les acteurs globaux

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actifs. Bien lui en a pris de conserver une activitédans un secteur qui connaît aujourd’hui une crois-sance annuelle de 40 %. En 2007, Vivendi Gamesréalisait plus d’un milliard d’euros de chiffre d’af-faires. Celui d’Activision Blizzard pour 2007-2008est de 2,86 milliards d’euros. Spécialisé dans lesjeux en ligne dits « massivement multijoueurs » pourles plus de 12 ans, avec le succès de World of War-craft (WoW) comptant plus de 10 millions d’abon-nés et constituant à lui seul 85 % du chiffred’affaires de Blizzard, Vivendi pourra diversifier saproduction avec des jeux pour console et des pro-grammes s’adressant davantage au grand public.L’offre publique d’achat, lancée comme prévu en juil-let 2008 par Vivendi, afin de porter ses parts à 68% ducapital, n’a pas été suivie, le prix offert au momentde l’annonce de rachat étant inférieur au cours de laBourse sept mois plus tard. Le groupe Vivendi a an-noncé un chiffre d’affaires de 11, 26 milliards d’eu-ros, soit une croissance de 10,2 % pour le premiersemestre 2008. FL

Sources :- « Vivendi a bouclé le rachat d’Activision, mais ne finalisera pas son OPA »,

Les Echos, 11 juillet 2008.

- « En cinq ans, Vivendi est devenu le numéro un mondial des jeux vidéo »,

Nathalie Brafman, Le Monde, 12 juillet 2008.

Après l’échec de son OPA, Electronic Artsrenonce à s’offrir Take Two, malgré de nou-velles négociations

Obligé de répondre à la fusion entre Vivendi Gameset Activision, qui a donné naissance au nouveau nu-méro un mondial du jeu vidéo, Electronic Arts a tentéen vain de s’emparer de son rival Take Two par uneoffre publique d’achat hostile. Au moins cet écheca-t-il permis un début de négociations directes entreles deux directions, convaincues de l’intérêt straté-gique du rapprochement entre les deux sociétés.Mais les discussions ont de nouveau buté sur la va-lorisation de Take Two.

Lancée le 13 mars 2008 à défaut d’un accord avecle conseil d’administration de Take Two, l’OPA hos-tile d’Electronic Arts valorise Take Two à près de2 milliards de dollars, 50 % de plus que la valori-sation boursière de la société avant le lancement del’offre publique d’achat (voir n°6-7 de La revue eu-ropéenne des médias, printemps-été 2008). Maisles actionnaires de Take Two, convaincus parStrauss Zelnick, président du conseil d’administra-tion de Take Two, semblent penser que la société

mérite une meilleure valorisation, soit parce qu’ellea retrouvé le chemin des profits avec le lancementde son jeu phare Grand Theft Auto IV, écoulé à10 millions d’exemplaires depuis sa sortie enavril 2008, soit parce que le marché mondial du jeuvidéo est suffisamment concurrentiel pour que l’OPAdéfensive d’Electronic Arts se monnaye à prix fort.Ainsi, après avoir été repoussée cinq fois, l’offre pu-blique d’achat d’Electronic Arts sur Take Two a fina-lement été abandonnée le 17 août 2008, alorsqu’Electronic Arts ne contrôlait que 15 % de sa cibleaprès une bataille boursière de près de six mois.Contre toute attente, l’inflexion d’Electronic Arts aconstitué une occasion pour le groupe de prendre àterme le contrôle de Take Two dans des conditionsplus favorables, avec l’accord de son conseil d’ad-ministration et de ses équipes créatives, un argu-ment stratégique dans l’univers des nouvellestechnologies où les compétences sont rares. Ainsi,après avoir longtemps refusé de dialoguer avec sacible, John Riccitiello, le PDG d’Electronic Arts, a ac-cepté de rencontrer Strauss Zelnick pour une pré-sentation détaillée des activités de Take Two.L’objectif de cette rencontre, demandée depuis tou-jours par Strauss Zelnick, était de rappeler la valeurde Take Two pour Electronic Arts, qu’il s’agisse de lavaleur intrinsèque de la société ou de sa valeur stra-tégique en termes de concurrence, ce qui justifie,selon Take Two, une offre d’achat plus attractive dela part d’Electronic Arts.Manifestement, la valorisation proposée par Electro-nic Arts, de 2 milliards de dollars pour Take Two,était perçue comme élevée par le groupe, malgré lesdénégations de Strauss Zelnick. A la suite des né-gociations amicales, et à défaut d’accord avec TakeTwo sur le prix, Electronic Arts, qui a refusé d’aug-menter son offre, a annoncé, le 14 septembre 2008,renoncer au rachat de Take Two pour se focaliser sursa croissance interne. Le lendemain, l’action TakeTwo perdait 24 % de sa valeur, le groupe, à lui seul,n’ayant pas les moyens de s’imposer sur le marchémondial des jeux vidéo malgré le succès de GrandTheft Auto IV. AJ

Sources :- « Electronic Arts prolonge son offre sur Take Two », O.Pi, La Tribune,20 mai 2008.

