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ACTES COLLOQUE 9 octobre 2012 FONDATION D’ENTREPRISE DES MÉTIERS DU BTP N E U F - R É N O V A T I O N - H A B I T A T I O N La qualité acoustique, comment réduire les risques ?

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Actes cOLLOQUe 9 octobre 2012

FONDATION D’ENTREPRISE DES MÉTIERS DU BTP

N E U F - R É N O V A T I O N - H A B I T A T I O N

La qualité acoustique, comment réduire les risques ?

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colloque du 9 octobre 2012

Premier assureur construction en France, la SMABTP dispose d’une expertise et d’un savoir-faire lui permettant de jouer un rôle spécifique pour accompagner tous les projets des entrepreneurs du BTP. Fidèle à sa vocation, la protection mutualiste des acteurs du BTP, elle accompagne dans une démarche permanente de prévention des risques.

La création de la fondation EXCELLENCE SMA, en 1994, se situe dans le prolongement de cette action. Son objectif est de promouvoir la qualité et la sécurité sous toutes ses formes, notamment dans le domaine de la construction, auprès des professionnels mais aussi des jeunes en formation.

Concrètement, cela passe par :

§la sensibilisation du plus grand nombre de professionnels du BTP au coût de la non qualité ;

§l’encouragement à la généralisation de comportements de prévention des sinistres ;

§la meilleure compréhension des pathologies.

EXCELLENCE SMA rassemble de nombreuses compétences au sein de son conseil d’administration et est au cœur d’un réseau de partenaires reconnus pour leur professionnalisme dans le domaine d’activité de la fondation. Ce réseau couvre un large spectre des différents acteurs du monde de la construction.

Ses actions dans le domaine de la promotion de la qualité sont très variées : recueil de fiches pathologies du bâtiment en partenariat avec AQC (Agence Qualité Construction), formations sur la prévention, édition, colloques, réunions sur la pathologie…

FONDATION D’ENTREPRISE DES MÉTIERS DU BTP

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colloque du 9 octobre 2012

sommaire

Ouverture 1

Gérard LAURENT, Président de la Fondation Excellence SMA 1

Introduction aux échanges 2

Raphaël SLAMA, Président de QUALiTEL 2

Nicolas BALANANT, ingénieur chez CERQUAL 3

Première table ronde Pathologies et nuisances acoustiques 5

L’approche du maître d’ouvrage 5

Yves LAFFOUCRiERE, Directeur Général - Groupe 3F 5

L’approche du cIDB 7

Maurice AUFFRET, Expert au CiDB 7

L’approche de l’expert judiciaire 9

Thierry MiGNOT, Expert judiciaire 9

L’approche de l’assureur 12

Bertrand LOTTE, Directeur des règlements - Groupe SMABTP 12

echanges avec la salle 16

L’approche de la DHUP 19

Katy NARCY, Sous-directrice de la qualité et du développement durable dans la construtction - DHUP 19

Deuxième table ronde Prévention et solutions techniques 21

L’approche du certificateur 21

Antoine DESBARRiERES, Directeur Général de QUALiTEL 21

Le rôle du bureau d’études techniques 23

René GAMBA, Président de Gamba Acoustique 23

L’approche des entreprises 25

Sylvain FORTiNEAU, Président du Directoire de SOFRADi 25

Les solutions développées par les industriels 27

Maurice MANCEAU, Directeur " Habitat France " - Saint Gobain 27

Réactions du grand témoin 29

Alain MAUGARD - Président de QUALiBAT 29

echanges avec la salle 31

cONcLUsION 32

Bertrand DELCAMBRE, Président du CSTB 32

cLÔtURe 34

Gérard LAURENT, Président de la Fondation Excellence SMA 34

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Ouverture

Gérard LAURENTPrésident de la fondation d’entreprise Excellence SMA

Bienvenu au colloque de la Fondation Excellence SMA sur le thème de l’acoustique. J’espère que vous apprécierez la qualité des échanges et qu’ils feront… le plus grand bruit !

Je vous rappelle qu’Excellence SMA est une fondation d’entreprise créée en 1994. Elle a pour objectif d’œuvrer à la promotion de la qualité, de la sécurité dans la construction et à la prévention des dommages auprès de l’ensemble des acteurs du BTP. Elle le fait à travers différentes actions : rencontres en région ; documents d’information et de communication ; participation à des études permettant de mieux comprendre et d’anticiper les pathologies.

Les Grecs maîtrisaient déjà les propriétés sonores des constructions, comme en témoigne l’agencement du théâtre d’Epidaure qui permettait de filtrer les bruits. Nul ne doute aujourd’hui que la qualité acoustique d’un logement ou d’un lieu de travail fait partie d’un des critères essentiels pour l’homme. Clapotis, chuchotements, tapotements, fracas, vacarme, bruits divers et hurlements…, qui ne s’est jamais plaint de ces gênes acoustiques qui peuvent parfois présenter des risques pour l’équilibre et surtout le bien-être des personnes ?

Si les cloisons, les planchers et les façades d’un bâtiment ne sont pas convenablement étudiées pour réduire la transmission des bruits, ils se transformeront en pollution sonore qu’il conviendra de réparer. Mais au-delà, des mécanismes de perception du bruit peuvent se confronter à des critères personnels d’appréciation - donc subjectifs - et s’apparentent à une notion de confort. Nous sommes en dehors du réglementaire et pourtant ces situations peuvent déboucher sur une recherche en responsabilité des constructeurs. Cependant, il existe une réglementation qui évolue régulièrement pour s’adapter aux besoins nouveaux.

Des solutions techniques, l’utilisation de matériaux adéquats, de bonnes organisations, la formation des compagnons et, parfois, le bon sens permettent également de régler bon nombre d’écueils.

Enfin, la certification des bâtiments telle que conduite par Qualitel est un élément de réponse prépondérant. C’est pourquoi nous avons pleinement associé cette association à cette journée.

Tous ces points seront abordés cet après-midi par nos divers intervenants. Tous éminents spécialistes, ils ont bien voulu se prêter aux questions de Julien Beideler, rédacteur en chef au « Moniteur », sans oublier la sagacité de notre grand témoin Alain Maugard.

Un auteur anonyme a écrit : « On fait beaucoup de bruit pour obtenir le silence ». Espérons que nous saurons trouver des alternatives constructives.

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Introduction aux échanges

«  J’espère que ce colloque sera le marqueur d’une période de progrès en matière de performance acoustique »

Raphaël SLAMAPrésident de QUALITEL

Pourquoi l’implication de QUALITEL dans ce colloque organisé par la fondation Excellence SMA ? Tout simplement parce que son sujet s’inscrit dans les deux valeurs de référence de notre association : le bien-être de l’occupant ; la qualité du logement. Sondage après sondage, on constate que le bruit est la deuxième préoccupation des habitants, après la qualité thermique. De même, à la suite d’un sondage Ipsos réalisé à la demande de Placoplatre, « Le Moniteur » titrait en 2012 : « Le bruit, ennemi public numéro 1 des Français ».

C’est également un sujet de santé : l’Académie de médecine a publié cette année un rapport qui rappelle les enjeux et préconise des solutions. La sensibilité au bruit est inégalement répartie entre les personnes : là où l’un entendra simplement les sons de la vie, l’autre percevra des nuisances insupportables. QUALITEL s’est efforcé d’informer sur ce sujet, en le traitant dans son guide de la qualité « Bien acheter, bien rénover ». En effet, dans l’achat d’un bâtiment existant, il n’existe pas de diagnostic réglementaire pour informer le futur occupant.

Dans le neuf, la réglementation applicable depuis 1996 traite la question. Mais le problème est dans l’application de cette réglementation, car il existe dans les logements certifiés des non-conformités, peu importantes mais récurrentes. Certaines concernent des produits (sous-couches acoustiques, ascenseurs…) et peuvent être réglées, tandis que d’autres concernent la mise en œuvre.

C’est dans ce cadre que QUALITEL a lancé l’opération « Garantie de performance » qui concerne les qualités acoustiques, thermiques et de ventilation. L’expression « garantie de performance » n’a pas un sens juridique ou assurantiel mais vise simplement la conformité au projet. C’est notre préoccupation qu’un logement certifié soit conforme au projet une fois réalisé.

En matière de rénovation, la situation est plus critique car il existe rarement une amélioration de la performance acoustique dans les projets de réhabilitation thermique. Rappelons-nous ce qui s’est passé concernant l’accessibilité aux handicapés, où l’absence de progrès régulier a conduit à adopter une réglementation maximaliste et coûteuse. Il est donc dans l’intérêt de tous de s’améliorer progressivement, via des solutions raisonnables.

Je me félicite de cette initiative d’Excellence SMA et espère que ce colloque sera le marqueur d’une période de progrès dans la performance acoustique.

Julien BEIDELER

Notre première table ronde s’intéressera aux désordres acoustiques et aux actions à entreprendre. Dans un deuxième temps, nous réfléchirons à la manière de prévenir ces désordres, avant donc que les plaintes ne s’expriment.

Pour poser le problème, je demande à Nicolas Balanant de nous présenter les résultats d’un observatoire menés sur la qualité acoustique des logements.

Le bruit constitue la deuxième préoccupation des habitants, après la qualité thermique.

La sensibilité au bruit est inégalement répartie entre les personnes : là où l’un entendra simplement les sons de la vie, l’autre percevra des nuisances insupportables.

En matière de rénovation, le cas est plus critique car il existe rarement une amélioration de la performance acoustique dans les projets de réhabilitation thermique.

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«  La rénovation énergétique ne doit pas se faire au détriment de la qualité acoustique »

Nicolas BALANANT Cerqual

La réglementation distingue cinq catégories de bruits en acoustique du bâtiment : les bruits aériens intérieurs qui se propagent dans l’air (conversation, musique, télévision…), les bruits de chocs (bruits de pas, chutes d’objet, raclement de chaises…), les bruits d’équipements collectifs (chaudière, VMC, robinetterie, chutes d’eaux, ascenseurs…), les bruits aériens extérieurs (activités extérieures des voisins, mais surtout transports routier, terrestre, aérien) ainsi qu’une exigence relative à l’absorption acoustique dans les parties communes intérieures destinées à limiter la réverbération dans les circulations.

La NRA (« nouvelle » réglementation acoustique), par l’arrêté du 30 juin 1999, reprend la plupart des thématiques. Ensuite, deux textes concernent les transports : l’arrêté du 30 mai 1996 et l’arrêté du 6 octobre 1978, sachant qu’un projet d’arrêté vise à réunir ces deux textes. Enfin, l’arrêté du 1er août 2006 vise l’accessibilité des handicapés dans les établissements recevant du public et impose des exigences acoustiques dans les parties communes. À l’avenir, l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique imposera au maître d’ouvrage de certifier qu’il a respecté tous ces textes.

Les certifications se situent au-dessus de la réglementation, notamment sur les bruits de chocs, à hauteur de 3 décibels (A). Nous avons également des exigences supérieures sur le traitement des parties communes. Ces exigences sont parues cette année, mais traditionnellement QUALITEL s’est toujours démarqué sur les bruits de chocs. La certification correspond à l’évaluation de ces thématiques selon un référentiel technique exigeant. Le travail de l’examinateur consiste à vérifier que toutes les dispositions constructives répondent bien à notre référentiel.

Outre l’aspect certification à la construction, nous déployons également un volet mesure des résultats acoustiques. Dans le cadre des certifications QUALITEL et Habitat & Environnement (90 000 logements par an en moyenne), un contrôle est mené sur 1 opération sur 4 dans la version millésime 2008 et 1 opération sur 10 dans la version millésime 2012. Je vous présente les résultats de l’analyse sur 2010 et 2011, soit environ 876 opérations et 8 737 mesures acoustiques. Les mesures portent sur toutes les thématiques excepté le traitement des parties communes.

En termes de non-conformités constatées provenant des contrôles réglementaires de l’Etat sur des opérations certifiées ou non, selon le rapport ORTEC 2008 (Observatoire de la réglementation technique dans la construction) relatif aux résultats des contrôles de conformité à différentes réglementations techniques effectués par l’Administration (voir ci-contre), la moitié des logements neufs présentaient au moins une non-conformité à la réglementation acoustique. Notre observatoire, par rapport à nos exigences, a recensé 29 % de non-conformité à la première visite. C’est un constat porté en général un mois avant la livraison. Une bonne conception améliore donc le taux des non-conformités, mais ne règle pas tout. Ainsi, 30 % peuvent être attribuées à des problèmes de mise en œuvre, choix de matériels et autres éléments divers. Si l’on pousse plus loin l’analyse sur les deuxièmes et troisièmes visites, on constate que l’on passe à 13 % puis à 3 %. 99 % des opérations finissent par être certifiées. Nous sommes bien dans la garantie de résultat.

Examinons à présent l’origine des non-conformités lors de la première visite (voir page 4) : les bruits de chocs sont deux fois plus représentés, à hauteur de 17 %, dont 80 % sont liés aux sols flottants. S’agissant des façades exposées au bruit, lorsque l’exigence est supérieure à 30 décibels (A) minimum, .les non-conformités atteignent 26 %. Alors que le problème est connu, on constate une mauvaise maîtrise du sujet.

À la deuxième visite, les bruits d’extérieur et les bruits d’équipement arrivent facilement à se régler, tandis que les bruits de chocs et les bruits aériens intérieurs diminuent plus difficilement. En effet, cela nécessite une opération sur le bâti, en cassant le carrelage ou autres travaux lourds. À l’inverse, les bruits extérieurs peuvent découler d’un mauvais produit, d’une entrée d’air mal choisie, d’un réglage d’étanchéité des fenêtres…, ce qui est plus facile à régler.

Voici un exemple typique de problème de mise en œuvre d’une chape flottante. De gros progrès ont été réalisés sur les sous-couches acoustiques qui sont désormais certifiées. Le problème vise essentiellement la périphérie, puisqu’il est nécessaire de désolidariser à la fois la chape, le carrelage et la plinthe.

Un autre graphique présente les écarts à l’objectif sur l’ensemble des mesures. L’objectif est zéro. Si l’on est au-dessus, on est conforme et si l’on est au-dessous, on est non-conforme. Les bruits de chocs sont en moyenne au-dessus et on note une forte disparité en termes de maîtrise du sujet. Les bruits aériens extérieurs sont juste à la limite, dans une bande très resserrée, parfois au-dessus et parfois au-dessous.

Certains problèmes acoustiques sont

difficiles à résoudre

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Quelques recommandations pour les bruits de chocs : privilégier les sols souples, même si cela génère d’autres problèmes de durabilité ou de qualité de l’air. Pour les sols durs flottants, il convient d’exiger un autocontrôle des entreprises, l’utilisation de sous-couches sous avis techniques ou certifiées CSTBat. En outre, des mesures en cours de chantier peuvent s’avérer utiles. Pour les bruits aériens extérieurs, un suivi chantier avec un spécialiste est envisageable.

