La responsabilité pénale des mineurs dans l'ordre interne et international

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LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MINEURS DANS L’ORDRE INTERNE ET INTERNATIONAL Rapport général Reynald OTTENHOF * Introduction 1. Chacun connaît la formule célèbre : « Droit des mineurs, droit mineur ». Nombreux sont en effet les auteurs qui considèrent avec une certaine condescendance cette branche de la science pénale, jugée dérogatoire au droit pénal commun, fortement marquée par des considérations plus sociales que juridiques, s’appliquant à des sujets en état de dépendance, liée à leur état de minorité, et mis en œuvre par une catégorie de professionnels spécialisés, assez différents du personnel judiciaire habituel. 2. Cette vision ancienne n’a plus cours aujourd’hui. Les raisons de cette mutation sont multiples. On se bornera à signaler, sans entrer dans les détails : l’intérêt envers les questions relatives à l’enfance, l’essor démographique, la montée de la délinquance juvénile, le développement des services sociaux, etc… D’abord sensibles dans les systèmes juridiques nationaux, ces transformations ont rencontré un écho au plan international, grâce aux Organisations non gouvernementales dont l’action s’est trouvée relayée par les Organisations internationales,. C’est ainsi qu’un large mouvement humanitaire en faveur de la protection de l’enfance a conduit à l’adoption d’instruments internationaux plus ou moins contraignants, qui ont à leur tour influencé l’évolution des droits nationaux. 3. L’Association Internationale de Droit Pénal n’est pas restée à l’écart de ce mouvement. On en veut pour preuve les différentes manifestations organisées en faveur de la Déclaration internationale, puis de la Convention internationale des * Professeur émérite à l’Université de Nantes, Vice-Président de l’Association Internationale de Droit Pénal, chargé de la Coordination Scientifique.

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LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MINEURSDANS L’ORDRE INTERNE ET INTERNATIONAL

Rapport général

Reynald OTTENHOF *

Introduction

1. Chacun connaît la formule célèbre : « Droit des mineurs, droit mineur ».Nombreux sont en effet les auteurs qui considèrent avec une certainecondescendance cette branche de la science pénale, jugée dérogatoire au droitpénal commun, fortement marquée par des considérations plus sociales quejuridiques, s’appliquant à des sujets en état de dépendance, liée à leur état deminorité, et mis en œuvre par une catégorie de professionnels spécialisés, assezdifférents du personnel judiciaire habituel.

2. Cette vision ancienne n’a plus cours aujourd’hui. Les raisons de cette mutationsont multiples. On se bornera à signaler, sans entrer dans les détails : l’intérêtenvers les questions relatives à l’enfance, l’essor démographique, la montée dela délinquance juvénile, le développement des services sociaux, etc… D’abordsensibles dans les systèmes juridiques nationaux, ces transformations ontrencontré un écho au plan international, grâce aux Organisations nongouvernementales dont l’action s’est trouvée relayée par les Organisationsinternationales,. C’est ainsi qu’un large mouvement humanitaire en faveur de laprotection de l’enfance a conduit à l’adoption d’instruments internationaux plus oumoins contraignants, qui ont à leur tour influencé l’évolution des droits nationaux.

3. L’Association Internationale de Droit Pénal n’est pas restée à l’écart de cemouvement. On en veut pour preuve les différentes manifestations organisées enfaveur de la Déclaration internationale, puis de la Convention internationale des

* Professeur émérite à l’Université de Nantes, Vice-Président de l’Association

Internationale de Droit Pénal, chargé de la Coordination Scientifique.

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Droits de l’Enfant 1. Cependant, c’est la première fois, à l’occasion de son XVIIèCongrès international 2 que l’une des questions du Congrès est consacrée à cettematière. La proposition a recueilli le plein assentiment du Conseil de Direction del’Association. Et toute notre reconnaissance doit aller au Groupe national del’Autriche pour avoir accepté avec enthousiasme d’organiser le présent Colloquepréparatoire de la Section 1 et d’en publier les Actes dans cette Revue.

4. Cela dit, le droit pénal des mineurs représente un domaine suffisamment vastepour nécessiter une délimitation rigoureuse du thème dans le questionnairecorrespondant 3. Compte tenu de la méthode traditionnellement suivie dansl’organisation scientifique de nos Congrès internationaux, caractérisée par ladivision en quatre sections correspondant aux divisions majeures de la sciencepénale (partie générale, partie spéciale, procédure pénale, droit pénalinternational), il a semblé utile de circonscrire le domaine à la question de laresponsabilité pénale des mineurs. Un tel choix mérite d’être justifié et précisé.

5. Le choix de la responsabilité pénale des mineurs comme question soumise à laSection 1 du Congrès se justifie en premier lieu par l’objet même de cetteSection, traditionnellement consacrée à l’étude des problèmes relevant de lapartie générale du droit pénal. Mais ce choix repose avant tout sur l’actualitémême du sujet. Au moment où, comme on pourra le constater tout au long de nostravaux, l’évolution du droit des mineurs conduit les législateurs nationaux àréformer – souvent profondément – la législation en vigueur 4, la question de laresponsabilité, tant dans sa dimension théorique que pratique, est au centre desdébats, au point de remettre en cause l’ensemble des questions touchant à laminorité pénale. 5

6. Ainsi s’explique la diversité des questions évoquées dans le questionnairesoumis aux rapporteurs nationaux. Sans aborder ici la méthodologie ayantprésidé à l’élaboration puis au traitement des réponses par votre rapporteur

1. V. en particulier les volumes de la Revue Internationale de Droit Pénal consacrés à cette

question (vol. 50, 1979 n°3/4 ; vol. 62, 1991 n°3/4).

2. Beijing, 12-19 septembre 2004.

3. V. le texte du Questionnaire (français, anglais, espagnol), RIDP, vol. 72, 2001 n°3/4,

p.663 et s.

4. Donald J. Shoemaker (ed.), International Handbook on Juvenile Justice, Greenwood

Press, 1996.

5. V. Hugues L. Parent, A Comparative Study of the Principales Governing Responsability

in England, Canada, the United States and in France, R.I.D.P., vol. 71, 2000 n°3/4,p. 325 et s.

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général, il est juste de remarquer que les questions posées débordent trèslargement le strict domaine du droit pénal général pour s’étendre au domaine dela procédure, voire aux aspects de droit pénal international.

7. A vrai dire, pouvait-il en être autrement ? Limiter la question de laresponsabilité à ses seuls aspects théoriques, qui concernent essentiellementson fondement, aurait conduit à des débats dogmatiques peu propices à unediscussion générale engageant l’ensemble des rapporteurs nationaux. C’estpourquoi il a semblé utile d’étendre l’étude de la responsabilité des mineurs auxquestions pratiques, concrètes, qui contribuent à faire vivre ce concept dans sonenvironnement juridique, à en expliciter la mise en œuvre par les organesjudiciaires spécialisés, bref, à mesurer la portée concrète des choix opérés par lelégislateur.

8. Le tableau qui se dessine à l’examen des différents rapports nationaux estévidemment contrasté. Comment pourrait-il en être autrement ? Chaquelégislation reflète l’attitude adoptée à l’égard d’une réalité nationale marquée parle contexte historique, social, culturel influençant la politique criminelle propre àchaque Etat.

Pour mieux comprendre cet environnement, un bref aperçu de l’état de ladélinquance des mineurs était souhaité de la part des rapporteurs nationaux.Dans l’ensemble, la plupart des contributions se sont bornées à souligner la trèsnette augmentation de ce type de délinquance, entraînant d’importantes réformeslégislatives, traduisant généralement un rapprochement du droit pénal desmineurs vers celui des majeurs, et, par-là même, une aggravation de larépression.

9. De l’ensemble des contributions reçues 6 se dégage une impression de trèsgrande diversité, voire de complexité, des solutions adoptées dans leslégislations nationales.

Toutefois, par delà la diversité observée, il se dégage de l’ensemble descontributions l’impression selon laquelle, au travers de cette question de la

6. A ce jour, 23 rapports nationaux ont été adressés au rapporteur général (dont près de la

moitié après le déroulement du colloque préparatoire !) : il s’agit des pays suivants :Algérie, Autriche, Belgique, Brésil, Chine, Colombie, Croatie, Espagne, Etats Unisd’Amérique, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Iran, Japon, Mexique, Pologne, Portugal,République Tchèque, Roumanie, Slovénie, Suède, Tunisie. En outre, le Centro Nazionaledi Prevenzione e Difesa Sociale de Milan (Italie) a adressé une contribution spéciale,s’inspirant de la législation italienne.

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responsabilité pénale des mineurs, se développent de véritables systèmes dejustice pénale des mineurs, empruntant différents modèles, plus ou moinshomogènes, ou plus ou moins hybrides selon les cas 7.

Pour la commodité de la discussion générale, le présent rapport suivra l’ordre desquestions tel qu’il a été établi lors de la rédaction du questionnaire.

I. Fondements du principe de la responsabilité pénale du mineur

10. La question du fondement du principe de la responsabilité pénale du mineurdemeure l’une des questions les plus controversées du droit pénal des mineurs.Elle est également l’une des plus complexes. La raison en est simple : c’est de laréponse à cette question théorique que dépendent bon nombre de solutionspratiques : fixation de l’âge de la majorité pénale, nature et quantum des mesureséducatives ou sanctions pénales applicables, compétence des organes judiciairesspécialisés, etc…

11. Si, en vertu du principe de légalité, le principe trouve sa source dans la loi, ilest rarement exprimé de façon expresse. Il s’induit plutôt des conséquences quele législateur a déduites d’un fondement implicite, reposant sur plusieursconceptions que l’on peut regrouper comme suit.

12. Dans une conception que l’on peut qualifier de classique, le fondement de laresponsabilité du mineur – ou, pour mieux dire, de son irresponsabilité - reposesur le modèle de responsabilité des majeurs. Plus exactement, le point de départde la responsabilité pénale correspond, dans les législations qui appliquent cemodèle, avec l’âge de la majorité pénale. En dessous de cet âge, le mineur estréputé irresponsable. La doctrine considère qu’il s’agit d’une présomptiond’irresponsabilité. Cette présomption est tantôt absolue, tantôt relative 8. Laplupart du temps, la mesure de la peine (sa durée ou son quantum) dépend de laforce de la présomption, selon que celle-ci peut être écartée ou non, ce quirevient à établir des degrés plus ou moins élevés de responsabilité/irresponsa-bilité.

Un tel fondement repose sur une fiction : Le mineur, plus ou moins responsableselon son âge, et, par conséquent plus ou moins punissable, voit la peine qui luiest applicable constituer une fraction (en général la moitié) de la peine applicable

7. V. sur cette question des systèmes et des modèles de justice pénale : « Les systèmes

comparés de justice pénale : De la diversité au rapprochement, Nouvelles Etudes Pénales,vol. 17, éd. Erès, 1998.

8. V. infra n°20 et s., la question des seuils d’âge.

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à un majeur auteur de la même infraction. Le mineur est alors considéré commeun adulte en réduction.

La lecture des rapports nationaux, sans être toujours éclairante sur ce point,laisse supposer qu’un tel fondement demeure assez largement répandu dans bonnombre de législations, même s’il n’est pas toujours affirmé expressément 9.

13. Dans une seconde conception, plus moderne, que l’on peut qualifier decriminologique, l’aptitude du mineur à répondre de ses actes n’est plus fondée surle concept de responsabilité, mais sur celui de capacité pénale. On parle parfois,en ce cas, de dangerosité sociale, par référence à la notion criminologique d’étatdangereux. On en vient ainsi à justifier l’intervention avant même la commissiond’un « fait qualifié infraction », rappelant ainsi la notion d’état dangereuxprédélictuel 10. Là encore, la notion n’est pas dépourvue d’ambiguïté, dans lamesure où le « mineur dangereux » peut ainsi se révéler un « mineur endanger », justifiant la mise en œuvre de mesures de protection 11.

14. En dehors de ces deux conceptions, on rencontre des fondements divers, soiten vigueur dans certains pays, soit à l’état de projet de réforme. Certains pays,tels la Suède, préfèrent parler de « punissabilité » (punishability), considéréecomme moins « métaphysique » que le concept de responsabilité, même si, enpratique, la différence entre les deux concepts n’a guère de conséquencessubstantives. Il faut reconnaître une certaine tendance à éviter la référenceexpresse au concept de responsabilité, tel qu’il existe à l’égard des majeurs, enraison des incertitudes doctrinales qui planent sur les notions de culpabilité,d’imputabilité, ainsi que sur le régime des causes de non imputabilité.

15. Il faut cependant noter une tendance récente dans certaines législations, àsubstituer au principe classique fondé sur la présomption d’irresponsabilité dumineur le principe contraire de la responsabilité du mineur. Deux raisonsexpliquent un tel renversement de tendance 12.

La première raison réside dans le souci de manifester à l’égard des mineurs uneplus grande sévérité. Devant l’aggravation de la délinquance juvénile,l’augmentation du sentiment d’insécurité, attribuée, souvent à tort, aux

9. V. par exemple le rapport belge (§ 2A) et le rapport français (I).

10. Tel est, semble-t-il, le cas du Japon.

11. On citera, à cet égard, la législation française.

12. V. à cet égard les intéressantes réflexions contenues dans les rapports de la Colombie,

de la Belgique et de la France.

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comportements de jeunes proches de l’âge de la majorité, la tentation est grandede substituer au modèle de protection, synonyme de laxisme pour certains, lemodèle punitif considéré comme davantage protecteur de la sécurité descitoyens.

La seconde raison repose sur l’idée selon laquelle le concept d’irresponsabilitédes mineurs ne correspond plus à la réalité sociale de la jeunesse d’aujourd’hui.Les jeunes ont acquis, dit-on, une plus grande autonomie ; ils font preuve, auplan psychologique, d’une plus grande maturité 13. Considérer un jeune de quinzeà dix-huit ans comme un individu « irresponsable », au même titre qu’un enfantest non seulement contraire à la réalité, mais se révèle dépourvu de sens au planéducatif. Il paraît, en effet, quelque peu paradoxal d’entendre un juge ordonner,en vertu du principe d’irresponsabilité pénale, des mesures éducatives, alors quela mission du service éducatif auquel il a été confié aura pour objet de faire appelà son sens de la responsabilité. Même s’il ne s’agit pas d’une responsabilité demême nature, il faut admettre que le même terme peut être source de confusion.

16. En définitive, il se dégage de la lecture des rapports une tendance àconsidérer le mineur comme un sujet de droit doté de caractéristiquesspécifiques, disposant d’une certaine autonomie, plus ou moins développée enfonction de son âge et de son développement physique et psychologique. Ilapparaît dès lors nécessaire, sur le fondement de cette autonomie, de concevoirsa responsabilité de manière autonome, en s’affranchissant des conceptions surlesquelles est fondée la responsabilité pénale des majeurs.

Compte tenu du caractère évolutif de la personnalité du mineur, c’est donc uneconception dynamique de sa responsabilité qu’il convient d’adopter. Oncomprend, dès lors, toute l’importance que revêt la question des seuils d’âge.

II. La question des seuils d’âge

A. La fixation de l’âge de la majorité pénale

17. L’âge de la majorité pénale constitue une question fondamentale, dans lamesure où cet âge constitue le point de départ à partir duquel le sujet peut se voirimposer des sanctions pénales de même nature et de même gravité que cellesprévues pour les majeurs. On nous pardonnera de rappeler ab initio une telleévidence ! En effet, il ne faut pas perdre de vue l’effet pervers susceptible dedécouler d’une terndance, telle qu’elle vient d’être constatée, à la reconnaissance

13. On parle volontiers, à ce sujet, de « précocité ». V. sur ce point : R. Ottenhof,

Délinquance et précocité, Rev. sc. crim., 1995, n°4.

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d’un principe de responsabilité pénale du mineur, substitué au principed’irresponsabilité.D’un autre côté, la constatation souvent faite d’une plus grande précocité desmineurs, jointe au souci légitime de reconnaître au mineur une plus grandeautonomie, risque de conduire, consciemment ou non, à une aggravationdangereuse de la sévérité à l’égard des mineurs. Abaisser l’âge de la majorité,c’est, répétons le, faire entrer plus tôt le mineur dans le système pénal desmajeurs. Telle est, hélas, la tendance des politiques criminelles sécuritairesdéveloppées dans bon nombre de législations contemporaines imputant auxcomportements juvéniles l’aggravation de la délinquance et le développement dusentiment d’insécurité.

C’est pourquoi, avant même de discuter la question de la fixation de l’âge de lamajorité pénale, il apparaît nécessaire de dissocier l’âge de la majorité pénale del’âge à partir duquel les sanctions pénales applicables aux majeurs s’appliquentautomatiquement, et sans la moindre mesure d’aménagement, à un individuayant atteint l’âge de la majorité pénale 14.

18. Ceci étant, il apparaît que dans la plupart des rapports nationaux l’âge de lamajorité pénale fixée par les législations se situe à dix huit ans. D’autreslégislations nationales retiennent un âge inférieur : dix sept ans (Finlande, Grèce,Pologne) ou seize ans (Portugal, Roumanie, Tunisie).

Il faut signaler le cas particulier de la législation iranienne, dont l’article 4 de laConstitution énonce que toutes les dispositions législatives et réglementairesdoivent être régies conformément aux prescriptions islamiques. La majoritépénale est donc déterminée selon les prescriptions du droit musulman. Sur cefondement, le Code pénal iranien ne fixe pas d’âge chronologique, mais faitréférence à la notion de « puberté religieuse ». Curieusement, c’est le Code civiliranien qui fixe l’âge de la majorité pénale : quinze ans pour les garçons et neufans pour les filles. Encore faut-il préciser que cet âge n’a valeur que deprésomption, compte tenu du caractère essentiellement subjectif d’un tel critèrefondé sur des considérations physiologiques. C’est pourquoi on relève parmi lesjurisconsultes et les universitaires iraniens une tendance contemporaine àpréconiser, sur le fondement de considérations psychologiques, de relever aumoins à treize ans le seuil d’âge des filles 15.

14. V. infra n°27, la question des jeunes majeurs.

15. Le rapport iranien est le seul rapport national d’un pays appliquant le droit islamique.

D’autres pays, comme l’Algérie et la Tunisie, disposent d’une législation pénale laïque,ayant adopté une majorité pénale fixée à dix huit ans.

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19. Bon nombre de rapports nationaux font état d’une tendance de l’opinionpublique, relayée par certains milieux politiques, à vouloir abaisser l’âge de lamajorité pénale 16. Si, comme il a été indiqué supra, une telle tendance peutparaître justifiée en raison d’une maturité plus précoce de la jeunesse, elles’inspire bien souvent du souci, en présence d’un rajeunissement de l’âge moyende la délinquance des mineurs, de faire entrer plus tôt les jeunes délinquantsdans le système répressif applicable aux majeurs 17. Sans anticiper sur lesdéveloppements ultérieurs relatifs aux sanctions pénales applicables auxmineurs18, il importe dès à présent de souligner le caractère funeste d’une telletendance qui conduit à exposer un enfant de moins de dix huit ans (ou moinsencore) à des sanctions pénales très graves : emprisonnement de longue durée,voire peine capitale. C’est pourquoi le rapporteur général, conscient d’exprimerles prises de position formulées par l’Association Internationale de Droit Pénal,souhaite que cette Section recommande fermement à l’Assemblée Généraled’adopter une résolution en faveur de l’âge de dix huit ans. Et s’il apparaît naturelqu’un tel âge soit fixé par la loi, il est permis de souhaiter que cette loi ait valeurconstitutionnelle 19.

B. La question du seuil d’âge minimum

20. Il s’agit d’une question très controversée diversement traitée dans leslégislations nationales. Les réponses apportées sur ce point dans les rapportsnationaux sont parfois difficiles à interpréter, en raison d’une confusion sur lesens de la question posée. En effet, la question du seuil d’âge minimum revêt undouble aspect.

21. 1) Dans un premier sens, il s’agit de savoir s’il existe un seuil d’âgeminimum, fixé par la loi (ou la jurisprudence) à partir duquel l’autorité judiciaire estcompétente pour juger le mineur auteur d’un fait qualifié infraction 20 et prononcer,à raison de ce fait, une mesure éducative prévue par la loi. A contrario, endessous de cet âge, aucune mesure n’est applicable à raison de ce fait. Seules,le cas échéant, peuvent être ordonnées des mesures de nature civile ou

16. Le rapport des Etats Unis signale la tendance de divers états à s’aligner sur l’exemple

de l’Illinois, dont le modèle de justice juvénile s’applique aux mineurs de seize ans.

17. V. supra, n°15, spécialement note 13.

18. Comp. Infra n° 36 et s.

19. C’est le cas par exemple du Brésil.

20. Cette expression, empruntée à l’article 36, 4° de la loi belge du 8 avril 1965, rappelle

que le fait est objectivement punissable, mais ne peut être imputé au mineur à raison deson âge.

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administrative prévues par la législation applicable aux mineurs dont la situationnécessite des mesures d’assistance ou de protection 21.

22. Très souvent, la question de la détermination du seuil d’âge minimum a été etdemeure soumise à la capacité de discernement du mineur, entendue comme« la capacité de comprendre et de vouloir » 22. L’âge du discernement, critèreessentiellement subjectif, est laissé à l’appréciation des tribunaux, le plus souventà partir d’expertises. Il arrive cependant que ce soit la loi elle-même qui déterminel’âge à partir duquel le mineur est considéré, voire simplement présumé, commesusceptible de discernement.

23. Compte tenu de la diversité des solutions adoptées par les législationsnationales, il apparaît difficile de déterminer un âge moyen permettant de situerce seuil d’âge minimum à partir duquel peut intervenir l’autorité judiciaire à raisond’un fait qualifié infraction. En effet, s’agissant d’un critère subjectif, lié audéveloppement psychologique du sujet, cet âge varie en fonction deconsidérations multiples : géographiques, physiologiques, économiques, socialesetc… Il apparaît donc difficile de fixer de façon rigide un seuil d’âge uniforme,applicable à l’ensemble des systèmes juridiques 23. Tout au plus est-il permis desouhaiter que cet âge ne soit pas trop bas, si l’on veut bien considérer lecaractère psychologiquement traumatisant que représente, pour un enfant, unecomparution devant une instance judiciaire.

24. 2) Dans un second sens, la question du seuil d’âge minimum concernel’âge à partir duquel une sanction de nature pénale peut être prononcée àl’encontre d’un mineur. La question se pose ici dans des termes différents deceux que nous venons d’examiner précédemment. D’une part, en effet, leprincipe de légalité des peines impose que ce soit la loi (au besoinconstitutionnelle) qui fixe cet âge. L’on ne saurait, en la matière, s’en remettre àl’arbitraire du juge. D’autre part, le principe d’égalité devant la loi pénale imposeque cet âge soit le même pour tous les mineurs, étant entendu qu’un tel principene fait pas obstacle à l’individualisation de la peine, en fonction de la personnalitéou du développement psychologique du mineur.

21. On citera, par exemple, les mesures applicables en France à l’égard des mineurs en

danger (art. 375 et s., C. Civ. français).

22. Cette définition est empruntée à un célèbre arrêt de la Cour de Cassation française

(Arrêt Laboube, Cass. Crim., 13 déc. 1956, Bull. Crim. n°840).

23. La question se pose dans des termes comparables à ceux que nous avons rencontrés

pour la détermination de l’âge de la majorité pénale (v. supra n°17 et s.).

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25. Sur ce point, les rapports nationaux, s’ils représentent des solutions variablesen fonction des considérations particulières ci-dessus évoquées, permettent desituer aux alentours de quatorze ans la moyenne d’âge retenue pour ce seuilminimum. La question de l’opportunité d’une part de retenir un seuil d’âgeidentique et, d’autre part, de l’inscrire dans l’une de nos recommandations,constitue certainement l’un des points essentiels des débats de la présenteSection du Congrès. Il appartient de mesurer pleinement la portée d’un tel débat,dont les aspects sont loin d’être exclusivement théoriques, voire purementsymboliques. Car, par delà l’attachement de chaque pays à un âge minimum,souvent hérité d’une tradition législative bien ancrée dans l’ensemble du systèmejuridique national, tout mouvement concernant l’abaissement ou l’élévation de cetâge entraîne des conséquences pratiques importantes en ce qui concerne lapossibilité de faire entrer de manière plus ou moins prématurée le mineur dans lesystème punitif. C’est donc toute l’économie du modèle de justice pénaleapplicable aux mineurs qui s’en trouve affectée.

26. La question connaît en effet un regain d’actualité en présence de la tendancecontemporaine signalée dans divers rapports nationaux, à la « repénalisation »du système de justice pénale applicable aux mineurs 24.

Sous l’influence des politiques criminelles répressives, inspirées par les courantssécuritaires imputant à la jeunesse l’aggravation de la délinquance dans sonensemble, l’idée est souvent répandue selon laquelle cette aggravation est due àla trop grande indulgence dont feraient preuve les tribunaux à l’égard desmineurs. Le modèle dit « de protection » est mis en accusation. L’opinionpublique réclame moins de mesures éducatives et davantage de sanctionspénales, en particulier à l’égard des mineurs proches de l’âge de la majorité.L’abaissement du seuil d’âge minimum à partir duquel une mesure répressivepeut être prononcée constitue le moyen le plus simple d’obtenir légalement un telrésultat.

Mail il y a plus ! Si, de tout temps, il a paru évident qu’en dessous du seuil d’âgeminimum, seules les mesures éducatives d’assistance ou de protection étaientsusceptibles de s’appliquer, on voit émerger l’idée selon laquelle la sanction peutrevêtir un caractère éducatif, qu’il n’y aurait pas d’éducation sans contrainte, cequi permettrait de prononcer, à raison d’un fait qualifié infraction, des mesurescoercitives à un âge très précoce.

24. V. en particulier, sur ce point, les excellents développements contenus dans le rapport

de la Belgique (F. 1 et 2).

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La loi française du 9 septembre 2002, modifiant l’article 122-8 du Code pénalconstitue à cet égard un exemple typique. L’alinéa 2 énonce désormais que « Laloi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées àl’égard des mineurs de dix à dix huit ans ». La sanction peut, le cas échéant,consister en un « placement du mineur » en cas de non respect de la sanctionéducative initialement prononcée, constituant ainsi une « sanction de lasanction » 25.

Tels sont, on le voit, les enjeux d’un nouveau modèle « éducatif-sanctionnateur »,dont l’effet indirect consisterait à abaisser indirectement mais inexorablementl’âge minimum d’application d’une sanction pénale.

C. L’élévation du seuil d’âge maximum

27. A l’opposé de la tendance inverse qui précède, on observe une tendance àreporter au-delà de l’âge de la majorité pénale la possibilité d’appliquer au sujet lalégislation spéciale applicable aux mineurs. Il existe en effet une catégorie dedélinquants, appelés « jeunes adultes » dont la personnalité révèle uneimmaturité physique et psychologique ou des carences éducatives. Lessoumettre ainsi au régime pénal applicable aux majeurs aurait à leur égard uneffet négatif et ne pourrait qu’aggraver leur situation. Le modèle de justice« protectionnel », inspiré par la doctrine de Défense sociale, a fortementcontribué à l’adoption de telles mesures, dont l’utilité n’est pas contestable.

28. Cette élévation du seuil d’âge supérieur, au-delà de la majorité pénale, voirede la majorité civile lorsque celle-ci est plus élevée, se retrouve dans la plupartdes rapports nationaux, même si les conséquences procédurales ou relatives auxmesures applicables à cette catégorie de mineurs varient d’un pays à l’autre 26.

Le seuil d’âge généralement retenu se situe, en général, autour de vingt ou vingtet un ans. A cet égard, il est permis de s’interroger sur l’opportunité d’éleverencore ce seuil d’âge maximum, par exemple jusqu’à l’âge de vingt cinq ans.

29. Une telle proposition peut paraître paradoxale, au regard de la tendance, ci-dessus constatée, en faveur d’un abaissement des seuils d’âge, tant de lamajorité pénale, que du seuil minimum de l’intervention judiciaire et del’application de sanctions. Il est à craindre que les propositions en faveur de

25. Pour une analyse critique de la notion de « sanction éducative », v. également les

développements contenus dans le rapport de la Belgique, et spécialement la note 18.

26. Ces conséquences seront examinées ultérieurement tant au niveau procédural qu’au

niveau des mesures applicables.

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l’élévation du seuil maximum ne reçoivent un accueil favorable de l’opinionpublique et du législateur, plus sensibles de nos jours aux solutions sécuritaires àl’encontre des mineurs, a fortiori lorsqu’il s’agit de jeunes adultes, de plus en plusnombreux parmi les auteurs d’infractions.

Et pourtant, il est permis de se demander si le paradoxe initialement relevé n’estpas en réalité qu’apparent. D’une part, s’il est vrai qu’on observe unrajeunissement de l’âge à partir duquel les mineurs commettent des infractionsgraves, justifiant une plus grande sévérité, cette catégorie n’est pas, fortheureusement, la plus nombreuse. D’autre part, il ne fait aucun doute que bonnombre de délinquants juvéniles, dont la délinquance est transitoire, sont enréalité des individus immatures relevant davantage de mesures éducatives quede mesures répressives. A ceux-là il faut ajouter tous ceux dont l’enracinementdans la délinquance est le résultat d’une entrée prématurée dans le systèmerépressif, ayant pour conséquence inéluctable l’aggravation de la récidive.

Ces considérations montrent tout l’intérêt que revêt à l’égard des mineurs lanécessité de procéder à des investigations relatives à leur personnalité avanttoute décision concernant le choix des mesures applicables, y compris au-delà del’âge de la majorité pénale 27, voire au moment même de la constatation judiciairede la responsabilité.

III. La constatation judiciaire de la responsabilité

30. L’examen de cette question a conduit une majorité de rapporteurs nationaux àexposer l’ensemble du fonctionnement de la justice pénale des mineurs, sonorganisation, sa compétence, l’examen de voies de recours, etc… On se garderad’envisager la question sous un angle aussi large pour se limiter aux aspectsévoqués dans le questionnaire soumis aux rapporteurs.

A. La spécialisation des juridictions pour mineurs

31. La spécialisation des juridictions pour mineurs constitue aujourd’hui unprincipe général qui ne souffre que de très rares exceptions. L’ensemble desrapports évoque, d’un point de vue historique, le cheminement législatif ayantconduit à la spécialisation progressive de la justice des mineurs. Les raresexceptions concernent des infractions de moindre gravité (par exemple enmatière d’infractions routières) ou quelques infractions très spéciales (infractionsmilitaires, infractions en matière de terrorisme, trafic de stupéfiants). La

27. V. infra n° 34 et s.

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spécialisation, toutefois, ne connaît pas partout la même forme et la mêmeimportance.

1) La spécialisation des fonctions

31. La forme la plus répandue consiste en la spécialisation de la fonction dejugement. D’une manière générale, le jugement des mineurs auteurs d’un faitqualifié infraction est confié à un magistrat spécialisé, au sein de l’ordre judiciaire.Tantôt, il s’agit d’un ou de plusieurs magistrats, spécialement désignés au sein dela juridiction, et occupant cette fonction à temps plein ou à temps partiel. Laplupart du temps, ces magistrats ont reçu une formation professionnellespécialisée, qui peut se prolonger au cours de leur carrière (formation continue),les destinant à se consacrer, de façon plus ou moins durable aux affairesconcernant les mineurs.

32. Il arrive également que la spécialisation des magistrats soit étendue à lafonction de poursuite et/ou à la fonction d’instruction, lorsque ces fonctions sontconfiées à des magistrats distincts, n’exerçant pas la fonction de jugement. Telest le cas, en particulier, des magistrats chargés de l’instruction des affaires lesplus graves (en matière criminelle), ce qui impose parfois la disjonction desfonctions, au sein d’une même affaire, lorsque celle-ci comporte à la fois desmajeurs et des mineurs. Dans ce dernier cas, on considère que l’intérêt dumineur l’emporte sur la nécessité de l’unité de la justice. La spécialisation del’ensemble des fonctions au sein de la justice des mineurs constitue en effet lemeilleur moyen de faire prévaloir dès le début de la procédure, la protection de lapersonne du mineur, l’application de règles spécifiques dès l’enquête de police.En outre, l’existence de magistrats spécialisés, ayant l’habitude de collaborer ausein d’une même juridiction, permet une meilleure coordination des mesuressusceptibles d’être prises à l’égard du mineur, notamment lorsque des servicessociaux sont susceptibles de se voir confier le mineur dès le début de l’affaire.

2) La spécialisation des juridictions

33. Il est possible de franchir un pas supplémentaire en étendant la spécialisationau-delà des seuls magistrats, à l’organisation d’un ensemble de juridictionsspécialisé chargé des affaires de mineurs. Il s’agit, dans ce cas, de fairebénéficier la justice des mineurs d’une organisation spécifique, en premièreinstance comme en appel.

Dans cette hypothèse, il est même possible d’envisager deux degrés dans laspécialisation.

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38 International Review of Penal Law (Vol. 75)

a) Le premier degré consiste à limiter la spécialisation au sein même de l’ordrejudiciaire, aux seules affaires pour lesquelles les juridictions sont saisies à raisond’un fait qualifié infraction commis par un mineur. Ce type de spécialisation asouvent pour effet de faire de la justice des mineurs une sorte de sous système,au sein d’un ordre judiciaire conçu pour la justice des majeurs. La spécialisationdes fonctions ne fait pas obstacle à ce que les mêmes magistrats exercentsimultanément ou successivement des fonctions au sein de la justice desmajeurs.

b) Le second degré consiste à étendre la spécialisation à l’ensemble des affaires,non seulement pénales mais aussi civiles, dans lesquelles la personne d’unmineur est concernée. Cette solution permet de centrer l’intervention judiciaireautour de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est entenduedans la Convention internationale des droits de l’enfant 28. C’est celle qui assurele mieux l’autonomie du droit des mineurs, fondée sur des conceptsspécifiques, indépendants des concepts élaborés pour le droit et la justice desmajeurs. C’est à ce prix que peut se forger une notion spécifique de responsa-bilité des mineurs, dont nous avons souligné la laborieuse émergence 29. C’estaussi à ce prix que l’unité de la protection de la personne du mineur peut êtreassurée, en évitant la multiplication de comparutions devant des juridictions denature différente selon la nature du contentieux.

B. La nécessité d’investigations préalables à la constatation judiciaire de laresponsabilité

34. La grande majorité des rapports nationaux fait état de l’existenced’investigations relatives à la personnalité du mineur prévues par la loi. Enrevanche, on observe une très grande diversité quant à la nature de cesinvestigations et au moment où celles-ci interviennent.

1°) La nature des investigations varie selon qu’il s’agit d’une véritable expertiseou d’investigations plus spécialisées. L’expertise est confiée par le juge à desspécialistes, choisis sur une liste de professionnels spécialement désignés à ceteffet. La mission de l’expert portera, selon les cas, sur la détermination de laresponsabilité/irresponsabilité du mineur, ou sur le point de savoir si celui-ci a agiavec discernement 30.

28. V. infra n° 48.

29. V. supra n° 15 et 16.

30. Un autre type d’expertise peut porter sur la détermination de l’âge du mineur, lorsque

cet âge ne peut être établi par des moyens de preuve appropriés.

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D’autres types d’investigations ont pour objet l’évaluation de la personnalité dumineur : examen médico-psychologique, enquête sociale, etc… Cesinvestigations sont généralement confiées à des services spécialisés, agréés parle tribunal. Elles sont de nature à éclairer la juridiction sur les mesures à prendre,à titre provisoire, dans l’attente d’un jugement susceptible d’intervenir bienlongtemps après la saisine de la justice.

La nature de ces investigations spécialisées implique que celles-ci soientconfiées à des équipes pluridisciplinaires, spécialement formées à cet effet, etcontrôlées par l’autorité judiciaire. Il importe qu’au cours de ces investigations lerespect de la personne du mineur, de ses droits, de son intimité soientrigoureusement assurés et que son défenseur y soit associé.

2°) Le moment auquel ces diverses interventions sont réalisées est extrêmementvariable selon les rapports nationaux. Certaines peuvent être effectuées à toutmoment de la procédure. D’autres sont exigées avant toute saisine au fond.

Compte tenu de la longueur de certaines investigations, il est souhaitable quecelles-ci interviennent le plus rapidement possible, afin de ne pas allonger lesdélais de jugement. Cette nécessité se trouve renforcée lorsque, dans certaineshypothèses, la loi prévoit la comparution du mineur dans des délais rapprochés.Lorsque ces délais ne permettent pas la réalisation de telles investigations, lajuridiction de jugement sera amenée à statuer dans l’ignorance des élémentsrelatifs à la personnalité du mineur. L’expérience prouve que les tribunaux ontalors tendance à faire prévaloir les mesures répressives sur les mesureséducatives. Tel est, bien souvent, l’effet recherché par les législations de typesécuritaire, soucieuses d’apporter une riposte judiciaire rapide à la délinquancedes mineurs.

C. La protection des droits des victimes

35. L’un des reproches fréquemment formulés à l’encontre des règlesprocédurales applicables aux affaires de mineur est d’assurer une protectioninsuffisante des droits des victimes. Plus encore que dans les procédures àl’égard des majeurs, la victime apparaît comme un élément de perturbation. C’estpourquoi on observe, dans les législations nationales, une certaine réticence àaccorder des droits aux victimes d’infractions commises par des mineurs.

S’il arrive que certaines législations accordent à la victime le droit de mettre enmouvement l’action publique, ce droit est en général réservé au Ministère public,la victime pouvant alors obtenir réparation tantôt par voie d’intervention, tantôt ens’adressant à la juridiction civile. Dans la mesure où la réparation dépend de la

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reconnaissance préalable de la culpabilité du mineur, la victime est parfoiscontrainte d’attendre l’achèvement d’une longue procédure pour obtenirsatisfaction.

36. Afin d’assurer une meilleure protection des victimes, divers moyens sontsusceptibles d’être mis en œuvre.

1°) Une première solution consiste à ouvrir plus largement la possibilité, pour lavictime, de se constituer partie civile dès le début de la procédure, ce qui luipermet d’être informée du déroulement de celle-ci, de faire valoir ses droits etd’établir les éléments permettant d’évaluer le montant de son préjudice. Cettesolution présente toutefois l’inconvénient de retarder jusqu’au jugement sur lefond, portant sur la responsabilité du mineur, la décision d’indemnisation.

2°) Pour remédier à cet inconvénient, il est possible de scinder la procédure endeux phases, en distinguant la phase d’établissement de la responsabilité decelle du prononcé de la sentence, selon le schéma préconisé par l’Ecole de laDéfense sociale nouvelle.

Très souvent, en effet, la première phase ne soulève pas de difficultés juridiquesmajeures et peut intervenir dans un délai relativement bref. Il peut alors êtrestatué immédiatement sur la demande de la victime. En revanche, le choix de lamesure finale (mesure éducative ou sanction) peut attendre que soient terminéesles investigations relatives à la personnalité du mineur qui nécessitent un tempsd’observation plus ou moins long.

3°) Un moyen plus radical consiste à dissocier la réparation de la poursuite enrecourant à des procédures alternatives du type médiation-réparation. Pour lesaffaires de faible importance, nombreuses en matière de délinquance juvénile, quine soulèvent pas de contestation sérieuse, il apparaît préférable de renvoyerl’affaire devant un médiateur, désigné par l’autorité de poursuite, afin derechercher un accord entre la victime, le mineur et ses parents. Outre l’intérêt queprésente un dialogue direct entre l’auteur et la victime, plus difficile à obtenir dansle cadre plus solennel d’une audience judiciaire, la réparation ainsi négociée sousl’autorité et le contrôle du médiateur peut revêtir un caractère éducatif (obligationde présenter des excuses, réparation en nature du dommage, etc…) que necomporte pas la simple réparation pécuniaire ordonnée par la décision de justice.

IV. Sanctions et mesures applicables

36. Sur ce point les rapports nationaux dressent un panorama très complet et trèsdiversifié des sanctions et mesures applicables aux mineurs. La synthèse est

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rendue difficile, en raison des grandes différences qui affectent cette partie dudroit pénal des mineurs.

D’une part, en effet, ce domaine reflète, plus que tout autre, le particularisme desdroits nationaux, plus ou moins sanctionnateurs et plus ou moins ouverts àl’existence de mesures éducatives. D’autre part, les multiples réformes ayantaffecté ce domaine, moins stable que celui des majeurs, ont contribué à créer dessystèmes complexes, dont la compréhension est souvent malaisée. Enfin, il n’estpas certain que l’examen du dispositif législatif permette de rendre compte despratiques effectives des juridictions en la matière, soumises aux aléas de lapolitique criminelle du moment, aux phénomènes de mode, voire aux variationsdes sensibilités personnelles des magistrats. Bien souvent, en matière desanctions, le droit pénal des mineurs constitue une sorte de laboratoire au seinduquel sont expérimentées des solutions susceptibles d’être étendues, le caséchéant, au domaine des majeurs.

Sans prétendre examiner, dans le cadre de ce rapport, l’ensemble des questionssoulevées, on distingue entre les mesures antérieures au jugement et celles quisuivent la décision sur le fond.

A. Les mesures antérieures au jugement

37. La privation de liberté avant jugement constitue, évidemment, une mesuregrave à l’égard d’un mineur et ne peut avoir qu’un caractère exceptionnel. Laplupart des rapports nationaux en mentionnent l’existence dans leur législationnationale. Toutefois, d’importantes différences apparaissent quant aux modalitésde son régime d’application.

1°. La première modalité concerne l’autorité ayant qualité pour l’ordonner. Danstous les cas, il s’agit d’un magistrat appartenant soit à l’autorité de poursuite, soità l’autorité d’instruction ou de jugement. Une attention particulière doit êtreapportée aux garanties qui entourent le prononcé d’une mesure aussi grave,susceptible de perturber gravement la personnalité du mineur, voire de leconduire au suicide en raison du « choc carcéral ». C’est pourquoi il importe dene prononcer cette mesure qu’à la suite d’investigations préalables et lorsque l’ons’est assuré qu’il n’y avait pas de solution alternative. Aussi, certaines législationsrendent-elles obligatoires de telles investigations, avant même toute saisine aufond. Au surplus, s’agissant d’une mesure gravement attentatoire à la liberté,l’existence d’un débat contradictoire et l’intervention d’un défenseur au momentdu prononcé de la mesure devraient toujours constituer la règle.

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2°. La seconde modalité concerne la durée de la mesure. Celle-ci varie selon lespays, certains ne mentionnant aucune durée légale. Plus souvent, la loi contientdes délais, parfois renouvelables, au-delà duquel la détention ne peut êtreprolongée. La durée varie selon la gravité de l’infraction poursuivie. Ce type dedétention constitue une « sanction déguisée », anticipant sur la sanction finale, lajuridiction de jugement se voyant contrainte de prononcer une peine de duréeéquivalente pour « couvrir » la détention déjà effectuée.

3°. La troisième modalité concerne le lieu dans lequel est accomplie la détentionavant jugement. S’il est précisé, comme cela apparaît évidemment souhaitable,que celle-ci doit être exécutée dans des établissements distincts de ceux où sontdétenus des majeurs, la réalité est parfois bien différente. La promiscuité peutaller jusqu’à l’enfermement en commun avec des majeurs. Qu’il soit permis àvotre rapporteur de suggérer que cette solution, souvent justifiée par lasurpopulation carcérale, soit fermement condamnée dans nos résolutions finales.

Il arrive, heureusement, que la détention soit exercée dans des établissementsdistincts, réservés aux mineurs et bénéficiant d’un personnel spécialisé. Ladétention peut être accompagnée, dans ce cas, de mesures éducatives quipermettent d’anticiper sur la mise en œuvre d’un traitement, avant même ladécision définitive. Pour souhaitable qu’elle soit, cette solution se heurte souventà la réticence des services éducatifs qui considèrent comme incompatiblel’exercice de mesures éducatives dans un cadre aussi contraignant.

38. En raison des graves inconvénients que présente la détention avantjugement, il arrive que la loi édicte des mesures alternatives, telles que leplacement placement dans une institution spécialisée, dite « ouverte », au sein delaquelle le mineur est soumis à un traitement éducatif, et au cours duquelpourront être accomplies les investigations ordonnées par le juge.

D’autres mesures moins contraignantes peuvent être ordonnées. Ce sera, parexemple, la remise à un agent de probation, qui accompagnera le mineur, et, aubesoin, sa famille pendant la durée de la procédure, au prononcé de différentesobligations : ne pas fréquenter certains lieux, se soumettre à un traitementmédical ou une cure de désintoxication en cas d’usage de stupéfiants, suivre uneformation professionnelle, etc…

Là encore, le prononcé de ces mesures doit être entouré de garantiesprocédurales et de l’assistance d’un défenseur.

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B. Les sanctions et mesures prononcées après jugement sur le fond

1) Les conditions communes

39. Une fois intervenue la décision sur la responsabilité (ou l’irresponsabilité) dumineur dans les conditions ci-dessus examinées 31, il incombe à la juridiction destatuer sur la sanction ou sur les autres types de mesures applicables. Avantmême d’examiner les unes et les autres, il importe de rappeler diversesconditions communes qui doivent entourer leur prononcé.

40. Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler une fois encore la nécessité derespecter rigoureusement en la matière, au même titre que pour les majeurs, leprincipe de légalité, non seulement pour la détermination de l’existence du « faitqualifié infraction », condition préalable nécessaire à la décision sur laresponsabilité, mais encore le principe de légalité des sanctions et des autresmesures applicables. Le choix de la nature de celles-ci ne peut être laissé àl’appréciation personnelle du juge. Il en va de même de la légalité du jugement.Celui-ci doit intervenir dans les formes et dans le respect des droits du mineur, desa famille et, le cas échéant, de la ou des victimes. Nullum crimen, nulla poena,nullum judicium sine lege demeurent des principes cardinaux qui doivents’appliquer sans exception à la justice des mineurs.

41. A ce stade de la procédure, il faut une fois de plus rappeler la nécessité defaire précéder le prononcé de toute décision sur le fond, des investigationssusceptibles d’éclairer la juridiction sur la personnalité du mineur, de manière àpouvoir évaluer correctement les conséquences de la décision prise quant à lapeine ou les mesures éducatives. Ces investigations devront être d’autant plusapprofondies que la sanction encourue est grave. Pour les mesures éducatives,l’avis d’un service éducatif compétent devrait être obligatoire, le juge conservant,comme il se doit, sa liberté de décision.