- « Take Two pousse Electronic Arts à discuter », Sandrine Cassini, La Tribune,19 août 2008.

- « Electronic Arts et Take Two engagent des négociations », G.P., Les Echos,19 août 2008.

- « Take Two Interactive a vendu 10 millions d’exemplaires de " Grand Theft

Auto IV" », Les Echos, 8 septembre 2008.

- « Electronic Arts renonce à s’offrir Take Two », G.P., Les Echos,16 septembre 2008.

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Spaceshifting

Expression anglaise. Visionnage à distance d’unprogramme, le spaceshifting représente l’équivalent,pour l’espace, de ce qu’est pour le temps letimeshifting. Le timeshifting permet déjà au télé-spectateur de maîtriser la diffusion en direct d’unprogramme, grâce à un enregistreur numérique qui,lorsque la fonction pause est activée, stocke les don-nées du programme visionné sur son disque durafin de pouvoir en reprendre la lecture ultérieurement(voir n°2-3 de La revue européenne des médias,printemps-été 2007).Le spaceshifting offre désormais la possibilité de re-transmettre la diffusion d’un programme en directsur un écran d’ordinateur ou d’un téléphone porta-ble connecté à Internet, dans une autre pièce, dansune autre ville ou même dans un autre pays. Captépar un boîtier électronique directement à partir d’uneantenne classique, d’un décodeur TNT ou satellite,d’une box ADSL ou encore d’un enregistreur numé-rique, le flux vidéo est réorienté -« redirigé »- versInternet. Un logiciel de lecture spécifique doit être té-léchargé sur l’appareil, ordinateur ou téléphone por-table, qui sert alors de récepteur à distance. Cenouvel équipement est déjà commercialisé en Asie,aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et enFrance.

Opt-in ou Opt-out

Principe selon lequel les données personnelles desconsommateurs sont collectées par des entreprisesmarchandes. Un consommateur est appelé à expri-mer explicitement ou implicitement son consente-ment ou son refus (« opter pour » ou « opter contre »)de recevoir des messages publicitaires non sollici-tés par courrier électronique (spamming), appel té-léphonique automatique ou sms.Selon le principe opt-in , l’envoi de messages pu-blicitaires ne peut être pratiqué sans le consentement

préalable du consommateur. Ainsi, selon ce prin-cipe, les entreprises commerçantes devront deman-der à leurs clients s’ils désirent recevoir desmessages commerciaux, en leur offrant notammentla possibilité de cocher une case sur le site Webmarchand, précisant leur accord. Cette case ne doitpas être cochée à l’avance par le commerçant.

Selon le principe opt-out, il revient au consommateurde faire la démarche de signifier son refus de rece-voir des messages publicitaires, par exemple encoreen cochant une case. Par défaut, ce principe im-plique que toutes les personnes qui ne s’y sont pasopposées explicitement acceptent la réception.

Le principe opt-in est le plus protecteur en matière dedonnées personnelles, tandis que le principe opt-outest plus favorable aux entreprises commerciales.Contrairement aux Etats-Unis où c’est le principeopt-out qui s’applique, l’Europe a choisi le principedu consentement préalable, l’opt-in, inscrit dans ladirective n° 2002/58 du 12 juillet 2002 concernantle traitement des données à caractère personnel et laprotection de la vie privée, elle-même transposée endroit français par la loi n°2004-575 du21 juin 2004, loi pour la confiance dans l’économienumérique (LEN). Au demeurant, l’autorisation préa-lable n’est plus exigée lorsque le destinataire estdéjà client de l’entreprise, tout au moins quand celle-ci souhaite le solliciter pour des produits ou des ser-vices de même nature.