Par ailleurs, la réglementation acoustique n’a pas évolué depuis 1996, contrairement aux exigences thermiques. La construction évolue et globalement, même si le renforcement de ces exigences peut avoir un effet bénéfique comme l’étanchéité à l’air dans le neuf, c’est l’inverse dans l’ancien. En effet, en se protégeant trop de l’extérieur, on fait ressurgir les bruits internes. Les façades maçonnées légères sont également une problématique, comme l’isolation thermique extérieure. Les pompes à chaleur peuvent également poser problème, de même que les ventilations double flux.

QUALITEL avait essayé de prévenir les pathologies acoustiques, par exemple via les chapes flottantes dans les années 2000. En effet, QUALITEL avait tiré la sonnette d’alarme concernant les sous-couches acoustiques minces qui sont désormais certifiées. QUALITEL propose des fiches de solutions techniques adaptées, par exemple sur les façades en briques creuses, béton cellulaire, à ossatures bois…, ou encore via les sous-couches acoustiques minces qui sont désormais certifiées.

S’agissant de la VMC double flux, il y a un risque que l’occupant bouche la ventilation si elle est trop bruyante. C’est pourquoi nous avons une exigence renforcée à 25 décibels (A) dans les chambres. Sur les façades maçonnées légères, nous travaillons avec le CTMNC (Centre technique de matériaux naturels de la construction) et pour le béton cellulaire, avec Xella. La problématique de ces façades concerne l’isolement sur l’extérieur, mais surtout la limitation des transmissions latérales. Nous privilégions les collaborations avec différents experts pour valider des solutions techniques. Nous plaçons les systèmes sous observation en effectuant des mesures.

Par ailleurs, nous menons un programme de recherche sur le bois, en partenariat avec le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) et FCBA (Institut technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement). L’objectif est de réaliser un modèle de prédiction de la performance acoustique, couplé à des enquêtes perceptives. À mi-chemin de ce programme, on constate que les solutions permettent d’atteindre le niveau réglementaire. Il y a une maîtrise sur le sujet. En revanche, les mesures concernant le bruit des équipements sont toutes non-conformes. Il existe également un problème sur les basses fréquences.

Pour conclure, nous réalisons également un programme sur l’existant et la rénovation, problème majeur sur lequel nous allons nous investir dans les années à venir. En effet, la rénovation thermique ne doit pas se faire au détriment de la qualité acoustique. Nous collaborons dans ce cadre avec les bureaux d’étude Gamba Acoustique et Peutz & Associés, avec un financement DHUP-QUALITEL L’idée est d’établir un bilan de la qualité acoustique avant travaux, pour ensuite réfléchir à des recommandations techniques et porter des exigences sur l’isolement sur l’extérieur et conserver l’équilibre intérieur/extérieur, et sur les équipements.

Julien BEIDELERMerci. Nous allons examiner comment se présente une non-conformité et comment on déroule les actions à mener. Nous déterminerons comment les plaintes s’expriment et comment l’expert judiciaire aborde les problématiques. Nous verrons également de quelle manière se règle le différend lorsque la garantie des acteurs est appelée à intervenir.

Une bonne conception améliore les non-conformités mais ne les règle pas toutes. Ainsi, 30% peuvent être attribuées à des problèmes de mise en œuvre, de choix de produits et autres éléments que nous ne maîtrisons pas.

Les bruits d’extérieur et les bruits d’équipement arrivent facilement à être résolus, alors que les bruits de chocs et les bruits aériens intérieurs sont plus difficiles à traiter.

En se protégeant trop de l’extérieur, on fait ressurgir les bruits internes.

Nous réalisons un programme sur l’existant et la rénovation, problème majeur sur lequel nous allons nous investir dans les années à venir

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Première table ronde Pathologies et nuisances acoustiques

L’approche du maître d’ouvrage

«  Dans notre parc de logements sociaux, les problèmes liés à l’acoustique sont marginaux »

Yves LAFFOUCRiEREDirecteur Général - Groupe 3F

Merci de me donner l’opportunité d’exprimer le point de vue d’un maître d’ouvrage sur ces sujets techniques. Un point de vue généraliste et pas aussi pointu que celui de l’intervenant précédent. Mais cela permettra de resituer les problèmes acoustiques par rapport à l’ensemble des sujets que nous traitons.

Le Groupe 3F posera la première pierre de son 200 000ème logement le 7 novembre à Lyon Confluence. Ainsi, nous avons un échantillonnage extrêmement important, réparti pour 120 000 logements en Ile - de - France, le reste dans les grandes métropoles. Nous avons deux axes forts de développement en complément de l’Ile-de-France : la façade atlantique et la façade méditerranéenne.

En tant que Directeur Général, je reçois tous les jours des sollicitations des locataires sur des sujets extrêmement divers. Avant tout, il convient de préciser que le bruit n’est pas la préoccupation première de notre Groupe. Si l’on avait posé la question à mes prédécesseurs il y a 30 ans, la réponse aurait sûrement été différente. La réalité est que, dans le parc de logements sociaux que nous gérons, les sujets primordiaux sont beaucoup plus liés à l’insécurité et au vivre-ensemble dans un quartier.

Néanmoins, j’ai examiné nos interventions dans la partie gestion. Nous possédons un centre d’appels, avec une quarantaine de personnes qui répondent à toutes les sollicitations de nos locataires. Depuis le début de l’année, nous avons reçu 165 000 appels de contacts locataires donnant lieu à ouverture d’un dossier, dont moins de 1 500 liés au bruit au sens large. Ainsi, les difficultés liées à l’acoustique ne représentent qu’environ 0,5 %. Les difficultés premières de nos locataires concernent plutôt le vivre-ensemble ou les aspects financiers.

Les nuisances dont nous avons connaissance sont le plus souvent liées au voisinage entre appartements ou à la proximité entre équipements, commerces et logements, moins bien encadrées par des règles, comme par exemple l’ajout d’une climatisation par le commerçant du rez-de-chaussée d’un bâtiment.

Sur le neuf, un Groupe comme le nôtre construit 6 à 7 000 logements ou places d’hébergements par an. Nous avons réalisé de grands progrès avec les hommes de l’art. Les cahiers des charges sont très précis et les niveaux d’exigence sont supérieurs à la NRA. Ainsi, nous imposons quasiment systématiquement la chape acoustique, et sur les bruits de chocs, nous situons l’exigence à 55 décibels (A). Cela participe de notre logique de gestion dans la durée de nos logements sociaux. Les standards de qualité des promoteurs ne sont pas toujours au même niveau, certains se contentant souvent du simple respect de la réglementation.

Une autre difficulté pour la production neuve est liée au fait que nous recherchons du foncier dans les zones denses, souvent à proximité d’infrastructures routières ou de faisceaux SNCF, voire… de pistes aéroportuaires. Nous sommes donc amenés à prendre des risques pour trouver les solutions techniques les plus appropriées. À titre d’exemple, sur l’autoroute de Normandie, en sortant du tunnel de Saint-Cloud, nous avons trouvé un terrain sur la commune de Marne-la-Coquette, entre l’A13 et la voie de chemin de fer Paris-Saint Lazare. Il a fallu mettre en place une organisation architecturale avec des serres et des jardins divers. Les techniciens, les architectes et les bureaux d’études peuvent trouver des solutions.

Plutôt que l’acoustique, les difficultés premières de nos locataires concernent le vivre-ensemble ou les aspects financiers.

Les standards de qualité des promoteurs ne sont pas toujours au même niveau, certains se contentant souvent du simple respect de la réglementation.

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Les difficultés majeures ne sont pas tant liées à la conception mais plus à la qualité de l’exécution. Les modes de production des bâtiments doivent progresser en la matière car les désordres sont bien souvent liés à une exécution approximative.

En préparant cette intervention, j’ai demandé quelques statistiques à mes équipes. Sur les 200 dossiers de sinistres mettant en cause la maîtrise d’ouvrage, seuls deux étaient liés à l’acoustique dans le cadre des assurances dommages-ouvrage. Ainsi pour seulement deux cas, le process d’assurance et l’intervention des techniciens n’ont pas permis d’identifier une solution et nécessiteront de passer en justice.

Pour conclure, je voudrais insister sur deux autres points.

§ Lorsque nous prenons l’option de la réhabilitation, nous avons une difficulté sur les niveaux d’exigence acoustique. Bien souvent, des problèmes émergent lorsque l’on renforce la performance thermique du bâtiment et l’acoustique par rapport à l’extérieur en augmentant la sensibilité aux bruits internes. De fait, les nuisances entre appartements et les bruits d’équipement prennent davantage d’importance.

§La politique de renouvellement urbain a été engagée il y a une dizaine d’années. Notre Groupe est le premier opérateur de renouvellement urbain sur le territoire où nous menons 58 projets. À chaque fois, cela donne lieu à de grands débats pour déterminer ce qui doit être démoli ou non. Dans les critères de sélection, la question de l’accessibilité est déterminante mais celle de l’acoustique est encore plus prégnante, car ce sont les sujets sur lesquels nous avons le plus de peine à progresser. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous optons pour des solutions assez radicales. Ainsi, même si c’est compliqué, on préfère reloger les locataires, démolir et reconstruire les bâtiments.

Julien BEIDELER

J’ai l’impression que la préoccupation acoustique est presque inversement proportionnelle entre votre Groupe et vos locataires. Ce n’est pas la première préoccupation de vos locataires, peut-être parce qu’ils ont la possibilité de partir, alors que l’acoustique constitue un élément essentiel dans vos arbitrages.

Yves LAFFOUCRIERE

Nous logons des locataires qui sont confrontés à bien d’autres difficultés que les problèmes acoustiques : revenus, chômage, difficulté d’intégration…. L’acoustique n’est pas le sujet numéro un.

En revanche, c’est un sujet que nous devons prendre en compte. Le coût de production d’un logement neuf (hors foncier) représente 100 à 120 000 euros. Lorsque nous menons des réhabilitations lourdes, nous investissons 15, 20, 30 ou 40 000 euros. Nous souhaitons donc traiter l’ensemble des problématiques, d’autant que les habitants de logements neufs s’habituent à des standards de qualité supérieurs.

Julien BEIDELER

Dans le cadre d’un foncier mal situé, proche d’une infrastructure, prévoyez-vous un surcoût dès le cahier des charges pour prendre en compte la problématique acoustique ?

Yves LAFFOUCRIERE

Oui. Notre rythme de production nous permet d’avoir des ratios de coûts intégrant un coût moyen, pondéré selon les contraintes. À Marne-la-Coquette, nous n’avons pas prévu de parking en sous-sol mais réorienté les logements avec les pièces de service côté infrastructures routières.

Julien BEIDELER

En passant un peu plus de temps à concevoir l’ensemble, vous arrivez donc à maîtriser les coûts ?

Yves LAFFOUCRIERE

C’est indispensable. Dans des marchés très tendus, nous devons éviter de construire au fin fond des champs de betterave de l’Essonne, ce qui amènerait à proposer des loyers réduits mais des coûts de transport très élevés. Il convient de produire du patrimoine dans les zones bien desservies pour accompagner les mobilités professionnelles.

Les difficultés majeures ne sont pas liées à la conception mais à la qualité de l’exécution. Le mode de production du bâtiment doit se renforcer en la matière.

Sur 200 dossiers de sinistres mettant en cause la maîtrise d’ouvrage, seuls deux étaient liés à l’acoustique dans le cadre des assurances dommages-ouvrage.

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Julien BEIDELER

Parmi les rares plaintes reçues par votre centre d’appels, comment faites-vous la différence entre un trouble de voisinage et une anormalité réelle du bâti ?

Yves LAFFOUCRIERE

Cela passe par le dialogue avec le client. S’il ne s’agit que d’un problème ponctuel, il se résoudra par un contact avec le gardien. Les équipes sont à même de déterminer s’il s’agit d’un problème sérieux mal géré. Mais l’expérience montre qu’il convient de rester vigilant d’autant que les questions acoustiques sont plus difficiles à quantifier qu’une insuffisance de température.

Julien BEIDELER

C’est ce que nous allons voir avec Maurice Auffret. Quelle est la mission du CIDB et comment traitez-vous les plaintes ?

L’approche du cIDB

«  Le silence pour un occupant n’est pas l’absence de bruit mais l’absence de bruit gênant »

Maurice AUFFRETExpert au CIDB

Le CIDB (Centre d’Information et de Documentation sur le Bruit) existe depuis 35 ans. C’est une association d’intérêt public qui informe et reçoit des plaintes. Elle est composée de 10 personnes, 2 psychologues et des intervenants extérieurs dont je fais partie. Le CIDB reçoit 7 000 appels téléphoniques par an et traite 200 dossiers acoustiques par téléphone à l’appui d’un questionnaire ou par entretien direct. L’entretien dure 30-40 minutes, sur dossier, à l’aide de plans et photos. L’acousticien oriente ensuite le demandeur sur la nature des solutions à envisager.

Les appels téléphoniques portent soit sur les bruits de voisinage, soit sur des doléances vis-à-vis du comportement acoustique d’une structure. On fait la différence entre un locataire, un propriétaire ou un primo-accédant. Nous pouvons demander à une personne qui vient d’emménager dans son logement de nous rappeler quelques semaines plus tard, lorsqu’elle se sera habitué à son espace sonore qu’il considère comme un bien extrêmement privatif. Les psychologues préparent ainsi un dossier, transféré ensuite aux acousticiens.

Julien BEIDELER

Quel est l’objectif de l’intervention du psychologue ?

Maurice AUFFRET

Il trie les demandes en écartant les sollicitations fantaisistes. Nous recevons des personnes en souffrance qui sont, peut-être pour la première fois, en face de quelqu’un qui les écoute et tente de leur apporter des réponses. Traiter un dossier consiste à entrer dans un scénario très complexe, souvent présenté de manière très maladroite. Il convient donc de décoder le message. En effet, les différents acteurs concernés par la construction utilisent des dictionnaires différents. Le langage du constructeur n’est pas celui du promoteur, qui est également différent de celui du plaignant. De fait, le pauvre demandeur en situation de souffrance est souvent perdu.

Dans toute situation de trouble acoustique, il y a une émission, une réception et une structure qui accueille les locaux. L’émission doit être définie, en menant un travail d’identification de la source sonore : équipements intérieurs, extérieurs… Le voisin est aussi, par son comportement, une source de bruit. La structure doit être caractérisée, de même que le site environnant. En effet, si le site est très bruyant, la structure doit être protégée. Les sites très calmes sont en revanche à l’origine de demandes non fondées. Il m’est arrivé de mesurer, un samedi matin, en banlieue parisienne

Le langage du constructeur n’est pas celui du promoteur, qui est également différent de celui du plaignant.

J’ai l’habitude de dire que l’on n’entend pas avec ses oreilles mais avec son cerveau.

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un niveau résiduel de 18 décibels (A)… C’est si calme que l’occupant va évidemment entendre les bruits du voisin ! Dans ce cas, l’origine du trouble est principalement le site très calme et non la structure.