42. Déjà mentionnée à plusieurs reprises, à propos de tel ou tel moment de laprocédure, la nécessité d’un débat contradictoire est à l’évidence tout autantnécessaire au moment du prononcé de la peine, mais également du prononcé detoute autre mesure contraignante ou revêtant un caractère éducatif. Seul undébat de cette nature est susceptible d’assurer la prise en considération del’intérêt du mineur, qui doit demeurer l’objectif final de la décision.

La présence d’un défenseur constitue une garantie essentielle du respect duprincipe contradictoire. Sa présence ne saurait être considérée comme superflue,

31. V. supra n° 30 et s.

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au motif que les magistrats professionnels, informés de l’ensemble du dossier etéclairés par les investigations ordonnées, seraient les meilleurs juges de cetintérêt. De même, l’idée souvent répandue selon laquelle la législation s’inspirantdavantage du souci de protéger le mineur que de le punir, l’assistance d’undéfenseur serait superflue. Bien au contraire, la participation de l’avocat au débatcontradictoire, pour collaborer au choix de la mesure, ou faire bénéficier lajuridiction de ses informations et « faire entendre la voix de l’enfant » constitue unélément indispensable à la qualité de la justice des mineurs 32.

Aussi, compte tenu du particularisme de cette branche du droit et de la spécificitédes connaissances qu’elle exige, il est souhaitable de promouvoir un corps dedéfenseurs spécialisés, au même titre que le sont les magistrats amenés àintervenir dans ce type d’affaires.

Bien entendu, si le mineur ou sa famille doivent avoir le libre choix de leurdéfenseur, la loi doit prévoir la possibilité d’en désigner un d’office lorsque cechoix n’a pas été ou n’a pu être exercé. Elle doit également prévoir, si nécessaire,les moyens d’y pourvoir lorsque la situation économique du mineur ou de safamille ne le permet pas.

2) Les sanctions pénales

a) La peine privative de liberté

43. Si la plupart des législations prévoient la possibilité de prononcer de tellespeines, celles-ci ne doivent avoir qu’un caractère exceptionnel. Par delà laréaffirmation indispensable de ce principe, il apparaît nécessaire d’en entourer leprononcé de conditions rigoureuses. Outre les conditions communes ci-dessusexaminées 33, certaines, plus spécifiques à ce type de sanctions, doivent êtreévoquées.

S’agissant de la durée de la privation de liberté, il importe de rappelervigoureusement l’interdiction de la peine perpétuelle, même si celle-ci n’a, dans lalégislation, qu’un caractère théorique. Lorsqu’il s’agit d’une peine à duréedéterminée, la durée de celle-ci doit être soigneusement limitée par la loi, et lejuge doit en indiquer le terme dans sa décision. Comme pour la privation deliberté avant jugement, elle doit être exécutée dans un établissement spécialisé et

32. Il peut apparaître parfois nécessaire que ce défenseur soit différent de celui choisi par

les parents, lorsqu’il existe un conflit d’intérêt entre ceux-ci et le mineur.

33. V. supra n° 39 et s.

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être accompagnée d’une intervention éducative. Son régime doit tendre à laresocialisation du mineur, en évitant toute contrainte ou vexation inutile.

Enfin, l’âge à partir duquel la privation de liberté peut être prononcée, à titre desanction comme à titre provisoire avant jugement 34 devrait figurer dans la loi. Ils’agit là d’un seuil d’âge distinct de ceux dont il a été discuté plus haut à proposde la fixation de l’âge de la majorité ou du seuil minimum de l’interventionjudiciaire 35. En effet, nous avons souligné la nécessité de dissocier ces seuils decelui à partir duquel une sanction pénale peut être prononcée, afin d’éviter l’effetpervers que pourrait entraîner l’abaissement de l’un quelconque de ces seuils.S’agissant de la privation de liberté, celle-ci ne devrait, semble-t-il, interveniravant l’âge minimum de seize ans, et pour autant que les investigationspréalables ordonnées par le juge soient compatibles avec une telle décision.

b) La prohibition de la peine capitale

44. Si quelques législations, heureusement rares, prévoient la possibilité d’unetelle peine, parfois dès l’âge de seize ans, l’ensemble des rapporteurs formulent,plus ou moins explicitement, leur opposition à une sanction aussi grave. Sansqu’il soit besoin de s’attarder longuement sur les raisons d’un tel rejet, votrerapporteur entend souligner la nécessité de rappeler de la manière la plus fermedans les résolutions finales, l’interdiction d’un tel châtiment, et ceciindépendamment de l’âge du condamné. On comprendrait mal comment,l’Association Internationale de Droit Pénal, dont les résolutions des Congrèspassés ont manifesté à plusieurs reprises la condamnation des traitementscruels, inhumains et dégradants pourrait ne pas étendre cette condamnation à lapeine de mort, a fortiori lorsque cette peine est susceptible d’être prononcée àl’encontre d’un mineur.

3) Les sanctions alternatives

45. Dans les mêmes conditions, et pour les mêmes raisons que cellesenvisagées comme moyen d’éviter la détention avant jugement 36, des mesuresalternatives à la privation de liberté prononcée à titre de peine sont prévues parcertaines législations. Elles sont, le plus souvent, de même nature que celles-ci etn’ont alors pour effet que de les prolonger au-delà du jugement, voire d’en

34. V. supra n° 37 et s.

35. V. supra n° 17 et s.

36. V. supra n° 38.

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modifier le contenu en fonction des résultats observés au cours de la phased’observation.

L’intérêt du mineur constitue, certes, la raison primordiale de leur prescription.Mais, là encore, l’intérêt des victimes doit être pris en considération. Il conviendraalors de privilégier, parmi ces mesures, celles qui sont susceptibles d’apporter àla victime la meilleure réparation, au sens plein du terme, c’est à dire à la fois surle plan matériel, mais aussi sur le plan moral.

De telles mesures sont alors très proches des mesures éducatives, ets’apparentent, plus ou moins, avec les « sanctions éducatives » dont il a été déjàquestion 37.

4) Les mesures éducatives

46. Sous ce terme générique, on rangera toutes les mesures susceptibles d’êtreprononcées après décision sur la « responsabilité du mineur », et, d’une manièregénérale, après reconnaissance de sa qualité d’auteur du « fait qualifiéinfraction ». Sans entrer dans la liste de ces mesures, au contenu varié enfonction de la spécificité des législations nationales et du modèle de justiceauxquelles celles-ci se réfèrent, plusieurs problèmes se posent.

1°) Certains modèles appliquent la voie alternative : soit la voie de la sanction,soit la voie de la mesure éducative, le choix entre l’une ou l’autre de ces voiesreposant sur les conclusions tirées des investigations préalables relatives à lapersonnalité du mineur. Ce modèle a la préférence des milieux éducatifs, quisoulignent l’incompatibilité entre éducation et contrainte.

2°) D’autres modèles, plus rares, ne font pas obstacle à la voie cumulative.Sanctions et mesures éducatives peuvent alors faire l’objet d’une applicationsimultanée ou successive. On rappellera que sous l’influence des tendancesfavorables à la « repénalisation » du droit des mineurs, certains pays jusqu’alorsfavorables à la prévalence des mesures éducatives, s’orientent vers le choix de« sanctions éducatives », au point de substituer au modèle alternatif un modèleque l’on pourrait qualifier de « mixte ». Seul un examen attentif du contenuconcret de ce type de « sanction », de ses modalités d’exécution, du degré decontrainte qu’elle comporte, permet de dire s’il s’agit véritablement d’une peine oud’une mesure éducative.

37. V. supra n° 26.

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3°) Une attention particulière doit être accordée aux conditions dans lesquellesest ordonnée la mesure éducative. Si son prononcé doit, dans tous les cas, êtreréservé à une autorité judiciaire (de jugement), il faut être attentif au plus oumoins grand degré de liberté laissé par le juge quant au contenu et à l’exécutionde la mesure.

Il faut rappeler avec force que le prononcé d’une telle mesure, dont le contenuentraîne à l’égard de la personnalité du mineur, de sa liberté personnelle, de sonintimité, etc…, et des droits de ses parents des conséquences importantes, doitêtre entouré des garanties procédurales identiques à celles qui entourent leprononcé d’une sanction 38. Il faut, bien entendu, se référer également à ce qui aété débattu au sujet de l’âge minimum et maximum du prononcé et de la durée deces mesures.

4°) Comme pour la peine privative de liberté, l’exécution de la mesure éducative,les modifications qu’il convient d’y apporter, et toute décision relative à son terme,doivent être confiées à un magistrat. A cet effet, la préférence doit être confiée àcelui qui a prononcé la mesure. Si cette dernière est exécutée en un lieu situéhors de sa compétence territoriale (ratione loci), il est souhaitable que le jugeterritorialement compétent soit un juge spécialisé dans les affaires de mineurs.

IV. Aspects internationaux

47. Le questionnaire soumis aux rapporteurs nationaux accorde à ces aspectsune place importante, conformément à l’intérêt que l’Association Internationale deDroit Pénal porte à ces questions. D’autre part, la place de plus en plusimportante prise par les questions relatives à l’enfance en droit international, etl’incidence que les dispositions en la matière sont susceptibles d’exercer en droitinterne ont semblé mériter une attention particulière.

Il faut bien reconnaître que ces aspects n’ont pas toujours trouvé dans bonnombre de rapports nationaux l’intérêt attendu. Il est permis de penser quel’importance des questions précédentes, examinées au regard du droit interne, apu contribuer à conférer aux aspects internationaux un caractère subsidiaire.Votre rapporteur s’est vu contraint d’en tirer les conséquences. Les débatspermettront de dire si le diagnostic peut être confirmé.

48. Afin de mesurer l’influence des textes et documents internationaux en droitinterne, il aurait été souhaitable de disposer d’un inventaire aussi complet que

38. On se référera, par conséquent, aux conditions énoncées supra n° 34 et s.,

spécialement le n° 42.

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48 International Review of Penal Law (Vol. 75)

possible de ceux-ci. Par delà la référence aux traités et conventions à vocationuniverselle, les instruments à vocation régionale auraient pu faire l’objet d’unexamen plus approfondi.

1°) Outre l’application quasi générale de la Convention des Nations Unies sur lesdroits civils et politiques et de ses protocoles, une place éminente doit être faite àla Convention Internationale des Droits de l’Enfant 39, qui avait été précédée parl’adoption des Règles minima pour l’administration de la justice des mineurs, dites« Règles de Beijing » 40. La principale question soulevée par les rapportsnationaux concerne la question de savoir si les règles édictées par cetteConvention sont d’application directe en droit interne ou si elles ne peuvents’appliquer qu’après transposition en droit interne. A cet égard, les réponses sontvariées et n’ont pas toujours été tranchées de façon claire et définitive par lestribunaux. Bien souvent, la réponse à cette question dépend de l’autorité que laConstitution accorde aux Traités internationaux par rapport à la loi interne.

2°) Le Traité de Rome instituant de Cour Pénale Internationale (CPI) fixe, dansson article 26, à dix huit ans l’âge à partir duquel la Cour est compétente. On sefélicitera de la fixation de cet âge à un niveau aussi élevé, sachant qu’il n’est pasrare que des mineurs d’un âge inférieur soient engagés ou enrôlés de force dansdes conflits armés. En vertu du principe de subsidiarité, c’est donc aux juridictionsnationales qu’il incombera de juger, le cas échéant, de tels mineurs.

3°) Les instruments régionaux revêtent en la matière une grande importance. Ilen est ainsi spécialement en Europe. Les rapporteurs de cette région signalenttous l’importance que joue la Convention européenne de sauvegarde des droitsde l’Homme sur la jurisprudence des juridictions pour mineurs, en étendant àcelles-ci les garanties qu’elle édicte. L’intérêt de ces dispositions est d’êtreconsidérées comme d’application directe. Il n’en est pas de même d’autrestextes, tels la Charte européenne des Droits de l’enfant et des résolutionsdiverses dont l’intérêt consiste essentiellement à inviter les Etats à mettre leurlégislation en conformité avec les prescriptions qu’elles édictent. A cet égard, ilest certain que la mise en œuvre de ces instruments internationaux doit êtrevivement encouragée, dans la mesure où leur influence sur l’évolution deslégislations internes permet d’élever les standards de protection des droits desmineurs. La référence à la notion d’intérêt supérieur de l’enfant en tant quecritère d’application des règles édictées est de nature à favoriser l’autonomie du

39. Convention de New York adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 20

nov. 1989.

40. Résolution 40/33, Assemblée Générale des Nations Unies, 29 nov. 1985.

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droit des mineurs, fondée sur la reconnaissance de la vulnérabilité et le besoin deprotection de cette catégorie de justiciables.

49. Parmi les mineurs les plus vulnérables, une attention particulière doit êtreportée aux mineurs étrangers. Sous l’effet de la mondialisation, del’accroissement des migrations de population, du développement de la traite desêtres humains, cette catégorie de mineurs se retrouve en nombre croissant parmiles mineurs délinquants. Les mineurs auteurs sont aussi, bien souvent, desmineurs victimes. Livrés au vagabondage, à la mendicité, à la prostitution ; initiésau chapardage, à l’usage et au trafic de stupéfiants, ils sont perçus bien souventcomme des facteurs majeurs du sentiment d’insécurité et se trouvent ainsiexposés aux rigueurs des politiques criminelles sécuritaires. L’expérience prouvequ’ils font l’objet d’une plus grande sévérité de la part des tribunaux.

En présence d’une telle situation, il importe de rappeler avec fermeté au respectdes dispositions du droit humanitaire, en énonçant clairement que les mineursétrangers doivent bénéficier des mêmes garanties que celles reconnues auxmineurs nationaux. Il doit en être ainsi, spécialement, dans la mise en œuvre desinstruments de coopération internationale. Le critère du respect de l’intérêtsupérieur de l’enfant doit, ici encore, être scrupuleusement respecté. En matièred’extradition notamment, le respect du droit à une vie familiale imposed’empêcher que le mineur soit séparé de sa famille.

Conclusion

50. Comme nous l’avons signalé initialement, la complexité des problèmessoulevés par la question de la responsabilité pénale des mineurs, tant dansl’ordre interne que dans l’ordre international, rend la synthèse difficile. En raisondes particularismes nationaux, des traditions culturelles différentes et d’une plusou moins grande sensibilité des législations à ces problèmes, les modèleslégislatifs et les systèmes de justice manquent d’homogénéité. En dépit de lagrande qualité des rapports nationaux, votre rapporteur a le sentiment de n’avoirpu rendre compte, avec la fidélité qu’il aurait souhaitée, des spécificités, desnuances et des richesses que ceux-ci contiennent.

De même, le petit nombre ou l’absence de réponses sur certains aspects duquestionnaire ont conduit à ne mettre l’accent que sur les questions d’intérêtcommun. Souhaitons seulement que notre travail, en dépit de ses insuffisances etde ses imperfections, constitue un point de départ suffisant pour animer lesdiscussions et conduire à des résolutions bénéfiques pour la justice des mineurs..

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ALGÉRIE

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURSDANS L’ORDRE INTERNE ET INTERNATIONAL

Ramdane ZERGUINE˚*

Il est rare d’aborder la responsabilité pénale des mineurs, car en général, lasituation du mineur est plutôt celle de la victime, ce qui justifie la mise en œuvrede systèmes de prévention et de protection des mineurs délinquants ou endanger, dans la plupart des pays.Cependant, l’évolution récente, dans le sens d’une aggravation de la délinquancejuvénile, observée dans beaucoup de pays, ainsi que l’entrée de plus en plusprécoce dans la délinquance de jeunes dont l’âge ne dépasse pas treize ans,tend à remettre en cause, dans l’opinion publique, le principe de l’irresponsabilitédes jeunes mineurs consacrée dans la majorité des pays.

Parallèlement, et sur le plan international, le mineur fait l’objet d’une meilleureattention et bénéficie d’un renforcement de la protection, notamment dans lecadre de la Convention des Nations Unies de 1989 sur les droits de l’enfant (art.37 et 40 qui consacrent plusieurs principes, dont celui du seuil d’âged’irresponsabilité) ainsi que celui des droits de la défense reconnus au mineurlorsqu’il est accusé, poursuivi ou traduit en Justice.La Convention de 1989 consacre également le principe de la responsabilitépénale des mineurs en permettant sa mise en cause en justice lorsqu’il commetune infraction.

Il convient de remarquer que la responsabilité des mineurs se pose en termesnouveaux et appelle une approche renouvelée en raison, principalement, deslimites pour ne pas dire de l’échec, des systèmes de prévention et de protectionqui se sont avérés insuffisants pour faire face aux situations liées aux nouvellesformes de délinquance (actes de violence gratuite, incendies volontaires, bandesorganisées, etc…) et à l’aggravation de cette délinquance qui nécessite unemeilleure prise en charge aussi bien dans l’ordre interne qu’au plan international.

* Professeur, Faculté de Droit, Université de Batna (Algérie).

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A. Dans l’ordre interne

I. Le principe de l’irresponsabilité du mineur

A l’instar de la plupart des législations des pays européens, le droit algérien, quis’inspire largement du droit français, ne retient la responsabilité pénale desmineurs qu’à titre exceptionnel, faisant de l’irresponsabilité du mineur le principede base, et cela par référence à l’absence présumée de raison et dediscernement chez le mineur 1.

Le droit algérien, contrairement au droit français, distingue trois situations enfonction de l’âge du mineur dont la responsabilité dépend directement de cesseuils.

1. Le mineur de treize ans

Jusqu’à l’âge de treize ans le mineur est présumé irresponsable et cetteprésomption est irréfragable parce que l’on considère qu’il n’a pas atteint l’âge deraison, lequel n’est pas fixé par la loi 2 (l’art. 42 du C. Civ. concerne l’âge dediscernement fixé à seize ans ; par conséquent, le mineur de treize ans n’est paspassible d’une sanction pénale, dans ce cas, il s’agit d’une irresponsabilitéabsolue et le mineur ne peut comparaître devant le tribunal, ni faire l’objet d’unepeine quelconque mais le Juge des mineurs peut prendre des mesureséducatives à son égard, notamment remise aux parents, à une personne habilité(placement dans un centre) sous le régime de la liberté surveillée, le cas échéant(suivi éducatif).

Cette irresponsabilité ne semble pas pour autant exclure toute mise en cause dumineur, notamment par la partie civile ; ce sont les parents ou le répondant(tuteur) du mineur qui supporteront la responsabilité civile du fait du mineur (art.135 C. Civ.). L’action est dirigée contre le mineur représenté par son répondant(art. 146 CPP 3), toutefois le mineur est obligé de réparer, même en l’absence dediscernement, s’il a un patrimoine et que la victime ne peut obtenir réparation durépondant (art. 125 C. Civ.).A propos de ce cas, il faut signaler l’utilisation parfois abusive de l’article 330/3

1. La notion de raison diffère de celle de discernement (la première est limitée à l’âge de

10/13 ans, tandis que la seconde concerne le mineur de 13/16 ans).

2. Ordonnance du 26 sept. 1975 portant Code Civil.

3. Code de procédure pénale, Ordonnance du 8 juin 1966.

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Code pénal 4 par les parquets qui peut aboutir, en pratique à une responsabilitépénale des parents du fait de leurs enfants mineurs.

2. Le mineur de treize à seize ans

Il est en principe soumis au même régime que le mineur de treize ans parce quel’âge de raison, par analogie avec le discernement, est fixé à seize ans commeindiqué ci-dessus, mais en raison de la divergence entre le Code Civil et le CodePénal sur ce point, le mineur de treize à seize ans peut être soumis à des peinesatténuées, en bénéficiant de l’excuse de minorité (art. 445 C. P.P.) 5. L’absencede discernement est en principe limitée au domaine civil (à noter qu’il y aégalement divergence entre la majorité civile fixée à dix-neuf ans, art. 40 C.C.iv.)et la majorité pénale fixée à dix-huit ans (art. 442 C. P.).La loi laisse au juge une option entre sanction éducative (le principe) ou un peineatténuée (exception). Le choix se fera en fonction du dossier psycho-social dumineur, de sa personnalité, de ses antécédents, de la gravité de l’acte et dupréjudice causé par l’infraction. Cette solution, en apparence plus souple et mieuxadaptée, semble discutable, en raison de la finalité différente des deux typesd’intervention, éducatif et répressif (d’ailleurs, le cumul est rare en pratique). Deplus, le droit algérien ne prévoit pas le recours aux sanctions alternatives, commele droit français, notamment les T.U.C. 6, la privation de certains droits, laréparation du préjudice etc…

3. Le mineur de seize à dix-huit ans

Le mineur de seize à dix-huit ans est soumis au même régime que le mineur detreize à seize ans, c’est à dire qu’il encourt une responsabilité pénale atténuée.Cependant, certains mineurs de seize à dix-huit ans qui sont réfractaires auxmesures éducatives ou récidivistes, et qui ont déjà fait l’objet d’une mesure derééducation sans résultat, peuvent être condamnés par le tribunal des mineurs àune peine de prison, jusqu’à leur majorité (19 ans), par une décisionspécialement motivée (art. 486 Code pénal). Dans ce cas, il y a substitution d’unepeine à une mesure éducative comme il peut y avoir recours aux deux, mais ce

4. Code pénal, Ordonnance du 2 juin 1966 : « sont passibles de deux mois à un an

d’emprisonnement les pères et mères qui par un manque de direction nécessaire,compromettent gravement soit la santé, soit la sécurité, soit la moralité de leursenfants… ».

5. Le mineur bénéficie de l’excuse légale de minorité et encourt, en général, une peine

réduite de moitié (art. 50 C.P.). Il s’agit le plus souvent de peines assorties du sursis, ou desanctions éducatives, ce qui est conforme aux règles de Beijing.

6. Travaux d’utilité collective, et même privée, qui se sont avérés utiles et efficaces.

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cumul est très rare. Cette solution est réservée aux marginaux à l’égard desquelsla méthode éducative s’est avérée inopérante.

Il convient de relever que le droit algérien, contrairement au droit français, netraite pas spécialement du jeune majeur délinquant dont l’âge se situe entre dix-huit et dix-neuf ans, considéré comme majeur au regard de la loi pénale, lamajorité pénale étant fixée à dix-huit ans par référence à l’âge du mineur aumoment des faits. Par contre, dans le cadre de la protection des jeunes endanger 7, le jeune majeur est pris en charge jusqu’à l’âge de vingt et un ans.

Quoi qu’il en soit, les seuils d’âge de la responsabilité pénale varient d’un pays àun autre, et cette différence ne manque pas de soulever certaines difficultés auplan international et il en est de même dans la détermination de la majorité et dela minorité pénale fixée de façon arbitraire. Ainsi, si la plupart des payseuropéens fixent la majorité pénale à dix-huit ans, il n’en est pas de même pour laminorité pénale, qui varie de 10 ans en Grande Bretagne à 14 ans en Allemage,et 12 ans en Grèce. D’où la nécessité d’une harmonisation en ce domaine.

Si la responsabilité pénale du mineur est traitée en général en fonction de l’âge,elle dépend également dans une large mesure de la personnalité. Ces critères,quoique essentiels, se sont avérés insuffisants et il convient à notre sensd’objectiviser de plus en plus cette responsabilité en prenant en considération lagravité et les circonstances de l’acte, ainsi que l’importance du préjudice qui enrésulte. Le droit en vigueur ne tient pas suffisamment compte de ces aspects quidevraient être inclus dans la réforme des textes, comme fondement de la mise enœuvre de la responsabilité du mineur qui doit s’adapter aux changementsculturels et sociaux. A cet égard, il convient de relever la maturité précoce desjeunes mineurs, qui acquièrent, dès leur jeune âge (10/13 ans) descomportements et des conduites délinquantes inadaptées à leur étatpsychologique, notamment et des conduites délinquantes inadaptées à leur étatphysiologique, notamment, en matière de délits de groupe 8 ou de délits sexuelsencouragés par un sentiment d’impunité, parce que cette tranche d’âge échappeaux sanctions pénales. Cet élément mérite d’être pris en considération pour uneadaptation de la responsabilité pénale du mineur mieux pondérée à traversl’examen de personnalité pour éviter que l’irresponsabilité ne soit synonymed’impunité, que réprouve la réaction sociale excédée par l’aggravation de ladélinquance des jeunes.

7. Ordonnance n° 72/3 du 10 fév. 1972 qui s’inspire de l’Ordonnance française du 23 déc.

1958 modifiée par la loi du 4 juin 1970 concernant l’enfance en danger.

8. Ordonnance n°72/3 du 10/2/72 qui s’inspire de l’Ordonnance Française du 23/12/58

modifiée par la loi du 4/6/70, concernant l’enfance en danger.

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En définitive, il est admis que le mineur délinquant doit supporter une certaineresponsabilité pénale en tant qu’acteur social parce qu’il s’agit d’un sujet doué dulibre arbitre et parce que cette responsabilité a un rôle pédagogique certain dansla socialisation du mineur.Cependant, la mise en œuvre de cette responsabilité soulève de nombreusesdifficultés d’application liées spécialement à l’insuffisance de moyens humains etmatériels et les solutions consacrées varient dans le temps et dans l’espace. Ildemeure que la responsabilité pénale des mineurs présente un fonds commun àla majorité des pays européens, dont le législateur algérien s’est largementinspiré à travers la reprise de l’Ordonnance française du 2 février 1945 qu’il aintégrée dans le Code pénal (art. 442 à 495) en lui apportant certainesmodifications et qui est relative au statut du mineur délinquant, tandis que leCode pénal traite de la punissabilité du mineur (art. 49 à 51) c’est à dire,indirectement, de la responsabilité pénale du mineur. Par conséquent, il n’y a pasde texte spécifique à la responsabilité pénale stricto sensu. Il faut égalementmentionner le Code pénitentiaire 9 dont les articles 124 à 142 traitent de laréadaptation des mineurs condamnés à des peines d’emprisonnement.Pour la mise en œuvre de cette responsabilité, le droit algérien, à l’instar desautres législations, a prévu une procédure et une compétence spéciales auxmineurs délinquants.

II. La mise en œuvre de la responsabilité pénale des mineurs 10

1. La compétence

Outre l’excuse de minorité, le mineur bénéficie du privilège de juridiction, puisqu’ilest passible de juridictions spéciales qui sont le juge des mineurs, le tribunal desmineurs et la chambre spéciale au niveau de la Cour. Il y a en outre, au niveau dechaque tribunal, des juges d’instructions chargés spécialement des affaires desmineurs.

a) Le juge des mineurs

Auprès de chaque tribunal, il y a un ou plusieurs juges des mineurs. Il est désignépar arrêté du Ministre de la Justice pour une période de trois ans dans les chefslieux de Cour et par ordonnance du Président du tribunal, dans les autres

9. Ordonnance 72/2 du 10/2/72 portant Code pénitentiaire.

10. Voir notre article : « Aspects fondamentaux de la protection judiciaire des mineurs en

Algérie », Revue Algérienne des Sciences Juridiques, 1985, n°1.

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tribunaux. Le juge des mineurs jouit de la plénitude de compétence, selon leprincipe de la « concentration verticale ». Il peut ordonner un certain nombre demesures, notamment enquête, examen, décider d’un placement provisoire dumineur ou toute autre mesure qu’il estime nécessaire et cela par voied’ordonnance.Il peut jouer le rôle de juge d’instruction en matière de délits. Il préside le tribunaldes mineurs. En plus de ses compétences juridictionnelles, il exerce desattributions administratives, notamment nomination de délégués, présidence ducomité de rééducation auprès des établissements, etc… Il peut prononcer descondamnations à des amendes civiles de 100 à 500 dinars contre les parents, letuteur, gardien, en cas d’entrave à la mission du délégué à la liberté surveillée.Par ailleurs, il a une compétence exclusive à l’égard des mineurs en danger.Le juge des mineurs, dont la formation, la spécialisation et parfois la stabilité nesont pas assurées correctement, ne joue pas toujours pleinement son rôle ; celaest dû également aux difficultés de tous ordres qu’il rencontre dans l’exercice deses fonctions.

b) Le tribunal des mineurs

L’organisations judiciaire algérienne consacre le principe de l’unité de juridictionau niveau du tribunal. Il existe une « section » qui constitue le tribunal desmineurs et qui se compose du juge des mineurs président et de deux assesseurschoisis en raison de leur compétence, parmi les personnes qui manifestent del’intérêt aux questions de l’enfance (éducateurs, enseignants, agents du culte,etc…)Le tribunal est compétent pour juger les crimes et délits commis par les mineurs.Cependant, seul le tribunal siégeant au chef lieu de la cour est compétent pourjuger les crimes et délits commis par les mineurs. Toutefois, seul le tribunalsiégeant au chef lieu de la cour est compétent en matière de crimes.Le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de l’infraction, du lieu derésidence du mineur.Le tribunal des mineurs constitue la juridiction de droit commun à l’égard dumineur. Il est seul compétent pour statuer sur les mesures éducatives, placementou pour prononcer des pénalités ou accorder le régime de la liberté surveillée.Ses décisions sont soumises aux différentes voies de recours, notammentl’opposition et l’appel.

c) La chambre des mineurs

Au niveau de chaque cour, il existe une chambre des mineurs composée deconseillers, délégués à la protection des mineurs, désignés par arrêté du Ministrede la justice.

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La chambre est compétente pour statuer sur tous les appels formés contre lesordonnances du juge des mineurs et contre les jugements du tribunal desmineurs. Le conseiller délégué (président de la chambre) dispose des pouvoirsattribués au juge des mineurs par la loi : mesures provisoires, examen depersonnalité, choix du conseil.Les arrêts de la chambre des mineurs sont susceptibles de pourvoi en cassationdevant la Cour suprême.

2. La procédure

Il ne s’agit pas d’étudier la procédure dans le détail mais seulement de faireressortir des éléments caractéristiques à travers les principales phases,déclenchement de l’action publique, enquête préalable, jugement.

a) Le déclenchement de l’action publique

- Le rôle du parquet Pour la poursuite des infractions commises par le mineur, l’action publique estdéclenchée par le parquet (procureur de la république près le tribunal). Leparquet peut classer l’affaire pour divers motifs. La victime peut égalementdéclencher l’action publique en se constituant partie civile. La constitution departie civile peut intervenir devant le juge des mineurs, le tribunal des mineurs, oule juge d’instruction selon le cas. Elle est dirigée contre les mineurs avec mise encause de son représentant légal. Le dossier est transmis selon le cas au juge desmineurs (contraventions, délits) ou au juge d’instruction (certains délits, crimes).Le procureur donne son avis sur toutes les affaires des mineurs, soit surréquisition soit à l’audience du tribunal.

- Le rôle du juge des mineursEn cas de délits, le juge des mineurs est saisi du dossier par le procureur de larépublique. Il doit procéder à une enquête préalable, si c’est nécessaire, soit parvoie officieuse, soit dans les formes légales (instruction). Il peut recueillir tous lesrenseignements nécessaires (enquête sociale, examens médicaux, antécédents,situation, comportement, relatifs au mineur).Il peut ordonner toute mesure provisoire à l’égard du mineur : placement, miseen observation, liberté surveillée ou même détention provisoire.Il doit aviser des poursuites les parents ou le représentant légal du mineur, fairedésigner le cas échéant un défenseur.Lorsque la procédure est complète, le juge des mineurs communique le dossierau procureur de la république qui doit lui adresser son réquisitoire dans les dixjours. Si le juge des mineurs estime qu’il n’y a pas infraction ou que les chargesne sont pas suffisantes, il rend une ordonnance de non lieu. Si les faits

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constituent un délit ou une contravention, il rend une ordonnance de renvoidevant la juridiction compétente (tribunal des mineurs).

- Le rôle du juge d’instructionEn cas de crime, l’instruction est obligatoire. Elle est confiée au juge d’instructionspécialisé qui procèdera selon le droit commun. Dans ce cas, le juge d’instructionexercera également certaines attributions du juge des mineurs, notamment enmatière de mesures provisoires et d’enquête sociale, examen de personnalité,etc…L’instruction terminée, le juge d’instruction, sur réquisition du parquet, rend selonle cas, une ordonnance de non lieu ou de renvoi devant le tribunal des mineurscompétent. Quand l’affaire met en cause des majeurs co-auteurs ou complices, lecas du mineur est disjoint.

b ) L’enquête préalable

L’article 453 C.Code pénal traite de l’enquête qui doit être effectuée soit par lejuge des mineurs soit par le juge d’instruction en précisant ces différentescomposantes.Il s’agit d’une part d’une véritable instruction pour parvenir à la manifestation de lavérité. Il s’y ajoute ensuite une enquête sociale sur la situation matérielle etmorale de la famille – et celle du mineur – conditions de vie, comportement,antécédents. Le dossier comporte un examen médical et psychologique, assortiou non de mesures d’observation. Enfin, un examen de personnalité pourdéterminer les moyens propres à assurer la rééducation du mineur. Le textesusvisé précise que le juge peut, dans l’intérêt du mineur, n’ordonner aucune deces mesures ou ne prescrire que l’une d’entre elles. Dans ce cas, il doit rendreune ordonnance motivée. On déduit que l’enquête est obligatoire mais qu’ellepeut être écartée à titre exceptionnel.Malheureusement, dans la réalité, cette enquête n’est pas toujours effectuée oubien elle est faite de façon sommaire et ne comporte pas tous les élémentsnécessaires, sauf lorsque le mineur est placé dans un service d’observation.Dans le cadre de l’enquête préalable, le juge des mineurs/juge d’instruction esthabilité à prendre toute mesure provisoire à l’égard du mineur en avisant sesparents ou son représentant légal. Ces mesures provisoires sont énoncées parl’article 445 du Code pénal :• remise du mineur à ses parents, tuteur, gardien ou à une personne digne

de confiance,• placement dans un centre, institution, service spécialisé,• placement dans un établissement d’éducation ou de formation,• remise à un centre d’accueil,• placement dans un centre d’observation.

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La garde provisoire peut être assortie du régime de la liberté surveillée.La mesure de garde ou de placement provisoire est toujours révocable et sadurée n’est pas précisée par les textes.

Il faut ajouter à cette liste la détention provisoire qui peut être ordonnée à titreexceptionnel à l’encontre du mineur de treize à dix-huit ans. Sur ce point ondevrait déterminer la durée de la mesure.

En raison de la similitude qui existe entre mesures provisoires et mesuresdéfinitives, le tribunal des mineurs a tendance à confirmer les mesures prises parson président, le juge des mineurs, dans la plupart des cas.

c ) Le jugement

Le tribunal des mineurs, saisi du dossier par ordonnance de renvoi, statue enchambre du conseil. Les débats ont lieu à huis clos et le mineur doit comparaîtreen personne, assisté de son représentant légal et de son conseil. Le tribunal doitles entendre ainsi que le représentant du parquet avant de statuer. Chaqueaffaire est jugée séparément. Si les faits ne sont pas établis, le tribunal prononcela relaxe. En cas de culpabilité, le tribunal doit prendre l’une des mesures deprotection ou de rééducation prévues par l’article 444 du Code pénal assorties ounon du régime de liberté surveillée. Ces mesures doivent être prises pour unedurée déterminée qui ne peut dépasser la date à laquelle le mineur aura atteint lamajorité (dix-neuf ans). Cette limitation s’avère parfois gênante pour l’actionéducative ou la formation du mineur.A titre exceptionnel, le tribunal peut, en motivant sa décision, infliger une peineatténuée au mineur de treize à dix-huit ans. Il peut même cumuler une peine etune mesure de rééducation quand il n’y a pas incompatibilité entre elles ; maiscette dernière solution est en pratique relativement rare.La décision du tribunal est rendue à huis clos et elle est susceptible d’exécutionprovisoire nonobstant appel.Les jugements du tribunal son soumis à toutes les voies de recours ordinaires(opposition, appel).Les mesures prises par le tribunal peuvent être modifiées ou révisées à toutmoment par le juge des mineurs soit à la requête du ministère public, sur rapportdu délégué à la liberté surveillée ou même d’office. Le juge des mineurs peutmême placer le mineur en détention provisoire en cas d’incident. Toutefois,lorsqu’il s’agit de prendre une mesure de placement à l’égard d’un mineur quiavait été confié initialement à la garde de ses parents ou d’une personne deconfiance, seul le tribunal est compétent.

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La même juridiction peut également substituer aux mesures de rééducation despeines et ordonner l’emprisonnement du mineur dangereux dans unétablissement pénitentiaire jusqu’à la majorité.Une année après l’exécution de la mesure de placement, le mineur, sa famille, letuteur, les parents peuvent demander au juge des mineurs le retour du mineurdans son milieu naturel.Sa demande peut être renouvelée après un délai de trois mois. Son issue dépendde l’amendement du mineur et des possibilités qui lui sont offertes par le milieunaturel. Les décisions émanant des juridictions des mineurs sont inscrites sur unregistre spécial tenu par le greffier.Les mesures de rééducation sont inscrites au casier judiciaire, mais ne sontmentionnées que sur le bulletin n°2 destiné aux autorités judiciaires.Lorsque le mineur est placé dans une famille d’accueil – mesure qui est d’usagecourant surtout pour les mineurs de treize ans et les filles –une part des fraisd’entretien peut être mise à la charge des parents. Il en est de même si le mineurest placé dans un service de l’assistance.

d ) Les sanctions

Comme nous l’avons précédemment indiqué, le mineur de treize ans qui acommis une infraction n’encourt aucune peine, mais fera l’objet d’une simpleadmonestation. Il peut également se voir appliquer certaines mesures deprotection ou de rééducation (art. 49 Code pénal), notamment la remise à unepersonne, le placement dans un centre, etc…Le mineur de treize à dix-huit ans bénéficie également des mesures derééducation, mais il est passible de peines de prison atténuées sur la base del’excuse légale de minorité (Art. 50 C.P.). Dans ce cas les peines sont lessuivantes :

- s’il encourt la peine de mort ou la réclusion perpétuelle, il ne peut êtrecondamné qu’à une peine de dix à vingt ans,

- s’il encourt une peine de réclusion ou de prison à temps, il ne pourra êtrecondamné qu’à l’emprisonnement pour un temps égal à la moitié de celuiauquel il aurait été condamné s’il eut été majeur, le minimum de la peine étantlaissé à l’appréciation du juge.

Même les mineurs récidivistes peuvent bénéficier de l’excuse légale de minorité.Mais la peine qui leur sera infligée sera fixée compte tenu de leurs antécédents.

On regrettera également l’absence en droit algérien de peines de substitution auxpeines de prison dont l’effet stigmatisant est certain, alors que les sanctionséducatives ont prouvé leur efficacité spécialement les T.U.C. (Travaux d’UtilitéCollective), la réparation du préjudice subi par la victime, la privation de certainsdroits, etc…

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A propos des sanctions, il convient de citer une disposition du Code pénal,l’article 3330/3 qui permet de mettre en cause la responsabilité pénale desparents (père et mère) lorsque le mineur commet une infraction qui a été facilitéepar la négligence grave des parents 11. Il s’agit d’une véritable responsabilitépénale du fait d’autrui, utilisée par certains parquets, mais rarement à l’encontredes parents défaillants.

III. Les fondements de la responsabilité pénale des mineurs

Le système algérien, qui s’apparente au système français, est mixte, c’est-à-direqu’il est à la fois éducatif et répressif. Au plan de la responsabilité pénale, le droitalgérien est basé sur l’élément moral de l’infraction, constitué par la faute, qui estle fondement de la culpabilité de celui auquel elle est imputable. La responsabilitépénale du mineur de treize ans ne peut être recherchée sur le plan de la faute, enl’absence présumée de raison ou de discernement 12 ; mais cela n’empêchenullement d’établir la matérialité des faits et leur imputabilité au mineur. Cetaspect peut être distingué de celui de la responsabilité pénale stricto-sensu. Pourle mineur de treize à seize ans, on peut se référer au degré de discernement querévèle l’examen de personnalité, et les circonstances de l’acte pour retenir ou nonsa responsabilité pénale même atténuée. Il s’agit d’une appréciation inconcreto 13.

a) Le discernement fondement de la responsabilité pénale

Sur cette base et en considérant que le discernement est synonyme de raison, lemineur de moins de treize ans, qui n’a pas atteint l’âge de raison ne peut êtredéclaré responsable pénalement. Cette présomption est absolue. C’est la solutionde principe consacrée par le droit algérien. Mais ne faut-il pas distinguer entre laresponsabilité pénale objective, c’est-à-dire l’imputabilité matérielle des faits et lapunissabilité, cette dernière étant seule exclue ? Cette thèse offrirait desavantages juridiques certains, notamment à la victime 14.

11. Art. 330/3 C.P. « … les pères et mères sont punis d’un emprisonnement de deux mois

à un an et d’une amende de cinq cents à cinq milles dinars lorsque par défaut de soins,par manque de direction nécessaire, ils compromettent gravement la santé, la sécurité,la moralité de leurs enfants.

12. A noter que dans le droit musulman, l’âge de raison est fixé à sept ans. Sur cette base

on peut distinguer l’âge de raison de l’âge de discernement.

13. Ce sont les critères consacrés par la Cour de cassation française (arrêt Tonapani) :

Crim. 1er février 1951, J.C.P. 1951 ? II, 6107, note Brouchot.

14. Dans ce cas la situation est comparable à celle de l’incapable majeur.

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b) La personnalité comme critère de la responsabilité pénale du mineur

Dans cette conception, plus subjective, que l’on retrouve également en droitalgérien, le mineur peut encourir un responsabilité pénale atténuée, à titreexceptionnel, en fonction de sa personnalité, révélée à la fois par l’âge et par lescirconstances de l’infraction, c’est-à-dire en tenant compte de la maturité réelle dusujet. C’est la situation des mineurs de seize à dix-huit ans qui on un certaindiscernement qu’il faut établir à travers l’examen de personnalité obligatoire etpréalable à toute décision. Cet examen complet permet de rechercher l’existenced’une maturité suffisante, dans la conscience de l’illégalité de l’acte commis.Dans cette situation, le mineur est accessible à des sanctions pénales atténuéeset appropriées à sa personnalité. Il s’agit d’une responsabilité pénale partielle enfonction de la capacité pénale du mineur, qui bénéficie de l’excuse de minorité etencourt des peines réduites de moitié par rapport à l’échelle normale des peines,voir supra les sanctions. Exemple : pour une infraction passible de un à cinq ansde prison, le mineur n’encourt qu’une peine de six mois à deux ans et demi.L’appréciation de la personnalité du mineur et des circonstances de l’infractionqui constituent les deux critères fondamentaux de la capacité pénale du mineur etdu degré de sa responsabilité, nécessitent pour leur mise en œuvre des moyensmatériels et humains très importants qui, hélas, font défaut, ce qui laisse place àune application quasi automatique de la responsabilité pénale du mineur de treizeà dix-huit ans soumis à des peines de prison le plus souvent inappropriées etinefficaces. D’ailleurs, sur ce point, les praticiens qui s’occupent des jeunesdélinquants, ont pu faire certaines constatations qui méritent d’être rappelées :

- qu’une personnalité délinquante se structure par la répétition d’infractionsauxquelles aucune réponse n’est donnée – ou est donnée dans un délai troplong,

- que les séjours en prison permettent au jeune délinquant de s’adapter à unepopulation de jeunes marginaux pour qui le passage en prison est uneconsécration (effet stigmatisant de la prison),

- que la prison n’a un effet dissuasif qu’à l’égard de ceux qui n’y sont pas allés,et surtout ceux qui sont adaptés et ont intégré le principe de la loi pénale,

- qu’il y a un passage de la délinquance ludique à une délinquance plusviolente et plus organisée se situant le plus souvent de treize à seize ans,alors que les études et recherches se sont attachées surtout à la tranche deseize à dix huit ans.

Une attention particulière devrait être portée aux mineurs qui entrent dans lecircuit judiciaire entre douze et quinze ans, parce que parmi ces jeunes, uneproportion importante poursuivra une carrière délinquante jusqu’à la majorité etau-delà (taux de récidive important).En ce qui concerne l’impact des sanctions pénales, l’attitude dominante chez lessujets qui ont subi ces sanctions paraît montrer qu’elles peuvent avoir pour effet,

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au lieu de l’amendement attendu, un engagement plus prononcé dans ladélinquance et même une répétition des conduites délictueuses (récidive). Cetteévolution peut s’expliquer par l’effet du processus de stigmatisation consécutif aupassage dans le système judiciaire, et à l’identification négative qui en résultepour le sujet.

L’activité délinquante des mineurs renvoie à des facteurs multiples, d’ordrepersonnel, familial, social, notamment la crise d’adolescence ou d’identité, lescarences familiales ou conflits, handicaps sociaux. Pour mettre en œuvre uneresponsabilité pénale du mineur cohérente et efficace, il convient de tenir comptede tous ces facteurs au stade de la prévention avant le recours à la répressionqui devrait avoir comme finalité la protection et la réinsertion du jeune délinquantdans la société.A l’égard du jeune mineur de treize à seize ans, il serait souhaitable, à notre avis,de distinguer et de dissocier le problème de la responsabilité pénale, notionmorale, qui ne peut être retenue faute de discernement, de celui de l’imputabilitématérielle de faits au mineur, ce qui permet de le déclarer « coupable » en tantqu’auteur sans lui infliger de peines, mais en le soumettant à des sanctionséducatives prises uniquement dans son intérêt.

La responsabilité pénale des mineurs n’intéresse pas uniquement l’ordre interne,mais déborde largement par ses implications dans l’ordre international.

B. Dans l’ordre international

La responsabilité pénale soulève beaucoup de problèmes dans l’ordreinternational tenant notamment à la différence des systèmes juridiques et deslégislations (système préventif, répressif, mixte), mais également aux seuilsd’âges variables et à des majorités et minorités pénales différentes, sans compterles conflits de lois.Ces problèmes résultent également des fondements de cette responsabilitéqu’elle soit objective ou subjective ainsi que des conflits de compétence, duprincipe de territorialité et des effets limités des jugements pénaux.Toutes ces difficultés ont été soulevées par les études consacrées à cettequestion, ce qui a donné lieu à un mouvement d’harmonisation des législationsnotamment en Europe et a abouti à la conclusion de nombreuses conventions.Ainsi, le droit pénal européen des mineurs a été ébauché par le Conseil del’Europe dans sa recommandation R 87/20 qui recèle certains points de repèrepour l’élaboration d’une responsabilité pénale des mineurs à l’échelleeuropéenne.

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On considère notamment,

- que les jeunes sont des êtres en devenir et que toutes les mesures prises àleur égard doivent avoir un caractère éducatif,

- que les réactions sociales à la délinquance juvénile doivent tenir compte de lapersonnalité et des besoins spécifiques du mineur,

- que le système pénal des mineurs doit continuer à se caractériser par unobjectif d’éducation et d’insertion sociale.

