La revue européenne des médias et du numérique - n°13

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hiver IRebs Institut de Recherche de l’European Business School IREC UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS 2 n° 13 2009-2010 Le livre, la presse et le patrimoine sur le Web Enclavement numérique en milieu rural : quelles problématiques ? des médias LA REVUE EUROPÉENNE

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hiver

IRebsInstitut de Recherche de l’European Business School

IRECUNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS 2

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09-2

010

Le livre, la presse et le patrimoinesur le Web

Enclavement numérique en milieurural : quelles problématiques ?

des médiasLA REVUE EUROPÉENNE

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RUBRIQUESEn Europe p.3

� Droit

3 France : secret des sources des journalistes

4 Lutte contre le téléchargement illégal (suite)

6 En proposant l’accès à plusieurs navigateurs depuisWindows, Microsoft échappe à un nouveau contentieuxavec la Commission européenne

7 L’Autorité de la concurrence clôt la procédure contreApple et Orange sur la vente en exclusivité de l’iPhone

Droit à l’oubli

9 La déclaration de Madrid : un pas de plus vers uneconvention internationale en matière de vie privée

� Techniques

10 TeliaSonera lance la première offre de téléphoniemobile 4G

11 La lumière offre un débit de 500 Mbit/s

Voxalead, la recherche d’actualités par reconnaissancevocale

12 Des téléphones portables rendus sourds pour ne pasêtre sur écoute

sommai� � Economie

12 Vers de l’information de plus en plus locale

14 Liberty Media renforce sa présence en Europe ens’emparant du numéro 2 du câble allemand

15 Le marché allemand de la télévision payante à l’aubed’une nouvelle ère ?

16 Le phénomène de concentration sur le marché audio-visuel espagnol se confirme

18 Le gouvernement de Silvio Berlusconi limite la publicitésur les chaînes payantes et ravive l’opposition entreMediaset et SkyItalia

� Usages

19 A chacun son journal avec Niiu

Journaliste, une profession menacée

22 Comment la TV ouest-allemande a contribué à la chutedu Mur

26 Euronews s’ouvre à la Turquie

28 TV5Monde sous-titre en japonais et enseigne le français

29 L’américain YouTube accueille la nouvelle chaîne dugouvernement irakien

Requêtes concernant l’actualité sur le Web : les Françaisinterrogent d’abord les sites de leurs médias favoris

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43 Et aussi...

Willingness to pay for news online, Key findings froman international survey, Boston Consulting Group,Technology, Media & Telecommunications,november 2009, 24 p., bcg.comWillingness to pay for news online, The France surveyfindings, Boston Consulting Group, Technology, Media& Telecommunications, november 2009, 11 p.,bcg.com

Livre blanc 2010. Le métier de journaliste et l’informa-tion économique à l’heure de la révolution numérique,Association des journalistes économiques et financiers(AJEF), novembre 2009, 87 p., ajef.net

ARTICLES& CHRONIQUES p.44

44 � Le livre sur le WebLe monde des livres à l'épreuve du numériqueFrancis Balle

48 � La presse sur le WebLes éditeurs de presse entendent changer la donne del’information sur InternetAlexandre Joux

53 � Le patrimoine sur le WebLe patrimoine à portée de clicFrançoise Laugée

59 � Enclavement numérique en milieu rural : quellesproblématiques ?Philippe Vidal

re

��Ailleurs p.30

30 Comcast s’empare de NBC Universal et rejoint le clubdes géants américains de la communication

31 Vevo invente le MTV du Web pour rentabiliser les clipsdes artistes

Les majors du disque sur le banc des accusés

Les acteurs globaux p.3333 Avec Nexus One, Google engage le fer avec Apple

36 L’introduction en Bourse du groupe Internet AOL signesa séparation définitive avec Time Warner

A retenir p.3737 TV connectée

38 Recherche en temps réel

39 Web invisible

Vient de paraître p.41

41 Le marché européen des chaînes d’information s’étoffe,mais est-il rentable ?, Observatoire européen del’audiovisuel (OEA), Strasbourg, octobre 2009.

42 Les circuits itinérants. Etat des lieux, Centre national dela cinématographie, décembre 2009, 36 p.

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EnEurope�DroitFrance : secret des sources des journa-listes

Par la loi du 4 janvier 2010 ont été introduites, endroit français, des dispositions nouvelles qui, parrapport à la situation antérieure, visent à renforcerla « protection du secret des sources des journa-listes ».

Il s’agissait, pour le législateur, tout à la fois derépondre à la revendication de certaines organisa-tions professionnelles de journalistes et de mettre ledroit national en conformité avec le droit européen,avec notamment la jurisprudence de la Coureuropéenne des droits de l’homme, habituellementfavorable au secret des sources des journalistes.Certes, dans un arrêt du 31 mars 2009, SanomaUitgevers B.V. c. les Pays-Bas, la Cour a validé unemesure de réquisition, par la police, de documentsdétenus par un journal, en considérant « que lesinformations contenues dans le CD-ROM que lasociété a été contrainte de remettre aux autoritésétaient pertinentes et susceptibles de permettrel’identification des auteurs d’autres infractions surlesquelles enquêtait la police et que les autoritésn’ont utilisé ces informations qu’à ces fins ». Outrele fait que la décision, plutôt inhabituelle, est frappéed’appel, il convient de relever que, quelques joursavant l’adoption de cette loi, la CEDH rendait, le15 décembre 2009, un arrêt Financial Times c.Royaume-Uni par lequel, comme elle l’avait déjàprécédemment fait ( 27 mars 1996, Goodwin c.Royaume-Uni ; 25 février 2003, Roemen et Schmitc. Luxembourg ; 15 juillet 2003, Ernst c. Belgique ;27 novembre 2007, Tillack c. Belgique), ellecondamnait le Royaume-Uni pour avoir porté atteinteà ce droit, dont elle fait la « pierre angulaire de laliberté de la presse », en sanctionnant différents

journaux qui, faisant valoir le droit au secret de leurssources, avaient refusé de témoigner en justice.La loi du 4 janvier 2010 énonce le principe, introduitdans la loi du 29 juillet 1881, selon lequel « lesecret des sources des journalistes est protégé dansl’exercice de leur mission d’information du public ».Dans le cadre de procédures judiciaires, il ne peut yêtre porté atteinte « que si un impératif prépondérantd’intérêt public le justifie et si les mesures envisa-gées sont strictement nécessaires et proportionnéesau but légitime poursuivi ».La protection du secret des sources est mise enœuvre en posant, dans le Code de procédurepénale, que, en toutes circonstances et non plusseulement devant un juge d’instruction, « toutjournaliste entendu comme témoin sur des informa-tions recueillies dans l’exercice de son activité estlibre de ne pas en révéler l’origine ».C’est essentiellement en réglementant les perquisi-tions que la protection du secret des sources desjournalistes est renforcée. Aux dispositionsantérieures, qui prévoyaient déjà la présence d’unmagistrat chargé de veiller à ce que les investiga-tions conduites « ne constituent pas un obstacle etn’entraînent pas un regard injustifié à la diffusion del’information », est ajoutée notamment la possibi-lité, pour la personne qui en fait l’objet, de« s’opposer à la saisie d’un document ». Dans cecas, un autre juge, celui dit « des libertés et de ladétention » (JLD), doit être saisi de la contestation.C’est à lui qu’il appartient de décider, après avoirentendu les arguments des diverses parties : soitrestituer le document à son propriétaire, soit enordonner le versement au dossier de la procédureen cours. Il est alors posé que « cette décisionn’exclut pas la possibilité ultérieure, pour les parties,de demander la nullité de la saisie ».Le même texte prévoit encore que « le magistrat et lapersonne » qui assistent à la perquisition « ont seulsle droit de prendre connaissance des documents oudes objets découverts […] préalablement à leuréventuelle saisie ». On peut alors penser que lesecret de la source est déjà, de ce fait, violé. Mais

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comment le magistrat pourrait-il, sans en « prendreconnaissance », faire le tri des documents à saisirou non, en fonction de leur pertinence par rapport àla procédure en cours ?Présenté comme une garantie de la liberté d’infor-mer, un tel droit au secret des sources ne risque-t-ilpas aussi de constituer un moyen, pour certains,assurés du respect de leur anonymat, de « manipu-ler » les médias et d’y faire courir les rumeurs lesplus fantaisistes, ou, pour certains journalistes, decacher l’absence de source et donc d’informationvéritable ? L’identification de la source et la « traça-bilité » de l’information ne constituent-elles pas, pourle public, des éléments essentiels ? Pourquoi, àl’égard des journalistes, aucun secret ne vaudrait,sauf le leur ?Le débat est assurément loin d’être clos. La margede détermination des autorités françaises (législa-teur et juges) est, en la matière, limitée face àl’encadrement européen plutôt favorable, le plussouvent, à la protection du secret des sources desjournalistes.

ED

Lutte contre le téléchargement illégal(suite)

La loi du 28 octobre 2009 relative à la protectionpénale de la propriété littéraire et artistique surInternet, dite « Hadopi 2 », est venue compléter,mais assurément pas achever, le dispositif françaisde lutte contre le téléchargement illégal.

Il s’agissait de remédier ainsi aux conséquencesde la décision du Conseil constitutionnel du10 juin 2009, qui avait amputé la loi précédente,du 12 juin 2009, dite « Hadopi », des dispositionsqui visaient à confier un pouvoir de sanction, sousforme notamment de la suspension de l’accès àInternet, à une autorité administrative, la HauteAutorité pour la diffusion des œuvres et la protectiondes droits sur Internet (Hadopi), par l’intermédiairede sa Commission de protection des droits(voir le n°12 de La revue européenne des médias,automne 2009).

Les nouvelles structures administratives sontprogressivement mises en place. Aux termes del’article L. 331-6 du Code de la propriété intellec-tuelle, « le collège de la Haute Autorité est composé

de neuf membres, dont le président, nommés pourune durée de six ans par décret :1° un membre en activité du Conseil d’Etat désignépar le vice-président du Conseil d’Etat ; 2° unmembre en activité de la Cour de cassation désignépar le premier président de la Cour de cassation ;3° un membre en activité de la Cour des comptesdésigné par le premier président de la Cour descomptes ; 4° un membre du Conseil supérieur de lapropriété littéraire et artistique désigné par le prési-dent du Conseil supérieur de la propriété littéraireet artistique ; 5° trois personnalités qualifiées,désignées sur proposition conjointe des ministreschargés des communications électroniques, de laconsommation et de la culture ; 6° deux personna-lités qualifiées, désignées respectivement par leprésident de l’Assemblée nationale et par leprésident du Sénat. Le président du collège est élupar les membres parmi les personnes mentionnéesaux 1°, 2° et 3° ». Les membres du « collège » del’Hadopi ont donc été désignés et celui-ci a procédéà l’élection de sa présidente, comme le prévoit la loi,parmi les trois magistrats. Manque encore l’adop-tion de quelques décrets d’application. L’institution aété dotée, par la loi de finances, d’un budget defonctionnement de 5,3 millions d’euros pourl’année 2010. Elle s’installe dans des locaux de1 100 mètres carrés. Le coût de la contribution desfournisseurs d’accès contre le piratage oscille entre2 et 3 millions d’euros. On annonce l’envoi despremiers avertissements pour la fin du 1er semestre2010.

A la Commission de protection des droits, il appar-tient de mettre en jeu, dans la phase administrativepréalable de la « riposte graduée », le système desurveillance et de constat des « faits susceptibles deconstituer des infractions » découlant des pratiquesde téléchargement illégal. Dans les cas où les« recommandations » d’avoir à respecter les droitsde propriété intellectuelle, en contrôlant notammentl’usage fait de l’accès à Internet, n’auront pas étésuivies par les internautes indélicats, la compétencede l’autorité administrative s’arrête là. C’est alors àl’autorité judiciaire qu’il revient de prendre le relais etde prononcer les sanctions, selon la procédure miseen place par la loi du 28 octobre 2009, concernantle mode de répression de tout autre délit de contre-façon.

4En Europe

Droit

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La peine complémentaire de la suspension de laconnexion à Internet, pour sanctionner les infractionsque constituent les actes de téléchargement illégal etla « négligence caractérisée » dans la surveillancede l’usage qui en est fait, pourra désormais êtreprononcée par un juge unique et résulter de la« procédure simplifiée de l’ordonnance pénale »…après cependant que, dans le cadre du système ditde la « riposte graduée », l’instance administrativeaura, au travers de sa Commission de protectiondes droits, adressé deux « recommandations » auxcontrevenants ainsi invités à respecter les règles.

Rien n’assure que ce système, passablementcomplexe, long, lourd et coûteux, sera vraimentefficace dans la lutte contre le téléchargementillégal qui, par violation des droits des auteurs et desartistes interprètes, constitue un réel danger pourl’avenir de la création littéraire, musicale et audiovi-suelle. Mais, peut-on, par quelque moyen que cesoit, espérer convaincre les internautes, qui y ontaujourd’hui accès gratuitement, de téléchargerlégalement, en obtenant les autorisations et enpayant les droits correspondants (même si lemontant en était abaissé), à chaque usage ou dansle cadre d’un abonnement ou d’une « licenceglobale » ?

Les tentatives de réaction et d’adaptation du droitface aux pratiques de téléchargement illégal se pour-suivent. Début janvier 2010, le rapport Création etInternet de la commission présidée par PatrickZelnik recommandait, dans la lignée de ce qui avaitdéjà été suggéré par le Rapport Olivennes, avantl’adoption de la législation nouvelle, de « favoriser ledéveloppement de la musique en ligne » (en créant« une carte "musique en ligne" pour les internautesde 15 à 24 ans », en instituant « un portail deréférencement des œuvres musicales disponibles enligne » et en lançant « une campagne de communi-cation visant à promouvoir les services culturels enligne ») ; de « simplifier les régimes de gestion desdroits dans le secteur musical » (en étendant « lerégime de la rémunération équitable à la diffusionen ligne » et en mettant « en place un régime degestion collective obligatoire ») ; de « favoriser lesinvestissements en faveur de la création et soutenirl’industrie musicale » ; d’étendre « le prix unique aulivre numérique et défendre le passage au taux réduit

de TVA » ; d’« assouplir la chronologie des médiaspour permettre le développement de l’offre de cinémaen vidéo à la demande »…

Présentées par le ministre de la culture et de lacommunication comme étant « complémentaires »aux dispositions de la loi du 28 octobre 2009, dite« Hadopi 2 », les 22 propositions de la mission« Création et Internet » sont très différentes dans leurportée et leur signification. L’extension aux webradios du régime de la licence légale applicable auxradios conventionnelles s’impose en effet, au mêmetitre que l’extension au livre numérique du prixunique qui s’applique au livre imprimé. D’autrespréconisations, en revanche, ouvrent un débat qu’ilappartiendra au Gouvernement et au Parlement detrancher. Au premier rang, parmi elles, figure laproposition de ramener de 36 à 24 mois, voire22 mois, à compter de la date de sortie des films ensalle, le délai d’exploitation réservé à la VOD parabonnement. Pour la VOD gratuite, la préconisationest de « faciliter l’expérimentation de son dévelop-pement sans attendre le délai de 48 mois actuelle-ment prévu ». En proposant de réviser ainsi lachronologie des médias pour la vidéo à lademande, les auteurs du rapport entendent favori-ser le développement de l’offre légale sur Internet.

La seconde préconisation échappe davantage aucercle restreint des spécialistes et des intérêtsparticuliers : pour financer ces 22 propositions,estimées par les auteurs du rapport à « unecinquantaine de millions d’euros en 2009, puis àenviron 35 à 40 millions d’euros par an au coursdes deux années qui suivent », est proposéel’instauration d’un « prélèvement obligatoire sur lesrevenus publicitaires en ligne », - le rapport cite enparticulier Google, Facebook, Microsoft, AOL etYahoo ! -, probablement « de l’ordre de 1 à 2 %maximum des revenus concernés », prélèvement quiprendrait pour assiette les revenus publicitaires enligne des sociétés établies dans l’Union européenne.A propos de ce prélèvement obligatoire, baptisé« taxe Google » par Jacques Toubon, le rapportsouligne néanmoins, sans jamais évoquer lesmenaces de délocalisation des annonceurs, que samise en place nécessiterait « le soutien des princi-paux partenaires européens » de la France.Plus confusément, ce qui ne pouvait manquer d’être

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souligné, en raison du caractère « global » du Web,le rapport entend préciser : « Un dispositif de ce typepermettrait de toucher des opérations réalisées entredes entités non établies en France, dès lors quel’événement sous-jacent à la transaction, - enl’occurrence, la vision d’un affichage publicitaire oule suivi d’un lien sponsorisé – serait, lui, localisé enFrance ».

FB et ED

En proposant l’accès à plusieurs naviga-teurs depuis Windows, Microsoft échappeà un nouveau contentieux avec laCommission européenne

Déjà lourdement condamné par la Commissioneuropéenne pour abus de position dominante,notamment pour le couplage du lecteur WindowsMedia Player au système d’exploitation Windows(voir le n°4 de La revue européenne des médias,automne 2007), Microsoft a voulu éviter d’alourdirle montant des amendes payées en Europe,1,6 milliard d’euros à ce jour, en trouvant un terraind’entente sur la question de son navigateur InternetExplorer.

Le 15 janvier 2009, la Commission européenneavait envoyé à Microsoft une communication degriefs à la suite d’une plainte déposée par lenorvégien Opera Software, éditeur du navigateur dumême nom, concernant l’installation par défautd’Internet Explorer sur les PC équipés de Windows,soit 90 % des PC vendus dans le monde. LaCommission européenne pointait un abus deposition dominante, considérant que cette pratique« est une distorsion de concurrence envers lesnavigateurs Internet concurrents dans la mesure oùelle procure à Internet Explorer un avantage artificielen matière de distribution ». Depuis, Firefox,deuxième navigateur au monde avec près de 25 %de parts de marché en 2009 derrière Internet Explorer(près de 64 % de parts de marché), ainsi queGoogle, qui a sorti son navigateur Chrome enseptembre 2008, se sont joints à la plainte.

Dans un premier temps, et afin d’éviter une condam-nation, Microsoft a proposé à la Commissioneuropéenne, en mars 2009, de fournir une versionde son nouveau système d’exploitation, Windows 7,permettant de désactiver Internet Explorer. Cettesolution a été refusée par la Commission

européenne qui garde en mémoire le cas précédentde Windows Media Player : Microsoft avaitcommercialisé au même prix deux versions deWindows, une avec et une sans Media Player, desorte que la version amputée de Media Player n’ajamais rencontré le succès auprès des intervenants.Microsoft a proposé ensuite, le 10 juin 2009, delivrer Windows sans Internet Explorer sur le marchéeuropéen. Le 12 juin, la Commission indiquait nepas se satisfaire de cette solution et souhaitait quele nouveau Windows offre le choix entre différentsnavigateurs. Microsoft a finalement préféré satisfairecette demande plutôt que de risquer un nouveauprocès. Le groupe s’est engagé à offrir sur lenouveau Windows 7 une « fenêtre de choix » entre11 navigateurs différents, dont Firefox, Chrome etOpéra, qui seront proposés à l’utilisateur de manièrealéatoire. Pour les anciens utilisateurs de Windows,les prochaines mises à jour de leur systèmed’exploitation proposeront le même type de choix.Le 16 décembre 2009, en présentant les conces-sions de Microsoft, la Commission européenne aconfirmé refermer l’enquête ouverte contre l’éditeurde logiciels.

L’enjeu est décisif pour Microsoft comme pour sesconcurrents sur le marché des navigateurs. En effet,alors que les logiciels et services en ligne se multi-plient, le navigateur détermine la compatibilité desoffres des éditeurs avec les navigateurs depuislesquels les internautes se connectent à Internet. LeSoftware as a Service, le fait de donner accèsà distance à des fonctions logicielles autrefoishébergées sur le disque dur du PC, déplace ainsi lelieu où se joue l’interopérabilité du systèmeinformatique de l’utilisateur, de moins en moinsdépendante de Windows et de plus en plus dépen-dante du navigateur utilisé. Steve Ballmer, le PDGde Microsoft, en est convaincu : « Le navigateurn’est pas une commodité, c’est une fonction-clé dessystèmes d’exploitation ». Ainsi, dans la guerre deMicrosoft contre ses challengers sur le marchédes navigateurs, plusieurs langages s’opposent :Silverlight, le langage propriétaire de Microsoft pourles applications interactives, face au HTML 5, utilisépar Firefox et Android, qui sont des logiciels libres,l’accès au code source du navigateur étant dans cecas autorisé pour les développeurs qui souhaitent leperfectionner. Les concessions faites par Microsoftsoulèvent également une autre question : le naviga-teur Safari, commercialisé par défaut avec lesMacOs, Apple pourrait-il se retrouver un jour dans

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Droit

En Europe

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la même situation que Microsoft ?AJ

Sources :- « Les déboires sans fin de Microsoft », Florence Autret, La Tribune,23 janvier 2009.

- « Google se joint à la plainte contre le navigateur de Microsoft », E.P.,

La Tribune, 26 février 2009.

- « Microsoft tente d’amadouer Bruxelles », Olivier Hensgen, La Tribune,9 mars 2009.

- « Internet Explorer – Windows : Microsoft tente de faire les yeux doux

à Bruxelles », Charles de Laubier, Alexandre Counis, Les Echos, 15 juin

2009.

- « Brussels accepts Microsoft’s browser offer », Nikki Tait, Maija Palmer,

Financial Times, December 16 2009.

- « Internet Explorer : Bruxelles arrête ses poursuites contre Microsoft »,

Alexandre Cousins, Les Echos, 16 décembre 2009.

- « Bruxelles oblige Microsoft à ouvrir des fenêtres sur le Net », Calire

Gallen, Le Figaro, 17 décembre 2009.

- « Microsoft solde dix ans de lourd contentieux avec la Commission

européenne », Cécile Ducourtieux, Le Monde, 18 décembre 2009.

L’Autorité de la concurrence clôt la procé-dure contre Apple et Orange sur la venteen exclusivité de l’iPhone

La distribution en exclusivité de l’iPhone d’Apple parOrange avait été interdite par le Conseil de la concur-rence (devenu Autorité de la concurrence depuis le1er janvier 2009), à la suite d’une mesure d’urgenceprise le 17 décembre 2008 (voir le n°10-11 deLa revue européenne des médias, printemps-été2009).

Confirmée le 4 février 2009 par la Cour d’appel deParis, l’interdiction de la distribution exclusive del’iPhone devait toutefois faire l’objet d’une décisionsur le fond, prenant en compte son impact concur-rentiel sur le marché du téléphone mobile. Prévu en2010, le jugement sur le fond n’a pas été rendu,après les propositions faites conjointement par Appleet Orange à l’Autorité de la concurrence le3 novembre 2009. Les deux groupes, menacésd’importantes amendes, ont préféré suspendrependant trois ans les exclusivités de longue duréepour la commercialisation de l’iPhone, distribuéégalement depuis avril 2009 par SFR et Bouygues,suite à la mesure d’urgence déjà prise. Toutefois,Orange et Apple ont proposé des exclusivités de troismois lors du lancement de nouveaux modèlesd’iPhone, une durée réduite de l’exclusivité qui « per-met à un opérateur de couvrir les investissementsspécifiques consentis pour le lancement ». C’étaitd’ailleurs sur le fondement de cet argument que la

Cour d’appel de Paris avait considéré la duréed’exclusivité de trois ans comme excessive, auregard de la rapidité avec laquelle l’accord d’exclu-sivité avait permis à Orange de financer lacampagne de lancement du premier modèled’iPhone. Après analyse du marché, la Cour d’appelavait considéré qu’une exclusivité de trois mois étaitsuffisante, ce sur quoi se sont alignés Apple etOrange. Le 12 janvier 2010, l’Autorité de la concur-rence annonçait se satisfaire des engagements prispar Apple et Orange et les rendait, par sa décision,obligatoires moyennant quelques réaménagements.

AJ

Sources :- « France : Orange et Apple renoncent à des exclusivités sur l’iPhone

pour 3 ans », AFP, 3 novembre 2009.

- « iPhone : l’Autorité de la concurrence clôt la procédure contre

Apple/Orange », AFP, 12 janvier 2010.

Droit à l’oubli

Organisé en novembre 2009 à l’initiative de NathalieKosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de laprospective et du développement de l’économienumérique, l’atelier « Droit à l’oubli » réunissait lesacteurs de l’Internet et de l’informatique, desavocats, parlementaires, journalistes et représen-tants de la société civile pour débattre autour dedeux thèmes : « l’oubli des traces laisséesinvolontairement par l’internaute » et « l’oubli desdonnées publiées volontairement ». Cet atelier avaitpour vocation d’émettre des propositions afin demieux garantir la protection de la vie privée descitoyens sur Internet.

Alex Türk, président de la CNIL, a ouvert le débat enposant la question de savoir « comment traduire,dans le monde numérique, une fonction naturelle ducerveau : l’oubli », en rappelant que « le droit àl’intimité n’est pas une notion morale », et que lesenjeux concernent tout autant « un traçage mentalqu’un traçage physique ». Il est d’autant plus urgentde s’en préoccuper que nous n’en sommes qu’à lapréhistoire du numérique et qu’avec l’avènementdes nanotechnologies, « il s’agira de dispositifsinvisibles, même au microscope, qui pourront voir etentendre à notre insu ». Alex Türk rappelait égale-ment que « la CNIL n’a aucun a priori sur lestechnologies, tout dépend des usages qui en sontfaits et qu’à ce titre, les technologies portent en elles

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les réponses ».Maître Corinne Thiérache, après avoir rappelé lesgrands principes en vigueur en France, posés par laloi de 1978 modifiée, a souligné que l’anonymatn’existe pas sur Internet. Elle a également insisté surles risques liés aux rapprochements d’acteurs del’Internet, comme des sites Web de contenu, d’uncôté, et des régies publicitaires de l’autre, permet-tant d’agréger des informations personnelles à l’insude l’intéressé.Pour Peter Fleischer, responsable de la protectiondes données personnelles de Google, toutes lesréponses ne peuvent pas venir « d’en haut », maisseraient plutôt celles permettant à l’utilisateur dereprendre la maîtrise de ses données personnelles,afin qu’il décide lui-même de ce qu’il veut garder ououblier. Dans ce sens, il rappelait l’initiative de Googlede traduire les conditions générales d’utilisation desservices du Web (la plupart du temps illisibles à partpour les juristes) en vidéo de quelques minutes,présentant les enjeux liés à la collecte de données.

Ce pouvoir de l’utilisateur passerait ainsi par desoutils comme le Google Dashboard, dont l’objet estde présenter aux clients des nombreux services deGoogle, sur une seule page Web, l’ensemble desinformations personnelles utilisées par les services,tout en lui laissant la possibilité de les supprimer,les modifier ou les conserver. Les questions quipriment seraient avant tout celles de savoir ce quel’on fait avec les données, avant de savoir s’il fautles supprimer ou non. Pour lui, « transparence etcontrôle sont à la base de ce droit à l’oubli », dontil a rappelé d’ailleurs qu’il n’avait pas d’équivalenten anglais.Les « technologies de la protection de la vie privée »,(PETS en anglais, privacy-enhancing technologies)sont également une piste de réflexion. Pour MarcMossé, directeur des affaires publiques et juridiquesde Microsoft, il s’agit de prévoir le traitement desdonnées personnelles dès la conception du service(privacy by design). Pour faire respecter un droit àl’anonymat, il faudrait que l’adresse IP permettantde faire circuler des données entre deux machinessoit cryptée « jusqu’à la dernière requête ». D’autresréponses passent par la personnalisation etl’authentification sans identification, (voir le n°10/11de La revue européenne des médias, printemps-été2009).Marc Mossé rappelait combien il est primordialde resituer le débat démocratique qui se joueactuellement et de s’inspirer de la décision de la

Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui, en 1983,créait le droit à « l’autodétermination information-nelle comme étant l’une des conditions de l’exercicede la démocratie, au même titre que le pluralisme ».Pour conclure cette première partie, Patrice Martin-Lalande, député de Loir-et-Cher, s’est demandé s’ilétait possible ou souhaitable d’attendre que lesacteurs se mettent d’accord sur un code de bonneconduite, tout en précisant que le législateur étaitprêt à encadrer cette autorégulation.Le second panel concernait les données publiéesvolontairement par l’internaute. En introduction,Alain Bensoussan, avocat, a posé la question :« Pourquoi un droit à l’oubli pour des donnéespubliées volontairement ? » Selon lui, le droit àl’oubli serait avant tout « un retour au droit àl’anonymat ». Le Net permettant d’avoir de multiplespersonnalités, le droit à l’oubli serait « la possibilitéde faire mourir virtuellement une de ces person-nalités, reconnaître un droit à l’oubli, c’est quelquepart reconnaître une certaine dignité numérique ».Deux limites viennent cependant l’encadrer : ledevoir de mémoire et la liberté d’expression. Laconsécration de ce droit à l’oubli permettrait ainsi àl’utilisateur des services du Web « d’être le seularchiviste de son passé, sous réserve du devoir demémoire. »Jusqu’à très récemment, il n’était possible, pour unutilisateur de Facebook, que de suspendre soncompte. Richard Allan, director of policy pourl’Europe de Facebook, a donc évoqué l’évolutionrécente des services de ce réseau social qui,dorénavant, permettent de supprimer définitivementles données de son compte.Jérôme Aguesse, directeur de production chargé dela sécurité et de la prévention Web de Skyblog, a punous parler de l’engagement de l’entreprise enversun droit à l’oubli qui se concrétise par une équipeaffectée à l’effacement des données demandéesdirectement par les utilisateurs. Une équipe desoixante personnes travaille ainsi tous les jours àeffacer, entre autres, quelque trente mille photos, surle million envoyé quotidiennement sur la plate-forme.Les réseaux sociaux personnels, qui relèvent doncde la vie privée d’un candidat, sont utilisés depuisbien longtemps par les recruteurs, dont certains fontaujourd’hui amende honorable, en présentant la« Charte réseaux sociaux, Internet, vie privée etrecrutement. » Il s’agit, pour la quarantaine decabinets de ressources humaines signataires, des’engager à « limiter le recours aux réseaux sociaux

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personnels tels que Facebook » pour « privilégier larecherche sur des réseaux sociaux professionnels,du type LinkedIn », à « ne pas utiliser les moteurs derecherche ni les réseaux sociaux comme outilsd’enquête, ce qui serait constitutif d’intrusion dansleur sphère privée et une source potentielle dediscrimination ».Cet atelier fut également l’occasion, pour le sénateurYves Détraigne, de présenter une proposition de loidéposée avec la sénatrice Anne-Marie Escoffier, etdont l’objet vise « à mieux garantir le droit à la vieprivée à l’heure du numérique. » Figurent parmi lesmesures envisagées la caractérisation de l’adresseIP en une donnée personnelle, l’assurance d’unemeilleure traçabilité et d’une maîtrise accrue desinformations personnelles ainsi que l’éducation desjeunes.Pour le journaliste Jean-Marc Manach, parler de« droit à l’oubli » revient à diaboliser Internet.« Internet n’est pas une société de surveillance, maisun espace de liberté d’expression : chacun aconscience de ce qu’il y fait et de ce qu’il y dit ».Cette conscience n’étant pas partagée par tous, ilconvient d’organiser des missions de sensibilisa-tion, pour les plus jeunes comme pour les moinsjeunes d’ailleurs. Cependant Jean-Marc Manachmet en garde : « Je ne suis pas contre l’éducationdes plus jeunes, mais je crains que ce droit àl’oubli ne vire à la censure ».

J-A FS

La déclaration de Madrid : un pas de plusvers une convention internationale enmatière de vie privée.

« La vie privée est un droit fondamental énoncé dansla déclaration universelle des droits de l’homme ».Ainsi commence la déclaration de Madrid, présentéele 3 novembre 2009, lors de la 31e Conférenceinternationale des commissaires à la protection de lavie privée et des données personnelles. Cette décla-ration a permis de dégager un consensus entrecertains grands pays occidentaux « pour poser desgarde-fous en matière de traitement des donnéespersonnelles ». Qualifiée d’étape historique par AlexTürk, président de la CNIL, ce sont ainsi plus de centorganisations de la société civile et experts de laprotection de la vie privée de plus de quarante paysqui ont publié une position détaillée sur l'avenir dela vie privée s’attachant à décrire les principesminimum quant à son respect et à son exercice.

La déclaration de Madrid s’inquiète en effet de« l’accroissement spectaculaire de la surveillancesecrète et non imputable, ainsi que la collaborationcroissante entre les gouvernements et les fournis-seurs de technologies de surveillance établissantde nouvelles formes de contrôle social ». Le soutiend’une dizaine de multinationales telles queMicrosoft, Google ou IBM, témoigne de cette néces-sité de s’accorder sur une norme internationaleavant que la confiance des citoyens ne s’érode pourde bon.Reste pour chaque pays à intégrer ces principesdans leur législation nationale, voire leur Constitu-tion et, à terme, créer une instance internationalecapable d’en garantir l’application.

J-A FS

Sources :- « Standards mondiaux de respect de la vie privée dans un monde

globalisé », Déclaration de la société civile de Madrid, Espagne,

3 novembre 2009.

- « Vers une norme internationale de protection de la vie privée »,

Valérie Demon, La Croix, 18 novembre 2009.

- « Internet : une norme internationale pour la protection des données »,

AFP, 9 novembre 2009.

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�TechniquesTeliaSonera lance la première offre detéléphonie mobile 4G

Le 15 décembre 2009, le groupe TeliaSonera alancé la première offre commerciale pour l’Internetmobile de 4e génération, grâce au déploiement àStockholm et à Oslo de la technologie LTE, LongTerm Evolution (voir les n°s5 et 12 de La revueeuropéenne des médias, hiver 2007-2008 etautomne 2009).

Cette première mondiale est réalisée par l’opérateurTeliaSonera issu de la fusion du suédois Telia et dufinlandais Sonera, et donc très présent dans les paysscandinaves. Comptant au nombre de ses action-naires l’Etat suédois (37 %) et l’Etat finlandais(13,7 %), TeliaSonera est détenteur de licences 4Gpour les trois pays, la Suède, la Norvège et laFinlande. Ericsson a déployé le réseau à Stockholmtandis que le chinois Huawei a déployé le réseaud’Oslo. L’opérateur TeliaSonera étendra sa zone decouverture en Suède et en Norvège au cours del'année 2010 pour un montant estimé à environ50 millions d'euros.