Le demandeur est dans une représentation mentale. J’ai l’habitude de dire que l’on n’entend pas avec ses oreilles mais avec son cerveau. L’occupant a payé très cher son espace. Il considère intrusif tout bruit venant de l’extérieur. L’intrusion est imputée au bâtiment, rarement aux occupants. L’analyse de l’occupant doit être recadrée. Il faut lui expliquer qu’il n’est pas nécessairement utile d’entreprendre une démarche. En effet, il est possible de respecter la réglementation, les normes tout en entendant du bruit, surtout si l’espace extérieur est calme.

La représentation du trouble et sa répétition installent une grande distance entre :

§Les dimensions réelles de la situation vécue par le demandeur

§Les textes, les normes, les intervenants, et plus particulièrement le vocabulaire technique réglementaire.

Il s’agit, lors de l’entretien d’établir des liens, des passerelles entre :

§L’attente de l’occupant

§Les possibilités acoustiques de la structure

§L’influence du site.

Julien BEIDELER

L’occupant comprend-il que la conformité à la législation n’est pas synonyme de silence absolu ?

Maurice AUFFRET

Le silence pour un occupant n’est pas l’absence de bruit mais l’absence de bruit gênant. Les bruits de circulation sont relativement acceptés, mais pas ceux du voisin. La porte palière est également importante pour se protéger du bruit du voisin. Il convient de dresser la liste des éventuelles insuffisances qui peuvent caractériser la faiblesse du bâtiment. Le plus souvent, nous conseillons de ne pas lancer de procédure en mettant en avant le coût : en effet, c’est à l’occupant de fournir la preuve de la non-conformité, via des mesures acoustiques complexes. Sur 200 dossiers, moins d’une dizaine font l’objet d’une assignation.

Il est extrêmement douloureux pour un plaignant de reconnaître que son appartement ne correspond pas à ce qu’il avait imaginé lors de l’achat. Le propriétaire d’un appartement a souvent acheté une carte postale et du rêve, qui lui sont proposés par les dépliants publicitaires. Ces témoignages en face à face sont difficiles et épuisants.

Julien BEIDELER

Jusqu’où va votre mission au sein du CIDB ? Dans quel objectif listez-vous les potentielles non-conformités ? Est-ce pour faciliter le travail de l’expert judiciaire Thierry Mignot, ici présent ?

Maurice AUFFRET

Nous nous interdisons toute concurrence avec les bureaux d’études mais constatons qu’ils ne répondent pas aux plaintes des particuliers. Nous vérifions si une mesure a eu lieu par le bureau de contrôle et tentons de définir si l’on s’approche d’une non-conformité.

En tant qu’ingénieur acousticien, il nous est souvent arrivé d’intervenir dans des copropriétés pour des bruits d’impacts et, après quelques mesures, de m’arrêter car tout était conforme. Les occupants ne comprenaient pas, car ils entendaient du bruit, mais il fallait leur expliquer qu’ils habitaient dans un site extrêmement calme.

Cette situation n’est pas liée à une insuffisance du bâtiment mais à des problèmes de comportements. Si le voisin marche en sabot, on l’entendra même avec une sous-couche. Il m’est souvent demandé s’il est normal d’entendre marcher le voisin. La première réponse est non. Mais il convient ensuite de déterminer ce qu’il porte comme chaussure et la manière dont il marche. Il arrive que l’on nous dise que l’on entend spécialement les enfants, car ils marchent en s’appuyant sur les talons. Ces éléments nous apportent des renseignements sur le comportement de la structure. Pour la protection des bruits extérieurs, les principales insuffisances visent la façade et l’entrée d’air ou le coffre de volet.

Il est extrêmement douloureux pour un plaignant de reconnaître que son appartement ne correspond pas à ce qu’il avait imaginé lors de l’achat, et que néanmoins il est conforme aux exigences réglementaires.

Il m’est souvent demandé s’il est normal d’entendre marcher le voisin. La première réponse est non. Mais il convient ensuite de déterminer ce qu’il porte comme chaussure et la manière dont il marche.

Les interventions sont plus simples en milieu non occupé, c’est pourquoi il est important d’identifier les non-conformités en amont.

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Les interventions sont plus simples en milieu non occupé, c’est pourquoi il est important d’identifier les non-conformités en amont.

Julien BEIDELER

Il faut parfois intervenir non pas là où le problème est ressenti mais chez le voisin.

Maurice AUFFRET

Lorsque l’appartement est occupé, c’est mission impossible : le voisin n’est pas obligé de vous ouvrir sa porte, surtout si vous avez un marteau piqueur à la main afin de déposer son carrelage sur sous-couche acoustique, même si ceci est demandé par le Tribunal.

Yves LAFFOUCRIERE

Dans les exemples que vous avez évoqués, il y a des sujets d’une complexité très diverse. Le meilleur exemple est celui des portes palières. Chez 3F, nous avons mené des opérations massives pour les remplacer. En effet, cela améliore l’acoustique, la sécurité antivol et la sécurité incendie. C’est typiquement un point sur lequel nous investissons. À l’inverse, les problématiques liées au coffre de volet roulant sont plus complexes et renvoient aux problèmes d’exécution. Nous avons intérêt à gagner en efficacité sur ces sujets, en construction neuve et surtout en programme de réhabilitation.

Maurice AUFFRET

Il est aisé de tester la qualité de la porte palière : voit-on le jour en dessous, la porte godille-t-elle, une feuille de papier placée sous la porte est-elle arrachée lorsque l’on ferme la porte ? Ainsi, il existe des tests simples permettant d’avoir une idée de la qualité de l’ouvrage, et de l’efficacité de son calfeutrement.

Julien BEIDELER

Thierry Mignot, vous êtes ingénieur acousticien, expert près la Cour d’appel de Versailles et les Cours administratives d’appel de Paris et Versailles. Qu’est-ce qu’une expertise judiciaire ?

L’approche de l’expert judiciaire

«  Rapprocher les parties : cela fait partie du travail « occulte » de l’expert »

Thierry MiGNOTExpert judiciaire

Tout d’abord, un procès est toujours orienté car c’est avant tout la chose des parties avant celle du juge et certainement celle de l’expert. Ainsi, lorsqu’il ordonne l’expertise le juge est tenu par la demande et ne peut s’en écarter. De fait, l’expertise ordonnée par le juge sera fondée sur la demande. En outre, l’expert est strictement tenu par la mission et ne peut répondre qu’aux questions qui lui sont posées. Sa seule marge de manœuvre serait de ne pas répondre à une question, et encore... L’expertise est orientée par la demande et strictement cadrée par le demandeur. Même si c’est choquant, par rapport à un même litige, la mission ne sera pas identique si la demande diffère. De la sorte, le même expert pourra, pour le même désordre, avoir deux réponses différentes.

Julien BEIDELER

Ainsi, la mission différera si je vous demande s’il y a une gêne ou s’il y a une non-conformité ?

Thierry MIGNOT

Lorsque l’avocat pose une question, c’est qu’il connaît la réponse. Un bon avocat est celui qui pose les bonnes questions. Le meilleur exemple est celui du changement de revêtement de sol. Dans les années 70, on posait de la moquette. Les règlements de copropriété interdisent souvent

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de remplacer ce revêtement par un matériau de moindre performance. Le bon avocat est celui qui posera la demande en termes de non-respect des dispositions contractuelles du règlement de copropriété ; le moins bon posera le problème du trouble anormal de voisinage plus difficile à démontrer dans l’habitation.

On s’interroge parfois sur les réponses apportées par l’expert, mais celui-ci est guidé par le demandeur. Toute la tâche du défendeur est de faire en sorte de corriger la mission pour amener le juge à solliciter de l’expert des questions allant dans le sens de la défense.

Julien BEIDELER

Autre élément important dans le cadre de l’expertise : distinguer ce que l’on juge au civil et ce que l’on juge au pénal.

Thierry MIGNOT

Le juge pénal fixe les amendes et les peines, alors que le juge civil apprécie le préjudice et les moyens de réparation. Le juge pénal considérera que les constructeurs sont tenus de respecter la réglementation. Il statuera sur l’amende appropriée si l’ouvrage n’est pas conforme à la réglementation. Le juge civil considérera le désordre en référence à des notions distinctes : tantôt l’impropriété à destination de l’ouvrage, tantôt le trouble anormal.

La difficulté, source de beaucoup d’incompréhension, est que les théories prétoriennes du trouble anormal ou de l’impropriété à destination sont autonomes du dispositif réglementaire. Ainsi, le juge civil ne peut fonder son appréciation uniquement en référence à une non-conformité réglementaire.

Le juge demandera à l’expert de renseigner un dossier au-delà de la réglementation. Dans le cas d’une activité voisine bruyante, un bon avocat franchira le pas et ne posera pas la question de la conformité réglementaire mais directement celle du trouble.

Julien BEIDELER

Au civil, on n’est pas tenu de s’arrêter à la non-conformité. Or dans les problématiques de gêne, on est complètement dans la subjectivité. Comment éclairez-vous la situation ?

Thierry MIGNOT

C’est toute la difficulté de l’exercice de l’expert. En cas d’impropriété à destination, il renseigne au maximum le contexte, en détaillant les possibilités dont disposaient les constructeurs par rapport aux conditions du projet. L’expert renseigne pour le juge les conditions d’audibilité. Il examine s’il aurait été possible de prendre des précautions. Cela aide le juge, mais la réponse n’est pas connue d’avance. La notion de l’impropriété à destination issue du droit de la vente va très loin : de la non-conformité contractuelle jusqu’à l’inhabilité. Il n’appartient heureusement pas à l’expert de statuer, mais il doit renseigner le dossier le plus amplement possible. Il ne faut donc pas reprocher à l’expert d’aller au-delà du dispositif réglementaire. C’est souvent très mal compris.

Julien BEIDELER

Lorsque vous êtes chargé d’une expertise, notamment dans l’existant, réclamez-vous les plans, allez-vous voir chez le voisin ? Nous parlions tout à l’heure des bruits d’équipement qui deviennent prépondérants, comment investiguez-vous ?

Thierry MIGNOT

Vous évoquez les cas de dégradation suite à des modifications de distribution ou d’équipements. Il convient effectivement de procéder à des mesures de référence dans des parties d’immeuble non modifiées. Nous cherchons donc à vérifier le bruit d’un équipement dans son état d’origine.

Je souligne que la référence peut aussi être celle des règles de construction de l’époque. Depuis 1955, les règles de construction prévoient que les ouvrages doivent présenter une qualité suffisante. Cela a été explicité par des circulaires en 1958 et en 1963. Les exigences par rapport au bruit des équipements dans les chambres étaient déjà de 30 décibels (A) en 1963. À cette époque, les fenêtres étaient moins étanches et les bruits ambiants plus importants. En maintenant cette exigence, on conduit donc aujourd’hui à une dégradation importante des conditions de confort.

Je me souviens d’un article du CSTB dans le Reef dans les années 80 qui affirmait que, pour les sites calmes, la réglementation n’assurait pas le confort.

En cas de changement de revêtement de sol, le bon avocat est celui qui posera la demande en termes de non-respect des dispositions contractuelles du règlement de copropriété ; le moins bon posera le problème du trouble anormal de voisinage.

Le juge demande à l’expert de renseigner un dossier au-delà de la réglementation dans le cas d’une activité voisine bruyante. Un bon avocat franchit le pas et ne pose pas la question de la conformité réglementaire mais directement celle du trouble.

La première précaution est de ne jamais promettre du confort lorsqu’on ne vend que de la qualité. Le confort est lié au ressenti tandis que la qualité est strictement physique.

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Julien BEIDELER

Avez-vous pu mettre à jour des solutions simples pour prévenir les risques ? Par ailleurs, de quelle manière imputez-vous les responsabilités ? Comment arbitrez-vous en cas de désordre ?

Thierry MIGNOT

Le risque judiciaire est énorme. Il débute avec le risque expertal, puis le risque du jugement.

La première précaution est de ne jamais promettre du confort lorsqu’on ne vend que de la qualité. Le confort est lié au ressenti, tandis que la qualité est strictement physique. Un bon étiquetage informatique d’un produit est de nature à limiter les risques. Vendre un ouvrage avec des performances précises permet de limiter les risques. La meilleure prévention consiste donc à faire en sorte que la mission confiée à l’expert soit bien orientée, de façon à obtenir des réponses allant aussi dans le sens de la défense.

Julien BEIDELER

Ce n’est pas à l’expert judiciaire de déterminer les torts, mais il est en capacité d’aiguiller le juge en distribuant les responsabilités.

Thierry MIGNOT

L’action de l’expert est assez ambiguë puisqu’il doit renseigner l’imputabilité mais non la responsabilité. Parfois, certains juges souhaitent même que nous précisions les pourcentages d’imputabilité. Cela va loin, mais un rapport n’a jamais été annulé parce que l’expert avait dit le droit, même s’il n’a pas à le faire.

Julien BEIDELER

En règle générale, désignez-vous un responsable ? Nous avons parlé de défaut de mise en œuvre, mais j’imagine que la maîtrise d’œuvre est également concernée. Potentiellement, on peut estimer que le programme est mal ficelé du point de vue du maître d’ouvrage. J’imagine que ce n’est jamais tout blanc ou tout noir.

Thierry MIGNOT

Il est clair que le désordre naît souvent d’un défaut de programmation. L’architecte n’est là que pour traduire un programme en projet. Or les maîtres d’œuvre partent souvent bille en tête au lieu de demander à leur client de préciser leurs intentions.

In fine, si le maître d’œuvre a bien traduit les exigences en performances et qu’elles sont écrites clairement dans le CCTP (Cahier des clauses techniques particulières), l’entreprise n’a plus grand choix concernant les solutions et n’a qu’à bien exécuter.

Julien BEIDELER

Vous gérez l’imputabilité technique. Vous avez également parlé du risque judiciaire. Conseillez-vous parfois un rapprochement des parties avant d’aller devant le juge, à l’issue de votre mission d’expertise ?

Thierry MIGNOT

Depuis 1965, l’expert n’a plus le droit de rapprocher les parties. En revanche, il peut constater ce rapprochement. Bien évidemment, le juge attend de l’expert qu’il assure ce rapprochement, surtout en référé. Rapprocher les parties : cela fait partie du travail « occulte » de l’expert.

Yves LAFFOUCRIERE

L’acoustique, dans les arts du bâtiment, n’est-il pas le domaine le plus complexe dans lequel le simple respect des normes ne permet pas de garantir un usage propre à sa destination ? Un certain nombre de sujets sont à la limite : un commerçant qui ajoute un climatiseur, une installation d’ascenseur qui commence à vieillir… Dans la vie du bâtiment, de multiples événements peuvent survenir qui génèrent des difficultés, alors même que les acteurs peuvent tous arguer de leur conformité. C’est là, la grande particularité des questions acoustiques par rapport aux autres sujets. Dans les questions d’étanchéité, de température, de résistance au vent, de durabilité de la façade, le lien est beaucoup plus direct et solide entre le respect des normes existantes et le fait d’obtenir un ouvrage propre à sa destination.

L’architecte n’est là que pour traduire un programme en projet. Or les maîtres d’œuvre partent souvent bille en tête au lieu de demander à leur client de préciser leurs intentions.