Cet effort d’unification nécessite la détermination des conditions de la préventionet de la responsabilité pénale des mineurs, ce qui suppose au préalable, lafixation d’un seuil d’âge identique en Europe 15.Sur tous ces points le Droit algérien consacre des solutions empruntées au droitfrançais avec certaines particularités ; à cela, il convient d’ajouter les solutionsspécifiques résultant de l’existence de certaines conventions internationales oubilatérales qui peuvent avoir un influence sur la situation juridique (ou le statut) dumineur délinquant, qu’il soit algérien ou étranger.Par exemple, la fixation de l’âge de la majorité civile relève en principe de la loipersonnelle du mineur ; mais au regard de la loi pénale, le mineur sera soumis àla loi algérienne en vertu du principe de territorialité.

I. Le principe de territorialité de la pénale 16

En matière de compétence, le droit algérien à l’instar de beaucoup de législationsconsacre le principe de la territorialité de la loi pénale qui permet de reconnaîtrela compétence des tribunaux algériens et l’application de la lex fori du seul faitque l’un des éléments constitutifs de l’infraction se situe sur le territoire national.Ce principe a été interprété par la jurisprudence pour la localisation de l’infraction,que ce soit par référence au lieu de l’infraction ou du résultat.Quant aux actes de complicité, leur soumission au principe de territorialitésuppose une double condition :

- que l’acte de complicité soit prévu et réprimé à la fois par la loi étrangère et laloi algérienne,

- que l’acte principal soit définitivement jugé à l’étranger.Par exception au principe de territorialité, la loi nationale s’applique auxinfractions commises à l’étranger dans certains cas, mais cette exception estd’application très limitée parce que soumise à des conditions restrictives, et

15. C’est ce que préconise également la Convention des N.U. 1989 relative aux droits de

l’enfant (art. 40).

16. Ce principe est consacré par la constitution, Art. 67.

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concernant surtout les crimes 17 commis par un algérien à l’étranger ou par unétranger à l’étranger mais qui lèse gravement les intérêts de l’Algérie ou soncrédit.Il faut relever sur ce point que l’Algérie a ratifié récemment la Convention desN.U. contre la criminalité transnationale, adoptée par l’Assemblée générale desN.U. le 15 décembre 2000 18.L’évolution du droit pénal des mineurs devrait permettre, à terme, de faire faceaux conséquences dommageables des infractions commises par les mineurs etqui troublent plusieurs états notamment en ce qui concerne la poursuite, lerépression, la réparation du préjudice subi par les victimes et cela dans le respectdu principe Non bis In Idem et de l’autorité de la chose jugée positive ou négative.Par exemple, en ce qui concerne certaines infractions comme le vol de voituresdans un Etat pour être vendu dans un autre Etat, le trafic de drogue, l’immigrationclandestine, etc…

II. La coopération et l’entraide judiciaire internationale

Le droit algérien ne contient pas de dispositions relevant du droit international etspécifiques à la détermination ou à l’application de la responsabilité pénale desmineurs.La responsabilité pénale des mineurs relève des mêmes dispositions applicablesaux majeurs et contenues pour l’essentiel dans le Code pénal avec lesparticularités déjà mentionnées tenant à l’âge de délinquant (mineur) qu’il soitalgérien ou étranger : il bénéficie des mêmes dispositions et de la mêmeprotection.L’Algérie ayant ratifié la plupart des conventions des N.U., notamment cellerelative aux droits de l’enfant de 1989, les dispositions de ces conventions sontapplicables en Algérie et ont une valeur supérieure à la loi nationale en vertu dela Constitution 19, notamment lorsqu’elles sont plus favorables au mineur.Il n’existe dans la législation algérienne aucune disposition spécifique applicableà la responsabilité pénale des étrangers car cela serait discriminatoire et contraireà la Constitution qui interdit toute discrimination de cet ordre 20 et cela sousréserve des dispositions du Code pénal évoquées supra.

17. Art. 522/C.P.P. qui équivaut à l’article 689 C.C.P.F. et article 583 C.C.P. pour les délits,

soumis à une condition supplémentaire qui est le dépôt de plainte par la victime.

18. Décret présidentiel n°2002/55 du 5 fév. 2002.

19. Principe de la hiérarchie des textes consacré par la Constitution, art. 132.

20. Voir art. 140 de la Constitution.

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Pour la détermination de l’âge du mineur étranger, on se réfère en principe auxdocuments officiels d’identité du mineur et à sa loi nationale (en vertu de la règlede renvoi).Quant à la majorité pénale, elle sera déterminée par référence à la loi pénalealgérienne (dix-huit ans). En l’absence du document, il sera procédé à uneenquête et à un examen médical pour déterminer l’âge du mineur.Toutes les dispositions spéciales relatives à l’entraide policière (Interpol)judiciaire, pénitentiaire, résultant des conventions bilatérales ou internationales,applicables aux majeurs sont également étendues aux mineurs délinquants selonles mêmes modalités, mais cela dans un cadre plus large et avec une attentionparticulière qui tient compte notamment des mesures éducatives prises en faveurdu mineur ainsi que des éléments de son dossier établi à l’étranger.Par ailleurs, l’Algérie entretient avec beaucoup de pays arabes et européens, unecoopération judiciaire très active, sur la base de conventions bilatérales ainsiqu’une coopération par l’intermédiaire d’Interpol et cela sur la base de la règle dela réciprocité. Le domaine de cette coopération qui s’effectue dans les deux sensest très vaste et porte en particulier sur les enquêtes pénales, l’exécution descommissions rogatoires internationales, la notification et l’exécution des mandatsd’arrêts internationaux, l’extradition, l’exécution des jugements à caractère pénal.Cette coopération s’effectue essentiellement sous la responsabilité desprocureurs généraux auprès des cours, soit directement, soit par la voiediplomatique par l’intermédiaire du ministère de la justice.Cette coopération judiciaire peut concerner les mineurs délinquants, mais neporte que sur la phase judiciaire à l’exclusion de la phase administrative (mesureséducatives prises en faveur du mineur). Ce domaine échappe encore à lacoopération internationale.

En guise de conclusion, on se limitera à quelques constats et propositions. Onconstate que les textes ne sont plus adaptés à l’évolution de la délinquance etaux profils des jeunes délinquants, et qu’il convient de les actualiser, notammenten ce qui concerne les seuils d’âge, la responsabilité, les sanctions.Les seuils d’âge actuels, treize ans et treize/dix-huit ans, ne correspondent plus àla situation réelle et ne permettent plus d’apporter une réponse appropriée etefficace à la délinquance des jeunes.A notre avis, les tranches d’âge à prendre en considération devraient être cellesde douze/quinze ans, quinze/dix-neuf ans, lesquelles seraient soumises à desrégimes différenciés, au plan de la responsabilité et des sanctions.Jusqu’à l’âge de douze ans, l’irresponsabilité du jeune serait absolue, et il feraitl’objet de mesures de protection exclusivement.De quinze à dix-neuf ans, le responsabilité du jeune pourrait être retenue, mais ilbénéficierait du principe de l’excuse légale de minorité, avec application desanctions orientées vers la rééducation et la mise à l’épreuve.

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Le système devrait permettre d’établir une corrélation directe et objective entrel’âge, la personnalité, la responsabilité, la sanction et cela pour assurer unemeilleure cohérence dans la réponse à la délinquance.

BIBLIOGRAPHIE

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BELGIQUE

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DU MINEUR EN DROIT BELGE

Thierry MOREAU *

Le présent rapport a pour objet de présenter de manière succincte la question dela responsabilité pénale des mineurs en droit belge. Pour aider à comprendrel'état actuel de la question, il a paru opportun de commencer par exposerbrièvement l'évolution historique du droit et des pratiques concernant les mineursdélinquants (§ 1). La deuxième partie de ce rapport est consacrée à l'exposé dudroit positif actuellement en vigueur (§ 2). La troisième partie a pour objet unebrève analyse des principaux projets de réforme qui sont en chantier depuis ledébut des années 1990 (§ 3). La quatrième partie reprendra quelquesobservations relatives aux règles de droit international (§ 4).

§ 1 - L'évolution historique

L'approche historique du droit et des pratiques touchant à la responsabilité pénaledes mineurs peut s'articuler autour de six thèmes1 : les systèmes qui ont précédéla protection de l'enfance (A), la loi du 15 mai 1912 sur la protection de l'enfance(B), la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse (C), la période deréformes institutionnelles (D), l'abaissement de l'âge de la majorité civile (E) et larepénalisation de la protection de la jeunesse (E). Il faut toutefois relever dès àprésent que, sur le plan chronologique, certains de ces thèmes chevauchent lesmêmes périodes.

A. Les systèmes qui ont précédé la protection de l'enfance

Sur le territoire de l'actuelle Belgique, jusqu'à l'avènement du Code pénal françaisde 1791, la notion de majorité pénale n'avait pas cours dans les systèmes

* Avocat au Barreau de Nivelles, Maître de Conférences à l’Université Catholique de

Louvain (Belgique).

1. Pour une analyse plus approfondie, voir Fr. TULKENS et Th. MOREAU, Le droit de la

jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, Bruxelles, Larcier, 2000.

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répressifs2. Le mineur était soumis au même régime que les majeurs. Son âgepouvait être pris en compte tantôt comme cause de justification, tantôt commecause d'excuse ou comme circonstance atténuante susceptible d'atténuer lapeine.Le Code pénal français de 1791 a fixé la majorité pénale à seize ans : endessous de cet âge le mineur n'était pas pénalement responsable et il ne pouvaitêtre condamné. Ce régime reposait sur la conception qui veut que, si l'hommenaît potentiellement libre et intelligent, le développement de sa raison exigel'écoulement du temps ce qui justifie le recours à la technique des seuils d'âge.Néanmoins, le Code instaurait, mais uniquement en matière criminelle, uneobligation pour le juge de vérifier si le mineur de moins de seize ans jouissait ounon du discernement. Dans l'affirmative, le mineur était condamné, mais laminorité était une cause d'excuse légale. Dans la négative, il était acquitté mais ilpouvait faire l'objet d'une mesure de sûreté. Il était, selon les circonstances, soitrendu à ses parents chargés de le corriger, soit placé dans une maison decorrection pour y être élevé et détenu pendant une période déterminée par lejugement qui ne pouvait dépasser le moment où il avait atteint l'âge de vingt ans.Le Code pénal français de 1810 a étendu l'obligation d'apprécier le discernementà tous les délits.Le Code pénal belge de 1867 s'est largement inspiré du code de 1810. L'âge dela majorité pénale est resté fixé à seize ans. Au dessus de cet âge, l'enfant étaitsoumis au droit pénal commun. L'article 77 prévoyait cependant que la peine demort ne pouvait pas être prononcée à l'égard du jeune âgé de moins de dix-huitans accomplis au moment du crime et qu'elle était remplacée par la peine destravaux forcés à perpétuité3. Pour les mineurs de moins de seize ans, l'article 72du Code pénal disposait que le mineur âgé de moins de seize ans accomplis aumoment du fait, auteur d'un crime ou d'un délit, était acquitté s'il était décidé parle juge ou le jury qu'il avait agi sans discernement. Dans ce cas, il pouvait êtremis à la disposition du Gouvernement pour un temps qui ne pouvait dépasserl'âge de vingt et un ans en vue d'être placé dans un établissement de réforme oude charité. Cette mesure était toutefois facultative. Si le mineur avait commis lecrime ou le délit avec discernement, il était pénalement condamné mais ilbénéficiait de l'excuse générale de minorité qui entraînait une réduction de lapeine.La pierre angulaire du système était donc le discernement. Cette notion n'étaitpas définie par la loi et posait deux problèmes importants. D'une part, le statutjuridique du discernement n'était pas clair. S'agissait-il du libre arbitre, c'est-à-dire

2. Pour rappel, l'indépendance de la Belgique a été proclamée en 1830. Auparavant, ce

sont principalement les textes de droit français qui étaient d'application.

3. L'article 77 du Code pénal a été abrogé par la loi du 10 juillet 1996 portant abolition de

la peine de mort et modifiant les peines criminelles.

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de la connaissance et de la volonté qui sont la condition première de l'imputabilitémorale en droit pénal ? Ou bien s'agissait-il d'un élément qui s'ajoute au librearbitre, que la Cour de cassation de Belgique décrira plus tard comme «la pleineintelligence de la criminalité de l'acte»4. Dans cette seconde conception, la lecturede la responsabilité pénale des mineurs se ferait donc à travers un double filtre :celui de l'imputabilité, tout d'abord, principe que les tribunaux peuvent appliquermême en l'absence d'un texte et qui empêche l'infraction de naître dans le chefd'un infans qui n'a pas conscience de la portée de ses actes; celui dudiscernement, ensuite, qui ouvre la voie soit à un acquittement, soit à une peineatténuée. D'autre part, le contenu du discernement posait également question.Pour la majorité des auteurs, il ne s'agissait pas du discernement au senscommun, c'est-à-dire la faculté de distinguer le bien du mal de manière générale,mais du discernement dans un sens juridique qui serait la faculté de l'auteur depercevoir l'illégalité de l'acte selon la loi positive et de comprendre qu'il s'expose àune peine en le commettant5. Le caractère flou du discernement et lesincertitudes qui entouraient la notion ont eu pour effet son instrumentalisationdans la pratique judiciaire : il n'était pas rare de voir les juge faire dépendre lareconnaissance du discernement de l'opportunité qu'il y avait à prononcer unepeine6.

B. La loi du 15 mai 1912 sur la protection de l'enfance

L'obligation d'apprécier l'existence du discernement dans le chef du mineur avaitpour effet de ne pas faire iuris et de iure du mineur un irresponsable sur le planpénal. C'est ici que se situe la rupture introduite par la loi du 15 mai 1912 sur laprotection de l'enfance, dont l'article 16 dispose que « si le mineur âgé de moinsde seize ans accomplis au moment du fait a commis un fait qualifié infraction, ilsera déféré au juge des enfants, et la peine sera remplacée par une mesure degarde, d'éducation ou de préservation ». Cette nouvelle loi présume donc demanière irréfragable que le mineur de moins de seize ans n'a pas lediscernement. Il est pénalement irresponsable et ne peut plus être condamné àune peine.

4. Cass., 10 mars 1913, Pas., 1913, I, 140.

5. J.S.G. NYPELS, Le Code pénal belge interprété, nouvelle édition par J.Servais,

Bruxelles, 1896, p. 235, n° 4; A. PRINS, Science pénale et droit positif, Bruxelles, Bruylant,1899, p. 206, n° 357; J.J. HAUS, Principes généraux du droit pénal belge, 3e éd., Gand,1879, reprint, Bruxelles, E. Swinnen, 1979, t. 1er, p. 505 n° 654.

6. Cette pratique sera dénoncée lors des travaux préparatoires de la loi du 15 mai 1912

sur la protection de l'enfance. Voir l'intervention de Monsieur H. Carton de Wiart, Ministrede la Justice, séance plénière de la Chambre du 2 avril 1912, Pasin., 1912, p. 317.

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Les promoteurs de cette première loi de protection de l'enfance étaient despartisans de la théorie de la défense sociale. Leur intention était, avant tout, desubstituer au droit pénal classique un modèle plus efficace pour répondre à ladélinquance juvénile7. Le modèle protectionnel était motivé par le constat defaillite de la prison comme instrument de protection de la société : «Que fera cejuge des enfants ? Il ne condamnera pas à la prison. Ce sera déjà un grandprogrès sur le régime actuel. La peine de prison prononcée contre un enfant demoins de seize ans n'est pas seulement inefficace, mais encore nuisible : c'estinfliger à l'enfant une tare qui perdurera à travers toute son existence. De plus, le

7. Trois déclarations de Monsieur Carton de Wiart, Ministre de la Justice, sont éclairantes

à ce sujet. La première concerne la représentation de l'enfant délinquant qui sous-tend leprojet et, plus particulièrement le choix de recourir à une juridiction spéciale : « La punitiondu méfait commis par un enfant doit revêtir un caractère plus subjectif qu'objectif, pluséducatif que répressif : puisqu'il est encore susceptible d'amendement, on doit s'efforcerde l'empêcher de retomber dans la violation de la loi. Il faut donc regarder cette violationmoins comme un fait punissable que comme un symptôme de son état moral et dès lors luiappliquer un traitement qui puisse avoir effet sur son individualité encore imprécise etmalléable. Cette conception est logique et humaine : souvent, en effet, la responsabilité dece qu'est un enfant ou de ce qu'il fait incombe à d'autres qu'à lui. (…) La criminalité desadultes se trouve en germe dans la criminalité des enfants » (Intervention à la séanceplénière de la Chambre du 2 avril 1912, Pasin., 1912, p. 317). La deuxième est la critiqueformulée à l'encontre de l'ancien système : «C'est la marée montante de la criminalitéinfantile et sa répercussion sur la criminalité générale qui ont peu à peu imposé l'idée de lajuridiction spéciale (…). La situation dont nous sommes témoins condamne le régime desarticles 72 et suivants du Code pénal. Elle oblige le législateur attentif à s'efforcer de fairece que le Code pénal n'a pas fait : stériliser, dans l'intérêt de la société, ce germe morbide

révélé par le méfait de l'enfant. Le système, Messieurs, qui consiste à ramener toute lajustice et toute l'action sociale vis-à-vis des enfants à une appréciation combien fragile dudiscernement ou du non-discernement est condamné, j'ose le dire, par la pratique mêmede nos tribunaux (…). Aujourd'hui le juge ne prend pas telle décision parce qu'il a reconnuou non le discernement. Mais il reconnaît ou non le discernement afin de prendre telledécision. Ce n'est plus qu'un prétexte, qu'une coloration. Ainsi s'expliquent desacquittements d'enfants – injustifiés et pernicieux – ou des condamnations à de courtespeines de prisons, qui font à l'enfant plus de mal que de bien. Messieurs, nous ne disonsnullement que nous considérons l'enfant comme incapable de discernement. Mais nousdisons que cette question ne doit pas se poser et que la solution qu'elle comporte ne peutpas dominer le régime à appliquer à l'enfant traduit en justice. C'est ainsi, Messieurs, quela juridiction spéciale et le traitement spécial se justifient» (Ibidem, pp. 317-318). Latroisième concerne la finalité de la loi : « Il s'agira, Messieurs, par cette juridiction nouvelle,d'appliquer un traitement plutôt qu'un châtiment (…). Cela ne veut pas dire que sajuridiction ne connaîtra que l'indulgence. Au contraire, le régime nouveau comportera dansde nombreux cas une plus grande sévérité que le régime actuel du Code pénal. Mais cettesévérité n'interviendra qu'à bon escient » (Ibidem, p. 317).

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conduire en prison, c'est le flétrir et, s'il est vicieux, en faire un vicieux incurable»8.Si les nouvelles mesures sont de nature éducative, elles ont cependant pourobjectif prioritaire «une protection efficace de la société contre des malfaiteursprécoces»9.La loi de 1912 a produit un double effet. D'une part, en excluant l'enfant duchamp du droit pénal au motif que son état de faiblesse ne permet pas de luireconnaître le discernement, elle a renforcé la légitimité et la cohérence du droitpénal classique et la conception politique de la liberté qu'il sous-tend. D'autrepart, en prévoyant un régime spécifique pour les mineurs délinquants, cettemême loi a étendu le champ du pénal et de la réaction sociale puisque,dorénavant, tous les mineurs délinquants peuvent faire l'objet de mesures, et passeulement ceux qui jouissent du discernement.

C. La loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse

La loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse est toujours le textequi s'applique à l'heure actuelle à l'égard des mineurs délinquants10. Elle ne remetpas en question l'irresponsabilité pénale des mineurs, mais elle élève l'âge de lamajorité pénale de seize à dix-huit ans. Cette nouvelle loi permet également autribunal de la jeunesse d'intervenir, sur les réquisitions du ministère public, àl'égard d'une nouvelle catégorie de mineurs dont «la santé, la sécurité ou lamoralité sont mises en danger, soit en raison du milieu où ils sont élevés, soit parles activités auxquelles ils se livrent, ou dont les conditions d'éducation sontcompromises par le comportement des personnes qui en ont la garde».Cette loi prévoit que des mesures identiques peuvent être ordonnées à l'égard dumineur délinquant et du mineur en danger. L'intervention du tribunal n'est doncplus soumise à la constatation préalable d'un fait délinquant ou prédélinquant,mais seulement à celle d'un état de danger, ce qui revient à considérer que lemineur délinquant n'est qu'une sous-catégorie des mineurs en danger oùl'inadaptation se traduit par la commission d'un fait qualifié infraction11. Par lerecours à la notion de mineur en danger, la loi du 8 avril 1965 a doncconsidérablement étendu le champ d'application de la protection de la jeunesse.

8. Intervention de Monsieur Carton de Wiart, ministre de la Justice, séance plénière de la

Chambre du 2 avril 1912, Pasin., 1912, p. 318.

9. Intervention de Monsieur Carton de Wiart, ministre de la Justice, séance plénière du

Sénat du 13 mai 1912, Pasin., 1912, p. 404.

10. Cette loi a toutefois fait l'objet d'une profonde réforme en 1994. Voir infra.

11. F. Lox dira du mineur délinquant «qu'on a l'impression qu'il gêne et qu'il est admis

comme un héritage ou plutôt comme un sous-groupe d'une catégorie plus générale queforment les enfants en danger» (F. LOX, «Les mesures à l'égard des mineurs», Ann. Dr.Louv., 1966, p. 176)

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Du champ de la délinquance à proprement parler, on a glissé vers le champ de ladangerosité sociale que peut présenter le mineur. Si l'uniformité de traitementtraduit la conception du législateur de 1965 selon laquelle les mineurs délinquantssont avant tout des mineurs en danger, elle exprime également la conceptioninverse selon laquelle un mineur en danger est tout aussi dangereux pour lasociété qu’un mineur délinquant. Par conséquent, avant que la matière desmineurs en danger soit communautarisée, même si le fait qualifié infraction n'étaitpas déclaré établi, le ministère public pouvait quand même déférer le mineur autribunal de la jeunesse en invoquant que le dossier démontrait une situation dedanger qui pouvait justifier une intervention protectionnelle. Dans ces conditions,la loi du 8 avril 1965 a totalement stérilisé le débat sur la responsabilité pénaledes mineurs.Toutefois, à partir de la loi de 1965, le modèle protectionnel ne se suffit plus à lui-même pour les mineurs délinquants les plus dangereux. L'article 38 de la loiprévoit la possibilité pour le tribunal de la jeunesse de se dessaisir des mineursdélinquants âgés de 16 ans au moment des faits au profit des juridictions pénalesordinaires qui peuvent prononcer à leur encontre les mêmes peines que cellesprévues pour les majeurs (voir infra). En outre, la loi du 8 avril 1965 dispose quele mineur qui est sous les drapeaux relève de la compétence des juridictionsmilitaires ou des juridictions pénales ordinaires qui lui appliqueront le régimepénal des majeurs. Enfin, la loi du 9 mai 1972 a introduit un article 36 bis dans laloi du 8 avril 1965 qui soumet les mineurs de plus de 16 ans poursuivis pour desinfractions de roulage à la compétence des juridictions ordinaires (voir infra).

D. La communautarisation de la protection de la jeunesse

Très vite, l'assimilation du mineur délinquant et du mineur en danger, etspécialement le placement des mineurs des deux catégories dans les mêmesinstitutions, a fait l'objet de critiques en raison, notamment, du risque decontagion criminogène12. En outre des voix se sont fait entendre exigeant destraitements différents pour les mineurs délinquants et les mineurs en danger.Ces critiques ont été formulées dès le début des années 1970, période à laquellela Belgique a entamé la réforme de ses institutions. D'un état unitaire elle estdevenue un état fédéral au sein duquel les compétences sont distribuées entredifférentes instances politiques : l'Etat fédéral, les trois Communautés (française,flamande et germanophone), et les trois Régions (wallonne, flamande etBruxelles-Capitale). A partir de 1980, la protection de la jeunesse a été confiéeaux Communautés, à l'exception, notamment, en ce qui concerne les mineurs

12. Sur les critiques émises à l'égard de la loi du 8 avril 1965, voir F. TULKENS, «Bilan et

orientations de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse», Délinquancedes jeunes. Politiques et interventions, Bruxelles, Story-Scientia, 1986, pp. 3-20.

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ayant commis un fait qualifié infraction, de la détermination des mesures dont ilspeuvent faire l'objet, de l'organisation des tribunaux de la jeunesse, de leurcompétence territoriale et de la procédure devant ces juridictions qui restent descompétences de l'Etat fédéral. Ainsi, est mis en place un régime assez complexeoù l'Etat fédéral détermine qui sont les mineurs délinquants et les mesures que letribunal de la jeunesse peut prendre à leur égard, mais où les communautés sonten charge de la création, du financement et de l'organisation des institutions etdes services nécessaires pour la mise en œuvre de ces mesures. Par contre, ence qui concerne les mineurs en danger («l'aide à la jeunesse» en Communautéfrançaise et en Communauté germanophone et «l'assistance spéciale à lajeunesse» en Communauté flamande), toute la matière est communautarisée13.C'est donc un élément extérieur à la protection de la jeunesse – la fédéralisationde l'Etat – qui a servi d'appui aux tenants de la logique de division entre lesmineurs en danger et les mineurs délinquants. Mais cette division a elle-mêmeservi d'appui à ceux qui étaient partisans d'une repénalisation de la réactionsociale à l'égard des mineurs délinquants. La logique de division s'est donccouplée avec une logique de bifurcation : l'aide pour les mineurs en danger, larépression qualifiée d'éducative pour les mineurs délinquants. En divisant ainsiles mineurs en deux catégories de jeunes distinctes et hermétiques, le risque est,à terme, de réduire très nettement, voire de supprimer, pour les mineursdélinquants les possibilités de bénéficier de l'aide à la jeunesse et d'empêcher laprise en compte de la délinquance comme un processus global.

E. La loi du 19 janvier 1990 abaissant l'âge de la majorité civile à 18 ans

La loi du 8 avril 1965 a été adoptée à une époque où l'âge de la majorité civileétait fixé à 21 ans. Par conséquent, même si un mineur avait commis un faitqualifié infraction à l'approche de sa majorité pénale fixée à 18 ans, il pouvaitencore faire l'objet de mesure de protection de la jeunesse durant une périoded'au moins trois ans puisque celles-ci peuvent se maintenir jusqu'à ce que lejeune accède à l'âge de la majorité civile.La loi du 19 janvier 1990 a abaissé l'âge de la majorité à 18 ans. Par conséquent,s'est posé le problème de la réaction sociale à l'égard des mineurs quicommettaient un fait qualifié infraction à un âge proche de celui de la majoritépénale. Le risque était notamment de voir se multiplier les dessaisissements.Pour éviter cet inconvénient, le législateur de 1990 a introduit la possibilité deprolonger les mesures de protection de la jeunesse au-delà de l'âge de lamajorité civile (voir infra). Il faut relever le paradoxe qui consiste à, d'un côté, voirle législateur motiver l'abaissement de l'âge de la majorité civile par la maturité

13. A l'exception de la déchéance de l'autorité parentale et de la tutelle aux prestations

familiales qui restent des compétences fédérales.

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plus précoce des jeunes et de l'autre constater que, dans le même temps, ilinstitue un dispositif imposant à des majeurs d'être traités comme des mineurs.

F. Le mouvement de repénalisation et la réforme de 1994

A la fin des années 1970, le contexte de crise économique et la montée dusentiment d'insécurité qui y est lié, se sont avérés être un terrain propice pour ledéveloppement d'une repénalisation de la protection de la jeunesse perceptibletant dans la manière d'appliquer les mesures protectionnelles de la loi de 1965que dans la réforme dont cette loi a fait l'objet en 1994. Les mesures à l'égarddes mineurs tendent à être avant tout envisagées comme une réponse à des faitsdélinquants et ne sont plus centrées sur la personne de l'enfant. L'évolution de laprotection de la jeunesse est marquée par une tendance plus sécuritaire.

1. La repénalisation à travers la mise en oeuvre de la loi du 8 avril 1965

Lors des débats parlementaires relatifs à la fédéralisation de l'Etat, il a été àplusieurs reprises affirmé que les mesures judiciaires prévues par la loi de 1965 àl’égard des mineurs délinquants relevaient du droit pénal : «cette matière peutêtre considérée comme ressortissant sui generis au droit pénal, étant donnéqu’elle prévoit certaines contraintes qui sont qualifiées de mesures, mais quiconstituent des sanctions qui ont été instaurées afin de réparer les atteintes àl’ordre social»14. Cette interprétation a également été retenue dans l’avant-projetde réforme de la loi sur la protection de la jeunesse de 1982 du Ministre de laJustice Gol qui, après avoir fait couler beaucoup d'encre, n'a cependant jamaisété adopté : «La notion de peine considérée exclusivement comme punition estaujourd’hui abandonnée. D’après les nouvelles théories du droit pénal, lessanctions ont pour but d’amender et de rééduquer le délinquant et de protéger lasociété à l’égard d’individus dangereux même s’ils ne sont pas responsables deleurs actes... Les mesures prononcées par le tribunal de la jeunesse peuvent êtreassimilées à des peines dans le sens que lui attribuent les tendances modernesdu droit pénal». Cette interprétation a été confirmée par l’avis rendu le 20 juin1984 par le Conseil d’Etat sur ce projet qui confirme que «les mesuresindividuelles que le tribunal de la jeunesse peut imposer au mineur ... relèvent, dumoins en partie, du souci de préserver la sécurité publique, au besoin par desmoyens de coercition qui, en cela, s’apparentent à ceux du droit pénal». Lesmesures de protection de la jeunesse à l'égard des mineurs délinquants ontégalement été qualifiées de sanctions pénales ou quasi-pénales durant les

14. Cf. les travaux parlementaires relatifs à la loi du 8 août 1980 relative aux réformes

institutionnelles et plus précisément Doc. Parl., Chambre, 1979-1980, Rapport, n° 627/10,p. 66.

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travaux parlementaires de la loi du 19 janvier 1990 abaissant l'âge de la majoritécivile à dix-huit ans15.Dans la droite ligne de ces interprétations, certains acteurs de la protection de lajeunesse n'ont pas hésité, dans la pratique, principalement pour des raisonsd'efficacité, à clairement présenter et utiliser les mesures comme des sanctions.A partir de la fin des années 1970, le recours au placement provisoire en maisond'arrêt durant la phase préparatoire sur la base de l'article 53 de la loi du 8 avril1965 est devenu beaucoup plus fréquent et a été utilisé comme une sanctionimmédiate16. A la même époque ont été créées les institutions publiques deplacement à régime fermé. Le nombre de dessaisissement a sensiblementaugmenté. Renaissant de leurs cendres au milieu des années 1980, les mesuresde prestations et de travail d'intérêt général ont été utilisées de manièresanctionnelle, les tribunaux déterminant le nombre d'heures à prester en fonctionde la gravité du fait commis. Cet état d’esprit des acteurs se traduit également parl’utilisation très fréquente des termes «sanction éducative» pour remplacer celuide «mesure». A ce sujet, il n’est pas inutile de rappeler que la Cour de cassationde Belgique définit de manière générale la peine comme une sanction17. Enl’assortissant du qualificatif «éducatif», on ne manifeste que la volonté deprononcer une «peine éducative», ce qui paraît une expression fort ambiguë18.

2. L'instrumentalisation des droits du mineur délinquant au service de larepénalisation

Une des critiques formulées à l'égard de la loi du 8 avril 1965 est qu'ellen'assurait pas de manière satisfaisante la reconnaissance des garantiesjuridiques fondamentales au mineur, spécialement dans les procédures relativesaux mesures provisoires et par rapport aux mesures restrictives ou privatives de

15. Doc. Parl., Chambre, session 1988-1989, rapport, n° 42/3, p. 37-38; Doc. Parl., Sénat,

session 1988-1989, n° 634/2, p. 12.

16. Cette pratique a toutefois été condamnée par la Cour européenne des droits de

l'homme dans son arrêt Bouamar c. Belgique du 29 février 1988.

17. Cass., 4 décembre 1944, Pas., 1945, p. 59.

18. Dans une étude critique, M. van de KERCHOVE rappelle les quatre fonctions que la

peine et la sanction sont toutes deux, pour autant qu'il s'agisse de réalités différentes etnon de synonymes, susceptibles d’exercer. L'une de celle-ci est la fonction éducative quine peut donc à elle seule distinguer la sanction de la peine («Signification juridique de lasanction en matière de délinquance juvénile», Délinquance des jeunes. Politiques etinterventions, Bruxelles, Story-Scientia, 1986, p. 173-180).

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liberté19. L'arrêt Bouamar de la Cour européenne des droits de l'homme qui acondamné la Belgique, est, à cet égard, très révélateur20. D'une manière plusgénérale, la philosophie de la loi du 8 avril 1965 a été remise en question enraison du fait qu'elle abordait essentiellement l'enfant comme un objet deprotection sans réellement garantir sa qualité de sujet de droit consacrée,notamment, par la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.En réaction à l'accroissement de l'enfermement des mineurs et desdessaisissements, les barreaux ont réagi. Les avocats se sont inscrits dans unrôle de défenseur plus affirmé. Ils se sont organisés en «permanence jeunesse»en vue de défendre les mineurs dès le stade de la phase préparatoire où la loi du8 avril 1965 ne prévoyait pas leur intervention. Ils ont réclamé le respect desrègles du procès équitable. Ils ont participé à la remise en question du modèle dejustice discrétionnaire fondé sur le concept flou qu'est l'intérêt du mineur. Ils ont, àcet égard, fait valoir que l'intérêt de l'enfant passe par le respect de ses droitsfondamentaux. Paradoxalement, il faut constater que l'amélioration des droits dela défense des mineurs, n'a pas permis de garantir le maintien de la philosophieprotectionnelle de la loi et semble, au contraire, avoir contribué, par unphénomène de réaction, à la repénalisation de la protection de la jeunesse.Progressivement, des droits ont été reconnus au mineur dans les textes. Achaque fois, cependant, cette reconnaissance s'est accompagnée del'introduction, dans la législation, de mesures et de sanctions de nature plusrépressive.Ainsi, le décret de la Communauté Française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à lajeunesse consacre tout son titre II aux droits des jeunes. Sa dernière partie traitedes droits du mineur délinquant faisant l'objet d'une mesure de placement eninstitution publique de protection de la jeunesse. Si le décret reconnaîtnotamment au mineur le droit de recevoir son avocat à tout moment, le droit à del'argent de poche, l'obligation pour l'institution d'envoyer à l'avocat les conclusionsdes rapports établis par l'institution, le droit d'être informé du règlement del'institution, etc., le décret légalise également les pratiques «d'isolement dans deslocaux spécifiques» au sein des institutions publiques de protection de lajeunesse, pratiques qui, jusqu'alors, ne reposaient sur aucune base légale etétaient ainsi jugées inadmissibles. D'illégales, ces pratiques sont donc devenueslégales et respectueuses des droits du mineur en raison du fait que le textegaranti des délais, des formes et des procédures.La loi du 8 avril 1965 a fait l'objet d'une importante réforme par la loi du 2 février1994 dont l'objet était, notamment, de mettre la législation relative aux mineurs

19. Voir F. TULKENS, «Bilan et orientations de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection

de la jeunesse», op. cit., p. 7; Th. MOREAU, «La réforme de la loi du 8 avril 1965 relative àla protection de la jeunesse», J.D.J., 1994, n° 134, pp. 13 et s.

20. C.E.D.H., 29 février 1988, J.L.M.B., 1988, p. 457.

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délinquants en concordance avec certaines dispositions de la Conventioneuropéenne de sauvegarde des droits de l'homme (art. 5) et de la Conventioninternationale relative aux droits de l'enfant (art. 37 et 40). La loi du 2 février 1994a effectivement renforcé les garanties juridiques du mineur, spécialement durantla phase préparatoire. Mais, dans le même temps, elle a permis d'avoir plusfacilement recours au dessaisissement et lui a donné un effet plus définitif (voy.infra). La tendance à la repénalisation est également manifeste dans l'obligationqui est faite au tribunal de la jeunesse d'indiquer la durée de la mesure deplacement en institution publique ce qui tend à instaurer une proportionnalitéentre la mesure et la gravité du fait. Cette tendance peut encore être perçue dansla possibilité qui est offerte au juge de placer le mineur, durant la phasepréparatoire, dans une institution publique à régime fermé pour des motifsstrictement sécuritaires. Enfin, tout en y ajoutant des conditions nouvellesimposées par l'arrêt Bouamar de la Cour européenne des droits de l'homme, lelégislateur de 1994 a maintenu la possibilité de placer un mineur en maisond'arrêt pendant une durée de quinze jours durant la phase provisoire.Durant les travaux parlementaires de la loi du 2 février 1994, plusieursparlementaires ont interpellé le ministre de la Justice sur la distorsion qui existaitentre l'intention de départ de renforcer les garanties juridiques et l'introduction demesures qui ne reposaient pratiquement plus sur la philosophie de la loi de196521. Devant cet état de fait, certains ont même demandé de réfléchir àl'élaboration d'un droit pénal spécial pour les jeunes22. Le ministre de la Justice a,quant à lui, soutenu qu'il est paradoxal de vouloir d'un côté des garantiesprocédurales pour les mineurs identiques à celles prévues pour les adultes(interrogatoires, assistance d'un avocat, délais, ...) et d'un autre côté plusd'indulgence dans le traitement des mineurs en raison de la présomptiond'irresponsabilité dont ils bénéficient23. Selon lui, de plus en plus de jeunesd é l i n q u a n t s d o i v e n t m e s u r e r l ' a m p l e u r d e l e u r s a c t e s : « U n e r é a c t i o n m o d i f i é e d e l a s o c i é t é s ' i m p o s e à l e u r é g a r d . A p a r t i r d e l à , j e n e p r o p o s e p a s l a p r i s o n p o u r t o u t l e m o n d e , d ' a b o r d p a r c e q u ' i l n ' y a p a s d e p l a c e e t e n s u i t e p a r c e q u e j e s u i s l e p r e m i e r à s a v o i r q u e c e n ' e s t c e r t a i n e m e n t p a s l e m i l i e u i n d i q u é p o u r q u e l e j e u n e p u i s s e s o r t i r d e s a p é r i o d e d e s a n c t i o n , m e i l l e u r q u ' i l n ' e s t e n t r é . J e v e u x a u s s i q u e n o u s a y o n s , à c ô t é d ' u n s y s t è m e p r o t e c t i o n n e l p o u r l e s m i n e u r s e n d a n g e r o u l e s d é l i n q u a n t s l é g e r s

21. Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, pp. 10 à 13; Ann.

Parl., Chambre, session ord., 1992-1993, séance plénière du 28 janvier 1993, pp. 855,857, 860; Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, p. 11.

22. Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, p. 11.

23. Doc. Parl., Sénat, session 1992-1993, rapport, 633/2-92/93, p. 26.

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o u p r i m a i r e s , u n s y s t è m e s a n c t i o n n e l a v e c m i s s i o n é d u c a t i v e » 24. Ces éléments sont révélateurs d'une instrumentalisation des droits reconnus auxmineurs. Tout en affirmant sa qualité de sujet de droits, la reconnaissance degaranties juridiques au mineur délinquant sert à justifier la repénalisation de laprotection de la jeunesse.

§ 2 - Le droit positif

L'examen du droit positif est divisé en quatre parties. La première est consacréeau principe de l'irresponsabilité pénale du mineur délinquant (A). La deuxièmetraite des mesures de protection ordinaires (B). La troisième a pour objet laconstatation judiciaire de la responsabilité pénale du mineur et les règles deprocédure (C). La quatrième concerne la place des parents.

A. Le principe de l'irresponsabilité pénale du mineur

En droit belge, la majorité pénale est actuellement fixée à 18 ans. En-dessous decet âge, les mineurs ne peuvent, en règle générale, être condamnés à une peine.Le principe de l'irresponsabilité pénale et la présomption d'absence dediscernement qui le sous-tend ne sont toutefois pas affirmés formellement dansun texte de loi. L'article 36, 4° de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de lajeunesse précise seulement que «le tribunal de la jeunesse connaît desréquisitions du ministère public relatives à l'égard des personnes poursuivies d'unfait qualifié infraction, commis avant l'âge de 18 ans accomplis». L'article 37,§ 1er dispose que «le tribunal de la jeunesse peut ordonner à l'égard despersonnes qui lui sont déférées, des mesures de garde, de préservation etd'éducation».Une des caractéristiques du modèle belge applicable au mineur délinquant estson pragmatisme en vue d'assurer la défense sociale. Comme le révéleral'analyse des exceptions au principe de l'irresponsabilité pénale, celles-ci sontmoins motivées par des caractéristiques liées à l'enfant, telle que la constatationdans son chef de l'existence du discernement, que par des impératifs de sécuritépublique.

1. La présomption de non-discernement

L'expression «fait qualifié infraction» de l'article 36, 4° de la loi du 8 avril 1965traduit la présomption d'absence de discernement qui est la pierre angulaire de

24. Ann. Parl., Chambre, session ord., 1992-1993, séance plénière du 28 janvier 1993,

pp. 866.

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tout le modèle protectionnel25. Il en résulte qu’en dessous de l’âge de la majoritépénale, le mineur est soustrait à l’application de la loi pénale. Plus précisément,tout fait commis par un mineur sera considéré comme ne lui étant pasmoralement imputable et, pour cette raison, comme ne constituant pas uneinfraction pénalement punissable26.S’il ne permet pas l’application d’une peine27, le “fait qualifié infraction ” permet enrevanche l'application d'une mesure de sûreté, en l'occurrence une mesure degarde, de préservation ou d'éducation. C'est précisément la présomptiond’absence de discernement du mineur qui permet de justifier l’application de cesmesures judiciaires contraignantes.La présomption d'absence de discernement a plusieurs conséquences. Une decelles-ci est l'absence d'un seuil d'âge en dessous duquel les mineurs ne peuventpas être poursuivis pour avoir commis un fait qualifié infraction, même si l'acte ena toutes les apparences. Le principe selon lequel l'infans ne peut commettre unfait qualifié infraction a toujours été admis. Il n'a cependant pas été reconnuformellement dans les textes, pas plus qu'il n'est indiqué l'âge à partir duquel unmineur n'était plus un infans. Tout est fonction du cas d'espèce, les travauxpréparatoires de la loi du 8 avril 1965 se contentant de préciser «qu'il est toujourspossible au ministère public de le déférer au tribunal de la jeunesse plutôt enfonction de l'état de danger (…) qu'en fonction du fait qualifié infraction qu'il aurait

25. M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège,

Ed. du Jeune Barreau, 1989. p. 689, Les Novelles, Protection de la jeunesse, Bruxelles,Larcier, 1978, n° 1020, b.

26. Certains auteurs ne partagent pas cette manière de voir et mettent en doute que

l'intention des législateurs de 1912 et 1965 était d'instaurer une présomption d'absence dediscernement dans le chef des mineurs délinquants (L. SLACHMUYLDER, Législationprotectrice de la jeunesse, Bruxelles, Presses Universitaires de Bruxelles, 1984, pp. 222-223 et réf. citées). D'autres estiment que la présomption n'a pas pour fonction «de sortirles mineurs du droit pénal», mais de «les arracher aux conséquences pénales de leursactes» (Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1020, b; F. LOX, «Lesréformes du droit des mineurs en Belgique», Rev. int. crim. pol. sc., 1/1966).

27. Telle est la raison pour laquelle la loi utilise l'expression générique de «fait qualifié

infraction», sans faire la distinction entre les crimes, les délits et les contraventions puisquela classification tripartite des infractions repose sur la classification tripartite des peines.Par ailleurs, cette classification a également pour objet de déterminer le juge compétent(cour d'assise, tribunal correctionnel ou tribunal de police) alors que, lorsque le fait qualifiéinfraction est commis par le mineur, il relève toujours de la même juridiction spéciale qu'estle tribunal de la jeunesse. Aucune peine ne pouvant être prononcée à l'égard du mineur,l'article 150 de la Constitution qui prévoit que le jury est établi en toutes matièrescriminelles et pour les délits politiques et de presse, n'est pas d'application.

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commis, ce qui donne à l'action du parquet le maximum de souplesse»28.L'actualité récente démontre que plus le fait mis à charge du mineur est grave,plus il se conçoit de poursuivre sur la base de l'article 36,4° des mineurs en trèsbas-âge29. Une autre conséquence est la compétence générale du tribunal de lajeunesse pour connaître de tout fait qualifié infraction commis durant la minoritémême si, au moment où il est déféré et jugé, le jeune est devenu majeur. C’est lemoment où l’acte est posé qui détermine la compétence du tribunal de lajeunesse. Une troisième conséquence est l'impossibilité pour le mineur debénéficier des excuses légales qui, tout en laissant subsister l'infraction, ont poureffet soit une diminution de la peine (excuses atténuantes), soit une exemption decelle-ci (excuses absolutoires). Dans ce dernier cas, il est évidemment paradoxalque le même comportement n'entraîne aucune réaction sociale à l'égard d'unadulte mais qu'il peut justifier une action éducative à l'égard du mineur. Dans lamême logique, les dispositions relatives à «l'absorption» (application de l'article65, al. 2 du Code pénal), à l'extradition, au sursis, à la suspension du prononcé, àla probation, à la réhabilitation, à l'amnistie, et à la grâce ne s'appliquent pas aumineur.

2. Les conditions d'existence du fait qualifié infraction

La doctrine et la jurisprudence majoritaires considèrent que la principaleconséquence de la présomption d'absence de discernement est le fait que lemineur auteur d'un fait infractionnel ne peut plus faire l'objet d'une peine. Commele souligne R. Declercq, «cet aspect particulier de leur acte n'est supprimé qu'enraison de leur personnalité insuffisamment développée, donc de facteurspurement subjectifs. Il en résulte que le fait restera objectivement uneinfraction»30. Rejeté du champ du pénal au sens strict, le mineur entre dans le

28. Proposition de loi sur la protection de la jeunesse, Développements, Doc. parl., Ch.

repr., sess. 1959-1960, n° 567/1, p. 24.

29. Voir par exemple Mons (jeun.), 18 septembre 2000, J.D.J., 2000, n° 199, p. 40. Des

mineurs âgés de 8 et 9 ans étaient poursuivis sur la base de l'article 36,4° pour avoirorganisé le déraillement d'un train dans lequel le machiniste a trouvé la mort.