Le réseau 4G propose des débits théoriques de100 mégabits par seconde en émission et de50 mégabits en réception, soit dix fois plus que la3G. En termes d’applications, la 4G permet latélévision mobile, la vidéoconférence et la lecturesimultanée de plusieurs services. Sur le plantechnique, l’offre 4G de TeliaSonera suppose dansun premier temps de s’équiper de cartes spécifiquesSamsung à ajouter à ses mini-PC (netbooks) pourse connecter au réseau. En effet, à ce jour, aucuntéléphone multimédia équipé pour la réception4G n’est disponible sur le marché, les premierssmartphones 4G devant être commercialisés parSamsung fin 2010 – début 2011. Par conséquent,cette première offre 4G est essentiellement réservéeau transport de données et non à la communica-tion. Pour les opérateurs, cet aspect se révèleessentiel : hormis le développement de nouveauxservices gourmands en bande passante, le passageà la 4G va permettre aux réseaux mobiles desupporter la hausse importante de la consomma-tion de données sur Internet liée au succès destéléphones intelligents, au premier rang desquels

l’iPhone d’Apple. En effet, sur les réseaux 3G, lesopérateurs distribuant l’iPhone avec des forfaitsInternet illimité s’exposent à des risques de satura-tion, comme l’opérateur O2 au Royaume-Uni qui avu le trafic sur son réseau multiplié par 18 en 2009.En France, l’ARCEP, l’Autorité de régulation descommunications électroniques et des postes, alancé en mars 2009 une consultation publique surl’attribution des fréquences 4G, récupérées dans lecadre du dividende numérique. Les premières offres4G sont attendues dans l’Hexagone en 2011–2012, après l’attribution des fréquences 4Gfin 2010. Aux Etats-Unis, le premier déploiement àgrande échelle de la LTE est prévu à la fin del’année 2010, avec le lancement des offrescommerciales de l’opérateur Verizon.

Outre l’évolution des réseaux vers le haut débitmobile, le passage à la 4G va redessiner la cartedes pouvoirs chez les équipementiers de réseau, enimposant une norme unique et en mettant un termeà la coexistence de différents standards sur lemarché 3G, l’UMTS en Europe, le CDMA auxEtats-Unis et le TD-SCDMA en Chine. Le numéro unmondial, le suédois Ericsson, allié à Nokia SiemensNetwork, a remporté le marché du déploiement duréseau 4G de TeliaSonera pour l’ensemble de laSuède le 13 janvier 2010. Il s’oppose sur cemarché au français Alcatel Lucent et au chinoisHuawei. Outre le réseau 4G d’Oslo pour TeliaSonera,Huawei a de son côté remporté le marché dudéploiement du réseau 4G de Tele 2 et Telenor enSuède.Mais les opérateurs, qui souhaitent rentabiliser leurréseau 3G, pourraient retarder l’avènement duréseau 4G. Ainsi, l’opérateur 3 Scandinavia, concur-rent de TeliaSonera, a annoncé, en janvier 2010,que ses réseaux 3G en Suède et au Danemarkallaient fournir un débit quatre fois supérieur à celuioffert jusqu’à ce jour, soit 84 Mbit/s, à la faveurd’une alliance avec l’équipementier Ericsson. C’estla première évolution au monde aussi avancée deréseaux 3G, grâce à la technologie HSDPA, dite3,5 G ou super 3G, lancée par un opérateur. Dansle même temps, le français Orange annonçait, quantà lui, une offre destinée aux professionnels assurantun débit deux fois plus rapide, équivalant à14,4 Mbits/s. Disponible à Paris-La Défense, ceservice optimisé de la 3G sera étendu aux grandesvilles de France au cours de l’année 2010.

AJ et FLSources :

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Techniq

ues

En Europe

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- « La 4G arrive en Suède et en Norvège », Guy Doyen, thenextweb.com,

4 décembre 2009.

- « Bientôt le haut débit sur son mobile grâce à la 4G », Marie-Cécile

Renault, Le Figaro, 16 décembre 2009.

- « L’iPhone sature les réseaux », Olivier Pinaud, La Tribune,30 décembre 2009.

- « Ericsson, NSN Win TeliaSonera 4G Contracts », Gustav Sandstrom,

Dow Jones Newswire, 13 janvier 2010.

- « Orange double le débit de son réseau 3G », Ridha Loukil, Indus-trie&Technologies, industrie.com/it, 25 janvier 2010.

- « Les réseaux mobiles 3G atteignent un record de débit », Ridha

Loukil, Industrie&Technologies, industrie.com/it, 27 janvier 2010.

La lumière offre un débit de 500 Mbit/s

Le groupe allemand Siemens et l’Institut HeinrichHertz de Berlin ont battu un record mondial endémontrant qu’il est possible de transmettre desdonnées avec un débit de 500 Mbit/s grâce à deslampes et voyants LED (diode électroluminescente).Leur précédent record était de 200 Mbit/s.La technologie de communication VLC (Visible LightCommunication) transforme l’infrastructure d’éclai-rage à LED en un réseau de communication à hautdébit. Pour réaliser cette expérience, les chercheursont utilisé des LED OSTAR d’Osram ayant unepuissance de plus de 1000 lumen. Le flux lumineuxest converti en électricité par un photo-détecteur.A terme, on peut imaginer que toute source delumière, n’importe où, pourrait être modulée sur unefréquence permettant le transport de données sansfil. Cette technologie, également en cours dedéveloppement au Japon, permet d’utiliser lesinfrastructures urbaines existantes, sans mobiliserles ondes hertziennes, contrairement aux technolo-gies radio, et donc sans souffrir d’interférences. LaVLC pourrait devenir complémentaire des réseauxsans fil existants comme le Wi-Fi ou le Bluetooth.

FL

Source :- « Transmission de données par la lumière : record battu », Ridha Loukil,

Industrie&Technologies, industrie.com/it, 19 janvier 2010.

Voxalead, la recherche d’actualités parreconnaissance vocale

Peu connu du grand public, le moteur de rechercheExalead a lancé en janvier 2010 une nouvelleapplication baptisée Voxalead News utilisant unetechnique de reconnaissance vocale pour retrouversur le Web des documents d’actualité audio ouvidéo.Au sein du programme de recherche français,

Quaero, consacré au traitement automatique et àl’indexation des contenus multimédias, l’entreprisefrançaise Exalead est chargée du développementdes technologies de recherche appliquées auximages et aux sons (voir n°6-7 de La revueeuropéenne des médias, printemps-été 2008).Contrairement aux moteurs de recherche les plusconnus qui procèdent encore à l’indexation descontenus multimédias en saisissant à la main lesmots-clés, Voxalead est capable d’indexer lesparoles prononcées dans un commentaire ou dansune interview, en plus des mots-clés, des tagsattachés aux documents sonores ou vidéo. Cetteapplication est née d’un partenariat avec le labora-toire du CNRS, Limsi, qui conduit des recherches ensciences et technologies de l'information et de lacommunication.Malgré les confusions susceptibles d’être engen-drées dans la transcription des paroles recherchées,la technique de reconnaissance vocale parvient àidentifier les phrases importantes et le résultat de larecherche ne souffre que d’une faible marge d’erreurde 10 %. Lorsque la bande son elle-même est demoins bonne qualité, en raison d’un enregistrementavec bruit de fond ou encore des propos insuffi-samment bien prononcés, la technique se révèlemoins performante, avec un taux d’erreur pouvantatteindre les 50 %.Consacré à l’actualité dans sa version bêta, leservice Voxalead News permet de retrouver du texteprononcé dans des émissions de radio et de télévi-sion ou des vidéos provenant de médias nationauxet internationaux, notamment France 24, Euronews,iTélé, LCI, BFM, M6, Europe 1, Le Monde, L’Equipe,la BBC, CCN, ABC, CBS, NHK al-Jezira, et de l’AFP.Les podcasts (téléchargements) sont égalementindexés. Cette application intéresse d’ores et déjà lesprofessionnels de la télévision et de la radio pourindexer les contenus sur leurs propres sites.La page d’accueil de Voxalead News offre, en plusde la traditionnelle barre de recherche, un nuage detags permettant une sélection préalable descontenus audiovisuels en trois thèmes, « People »,« Organization » et « Location », ainsi qu’un tritemporel, « Last day », « Last week », « Lastmonth ». L’application fonctionne en quatre langues,français, anglais, arabe et chinois. De plus, unetranscription écrite des sujets accompagne chaquevidéo. Véritable outil de veille sur l’actualité,Voxalead News s’adresse plus particulièrement auxprofessionnels et aux spécialistes qui peuvent ainsirepérer automatiquement les propos tenus sur un

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sujet particulier à partir de multiples sources audio-visuelles et, le cas échéant, étudier la couvertured’un événement par différents médias. Voxaleadsera à terme développé dans d’autres domaines :l’éducation, la politique ou encore les collectivités.

FL

Sources :- http://voxaleadnews.labs.exalead.com/

- « Un site Web retrouve des vidéos en fonction des mots prononcés »,

Didier Sanz, Le Figaro, 18 janvier 2010.

- « Voxalead News : retrouver une vidéo en saisissant les mots qui y

sont prononcés », Cédric Depond, techno-science.net, 21 janvier 2010.

Des téléphones portables rendus sourdspour ne pas être sur écoute

Il est techniquement possible d’activer à distance untéléphone portable éteint grâce à un code informa-tique envoyé par l’opérateur télécoms. Ce moded’écoute peut être opéré à la demande des autoritésjudiciaires. Tous les modèles de téléphones porta-bles peuvent ainsi être activés à l’insu de leurdétenteur et faire office de microphone et mêmed’enregistreur. Le seul moyen pour le désactiverefficacement est d’enlever la batterie.Lors de réunions hautement confidentielles dans lesecteur de la défense ou de l’industrie, les portablesdoivent donc être laissés au vestiaire. Ainsi, poursauvegarder une totale confidentialité et se protégerd’éventuels usages malveillants, comme l’espion-nage, la direction des opérations militaires (DAM)du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) adéposé le brevet d’un système anti-écoute.

Empêcher les ondes de passer n’assurant pas laconfidentialité, puisqu’un appareil peut encoreenregistrer le message et le restituer plus tard, le CEAs’est inspiré de la technique des casques anti-bruits.Comme l’explique Alain Hurts, responsable de lasécurité informatique pour le pôle Défense du CEA,« il vaut mieux couper le son que couper lacommunication ». Le CEA travaille donc à laconception d’une pochette ou d’un boîtier quiisolerait le téléphone portable des bruits extérieurs,sans pour autant le priver de connexion. L’étuid’isolation acoustique serait muni d’une petite lampeavertissant de l’arrivée d’un message ou d’un appel,afin de ne pas être totalement coupé du monde lorsd’une réunion stratégique.

FLSources :

- « Vers un téléphone assourdi », Aude Garnier, Les défis du CEA, n°145,novembre 2009.

- « Un téléphone mobile éteint peut trahir les secrets d’une réunion, mais

il y a une parade… », AFP, tv5.org, 28 novembre 2009.

�EconomieVers de l’information de plus en pluslocale

L’avenir de l’information est-t-il dans un retour à laproximité et à l’ « hyperlocal » ?En termes économiques, l’information de proximitéreprésente sans aucun doute le domaine média oùil y a le plus d'espoir de bâtir des modèles écono-miques rentables (proximité, communauté, utilité...)et de bénéficier ainsi des micro-annonceurs quin’auraient jamais eu les moyens de s’offrir un achatd’espace significatif au niveau national.

Cette tendance pourrait se développer davantage àla faveur du développement des réseaux sociaux liésà des groupes de lecteurs. C’est pourquoi la plupartdes grands groupes médias s’intéressent à l’hyper-local comme nouvelle déclinaison possible de leuroffre. Cette tendance, venue des Etats-Unis, crée defait une concurrence à l’échelle d’une ville, voire d’unquartier, qu’il s’agisse des médias traditionnels, despure-players, d’un site indépendant ou des blogs…Le New York Times a lancé une initiative de cettenature début 2009 avec son site The local, pourlequel les articles sont écrits par des journalistesprofessionnels et par des habitants du quartier(Brooklyn ou certaines villes du New Jersey). Lesarticles du site portent sur les événements culturelsdu quartier, les ouvertures de restaurants, maisaussi sur la mode, les arts… Le New York Timesprévoit d’ajouter à son édition de San Francisco,deux fois par semaine, deux pages consacrées auxinformations concernant la Californie du Nord,produite principalement par des journalistes et, à lafaveur, à Chicago, d’un partenariat local.L’objectif du New York Times est de créer uneplate-forme communautaire, permettant auvoisinage d’être au courant des événements etdes nouvelles de leur quartier. Le New York Timesest en compétition avec d’autres blogs, comme lesite de news hyper-localisées d’AOL, Patch, qui

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Econom

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En Europe

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rayonne sur les banlieues du New Jersey et duConnecticut et surtout outside.in, présent dans prèsde 250 villes et 60 000 quartiers. Les chaînescâblées américaines ne sont pas en reste : MSNBCavec son everyblock.com, un agrégateur localprésent dans une quinzaine de villes ou encoreESPN et ses antennes locales à Chicago, Boston ouLos Angeles.

Les pure-players prennent position sur ce marché, àcommencer par YouTube, fort de la capacité deGoogle à capter le marché publicitaire, offrant ainsiaux contributeurs la perspective d’une audience plusétendue. YouTube se cache derrière une position de« porteur d’affaires », notamment, pour les chaînesde télévision. Il a créé récemment News Near You,offrant à l’utilisateur une option de géolocalisationafin d’améliorer la pertinence des informationslivrées. Les vidéos sont souvent réalisées par desamateurs, néanmoins certaines chaînes, commeNY1 à New York, pourraient en proposer dans unproche avenir. Le modèle est basé sur un partagedes recettes publicitaires. YouTube utilise l’adresseIP pour déterminer la position géographique et fait« remonter » des contenus dans un périmètre de100 miles.Le groupe National Public Radio (NPR) a obtenu3 millions de dollars pour financer un projetd'information locale censé compenser lafermeture de nombreux titres régionaux auxEtats-Unis. L’objectif est de « couvrir » des sujetslocaux de santé publique, d’immigration oud’éducation et de se positionner comme uninterlocuteur de qualité sur Internet.

Ces expériences s'inscrivent ainsi dans uneperspective plus générale qui reconnaît à Internetune puissance réelle de média hyperlocal.L’Angleterre est en train de suivre le même chemin,à commencer par la BBC, qui met progressivementen place une stratégie locale de news, perçue parde nombreux médias comme une véritablemenace du point de vue de la concurrence. Le BBCTrust, en sa qualité de régulateur des services de laBBC, a rejeté en 2008 un projet de la BBC, à savoirl’offre de services vidéo à l’échelon local,MyNewsNow (60 sites web d’information), au motifque ce dernier n’améliorerait pas suffisamment lesservices aux utilisateurs pour justifier l’investisse-ment de fonds tirés de la redevance ou leurspossibles conséquences négatives sur les médias.En revanche, l’année suivante, une proposition a été

approuvée afin de permettre aux sites Internetd'informations locales de la BBC de faire le lien avecles sites d'autres médias locaux sur la base delicences de contenus. Des partenariats et descollaborations sont aussi envisagés pour laproduction de vidéos. Ce qui n’empêche pas lescraintes de déstabilisation du marché publicitaire…

Pour le groupe britannique Newsquest, le dévelop-pement de l'information sur Internet passeégalement par l'ultralocal. Le Kidderminster shuttle'souvre la voie. La plate-forme du journal héberge24 sites d'information, un pour chacune des com-munes de la banlieue de Kidderminster dans le WestMidlands. Les informations sont recueillies par des« journalistes citoyens » qui publient des photos etdes vidéos. Chacun des sept journaux régionaux dugroupe devrait appliquer la même recette dans unavenir proche.Dans les villes de Leeds, Cardiff et Edinbourg, TheGuardian va lancer très prochainement un serviced'information combinant interactivité, dimensioncommunautaire et crowdsourcing en ayant recoursaux blogueurs pour produire de l'information locale.Un autre projet web, Guardian Cities, censé connec-ter le lecteur avec sa communauté, consisterait enl’ouverture de sites web circonscrits à une zonegéographique.

La France, de son côté, voit fleurir de nombreuxprojets : le dernier en date étant celui de France 3 etses 24 web TV locales, véritables antennes deproximité susceptibles, à terme, d’être déclinées enchaînes ADSL.Le réseau Maville.com fut un précurseur. Lancé enoctobre 1999 par Ouest-France Multimédia, filialedu journal Ouest-France, il comportait alors 16 villesde Bretagne, des Pays de la Loire et de Basse-Normandie. Le réseau Maville.com s’est étenduprogressivement pour couvrir 29 villes dès 2005.Chaque site Maville diffuse quotidiennement desinformations locales, et regroupe différents servicesen ligne (annonces, cinéma, bonnes adresses,agenda, météo, webcams…). En 2007, grâce à unpartenariat avec Nice-Matin, il s'est développédans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.Puis, en novembre 2007, La Voix du Nord a ouvertsous licence Maville.com un site Arras. Le 16 juin2008, le réseau s'est étendu à la ville de Tours. Fin2009, le site a été lancé en Bourgogne (Nevers) eten Île-de-France (Paris). L’ensemble des sitesMaville.com a totalisé plus de 3 780 000 visiteurs

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uniques en décembre 2009 (source OJD).

Les journaux du Midi, Midi Libre, L'Indépendant,Centre Presse... ont été parmi les premiers àdévelopper un réseau hyperlocal depuis juin 2008 :24 H Actus, une plate-forme de blogs alimentéeexclusivement par des correspondants locaux depresse (environ 110 correspondants actifs sur lesite), accessible sur le site du Midi Libre comme unenouvelle rubrique en ligne. Avec des diaporamas,des articles longs, des vidéos, 24 H Actus couvreplus d’une centaine de communes du Midi,en diffusant une information locale souvent plusdéveloppée que celle publiée dans les pagesimprimées des journaux du groupe. Le groupe Midi-Libre y voit la possibilité d’attirer des nouveauxprospects ciblés de publicité.Le concept a appelél'attention d'autres rédactions. Le journal Sud Ouest(dont le groupe détient les Journaux du Midi) a misà l'essai un blog de correspondants en Charente. Lejournal teste la formule de 24 H Actus avec sespropres correspondants. Pour le moment, seulementcinq d’entre eux sont concernés. L'objectif de SudOuest est d’étendre ce dispositif à des groupes decorrespondants dans tous les départements couvertspar le journal avant juin 2010.Les quotidiensnationaux ne sont pas en reste. Libération et ses8 Libévilles ou 20 minutes et ses déclinaisons enprovince contribuent également à ce développementde l’information hyperlocale.

Au niveau européen, le journal hyperlocalNase Adresa, en République tchèque, figure parmiles plus innovateurs. Lancé au printemps 2009,Nase Adresa comprend plusieurs éditions impriméeshebdomadaires destinées à des régions comptantmoins de 30 000 habitants, qui produisent leurspropres pages web hyperlocales. Le but est depublier 200 hebdomadaires hyperlocaux différentsen République tchèque au cours des troisprochaines années et de fournir ainsi uneplate-forme nationale aux annonceurs. Pour yparvenir, plusieurs antennes régionales sont instal-lées dans des cafés. Dans une salle de rédactionsituée au beau milieu du café, les journalisteseffectuent leur travail normalement et peuvent mêmetenir compte des commentaires et des conseils desclients. Ces derniers peuvent également proposerdes idées de sujets ou simplement converser avecles journalistes de leur hebdomadaire. Chaque cafééditorial aura pour mission d’alimenter en contenuoriginal deux ou trois éditions locales de l’hebdo-

madaire. Près de 90 cafés devraient ouvrirprochainement pour environ 190 éditions locales.Nase Adresa organise des événements ciblés sur desgroupes de lecteurs : après-midi thé dansant pourles seniors, atelier danse pour les mères et leursenfants, concerts au sein du café. Le journal et lesjournalistes prennent ainsi une place éminente dansla vie d’une communauté.

OD

Sources :- « Dispatches From the Hyperlocal Future », Bruce Sterling, Wired,june 26, 2007.

- « Local online news is changing, but not fast enough », Paul

Bradshaw, journalism.co.uk, february 13, 2008.

- « Newspaper Society Opposing BBC Local Video Plans - Surprise,

Surprise », Robert Andrews, paidcontent.co.uk, june 10, 2008.

- « BBC's local news plans threaten regional newspapers»,

Nicole Martin, Telegraph, october 27, 2008.- « Fresh attacks on BBC local web plans », Jemima Kiss,

guardian.co.uk, november 10, 2008.

- « "Hyperlocal" Web Sites Deliver News Without Newspapers »,

Claire Cain Miller and Brad Stone, New York Times, april 12, 2009.- « Thirsk-class, ultra-local read for only 5p », Martin Wainwright,

The Guardian, may 21, 2009.

- « Hyperlocal : la presse hebdomadaire régionale mieux que la PQR ? »,

Benoît Raphaël, benoit-raphael.blogspot.com, 26 mai 2009.

- « De l'hyperlocal révolutionnaire : Nase Adresa » Anto-l, lepost.fr, 11

décembre 2009.

- « De l’hyperlocal révolutionnaire Nase Adresa », Antoine Laurent,

Observatoiredesmedias.com, 11 décembre 2009.

Liberty Media renforce sa présence enEurope en s’emparant du numéro 2 ducâble allemand

Liberty Global, filiale du groupe américain LibertyMedia contrôlé par John Malone, a annoncé, le15 novembre 2009, s’être accordé avec les fondspropriétaires du numéro 2 du câble allemand,Unitymedia, pour en racheter la totalité du capital.

Cet accord signe l’entrée du groupe américain surun marché allemand du câble très morcelé, avecplus de 120 sociétés au total. Les fondsBC Partners, d’origine britannique, et Apollo Mana-gement, d’origine américaine, avaient pris lecontrôle, en 2005, de 70 % d’Unitymedia pour1,5 milliard d’euros, à l’occasion d’une premièrephase de consolidation du marché du câble. Issuen 2003 du regroupement de trois opérateurs locaux,Unitymedia compte 6,4 millions de clients, répartisprincipalement sur deux Länder, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la Hesse, soit les villes deFrancfort, Cologne et Düsseldorf. Le groupe devait

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Econom

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En Europe

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être introduit en Bourse en 2010, les fondsBC Partners et Apollo Management comptantprofiter de l’attrait nouveau du câble en Allemagnepour faire fructifier leur investissement. Bienqu’atomisé, le marché allemand du câble connaîten effet une seconde jeunesse avec le succès desoffres triple play, le câble gagnant des parts demarché face aux opérateurs de télécommunicationsDeutsche Telekom et Vodafone. En proposant lasomme élevée de 3,5 milliards d’euros, dont2 milliards d’euros en numéraire et une reprise dedette de 1,5 milliard d’euros, Liberty Global a toute-fois convaincu BC Partners et Apollo Managementde lui céder leur participation plutôt que d’introduireUnitymedia en Bourse, les fonds n’étant pasassurés de pouvoir espérer sur le marché desactions une telle valorisation pour le câblo-opérateur.

Pour Liberty Global, cette opération fait suite à unepremière tentative avortée de pénétration du marchéallemand du câble, les autorités de concurrenceallemandes ayant interdit à Liberty Media, en 2002,de prendre le contrôle du réseau câblé de DeutscheTelekom, au motif que le groupe aurait alors détenudes positions trop importantes dans la distribution etl’édition de chaînes de télévision, Liberty Mediapossédant, outre ses chaînes payantes, une partici-pation importante dans News Corp. Liberty Mediacompte cette fois-ci obtenir l’autorisation pour cettenouvelle opération qui sera soumise, non pas àl’office anticartel allemand, mais aux autoritéseuropéennes. En s’emparant d’Unitymedia, LibertyGlobal renforcera ses positions stratégiques dans lecâble européen qu’il domine : Liberty Global contrôle50 % de Telenet en Belgique, Cablecom en Suisse,enfin le réseau UPC (Irlande, Hollande,Autriche, Hongrie, Roumanie, Slovaquie, Pologne etRépublique tchèque). S’ajoutent à ces positionsdans le câble le contrôle de Chellomedia auRoyaume-Uni, la division contenus et servicesnumériques de Liberty Global, qui compte26 chaînes et des services de VOD. Enfin, le25 janvier 2010, Liberty Global annonçait avoirconclu la revente à l’opérateur de télécommunica-tions japonais KDDI de sa participation dansJupiter Telecommunications, le premier réseau câbléde l’archipel. Cette opération, qui permet à LibertyGlobal de récupérer 3 milliards de dollars ennuméraire, donne à Liberty Global les moyens de serenforcer encore dans le câble européen. Le groupes’est en effet déclaré intéressé par le rachat denouveaux réseaux détenus par des fonds : aux

Pays-Bas, les fonds Cinven et Warburg Pincuspourraient ainsi mettre sur le marché le réseau câbléZiggo, ce qui permettrait à Liberty Global, en lefusionnant avec le réseau UPC, de devenir l’opéra-teur unique du pays. En Allemagne, Liberty Media nepourra pas envisager officiellement le rachat deKabel Deutschland, ce que lui interdiraient lesautorités de concurrence, alors que le fondsProvidence, qui en détient 88 %, envisage uneentrée en Bourse ou la vente en bloc de sa partici-pation dans le leader allemand du câble.

AJ

Sources :- « L’office des cartels bloque les acquisitions de Kabel Deutschland »,

E.R., Les Echos, 24 août 2004.

- « En acquérant Unitymedia, Liverty Global s’ouvre le marché allemand

du câble », In. F., Les Echos, 16 novembre 2009.

- « Liberty Media revient en force dans le câble en Allemagne »,

Romaric Godin, La Tribune, 16 novembre 2009.

- « Liberty to exit Japan with sale of JCom », Robin Harding,

Ben Fenton, Financial Times, January 25, 2010.- « Kabel Deutschland : offer de 5 Mds », lefigaro.fr, 27 janvier 2010.

Le marché allemand de la télévisionpayante à l’aube d’une nouvelle ère ?

En devenant Sky Deutschland, Premiere entre dansl’univers News Corp., le leader européen de latélévision payante, qui applique à sa nouvellechaîne une stratégie déjà expérimentée avec succèsau Royaume-Uni et en Italie. Aujourd’hui dominé parun seul acteur, le marché allemand de la télévisionà péage pourrait connaître un bouleversement avecle basculement vers un modèle payant des chaînesde ProSiebenSat.1, premier groupe de télévision enclair en Allemagne.

Le 4 juillet 2009 à minuit, Premiere a abandonnéson ancien nom pour devenir Sky Deutschland, unchangement décisif pour la chaîne payante detélévision créée il y a vingt ans par Leo Kirch. Eneffet, le changement de nom fait entrer de plain-piedSky Deutschland dans l’univers du groupe NewsCorp., leader européen de la télévision payante,avec notamment BSkyB au Royaume-Uni et SkyItalia en Italie. Cette évolution entérine le contrôleeffectif de News Corp. sur Sky Deutschland, aprèsune première montée au capital de la chaîne enjanvier 2008 (voir le n°5 de La revue européennedes médias, hiver 2007-2008). Début août 2009,News Corp. annonçait avoir augmenté de nouveausa participation dans Sky Deutschland, passant de

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basculer en accès payant ses chaînes Pro7, Sat 1 etKabel 1, qui cumulent à elles seules 30 % del’audience nationale de la télévision.

AJ

Sources :- « La télé allemande Premiere croit à la recette Murdoch », Romaric

Godin, La Tribune, 6 juillet 2009.

- « Sky Deutschland vise un retour aux profits en 2011 », G.P.,

Les Echos, 14 août 2009.

- « L’allemand ProSiebenSat.1 veut se lancer dans la télévision à

péage », Les Echos, 28 octobre 2009.

Le phénomène de concentration sur lemarché audiovisuel espagnol se confirme

L’endettement record de Prisa et la suppressionprévue de la publicité sur les chaînes publiquesespagnoles, le 1er janvier 2010, auront accéléré lerythme des négociations entre les acteurs del’audiovisuel privé en Espagne : Telefonica revientau capital de Digital+, où se retrouve désormaisl’italien Mediaset qui, avec Telecinco, prend égale-ment le contrôle de la Cuatro. Le rapprochementannoncé d’Antena 3 et de la Sexta pourrait acheverla consolidation du paysage audiovisuel espagnol.

Telefonica revient dans Digital+ à moindre frais

Le groupe Prisa est fragilisé par une dette de5 milliards d’euros, à la suite de son OPA sur safiliale Sogecable, ce qui l’oblige désormais à seséparer de certains de ses actifs pour faire face à seséchéances de crédit. N’étant pas parvenu à unaccord avec le tandem Vivendi-Telefonica pour lavente de Digital+, sa chaîne premium payante (voirle n°12 de La revue européenne des médias,automne 2009), Prisa a finalement dû se résoudreà perdre le contrôle de ses activités audiovisuelles,y compris sa chaîne Cuatro, financée par la publi-cité. Cette dernière, qui devait à l’origine faire partiedu nouveau pôle audiovisuel de Prisa, aura étévictime de la chute des recettes publicitaires depuisfin 2008, ainsi que des échéances de rembourse-ment de la dette de Prisa, dont 1,95 milliard d’eurosen mars 2010.

Présent depuis 2002 au capital de Sogecable, quicontrôle Digital+ et la Cuatro, l’opérateur Telefonicas’était séparé en mai 2008 de sa participation de16,5 % dans Sogecable à l’occasion de l’OPAgénéreuse de Prisa. L’opération, non prévue par

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près de 30 % à 39,96 % du capital, sans avoir àlancer une OPA sur le reste de la chaîne malgré lefranchissement du seuil obligatoire des OPA fixé à30 %. Ce dispositif, autorisé par les autoritésallemandes de concurrence en février 2009,constitue une exception accordée aux entreprisesallemandes ayant besoin d’une recapitalisation pourse restructurer (voir le n°9 de La revue européennedes médias, hiver 2008-2009). Début janvier2010, News Corp. annonçait une nouvelleaugmentation de sa participation dans SkyDeutschland en lui apportant 110 millions d’eurossupplémentaires, faisant ainsi passer sa participa-tion de 39,96 à 45,42 % du capital de la chaîne.

Afin de retrouver la rentabilité, Sky Deutschlanddevra conquérir près d’un million d’abonnéssupplémentaires. Avec actuellement un peu plus de2,3 millions d’abonnés, la chaîne est déficitaireet vise l’équilibre opérationnel, une fois atteint,de 3 à 3,4 millions d’abonnés. Le changement denom comme la campagne publicitaire massive qu’ilentraîne doivent relancer les abonnements pouraccéder notamment aux matchs de la Bundesliga.Forte de la Ligue 1 dont elle regagné l’exclusivitéaprès avoir été obligé de la partager avec Arena pourles saisons 2006-2009, la chaîne a procédé, enmême temps qu’elle changeait de nom, à uneaugmentation significative du coût de l’abonnement.Pour voir les matchs de foot en direct, les Allemandsne peuvent plus s’abonner au seul bouquetBundesliga, ils doivent s’abonner également aubouquet de base de Sky Deutschland, soit débourserchaque mois 32,90 euros contre 19,99 eurosprécédemment. Sky Deutschland applique ici lastratégie déjà mise en place par News Corp. sur sesautres marchés. Mais le pari est risqué enAllemagne, un pays qui compte plus de 30 chaînesen accès gratuit et où le facteur prix est un élémentdécisif dans le choix des consommateurs comparéà des pays comme le Royaume-Uni et l’Italie, où lefoot justifie des dépenses importantes. D’autant queSky Deutschland pourrait bientôt avoir un nouveauconcurrent sur le marché de la télévision payante.

En effet, fragilisé par la baisse de ses recettespublicitaires, ProSiebenSat. 1, le premier groupeprivé de télévision en clair en Allemagne, envisagede rendre payant l’accès à certaines de ses chaînespour ramener à 70 %, contre 85 % actuellement, lapart de son chiffre d’affaires générée par la publicité.Dans les faits, ProSiebenSat. 1 pourrait faire

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Prisa, qui a dû débourser 650 millions d’eurossupplémentaires pour racheter la participation deSogecable, a été en partie à l’origine de la dette tropimportante de Prisa. Intéressante financièrementpour Telefonica, numéro un espagnol du marché destélécommunications, l’opération lui faisait toutefoisperdre une participation stratégique dans Sogecable,qui lui garantissait un accès privilégié à la chaînepayante Digital+. C’est pourquoi Telefonica a faitpartie des premiers groupes à se déclarer intéresséspar un rachat de Digital+, d’abord en tandem avecVivendi, ensuite seul, après que Vivendi lui a ravil’opérateur brésilien GVT. Finalement, le retrait del’offre commune Vivendi-Telefonica, en empêchantune vente en bloc de Digital+ qui aurait permis àPrisa de se désendetter, aura été favorable àTelefonica. Prisa s’est en effet résolu à ne vendrequ’une partie du capital de sa chaîne payante.

Le 26 novembre 2009, Telefonica annonçait avoirracheté 21 % de Digital+ à Prisa pour 470 millionsd’euros, dont seulement 240 millions en numéraire,les autres 230 millions d’euros consistant en uneannulation de la dette de Prisa à l’égard deTelefonica. Le groupe espagnol de télécommunica-tions récupère ainsi à moindres frais sa participationstratégique dans Digital+. En effet, Digital+ estl’actif le plus intéressant de Sogecable pour unopérateur de télécommunications comme Telefonica.Ce dernier, présent dans l’accès à Internet par ADSLet fibre optique, pourra compléter son réseau avecl’offre d’accès à la télévision par satellite de Digital+,notamment dans les zones où Telefonica ne proposepas d’offre triple play pour des raisonstechniques. En même temps, cette opération permetà Telefonica d’interdire à l’un de ses concurrents surle marché des télécommunications de prendre lecontrôle de Digital+. Pour Prisa, en revanche, les240 millions récupérés auprès de Telefonica ne luipermettent pas de faire face à ses échéances, ce quia obligé le groupe à trouver d’autres acheteurspour le capital restant de Digital+, valorisé à2,35 milliards d’euros sur la base du prix payé parTelefonica.