Crowdsourcing

Expression américaine, littéralement « approvision-nement par la foule ». Le crowdsourcing est né despratiques d’Internet. Il consiste à utiliser les compé-tences d’un grand nombre d’internautes au servicedes entreprises en quête d’innovations. C’est le prin-cipe de l’open source des logiciels libres appliquéaux idées, aux tendances ou aux nouveautés. Les

A retenir��

A retenir

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internautes non professionnels, étudiants, autodi-dactes, retraités, amateurs… sont sollicités sur leNet pour enrichir, bénévolement ou presque, desboîtes à idées au service des entreprises par l’inter-médiaire des crowdsourcers. Ces derniers mon-naient les bonnes idées et les informations inéditesqu’ils ont collectées grâce à des concours, des fo-rums ou des appels à contributions lancés sur leWeb. Ce sont également des communautés d’inter-nautes qui mettent leur savoir au service des entre-prises. Les sites de partage d’idées et de projets semultiplient sur Internet. De nombreuses start-up sontainsi créées en exploitant le bénévolat de milliersd’internautes.

FL

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Les médias à l’ère du numérique.Réflexions franco-allemandes pour l’Europe,sous la direction d’Isabelle Bourgeois,CIRAC, juillet 2008, 151 pages.

« La concentration des médias à l’ère du numérique.Quelle prévoyance pour le marché et le citoyen ? »fut le thème débattu en novembre 2006 par les ex-perts, professionnels, chercheurs et journalistes eu-ropéens réunis à Berlin sous l’égide du CIRAC(Centre d’information et de recherche sur l’Alle-magne contemporaine) et des instances de régula-tion des Länder de Thuringe (TML) et de Rhénaniede Nord-Westphalie (LfM). Ces réflexions franco-allemandes pour l’Europe répondaient à un doubleobjectif : d’une part, contribuer à une meilleure com-préhension des politiques nationales dans le do-maine des médias à l’ère du numérique ; d’autrepart, grâce à la mise en perspective des choix na-tionaux, contribuer à la définition d’un « nouveaumodèle médiatique » pour demain, tant au niveaunational que sur le plan communautaire.

Face aux interrogations surgies de par la numérisa-tion des médias, quelles réponses l’Europe doit-elleapporter, afin de veiller à la fois au libre accès detous au marché et à la libre circulation de l’infor-mation ? La généralisation de l’usage d’Internet etl’émergence de nouveaux acteurs, le développementde la téléphonie mobile et les usages inédits qui enémanent, la convergence des deux univers, l’audio-

visuel et les télécommunications, jusque-là séparés,ainsi que le rapprochement des métiers d’éditeurs,de diffuseurs et de fournisseurs d’accès, tous cessujets réclament une nouvelle approche. La réponseréside-t-elle dans une régulation plus forte ou, aucontraire, plus souple, au niveau national ou àl’échelle européenne ?Pour nourrir le débat, cinq grands thèmes ont étéabordés : Dans la jungle des nouveaux services.L’audiovisuel a-t-il vécu ? ; Nouveaux défis pour larégulation et le contrôle. Quels niveaux et quellesinstances ? ; Parts de capital ou parts d’audience.Ces critères sont-ils encore adaptés à l’ère du nu-mérique ? ; Segmentation de l’offre, individualisa-tion de la réception, atomisation de la société.Quelles bases de légitimité pour la régulation desmédias ? ; Les entreprises s’européanisent : faut-ilun contrôle des concentrations pour les médias àl’échelon européen ?

Selon Victor Henle, président de la TLM, une ques-tion primordiale s’est posée au cours des discus-sions : celle de l’éducation : « …La classe politiquea grand besoin d’apprendre ce que sont les médiaset quelles lois régissent leurs activités. […] … si lesmédias diffusent leur message (celui des responsa-bles politiques, ndlr), […] si le politique est en si-tuation d’interdépendance avec le mondemédiatique, la "classe politique" manque cruelle-ment de ce savoir indispensable pour comprendreréellement les effets des médias et leur évolution.

Vient deparaître��

Vient de paraître

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En Allemagne, nous avons compris depuis long-temps que, pour contrer les effets de la concentrationdes médias, il faut développer les compétences mé-diatiques des citoyens et des consommateurs, doncleur dispenser les savoirs nécessaires à la compré-hension des lois inhérentes à la communication etau monde des médias. Ce sont là les nouvellescompétences requises non seulement pour que cha-cun puisse s’orienter dans l’immensité de l’offre,choisir un contenu en connaissance de cause, maisbien plus généralement aussi celles qu’il nous fautà tous pour entrer de plain-pied dans l’ère de l’in-formation ». FL

Rapport sur le livre numérique, remis le30 juin 2008 au ministre de la culture parBruno Patino, 68 pages.