30. R. DECLERCQ, «L'interprétation des articles 13 à 16 de la loi du 15 mai 1912 relatifs à

la compétence du juge des enfants», Ann. Dr. Louv., 1951, p. 151. Dans le même sens,voir Pand., v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 350, n° 104 et 106; Bruxelles, 9novembre 1938, R.D.P.C., 1939, p. 1521, Liège, 15 mars 1936, Belg. jud., 1938, col. 216,observations A. Braas. C'est ce qui explique qu'il a été jugé que les majeurs quiparticipent, dans les conditions prévues aux articles 66 et 67 du Code pénal, à un faitqualifié crime ou délit commis par un mineur sont punissables (Cass., 23 février 1914,Pas., I, p. 120) et qu'un fait commis par un mineur peut également servir de base à un

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champ protectionnel où il peut faire l'objet d'une mesure de sûreté pour autantque le fait qualifié infraction soit déclaré établi.En droit pénal, l'existence d'une infraction est soumise à la réunion de troiséléments : l'élément légal, l'élément matériel et l'élément moral. Qu'en est-il dufait qualifié infraction en protection de la jeunesse ?

a) L’élément légal

En droit pénal, l’élément légal de l’infraction, qui est une conséquence du principede la légalité des délits et des peines, consiste dans la violation de la loi pénale etl’existence d’une peine31. Seul le premier aspect pourrait trouver à s’appliquer enl’espèce. Dans la mesure où le fait qualifié infraction est celui qui, s’il était commispar un majeur, constituerait une infraction, la violation de la loi pénale paraît unecondition nécessaire à l’existence du fait qualifié infraction. Inversement, si le faitne constitue pas une violation de la loi pénale, il ne pourrait justifier uneintervention de la loi pénale.Pour cette raison, la majorité des auteurs considèrent que le mineur bénéficie duprincipe de la non-rétroactivité de la loi pénale, qu'il peut soulever la prescriptionet qu’il peut invoquer les causes de justification objectives que sont l'autorisationde la loi et le commandement légal de l'autorité, la légitime défense et l'état denécessité32.A ce jour, il n'existe pas en Belgique «d'infractions juvéniles», c'est-à-dire decomportements qui ne pourraient être poursuivis qu'à l'égard des mineurs. Parcontre, sous l'empire de la loi du 15 mai 1912, le législateur avait incriminé descomportements «prédélictueux» tels que le jeu, les trafics, la prostitution, lamendicité, le vagabondage, la débauche. Au fil du temps, ces dispositions, dontcertaines avaient été reprises dans la loi du 8 avril 1965, ont été abrogées. Enpratique, les comportements visés ont été absorbés par la qualification de«mineur en danger» qui est plus aisée puisqu'elle ne suppose pas d'établir unfait. En revanche, par une note récente, le Ministre de la Justice et le Ministre dela Santé Publique ont fait savoir qu'ils envisageaient de ne plus poursuivrepénalement les majeurs pour la détention du cannabis tout en maintenant

recel dans le chef d'un majeur (Gand, 3 mai 1924, Belg. Jud.,, 1924, col. 489 cité in Pand.,v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 350, n° 104 bis).

31. F. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit pénal, Bruxelles, Story-

Scientia, 1998. pp. 272 et s.

32. Voir J. SMETS, Jeugdbeschermingsrecht, A.P.R., Anvers, Kluwer, 1996, n° 813 et s. ;

Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1024, 1027; L. SLACHMUYLDER,Législation protectrice de la jeunesse, op. cit., p. 225 ; Bruxelles (ch. jeun.), 1er octobre1981, cité in J. MOENS, P., VERLYNDE, Les mesures à l'égard des mineurs. Les mesuresà l'égard des parents, Bruxelles, Bruylant, 1988. p. 257.

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166 International Review of Penal Law (Vol. 75)

l'incrimination à l'égard des mineurs. Il s'agirait d'une première manifestationd'une infraction qui existerait uniquement dans le chef de ces derniers.

b) L’élément matériel

Pour pouvoir donner lieu à l'application d'une mesure, le fait infractionnel doit êtrematériellement établi à charge du mineur et constituer une infraction s'il avait étécommis par un majeur. A plusieurs reprises, il a été rappelé que «l'acte del'enfant est le même que celui de l'adulte»33. Toutefois, au nom des finalitéspréventives et éducatives du modèle protectionnel, une certaine jurisprudence ainterprété plus largement les qualifications légales du Code pénal qu'elle nel'aurait fait pour les majeurs, et ce dans le but d'étendre le champ d'intervention34.

c) L'élément moral

En droit pénal, l'élément moral présente deux composantes : l'imputabilité moralecommune à toute infraction pénale et l'état d'esprit avec lequel a agi l'auteur (dolou défaut de prévoyance et de précaution), variable selon les différents typesd'infractions35. L'imputabilité morale est la possibilité de rattacher les faitsmatériels commis en violation de la loi pénale à la conscience et à la volonté deleur auteur. L'état d'esprit détermine l'attitude intellectuelle qui doit, selon la loi,avoir animé l'agent pour que l'acte accompli puisse justifier une sanction pénale.Peut-on toutefois soutenir, au motif que la minorité est une cause de non-imputabilité pénale, que la seule constatation de l'élément matériel permet deconsidérer que le fait est établi dans le chef du mineur ? Une telle conceptionaurait pour effet de rendre non intentionnels tous les “faits qualifiés infractions ” àcharge des mineurs36 et, comme le soulignait R. Declercq, “cela reviendrait à

33. R. DECLERCQ, «L'interprétation des articles 13 à 16 de la loi du 15 mai 1912 relatifs à

la compétence du juge des enfants», op. cit., p. 153. Dans le même sens, P.E. TROUSSE,Les principes généraux du droit pénal positif belge, op. cit., n° 1256. Voy. égalementCass., 4 novembre 1942, Pas., 1942, I, p. 269; Bruxelles, 9 novembre 1938, Rev. dr. pén.crim., 1939, p. 1521.

34. Voir les exemples cités par R. DECLERCQ, «L'interprétation des articles 13 à 16 de la

loi du 15 mai 1912 relatifs à la compétence du juge des enfants», op. cit., p. 153. Dans lemême sens, voy. Pand., v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 357, n° 125 et 126;R.P.D.B., v° Tribunaux pour enfants, op. cit., n° 157.

35. Sur cette distinction, voir F. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit

pénal, op. cit., pp. 317 et s.

36. Cette thèse semble notamment être celle qu'a soutenu le Professeur Verhaegen. Voir

J. VERHAEGEN, “ Le fait qualifié infraction ”, Mélanges offerts à Robert Legros, Bruxelles,1985, pp. 757 et s.

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Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 167

considérer l’enfant comme un jeune animal privé de raison et livré à sesinstincts»37. Pour la doctrine majoritaire, il faut, au contraire, qu'un lien moralexiste entre l'acte et le mineur qui en est l'auteur38. Si ce lien moral est absent,l’acte peut éventuellement être considéré comme inadéquat ou inadapté mais pascomme un “fait qualifié infraction”. C'est ce qui justifie qu'un infans ne peut pasêtre poursuivi sur la base de l’article 36, 4 de la loi puisqu'il n'a pas la volontérequise. Il ne peut faire l'objet que d'une intervention fondée sur son état dedanger39.La jurisprudence a confirmé que l'élément moral devait être constaté dans le chefdu mineur. Dès le 10 mars 1913, la Cour de cassation a jugé «qu'en supprimantla recherche spéciale du discernement et la responsabilité pénale pour lesmineurs de seize ans, la loi nouvelle a simplement remplacé les peines du Codepénal par des mesures de garde, d'éducation et de préservation; que toutjugement ordonnant ces mesures implique la constatation judiciaire de laculpabilité du chef d'un acte conscient et volontaire qualifié crime ou délit par la loipénale»40. Dans un arrêt du 9 novembre 1938, la Cour d'appel de Bruxelles aréformé une décision qui affirmait que, pour justifier une intervention du juge desenfants, le fait devait seulement être physiquement imputable au mineur sansréférence aucune à l'élément moral. La Cour d'appel a confirmé l'enseignementde la Cour de cassation tout en le motivant de manière plus détaillée : «le jugedes enfants doit se préoccuper de ce dernier en recherchant si tous les élémentslégaux – tant matériels qu'intentionnels – de l'infraction soumise à son examen,sont réunis et partant, si le fait délictueux est imputable au mineur. Le régimeinstauré par la loi du 15 mai 1912 n'a modifié en rien la nature de l'infraction, tellequ'elle est prévue par la loi pénale (…) Ainsi, le juge des enfants ne peut prendreles mesures autorisées à l'égard du jeune délinquant que si se trouvent réunies,dans son chef, les conditions qui s'avéreraient nécessaires pour conclure à laculpabilité du délinquant adulte eu égard à la même infraction (…). La loi a mêmeprévu la coopération à la même infraction d'un majeur et d'un mineur (art. 44, 45,46). Elle a ainsi marqué sa volonté de voir le fait répréhensible considéré commeune infraction. En autorisant, d'autre part, le juge des enfants à faire procéder à

37. R. DECLERCQ, “ L’interprétation des articles 13 à 16 de la loi du 15 mai 1912 relatifs à

la compétence du juge des enfants ”, Ann. dr., 1951, p. 152.

38. En ce sens, voir notamment P.E. TROUSSE, Les principes généraux du droit pénal

positif belge, Les Novelles, Droit pénal, t. I, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 1956, n° 1263;R.P.D.B., v° Tribunaux pour enfants, n° 162 ; Les Novelles, Protection de la jeunesse, op.cit., n° 1023 ; M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédurepénale, op. cit., p. 689 ; J. SMETS, Jeugdbeschermingsrecht, op. cit., n° 813.

39. Voir Cass., 9 février 1982, Pas., 1982, I, p. 728. Cet arrêt confirme implicitement cette

interprétation.

40. Cass., 10 mars 1913, Pas., I, p. 140.

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l'examen mental du mineur (art. 21), la loi a implicitement exigé que fût appréciéel'imputabilité du délinquant ou, en d'autres termes, l'existence de l'élémentintentionnel ou culpeux de l'infraction. Il est unanimement admis que le mineurpeut se prévaloir d'une cause d'excuse ou de justification. Il s'ensuit que lajuridiction des enfants est vraiment une juridiction répressive, en tant qu'ellestatue à l'égard de ses justiciables sur le bien fondé des infractions qui lui sontdéférées»41. Toujours dans le même sens, un jugement du Tribunal des enfantsde Mons du 23 octobre 1934 décide que l'infraction d'outrages publics auxbonnes mœurs ne peut être déclarée établie à charge d'une mineure âgée demoins de seize ans au motif qu'elle n'avait pas pu vouloir les faits en raison de laprésomption légale d'absence de consentement dans son chef42.Dans ces conditions, le mineur peut-il invoquer les autres causes de justificationsubjectives admises en droit pénal ? Certains auteurs estiment que le mineurpeut ainsi invoquer la contrainte, qu'elle soit physique ou morale43, ainsi quel'erreur invincible du moins dans les cas où elle serait retenue à l'égard d'unmajeur normalement prudent et raisonnable44. Il a été également jugé que lemineur peut invoquer l'altération de ses facultés mentales pour contester laqualification de «fait qualifié infraction»45.Une question relative à l'exigence de l'élément moral dans le chef du mineurdélinquant n'a jusqu'ici pas ou peu été approfondie. Si la doctrine et lajurisprudence majoritaires semblent admettre que l'élément moral doit êtreconstaté dans le chef du mineur et qu'il ne peut donc être déclaré coupable ques'il a agi volontairement, aucune précision n'est apportée sur les critères parrapport auxquels cette volonté doit être appréciée. Or, il est évident que le majeuret le mineur sont différents tout en étant égaux et qu'ils n'ont pas nécessairementle même rapport au monde et à la réalité. Un même fait ou un même événementpeut être vécu et ressenti de manière fort différente par un enfant et un adulte. Larègle qui veut qu'au pénal les fautes et les intentions sont appréciées in concreto,et non in abstracto par rapport au critère abstrait de la personne raisonnable etprudente placée dans les mêmes circonstances, ne devrait-elle pas conduire lejuge à prendre en considération les particularités de l'enfant, de sondéveloppement, de sa psychologie, pour décider si l'état d'esprit requis par la loipénale est établi dans son chef ? Il s'agirait ainsi de respecter l'enfant en tantqu'enfant. A cet égard la loi est muette et rien n'empêche le juge d'apprécier le

41. Bruxelles, 9 novembre 1938, R.D.P.C., 1939, p. 1521.

42. Trib. enf. Mons, 23 octobre 1934, R.D.P.C., 1935, p. 1207.

43 Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1026; J. SMETS,

Jeugdbeschermingsrecht, op. cit., n° 816 et 817.

44. J. SMETS, Jeugdbeschermingsrecht, op. cit., n° 819.

45. Bruxelles (ch. jeun.), 18 mai 1998, J.D.J., 1999, n° 184, p. 59.

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comportement du mineur comme s'il était un adulte miniature sans tenir comptede ses spécificités d'enfant.

3. Les exceptions

Il existe plusieurs exceptions à l'irresponsabilité pénale du mineur qui ont poureffet de l'empêcher de faire l'objet d'une mesure protectionnelle. Ces exceptionspeuvent être rangées dans deux catégories. La première réunit les exceptions oùla loi dispose, de manière générale, que certains mineurs sont soumis auxjuridictions pénales ordinaires en fonction de l'infraction pour laquelle ils sontpoursuivis ou de conditions particulières dans lesquelles ils se trouvent. Sont àranger dans cette catégorie l'article 36 bis de la loi du 8 avril 1965 (a) etl'hypothèse du mineur militaire (b). La seconde regroupe les mesures dites«extraordinaires» par lesquelles le mineur peut être soustrait au modèleprotectionnel pour être renvoyé devant les juridictions des majeurs. Il s'agit de lamesure de dessaisissement (c) et de la mesure qui peut être ordonnée à l'égarddu mineur malade mental (d).

Ces diverses exceptions confirment le caractère pragmatique du modèleprotectionnel belge et démontrent que son objectif prioritaire est la défensesociale. Au-delà de la protection du jeune, il apparaît que c'est avant tout laprotection de la société qui est privilégiée. Cette caractéristique du modèleprotectionnel transparaît notamment à travers le fait que, dans aucune de cesexceptions qui peut aboutir à voir le mineur être condamné à une peine, la loin'exige la constatation formelle dans son chef de l'existence du discernement.

a) L'article 36 bis de la loi du 8 avril 1965 relatif aux infractions de roulage

La loi du 9 mai 1972 a introduit l’article 36 bis qui rend, dans certaines conditions,les juridictions pénales ordinaires compétentes pour connaître des infractions deroulage commises par des mineurs de plus seize ans.Quatre raisons principales ont été avancées pour justifier cette exception à lacompétence du tribunal de la jeunesse. Premièrement, il est apparu, aprèsquelques années de pratique, que la loi du 8 avril 1965 semblait fort peu adaptéeaux infractions de roulage46. En effet, celles-ci consistent souvent en des

46. Suivant l'auteur des Novelles, Protection de la jeunesse, Bruxelles, op. cit., n° 1035

«La multiplication des infractions en cette matière, imputables à certains mineurs, a fini parinquiéter l'opinion car, ce genre d'affaire aboutissait trop souvent à une simpleadmonestation à l'initiative du parquet, suivie d'un classement pur et simple : c'étaitassurer à certaines catégories de jeunes imprudents de la motorette notamment l'impunité

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contraventions ou des délits non intentionnels. La question de la personnalité dumineur n’est donc que subsidiaire. Deuxièmement, les investigations quid’habitude justifient l’intervention du tribunal de la jeunesse (audition despersonnes composant le milieu, enquête sociale, examen médico-psychologique)n’étaient que très rarement utilisées dans le cadre de ces dossiers.Troisièmement, à l'inverse du régime applicable aux adultes, certaines mesuresne pouvaient pas être ordonnées à l'égard du mineur, tel le retrait du permis deconduire. Cette situation était nuisible pour l'ordre public47. Quatrièmement, lesinvestigations nécessaires pour permettre le dessaisissement prévu à l'article 38alourdissaient inutilement la procédure. Le législateur a donc préféré rendre lesjuridictions de droit commun directement compétentes à l'égard des mineurs enâge de circuler avec des véhicules automoteurs sur la voie publique. Comme onpeut le constater, ce n'est donc pas la reconnaissance du discernement dans lechef du mineur qui a justifié l'écart du modèle protectionnel et le recours au droitcommun, mais plutôt l'inadéquation du système protectionnel et une volontéd'efficacité.La compétence des juridictions de droit commun prévue par l'article 36 bis estcependant assortie de deux réserves. Tout d'abord, en cas de connexité desinfractions visées à l'article 36 avec des poursuites du chef d’autres infractions, letribunal de la jeunesse reste compétent pour connaître de l’ensemble despréventions. Ensuite, si les débats devant les juridictions de droit commun fontapparaître qu’une mesure de garde, de préservation, d’éducation serait plusadéquate en la cause, le juge saisi peut, par décision motivée, se dessaisir etrenvoyer l’affaire au ministère public aux fins de réquisition devant le tribunal dela jeunesse s’il y a lieu.Devant les juridictions de droit commun, les mineurs sont soumis au droit pénalapplicable aux adultes. La seule exception concerne la loi sur la détentionpréventive qui ne peut pas être appliquée au mineur, sauf s’il y a délit de fuite.

b) Les mineurs militaires

L’article 36 in fine de la loi du 8 avril 1965 prévoit que les dispositions de cetarticle ne s'appliquent pas aux mineurs qui ont la qualité militaire au moment desfaits. Ceux-ci ne peuvent donc pas faire l'objet d'une intervention des juridictionsde la jeunesse. C’est la traduction du principe qui veut que «le père du soldat estson colonel»48. La surveillance et la discipline militaire doivent donc suffire au

: ce système décourageait les autorités de police, risquait de préjudicier gravement auxintérêts des victimes innocentes, et encourageait à la récidive».

47. Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1035.

48. Voir H. BOSLY, «L'armée et la protection de la jeunesse», Ann. Dr. Louv., 1971,

p. 157-158; voy. également F. LOX, op. cit., P. 167.

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Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 171

soutien des mineurs sous les armes49, et la menaces du renvoi devant lesjuridictions répressives est nécessaire pour sauvegarder la discipline à laquelletous les soldats, en ce compris les mineurs, sont soumis50.Ainsi, lorsqu’ils sont sous les armes au moment des faits litigieux, les mineursrelèvent soit des juridictions militaires, soit des juridictions de droit commun51.L'exception se justifie par la nécessité de voir le mineur être traité comme tous lessoldats en cas d'infraction à la discipline52.

c) Le dessaisissement

L'article 38 de la loi du 8 avril 1965 dispose que lorsqu'un jeune est déféré autribunal de la jeunesse en raison d'un fait qualifié infraction, qu'il était âgé de plusde seize ans au moment de ce fait, et que le tribunal de la jeunesse estimeinadéquate une mesure de garde, de préservation ou d'éducation, il peut, pardécision motivée, se dessaisir et renvoyer l'affaire au ministère public aux fins depoursuites devant la juridiction compétente en vertu du droit commun s'il y a lieu.Cette disposition peut être appliquée même lorsque le jeune a atteint l'âge de dix-huit ans au moment du jugement.Le tribunal de la jeunesse doit apprécier l'inadéquation des mesures de protectionen fonction, non de la gravité des faits, mais de la personnalité du jeune. C'est laraison pour laquelle la loi rend obligatoire, sauf dans certaines circonstancesexceptionnelles, la réalisation préalable d'une étude sociale et d'un examenmédico-psychologique. Depuis la réforme de 1994, ces investigations ne sontplus obligatoires dans certaines hypothèses de délinquance grave, ce qui traduitle mouvement de repénalisation de la protection de la jeunesse déjà évoqué ci-dessus.Le dessaisissement est une mesure extraordinaire. Il ne s'agit pas d'une mesurede protection de la jeunesse mais d'une mesure qui traduit la volonté dulégislateur de 1965 de faire contrepoids à l'élévation de l'âge de la majoritépénale à dix-huit ans53, pour rencontrer des situations exceptionnelles où le

49. Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 995.

50. H. BOSLY, «L'armée et la protection de la jeunesse», op. cit., p. 158.

51. Corr. Tongres, 18 octobre 1979, Limb. Rechtsl., 1980, p. 36.

52. Voir les conclusions de l'avocat général Velu avant Cass., 30 novembre 1983, Pas.,

1984, p. 347.

53. Doc. Parl., Chambre, session, 1962-1963, n° 637-1, p. 8 et 24. Voy. également F.

LOX, «Les mesures à l'égard des mineurs», Ann. Dr. Louv., 1966, p. 178; H. BOSLY «Ledessaisissement du tribunal de la jeunesse», note sous Cass. 20 mai 1981, R.T.D.F.,1982, p. 345; N. DE VROEDE, «Les habits neufs de la loi du 8 avril 1965 relatifs à laprotection de la jeunesse», Jour. Proc., 1995, p. 12.

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mineur est déjà figé dans des attitudes particulièrement antisociales54 et danslesquelles il ne faut pas que «le souci d’éduquer aille jusqu’à la duperie»55.Le dessaisissement a bien pour effet de transformer le mineur pénalementirresponsable en personne pénalement responsable56. Par le fait qu'il autorise lejuge pénal à condamner le mineur à une peine identique à celle qui seraitprononcée contre un majeur, le dessaisissement a pour effet de présumerl'existence du discernement dans le chef du mineur, et ce de manière définitivepuisque, même si le juge pénal estime que le mineur manque de maturité, il luiest impossible de le réorienter vers la justice des mineurs. Toutefois, ledessaisissement doit uniquement être motivé par la constatation de l'inadéquationdes mesures de protection de la jeunesse, et non par l'existence d'un«discernement pénal» dans le chef du mineur. Les effets de la mise en oeuvre dece mécanisme peuvent s'avérer paradoxaux. La pratique révèle, en effet, que,régulièrement, les mineurs qui font l'objet d'un dessaisissement sont ceux quijouissent le moins du discernement car leur attitude démontre qu'ils necomprennent pas l'opportunité que peut constituer pour eux le bénéfice d'unemesure protectionnelle et l'intérêt qu'ils ont à y collaborer. Il faut égalementrelever que le tribunal de la jeunesse ne doit pas non plus, lorsqu'il se dessaisit,constater l'adéquation d'une sanction pénale. Sa décision peut donc avoir pourconséquence de mettre le jeune dont il se dessaisit dans une situation plusdéfavorable s'il s'avère qu'une peine est pour lui plus inadéquate encore que nel'aurait été une mesure de protection.Depuis le début des années 1980, le recours à la mesure de dessaisissements'est très nettement intensifié. Dans certains arrondissements, le dessaisissementest quasiment devenu une mesure automatique pour les faits criminels les plusgraves. Cette pratique a sans doute permis d'éviter un difficile débat sur laquestion de la responsabilité pénale des mineurs. Par ailleurs, de nombreuxdessaisissements sont moins motivés réellement par l'inadéquation des mesuresprotectionnelles que par le manque de place dans les institutions publiques, etnotamment celles à régime fermé. Une fois encore, par le recours audessaisissement, le débat relatif au nombre de places dans ces institutions et surle contenu du régime fermé a été escamoté.Lors de la réforme du 2 février 1994, le législateur a introduit, à l’article 38 al. 3 dela loi du 8 avril 1965, une disposition par laquelle tout mineur qui a fait l’objet

54. Doc. Parl., Chambre, session, 1962-1963, n° 637-1, p. 24.

55. J. CONSTANT, «La protection sociale et judiciaire de la jeunesse», R.D.P.C., 1965-

1966, p. 427. Voir également, J. MOENS, P. VERLYNDE, Les mesures à l'égard desmineurs. Les mesures à l'égard des parents, Bruxelles, Bruylant, 1988, p. 213; J. SMETS,Jeugdbeschermingsrecht, A.P.R., Anvers, kluwer, 1996, n° 1042 et s. et références citées.

56. J. MOENS, P. VERLYNDE, Les mesures à l'égard des mineurs. Les mesures à l'égard

des parents, op. cit., p. 216.

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d’une décision de dessaisissement suivie d’une condamnation définitive par unejuridiction de droit commun devient justiciable des juridictions ordinaires pour lespoursuites relatives aux faits commis à partir du lendemain du jour de lacondamnation pénale définitive. En vertu de cette nouvelle règle, ledessaisissement qui auparavant s’effectuait in rem (c’est-à-dire dossier pardossier) tend à devenir in personam (on se dessaisit du jeune en le faisantirrémédiablement entrer dans le champ du droit pénal). La raison de cettenouvelle disposition repose moins sur la constatation du discernement dans lechef du jeune qui récidive que sur un souci d'efficacité. Il ressort, en effet, destravaux préparatoires de la loi du 2 février 1994 que l'intention du législateur a étéde supprimer la lourdeur de dessaisissements consécutifs57, en invoquant que larécidive du mineur constitue la démonstration qu'il n'évolue pas dans le bon senset qu'un nouveau dessaisissement est donc nécessaire58.

d) Les mesures à l'égard du mineur délinquant malade mental

L’article 43 de la loi du 8 avril 1965 renvoie à la loi du 26 janvier 1990 relative àla protection de la personne des malades mentaux en général.Sur base de cette disposition, c'est le juge de paix qui est compétent à l'instar desmajeurs. Il peut être saisi par le tribunal de la jeunesse, par le ministère public oupar toute personne intéressée. Il peut ordonner, la mise en observation dans unservice psychiatrique fermé ou des soins en famille à l’égard d’un mineur malademental, pour autant qu'une telle mesure s'impose, et à défaut de tout autretraitement approprié, en raison de l’état du mineur le requiert, soit qu’il mettegravement en péril sa santé et sa sécurité, soit qu’il constitue une menace gravepour la vie ou l’intégrité d’autrui. L’inadaptation aux valeurs morales, sociales,religieuses, politiques ou autres ne peut être en soi considérée comme unemaladie mentale.

B. Les mesures de protection ordinaires

L’article 37 § 1er de la loi du 8 avril 1965 prévoit que le tribunal de la jeunessepeut ordonner, à l’égard des mineurs délinquants, des mesures de garde, depréservation et d’éducation.Ces mesures sont facultatives. Même s’il déclare les faits établis, le tribunal de lajeunesse peut décider de ne prononcer aucune mesure à l’égard du mineurdélinquant.

57. «Cette disposition doit permettre d'éviter des frais et pertes de temps inutiles tant pour

les magistrats que pour les avocats, les parents et jeunes concernés» (Doc. Parl.,Chambre, session extr. 1991-1992, 532/1 -91/92, pp. 17-18).

58. Doc. Parl., Sénat, session 1992-1993, rapport, 633/2-92/93, p. 46.

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Les mesures doivent être légales. Le tribunal de la jeunesse ne peut doncordonner à l’égard des mineurs délinquants que les mesures prévues par la loi.Néanmoins, les textes sont rédigés de manière très large, ce qui autorise unegrande souplesse d’interprétation en vue notamment de s’adapter aux nouvellesméthodes éducatives et pédagogiques.Normalement, les mesures sont prononcées pour une durée indéterminée.Néanmoins, depuis la réforme de 1994, ce principe connaît des exceptions.Dorénavant le tribunal de la jeunesse doit indiquer la durée précise de certainesmesures privatives de liberté. Tout placement quel qu'il soit ne peut avoir unedurée supérieure à un an, mais il peut être renouvelé.La loi prévoit que les mesures prennent fin lorsque le mineur atteint l’âge de 18ans, c’est-à-dire l’âge de la majorité civile. Les mesures peuvent cependantprendre fin avant cet âge par décision du tribunal de la jeunesse. En raison del’abaissement de l’âge de la majorité civile de 21 à 18 ans par la loi du 19 janvier1990, le législateur a prévu des hypothèses de prolongation des mesures au-delàde l'âge de dix-huit ans (voir infra).

1. La réprimande

La réprimande est une admonestation solennelle coulée dans la forme d’unjugement.Cette mesure est instantanée. Elle peut être ordonnée aussi bien à l'égard d'unmineur qu'à l'égard d'un jeune qui a déjà atteint l'âge de dix-huit ans lorsqu'ilcomparaît devant le tribunal de la jeunesse.Elle s’accompagne nécessairement du maintien ou, si le mineur avait fait l’objetd’une mesure de garde provisoire, du retour chez les personnes qui ont sa garde.En outre, le tribunal de la jeunesse peut faire injonction aux personnes qui ont lagarde du mineur de mieux le surveiller à l’avenir.

2. La surveillance

Le tribunal de la jeunesse peut soumettre le jeune délinquant à la surveillance duservice social compétent qui sera chargé de vérifier le respect des conditionsfixées par le tribunal. Le service social compétent est celui qui est mis à ladisposition du tribunal de la jeunesse par la Communauté.La mesure de surveillance comprend deux aspects : un accompagnement dujeune dans son milieu et l’observation du respect des conditions éventuellementfixées par le tribunal.La loi donne une liste exemplative des conditions dont le tribunal de la jeunessepeut assortir la surveillance. La première est la fréquentation régulière d’unétablissement scolaire d’enseignement ordinaire ou d’enseignement spécial. L adeuxième est la réalisation d'une prestation éducative ou philanthropique. La

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troisième condition est la fréquentation d’un centre d’orientation éducative oud’hygiène mentale.Depuis le milieu des années 1980, le recours aux prestations éducatives ouphilanthropiques s'est sensiblement accru. Cette utilisation massive desprestations doit être mise en rapport avec le mouvement de repénalisation quis'est développé à la même époque. La mesure a parfois permis de renouer aveccertains principes du droit pénal, notamment par la pratique de la tarification dunombre d'heures de prestations en fonction de la gravité de l'acte.Depuis le début des années 1990, les services d'encadrement des prestations ontdéveloppé, à titre d'expériences, des projets de médiation entre le jeunedélinquant et la victime sur demande du parquet ou du tribunal de la jeunesse. Lamédiation a pour objet de permettre aux deux parties, soit par une rencontredirecte, soit de manière indirecte, de trouver un règlement satisfaisant audifférend qui les oppose. Le but recherché n’est donc pas de faire correspondreune peine ou une sanction avec un délit ni d’adapter la sentence à la personnalitédu délinquant, mais de viser à l’annulation des torts causés par l’infraction. Il estproposé au jeune de réparer plutôt que de se faire infliger un mal ou de subir untraitement. La pratique de la médiation participe de l’idée que l’ordre public estdavantage assuré par la réconciliation du délinquant et de sa victime que par leuraffrontement mutuel au cours d’un procès contradictoire.

3. Le placement chez un particulier ou dans une institution privée

Le tribunal de la jeunesse peut placer les jeunes délinquants sous la surveillancedu service social compétent, chez une personne digne de confiance ou dans unétablissement approprié. Ce placement doit avoir pour objectif l’hébergement dujeune, son traitement, son éducation, son instruction ou sa formationprofessionnelle.Depuis la réforme de 1994, les mesures de placement ordonnées par jugementsont limitées dans le temps à une période d’un an, renouvelable.

4. Le placement dans une institution publique de protection de la jeunesse àrégime ouvert ou fermé

Le tribunal de la jeunesse peut confier un mineur délinquant à une institutionpublique d’observation et d’éducation sous surveillance. Ces institutions sont,sauf circonstances très exceptionnelles, réservées aux jeunes de plus de 12 ans.Lorsque le tribunal de la jeunesse place un jeune délinquant en I.P.P.J., il doitindiquer dans sa décision la durée du placement qui, comme tout placement, nepeut jamais être supérieure à un an, mais est renouvelable. Le tribunal de lajeunesse doit également indiquer dans sa décision s'il confie le mineur à uneinstitution à régime ouvert ou fermé.

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La réglementation des différents régimes en vigueur dans les I.P.P.J. est de lacompétence des communautés.

C. La constatation judiciaire de la responsabilité pénale du mineur et lesrègles de procédure

Le mineur poursuivi pour un fait qualifié infraction est déféré devant le tribunal dela jeunesse. Ce tribunal est une des trois sections du tribunal de premièreinstance à côté du tribunal civil et du tribunal correctionnel. Il siège au niveau del'arrondissement judiciaire59. Le tribunal de la jeunesse est une juridiction à jugeunique. Le juge de la jeunesse qui la compose ne doit pas justifier d'uneformation particulière. Il doit seulement avoir exercé des fonctions judiciaireseffectives pendant un an au moins. En appel, la chambre de la jeunesse de lacour d'appel est également une chambre à conseiller unique et celui-ci ne doitpas avoir de formation particulière. Tant le parquet de première instance que leparquet d'appel sont composés de magistrats du ministère public spécialementdésignés par leur hiérarchie pour exercer leurs fonctions auprès des juridictionsde la jeunesse. Toutefois, aucune formation particulière n'est exigée.En vertu de l’article 62 de la loi du 8 avril 1965, la procédure est, sauf dérogationexplicite introduite par la loi du 8 avril 1965, réglée par les dispositions légalesapplicables aux poursuites en matière correctionnelle.La procédure est divisée en quatre étapes : la phase préparatoire, l’audiencepublique, l’exécution et la révision des mesures, et la prolongation de celles-ci. Laphase préparatoire et l’audience publique ont justifié le recours au mécanisme dela double saisine. Le ministère public saisit une première fois le tribunal de lajeunesse pour qu’il soit procédé à des investigations relatives au milieu et à lapersonnalité du jeune. Lorsque ces investigations sont terminées, le tribunal de lajeunesse doit alors communiquer le dossier au ministère public qui, le caséchéant, saisit cette fois le tribunal au fond. Parallèlement à ces deux saisines, letribunal de la jeunesse, tant qu’il n’a pas rendu sa décision au fond, dispose de lafaculté de prendre, à l’égard du mineur, des mesures provisoires. La phase derévision se justifie par le caractère éducatif des mesures : il faut pouvoir, à toutmoment, adapter l’action éducative à l’évolution du jeune et de son milieu. Laprolongation des mesures est la phase la plus récente (voy. supra, § 1, E).Le ministère public a le monopole de la saisine du tribunal de la jeunesse. Il estprésenté comme le gardien à la fois de l’intérêt général, de l’ordre des familles etde l’intérêt du mineur, même si on peut s’interroger sur la compatibilité de cesdiverses missions. Pour garantir ces valeurs, il est nécessaire que le ministèrepublic dispose du pouvoir d’appréciation le plus large possible quant àl’opportunité de saisir ou non le tribunal de la jeunesse. Par conséquent, la

59. Il y en a vingt-six en Belgique.

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victime ne peut pas mettre en mouvement l'action publique par les mécanismesde la citation directe ou de la constitution de partie civile dans les mains du juged'instruction.Depuis quelques années, le ministère public a utilisé son monopole de saisinepour mettre en œuvre, dans certains arrondissements, des expériences demesures de diversion60. De manière prétorienne, le parquet propose au mineur età ses parents, en cas de reconnaissance par le mineur de la matérialité des faits,d'accomplir une prestation et/ou de s'impliquer dans un processus de médiationavec l'aide d'un service d'encadrement. Si la mesure de diversion estcorrectement exécutée, le parquet classe le dossier sans suite. Ces mesures fontactuellement l'objet de différentes critiques : elles ne sont pas prévuesexpressément par la loi, elles sont de nature à violer la présomption d'innocence,les droits de la défense ne sont pas garantis, un classement sans suiten'empêche pas le ministère public d'entamer des poursuites en cas de récidive.Le tribunal de la jeunesse territorialement compétent est celui du lieu de larésidence des parents, tuteurs, ou personnes qui ont la garde du mineur. Si ceux-ci n'ont pas de résidence ou qu'elle est inconnue, le tribunal de la jeunessecompétent est soit celui du lieu où le mineur a commis le fait qualifié infraction,soit celui du lieu où il est trouvé, soit celui du lieu où est situé le lieu duplacement. Si le jeune est majeur au moment de la saisine, le tribunal compétentest celui du lieu de sa résidence.

1. La phase préparatoire

Par une première saisine, le ministère public demande au tribunal de la jeunessede procéder à des investigations relatives au milieu et à la personnalité du jeuneet de prendre éventuellement une mesure de garde provisoire.Dès l'instant où il est partie à la cause dans une procédure devant le tribunal de lajeunesse, le mineur doit être assisté d’un avocat. S’il n’en a pas, il lui en estdésigné un d’office. Cette assistance obligatoire par un avocat se justifie enraison de l’état de faiblesse et de l’inexpérience du mineur. Aux fins de procéderà cette désignation, le ministère public doit, lorsqu’il saisit le tribunal de lajeunesse, en aviser le bâtonnier de l’ordre des avocats.La tâche du tribunal de la jeunesse n’est pas d’enquêter sur les faits. Cettemission est réservée au ministère public dans le cadre de l’information judiciaireou au juge d’instruction si l'affaire a fait l’objet d’une mise à l’instruction. Durantl’enquête, le ministère public peut, bien entendu, verser au dossier du tribunal dela jeunesse tout élément qu’il jugerait utile à propos des faits. Néanmoins, tantque l’affaire n’est pas portée à l’audience publique, le tribunal de la jeunesse ne

60. A propos de ces mesures, voir Fr. TULKENS et Th. MOREAU, Le droit de la jeunesse

en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., p. 970 et s.

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peut pas se prononcer sur la culpabilité. Ce n’est qu’au moment de la saisine aufond que le parquet réunit les deux dossiers, - enquête sur les faits etinvestigations sur la personnalité et le milieu du jeune - et qu’il soumet le tout autribunal de la jeunesse.La durée de la procédure préparatoire est normalement limitée à six mois.Le tribunal de la jeunesse, une fois saisi, effectue toute diligence et fait procéderà toute investigation utile pour connaître la personnalité du jeune, le milieu où ilest élevé, pour déterminer son intérêt et les moyens appropriés à son éducationou à son traitement. Il peut notamment faire procéder à une étude sociale parl’intermédiaire du service social compétent ou soumettre le jeune à un examenmédico-psychologique lorsque le dossier ne lui paraît pas suffisant. Lorsque letribunal de la jeunesse fait procéder à une étude sociale, il doit, lorsqu’il prend oumodifie une décision, demander l’avis du service social compétent. Le tribunal de la jeunesse peut en tout temps convoquer le jeune, ses parents,tuteurs ou personnes qui ont sa garde ainsi que toute autre personne. Cesauditions ne sont en réalité qu’une forme particulière d’investigation.Pendant la durée d’une procédure tendant à l’application d’une des mesures deprotection de la jeunesse, le tribunal de la jeunesse peut prendre à l’égard dumineur les mesures nécessaires de garde provisoire. Lorsque le jeune a commisun fait qualifié infraction avant l’âge de 18 ans mais a dépassé cet âge au coursde la procédure, le tribunal de la jeunesse peut ordonner ou maintenir desmesures provisoires jusqu’à ce que ce jeune ait atteint l’âge de 20 ans.Différentes mesures provisoires peuvent être ordonnées par le tribunal de lajeunesse. Il s'agit en réalité, pour la plupart, des mêmes mesures que celles quipeuvent être prononcées par la décision au fond (voy. supra, § 2, B). D'une part,celui-ci peut laisser le jeune chez les personnes qui en ont la garde et lesoumettre, le cas échéant, à une mesure de surveillance qui peut être assortie deconditions. Sur cette base, s’est développée, pendant de plusieurs années, unepratique qui consistait à ordonner des prestations éducatives ou philanthropiquesà titre de mesures provisoires. Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du4 mars 1997, a jugé que de telles prestations n’étaient ni des mesuresd’investigation, ni des mesures de garde provisoire, mais des mesuresd’éducation à caractère sanctionnel qui ne peuvent être ordonnées qu’une fois laculpabilité légalement établie61. En conséquence, les prestations ordonnées àtitre de mesures provisoires sont illégales au motif qu'elles violent la présomptiond'innocence. D'autre part, le tribunal de la jeunesse peut également prendre unemesure de garde provisoire en confiant le jeune soit à une personne digne deconfiance ou une institution privée, soit à une institution publique de protectionde la jeunesse à régime ouvert ou fermé. Dans ce dernier cas, le tribunal de lajeunesse peut, pour les nécessités de l’information ou de l’instruction et pour un

61. Cass., 4 mars 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1379.

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délai renouvelable de 30 jours au plus, interdire au jeune, par décision motivée,de communiquer librement avec les personnes nommément désignées par letribunal, autres que son avocat. Le placement en institutions à régime fermé nepeut être ordonné que dans trois hypothèses : en cas de mauvaise conduitepersistante du jeune, en cas de comportement dangereux de sa part, ou lorsquel’instruction judiciaire le requiert. Ce placement est limité à une durée maximumde trois mois. Il peut être renouvelé une fois pour une période qui ne peutexcéder trois mois. Par la suite, il peut faire l'objet d'un renouvellement mensuelqui, tant par ses objectifs que par sa procédure, rappelle la détention préventivedes majeurs. Lorsque le tribunal de la jeunesse ordonne une mesure provisoirede placement en I.P.P.J. à régime éducatif fermé, il peut interdire au jeune toutesortie de l’établissement durant la durée de la mesure.Jusqu'au 31 décembre 2001, à titre exceptionnel, le mineur pouvait faire l'objetd'un placement en maison d'arrêt lorsqu'il était matériellement impossible detrouver un particulier ou une institution susceptible de recueillir le mineur sur lechamp. La durée de cet enfermement ne pouvait dépasser quinze jours. Lemineur devait être gardé dans la maison d’arrêt en étant isolé des adultes qui ysont détenus. Progressivement, la condition de «l'impossibilité matérielle» a étéinterprétée de manière moins rigide, témoignant de la volonté des magistrats derecourir plus souvent aux mesures d'enfermement. A partir des années quatre-vingt, «l'impossibilité matérielle» s'est limitée à l'impossibilité de trouver uneinstitution à régime fermé. Les places dans de telles institutions étant trèslimitées, le nombre de placement en maison d'arrêt a augmenté de manière trèsimportante. En outre, certains magistrats ne se sont pas cachés d'utiliser leplacement en maison d'arrêt comme une sanction immédiate, n'hésitant pas àrenvoyer le mineur en famille après l'expiration du délai de quinze jours ou àplacer en maison d'arrêt un mineur récidiviste pendant qu'il faisait l'objet d'unemesure de placement en institution. Ce sont notamment ces pratiques, ainsi quel'absence de la présence d'un avocat lors de l'audience de cabinet et l'absencede recours effectif contre l'ordonnance de placement qui ont entraîné lacondamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l'homme dansson arrêt du 29 février 1988, en cause Bouamar c. Belgique. Suite à cet arrêt,l'article 53 a été abrogé lors de la réforme de 1994. La date d'entrée en vigueurde cette abrogation devait être fixée ultérieurement par le Gouvernement, ce quin'a jamais été fait. Par conséquent, le législateur fédéral a, par une loi du 4 mai1999, décidé que l'entrée en vigueur de l'abrogation interviendrait au plus tard le1er janvier 2002.A peine l'article 53 était-il abrogé, que, sous la pression de certains acteurs deterrain et de l'opinion publique, le législateur a adopté, deux mois plus tard, la loidu 1er mars 2002 qui permet, durant la phase préparatoire, de placerprovisoirement le mineur dans un centre de détention pour mineurs pour unedurée maximum de deux mois et cinq jours. Cette mesure est qualifiée par la loi

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de «mesure de protection sociétale», signifiant par là que la sécurité publiqueprime sur l'intérêt du jeune. L'accès au centre est limité aux garçons et quatreconditions cumulatives doivent être remplies. Le jeune doit avoir atteint l'âge de14 ans au moment des faits et il doit exister à son égard des indices sérieux deculpabilité. Le fait doit être punissable par la loi pénale d'une peine d'au moinscinq à dix ans de réclusion. Toutefois, la peine est réduite à un and'emprisonnement si, antérieurement, le jeune a fait l'objet d'une mesuredéfinitive du tribunal de la jeunesse alors qu'il était poursuivi pour un fait qualifiéinfraction puni de la même peine. La mesure de protection sociétale ne peut êtreordonnée que s'il existe des circonstances impérieuses, graves et exceptionnellesse rattachant aux exigences de la protection de la sécurité publique. Enfin,l'admission, à titre provisoire, de la personne dans une institution publique deprotection de la jeunesse doit être impossible en raison du manque de place. Desrègles de procédure particulières sont prévues qui sont très proches de cellesapplicables en matière de détention préventive.Sauf les exceptions du placement en institution publique de protection de lajeunesse et dans le centre de détention, les mesures provisoires ont une duréeindéterminée. Le tribunal peut en tout temps les modifier ou les rapporter. Ellesprennent également fin en cas de classement sans suite par le ministère publiclorsque le dossier lui est retourné après investigation, ou par la décision au fonddu tribunal de la jeunesse lorsqu’elle est devenue exécutoire.La plupart du temps, les mesures provisoires sont ordonnées par le juge de lajeunesse statuant en cabinet. Ces audiences ont toujours lieu à huis clos. Nepeuvent donc y assister que les personnes convoquées par le juge de lajeunesse.Lors de la réforme de 1994, plusieurs garanties ont été reconnues au mineur dontil ne bénéficiait pas auparavant. Avant d’ordonner une mesure provisoire, letribunal de la jeunesse doit entendre personnellement le mineur âgé de douzeans au moins, sauf s’il n’a pu être trouvé, si son état de santé s’y oppose ou s’ilrefuse de comparaître. Le mineur qui comparaît devant le juge a droit àl’assistance d’un avocat. Le jeune et son avocat ont le droit de prendreconnaissance du dossier. L'ordonnance doit être motivée de manière spéciale, enrésumant les éléments touchant à la personnalité du jeune ou à son milieu. Lecas échéant, elle doit également contenir un résumé des faits reprochés. Enfin,elle doit mentionner l’audition du jeune ou les raisons pour lesquelles il n’a pu êtreentendu. L’ordonnance doit être communiquée au jeune ainsi qu’à ses père etmère, tuteur ou personnes qui ont sa garde. L’ordonnance peut faire l’objet d’unappel. Elle n’est, par contre, pas susceptible d’opposition. La cour d’appel doitrendre son arrêt dans les deux mois à dater de l’acte d’appel. Les délais d'appelet ceux dans lesquels la cour d'appel doit se prononcer sont réduits en cas deplacement en régime fermé ou en maison d'arrêt de manière à éviter que l'appel

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ne devienne sans objet en raison du fait que le terme de la mesure aurait entre-temps été atteint.Le législateur a voulu limiter autant que possible l’intervention du juged’instruction car il craignait que son intervention strictement judiciaire ne nuise àl’action de type éducatif du tribunal de la jeunesse. En conséquence, le juged’instruction ne peut être saisi que par réquisition du ministère public, dans descirconstances exceptionnelles et en cas de nécessité absolue. Le juge peutégalement se saisir d’office en cas de flagrant délit. Tout comme le parquetlorsqu’il mène une information judiciaire en matière de protection de la jeunesse,le juge d’instruction ne peut enquêter qu’à l’égard des faits. Il ne peut pasprocéder à des actes d’investigation relatifs à la personnalité du mineur, cedomaine étant exclusivement réservé au tribunal de la jeunesse. S’il y a urgence,le juge d’instruction peut prendre une mesure provisoire. Il doit cependant endonner simultanément avis par écrit au tribunal de la jeunesse. Celui-ci doit alors,dans les deux jours ouvrables, exercer ses attributions et statuer sur ces mesuresprovisoires conformément à la procédure décrite ci-dessus. A la fin del’instruction, le juge d’instruction communique son dossier au ministère public afinqu’il puisse prendre un réquisitoire de règlement de procédure. C’est le juged’instruction lui-même qui règle la procédure après un débat contradictoire enprésence du jeune, de ses père et mère et des parties civiles. Les parties doiventpouvoir préalablement prendre connaissance du dossier relatif aux faits déposéau greffe au moins 48 heures avant les débats. L’ordonnance du juged’instruction est soit une ordonnance de non lieu, soit une ordonnance de renvoidevant le tribunal de la jeunesse. La loi autorise le ministère public à saisir letribunal de la jeunesse de réquisitions de dessaisissement avant même que lejuge d’instruction ait terminé son enquête et réglé la procédure. Le tribunal de lajeunesse doit alors statuer en l’état de la procédure. Autrement dit, cela signifieque le tribunal de la jeunesse doit statuer sur le dessaisissement, et donc surl'adéquation des mesures à prononcer, avant que l’enquête sur les faits ne soitterminée.