Mediaset, nouveau leader de la télévision enEspagne

Annoncé le 18 décembre 2009, l’accord entre Prisaet Mediaset, le groupe italien contrôlé par la familleBerlusconi, a amorcé le mouvement de consolida-tion du paysage audiovisuel espagnol que favorise

la chute des recettes publicitaires. Mediaset a profitéde la faiblesse de Prisa, pressé de trouver preneurpour Digital+, alors que le groupe Prisa, de soncôté, a profité du contexte réglementaire nouveau,ce qui a rendu sa chaîne en clair Cuatro trèsattrayante en la plaçant au cœur du nouvel échiquierde la télévision espagnole : le 23 février 2009, legouvernement espagnol a en effet autorisé lesfusions entre chaînes à condition que la nouvelleentité n’excède pas 27 % d’audience, ce qui estrevenu à faire de la Cuatro et de La Sexta des ciblesidéales pour les chaînes historiques (voir len°10-11 de La revue européenne des médias,printemps-été 2009). Le secteur se prépare parailleurs à un nouveau contexte publicitaire au1er janvier 2010, date de la fin de la publicité sur leservice public audiovisuel. Enfin, l’extinction de ladiffusion analogique est prévue pour le 10 avril2010, ce qui libérera des fréquences, notammentpour une offre de TNT payante concurrente deGol TV, la chaîne de football de Mediapro autoriséedepuis le 13 août 2009.Selon les termes de l’accord entre les deux groupes,Mediaset, via sa chaîne espagnole Telecinco qu’ilcontrôle à 50,1 %, rachète à Prisa 22 % de Digital+pour 500 millions d’euros et s’empare également,par échange d’actions, de la totalité de la Cuatro.La nouvelle entité sera alors contrôlée à 41 % parMediaset et 18,4 % par Prisa. En prenant le contrôlede la Cuatro, une transaction évaluée à 550 millionsd’euros, Mediaset devient ainsi le leader de latélévision privée en Espagne pour un investissementglobal de 1,05 milliard d’euros. Outre sa positionstratégique dans Digital+, la nouvelle entité cumuledésormais les audiences de Telecinco (15,2 % departs d’audience en novembre 2009), premièrechaîne privée espagnole derrière la chaîne publiqueTV1 (16,6 % de part d’audience), ainsi que cellesde la Cuatro (7,8 %), soit une audience cumuléede 23 % de part d’audience. Mediaset, leader sur lemarché publicitaire audiovisuel italien, va ainsicontrôler également 40 % du marché publicitaireaudiovisuel espagnol et s’impose de facto comme leplus grand groupe audiovisuel du sud de l’Europe.

Pour Prisa, la vente d’une partie de Digital+ et de laCuatro ne suffit pas à régler son problème d’endet-tement. C’est donc à terme toutes les activitésaudiovisuelles du groupe et certaines activitésd’édition qui pourraient quitter le périmètre du géantespagnol des médias. Avant même les accords avecTelefonica et Mediaset, en octobre 2009, Prisa a

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ainsi cédé 29,6 % de Media Capital, son pôleaudiovisuel au Portugal. Le groupe a égalementcédé près de 25 % de sa maison d’éditionSantillana au fonds américain DLJ South AmericanPartners pour 247 millions d’euros. Le contrôle deSantillana, spécialisée dans l’édition scolaire,pourrait intéresser le groupe Pearson qui, en rache-tant à Prisa la majorité du capital de sa maisond’édition, s’imposerait, en Espagne, sur le marchédu livre scolaire.

Antena 3 et La Sexta sur le point de fusionner

Face au nouvel ensemble détenu par Mediaset, lesautres chaînes privées espagnoles ne sont pas enreste et elles ont entamé depuis longtemps despourparlers. La fusion entre, d’une part, Antena 3,contrôlée conjointement par Planeta et l’italien DeAgostini et, d’autre part, La Sexta, la chaîne en clairdu groupe catalan Mediapro, ferait émerger unnouveau géant en cumulant les 13,8 % de partd’audience d’Antena 3 et les 6,5 % de La Sexta. Auterme de la fusion, Antena 3 pourrait détenir 80 %de la nouvelle entité selon la presse espagnole, maissurtout huit chaînes de télévision numériqueterrestre dès avril 2010, après l’extinction de ladiffusion analogique, soit plus du tiers de l’offreaudiovisuelle espagnole. Antena 3 conserverait sadimension généraliste, tandis que La Sexta joueraitla complémentarité en développant son offre defootball gratuit, à côté de Gol TV, qui pourrait êtreincluse dans un bouquet payant de chaînes TNT. GolTV est à ce jour la seule chaîne payante de la TNTespagnole, avec 1 million d’abonnés fin 2009. Faceà ce nouvel ensemble et au tandem Telecinco-Cuatro, la RTVE ne serait plus alors que le troisièmegroupe audiovisuel en part d’audience, au momentmême où le groupe public entame sa mutation versune programmation sans publicité et des contraintesde service public renforcées, sous la nouvelledirection d’un homme politique âgé de 81 ans,Alberto Oliart Saussol.

AJ

Sources :- « L’espagnol Prisa à la recherche de fonds », Diane Cambon,

Le Figaro, 1er octobre 2009.

- « Le nouveau patron de la télé publique espagnole suscite la circons-

pection », Jean-Jacques Bozonnet, Le Monde, 21 novembre 2009.

- « Telefonica se renforce dans la télévision payante », Thierry Maliniak,

La Tribune, 26 novembre 2009.

- « Telefonica prend 21% de Digital+ », Gilles Sengès, Les Echos,26 novembre 2009.

- « Vers une vaste recomposition du paysage audiovisuel espagnol »,

Gilles Sengès, Les Echos, 18 décembre 2009.

- « Mouvement de concentration dans la TV espagnole », Thierry

Maliniak, La Tribune, 18 décembre 2009.

- « Mediaset lance la concentration des télés espagnoles », Diane

Cambon, Le Figaro, 19 décembre 2009.

- « L’italien Mediaset double de taille en Espagne pour 1 milliard

d’euros », Guillaume Delacroix, Les Echos, 21 décembre 2009.

- « Dans un contexte de crise publicitaire sévère, le marché audiovi-

suel espagnol se concentre », Jean-Jacques Bozonnet, Le Monde,22 décembre 2009.

Le gouvernement de Silvio Berlusconilimite la publicité sur les chaînespayantes et ravive l’opposition entreMediaset et SkyItalia

Le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi,dont la famille contrôle Mediaset, le premier groupeprivé de télévision en Italie, est de nouveau critiquépar l’opposition pour conflit d’intérêts. Après avoirrelevé de 10 à 20 % le taux de TVA sur les chaînespayantes, le 1er décembre 2008, le gouvernementde Silvio Berlusconi a encore alourdi les contraintessur ces chaînes en approuvant, le 17 décembre2009, un projet de décret limitant la durée de lapublicité autorisée sur leurs antennes. Transpositiond’une directive européenne concernant la publicitésur les chaînes payantes, ce décret pénaliseSky Italia, le service de télévision détenu par NewsCorp., qui compte à lui seul 90 % des abonnésitaliens. Il pourrait en revanche favoriser les chaînesgratuites financées par la publicité en limitant lenombre d’espaces disponibles sur les chaînespayantes, encourageant ainsi un transfert desinvestissements publicitaires vers les chaînesgratuites, notamment celles appartenant au groupeMediaset.Le décret prévoit en effet une limitation progressivedu volume horaire de publicité autorisé sur leschaînes payantes qui, de 16 % actuellement,passerait à 14 % en 2011 et 12 % en 2012,s’alignant ainsi sur le volume horaire autorisé pourles chaînes publiques de la RAI. A l’inverse, leschaînes privées en clair conserveraient un volumehoraire autorisé de 18 %, ce qui favorise évidementMediaset qui, avec Canale 5, Rete 4 et Italia 1,s’arroge déjà 55 % du marché publicitaire audiovi-suel italien, devant la RAI avec 28 %, et Sky Italiaavec 6 %. Bien que présent dans la télévisionpayante avec Mediaset Premium, le groupe deSilvio Berlusconi serait donc avantagé par cettedisposition réglementaire qui lui permettra derenforcer sa position de premier pourvoyeur d’écrans

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auprès des annonceurs.La majorité parlementaire a relancé la polémique enadoptant un décret qui oblige les éditeurs deservices en ligne diffusant régulièrement descontenus audiovisuels, à partir du 27 janvier 2010,à demander au préalable une autorisation auministère des communications. L’opposition a denouveau dénoncé un conflit d’intérêts pourSilvio Berlusconi (voir infra), ce nouveau décret,transposition très stricte de la directive européennesur les services de médias audiovisuels, dite SMA,retardant, voire limitant, le développement de lavidéo en ligne en Italie, et préservant en retour lemarché des chaînes traditionnelles.

AJ

Sources :- « Nouvelles règles publicitaires pour les télévisions italiennes »,

Guillaume Delacroix, Les Echos, 21 décembre 2009.

- « Guerre Berlusconi – Murdoch dans la télévision payante »,

Guy Dutheil, Le Monde, 23 décembre 2009.

- « En Italie, polémique sur la restriction des vidéos sur le Web »,

Daniel Psenny, Le Monde, 22 janvier 2010.

�UsagesA chacun son journal avec Niiu

En octobre 2009, est né, à Berlin, un quotidien d’ungenre nouveau. D’apparence classique, Niiu(prononcer comme new) est un journal imprimé et,comme beaucoup d’autres, il est distribué par laposte. Sa particularité réside dans son contenu etplus précisément dans le choix de ses rubriques.Chaque exemplaire de Niiu est singulier des autresparce qu’il est le résultat du choix éditorial de sonlecteur.

Inventé aux Etats-Unis par le groupe MediaNews, leconcept de journal personnalisé a été lancé pour lapremière fois en Europe par deux jeunes étudiantsberlinois, Wanja Sören Oberhof et HendrikTiedemann. Le principe est pour le moinsinnovateur puisqu’il offre au lecteur la possibilité decomposer lui-même son quotidien en fonction deses propres centres d’intérêt. A partir du site Webde Niiu, chacun est invité à sélectionner à saconvenance les rubriques qui l’intéressent, informa-

tions locales, nationales, internationales, politique,sport, culture, musique, cinéma, style de vie, météo,etc. Les articles proposés proviennent de la pressetraditionnelle, de sites web et de blogs. Lesabonnés peuvent également choisir eux-mêmes letitre de leur journal et la couleur de la manchette.Une vingtaine de quotidiens participent à cetteinitiative, dont les plus grands journaux allemands,Bild, Handelsblatt ou encore Tagesspiegel, ainsi quequelques titres de la presse internationale commeles américains New York Times, International HeraldTribune et le russe Komsomolskaya Pravda. Lesarticles en langue étrangère sont traduits enallemand.Si un grand groupe comme Océ, spécialiste del’impression numérique, est partenaire, reste poséela question de la viabilité économique de cetteentreprise, sachant que les coûts de fabrication etde distribution sont les mêmes que ceux de lapresse traditionnelle. Niiu est vendu 1,80 euro, et1,20 euro pour les seuls étudiants, qui constituentle cœur de cible du journal. En outre, des lecteursaux préférences si déterminées pourrait intéresser lesannonceurs.Si la jeune pousse allemande parvient à conquérir5 000 abonnés durant les six premiers moissuivant son lancement, elle appliquera la formuledans d’autres villes outre-Rhin. Ce concept originalallie les avantages de l’imprimé à ceux d’Internet : iloffre à la fois le confort de lecture du papier et lechoix du Web, avec en plus une dose d’interactivité.La presse à la demande (PAD) est née avec Niiu.

FL

Sources :- « Lancement outre-Rhin du premier quotidien européen personnalisé »,

Cécile Calla, Le Monde, 15 octobre 2009.

- « Niiu, le journal papier personnalisé par ses lecteurs sur Internet »,

01net.com, 17 novembre 2009.

Journaliste, une profession menacée

Face à la crise de la presse, l’année 2009 aura étémarquée par une mobilisation accrue de la profes-sion à l’échelle européenne afin de défendre sesexigences concernant notamment la gestion desentreprises de médias et le respect de la libertéd’expression.

Il y a cinq siècles, le Parlement britannique futvictime d’une tentative manquée de destruction àl’explosif. Au Royaume-Uni, cet événement donne

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lieu tous les ans, le 5 novembre, à une commémo-ration avec la journée des feux d’artifice. De façonsymbolique, cette date a été retenue par les organi-sations professionnelles de journalistes, réunies ausein de la Fédération européenne des journalistes(FEJ), pour organiser annuellement une journée deprotestation dans près de 40 capitales européennespour défendre leur profession. Cette manifestation,baptisée « Stand up for journalism », rappelle, àl’attention de tous, les méfaits dus à la crise sansprécédent que les médias traversent. Au Royaume-Uni et en Espagne, 3 000 emplois salariés dejournalistes ont été supprimés en un an, près de1 000 en Allemagne et entre 2 500 et 4 000 enItalie et en Pologne, les pigistes non compris.

Au lancement de la première journée d’action en2007, le secrétaire général de la FEJ, représentantplus de 250 000 journalistes dans plus de 30 pays,rappelait qu’il était temps « de prendre la défense dujournalisme », en expliquant que « la qualité chuteet les gens ne font plus confiance aux médias pourdéfendre leurs intérêts. Nous devons reconquérir lesvertus éthiques de notre profession, dire à nosemployeurs qu’il faut mettre un terme aux réductionsd’emplois et à la baisse des normes de qualité etprévenir les gouvernements que la mise en causede l’éthique journalistique constitue une menacepour la démocratie ».Le 5 novembre 2009, à l’occasion de la journéeeuropéenne pour le journalisme, les principauxsyndicats français de journalistes (SNJ, SNJ-CGT etUSJ-CFDT), membres de la FEJ, ont pour lapremière fois adressé une lettre ouverte au Présidentde la République afin de rappeler « la situationextrêmement préoccupante » du secteur de l’infor-mation, tant sur le plan économique que sur celuides conditions de travail. Selon ce texte, « il n’y apas un jour sans qu’un journal, un hebdomadaire,une radio, une télévision ne licencie des journalistesen prétextant la crise économique ». Depuis le débutde l’année 2009, 2 300 journalistes auraient étélicenciés sur un total de près de 38 000 salariés quecompte la profession [NDLR : la progression del’effectif journalistique ralentit depuis les années2000 - seulement 73 titulaires de la carte supplé-mentaires en 2008 par rapport à 2007 -, aprèsavoir connu des taux de croissance de l’ordrede 60 % dans les années 1980, selon l’Observa-toire des métiers de la presse]. En outre, lessyndicats démontrent l’ampleur du phénomène deprécarisation qui touche le secteur des médias par

la récente révision à la baisse à un demi-smic,opérée par la Commission de la carte d’identité desjournalistes professionnels (CCIJP), du plancher derevenus d’un journaliste pour l’obtention de la cartede presse, soit 627 euros. En 2009, 1/5e desjournalistes exerceraient leur métier en situation deprécarité, le revenu de certains pigistes n’atteignantpas le niveau du smic. Selon les syndicats, le statutd’auto-entrepreneur, contraire à la convention collec-tive des journalistes, est proposé aux pigistes ausein de la chaîne France 24. Dans leur lettre ouverte,les représentants des journalistes s’inquiètentnotamment, de la remise en cause du statut del’Agence France Presse (AFP), qui garantit selon euxson indépendance, comme de celle de la protectiondes sources journalistiques.

Face aux profondes mutations qui touchent leursecteur d’activité, les journalistes européens se sontmobilisés au cours de l’année 2009, afin deramener au centre des débats l’avenir de leurprofession. Lors de son assemblée annuelle, àVarna, en Bulgarie, en mai 2009, la FEJ a adoptéune déclaration intitulée « Le journalisme à la pointedu changement », sollicitant « un nouveau dialogueet de nouvelles alliances avec les gouvernements etavec les représentants de la société civile, pourdéfendre les valeurs de service public dans lesmédias, ainsi que les emplois et les conditions detravail, mais aussi pour promouvoir l’innovationdans les médias ». Le texte définit comme un « déficrucial et historique de renforcer le rôle du journa-lisme en tant que mécanisme du pluralisme et del’engagement public de la vie démocratique enEurope ». La FEJ réclame, parmi d’autres choses,la création d’une task-force (groupe de travail)« médias », comprenant des représentants dessyndicats au sein de l’Union européenne.

En mai 2009, 48 rédacteurs en chef et cadresjournalistes européens venus de 19 pays ont signé,à Hambourg, la « Charte européenne de la liberté dela presse », présentée à la Commission européennepar Hans-Ulrich Jörges, rédacteur en chef dumagazine allemand Stern. Cette charte énoncedix principes de liberté des médias face auxingérences de l’Etat, en particulier de protectioncontre les actions de surveillance, d’écoute ou deperquisition de rédactions et de saisie d’ordinateurs,et de libre accès des journalistes et des citoyens àtoutes les sources d’information. L’objectif de sesrédacteurs est de faire appliquer la charte dans toute

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l’Europe et de faire de sa reconnaissance unecondition aux négociations sur l’élargissement del’Union européenne. En octobre 2009, au Parlementeuropéen, lors de la séance plénière consacrée à laliberté de l’information en Italie, Viviane Reding,commissaire à la société de l’information et auxmédias, a défendu cette charte émanant de lacommunauté des journalistes européens comme« une importante réaffirmation des valeurs de base,incluant la liberté d’expression et d’information quisous-tendent les traditions démocratiqueseuropéennes et sont consacrées dans des textesjuridiques fondamentaux comme la Charte desdroits fondamentaux de l’Union européenne », textesigné en décembre 2000 reprenant l’ensemble desdroits civiques, politiques, économiques et sociauxreconnus sur le territoire de l’Union européenne,dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté etjustice.

Le Parlement européen a néanmoins rendu une« non-décision », à la suite de ce débat concernantl’Italie, pays où le chef du gouvernement,Silvio Berlusconi, a décidé de mener une guerrefrontale contre tous les médias opposants depuisque ces derniers ont révélé des informations sur savie privée qui ont fait scandale.En septembre 2009, plus de 100 000 personnesétaient descendues dans la rue à Rome, à l’appelde la Fédération de la presse italienne, pourdéfendre la liberté de la presse et exprimer leurdésaccord avec le chef du gouvernement italien entant que propriétaire, notamment, de nombreuseschaînes de télévision (Rete 4, Canale 5 et Italia 1)et de titres de presse (l’hebdomadaire Panorama etle quotidien Il Giornale) (voir supra). Une pétitionlancée sur le site web du quotidien d’oppositionLa Repubblica a été signée par plus de 350 000personnes.Recommandant aux Italiens de ne plus lire lapresse, Silvio Berlusconi a également suggéré auxentreprises privées de ne plus passer d’annoncespublicitaires dans les journaux qui le critiquent et apoursuivi en justice pour diffamation les quotidiensde gauche, La Repubblica - notamment pour avoirpublié quotidiennement, pendant plusieurs mois,les dix mêmes questions sur les conséquences desa vie privée tant sur la politique que sur la sécuritéde l’Etat, restées sans réponse - et L’Unità, réclamant1 million d’euros de dommages et intérêts aupremier et 3 millions au second. La presseétrangère n’a pas été épargnée ; des actions

judiciaires ont été lancées contre le quotidienespagnol El País, l’hebdomadaire français LeNouvel Observateur, ainsi que plusieurs journauxanglais. Les partisans du chef du gouvernementitalien ont également appelé leurs concitoyens à neplus payer la redevance, principale source definancement de la télévision publique italienne, laRAI, considérée comme « anti-Berlusconi », àl’exception de la première chaîne, RAI 1, dont ledirecteur du journal, Augusto Minzolini, s’est engagéà ne pas participer au débat médiatique en coursconcernant les agissements de Silvio Berlusconi.En Italie, selon un usage souvent critiqué, la majo-rité parlementaire contrôle les deux premièreschaînes publiques tandis que l’opposition mène lapolitique éditoriale de la troisième. Les postes-clésde RAI 1 et de RAI 2 sont donc tenus par despersonnalités choisies par le chef du gouvernement.Ainsi, la bande-annonce du film d’Erik Gandini,Videocracy, sur le Cavaliere et pourtant sélectionnépour la Mostra de Venise en septembre 2009, s’estvu refuser les antennes de la RAI « pour des raisonspolitiques ».

Après des mois d’affrontements violents etincessants entre le chef du gouvernement et lesmédias en Italie, les organisations internationalesse sont emparées de la polémique. Ainsi, l’Organi-sation pour la sécurité et la coopération en Europe(OSCE), par l’intermédiaire de son représentant pourla liberté des médias, Miklos Haraszti, a adressé uncourrier à Silvio Berlusconi,le 20 septembre 2009,afin de lui demander de retirer sa plainte, rappelantque « le questionnement permanent, mêmepartisan, est un instrument de la fonction correctivedes médias » et que « le droit de savoir du publicinclut inévitablement le droit des médias à poser desquestions ».De même, malgré l’opposition des élus des partisde droite, le Parlement européen a débattu enséance plénière, le 8 octobre 2009, des entraves àla liberté de la presse en Italie. Les groupespolitiques de droite, PPE, CRE et ELD ont dénoncél’usage d’une institution européenne pour régler unproblème d’ordre national, tandis que les partis degauche, S&D, ADLE, Verts/ALE et GUE/NGL se sontprononcés en faveur d’une législation garantissantle pluralisme des médias en Europe. Le principe duvote d’une résolution sur la liberté d’information enItalie a également été adopté par une courtemajorité. Lors de la session plénière à Strasbourgdu 19-22 octobre 2009, les eurodéputés ont fina-

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lement rejeté (338 votes contre, 335 pour et13 abstentions) la résolution sur la liberté de lapresse en Italie, laquelle mentionnait également uneproposition de directive sur la garantie du pluralismedes médias.

En Allemagne, et pour la première fois dansl’histoire du pays, des dizaines de juristesallemands se sont exprimés, en novembre 2009,pour défendre le rédacteur en chef de la chaînepublique ZDF dont le contrat pourrait ne pas êtrereconduit sous la pression des dirigeants du partichrétien-démocrate (CDU). Invoquant la Constitutionallemande qui garantit la liberté de la presse,35 professeurs de droit de renom ont adressé unelettre ouverte publiée dans le Frankfurter AllgemeineSonntagszeitung (FAS) et le Spiegel, appelant lesmembres du conseil d’administration de la chaîne,au nom « de la raison et du professionnalisme », àne pas « participer à la prise d’influence que projettel’Etat avec le choix du rédacteur en chef ». Lesjuristes avertissent également que « ce qui se passequand un Etat ne garantit pas la liberté, on en al’exemple sous les yeux actuellement dans d’autrespays d’Europe ». Lors de la campagne électoralepour les législatives, le rédacteur en chef, NikolausBrender, en poste depuis 2000 à la ZDF, avait prisla décision d’annuler une émission politiqueà la suite du désistement des candidats à lachancellerie, Angela Merkel et Frank-WalterSteinmeier, au profit de l’un de leurs représentants.De nombreux dirigeants d’entreprises de médias,dont Mathias Döpfner à la tête du groupe Springer,ont affirmé leur soutien au rédacteur en chef dont letravail a été mis en cause.

Selon l’association Reporters sans frontières (RSF),le Danemark, la Finlande et l’Irlande constituent letrio de tête de son classement mondial annuel 2009concernant le respect de la liberté de la presse,classement effectué à partir d’un questionnaireportant sur les atteintes directes à l’égard desjournalistes (assassinats, emprisonnements,agressions, menaces…) ou des médias (censures,saisies, perquisitions, pressions…) et réalisé du1er septembre 2008 au 1er septembre 2009. En2009, seuls 15 pays sur 20 représentant le Vieuxcontinent sont classés, contre 18 en 2008. LaFrance occupe le 43e rang du classement sur 175au total, cédant huit places en 2009, après en avoirdéjà perdu quatre en 2008. Une contre-performancequi est due, selon RSF, « aux mises en examen,

placements en garde à vue et perquisitions dans lesmédias, mais aussi à l’ingérence des autoritéspolitiques, notamment du chef de l’Etat ». L’Italie,pays dans lequel les journalistes sont victimes demenaces physiques selon RSF, occupe la 49e place,contre la 44e en 2008. Quant à la Slovaquie,classée au 7e rang en 2008, est reléguée au 44e

rang en 2009.Selon le baromètre annuel 2010, établi parTNS-Sofres, publié par le quotidien La Croix, unemajorité de plus en plus importante de Français necroit pas à l’indépendance des journalistes :66 % pensent que ces derniers ne résistent pas auxpressions des partis politiques et du pouvoir (contre61 % en 2009 et 57 % en 2008), et 60 % qu’ilsne résistent pas aux pressions de l’argent (contre59 % en 2009).

FL

Sources :- « Journalistes européens : stand up for journalism ! », SNJ,

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cafebabel.com, 15 juin 2009.

- « Silvio Berlusconi et la presse : "la stratégie de la tension" », Philippe

Ridet, Le Monde, 10 septembre 2009.

- « La guerre entre Silvio Berlusconi et la presse italienne à son

paroxysme », Guillaume Delacroix, Les Echos, 15 septembre 2009.

- « L’OSCE demande à Berlusconi de retirer ses plaintes contre les jour-

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- « Debate on freedom of information in Italy », European Parliament,

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- « Vote des eurodéputés sur la liberté de la presse en Italie »,

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- « Liberté d’information en Italie/Parlement européen », Correspondancede la Presse, 22 octobre 2009.

- « Lettre ouverte au Président de la République », Alain Girard,

Dominique Candille, Nicolas Thiery, L’Humanité, 5 novembre 2009.

- « Des juristes allemands défendent un rédacteur en chef contre le

pouvoir », AFP, tv5.org, 22 novembre 2009.

- « Les Français exigent beaucoup des médias », baromètre TNS

Sofres/Logica, La Croix, 21 janvier 2010.

- « L’Europe n’est plus si exemplaire en matière de liberté de la presse,

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- « L’Observatoire des métiers de la presse », metiers-presse.org

- « Le journalisme à la pointe du changement », FEJ, /europe.ifj.org

- « European Charter on Freedom of the Press », pressfreedom.eu

- « Classement 2009 », Reporters sans frontières, rsf.org

Comment la TV ouest-allemande acontribué à la chute du Mur

Un cas unique d’interaction entre médias et opinion :dans le déroulement de ces événements historiques,le rôle de la télévision a été fondamental. Bien sûr,

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ce n’est pas la TV qui a fait tomber le Mur ou forcéla démocratisation dans les pays de l’Est. Elle n’apas déclenché ces événements. Mais elle a été unacteur principal dans la mesure où elle les a favori-sés en les amplifiant.

Le contexte médiatique

Les Allemands de l’Est avaient pour principalesource d’information sur leur pays (la RDA) et lemonde leurs propres médias – tous centralisés sousla tutelle du Comité central du parti-Etat, le SED(parti communiste), et à la fonction d’outilsd’agitation et de propagande.Les ondes hertziennes ne s’arrêtant pas auxfrontières, ils pouvaient capter aussi avecleur « râteau » les radios et télévisionsouest-allemandes, mais en noir et blanc unique-ment. En effet, lors du passage à la télévision encouleur, le bloc communiste avait opté pour leSECAM (technologie française) en opposition auPAL développé par l’Allemagne de l’Ouest. LesAllemands de l’Est n’avaient que deux chaînes detélévision et cinq radios nationales, auxquelless’ajoutaient, en provenance de l’Ouest, la radioDeutschlandfunk et les deux chaînes généralistespubliques allemandes pour la majorité de la popu-lation. En zone limitrophe de la RFA, ils pouvaientcapter parfois par spill over les nouvelles chaînesprivées (lancées à partir du milieu desannées 1980) et une des chaînes généralistesrégionales publiques. Quant aux journaux del’Ouest, ils ne franchissaient bien sûr pas lafrontière.Rappelons qu’à l’époque, la RDA n’était queparcimonieusement équipée de téléphones fixes quiétaient de surcroît sur écoute, et que la téléphoniemobile n’en était qu’à ses balbutiements. L’Internetn’existait pas encore. Il y avait bien sûr, en RFA, desmédias de contre-propagande, aux mains desAlliés occidentaux comme les radios RIAS ouVoice of America.

Un cas d’école à approfondir…

« Nous n’avons ni provoqué ni fait la révolution.Mais quand elle s’est présentée, nous l’avonsaccélérée », rappelle au printemps 1990 (sympo-sium Mainzer Tage der Fernsehkritik) Klaus Bresser,qui était directeur de l’information de la ZDF depuis1988. Et il ajoute : « La télévision a fait ce pour quoielle est faite. Elle a montré ce qui se passe, et

l’ampleur des événements rendait souvent superflutout commentaire… La télévision a servi deporte-parole à ceux qui jusque-là étaient sansvoix ».En informant en permanence (répétition,cumulation), elle a finalement fait en sorte quel’opinion isolée, individuelle, se transforme enopinion de masse. L’information par l’image, lereportage, ont été source de cohérence : en voyant,à la TV ouest-allemande, que les autres Allemandsde l’Est, dans d’autres villes ou régions, manifes-taient aussi, les manifestants d’une ville donnée ontcompris qu’ils n’étaient pas seuls et que les autresmanifestaient pour la même cause. C’est ainsi quel’opinion est-allemande s’est construite peu à peu etque, transportée de la sorte dans l’espace public, la« révolution pacifique » a fait tomber le Mur.

Pour les journalistes ouest-allemands, l’année 1989n’était pas un moment de réflexion, les événementsse succédaient trop vite depuis l’été, en Europe et enRDA, et il fallait informer, quitte à ne pas toujourscomprendre, dans l’urgence, la portée de ce qu’onrelatait. « Nous nous sommes contentés de relater[…] Et sans trop réfléchir [aux conséquences],nous avons fait notre métier », explique K. Bresser.La prise de conscience est venue ensuite. LesAllemands de l’Est ont su, eux, décrypter leséléments isolés d’information et en comprendred’instinct la portée. Ils ne pensaient pas qu’ilsferaient tomber le Mur. Mais ils avaient saisiinconsciemment que se constituait une opinionest-allemande qui voulait le changement et quel’opinion internationale la soutenait.

Pour la première (et unique) fois, la populationentière d’un pays s’est informée presque exclusive-ment par un seul média : la télévision. La chargeémotionnelle propre à l’image, l’impression qu’elledonne de « toucher du doigt » le réel, ont joué unrôle-clé dans la régulation des tensions entrel’opinion publique est-allemande d’un côté, et lepouvoir, de l’autre. Elles ont amplifié la première etparalysé le second. Il faut dire aussi que la réalité àrelater était par définition télégénique, c’est-à-direconforme aux lois inhérentes au média de l’imagequ’est la télévision. Situation unique : « La restitutionde la réalité a supplanté la reproduction de laréalité », selon Klaus Bresser.Exceptionnellement, le contexte aussi était particu-lièrement favorable pour que la « mayonnaiseprenne » : jamais aucune révolution, aussi pacifique

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soit-elle, n’a été relatée en direct dans le pays mêmeoù elle se déroulait – et de surcroît dans la mêmelangue. Point n’était besoin de traduction ou d’inter-médiaire pour comprendre ce qui se passait icimême. Ce sont les télévisions ouest-allemandes quiont mené l’information à l’Est – quasi en direct.Cet effet de direct, de simultanéité a créé un effet demiroir ou de renforcement lui aussi unique aumonde. Considérées comme des médias particuliè-rement crédibles du fait de leur indépendanceincontestée, les télévisions ouest-allemandes ontaussi renforcé la crédibilité des événements relatés.Et ce direct a, en retour, influé sur le cours desévénements au fur et à mesure que les acteurs quiétaient simultanément spectateurs en prenaientconscience et qu’ils en devenaient eux-mêmesacteurs.

Assez rapidement, il s’est créé par ailleurs unedramaturgie propre aux événements qui se sontdéroulés à partir du lundi 9 octobre 1989 à Leipzig.Ce jour-là, a lieu la première manifestation sponta-née rassemblant 70 000 personnes, en l’absencede meneur d’opposition, pour réclamer la « démo-cratie ». La chaîne publique ouest-allemande, la Unede l’ARD, en rediffusa les images dans sondeuxième journal télévisé le soir même. Les lundissuivants, certains manifestants scandaient leurslogan face aux caméras occidentales dont il n’étaitplus possible d’interdire la présence, leur montraientdrapeaux ou banderoles. Ce phénomène est propreà toute manifestation, mais ce qui distingue cesmanifestations qui se sont répétées dès lors chaquelundi, c’est leur régularité et donc la prévisibilité du« ballet » entre manifestants et journalistes,autrement dit : l’agenda setting a été démultiplié parl’effet-série.En fin d’après-midi, dès que les journalistes avaientslogans et images « dans la boîte », ils filaient lesacheminer pour qu’ils puissent être diffusés le soirmême dans les journaux télévisés ; dès que lesjournalistes avaient disparu, les manifestants sedispersaient pour rentrer chez eux et regarder lesjournaux télévisés. Comme pour confirmer que cequ’ils venaient de vivre était bien réel. Il s’est ainsicréé à large échelle une sorte « d’auto-observation »permanente, de vérification du retour-image chez lesmanifestants.

Ce « retour » et son effet grossissant a renforcé lamécanique de la spirale du silence. Au début, parmiles manifestants contre le régime, les transfuges

étaient peu nombreux, certains scandaient leslogan : « Nous voulons rester ici », en oppositionau « Nous voulons sortir » des autres. La spirale dusilence les a finalement mis hors champ ; lesrevendications des autres manifestants, ceux quiréclamaient plus de démocratie, puis l’unification,ont été mieux articulées et mieux relayées par lesmédias. Mais petit à petit, sous l’effet de la publicité(au sens premier du terme, « rendre public »), ilssont devenus de plus en plus nombreux, ont prisconfiance en eux, d’autres ont commencé àpartager leur opinion, et c’est ainsi qu’ils ont fini,sous l’effet cumulé et interactif d’un mainstream enconstitution et des télévisions, par constituerl’opinion de la RDA au bord de l’implosion.

Cette omniprésence du quasi-direct a ainsi confortédans leur appréciation de la réalité de ce qui sedéroulait dans leur pays tous les autres Allemandsde l’Est. Un peu sur ce schéma : puisque je le voisà la télé, c’est que c’est vrai. En l’occurrence, celaétait vrai – on pouvait le vérifier en se rendantsoi-même à une des manifestations. Autrement dit :l’image renvoyée par la télévision pouvaitse confirmer à tout moment par l’expérience immé-diate – phénomène rarissime dans l’univers del’information, et surtout à l’échelle de tout un pays(en tout cas de ses points névralgiques).

Ce direct permanent plaçait également le pouvoirpolitique sous le feu des projecteurs. Ainsi exposé,confronté à la révolution du peuple et à l’imagepositive qu’en renvoyait la télévision ouest-allemande (puis les télévisions du monde entier), legouvernement de la RDA était paralysé : il nepouvait plus recourir à la répression, l’attentionmédiatique ayant également renforcé Moscou dansson refus d’envoyer des chars.

Cette interaction entre la relation médiatique et ledéroulement des événements, renforcée par lesleaders d’opinion, principalement au sein de l’Egliseprotestante et parmi les mouvements de dissidents,ou encore parmi les intellectuels et artistes, allaitcrescendo, elle a grossi un peu selon un mouve-ment de spirale pour atteindre son point culminantle soir du 9 novembre 1989.