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En l’occurrence, nous sommes toujours dans une situation plus ambigüe. C’est une difficulté qui doit être traitée et renvoie peut-être même à la question du cahier des charges tel que l’a rédigé le maître d’ouvrage. Il y a là un chantier beaucoup plus vaste que l’acoustique qui est celui de la compétence de la maîtrise d’œuvre.

Thierry MIGNOT

Les experts seraient heureux s’ils pouvaient caler le confort sur le seuil d’infraction.

Une décision du 8 mars 1978 rappelle que le seuil du supportable peut être inférieur à celui prévu par les règlements qui fixent un seuil de danger et non de gêne. Cela s’inscrit dans le principe constitutionnel selon lequel on ne peut établir des règles que pour préserver l’essentiel : on n’a pas le droit de réglementer le confort ! On entend souvent parler de normes, mais les dispositions réglementaires liées à la construction ne sont pas des normes : ce n’est pas un objectif à atteindre ! La rédaction des règles d’isolement depuis 1994 sont assez ambiguës puisqu’elles laissent entendre que le seuil d’infraction pourrait être un objectif possible. On en vient à la notion de norme, comme si le règlement était l’objectif à atteindre, alors que ce n’est qu’un seuil.

Lorsque la NRA est parue, des promoteurs ont communiqué sur son respect, ce qui est assez étonnant ! Ce glissement sémantique de la rédaction des textes a fait oublier que le seuil règlementaire n’est que le seuil d’infraction.

Julien BEIDELER

C’est ce qui explique l’incompréhension des personnes qui habitent des logements aux normes mais subissent malgré tout des gênes. Nous allons examiner la question des règlements en revenant sur les différentes jurisprudences en fonction des garanties appelées. Du point de vue de l’entreprise, les problèmes acoustiques durant le chantier sont une grande préoccupation.

L’approche de l’assureur

«  Le respect des normes ne permet pas, à lui seul, d’écarter la responsabilité décennale des intervenants »

Bertrand LOTTEDirecteur des règlements Groupe SMABTP

Les intervenants sur le chantier ont plusieurs préoccupations : en cours de chantier, la maîtrise de la pollution sonore ; une fois le chantier terminé, la nécessité de livrer un ouvrage respectueux des normes phoniques et permettant que les occupants ne soient pas dans une situation d’inhabitabilité pour éviter l’impropriété à destination, critère de la responsabilité décennale.

Sur le plan juridique, trois responsabilités peuvent être recherchées : la responsabilité civile des intervenants lors de la construction ; la responsabilité contractuelle en cas de non-respect des normes applicables ; la responsabilité décennale si la gêne compromet l’habitabilité et l’utilisation des locaux.

§La responsabilité contractuelle

La responsabilité contractuelle est définie par l’article L111-11 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) : « Les contrats de louage d’ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments d’habitation sont réputés contenir les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d’isolation phonique. Les travaux de nature à satisfaire à ces exigences relèvent de la garantie de parfait achèvement visée à l’article 1792-6 du Code civil ».

Ces conditions sont inchangées depuis le 1er janvier 1979. Cependant, il a été précisé le 1er janvier 1993 que le promoteur ou le vendeur était garant à l’égard du premier occupant de chaque logement de la conformité à ses exigences non plus durant les six mois précédents mais sur une année à compter de la prise de possession.

Lorsque la NRA est parue, des promoteurs ont communiqué sur son respect, ce qui est assez étonnant ! Ce glissement sémantique de la rédaction des textes a fait oublier que le seuil réglementaire n’est que le seuil d’infraction.

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Il convient donc de retenir que le respect des normes s’apprécie logement par logement et que la durée de la responsabilité, si elle est devenue identique entre le promoteur et les locateurs d’ouvrage, l’est sur un point de départ de la prescription qui diffère : la réception pour les locateurs d’ouvrage ; la prise de possession pour le promoteur. Ce point peut être extrêmement important, notamment en cas d’invendu lors de la réception. Dès lors, en fonction du point de départ de la prescription, l’occupant pourra avoir intérêt à diriger son action à l’encontre des locateurs d’ouvrage ou du promoteur.

Enfin, s’agissant d’une responsabilité contractuelle, le simple constat du non-respect des prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d’isolation phonique entraîne la responsabilité de celui qui n’a pas respecté son contrat.

§La responsabilité décennale

S’agissant à présent de la responsabilité décennale, un point a fait l’objet de nombreuses controverses : la responsabilité contractuelle n’est finalement pas exclusive de toute autre responsabilité postérieurement à la réception de l’ouvrage.

Un arrêt du 20 février 1991 rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation confirme que les juges du fonds doivent rechercher si les désordres phoniques invoqués n’étaient pas de nature à rendre impropre à leur destination les ouvrages édifiés et donc qu’il y avait bien coexistence de deux responsabilités de nature différentes et associées à une durée de prescription également différente. En effet, en rappelant que le juge devait vérifier si les critères de la décennale étaient engagés, la Cour de cassation indiquait implicitement que cette responsabilité pouvait être retenue à côté de la responsabilité contractuelle.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait énoncé que le législateur a voulu faire échapper les défauts d’isolation phonique au domaine de la responsabilité décennale pour les faire réparer dans le cadre de la garantie de parfait achèvement. Une idée qui a longtemps prévalu. Pour autant, la censure de la Cour de Cassation est claire : la décision de la Cour d’appel est erronée et il est bien possible de choisir entre responsabilité contractuelle ou décennale.

Cela sera confirmé par de nombreux arrêts, dont l’un rendu par l’Assemblée plénière le 27 octobre 2006. Il apporte une précision complémentaire : la seule conformité aux normes d’isolation phonique applicables ne permet pas de déduire l’absence de désordre relevant de la garantie décennale. Cette décision est très sévère car elle ouvre la voie à toutes les subjectivités. Ainsi, le respect des normes ne permet pas à lui seul d’écarter la responsabilité décennale des intervenants : il suffit que le plaignant apporte la preuve d’une gêne dans l’habitabilité nonobstant le respect des normes phoniques pour rendre impropre à la destination le logement qu’il occupe.

Cette preuve est notamment apportée par le rapport de l’expert judiciaire. L’exégèse des termes utilisés par son auteur sera naturellement de première importance pour l’argumentation des parties.

Pour autant, cette solution n’est pas nouvelle et avait déjà été évoquée par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 2 février 1994 : « Attendu que les désordres d’isolation phonique pouvant relever de la garantie décennale, même lorsque les exigences minimales légales ou réglementaires ont été respectées, la Cour d’appel a répondu aux conclusions et légalement justifié sa décision en retenant souverainement que l’importance des bruits rendait l’appartement de Mme B. impropre à sa destination ». La Cour de cassation précise qu’il s’agit d’une décision souveraine des juges du fond, ce qui n’appelle pas de contrôle sur les faits.

Je laisse à votre sagacité le soin de déterminer s’il est préférable de tomber sur un expert judiciaire un peu dur d’oreille ou sur un adepte du rock… Plus sérieusement, il faut noter que cette problématique phonique intervient souvent de manière accessoire dans un dossier. Ainsi, l’expert qui intervient dans le dossier n’est pas nécessairement spécialisé en matière phonique. Il y a donc lieu de solliciter une personne particulièrement compétente pour aider l’expert judiciaire généraliste.

Un arrêt récent démontre le rôle primordial donné aux conclusions de l’expert judiciaire. La troisième Chambre civile, dans un arrêt du 30 novembre 2010, a précisé « attendu qu’ayant relevé que les mesures réalisées au cours de l’expertise avaient montré, dans neuf cas sur seize, un bruit dépassant les normes de 2 à 7 décibels (A) uniquement en cas de choc et que l’expert avait estimé que la gêne ne lui paraissait pas telle qu’elle avait créé un préjudice pour les occupants, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une requalification du fondement juridique de l’action qui ne lui était pas demandée, a, par une décision motivée, souverainement retenu que la fréquence et l’intensité des bruits de chocs résiduels excédant les normes ne rendaient inhabitables ni

S’agissant d’une responsabilité contractuelle, le simple constat du non-respect des prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d’isolation phonique entraîne la responsabilité de celui qui n’a pas respecté son contrat.

La seule conformité aux normes d’isolation phonique applicables ne permet pas de déduire l’absence de désordre relevant de la garantie décennale.

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les appartements, ni l’immeuble en son entier et n’entraînaient pas une impropriété de l’ouvrage à sa destination ». Ainsi, le non-respect des normes n’entraîne pas nécessairement un désordre de nature décennale.

En matière de responsabilité décennale, les locateurs d’ouvrage concernés par les travaux litigieux sont donc présumés responsables. Il leur appartient donc ensuite, s’ils sont plusieurs, de concourir à la dette à hauteur de leur responsabilité respective. Cette notion de présomption est particulièrement sévère lorsque nous l’associons à l’aspect potentiellement subjectif des conclusions de l’expert.

S’agissant de la dette de responsabilité, elle est d’un montant variable, parfois conséquent. Sans qu’il s’agisse d’extrême, notons un arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 11 juillet 2007 qui casse une décision rendue par un juge de proximité ayant estimé satisfaisante une proposition d’indemnisation pour des dommages de voisinage entre deux appartements après une réhabilitation. L’expert judiciaire avait proposé la création d’un doublage chez le voisin lésé, outre une indemnisation de 1 000 euros pour la perte de 0,21 m² de surface. La Cour de cassation a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’imposer à la victime cette perte de surface alors qu’il s’agissait là de la façon la plus économique de résoudre le désordre observé.

Pour une affaire que nous avons actuellement en instruction, pour des problèmes de bruit entre quatre maisons de ville, il est réclamé des travaux de remise aux normes pour 245 000 euros HT, le coût du déménagement, du stockage et du réaménagement du mobilier pour 65 000 euros, les surcoûts liés aux frais d’hôtel durant la durée des travaux et l’indemnisation des préjudices immatériels liés aux difficultés de la vie dans une maison phoniquement insuffisante. Notre dossier est actuellement évalué à 440 000 euros. Les postes de préjudices pouvant se cumuler, le coût de cette affaire peut donc s’avérer particulièrement exorbitant.

Enfin, pour être complet en matière de responsabilité décennale, notons cet arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 31 mars 2005, dans un type d’affaires qui a longtemps été sujet à hésitations. Une association professionnelle entreprend des travaux de réfection d’un centre de formation. Après réception, dans le cadre de l’utilisation normale de ce centre, l’immeuble voisin se plaint de dommages acoustiques. S’agissant de dommages à un tiers voisin, par rapport aux travaux de réhabilitation, la question du fondement juridique de l’action se posait. La Cour de cassation a indiqué que l’association professionnelle subit un dommage du fait du préjudice subi par l’immeuble voisin en ce qu’elle va devoir financer les travaux complémentaires d’isolation phonique, indispensables pour l’exploitation du centre professionnel. Dès lors, l’appel en garantie du centre contre le constructeur sera fondé sur la base de la responsabilité décennale, quand bien même l’action initiale des voisins était basée sur un fondement de responsabilité quasi délictuel. C’est une problématique que nous rencontrons fréquemment, notamment en raison du bruit des tours aéro-réfrigérantes posées en toiture terrasse.

§La responsabilité civile des intervenants lors du chantier

Ce cas spécifique où se mêlent responsabilité décennale et responsabilité civile permet de faire une transition vers la responsabilité quasi délictuelle en cours de chantier. C’est la responsabilité du maître d’ouvrage, des concepteurs et des entrepreneurs qui est visée, en cas de préjudice subi par un tiers, le plus souvent un voisin, en raison du bruit provoqué par l’acte de construire.

Dans ce cadre, le plaignant peut soit chercher la responsabilité civile de droit commun en cas de faute dommage et lien de causalité entre la faute et le dommage à l’égard des intervenants au chantier, soit aller rechercher directement l’entreprise sur la base du trouble anormal de voisinage, étant précisé que, par un arrêt du 9 février 2011, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé que les maîtres d’œuvre titulaires d’une prestation intellectuelle étaient néanmoins des voisins occasionnels du chantier.

La théorie des troubles anormaux de voisinage permet de retenir la responsabilité des intervenants à l’acte de construire en cas de dommage sans qu’une faute d’exécution ne soit constatée : il suffit de prouver le caractère anormal du trouble et son lien avec les travaux. L’issue du dossier se trouve donc lors de l’expertise, qui devra permettre aux voisins de prouver le caractère anormal du trouble.

À titre d’illustration, j’évoque un arrêt de la Cour d’appel de Paris le 16 juin 2009. Une SCP (Société civile professionnelle) de notaires était installée en rez-de-chaussée d’un immeuble à usage mixte habitation/professionnel. Durant les travaux de rénovation du premier étage, il est allégué par la SCP des bruits qui ne permettent pas l’activité d’une société fournissant des prestations d’ordre purement intellectuel, notamment des bruits de marteau piqueur. Le caractère anormal des troubles

L’expert qui intervient dans le dossier n’est pas nécessairement spécialisé en matière phonique. Il y a donc lieu de solliciter une personne particulièrement compétente pour aider l’expert judiciaire généraliste.

La théorie des troubles anormaux de voisinage permet de retenir la responsabilité des intervenants à l’acte de construire en cas de dommage sans qu’une faute d’exécution ne soit constatée : il suffit de prouver le caractère anormal du trouble et son lien avec les travaux.

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est reconnu par la juridiction de première instance qui ordonne l’interruption des travaux de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 16 heures… La Cour d’appel, ne contestant pas le caractère anormal des bruits, aménage néanmoins la décision en limitant l’interdiction aux heures matinales pour respecter également le droit de propriété et le droit de faire des travaux dans son appartement. Le caractère anormal a été établi au regard des mesures prises par un huissier avec un sonomètre, des attestations des collaborateurs salariés de la SCP et d’un compte rendu de réunion de chantier en présence de l’architecte de la copropriété mentionnant l’absence de précaution nécessaire pour éviter la propagation des bruits d’une bétonneuse électrique posée directement sur le plancher de l’appartement. Pour les juges, il s’agit d’une question de fait.

Sur le plan de l’application du contrat d’assurance, la prise en charge des dommages aux tiers n’est pas exempte de difficultés d’application. En effet, bien que la responsabilité de l’entrepreneur puisse être recherchée sans faute, il faudra néanmoins que les dommages soient aléatoires et qu’ils ne découlent pas inévitablement de la nature du travail réalisé et des modalités normales de réalisation de ce travail. Là encore, il conviendra très tôt de positionner l’expert judiciaire en situation de répondre aux bonnes questions pour que le juge puisse statuer en parfaite connaissance de cause.

Julien BEIDELER

Merci Bertrand Lotte. Des réactions, notamment sur les problématiques en cours de chantier ?

Yves LAFFOUCRIERE

Sur les chantiers, nous ne rencontrons pas de difficulté majeure en matière acoustique.

Bertrand LOTTE

Vous menez un chantier sur la Nationale 7 absolument remarquable : la liste des entreprises qui interviennent est affichée, ainsi que l’ensemble des troubles potentiels pour le voisinage. Voilà une bonne attitude pour se prémunir contre un certain nombre de réclamations.