2. La phase de jugement au fond

Lorsque la phase d’investigation est clôturée, le juge de la jeunesse renvoiel’affaire au parquet à toute fin utile. Le parquet dispose d’un délai de 2 mois pourciter les parties à l’audience publique. A ce stade, il peut décider de classer ledossier sans suite, ce qui met fin aux poursuites et, notamment, aux mesuresprovisoires. Il peut également décider de renvoyer l’affaire devant le tribunal de lajeunesse sur base d’une autre qualification légale.Les règles qui président à la tenue de l’audience publique et au jugement sontcelles du droit commun de la procédure correctionnelle, sous réserve desquelques dérogations prévues par la loi du 8 avril 1965.

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Les parties et leur conseil peuvent consulter le dossier avant l’audience publiquedès le moment où la citation leur a été notifiée. Néanmoins, ni la partie civile, ni lejeune ne peuvent consulter les pièces relatives à la personnalité du jeune et aumilieu où il vit. Ces pièces peuvent cependant être consultées par l’avocat dujeune.Le jeune et les civilement responsables doivent comparaître en personne. Seulela partie civile peut se faire représenter par un avocat. Le tribunal de la jeunessepeut, en tout temps, ordonner la comparution personnelle des parties dont laprésence à l’audience n’est pas obligatoire. De même, il peut convoquer toutesles personnes qui ont la garde du mineur.Le cas de chaque mineur est examiné séparément en l’absence de tout autremineur, sauf cependant le temps nécessaire à d’éventuelles confrontations.Le tribunal de la jeunesse peut décider, à tout moment, de se retirer en chambredu conseil pour siéger à huis clos. Cette mesure ne peut être ordonnée que pourentendre, sur la personnalité du mineur, les experts, les témoins, les parents,tuteurs ou personnes qui ont la garde du mineur. Le mineur n’assiste pas audébat en chambre du conseil. Le tribunal peut cependant le faire appeler s’ill’estime opportun. Afin de garantir les droits de la défense, les débats en chambredu conseil ne peuvent cependant avoir lieu qu’en présence de l’avocat du mineur.Le tribunal de la jeunesse statue sur les faits et, s'il déclare ceux-ci établis, il peutordonner une mesure. Il ne peut toutefois pas dissocier sa décision sur laresponsabilité et celle sur la mesure. Il doit statuer sur ces deux questions dans lemême jugement. Il doit également statuer sur les dommages et intérêts réclaméspar la partie civile, et sur les frais et les éventuelles confiscations. Le tribunal dela jeunesse peut ordonner l’exécution provisoire de sa décision.Les décisions que le tribunal de la jeunesse rend au fond sont susceptibles, dansles délais légaux prévus par le Code d’instruction criminelle, d’appel etd’opposition. La procédure suivie devant la cour d’appel est la même qu’à proposdu jugement rendu par le tribunal de la jeunesse. Les décisions de la cour d'appelsont susceptibles d'un pourvoi en cassation.Enfin, si la décision définitive ordonne une mesure, celle-ci fera l’objet d’unemention au casier judiciaire du mineur. Ces mentions ne peuvent jamais êtreportées à la connaissance des particuliers. Par contre, elles pourront être portéesà la connaissance des autorités judiciaires ainsi que de certaines autoritésadministratives et de certains officiers publics que la loi précise. Ces mentionspourront être rayées par décision du tribunal de la jeunesse sur requête de celuiqui en a fait l’objet lorsque cinq ans se sont écoulés à partir du moment où lesmesures ont pris fin.

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3. L’exécution et la révision des mesures

Lorsque le tribunal de la jeunesse prend une mesure, provisoire ou par jugement,à l'égard d'un mineur délinquant, il conserve le suivi du dossier, tandis que leparquet est chargé de l'exécution matérielle des mesures.Le tribunal de la jeunesse peut, en tout temps, soit d'office soit à la demande duministère public, rapporter ou modifier les mesures prises au mieux des intérêtsdu mineur. Le tribunal de la jeunesse peut être saisi aux mêmes fins de révisionpar requête des père, mère, tuteur ou personne qui ont la garde du mineur ainsique du mineur qui a fait l'objet de la mesure, après l'expiration d'un délai d'un anà compter du jour où la décision ordonnant la mesure est devenue définitive. Sicette requête est rejetée, elle ne peut être renouvelée avant l'expiration d'un andepuis la date à laquelle la décision de rejet est devenue définitive. Depuis 1994,les instances communautaires ayant en charge un jeune placé en régime éducatiffermé peuvent également solliciter à tout moment la révision de la mesure.La révision des mesures ne remet pas en cause l'existence du fait ou de lasituation imputée au mineur ou à ses parents; elle adapte la mesure à l'évolutionde la situation. Il s'agit d'une véritable exception à la procédure pénale.Depuis la réforme de 1994, toute mesure de placement décidée par jugement doitêtre réexaminée avant un an. Lors de ce réexamen, la mesure peut êtreconfirmée, rapportée ou modifiée.La procédure à suivre pour la révision est la même que celle qui a été suivie pourprendre la mesure à réviser.

4. La prolongation des mesures

La prolongation des mesures a été rendue nécessaire par l'abaissement de l'âgede la majorité civile en 1990. En effet, auparavant l’âge de la majorité pénaleétant fixé à dix-huit ans, mais l’âge de la majorité civile à vingt et un ans, il étaitencore possible, lorsqu’un mineur avait commis un fait qualifié infraction peuavant l’âge de sa majorité pénale, de prononcer une mesure éducative qui semaintenait jusqu’à l’âge de vingt et un ans accomplis. En raison de l'alignementde l'âge des deux majorités à celui de dix-huit ans, plus aucune mesure éducativeimpliquant une certaine durée ne pouvait être ordonnée à l’égard du jeune quicommettait des faits peu avant sa majorité. Le législateur a donc été prévu lapossibilité de prolonger les mesures au-delà de l’âge de la majorité. A défaut, uneomission sur ce point aurait conduit à l’abaissement de facto de l’âge de lamajorité pénale puisque les dessaisissements se seraient multipliés.Il existe deux hypothèses de prolongation des mesures. La première est celle oùle jeune a commis les faits avant l’âge de dix-sept ans. Dans ce cas, laprolongation peut être demandée au tribunal de la jeunesse soit par le jeune lui-même, soit par le ministère public qui doit alors cependant établir la mauvaise

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conduite persistante du mineur ou son comportement dangereux. Dans les deuxcas le tribunal de la jeunesse doit être saisi de la demande dans les trois mois quiprécèdent le jour de la majorité du jeune. La mesure peut être prolongée pourune durée que le tribunal de la jeunesse doit déterminer mais qui ne peut pasdépasser le jour où le jeune atteindra l'âge de vingt ans. La seconde hypothèseest celle où le jeune a commis les faits après l'âge de dix-sept ans. Dans ce cas,le tribunal de la jeunesse peut prononcer d’office une mesure au-delà de l'âge dela majorité pour la durée qu'il détermine et pour un pour un terme qui ne peut pasdépasser le jour où le jeune atteindra l'âge de vingt ans.

D. La place des parents

Lorsque leur enfant mineur est poursuivi pour un fait qualifié infraction, lesparents ne se voient reconnaître que peu de place par la loi du 8 avril 1965 dansle cadre de la phase préparatoire. Ils peuvent être entendus par le juge de lajeunesse, mais il s'agit d'une faculté laissée à l'entière discrétion du magistrat, etce même avant de prendre une mesure provisoire. En revanche, en cas d'appelde la décision, la cour d'appel statuant en audience publique, les parents doiventnécessairement être cités à comparaître.Lors de l'examen au fond, les parents sont parties à la cause. Ils le sontgénéralement à trois titres : en qualité de parents, en qualité de civilementresponsables et en leur qualité de débiteurs alimentaires. En leur qualité deparents, les parents peuvent se défendre sur les faits et le choix de la mesure. Enleur qualité de civilement responsables, ils sont tenus solidairement avec leurenfant des condamnations civiles dont celui-ci fait l'objet ainsi que des frais de laprocédure auxquels il serait condamné. Toutefois, les parents peuvent renverserla présomption de responsabilité mise à leur charge par l'article 1384 du Codecivil s'ils démontrent qu'il n'ont commis aucun défaut de surveillance etd'éducation.En outre, en leur qualité de débiteurs d'aliments, les parents peuvent être tenusde payer une part contributive à la Communauté qui organise la mise en œuvrede la mesure protectionnelle dont fait l'objet leur enfant. En Communautéfrançaise, cette décision n'est plus prise par le tribunal de la jeunesse, mais par ledirecteur de l'aide à la jeunesse. Toutefois, sa décision peut faire l'objet d'unecontestation devant le tribunal de la jeunesse.Enfin, l'article 84 de la loi du 8 avril 1965 dispose que «dans tous les cas où lemineur a commis un fait qualifié infraction et quelle que soit la mesure prise à sonégard, si le fait a été facilité par un défaut de surveillance, la personne qui a lagarde du mineur peut être condamnée à un emprisonnement d'un à sept jours età une amende d'un à vingt-cinq francs ou à une de ces peines seulement, sanspréjudice des dispositions du Code pénal et des lois spéciales concernant la

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participation». Toutefois, en pratique, cette disposition ne semble pas êtreappliquée.

§ 3 - Les projets de réforme de la loi du 8 avril 1965 en ce qui concerne lesmineurs délinquants

Depuis le début des années 1990, la question de la réforme de la loi du 8 avril1965 est à l'ordre du jour. La réforme de 1994 a été présentée comme desmodifications urgentes qui s'imposaient dans l'attente d'une réforme plusfondamentale. A ce jour, trois projets importants ont vu le jour qui seront abordéssuccessivement : Le projet de la Commission Commission nationale pour laréforme de la législation relative à la protection de la jeunesse (A), le projet duProfesseur Walgrave relatif au «droit sanctionnel restaurateur» (B) et l'avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs (C).

A. Le projet de la Commission nationale pour la réforme de la législationrelative à la protection de la jeunesse

Le 9 octobre 1991, le Ministre de la Justice a institué la Commission nationalepour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse, plusconnue sous le nom de «Commission CORNELIS» du nom de son président.Cette Commission a eu pour mission de formuler, en vue de l’instauration d’unepolitique adéquate, des propositions concernant la réforme de la législationrelative à la protection de la jeunesse. Elle est notamment chargée de faire despropositions concernant la modification éventuelle des mesures de protection etle cas échéant concernant l’instauration des mesures pénales spécifiques, quipeuvent être prises à l’égard de jeunes ayant commis un fait qualifié infraction. LaCommission a déposé son rapport final en date du 20 janvier 1996.

La Commission propose de remplacer le modèle protectionnel par un modèlesanctionnel, c’est-à-dire, un système où le fait commis est à la fois la condition etla limite de l’intervention du juge et où la sanction est définie comme «étant laréaction sociale à la violation par un mineur d’une règle de droit pénal, qui permetl’exercice d’une contrainte, en vue d’éduquer à l‘intégration des normes de la viesociale62 . Il s’agit d’un modèle présenté comme étant un modèle judiciaire, paropposition au modèle protecteur qui ne le serait donc pas. Le modèle sanctionnelrestituerait «l'intervention du juge dans le cadre du fait pénal, donc d'une notionprécise et permet l'introduction du principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'illimite cette intervention à ce qui est nécessaire au rétablissement de la norme».La Commission réintroduit ainsi le principe de proportionnalité entre la durée et la

62. Rapport final de la Commission nationale pour la réforme de la législation relative à la

protection de la jeunesse, p. 17.

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gravité de la sanction et la gravité du «fait pénal»63, ce qui rend nécessaire declasser les mesures par ordre de gravité64. Enfin, elle insiste sur le caractèreéducatif de l'intervention judiciaire65 et la finalité éducative de la sanction66,précisant que celle-ci «ne consiste pas en un mal qui est infligé comme tel àl'auteur d'une infraction, c'est-à-dire qu'elle n'a pas de vocation répressive. Salégitimité se situe dans la nécessité de remédier aux carences dans l'intégrationdes normes, mises en évidence par l'infraction»67.D'une manière générale, la Commission confirme, sans les remettre enquestion68, les pratiques plus répressives qui, comme nous l'avons vu, se sontprogressivement imposées dans l'application de la loi de 1965 à l’égard desmineurs délinquants. Le projet innove moins qu'il ne tente de théoriser et justifierla repénalisation actuelle de la protection de la jeunesse. Cette option peutprobablement en partie s'expliquer par la composition de la Commission. Celle-ciréunissait principalement des magistrats de la jeunesse qui sont parmi lespromoteurs et les acteurs des pratiques actuelles.La Commission déclare ne pas remettre en question le principe de la majoritépénale et la maintient à l'âge de dix-huit ans : «l'âge de dix-huit ans actuellementretenu correspond à l'âge de la capacité civile et électorale, à celui de la nubilité,du service militaire et de la limite de l'obligation scolaire. Cette convergenceindique de manière claire que la personne est considéré à ce moment commeadulte par la société, du point de vue de son développement physique et de sescapacités volitives et cognitives. Il serait anormal de considérer que, pour

63. L'expression est de la Commission, Ibidem p. 38.

64. Ibidem, p. 38.

65. Ibidem, p. 14. Pour une critique de la confusion que la Commission fait entre la finalité

éducative et le caractère éducatif de l'intervention, voir L. WALGRAVE, H. GEUDENS, W.SCHELKENS, «A la recherche d’un droit sanctionnel restaurateur», J.D.J., 1998, n° 173,pp. 9 et s.

66. Ibidem.

67. Ibidem, p. 19.

68. A ce propos il faut souligner l'absence d'évaluation des pratiques et de la législation

actuelle ainsi que de recherches scientifiques sur la question de la délinquance juvénile.Cette carence a été soulignée par la Commission à la fin de son rapport : «La commissiona constaté la faiblesse des données statistiques disponibles en matière de protection de lajeunesse. Celles-ci ne permettent pas, au stade actuel, une appréciation globale duphénomène de la délinquance juvénile et une appréciation de l’efficacité tant de l’actionsociale que de l’action judiciaire. Elle suggère qu’une recherche universitaire pose lesbases d’un nouveau recensement des données en vue de leur présentation, dans un délaiqui permette une adaptation de la politique d’intervention» (Ibidem, p. 67).

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l'exercice de l'action répressive seulement, la présomption légale d'immaturité soitdifférente»69.Le projet maintient la mesure de dessaisissement qui est «un correctif nécessaireà la fixation d'un seuil d'âge pour l'accès à la majorité pénale fixé de manièreuniforme. Il serait contraire à tout réalisme de considérer que l'action éducativeest possible et doit être obligatoirement exercée jusqu'à dix-huit ans dans tous lescas»70. A quelques détails près, les conditions dans lesquelles peut intervenir ledessaisissement prévu sont identiques à celles actuellement en vigueur dans laloi du 8 avril 1965.La compétence du tribunal de police pour les infractions de roulage commises parles mineurs de plus de seize ans est maintenue. La Commission étend lacompétence de cette juridiction à l'égard des mineurs en matière de petitecriminalité qui n'est cependant pas définie71. A l'égard des mineurs âgés dedouze à quatorze ans, le tribunal de police ne peut que prononcer uneréprimande. A l'égard des mineurs âgés de plus de quatorze ans, il peutprononcer d'autres sanctions légères telle la contribution à un fond ou uneprestation à durée limitée.La Commission introduit un âge minimum en dessous duquel le modèlesanctionnel ne peut pas s'appliquer. Cet âge est fixé à douze ans. En dessous decelui-ci, les enfants sont présumés «n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loipénale»72. «Le fait pénal commis par un enfant qui n'a pas atteint ce seuil nepourra dès lors pas donner lieu à sanction. Il donnera éventuellement lieu à desréparations civiles sur base des articles 1382 à 1384 du Code civil. Il pourrajustifier la mise en œuvre de mesures éducatives, dans le cadre des procéduresprévues par les Communautés»73.Ces éléments démontrent une certaine confusion dans l'approche que laCommission fait de la responsabilité pénale. Elle maintient formellement leprincipe de l'irresponsabilité pénale du mineur, mais tout le système proposé estarticulé autour d'une conception selon laquelle le jeune jouit du discernement etdoit répondre de ses actes. Dans la mesure où rien ne permet defondamentalement distinguer la sanction de la peine74, pas même la fonction

69. Ibidem, p. 24.

70. Ibidem, p. 25.

71. Ibidem, p. 59.

72. Ibidem, p. 28.

73. Ibidem.

74. A ce propos, voy. Th. MOREAU, «Regard critique sur le rapport de la Commission

nationale pour la réforme de la protection de la jeunesse», in Travail d’intérêt général etmédiation pénale. Socialisation du pénal ou pénalisation du social ?, Bruxelles, Bruylant,1997, pp. 185 et s.

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éducative, on peut légitimement se demander si le système sanctionnel n'est pasun droit pénal des mineurs qui ne dit pas son nom. Sur un plan formel, laCommission rejette le modèle pénal au motif «qu'un tel modèle suppose de lapart de l'auteur des faits le discernement, c'est-à-dire la connaissance de sesobligations sociales et la juste appréciation de la portée de ses actes. Il postuleégalement la liberté d'agir»75. Mais d'un autre côté elle justifie la réformenotamment par «un besoin d'émancipation et un changement des conceptions dela société en ce qui concerne la participation des jeunes à la vie sociale»76 ainsique par un «besoin d'autonomie des jeunes»77, deux expressions qui traduisentla vision d'un enfant capable et libre qui doit rendre compte de ses actes.Outre ce qui a déjà été observé à propos de la majorité pénale et du seuil d'âgeplancher, la Commission a fréquemment recours à la notion de «responsabilité»dans son rapport. Ainsi, pour justifier la nécessité de la réforme, elle souligne que«de nombreuses dispositions législatives nouvelles accroissent lesresponsabilités et les droits des jeunes»78. Cette évolution «traduit un besoind'émancipation et un changement des conceptions de la société en ce quiconcerne la participation des jeunes à la vie sociale»79. Le modèle protecteur estcritiqué au motif «qu'il ne prend pas en compte le besoin des jeunes d'êtrereconnus comme acteurs dans la vie sociale, ni le rôle que la conscience desresponsabilités joue dans l'éducation à l'autonomie»80. Un des critères de qualitéauquel doit répondre le nouveau modèle est «l'éducation du jeune à laresponsabilité»81. Ce critère est notamment déterminé sur base de l'article 29.d)de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et des articles 10 et18 des principes directeurs de Ryad. Ce critère est également utilisé comme undes objectifs de l'intervention : «la nécessité d'éduquer l'enfant à la responsabilité,impose un système où le fait commis soit à la fois la condition et la limite del'intervention du juge»82. Pour la Commission, l'intervention judiciaire doit

75. Ibidem, p. 18.

76. Ibidem, p. 10.

77. Ibidem, p. 14.

78. Ibidem, p. 10. Le rapport cite notamment la loi du 31 mars 1987 sur la filiation, la loi du

19 janvier 1990 sur l'abaissement de l'âge de la majorité civile, la loi du 9 juin 1982modifiant la loi électorale et la révision du 7 juillet 1988 de l'article 47 de la Constitution, laloi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, la loi du 30 juin 1994 modifiant l'article 931du Code judiciaire.

79. Ibidem.

80. Ibidem, p. 14.

81. Ibidem, p. 15.

82. Ibidem, p. 17.

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participer à une «pédagogie de la responsabilité pour des jeunes citoyensconsidérés comme des acteurs sociaux»83.

B. Le projet du Pr. Walgrave relatif au «droit sanctionnel restaurateur»

Par la suite, le Ministre de la Justice suivant a demandé au professeur Walgravede la Katholiek Universiteit van Leuven de proposer un projet fondé sur la justiceréparatrice tout en prenant en compte le rapport final de la Commission nationalepour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse. LeProfesseur Walgrave et son équipe ont ainsi déposé un projet de «droitsanctionnel restaurateur».Les auteurs relèvent que leur rapport ne concerne qu'un aspect de la politiquegénérale à l'égard du phénomène de la délinquance juvénile. Ils rappellent queles mineurs qui commettent des délits sont «sociétalement vulnérables» et qu'ilspeuvent être considérés comme des victimes du fonctionnement de la société84.Après avoir insisté sur l'importance des politiques de prévention pour rencontrerce problème, les auteurs estiment cependant que la question qui leur est soumiseest de savoir «quelle doit être la réaction de la justice lorsqu'un mineur,socialement vulnérable ou non, a commis un délit qui a fait des victimes et peutavoir causé des dommages à la communauté. La justice n'a pas pour missionpremière de faire de la prévention ou d'améliorer la position sociale despersonnes vulnérables»85. Ils précisent cependant que l'intervention judiciaire doitautant que possible éviter de rendre encore plus difficile la position sociale desmineurs délinquants. Selon eux, la justice réparatrice rencontre cettepréoccupation86.Les auteurs proposent de remplacer le droit de la protection de la jeunesse parun droit sanctionnel restaurateur, c'est-à-dire un modèle où le but premier de lasanction n'est ni de punir (droit pénal) ni de rééduquer ou de traiter (droitprotectionnel) mais de réparer ou compenser les souffrances et dommages subispar la victime et par la société. La réparation est atteinte soit au moyen d'unemédiation auteur-victime, soit par une prestation communautaire, soit par lesdeux.Les auteurs distinguent les notions de culpabilité et de responsabilité. Laculpabilité est présentée comme le lien moral entre l'acte et l'auteur : celui-cisavait qu'il ne pouvait pas le commettre et il a commis une faute en le posant. Si

83. Ibidem, p. 28.

84. L. WALGRAVE, H. GEUDENS, W. SCHELKENS, «A la recherche d’un droit

sanctionnel restaurateur», op. cit., p. 4.

85. Ibidem.

86. Ibidem.

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la culpabilité sert de base à la réaction, celle-ci est nécessairement dirigée vers lapersonne. A l'inverse, la responsabilité est présentée comme strictement attachéeà l'acte : elle disparaît avec la réparation. Il n'y a donc pas de risque destigmatisation de la personne. En réparant, l'auteur est maintenu en tant quemembre responsable de la société87. Pour les auteurs, tenir les mineurs pourresponsables n'implique pas nécessairement qu'ils doivent admettre la nécessitéde la réparation. Mais les reconnaître responsables suppose qu'on ne les tiennepas dans une position de dépendance dans les autres domaines de la vie ensociété. Il faut développer pour eux une position juridique et citoyenne adaptée.La responsabilité permet d'avoir recours au principe de proportionnalité entre lagravité de l'infraction et la sanction : «en droit restaurateur, une proportionnalitéclaire peut être établie étant donné que le modèle restaurateur fonctionneprioritairement de manière rétrospective, en référence au dommage à réparer. Lamesure de la sanction peut donc être évaluée selon une mesure disponible,contrôlable et déterminable»88.Le rapport n'aborde pas en tant que telle la question de la responsabilité pénale.En fait, les auteurs estiment que le droit restaurateur peut s'appliquer aussi bienaux mineurs qu'aux jeunes majeurs et même aux adultes89. Pour eux, il nes'impose pas de retenir un âge en-dessous duquel l'enfant ne peut être tenu pourresponsable, mais ils ne sont pas opposés à la fixation d'un tel seuil à l'âge dedouze ans90. Ils proposent d'abandonner l'expression «fait qualifié infraction»,qualifiée de pompeuse, pour retenir celle «d'infraction» qui, selon eux, est déjàutilisée à l'égard des jeunes91. Dans cette même perspective, les auteurs rendentle tribunal de la jeunesse compétent pour toutes les infractions, et suppriment ledessaisissement. Pour les décisions relatives à la détention des mineurs dansdes centres de détention pour jeunes, les auteurs proposent d'instaurer untribunal de la jeunesse élargi composé du juge de la jeunesse et de deuxassesseurs désignés par le ministre de la Justice sur une liste d'expertsvolontaires.Dans le modèle proposé, la reconnaissance de la responsabilité du mineur estcentrale. On ne peut cependant pas parler de responsabilité pénale puisque lemodèle restaurateur est présenté comme une alternative au modèle pénal dansson ensemble. Ce qui a changé, c'est la vision du mineur délinquant. Lechangement de modèle n'en est qu'une conséquence. Le mineur délinquant n'est

87. Ibidem, p. 6.

88. Ibidem, p. 8.

89. Ibidem. p. 6.

90. Ibidem. p. 6 et 12.

91. Ibidem, p. 12.

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plus celui qui commet une faute en raison de laquelle il doit être rééduqué, voirepuni, mais celui qui cause un dommage qu'il doit réparer.Toutefois le rapport n'est pas exempt d'ambiguïté. Deux exemples peuvent êtrerelevés. D'une part, les auteurs indiquent que dans le modèle restaurateur lareconnaissance de la responsabilité n'entraîne aucune stigmatisation pour sonauteur puisqu'elle est exclusivement liée à l'acte et pas à sa personne. Mais cetteaffirmation semble remise en question par les auteurs eux-mêmes lorsqu'ilsprécisent que la réhabilitation peut être travaillée à travers le contenu desprestations communautaires et par l'accompagnement dont elles font l'objet92.D'autre part, les auteurs présentent le droit restaurateur comme une sorte demodèle «neutre» en ce qu'il reposerait sur les notions de dommage et deréparation qui seraient objectives. Mais qu'est-ce qu'un dommage ? Qu'est-ceque la réparation ? Il est vraiment étonnant de constater qu'un modèle quiprétend ne pas stigmatiser l'individu recourt au placement et à l'enfermementdans le but avoué de convaincre le jeune qui refuse à effectuer une prestation93.

C. L'avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant demineurs et la proposition modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à laprotection de la jeunesse

Le texte de cet avant-projet a été élaboré par le cabinet l'actuel Ministre de laJustice, Monsieur Verwilghen. Il a fait l'objet d'une première présentation en mars2001, lors d'une journée d'étude consacrée à la réforme de la protection de lajeunesse. Le texte du projet n'a toutefois pas été rendu public. Par la suite, letexte a quand même circulé et a même, en partie, été publié dans le Journal dudroit des jeunes94. Ce texte comprend un exposé des motifs, un commentaire desarticles et l'avant-projet de loi en lui-même95.Tout récemment, le texte de l'avant-projet a été coulé dans une proposition de loidéposée à la Chambre par deux députés le 18 juillet 200296. En revanche, cette

92. Ibidem. p. 8.

93. Ibidem, p. 14.

94. J.D.J., 2001, n° 209, p. 5 et s. Voy. également dans cette livraison, les différentes

contributions qui apportent un éclairage critique sur ce projet.

95. Il faut observer qu'à côté du projet de cette nouvelle loi portant réponse au

comportement délinquant des mineurs, la loi du 8 avril 1965 est maintenue mais toutes sesdispositions sont remplacées. Cette dernière loi traite principalement du contrôle sur lesprestations familiales ou autres allocations sociales, de la déchéance de l'autoritéparentale et de la procédure applicable devant le tribunal de la jeunesse lorsqu'il intervientdans le cadre des décrets communautaires.

96. Proposition de loi modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse,

Doc. Parl., Chambre, sess. 2001-2002, n° 1964/1.

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proposition ne reprend pas l'exposé des motifs et le commentaire des articles.Ces deux derniers textes étant particulièrement significatifs, la présentation quisuit se référera plutôt à l'avant-projet qu'à la proposition de loi.L'avant-projet de loi se caractérise par son côté pragmatique et son approchegestionnaire de la délinquance juvénile. Le pouvoir des magistrats du parquet etdu siège est encore étendu dans la mesure où c'est à eux qu'il appartient de fixerle but que doit permettre d'atteindre l'intervention, celui-ci pouvant être, suivantles cas, l'aide, la protection, la sanction ou la répression. Le mineur n'a plusaucune garantie que la réaction sociale soit guidée par l'épanouissement de sapersonne, son éducation et la recherche de son intégration sociale. L'interventionpeut être prioritairement sécuritaire si nécessaire.L'exposé des motifs s'ouvre par une critique de l'approche fondée sur lesmodèles : «Cela fait bientôt un siècle que l’on s’efforce de rechercher le«modèle» le plus approprié pour l’approche des mineurs qui présentent uncomportement s’écartant de la norme. En réalité, lesdits modèles ne sont quedes dénominateurs philosophiques et criminologiques auxquels sont ramenéesles évolutions dans le contrôle social réalisé sur un segment de la populationcréant par ce fait une simplification sécurisante et auxquels sont réduits lesmouvements pendulaires dans l’approche de la délinquance chez les jeunes»97.Tour à tour, l'avant-projet critique les modèles protectionnel, sanctionnel etréparateur pour conclure : «Quel que soit le modèle auquel on se rattache, touspartent de paradigmes philosophico-criminologiques et non du vécu concret dumineur, de ses parents, de la victime et de la communauté de la situationengendrée par l’interférence de l’infraction dans leur existence et d’un équilibredans leurs besoins. Les modèles offrent des menus, alors que chaque situationconcrète devrait idéalement faire l’objet d’une approche à la carte»98. En outre,«tous ces modèles contiennent en eux la contradiction de ce qu’ils affirment etaucun d’entre eux ne cesse d’exister dans le temps là où le modèle suivant estsupposé débuter»99. Selon l'auteur, «en réalité, pour la plupart du temps,l’approche est actuellement déjà un mélange de réponses. En fonction du casconcret, l’accent est mis sur une ou plusieurs des réponses précitées, à savoir lesréponses axées partiellement sur la protection, l’assistance, le traitement curatif,la guidance et la pédagogie, la réparation, la défense sociale ainsi que sur lasanction et la responsabilisation»100.

97. Avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs, Exposé

des motifs, ronéo, p. 1.

98. Ibidem, p. 10.

99. Ibidem, p. 11.

100. Ibidem.

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Pour l'auteur de l'avant-projet, il faut «une nouvelle approche plus pragmatique ducomportement délinquant des mineurs et des jeunes» et «offrir un éventail deréponses appropriées aussi vaste que possible»101. Il faut «viser un équilibreentre toutes ces finalités. Les accents dans les finalités seront évidemmentdifférents en fonction de la personne et du contexte dans lequel se trouve lemineur, de la gravité des faits qualifiés infraction, des dommages individuels ousociaux qu’ils ont engendrés, ainsi que du moment dans le parcours del’intervention»102.

A. Des interventions les plus diversifiées possible

L'avant-projet prévoit de nombreuses formes de réaction sociale à la délinquancejuvénile.Le parquet peut décider d'un classement sans suite avec ou sans avertissement.Il peut également, en cas de reconnaissance des faits, classer sans suitemoyennant le respect de conditions.Suivant les cas, le tribunal de la jeunesse peut décider d'une simplecondamnation civile sans aucune mesure, prendre des mesures au fond103,ordonner une sanction104 et prononcer des sanctions spécifiques dans les casfixés par la loi105. Les sanctions peuvent être assorties d'un sursis pour une

101. Ibidem, p. 10.

102. Ibidem, p. 11.

103. Les mesures sont la réprimande, la suspension du prononcé probatoire dont les

conditions sont déterminées par la loi avec délai d'épreuve de six mois, le placement pour

une durée maximum de trois mois dans un service thérapeutique si le fait qualifié infractiona été commis principalement pour entretenir une dépendance à la drogue, le placementpour une durée maximum de trois mois dans un service pédopsychiatrique si le mineursouffre d'un trouble mental en lien avec la commission du fait.

104. Par ordre de gravité, les sanctions sont le travail au profit de la communauté, le

payement d'une amende, le séjour limité obligatoire dans un établissement fédéral fermé(durée de 1 à 3 ans suivant l'âge) et le séjour permanent dans un établissement fédéralfermé (durée de 2 à 4 ans suivant l'âge). Chacune de ces sanctions ne peut toutefois êtreprononcée que moyennant le respect de nombreuses conditions fixées par les articles 64 à67.

105. Ces sanctions spécifiques sont la confiscation spéciale visée aux articles 42 et 43 à

43 ter du Code pénal, l'interdiction d'accéder à certains lieux ou d'entrer en contact avecdes personnes nommément désignées pendant une période qui ne peut excéder six mois,le sursis à la délivrance de la licence d'apprentissage ou du permis de conduire pendantune période qui ne peut excéder six mois, le sursis à la délivrance d'un permis de chasseou de la détention d'une arme pendant une période qui ne peut excéder deux ans,l'interdiction de participer à la direction et aux activités d’un organisme, d’un groupement

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période de six mois maximum moyennant le respect de conditions qui sont fixéespar la loi pour chacune d'elles.Le tribunal de la jeunesse élargi, composé de trois juges spécialisés, est saisi parun jugement particulièrement motivé du tribunal de la jeunesse. Il ne connaît quedes cas de mineurs âgés de plus de 16 ans au moment des faits qui ont commisun fait grave visé par la loi. Il peut prononcer les mêmes mesures au fond etsanctions que le tribunal de la jeunesse, mais il peut également prononcerl'internement, une peine ou le dessaisissement si l'action publique a été introduiteaprès que le mineur ait atteint l'âge de 18 ans. Les peines peuvent être assortiesdu sursis conformément à la loi du 24 juin 1964 à la condition que l'intéressés'engage à exécuter un travail au service de la communauté.Enfin, des mesures sont également prévues à l'encontre des parents des mineursdélinquants. Lorsque le tribunal de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse élargile juge opportun, il peut : «1° les charger de se présenter aux structures d'aideorganisées par les Communautés sur une base volontaire en vue de suivre desdirectives pédagogiques, médicales et/ou psychologiques, des projetséducationnels ou un accompagnement familial et d'apporter la preuve qu'elles ontdonné suite à cette charge; 2° les obliger à suivre les directives pédagogiques,médicales et/ou psychologiques, les projets éducationnels ou d’accompagnementfamilial qu'il détermine lorsqu'il appert qu'elles refusent l'aide offerte par lesstructures organisées par les Communautés ou qu'elles ne collaborent pas; 3° lessuspendre en tout ou partie dans l'exercice de l'autorité parentale jusqu'à ce qu'ilsoit satisfait à l'obligation prévue sous 2°. Dans ce cas, l'autorité parentale estassurée par un gérant provisoire»106.Le mineur peut également faire l'objet de mesures avant jugement qui sontprononcées par le juge de la jeunesse. Ce dernier peut ordonner le renvoid'urgence aux structures communautaires d'aide à la jeunesse, le placementrésidentiel dans un centre fédéral d'observation et d'orientation moyennant le

ou d’une association qui vise l’épanouissement physique, mental et pédagogique demineurs.

106. «L’influence du premier milieu de socialisation, les parents, n’est pas oubliée dans la

loi. L’intervention des autorités à l’égard de l’enfant ne peut pas être isolée du système àpartir duquel ses actes peuvent, du moins en partie, être expliqués. Les mesures à l’égarddes parents ne sont pas inscrites dans la loi dans un but répressif, mais comme desincitations indéniables à ré-assumer leur responsabilité» (Avant-projet de loi portantréponses au comportement délinquant de mineurs, Exposé des motifs, p. 23). Par contre,la déchéance de l’autorité parentale est considérée comme une sanction qui, en tant quemesure de protection du mineur, retrouve résolument sa place dans la loi relative à laprotection de la jeunesse (ibidem).

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respect de nombreuses conditions107, et la mise en observation résidentielle dansune entité thérapeutique reconnue en matière de drogue ou dans un servicepédopsychiatrique. Les mesures provisoires ne peuvent être prises que pour unedurée aussi brève que possible lorsqu’il existe suffisamment d’indices sérieux deculpabilité et que la finalité de la mesure provisoire ne peut être atteinte d’uneautre manière. Elles ne peuvent être prises en vue d’exercer une répressionimmédiate ou toute autre forme de contrainte. Pour les nécessités de l'informationou de l'instruction, le juge peut également imposer au mineur, d'un côté, desinterdictions de communiquer avec les personnes qu'il désigne, à l'exception del'avocat, et, de l'autre, des interdictions de quitter le C.F.O.O. L'article 45 indiqueque, même lorsqu'une mesure provisoire de placement peut se justifier, le juge dela jeunesse doit, de préférence, ordonner la liberté provisoire sous conditionsdont la durée ne peut dépasser deux mois. La liberté sous conditions peut êtrerenouvelée de deux mois en deux mois sans que la durée totale ne puisseexcéder celle prévue pour la mesure de placement qu'elle remplace. Les parents«sont priés d'effectuer une surveillance renforcée sur le respect des conditions»(art. 46, § 2). Si le milieu n'offre pas suffisamment de garanties, le jeune peut êtreconfié à une personne de confiance, à un internat ou à une institution à régimeouvert ou semi-ouvert des Communautés qui s'engage à exercer la surveillancerenforcée. Le juge de la jeunesse peut à tout moment supprimer ou modifier lesmesures provisoires, la liberté provisoire sous conditions ou aménager cesdernières. Il peut également suspendre les mesures provisoires pour des raisonshumanitaires ou médicales.La procédure relative aux mesures provisoires est profondément modifiée. Elleest le résultat d'un subtil mélange entre la souplesse de la procédure de la loi du8 avril 1965 telle que réformée en 1994 et la rigueur de la procédure applicableen matière de détention préventive, cela dans le but manifeste d'encore renforcerles possibilités d'adaptation au cas par cas. Dès que le jeune lui est déféré, lejuge de la jeunesse l'interroge en présence de son conseil et peut prononcer une

107. Le placement en C.F.O.O. ne peut être ordonné qu'à l'égard d'un mineur âgé de plus

de 12 ans, lorsque la mesure est absolument nécessaire pour préserver la sécuritépublique, que le fait pour lequel le mineur est poursuivi est de nature à entraîner au moinsune réclusion de cinq à dix ans et qu'il existe de sérieuses raisons de craindre que le jeunene commette de nouveaux faits, se soustraie à l'action de la justice, tente de fairedisparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers. L'assistant de justice-J doittoujours être préalablement consulté (art. 33). La mesure ne peut être ordonnée qu'uneseule fois au cours d'une même procédure sauf si de nouveaux faits qualifiés infractionsjustifient encore une nouvelle fois cette mesure ou si le jeune n'a pas respecté lesconditions de sa mise en liberté (art. 34). La mesure doit s'exécuter dans le C.F.O.O. leplus proche possible du domicile des parents et chaque centre ne peut pas avoir unecapacité de plus de quinze unités et doit offrir des soins et un encadrement adaptés(art. 35).

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mesure provisoire. Dans les cinq jours, le juge de la jeunesse statue en chambredu conseil sur le maintien, la modification ou la levée de la mesure. Le procureurdu Roi, et le cas échéant le juge d'instruction, sont entendus l'un en sonréquisitoire, l'autre en son rapport. Le jeune peut comparaître en personne, sefaire représenter par son avocat ou comparaître par vidéoconférence. Le juge doitdisposer d'un rapport succinct sur le jeune transmis par l'établissement quil'héberge. Le juge de la jeunesse doit examiner la situation tous les mois tantqu'une mesure est maintenue. Il peut également revoir la mesure à tout momentsoit d'office, soit à la demande du ministère public, soit à la demande d'une desparties concernées. Toutefois, la loi fixe un terme aux mesures provisoires. Leplacement en C.F.O.O. ne peut dépasser quatre mois, sauf si le mineur estpoursuivi pour un des faits visés par la loi auquel cas il peut être placé durant huitmois. Les mesures de placement en centre thérapeutique ou pédopsychiatriquene peuvent dépasser trois mois. A l'expiration de ces délais, le juge de lajeunesse peut encore prendre une ordonnance de prolongation des mesuresprovisoires de placement valable jusqu'au jugement au fond. Cette prolongationne peut toutefois intervenir qu'après le dépôt d'un avis motivé de la direction del'établissement et de l'assistant de justice-J et un débat contradictoire. Si une telleprolongation est ordonnée, le ministère public doit faire fixer l'affaire au fond dansun délai de 15 jours à moins que, au motif que l'affaire n'est pas en état, il nedemande un délai supplémentaire au tribunal de la jeunesse qui ne peutdépasser six mois108. A partir de l'ordonnance de prolongation, le juge de lajeunesse examine mensuellement le maintien de la mesure. Il peut, à toutmoment, la modifier, la supprimer, la suspendre ou accorder la liberté provisoire.Par l'action du juge de la jeunesse de l'application, en charge de l'exécution desjugements du tribunal de la jeunesse, du tribunal de la jeunesse élargi et dutribunal de police, les mesures au fond, sanctions ou peines dont fait l'objet lemineur peuvent être supprimées, modifiées, maintenues ou suspendues aprèsleur prononcé109. Par contre, le juge de la jeunesse de l'application ne peut pas

108. Cette disposition est applicable même s'il n'y a pas de prolongation de la mesure de

placement. Le tribunal de la jeunesse statue sur les réquisitions du ministère public sansentendre les parties et l'ordonnance n'est susceptible d'aucun recours.

109. La suspension des mesures ou des sanctions ne peut être ordonnée que dans les

cas limitativement énoncés par l'article 95 : 1° lorsque pendant l'exécution de la mesure oude la sanction le jeune a commis un nouveau fait qualifié infraction qui entraînel’application d'une des mesures provisoires qui entrave l'exécution de la mesure ou de lasanction prononcée; 2° lorsque le jeune ne respecte pas les conditions liées à la mesureou à la sanction; 3° pour des motifs humanitaires ou médicaux, pour une durée qu'ildétermine; 4° pour la période pour laquelle le jeune se soustrait à l'exécution des mesuresau fond ou de la sanction; 5° lorsqu'il apparaît que l'aide fournie par les Communautés est

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les prolonger, à l'exception des mesures de placement en institutionthérapeutique. Dans ce cas, la prolongation ne peut être décidée qu'après un avisspécialisé et pour des périodes d'une durée maximum de trois mois. Le juge de lajeunesse de l'application peut également accorder une libération sous conditionau mineur sans que la durée de celle-ci ne puisse dépasser le terme de lasanction ou de la mesure initialement prononcée.Enfin, la médiation en réparation peut intervenir aux différents stades de laprocédure et être proposée par le parquet, par le juge de la jeunesse, par letribunal de la jeunesse, par le tribunal de la jeunesse élargi et par le juge de lajeunesse de l'application. Il s'agit d'une médiation auteur/victime assurée par unservice ou une personne agréée qui se déroule sous le contrôle du procureur duRoi et dont l'accord final doit être homologué, suivant les cas, par le tribunal de lajeunesse, le tribunal de la jeunesse élargi ou le juge de la jeunesse del'application.

B. La sécurité publique comme finalité première

L'article 2, § 1er qui ouvre la loi indique sa finalité : «L’action de la justice en tantque réponse à un fait qualifié infraction commis par une personne n’ayant pasatteint l’âge de dix-huit ans doit être rapide et appropriée et tendre vers : a)l’établissement de la preuve du fait commis et de la responsabilité pour celui-ci; b)la référence explicite à la norme en vigueur et à l’explication de celle-ci ainsi qu’àla confrontation avec les conséquences concrètes du fait commis; c) la réparationde tout dommage causé par le fait commis; d) la sauvegarde de la vie encommunauté en toute sécurité et en paix». Il est donc affirmé dans la loi quel'objectif premier de la justice des mineurs n'est donc plus la personne du mineuret son avenir, mais sa responsabilisation et la gestion du phénomène de ladélinquance juvénile pour diminuer les risques d'atteinte à la sécurité publique.L'exposé des motifs est, lui aussi, très clair quant à la finalité de l'intervention :«L’approche n’a plus toujours, comme auparavant dans la loi relative à laprotection de la jeunesse, - c’est du moins ce qu’elle prétendait -, une finalitéessentiellement pédagogique et d’aide et d’assistance. Même si la méthodeemployée aura un caractère pédagogique et devra être utilisée d’une manièreconstructive, positive et humaine, la finalité consistera, lors de la sanction que l’onimposera et/ou lorsqu’on voudra protéger la société, principalement à confirmer lanorme, à protéger le citoyen contre toute récidive et à maintenir l’ordre public»110.

menacée par ou est inconciliable avec la poursuite de l'exécution de la mesure au fond oude la sanction.

110. Avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs, Exposé

des motifs, p. 19.

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Toutefois, l'auteur prend la précaution de préciser que «le dosage et le degréélevé d’humanisation d’une intervention sanctionnelle ou de protection sociétale àl’égard du mineur ou du jeune doivent caractériser cette possible réponse à ladélinquance (…)»111. Pour lui, «l’exemple type d’une telle interventionsanctionnelle, étant à la fois constructive et confirmative de la norme, est le travailau service de la communauté», ce qui a pour effet que «les mesures privatives deliberté et la sanction de placement dans une institution fermée ne pourront êtreappliquées qu’en dernier recours, compte tenu de la gravité des faits, de l'âge etde la situation du jeune, lorsque la sécurité publique ne peut être garantied’aucune autre manière et lorsqu'il n'y a aucune autre solution adaptée en vue del’insertion sociale. En outre, leur durée doit être aussi courte que possible tant àl’égard d’un suspect qu’à l’égard d’un condamné»112. Pour justifier cetteapproche, l'auteur n'hésite pas à utiliser les textes internationaux relatifs auxdroits des mineurs : «Ni les textes normatifs de droit international (…), ni lesrésolutions non normatives des Nations Unies (…) et les recommandations duComité des Ministres du Conseil de l’Europe n’excluent les placements privatifsde liberté, mais ils insistent sur le fait que cette mesure doit avoir un caractèreexceptionnel»113. Il faut, mais il suffit selon l'auteur, de respecter les conditionsauxquelles la détention de mineurs doit satisfaire selon ces textes pour l'autorisersi elle ne peut être évitée.