Bruno Patino, président de Télérama et du Mondenumérique au moment où la ministre de la culturelui confie une mission sur le livre numérique, en fé-vrier 2008, rappelle d’emblée que « le livre numé-rique n’est plus, en France, une fiction ». Denombreux secteurs de l’édition, comme celui des li-vres professionnels, des dictionnaires et encyclopé-dies, des livres pratiques ou des guides de voyage,sont en effet commercialisés en version numérique,sans remettre vraiment en cause leur économie, larelation avec les auteurs ou les usages des lecteurs.Néanmoins, à l’instar de la musique ou du cinéma,la conversion pourrait s’étendre à la littérature géné-rale et les acteurs du secteur devraient s’y prépareravant qu’il ne soit trop tard. L’économie du livreconnaît déjà des équilibres précaires. Selon BrunoPatino, le principal danger réside dans la concur-rence qui pourrait naître entre les détenteurs desdroits - les auteurs, les éditeurs - et les détenteursd’accès et de réseaux. Il faut veiller à ce que les opé-rateurs de télécommunications ou les distributeursen ligne ne s’approprient définitivement la détermi-nation de la valeur du livre.Aussi deux points sont-ils à considérer : la propriétéintellectuelle et la détermination des prix. Concernantla propriété intellectuelle, le rapport préconise de pro-mouvoir une offre légale attrayante. Seule une offrede qualité, doublée d’une interopérabilité des sys-tèmes de lecture, pourrait éviter le piratage : « Lapropriété intellectuelle doit demeurer la clé de voûtede l’édition ». Le code de la propriété intellectuellene doit pas être modifié.Concernant d’autre part la détermination des prix,

les éditeurs doivent conserver un rôle central. Alorsque la loi du 10 août 1981 sur le prix unique dulivre, dite loi Lang, s’applique uniquement à l’édi-tion imprimée, il faut pareillement s’inspirer de l’es-prit général de ce texte, afin d’inventer unmécanisme identique pour l’édition dématérialisée.En outre, le taux de TVA doit être réduit à 5,5 % pourl’ensemble des biens culturels numériques, contre19,6 % actuellement.Mis en place en juillet 2008, le Conseil du livre quiréunit l’ensemble des acteurs du secteur planchedésormais sur la mise en œuvre effective des me-sures à prendre. Aujourd’hui, le Japon est le seulpays au monde où l’usage du livre numérique estréellement développé, notamment sur des lecteursmobiles. Il représente 3 % du marché en 2008 etpourrait atteindre les 10 % en 2011. Aux Etats-Uniset au Canada, le groupe Sony a lancé son livre nu-mérique baptisé Reader en septembre 2006, tandisque la librairie en ligne Amazon a sorti son Kindle àla fin de l’année 2007. La commercialisation duReader de Sony a débuté en Europe par leRoyaume-Uni, en septembre 2008, suivi de laFrance, un mois plus tard, grâce à un partenariatavec, d’un côté, la FNAC qui en a l’exclusivité pen-dant six mois et, de l’autre le numéro un de l’éditionfrançaise Hachette Livre, qui propose 2 000 titresde littérature à un prix inférieur de 10 à 15 % à l’édi-tion originale. FL

Media Accountability Today… and Tomor-row. Updating the Concept in Theory andPractice, T. Von Krogh,Göteborg, Nordicom, 2008, 158 p.

L’ouvrage rassemble, sur le thème de la responsa-bilité des médias, les communications présentéespar des universitaires ou des professionnels euro-péens et nord-américains, lors d’un séminaire or-ganisé, en mars 2007, à l’Université de Kalmar, enSuède. L’objet était d’étudier la façon dont, par di-verses formes d’autorégulation, les médias peuventrespecter et conforter l’éthique de l’information.

L’introduction générale rappelle que le principe deresponsabilité sociale des médias est apparu auxEtats-Unis en 1947, à l’occasion des travaux de laCommission Hutchins, de façon à assurer l’exis-tence d’« une presse libre et responsable », dansl’intérêt du public. Les moyens identifiés pourcontraindre les médias à assumer leur mission de