Le 9 novembre 1989, vers 19 heures, GünterSchabowski, en sa qualité de porte-parole duPolitbureau, donne une conférence de presseinternationale et annonce que la RDA ouvre ses

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frontières. Les questions des journalistes fusent.« Est-ce que ça signifie que les citoyens de RDA vontpouvoir voyager librement à l’Ouest ? ». Se déroulealors cette scène historique, diffusée et rediffusée partoutes les télévisions. Günter Schabowski lit uncommuniqué selon lequel les voyages privésseraient dorénavant autorisés sans conditionsparticulières à toute personne en faisant lademande. Autre question : « A partir de quandcette disposition entrera-t-elle en vigueur ? »G. Schabowski regarde son papier et marmonne laréponse comme pour lui-même, ou comme s’ildécouvrait le texte : « Immédiatement, tout desuite ». Plus tard, on se demandera si c’était unlapsus ou encore la volonté de précipiter les chosesdans une situation devenue intenable.

Les rédactions du monde entier entrent en efferves-cence. Mais pour y croire, les gens ont besoin devérifier de leurs propres yeux. Et ils vont commencerà tester le passage. Les gardes frontières ne sont aucourant de rien, ils n’ont pas d’ordres. Le premierposte frontière à s’ouvrir se trouve à Berlin, sur laBornholmer Strasse. Il est 21h20. La nouvellecircule de bouche à oreille, mais rien n’est encoreconfirmé, tout est encore incertain.C’est Hajo Friedrichs, le journaliste de Tagesthemen,le journal télévisé tardif de la Une publique ouest-allemande, qui forcera l’ouverture du Mur. A 22h42,il ouvre son journal par une phrase devenuecélèbre, parce que l’erreur d’appréciation sur laréalité de la situation immédiate (la liaison en directavec le poste frontière Invalidenstraße dans le mêmejournal télévisé le montre bel et bien fermé) n’en estpas moins visionnaire : « Bonsoir, Mesdames etMessieurs. Il faut être prudent dans l’emploi dessuperlatifs, ils se déprécient vite. Mais ce soir, il estpermis d’y recourir. Ce 9 novembre est une datehistorique : la RDA a annoncé que ses frontières sontimmédiatement ouvertes à tout un chacun. Lesportes dans le Mur sont largement ouvertes ». SiTagesthemen l’affirme, c’est que cela est vrai !Immédiatement, des deux côtés du Mur, ils sontmaintenant des milliers à affluer vers les zones depassage, dont la Porte de Brandebourg. Lescaméras suivent. Les médias aussi ont besoin devérifier et de donner une épaisseur réelle, humaine,à cette annonce encore abstraite.

Il n’y avait alors plus de retour possible, le Murdevait tomber. Et « l’erreur journalistique » commisepar Hajo Friedrichs le soir même dans le journal

télévisé Tagesthemen révèle à quel point les médiaseux-mêmes étaient partie prenante de ce main-stream. L’information (non confirmée) qu’il a donnéece soir-là a été la goutte d’eau qui a fait déborder levase.

… et un exemple éminent du rôle d’une informationlibre et indépendante pour la démocratie

C’est l’exemple le plus parfait des effets à long termeque peuvent avoir les médias sur l’opinion – ici,durant les décennies depuis la construction du Mur.Mais il aura fallu que beaucoup de conditions soientréunies en amont pour que le Mur finisse partomber. La principale d’entre elles est que, bienqu’en apparence les conditions soient réunies pourque la propagande cimente le régime de la RDA(répression/terreur, censure préalable et a posteriori,« public » captif), les Allemands de l’Est n’étaientdes citoyens captifs qu’au niveau des frontièresphysiques. Car le fait qu’ils puissent capter les émis-sions d’information de l’Ouest leur assurait, contre lavolonté même du régime, un minimum d’informa-tion libre et pluraliste.Quant à la raison qui a fait des télévisions ouest-allemandes des « acteurs » éminents dans la chutedu Mur, c’est la confiance que portaient (et portenttoujours) les Allemands de l’Ouest comme de l’Està ce média. A l’Ouest (et également dansl’Allemagne unie), depuis sa création en 1952, latélévision est en effet le média d’information consi-déré comme le plus crédible, le plus digne de foi. Ildoit cette considération au premier journal télévisécréé dans la RFA (Allemagne de l’Ouest) d’après-guerre : Tagesschau. Considération rapidementpartagée en RDA aussi, tant était flagrant le contrasteavec « l’information » télévisée des chaînesest-allemandes lancées peu après et strictementencadrées selon les règles de l’art de l’Agitprop. EnRDA, les médias étaient considérés comme lesinstruments privilégiés d’une « direction socialistedes consciences » et donc placés sous la doubletutelle, administrative et politique, du parti-Etat(« centralisme démocratique »).

La confiance que portent les Allemands à leurtélévision (à leurs médias en général) repose sur laliberté et l’indépendance des médias, ancrées dansla Loi fondamentale (Constitution) depuis la consti-tution de la RFA en 1949. C’est là l’enseignementtiré à l’Ouest de l’instrumentalisation des médiassous le IIIe Reich : cette indépendance constitution-

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nelle est un puissant « verrou anti-Goebbels » et serévélera au fil du temps un tout aussi puissant« verrou anti-Agitprop ». Elle se traduit de plusieursmanières. Par leur fonction, les médias (télévisionincluse) sont une composante intrinsèque de« l’ordre constitutionnel libéral et démocratique » dela République fédérale. Leur structure doit doncgarantir leur indépendance vis-à-vis de l’Etat – autreprincipe constitutionnel. Pour la télévision publique,cela signifie que, ses activités étant ainsi placées auservice de l’intérêt général, c’est-à-dire de la viedémocratique, seule la collectivité des citoyens peutdonner mandat aux opérateurs publics et fairecontrôler, grâce à des représentants de la sociétécivile organisée, l’exercice de ce mandat. Plusgénéralement, la liberté constitutionnelle de laradiodiffusion « a pour but de protéger et degarantir » le pluralisme des opinions (Tribunalconstitutionnel fédéral, 1981). Et pour tous lesacteurs, qu’ils soient publics ou privés, elle se traduitdonc par la liberté de la programmation, soncorollaire. Dans l’exercice de son rôle dans la viedémocratique, il incombe donc à l’information uneresponsabilité particulière, garantie par le strictrespect d’un code déontologique dont le principepremier est le « respect de la véracité des faits et dela dignité humaine ».Si ces principes valent pour tous les médias,l’opinion les rattache plus particulièrement au seulmédia « national » existant outre-Rhin : la télévision.Et, du fait de l’histoire, une émission en particulierles incarne : le premier JT, le Tagesschau de la Unepublique (ARD). Cette concentration des vertusdémocratiques du journalisme sur cette émission etl’édition tardive Tagesthemen sur la même chaîneatteint son paroxysme dans les années précédant lachute du Mur. Bien sûr, la même réputation s’attacheaux journaux télévisés de la Deux publique (ZDF)comme aux nombreux autres journaux et émissionsd’information, mais elle se concentre sur le premierné d’entre eux. En effet, par son information impar-tiale, neutre, factuelle, présentée par un speaker auservice de l’information (héritage des valeurs de laBBC), le Tagesschau a joué un rôle éminent dansla reconstruction de la démocratie de la RFA ausortir de la guerre. Pour le dire autrement : le modèledémocratique (ouest-) allemand est par essenceconstruit sur l’information – sur la libre circulationd’une information neutre, permettant l’articulation detoutes les opinions, condition sine qua non de lalibre formation de l’opinion individuelle et collective.Dans un arrêt rendu en 1961, le Tribunal constitu-

tionnel fédéral le formulait ainsi à propos de ladiffusion audiovisuelle : celle-ci « est plus qu’unsimple "medium" dans la formation del’opinion publique ; elle en est bien plutôt un"facteur" éminent ». Pendant longtemps, cetteacception ne s’appliquait qu’à la RFA (Ouest). Maisen traversant le Mur et le Rideau de fer, la télévisionouest-allemande – seul "bien" occidental que lesAllemands de l’Est avaient liberté pleine et entière de"consommer", du moins à partir des années 1970 –a étendu cette fonction à l’Est. Plus encore, de cefait même, elle a confirmé une seconde fois son rôlede « facteur » dans la formation de l’opinionpublique, assurant, sans en être toujoursconsciente, l’articulation d’une démocratie renais-sante dans le contexte même d’une dictature.

IB

Euronews s’ouvre à la Turquie

Poursuivant son développement multilingue, lachaîne paneuropéenne d’information en continudiffusera en dix langues en 2010. Elle a déjà lancésa nouvelle programmation en turc et l’enrichira enfarsi dans le courant de l’année.

Dix-huit mois après son lancement en langue arabe(voir le n°8 de La revue européenne des médias,automne 2008), la chaîne européenne d’informa-tion en continu assure la diffusion de sesprogrammes en turc sur son réseau mondial depuisle 30 janvier 2010. Le site Internet de la chaîne estégalement proposé dans cette langue. Le groupepublic de radio et de télévision turc, la TRT (TurkishRadio and Television), devenu le 21e actionnaired’Euronews en 2008, retransmet dorénavant desprogrammes quotidiens de la chaîne d’informationsur sa deuxième chaîne, TRT2, diffusée par voiehertzienne dans l’ensemble du pays. Ce partenariatavec Euronews constitue pour la Turquie un petit pasde plus sur le long chemin menant au seuil del’Union européenne. Si la création d’une chaînepublique en langue kurde en janvier 2009 aconstitué un progrès notable au regard desVingt-Sept (voir le n°9 de La revue européenne desmédias, hiver 2008-2009), le rapport annuel surles pays de l’élargissement établi par Bruxellescomporte néanmoins l’avertissement suivant :« L’initiative du gouvernement sur la question kurdedevrait mener à des mesures concrètes garantissant

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aux citoyens turcs des droits et libertés pleins etentiers, quelle que soit leur origine ». Cependant,l’affrontement permanent entre le gouvernement turcet Dogan, le premier groupe de médias du pays(propriétaire notamment de huit quotidiens parmi lesplus lus, comme Hürriyet et Milliyet, d’une vingtainede chaînes - dont deux réalisant les taux d’audienceles plus élevés - de radios, de maisons d’édition),contribue à ternir l’image de la Turquie en matièrede liberté d’expression. Déjà redevable au gouver-nement d’une taxe de plus de 420 millions d’eurossur la vente de 25 % du capital de ses chaînes augroupe allemand Springer, Dogan s’est vu infligerun redressement fiscal d’un montant jugé dispro-portionné de 1,75 milliard d’euros en septembre2009. La Commission européenne a condamnécette décision politique : « Quand la sanction estd’une telle ampleur qu’elle menace l’existence mêmed’un groupe de presse entier, comme c’est le cas,alors la liberté de presse est en jeu ». Membre duConseil de l’Europe depuis 1949 et ayant ratifié laConvention européenne des droits de l’homme en1954, la Turquie a fait l’objet de 1 676 arrêts deviolation rendus par la Cour européenne des droitsde l’homme et 12 029 requêtes sont encore enattente à ce jour. Malgré la réforme constitutionnelleet législative en cours depuis 2001, instaurant laprééminence de la réglementation internationale surla règle interne en matière de droits de l’homme,l’interprétation qui en est faite par les autoritésnationales reste trop peu soucieuse d’appliquer lajurisprudence européenne en matière de droits del’homme. Juge à la Cour européenne des droits del’homme, élue au titre de la Turquie, Isil Karakasdénonce un fossé entre la législation et la pratique :« Les violations sont souvent graves : ellesconcernent les atteintes à la vie, l’interdiction de latorture et des traitements inhumains, l’habeascorpus, mais également la liberté d’expression ; celareflète à quel point le respect de la Convention enTurquie demeure fragile ».Diffusée dans 151 pays par voie hertzienne, câble,satellite et IPTV, Euronews couvre désormais300 millions de foyers en neuf langues (allemand,anglais, arabe, espagnol, français, italien, portu-gais, russe, turc). Ayant remporté un appel d’offresémis par la Commission européenne pour produireet diffuser des programmes en continu à destinationnotamment de l’Iran et de l’Afghanistan, la chaînepaneuropéenne lancera un service en farsi à la fin del’année 2010. Le BBC World Service l’a précédéesur ce terrain en lançant BBC Persian TV en

janvier 2009. Celle-ci a fait d’emblée l’objet d’uneinterdiction par le gouvernement iranien (voir le n°9de La revue européenne des médias, hiver 2008-2009). La chaîne d’origine britannique a néanmoinsmaintenu sa diffusion, mais son signal a été brouilléen décembre 2009, lors de la retransmissiond’informations concernant le décès du grandayatollah Hossein-Ali Montazeri, opposant aurégime de Téhéran.

Considérée comme moribonde au début des années2000, Euronews est devenue rentable depuis 2004,dégageant un résultat net d’1 million d’euros pourun chiffre d’affaires de 50 millions en 2009, grâcenotamment à une hausse de 15 % de ses recettespublicitaires. Son budget est d’un montant de60 millions d’euros pour l’année 2010, dont 80 %de ressources propres. Elle emploie environ400 salariés en 2010. La chaîne aux 21 action-naires, dont les principaux sont les radiodiffuseurspublics européens (France 25 %, Italie 23 %,Russie 17 %, Turquie 16 % et Suisse 10 %),souhaite ouvrir son capital aux collectivités localeslyonnaises, afin de rembourser, en actions, un prêtparticipatif d’un montant de 1,8 million d’euros quelui ont accordé, à son lancement en 1993, la régionRhône-Alpes, le conseil général du Rhône et leGrand Lyon. Le Conseil d’Etat se prononcera surcette question d’ici à la fin de l’année. Grâce à cetteopération financière, Euronews, qui avait envisagéun temps de déménager à Bruxelles, quitterait labanlieue lyonnaise d’Ecully pour s’installer dans denouveaux locaux plus vastes dans le quartier deConfluence au sud de la ville.

Principale concurrente en Europe de la chaîneaméricaine CNN International, Euronews touche182 millions de foyers européens (y compris27 millions de foyers en Russie), contre 141 millionsde foyers pour CNN International et 90 millions pourBBC World News. Ainsi, son audience cumulée parjour en Europe sur le câble et le satellite est de3 millions de téléspectateurs, tandis que CNN Inter-national rassemble 2 millions de téléspectateursquotidiens et BBC World News 700 000. En outre,Euronews comptabilise 3,6 millions de téléspecta-teurs supplémentaires, grâce à la reprise de sesprogrammes dans des fenêtres de diffusion sur leschaînes nationales européennes. Avec un total de6,5 millions de téléspectateurs par jour, la chaînepaneuropéenne réalise trois à quatre fois plusd’audience que CNN International et dix fois plus que

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BBC World News. Aux Etats-Unis, Euronews estdiffusée par câble et par satellite, couvrant ainsi50 millions de foyers.

FL

Sources :- fr.euronews.net

- « Le gouvernement turc s’en prend au magnat des médias »,

Guillaume Perrier, Le Monde, 18 septembre 2009.

- « Bruxelles réclame à la Turquie des progrès sur la liberté d’expression

et la justice », P.Ri., Le Monde, 16 octobre 2009.

- « Droits de l’homme en Turquie ? Pourrait mieux faire », Isil Karakas,

Le Monde, 16 octobre 2009.

- « Euronews invite les collectivités à son capital », Marie-Annick

Dépagneux, Les Echos, 3 décembre 2009.

- « La chaîne iranienne de la BBC brouillée », Nicolas Madelaine,

Les Echos, 22 décembre 2009.

- « Euronews veut faire entrer les collectivités locales lyonnaises dans

son capital », La Correspondance de la Presse, 8 janvier 2010.

- « Euronews diffusée en turc d’ici fin janvier, et en persan d’ici fin

2010 », AFP, tv5.org, 18 janvier 2010.

TV5Monde sous-titre en japonais etenseigne le français

L’année de ses 25 ans, TV5Monde innove avec ladiffusion de ses programmes sous-titrés en japonaiset remplit, davantage encore, dans sa mission depromotion de la langue française.

La chaîne francophone, née en 1984 de l’alliancede cinq chaînes publiques, trois françaises (TF1,Antenne 2, FR3), une belge (RTBF) et une suisse(TSR), rejointes deux ans plus tard par le consor-tium de télévisions Québec-Canada, est associéedepuis 2008 à la holding Audiovisuel extérieur de laFrance, qui détient 49 % de son capital (voir le n°9de La revue européenne des médias, hiver 2008-2009). Diffusée dans 200 pays et territoires, par lecâble, le satellite et sur Internet, touchant207 millions de foyers, TV5Monde est suivie par55 millions de téléspectateurs par semaine.Première chaîne généraliste mondiale en français,TV5Monde se décline en neuf antennes différentes.Sont diffusées depuis Paris, TV5Monde France-Belgique-Suisse, TV5Monde Europe, TV5MondeAfrique, TV5Monde Asie, TV5Monde Maghreb-Orient,TV5Monde Etats-Unis, TV5Monde Amérique latine –et, depuis Montréal, TV5 Québec-Canada. Enseptembre 2009, le 9e signal TV5Monde Pacifiquea été lancé.Aux huit langues étrangères déjà pratiquées pour lesous-titrage des programmes, à savoir l’anglais,l’arabe, l’espagnol, le portugais, le néerlandais,

l’allemand, le roumain, le russe, a été ajouté lejaponais, en décembre 2009. Selon la directricegénérale de la chaîne, Marie-Christine Saragosse, ils’agit de faire du modèle TV5Monde « un outild’apprentissage du français », deuxième langueétrangère la plus apprise dans le monde. Le Japonest un pays où la culture française est très appré-ciée. Un million de Japonais apprennent le français.Au cours de l’année 2010, le sous-titrage desprogrammes de la chaîne se fera également enpolonais et en vietnamien.

En déployant ses activités sur Internet, la chaînefrancophone revendique un statut de média global :le site www.tv5monde.com et le site mobilem.tv5monde.com cumulent 5 millions de visites parmois et plus de 21 millions de pages vues. Le siteInternet est décliné en sept versions locales : /USA et/Asie en anglais, /latina en espagnol, /brasil enportugais, /japon en japonais, /de en allemand et/nlen néerlandais.

La chaîne francophone qui s’est assignée pourmission de promouvoir la langue française,développe des outils éducatifs et pédagogiques enaccès libre sur le Web. Ainsi, le dictionnaire multi-fonction et le traducteur en ligne font l’objet de10 millions de requêtes par mois sur le sitetv5monde.com. Le portail www.enseigner.tv met àla disposition des enseignants des programmes dela chaîne et des vidéos, tandis que www.appren-dre.tv propose des exercices en rapport avecl’actualité ou la culture (cinéma, théâtre, BD…).Chaque seconde, une fiche pédagogique esttéléchargée par un professeur et trois exercices sontréalisés par une personne étudiant le français, selonles statistiques fournies par la chaîne. TV5Monde aégalement lancé la première application « languefrançaise » pour téléphone portable offrant gratuite-ment notamment des jeux, un guide de conversa-tion et un dictionnaire. En partenariat avecl’Université catholique de Louvain, TV5Mondepropose sur Internet, depuis février 2010, un outild’initiation à la langue française, Première classe,en version multilingue et gratuite.

En décembre 2009, le site de TV5Monde arrive entête de la liste des plus fortes progressions en termesd’audience, avec 1,8 million de visites en plus parrapport au mois précédent, soit une augmentationde 39 %, selon le classement Médiamétrie-eStat.

FLSources :- TV5Monde.

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En Europe

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- « TV5Monde lance le sous-titrage de ses émissions en japonais »,

AFP, tv5.org, 17 décembre 2009.

- « Le site de TV5Monde en tête des progressions », Le Monde TV,Le Monde, 17-18 janvier 2010.

- « Un nouvel outil pour apprendre le français avec TV5Monde », AFP,

tv5.org, 5 février 2010.

L’américain YouTube accueille la nouvellechaîne du gouvernement irakien

A l’instar de Buckingham Palace (voir le n°5 deLa revue européenne des médias, hiver 2007-2008) ou de l’Etat pontifical (voir le n°9 de La revueeuropéenne des médias, hiver 2008-2009), legouvernement irakien a conclu à son tour un accordavec Google, afin de diffuser sa propre chaîne sur lesite de partage de vidéos YouTube.La chaîne youtube.com/iraqigov permet de montrerl’action du gouvernement irakien au reste du monde,comme l’a expliqué le Premier ministre du pays,Nouri al-Maliki, à l’occasion du lancement de lachaîne en novembre 2009 : « Le monde n’a pas puvoir les réussites du gouvernement irakien enmatière de sécurité, d’économie, de politique et deconstruction d’un système démocratique de gouver-nement fédéral ».La visite à Bagdad d’Eric Schmidt, PDG de Google,a également permis de sceller un accord d’un toutautre genre, concernant la numérisation des trésorsde la Mésopotamie exposés au musée national de lacapitale irakienne (voir infra).

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Source :- « Le gouvernement irakien lance sa chaîne sur YouTube », AFP, tv5.org,

25 novembre 2009.

Requêtes concernant l’actualité sur leWeb : les Français interrogent d’abord lessites de leurs médias favoris

Comme chaque année, le premier moteur derecherche sur Internet, qui concentre plus des deuxtiers des requêtes, publie son Zeitgeist (l’esprit dutemps), palmarès des mots-clés les plus recherchéspar les internautes dans plus de cinquante pays. Apartir de Google.fr, les requêtes les plus populairesarrivent dans cet ordre : 1. facebook, 2. youtube,3. jeux, 4. you, 5. yahoo, 6. tv, 7. orange, 8. meteo,9. le bon coin et 10. hotmail.Mais concernant les requêtes liées à l’actualité, leclassement de Google fait apparaître une spécificité

française non dénuée d’intérêt. Il en ressort en effetqu’en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et auxEtats-Unis, les internautes interrogent le moteur derecherche à partir d’un sujet ou d’un nom. Les plusrecherchés en 2009 sont, sans surprise, « grippeporcine », « Susan Boyle », « Michael Jackson »,ou encore « tremblement de terre Abruzzes » pourles Italiens.Tandis que les Français utilisent comme mot-clé,pour une recherche d’actualités, le nom de leurquotidien ou de leur site d’information favori. Lesinternautes français utilisent le moteur de recherchepour accéder à leurs sites de médias. Ainsi, lesrequêtes les plus populaires sur Google.fr enmatière d’actualité sont : 1. le monde ; 2. figaro ;3. tf1 ; 4. le parisien ; 5. liberation ; 6. sarkozy ;7. 20 minutes ; 8. obama ; 9. news ; 10. les echos.Huit mots-clés sur dix sont des noms de médias.De quoi faire réfléchir, sinon rassurer, les médiastraditionnels.

FL

Sources :- google.com/intl/fr/press/zeitgeist2009.

- « Google News : le monde cherche l’info, la France veut la source »,

Marie-Catherine Beuth, Etreintes digitales, blog.lefigaro.fr, 1er décembre

2009.

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Comcast s’empare de NBC Universal etrejoint le club des géants américains dela communication

Alors que Time Warner s’est séparé de ses activitésdans le câble et Internet pour se recentrer sur laproduction et ses chaînes de télévision, Comcast, lepremier câblo-opérateur américain (24 millionsd’abonnés, 34,3 milliards de dollars de chiffred’affaires en 2008), opère un mouvement inverse,et joue la carte de l’alliance des contenants et descontenus, en s’emparant de NBC – Universal,quatrième groupe de médias aux Etats-Unis derrièreDisney, News Corp. et Time Warner.

Convaincu qu’un réseau ne saurait conserver sespositions sans contrôler des contenus et profiterainsi d’exclusivités face à ses concurrents et ausuccès de la vidéo sur Internet, Comcast cherchaitdepuis près d’une décennie à s’emparer de l’un desplus grands acteurs américains de l’audiovisuel etdu cinéma. Après avoir échoué à racheter Disney –ABC pour 54 milliards de dollars en 2004,Comcast prend le contrôle de NBC Universal à lafaveur du recentrage des activités de ses anciensactionnaires, General Electric (GE) avec 80 % ducapital et Vivendi avec 20 % du capital.

NBC Universal est né de la fusion en 2004 dunetwork américain avec Universal, alors cédé parVivendi. Le groupe contrôle, outre le studio et lesparcs à thème Universal, le réseau télévisé NBC etde nombreuses chaînes du câble dont Bravo, CNBCet MSNBC. Celles-ci sont désormais la pépite dugroupe, le marché des chaînes payantes tirant lemarché audiovisuel américain quand les networksvoient leur audience et leurs recettes publicitairesdiminuer. Les résultats des majors du cinéma, dontUniversal, sont par ailleurs fragilisés par la chutedes ventes de DVD. Autant de raisons qui ontpoussé GE à se désengager de ses activités dans

le cinéma et l’audiovisuel, alors que Vivendi, quiavait conservé, en 2004, 20 % du nouvel ensemble,attendait de pouvoir se séparer dans de bonnesconditions de sa participation. Les accords signésen mai 2004 entre Vivendi et GE prévoient queVivendi dispose d’une option de vente entre le15 novembre et la première semaine pleine dedécembre de chaque année, des conditions qui ontconduit GE à proposer un prix attrayant à Vivendipour conclure la vente de ses titres dans les délaisimpartis. Après une offre initiale à 5 milliards dedollars, GE a finalement offert 5,8 milliards de dollarsà Vivendi pour sa participation dans NBC Universal.Si GE s’est engagé sur ce montant, c’est égalementparce qu’il a finalisé en même temps la cession àComcast de NBC Universal. Celle-ci étant soumise àl’autorisation des autorités de concurrence, ledispositif prévu entre GE et Vivendi est progressif. Enseptembre 2010, Vivendi cédera à GE 7,66 % deses parts dans NBC Universal pour 2 milliards dedollars. Lors de la finalisation de la transaction entreGE et Comcast, Vivendi touchera 3,8 milliards dedollars pour le reste de sa participation. Entre-temps,Vivendi percevra 268 millions de dollars dedividendes pour les 12,34 % de capital de NBCUniversal qu’il conserve le temps que la cession àComcast soit effective.

L’accord entre Comcast et GE valorise de son côtéNBC Universal à 30 milliards de dollars. Annoncéele 3 décembre 2009, la fusion donnera naissancedans un premier temps à une joint-venture entreComcast et GE. Comcast apportera au nouvelensemble ses chaînes câblées (E ! Entertainment,Golf Channel, Style Network), valorisées7,25 milliards de dollars, un apport complété parun versement de 6,5 milliards de dollars ennuméraire. A la suite de cette opération, Comcastcontrôlera 51 % du nouvel ensemble qui conservele nom NBC Universal, GE en détenant 49 %. Dès2012, GE a vocation à se désengager de NBC

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Universal, sa participation étant valorisée à9,1 milliards de dollars. Comcast sécurise ainsi sonaccès à des contenus exclusifs qu’il pourra valoriserauprès de ses abonnés en même temps qu’il prendle contrôle de l’une des initiatives les plus intéres-santes sur Internet en matière de vidéo, le site Hulu.Celui-ci, initialement lancé par NBC Universal etNews Corp. rejoint désormais par toutes les majors,propose une porte d’entrée unique et en accès libreaux séries de tous les grands studios américains,mises à disposition juste après leur diffusion àl’antenne.

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Sources :- « Vivendi pourrait vendre ses parts dans NBC Universal », Le Figaro,21 septembre 2009.

- « Le groupe Vivendi solde son aventure hollywoodienne », Enguérand

Renault, Le Figaro, 2 décembre 2009.

- « Comcast prend le contrôle de NBC Universal », Pierre-Yves Dugua,

Le Figaro, 4 décembre 2009

- « Comcast devient un géant des médias avec NBC Universal », Pierre

de Gasquet, Les Echos, 4 décembre 2009.

Vevo invente le MTV du Web pourrentabiliser les clips des artistes

Lancé le 8 décembre 2009 aux Etats-Unis et auCanada, le site Vevo a été présenté comme le MTVdu Web, une porte d’entrée unique proposée auxinternautes pour accéder en ligne aux clips et auxconcerts de leurs artistes préférés.

Doug Morris, le PDG d’Universal Music Group(UMG), est à l’origine de cette initiative qui regroupeà son capital UMG, le numéro un mondial dudisque, filiale de Vivendi, ainsi que Sony Music et lefonds Abou Dhabi Media Company. Outre les clipsde Sony Music et d’Universal Music, Vevo proposeégalement ceux de la major EMI. Enfin, un accordentre Vevo et CBS Interactive Music Group a étésigné le 3 décembre 2009 qui permet à Vevo deproposer les émissions musicales de CBS, notam-ment les concerts en direct diffusés sur la chaîneéponyme, ainsi que les contenus des 90 web radiosque compte le groupe. En mettant à la dispositiondes internautes une offre légale de clips vidéo enligne, Vevo espère reproduire le succès du site Hulu,lancé en mars 2008 aux Etats-Unis, lequel rassem-ble les séries des grands networks et comptait déjà40 millions de visiteurs uniques par mois fin 2009.Comme Hulu, Vevo compte dans un premier tempsse financer par la publicité. En revanche, Vevo n’est

pas une riposte à YouTube, comme l’est Hulu qui aété imaginé pour attirer vers lui les internautesadeptes du site d’échange de vidéos où les sériesdes networks sont très nombreuses, souvent illéga-lement.En effet, Vevo est le fruit d’un partenariat inédit avecYouTube, qui appartient au groupe Google. Partantdu constat que les annonceurs sont réticents àinvestir sur YouTube où les vidéos professionnellescohabitent avec des contenus amateurs, Doug Morrisa réussi à convaincre Google de rapatrier vers Vevoles adeptes des clips vidéo sur YouTube. L’offre deVevo étant composée exclusivement de contenusprofessionnels, elle répond mieux aux attentes desannonceurs qui pourront y cibler un public jeune.Les revenus publicitaires ainsi collectés serontensuite partagés entre Vevo et YouTube, qui peutespérer des recettes publicitaires plus importantes.Cet accord constitue un renversement de stratégiepour YouTube, qui proposait jusqu’à présent à sespartenaires de partager les recettes publicitairesengendrées depuis son service. Pour Vevo, lepotentiel d’audience par les renvois effectués depuisYouTube est immense : la chaîne Universal Music,qui propose ses clips sur YouTube, cumule depuisson lancement plus de 15 milliards de visionnages,avec de maigres recettes publicitaires, moins d’uncent par visionnage. Les choses pourrait changerpour Universal Music, car l’audience est déjà aurendez-vous : fin décembre 2009, à peine un moisaprès son lancement, Vevo comptait déjà, selonComscore, 35 millions de visiteurs uniques répartissur le site lui-même et sur sa déclinaison surYouTube.

AJ

Sources :- « Universal et YouTube inventent le MTV du Web », Marie-Catherine

Beuth, Le Figaro, 5 décembre 2009.

- « Contre-attaque des majors de la musique avec Vevo », Isabelle

Repiton, La Tribune, 9 décembre 2009.

- « Les majors du disque lancent Vevo, le « MTV » du Web »,

Cécile Ducourtieux, Le Monde, 10 décembre 2009.

Les majors du disque sur le banc desaccusés

Au beau milieu du débat qui anime la plupart despays industrialisés à propos des mesures prises afinde lutter contre le téléchargement illégal sur Internet,des stars attaquent les multinationales de l’industriemusicale pour non-paiement des droits d’auteur.

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Révélée par le quotidien canadien, Toronto Star, uneplainte vise les quatre principaux membres del’Association canadienne de l’industrie du disque(CRIA), les majors Warner Music, Sony BMG Music,EMI Music et Universal Music. Selon Michael Geist,chercheur titulaire de la chaire droit d’Internet ete-commerce à l’Université d’Ottawa et rédacteur del’article, cette affaire pourrait déboucher sur le plusgrand procès pour infraction au droit d’auteur del’histoire du Canada.

La plainte déposée en octobre 2008 sous la formed’une class action (action de groupe) a été initiéepar la veuve du musicien de jazz, Chet Baker,célèbre pendant les années 1950 et mort en 1988.Les artistes ont ainsi décidé de porter devant lajustice canadienne une longue pratique des majorsde la musique résumée par la formule « exploit now,pay after if at all », particulièrement appliquéelorsqu’il s’agit d’éditer des compilations de titres.Comme l’explique Michael Geist, l’évolution de lalégislation canadienne sur le droit d’auteur, au débutdes années 1980, a rendu obligatoire une autorisa-tion spécifique pour chaque usage. Lorsqu’ellessouhaitaient éditer des compilations, les majorsétablissaient alors des listes de titres utilisés enattente d’une autorisation. Autorisation qui, depuisune vingtaine d’années, n’a jamais été demandée.Aussi la liste d’attente s’est-elle considérablementallongée et comprend désormais un total de300 000 titres.Seul un petit nombre des œuvres listées relève dudomaine public ou concerne des œuvres orphelines,tandis que des milliers d’artistes canadiens etétrangers sont concernés par cette pratique ; parmieux figurent des stars du show business commeBeyonce ou Bruce Springsteen.Si les majors admettent devoir aux artistes lasomme de 50 millions de dollars, ces derniers enréclament 6 milliards, en prenant comme critère lasomme de 20 000 dollars canadiens par morceau,exigée par les majors des internautes pris pourtéléchargement illégal. Selon les plaignants, quiréclament leur dû, mais également des dommageset intérêts, « le comportement des majors estaggravé par leur exigence stricte et sans répit del’application de leurs droits d’auteur aux consom-mateurs. »

En septembre 2009, Alejandro Fernández, starlatino-américaine ayant vendu plus de 15 millionsde disques dans le monde entier, a obtenu de la

justice une perquisition des bureaux de Sony Musicà Mexico. Plus de 6 000 CD, des masters demorceaux inédits et des couvertures de CD ont étésaisis, mettant fin à l’utilisation abusive des œuvresde l’artiste. Sony avait prévu d’éditer un nouveau CDbaptisé Diferente, à partir de morceaux inédits dontla major ne détenait pas les droits. Sous contratavec Sony entre 1998 et 2008, Alejandro Fernándezavait signé, entre temps, avec Universal.

FL

Sources :- « Sony Mexico raided for " unauthorised " Alejandro Fernández

material », guardian.co.uk, september 7, 2009.

- « Record industry faces liability over " infringement " », Michael Geist,

Toronto Star, thestar.com, september 7, 2009.

- « Un procès à 6 milliards de dollars pour l’industrie du disque

canadienne », lemonde.fr, 7 décembre 2009.

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Avec Nexus One, Google engage le feravec Apple

Le lancement d’un téléphone mobile sous la marqueGoogle, qui fait émerger une concurrence nouvellepour l’iPhone d’Apple, témoigne d’une évolution dela stratégie de Google obligé de remonter la chaînede valeur du mobile pour protéger son activité derégie en ligne. Alors qu’Apple développe de son côtédes services en ligne autour de ses terminaux, lesoccasions de concurrence entre les deux groupes semultiplient, ce qui a conduit les autorités améri-caines à s’interroger sur leurs relations et sur uneéventuelle entente entre Apple et AT&T contreGoogle.