§ 4 - Quelques observations à propos du droit international

La Belgique admet l'effet direct des traités internationaux pour autant que troisconditions soient réunies. Premièrement, le traité doit avoir fait l’objet d’uneréception dans l’ordre juridique interne par la technique de la ratification.Deuxièmement, il faut qu’au moment de la conclusion de la convention, les Etatscontractants aient manifesté leur volonté de considérer le texte comme étantdirectement applicable114. Troisièmement, pour qu’une disposition d'un texte dedroit international soit directement applicable, il faut qu'elle soit rédigée d’unemanière à la fois complète et précise. Au regard de cette dernière condition, il sepeut donc qu'un même traité contienne des dispositions directement applicables

111. Ibidem, p. 20.

112. Ibidem.

113. Ibidem.

114. La plupart du temps l'intention des Etats contractants n'est pas clairement exprimée.

Actuellement, la jurisprudence et la doctrine laissent transparaître une tendance àprésumer que la volonté des Etats est de conférer un effet direct à la norme. Ce n'est doncque si les Etats manifestent expressément la volonté de renoncer à l'effet direct que cettecondition n'est pas remplie.

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et d'autres qui ne le sont pas. Dans le même sens, une partie d'une dispositionpeut s'avérer directement applicable et une autre pas.En cas de conflit entre une norme internationale ayant effet direct dans l'ordreinterne et une norme de droit interne, le juge doit accorder la primauté à ladisposition de droit international115.En règle générale les dispositions de la Convention européenne de sauvegardedes droits de l'homme et des libertés fondamentales sont jugées directementapplicables en droit interne. Par contre, la question est plus controversée pourplusieurs dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Toutefois,une tendance se dégage pour reconnaître un effet direct aux articles 37 et 40 quiconcernent tout particulièrement le mineur délinquant. Mais il est généralementadmis que ces dispositions n'imposent pas à l'Etat à de recourir à un modèleparticulier de réaction sociale à la délinquance juvénile. Ils introduisent plutôt desgaranties au bénéfice du mineur qui doivent être respectées quel que soit lemodèle adopté. Enfin, les recommandations des Nations-Unies et du Conseil del'Europe ne se voient reconnaître aucun effet direct. Elles servent toutefoisrégulièrement de textes de référence, spécialement dans les projets de réforme.

Conclusion

En Belgique, la fédéralisation de l'Etat a eu pour effet de diviser la protection de lajeunesse en deux dispositifs distincts : d'un côté celui qui concerne les mineursdélinquants, de l'autre, celui qui a pour objet les mineurs en difficulté ou endanger. A cette logique de division, s'est progressivement superposée, tant dansla pratique que dans les projets de réforme législative, une logique de bifurcation.Le mineur délinquant n'est plus réellement perçu comme étant également unmineur en difficulté ou en danger, mais comme un jeune responsable qu'il fautsanctionner. La réaction sociale s'est, plus qu'avant, focalisée sur le fait commis.La politique à l'égard des mineurs délinquants est devenue plus sécuritaire.L'intégration sociale du mineur n'est plus prioritaire et les formes plus sévèresque prend la réaction sociale à la délinquance juvénile ont pour effet concret depriver les jeunes qui en font l'objet de l'accès à l'aide sociale et éducativespécialisée.Par conséquent, la tendance à la repénalisation et le retour de la responsabilitépénale du mineur invitent à réfléchir à trois questions.La première concerne l'entrée dans le champ du pénal. Il faut remettre sur lemétier le thème de la criminalisation des comportements. Quels sont ceux qu'ilfaut punir ou sanctionner ? Quel consensus social existe-t-il encore aujourd'huisur nombres d'infractions pénales ? Ne faut-il pas aborder cette question de

115. Cass., 27 mai 1971, Pas., I, p. 886.

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manière spécifique pour les mineurs ? La toxicomanie est un exemple parlant.Savons-nous réellement ce qu'elle représente pour les jeunes.La deuxième concerne la fin du processus. Il faut travailler le sens de la réactionsociale à la délinquance juvénile. Quelle doit être la fonction de cette réaction ?Vise-t-elle à sanctionner la responsabilité que le mineur a déjà ou, au contraire, a-t-elle pour objet d'aider ce dernier à l'acquérir (le responsabiliser) ? La réponseest tributaire de plusieurs éléments. Parmi ceux-ci figure la définition de laresponsabilité. La responsabilité est un concept qui peut avoir des sens différentssuivant les disciplines (droit, psychologie, sciences sociales, pédagogie)concernées par l'intervention à l'égard du mineur délinquant. En outre, au seind'une même discipline, telle que le droit, le terme peut être utilisé avec des sensdifférents. De quoi est-il réellement question lorsqu'on parle de responsabilitépénale du mineur ? Par ailleurs, il s'impose aussi d'interroger le paradoxe quiconsiste à voir le droit des mineurs se retourner vers la peine au moment où ledroit pénal des adultes s'ouvre sur le champ des «sanctions alternatives»116.Enfin, le thème de la responsabilité pénale du mineur renvoie à la question dustatut juridique du mineur. Est-il concevable de tenir le mineur pour pénalementresponsable s'il est maintenu dans un statut d'incapacité dans les autresdomaines de l'existence ? Comment peut-on justifier une repénalisation du droitapplicable aux mineurs délinquants alors que la délinquance juvénile s'expliquesouvent par des conditions d'existence où les droits de l'homme, spécialement lesdroits économiques et sociaux, sont bafoués ? Chamborédon rappelle que lesratés de la socialisation sont indissociables des conditions de la socialisation117.Croire que la délinquance juvénile pourra un jour être éradiquée est sans douteune utopie. En revanche, la manière dont une société aborde la délinquancetémoigne de la vision de l'homme et du monde sur laquelle elle repose. Que nousdisent nos enfants à travers la délinquance et que voulons nous leur répondre ?C'est ces questions qu'il apparaît aujourd'hui primordial de traiter de manièreresponsable. Les jeunes attendent de notre part des réponses crédibles. Adéfaut, nous aurons la délinquance que nous méritons.

116. Voir F. TULKENS, «Des influences réciproques du droit pénal et du droit des mineurs.

De bonnes et de mauvaises influences ? », Travail d’intérêt général et médiation pénale.Socialisation du pénal ou pénalisation du social ?, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 222.

117. CHAMBOREDON , «La délinquance juvénile. Essai de construction d'objet», Revue

française de sociologie, 1971, p. 338 et s.

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FRANCE

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURSDANS L’ORDRE INTERNE ET INTERNATIONAL

Christine COURTIN *

Le droit pénal des mineurs est actuellement l’une des préoccupations essentiellesdes pouvoirs publics français qui entendent apporter des réponses encore plusefficaces aux problèmes de la jeunesse. En effet, les dernières consultationsélectorales ont mis clairement en évidence le souci des français de voir l’Etatassurer la protection de leurs droits, particulièrement menacés dans un contextede progression de la délinquance, et de relever le défi essentiel que constituepour l’avenir de la société la lutte contre la délinquance des mineurs. Ainsi,l’évolution actuelle de la délinquance juvénile pose la question de l’efficacité de laprévention et de la répression de la délinquance des mineurs dans notre pays (V.C. Lazerges et J.P. Balduick, Réponses à la délinquance des mineurs, Ladocumentation française, 1998).

Concernant les mineurs délinquants, ce n’est qu’au XVIIIe siècle que devéritables règles procédurales spécifiques apparaissent, laissant présager lesgrandes idées d’un droit procédural moderne. L’ordonnance du 2 février 1945,dénommée charte de l’enfance délinquante, constitue l’aboutissement de la priseen compte progressive de la nécessité d’attribuer un statut spécifique à l’enfancedélinquante (Cf. not. C. Courtin et J.F. Renucci, Le droit pénal des mineurs, PUF,coll. « Que sais-je ? » 2001 ; J.F. Renucci, La justice pénale des mineurs, RevueJustice 1998, p. 116). Ce texte repose sur trois principes essentiels qui n’ontjamais été remis en cause : la primauté de l’action éducative sur la répression, laspécialisation des juridictions et l’excuse atténuante de minorité.

Cependant, le constat de l’explosion de la délinquance juvénile a conduit às’interroger sur l’efficacité du dispositif mis en place par ce texte (Cf. not. J.F.Renucci, Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir, RSC 2000 p.79). Il est incontestable que la délinquance des jeunes a changé de nature depuis1945. Et schématiquement, on note trois caractéristiques principales de sonévolution ces vingt dernières années. En premier lieu, les mineurs délinquantssont de plus en plus nombreux. En effet, le nombre de mineurs mis en cause par

* Maître de Conférences à l’Université de Nice-Sophia Antipolis (France).

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les services de police et de gendarmerie n’a cessé d’augmenter. C’est ainsiqu’entre 1990 et 2000, le nombre de mineurs mis en cause est passé de 98.284 à175.256. Et d’après les statistiques relatives aux crimes et délits constatés en2001, publiées par le ministère de l’Intérieur, ce nombre a encore augmenté pouratteindre 177.087 personnes. La part des mineurs dans le total des mis en causereprésente 21,18 %. Cette évolution apparaît d’autant plus inquiétante que cesstatistiques ne reflètent que partiellement l’évolution réelle des faits délictueux etne prennent pas en considération la majorité des incivilités nourrissant lesentiment d’insécurité. En second lieu, les mineurs entrant dans la délinquancesont de plus en plus jeunes. En dernier lieu, l’accroissement et le rajeunissementde la délinquance juvénile se sont accompagnés d’une augmentation significativede la gravité des infractions commises. Il convient de noter que cette aggravationde la violence va de pair avec une augmentation importante des délits commispar des mineurs multirécidivistes. Ces derniers, trouvant dans le regroupementun substitut identitaire, se confrontent aux bandes d’autres quartiers maiségalement aux forces de l’ordre perçues comme une bande rivale.

C’est dans ce contexte qu’ont vu le jour un certain nombre de propositionstendant à modifier l’ordonnance du 2 février 1945 (Proposition de loi AN n° 2895,30 janv. 2001 tendant à l’abaissement de l’âge de la majorité pénale à 16 ans etde l’âge de la responsabilité pénale à 10 ans ; Proposition de loi AN relative auxdroits et devoirs des mineurs et de leurs parents, n° 3638, 20 fév. 2002). Déjà en1990, lors de l’élaboration du nouveau Code pénal, le gouvernement avaitélaboré un avant projet de loi réformant complètement le droit applicable auxmineurs et abrogeant purement et simplement l’ordonnance de 1945. Il prévoyaitnotamment que le mineur de moins de dix ans ne pouvait faire l’objet depoursuites pénales. Mais ce projet ne vit jamais le jour. Seul un article du Codepénal adopté en 1992 est relatif à la responsabilité pénale des mineurs . En effet,l’article 122-8 se borne à rappeler deux principes fondamentaux : d’une part, lesmineurs reconnus coupables d’infractions doivent normalement faire l’objet demesures éducatives, d’autre part, seuls les mineurs de plus de treize ans peuventêtre condamnés à une peine. Pour le reste, cet article renvoie à une loiparticulière le soin de fixer les règles applicables aux mineurs délinquants qui estl’ordonnance de 1945. Mais, plus récemment, face aux caractéristiques del’évolution actuelle de la délinquance juvénile, le constat s’est imposé d’unenécessaire refonte de l’ordonnance de 1945 en ce qui concerne tant les règles dedroit pénal de fond que celles de procédure applicables aux mineurs. Dans cetteoptique, le 12 février 2002, était créée au Sénat, une commission d’enquête surles moyens de répondre à la délinquance des mineurs et en particulier sur lesmesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquellesles mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité deréinsertion de ces mineurs. Le rapport du Sénat de juin 2002 « La République en

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quête de respect » dresse un constat alarmant sur le sujet (Rapport de lacommission d’enquête sur la délinquance des mineurs, n° 340 deMM. J.P. Schosteck, Président et J.C. Carle, Rapporteur). Il apparaît que la luttecontre la délinquance des mineurs ne relève pas de la seule compétence de lajustice et le rapport de la commission d’enquête place en première ligne la familleet l’école. Cependant, la justice a un rôle non négligeable à jouer dans cette lutte.Or, elle paraît n’être qu’imparfaitement en mesure de faire face à l’évolutionactuelle de la délinquance des mineurs. En effet, bien des failles peuvent êtredéplorées dans la réponse qu’offre aujourd’hui la justice au traitement desmineurs délinquants : insuffisance des moyens matériels et humains desparquets des mineurs, insuffisance du nombre des juges des enfants, manque devisibilité d’une réponse judiciaire qui intervient trop longtemps après l’infraction,difficultés de mise en œuvre des peines qui désorientent les mineurs ou créentchez eux un sentiment d’impunité.

La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice(L. n° 2002-1138, 9 sept. 2002, JO 10 sept. 2002 p. 14934 ; D. 2002, Act.Législative p. 2479 ; F. Le Gunehec, JCP G 2002, Act. 450) contient desdispositions modifiant de façon substantielle l’ordonnance du 2 février 1945 surl’enfance délinquante, directement inspirées, pour certaines d’entre elles, durapport du Sénat. En effet, le législateur contemporain a entendu adapterl’ordonnance de 1945 à la nouvelle délinquance des mineurs dans le respect deses principes directeurs que sont la spécialisation des magistrats et la primautéde l’action éducative. Les nouvelles dispositions ont pour but de permettre auxjuridictions d’apporter des réponses plus efficaces, plus adaptées et plusprogressives à cette délinquance et qui puissent intervenir en temps utile afind’éviter qu’un mineur ne soit conduit à commettre des faits de plus en plus gravesen raison d’une réaction trop tardive des autorités judiciaires. Plus précisément,l’accent est mis sur le traitement des mineurs récidivistes et violents ainsi que surla lutte contre la récidive. Pour répondre plus fermement à la délinquance desmineurs et mettre en place des actions pour éviter la récidive, les dispositionsnouvelles visent à : consolider les moyens destinés à la protection des mineursdélinquants ; développer la gamme des réponses pénales et réaffirmer la valeurde la sanction ; adapter la procédure pénale aux nouvelles formes de ladélinquance juvénile ; diversifier les structures de prise en charge des mineurs.

Ce rapport tentera de présenter, de manière aussi synthétique que possible, lesprincipes gouvernant la responsabilité pénale du mineur, la poursuite et lejugement des mineurs délinquants et l’application des sanctions à ces dernierstels qu’ils résultent de l’ordonnance de 1945 modifiée par la loi du 9 septembre2002.

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I - Les principes gouvernant la responsabilité pénale des mineurs

L’efficacité du régime mis en place par l’ordonnance de 1945 souffre del’équivoque entretenue autour du principe même de la responsabilité pénale desmineurs délinquants. En effet, avant la réforme du 9 septembre 2002, l’article122-8 du Code pénal disposait simplement que les mineurs reconnus coupablesd’infractions pénales font l’objet de mesures de protection, d’assistance, desurveillance et d’éducation fixées par une loi particulière, l’ordonnance du 2février 1945, qui détermine également les peines applicables aux mineurs de plusde 13 ans. L’article 1e r de l’ordonnance de 1945 précise que les mineursdélinquants ne sont justiciables que des juridictions pour mineurs lorsqu’uneinfraction peut leur être imputée et l’article 2 prévoit que les juridictions pourmineurs prononceront, à titre principal, des mesures éducatives et à titresubsidiaire, une condamnation pénale lorsque les circonstances et la personnalitédu mineur paraîtront l’exiger et uniquement à l’encontre des mineurs de plus de13 ans. Ainsi, d’après ces textes, aucune sanction pénale ne peut être prononcéecontre le mineur de moins de 13 ans. C’est en se fondant sur cette constatationqu’une partie de la doctrine en a déduit une présomption d’irresponsabilité pénaleabsolue en faveur du mineur de moins de 13 ans et relative en faveur desmineurs de 13 à 18 ans.Or, l’affirmation de l’irresponsabilité pénale des mineurs résulte d’une mauvaiseinterprétation de l’ordonnance (C. Lazerges, De l’irresponsabilité pénale à laresponsabilité pénale des mineurs délinquants ou relecture des articles 1 et 2 del’ordonnance du 2 février 1945, RSC 1995 p. 149). En effet, pour soustraire lemineur à la responsabilité pénale, il faudrait que la loi présume qu’il n’a pu êtreanimé d’une volonté libre et consciente au moment de l’acte. Or, tel n’est pas lecas puisque le principe de l’imputabilité de l’infraction à l’ensemble des mineursdélinquants, sans distinction d’âge, est inscrit dans la loi. S’il est vrai que lemineur de moins de 13 ans ne peut se voir appliquer une sanction pénale, il peutêtre assujetti à des mesures éducatives lorsque l’infraction peut lui être imputée.C’est la chambre criminelle de la Cour de cassation qui, avec l’arrêt Laboube du13 décembre 1956 (D. 1957 p. 349), a dégagé la notion de discernement afin defonder le départ de la responsabilité pénale du mineur : « conformément auxprincipes généraux du droit, il faut que le mineur dont la participation à l’actematériel à lui reprochée est établie, ait compris et voulu cet acte. Toute infraction,même non intentionnelle, suppose en effet que son auteur ait agi avecintelligence et volonté». En conséquence, toute infraction peut être imputée à toutmineur si le juge décide que l’acte commis résulte d’une volonté libre etconsciente et sans qu’il ait a priori à distinguer en fonction de l’âge du mineur.Dès lors, même si la loi ne fixe pas l’âge en dessous duquel les mineurs nepeuvent être reconnus coupables d’infractions pénales (âge de la minoritépénale), il ne peut être imputé une infraction au très jeune enfant, dépourvu d’un

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minimum de raison. Ainsi, même si la vieille question du discernement avait étéofficiellement abandonnée depuis une loi du 22 juillet 1912, elle apparaissaittoujours en filigrane. Le législateur contemporain a entendu battre en brèchel’idée fausse mais assez répandue selon laquelle les mineurs de moins de treizeans bénéficieraient d’une présomption d’irresponsabilité pénale qui ne correspondni au dispositif de l’ordonnance de 1945, ni à la jurisprudence de la Cour decassation. La nouvelle rédaction de l’article 122-8 du Code pénal clarifie donc lanotion de responsabilité pénale des mineurs en consacrant le principe, résultantde l’arrêt Laboube, selon lequel les mineurs capables de discernement sontpénalement responsables. En effet, cet article dispose désormais dans sonpremier alinéa que « les mineurs capables de discernement sont pénalementresponsables des crimes, délits et contraventions dont ils ont été reconnuscoupables, dans des conditions fixées par une loi particulière, qui détermine lesmesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ilspeuvent faire l’objet » et dans son deuxième alinéa que « cette loi détermineégalement les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre desmineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent êtrecondamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l’atténuationde responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ». Cette nouvellerédaction vise à supprimer l’ambiguïté résultant des textes antérieurs selonlaquelle les mineurs de treize ans parce qu’ils ne pouvaient être condamnés àune peine étaient parfois considérés comme pénalement irresponsables. De plus,l’article 122-8 du Code pénal réaffirme les principes de la primauté de l’actionéducative et d’une procédure pénale spécifique aux mineurs et consacreexpressément le principe de l’atténuation de responsabilité pénale résultant de laminorité.Sur le plan civil, les solutions retenues par la jurisprudence sont très différentespuisque l’enfant ainsi que ses parents peuvent être déclarés responsables dudommage causé. En effet, le 9 mai 1984, la Cour de cassation réunie enassemblée plénière a admis par deux arrêts la responsabilité personnelled’enfants en bas âge (arrêts Derguini et Lemaire, D. 1984 p. 525). A cetteoccasion, la Cour de cassation est venue préciser que pour retenir une fautecivile à l’encontre d’un mineur, les juges du fond « ne sont pas tenus de vérifier sile mineur était capable de discerner les conséquences de ses actes ». Cettejurisprudence, qui n’a jamais été remise en cause, consacre une disparitiongénéralisée de la condition d’imputabilité morale du droit de la responsabilitécivile. En outre, l’article 1384 alinéa 4 du Code civil prévoit que les parentspeuvent être déclarés solidairement responsables du dommage causé par leursenfants mineurs. Cette responsabilité vise à inciter les responsables potentiels àprendre les mesures utiles à la prévention des dommages et à offrir à la victimeun autre débiteur généralement plus solvable et mieux assuré que l’auteur directdu dommage. De plus, la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 mai 2001

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(D. 2001.IR.1774), est venue clairement énoncer que le simple fait causal dumineur suffit à activer la responsabilité parentale et, dans un arrêt du 19 février1997 (D. 1997.265 note Jourdain), que la responsabilité des parents était uneresponsabilité de plein droit et qu’ils ne pouvaient s’exonérer de cette dernièrequ’en prouvant un cas de force majeure ou la faute de la victime. En matièrepénale, le législateur contemporain a entendu mettre l’accent sur laresponsabilisation des parents des mineurs délinquants. En effet, l’implication desparents dans les mesures prononcées à l’égard du mineur délinquant estessentielle pour la prévention de la récidive. Il est donc apparu nécessaire,parallèlement aux mesures de soutien dont ces parents peuvent bénéficier, derenforcer cette implication en sanctionnant par une amende civile les civilementresponsables défaillants qui ne défèrent pas aux convocations de l’autoritéjudiciaire. Ainsi, l’article 10-1 de l’ordonnance de 1945 inséré par la loi du 9septembre 2002 prévoit que lorsqu’ils sont convoqués devant le juge des enfants,le juge d’instruction, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs, lesreprésentants légaux du mineur poursuivi qui ne défèrent pas à cette convocationpeuvent, sur réquisitions du ministère public, être condamnés par le magistrat oula juridiction saisie à une amende civile dont le montant ne peut excéder 3750euros. Cette amende peut être rapportée si les parents comparaissentultérieurement, ce qui donne à cette disposition un caractère essentiellementdissuasif. Les personnes condamnées à l’amende peuvent former oppositiondevant le tribunal correctionnel dans les dix jours à compter de la notification dela décision de condamnation.

II - Les principes gouvernant la poursuite et le jugement des mineurs

En droit français, les juridictions compétentes pour juger les mineurs délinquantsont fait l’objet d’une spécialisation. Celle-ci permet d’apporter une réponse plusadaptée aux réalités tout en permettant une certaine continuité de l’action àl’égard des jeunes délinquants. En effet, l’ordonnance de 1945 et les textespostérieurs ont tenté d’aménager les juridictions intervenant à tous les stades dela procédure dans le cadre de la minorité. Cependant, si pour certaines de cesjuridictions, la spécialisation a été poussée avec l’application de règlesvéritablement originales, pour d’autres, l’organisation et la compétence restentsensiblement les mêmes qu’en droit commun.En ce qui concerne les juridictions d’instruction, le Code de l’organisationjudiciaire prévoit que chaque tribunal de grande instance dans le ressort duquelun tribunal pour enfants a son siège doit avoir un ou plusieurs juges d’instructionspécialement chargés des affaires de mineurs. Conformément au droit commun,le juge d’instruction peut être saisi par le procureur de la République ou par lavictime qui se constitue partie civile. Cependant, la saisine du juge d’instructionprésente des particularités en matière de minorité. En effet, le juge d’instruction

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peut également être saisi par un renvoi opéré par le juge des enfants lorsquecelui-ci se rend compte de la gravité de l’affaire dont il a été chargé. Le juged’instruction est exclusivement compétent pour instruire en matière criminelle.Pour les délits, le juge d’instruction aura une compétence concurrente avec lejuge des enfants en fonction de la gravité de l'affaire. Le juge chargé del’instruction peut ordonner diverses mesures d’observations afin de connaître lemieux possible la personnalité du jeune délinquant. On trouve ainsi les enquêtesjudiciaires demandées à la police, à la gendarmerie ou aux organismes sociauxet qui visent à recueillir des renseignements sur la situation matérielle et moralede la famille, sur le caractère du mineur ou encore sur ses antécédents. Lemagistrat instructeur peut, en outre, soumettre le mineur à différents examens(psychologiques, médicaux, neuro-psychiatriques ou encore professionnels)destinés à le renseigner sur son état de santé et sur ses aptitudes intellectuellesou professionnelles. Le juge instructeur peut également procéder à uneobservation du comportement du mineur et notamment avoir recours à la libertésurveillée provisoire. Enfin, il convient de noter que lorsque que le juge desenfants intervient en qualité de magistrat instructeur, l’ordonnance de 1945prévoit qu’il peut procéder à une enquête par « voie officieuse ». Cela permet uneréduction importante du formalisme puisque dans cette hypothèse, il n’est pastenu de respecter les formes prévues par le Code de procédure pénale. Depuis laloi du 15 juin 2000, c’est un magistrat distinct, le juge des libertés et de ladétention qui est un magistrat du siège appartenant au tribunal de grandeinstance, qui a seul compétence pour placer un mineur de plus de 13 ans endétention provisoire à la demande soit du juge d’instruction, soit du juge desenfants. Au sein de la Cour d’appel, la chambre de l’instruction, dans les affairesde mineurs, intervient dans des conditions à peu près similaires à celles de droitcommun. Cependant, lorsque cette juridiction statue sur une affaire où un mineurest en cause, un conseiller délégué à la protection de l’enfance doit siéger.En ce qui concerne les juridictions de jugement, la spécialisation est plusimportante. L’ordonnance de 1945 a institué le juge des enfants. La spécificité dece magistrat réside dans le fait qu’il intervient aux divers stades de la procédureet n’est pas cantonné au seul stade du jugement. Au stade de l’instruction, le jugedes enfants effectue toutes les diligences et investigations utiles pour parvenir àla manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineurlorsque le jeune délinquant a commis une contravention de la cinquième classeou un délit. Mais, pour ces infractions, le juge des enfants partage sa compétenceavec le juge d’instruction. Au stade du jugement, après l’instruction de l’affaire, lejuge des enfants décide s’il doit juger le mineur en chambre du conseil ou s’il doitle renvoyer devant le tribunal pour enfants. S’il statue en chambre du conseil, ilpourra prononcer une admonestation, une remise à la famille ou à la personnequi avait la garde du mineur, une mesure de liberté surveillée, la mise souscontrôle judiciaire ou une mesure de placement. Mais en aucun cas, le juge des

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enfants ne pourra prononcer une condamnation pénale puisque cette sanctionrelève exclusivement de la compétence du tribunal pour enfants.L’ordonnance du 2 février 1945 a créé, à côté du juge des enfants, une juridictioncollégiale spécialisée en matière de minorité : le tribunal pour enfants. Cettejuridiction est présidée par le juge des enfants. Ce dernier est assisté de deuxassesseurs non magistrats qui sont choisis en fonction de l’intérêt qu’ils portentaux questions de l’enfance et de leurs compétences. Ils sont âgés de plus detrente ans et sont nommés pour quatre ans par arrêté du ministre de la justice. Letribunal pour enfants est compétent pour juger les délits et les contraventions dela cinquième classe commis par les mineurs. Il a donc ici une compétenceconcurrente avec le juge des enfants. La répartition des affaires entre ces deuxjuridictions se fera en fonction de la gravité de la sanction encourue puisque sielles peuvent toutes deux prononcer des mesures éducatives, seul le tribunalpour enfants peut prononcer une sanction pénale. Le tribunal pour enfants estégalement compétent pour juger des crimes commis par des mineurs de seizeans.La nécessité d’une spécialisation des juridictions existantes a conduit lelégislateur à modifier les règles de droit commun de la Cour d’assises eninstituant une Cour d’assises des mineurs (Loi du 24 mai 1951). Mais cettejuridiction ne diverge pas profondément de la Cour d’assises des majeurs. Eneffet, si sa composition a été quelque peu aménagée de manière à spécialiser lesmagistrats qui en font partie, les règles de compétence n’ont subi que de simplesremaniements. Comme la Cour d’assises des majeurs, la Cour d’assises desmineurs est composée d’un jury, formé de neuf jurés en première instance et dedouze en appel, qui ne présente aucune spécificité en fonction de l’âge despersonnes poursuivies. Les fonctions du ministère public sont remplies par leprocureur général ou par un magistrat du parquet spécialement chargé desaffaires de mineurs. En outre, les assesseurs sont, en principe, des juges desenfants. Cette juridiction est exclusivement compétente pour juger les crimescommis par les mineurs de seize à dix-huit ans. Cette juridiction peut encorejuger les majeurs coauteurs ou complices de crimes commis par des mineurs deplus de seize ans. L’originalité de la procédure devant la Cour d’assises desmineurs n’est pas très importante, d’autant plus que l’ordonnance de 1945renvoie aux dispositions du Code de procédure pénale. Cependant, si leprésident de la Cour doit poser les questions habituelles, deux questionsspécifiques doivent aussi être posées sous peine de nullité : « y a-t-il lieud’appliquer à l’accusé une condamnation pénale ? » et « y a-t-il lieu d’exclurel’accusé du bénéfice de la diminution de peine prévue à l’article 20-2 ? ». Si lacour répond « oui » à la première question, la décision, en ce qu’elle estdéfavorable à l’accusé, doit être prise à la majorité de huit voix au moins. Ensuite,la cour et le jury sont interrogés sur la question de l’éventuelle diminution depeine.

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La loi du 9 septembre 2002 donne compétence au juge de proximité pour lejugement des mineurs en matière contraventionnelle. En effet, il sera compétentpour les contraventions de police des quatre premières classes relevant del’article 706-52 du Code de procédure pénale. Il se voit donc investi descompétences qui étaient jusqu’alors dévolues au tribunal de police. Il pourraprononcer une admonestation ou une amende en ce qui concerne les mineurs de13 à 18 ans. En outre, s’il estime qu’une mesure éducative s’avère nécessaire, ilpourra transmettre le dossier au juge des enfants. Cette nouvelle compétence estsubordonnée à la promulgation de la loi organique relative au statut des juges deproximité puis à la publication du décret d’application fixant la liste descontraventions de police.Au stade de l’appel, la chambre spéciale de la Cour d’appel comprend unconseiller délégué à la protection de l’enfance qui exerce les fonctions deprésident ou de rapporteur.A côté de la procédure classique, la loi du 9 septembre 2002 a créé uneprocédure nouvelle dite de jugement à délai rapproché. En effet, de la rapidité del’intervention du juge dépend souvent l’efficacité répressive et préventive de sadécision. C’est pourquoi, sans étendre aux mineurs la procédure de comparutionimmédiate, le législateur a institué une procédure permettant au procureur de laRépublique de saisir lui-même le tribunal pour enfants dans un délai relativementbref, sans passer par la voie de l’information préalable. L’article 14-2 del’ordonnance de 1945 prévoit donc désormais que les mineurs de 16 à 18 ans,déférés devant le procureur de la République, et qui encourent une peined’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans en cas de flagrance ousupérieure ou égale à cinq ans dans les autres cas, ainsi que les mineurs de 13 à16 ans, à condition que la peine encourue soit d’au moins cinq ansd’emprisonnement, sans qu’elle puisse excéder sept ans, peuvent être traduitsdevant le tribunal pour enfants, dans un délai qui ne peut être inférieur à dix joursni supérieur à un mois pour les mineurs de 16 à 18 ans et dans un délai de dixjours à deux mois pour les mineurs de 13 à 16 ans. Le procureur de laRépublique doit requérir du juge des enfants le placement sous contrôle judiciaireou en détention provisoire des premiers ainsi que la mise sous contrôle judiciaireavec placement dans un centre éducatif fermé des seconds jusqu’à leurcomparution devant le tribunal. Cette procédure ne peut être engagée que si desinvestigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que si des investigationssur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l’occasiond’une procédure antérieure de moins d’un an. .La victime d’une infraction commise par un mineur peut indirectement mettre enmouvement la poursuite en se constituant partie civile, soit devant le juge desenfants, soit devant le juge d’instruction. En outre, l’action civile peut égalementêtre portée devant le tribunal pour enfants ou la Cour d’assises des mineurs.L’action civile est alors exercée conformément au droit commun, et pour obtenir

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réparation, la victime doit pouvoir invoquer un préjudice direct et personnel. Deplus, l’ordonnance de 1945 prévoit que lorsqu’un ou plusieurs mineurs sontimpliqués dans la même affaire qu’un ou plusieurs majeurs, l’action civile contretous les responsables peut être portée devant le tribunal correctionnel ou devantla cour d’assises compétente à l’égard des majeurs. Dans cette hypothèse, seulsles représentants légaux des mineurs comparaissent à l’audience. Il convient denoter que la loi du 9 septembre 2002 a modifié l’article 14 de l’ordonnance de1945 afin de prévoir dorénavant la possibilité pour la victime d’assister aux débatsdu tribunal pour enfants, qu’elle se soit ou non constituée partie civile. Il ne s’agitpas d’une véritable innovation mais de la consécration législative d’une pratiquequi avait été autorisée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans unarrêt du 15 décembre 1993 (Bull. crim. n° 393). La loi du 4 janvier 1993 a introduitdans l’ordonnance de 1945 la mesure de médiation-réparation. Celle-ci peut êtreproposée au mineur délinquant soit par le parquet, soit, lorsque les poursuites ontété engagées, par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants. Cette mesureest tantôt une alternative aux poursuites, tantôt une mesure préjudicielle, tantôtune sanction dans le cadre d’un jugement. Ainsi, cette mesure permet d’ordonnerà l’égard du mineur une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égardde la victime qui y consent, ou dans l’intérêt de la collectivité. Cette mesureprésente de nombreux avantages. En effet, elle contient une dimension desanction, elle permet la réparation des dommages causés et elle permet surtoutun travail sur le sentiment de culpabilité avec le mineur mis en cause. C’estpourquoi, le rapport de la commission d’enquête au Sénat insistait sur lanécessité de développer cette justice dite « restaurative ». En effet, « cetteconversion d’un acte négatif en une action positive précédée et suivie d’entretienséducatifs est très certainement la mesure la plus pédagogique à l’égard dumineur, lorsqu’il y est accessible. Il s’agit aussi d’une mesure visible etcompréhensible par la victime et la société ». Il est vrai que dans le cadre decette mesure, les jeunes délinquants comprendront mieux la portée de leursactes et seront conduits à réparer eux-mêmes le tort causé à la victime. En outre,les victimes ne sont pas marginalisées, et trouvent même une réponse rapide etadaptée aux dommages subis. Lorsque cette mesure aura été ordonnée par leparquet, celui-ci pourra, en cas de réussite, classer l’affaire. La mise en oeuvred’une mesure de réparation implique l’accord préalable du mineur et des titulairesde l’exercice de l’autorité parentale. Mais, la victime n’est pas oubliée. En effet,elle doit également donner son consentement, tant sur le principe de la mise enœuvre de la réparation que sur le contenu de la prestation envisagée. En outre,malgré la mise en œuvre de la réparation, la victime peut intenter une action enrecouvrement de dommages civils, et reste toujours libre de revenir sur sonaccord.

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III - Les principes gouvernant les sanctions et mesures applicables aumineur délinquant

Avant le jugement, les mineurs comme les majeurs peuvent faire l’objet d’unplacement en garde à vue, sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire.Cependant, en la matière, les règles dérogatoires au droit commun sont asseznombreuses.L’article 4 de l’ordonnance de 1945 a mis en place un régime spécifique de lagarde à vue applicable au mineur. Cet article définit les conditions du recours à lagarde à vue pour les mineurs en fonction de leur âge. Le principe est que lemineur de 13 ans ne peut être placé en garde à vue. Cependant, il est possiblede retenir un enfant entre 10 et 13 ans. Sur ce point, la loi du 9 septembre 2002est venue modifier l’article 4 en vue de faciliter cette retenue. En effet, ladélinquance des mineurs de 10 à 13 ans ayant progressé ces dernières annéesdans des proportions inquiétantes, le législateur français a jugé indispensable defaciliter les conditions de l’enquête en augmentant la durée de la retenue et endiminuant le seuil des sanctions la permettant. Désormais, un mineur de 10 à 13ans pourra, si les nécessités de l’enquête l’exigent, être retenu pour une durée nepouvant dépasser 12 heures (au lieu de 10), renouvelable une fois, lorsqu’il existedes indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté decommettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement (aulieu de 7). Pour que cette retenue soit possible, il faut avoir préalablementrecueilli l’accord d’un magistrat du ministère public ou d’un juge d’instruction oud’un juge des enfants. Le renouvellement de la retenue est possible s’il est décidépar le magistrat après une présentation du mineur devant lui. Pour les mineurs de13 à 18 ans, la garde à vue est possible pour les mêmes durées que pour lesadultes. En outre, la loi du 15 juin 2000 est venue compléter l’ordonnance de1945 (Art. 4-VI). En vertu de cette disposition, le mineur délinquant bénéficie del’enregistrement audiovisuel des interrogatoires. L’enregistrement original estplacé sous scellés et sa copie est versée au dossier. Il ne peut être visionnéqu’avant l’audience de jugement, en cas de contestation du contenu du procès-verbal d’interrogatoire, sur décision du juge d’instruction ou du juge des enfants.A l’expiration d’un délai de 5 ans à compter de la date de l’extinction de l’actionpublique, l’enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d’unmois.La loi du 9 septembre 2002 a inséré dans l’ordonnance de 1945 un nouvel article10-2 concernant le contrôle judiciaire des mineurs dont il est indiqué qu’il peutêtre ordonné dans les conditions générales, applicables aux majeurs, prévues parle Code de procédure pénale, sous réserve des règles spécifiques applicablesprécisées par les II et III de cet article. En ce qui concerne le contrôle judiciairedes mineurs de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matièredélictuelle, l’article 10-2 prévoit que le prononcé du placement sous contrôle

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judiciaire du mineur doit s’accompagner d’un certain formalisme permettant aumineur de prendre conscience de l’importance des obligations qui lui sontimposées et des éventuelles conséquences en cas de non respect de cesobligations. Ainsi, le contrôle judiciaire est décidé par une ordonnance motivée etle juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détentiondoit notifier oralement au mineur les obligations qui lui sont imposées et doitl’informer qu’en cas de non respect de ces obligations, il pourra être placé endétention provisoire. Ces notifications doivent intervenir en présence de l’avocatet des représentants légaux ou ceux-ci dûment convoqués et ces formalités sontmentionnées par procès-verbal signé par le magistrat et le mineur. Il est apparunécessaire de créer de façon expresse dans l’ordonnance de 1945 desobligations du contrôle judiciaire spécifiquement applicables aux mineurs. Lecontrôle judiciaire dont fait l’objet un mineur peut donc comporter, outre lesobligations pouvant être prononcées en application de l’article 138 du Code deprocédure pénale pour les majeurs, deux obligations spécifiques. Il s’agit del’obligation de se soumettre aux mesures de protection, d’assistance, desurveillance et d’éducation confiées à un service de la protection judiciaire de lajeunesse ou à un service habilité, mandaté à cette fin par le magistrat et del’obligation de respecter les conditions d’un placement dans un centre éducatif dela protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d’un service habilité auquel lemineur a été confié par le magistrat et notamment dans un centre éducatif fermé.S’agissant de l’obligation particulière de respecter une mesure de placement,l’article 10-2 a prévu qu’elle ne peut être ordonnée que pour une durée de sixmois. A l’issue du délai de six mois, le juge peut décider de prolonger le contrôlepour une durée qui ne peut excéder six mois. La loi du 9 septembre 2002 a prévula possibilité de placer sous contrôle judiciaire les mineurs de 13 à 16 ans enmatière délictuelle dans certaines conditions strictes. Ainsi, l’article 10-2 del’ordonnance énonce aujourd’hui qu’en matière correctionnelle, les mineurs demoins de 16 ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire que lorsque lapeine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans. En outre,le mineur doit déjà avoir fait l’objet d’une ou de plusieurs mesures éducatives oud’une condamnation à une sanction éducative ou à une peine. Enfin, le contrôlejudiciaire auquel peuvent être astreints en matière correctionnelle les mineurs demoins de 16 ans doit nécessairement comporter l’obligation de respecter lesconditions d’un placement dans un centre éducatif fermé et ne peut comporterque cette seule obligation. La sanction du non respect du contrôle judiciaire étantle placement en détention provisoire, la potentialité de privation de liberté dumineur de 13 à 16 ans en matière délictuelle doit avoir comme contrepartie le faitque ce mineur a été préalablement soumis dans le cadre d’un placement dans uncentre éducatif fermé à des mesures éducatives particulièrement renforcées etadaptées à sa personnalité, qui diminuent le risque d'échec et donc le risque de

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détention. Ce contrôle judiciaire ne peut être ordonné que pour une durée de sixmois, renouvelable une seule fois.L’article 11 de l’ordonnance de 1945, modifiée par la loi du 9 septembre 2002,énonce les conditions du placement en détention provisoire d’un mineur. Il estprévu que la détention provisoire doit être indispensable ou qu’il doit êtreimpossible de prendre toute autre disposition. Elle ne peut être prononcée que siles obligations du contrôle judiciaire s’avèrent insuffisantes. En ce qui concerneles mineurs de 16 à 18 ans, la détention provisoire peut être décidée s’ilsencourent une peine criminelle, une peine correctionnelle d’une durée égale ousupérieure à 3 ans ou s’ils se sont volontairement soustraits aux obligations d’uncontrôle judiciaire. S’agissant des mineurs de 13 à 16 ans, le placement endétention provisoire est possible s’ils encourent une peine criminelle et, depuis laloi du 9 septembre 2002, en matière délictuelle en cas de révocation du contrôlejudiciaire comportant l’obligation de respecter les conditions d’un placement dansun centre éducatif fermé. La durée de la détention provisoire est alors fixée à 15jours, renouvelable une fois s’il s’agit d’un délit puni de moins de 10 ansd’emprisonnement et à un mois, renouvelable une fois, s’il s’agit d’un délit puni de10 ans d’emprisonnement. Lorsqu’interviennent plusieurs révocations du contrôlejudiciaire, il est prévu que la durée cumulée de la détention ne peut excéder unedurée totale d’un mois dans la première hypothèse et de deux mois dans laseconde. En outre, l’ordonnance de 1945 prévoit depuis septembre 2002 quelorsque les mineurs ayant fait l’objet d’un placement en détention provisoire sontremis en liberté en cours de procédure, ils font l’objet, dès leur libération, demesures éducatives ou de liberté surveillée justifiées par leur situation etdéterminées par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés etde la détention. Si le magistrat estime qu’aucune de ces mesures n’estnécessaire, il doit statuer par décision motivée. Enfin, l’article 11 de l’ordonnance,réformé par la loi du 9 septembre 2002, prévoit que les mineurs âgés de 13 à 16ans ne peuvent être placés en détention provisoire que dans les seulsétablissements garantissant un isolement complet d’avec les détenus majeursainsi que la présence en détention d’éducateurs.