façon responsable sont multiples : conseils depresse, médiateurs, codes d’éthique, chartes rédac-tionnelles, revues critiques…Pour l’un des participants français, « le problèmen’est plus de définir des règles de conduite, maisd’obtenir que les médias et les journalistes les res-pectent » et de « donner force » à ces règles. Pourun universitaire américain, l’information devrait êtretraitée comme un produit « hybride entre une activitédevant permettre de dégager des profits et le servicedu public ». Un journaliste de même nationalité sou-haite que le public soit considéré comme un vérita-ble « partenaire » et non pas seulement comme unconsommateur d’informations. Il convient de renfor-cer la crédibilité des journaux, en expliquant mieuxce qui est fait et en prenant en compte les critiquesformulées. Une universitaire allemande, un journa-liste norvégien et un autre suédois envisagent, cha-cun à sa façon, la situation des médias face auxmoyens de critique qu’offre désormais Internet. Qua-lifié de « cinquième pouvoir », le public devraitconstituer un « correctif aux médias qui n’assumentpas leur mission de façon satisfaisante ». Un autreintervenant évoque l’émission de critique des mé-dias qu’il anime à la télévision publique suédoise. Ilest ensuite fait état d’une organisation britannique,regroupant des individus qui se considèrent comme«victimes des médias», ayant pour vocation d’enaméliorer la qualité et pour laquelle « la liberté de lapresse est une responsabilité que les journalistes as-sument au nom du public ». Un autre universitaireaméricain conclut sa présentation en citant AlbertCamus : « Une presse libre peut être bonne ou mau-vaise mais, de façon certaine, sans liberté, elle nepeut être que mauvaise ». ED

The Changing Newsroom : What is BeingGained and What is Being Lost in Ame-rica’s Daily Newspapers ?, Tyler Marshalland Pew Research Center, Project for Ex-cellence in Journalism, july 2008, 57pages.

Le Los Angeles Times a annoncé la suppression de250 emplois, dont 150 au sein de la rédaction, enjuillet 2008. The New York Times, troisième quoti-dien américain, va, quant à lui, réduire ses effectifsde 5,4 %, soit 550 emplois supprimés, afin de réa-liser les 230 millions de dollars d’économie prévusà la fin 2009. Effectuée à partir d’interviews de pa-trons de quotidiens nationaux et régionaux répartis

dans quinze villes américaines et d’un sondage cou-vrant les rédacteurs en chef de 259 journaux, uneétude du Pew Research Center, publiée en juillet2008, révèle que la presse américaine est auxprises avec une baisse drastique de ses revenus,comme le sont les quotidiens français qui, au mêmetitre que leurs confrères d’outre-Atlantique, recourentà la diminution du nombre de leurs journalistes.Parmi les quotidiens recensés dans cette étude amé-ricaine, 85 % des titres ayant une diffusion supé-rieure à 100 000 exemplaires et 52 % des pluspetits titres ont réduit leurs effectifs durant les troisdernières années. La conséquence directe de cetteréduction sur le contenu éditorial a concerné princi-palement les pages d’actualité internationale dansles deux tiers des quotidiens américains (voir le n°6-7 de La revue européenne des médias, printemps-été 2008), alors que plus de la moitié des titres aconsacré moins de pages aux informations natio-nales et qu’un tiers a diminué le nombre de sujetssur l’économie, les sciences, les arts, les grands re-portages et toute une série de sujets spécialisés netrouvent plus leur place dans les journaux.Selon la même étude, la presse américaine se trouveprise en étau entre deux forces contradictoires. D’uncôté, les pressions financières qui sapent ses forceset menacent sa survie et de l’autre, la croissance duWeb qui relance sa compétitivité et ouvre de nou-velles formes innovantes de journalisme, instaurantdes liens inédits avec ses lecteurs et ainsi porteurd’un énorme potentiel pour le futur. De nombreuxéditeurs pensent que l’avenir de l’industrie de lapresse est effectivement une course de vitesse entreces deux forces opposées. Le défi est de trouver lafaçon de monétiser la croissance rapide de leur au-dience sur le Web, avant que les réductions d’effec-tifs dans les rédactions n’affaiblissent les journauxau point de voir leur compétitivité disparaître sur lemarché de l’information. L’étude constate égalementque la culture des rédactions des quotidiens achangé. Les nouvelles exigences du métier transfor-ment les équipes avec l’arrivée de jeunes journa-listes férus de nouvelles technologies, alors mêmeque les problèmes financiers écartent l’ancienne gé-nération aux salaires élevés. Au risque de perdre,selon les dirigeants de ces entreprises, la sagesse etle talent des anciens.

Enfin, les sites Web des journaux apparaissent deplus en plus aux yeux des éditeurs autant sourced’espoirs que de craintes. Les patrons de presse sedemandent si les avantages procurés par le Web

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profondes inquiétudes, 56 % des éditeurs estimentque la production d’informations est meilleure qu’ily a trois ans et que l’on va bien vers un progrès etnon vers une détérioration. Par-dessus tout, les di-recteurs de rédaction se sentent mal préparés auxchangements qui les submergent : seulement 5 %se disent capables de prédire à quoi ressembleraleur rédaction dans cinq ans. « J’ai l’impressiond’avoir été projeté dans un autre monde, un mondeque je ne comprends pas vraiment… » déclare unéditeur.