Une remontée dans la chaîne de valeur pour resterl’interlocuteur principal de l’internaute ?

Dévoilé le 5 janvier 2010, le Nexus One, premiertéléphone mobile multimédia sous la marqueGoogle, est un défi lancé par le moteur de rechercheà Apple, qui a su s’imposer sur le marché dessmartphones en trois ans, après avoir écoulé plusde 34 millions d’iPhone entre juin 2007 et fin 2009.Le Nexus One entre effectivement en concurrencedirecte avec l’iPhone qu’il espère détrôner, lenouveau terminal de Google étant même présentépar ses concepteurs comme un « superphone »,parce qu’il se veut le « point de rencontre entrele Web et le téléphone » selon Mario Queiroz,vice-président de Google chargé d’Android. Maisn’est-ce pas là justement le signe d’une inquiétude

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chez Google qui cherche à imposer sur le Webmobile des comportements différents de ceux queles usages de l’iPhone sont en train d’imposer ?

En effet, le cœur de métier de Google est sa régiepublicitaire, qui génère 98 % de son chiffred’affaires. Le lancement du Nexus One ne sauraitdonc signifier que Google entame une nouvellecarrière de fabricant de terminaux. A l’inverse, Appleest bien un fabricant de matériel électronique, desobjets qu’il vend cher parce qu’il parvient à lesvaloriser par un univers de services en ligne, lequelne constitue pas cependant son cœur de métier.Sauf qu’en développant ces services, notamment surle Web mobile, Apple pourrait finir par menacer – àterme – l’effet d’hégémonie de Google sur Internet.Avec l’iPhone et sa boutique virtuelle d’applicationsl’App Store, Apple favorise le téléchargementd’applications comme autant de services intégrésdans le terminal multimédia qui permettent ensuiteune connexion directe à ses sites préférés sur leWeb. Il existe plus de 100 000 applicationsdisponibles pour iPhone qui, une fois téléchargées,évitent de taper l’URL du site dans le navigateur mo-bile pour y accéder ou de passer par un moteur derecherche comme Google Search pour trouver uneURL. Parce qu’un terminal mobile ne favorise pas larecherche par mots-clés que l’on doit taper mais le« clic » sur des icônes qu’il suffit d’effleurer, lesusages qui se développent sur l’iPhone préfigurentainsi un Web mobile où le rôle des moteurs derecherche, à l’inverse de l’Internet fixe, sera

Lesacteursglobaux��

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34Les acteurs globaux

beaucoup moins décisif. Et si, en l’occurrence,Google avait lancé Nexus One pour changer le coursdes choses, pour imposer sur le Web mobile cettemême approche ouverte qui lui a permis de conqué-rir sur l’Internet fixe une position centrale dans larecherche et la publicité en ligne ? L’enjeu est detaille : pour la première fois en 2010, le mobiledevrait en effet dépasser le PC fixe pour la connexionà Internet.Ainsi, les stratégies de Google sur l’Internet fixe etl’Internet mobile n’ont rien de comparable. Surl’Internet fixe, le terminal – l’ordinateur personnel –n’a quasiment aucune incidence sur la manière denaviguer, sauf pour les utilisateurs des Mac d’Apple,incités à utiliser le navigateur maison Safari. Pourl’accès à Internet, seul compte finalement le naviga-teur (voir supra), et surtout la page par défautd’ouverture lors d’une connexion. Bon nombred’internautes ont par défaut la page de GoogleSearch parce que leur accès au Web passe par unmoteur de recherche qui leur propose, en fonctiond’un mot-clé précisant leur centre d’intérêt, une listede liens en rapport avec l’objet de leur recherche.Autant dire que le Web est ici « ouvert », conçucomme un réseau de sites reliés entre eux par unepage qui les référence, celle du moteur de recherchequi permet du même coup de contrôler la navigationdes internautes. Rien à voir, par conséquent, avecles écrans des smartphones et leurs pages d’icônesqui sont autant de raccourcis vers des sites Web.Pour inverser cette situation, et alors qu’il n’a jamaistenté de remonter dans la chaîne de valeur del’Internet fixe, Google est donc contraint de s’impo-ser sur les autres segments du marché du Webmobile, là où se décide aussi la navigation : en plusdu service de recherche Google adapté au mobile,Google tente donc de s’imposer au niveau del’interface logicielle des smartphones avec sonsystème d’exploitation Android, et désormaisdirectement au niveau du terminal avec le NexusOne, afin d’associer les services Google à unterminal donné, à l’instar d’Apple qui a su rendrel’iPhone indispensable, une fois enrichi de multiplesapplications.

D’Android à Nexus

La remontée de Google dans la chaîne de valeur del’Internet mobile est apparue avec le lancementdu système d’exploitation Android, présenté le5 novembre 2007. Développé à partir de Linux, librede droit, Android fédère, à l’initiative de Google, les

membres de l’Open Handset Alliance, alliance deconstructeurs pour un terminal « ouvert », c’est-à-dire l’inverse des systèmes propriétaires de Nokia,de l’OS Windows Mobile de Microsoft ou de celui del’iPhone d’Apple. Ces constructeurs, parmi lesquelsfigurent HTC et Mororola, ou encore Samsung et LG,mais aussi des opérateurs comme Vodafone ouChina Mobile, ont été parmi les premiers à lancerdes smartphones fonctionnant sous Android dèsl’automne 2008. Pour eux, l’avantage commercialest évident : Android est mis gratuitement à ladisposition des constructeurs. En contrepartie, ilspeuvent proposer des smartphones à des prix moinsélevés que l’iPhone d’Apple. Selon le cabinetd’études Gartner, cette stratégie devrait permettre àAndroid, qui pesait 2 % du marché des smartphonesfin 2009, de dépasser dès 2012, avec 14,5 % depart de marché, l’iPhone, le BlackBerry ou WindowsMobile. Avec le Nexus One, qui joue sur l’effet demarque Google, Android devrait être en mesure, trèsvite, de proposer une alternative sérieuse à lanavigation mobile selon Apple où l’on surfe encliquant sur des icônes plutôt qu’en entrant desmots-clés dans un moteur de recherche. SurAndroid, les icônes par défaut sont celles de GoogleSearch, Google Maps ou YouTube, c’est-à-direl’univers des services de Google. Car la logique deGoogle sur le Web mobile reste finalement liée à soncœur de métier : rassembler des audiences étenduespour vendre de la publicité, idéalement des lienssponsorisés. Sans surprise d’ailleurs, le Nexus Oneinclut un système de reconnaissance vocale quipermet de saisir du texte sans le taper. De quoicontourner les réticences des usagers à utiliser surleur mobile le moteur de recherche de Google, sansavoir à taper un mot-clé ?

A cet égard, la concurrence entre l’iPhone et le NexusOne dessine deux figures possibles pour le Webmobile de demain. Va-t-on vers un univers d’appli-cations où l’Android Market, qui comptait 18 000applications fin 2009, sera une alternative àl’App Store, avec un modèle reposant sur ledéveloppement de services payants sur Internet etdes écosystèmes entre terminal, système d’exploita-tion et applications store ? Va-t-on, à l’inverse, versune navigation ouverte, sans écosystèmesdominants, où finalement les moteurs de recherchevont retrouver sur le Web mobile la place prépondé-rante qu’ils occupent dans le fixe ? A vrai dire,le marché des applications n’étant pas décisif pourApple, qui cherche d’abord à vendre ses terminaux,

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il y a fort à parier que la navigation ouverte,off portal, hors des univers propriétaires, serademain prépondérante et que la principale source definancement des services mobiles, plutôt que d’êtrele téléchargement d’applications payantes, sera lefinancement par la publicité. Ce secteur, le plusdynamique des différents segments du marchépublicitaire Internet en 2009, avec une hausse de30 % des investissements sur le marché français,fait d’ailleurs l’objet de mouvements stratégiques dela part des grands acteurs du Web mobile.

Le 9 novembre 2009, Google a fait l’acquisition pour750 millions de dollars de la start-up AdMob,spécialisée dans la publicité sur mobile, avec enrégie plusieurs milliers de sites mobiles. AdMobcompte également parmi ses activités le serviceAdMob for iPhone, l’un des plus performants pourl’insertion de publicité dans les différents services del’iPhone, au sein des applications, mais égalementdirectement sur des cartes géographiques parexemple. Enfin, AdMob a développé MobileAnalytics, un outil de mesure d’audience sur lemobile. Le fait que Google se soit emparé d’une régiedont l’activité repose en grande partie sur le place-ment de publicité dans l’univers iPhone rappelle quele cœur de métier du moteur de recherche est biencelui d’une régie, y compris pour les services et surles applications hébergées par un concurrent commeApple. AdMob développe désormais ses services derégie également pour les mobiles fonctionnant sousAndroid. Et Apple semble convaincu que le contrôled’une régie mobile pourra être, demain, un élémentdécisif sur le marché du Web mobile : le 5 janvier2010, Apple s’est emparé pour 275 millions dedollars de l’un des concurrents directs d’AdMob, larégie mobile Quattro Wireless, une plate-formepublicitaire pour l’iPhone et l’iPod touch, maiségalement pour Android et les autres systèmesd’exploitation mobile.

La fin des relations croisées entre Apple et Google

La concurrence nouvelle entre Apple et Google sur lemarché du mobile, liée au fait qu’Apple pourraitmenacer par le succès de l’iPhone la position deGoogle sur le marché de la publicité sur Internet, aconduit les deux groupes, historiquement très liés, àséparer nettement leurs représentants dans leursconseils d’administration respectifs. Eric Schmidt, lePDG de Google, était encore administrateur d’Appleen juillet 2009. Certains administrateurs, comme

Arthur Levinson, siégeaient aux conseils d’Apple etde Google jusqu’au milieu de 2009. Al Gore,l’ancien vice-président américain, est conseillerspécial pour Google, administrateur d’Apple,membre de la direction de Kleiner Perkins, un fondsqui finance Google depuis 1999 et travaille actuel-lement avec Apple. Ces relations croisées entre lesdeux groupes n’ont jamais posé de véritablesproblèmes tant que Google et Apple se développaientsur leur cœur de métier respectif. Mais la stratégied’écosystème d’Apple, où le terminal est enrichi etvalorisé par un ensemble de services en ligneassociés, comme iTunes pour l’iPod qui a contretoute attente propulsé Apple au rang de premierdistributeur mondial de musique numérique, ouencore de l’AppStore pour l’iPhone, fait qu’Appleentre de plus en plus en concurrence avec Google etson univers de services. De même, pour contrerMicrosoft, Google a développé son proprenavigateur Chrome et son système d’exploitationChrome OS, qui entrent également en concurrenceavec le navigateur Safari d’Apple et le systèmed’exploitation pour Mac.Autant de mouvements stratégiques qui ont conduitla Federal Trade Commission (FTC), l’autoritéaméricaine de concurrence, à s’inquiéter depossibles conflits d’intérêts entre Apple et Google. Enmai 2009, la FTC ouvrait ainsi une enquête sur lesrelations entre les deux groupes, la loi américaineinterdisant à une même personne de siéger auconseil d’administration de deux entreprises concur-rentes pour éviter tout risque d’entente entre celles-ci.Face à la possible tentation monopolistique dutandem Google- Apple, l’un dans les services etl’autre dans les terminaux, la FTC aura convaincuEric Schmidt comme Steve Jobs, les patrons de deuxgroupes, de mettre fin à leurs relations croisées : le3 août 2009, Eric Schmidt abandonnait son posted’administrateur d’Apple et, sous la pression de laFTC, Arthur Levinson a quitté le conseil d’adminis-tration de Google.

De risque de conflit d’intérêts, la qualification desrelations entre les deux entreprises pourrait mêmedésormais se transformer en franche hostilité, avecentente possible, cette fois, entre Apple et AT&T pourcontrer Google. En effet, le 1er août 2009, deux joursavant la démission d’Eric Schmidt du conseild’administration d’Apple, la Federal CommunicationsCommission (FCC), l’autorité chargée de la régula-tion des médias et des télécommunications auxEtats-Unis, a ouvert une enquête sur Apple et AT&T,

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36Les acteurs globaux

l’opérateur qui commercialise en exclusivité l’iPhonesur le territoire américain. La FCC a envoyé à Appleune demande de renseignements sur les motifs quiont justifié la décision du groupe de refuserd’accueillir sur son Applications Store le serviceGoogle Voice qui permet de téléphoner sur Internetavec un numéro unique. Cette décision avantage eneffet AT&T qui vend des forfaits iPhone avecconsommation Internet illimitée et forfait d’appelslimité. Autant dire que basculer ses communicationstéléphoniques sur Internet grâce à Google Voicemenace les bénéfices d’AT&T sur les iPhone.

AJ

Sources :- « Google s’attaque à la téléphonie mobile », M.C., Le Figaro,6 novembre 2007.

- « Les Etats-Unis enquêtent sur les relations entre Apple et Google »,

G. de C., Les Echos, 6 mai 2009.

- « En huit mois, Android a changé le paysage de la téléphonie

mobile », interview d’Andrew Rubin, responsable de la plate-forme

Android chez Google, Emmanuel Paquette, Les Echos, 6 juillet 2009.

- « iPhone : la FCC interroge Apple qui a refusé l’offre VoIP de Google »,

Pierre Mangin, Silicon.fr, 3 août 2009.

- « Bras de fer entre Apple et Google », Anouch Seydtaghia, La Tribune,4 août 2009.

- « Google et Apple toujours dans le collimateur des autorités améri-

caines », G. de C., Les Echos, 5 août 2009.

- « Levinson resigns from Google Board », Richard Waters, FinancialTimes, October 12, 2009.- « Google va proposer son propre téléphone », Marc Cherki, Le Figaro,12 décembre 2009.

- « Avec son Nexus One, Google défie Appel dans le mobile »,

Guillaume de Calignon, Les Echos, 5 janvier 2010.

- « Avec le rachat de Quattro Wireless, Apple accentue sa concurrence

avec Google », Jean Elyan, Le Monde Informatique, 6 janvier 2010.

- « Apple-Google : le match de la décennie », Guillaume Grallet,

lepoint.fr, 11 janvier 2010.

L’introduction en Bourse du groupeInternet AOL signe sa séparationdéfinitive avec Time Warner

Annoncée le 28 mai 2009 par Jeff Bewkes, le PDGde Time Warner, la scission du groupe de médiasavec sa filiale AOL est effective depuis le9 décembre 2009, date de son introduction enBourse.

Avec une capitalisation boursière oscillant, selon lesestimations, entre 2,3 et 2,8 milliards de dollars lejour de son introduction, AOL quitte le giron dugroupe dont elle s’était emparée pour 163 milliardsde dollars dix ans plus tôt, en 2000, à l’époque dela bulle boursière sur les valeurs technologiques. La

société, fleuron de l’Internet de la fin des années1990, voit ainsi sa valeur diminuer de nouveau :valorisée 20 milliards de dollars lors de l’entrée deGoogle à son capital en 2005, elle pesait encore5,66 milliards de dollars fin 2008 lorsqueTime Warner a racheté à Google les 5 % de capitalqu’il détenait dans AOL (voir le n°12 de La revueeuropéenne des médias, automne 2009).

Désormais coté, le groupe AOL va devoir renouer ra-pidement avec la rentabilité. Si son chiffre d’affairesbaisse dans la mesure où le groupe ne cherche pasà conserver ses abonnés Internet, reste qu’il devratailler dans ses effectifs importants, hérités de sesannées fastes, pour se concentrer sur ses activitésde portail et de régie en ligne. Juste avant sonintroduction en Bourse, le groupe a ainsi mis enplace un plan de départs volontaires pour supprimer2 500 de ses 6 900 employés, essentiellement auxEtats-Unis où AOL compte 4 500 employés. Fautede candidats en nombre suffisant pour le départ,AOL a dû, le 10 janvier 2010, recourir aux licencie-ments et décider de fermer certains de ses bureauxà l’étranger : l’Espagne et la Suède sont les premierspays touchés, la France et l’Allemagne pourraientégalement être concernées. A terme, la baisse de seseffectifs devrait permettre à AOL – qui comptait plusde 19 000 employés en 2006 - d’économiserchaque année près de 300 millions de dollars.Restera alors au groupe à proposer en ligne une offrequi saura faire la différence en fidélisant uneaudience importante et qualifiée, susceptible d’attirerles annonceurs.

Bien que disposant d’une marque forte, AOL manqueaujourd’hui de visibilité, son audience se répartis-sant sur 80 sites différents, dont AOL InstantMessenger, son service de messagerie instantanée.Alors qu’il ambitionne d’être un producteur decontenus exclusifs et fédérateurs sur Internet,stratégie qui a déjà échoué à l’époque de la fusionavec Time Warner, AOL devra s’imposer comme l’undes principaux portails et services de courrierélectronique du marché américain, aux côtésnotamment de Yahoo !, qui a adopté la mêmestratégie depuis qu’il a confié à Microsoft sesactivités de recherche en ligne. Pour s’imposer, AOLpeut compter sur ses journalistes, le groupe produi-sant à lui seul entre 70 % et 80 % de l’informationqu’il diffuse, et sur les fonds dégagés par certainesde ses activités hors contenu dont il se débarrassepour financer sa nouvelle stratégie. Ainsi, la semaine

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suivant son introduction en Bourse, AOL annonçaitêtre en pourparlers avec le groupe russe Digital SkyTechnologies (DST) pour lui revendre samessagerie instantanée ICQ , leader en Russie maisdépassée par AOL Instant Messenger aux Etats-Unis.MapQuest, le service de cartographie et d’itinérairesen ligne d’AOL, est également en vente.

AJ

Sources :- « AOL se rêve en poids lourd des médias sur Internet », Eric Chalmet,

La Tribune, 18 novembre 2009.

- « AOL sort de Time Warner et se sépare d’un tiers de ses effectifs »,

Pierre de Gasquet, Les Echos, 20 novembre 2009.

- « AOL taille au pas de charge dans ses effectifs », Marie-Catherine

Beuth, Le Figaro, 20 novembre 2009.

- « AOL se cherche un nouvel avenir à Wall Street », Laetitia Mailhes,

Les Echos, 9 décembre 2009.

- « AOL négocie la vente de sa messagerie ICQ à un groupe d’investis-

sement russe », Laetitia Mailhes, Les Echos, 15 décembre 2009.

- « Etats-Unis : AOL passe aux licenciements par manque de volon-

taires au départ », AFP, 11 janvier 2010.

- « AOL ferme son bureau en France », Marie-Catherine Beuth,

Le Figaro, 11 janvier 2010.

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A retenir��TV connectée

L’expression désigne cette nouvelle génération detéléviseurs dotés d’une connexion à Internet. Grâceau raccordement à un réseau, voire à un réseauWi-Fi, et relié au routeur ou à la box d’un opérateur,le téléviseur offre ainsi la possibilité de naviguer surla Toile et d’y accéder à des contenus sélectionnéspar une télécommande (voir le n°8 de La revueeuropéenne des médias, automne 2008). Tous lesgrands fabricants devraient lancer en 2010 desappareils capables d’offrir ces nouveaux usages.Une interface spécialement conçue apparaît alors àl’écran et permet d’accéder par la télécommande àdes widgets représentant les différents services(Yahoo!, Amazon, eBay, Facebook, Twitter etYouTube ou à des programmes de télévision déjàdiffusés …). Les consommateurs pourront accéderau Web simultanément à un programme, transfor-mant ainsi la télévision, non plus en un objetregardé passivement, mais en « un véritable médiainteractif ».La 4e édition du rapport Deloitte « State of the MediaDemocracy » a fait ressortir que les internautesétaient plus épris de leurs téléviseurs que jamais etdonc prêts pour la convergence entre la télévision et

Internet. Deux phénomènes concomitants vont trèsprobablement se produire en 2010 : d’une part, letrafic Internet va finir par stagner, en raison d’un tauxd’équipement des foyers mature en matérielinformatique « traditionnel » ; d’autre part, une réelleappétence, voire une « réaffection » pour le télévi-seur, objet boudé, ou même vilipendé ces dernièresannées.Ainsi, le corollaire sera d’un côté, la nécessité derechercher des terminaux diversifiés pour multiplierles occasions de connexions et, de l’autre, le retouren grâce de la télévision au sein des foyers. Audemeurant, ces derniers ne l’avaient jamaiscomplètement délaissée car, contrairement auxidées reçues, les adolescents (américains notam-ment) passent encore bien plus de temps devant latélévision que devant un ordinateur : l'adolescentaméricain « moyen » regarde la télévision 6 % pluslongtemps qu'il y a cinq ans, soit 3h20 par jour,contre 3h08 en 2003. En 2008, sur un mois,104 heures et 24 minutes sont passées devant letéléviseur, contre seulement 11 heures 32 minutespassées à surfer sur Internet. Une fois qu'ils sont surInternet, ils passent de plus en plus de temps àregarder… des vidéos : 12 millions d'adolescents,soit les deux tiers de ceux qui se connectent à

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38A retenir

Internet, ont regardé des vidéos en ligne, soit enmoyenne trois heures six minutes par mois(source : Nielsen, mai 2009).En 2009, 65 % des internautes aspiraient à uneconnexion entre leur téléviseur et Internet, notam-ment pour ce qui a trait aux réseaux sociaux. Uneenquête réalisée en février 2009 auprès de1 000 ménages utilisateurs de réseaux sociaux auxEtats-Unis (source : ABI Research) met en évidenceque 36 % d’entre eux voudraient avoir accès à leurréseau social sur le téléviseur, sans doute enmode « multitâche », pendant le visionnage des pro-grammes de télévision.Les internautes vont simplement reporter sur latélévision les habitudes d'interactivité acquises surInternet, ce que leur permettra la technologie,sachant qu’un quart des internautes françaisutilisaient déjà des services interactifs sur le télévi-seur (guide des programmes, météo, votes…) enjuin 2008 (source : Louis Harris).La connexion des téléviseurs à Internet devraitrévolutionner la consommation audiovisuelle etdonner lieu à de nouveaux usages en interactionavec le Web. Selon une étude de l’institut Forrester,les télévisions connectées devraient représenter prèsd’un tiers du parc d’ici à 2014.On va donc assister à une reconfigurationdes usages autour de la télévision qui s'inscrit dansune demande accrue, de la part des utilisateurs, dedélinéarisation et d'interactivité, celle-ci permettantde prolonger le temps d’exposition aux services enligne.Ainsi, Samsung, qui propose déjà sur certains deses écrans le service Medi@ 2.0 (accès à certainssites web comme YouTube entre autres), cherche àenrichir l'offre de ses téléviseurs connectés à Internetet vient de s'allier au groupe TF1 afin de proposer,dès 2010 et pendant trois ans directement depuisses téléviseurs, des applications dédiées à l'infor-mation, à la météo, au sport et à l'actualité desprogrammes ainsi qu'un accès à TF1 Vision, leservice de VOD du groupe audiovisuel. A cette fin,les téléviseurs HD Samsung intègrent une priseEthernet et disposent d'une compatibilité Wi-Fi.Plusieurs éditeurs web ont soutenu cette initiative etont signé des partenariats officiels avec la marquesud-coréenne. Le site d’enchères Ebay, le géantYouTube ou le portail Yahoo offriront leurs servicesaux téléviseurs Samsung. Le spectateur pourra lirel’actualité de Yahoo news tout en regardant lejournal télévisé de CNN, Yahoo!, qui a déjà concludes accords avec Vizio, LG Electronics, Samsung et

Sony, le chinois Hisense et le californien ViewSonic,entre autres.Panasonic a signé un accord avec Eurosport pourdiffuser des événements sportifs. Sony, de son côté,a noué un partenariat avec M6 replay et lesprogrammes de la chaîne seront accessibles avecses nouveaux appareils dès mars 2010. ChezToshiba, des partenaires pour le marché américaincomme Netflix, spécialiste de la VOD, ou encoreVudu ont été mis en place pour sa Cell TV.Orange, quant à lui, a conclu un accord avec legéant sud-coréen LG. Les nouveaux téléviseurs,commercialisés en mars 2010 offriront un accèsexclusif à un portail Orange depuis les télévisionsLG connectées à Internet avec une large sélection deservices comme Orange sport info, 2424actu,Liveradio, ainsi qu'à d'autres contenus tels queles programmes TV, des vidéos, de la musique, ouencore des informations pratiques.Ainsi, les télévisions se transformeront en devéritables ordinateurs de maison. Mais cettemutation ne manquera pas de soulever des interro-gations en raison, une nouvelle fois, de l’aspect« propriétaire » ou exclusif de ces accords :comment choisir demain son téléviseur ? En fonctiondu contenu web proposé ? En outre, celasignifie-t-il que, demain, on pourrait visionner descontenus Orange liés à une offre triple play d’unautre opérateur IP ?

OD

Recherche en temps réel

Indexation instantanée des informations par lesmoteurs de recherche au moment de leur publicationsur le Web, afin de les agréger et de les intégrer entemps réel aux pages de résultats proposés.Initialement utilisée pour les sites d’actualités, larecherche en temps réel s’applique désormais auxinformations postées sur les sites des réseauxsociaux ouverts, des communautés en ligne, desblogs ou encore du microblogging Twitter. Larecherche en temps réel donne naissance au Webtemps réel, ou Web de flux, qui diffuse en continudes millions d’informations publiées quotidiennement,ainsi que leurs nombreuses mises à jour, à traversdes millions de blogs, de comptes Facebook etMySpace, de Tweets.En mars 2009, Twitter a lancé une application derecherche sur son propre service. Fin 2009,Microsoft et Google se sont lancés à leur tour dans

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la recherche en temps réel, en ajoutant à leurs pagesde résultats les informations émanant des sites desocialisation simultanément à leur mise à jour.L’instantanéité du microblogging promu par Twitter adémodé quelque peu les moteurs de rechercheclassiques en révélant leur délai d’actualisation, jugédésormais trop lent, comme l’a démontré « l’effetTwitter » lors des manifestations de juin 2009 enIran (voir le n°12 de La revue européenne desmédias, automne 2009).Partager les informations affichées sur son mur dansFacebook avec « tout le monde » prend tout sonsens, puisque cela revient désormais à lescommuniquer au monde entier. Des options serontcependant proposées afin de permettre auxFacebookers (comme sur MySpace) de déterminerles contenus qu’ils souhaitent ou non laisser à lalibre indexation des moteurs de recherche.Il est possible d’opérer un tri parmi le flux d’infor-mation par exemple en sélectionnant, les seulsarticles de presse ou les seuls messages émanantdes réseaux sociaux ou les posts sur les blogs :autant de sources d’information moins convention-nelles que celles répertoriées jusqu’ici par les grandsmoteurs de recherche et pouvant se révéler dans cer-tains cas plus instructives. Dans le courant de l’an-née 2010, les outils de recherche instantanéedevraient être utilisés pour la totalité des réseauxsociaux et disponibles en plusieurs langues.Nombreuses sont les start-up qui développentaujourd’hui ces moteurs de recherche de nouvellegénération, dont les fonctionnalités s’apparentent àcelles de la messagerie instantanée, le chat.L’application Aardvark permet à des internautesmembres de réseaux sociaux de répondre en tempsréel aux interrogations qui leur sont posées. Laversion bêta du site Almost.at, selon son slogan« Following People at Real-World Events inReal-Time », permet de suivre en continu lesinformations postées ayant trait à un sujet déterminésur Twitter, sur Flickr ou TwitPic pour les photos, surYouTube pour les vidéos et sur le Web, pour desliens hypertextes. Ces nouveaux outils de rechercheinstantanée transforment le Web en média de flux, àl’instar de la télévision ou de la radio, en permettantune actualisation en continu des informationsindexées. La start-up Kosmix, sur laquelle a notam-ment misé le groupe Time Warner, est spécialiséedans l’agrégation de contenus en provenance demilliers de sources différentes, y compris des sitesd’information en temps réel. Particulièrement efficacepour une requête sur un sujet assez large, ce moteur

de recherche affiche une somme cohérente derésultats sur une seule page, composée de vidéos,de textes, d’images, de messages de sites sociaux,d’opinions et, en complément, les résultats quiauraient été obtenus par Google uniquement.

Le Web temps réel offre également aux internautes lapossibilité d’interagir sur des documents de toutenature mis en ligne comme des textes, des photos,des cartes… En décembre 2009, Google a soumisà l’ingéniosité des développeurs sur le Web unnouvel outil de collaboration en direct baptisé Wave.Celui-ci permet aux utilisateurs préalablementinscrits d’alimenter une discussion sur un sujetdonné, une wave, en apportant en temps réel desinformations, appelées blips. Chaque participantpeut suivre en direct les contributions des uns et desautres et les corriger ou les annoter instantanément.Wave tient à la fois de la messagerie instantanée,pour la fluidité des échanges, et des forums, pour letravail évolutif et collaboratif qu’ils permettent. Ildevient possible ainsi de rédiger un compte rendude conférence ou de réunion en agrégeant tous lesmessages postés en continu par les personnes quiy assistent. Cet outil pourrait également permettrel’apprentissage à distance agrémenté des correc-tions en direct de l’enseignant. La recherche entemps réel, qui en est à ses débuts, est prometteusede nombreux nouveaux usages, dont certainsconcernent d’ores et déjà le monde de la finance, lesecteur des jeux en ligne ou le journalisme. Lequotidien américain Seattle Times a récemmentouvert une wave au public, afin d’alimenter endirect la rédaction d’un article à propos d’uneenquête policière en cours.En attendant le développement à grande échelle deces outils, à des fins professionnelles ou pédago-giques, la recherche en temps réel contribuera àalimenter la pratique déjà très répandue du buzz surInternet. Mille messages par seconde et entre5 et 10 millions de liens transiteraient chaque jourpar Twitter.

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Web invisible

Egalement Web caché ou Web profond (deep Web),le terme désigne la partie du Web regroupantl’ensemble des ressources (documents, pages, sitesWeb) non indexées ou partiellement indexées parles moteurs de recherche ou les annuaires

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40A retenir

classiques. Les résultats proposés par ces derniersporteraient seulement sur 10 % du Web. Cesdocuments ou ces sites, qui échappent au balayageopéré par les outils de recherche généralistes, nesont pas inaccessibles pour autant. Il est possible deles interroger directement, comme c’est le cas pourune base de données. De nombreux répertoires ouportails spécialisés sur Internet recensent les basesde données et les centaines d’outils de recherchespécialisés dans l’indexation des documents«cachés», permettant ainsi d’identifier desgisements d’informations spécialisées. La partieinvisible du Web serait 500 fois plus importante quela partie visible.Le Web invisible se compose des sites web tropvolumineux pour être indexés dans leur intégralité,comme des bibliothèques en ligne, des bases dedonnées ; les documents constitutifs d’une banquede données accessibles par un moteur de rechercheinterne à celle-ci ; les pages accessibles uniquementavec un identifiant et un mot de passe ; les pagesvolontairement interdites aux robots d’indexation parleur créateur ; les pages écrites dans un formatpropriétaire encore mal indexé ; les pages ditesdynamiques, c’est-à-dire générées par une requête,ainsi que les intranets et extranets.Les experts américains Chris Sherman et Gary Price,auteurs d’un ouvrage intitulé The Invisible Web,divisent le Web invisible en quatre catégories :The Opaque Web regroupant les pages nonindexées par défaillance des moteurs de rechercheclassique, The Private Web dont les pages sontprotégées volontairement, The Proprietary Web, pourlequel l’usage d’un identifiant est nécessaire et,enfin, The Truly Invisible Web, inaccessible pour desraisons d’incompatibilité technique.Une autre terminologie est proposée par la sociétéaméricaine Bright Planet, leader de la recherchedans ce domaine, adoptant le critère d’accessibilitéplutôt que celui de visibilité pour distinguer lesressources reconnues par les moteurs de rechercheclassiques, le Web de surface (surface Web), decelles exploitables uniquement par des outils d’unautre type, le Web profond (deep Web). Selon BrightPlanet qui édite un annuaire du Web invisible(http://aip.completeplanet.com), les 60 premierssites de ce Web profond sont des sites scientifiques,des bases de données, des sites universitaires, dessites de médias, de commerce en ligne et desintranets de grandes entreprises : ensemble, ilsreprésentent plus de 40 fois le volume de tous lessites du Web de surface.

Un répertoire des outils de recherche pour explorer leWeb invisible est réalisé et mis à jour par la Biblio-thèque nationale de France (http://signets.bnf.fr).

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Le marché européen des chaînes d’infor-mation s’étoffe, mais est-il rentable ?,Observatoire européen de l’audiovisuel(OEA), Strasbourg, octobre 2009.

Présentée en octobre 2009 à l’occasion du Mipcom,cette analyse du développement des chaînesd’information, réalisée à partir de la base dedonnées européenne, Mavise, montre à la fois ledynamisme et la fragilité de ce secteur particulier.La multiplication des réseaux de distribution (câble,satellite, réseaux ADSL et mobiles) a contribué audoublement du nombre de chaînes d’information enEurope entre 2005 et 2009. Sur la centaine dechaînes européennes accessibles, moins d’unetrentaine diffuse depuis plus de dix ans ; cinqseulement, parmi elles, ont été lancées avant 1990.

En septembre 2009, 162 chaînes d’information,nationales ou internationales sont accessibles enEurope (Union européenne, Croatie et Turquie) :32 chaînes à vocation internationale reçues dansplus d’une vingtaine de pays (Al Jazeera, BBCWorld News, CCTV-9, CNN International, DeutscheWelle, Euronews, France 24, Russia Today,Sky News International, etc), 87 chaînes à vocationnationale dont certaines couvrent plus d’une dizainede pays (Canal 24 Horas, n-tv, N24, ZDFinfokanal,Rainews24, etc.) et 43 chaînes éditées hors desfrontières européennes (y compris la Croatie et laTurquie) reçues dans au moins un pays européen

dont près de 40 % diffusent des programmes enarabe. Selon l’étude de l’OEA, il convient d’ajouterau panorama des chaînes d’information en Europe2 800 chaînes d’information locales et régionalesayant une programmation essentiellement consa-crée à l’information. Fin 2009, la base de donnéesMavise recensait plus de 7 200 chaînes établies enEurope, tous types de programmation confondus, àl’exclusion des programmes extra-européens.