Thierry MIGNOT

L’expert judiciaire intervient fréquemment en référé préventif pour les bruits de chantier. Sa première mission vise effectivement à mettre en place la communication. Un bruit prévenu diminue au moins de 10 décibels (A) ! Il est vrai que le droit à la tranquillité ne fait pas toujours bon ménage avec le droit à la propriété. Bien souvent, l’expert judiciaire permet à la fois au chantier de se poursuivre et aux voisins d’imaginer que l’on prend des précautions. Ainsi, un bon expert est celui qui mécontente à la fois l’entreprise et le voisinage !

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colloque du 9 octobre 2012 page 16

echanges avec la salle

Claude VAILLANT - Avocat

Bertrand Lotte vient de traiter le cœur du sujet en évoquant le paradoxe qui nous concerne tous. Nous avons des textes, des règles, des normes. Le rôle des constructeurs et des entrepreneurs est de respecter ces contraintes. Or la décision de la Cour de cassation et celles qui ont suivi en 2011, encore plus graves, font que même si l’on a respecté tous les textes, la responsabilité est engagée pour des considérations purement subjectives. Le rôle de l’expert devient fondamental.

Ne sommes-nous pas en train d’observer un glissement vers un droit du consumérisme qui remplace la norme du bâtiment ?

Bertrand LOTTE

En effet, le droit devient manifestement de plus en plus subjectif. Ce n’est pas celui des textes mais celui du ressenti de l’acquéreur. Dans le cadre de la notion de responsabilité décennale, la problématique de l’assurance obligatoire s’inscrit dans une volonté de protection du consommateur.

Thierry MIGNOT

On note effectivement un penchant assez grave puisqu’il limite le droit à la propriété au consumérisme.

Je précise tout de même que l’expert ne rend jamais compte du ressenti. La subjectivité de l’expert ne renvoie pas au ressenti du plaignant ou au sien : cette subjectivité est liée au devoir pour l’expert de renseigner le dossier au-delà de grandeurs mesurables. On peut rester objectif en rapportant un contexte, à l’aide de faits qui n’émanent pas nécessairement du sonomètre. Il ne faut pas reprocher à l’expert de rapporter des faits au-delà du sonomètre. En revanche, il est clair qu’il ne s’agit pas du ressenti de l’expert ou des plaignants.

L’expert est une activité accessoire. L’intérêt de désigner des experts qui ont une activité professionnelle conduit à relativiser les situations. Cela ne doit pas orienter mon avis, mais je ne peux m’empêcher de penser lors de mes expertises que je suis également ingénieur-conseil. Il est essentiel de relativiser l’inconvénient allégué dans le cadre d’un contexte économique sociétal.

Jean-Luc SERVET - Expert Assurance

Nous avons évoqué les deux aspects de responsabilité, une durée d’un an avec des référentiels de départ différents. Si l’on élimine le cas de trouble de voisinage manifeste ou de l’occupant sourd pendant neuf ans et d’un nouvel arrivant la dixième année, quelles sont les positions respectives, en amiable et en judiciaire, d’une nuisance sonore, excluant le trouble de voisinage, liée au bâti et signalée au bout de trois, quatre, cinq ou six ans ?

Bertrand LOTTE

La responsabilité décennale repose sur deux critères : l’atteinte à la solidité et l’impropriété à destination. L’assureur se positionne par rapport à son expert. Le plaignant sollicitera un expert judiciaire pour qualifier l’impropriété à destination. En première, deuxième ou neuvième année, ce sont les éléments de faits qui fourniront des indices permettant de considérer l’impropriété à destination.

Jean-Luc SERVET

Je pense à un même occupant qui supporte une situation durant quatre ans et déclare une gêne acoustique au bout de cinq ans. Peut-il s’agir d’une impropriété à destination, brutalement apparue ?

Thierry MIGNOT

C’est en général ce qui arrive lorsque quelqu’un prend sa retraite ou est atteint par une maladie : l’habitat prend alors une autre dimension. Précisément, l’expert doit objectiver la situation et faire abstraction de ces éléments.

L’expert tente de rendre compte de la situation la plus objective possible. Il peut noter que le désordre est apparu à l’occasion d’une prise de retraite. Le juge comprendra. En effet, un rapport « se lit également entre les lignes ». L’expert doit toutefois faire abstraction des ressentis et des conditions psychologiques.

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colloque du 9 octobre 2012 page 17

Claude VAILLANT

Dans l’hypothèse où l’on est dans le respect des normes, comment le recours entre intervenants au chantier et co-responsables peut-il intervenir en cas de condamnation ?

Bertrand LOTTE

La nature décennale s’impose à l’ensemble des intervenants d’un chantier. Dès lors, les recours pourront intervenir sans difficulté si la condamnation a bien été prononcée sur la base d’une responsabilité décennale.

De la salle, un expert

Lors d’une expertise concernant un bâtiment conforme à la réglementation, comment fait-on pour déterminer les travaux de réparation face à un inconfort ? Faut-il créer une nouvelle norme, un nouveau seuil ?

Bertrand LOTTE

À partir du moment où un désordre est caractérisé, il convient de le réparer. Les travaux qui seront préconisés devront permettre d’atteindre un niveau satisfaisant de confort. Tout dépendra du lieu.

Thierry MIGNOT

L’expert n’est pas obligé de répondre à une question. Le juge en revanche est tenu de prendre une décision. Le rapport doit évidemment faire apparaître les solutions confortatives. C’est là toute l’ambiguïté du rapport : ce n’est pas parce que l’expert inclut ces dispositions confortatives que pour autant il affirme qu’il faut les entreprendre, puisque la décision appartient au juge. La réglementation étant respectée, si une limitation de l’inconvénient est susceptible d’être apportée relativement aisément par un aménagement, l’expert doit le préciser. Il faut introduire dans la certification de qualité des dispositions de moyens et d’ordre architectural.

Yves LAFFOUCRIERE

Je suis très sensible au rôle de l’expert judiciaire par rapport au maître d’œuvre. Le maître d’ouvrage attend des modifications, essaie d’apporter des réponses à des problèmes très compliqués et l’on se retrouve face à une dilution des responsabilités où une partie de l’exécution des ouvrages est réalisée sous recommandation de l’expert et une autre sous responsabilité du maître d’œuvre. C’est un vrai problème pour les maîtres d’ouvrage.

René GAMBA - Ingénieur conseil en acoustique

Dans son intervention, l’avocat nous a fait part de son inquiétude face à la possibilité d’être condamné même en respectant les réglementations. Il me semble qu’il ne faut pas oublier que la réglementation est la limite de danger et non la limite de confort. Si la dalle qui est au-dessus de nos têtes s’écroulait, je ne serais pas étonné que l’on détermine non seulement si cette dalle a été calculée conformément aux réglementations, mais s’il n’y a pas eu un autre problème.

Par ailleurs, il n’a pas été question du jeu normal des parties. L’expert fournit des renseignements mais les parties réagissent et il n’est pas rare que les juges suivent les dires des parties.

Yves LAFFOUCRIERE

Dans les techniques du bâtiment, l’acoustique est un domaine dans lequel le seul respect des règles ne garantit pas que l’ouvrage soit propre à sa destination. C’est pourquoi il est nécessaire d’aller au-delà du simple respect des règles.

Thierry MIGNOT

Nous avons tendance à réagir en termes de règle, eu égard à la difficulté d’objectiver. Pourquoi n’y aurait-il que des règles fondées sur les seuils d’infraction et pas des règles contractuelles ? Rien n’interdit à un maître d’ouvrage de fixer à son maître d’œuvre des objectifs qualitatifs parfaitement définis. Pourquoi se focaliser sur l’objectif réglementaire, qui n’en est pas un ? Rien n’interdit de convenir de règles. Ces règles peuvent inclure la notion d’émergence pour les bruits les plus gênants.

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Yves LAFFOUCRIERE

Les maîtres d’ouvrage ne sont pas des techniciens. Autant nous sommes capables de fixer des exigences sur les hauteurs d’appartements, autant sur l’acoustique la difficulté est que les émissions de bruit peuvent varier. On peut valider le niveau de bruit des ascenseurs et voir apparaître cinq ou dix ans plus tard de nouveaux bruits d’équipement. Il est plus difficile de fixer des exigences en la matière.

Thierry MIGNOT

S’agissant de la discussion entre les parties, elles réagissent au fur et à mesure de l’expertise. Le contradictoire ne vise pas l’expert : c’est le débat des parties.

L’expert est conduit à produire des faits. On peut comprendre qu’un débat avec l’expert puisse apparaître lorsque celui-ci vient alimenter le débat des parties au-delà de la constatation technique. L’expert doit répondre à ces dires. Le magistrat sera bien entendu intéressé par l’avis de l’expert.

L’expert répond aux dires avant de présenter son avis. Le juge a ainsi tout en main, le déroulé de l’expertise, la réponse aux dires et la conclusion de l’expert.

Julien BEIDELER

Merci à tous pour la richesse des débats.

Julien BEIDELER

Lors de la première table ronde, nous avons constaté que la procédure face à un désordre acoustique est assez complexe. Cette seconde table ronde vise donc à prévenir ces désordres. Katy Narcy, vous êtes Sous-Directrice de la qualité et du développement durable dans la construction à la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) du Ministère de l’Egalité des territoires et du Logement. Nous allons évoquer ensemble l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique.

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L’approche de la DHUP

«  Avec l’attestation acoustique, les acteurs doivent se saisir du sujet en allant plus loin que la réglementation »

Katy NARCYSous-Directrice de la qualité et du développement durable dans la construction - DHUP

Je vais parler de l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique et élargir mon propos aux différents leviers que l’Etat met en place pour faire monter en puissance la qualité.

L’attente sociétale est forte, les enquêtes révélant que le bruit est un sujet de préoccupation majeure des Français. Une demande émane également des différents acteurs, quant à davantage d’exigence sur la qualité de l’acoustique. En effet, les non-conformités sont assez nombreuses et restent un point noir dans les contrôles que nous menons. Enfin, des éléments d’actualité sont à signaler, avec les évolutions de réglementations, notamment dans le domaine de la thermique, qui ont un impact sur d’autres thématiques telles que l’acoustique et la ventilation. Ainsi, le triptyque thermique, ventilation, acoustique est quelque peu déstabilisé et des résultats jusqu’alors performants peuvent se dégrader. Enfin, la montée du contentieux concerne l’acoustique comme le reste. Il est donc préférable d’intervenir en amont.

L’Etat dispose de deux principaux leviers d’action.

§Tout d’abord le volet coercitif, via le contrôle des règles de construction (CRC). Ce contrôle a posteriori peut aller jusqu’aux poursuites judiciaires.

§Et puis nous développons un volet plus amont de sensibilisation et de responsabilisation des acteurs, via des attestations, dont l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013, dans le cadre de la loi Grenelle 2. Cela fait partie des actions du Plan National Santé-environnement (PNSE), puisque les problèmes de bruit ont un impact avéré sur la santé.

Le CRC est un contrôle effectué par l’Etat, à différentes étapes du projet, en phase de chantier ou dans les trois ans suivants l’achèvement. Il porte sur différentes rubriques en particulier : sécurité, accessibilité, thermique ou acoustique. Nous effectuons des contrôles par sondage, et plus rarement sur plaintes, sur un panel assez important d’opérations. Les résultats de ces contrôles ne sont pas très satisfaisants sur l’acoustique et oscillent entre 7% et 33% de non-conformité. Les non-conformités ont tendance à augmenter, notamment avec l’impact des nouvelles réglementations thermiques. Dans certaines régions, huit dossiers sur dix présentent au moins une non-conformité, même légère.

Nous avons tenté de mettre en place des leviers pour sensibiliser l’ensemble des acteurs, maîtrise d’ouvrage et maîtres d’œuvre, particulièrement dans le contexte d’évolution des réglementations thermiques. Le décret sur la prise en compte de la règlementation acoustique date du 30 mai 2011 et l’arrêté d’application devrait paraître incessamment (NDLR : cet arrêté a été signé le 27 novembre 2012 et publié au « JO » du 18 décembre 2012). Il déterminera le contenu de l’attestation, son modèle ainsi que le type de mesures à effectuer. Parallèlement, un guide en cours de rédaction devrait paraître en fin d’année.

Le champ d’application concerne les permis groupés de maisons individuelles et les bâtiments d’habitation collectifs. L’auteur de l’attestation peut être le maître d’œuvre, l’architecte, le contrôleur technique, le bureau d’études acoustique ou le maître d’ouvrage en cas d’absence de maître d’œuvre. Le contenu de l’attestation s’appuie sur un certain nombre de constats en phase études et chantier.

À partir de dix logements, des mesures acoustiques après achèvement des travaux devront en outre être mises en œuvre, en nombre variable selon la nature et la taille de l’opération. Cette attestation sera à joindre à la déclaration d’achèvement des travaux.

Cette attestation entrera en vigueur le 1er janvier 2013, sachant que c’est la date de dépôt du permis de construire qui sera prise en compte. Nous avons estimé le coût à 1 000 - 1 500 euros par opération, en faisant en sorte de ne pas générer de surcoûts trop importants.

Les non-conformités en matière d’acoustique ont tendance à augmenter, notamment avec l’impact des nouvelles réglementations thermiques.

Le contenu de l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique s’appuie sur un certain nombre de constats en phases études et chantier et à partir de dix logements sur des mesures.

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L’attestation acoustique concerne la prise en compte des exigences réglementaires en acoustique. Tout comme le CRC, elle intervient donc principalement en aval du chantier. Je forme le souhait que les différents acteurs de la construction se saisissent du sujet le plus en amont possible, afin de garantir un bon respect final de la réglementation. L’attestation ne peut en effet pas se substituer à l’intelligence des acteurs et à leur rôle dans l’acte de construire et son rôle est bien d’alerter les acteurs de la construction sur l’importance de ce sujet.

Voici quelques pistes relevées lors des discussions avec les différents acteurs, pour éviter les problèmes en phase conception ou chantier. Nous travaillons sur des guides pour aider l’ensemble des acteurs à trouver des solutions techniques. Nous aurons encore collectivement beaucoup de travail de sensibilisation et de conseil pour que l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique devienne inutile, je l’espère, dans quelques années.

Julien BEIDELER

Merci Katy Narcy. J’appelle maintenant les participants à la table ronde.

Antoine Desbarrières, comment travaillez-vous et comment prendrez-vous en compte l’attestation de prise en compte de la règlementation acoustique présentée par Katy Narcy ?

L’attestation acoustique sera à joindre à la déclaration d’achèvement de travaux et entrera en vigueur le 1er janvier 2013.

Nous aurons encore collectivement beaucoup de travail de sensibilisation et de conseil pour que l’attestation acoustique devienne inutile, je l’espère, dans quelques années.

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Deuxième table ronde Prévention et solutions techniques

L’approche du certificateur

«  c’est le rôle de la certification de proposer des niveaux d’exigence supérieurs qui peuvent satisfaire professionnels et particuliers »

Antoine DESBARRiERESDirecteur Général de QUALITEL

La certification du logement intervient dans le cadre du Code de la consommation. La certification est prévue par le législateur pour donner une information transparente au consommateur lors de son acte d’achat. Elle est demandée par le constructeur, de façon volontaire. Le certificateur intervient en tierce partie, accrédité en France depuis 2009, pour contrôler, valider et vérifier la conformité de la construction avec le référentiel de certification.