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compensent l’énergie dépensée à produire des in-formations d’une valeur souvent limitée, voire dou-teuse. Ainsi, 48 % des éditeurs se disent partagésentre d’un côté le fait de mettre à profit la vitesse, laprofondeur et l’interactivité du Web et de l’autre cequ’il en coûte en termes d’exactitude et de rigueurjournalistiques. Tandis qu’une proportion semblable,43 %, pense que les outils du Web offrent la possi-bilité d’un journalisme « meilleur que jamais » et queleur usage « sauverait l’idée que l’on se faisait au-trefois d’une rédaction de journal ».En dépit des réductions drastiques de moyens et de

Ina.fr/europe-des-cultures

Créé à l’occasion de la présidence française del’Union européenne, ce site lancé en juillet 2008, estle fruit d’un partenariat entre l’Institut national de l’au-diovisuel (INA) et Culturesfrance, l’opérateur déléguédes ministères des affaires étrangères et de la cultureet de la communication pour les échanges culturelsinternationaux, avec le ministère de l’éducation. Bi-lingue anglais-français, ce site est consacré à toutesles formes d’art et de culture des 27 pays européensdurant les 50 dernières années : architecture, mu-sique, photographie, littérature, cinéma, mode,design, bandes dessinées…

Archive.timesonline.co.uk.

Le quotidien britannique The Times a mis en lignel’ensemble de ses archives depuis le 1er janvier1785, jour de sa création, jusqu’à l’année 1985.

europafilmtreasures.fr.

37 fonds d’archives et cinémathèques d’Europe,dont les Archives françaises du film, l’Institut Lumièreet la Cinémathèque française ont lancé, en juillet2008, à l’initiative de Serge Bromberg, collection-neur de films anciens, un site offrant des œuvres dupatrimoine cinématographique européen réaliséesentre 1899 et 1999. Les œuvres sont gratuitementdiffusées en version originale avec un sous-titrageen cinq langues.

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Et aussi...

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Pour les chaînes de télévision à vocation nationale,généralistes, transmises par la voie hertzienne ter-restre et subsidiairement, pour un nombre toujoursplus élevé de foyers, par ADSL, par câble ou par sa-tellite, voire par Internet, ces chaînes qu’on qualified’historiques ou de conventionnelles, les nuages necessent de s’amonceler : fin 2007, TF1 est passéesous la barre des 30 % de parts de marché d’au-dience ; M6 dépassait difficilement les 10 %. Legroupe France Télévisions n’est pas épargné nonplus par l’érosion, même si la diversité de ses an-tennes en ralentit sensiblement le rythme. A la mêmeépoque, les chaînes nées avec le câble et le satel-lite, les thématiques, les locales et les régionales,les étrangères, auxquelles s’ajoutent désormais leschaînes de la TNT, ont franchi ensemble le seuil de20 % de parts d’audience. Pour ces chaînes de ladeuxième génération, la TNT fut une bénédiction :elle leur a permis d’apparaître non plus comme deschaînes de « complément », comme on le disait en-core en 2007, mais comme une alternative, tou-jours plus convaincante, aux chaînes historiques,conventionnelles ou traditionnelles, celles qui ont faitnaître la télévision.Les entreprises au sein desquelles sont nées lesgrandes chaînes françaises, TF1, France Télévi-sions, M6 et Canal+ n’ont certes pas attendu la son-nette d’alarme de la TNT pour diversifier leursactivités. Dans un premier temps, elles ont tiré lesconséquences, dans des proportions variables il est

vrai, de cette loi d’airain de l’économie : la diversitéest le prix de la croissance. Aujourd’hui, chacunedes grandes chaînes historiques fait ainsi figure denavire amiral, entraînant à sa suite une flotte ou uneflottille de petits vaisseaux, de chaînes thématiquesou affinitaires. Toutes, ou presque, perdent de l’ar-gent : elles ne doivent leur survie qu’à l’espoir d’engagner, de constituer un jour des relais de crois-sance.