Sur les 119 chaînes d’information européennes, untiers sont publiques, ce qui montre que les Etats sonttrès engagés dans le domaine de l’information,puisque le secteur public de radiodiffusion nereprésente que 5 % de l’ensemble des chaînes detélévision européennes tous genres de programmationconfondus. Au sein du paysage audiovisueleuropéen, les informations sont majoritairementdiffusées en anglais. Sur un total de 26 languespratiquées par l’ensemble des 119 chaînes,16 diffusent en anglais, 11 en arabe, en italien ouen turc, 10 en allemand et 9 en français. Grâce auxplates-formes multichaînes, les téléspectateurseuropéens reçoivent en moyenne 21 chaînesd’information. Les Français disposent de l’offre laplus abondante avec 51 chaînes d’information,comparée aux Allemands qui en reçoivent 33, auxBritanniques 31, ainsi qu’aux Italiens, Néerlandaiset Flamands qui en captent 30.L’étude souligne également le développement dechaînes d’information sur les réseaux mobiles, les

Vient deparaître��

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42Vient de paraître

chaînes accessibles sur un téléphone portablecomme celles lancées pour la télévision mobilepersonnelle (TMP) : 8 chaînes privées d’informationont été créées spécialement pour être reçues sur untéléphone portable et la plupart des grandes chaînesont lancé une application sur iPhone.En l’absence de comptes individuels pour leschaînes d’information diffusées par les grandsgroupes publics ou privés, l’étude de l’OEA a pris enconsidération les seuls comptes accessibles, ceuxd’une quinzaine d’entreprises éditrices uniquementde chaînes d’information, pour démontrer lafragilité économique de ce secteur. Ainsi, la moitiédes entreprises étudiées étaient déficitaires en2007 ou en 2008. Le montant total des recettes deschaînes d’information se situe entre 1 et 1,5 milliardd’euros, tandis que les diffuseurs européens dansleur ensemble réalisent 80 milliards de revenus. Parailleurs, comme l’ensemble du secteur de latélévision, les chaînes d’information ont subi leseffets de la crise économique sur le marché de lapublicité. En 2008, la chaîne française LCI enregis-trait déjà une diminution de ses recettes d’environ14 % et CNN International, de près de 3 %. L’étudede l’OEA permet notamment de constater le grandécart, en termes économiques, entre les différenteschaînes. La chaîne allemande Deutsche Welleréalise un produit d’exploitation de l’ordre de300 millions d’euros, CNN International de plus de200 millions, Euronews et Spiegel TV de l’ordre de40 millions ; la chaîne italienne Red TV, quant à elle,dépasse à peine les 5 millions tandis que l’espa-gnole Libertad digital atteint à peine 2 millions.La concurrence est donc de plus en plus vive sur lemarché audiovisuel de l’information. Si la pérennitéde certaines grandes chaînes d’information, tantpubliques que privées, peut sembler assurée par lavolonté des dirigeants, il n’en sera peut-être pas demême pour les plus petites d’entre elles. L’informa-tion est un bien qui coûte cher, et l’audience de ceschaînes reste relativement confidentielle.

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Les circuits itinérants. Etat des lieux,Centre national de la cinématographie,décembre 2009, 36 p.

Le Centre national de la cinématographie (CNC) amené une étude sur les circuits itinérants en France,un genre peu connu de l’exploitation cinématogra-phique et dont les caractéristiques sont particulières.En l’absence de définition juridique ou de texte

spécifique fixant le nombre de points de projectionnécessaire à sa qualification, le circuit itinérant estassimilé à un établissement cinématographique,donc identifié par un numéro d’autorisation attribuépar le CNC en fonction de la localité « principale »choisie par l’exploitant itinérant parmi les lieuxfaisant partie du circuit, là où seront enregistrés lesrésultats d’exploitation.Appelé également « tournée », ce mode d’exploita-tion des films regroupe des lieux de projection dansun périmètre géographique déterminé, généralementen zone rurale. Le « tourneur » se déplace le plussouvent avec son matériel de projection, selon unepériodicité de deux séances par mois, dans deslieux aussi divers que les salles des fêtes, les foyersruraux, les écoles, les maisons d’arrêt ou leshôpitaux.Représentant 6,3 % du parc d’établissementscinématographiques, 131 circuits itinérants sontactifs en France en 2008 contre 134 en 1999. Ilsdesservent 2 351 lieux de projection, dont plus desdeux tiers sont des salles des fêtes. Les plus grandscircuits itinérants se déplacent dans 80 lieux deprojection, alors que les plus petits n’en desserventqu’un seul. Plus de 20 % des circuits itinérants nese rendent que dans 5 lieux différents. Plus de 95 %des points de projection se situent dans descommunes de moins de 10 000 habitants. En2008, le cinéma itinérant touche à peine plus de10 % de la population française, près de 6 % descommunes. Si toutes les régions de France consti-tuent des lieux de passage du cinéma itinérant, larégion Rhône-Alpes regroupe le plus grand nombrede points de projection (330) et la Corse n’encompte aucun.Quant à la programmation, elle est de plus en plusvariée puisque le nombre de films projetés par lescircuits itinérants a augmenté de près de 60 % endix ans. En 2008, 949 films ont été programmés,soit près de 20 % du nombre de films exploités enFrance cette année-là, dont 47 % de films français,25 % américains, 18 % européens non français etenviron 10 % d’autres nationalités. Plus de 35 %sont des films sortis dans l’année. Si plus d’unquart des salles françaises ont réalisé moins de10 000 entrées en 2008, 43 % des établissementsà mono-écran demeurent aussi sous ce seuil, maisce sont 58 % des circuits itinérants qui ne dépas-sent pas ce niveau de fréquentation. Sur le plannational, la recette moyenne par entrée s’établit à6 euros, alors, que pour la moitié des circuitsitinérants, celle-ci est inférieure à 4 euros, comme

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pour environ 20 % des salles en France. A l’heuredes multiplexes et de la 3D, le cinéma itinérant estune illustration d’une autre fracture, analogiquecelle-ci.

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Willingness to pay for news online, Keyfindings from an international survey, Bos-ton Consulting Group, Technology, Media& Telecommunications, november 2009,24 p., bcg.com

Willingness to pay for news online, TheFrance survey findings, Boston ConsultingGroup, Technology, Media & Telecommuni-cations, november 2009, 11 p., bcg.com

Etude du Boston Consulting Group (BCG), réaliséeen octobre 2009, par Internet, auprès d’environ5 000 personnes résidants dans neuf pays,Etats-Unis, Allemagne, Australie, France, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Norvège et Finlande.L’enquête américaine BCG révèle notamment que lesinternautes allemands et français seraient disposésà dépenser en moyenne 5 dollars par mois, etun montant maximum de 13 dollars, soit un peuplus que les Norvégiens, les Finlandais et lesBritanniques (4 dollars en moyenne et un montantmaximum respectivement de 11, 10 et 9 dollars)et moins que les Italiens et les Espagnols (respec-tivement 7 et 6 dollars et un montant maximum de16 et 14 dollars). De plus, les internautes interrogésse déclarent majoritairement prêts à payer pourconsulter de l’information locale (54 % desinternautes tous pays confondus et 58 % desFrançais). Autre élément important : 89 % desinternautes souhaiteraient recevoir ces informationsen ligne sur un ordinateur (95 % des Français),49 % sur un écran de télévision (66 %), 36 % surune version personnalisée imprimée du journal(44 %), 32 % sur un smartphone (53 %) et 14 %sur une liseuse (20 %).

Et aussi...

Livre blanc 2010. Le métier de journalisteet l’information économique à l’heure de larévolution numérique, Association desjournalistes économiques et financiers(AJEF), novembre 2009, 87 p., ajef.net

L’AJEF, la plus ancienne des associations françaisesde journalistes, créée en 1956, propose avec cetroisième livre blanc (le premier est paru en 1970 etle deuxième en 1980) une analyse des mutationsen cours dans le domaine de l’information.Rappelant la fragilité structurelle du secteur de lapresse, l’AJEF s’interroge sur les conséquences, lesopportunités comme les dangers, du passage aunumérique pour le journalisme et pour l’information.Cinq dirigeants d’entreprises de presse, EricFottorino (Le Monde), Francis Morel (Le Figaro),Nicolas Beytout (Les Echos), Alain Weill (La Tri-bune) et Pascal Riché (Rue 89) témoignent de ladifficulté à trouver un équilibre financier durable entrele papier et le multimédia. Pour Nicolas Beytout, ilfaut transformer les rédactions afin que les journa-listes travaillent sur tous les médias (papier, Web,téléphone, vidéo, télévision, etc.) tandis qu’AlainWeill ne croit pas « au mythe du journalistemultimédia contraint de cumuler quotidiennementdes intervenions sur tous les supports ». Enfin, etsurtout, ce livre blanc énonce les principes debase du métier de journaliste, « qu’aucune nouvelletechnologie ne saurait remettre en cause »,l’indépendance et le professionnalisme, rappelant« qu’avec la crise mondiale, rarement le besoin etl’appétit d’informations économiques et financières,de plus en plus complexes, n’ont été aussi vifs ».

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44Articles & chroniques

réalisée auprès de professionnels de l’édition, réunisà Francfort en octobre 2009, à l’occasion de la Foiredu livre. La moitié des 840 éditeurs interrogésconsidéraient que le marché du livre numériqueaurait dépassé, dès 2018, celui du livre imprimé.Pour 38 %, parmi eux, le numérique allaitreprésenter le quart de leurs recettes en 2011. Et60 % des éditeurs interrogés estimaient que lesrevenus provenant de la vente de contenus numé-riques, encore inférieurs à 10 % de leur chiffred’affaires, allaient augmenter considérablementdans les deux années à venir. Pour les trois quartsen provenance d’éditeurs venus d’Europe continen-tale, ces résultats tranchent singulièrement avec lespropos tenus dans les allées du Salon du livre, àParis, en mars de la même année. Quelques moisplus tôt, les éditeurs tentaient encore de se rassureren soulignant le caractère irremplaçable du livreimprimé : seule l’édition scientifique, à leurs yeux,était concernée par l’avènement du numérique.

Le second événement fait figure de rappel à l’ordre :c’est le jugement, rendu le 18 décembre 2009 parle tribunal de grande instance de Paris, qui interditau moteur de recherche Google de numériser lesouvrages sans l’autorisation de leurs éditeurs. Aprèstrois ans et demi de procédures, Hervé de laMartinière, président du groupe du même nom,bientôt rejoint par le Syndicat national de l’édition etla Société des gens de lettres, soulignaient justementle caractère inaliénable des droits d’auteur, parlantd’une double victoire, « à la fois patrimoniale etmorale ». Dans le même esprit, les principales

Le livre sur le WebLe monde des livres àl'épreuve du numé-riqueLe livre imprimé est-il sur le point de disparaître auprofit du livre numérisé ? Les éditeurs de livres,comme les éditeurs de revues ou de journaux vont-ils vivre dans les mois et les années qui viennent lemême cauchemar que connaissent aujourd’hui lesmajors du disque, confrontés à l’essor spectaculairedes services en ligne, accessibles depuis n’importequel terminal, fixe ou portable ? Enfin, le livre, telque nous le connaissons depuis son invention, dèsles premiers siècles de notre ère, fondement primor-dial et premier symbole de notre culture, voire denotre civilisation, n’est-il pas condamné à s’effacer,et même à disparaître, au profit d’un vaste marchéd’informations, accessibles par mots-clés, celui-làmême que défrichent depuis les dernières annéesdu siècle passé les moteurs de recherche, soucieuxde nous donner les réponses les plus pertinentes ànos diverses questions, de nous faire accéder aussivite que possible aux documents qui peuvent nousêtre les plus utiles ?

Deux événements récents donnent à ces questions,différentes par leur portée et leur signification, uneacuité et une actualité singulières. Le premier n’estautre que la publication des résultats d’une enquête

Articles&chroniques��

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maisons d’édition françaises et le Syndicat nationalde l’édition (SNE) déposaient un recours, le27 janvier 2010, devant un tribunal fédéral deNew York pour contester le projet d’accord concluentre Google et des associations représentant lesauteurs et les éditeurs américains, jugeant cedernier, s’il devait s’appliquer aux ouvragesnon-américains, « illogique, injuste et discrimina-toire ». Estimant de son côté que ce jugementconstituait « deux pas en arrière pour les droitsd’accès des internautes au patrimoine littérairefrançais et mondial », plaçant ainsi la France « enqueue de peloton de l’Internet », le moteur derecherche annonça d’emblée son intention de faireappel du jugement. Selon Maître Alexandra Neri,l’avocate de Google, le juge français ne saurait sesubstituer au juge américain pour la numérisationdes livres provenant des bibliothèques nord-américaines, quels qu’ils soient. Il convient ensuitede ne pas confondre la numérisation d’un ouvrageavec sa reproduction, entendue comme un « actede contrefaçon ». Enfin, la mise à dispositiongratuite, en ligne, d’extraits, relève toujours selonl’avocate, de l’ « exception de courte citation », quiexiste en droit français, à condition, comme letribunal de grande instance l’a du reste souligné,que ce droit de citation se borne à appuyer ou àillustrer des propos ou une analyse, ce qui n’est pastoujours le cas.Il est vrai que l’adaptation des droits d’auteur aumonde numérique est désormais requise, nonseulement à l’échelle nationale, mais également etplus sûrement à l’échelle européenne. Et les concep-tions du droit de citation ne sont pas les mêmes, enFrance et aux Etats-Unis. L’ « exception de courtecitation », en droit français, permet, sans autorisa-tion préalable, la mise à disposition, gratuitement,en ligne ou en version imprimée, de courts extraits.Le fair use américain, quant à lui, permet desextraits d’une toute autre portée, en vertu d’uneinterprétation plus large de cet usage, dansl’intérêt compris autrement, des auteurs et surtoutdes lecteurs. Jusqu’où les éditeurs européens, etBruxelles seraient-ils prêts à s’engager dans cettevoie ?

Depuis cette date, après ce que l’on serait tentéd’appeler une « montée aux extrêmes », les éditeurs,rassérénés par le rappel à l’ordre du 18 décembre,condamnant à bon droit ce qui s’apparente à un faitaccompli, s’emploient à renouer les fils du dialogueavec Google, depuis cette « main tendue », au

lendemain du verdict, par Serge Eyrolles, présidentdu SNE et des éditions du même nom, jusqu’àl’invitation qui leur est faite par Marc Tessier, dansson rapport remis au ministre de la culture, le12 janvier 2010, de négocier « d’égal à égal » avecle moteur de recherche, en passant par la présenta-tion, par Hervé de la Martinière, fin décembre 2009,des différentes « pistes » pour numériser sesouvrages avec Google, dans les meilleuresconditions possibles.

Rendons d’abord ce légitime hommage à Google,puisque certains s’obstinent encore à faire de cetteentreprise un bouc émissaire, seul moyen pour euxde masquer leurs conservatismes ou de défendreleurs rentes de situation. Le constat, en effet,s’impose : c’est elle qui donna le coup d’envoi de lanumérisation les livres, le 14 décembre 2004.A peine six ans après son lancement, en 1998, lemoteur de recherche était déjà le premier sur lemarché de la recherche d’informations sur la Toile.L’ambition de Google Books, sur cette lancée,semblait irréaliste, assurément utopique : devenir laplus grande bibliothèque du monde, grâce à lanumérisation en six ans de quinze millionsd’ouvrages, rendant ainsi près de cinq milliards depages accessibles depuis n’importe quel terminalconnecté à Internet. Devant cette perspective, on serappelle l’émotion de Jorge Luis Borges évoquant labibliothèque d’Alexandrie : « Quand on proclamaque la bibliothèque comprenait tous les livres, lapremière réaction fut un bonheur extravagant ». Lerêve n’allait-il pas devenir réalité, grâce auxpromesses de la numérisation ?En ce début 2010, Google Books a numériséenviron dix millions de livres en mode « texte », paropposition au mode « image », simple photographiede la page concernée. Un million et demi delivres tombés dans le domaine public ; près desept millions de livres épuisés, non réédités, maisencore protégés par le droit d’auteur : 1,8 million delivres autorisés par les éditeurs. Plus de 30 000éditeurs venus du monde entier ont conclu unaccord avec l’entreprise californienne. Beaucoup,parmi eux, sont de petits éditeurs indépendants : ilss’accorderaient sans doute avec Michel Valenti,fondateur des Editions de l’Eclat, le premier éditeurfrançais ayant conclu un accord avec Google Livresen 2005, pour estimer que « la version gratuite n’estpas nuisible [et] encourage au contraire lesventes ». Et d’ajouter, comme lui : « Mes meilleuresventes ont toujours une version gratuite ». Plus de

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trente bibliothèques ont conclu un accord avecGoogle (voir le n°2-3 de La revue européenne desmédias, printemps-été 2007). Parmi elles, sept sonteuropéennes, dont trois appartiennent à l’espacefrancophone, la plus grande en Belgique, une autreétablie à Lausanne, et la bibliothèque municipale deLyon, la seule française. Par son accord signé enjuillet 2008, la ville de Lyon a négocié la numérisa-tion par Google de 1,35 million de livres, ce qui enfait le deuxième fonds français, consultables ettéléchargeables gratuitement depuis Google Livres,ou à partir d’un site dédié de la BmL, en contrepartiede l’exploitation commerciale des fichiers pour unepériode de vingt-cinq ans. Georges Kepenekian,adjoint à la culture de la mairie de Lyon, plaidaitalors : « Un partenariat public-privé est la seulesolution pour répondre à notre mission première, lamise à disposition au plus grand nombre de noscollections ». Estimé à plus de 50 millions d’euros,le coût de cette numérisation, qui débuta avant lafin 2009, est presque mille fois supérieur au budgetannuel dont la bibliothèque lyonnaise dispose pourla numérisation de ses ouvrages.

Google concentre assurément tous les regards.L’entreprise n’est pourtant pas la seule à s’engagerdans l’aventure de la numérisation : elle a mêmesuscité de nombreuses vocations et accéléréimmanquablement la réalisation de certains projets.Conclue au départ pour contrer Google, l’Open BookAlliance, due à l’initiative d’une ONG, l’InternetArchive, a été rejointe, en août 2009, par Microsoft,Yahoo ! et Amazon. De même Gallica, le siteInternet ouvert par la Bibliothèque nationalede France, a déjà numérisé, à ce jour, 145 000ouvrages francophones. Quant à Europeana,véritable musée virtuel européen (voir le n°9 de Larevue européenne des médias, hiver 2008-2009),avec ses tableaux, ses films et ses œuvres musi-cales, après avoir numérisé des ouvrages libres dedroits, tombés dans le domaine public, elleenvisage de s’étendre en direction d’œuvres encoresoumises au droit d’auteur provenant de différentspays de l’Union européenne. Aucune de cesentreprises, non plus que le site allemand Libreka,ouvert à l’initiative des éditeurs et des libraires,n’aurait connu pareil essor sans l’effet d’émulationproduit par le pionnier californien. Force est pareil-lement de constater que seules rencontreront lesuccès celles qui, refusant d’être des offres« fermées », ne s’excluront pas d’elles-mêmes desplus grands portails ou moteurs de recherche de la

Toile et de leurs multiples bretelles d’accès. Forceenfin est de reconnaître que plus que d’autres pays,comme les Etats-Unis bien sûr, mais aussi leRoyaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse oula Belgique, la France fut longtemps réfractaire àl’idée de nouer des partenariats avec les plus grandsacteurs du Web.

Au demeurant, une entreprise comme Google n’estpas désintéressée : elle vend aux annonceurs desespaces publicitaires – des bannières et, plusencore, des liens sponsorisés – ce qui permet aumoteur de recherche de répondre gratuitement à nosquestions, à nos « requêtes ». Ces liens publicitairesont rapporté plus de 20 milliards de dollars àl’entreprise en 2008, soit la moitié de la publicitéinvestie chaque année sur Internet. C’est le mêmemodèle économique qui s’applique aux livres : deleur numérisation, offerte gratuitement, aujourd’huiaux grandes bibliothèques comme celle de Lyon,demain aux éditeurs ou à leurs auteurs, le moteur derecherche attend la manne publicitaire des annon-ceurs. Son intérêt, du reste, est d’autant plus grandde négocier avec les bibliothèques ou les éditeursde notre pays que le français est au 5e rang, parmiles 40 langues utilisées par Google Livres. Ce n’estdonc pas par hasard si l’entreprise californienne aprofité de la Foire du livre de Francfort, enoctobre 2009, pour annoncer le lancement prochainde Google Editions, une plate-forme d’accès payanten ligne de 2 millions de titres numérisés, accessi-bles depuis n’importe quel terminal connecté àInternet.Deux événements coïncident avec l’annonce deFrancfort. Le premier est la révision, le 9 novembre2009, de l’accord conclu le 28 octobre 2008 entreGoogle d’un côté, les éditeurs et les auteurs delivres de l’autre. Après avoir subi d’importantesmodifications, le texte ne concerne plus, désormais,que les œuvres inscrites au registre américain desdroits d’auteur, en provenance seulement donc duRoyaume-Uni, du Canada et de l’Australie. Cetaccord signe l’arrêt des poursuites judicairesengagées pour contrefaçon contre Google en 2005 :l’entreprise avait numérisé des ouvrages épuisés,sans l’autorisation des ayants droit alors qu’ilsn’étaient pas encore tombés dans le domainepublic. Selon l’accord signé par l’Association ofAmerican Publishers et l’Authors Guild, deux orga-nisations représentant les ayants droit américains,Google s’engage à reverser aux éditeurs et auxauteurs 63 % des bénéfices en provenance de la

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dans l’ensemble des livres numérisés - 12 millionsde livres pour le seul Google Livres accessibles dans124 pays et dans 42 langues, pour répondre à nosquestions avec une pertinence toujours accrue.Enfin, l’internaute pourra, en ouvrant certainsportails du Web, consulter des extraits d’ouvragesrécents ou bien, s’il s’agit de livres tombés dans ledomaine public, les lire ou les imprimer dans leurintégralité. Pour les livres soumis aux droitsd’auteur, les plus récemment publiés parconséquent, l’internaute pourra payer pour avoir ledroit de les télécharger sur sa « liseuse », ou bien encommander sur Internet la version imprimée.

Ce qui change de fond en comble le monde danslequel les livres ont vécu depuis cinq siècles, ce quiplace l’édition dans un écosystème nouveau, c’est lasingularité de plusieurs ruptures technologiques :d’abord, la généralisation de la numérisation destextes ; ensuite, l’essor des réseaux à haut débit ; lamultiplication enfin des terminaux, fixes ou porta-bles. Rien n’arrêtera plus la progression de cestechnologies. Et l’innovation, en l’occurrence,résultera de l’expérimentation des nouveauxmodèles économiques, au confluent de ces troisruptures.Après plusieurs avertissements, après que des voixse sont élevées, à la Bibliothèque nationale deFrance, à l’Institut national de l’audiovisuel et ausein de l’université, pour dénoncer la mécanique dubouc émissaire, en dépit des appels lancés enfaveur d’une taxation de ses revenus publicitaires,taxation probablement techniquement et juridique-ment impossible ou contre-productive, le rapport sur« la numérisation du patrimoine écrit », remis le12 janvier 2010 au ministère de la culture et de lacommunication, est venu éteindre, sinon apaiser, lapolémique anti-Google. A tout le moins, il a détournél’attention d’une concentration stérile sur le moteurde recherche. A cette fin, il a désigné l’enjeu pour lemonde de l’édition des livres : lui épargner, même siles mots du rapport ne sont pas ceux-là, lacatastrophe vécue par les majors du disque depuisla naissance des premiers sites d’échange demusique.Dans cette perspective, deux préconisationsretiennent l’attention, parce qu’elles sont les deuxconditions qui rendent possible l’adaptation aunumérique du monde de l’édition, parce qu’elles luipermettent de relever, pour le « patrimoine del’écrit », les défis du numérique, et d’en tirer lemeilleur parti possible. La première de ces

bibliothèque numérique. L’entreprise s’engage parailleurs à créer un fonds de 125 millions de dollarsdestiné à rémunérer les œuvres dites « orphelines »,toujours soumises aux droits d’auteur, mais dontles ayants droit sont inconnus ou introuvables.Baptisé Registre des droits du livre, ce fonds seraplacé sous le contrôle d’un tiers indépendant.

L’autre événement réside dans ces premièresbatailles auxquelles se livrent, pour la première foisà grande échelle, à la veille des fêtes de la find’année 2009, les constructeurs des lecteurs delivres numérisés ou ceux qui les commercialisent.Tandis qu’Apple annonce le lancement, peu après larencontre des professionnels de l’électronique àLas Vegas, en janvier 2010, d’une tablette Internet,l’iSlate, dotée d’un écran tactile multipoint de25 à 28 cm de diagonale, les entreprises ayantcommercialisé les premières « liseuses » s’inquiè-tent : Sony avec son eReader, Amazon et sonKindle, Samsung avec le eInk, et même le lecteurNook lancé par Barner and Nobles, ou encore leVooks - contraction de vidéo et de books, quimélange les textes et les images vidéo - conçu parl’éditeur américain Simon and Shuster… L’iSlate nesera-t-il pas très prochainement pour le livrenumérique ce que représente l’iPod, depuis 2005,pour la musique ?Les accords avec l’incontournable Google, laprogression accrue de la numérisation des livres,l’arrivée programmée des lecteurs des livres numé-risés : le concours de circonstances désigne, en cedébut 2010, les enjeux de la numérisation deslivres. Pour le livre, la révolution numérique n’en estdéjà plus à ses balbutiements. Après la musique etle cinéma, c’est au tour des médias imprimés : lelivre, le journal, la revue. La numérisation facilitegrandement la conservation en même tempsqu’elle permet la manipulation d’ouvrages jusque-là trop fragiles pour être mis à la disposition dupublic. Elle permet l’autoédition, la mise en ligne deleurs ouvrages par des auteurs n’ayant pas accèsaux maisons d’édition. La numérisation assure auxlivres une visibilité et une accessibilité sans aucunecommune mesure avec celles que le mondeimprimé permet, ce qui est d’autant plus importantque plus d’un Français sur deux déclare ne pasavoir lu de livre au cours des douze derniers mois(53 % selon l’enquête 1997-2008 du ministère dela culture sur les pratiques culturelles). Elle ouvre lemarché de la recherche d’informations, face auxprouesses des robots qui furètent inlassablement

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- « La guerre du numérique aura bien lieu », dossier, Courrier interna-tional, n° 994, du 19 au 25 novembre 2009.

- « Google, l’histoire te regarde ! », Lucien X. Polastron, Le Monde,20-21 décembre 2009

- « Numérisation des livres : les préconisations du rapport Tessier»,

Alain Beuve-Méry, Le Monde, 12 janvier 2010.

- « Le prix unique du livre numérique peut attendre », Frédérique Roussel,

Libération, 12 janvier 2010

- « Google, un ami qui vous veut du bien ? », Loraine Donnedieu de

Vabres-Tranié et Théo Hoffenberg, Le Figaro, 3 février 2010.

La presse sur le WebLes éditeurs de presseentendent changer ladonne de l’informationsur Internet

A l’occasion de son congrès annuel, tenu àHyderabad en décembre 2009, la World Associationof Newspapers a reconnu, par la voix de sonprésident, que la presse avait échoué, collective-ment, à faire valoir son « copyright » sur Internet,tant du point de vue de la valorisation économiqueque du point de vue, plus problématique, de lacirculation en ligne des articles, repris par lesagrégateurs d’information comme Google News.Google a d’ailleurs été critiqué à cette occasionparce qu’il parvient sur Internet à capter une grandepart des ressources publicitaires en « organisantl’information », sans la produire. A tel point que lapresse, au-delà de la nécessaire remise en questionde ses stratégies en ligne et hors-ligne, reproche àGoogle d’être en partie la cause de ses malheurs.

Du mirage Internet aux désillusions :dix ans de presse offerte sur le Web !

L’année 2009 aura été décisive pour la presse dansla mesure où elle a mis fin à l’enthousiasme destitres face aux (fausses) promesses de l’Internet. Cesdernières ont prospéré tout au long des années2000 dans la mesure où Internet, bénéficiant d’unecroissance publicitaire exceptionnelle, a été présentécomme le nouveau relais de croissance pour lestitres de presse. En effet, pénalisée par des coûts deproduction et de distribution importants, la presse

préconisations, à l’adresse des éditeurs et desbibliothèques publiques patrimoniales, est lacréation d’une plate-forme unique de consultationoù les internautes pourraient avoir accès àl’ensemble des livres francophones numérisés, pourles feuilleter, les lire en partie ou en totalité, ou lesimprimer, voire les télécharger ou les acheter à lafaveur de renvois sur le site d’un éditeur pour lesouvrages encore protégés par les droits d’auteur.

Le rapport milite en second lieu pour d’autres formesde partenariat public-privé, proposant notammentd’ouvrir des négociations avec Google, en vue d’un« échange équilibré de fichiers numérisés […] dequalité équivalente et de formats compatibles ».Pareil accord, selon Marc Tessier, « pourrait viser,non pas à faire prendre en charge l’effort de numé-risation mais à le partager », allant jusqu’au« partage des recettes liées à la vente croisée de cesfichiers ». Ainsi, en effet, les livres francophonesseraient présents dans la vitrine de Google Books,et la plate-forme nationale profiterait des ouvragesnumérisés pour le moteur de recherche américain.En recevant ce rapport, Frédéric Mitterrand considé-rait que les 750 millions réservés à la numérisationpar le Grand emprunt constituaient, en l’occurrence,un « formidable levier » permettant à la France derattraper le temps perdu : « Le temps du retard estfini […], la France prend de l’avance en Europe surla numérisation ». Encore fallait-il, comme il lesouligna, que « les passions laissent la place à laréflexion ». A chacun, désormais, de trouver sesmarques. L’urgence demeure de réunir lesconditions d’une paix juste et durable, profitable àtous, entre les acteurs de la Toile d’un côté, et lesreprésentants du monde du livre de l’autre, lesbibliothèques, les libraires et les éditeurs.

Francis BalleSources :-« Edition : faut-il avoir peur du numérique ? », Nathalie Silbert,

Les Echos, 14 octobre 2009.

- « Avec Kindle, le livre doit relever le défi du numérique », Alain Beuve-

Méry et Cécile Ducourtieux, Le Monde, 19 octobre 2009.

- « Les éditeurs français réclament l’extension du prix unique à

l’e-book », Nathalie Silbert, Les Echos, 19 octobre 2009.

- « L’avenir numérique du livre », Roger Chartier, Le Monde,27 octobre 2009.

- « Edition : la commission Tessier passe au crible la stratégie de

Google », Delphine Denuit, Le Figaro, 27 octobre 2009.

- « Pour un modèle économique durable », Arnaud Nourry, Le Monde,31 octobre 2009.

- « Le livre survivra-t-il à Internet », Antoine Gallimard, Le Monde,31 octobre 2009.

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rédaction à 20 journalistes, contre 150 pour laversion papier, alors que le Christian Science Monitora supprimé 17 postes sur 97. Pour ces deuxjournaux en ligne, la migration vers Internet s’esttraduite par une perte de visiteurs uniques sur leursite dans les six mois qui ont suivi la disparition dupapier, de 31 % pour le Christian Science Monitor etde 12 % pour le Seattle Post Intelligencer. Contretoute attente, un mois après la fermeture de l’éditionpapier du Seattle Post Intelligencer, son ancienconcurrent sur le papier, le Seattle Times, voyait lafréquentation de son site augmenter de 70 %.Faut-il alors établir une corrélation entre la force dela marque papier et son attrait en ligne ? Reste entout cas que la suppression de l’édition papier, enréduisant les coûts et la taille des rédactions, n’estpas nécessairement une solution. Une étude(1)

récente de deux chercheurs de la Graduate School ofJournalism City University, à Londres, analyse le casdu journal finlandais Taloussanomat qui est diffuséexclusivement sur Internet depuis 2007, dix ansaprès sa création. Ce choix a permis au quotidien deréduire ses coûts de 52 %. Mais en même temps,en perdant la publicité sur le papier et les recettesdes abonnements et des ventes au numéro, lesrevenus du titre ont chuté de 75 %. Et la situationrisque de ne pas s’inverser : la publicité en ligne,notamment sur le marché des bannières, sembledésormais avoir atteint un palier.

L’arrivée à maturité du marché de la publicité surInternet change les perspectives pour la presse enligne. Sur le marché français, avec une croissancede 31,5 % en brut des investissements publicitairesdans la presse en ligne en 2008, les bannièressemblaient encore pouvoir presque tout financer àterme. Avec un marché des bannières en recul de6 % en 2009, selon les premiers chiffres commu-niqués par le Syndicat des régies Internet, le verdictest moins sûr : la fin d’une croissance à deuxchiffres pour les bannières affichées sur les sites depresse annonce en même temps la fin du toutgratuit. Sans surprise, le retour du paiement surInternet est envisagé. S’agit-il pour autant d’uneremise en question du tout gratuit ? A ce jour, unesolution mixte l’emporte, qualifiée de freemium parChris Anderson(2), mélange d’informations en accèslibre financées par la publicité, à côté de zonespayantes avec des contenus désormais exclusifs.

peine à être rentable dans l’univers papier où lesventes reculent d’année en année. En équilibrant sesrecettes et ses dépenses sur le papier, la presse aespéré utiliser Internet et ses ressources publicitairescomme un moyen facile de générer des bénéfices :présenté initialement comme un revenu decomplément par rapport au papier, le site Internetdes quotidiens a été « offert », il a mis en lignegratuitement ce qui restait payant dans la rue, lapublicité finançant cette mise à disposition. Ceparadoxe n’a pas échappé aux lecteurs qui refusentde plus en plus de payer pour l’information, en ligneet hors ligne. Ainsi, le site du New York Times, qui aété payant entre 2005 et 2007, a préféré revenir autout gratuit à défaut d’abonnés en nombre suffisant(230 000 après deux ans d’expérience). Il cumuleactuellement près de 20 millions de visiteursuniques par mois, ce qui en fait le site de presse leplus visité aux Etats-Unis. Parallèlement, en vingtans, la diffusion des journaux aux Etats-Unis a chutéde 20 % pour atteindre désormais moins de50 millions d’exemplaires par jour.Partant du constat que l’information devient« gratuite » et que peu nombreux sont ceux prêts àla payer, un nouveau modèle économique pour lapresse a été testé, celui de la production et distribu-tion à bas coûts. Avec la crise économique etfinancière mondiale depuis l’automne 2008, cettelogique de réduction des coûts sur les postes dedépense les plus importants a même conduitcertains titres à abandonner tout simplement laversion papier du quotidien pour basculer dans ununivers tout en ligne. De revenus de complément, lapublicité sur Internet est devenue principale sourcede financement de l’information, dont le mode deproduction a, du même coup, été profondémentmodifié. En effet, les recettes de la presse en lignesont sans commune mesure avec celles de lapresse papier et obligent les journaux uniquementen ligne à produire une information à bas coût : auxEtats-Unis, premier marché publicitaire au monde, lapublicité en ligne ne représente que 10 % du chiffred’affaires des groupes de presse.