Au stade du jugement, l’article 2 de l’ordonnance de 1945, dans sa rédactionissue de la réforme du 9 septembre 2002, prévoit en son premier alinéa que lesjuridictions pour mineurs « prononceront, suivant les cas, les mesures deprotection, d’assistance, de surveillance et d’éducation qui semblerontappropriées ». Cependant, l’article prévoit dans son alinéa 2 que lorsque lescirconstances et la personnalité des mineurs l’exigent, elles pourront, « soitprononcer une sanction éducative à l’encontre des mineurs de dix à dix-huitans…, soit prononcer une peine à l’encontre des mineurs de treize à dix-huit ansen tenant compte de l’atténuation de leur responsabilité pénale… ». Ainsi,l’ordonnance de 1945 semble avoir opté pour la notion de capacité pénale, c’est à

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dire l’aptitude du délinquant à bénéficier de la sanction après jugementpuisqu’elle laisse aux magistrats le soin de prononcer la mesure éducative la plusappropriée et leur permet d’opter entre une mesure éducative, une sanctionéducative ou une sanction pénale en fonction de la personnalité du délinquant etdes circonstances de l’infraction. En outre, pour le choix de la sanction,l’ordonnance opère une distinction fondée sur l’âge des mineurs délinquants. Eneffet, la primauté de la mesure éducative concerne tous les mineurs sansdistinction d’âge. En revanche, seuls les mineurs de plus de dix ans peuvent êtresoumis à une sanction éducative et seuls les mineurs de plus de treize anspeuvent se voir infliger une peine.L’ordonnance de 1945 pose le principe de la primauté des mesures éducativessur les mesures répressives et offre un éventail très large de ces mesures auxmagistrats. L’admonestation est un blâme verbal prononcé par le juge desenfants ou désormais par le juge de proximité. En outre, l’enfant peut être remis àses parents, à son tuteur, à la personne à qui il a été confié ou encore à unepersonne digne de confiance. Une autre mesure consiste dans le placement dumineur. Ainsi, le jeune délinquant peut être placé quelque soit son âge dans uneinstitution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formationprofessionnelle habilité ou dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité. S’il a moins de treize ans, il peut être confié à l’aide socialeà l’enfance ou placé dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âgescolaire. En outre, la liberté surveillée permet d’imposer au mineur,éventuellement jusqu’à sa majorité, certaines obligations tout en le laissant enliberté. Cette mesure peut être jointe à n’importe quelle autre mesure àl’exception de l’admonestation. La mise sous protection judiciaire peut êtreordonnée contre tout mineur par le tribunal pour enfants ou par la cour d’assisesdes mineurs pour une durée maximale de cinq ans. Dans le cadre de cettemesure, la juridiction peut décider d’un placement dans une institution ou dans unétablissement ou prendre une mesure de protection en milieu ouvert dontl’exécution est confiée à un service ou à un établissement de la protectionjudiciaire de la jeunesse. L’ordonnance de 1945 prévoit que les mesureséducatives ordonnées contre un mineur peuvent être révisées à tout moment.Considérant que la justice des mineurs se doit d’apporter une contributionmajeure à la prévention de la récidive et de la réitération des infractionscommises par les mineurs, le législateur contemporain a estimé qu’il étaitnécessaire de créer pour les très jeunes délinquants une réponse pénaleoriginale à vocation éducative et préventive, le cas échéant, plus ferme etdissuasive qu’une simple mesure éducative. C’est ainsi que la loi du 9 septembre2002 est venue prévoir la possibilité de prononcer des sanctions qualifiéesd’éducatives à l’encontre des mineurs âgés d’au moins dix ans. S’agissant desmineurs de 10 à 13 ans qui ne pouvaient jusqu’à la loi nouvelle faire l’objet quede mesures éducatives, ces sanctions ont vocation à répondre de manière plus

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efficace aux actes commis par ces derniers, notamment lorsqu’ils ont déjà faitl’objet d’une admonestation, d’une remise aux parents et qu’il est nécessaired’apporter une réponse judiciaire plus ferme. Ces sanctions éducativesapparaissent en réalité comme des sanctions que les parents du mineurpourraient être amenés à mettre eux-mêmes en œuvre, mais qui sontprononcées par l’autorité judiciaire se substituant à une autorité parentaledéfaillante. Ces sanctions peuvent être prononcées par le tribunal pour enfantsou par la cour d’assises des mineurs. C’est le nouvel article 15-1 de l’ordonnancede 1945 qui énumère ces sanctions. Il s’agit : de la confiscation de l’objet détenuou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l’infraction ou qui enest le produit ; de l’interdiction de paraître, pour une durée qui ne saurait excéderun an, dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise et qui sontdésignés par la juridiction, à l’exception des lieux dans lesquels le mineur résidehabituellement ; de l’interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, derencontrer ou de recevoir la ou les victimes de l’infraction, le ou les coauteurs oucomplices éventuels, désignés par la juridiction ou d’entrer en relation avec eux ;de la mesure d’aide ou de réparation mentionnée à l’article 12-1 de l’ordonnance ;de l’obligation de suivre un stage de formation civique, d’une durée qui ne peutexcéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultantde la loi. La juridiction désigne le service de la protection judiciaire de la jeunesseou le service habilité chargé de veiller à la bonne exécution de la sanction. Ceservice fera rapport au juge de l’exécution de la sanction. En cas de non respectpar le mineur de ces sanctions éducatives, le tribunal pour enfants pourraprononcer son placement dans une institution d’éducation, dans un établissementmédico-pédagogique ou dans un internat approprié aux mineurs délinquants.Deux conditions doivent être remplies pour que la juridiction de jugement puissedécider de prononcer une peine. En premier lieu, le mineur doit être âgé de treizeans révolus au jour de la commission de l’infraction. En second lieu, il faut que lescirconstances de l’infraction et la personnalité de l’auteur semblent exiger leprononcé d’une peine. Cette question ressort alors du pouvoir d’appréciation desjuges du fond. Dans un arrêt du 1er février 1951 (JCP 1951-II-6107 note J.Brouchot), la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser quela question de l’opportunité de la condamnation pénale devait porter « non sur leséléments constitutifs de l’infraction, mais sur l’individu lui-même ». Les peinespouvant être prononcées sont l’emprisonnement, assorti éventuellement d’unsursis simple ou d’un sursis avec mise à l’épreuve, l’amende et le travail d’intérêtgénéral. Cette dernière peine, qui consiste en un travail non rémunéré d’unedurée comprise entre 40 et 240 heures au profit d’une personne morale de droitpublic ou d’une association habilitée, ne peut être prononcée qu’à l’égard desmineurs de 16 à 18 ans.Lorsque le juge opte pour la voie répressive, des précautions sont prises enraison de la personnalité encore fragile du mineur. Ainsi, l’article 20-2 de

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l’ordonnance de 1945 précise qu’aucune interdiction, déchéance ou incapacité nepeut résulter de plein droit d’une condamnation pénale prononcée à l’encontre dumineur. De même, l’article 20-4 énonce que les peines d’interdiction du territoirefrançais ainsi que les peines prévues aux articles 131-25 à 131-35 du Code pénalne peuvent être prononcées à l’encontre d’un mineur. En outre, aux termes del’article 20-2 alinéa 3, l’application des dispositions de l’article 132-23 du Codepénal sur la période de sûreté est écartée.D’une manière générale, le droit français consacre le principe d’une diminution dela peine normalement encourue. En effet, les juridictions pour mineurs ne peuventprononcer à l’encontre des mineurs de plus de 13 ans une peine privative deliberté supérieure à la moitié de la peine normalement encourue et si celle-ci estla réclusion criminelle à perpétuité, elles ne peuvent prononcer une peinesupérieure à 20 ans de réclusion criminelle (art. 20-2 al. 1). En ce qui concerneles peines d’amende, l’article 20-3 de l’ordonnance précise que le tribunal pourenfants et la Cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer à l’encontre d’unmineur âgé de plus de 13 ans une peine d’amende d’un montant supérieur à lamoitié de l’amende encourue, ou excédant 7500 euros. Néanmoins, en présenced’un mineur de plus de 16 ans, les juges peuvent écarter le principe de ladiminution de la peine en raison des circonstances de l’espèce et de lapersonnalité du délinquant. Cette mesure doit toutefois être exceptionnelle et ladécision spécialement motivée (art. 20-2 al. 2).En ce qui concerne le placement et l’emprisonnement des mineurs délinquants, laloi du 9 septembre 2002 a créé de nouveaux établissements. En premier lieu, laloi du 9 septembre 2002 a entendu renforcer le dispositif du traitement desmineurs multirécidivistes ou violents. C’est ainsi qu’elle est venue instituer denouveaux centres de placement : les centres éducatifs fermés. Peuvent êtreplacés dans ces centres, les mineurs de 13 à 18 ans qui font l’objet d’un contrôlejudiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve. L’article 33 de l’ordonnance de1945 prévoit donc désormais que les centres d’éducation fermés sont desétablissements publics ou des établissements privés habilités, dans lesquels lesmineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avecmise à l’épreuve. Au sein de ces centres, les mineurs font l’objet de mesures desurveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogiquerenforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles lemineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans lecentre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire oul’emprisonnement du mineur. Le placement au sein de ces centres éducatifsfermés répondra ainsi à la nécessité d’une prise en charge renforcée des mineursmultiréitérants. Parallèlement, une prise en charge éducative, fondée surl’enseignement et l’insertion professionnelle, sera mise en œuvre sur la base d’unprogramme rigoureux élaboré en étroite collaboration avec les autresdépartements ministériels concernés, notamment le ministère de l’éducation

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nationale. A l’issue du placement en centre éducatif fermé ou, en cas derévocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve , à la fin de lamise en détention, le juge des enfants prend toute mesure permettant d’assurerla continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertiondurable dans la société. Enfin, lorsque le placement dans un centre éducatiffermé est l’une des obligations imposées au mineur dans le cadre du contrôlejudiciaire, il ne peut être ordonné que pour une durée de six mois et ne peut êtrerenouvelé qu’une seule fois pour la même durée. L’article 34 de l’ordonnanceprévoit que lorsque le mineur est placé dans un tel centre, les allocationsfamiliales qui concernent la part représentée par l’enfant délinquant dans le calculdes attributions des allocations sont suspendues. Toutefois, le juge des enfantspeut les maintenir lorsque la famille participe à la prise en charge morale oumatérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.En second lieu, la loi du 9 septembre 2002 prévoit, en vue d’éviter la promiscuitécriminogène avec les majeurs et d’assurer une véritable action éducative àl’égard des mineurs, l’institution d’établissements pénitentiaires spécialisés pourmineurs dans lesquels seront détenus non seulement les mineurs placés endétention provisoire mais également ceux exécutant une peine privative deliberté.

Ainsi, le droit français a entendu se doter des moyens pour faire face àl’augmentation et au rajeunissement de la délinquance juvénile en prenant encompte les préoccupations sécuritaires de l’opinion publique. Il est vrai que laresponsabilisation de l’enfant s’avère essentielle et doit passer par l’abandon del’idée erronée de l’irresponsabilité pénale du mineur et par la nécessité d’apporterune réponse aux actes commis par les jeunes délinquants.Cependant, il ne faut pas oublier que l’enfant étant un être en voie destructuration, la responsabilité retenue contre lui ne peut être la même que celled’un adulte. C’est pourquoi, la responsabilisation du mineur doit s’accompagnerde mesures de resocialisation destinées à lutter contre l’exclusion, l’un desfacteurs essentiels de la délinquance juvénile.

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IRAN

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURSEN DROIT IRANIEN

Mohammad-Ali ARDEBILI* et Ali-Hossein NADJAFI **

Introduction

Le premier Code pénal iranien, adopté en 1925, avait réservé quelquesdispositions sommaires aux mineurs délinquants, sans qu’ il prévoit, à cette fin,des dispositions particulières de forme. Le vrai mouvement de différenciation dutraitement pénal des mineurs en Iran date de l’adoption d’une loi d’ensemble, endécembre 1959, relative à “la création du tribunal pour enfants délinquants”.1

A la suite de l’avènement de la révolution dite islamique de février 1979, quiamena au pouvoir un régime républicain de nature islamique cléricale, lefondement juridique du système pénal iranien, et notamment celui de l’institutionde la responsabilité pénale, se sont amplement islamisés.Ce changement politique radical et, par conséquent, législatif entraînal’abaissement de l’âge de la responsabilité aussi bien en droit pénal qu’en droitcivil.De ce fait et compte tenu de l’accroissement de la population iranienne depuis1979,2 les sujets de droit pénal des mineurs sont devenus statistiquement plusimportants que par le passé. En effet, selon le dernier recensement de 1996, il yavait 60.055.000 habitants dont 39.51% avaient moins de 15 ans et 56.12% entre15-64 ans. Selon les estimations officielles, le nombre d’habitants atteindra en2006 le chiffre de 71.000.000.3

* Professeur à la Faculté de Droit de l’Université Shahid Béhéshti, Téhéran (Iran).

** Professeur à la Faculté de Droit de l’Université Shahid Béhéshti, Téhéran (Iran).

1. Pour plus de détails Cf. Ardebili (M.-A.), La délinquance juvénile en Iran, Thèse de

Doctorat, Lille, 1978; Mehra (N.), Establishment and remodelling of the Iranian juvenilepenal system in the light of political events, Ph. D., Dissertation, Faculty of Law ofUniversity of London, Queen Mary and Westfield College, 2001.

2. La population iranienne en 1976 était de 33 708 744 habitants.

3. Cf. Statistical Center of Iran, Iran statistical year book, Tehran, 2001.

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Par ailleurs, suivant les statistiques fournies par l’Administration pénitentiaireiranienne, la moyenne de la population pénale – entre mars et décembre 2002 –était de 161 377 prisonniers dont 1,58% étaient constitués d’enfants etd’adolescents de moins de 19 ans.L’importance croissante de la délinquance et de l’inadaptation juvénilesinquiètent, en effet, depuis quelque temps les pouvoirs publics qui songent àréaménager une nouvelle politique criminelle en la matière, où le principe de lareponsabilité pénale constituera, bien évidemment, un chapitre important.Il s’agit précisément d’apporter, dans les pages qui suivent, des élèments deréponse aux questions formulées par la Section I, regroupées en cinq points,relatives à la responsabilité pénale des mineurs en droit iranien.

I - Fondement du principe

L’article 4 de la Constitution iranienne énonce que toutes les lois et tous lesréglements civil, pénal, financier, économique, administratif, culturel, militaire,politique, …. adoptés en Iran, doivent être régis par les prescriptions islamiques.Ainsi, le fondement de l’institution de la responsabilité pénale doit être recherchéet puisé dans le droit musulman.C’est bien à partir de ce principe religieux que le législateur iranien a prescritdans l’ article 49 du code pénal que “les enfants, en cas de la commission d’uneinfraction, ne sont pas pénalement responsables”. La note 1 du dit article définit l’enfant comme quiconque n’ ayant pas atteint l’âge de “la puberté religieuse”(Bolug – é – sharii). Au vu du droit musulman chiite, la pubérté se manifeste parl’activité des glandes reproductrices et la manifestation des caractères sexuelssecondaires.Ainsi, pour les jurisconsultes chiites, la pubérté, qui est essentiellement de naturephysique, coïncide avec l’intelligence de l’individu et, de ce fait, il est considérépénalement responsable. Cependant, l’âge de la responsabilité pénale, basé surla pubérté, diffère suivant le sexe de la personne, dans la mesure où la pubértéchez les garçons et chez les filles ne se manifeste pas à la même période de lacroissance physique.Certains doctrinaires, aussi bien universitaires qu’islamiques4, se sont prononcés,ces dernières années, pour un nouveau fondement de la responsabilité enmatière pénale. Il s’agit, pour eux, de prendre en compte également la maturitépsychologique de la personne.

4. Cf. Ardebili (M.-A.) Droit pénal général (Hogoug – é – Jaz ay – é – Oumoumi), Vol. II,4ème édition, Ed. Misan, Téhéran 2002, pp. 108 – 110; Marashi (S.M.-H.), Quelquesconsidérations sur l’âge de la pubérté (Tahghighi darbare –é- sén – é – boloug), inDidghay Now dar Hougough kayfari Éslam. Ed. Mizan, 1994 (1373 H.S.), PP.13-33.

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Le droit pénal iranien des mineurs, basé sur ce critère islamique deresponsabilité, ne contient pas cependant des infractions dites “juvéniles” etn’exclut pas les mineurs délinquants, pour quelque raison que ce soit, dubénéfice de ses dispositions particulières.Quant à la responsabilité des parents du fait des agissements délictueux de leursenfants, les législations iraniennes prévoient plusieurs dispositions:- D’une part, la loi sur la responsabilité civile de 1960, dans son article 7, disposeque « quiconque, ayant la garde ou la surveillance des aliénés ou des mineurs,est responsable des dommages causés par ces derniers dans les cas où il a faillià sa charge de surveillance et de garde ».- D’autre part, le Réglement de 1945 relatif aux contraventions dans son article11, préscrit que « ceux qui, ayant la charge de la garde et de la surveillance desenfants impubères, faillissent à leurs devoirs, et de ce fait … ces dernierscommettent des infractions, seront pénalement poursuivis….- Et enfin pour les mineurs auteurs des « crimes de sang », l’article 306, note 1 ducode pénal iranien prévoit que les homicides volontaires et quasi – volontaires,commis par les impubères et les aliénés, sont considérés comme purementinvolontaires, et leurs conséquences5 incombent à “Aghélé”.6

II - La question des seuils d’âge

En droit pénal iranien actuel et chez les jurisconsultes chiites qui l’inspirent, l’âgeest animé par deux conceptions. La première considère l’âge comme uneprésomption de maturité et, par conséquent, l’âge n’a pas en soi une valeurintrinsèque; la deuxième conçoit l’âge comme une présomption juridique; de cefait, l’âge représente le critère sur lequel le tribunal doit se baser pour évaluer laresponsabilité du délinquant.L’âge de la majorité pénale n’est pas fixé par le code pénal. En revanche c’est lecode civil iranien, dans son article 1210, note 1, modifiée en 1982, qui le fixe à 15ans Hégire lunaire pour les garçons et à 9 ans Hégire lunaire pour les filles. Ainsi,le seuil de la puberté religieuse (la majorité en droit iranien) indiqué à l’article 49,note 1, du code pénal est en fait fixé par le code civil.Cependant il existe de nos jours une tendance aussi bien chez les universitairesque chez les jurisconsultes chiites à élever ce seuil d’âge à un niveau pouvantcorrespondre au développement psychologique de l’individu. C’est dans ce sensqu’ils préconisent d’élever, au moins le seuil d’âge chez les filles, à 13 ans. En

5. Dans le cas présent il s’agit de payer une somme d’argent ou de donner un bien, entant que “diyé” (Composition pécuniaire), égal à la gravité de la lésion corporelle, à lavictime ou à ses ayants droit.

6. Suivant l’article 307 du code pénal “Aghélé” est tout parent mâle dans la ligne paternelleet maternelle ou paternelle qui seraient appelés à hériter, si le coupable venait à décéder.

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effet, ils cosidérent que l’âge n’est qu’un indice de la majorité, et ce qui est plusimportant, c est le developpement de la faculté de discernement de la personne.Quoique l’article 49 du code pénal stipule, en terme général, que les mineurs(impubères), en cas de commission d’une infraction, ne sont pas pénalementresponsbles et que leur rééducation est confiée à leurs parents et, le caséchéant, au Centre de Correction et de Rééducation, nonobstant par la pratiquejurisprudentielle, les juridictions se voient interdire d’intervenir à l’égard desmineurs de moins de six ans. Cette pratique s’inspire, en fait, de l’ancienne loi de1959 relative à « la création du tribunal pour enfants délinquants » où lelégislateur avait expressément exclu les enfants de moins de six ans du droitpénal des mineurs. D’autre part, le législateur iranien n’a prévu aucune catégoriespécifique, en deça de la minorité ou au – delà de la mjorité, bénéficiant d’unrégime pénal particulier.

III - Constatation judiciaire de la responsabilité pénale des mineurs

En matière de délinquance juvénile, il n’y a pas à proprement parler, unejuridiction spécialisée en Iran. Néanmoins, l’article 219 du Code de procédurepénale prévoit que, dans chaque ressort judiciaire, une ou , au besoin, plusieurschambres des tribunaux de droit commun soient reservées aux mineurs(impubères) délinquants où une procédure particulière doit être appliquée7.La particularité de ces chambres pour enfants délinquants réside dans le fait qu’elles peuvent être amenées à connaître également des affaires pénales de droitcommun (article 231 du code de procédure pénale). Les chambres reservées auxmineurs sont composées, par ailleurs, d’un seul magistrat professionnelappartenant au corps judiciaire.La constatation judiciaire de la responsabilité du mineur releve de la seulecompétence du juge. Cependant, suivant l’article 222 du code de procédurepénale, si le juge l’estime opportun, il pourra ordonner une enquête sur l’étatpsychologique, le milieu familial ou sur les fréquentations du mineur ou demanderl’avis des experts appropriés le concernant.C’est à patir des différents élèments et des résultats obtenus aussi bien dudossier juridique du mineur que de l’enquête psycho – sociale, que le magistratconstate la culpabilité puis se prononce sur la mesure qui s’impose à l’égard del’enfant.Quant à la place de la victime dans le procés pénal relatif aux mineurs, le droitiranien lui donne la même place que celle qu’il prévoit pour la victime d’uneinfraction dont l’auteur est un majeur.

7. Les jeunes délinquants de moins de 18 ans relèvent également de ces chambres. Dansce cas, ces chambres appliquent la procédure pénale de droit commun.

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La victime peut mettre en mouvement l’action publique contre le mineurdélinquant et demander réparation devant la juridiction statuant sur laresponsabilité des mineurs. Ainsi, elle peut obtenir réparation, même si le mineurest considéré comme pénalement irrésponsable, aussi bien devant une juridictioncivile que devant une juridiction pénale.Enfin, il n’existe pas en droit iranien des mineurs, de procédures alternatives à lapoursuite pénale.

IV - Sanctions et mesures applicables

Selon l’article 224 du code de procédure pénale, si, au cours de l’instructionpréparatoire, la détention du mineur ne s’avère pas indispensable, l’une desmesures suivantes sera alors prise à son égard:- L’engagement des parents ou des tuteurs à présenter le mineur à la Justice,chaque fois cela paraît nécessaire,- La remise d’une caution par les parents ou les tuteurs ou par toute autrepersonne, en contrepartie de la liberté du mineur. Suivant cependant la note 1dudit article, au cas où la détention du mineur pour l’instruction paraîtindispensable pour empêcher toute entente du mineur avec autrui, et comptetenu de la gravité du fait délictueux ou si le mineur n’a pas de parent ou de tuteurou si ces derniers refusent de s engager ou de remettre la caution requise ou s’iln’y a pas d’autres personnes se disant prêtes à s’engager ou à remettre lacaution, le mineur serait alors provisoirement détenu dans le « Centre deCorrection et de Rééducation ».Pour ce qui est du choix des mesures, le législateur iranien met à la dispositiondu tribunal quatre sortes de mesures :- La remise du mineur délinquant aux parents (article 49 du code pénal),- Le placement du mineur délinquant au “Centre de Correction et deRééducation” (article 49),- La punition corporelle, si le tribunal l’estime nécessaire pour leredressement du mineur (article 49 note 2),- 74 coups de fouet, pour la sodomie commise entre mineursconsentants (articles 112 et 113 du code pénal),- La correction ou le redressement à l’égard de l’impubère doté dediscernement auteur d’un acte calomnieux -Gazf (article 147 du codepénal).

Néanmoins, par une pratique prétorienne toute récente, certains magistrats fontappel, à l’égard des mineurs, à des mesures éducatives, telles quel’apprentissage d’un métier, l’alphabétisation, le travail d’interêt général, la

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réparation des dommages causés, ….8

Aux termes de l’article 229 du code de procédure pénale, le magistrat peut, enfonction des rapports qu’il reçoit sur l’état général de l’enfant, sur l’évolution de sapersonnalité et de sa rééducation, réviser, et ce pour une seule fois, la décisiondéjà rendue; il peut dans ce sens commuer à un quart le délai de placement auCentre.Suivant les différentes dispositions du Réglement intérieur du Centre deCorrection et de Rééducation, l’éxécution de la sanction imposée au mineur faitl’objet de la surveillance et du suivi particulier de la part du magistrat qui a rendula décision.Quant à la dépénalisation eventuelle du droit pénal des mineurs, il fautmentionner qu’ un projet de loi est actuellement en cours de préparation, lequelentend dépénaliser le droit pénal des mineurs de moins de 15 ans.L’application de la peine de mort peut être envisagée en droit pénal iranien àl’égard des mineurs qui atteignent l’âge de la puberté religieuse (sharii) pour tousles crimes passibles de cette peine.L’emprisonnerment à perpétuité en droit iranien se limite à quelques rares casparticuliers comme celui de du vol qualifié (Had) commis pour la troisème fois(article 201 du code pénal) ou celui de l’homicide par contrainte9 ou celui del’homicide par ordre10 (article 211 du code pénal).

V - Aspects internationaux

L’Iran a adhéré en 1993 à la Convention internationale des droits de l’enfant de1989, tout en émettant une réserve d’ordre général selon laquelle « lesdisposition de la présente convention sont applicables tant qu’elles ne sont pascontraires aux prescriptions du droit musulman et aux lois internes ». Cetteréserve est cependant en contradiction manifeste avec l’article 51, al. 2, de laConvention qui dispose qu’ « aucune réserve incompatible avec l’objet et le butde la présente convention n’est autorisée ».Selon l’article 9 du code civil iranien les normes internationales, ratifiées par leparlement, sont assimilées aux lois internes et répresentent, sur le planhiérarchique, la même valeur que les lois. Par conséquent, il n’y a pointd’application directe des conventions internationales en droit interne.

8. Pour plus de détails Cf. NADJAFI (A.H.), les mineurs délinquants en droit iranien, In

Revue Pénitentiaire et de droit pénal, no 1, 2003.

9. C’est le cas où une personne contraint une autre de commettre un homicide.

10. C’est le cas où une personne donne l’ordre à une autre personne de tuer quelqu’un.

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La détermination de l’âge du mineur, en l’absence de documents offiicielspermettant d’attester l’exactitude de l’âge allégué, se fait par une expertisemédico - légale.Il faut souligner qu’à l’heure actuelle, les dispositions législatives internesrelatives aux mineurs ne correspondent pas, sur tous les plans, aux normesinternationales adoptées aussi bien par la convention de 1989 que par lesrecommandations onusiennes.

Conclusion

On assiste depuis 1999 à une certaine évolution du droit pénal des mineurs enIran. En effet, une commision - au sein du pouvoir judiciaire - composéed’universitaires, magistrats et experts locaux de l’Unicef vient d’achever, aprèsplus de deux ans d’études et de réunions, un projet de loi relatif à la « Créationd’un tribunal pour enfants et adolescents délinquants ». Les promoteurs de ceprojet de loi se sont largement inspirés à la fois de l’esprit de l’ancienne loi de1959, des instruments de l’ONU et des apports du droit pénal des mineurscomparé. Ce projet va incessement être soumis à la Commision des lois dugouvernement.Ainsi, on peut espérer qu’ avec l’adoption de ce projet de loi par le Parlement, ledroit pénal des mineurs iranien serait restauré, après son abrogation en deuxtemps, c’ est-à-dire en 1980 puis en 1982.

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POLOGNE

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURS EN POLOGNE

Marek J. LUBELSKI * et Anna WALCZAK-ZOCHOWSKA **

1 - Historique

Les règles de la responsabilité pénale des mineurs en Pologne ont leur source dansles régulations adoptées dans les années 1920 et 1930. Les actes publiés à cetteépoque, les premiers en Pologne qui se référaient à cette question, notamment leCode de procédure pénale de 1928 et le Code pénal de 1932, ont créé un ensemblede règles sur la responsabilité pénale des mineurs, les séparant des règles sur laresponsabilité pénale des adultes.On a prévu deux seuils d'âge : 13 ans, limite absolue de l'irresponsabilité pénale, et 17ans, limite de la responsabilité pleine, c'est-à-dire une responsabilité comme chez unadulte. Comme cela a été exprimé en 1934 par l'un de plus grands auteurs du droitpénal polonais, Wladyslaw Wolter, vu le seuil de 18 ans pour une majorité juridiquetotale, déterminé par le droit civil, l'abaissement de la limite d'âge à 17 ans traduit lefait que les exigences du droit pénal ne sont pas tellement compliquées et que mêmeune personne de 17 ans est capable de les comprendre. Cette notion s'est avérée trèsrésistante et est toujours valable en Pologne. Malgré de nombreuses propositionsd'égaler l'âge de responsabilité pénale pleine à l'âge de majorité civile (18 ans), leprésent Code pénal de 1997, entré en vigueur le 1er septembre 1998, a maintenu leprincipe, édicté en 1932, de la majorité pénale avancée. Des solutions identiques ontété prises dans le Code pénal de l'époque socialiste, datant de 1969, en vigueurdepuis 1970, avant le présent Code (respectivement l'article 69 du Code pénal de1932, l'article 9 § 1 du Code pénal de 1969, I'article 10 § 1 du Code pénal de 1997).Il faut noter tout de suite que la loi actuellement en vigueur adoucit cette limite avecdes dispositions qui permettent l'application des mesures éducatives et

* Université de Silésie, Katowice (Pologne).

** Université de Varsovie, Institut de Droit Pénal (Pologne).

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correctionnelles prévues pour les mineurs auteurs de délits (et non pas de crimes,c'est-à-dire les actes punissables de trois ans d’emprisonnement au moins) quiavaient moins de 18 ans au moment de la commission de l'acte (art. 10 § 4 du C.P. de1997).La régulation adoptée en 1932 portant sur la responsabilité pénale de l'auteur d'unacte criminel âgé de 13 à 17 ans, est basée sur le principe de substitution aux peinesprévues par le Code pénal d’une mesure correctionnelle spécifique appelée« placement dans un établissement correctionnel » et sur le principe de substitution autribunal pénal du tribunal des mineurs, qui, depuis les années 70, est le tribunal de lafamille. Le principe de substitution s'étend également à la procédure et prévoit unesubstitution à la procédure pénale générale d'une procédure autonome, introduite parle Code de procédure pénale de 1928 et modifiée et développée par la loi sur laprocédure dans les affaires des mineurs de 1982.Néanmoins, les possibilités de juger un mineur devant un tribunal pénal n'ont pas ététotalement exclues du droit polonais. C'est possible dans certains cas en vertu de laloi sur la procédure dans les affaires des mineurs, notamment si la procédure a étéinstituée dans le cas d'un ex-mineur, ayant déjà 18 ans. Alors le tribunal pénal peutprononcer: une peine prévue par le Code pénal, mais obligatoirement atténuée, ouune mesure prévue dans la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs. Dansd'autres cas, quand le mineur est jugé en même temps qu’un adulte et que la jonctionde leurs affaires est nécessaire, il peut être jugé par le tribunal pénal qui appliquerales mesures pour les mineurs.Devant le tribunal pénal, quand il est accusé d'avoir commis un acte criminel et peutêtre condamné à un placement dans un établissement correctionnel, dans le cadred'une procédure appelée par la loi 'correctionnelle', un mineur jouit de tous les droitsd'une partie, en particulier du droit à la défense. La participation de son défenseurdevant le tribunal est obligatoire.Pour pouvoir condamner un mineur à une peine prévue par le Code pénal, il estnécessaire de constater qu’il est capable d'avoir la volonté de commettre un actepunissable, volonté déterminée par les critères de développement et des signesimportants de sa dangerosité. Le Code Pénal en vigueur mentionne ainsi (art. 10 § 2):les circonstances de l'affaire, le niveau de développement de l'auteur, ses qualités etconditions personnelles justifiant cette décision, en particulier le fait que les mesureséducatives ou correctionnelles appliquées précédemment se sont avérées inefficaces.La loi sur la procédure dans les affaires des mineurs dispose qu'un placement dansun établissement correctionnel peut être imposé au mineur si un niveau élevé dedangerosité, ainsi que les circonstances et caractère de l'acte le justifient, en

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particulier si les mesures éducatives appliquées précédemment se sont avéréesinefficaces et ne promettent pas la réhabilitation du mineur (art. 10 de la loi sur laprocédure dans les affaires des mineurs).Il faut souligner que le placement dans un établissement correctionnel ne constituepas une peine mais une mesure de réhabilitation. Le séjour ne peut durer aumaximum que jusqu'à l'âge de 21 ans. L'exécution de cette mesure peut êtreconditionnellement suspendue. Cependant, il existe la possibilité d’y substituer unepeine. Notamment, si un mineur a atteint l'âge de 18 ans avant le commencement del'exécution du jugement, le tribunal décide s’il fait exécuter la mesure prononcée ou s’ill'abandonne et prononce une peine, en appliquant obligatoirement une atténuationextraordinaire de cette peine (art. 94 de la loi sur la procédure dans les affaires desmineurs).Le placement dans un établissement correctionnel peut être aussi prononcé si lemineur n'était l'auteur que d'une contravention, et non pas d'une infraction plus grave(art. 10 et 1 § 2 p. 2a de la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs).Le système ainsi formé est alors assez compliqué. Il y manque une claire délimitationde l'âge et des critères de responsabilité. Il parait fort arbitraire. Ses éléments sontdispersés parmi des lois différentes qui exigent une application cumulative. Pourtant, ila plus d'avantages que d'inconvénients : le système de délimitation de l'âge, ainsi queles différents régimes de responsabilité sont formulés d'une façon flexible etpermettent une grande individualisation de la responsabilité, dépendant des besoinsdu traitement pour un mineur particulier. Ce système en principe admet aussi uneliberté du juge pour la considération de la gravité de l'acte punissable (infraction oucontravention). Il est alors fondé sur le principe de prévention individualisée,complétée en outre par le critère très important du 'bien de l'enfant', compris commeune recherche de changement avantageux dans la personnalité et le comportementdu mineur (art. 3 § 1 de la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs).Malheureusement, certains changements importants ont été faits dans le système derègles indépendantes de responsabilité des mineurs. En plus, ce système estcompliqué par quelques importantes dispositions introduites dans les Codes pénauxde 1969 et 1997, mentionnés ci-dessus.Le Code pénal de 1969 prévoyait comme facultative la possibilité de punir les mineursauteurs des crimes ou délits les plus graves, énumérés dans un catalogue fermé, ouqui sont en état de danger et pour lesquels des raisons de prévention individuellejustifiaient l'application d'une peine (art. 9 du Code pénal de 1969). Le Code pénal de1997, en vigueur, a maintenu cette disposition, en abaissant en plus l'âge de laresponsabilité pénale de mineurs à 15 ans, en cas de certaines infractions graves (art.

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10 § du C.P. de 1997). Pour punir le mineur, il est cependant nécessaire de constaterqu’il est capable d'avoir la volonté de commettre un acte, conditionnée par sondéveloppement et sa dangerosité, dont on a parlé ci-dessus.

2 - Le droit en vigueur

Le droit pénal polonais en vigueur prévoit alors un système très complexe etdéveloppé de seuils d’âge, qui déterminent la responsabilité pénale d'un mineur, dontles traits caractéristiques semblent stabilisés et sont appliqués depuis les années 70.Les limites sont les suivants: l'âge de 13 ans comme une limite de responsabilitépénale conditionnelle, selon les règles spécifiques, prévues dans le système du droitdes mineurs, et l'âge de 17 ans comme une limite de responsabilité pénale pleine,selon les règles prévues pour les adultes.L'abaissement d'âge de la responsabilité des auteurs d'infractions les plus graves,comme le meurtre, le viol, l’acte terroriste, qui entraînent une responsabilité pénalepleine, constitue une question très controversée.Malgré de nombreux opinions contraires, le législateur polonais étend d'une manièreconséquente le champs de la responsabilité pénale des mineurs. Il manifeste de cettefaçon une attitude rigoureuse envers les mineurs, sentiment dominant dans la sociétépolonaise, étant sans doute le résultat de rares crimes atroces et gratuits commis pardes mineurs.La limite d'âge de 15 ans, fixée par le Code pénal, comme une limite de responsabilitépénale pleine, s’agissant des auteurs d'actes les plus graves, énumérés dans le Code,est complétée par de dispositions accessoires, portant sur le statut de laresponsabilité pénale des mineurs selon les règles du Code pénal.La possibilité de prononcer une peine de 25 ans de privation de liberté à l'encontre deces personnes semble la question la plus controversée, car en Pologne c'est une despeines les plus sévères, à côté de la peine d'emprisonnement à perpétuité. Lapossibilité de prononcer la peine la plus sévère, d'emprisonnement à perpétuité, àl'encontre des personnes qui n'ont atteint l'âge de 18 ans au moment de lacommission de l'acte, est expressément exclue par une disposition de Code pénal envigueur (art. 53 § 3 du C.P). En fin de compte, après de longues considérations,l’opinion a prévalu, confirmée ensuite par la Cour suprême, que l'application de lapeine de 25 ans de privation de liberté n’était pas exclue à l'encontre des mineurs.Cependant, les mineurs sont responsables pénalement suivant des règles adoucies.Une peine prononcée ne peut pas excéder 2/3 du maximum de la peine prévue pour

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l'infraction commise. En plus, la cour peut toujours appliquer l'atténuationextraordinaire de la peine (art. 10 § 3 du CP de 1997).Il est particulièrement important que, à l'encontre des mineurs et juvéniles (dont on vaparler plus tard), la cour applique les peines et mesures pénales surtout pour éduquerl'auteur (art. 54 § I du CP). Cette directive permet aux nombreux commentateurs dudroit pénal de déduire que l'application des peines d'emprisonnement longues nedevraient pas être prononcées dans le cas de mineurs. On a mentionné qu’uneopinion contraire a prévalu, qui accepte le prononcé de peines d'emprisonnementlongues, mais le problème n'est pas résolu. Tout le monde s’accorde à dire que leprononcé d'une peine en général, et d’une peine d'emprisonnement longue enparticulier, devrait avoir lieu le plus rarement à l’encontre d’un mineur.La loi sur la procédure dans les affaires des mineurs, adoptée en 1982, a enrichi lesystème des limites d'âge. Elle énonce qu'il est possible d'appliquer à l'encontre d'unmineur qui n'a pas atteint l'âge de 18 ans des mesures éducatives, protectrices outhérapeutiques, prévues dans la loi, s'il y a des signes de dangerosité. Cette questionne touche pourtant pas le champs de la responsabilité.La notion du mineur en droit polonais a plusieurs significations différentes. Elle varieselon les dispositions sur la responsabilité sensu stricto, ainsi que selon lespossibilités d'ingérence juridique envers les mineurs en danger de commettre desinfractions.Une attention particulière s’attache à la question de la limite de base de l'âge de laresponsabilité pénale des mineurs, fixée il y a cent ans par le droit pénal à 13 ans aumoment de la commission de l'acte. L'accélération du développement des mineurs,les actes de plus en plus dangereux qu'ils commettent aussi très jeunes, ainsi qu'unecruauté absurde de ces actes, même sans signes précédents de dangerosité,imposent de réfléchir à la baisse de la limite basse d'âge permettant le lancement depoursuites pénales. Il n'existe cependant pas de propositions décidées dans cettematière et on peut supposer que la limite d'âge de base d'application des formesmodifiées de responsabilité pénale en Pologne envers les mineurs va demeurer de 13ans.Les dispositions en vigueur relatives à la responsabilité pénale des mineurs sontcritiquées, dans la perspective de l'élargissement du champs de la responsabilité desauteurs des actes les plus graves, les plus atroces et suscitant une réprobationcommune, et probablement aussi de la peur. De nombreux projets de réforme duCode pénal, ou bien même sa substitution par une loi plus répressive, prévoient unélargissement du catalogue des actes pour la commission desquels les mineurspeuvent être jugés par la cour pénale, de façon à inclure tous les crimes et tous les

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délits les plus graves, au lieu de les énumérer comme aujourd'hui, aussi bien quel’abolissement, au moins partiel, des adoucissements prévus par le droit pour lesauteurs mineurs.

Il semble cependant que cette réforme ait plus un caractère politique que dogmatiquesensu stricto. On n'a pas formulé de justification importante et acceptable de rejet duprincipe fondamental en droit pénal polonais de l’atténuation de l’élément moral chezle mineur, ce qui doit influer sur l'application des peines. Au contraire, la doctrineconsidère souvent la capacité seulement partielle de mineur d'avoir la volonté decommettre un acte punissable ou bien l’absence de volonté, alors que pleine capacitéet volonté justifient en général l'application de la sanction pénale.Sans doute, le maintien de la limite d'âge de 17 ans au moment de la commission del'acte comme une limite de responsabilité pénale prévue pour les adultes est trèsimportant pour le droit polonais. Il semble difficile de la justifier autrement que par latradition du droit polonais et les opinions de la société polonaise sur ses exigencesenvers la jeunesse. La possibilité facultative d'appliquer les mesures éducatives,thérapeutiques et correctionnelles envers les auteurs des délits qui n'ont pas atteintl'âge de 18 ans au moment de la commission de l'acte est rarement utilisée.L'élargissement du champ de punissabilité réelle, non substitutive, des mineurs, doitêtre reconnu comme une tendance stable du droit pénal polonais. Malgré les opinionsqui s'y opposent et qui soulèvent les arguments différents, relatifs par exemple à laresponsabilité de la société dans les actes des mineurs, le droit pénal polonais corrigele système des limites d'âge, établi il y a longtemps, par des exceptions qui impliquent- au lieu de perspective éducative et protectrice, ou bien éventuellement perspectivede réhabilitation (correctionnelle), déterminée par la possibilité d'appliquer de mesuresdifférentes d'influence, le placement dans un établissement correctionnel, comme unemesure la plus sévère inclus - une perspective de punissabilité littérale.Le caractère marginal de ces cas semble un autre problème. Les affaires des mineursjugées par les cours pour adultes ne constituent que quelques centaines sur chaquecent mille des affaires jugées chaque années par les cours des mineurs, tandis queles condamnations des mineurs aux peines prévues par le Code pénal depuis l'entréeen vigueur de cette possibilité, c'est-à-dire depuis 1970, ne sont que quelques cas enmoyenne par an.Il faut alors reconnaître que la détermination de la limite de base d'âge pour avoir unevolonté de commettre un acte punissable qui justifierait le recours à la sanctionpénale, constitue une question toujours ouverte et controversée dans le droit pénalpolonais. Le législateur souhaite continuellement baisser et élargir le champ depunissabilité littérale des mineurs. La majorité de la doctrine du droit pénal en principe

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ne s'y oppose pas, mais la dispersion des arguments et points de vue est grande.Cependant, il est permis d’affirmer que ces auteurs, spécialistes dans les questions dela loi sur la procédure dans les affaires des mineurs, sont en général opposés à toutesles formes de punition littérale des personnes non adultes.Il est alors facile à comprendre que les propositions d’élever l'âge de la responsabilitépénale pleine à l'âge de la responsabilité civile, c'est-à-dire à 18 ans, ne sont pasparticulièrement populaires et n'ont guère de répercussions dans les cercleslégislatifs.On peut ajouter que les peines de privation de liberté prononcées à l'encontre desmineurs sont subies dans des établissements pour juvéniles (voir infra) et personnene soulève de réserves envers le régime d'exécution en vigueur.On peut cependant se poser la question de savoir si l’abaissement de l'âge de laresponsabilité pénale pleine des auteurs d'actes les plus graves à 15 ans va changerd'une façon importante le modèle polonais de responsabilité pénale des mineurs,adopté dans les années 1930. La réponse n'est pas facile. D'une part, la procédurepour les mineurs est définie par la loi de 1982, qui développe et affermit les idéesfondamentales formulées précédemment ; d'autre part, ce modèle est attaqué etl’opinion s’étend de la nécessité de construire un modèle plus exigeant, ce qui veutdire plus répressif. Une limite accessoire de responsabilité pénale à 15 ans prend del'importance de cette perspective.

3 - Le problème de la responsabilité des délinquants juvéniles

Le droit pénal polonais appelle juvéniles les personnes qui n'ont pas atteint l'âge de 21ans au moment de la commission de l'acte mais qui ne sont pas mineures, c'est-à-diresont responsables pénalement suivant les règles pour les adultes.La même règle de punissabilité - la primauté des raisons éducatives - s'applique auxjuvéniles aussi bien qu'aux mineurs. En même temps, les juvéniles jouissent de façonlimitée d’adoucissements législatifs de responsabilité pénale similaires à ceux desmineurs. En principe, le Code pénal ne prévoit qu'une correction importante danscette matière, notamment si un juvénile n'a pas atteint l'âge de 18 ans au moment dela commission de l'acte, il ne peut pas faire objet d'une peine d'emprisonnement àperpétuité.La loi permet aussi qu'au lieu d'appliquer les peines prévues dans le Code pénal, lacour applique les mesures prévues pour les mineurs à l'encontre d'un juvénile qui n'apas atteint l'âge de 18 ans au moment de la commission de l'acte et est accusé d'avoircommis un délit.

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La catégorie de juvéniles est élargie dans le procès devant la cour. Selon le droitpénal polonais, dans le cadre d’un procès devant le tribunal, est juvénile toutepersonne qui n'a pas atteint l'âge de 21 ans au moment de la commission de l'acte eten même temps l'âge de 24 ans au moment de la prise de décision par le tribunal(article 115 § 10 du CP).Un juvénile peut jouir de l'atténuation extraordinaire de la peine (article 60 § 1 du CP),si elle est justifiée par les raisons éducatives. Les tribunaux ne sont pourtant pas trèspressés d'utiliser cette possibilité. Une opinion prévaut que les juvéniles ne doiventpas être traités avec indulgence dans le procès devant la cour pénale, ce qui de facto

signifie un certain effacement du statut séparé des juvéniles dans la pratiquejudiciaire.Un juvénile subit la peine d'emprisonnement dans un type spécial d'établissementspénitentiaires - un établissement pour juvéniles.

La doctrine du droit pénal polonais interprète avec précaution le statut spécifique desjuvéniles au regard de la responsabilité pénale. Néanmoins, la même règle depunissabilité, prévue par l'article 54 § 1 du Code pénal, mentionnée ci-dessus,s'applique aux mineurs aussi bien qu'aux juvéniles. Cela est très important dans le casde tous les troubles de la personnalité, ainsi que des retards mentaux ou situationpersonnelle difficile d'un auteur jeune. Si l'acte commis est peu grave, la cour peutappliquer un grand choix de mesures de probation, prévues par la loi, dont la premièreest la suspension conditionnelle de l'exécution de la peine.Cet ensemble de règles différentes de responsabilité pénale particulières et clairementséparées, appliquées à l'encontre des juvéniles, dont l'élément le plus important est ledroit de l’exécution des peine d'emprisonnement, semble stable et n'est pas remis enquestion. Il élargit les règles particulières de responsabilité pénale appliquées àl'encontre des juvéniles.

4 - Appréciation générale

Le droit pénal polonais prévoit un modèle de procédure utilisé à l'encontre des auteursmineurs, fondé sur le renoncement à la punition et l’application d'un ensemble richede mesures d'influence non-pénale : éducatives, protectrices, thérapeutiques, ou sic'est nécessaire, aussi de réhabilitation, sous la forme de placement dans unétablissement correctionnel. Il existe aussi une possibilité, qui n'a pas encore étémentionnée, d'appliquer la procédure de médiation au lieu de procès devant la cour.Répondant à la question du document préparatoire, il faut constater que la formule deresponsabilité pénale des mineurs est très claire mais inscrite d'une façon assez

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compliquée dans le droit pénal polonais en vigueur. Si un mineur est tenu responsablepénalement, ce qui est très rare, il est confronté aux règles de responsabilitégénérales appliquées aux adultes. Certaines opinions non dominantes évoquent lapossibilité de donner un caractère totalement autonome aux règles de responsabilitédes mineurs. On parle alors du droit des mineurs et d'un besoin d'autonomie de cedroit, séparé des règles de responsabilité des adultes. Le niveau de la perversité dumineur, compris comme l'état de dangerosité de l'auteur, devient donc un critèredécisif pour cette approche.Cette tendance ne trouve pourtant pas son développement dans la création duconcept d'un délit séparé et spécifique commis par un mineur. Une telle approche dudroit des mineurs semble étrangère au droit pénal polonais.Un régime indépendant de responsabilité pénale des mineurs pour des actespunissables, créé par la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs de 1982,mais ayant ses sources dans les dispositions pénales de la première moitié du XXèmesiècle, peut être exclu seulement en cas d'infractions d'importance particulière, et siles mesures correctionnelles et éducatives appliquées précédemment se sont avéréesinefficaces. Les parents des mineurs ne sont pas tenus pénalement responsablesavec le mineur, mais ils peuvent être obligés par la cour à réparer les dommagescausés par le mineur, en partie ou pour le tout. Le tribunal peut aussi leur imposerd'autres obligations, comme par exemple l'amélioration des conditions de vie dumineur, le fait de lier des relations avec l'école, un établissement de réhabilitation ouun médecin (article 7 de la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs). La non-observation des obligations imposées donne le droit à la cour d’imposer une peinepécuniaire.Les deux seuils d'âge ont une importance décisive pour le droit pénal polonais pour cequi est du statut de mineur et du statut de juvénile, qui le suit, notamment les âges de17 et 21 ans. Le premier détermine l'âge de la responsabilité pénale pleine, la mêmeque pour les adultes. Le second est un statut privilégié, s'expliquant surtout par lerenoncement au principe général de punissabilité, qui accentue les besoins de justice,déterminées par la gravité de l'acte, et sa substitution au principe de primauté desinfluences éducatives à l'encontre de l'auteur. C'est l'âge de l'auteur au moment de lacommission de l'acte qui a une importance décisive. Les remaniements de ces seuilsgénéraux ne les modifient pas. L'âge de base de la responsabilité pénale du mineur,selon les règles prévues dans la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs,s'élève depuis des décennies à 13 ans. Le droit pénal polonais édicte la responsabilitédu mineur pour la commission d'un acte punissable sur un critère de développement,de maturité. Un auteur qui n'a pas atteint l'âge de 17 ans au moment de la

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commission d'un acte ne sera pas puni pour son acte mais au maximum, sera placédans un établissement correctionnel. Un auteur jeune, juvénile, peut espérer uneatténuation de la peine. Alors, on peut constater que le droit polonais suit le principede la faute qui semble demander une maturité totale de l'auteur. En plus, on appliquele critère du bien de l'enfant envers les mineurs. Le processus d'évolution du droit quise déroule en Pologne d'une façon très intense, semble prendre la direction del’élargissement des possibilités de punir littéralement les mineurs. On ne peut pourtantpas craindre que cette punissabilité touche autrui que les auteurs des actes les plusdangereux, très pervers et remplissant les critères de développement mental, c'est-à-dire permettant de leur attribuer la faute. Il faut aussi souligner une attitude trèsprudente de la doctrine du droit pénal polonais envers cette tendance d'élargissementde la punissabilité des mineurs, déterminée par les propositions d'une grande partiede la société et relayée par les politiciens.