Ces mêmes entreprises sont allées plus loin : ellesse sont lancées, dans un deuxième temps, sur In-ternet, proposant ainsi leurs programmes juste aprèsleur diffusion et pendant un laps de temps plus oumoins long, gratuitement ou non. Avec cette télévi-sion de rattrapage, ce que les Américains appellentla catch-up TV, les groupes permettent aux télé-spectateurs de profiter des programmes dont ils au-raient manqué le rendez-vous, espérant ainsirattraper sur la Toile les points d’audience perdus àl’antenne. Selon l’institut Médiamétrie, en France, les15-34 ans représentent les deux tiers des 4 millionsde personnes ayant eu recours, en 2007, à la télé-vision de rattrapage. Les 62 services de télévision derattrapage recensés en Europe fin 2007 participentde cette « délinéarisation » de la télévision, renduepossible par l’essor parallèle de la numérisation, duhaut débit et des capacités de sauvegarde ou destockage des contenus : le déclin de la télévision li-néaire dont les programmes, ordonnés par les dif-fuseurs, sont prisonniers de leurs grilles et de leurschaînes.

Ce lent déclin de chaînes généralistes nationales an-nonce-t-il leur fin inéluctable, la fin de la télévision,telle que nous l’avons connue depuis sa naissance ?

Articles&chroniques��Quel avenir pour latélévision ?

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Les téléspectateurs donneront-ils à leur tour rendez-vous aux programmes de télévision après que leschaînes, pendant si longtemps, se contentaient deles convoquer selon leur bon plaisir ? La fin de la té-lévision du JT et du prime time annonce-t-elle la fin,pour les téléspectateurs, de la passivité, le publicn’étant plus jamais passif (lean bakcward) pour de-venir vraiment actif (lean forward) ?

Le destin de la télévision, en réalité, est inséparablede celui des autres médias. Le numérique, avec sesréseaux toujours plus performants, avec ses termi-naux toujours plus nombreux, plus polyvalents, au-tonomes et aisément accessibles, défie en effet tousles médias et redessine les contours du paysagequ’ensemble ils composent. « Ils n’en mouraient pastous, mais tous étaient frappés ». Comme les ani-maux malades de la peste selon La Fontaine, lesmédias sont tous atteints par la révolution numé-rique. Comme la presse, la radio ou le cinéma, la té-lévision est déjà engagée dans la voie del’autoprogrammation et l’autoproduction. Le numé-rique la fait passer de menu imposé au menu à lacarte : ce que je veux, quand je veux, et comme jele veux, any time, any where, any device, « Atawad ».Le média, en outre, c’est chacun d’entre nous :media, it’s you. Comme le disait le chanteur punkJella Biafra : « Don’t hate the media, become themedia ».

La télévision est désormais engagée dans unedeuxième direction : celle d’une accessibilité tou-jours accrue. Non seulement parce que les termi-naux sont plus nombreux et plus performants, maisparce qu’ils jouissent d’une autonomie sans cesseaccrue : le numérique ajoute la « portabilité » àl’abondance. La télévision en bénéficie quarante ansaprès la radio avec le transistor, et vingt ans aprèsle téléphone et ses « portables ». En conjuguantleurs effets, l’abondance et la portabilité précipitentla télévision vers l’hyperspécialisation, et vers lesdeux infinis, le local et le planétaire.Enfin, la télévision, pendant longtemps images ani-mées et sonorisées transmises à distance, seconvertit, face au numérique, au multimédia : nonpas la simple juxtaposition, sur un même écran, delangages différents, des textes, des vidéos, desbandes sons et des chiffres, mais la possibilité d’uti-liser chacun d’eux à bon escient, pour ce qu’il peutexprimer le mieux. Le multimédia permet simulta-nément à la télévision de se surpasser elle-même,grâce notamment à l’écoute en différé, aux arrêts surimage, aux raccourcis et aux retours en arrière. Ilclôt ainsi, définitivement, le vieux débat entre l’écritet l’image.

En convergeant, ces trois directions ont ouvert desbrèches toujours plus larges dans les murs sur les-quels était bâti l’ordre médiatique ancien, avant quela télévision n’échappe, en 1975, grâce aux câbleset aux satellites, à la rareté à laquelle les ondes hert-ziennes la condamnaient : ces murs distinguaientd’abord l’écrit et l’audiovisuel, qui constituaient alorsdeux mondes différents ; ils séparaient l’informationde la communication et du divertissement, assi-gnant à chacun des finalités propres qui leur inter-disaient le mélange des genres ; ces murspermettaient enfin de soumettre la communicationpublique et la communication privée à des lois dif-férentes, la première pouvant légitimement être en-cadrée, afin de ne pas porter atteinte à certains droitsde la personne, ou à certains impératifs de l’ordrepublic, la seconde n’ayant d’autre principe que celuidu secret de la correspondance privée.Ces murs, aujourd’hui, sont tombés. On regardetous un plus grand nombre de programmes, sur unnombre toujours plus grand de terminaux, du plusgrand au plus petit, gratuitement ou en payant, defaçon passive ou en interaction avec le média. A cesigne, le « ce que je veux, quand je veux » est enparfaite affinité tout à la fois avec l’individualismedémocratique et avec cette défiance vis-à-vis detoutes les institutions qui sont la marque, ensemble,de la société contemporaine.