Ce référentiel doit être élaboré avec l’ensemble des parties prenantes, des professionnels au destinataire final. Ces référentiels sont mis au point en comités et commissions. Nous travaillons à partir de travaux de recherche et réunissons également des groupes d’experts, notamment sur l’acoustique. Ainsi, ces référentiels font l’objet d’un consensus entre les parties.

QUALITEL intervient depuis 1974 sur un rythme de 170 000 logements/an, soit un peu plus de 2 millions de logements étudiés, ce qui nous confère une capacité d’observation importante. Nos certifications sont multicritères, ce qui garantit une approche globale de la qualité des logements. L’acoustique est un critère systématique dans le neuf, devenu optionnel dans la rénovation. Sur la rénovation, les demandes spécifiques de certification acoustique étaient très faibles, car le sujet effraie. Dans le neuf, nos exigences vont au-delà de la réglementation. Nous avions créé un label « Confort acoustique » que nous avons dû abandonner faute de demandes.

Pour résumer, nos interventions et référentiels sont des cadres techniques qui accompagnent les professionnels, voire les particuliers. Nous évaluons ce qui se passe sur le terrain, nous observons et capitalisons les bonnes pratiques.

Venons-en à la certification dans le logement neuf.

Nous avons constaté, lors de la première table ronde, qu’il convient avant tout de prévenir les désordres, car leur résolution est complexe. Dans le neuf, nous avons des exigences sur les produits et des éléments de performance allant au-delà de la réglementation. Nos référentiels de certification peuvent aller assez loin dans la « prescription architecturale » pour limiter les risques. Certains architectes nous reprochent d’ailleurs d’aller au-delà de notre rôle, mais le marché a besoin d’être cadré sur ces sujets éminemment complexes. En effet, l’acoustique est une thématique transversale, qui concerne tous les corps de métiers. Nous intervenons donc beaucoup pour confronter les différentes prescriptions des maîtres d’œuvre et vérifier leur cohérence avec les exigences de nos certifications.

Nos référentiels de certification vont assez loin dans la prescription architecturale pour limiter les risques. Certains architectes nous reprochent d’ailleurs d’aller au-delà de notre rôle mais le marché a besoin d’être cadré sur ces sujets éminemment complexes.

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Dans le cadre de notre processus de certification, nous sommes très présents sur la partie dossier et sur les vérifications sur chantier. Nous avons apporté récemment une modification dans nos certifications, en impliquant davantage la maîtrise d’œuvre dans la conception et en valorisant les maîtres d’ouvrage qui font appel à des bureaux d’études acoustiques disposant des qualifications ad hoc (par un allègement de nos évaluations). Seule une dizaine de bureaux d’études affichent malheureusement ce niveau de qualification.

Par ailleurs, nous avons encore beaucoup de progrès à faire par rapport à certaines filières constructives, notamment la filière bois, pour valider en amont des solutions techniques répondant à nos exigences acoustiques.

S’agissant des processus et de la façon dont nous intervenons sur le chantier, on constate qu’il est possible de traiter la majorité des non-conformités. Il y a donc lieu d’insister sur la prévention en amont, pour éviter que les problèmes ne se manifestent. Des vérifications avant la fin de chantier sont préconisées. La fenêtre de tir pour procéder aux mesures est toutefois très étroite : il convient d’intervenir lorsque tout est quasiment achevé et que les équipements sont en place, mais avant que les occupants n’entrent dans les logements.

Dernier point, nous accompagnons aussi les particuliers en cas de problème. C’est le rôle du certificateur que de répondre aux réclamations des occupants de logements certifiés. Les réclamations sont limitées : sur 5 à 6 000 certifications, nous recevons une vingtaine de réclamations, systématiquement émises dans le cadre de l’accession à la propriété. Nous diligentons parfois des contre-vérifications. La simple production de mesures conformes aux exigences de la certification suffit généralement à mettre un terme à la réclamation, même si des situations d’inconfort subsistent parfois malgré la mesure.

Julien BEIDELER

La prise en compte de l’attestation de la règlementation acoustique vous conduira-t-elle à modifier votre façon de travailler, en allégeant cette partie ?

Antoine DESBARRIERES

En effet, nous n’avons pas pour objet de contrôler ce qui a déjà été contrôlé. Ainsi, dès lors que des contrôles auront été réalisés, nous pourrons certainement alléger nos interventions dans ce domaine. Nous continuerons à procéder à certains contrôles par sondage, peut-être à une fréquence plus réduite. L’accent est clairement mis sur la mobilisation de la filière professionnelle, en particulier sur la partie réalisation, en sollicitant les entreprises au travers de leurs autocontrôles. Nous réfléchissons à une option de « garantie de performance » pour laquelle il s’agirait d’imposer des plans qualité aux entreprises, notamment sur la problématique de l’acoustique.

Nous travaillerons également sur d’autres évolutions. Le cadre réglementaire ne suffit pas toujours et c’est le rôle de la certification que de proposer des niveaux d’exigence supérieurs, qui peuvent satisfaire professionnels et particuliers. Nous allons ainsi travailler sur des sujets d’isolement à l’intérieur du logement et de fréquence. Nous travaillerons également sur certains bruits extérieurs.

Même si la réglementation évolue, il est possible d’aller plus loin, notamment sur les niveaux de performance.

Par ailleurs, nous menons un projet avec l’Association HQE (Haute Qualité Environnementale) et les autres certificateurs d’ouvrage, qui consiste à élaborer un indicateur de performance environnementale incluant un indicateur de confort acoustique qui devrait contribuer à la sensibilisation. Cet outil peut s’avérer intéressant.

Julien BEIDELER

Quand souhaitez-vous voir aboutir cet indicateur acoustique unique ?

Antoine DESBARRIERES

Le plus rapidement possible. S’il s’intègre à l’indicateur environnemental, le calendrier vise plutôt une sortie fin 2013. Le sujet est assez large et assez complexe.

Je conclus sur la certification dans l’existant. Sur les 170 000 logements annuels engagés en certification, nous intervenons sur 30 000 logements en rénovation, quasi exclusivement en logements sociaux.

L’acoustique est une thématique transversale qui concerne tous les corps de métiers. Nous intervenons donc pour confronter les différentes prescriptions des maîtres d’œuvre et vérifier leur cohérence avec les exigences de nos certifications.

S’agissant des processus et de la façon dont nous intervenons sur le chantier, on constate qu’il est possible de traiter la majorité des non-conformités. Il y a donc lieu d’insister sur la prévention en amont.

Le cadre réglementaire ne suffit pas toujours et c’est le rôle de la certification que de proposer des niveaux d’exigence supérieurs, qui peuvent satisfaire professionnels et particuliers. Nous allons ainsi travailler sur des sujets d’isolement à l’intérieur du logement et de fréquence.

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Le principe du référentiel de certification consiste à ne jamais dégrader la performance acoustique initiale, même s’il est difficile de la mesurer en tant que tel. Nous avons engagé un programme de recherche approfondi ayant pour objet de ramener la problématique acoustique dans les projets de rénovation, notamment dans le cadre des rénovations thermiques. Nous avons abouti, avec l’aide de bureaux d’études, à un diagnostic simplifié moyennant un coût réduit, avec des investissements faibles en termes de matériel (de l’ordre de 650 euros). Il permettra d’apprécier le niveau de qualité acoustique d’un immeuble de logement et devrait faciliter les travaux dans ce domaine.

Il s’agit surtout d’une aide à la décision, mais cela peut permettre dans un premier temps d’apprécier le risque. Il conviendra ensuite de travailler sur des exigences adaptées à la nature des travaux. Une des orientations est de travailler sur l’enveloppe, sans dégrader le niveau de performance acoustique.

Julien BEIDELER

Merci. René Gamba, il est important que l’acousticien intervienne en amont pour éviter les erreurs. Quelles sont les principales erreurs à ne pas commettre dans le cadre de la conception ?

Le rôle du bureau d’études techniques

«  Grâce à l’attestation de conformité à la réglementation acoustique, les comportements devraient évoluer »

René GAMBAGamba Acoustique

Je vais tenter de vous expliquer à quoi s’intéresse un acousticien lorsqu’il est appelé en construction. Je me concentre sur l’isolation aux bruits aériens. On pense tout de suite aux transmissions directes, mais en réalité le bruit passe entre trois et dix fois plus en transmissions latérales et diverses transmissions parasites.

Lorsque l’on interroge un acousticien sur la composition de la façade visant à isoler du bruit extérieur, il pose des questions sur le plancher, les traversées…. Les occupants sont décontenancés, car ce n’est pas la question qu’ils ont posée ; mais c’est pourtant nécessaire au travail de l’acousticien. En effet, la façade contribue davantage à l’isolement entre les locaux qu’à l’isolement de façade. C’est toujours une surprise pour les occupants d’apprendre que la façade joue également un rôle sur l’isolement intérieur. Cela vaut pour n’importe quelle autre cloison.

Il existe une voie de transmission directe, douze voies de transmissions latérales et entre zéro et vingt transmissions parasites (traversées de canalisation, descentes d’eaux…). Pour assurer un débit et un flux, il faut s’intéresser à tout ce qui contribue à ce débit et à ce flux. Ainsi, une question implique de poser quinze sous-questions. Ce n’est pas très difficile car nous disposons de logiciels, mais cela nécessite du temps, même pour un acousticien expérimenté.

Julien BEIDELER

Comment évaluez-vous la maturité des différents acteurs, maîtres d’ouvrage comme maîtres d’œuvre ? Antoine Desbarrières indiquait que l’on vient rarement vous chercher pour le logement et souvent lorsque c’est trop tard…

René GAMBA

Je confirme. En effet, je pense que l’acoustique « fait peur ». C’est pourquoi on tend souvent à le laisser de côté et à réagir lorsque… c’est trop tard. Si le bâtiment souffre d’une faute de conception sur une jonction, il n’y a pas vraiment de solution économiquement acceptable. L’acousticien passe alors pour celui qui cherche les solutions tordues qui coûtent cher.

Nous avons engagé un programme de recherche approfondi ayant pour objet de ramener la problématique acoustique dans les projets de rénovation, notamment dans le cadre des rénovations thermiques.

Lorsque l’on interroge un acousticien sur la composition de la façade visant à isoler du bruit extérieur, il pose des questions sur le plancher, les traversées…. Les occupants sont décontenancés, car ce n’est pas la question qu’ils ont posée ; mais c’est pourtant nécessaire au travail de l’acousticien.

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Cela pourrait pourtant bien se passer. Ce n’est pas propre à l’acousticien : tout intervenant a un devoir de conseil en amont de la conception. L’acoustique ne s’appuie pas sur des calculs codifiés mais sur de la mesure de résultats. On peut s’y prendre comme l’on souhaite, du moment que la mesure finale est bonne. À l’inverse, en thermique, on applique un code de calcul déterminé.

La première étape consiste à examiner l’utilisation des locaux. Si des plaintes risquent de survenir, l’acousticien cherche à persuader le maitre d’ouvrage d’aller au-delà de la réglementation. Cette réalité devrait s’estomper à l’avenir, puisque la plupart des intervenants connaissent les risques. Ils devraient donc prendre des dispositions en amont pour éviter les problèmes.

Julien BEIDELER

L’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique n’est pas coercitive. Pensez-vous toutefois qu’en attirant l’attention sur ce point, les acteurs solliciteront davantage les acousticiens ?

René GAMBA

Je le pense et m’en réjouis, à titre personnel mais surtout pour les habitants. Le coût d’une étude acoustique au stade de l’esquisse n’est pas prohibitif. Les maîtres d’ouvrage sont souvent étonnés de ce coût qu’ils pensaient plus important. Le recours à un acousticien garantit un bon résultat, qui sera en outre optimisé et permettra de réduire les mètres cubes. Ainsi, ce n’est en défaveur ni du maître d’ouvrage, ni de l’occupant. Il est donc raisonnable de croire que, dans un grand nombre de cas, le coût de l’intervention de l’acousticien peut générer des économies bien supérieures au niveau des travaux, surtout si on raisonne à qualité égale.

Par ailleurs, les maîtres d’ouvrage ont longtemps fait des copier-coller : on savait que telle épaisseur de béton associée à telle épaisseur d’isolant donnait tel résultat. De nos jours, les isolations sont très nombreuses : l’explosion des principes constructifs nécessite de recourir à un acousticien pour étudier le résultat final.

Julien BEIDELER

Pensez-vous que les entrepreneurs sont suffisamment conscients du problème acoustique ?

René GAMBA

Je vais faire un parallèle. Il y a quelques années, rouler au-dessus de la limite de vitesse ou avoir un peu trop d’alcool dans le sang n’était pas si grave. De nos jours, les contrôles sont plus importants, les conducteurs risquent de perdre des points et les mentalités ont évolué. Grâce à cette attestation de prise en compte de la réglementation acoustique, il ne sera plus possible de passer à travers les gouttes : les comportements devraient donc évoluer.

Je pense que l’acoustique « fait peur ». C’est pourquoi on tend souvent à l’ignorer et à réagir lorsque… c’est trop tard.

Le coût d’une étude acoustique au stade de l’esquisse n’est pas prohibitif. Les maîtres d’ouvrage sont souvent étonnés du coût qu’ils pensaient plus important.

Les maîtres d’ouvrage ont longtemps fait des copier-coller : on savait que telle épaisseur de béton associée à telle épaisseur d’isolant donnait tel résultat. De nos jours, les isolations sont très nombreuses : l’explosion des principes constructifs nécessite de recourir à un acousticien pour étudier le résultat final.

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Julien BEIDELER

Sylvain Fortineau, pouvez-vous nous présenter votre entreprise et nous expliquer comment vous abordez les chantiers ?

L’approche des entreprises

«  Dans les réunions de chantier, on voit les bureaux d’études structures et fluides, mais rarement les acousticiens »

Sylvain FORTiNEAUPrésident du Directoire de SOFRADI

Je n’ai pas la prétention de représenter ici tous les entrepreneurs. SOFRADI a 160 salariés qui ont trois métiers : la façade et l’enveloppe ; l’isolation industrielle, frigorifique et acoustique ; l’aménagement d’espaces de travail. Nous sommes pluridisciplinaires. Une dizaine de qualifications QUALIBAT viennent conforter notre professionnalisme. Basé à Nantes, SOFRADI opère sur l’ensemble du territoire et exporte 5% de sa production. Nous intervenons sur tous les marchés du bâtiment et de l’industrie, à l’exception du particulier. Nous opérons également dans le logement, mais ce n’est pas notre principale activité. Notre activité se déploie dans les marchés publics et privés.

Julien BEIDELER

Vous avez une activité industrielle et êtes régulièrement confronté à des cahiers des charges très pointus acoustiquement.