Tous les titres ayant décidé d’abandonner leurédition papier ont réduit leurs effectifs, à l’instar duSeattle Post Intelligencer et du Christian ScienceMonitor, qui ont respectivement migré en ligne le17 et le 27 mars 2009. Le Seattle Post Intelligencera supprimé au total 145 postes et ramené sa

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Le financement publicitaire en ligne ne conduit-il pasà une dévalorisation d’ensemble du produit presse ?Il suffit de regarder les chiffres communiqués par ungrand groupe de presse britannique commeAssociated Newspapers, qui publie notamment leDaily Mail : le chiffre d’affaires publicitaire du groupeen 2008 est de 449 millions de livres, dont9 millions pour la publicité sur Internet, une sommemodique pour laquelle finalement la quasi-totalitéde l’information produite par le groupe est mise à ladisposition des internautes.

Face à ce qui apparaît pour certains comme uneimpasse économique, Rupert Murdoch, patron deNews Corp. et éditeur entre autres du Wall StreetJournal, l’un des rares quotidiens payants en ligneau monde grâce à la valeur ajoutée de ses contenuspour les décideurs et les financiers, a décidé dechanger le Web pour sauver la presse : enmai 2009, Murdoch annonçait que « les joursactuels d’Internet seront bientôt finis ». S’opposant àla gratuité d’accès pour les articles en ligne, quiconduit les agrégateurs d’information commeGoogle News à les exploiter alors qu’ils ne produi-sent eux-mêmes aucun contenu, l’éditeur du WSJa, lors de la présentation des résultats de songroupe le 7 août 2009, lancé une véritablecampagne mondiale pour rendre la presse en lignepayante, c’est-à-dire redonner un prix à l’informa-tion, au cœur du marché pour les entreprises depresse. Le géant des médias a en effet pris acte del’insuffisance des recettes publicitaires pour financerla presse en ligne qui, offerte aux internautes, lesdissuade de surcroît de l’acheter en version papier,les pertes du groupe News Corp. pour son exercice2008-2009 s’élevant à 3,4 milliards de dollars, dufait de recettes publicitaires en baisse et de la chutedes ventes de ses titres de presse britannique,d’ordinaire très rentables. Les titres du groupe serontdonc rendus progressivement payants. Le premierconcerné serait le Sunday Times, le quotidien dudimanche au Royaume-Uni, titre de qualité comparéau Sun, plus grand public avec des informationsmoins ciblées. Rupert Murdoch s’inspire sans aucundoute de la stratégie déjà adoptée sur le marchébritannique par le très élitiste Financial Times quipropose, depuis 2007, un modèle mixtegratuit/payant, l’accès gratuit étant un moyen deconduire à un abonnement dans la mesure où laconsultation d’articles en accès libre est limitée à30 par mois.

La bonne « vieille recette » dudouble marché

La logique freemium consiste pour de nombreuxquotidiens à chercher à multiplier les sources derevenus, addition donc des recettes de l’éditionpapier, des recettes de la publicité en ligne et desrecettes du payant en ligne, qu’il s’agisse d’abon-nements ou de micro-paiements avec achat desarticles à l’unité. C’est la stratégie actuelle duNew York Times : le titre envisage de rendre payantl’accès à une partie de son site tout en conservantune grande partie gratuite afin de préserver sesrecettes publicitaires en ligne, en même temps qu’ilpropose des abonnements sur les nouveauxsupports, en partenariat notamment avec Amazonsur son Kindle, ce qui lui permet de toucher unenouvelle clientèle. En France, Les Echos, Le Monde,désormais L’Express ou le Figaro adoptent la mêmestratégie de cumul des sources de revenus. Cetteévolution, qui constitue en une première remise enquestion du tout gratuit, révèle toutefois quecertaines informations ne seront plus jamaispayantes : les informations générales non exclu-sives, sans traitement particulier, facilementaccessibles en dehors des sites de presse, qu’ils’agisse des pages des portails qui diffusent lesdépêches des grandes agences de presse,lesquelles ressemblent de plus en plus à desarticles, ou qu’il s’agisse des informations écritessur les sites des chaînes de télévision.

Autant dire que la presse en ligne revient à sonmodèle économique historique, celui du doublemarché, la publicité finançant une partie desjournaux quand le paiement des internautes financele reste. Avec un premier grand changement : dansl’univers papier, le double marché fait baisser lecoût d’accès pour le lecteur, qui doit toujours payer,alors que sur Internet le double marché qui opèreune distinction entre les lecteurs qui accèdenten payant à toute l’information et ceux qui secontentent des principales news de la journée sansrien débourser. Et un second grand changement,décisif : la publicité sur Internet, qui était à l’origineun complément de revenus venant compenser lesrecettes perdues de l’édition papier, se transformepour certains titres en source principale de revenuset le paiement en ligne en nouveau complément derevenus. N’y a-t-il pas alors un problème plusprofond de stratégie économique et d’étirement dumarché, faute de centre suffisamment rentable ?

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revient à remettre en cause l’approche ouverte duWeb, les moteurs de recherche ne pouvant plus rienréférencer sans autorisation préalable, a conduitRupert Murdoch à entrer en négociation avecMicrosoft pour lui proposer en exclusivité sur Bing,le moteur de recherche concurrent de Google, lesarticles de ses différents journaux en ligne. Sanscontenus à référencer, un moteur de recherche perden effet toute valeur, celle de Bing ou de GoogleSearch devant, dans une telle occurrence obtenir unerémunération auprès des éditeurs. L’objectif estd’organiser autrement la répartition des recettespublicitaires générées par Internet qui, en migrantvers les services du Web, quittent les médias enligne : alors que les groupes de médias ont souffertdu repli du marché publicitaire en 2009, Google aau contraire augmenté son bénéfice net annuel de54 % à 6,52 milliards de dollars.

L’approche défendue par Rupert Murdoch a pourintérêt de proposer une organisation nouvelle duWeb, qui se construit par ses acteurs, par desréseaux de partenaires, où les producteurs decontenus retrouveraient toute leur place. Alors queRupert Murdoch a proposé aux journauxbritanniques de le rejoindre dans sa croisade pournégocier en position de force face à Google etMicrosoft, les éditeurs français de presse quotidienneont à leur tour adopté une position commune faceau moteur de recherche, le 1er décembre 2009, pourun meilleur et à tout le moins différent partage desrevenus sur Internet. Cette valorisation nouvelle del’information de presse ne remet pas nécessairementen question l’accès « gratuit » sur Internet, admispar les internautes comme allant de soi, mais posele problème du financement de cet accès par tousles acteurs qui en tirent bénéfice, notamment lesmoteurs de recherche et les autres services en lignequi paieraient à la place des internautes pourdisposer d’exclusivités. Cette stratégie conduit à unInternet plus morcelé, accessible depuis les universconstitués entre partenaires commerciaux plutôt quede manière illimitée et sans contrepartie depuis lapage d’accueil d’un moteur de recherche. Elle revientégalement à régler par le marché et sur la based’une nouvelle organisation du Web ce que certainsjournalistes ou responsables de presse appellent deleurs vœux, en Europe comme aux Etats-Unis, àsavoir une taxe sur les fournisseurs d’accès àInternet ou à l’achat d’un ordinateur, ou bien sur leséditeurs de services en ligne ou leurs régies. Cettetaxe viendrait alimenter les comptes des entreprises

La nouvelle entreprise de revalorisation de l’infor-mation par Rupert Murdoch va plus loin qu’un appelau développement du payant. Elle entraîneégalement une remise en cause de l’exploitationsans contrepartie des informations des sites depresse en ligne par les agrégateurs d’information,au premier rang desquels Google News. La publicitén’étant pas suffisamment rentable pour les éditeursde contenus, les services en ligne comme GoogleNews, qui ne supportent pas des charges deproduction de contenus mais dépendent descontenus édités par d’autres pour leur activité deréférencement, sont donc dénoncés, même si cettedénonciation soulève de nombreuses questions. Lapremière d’entre elles est la dépendance des sites depresse à l’égard de Google Search et de GoogleNews, qui sont des pourvoyeurs essentielsd’audience, jusqu’à 50 à 70 % de l’audience decertains sites. Alors que Google propose auxéditeurs, depuis le 2 décembre 2009, une solutionlogicielle permettant de sortir de Google News,aucun éditeur important n’a franchi le pas.Deuxième question : les contenus référencés parGoogle sur ses différents services sont en accèslibre sur Internet avec une adresse URL qu’exploiteGoogle quand il crée un lien vers ces contenus.Autant dire que les journaux en ligne ne peuvent pasdemander à Google un traitement similaire à celuiaccordé aux agences de presse, qui ont passé desaccords avec Google et sont rémunérées pour lareprise de leurs dépêches. En effet, les agences depresse ne proposent pas directement depuis leur sitel’accès libre à leurs dépêches. Le problème surgitfinalement quand Google News reprend lespremières lignes des articles pour en préciser lecontenu aux utilisateurs de son service, et quand ilaccole à ces articles référencés des liens sponsorisés,ce que fait Google aux Etats-Unis depuismars 2009. Google News engendre alors un revenupublicitaire qu’il ne partage pas avec les éditeurs depresse.

Pour obliger Google à partager ses recettes publici-taires issues du référencement d’articles de presse,Rupert Murdoch propose tout simplement de mettrefin à l’accès libre aux contenus sur Internet. Rendrel’accès payant est en effet une première solution. Laseconde consiste à monnayer le référencement deses titres de presse auprès d’un moteur derecherche, c’est-à-dire lui céder un droit de référen-cement exclusif, en échange d’une participation aufinancement des contenus. Cette stratégie, qui

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de presse et se substituerait à l’absence de réponsestratégique apportée pour un modèle économiquepérenne de la presse en ligne.

Des offres innovantes

Rendre la presse payante en ligne est risquée pourles éditeurs : le précédent du New York Times, laconviction qu’une offre alternative gratuite seratoujours disponible, l’assurance de perdre unepartie des audiences importantes apportées par lesagrégateurs d’information, qui génèrent toujours,même de manière insuffisante, des recettespublicitaires, sont autant d’arguments qui poussentles éditeurs à l’attentisme. Autant dire que le payantne sera réservé dans un premier temps qu’auxinformations les plus pointues, comme les informa-tions financières du Wall Street Journal, du FinancialTimes ou des Echos, mais également aux nouveauxservices d’accès à l’information. S’il est difficile eneffet de faire payer l’information pour elle-même, ilsemble possible de faire payer les services quil’accompagnent. Des solutions différentes sonttestées pour habituer les internautes au paiement surInternet. Depuis septembre 2009, le quotidienfrançais Libération propose à ses abonnés en ligned’accéder au journal le soir précédant sa sortie enkiosque. Mais les éditeurs s’intéressent surtout ausuccès des applications payantes depuis lesnouveaux terminaux mobiles connectés, qu’ils’agisse de la « liseuse » électronique d’Amazon, leKindle, ou de l’iPhone d’Apple et demain de l’iPad,lesquels pourraient rendre acceptable pourl’internaute le paiement d’un droit d’accès à l’infor-mation. Le premier éditeur allemand de journaux, legroupe Springer, qui a lancé en octobre 2009 uneapplication iPhone pour le Bild, a ainsi décidé de larendre payante, une fois un moyen simple defacturation trouvé et les internautes habitués à cenouveau service. Springer considère que lesinternautes sont en effet prêts à payer pour uneinformation enrichie par les services embarquésdans son application pour iPhone, comme l’accès àdes informations locales avec la possibilité de repé-rer les lieux depuis une carte interactive de Berlin.Aux Etats-Unis, le New York Times, le WashingtonPost et le Boston Globe testent depuis août 2009l’abonnement à leurs quotidiens sur le Kindled’Amazon. En France, L’Equipe vend depuisavril 2009 l’accès à son quotidien depuis uneapplication iPhone pour 0,79 euro. Mais ledéveloppement de l’information payante sur iPhone

n’est pas garanti : le micro-paiement s’est développédans la musique et sur l’iPhone pour des contenusque l’on conserve et dont la durée de vie excèdecelle de l’information, limitée à 24 heures.Un autre type d’offre est appelé à se développer, quicherche à rompre avec l’approche traditionnelle dela presse en ligne. Partant du constat que lesinternautes ne sont plus fidèles à un titre enparticulier, avec sa ligne éditoriale propre, dans lamesure où nombreux sont ceux qui fréquentent lesagrégateurs d’information juxtaposant les articles desources différentes, certains éditeurs de servicesproposent désormais aux internautes de seconstituer un journal à la carte. C’est le cas en Alle-magne du journal Niiu (voir supra) ou aux Etats-Unis de la plate-forme Maggwire, une start-up baséeà New York, qui propose, moyennant un abonne-ment l’accès à des articles de magazines différentsautour d’un thème sélectionné par l’internaute.Comme l’internaute n’est plus prêt à tout payer,parce qu’il considère que certaines informationsgénérales sont gratuites, alors ne lui est proposéeau paiement qu’une sélection d’articles en fonctionde ses intérêts, articles dont il perçoit immédiate-ment la valeur d’utilité. Le Time (groupe TimeWarner) a choisi l’option inverse en lançant, enmars 2009, son magazine à la carte, baptisé« Mine » : le lecteur pioche parmi les articles dedifférents titres du groupe Time et se constitue unmagazine de 36 pages avec 4 pages de publicité,qu’il reçoit ensuite gratuitement en ligne ou enversion papier.

Alertés par l’exemple de la musique en ligne où lepayant s’est développé sous le contrôle d’Applegrâce notamment à une plate-forme universelle, lesite iTunes regroupant tous les catalogues desmajors, les éditeurs de presse misent de plus enplus sur une plate-forme unique en ligne pourl’accès à l’information. Ils souhaitent néanmoins lacontrôler eux-mêmes plutôt que de laisser d’autresacteurs comme Amazon ou Apple l’imposer grâce àleurs terminaux mobiles. Témoin de cette évolution,le projet Journalism Online, présenté en avril 2009,est une plate-forme qui permet aux éditeurs depresse de proposer en ligne, moyennant paiement,une partie ou l’ensemble de leurs contenus.L’objectif de cette plate-forme est de gérer, pour lecompte des éditeurs et avec un interlocuteur uniquepour l’internaute, l’ensemble des paiements, qu’ils’agisse de l’achat d’articles à l’unité, de l’accès àun bouquet d’articles issus d’un ou de plusieurs

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journaux, ou encore d’abonnements forfaitairespermettant d’accéder à un ensemble de titres. Leprojet, qui devrait être lancé en 2010 et ambitionned’être l’iTunes de la presse, est soutenu par denombreux éditeurs, au premier rang desquelsRupert Murdoch. Les grands éditeurs de pressemagazine aux Etats-Unis, Condé Nast, Time Inc.,Hearst et Meredith préparent également uneplate-forme similaire qui fédérera une cinquantainede titres. Comme Journalism Online, qui est unéditeur de service indépendant des groupes depresse, ils misent sur le développement du micro-paiement grâce à un service facile d’utilisation etfédérateur. Reste à savoir si le développement dumicro-paiement sur Internet ne constitue pas unenouvelle étape dans la dévalorisation du produitpresse sur Internet. Car les premières enquêtes sonttrès instructives : une étude réalisée en octobre 2009par le BCG (voir supra) a révélé que 54 % desFrançais sont prêts à payer pour de l’information enligne, mais pas plus de 3 euros par mois.

(1)« Taking the paper out of news: A case study of Taloussanomat,

Europe’s first online-only newspaper”, Neil Thurman and Merja

Myllylahti, Journalism Studies, Taylor & Francis, 2009.(2)Chris Anderson, Free! Entrez dans l’économie du gratuit, Pearson,

août 2009.

Alexandre Joux

Sources :- « Les investissements publicitaires sur les sites de presse ont pro-

gressé de + 31,5 % entre 2007 et 2008, (APPM/TNS MI) », La Cor-respondance de la presse, 28 janvier 2009.

- « Journalism Online veut faire payer pour lire », Maria Pia Mascaro,

Libération, 17 avril 2009.

- « Presse : les dangers du tout Internet », Marie-Laetitia Bonavita,

Le Figaro, 20 avril 2009.

- « L’hebdomadaire Time propose un magazine à la carte », Les Echos,20 mars 2009.

- « USA : la presse aux abois cherche son salut dans le livre électro-

nique », Chris Lefkow, AFP, 6 mai 2009.

- « Les journaux britanniques préparent l’Internet payant », Eric Albert,

La Tribune, 13 mai 2009.

- « News Corp. en campagne contre le modèle gratuit », Cécile Barrière,

La Tribune, 7 août 2009.

- « La presse en ligne se convertit au payant », Marie-Laetitia Bonavita,

Le Figaro, 11 août 2009.

- « Roularta cherche son salut dans l’Internet payant », Cécile Barrière,

La Tribune, 24 août 2009.

- « Web : les journaux américains organisent la riposte », Enguérand

Renault, Le Figaro, 25 août 2009.

- « Rupert Murdoch menace Google de s’allier à Microsoft », M.-C. B.

et D.D., Le Figaro, 24 novembre 2009.

- « La presse magazine américaine prépare son iTunes », Laetitia

Mailhes, Les Echos, 26 novembre 2009.

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- « 54 % des Français prêts à payer de l’information en ligne », Anne

Feitz, Les Echos, 26 novembre 2009.

- « Pressé par Murdoch, Google lâche du lest », Marie-Catherine Beuth

et Delphine Denuit, Le Figaro, 3 décembre 2009.

- « Les quotidiens français font front commun face à Google », Anne

Feitz, Les Echos, 3 décembre 2009.

- « Les éditeurs de presse parient de plus en plus sur les smartphones

pour rajeunir leur lectorat », Xavier Ternisien, Le Monde, 9 décembre

2009.

- « Springer fait payer ses infos en ligne », Delphine Denuit, Le Figaro,9 décembre 2009.

- « Web : la crise a ralenti l’essor de la pub », Marie-Catherine Beuth,

Le Figaro, 14 janvier 2010.

Le patrimoine sur le WebLe patrimoine à portéede clicA l’heure de la dématérialisation généralisée, toutdevient accessible ou réalisable en ligne. Internets’est imposé comme un outil indispensable, plusparticulièrement apprécié par la première générationdes digital natives, les jeunes, nés au début desannées 1990, qui ont grandi avec Internet et pourlesquels le numérique a façonné les usages et lesmodes de consommation culturels. A fortiori pourles générations à venir, celles qui s’informeront,étudieront, se cultiveront et se divertiront le plussouvent grâce à Internet, la transmission dupatrimoine à l’ère du numérique doit être appréhen-dée par les Etats comme une priorité pour l’avenir.L’accessibilité en ligne du patrimoine mondialrépond au développement de nouvelles pratiquesculturelles et, par là même, constitue un élémentimportant de la démocratisation de l’accès à laculture.

Les grands travaux numériques

La numérisation du patrimoine culturel, matériel etimmatériel, est un enjeu majeur pour nos sociétés.Nombreuses aujourd’hui sont les institutions qui ontentamé la numérisation de leurs fonds d’une part, àdes fins de conservation, offrant notamment lapossibilité de consulter des manuscrits anciens sansavoir à manipuler les originaux et, d’autre part, àdes fins de transmission, mettant à la portée detous, en tout lieu et à tout moment, ce qui étaitjusqu’ici réservé à quelques-uns.

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Avec 13 millions de documents, la Bibliothèquenationale de France (BnF) est l’une des plusanciennes et des plus riches bibliothèques dumonde. Environ 5 % de ses collections sontnumérisées à ce jour. Grâce à la création, en 1996,de sa bibliothèque numérique Gallica, la BnF alancé en 2007 un projet plus ambitieux de créationd’un point d’accès multilingue aux œuvres dupatrimoine en y associant de nombreuses institu-tions des 27 pays de l’Union européenne. Souventqualifié à tort de bibliothèque, ce portail culturelbaptisé Europeana a d’ores et déjà mis en ligne,grâce à une cinquantaine de partenariats internatio-naux et avec le soutien financier de la Commissioneuropéenne, près de 6 millions de documents en26 langues, en provenance de plus d’un millierd’institutions culturelles européennes : livres,tableaux, œuvres musicales, photographies, films,cartes, manuscrits, partitions…. Gallica représente50 % des livres référencés par Europeana (voir len°9 de La revue européenne des médias, hiver2008-2009). D’ici à 2011, près de 10 millions dedocuments devraient être accessibles en ligne. Enoutre, la BnF a entrepris de numériser les archivesde la presse française jusqu’en 1944 : 1 200 titressont en accès libre sur Gallica et donc à traversEuropeana, ce portail permettant également laconsultation des archives de journaux européens.Quant aux archives audiovisuelles, elles ontbénéficié du Plan de sauvegarde et de numérisation(PSN), engagé dès 1999 par l’Institut national del’audiovisuel (INA), grâce auquel 440 000 heuresde programmes de télévision et 240 000 heures deradio ont été mises à la disposition du public. Uncatalogue établi par le ministère de la culture(numerique.culture.fr) recense l’ensemble descollections patrimoniales numérisées, accessiblesen ligne ou non, et constitue la partie française duportail européen Michael, service multilinguepermettant d'explorer les collections numériques desmusées, services d'archives, bibliothèques et autresinstitutions culturelles de toute l'Europe(michael-culture.org).

En Europe, la numérisation du patrimoine faitl’objet de nombreuses réalisations qui viennentenrichir les grands portails culturels nationauxcomme l’allemand BAM (bibliothèques, archives,musées), l’italien CulturaItalia ou le françaisCulture.fr/Collections. Des réseaux se créent,fédérant des initiatives nationales, afin d’offrir unaccès unique aux archives. Ainsi, le projet de portail

European Film Gateway (EFG), destiné auxcinémathèques européennes, a été lancé enseptembre 2008 et regroupe 20 partenaires de14 pays. Le projet GAMA (Gateway to Archives ofMedia Art), lancé en décembre 2007, est consacréaux arts multimédias en Europe grâce àl’engagement de 19 institutions de 12 pays.La diversité des travaux entrepris démontre lavolonté d’étendre le processus de numérisation aupatrimoine qualifié d’immatériel, incluant les arts duspectacle, les traditions et expressions orales, lespratiques sociales. En témoignent les projets encours de réalisation en Europe concernant, parexemple, les archives sur la généalogie ou surl’histoire locale, les corpus oraux (enregistrementssonores) offrant une connaissance des languesdans toute leur variété, les archives audiovisuellesconsacrées aux spectacles et musiques du mondeou encore à l’activité des orchestres en France.

Un autre grand chantier numérique inauguré en avril2009, la Bibliothèque numérique mondiale (BNM)de l’Organisation des Nations unies pour l’éduca-tion, la science et la culture (Unesco), se construitautour du parti pris d’une sélection étroite desœuvres du patrimoine mondial. La BNM est née d’unpartenariat d’une trentaine de pays auxquels se sontassociées des fondations et des entreprises privées,au nombre desquelles figurent Microsoft et Google(voir le n°10-11 de La revue européenne desmédias, printemps-été 2009). En décembre 2009,l’Unesco a choisi de confier à Google la mise enligne des sites naturels ou architecturaux inscrits aupatrimoine mondial. Sur les 890 sites ainsirecensés, 19 ont été sélectionnés pour être offertsen consultation aux internautes du monde entier,dont le château de Versailles en France, le centrehistorique de Prague et la vieille ville espagnole deCáceres. D’autres documents seront ultérieurementnumérisés par Google afin d’être mis en ligne, descartes, des textes, des vidéos portant sur lesréserves de biosphère, le patrimoine documentairedu registre Mémoire du monde ou les languesmenacées de disparaître.

Indexation ou mise en valeur dupatrimoine ?

Avec Google Books, près de 10 millions de livresscannés depuis 2004 constituent désormais surInternet la plus grande bibliothèque du monde(voir supra). Ont déjà participé à ce projet

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30 bibliothèques pour la plupart américaines etsept européennes, ainsi que 30 000 maisonsd’édition. Ce projet apporte indéniablement une plusgrande visibilité aux plus petites d’entre elles. Parailleurs, Google offre une nouvelle vie numériqueaux millions d’ouvrages oubliés sur les rayonnagesdes grandes bibliothèques qui n’auraient probable-ment jamais été réédités. Pour ses détracteurs, la« Google bibliothèque » n’est autre que la futurelibrairie concurrente d’Amazon (voir le n°9 deLa revue européenne des médias, hiver 2008-2009). Avec l’absence totale de critères desélection académiques, le projet de numérisationdes livres de Google mise avant tout sur la quantité,afin de tirer les bénéfices publicitaires liés au plusgrand nombre possible de requêtes.Moins gigantesques et moins médiatiques, denombreuses autres applications de recherche surInternet lancées ces dix dernières années répondentà la mission que Google s’est assignée « d’organiserl’information mondiale et de la rendre accessible àtous ». Vidéos, journaux, livres, cartes, photos,archives, des milliards de documents stockés etclassés sur les serveurs de Google assurent ledéploiement du moteur de recherche sur le Web. Laliste est longue et incomplète : Google Images(2001), avec plus d’un milliard d’images indexées ;Google Scholar (2004), moteur de recherchespécialisé dans les travaux académiques et scienti-fiques ; Google News Archive Search (2006),donnant accès à des millions d’articles de presse,essentiellement en anglais publiés depuis 200 ans,« pour remonter le fil de l’histoire des médias »,selon ses créateurs ; Google Earth (2005) et sesimages satellite de la terre ; Google Maps (2006) etses cartes, ses plans de villes ; Google Street View(2007) et sa mise en images des rues ; Picasa(2008) et sa gestion des albums de photospersonnelles ou encore YouTube (acquis en 2006),la plus grande « chaîne de vidéos » du monde avecun milliard de vidéos consultées chaque jour, etc.L’entreprise américaine numérise et indexe ainsi lemonde qui nous entoure, notre patrimoine au senslarge, à tel point que nous avons désormais besoind’elle pour nous y retrouver.La firme californienne tisse sa propre toile. En 2008,l’année où le magazine américain de photo-journalisme Life cessa de paraître, Google s’est vuconfier par le groupe Time Warner la numérisationde près de dix millions de photos retraçant l’histoiredu XXe siècle et réalisées par les plus grandsphotographes tels que Richard Avedon ou Robert

Capa. Les clichés numérisés, dont Time Warner agardé les droits, sont accessibles à la fois sur sonsite Life.com et sur un serveur de Google. En janvier2009, Google annonca la réalisation d’une premièremondiale, la mise en ligne de 14 chefs-d’œuvre dumusée du Prado à Madrid, des tableaux de Vélas-quez, Jérôme Bosch, Francisco Goya, Pierre PaulRubens, Rembrandt et d’El Greco, numérisés en trèshaute définition, grâce à la technologie de GoogleEarth. Des centaines de clichés de chaque tableau,reproduisant chacun une petite partie de l’œuvre, ontété pris, parvenant ainsi à un niveau de résolution telqu’apparaissent des détails invisibles à l’œil nu. Lecoût de l’opération n’a pas été révélé, mais l’idéepourrait séduire d’autres grands musées. Un autreprojet, lancé en mars 2009, baptisé « Mettre leMexique sur la carte avec Google », a pour objectifde relancer l’industrie du tourisme au Mexique,troisième source de devises du pays. L’Institutd’anthropologie et d’histoire de Mexico (INAH) asigné un accord avec Google visant à promouvoir lepatrimoine national en mettant en ligne desinformations touristiques, à la fois culturelles etpratiques, ainsi que des photos et des visitesvirtuelles des 275 sites archéologiques. Enfin, ennovembre 2009, tandis que le gouvernementirakien lance sa propre chaîne sur le site de partagede vidéos YouTube, celui-ci annonce la numérisa-tion et la mise en ligne des trésors de laMésopotamie détenus par le musée national deBagdad, soit quelque 14 000 images d’antiquitésmises en ligne gratuitement.

Philanthropie ou management ?

Si Internet permet de stocker et de diffuser desmilliards de documents relatifs à notre histoire, aupassé et au présent, il est temps de s’interroger,selon Emmanuel Hoog, président de l’Institutnational de l’audiovisuel, sur les critères d’accès etsur la hiérarchie des savoirs. Le rôle central desmoteurs de recherche comme principale voied’accès aux contenus mis en ligne conduit àexaminer la nature de leurs critères de classement.Les outils d’indexation des pages web traçant leschemins d’accès au savoir et à la connaissance nesont pas neutres. Ainsi, avec leurs propresalgorithmes, les moteurs de recherche imposentleurs règles de hiérarchisation des contenus.Plus des deux tiers des requêtes sur le Web passentpar un seul moteur de recherche, soit quelque

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30 milliards de pages indexées et classées enfonction de plus de 200 paramètres, dont lePageRank qui mesure la popularité d’un site à laqualité et à la quantité des liens pointant vers celui-ci. De cette façon, Google investit toutes les sourcesd’audience possibles afin d’engendrer le maximumde trafic sur le Web et de vendre des mots-clés oudes liens sponsorisés qui lui assurent 98 % de sesrevenus. Il en résulte qu’une requête surFlaubert dans la barre de recherche de GoogleBooks offre comme premières références MadameBovary ; mœurs de province, édition 1862,490 pages, affichage du livre en entier ; Mémoiresd’un fou, édition 1958, 96 pages, en aperçu limité(l’extrait commence en plein milieu d’une phrase) ;Salommbo édition anglaise, entrecoupée de« les pages xx à xxx ne font pas partie de lasélection consultable de ce livre », les extraitsapparaissent comme choisis au hasard. Puissuivent, dans la liste, des livres en version anglaiseou française consacrés à l’œuvre de Flaubert. Parmila sélection proposée des livres disponibles dansleur intégralité, se trouvent sur la première page derésultats le guide touristique Le Petit Futé Rouen,édition 2009, pour la page consacrée au « MuséeFlaubert et d’histoire de la médecine » (qui fut lesiège de l’Hôtel-Dieu où le père de l’écrivain exerçason métier de chirurgien) et au « Pavillon Flaubert »(vestige de la maison où vécut Flaubert) ou encoreThe Return of Tarzan d’Edgar Rice Burroughs, pèredu héros de la jungle… En outre, le côté droit de lapage web propose des liens vers des librairies enligne et le côté gauche, un lien commercial pour unhôtel parisien baptisé du nom de l’écrivain.Si les moteurs de recherche agrègent une multituded’informations concernant la navigation desinternautes afin d’apporter des réponses optimales àleurs requêtes, n’est-on pas en droit de s’interrogersur la pertinence des résultats proposés ? La philo-sophie des moteurs de recherche, empreinte depragmatisme, est exempte d’académisme. Il estcertes tout à fait possible, à partir du florilège établipar Google Books, en cliquant de lien en lien,d’acquérir des connaissances, mais non sans enavoir suffisamment soi-même pour opérer un tri aupréalable, afin de distinguer l’essentiel de l’anecdo-tique. La numérisation tous azimuts avec des robotsne peut se substituer au précieux travail desélection, d’ordonnancement, de mise en valeur desbiens culturels, effectué depuis des siècles par desprofessionnels, au sein des bibliothèques, desmusées ou des archives.

Avec une part de marché mondiale avoisinant les70 % (90 % en France), Google a la maîtrise de lahiérarchisation des contenus quels qu’ils soient surInternet et donc de leur accessibilité. Pour fairetourner son moteur de recherche, Google doit avoirréponse à tout. En juillet 2009, le nombre derequêtes adressées aux moteurs de recherche surInternet a dépassé les 100 milliards, soit uneaugmentation de 41 % par rapport à l’annéeprécédente. Sur la même période Google enregistraune croissance de 58 %, comptabilisant à lui seulprès de 77 milliards de requêtes. C’est en l’occur-rence ce système de « passage obligé » que leséditeurs de presse condamnent également, aurisque d’être rendus quasiment inaccessibles s’ilsrefusent l’indexation de leurs articles de presse parle service Google News. Les éditeurs italiens ont dureste lancé en août 2009 une procédure pour abusde position dominante contre le géant américain(voir n°12 de La revue européenne des médias,automne 2009).

L’avenir n’est écrit nulle part

Dans l’économie numérique, le succès peut êtreaussi grand qu’éphémère ou fragile. Nombred’entreprises ont connu la gloire numérique, àl’instar du navigateur Netscape, disparu après avoirlongtemps dominé le marché, ou du fournisseurd’accès AOL, victime de sa fusion manquée avec legroupe Time Warner, et les stars d’aujourd’huicomme Deezer, Dailymotion ou encore Facebook etTwitter ne parviennent pas à rentabiliser leur largeaudience. Si le modèle économique initial sur leWeb est celui de la gratuité de l’accès auxcontenus, basé sur la publicité, tous les acteursréfléchissent désormais à la mise en place d’unmodèle payant. Des alliances se nouent. Microsoftet Yahoo ! essaient de trouver un terrain d’ententedans les secteurs de la recherche sur Internet et dela publicité en ligne, tandis que Rupert Murdoch,propriétaire de News Corporation, un des plusimportants groupes de presse au monde, pourraits’associer à Microsoft afin de se passer définitive-ment des services de Google.En réalité, Google ne fait que récolter les fruits deses compétences. Afin de rester leader sur sonmarché, Google va vite, innove sans cesse, travailleau développement continu de nouvelles options derecherche. Parallèlement, la firme mise sur le longterme, comme élément essentiel de la réussite, etsur les contenus, comme matière première créatrice

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de richesses. Avec un montant d’investissements deprès de 200 millions de dollars, Google numériseraquelque 20 millions d’ouvrages sur une période dedix ans. La numérisation des contenus est un enjeumajeur pour le moteur de recherche si celui-ci veutrester le maître incontournable de l’indexation. Sansles contenus, ses algorithmes tournent évidement àvide. Cependant, cette ambition entrepreunarialeaboutira-t-elle à terme à une démocratisation del’accès au savoir pour des milliards d’individus ?Est-il souhaitable qu’un seul acteur assume laresponsabilité de structurer et organiser la majeurepartie des savoirs recopiés sur le Web ? L’entreprisede Mountain View a pris de court toutes les institu-tions culturelles d’Etat. Par manque de réactivité,manque de moyens, manque d’idées, les projetseuropéens ou internationaux se déploient lentement.En huit ans, la BnF a numérisé 800 000 documentssur ses 13 millions d’ouvrages. Google en ayant lesmoyens techniques et financiers, pourquoi ne paslui abandonner la maîtrise d’œuvre du chantierculturel du siècle, celui de la numérisation dupatrimoine, qu’il a si bien commencé ?