Les grandes généralistes, dites historiques, ont prisla mesure des bouleversements apportés par le nu-mérique. Elles savent que leur survie passe par ladiversification de leurs activités et la consolidationdes groupes auxquels elles ont donné naissance.La « consommation » de télévision ne diminue pas :ce qui change, c’est la façon de la consommer, trèsdifférente selon qu’il s’agit de contenus éphémèresou changeants, programmes de flux, ou, à l’opposé,de contenus pérennes et patrimoniaux, programmesde stock, des fictions, des documentaires et desfilms d’animation, assurés d’avoir plusieurs viesgrâce à une distribution à la demande. Elles se ras-surent en observant que les chaînes concurrentes nedépassent jamais le plafond de 30 ou 35 % departs d’audience : le Royaume Uni ne parvient pasà dépasser ce plafond alors qu’elles étaient déjà à17 % de parts de marché en 2000 ; partie plus tôtque les autres, la progression des thématiques auRoyaume Uni semble s’être arrêtée à 32 %. De 7 %en 2000, la France n’atteignait pas 20 % en 2008.Les grandes chaînes françaises savent enfin que leurmarque rassure, sur tous les terrains, de l’informa-tion au divertissement, le téléspectateur dont ilconvient de ne pas sous-estimer la paresse, ni desurestimer l’inconstance : elles comptent sur cequ’elles appellent l’effet de chaîne.

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Les services de vidéo à la demande, la call TV (télé-tirelire), les bonus qui enrichissent et prolongentleurs programmes, la télévision de rattrapage : sessites sur la Toile, sur tous les terrains, la télévisiontire profit aujourd’hui de tout ce que le numériquepeut lui apporter, avec des services ou des bonheursil est vrai passablement inégaux. L’heure de vérité,pour la télévision et ses chaînes, n’a pas encoresonné : après s’être ruée sur Internet, espérant ainsiconserver sa position d’intermédiaire entre, d’uncôté, les producteurs de programmes ou de serviceset, de l’autre, les téléspectateurs devenus internautesou, comme on dit, « télénautes », la télévision devrarelever d’autres défis, infiniment plus menaçants, lejour, plus proche de nous qu’elle le croit, où Internetla rejoindra, grâce à la possibilité, pour n’importequel téléviseur, d’être connecté directement sur le ré-seau Internet et sur la totalité de ses services. Aprèsla télévision sans téléviseur, Internet par la télévi-sion, c’est un boulevard qui s’ouvre devant lesgrands gagnants de la révolution numérique : nonpas les opérateurs de téléphonie, les « telcos »,

qui ne se contentent pourtant déjà plus de construiredes autoroutes et se lancent dans la production decontenus, mais les acteurs de la Toile,agrégateursde contenus, moteurs de recherche ou plates-formesvers des contenus éphémères ou pérennes quijouent de plus en plus souvent ce rôle d’intermé-diaire dont les responsables de chaînes avaientjusque-là l’exclusivité. Ceux qui hier ont fait de la té-lévision ce qu’elle est encore aujourd’hui sauront-ilstirer un meilleur parti de la paresse des internautes,de leur passivité volontaire, de leur libre acceptationdes menus imposés, en leur offrant ce qu’ils saventfaire de mieux : les grands événements qui touchentle grand public, là où la diffusion en direct s’impose,les sports, l’information et, dans une moindre me-sure, les spectacles vivants et certaines œuvres do-cumentaires ou cinématographiques ? L’avenir de latélévision n’est écrit nulle part : ceux qui ont fait sagloire dans le passé ne sont déjà plus ses seulsmaîtres.

Francis BalleProfesseur à l’Université Paris 2

Ont participé à ce numéro

Francis Balle, professeur à l’Université Paris 2 et directeur de l’IREC (Institut de recherche et d’études sur la commu-nication)Philippe Boudoux, journaliste indépendant (à Prague) pour les pays de l’Europe centrale et orientale.Emmanuel Derieux, professeur à l’Université Paris 2Jacques-André Fines Schlumberger, doctorant en sciences de l’information et de la communicationAlexandre Joux, docteur en sciences de l’information et de la communicationFrançoise Laugée, ingénieur d’études à l’Université Paris 2 (IREC)

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