Sylvain FORTINEAU

En effet. Nos cahiers des charges comportent des références industrielles et nous sommes également, pour un tiers de notre activité, des fabricants. Ainsi, nous transformons nos produits avant de les envoyer sur les chantiers.

Yves Laffoucrière, maître d’ouvrage, a déclaré que le bâtiment n’était pas « au top » des process industriels. Je me dois de réagir en rappelant que notre terrain d’action est particulièrement complexe : chaque chantier est unique en termes d’environnement, de conditions climatiques, d’horaires de travail… De même, nos interlocuteurs changent en permanence. De plus, il n’y a pas toujours d’architecte ou de maître d’œuvre, des co-traitants viennent de divers horizons…. Nous devons à chaque fois innover et prendre des risques.

Julien BEIDELER

Comment abordez-vous la maîtrise de la qualité dans ce cadre ?

Sylvain FORTINEAU

Ce que je viens de dire n’est pas nouveau. En revanche, une nouveauté doit être soulignée : la crise. Diriger une entreprise aujourd’hui est un exercice de funambule risqué, dans un contexte concurrentiel singulièrement et nouvellement agressif. Ainsi, les prix sont particulièrement tendus, les délais d’intervention de plus en plus courts. Les entrepreneurs ont l’habitude de se plaindre sur ces sujets, mais c’est important.

Comment mettre en œuvre la qualité ? Avant de parler de prévention, je parlerai du contentieux existant. Face à un désordre, il vaut mieux ne pas rester isolé. Nous pouvons nous appuyer sur les organisations professionnelles : la Fédération Française du Bâtiment (FFB) est riche de conseils, de même que l’OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du BTP) et bien d’autres. Je viens de l’industrie et j’ai été stupéfait de la richesse des contenus des Avis techniques, DTU et normes du bâtiment. C’est dans la mise en œuvre que nous semblons parfois un peu moins méthodique… Pour quelle raison ? Parce que nous sommes tenus d’improviser face à un certain nombre de problèmes. Il convient toutefois de ne pas en faire une culture.

Diriger une entreprise aujourd’hui est un exercice de funambule risqué, dans un contexte concurrentiel singulièrement et nouvellement agressif. Ainsi, les prix sont particulièrement tendus, de même que les délais d’intervention.

Je viens de l’industrie et j’ai été stupéfait de la richesse des contenus des Avis techniques, DTU et normes du bâtiment. C’est dans la mise en œuvre que nous semblons parfois un peu moins méthodique…

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Julien BEIDELER

Cela suppose de préparer le chantier un minimum.

Sylvain FORTINEAU

Un minimum en effet.

En matière de prévention, le défi actuel et futur est de déployer un management éclairé. Cela débute par le recrutement des collaborateurs, en s’attachant à tous les rencontrer. Une entreprise repose avant tout sur les hommes. En outre, la formation consiste à connaître les modes opératoires, en développant une vraie stratégie de positionnement des décideurs de l’entreprise. C’est un investissement en temps pour assurer la veille réglementaire et technique qui s’impose. Il convient ensuite de transmettre ces modes opératoires, une fois connus. Des outils existent. Ils sont difficiles à mettre en œuvre en matière de communication interne mais des manuels sont réalisés par différents acteurs de notre Profession. Ces manuels ont été conçus au bénéfice des poseurs. À nous de les diffuser, de les faire connaître et de les rendre utiles, même si ce n’est pas simple.

Ensuite, il convient de déterminer quelle est la nature du contrat qui lie l’entreprise au client. Cette simple question nécessite un travail d’ingénierie et de partage préalable avec un grand nombre de collaborateurs.

Par ailleurs, il est nécessaire de choisir les produits sous Avis techniques, posés conformément à la réglementation.

Enfin, il convient de limiter, sinon de maîtriser la sous-traitance qui peut se transformer en fléau. Sur un marché sous tension, c’est un outil dont disposent les entreprises pour continuer à dégager de la valeur ajoutée. La question est de maîtriser le recours à cette sous-traitance et sa légalité.

Julien BEIDELER

Vous mettez en avant d’une part la recherche du coût minimum du maître d’ouvrage et d’autre part les efforts de formation, qui constituent un coût pour l’industriel.

Sylvain FORTINEAU

On voit émerger des initiatives, notamment poussées par la commande publique - en particulier sur la région nantaise - de prise en compte, dans l’attribution des marchés, d’une partie de la note technique aux démarches RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise). Dans les marchés privés également, on commence à observer cette sensibilité chez les maîtres d’ouvrage.

René GAMBA

J’en profite pour répondre à votre question précédente. Il est difficile de répondre sans être globalisant. Quel est le contrat ? Lorsque l’on a signé des documents incluant des croquis de mise en œuvre, ils font partie du contrat. Lorsque l’on passe sur le chantier et que ce n’est pas mis en œuvre, on constate souvent que celui qui met en œuvre n’est pas informé du contrat mais qu’il est prêt à faire ce qu’on lui demande.

Autre exemple : que se passe-t-il lorsqu’on livre sur le chantier des vitrages acoustiques qui s’avèrent être des 4/16/4 thermiques classiques et non des vitrages acoustiques. L’entreprise propose une moins-value et non une reprise… Elle finit par le reprendre mais cela traduit le manque d’intérêt et de culture des intervenants, et pas seulement des entreprises. Malheureusement, pour beaucoup d’intervenants du monde du bâtiment, l’acoustique n’existe pas. Imagineriez-vous une entreprise de métallurgie qui constaterait l’absence de ferraille et ne proposerait qu’une moins-value ?

Sylvain FORTINEAU

Dans les réunions de chantier, on voit les bureaux d’études structures et fluides, mais rarement les acousticiens.

Il convient de limiter sinon de maîtriser la sous-traitance qui peut se transformer en fléau. Sur un marché sous tension, c’est un outil dont disposent les entreprises pour continuer à dégager de la valeur ajoutée.

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colloque du 9 octobre 2012 page 27

Les solutions développées par les industriels

«  en acoustique, un minuscule trou remet en cause tout un système. c’est le travail d’une chaîne complète et c’est le grand défi »

Maurice MANCEAUDirecteur « Habitat France » - SAINT GOBAIN

Julien BEIDELER

Maurice Manceau, vous êtes Directeur « Habitat France » chez SAINT GOBAIN. À cette table, vous représentez donc l’industrie. La problématique acoustique est-elle importante du point de vue de l’industriel ?

Maurice MANCEAU

Pour SAINT GOBAIN sans aucun doute. Mais - et c’est là toute la, complexité du problème - s’il est relativement simple d’innover dans des produits très performants, nous ne maîtrisons pas le reste de la chaîne, notamment la mise en œuvre. De même dans le cadre de la maîtrise d’œuvre, on oublie souvent le travail de l’architecte qui doit normalement se faire épauler par un acousticien s’il n’a pas la connaissance intime du sujet. En effet, l’acousticien passe pour la bête noire parce qu’il intervient a posteriori. C’est donc un sujet important pour les industriels.

La réglementation a pour objet d’améliorer la situation. Cette contrainte devient in fine positive, car elle nous aide à faire preuve de rigueur. Nous étions jusqu’à présent focalisés sur la thermique. L’acoustique arrive brusquement sur le devant de la scène, avec une problématique nouvelle : le risque qu’elle souffre des innovations en termes d’isolation thermique. C’est un des sujets les plus complexes.

Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine : nous fabriquons les produits. Nous disposons globalement de tous les produits nécessaires, mais nous avons un devoir de porter la bonne parole chez le prescripteur. Nous devons assurer la formation pour la mise en œuvre. Quelle que soit la taille de l’entreprise, en excluant peut-être les très grandes, la formation fait défaut. Nous avons parlé de l’étanchéité à l’air : c’est une vraie révolution. Il faut expliquer aux intervenants, faire, refaire, redéfaire… Intégrer la culture de l’acoustique dans une entreprise n’est pas chose aisée. En acoustique, un minuscule trou remet en cause tout un système. C’est le travail d’une chaîne complète et c’est le grand défi : le Grenelle de l’environnement a fait apparaître l’importance de travailler tous ensemble.

René GAMBA

L’exemple de l’étanchéité à l’air est parfait : ce n’est pas un acteur qui gère le lot étanchéité à l’air mais tous les intervenants. De même en acoustique, le résultat final ne dépend pas d’un lot mais de tous les acteurs.

Nous allons enfin être obligés de travailler ensemble. Nous sommes arrivés à un niveau de performance souhaitée dans le bâti et d’exigence économique qui nécessite de travailler en bonne intelligence. Nous sommes à la croisée des chemins.

Julien BEIDELER

Votre analyse de l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique vous amènera-t-elle à modifier des fiches « Produits » ?

Maurice MANCEAU

Quand un produit est prêt, c’est qu’il a déjà subi un parcours complet. Le produit n’est pas inquiétant, nous avons un pedigree complet. Le véritable enjeu est ensuite que tout fonctionne : il faut pour ce faire que la chaîne complète soit dotée des outils nécessaires.

Nous étions jusqu’à présent focalisés sur la thermique. L’acoustique arrive brusquement sur le devant de la scène avec une problématique nouvelle : le risque qu’elle souffre des innovations en termes d’isolation thermique.

Pour arriver à une qualité acoustique du bâti, il convient de viser le « zéro défaut ». C’est un vrai programme. L’attestation de prise en compte de la règlementation acoustique sera difficile à mettre en place, mais les mentalités évolueront.

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colloque du 9 octobre 2012 page 28

Nous sommes aujourd’hui capables de réaliser des produits très sophistiqués. Nous avons mis en place un centre d’innovation à Aubervilliers. Sur l’acoustique, nous pouvons aller très loin dans le confort. Antoine Desbarrrières ne souhaitait pas parler de confort acoustique. Notre politique est au contraire très multi-confort. Nous estimons que l’habitat est lié à un ensemble de conforts : acoustique, thermique, visuel…C’est la réalité de demain. Pour arriver à une qualité acoustique du bâti, il convient de viser le « zéro défaut ». C’est un vrai programme. L’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique sera difficile à mettre en place, mais les mentalités évolueront. L’essentiel est de s’engager dans cette voie.

Le DPE (Diagnostic de Performance Energétique) n’a pas été évoqué, mais l’exemple s’est déjà produit dans l’automobile : tout le monde disait que le contrôle technique ne fonctionnerait pas. Finalement, les contraintes sont acceptées. Nous arriverons un jour au même résultat dans le bâtiment. Nous menons une analyse de risques, avec des droits et des devoirs, et l’un des devoirs consiste à concevoir des outils afin que les intervenants soient informés pour pouvoir bien agir.

Après la recherche et le développement de bonnes solutions, la mise en œuvre est le sujet sur lequel il convient de travailler. SAINT GOBAIN s’est appliqué à compléter ses dispositifs de formations avec ses propres centres mais aussi par des outils (appelés « essentiels » repartant des fondamentaux sur les différents sujets) et souhaite surtout voir l’appropriation des parties prenantes de toute la filière pour un engagement à ses côtés.

Julien BEIDELER

C’est précisément le rôle du programme RAGE (Règles de l’Art Grenelle Environnement) que de faire en sorte que les acteurs se mobilisent. Alain Maugard, quel est votre regard sur ce qui a été dit ? La question de la formation et de la mise en œuvre vous tient-elle à cœur ?

Nous disposons globalement de tous les produits nécessaires, mais nous avons un devoir de porter la bonne parole chez le prescripteur. Nous devons assurer la formation pour la mise en œuvre.

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colloque du 9 octobre 2012 page 29

Réactions du grand témoin

Alain MAUGARDPrésident de QUALIBAT et Président du Conseil d’Orientation de RAGE (Règles de l’Art Grenelle Environnement)

Katy Narcy a mentionné trois réglementations qui doivent être cohérentes entre elles : thermique, acoustique et ventilation. Réglementation thermique : 2012. Réglementation acoustique : 1995. Réglementation ventilation : 1982. 30 et 17 ans d’âge… Ce tripode est déséquilibré ! Il est essentiel de le re-régler sans perdre de temps.

Une remarque concernant la première table ronde, dont j’ai malheureusement manqué le début. Je m’étonne qu’une réglementation acoustique respectée puisse être considérée par des juges comme entraînant une impropriété à destination. Soit la réglementation ne sert qu’aux cas désespérés, soit elle n’est pas tout à fait à jour. Au CSTB, lorsque nous avons réalisé la réglementation acoustique pour le compte de l’administration, la partie relative aux bruits d’impacts n’a pas été traitée au bon niveau d’exigence. Pourquoi revenir sur ce point ? Je constate que le confort acoustique s’est amélioré dans les voitures de manière extrêmement significative. Pourquoi n’aurait-il pas évolué dans les logements ? Lorsqu’un secteur se décale autant par rapport aux habitudes de consommation, un problème survient. Si les juges trouvent que c’est impropre à la destination, c’est qu’il convient de réadapter une partie de la réglementation. Le bruit présente peut-être des aspects particuliers, mais la question mérite d’être posée.

S’agissant de l’intervention de Katy Narcy, je suis favorable à l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique. Depuis la mise en place de l’attestation en matière thermique, tout le monde reconnaît que des progrès sont réalisés (volet étanchéité à l’air). Je pense que l’attestation acoustique générera également des progrès. Il conviendra de préciser rapidement le test, car cela induit des démarches qualités. En effet, pour se prémunir d’un résultat négatif en bout de chaîne, les entreprises se livreront à de l’auto-contrôle ou des pré-tests, ce qui constitue une amorce de démarche qualité.

La réglementation acoustique existe depuis 17 ans. Il est possible de réaliser des mesures objectives. Le certificateur QUALITEL a attiré plus que d’autres l’attention sur les défauts de conception et de mise en œuvre en matière acoustique. Si l’on veille à la qualité de conception et de mise en œuvre, cela aura des conséquences sur tous les aspects du bâtiment : acoustique, thermique ou ventilation. Le grand sujet du bâtiment consiste à basculer dans cette exigence de qualité.

Certains entrepreneurs craignent que cette exigence de qualité représente un surcoût. Rien n’est moins sûr. En effet, la qualité de conception n’est pas synonyme de surcoût. Une conception médiocre peut parfois coûter plus cher qu’une conception intelligente. La qualité n’est pas forcément plus chère. Certains entrepreneurs ayant mis en place une démarche qualité ne constatent pas de surcoûts, puisqu’ils observent moins de malfaçons. Je pense même que certains surcoûts sont générés par la non-qualité.

L’acoustique fait bouger les lignes. Pourquoi la SMABTP a-t-elle choisi ce thème ? Officiellement, l’intention est de s’intéresser à l’acoustique après avoir beaucoup parlé du thermique. Or la première table ronde conclut que faire entrer l’acoustique dans la décennale est assez catastrophique pour les assureurs. Le but de ce colloque est donc peut-être de freiner l’entrée du thermique dans la décennale… Permettez-moi d’être un peu ironique ! En tout état de cause, il sera nécessaire de parler de performance acoustique intrinsèque et de mettre au point des systèmes de mesure de ces performances, tout comme pour la thermique. Il s’agit du même combat et nous devons tendre vers cela.