Parce qu’il faut regarder plus loin. Les retournementsde situations font l’histoire du Net. La société Appleen est un bon exemple. Eternel outsider sur lemarché de l’informatique grand public, elle aconquis en quelques années les secteurs de lamusique en ligne et du téléphone portable. Il y a àpeine cinq ans, personne n’aurait pu imaginerl’expansion phénoménale d’un Facebook, ou encorecelle d’un Twitter, il y a à peine un an. Une myriadede start-up fourbit les outils de demain. Dans dixans, juste le temps qu’il a fallu à Google pourdevenir un géant, à quoi ressemblera le réseau desréseaux ? Qui financera son développementmobile et à très haut débit ? Encore et toujours lesopérateurs de télécommunications, ou bien lesgroupes de médias et les géants du Net dont lesservices monopolisent 80 % du trafic ? A quoiressemblera l’Internet libre et ouvert que nousconnaissons version 2025 ? Le principe deneutralité selon lequel Internet est accessible à touset sans discrimination de services est-il pérenne ?(voir le n°12 de La revue européenne des médias,automne 2009)

Autant d’interrogations auxquelles il ne faudrait pasun jour se voir imposer les réponses par les seulesgrandes entreprises qui dominent l’économie du Net.Aujourd’hui, Google est le bouc émissaire. Demain,

un autre Google peut surgir, s’associer à un opéra-teur de télécommunications dont il financera ledéploiement du réseau, et la gestion du traficInternet pourrait alors devenir partielle et partiale,favorisant certains services aux dépens d’autres.Nous accéderons ou nous n’accéderons pas à telou tel service en fonction des accords conclus entrenotre fournisseur d’accès et certains navigateurs,moteurs de recherche et éditeurs de contenus. D’oreset déjà, des accords d’un genre nouveau se nouent,à l’instar de la librairie en ligne Amazon.com quireverse une redevance aux opérateurs de réseauxpour chaque livre téléchargé sur sa liseuse Kindle.Fin 2010, Google deviendra opérateur de réseau enfinançant le lancement d’une flotte de 16 satellitesde télécommunications, afin de relier à Internet lesOther 3 billions d’habitants de la planète qui en sontencore privés.

Allons plus loin encore avec un exemple qui sembleaujourd’hui relever de la science-fiction : en janvier2010, Google riposte aux cyber-attaques dont il estvictime en Chine et menace de fermer ses servicesdans ce pays. Plus de 300 millions d’internauteschinois sont alors privés de l’accès à l’ensemble descontenus et services abrités par les serveurs deGoogle…

Allier des compétences

La numérisation du patrimoine ne peut être menéeque dans le respect d’une condition irréfutable : cellede l’égal accès de tous et sans condition aupatrimoine de l’humanité. La pratique commercialede l’exclusivité ne peut être appliquée dans cedomaine. S’agissant du bien commun, les choix quis’imposent à tous doivent être préalablementdébattus et non dictés par telle ou telle entrepriseprivée innovante. Les institutions culturelles garantesde la préservation et de la transmission dupatrimoine ne peuvent abandonner leur mission parmanque de moyens financiers. L’action des pouvoirspublics est, dans ce contexte, essentielle afind’assurer un large et libre accès aux œuvres numé-risées, offrant des critères de classement pertinents.Comme il est inutile de collectionner les livres sipersonne ne peut les lire, il est inenvisageable quele patrimoine de l’humanité en mode numérique nesoit pas exposé librement au monde entier. C’est unequestion de service public.Comme Emmanuel Hoog le souligne, « Aujourd’hui,

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les moteurs et les pirates ont pris de l’avance sur lesEtats. Rien n’est irréversible ». En novembre 2009,les ministres de la culture de l’Union européenne sesont entendus sur l’idée émise par la France de créerun « comité des sages » en janvier 2010, chargéde définir les modalités de futures collaborationsentre le secteur public et le secteur privé pourfinancer la numérisation du patrimoine culturel.Selon la commissaire européenne chargée desnouvelles technologies, Viviane Reding, l’Europe doitétablir sa propre législation en matière de propriétéintellectuelle en définissant des normes pour lanumérisation protégeant les droits des auteurs etassurant leur rémunération. Des systèmes delicences et de rémunérations supranationauxdevront être établis afin de faciliter l’accès auxcontenus numérisés les plus récents, entravéjusqu’ici par les législations nationales sur le droitd’auteur. Ces obstacles juridiques font qu’enl’occurrence le catalogue du portail culturelEuropeana est encore limité aux œuvres libres dedroits. L’avancement des différents chantiers numé-riques se heurte également à l’importante proportiond’œuvres dites orphelines (dont les ayants droit sontinconnus ou introuvables). Dans le cadre du projetEuropean Film Gateway, les cinémathèques rencon-trent des problèmes juridiques lorsqu’il s’agit denumériser des films anciens. Le programmeeuropéen Arrow de constitution d’une base dedonnées de ces œuvres pourra à terme y apporterune réponse.

Au-delà de la question des partenariats publics-privés pour la numérisation, l’Europe devraégalement réfléchir au statut juridique des œuvresculturelles publiques numérisées. Alors que surInternet tout s’échange et se partage, les institutionsculturelles européennes devront définir les conditionsd’appropriation des contenus culturels numériséspar les internautes adeptes du Web 2.0. LaCommission européenne s’est déclarée attachée aumaintien du caractère ouvert des fonds culturelspublics, le passage au numérique ne devant pascréer de nouvelles conditions d’accès ou de réutili-sation. Il s’agirait d’éviter l’exemple de la Grande-Bretagne, où la partie des collections des Archivesnationales et la British Library qui a été numériséepar des entreprises privées, n’est proposée qu’enaccès payant à leurs visiteurs.

En France, les discussions entamées entre la BnF etGoogle pour la numérisation des livres auront au

moins servi de provocation. Favorable à unerégulation du Net dans le domaine culturel, au lieudu laisser-faire du marché, le ministre français de laculture, Frédéric Mitterrand, a obtenu en décembre2009 que soit consacrée la somme de 750 millionsd’euros, en provenance du grand emprunt voulu parle Président de la République, à la numérisation desbiens culturels, annonçant ainsi que 85 % descollections comme celles du Louvre ou d’Orsayseront numérisées et donc accessibles gratuitementen ligne. Seront les grands bénéficiaires de cettemanne : la BnF, le Centre national de la cinémato-graphie (CNC), l’INA, les grands musées, l’Opéra deParis ou encore la Cité de la musique. La BnFpoursuivra ses efforts dans quatre directions : lelivre, les journaux des années 1850 à 1950qui menacent de disparaître, les vidéos et les900 000 documents sonores, dont la plus impor-tante collection au monde d’enregistrements dechansons françaises depuis 1895, ainsi que lesgravures, cartes, manuscrits, photographies. LeCNC, quant à lui, numérisera 6 500 longs métrages,6 500 courts métrages datant de 1929 à nos jours,dont tous les films exploités depuis 1999 et70 000 œuvres télévisuelles. A la pointe dans cedomaine et seule institution à procéder elle-même àla numérisation de ses fonds, l’INA pourra acheverde les numériser dans leur totalité.

La France a choisi de mener un programmeambitieux de numérisation de son patrimoine,donnant ainsi la possibilité à ses institutionsculturelles d’être désormais mieux armées pournégocier des partenariats publics-privés. D’autrespays européens ont prévu des budgets plusrestreints. La Grèce investira 100 millions d’eurosdans la numérisation de son patrimoine et lesPays-Bas, 90 millions réservés à l’audiovisuel.Partout dans le monde, de grands chantiers numé-riques sont ouverts selon des modalités diverses.Les Etats-Unis ont entrepris, depuis les années1990, un grand programme de numérisation deleurs fonds, baptisé American Memory, piloté par laBibliothèque du Congrès et financé par des fondspublics et privés, dont 45 millions de dollarsobtenus notamment sous forme de dons. Ainsi plusde 5 millions de documents, des manuscrits, desjournaux et des iconographies provenant de laBibliothèque du Congrès et d’autres institutionsculturelles américaines, répartis dans une centainede collections thématiques, sont en accès libre. AuJapon, les pouvoirs publics n’ont pas souhaité

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s’associer à Google pour la numérisation des livres.Fin 2009, un programme national de numérisationa été lancé. Confiant le rôle central à la bibliothèquenationale du pays, la Bibliothèque de la Diète, ceprogramme bénéficiera de financements publicsd’un montant total d’un milliard d’euros, dont90 millions d’euros la première année, en 2010.

Professeur au Collège de France et président duConseil scientifique de la BnF, Roger Chartier lanceun avertissement en ces termes : « […] L’urgenceaujourd’hui est de décider comment et par qui doitêtre faite la numérisation du patrimoine écrit ensachant que "la république numérique du savoir ",pour laquelle plaide avec tant d’éloquencel’historien américain Robert Darnton, ne se confondpas avec ce grand marché de l’information auquelGoogle et d’autres proposent leurs produits ».

Françoise Laugée

Sources :- « Le patrimoine culturel immatériel », ministère de la culture et de la

communication, Culture & Recherche, n°116-117, printemps-été 2008.

- « Les chefs-d’œuvre du Prado visibles à la loupe sur la toile », AFP,

tv5.org, 13 janvier 2009.

- « Le Mexique signe un accord avec Google pour promouvoir son

patrimoine », AFP, tv5.org, 17 juin 2009.

- « Leçon de puissance numérique », Favilla, Les Echos, 28 août 2009.

- « Google sur tous les fronts », Roland Gauron, La Croix, 28 août

2009.

- « Numérisation : Google pousse à l’index », Christophe Alix et

Erwan Cario, Libération, 29-30 septembre 2009.

- « Le glouton élargit sa " mission " », Christophe Alix, Libération,29-30 septembre 2009.

- « Aujourd’hui, tout fait mémoire », interview d’Emmanuel Hoog,

Edouard Launet, Libération, 29-30 septembre 2009.

- « Ce que nous prépare Google », Anne Rosencher, Capital, septembre

2009.

- « Google, la BnF et le grand emprunt », Jean-Pierre Gérault et Alain

Pierrot, les-cercles.fr/economie, lesechos.fr, 19 octobre 2009.

- « L’avenir numérique du livre », Roger Chartier, Le Monde, 27 octobre

2009.

- « Le gouvernement irakien lance sa chaîne sur YouTube », AFP,

tv5.org, 25 novembre 2009.

- « L’UE cherche un équilibre pour financer la numérisation de son

patrimoine », AFP, tv5.org, 27 novembre 2009.

- « L’Unesco va mettre en ligne avec Google le Patrimoine mondial »,

AFP, tv5.org. 3 décembre 2009.

- « L’ambitieux programme français de numérisation des œuvres »,

Michel Guerrin, Le Monde, 17 décembre 2009.

- « Numérisation du patrimoine culturel », ministère de la culture et de

la communication, Culture & Recherche, n°118-119, automne 2008-

2009.

Enclavement numé-rique en milieu rural :quelles probléma-tiques ?

Inégalités numériques dans lesmondes ruraux

Si la France reste un des pays les moins densesd’Europe avec 115 habitants au km² en 2006, lapopulation française est aujourd’hui aux trois quartsurbaine. La France se compose donc principalementde zones de faible densité (selon l’INSEE celles quicomptent moins de 30 habitants au km²), deterritoires très urbanisés et d’espaces qualifiés depériurbains s’invitant entre ces deux configurationsspatiales. Ce dernier point est essentiel dans lesdynamiques territoriales du pays dans la mesure oùil est le baromètre de l’effacement de la ruralité enFrance ou en tout cas de son recul, entamé aumoment de l’exode rural d’après-guerre. Le mouve-ment de convergence des populations vers l’urbainn’a pas été sans conséquence sur la capacité desvilles à absorber cet afflux. A partir des années1960, la ville s’est étalée au-delà de ses margesoriginelles et le phénomène de périurbanisation s’estdéveloppé à un rythme croissant, en particuliergrâce à la démocratisation de l’automobile et audésir d'accession à la maison individuelle. L’espacerural français s’en est trouvé bouleversé. Certains, àproximité des grandes villes, ont été mis sousinfluence urbaine (périurbanisation/rurbanisation).D’autres ont gardé leur dynamique propre et leurmode de vie plus traditionnel grâce au maintiend’une agriculture efficace. D’autres encore se sontfragilisés et ont subi de plein fouet le difficile renou-vellement des générations. Ces configurationsplurielles ne peuvent laisser le géographe-aména-geur indifférent. Des processus de recompositionterritoriale se sont engagés, questionnant finalementla ville dans ses définitions, mais aussi, assezlargement, les espaces ruraux français dans touteleur diversité. Pour les pouvoirs publics, la problé-matique dominante a consisté alors à envisager dessolutions pour permettre au monde rural de survivreà ces changements sans toutefois remettre en causece qui fait l’essence même de ces espaces : uneprésence, même faible, des services collectifs de

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base, un style de vie et un mode d’habiter différentsde celui des urbains (nature du bâti, « distancespatiale » avec le premier voisin mais « proximitérelationnelle », sentiment d’appartenance à unecommunauté), mais avec un confort domestiqueproche désormais de celui que l’on peut rencontreren ville (télévision, appareils ménagers, etc).

Ces questionnements ont souvent abouti à despositions caricaturales consistant à faire desTechnologies de l’information et de la communica-tion (TIC), des outils, sinon de la ruralité, en tout casvenant au secours du rural. Plusieurs expérimenta-tions, allant dans ce sens, se sont succédé. La plusfameuse est lancée en 1994 par la DATAR dans lecadre d’un appel à projet intitulé « Le télétravail pourl’emploi et la reconquête des territoires ». Les TICétaient alors perçues comme des outils permettantde relancer l’activité dans les territoires ruraux endéprise, avec des résultats le plus souvent endeçà des espérances. D’autres opérations commele CETIR de Saint-Laurent-de Neste (Centre européendes technologies de l’information et de la commu-nication en milieu rural : aide à la créationd’entreprises), le projet des Soho Solo (Small OfficeHome Office : dispositif d’accompagnement pour letélétravail) dans le Gers ou encore les inforoutes del’Ardèche (projet porté par un syndicat mixte pouréquiper et développer des services à destination descollectivités), ont apporté des réponses parcellairesaux « problèmes ruraux », et nombres de cesespaces ont fait la preuve de leur créativité, sansqu’un modèle se dégage toutefois pour un ruralfrançais aux expressions multiples. Depuis, lesactions ont perdu de leur caractère idéologique etont versé dans le pragmatisme. Les acteurs ontcessé de considérer la question au singulier alorsqu’elle est par essence plurielle. L’évolution destechnologies, la maturation des usagers commecelle des acteurs territoriaux, sans oublier les effetsd’une intercommunalité toujours plus présente, ontconsidérablement changé la donne. Les TIC ne sontplus envisagées comme une bouée de sauvetageprovidentielle, mais comme un moyen de doter lesterritoires ruraux d’atouts supplémentaires pour lespopulations résidentes, qu’elles soient permanentesou temporaires.

Avoir accès à l’Internet haut débit, être doté d’unecouverture télécom sans faille, et bénéficier de la TNTcomme l’ensemble des foyers habitant en ville :autant de commodités qui ne font plus des territoires

ruraux des espaces innovants mais s’insèrent toutsimplement dans l’ensemble des aménités qu’unecollectivité se doit d’offrir à ses habitants. Au final,trois grandes problématiques peuvent être signaléesdès lors que l’on pose la question de l’introductiondes TIC en milieu rural. La première repose surl’hypothèse que les TIC seraient les nouveauxvéhicules de l’urbanité et que leur introduction auraitpour conséquence une perte de substance rurale,c'est-à-dire une modification profonde des « modesd’habiter » gommant peu à peu les traditions et lessolidarités à l’œuvre dans ce type d’espace. Ladeuxième tendance montre au contraire qu’il existedes campagnes innovantes et créatives, les TIC neremettant pas en question la ruralité maiscontribuant plutôt à son maintien voire à sonrenouveau. Enfin, la troisième tendance porte surune forme d’impasse devant laquelle se trouvent lesespaces de faible densité, ceux qui souffrent le plusde « fracture numérique » et dont on perçoit malaujourd’hui les modalités de raccordement au hautdébit et davantage encore, au très haut débit mêmesi la solution intercommunale entretient l’espoir.

Les TIC exportatrices de l’urbanitédans le périurbain

Le périurbain est un espace marqué par une ruralitéenvironnante où l’influence de la ville est essentielle.Ce phénomène apparaît souvent comme étant àl’origine de bien des maux, coupable d’unedéliquescence de la ruralité (« l’ébranlement desbassins de vie » selon Martin Vanier) et surtout d’unemodification profonde des modes d’habiter. Cetespace grignoterait la campagne, épuiserait lesréserves foncières, segmenterait et isoleraitles catégories sociales, détisserait le lien social,banaliserait les paysages… Les TIC, un des dernierssymboles de cette urbanité, accéléreraient cetteentreprise d’absorption du rural par la ville, ellescontribueraient fortement à exporter l’urbanité à lacampagne, après que la voiture, le téléphone, lecongélateur, ou encore la forte présence desgrands supermarchés ont sérieusement entamé leprocessus. L’insertion des TIC dans ces espaceséroderaient encore davantage les espaces rurauxdéjà sous l’influence de la ville centre et parfoismultipolarisés. Les auteurs du groupe de prospective« Les nouvelles ruralités en France à l’horizon2030 », rédacteurs du rapport commandé par l’INRA(Institut national de la recherche agronomique),pointent les effets potentiellement destructeurs des

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TIC sur les modes de vie, en particulier dans lescampagnes : « La multi-appartenance est favoriséepar l’essor des technologies d’information et decommunication qui transforment les modes de vie,de travail, de consommation et d’échanges. Si l’onsait aujourd’hui qu’il n’y a pas substitution entretransports physiques et échanges virtuels, et si lesexpériences de télétravail ne sont pas encoreconcluantes, ces technologies peuvent être desfacteurs de socialisation ou de destruction du liensocial selon les usages que l’on en fait ». Peu à peu,les lieux de vie villageoise mais surtout les pratiquescollectives propres aux espaces peu densess’effaceraient devant les modes de vie urbains, plusindividualistes et atomisés. L’influence des TIC dansles modifications des modes de vie ruraux ne seraitpas simplement de l’ordre d’un repli sur le chez-soigrâce à un appareillage audiovisuel sophistiqué(outre la télévision écran plat, le home cinéma, etc.)et aux nouveaux usages d’Internet (jeux en réseaux,réseau sociaux, musique, vidéos…). Elle le seraitégalement face au registre de l’individu mobile,exhibant son téléphone dernier cri dans les rues duvillage, travaillant ou se divertissant à une terrassede café doté de sa « signalétique Wi-Fi ».La proximité de la ville génère, dans ces territoirespériurbains, dont la raison d’être est la distance aucentre, des navettes domicile-travail souventquotidiennes entre le pôle urbain et les espacesrésidentiels, déplacements parfois évités grâce autélétravail partiel. Ces espaces sont, comme lespôles urbains, soumis aux effets du commerceélectronique. Leur sociologie particulière, composéesouvent de jeunes ménages actifs technophiles,génère de nouveaux trafics (véhicules de livraison)pour l’acheminement des marchandises jusqu’audomicile des consommateurs (Business ToConsumer ou B to C). Les villages proches des villesperdraient donc chaque jour davantage desmorceaux de ruralité, et par là-même de leuridentité. Les TIC n’en seraient pas les principauxresponsables mais tiendraient là un rôle d’adjuvantou d’accélérateur du processus. Parfois, l’implanta-tion d’Espaces publics numériques (EPN) réinstauredes formes collectives de lien social, comparable àcelles agissant dans les MJC d’antan, mais le plussouvent, l’insertion du numérique dans ces espacesanciennement ruraux ont fini de consacrer l’intrusionde la ville dans les campagnes.

Campagnes innovantes pourcontinuer l’histoire

La ville a longtemps été, et reste, le creuset del’innovation territoriale, en particulier dans ledomaine des TIC. A titre d’exemple, le haut débit ettrès haut débit se développent d‘abord dans l’urbainet sur d’autres logiques qu’en milieu rural. Là oùl’acteur privé voit dans ce type de déploiement unbusiness rentable, l’acteur public rural peine àdévelopper le même type de service, même s’il lefait au nom de l’équité territoriale et de la lutte contrela « fracture numérique ». Il lui faut déployer desefforts considérables pour assembler un partenariat,attirer des opérateurs faisant la « fine bouche » ouexigeant des garanties de retour sur investissementau prix de l’endettement public (PPP). Pourtant, lescampagnes innovent. Les espaces denses sontlogiquement mieux dotés en communautésintelligentes. Il est normal que les usages du Websocial soient plus nombreux dans l’urbain, que leursservices soient globalement plus qualitatifs et queles plates-formes d’échange développées soientmieux nourries. Il n’est pas étonnant d’y trouver plusde Wi-Fi communautaires, plus de sites web publicssophistiqués. Mais cela ne doit pas faire passersous silence la qualité de l’invention en milieu ruralet l’existence de savoir-faire très spécifiques. Lesbesoins sont différents, à l’image des solutionsdéployées.

Le rural sait faire preuve d’inventivité lorsqu’il le jugenécessaire. Déjà dans les années 1980, le mondeagricole a montré de grandes dispositions àaccueillir le Minitel. Les agriculteurs (CSP qui n’estplus majoritaire aujourd’hui) utilisèrent le terminalcomme peu de professions surent le faire : s’infor-mer sur la météo, suivre le cours du blé ou du laitétait comme aujourd’hui vital. Plus récemment, letourisme vert n’aurait pas progressé sans laposition centrale de l’Internet dans sa promotion. Leschambres d’hôtes, les gîtes ruraux, les sitesnaturels à découvrir, autant de services spécifiquesse rapportant à ce type d’espace, rendus par lesréseaux électroniques. Le raisonnement peut mêmese prolonger en des termes plus prospectifs, le ruralpeut constituer probablement des territoires« bêtatests » d’une administration électroniqueappelée à remplacer peu à peu l’administrationclassique. Un certain nombre de dispositifs sontaujourd’hui expérimentés à la campagne sur cesujet pour répondre à la rareté des services de

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proximité. Les usages innovants en milieu rural sontlégion, y compris dans leur composante écono-mique. Ils s’appuient sur des ressources liées àl’espace : Paysans.fr propose par exemple dans ledomaine du commerce électronique de distribueraux particuliers des produits alimentaires fraisproposés par une centaine d’éleveurs et de petitsproducteurs, une initiative développée également parle Pôle d’excellence rurale Corbières Minervois quidéveloppe une plateforme virtuelle de distributiondes produits du terroir.

Les espaces de faible densité face àla « fracture numérique » : un grandemprunt national impuissant, desexpérimentations insatisfaisantes,une intercommunalité opportune

Les espaces ruraux de faible densité sont pardéfinition isolés, mal desservis et peu à même deréunir compétences et savoir-faire susceptiblesd’apporter des réponses claires au défi de l’égaliténumérique des territoires. Ce sont ces espaces quisouffrent le plus de « fractures numériques », tant dupoint de vue infrastructurel que de la production decontenus et de services territoriaux. Gabriel Dupuyestime que la fracture numérique ville-campagne est« très probablement durable et mal ressentie », elleest « perçue comme résultant d’une véritablediscrimination du rural par l’urbain ». L’auteurrappelle, reprenant les conclusions de l’ORTEL(Observatoire régional des télécommunications) etde la DATAR (Délégation à l’aménagement duterritoire et à l’action régionale) qu’il existe uneFrance « à trois vitesses » et donc « trois typesd’espaces : zones de concurrence, zones d’oppor-tunité, zones de fragilité. Les premières bénéficientdes investissements des opérateurs, les zonesd’opportunité sont sensibilisées aux technologies del’information et des télécommunications mais sontisolées des grandes infrastructures de télécommu-nications. Enfin les zones de fragilité sont pourl’essentiel des territoires ruraux qui n’ont pas accèsà une diversité d’offres technologiques pour seconnecter à des prix abordables aux autoroutes del’information ». Cette absence de concurrencemontre combien il sera difficile de mobiliser desmoyens pour équiper ce type de territoire, seul unvolontarisme politique de l’Etat et des collectivitéspermettrait d’envisager, à moyen terme, un désen-clavement numérique.

L’Association des villes et collectivités pour les com-munications électroniques et l’audiovisuel (AVICCA)estime que « près de 2 % des foyers vivent dansdes zones non desservies par le haut débit filaire(câble ou l’ADSL) ». De fait, dans ces espaces, ledébat se concentre surtout sur le haut débit, voire letrès haut débit, ce qui ampute une partie des enjeuxpropres à la mise en place d’une société del’information de proximité. Il pose une ombre portéesur les réflexions pourtant nécessaires à l’expres-sion des particularismes, nombreux dans cesespaces de faible densité. Parmi eux : des zonesagricoles consacrée à la production alimentaire, deszones forestières, des sites à haute valeur environ-nementale, peu peuplées mais avec une présencehumaine tout de même, et surtout hautement straté-giques. Le problème est d’autant plus grand que levolet numérique présenté dans le grand empruntnational (7e axe et plus petit budget) ne semble pasvraiment en mesure d’apporter des solutionsconcrètes. En effet, non seulement les 4,5 milliardsd’euros annoncés pour « investir dans la sociéténumérique » (2 milliards pour l’infrastructure/2,5 milliards pour les contenus et services) seronttrès insuffisants (30 milliards pour la seule compo-sante infrastructurelle seraient nécessaires dans leszones non rentables), mais en plus, les considéra-tions en direction des espaces peu denses (zone 3)dans le domaine de la fibre optique sont peuprécises, renvoyant surtout vers « d’autres solutions(satellite, très haut débit mobile) » qui sonnentcomme un aveu d’impuissance du pouvoir central.Ainsi, l’AVICCA juge, après lecture du rapport, que« l’investissement public national envisagé est trèssignificatif dans les zones rentables, et assezmarginal dans les autres ». Ce propos ne peutqu’être étayé par la loi n°2009-1572 du17 décembre 2009 relative à la lutte contre lafracture numérique qui n’ouvre aucune perspectiveconcrète pour les espaces les plus « fracturés ».Forte de 35 articles, cette loi envisage finalementdeux principaux objectifs : « faciliter la transition versla télévision numérique » et « prévenir l’apparitiond’une fracture numérique dans le très haut débit ».Ce deuxième thème porte en lui une forme derenonciation de l’action nationale dans les territoirespeu denses : comment y envisager le très haut débitquand un débit minimum n’est toujours paspossible ? Il suffit pour mieux s’en convaincred’interpréter l’article 31 qui annonce la nécessitéd’une proposition d’ici au 30 juin 2010 pourl’établissement d’une « tarification de l’accès à

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Internet en fonction du débit réel dont bénéficient lesabonnés ». Cet article officialise finalement lacréation d’un Internet à deux vitesses : très rapidepour les villes, riches en fibres optiques, etbeaucoup plus lente pour les villages les plusreculés, dont le raccordement n’est possible que surla base de l’infrastructure téléphonique déployée aumoment du plan de rattrapage téléphonique desannées 1970 ou par d’autres technologies alterna-tives dont les performances sont largement en deçàde la fibre.

L’annonce officielle du « plan pour le développementde l'économie numérique » du 18 janvier 2010(grand emprunt national) n’apparaît effectivementpas des plus optimistes pour les zones de faibledensité. Si des propositions concrètes sont annon-cées pour permettre au plus grand nombred’accéder à l’Internet, en particulier un « tarif social »à 20 euros (38 % de Français n'ont toujours pas unaccès personnel à Internet) et des actionsspécifiques en direction des zones moyennementdenses, rien de très précis pour le rural. Selon lePremier Ministre dont les propos ont été repris sur lesite de Localtis (Caisse des dépôts et consigna-tions), « d'autres technologies devraient empêcherque les bienfaits du numérique soient octroyés auxcitadins et déniés aux ruraux : l'Internet mobile à trèshaut débit, pour les zones peu denses, et le satelli-taire, pour les sites les plus défavorisés », dessolutions alternatives depuis longtemps privilégiéesdans les zones peu denses africaines…De fait, les solutions éventuelles s’envisagentsurtout au travers des collectivités territoriales quipeuvent s’appuyer sur l’article L-1425 du CGCT pourintervenir à la place du privé, le plus souvent sur leregistre intercommunal. Les stratégies pour sortir lesvillages les plus isolés de leur enclavement numé-rique reposent sur des logiques de proximitépermettant aux plus petites communes d’entrevoirdes solutions à leurs problèmes infrastructurels. Lemoteur de l’action réside dans la formalisation debesoins clairs : nécessité de mieux gérer la collecti-vité en facilitant la relation au sein et entre lescommunes de l’intercommunalité, nécessité d’amé-liorer le service rendu aux usagers (écoles, etc.) enpermettant l’accès à des ressources non présentessur le territoire, nécessité enfin d’offrir aux adminis-trés et aux entreprises les moyens d’accéder à cettesociété de l’information émergente. Cela impliquedonc le déploiement de solutions infrastructurellespour les portions de territoire oubliées par l'Internet

haut débit ADSL. La solution satellitaire, est parfoisprivilégiée. A titre d’exemple, le conseil communau-taire de la communauté de communes du Pays desAbers a décidé, en novembre 2009, la mise enplace d'une subvention prenant en charge la moitiédes frais d'installation d'un kit satellite (prise encharge ne pouvant excéder 150 euros). Ce principede subvention satellitaire a été adopté dans d’autresespaces de faible densité comme en Auvergne endirection d’une frange de la population (0,4 %)enclavée numériquement. L’autre technologie dedésenclavement numérique est le WiMAX (haut débitpar voie hertzienne). Elle apporte son lot desolutions même si de nombreuses contraintessubsistent. L’expérience menée dans le Pays desVals de Saintonge (nord-est de la Charente-Maritime), syndicat mixte regroupant sept commu-nautés de communes, rassemblant elles-mêmes117 communes, a pu en témoigner avec enparticulier de nombreuses interrogations sur le com-portement du système en situation de charge et surles conditions commerciales de son déploiement.

Promesses numériques, impuis-sances politiques

L’insertion des TIC en milieu rural recouvre donc desréalités complexes que des termes aussi génériquesque « fracture numérique » ou « désenclavementnumérique » tendent à simplifier. Les trois problé-matiques qui ressortent de cet article montrentclairement que l’égalité numérique des territoiresn’est pas pour demain. Par ailleurs, le désenclave-ment numérique peut avoir des conséquencesirréversibles sur les modes d’habiter des territoiresruraux en y exportant les signes de l’urbanité. Levéritable problème du désenclavement numériquese pose pour les zones de faible densité. Là, denombreuses incertitudes demeurent. Pourtant, c’estaussi dans ces « zones blanches » que la margede manœuvre est la plus grande. C’est là où letélétravail peut encore largement progresser, réinsé-rant ainsi de nouvelles activités professionnelles,c’est dans ces environnements où la question desservices publics « non rentables » se posent avec leplus d’acuité, les TIC pouvant être une alternative àla fuite des enseignes publiques (la Poste, etc.), etc’est également dans ces espaces, souventvieillissants, que les nouvelles plates-formesnumériques permettront de développer des servicesà la personne avec le souci de la proximitéphysique. Dans tous les cas, les démarches ne

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s’accompliront pas de façon spontanée et desefforts lourds seront nécessaires sur et au-delà dela stricte dimension infrastructurelle pour tendreeffectivement vers cet objectif d’égalité numériquedes territoires.

Philippe Vidal

Sources :- « La fracture numérique », Gabriel Dupuy, Transversale Débats,

Ellipses, 2007.

- « Le pouvoir des territoires : essai sur l’interterritorialité », Martin

Vanier, Anthropos, Paris 2008.

- « Les nouvelles ruralités à l’horizon 2030 », Rapport du groupe de tra-

vail Nouvelles ruralités, INRA, juillet 2008.

- « Technologies en campagne : l’accès public aux TIC en milieu rural »,

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Cahier de partage et d’expériences n°5, avril 2009.

- « Grand emprunt : une priorité pour fibrer les zones rentables »,

avicca.org, 23 novembre 2009.

- « WiMAX : bilan d’une expérimentation en zone rurale », http://extra-

net.ant.cete-ouest.equipement.gouv.fr/

- Loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la

fracture numérique, JORF n°0293 du 18 décembre 2009.

- « François Fillon clique sur le très haut débit », localtis, www.local-

tis.info, 18 janvier 2010.

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Ont participé à ce numéro

Francis Balle, professeur à l’Université Paris 2 et directeur de l’IREC (Institut de recherche et d’études sur la commu-nication)Isabelle Bourgeois, maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise, chargée de recherche au Centre d’infor-mation et de recherche sur l’Allemagne contemporaine (CIRAC), rédactrice en chef de la revue Regards sur l’écono-mie allemandeOlivier Daube, responsable du pôle Veille des usages et innovation à Radio FranceEmmanuel Derieux, professeur à l’Université Paris 2Jacques-André Fines Schlumberger, doctorant en sciences de l’information et de la communicationAlexandre Joux, docteur en sciences de l’information et de la communicationFrançoise Laugée, ingénieur d’études à l’Université Paris 2 (IREC)Philippe Vidal, maître de conférences en géographie et aménagement, UMR 6228 IDEES-CIRTAI, Université du Havre,codirecteur de la revue Netcom.

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Centre de Recherche de l’EBS37, 39 bd Murat 75016 Paris Tél : 01 40 71 37 37 www.ebs-paris.com [email protected]

� RUBRIQUES

En EuropeLes événements les plus marquants ou les plussignificatifs advenus au cours du trimestre écoulédans l’un ou l’autre des pays membres de l’Unioneuropéenne ou du Conseil de l’Europe. Ces événe-ments décrits et analysés sont classés en fonctionde leur domaine d’élection : le droit, les techniques,l’économie ou les usages.

AilleursLes techniques, les tendances ou les nouveauxusages ayant marqué l’actualité récente, ailleurs,au-delà des frontières de l’Europe, dès lors qu’ilsprésentent un intérêt probable pour les acteurs oules observateurs des médias européens.

Les acteurs globauxLa vie des groupes plurimédias, leur organisation,

leur fonctionnement, leur activité, quel que soit leurmétier d’origine, dès lors que leur champ d’actionconcerne plusieurs médias et plusieurs pays, enEurope ou ailleurs.

A retenirLes mots nouveaux ou les expressions nouvellesque l’usage est en passe d’imposer, au-delà duseul vocabulaire technique.

Vient de paraîtreDes résumés et des analyses critiques succincts detravaux publiés récemment en Europe : ouvragesde référence, études, recherches ou rapports, quelsque soient leurs commanditaires.

� ARTICLES & CHRONIQUES

Afin d’approfondir la réflexion sur un sujet del’actualité récente.

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La revue européenne des médias est conçue et réalisée par l’Institut de recherche et d’études sur la com-munication (IREC), dirigé par Francis Balle, professeur à l’Université Paris 2, (IREC - http://irec.u-paris2.fr)

Rédactrice en chef : Françoise Laugée

Comité de rédaction : Francis Balle, Alexandre Joux, Françoise Laugée

Correctrice : Nicole Gendry

Responsable de la publication : Bruno Neil, directeur de l’EBS Paris

ISSN 1967-2756

n13°des médias

LA REVUE EUROPÉENNE