5 - La constatation judiciaire de la responsabilité pénale des mineurs

Selon l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs, les affaires concernantles mineurs sont de la compétence du tribunal de la famille, sauf dispositionsspéciales.Conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi précitée, nous considéronscomme tribunaux de la famille (des affaires familiales) les sections familiales et desmineurs des tribunaux de district, créées par le règlement du ministre de la justice (art.12§ 1 p. 3 de la loi du 27 juillet 2001 sur l'organisation des tribunaux généraux, J.O.No 98, pos.1070).Les tribunaux de la famille sont compétents pour les affaires du champ de la loi sur lafamille et la tutelle concernant les mineurs, en matière de dangerosité et de faitspunissables des mineurs, en matière de traitement des personnes dépendant del'alcool et des drogues, ainsi que des affaires relevant selon d'autres lois de lacompétence du tribunal des tutelles.La solution adoptée par l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs estconforme à l'article. 40 de la Convention sur les droits de l'enfant, ratifiée par laPologne (J.O. de 1991 No 120, pos. 526).Aux articles 16 §2, 18 et 42 §3, nous trouvons les exceptions à la règle déterminée àl'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs selon laquelle les affairesconcernant les mineurs sont jugées par les tribunaux de la famille.L’article 16 §2 permet, dans des cas spécialement justifiés, de commencer à menerl'enquête par un procureur, si le fait punissable du mineur présente en lien direct avec

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l'acte d'un adulte et si l'intérêt du mineur n'empêche pas de juger l'affaireconjointement. Après avoir clôturé l'enquête dans une telle affaire le procureurdispose de trois possibilités :

- prononcer le non-lieu de l'enquête ;

- décider de la transmission de l'affaire du mineur au tribunal de la famille ;

- si l'examen conjoint de l'affaire (avec un adulte) est nécessaire, décider de latransmission de l'affaire avec l'acte d'accusation au tribunal compétent selon lesdispositions du code de procédure pénale, qui jugera l'affaire du mineur enrespectant les normes de la loi sur la procédure envers les mineurs.

L'article 18 de la loi sur la procédure envers les mineurs constitue une norme spéciale.Il exclut la compétence du tribunal de la famille. Selon cet article « Le tribunalcompétent selon les dispositions du Code de procédure pénale statue sur l'affairedans des cas suivants:1. lorsque le prononcé d'une peine envers le mineur est justifiée selon l'article 10 §2

du code pénal ;2. lorsque la poursuite a été intentée envers un mineur, qui a commis un fait

punissable visé à l'article 1 §2 p. 2 ( ), alors qu’il a dépassé 18 ans.Selon l'article 42 §3, le juge des affaires familiales est obligé de transmettre l'affaire auprocureur si au cours de la procédure d’enquête, des circonstances justifiant leprononcé envers le mineur de la peine prévue à l'article 10 §2 du CP se sont révélées.De même, s'il apparaît des circonstances nouvelles, montrant qu'il n'a pas besoin derequérir la peine, le procureur n'établit pas d'acte d'accusation et transmet l'affaire aujuge des affaires familiales.

Dans la procédure envers les mineurs (qui est réglée par les dispositions de la loi surla procédure envers les mineurs) nous pouvons différencier deux stades. Ce sont: :a) la phase de la procédure devant le tribunal dont le déroulement est réglé par les

dispositions de la section III (art. 15-63)b) la phase de la procédure d'exécution qui est décrite par les dispositions de la

section IV (art. 64-95).c)Vu la diversité des organes devant lesquels la procédure est menée (au stade de laprocédure devant un tribunal) nous devons remarquer deux sous-phases suivantes:

a) la procédure devant le tribunal de la famille (art. 15-57)b) la procédure devant le tribunal d'appel, qui est toujours le tribunal régional (art.

58).

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La sous-phase devant le tribunal de la famille consiste en les stades suivants:a) stade de la procédure avant de statuer sur l'affaire, ici selon les dispositions de la

loi sur la procédure envers les mineurs, que nous devons décrire en deux étapes:

- procédure in rem commencée par l'arrêt du juge sur l'ouverture de la procédure(art. 21 §1)

- procédure explicative, c'est à dire procédure in personam qui commence parl'arrêt du juge sur l'ouverture de la procédure explicative (art. 34 §1)

b) stade de la connaissance de l'affaire pour lequel le législateur a prévu deux formeshomologues de procédure aux modalités différentes.

- la procédure de tutelle et d'éducation (art. 44-47)

- la procédure de correction (art. 48-55).Conformément aux dispositions de la loi sur la procédure envers les mineurs, ladangerosité d'un mineur (à côté de la commission d'un acte punissable ) constitue lefondement de l'ouverture de la procédure envers un mineur. Selon l'article 1 § 2 de laloi sur la procédure envers les mineurs, un mineur est la personne envers laquelle estmenée la procédure prévue par cette loi. En ce qui concerne la prévention et larépression de la dangerosité, un mineur est la personne qui n'a pas atteint l'âge de 18ans et dans la procédure en matière des faits punissables, le mineur est la personnequi a commis un tel acte et qui a entre 13 et 17 ans. En ce qui concerne les mesurespouvant être prononcées selon les dispositions de ladite loi, un mineur est la personnequi n'a pas dépassé 21 ans 1.Le juge des affaires familiales ouvre la procédure dans une affaire de mineur si lescirconstances prouvant sa dangerosité apparaissent 2 ou si l'on présume qu'un actepunissable (une infraction), une infraction financière ou l'une des contraventionsénumérées a été commise.La procédure dans des affaires envers les mineurs est menée par un juge des affairesfamiliales.

1. Une telle définition du mineur a été jugée par la doctrine comme imprécise. L’absence de

limite minimale d'age au-dessous duquel on pourrait mener une procédure envers un enfantpour dangerosité a été critiquée.

2. La loi sur la procédure envers les mineurs ne contient pas de définition de la notion de

« dangerosité ». L'art. 4 § 1 énumère les circonstances prouvant la dangerosité d'un mineur. Ondistingue parmi elles entre autres la soustraction à l’obligation scolaire, I'usage de l'alcool oudes stupéfiants, la prostitution, le vagabondage, la participation à des groupes criminels.L'utilisation dudit terme dans la loi a été aussi critiqué par la doctrine car il est imprécis et peutsuggérer la faute de l'enfant en matière de dangerosité.

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Les compétences de la police dans des affaires des mineurs sont restreintes. Dansles cas urgents, la police rassemble et garde les preuves d'un acte punissablecommis, et si nécessaire les fonctionnaires de la police arrêtent le mineur ouaccomplissent d'autres actes sur l'ordre du juge des affaires familiales.

La procédure explicative peut être entamée seulement si l'on connaît le mineur contrelequel le procès va se dérouler. En pratique, le juge des affaires familiales commenceà la fois la procédure dans l'affaire envers un mineur et la procédure d'explication.Dans la procédure envers un mineur nous distinguons les parties au procès suivantes:1. Ie mineur2. Ies parents ou le tuteur3. le procureur.

La procédure d'explication dans les affaires de dangerosité a pour but de révéler s'ilexiste les circonstances prouvant la dangerosité du mineur. La procédure dansl'affaire d'un fait punissable vise à établir si le mineur a vraiment commis le faitreproché. Dans ces deux cas la procédure d'explication a pour but de déterminer s'ilfaut utiliser envers le mineur les mesures prévues par la loi. Pendant la procédured'explication les renseignements sur le mineur et sur ses conditions éducatives,médicales et de vie sont réunis et les preuves sont rassemblées. Le juge des affairesfamiliales interroge le mineur, ses parents ou son tuteur et le cas échéant d'autrespersonnes. Si besoin est, il ordonne la fouille, la perquisition, la vision oculaire ouaccomplit d'autres actes de procédure afin d'éclaircir l'affaire à tous points de vue.Dans la procédure d'explication, on utilise les dispositions du code de la procédurecivile- voie non contentieuse. En ce qui concerne le rassemblement et la protectiondes preuves par la police ainsi que l’octroi d’un avocat, on utilise les dispositions ducode de procédure pénale avec des modifications prévues par la loi (art. 20).

Les organes menant la procédure dans une affaire de mineur sont obligés avant toutd'établir des critères et conditions d'application des mesures spécifiées par la loi sur laprocédure envers les mineurs.Selon l'article 24 §1, dans chaque affaire concernant un mineur, il faut mener uneenquête sociale afin d'établir les données concernant ledit mineur et son entourage.Plus précisément ces données concernent: le comportement du mineur, les conditionsdans lesquelles il a été élevé, la situation financière de sa famille, son attitude enversl'école et son progrès scolaire, ses activités de temps libre, les personnes qu'il côtoie,l'attitude des parents ou tuteurs envers le mineur, les méthodes éducativesemployées, l'état de santé et les habitudes ou dépendances du mineur. Une telle

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enquête sociale est d'habitude menée à la demande de l'organe responsable duprocès (juge des affaires familiales, tribunal de la famille, procureur ou tribunal pénal)par un curateur.Exceptionnellement, l'enquête sociale peut être menée par les pédagogues employésdans des centres familiaux de consultation et de diagnostic ainsi que par ceux quitravaillent dans des asiles pour mineurs, par des organisations sociales, et même parles organes de la police.S’il est besoin d'établir une opinion complète sur la personnalité du mineur exigeantdes connaissances en matière de pédagogie, psychologie ou médecine afin de fixerles méthodes de traitement du mineur, le tribunal de la famille appelle le centre familialde consultation et de diagnostic pour qu'il s'en charge.L'examen du mineur est obligatoire si le tribunal considère nécessaire l’utilisationd'une des mesures suivantes: placement dans un établissement de resocialisation,dans un établissement d'éducation, dans un établissement public de soins, dans unétablissement d'aide sociale ou dans un asile pour mineurs.Si le besoin d'opinion sur l'état mental du mineur apparaît, le tribunal de la familleordonne l’examen du mineur par deux médecins psychiatres. A la demande despsychiatres, le tribunal peut soumettre le mineur à une observation qui ne peut durerplus de six semaines.Durant la procédure envers un mineur, c'est à dire à partir du moment de l'ouverturejusqu’au prononcé de la décision finale dans l'affaire, on peut recourir à des mesuresprovisoires. Ces mesures ont pour but de prévenir l’accroissement de la dangerositédu mineur ou la commission de nouveaux faits punissables. Parmi les mesuresprovisoires, nous distinguons les mesures à caractère de liberté, c'est-à-direeffectuées dans le milieu du mineur, et les mesures d'isolation.Selon l'article 26, les mesures provisoires à caractère de liberté sont: la surveillancepar une organisation des jeunes ou une autre organisation sociale, la surveillance parI'employeur, par un curateur ou par une autre personne de confiance. Les mesuresd'isolation qui exigent l'envoi d'un mineur dans un établissement sont: le placementdans un établissement d'éducation ou dans un centre scolaire d'éducation. Si l'onconstate la faiblesse d'esprit, une maladie mentale ou l'usage invétéré de l'alcool oud'autres moyens d’abrutissement, le placement dans un hôpital psychiatrique, dans unautre centre de soins ou dans un établissement d'aide sociale est ordonné.Le placement dans un asile pour mineurs est une autre mesure provisoire d'isolation,pouvant être employée seulement envers une catégorie spéciale de mineurs. L'asilepour mineurs constitue l'équivalent d'une détention provisoire (utilisée dans lap ro cé du re pé n ale en v ers les a du lte s p ré su mé s a vo ir co mmis un e infra c tion ). L'artic le 27

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de la loi sur la procédure envers les mineurs énumère les cas de placement d'unmineur dans l'asile pour mineurs. Cette mesure peut être prononcée seulement s'ilapparaît que les circonstances prouvent l'utilité du placement et aussi si l’on peutcraindre que le mineur aille se cacher ou dissimuler les traces de l'acte commis, ouencore si l'on ne peut pas établir la personnalité du mineur. Le placement du mineurpeut prendre place aussi dans le cas où il est présumé avoir commis l'un des actesénumérés dans l'article 27§ 2 de la loi sur la procédure envers les mineurs. La duréedu placement dans un asile pour mineurs doit être déterminée dans l'arrêt deplacement. Le temps de séjour du mineur dans l'asile, avant que l'affaire ne passe àl'audience, est de trois mois au plus 3. Si le mineur n'a pas de défendeur, le tribunalrendant l'arrêt de placement désigne un avocat d'office. Le placement dans l'asile pourmineurs constitue un de cas où la présence de l’avocat est obligatoire.Le placement dans un centre policier d'enfants est une autre mesure provisoireutilisée envers une catégorie spéciale des mineurs. Ce placement peut être ordonnéseulement par la police. L'article 40 de la loi sur la procédure envers les mineursdispose que le placement dans le centre policier d'enfants peut prendre placeseulement si cela est nécessaire, vu les circonstances de l'affaire. Il s'agit du mineurqui a probablement commis une infraction et dont on peut craindre qu'il n’aille secacher ou dissimuler les traces de l'acte commis ou encore dont on ne peut établirl’identité. Le tribunal de la famille compétent doit être informé le plus vite possible (auplus dans les 24 heures) de l'arrestation d'un mineur.Le mineur doit être tout de suite libéré et remis aux parents ou tuteur si :

- la cause de l’arrestation n'existe plus ;

- le tribunal de la famille le décide ;

- on a excédé la durée de 24 heures pour prévenir le tribunal de la famille ;

- le mineur n'a pas été informé durant 72 heures (à partir du moment del’arrestation) de la décision du tribunal sur le placement dans l'asile pour mineursou sur le placement provisoire dans un établissement d'éducation ouétablissement de soins.

Le mineur qui s'est volontairement absenté de l'asile pour mineurs ou de la maison decorrection peut être placé dans le centre policier d'enfants (au maximum cinq jours)pour le temps qui est nécessaire à son transfert vers l’établissement approprié.Une fois la procédure d'explication finie, le juge des affaires familiales peut: :

3. Si des circonstances spécifiques apparaissent nécessitant de prolonger la durée du

placement du mineur dans l'asile, le tribunal de la famille, composé d'un juge et de deuxassesseurs, peut prolonger la durée du placement de trois mois supplémentaires.

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452 International Review of Penal Law (Vol. 75)

1. prononcer le non-lieu de la procédure s'il considère que les circonstances del'affaire ne sont pas suffisantes pour mener le procès ou si le prononcé demesures éducatives ou de correction est inutile, surtout au vu des mesures déjàprononcées dans l'affaire ;

2. transmettre l'affaire du mineur à l'école fréquentée par le mineur ou à uneorganisation sociale dont il est membre. Il peut le faire seulement s'il considèreque l'influence éducative de ladite école ou organisation sera suffisante. Le jugedes affaires familiales qui prend une telle décision doit mentionner les mesureséducatives qui doivent être employées envers le mineur. De l'autre côté, l'école oul'organisation sociale est obligée d'informer le tribunal de famille de l'efficacité desmesures employées. Dans ce cas, le juge des affaires familiales peut indiquerd'autres mesures à utiliser ou ouvrir la procédure.

3. rendre une décision d'examiner l'affaire selon la procédure de tutelle-éducation. Ilfait cela si en considérant les preuves réunies, il estime que vu les circonstances,le caractère de l'affaire et la personnalité du mineur, il est souhaitable d'utiliser lesmesures éducatives ou thérapeutiques.

4. rendre une décision d'examiner l'affaire selon la procédure de correction, s'ilconsidère que les conditions pour le placement dans une maison de correctionsont remplies ;

5. rendre une décision de transfert de l'affaire à un procureur. C’est le cas si,pendant la procédure d'explication, apparaissent des circonstances permettantd’envisager envers le mineur une peine selon l'article 10 §2 du Code pénal.

La procédure de tutelle-éducation et la procédure de correction se déroulent devant letribunal de la famille. La différence principale entre ces deux types de procédureressortit au type de dispositions légales employées. Le premier type est fondé sur lecode de procédure civile; pendant que le second l’est sur le code de procédurepénale. Dans la procédure de correction le tribunal est composé d'un juge et deuxassesseurs. La décision de placement dans une maison de correction prend toujoursla forme d'un jugement. Le mineur doit toujours être assisté d'un défenseur.

La loi sur la procédure envers les mineurs prévoit la possibilité d'envoyer l'affaire dumineur à la médiation. L'institution ou la personne de confiance établit un rapport surle déroulement et le résultat de la médiation. Le tribunal de la famille prend ce rapporten considération en rendant la décision dans l'affaire du mineur.La situation de la victime dans la procédure envers les mineurs doit être présentéeséparément.La loi sur la procédure envers les mineurs ne prévoit aucune disposition faisant de lavictime une partie au procès. La victime n'est pas mentionnée dans l'article 30 §1 de

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Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 453

la loi sur la procédure envers les mineurs. Cet article énumère les personnes étantparties au procès. Malgré l'absence de la victime dans l'énumération dudit article, ilfaut lui accorder le caractère d'une partie dans la procédure d'explication. Selonl'article 21 §2, les dispositions appropriées du Code de procédure pénale doivent êtreutilisées pour la victime. Selon la doctrine, la victime est une partie dans la procédurepréparatoire. Vu quand même les fonctions de ce stade du procès, les droits de lavictime sont assez restreints.La loi sur la procédure envers les mineurs accorde à la victime au cours de laprocédure d'explication certains droits. Ainsi la victime a le droit de déposer un recourscontre la décision du juge des affaires familiales de refus d'ouverture de la procédureou contre la décision de non-lieu (art. 21 § 2 et 3). La victime peut aussi déposer unrecours contre la décision de ne pas intenter une procédure ou contre une décision denon-lieu dans une affaire où le fait est poursuivi sur sa demande ou sur accusationprivée (art. 22 § 3). En dehors de tout cela, la victime a les mêmes droits que lesautres parties, entre autres elle a le droit d'être informée de l'ouverture de laprocédure (art. 31 §3), le droit de faire la demande d'administration de preuve (art. 35§3), le droit de consulter le dossier de l'affaire et d'en faire les copies si le juge desaffaires familiales ne s'y s'oppose pas (sauf pour les enquêtes sociales et l'opinion surle mineur - art. 36 §3). L'article 43 §3 accorde à la victime le droit d'être informée de ladécision de l'examen de l'affaire. Cette disposition a pour but d'assurer à la victimel'information sur le procès à chaque stade. En plus, elle a le droit de déposer desrecours contre les actes pouvant violer ses droits.En ce qui concerne la procédure de jugement et la procédure d'exécution, les droitsde la victime dépendent du type de procédure et des dispositions employées. Dans laprocédure devant le tribunal de la famille on utilise les dispositions de la loi sur laprocédure envers les mineurs et du Code de procédure civile, et les dispositions duCode de procédure pénale seulement en ce qui concerne les mesures de correction.Pourtant, selon l’article 48, les dispositions concernant la procédure menée dans lesaffaires sur accusation privée, l'action civile ou l'accusateur subsidiaire, ne seront pasutilisées. Par conséquent, indépendamment du caractère de la procédure (tutelle-éducative ou correction) la participation de la victime en tant que partie au procèsn'est pas prévue. La victime peut quand même être présente à l'audience (art. 30 § 6)et elle peut témoigner. Elle a aussi le droit d'être informée du contenu de la décisionfinale dans le procès. Le fait que la victime soit dépourvue du statut de partie auprocès souligne le rôle éducatif du procès. La participation de la victime provoque lanécessite d'examiner le dommage qui lui a été causé et engage l'action civile.

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454 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Pourtant la procédure réglée par la loi en question n'a pas pour but d'accuser lemineur mais de lui appliquer (si besoin est) des mesures nécessaires.Cela se passe autrement au cas de procédure pour le fait punissable commis par unmineur, qui se déroule selon les dispositions du Code de procédure pénale (c'est-à-dire quand la procédure a été entamée quand l’intéressé a dépassé 18 ans ou quandle mineur est jugé conformément aux dispositions du CP pour un acte défini par l'art.10 § 2 du CP). Dans ce cas, la victime peut participer au procès en tant que partiecivile ou accusateur subsidiaire.La loi sur la procédure envers les mineurs contient aussi d'autres dispositions quipeuvent être utiles à la victime. Il s'agit ici des mesures qui peuvent être prononcées àson profit, par exemple I'obligation du mineur d'accomplir certains travaux ouprestations au profit de la victime, I'obligation du mineur de s'excuser auprès de lavictime, ou encore l'obligation du mineur de réparer le dommage causé. La loi enparlant de l'obligation de la réparation du dommage ne mentionne pas qu'il s'agit dudommage causé par un fait punissable. Alors il faut croire qu'il est possible d'obliger lemineur à réparer le dommage causé par son comportement résultant de ladangerosité. Dans ce cas, la possibilité de médiation est assez importante pour lavictime.

6 - Sanctions et mesures applicables

L'article 5 de la loi sur la procédure envers les mineurs contient la règle suivante: laprévention et la lutte contre la dangerosité et la criminalité des mineurs doivent êtreréalisées par le biais des mesures éducatives et de correction. La peine peut êtreprononcée envers les mineurs exceptionnellement, seulement dans des cas prévuspar la loi, quand d'autres mesures ne garantissent pas la resocialisation.Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi sur la procédure envers lesmineurs, nous considérons en tant que mesures éducatives:

- I'avertissement ;

- l'obligation d'un comportement spécifique, surtout la réparation du dommagecausé, l'accomplissement des certains travaux ou prestations au profit de lavictime ou de la société locale, l'obligation de s'excuser auprès de la victime, dereprendre l'éducation ou le travail, de suivre les cours à caractère éducatif,thérapeutique ou de formation, le fait de s'abstenir de côtoyer des milieux ou desendroits spécifiés, le fait de s'abstenir de consommer de l'alcool ou des drogues ;

- la surveillance des parents ou du tuteur ;

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Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 455

- la surveillance d'une organisation pour jeunes ou d'une autre organisation sociale,de I’employeur ou d'une personne de confiance ;

la surveillance d'un curateur ;

- l'envoi dans un établissement de curateurs ou dans une organisation sociale ouun établissement spécialisé dans le travail sur les mineurs à caractère éducatif,thérapeutique ou de formation, après avoir consulté cette organisation ouétablissement ;

- l'interdiction de conduire des véhicules ;

- la confiscation des biens acquis au moyen d’un acte punissable ;

- le placement dans une famille de substitution, dans un établissement de tutelle-éducation ou dans un centre scolaire d'éducation.

L’article 6 §11 donne au tribunal de la famille le droit d'utiliser envers le mineur lesmesures prévues par le code de la famille et des tutelles.Hors les mesures éducatives, la loi prévoit aussi des mesures thérapeutiques. Selonl'article 12, elles peuvent être utilisées envers les mineurs atteints des troublesmentaux, d'une maladie mentale ou dépendant des drogues ou de l'alcool. On peutalors placer le mineur dans un hôpital psychiatrique ou dans un autre établissementde soins. Dans la situation où il faut seulement apporter au mineur une aide au niveaude son instruction, on peut le placer dans un établissement d'aide sociale ou dans unétablissement de tutelle-éducation.La loi sur la procédure envers les mineurs prévoit une mesure de correction : leplacement du mineur dans une maison de correction. Le tribunal peut utiliser cettemesure seulement envers le mineur qui a commis un fait punissable (infraction ouinfraction financière). Selon l’article 10 de la loi sur la procédure envers les mineurs,cette mesure peut être utilisée si, en plus, le taux de la dangerosité du mineur estélevé et d'autres mesures se sont avérées insuffisantes ou ne garantissent pas laresocialisation du mineur. Le placement dans une maison de correction peut êtredéfinitif ou conditionnel.La suspension conditionnelle du placement du mineur dans une maison de correctionest utilisée conformément aux dispositions de l'article 11 §1. Les conditionspersonnelles et sociales de l'auteur ainsi que les circonstances et le caractère del'acte doivent laisser présumer que les buts éducatifs seront atteints même sans leplacement dans la maison de correction. On peut suspendre le placement du mineurdans une maison de correction pour une période d'essai (la durée de cette période estd'un à trois ans). Pendant la période d'essai le tribunal utilise envers le mineur lesmesures éducatives. Si pendant la période d'essai, le mineur n'accomplit pas les

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456 International Review of Penal Law (Vol. 75)

obligations qui lui étaient imposées, le tribunal de la famille peut annuler la suspensionet ordonner le placement du mineur dans une maison de correction.Cela dit, si le mineur commet l’un des actes énumérés par l'article 11 §3 et si l'on nepeut pas examiner l'affaire selon les dispositions du Code de procédure pénale,I'annulation de la suspension conditionnelle est obligatoire.Les mesures éducatives, thérapeutiques et de correction, prononcées envers unmineur sont exécutées par le tribunal de la famille selon les dispositions de la loi sur laprocédure envers les mineurs. Dans la procédure d'exécution, le juge des affairesfamiliales joue un rôle essentiel.Selon l'article 77 de la loi sur la procédure envers les mineurs, il surveille l'exécutiondes décisions suivantes: I'envoi du mineur dans un centre de curateurs, le placementdans un établissement de tutelle-éducation, dans un centre d'aide sociale, un centrescolaire d'éducation, un établissement public d'aide médicale, un asile pour mineurs etune maison de correction ainsi que la décision de placement dans un centre policierd'enfants. Lorsqu'il exerce la surveillance, le juge des affaires familiales est muni desnombreuses compétences. Il a le droit d'entrer sur le terrain de l'établissementsurveillé et dans des lieux où séjournent les mineurs, le droit de consulter lesdocuments et de demander des éclaircissements de la part de l'administration del'établissement, de discuter en privé avec les mineurs, d'examiner leurs demandes etplaintes. Le juge surveille aussi la légalité du placement d'un mineur et veille à ce quel'exécution de la décision (surtout en ce qui concerne les méthodes et mesuresutilisés, les conditions de séjour du mineur, de respect des droits et obligationsimposées aux mineurs) soit correcte.L'exécution des mesures thérapeutiques et de la plupart des mesures éducativess'arrête au moment ou le mineur atteint l'âge de 18 ans (art. 73 §1 de la loi).L'exécution des mesures suivantes s'arrête au moment où il atteint 18 ans: I'obligationd'un certain comportement, la surveillance des parents ou du tuteur, le placementdans une famille de substitution, le placement dans un établissement de tutelleéducation, ou dans un centre scolaire d'éducation. L'exécution d'autres mesures et dela mesure de correction s'arrête au moment ou il atteint l'âge de 21 ans.Les dispositions de la loi sur la procédure envers les mineurs donnent au juge desaffaires familiales beaucoup de liberté lors de l'exécution des mesures prononcées.Grâce à tout cela, la règle d'individualisation est bien respectée dans cette procédure.Conformément aux dispositions de l'article 79 de la loi sur la procédure envers lesmineurs, le juge des affaires familiales a le droit de:1. changer ou annuler les mesures éducatives,2. changer ou annuler les mesures éducatives pour une période d'essai,

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Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 457

3. renoncer à l'exécution d'une mesure éducative prononcée,4. annuler l'interdiction de conduire des véhicules,5. utiliser des mesures thérapeutiques.Le changement ou l'annulation des mesures éducatives doit être motivée par les butséducatifs.7 - Aspects internationaux

Les standards européens en matière de droits de l'homme résultent de la Conventioneuropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,ratifiée par la Pologne en 1992 (J.O. No 85, pos.427) et des Pactes internationauxrelatifs aux droits de l'homme, ratifiés par la Pologne en 1977.En ce qui concerne les standards européens en matière de la protection des droits del'enfant, nous pouvons mentionner la Convention sur les droits de l’enfant du 20novembre 1989 (ratifiée par la Pologne en 1991, J.O.No 120, pos. 526), les Règlesminimales de l'ONU (les règles de Beijing) et les Recommandations du Comité desministres du Conseil de l'Europe concernant la réaction sociale envers la délinquancedes mineurs.

Le tableau présenté ci-après permettra de réaliser si les dispositions de la loi sur laprocédure envers les mineurs sont conformes aux standards internationaux et avec laConstitution de la République de Pologne 4.

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les

min

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Droit à unprocès

équitable, droità la liberté

Art. 6.1 Art. 14.1 - Règle 14.1 Art. 45.1 -

Droit autraitement

humanitaire etdigne lors duprocès

- Art. 10.1 Art. 37 p. c. Règle 10.1et 10.3

Art. 41.4 -

4. Tableau publie par M. Korcyl-Wolska, M. Korcyl-Wolska : « Procédure envers les mineurs en

Pologne, Zakamycze 2001 ».

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458 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Droit à uncontrôlejudiciaire lors

de l’arrestation(privation deliberté)

Art. 5.3 et5.4

Art. 9.3 et9.4

Art. 37 p d Règle 10.2 Art. 41.2 Art. 40 §2,art. 29,art. 27

Droit au

respect de ladignitéhumaine lorsdu procès

- - Art. 40.1 Règle 10.3 Art. 30 -

Présomptiond’innocence

Art. 6.1 Art. 14.2 Art. 40.2p.b I

Règle 7.1 Art. 42.3 -

Droit à

l’informationsur les charges

Art. 6.3 p a - Art. 40.2

p b II

Règle 7.1 Art. 41.3 -

Droits de la

défense(matériels)

Art. 6.3

p b et c

Art. 14.3 Art. 40.2

p. b III

Règles 7.1

et 15.1

Art. 42.2 Art. 36 §2

Art. 59Art. 44

Droits de ladéfense

(formels)

Art. 6.3 p, b,c, d

Art. 14.3p, b

Art. 40.2p b II

Règle 7.1 et15.1

Art. 42.2 Art. 36 §1Art. 59

Art. 44

Droit à uninterprète

gratuit

Art. 6.3 p.e Art. 14.3 Art. 40.2p. bIV

- - -

Droit aurespect de lavie privée et

familiale

Art. 8.1 Art. 17.1 Art. 40.2p.b VII

Règle 8.1 Art. 47Art. 50

Art. 53 §1Art. 45 §1

Droit à larapidité du

procès (lareconnaissancede l’affairedans un délai

raisonnable)

Art. 6.1 Art. 14.3 p.c Art. 40.02p. b III

Règle 20.1 Art. 45.1 -

Nullum crimensine lege

Art. 7 Art. 15 Art. 40.2 p.a Règle 3.1 Art. 42.1 Art. 2§1

Droit derecours

Art. 7 p.1Protocole 7

Art. 14.5 Art. 40.2p.bV

Règle 7.1 Art. 78 Art. 58

Etablissementd’organes

séparésspécialementpour enfantsw

- - Art. 40.3 Règle 14.1 - Art. 15

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Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 459

Etablissementde droits etprocédures

spéciaux pourenfants

- - Art. 40.3 Règle 6.1,6.2, 6.3

- Art. 20

Etablissementdu seuil d’âge

minimal deresponsabilitédes enfants(mineurs)

- - Art. 40.3 p.a Règle 4.1 - Art. 1 §1p.2

Règle d’agirlors du procèspour le bien de

l’enfant

- - Pramble,art. 40.1

Règle 17.1p.d.

- Art. 3

Présence desparentspendant les

actes

- - Art. 40.2p.bIII

Règle 7.1 et15.1

- Art. 39Art. 51§1

Différentesmesures

pouvant êtreutilisées

- - Art. 40.4 Règle 18.1 - Art. 6Art. 7

Droit à la liberté Art. 5.1 Art. 9.1 Art. 37 p. b Règle 13.1et 17.1 b.c

Ar. 41.1,Art. 31.1-3

Art. 27Art. 4

Art. 102

Comme il s’évince du tableau présenté ci-avant, les standards européens suivants nesont pas mentionnés expressis verbis dans la loi sur la procédure envers les mineurs: 1. droit à un procès équitable 2. droit à un traitement humain lors de l'arrestation 3. droit au respect lors du procès 4. présomption d'innocence 5. droit a l'interprète gratuit 6. reconnaissance de l'affaire dans un délai raisonnable

Pourtant, comme la Constitution de la République de Pologne détermine l'ordrejuridique en Pologne en tant qu'entité, il faut en déduire qu’on doit utiliser lesdispositions de la Constitution directement dans la procédure envers les mineurs.Il faut souligner que conformément aux dispositions de l'article 9 de la Constitution dela République de Pologne: « La République de Pologne respecte les normes du droitinternational en vigueur ». Selon l'article 87, les accords internationaux ratifiés

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460 International Review of Penal Law (Vol. 75)

constituent une de sources de droit en vigueur. L'article 91.1 dispose que l'accordinternational ratifié et publié dans le Journal Officiel de la République de Pologne faitpartie de l'ordre juridique et peut être appliqué directement sauf si son applicationdépend de la promulgation d'une loi. Selon l'article 91.2, l'accord international ratifiégrâce au consentement exprimé dans une loi, prime la loi dans des situations où la loin'est pas conforme à l'accord. Selon l’article 91.3, cela vaut d'un accord internationalratifie par la Pologne, la loi établit par cet accord est appliquée directement, ayant laprimauté au cas de non-conformité avec les lois internes.

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TUNISIE

LA RESPONSABILITE PENALE DU MINEUR EN DROIT TUNISIEN

Sassi BEN HALIMA *

1- Le principe de l'irresponsabilité pénale du mineur figure en droit tunisien dansl'article 43 qui dispose « Tombent sous la loi pénale, les délinquants âgés de plus de13 ans révolus et de moins de 18 ans révolus.

Toutefois, lorsque la peine encourue est la peine de mort ou l'emprisonnement à vie,elle est remplacée par un emprisonnement de 10 ans.Si la peine encourue est celle de l'emprisonnement à temps, elle est réduite demoitié ».

Tout d'abord le seuil du discernement était fixé à 7 ans et le seuil de la majorité pénaleà 15 ans, ensuite on a remonté l'âge de la majorité pénale à 18 ans.Le seuil de la majorité pénale a subi deux transformations:D'abord, on a considéré que le seuil de 18 ans était tellement élevé qu'il privait desanctionner des personnes qui ont acquis par l'effet des mass-media, les sériespolicières, la capacité de commettre des actes tellement graves qu'il était injuste de nepas les soumettre à la rigueur du droit pénal, et c'est en 1968 que l'âge de la majoritépénale a été abaissé à 16 ans à l'occasion d'un meurtre horrible commis par deuxmineurs âgés de plus de 16 ans et de moins de 18 ans, leur jeune âge étant unobstacle pour l'application de la peine de mort.Cette affaire a tellement choqué le Président de la république qu'il a donné desinstructions pour abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans.Mais la rédaction de l'article 43 du code pénal a subi une deuxième modification:La modification du 4 juin 1982 :à l'occasion d'une affaire horrible dans laquelle unmineur a commis un meurtre, la peine encourue était la peine de mort, or le mineur

* Professeur des Facultés de Droit, Président de l’Association Tunisienne de Droit Privé et de

l’Association Tunisienne de Droit Pénal.

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528 International Review of Penal Law (Vol. 75)

était le fils d'une personnalité haut placée, des instructions présidentielles furentdonnées pour relever l'âge de la majorité pénale.On a conforté ce seuil de 18 ans par l'article 71 du Code de la protection de l'enfant« Les enfants âgés de 13 à 18 ans révolus auxquels est imputée une infractionqualifiée contravention délit ou crime ne sont pas déférés aux juridictions pénales dedroit commun. Ils ne sont justiciables que du juge des enfants ou du tribunal pourenfants ».Donc le texte sur la responsabilité pénale existe et il est clarifié par d'autres texteslégislatifs, ce qui fait que l'intervention de la jurisprudence est inutile car le texte existeet il n'est en aucun point ambigu.En revanche, la jurisprudence est intervenue avant l'entrée en vigueur du Code de laprotection de l'enfant pour affirmer que l'âge à prendre en considération est l'âge del'enfant lors de la commission du crime, mais ce principe jurisprudentiel figure àl'heure actuelle dans le code de la protection de l'enfant.

2ème question:

La notion de culpabilité suppose la commission d'une faute au sens large, soitintentionnelle soit d'imprudence ou de négligence. Cette faute constitue l'élémentmoral de l'infraction et s'il n'y a pas une faute il n'y a pas de culpabilité et il n'y a pasd'infraction au sens classique du terme. Dans ce cas le problème de la responsabilitén'est pas concevable.Quant à l'imputabilité qui est définie dans le code pénal Italien de 1930 dans sonarticle 85 comme étant la capacité de comprendre et de vouloir, elle suppose uneconscience et une volonté libre ce qui exclut les cas de troubles psychiques ou decontrainte. Dès lors, la responsabilité pénale de l'auteur est envisageable.Donc pour qu'il y ait responsabilité pénale au sens strict, il faut que le délinquant aitcommis une faute (culpabilité) et que cette faute puisse lui être imputée (imputabilité).Une seconde distinction s'impose entre la responsabilité pénale au sens juridique et laresponsabilité criminologique .La responsabilité pénale au sens juridique, comme on vient de le voir, n'est pasenvisageable lorsqu'il n'y a pas une faute imputable à l'auteur de l'infraction commise.En revanche la responsabilité criminologique est fondée sur le risque que l'individu faitcourir à la collectivité.On constate que le principe repose en droit tunisien sur un fondement classique de« imputabilité-culpabilité » car le mineur de moins de 13 ans bénéficie d'uneprésomption irréfragable d'irresponsabilité pénale, alors que le mineur de plus de 13

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Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 529

ans bénéficie d'une présomption simple ce qui signifie que si l’on prouve l'intention denuire et de porter préjudice à autrui, ce mineur peut se voir infligé des peines.

3ème question :

Non, il n'y a aucune tendance doctrinale ou législative actuelle visant à attribuer à laresponsabilité pénale du mineur un fondement spécifique.L'analyse de la responsabilité du mineur reste classique.

4ème question:

Non, il n'y a pas de concept spécifique d’ « d'infraction juvénile » indépendant de laresponsabilité pénale. Les infractions commises par les mineurs peuvent êtrecommises par des majeurs, seules les peines ne sont pas les mêmes.

5ème question:

Il n'y a aucune tendance à exclure du bénéfice du droit pénal des mineurs en vue deles soumettre à un régime identique à celui des majeurs, certaines infractionsparticulièrement graves. Toutes les infractions, quelle que soit leur gravité, sontsoumises pour les mineurs au même régime.

6ème question:

Il n'existe aucune disposition visant à mettre en oeuvre la responsabilité des parentsdu fait des agissements délictueux de leurs enfants mineurs sur le fondement d'uneresponsabilité objective.Le principe de la personnalité des délits et des peines reste la règle.

II- La question des seuils d’âges

1- L'âge de la majorité pénale a été indiqué plus haut. Il a été signalé aussi le va etvient législatif entre le seuil de 18 ans et celui de 16 ans à la suite de deux affairescriminelles dans lesquelles, pour l’une il a semblé regrettable que la peine de mort nesoit pas encourue, ce qui a entraîné l'abaissement de la majorité pénale de 18 à 16ans et pour l’autre la peine de mort était encourue ce qui a entraîné le relèvement del'âge de la majorité de 16 à 18 ans.

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Il n'y a donc pas de tendances générales en vue d'élever ou d'abaisser le seuil de lamajorité pénale .

2- Au-dessous de 13 ans le mineur n'est susceptible, à raison de l'infraction qu'il acommise, d'aucune sanction pénale et/ou mesure éducative.

3- Aucune sanction, aucune mesure n'est applicable à l'infans.

4- Il n'y a donc aucun régime spécial pour de « jeunes adultes ».

III: Constatation judiciaire de la responsabilité pénale des mineurs

1- La juridiction spécialisée compétente pour juger les mineurs auteurs d'infractionsest le juge des enfants ou le tribunal pour enfants. Selon l’article 71 du Code de laprotection de l'enfant « les enfants âgés de 13 à 18 ans révolus auxquels est imputéeune infraction qualifiée, contravention, délit ou crime ne sont pas déférés auxjuridictions pénales de droit commun. Ils ne sont justiciables que du juge des enfantsou du tribunal pour enfants ».Le juge des enfants compétent en matière de contraventions ou de délits est unmagistrat du deuxième rang. Le juge des enfants statue après avoir consulté deuxmembres spécialisés dans le domaine de l'enfance qui donnent leur avis par écrit. Cesdeux conseillers sont choisis sur une liste établie par arrêté conjoint des ministères dela justice, de la jeunesse et de l'enfance et des affaires sociales (art 82).Le tribunal pour enfants compétent en matière de crimes est composée de 5 membresqui sont:- Le président ayant le grade d'un président de chambre à la cour d'appel.- Deux magistrats conseillers dont l'un est chargé des fonctions de rapporteurcoordonnateur.- Deux membres conseillers choisis parmi les personnes spécialisées dans ledomaine de l'enfance nommés sur une liste.

En matière de délits, le tribunal pour enfants est composé d'un président de chambreet de deux membres conseillers spécialisés dans le domaine de l'enfance.La chambre d'accusation compétente en matière d'affaires des enfants est composéed'un président de chambre à la cour d'appel et de deux conseillers spécialisés.

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2- On traite d'abord de la question de l'âge, si l'enfant est âgé de moins de 13 ans iln'est pas responsable par principe. S'il dépasse ce seuil, on procède aux recherchesnécessaires afin de prouver sa responsabilité, ou son irresponsabilité.

3- Le tribunal a recours toujours aux investigations préalables comme s'il s'agit d'unmajeur et selon les dispositions du Code de procédure pénale à la condition que cesdernières soient en harmonie avec le Code de la protection de l'enfant.Le juge des enfants effectue en outre par lui-même ou charge des personneshabilitées à cet effet, toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à lamanifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité de l'enfant (art 87).

4 - Non

5- La constitution de la partie civile n'est pas admise devant les juridictions pourenfants, mais elle peut mettre en mouvement l'action publique.La procédure alternative majeure est la procédure de la médiation qui consiste selonl'art 113 du Code pénal en un mécanisme qui vise à conclure une conciliation entrel'enfant auteur d'une infraction ou de son représentant légal avec la victime, sonreprésentant ou ses ayants droit. Elle a pour objet d'arrêter les effets des poursuitespénales, du jugement et de l’exécution.

IV – Sanctions et mesures applicables

1- Le juge de la famille reçoit les informations et les rapports, assure la collecte desdonnées et convoque toute personne qu'il jugera utile pour s'assurer de la situationréelle de l'enfant. Il peut se faire aider dans ses tâches par les agents de l'actionsociale de la région. Ce juge peut, avant de statuer, autoriser une mesure provisoiresuite à un rapport émanant du délégué à la protection de l'enfance concernant lanécessité d'éloigner l'enfant de sa famille pour sauvegarder son intérêt. Cette mesureprovisoire est révisée mensuellement. II peut également autoriser à soumettre l'enfantà un examen médical ou pycho-clinique ou de procéder à toutes mesures ou examensqu'il jugera nécessaires (art 55). Il peut également prendre la décision provisoired'éloigner l'enfant de sa famille et autoriser à le soumettre au régime de la tutelle, touten obligeant ses parents à participer au recouvrement de ses dépenses et àl'exécution de sa décision.L'article 79 ajoute que le juge des enfants ou le tribunal pour enfants prononcerontsuivant les cas les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation

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qui semblent appropriées. L'article 87 affirme que le juge des enfants peut, dansl'intérêt de l'enfant, ordonner l'une des mesures citées et rendre une décision motivée.

Même les enfants placés sous le régime de la liberté surveillée sont surveillés par desdélégués permanents rémunérés et par des délégués bénévoles à la liberté surveillée.

2- La réponse à cette question réside dans l'article 99 : « Si les faits sont établis àl'égard de l'enfant, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants prononce, pardécision motivée, I'une des mesures suivantes :

1- la remise de l'enfant à ses parents, à son tuteur à la personne qui en a la

garde ou à une personne de confiance.

2- la remise de l'enfant au juge de la famille.3- le placement de l'enfant dans un établissement public ou privé destiné à l'éducationet à la formation professionnelle habilitée.4- le placement de l'enfant dans un centre médical ou médico-éducatif habilité.5- le placement de l'enfant dans un centre de rééducation ».

Une condamnation pénale peut être infligée à l'enfant s'il s'avère que sa rééducationest nécessaire, tout en considérant les dispositions du présent code.Dans ce cas, la rééducation se fait dans un établissement spécialisé et à défaut dansun pavillon de la prison réservé aux enfants.L'article 100 ajoute que ces mesures (ci-dessus indiquées) ne peuvent jamais excéderla période où l'enfant aura atteint l'âge de 18 ans.

3- II n'y a pas d'emprisonnement désigné dans la loi.3- L'article 43 du Code pénal dispose : « Tombent sous la loi pénale, les délinquantsâgés de plus de 13 ans révolus et de moins de 18 ans révolus.Toutefois, lorsque la peine encourue est la peine de mort ou l'emprisonnement à vie,elle est remplacée par un emprisonnement de 10 ans.Si la peine encourue est celle de l'emprisonnement à temps, elle est réduite demoitié ».

4- L'excuse de minorité existe en droit tunisien et permet de modérer la peine.

5- Pour la liberté surveillée l'article 107 dispose : « La surveillance des enfants placéssous le régime de la liberté surveillée est assurée par des délégués permanentsrémunérés et des délégués bénévoles à la liberté surveillée.

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Le délégué à la liberté surveillée fait rapport au juge saisi de l'affaire en cas demauvaise conduite de l'enfant, de son péril moral, d'entraves systématiques àl'exercice de la surveillance, ainsi que dans le cas ou une modification de placementou de garde lui paraît utile.

6- Non, cette tendance à la dépénalisation du droit pénal des mineurs n'existe pas endroit tunisien car la sanction reste le plus efficace moyen de rééducation, mais cemoyen doit tenir compte la jeunesse de l'enfant ; la sanction doit être souple.

7- Non, elle est remplacée d'une peine de 10 ans.

8- Non, la peine maximum est de 10 ans de prison.