Je lance un appel solennel aux Pouvoirs publics : le monde du bâtiment a besoin de recevoir des messages positifs sur l’effort de compétence et donc l’effort de qualification. Les entreprises se demandent quel avantage elles tirent d’avoir été pionnières dans le domaine de la qualification. Aucun signe ne leur a été donné en ce sens. L’éco-conditionnalité ne fonctionnera que si suffisamment d’entreprises sont avancées dans la démarche de certification ; il faut donc dès maintenant un éco-avantage qui précède l’éco-conditionnalité à terme.

Je m’étonne qu’une réglementation acoustique respectée puisse être considérée par des juges comme entraînant une impropriété à destination. Soit la réglementation ne sert qu’aux cas désespérés, soit elle n’est pas tout à fait à jour.

Je pense que l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique générera également des progrès. Il conviendra de préciser rapidement le test, car cela induit des démarches qualités.

Certains entrepreneurs ayant mis en place une démarche qualité ne constatent pas de surcoûts, puisqu’ils observent moins de malfaçons. Je pense même que certains surcoûts sont générés par la non-qualité.

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Dernière remarque sur la manière d’acquérir nos compétences. Tout d’abord, je souligne l’aspect systémique. Tout est dans tout, tout est corrélé. C’est vrai pour le thermique et l’acoustique. Du côté de l’ingénierie, de l’architecte et des entreprises qui se munissent d’ingénierie, il convient d’adopter une vision systémique des phénomènes, sans les diviser.

En outre, qu’est-ce que la qualification manuelle ? Cela a longtemps été la qualification de maniement de la matière. Cette habilité manuelle se réduit de plus en plus, puisque les industriels fabriquent des composants présentant une connectique de plus en plus simple. Ils font en sorte que le montage sur le chantier soit de plus en plus aisé pour éviter les erreurs. L’habilité manuelle étant moins importante, il faut que les compagnons et les chefs d’entreprise aient une connaissance des problèmes physiques du bâtiment, acoustique comme thermique. Il faut donc enseigner les rudiments de l’acoustique et de la thermique pour que les compagnons adoptent les bons comportements en cas d’aléas sur le chantier. S’ils comprennent que les vibrations posent problème, ils trouveront un moyen de les amortir. Je défends donc une modification de l’enseignement de tous les métiers du bâtiment pour que les acteurs comprennent les phénomènes sur lesquels ils travaillent.

L’acoustique est un exemple qui déclenche ce processus d’exigence de compétences.

Il sera nécessaire de parler de performance acoustique intrinsèque et de mettre au point des systèmes de mesure de ces performances, tout comme pour le thermique.

L’acoustique est un exemple qui déclenche le processus d’exigence de compétences.

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echanges avec la salle

Gilles BELVALETTE - Union des Métiers du Plâtre et de l’Isolation (UMPI)

Dans le domaine de l’acoustique, l’accroissement du nombre de textes réglementaires a pour effet une difficulté d’accès pour les professionnels de la construction et les entrepreneurs. Pour répondre à cette problématique de lisibilité, l’UMPI vient de publier un guide de performance qui traite notamment de l’acoustique. Cet ouvrage, « Guide pratique : plâtrerie-isolation pour l’établissement des descriptifs », est disponible sur demande auprès de notre Union.

Avant d’aborder la conception, il est important de savoir de quoi l’on parle. Ce guide fait un rappel des fondamentaux, sources de conflits : qu’est-ce qu’un affaiblissement acoustique, une correction acoustique… ? Il propose des tableaux synthétiques exposant clairement les performances à atteindre en fonction des réglementations en vigueur.

Ce travail de clarification prend appui sur les campagnes de l’UMPI qui ont permis de démontrer la possibilité d’interchanger les composantes conformes au DTU d’origine commerciale différentes pour réaliser des ouvrages concernés par le DTU sans altérer les performances acoustiques de manière significative.

De plus, ce guide comprend une partie sur l’assurance. La présentation officielle de ce guide aura lieu lors du Congrès de l’UMPI à Strasbourg le 12 octobre.

Julien BEIDELER

Je souhaite donner la parole à un représentant de l’AQC (Agence Qualité Construction).

Frédéric HENRY - AQC

L’acoustique est un sujet actuel et futur. Il est futur grâce à cette nouvelle attestation qui fera naître un besoin d’information. Nous avons parlé de formation, de compétence, de qualification, mais peut-être faut-il parler d’information en amont. Avec le cabinet René Gamba, l’AQC réalise actuellement un document où seront rappelés les principes physiques et surtout les points sensibles. Il sortira début 2013.

Alain MAUGARD

Dans le bâtiment, nous disposons d’informations, de guides. Mais qui les lit, qui se forme ? Nous ne sommes pas habitués à nous maintenir en permanence à un niveau de compétence.

Nous avons mis au point un corpus pour QUALIBAT avec le CSTB. C’est l’accès à chaque entreprise certifiée aux textes DTU et réglementations qui concernent leur métier. Il est inclus dans le tarif QUALIBAT : 1 000 entreprises sur 33 000 l’utilisent…

Les DTU sont compliqués, c’est certain. RAGE établit des nouvelles recommandations professionnelles qui seront lisibles et pédagogiques. Nous proposerons des manuels servant à la formation. Nous vérifierons que les entreprises certifiées ont pris connaissance et maîtrisent ces recommandations professionnelles. Il est nécessaire de changer le braquet, de considérer qu’un métier n’est pas acquis mais remis en question tous les cinq ans dans les secteurs soumis à de fortes innovations.

Julien BEIDELER

C’est la formation continue. Je remercie les intervenants.

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cONcLUsION

«  Nous allons apprendre à utiliser un nouvel outil : l’attestation acoustique. cet aiguillon mobilisera tous les acteurs »

Bertrand DELCAMBREPrésident du CSTB

Pour resituer le contexte, il faut garder à l’esprit que l’efficacité énergétique est le moteur qui nous mobilise tous. La Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, la feuille de route de la transition écologique, la lettre de mission adressée à Philippe Pelletier ont confirmé les priorités du bâtiment pour les années à venir en matière de réduction des consommations d’énergie. L’énergie est donc la première des priorités du monde du bâtiment, sur laquelle nous devrons tous continuer à nous mobiliser, pour les bâtiments neufs comme pour l’existant. Sur plus de 30 millions de logements existants, environ les deux tiers ne sont pas isolés car construits avant la première réglementation thermique. Il conviendra donc d’accélérer le rythme pour atteindre l’objectif annoncé de 1million/an de logements performants en matière d’énergie.

Ce colloque nous rappelle que, pour disposer de bâtiments performants et confortables, il ne faut pas oublier l’acoustique. Ce thème est déjà ancien, même davantage que la thermique puisque la première réglementation acoustique remonte à 1969, cinq ans avant la première réglementation thermique.

Dans les années 50 déjà, on se préoccupait de l’acoustique et cherchait à trouver le juste équilibre entre les aspirations au confort et à la sécurité et à la lutte contre les nuisances. Il convient de s’en protéger tout en dosant l’exigence de confort et de santé. De gros progrès ont été réalisés. Yves Laffoucrière a fait état de moins de 1% de problèmes acoustiques dans son parc. J’en ai été heureusement surpris.

Le CSTB a plus de 60 ans et travaille presque depuis l’origine sur les questions d’acoustique. Nous disposons de spécialistes des équations qui maîtrisent les phénomènes physiques. Des logiciels performants permettent désormais d’appréhender les performances acoustiques des bâtiments et des logements en particulier. En outre, des essais sont menés dans notre laboratoire de Champs-sur-Marne, dans lequel la plupart des produits industriels passent régulièrement.

Le CSTB a été et reste un appui solide des Pouvoirs publics pour la mise au point des réglementations successives et des exemples de solutions. Un guide a été édité en 2010, « Comment concilier efficacité énergétique et acoustique dans les bâtiments ?» : vous voyez que le sujet est d’actualité...

Je souhaite évoquer le rôle de la certification, qui représente la seule véritable possibilité de disposer d’un logement au minimum réglementaire sur le plan acoustique en France. Cela ne suffit pas, puisque l’on relève toujours 29% de non-conformités en première visite au sein de l’observatoire de QUALITEL. Les problèmes ont été identifiés : problèmes de façades, de bruits de chocs, d’équipement… Nous avons réalisé des progrès sur les produits, les problèmes acoustiques des chapes flottantes sont maitrisés, mais beaucoup de points restent à travailler. Ainsi, il est fondamental de continuer à mobiliser la filière vers une garantie de performance. L’attente du bâtiment ne vise pas une performance isolée sur la thermique ou l’acoustique d’un produit, mais un ensemble de performances globales qui garantissent à l’occupant de vivre et travailler dans des lieux où il fait bon vivre et où son bien-être est assuré, et ce dans la durée. Il est nécessaire de continuer à observer et enrichir les retours d’expérience, notamment sur l’acoustique.

Un triste constat a été porté en termes de nuisances acoustiques. Nous avons compris que l’acoustique n’est pas complètement objectif. Ainsi, on recourt à des psychologues pour comprendre la manière dont les gens vivent, leurs habitudes. Nous avons donc besoin d’un médiateur entre le technicien et l’occupant. Qui est le juge de paix ? J’espère que ce n’est pas le tribunal et que nous continuerons à progresser pour que les bâtiments soient de bon niveau.

Ce colloque nous rappelle que, pour disposer de bâtiments performants et confortables, il ne faut pas oublier l’acoustique.

Nous avons réalisé des progrès sur les produits, les problèmes acoustiques des chapes flottantes sont maitrisés, mais beaucoup de points restent à travailler.

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Malgré la volonté de respecter toutes les règles, il est toujours constaté un inconfort acoustique. Cela reste un vrai sujet, qui n’est pas subjectif. La réglementation existe, mais ne met en place que des garde-fous. Cela ne dispense pas le concepteur de faire son métier ; l’intelligence de conception est certainement sous-utilisée. Il est impératif d’aller au-delà des règles.

Nous allons apprendre à utiliser un nouvel outil : l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique. Cet aiguillon mobilisera tous les acteurs. Encore faudra-t-il un peu de temps pour qu’ils apprennent à bien l’utiliser. C’est d’abord une question de sensibilisation, pour prendre en compte le plus en amont possible les contraintes acoustiques. Il n’existe toutefois pas d’obstacle technique à concilier acoustique et autres contraintes.

Arrêtons-nous sur le terme « rénovation », qui constituera une priorité en matière d’énergie. Lorsque l’on remplace des équipements ou des fenêtres, l’acoustique est impactée. Il convient donc de faire preuve d’intelligence, dans le cadre d’une rénovation globale.

Nous disposons en France d’acteurs clés : de bons bureaux d’études, des industriels performants. Etre plus intelligent ne coûte pas plus cher et permettra même de faire des économies en termes de matériaux. Ainsi, la qualité n’est pas un surcoût. Les entreprises sont là pour mettre en œuvre et faire du mieux qu’elles peuvent. Ce dernier maillon de la chaîne de construction est essentiel et détermine parfois la qualité de l’ensemble. Le monde de l’entreprise est sensibilisé à cet enjeu de performance et de qualité, dans un contexte de plus en plus contraint.

Il faut travailler plus en amont, tout faire pour éviter les problèmes lors de la remise des clés du bâtiment à l’utilisateur. L’acoustique est un sujet compliqué, le simple respect des normes ne suffit pas. La réglementation acoustique reste trop découpée en tranche : on s’intéresse aux cinq composantes, sans s’intéresser au résultat global compte tenu de l’ensemble des contraintes. La question est morcelée, ce qui complique certainement le sujet.

Je fonde beaucoup d’espoir sur les nouveaux outils numériques. Les bâtiments sont des objets uniques et complexes. Nous savons représenter ces centaines de milliers d’éléments unitaires sur des bases normalisées, acceptées par les éditeurs de logiciels. Cela permet de représenter la complexité des objets du monde du bâtiment et de faire tourner des outils puissants tels que des logiciels multicritères pour pouvoir coupler l’ensemble des phénomènes. En effet, le confort auquel nous aspirons tous résulte à la fois de thermique, d’acoustique et d’autres éléments qui doivent être pris en compte de manière globale. Nous avons encore beaucoup de progrès à réaliser en matière d’approche globale. Au final, ce qui importe est le résultat mesuré.

Le parallèle avec la thermique est évident : les tests de perméabilité à l’air permettent de faire progresser la performance globale du bâtiment. Nous savons travailler globalement, il faut aller vers l’équivalent au niveau acoustique.

Pour conclure, l’acoustique reste une vraie attente. On sait faire, mais les résultats restent décevants. Malgré l’expérience accumulée, la marge de progrès est importante. Je souhaite que l’on insuffle plus d’intelligence dans la conception. L’acoustique doit trouver sa place, car elle reste le parent pauvre de la construction. L’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique arrive sans doute au bon moment.

Deux mots forts ont été prononcés : « tous ensemble ». Nous sommes tous dépendants les uns des autres, alors travaillons ensemble ! Et en cohérence, car il est vrai que le déséquilibre du triptyque réglementaire interpelle.

L’attente du bâtiment ne vise pas une performance isolée sur la thermique ou l’acoustique mais un ensemble de performances globales qui garantissent à l’occupant de bien vivre et travailler.

La réglementation existe, mais ne met en place que des garde-fous.

L’acoustique doit trouver sa place, car elle reste le parent pauvre de la construction. L’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique arrive au bon moment.

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cLÔtURe

Gérard LAURENTJ’espère que cette journée aura été utile pour tous ceux qui construisent, conçoivent et habitent en France. Elle ne réglera certainement pas tous les problèmes acoustiques, mais je suis certain qu’elle contribuera à une maturation des mentalités. La fondation Excellence SMA continuera, avec le même enthousiasme, à promouvoir les pratiques vertueuses. Je formule le vœu de nous retrouver l’an prochain sur un autre thème.

Avant de vous inviter à prendre le verre de l’amitié, je tiens à remercier l’ensemble des participants, les intervenants, sans oublier notre grand témoin et le Président du CSTB. Je remercie également Julien Beideler qui a animé ce débat avec brio et ponctualité.

Je remercie également chaleureusement les équipes de la SMABTP qui ont permis que cette journée soit réussie : Fabienne Tiercelin, Fatiha Bousebha, Guillaume Gautier, ainsi que tous les anonymes, dont on ne parle jamais.

D’ici à la fin de l’année, vous recevrez une note de synthèse des débats. Elle sera concise, de 6 à 8 pages. Et nous publierons les « Actes du colloque » sur notre site internet début 2013.

Je me permets également de vous rappeler que vous pouvez remplir des bulletins d’une enquête de satisfaction qui nous permettront de toujours nous améliorer.

Merci à tous.

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Assistance scientifique :

Guillaume Gautier, SOCABAT

Assistance et animation :

Julien Beideler, Le Moniteur

Document rédigé par :

Ubiqus (www.ubiqus.fr)

Révision :

Michel Levron, journaliste

Photos :

Philippe Couette

Maquette et mise en page :

Christophe Jacquemin, service communication SMABTP

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