La problèmatique salmonelles en filière porcine · tent plusieurs années dans des excréments...

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Vol. 24, N O 2 - 2001 Synthèse 25 Résumé Les salmonelles posent des problèmes de santé publique dans toutes les filières de pro- ductions animales avec pour conséquences indirectes des contraintes environnementales, réglementaires et commer- ciales. La complexité de la probléma- tique " salmonelles " repose sur certaines particularités de cette bactérie. Les sources de contamination tout au long de la filière porci- ne sont multiples et par voie de conséquence, les moyens de maîtrise complexes. Cependant, certains pays, à l’image du Danemark, dévelop- pe des plans de maîtrise de la contamination en salmonelles tout au long de la filière porc. Isabelle CORRÉGÉ La problèmatique salmonelles en filière porcine L es salmonelles constituent une préoccupation majeure dans la plupart des filières de production animale. Leur omniprésence dans le règne animal et dans l’environnement ainsi que leur pouvoir pathogène rendent la problématique “salmonelles” fort complexe. La préoccupation principale en matière de salmonelles est de l’ordre de la san- té publique : toxi-infections alimentaires chez l’homme et émergence de souches de salmonelles polyrésistantes. Les conséquences directes de ce risque de santé publique sont, pour la filière porc, réglementaire et commerciale. Notre filière doit aussi prendre en compte deux autres éléments en matière de salmonelles : la contamination de l’environnement et la pathologie animale. Particularités des salmonelles La complexité de la problématique “salmo- nelles” dans les filières animales réside dans certaines caractéristiques de ces bactéries. En premier lieu, toutes les espèces animales, domestiques ou sauvages, sont susceptibles d’héberger des salmonelles. Même s’il existe des différences dans la répartition des sérovars selon les espèces animales, à de très rares exceptions près, les différents sérovars de sal- monelles ne sont pas spécifiques d’une espè- ce animale donnée. En deuxième lieu, toutes les salmonelles sont potentiellement pathogènes et ceci pour la totalité des espèces animales et pour l’hom- me. Cependant, il existe des différences de pouvoir pathogène entre les différents séro- vars et souvent seulement quelques sérovars (sur les 2 000 existants) sont associés à une pathologie pour une espèce donnée ou un groupe d’espèce donné. Conséquence de ces deux particularités : les salmonelles sont universellement répandues (géographiquement et chez toutes les espèces animales). Ainsi, le portage sain de salmo- nelles au niveau du tube digestif peut être considéré comme fréquent même s’il est hasardeux de citer des prévalences précises en raison des variations de résultats selon les espèces, les régions, les plans d’échantillon- nage, les méthodes d’analyses... Une autre caractéristique des salmonelles est leur résistance importante dans le milieu exté- rieur. A titre d’exemple, les salmonelles résis- * Article ayant fait l’objet d’une présentation en congrès de AFMVP, décembre 2000.

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RésuméLes salmonelles posent des problèmes de santé publiquedans toutes les filières de pro-ductions animales avec pourconséquences indirectes descontraintes environnementales,réglementaires et commer-ciales.La complexité de la probléma-tique " salmonelles " repose surcertaines particularités de cettebactérie. Les sources de contaminationtout au long de la filière porci-ne sont multiples et par voie deconséquence, les moyens demaîtrise complexes. Cependant, certains pays, àl’image du Danemark, dévelop-pe des plans de maîtrise de lacontamination en salmonellestout au long de la filière porc.

Isabelle CORRÉGÉ

La problèmatiquesalmonellesen filièreporcine

Les salmonelles constituent une préoccupation majeure dans la plupart desfilières de production animale. Leur omniprésence dans le règne animal et

dans l’environnement ainsi que leur pouvoir pathogène rendent la problématique“salmonelles” fort complexe.

La préoccupation principale en matière de salmonelles est de l’ordre de la san-té publique : toxi-infections alimentaires chez l’homme et émergence de souchesde salmonelles polyrésistantes. Les conséquences directes de ce risque de santépublique sont, pour la filière porc, réglementaire et commerciale.

Notre filière doit aussi prendre en compte deux autres éléments en matière desalmonelles : la contamination de l’environnement et la pathologie animale.

Particularités des salmonelles

La complexité de la problématique “salmo-nelles” dans les filières animales réside danscertaines caractéristiques de ces bactéries.En premier lieu, toutes les espèces animales,domestiques ou sauvages, sont susceptiblesd’héberger des salmonelles. Même s’il existedes différences dans la répartition des sérovarsselon les espèces animales, à de très raresexceptions près, les différents sérovars de sal-monelles ne sont pas spécifiques d’une espè-ce animale donnée. En deuxième lieu, toutes les salmonelles sontpotentiellement pathogènes et ceci pour latotalité des espèces animales et pour l’hom-me. Cependant, il existe des différences de

pouvoir pathogène entre les différents séro-vars et souvent seulement quelques sérovars(sur les 2 000 existants) sont associés à unepathologie pour une espèce donnée ou ungroupe d’espèce donné. Conséquence de ces deux particularités : lessalmonelles sont universellement répandues(géographiquement et chez toutes les espècesanimales). Ainsi, le portage sain de salmo-nelles au niveau du tube digestif peut êtreconsidéré comme fréquent même s’il esthasardeux de citer des prévalences précises enraison des variations de résultats selon lesespèces, les régions, les plans d’échantillon-nage, les méthodes d’analyses...Une autre caractéristique des salmonelles estleur résistance importante dans le milieu exté-rieur. A titre d’exemple, les salmonelles résis-

* Article ayant fait l’objet d’une présentation en congrès de AFMVP, décembre 2000.

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tent plusieurs années dans desexcréments desséchés, un an dansle sol et 120 jours dans l’eau dou-ce. Ainsi, même si les salmonellessont reconnues comme hôte pré-férentiel du tube digestif, elles peu-vent être considérées comme ungerme ubiquiste très présent dansl’environnement. La colonisation d’un organismepar les salmonelles se fait par voiedigestive. La contamination del’homme ne peut se faire que parvoie orale. Compte tenu de soncomportement, le porc peut secontaminer par de multiplessources. La dernière particularité des sal-monelles qu’il convient d’évoquerici est leur capacité de résistanceaux antibiotiques, amplifiée par latransmission de résistance par desplasmides d’Escherichia coli. Laconséquence est l’émergence desouches polyrésistantes aux anti-biotiques.

La problématiquesalmonelles en filière porcine

Santé publique

La salmonellose est la premièrecause de toxi-infection alimentai-re dans tous les pays industrialisés.En France, le nombre de cas décla-rés de toxi-infections alimentairesest d’environ 10 000. Les salmo-nelles sont à l’origine d’environ75 % des intoxications dont lescauses ont pu être identifiées.Cependant, ce chiffre, déjà pré-occupant, n’est en fait qu’unesous-évaluation du nombre de casréels. En effet, les symptômesd’une salmonellose sont d’intensi-té très variable et parfois trèsfrustres. Les investigations permet-tant de révéler les cas ont lieu soitpour des cas graves, soit lorsqu’ilstouchent la restauration collective.Fort heureusement, la salmonello-se humaine est souvent bénigne,

se caractérisant par une gastro-entérite avec hyperthermie etdéshydratation. La mortalité estfaible (0,1 %) et touche principa-lement des personnes immunodé-primées. Les aliments les plus souvent incri-minés sont par ordre décroissantles viandes de volaille, les ovopro-duits, les produits de charcuterie,puis les viandes et produits carnés. La deuxième grande préoccupa-tion en santé publique est l’émer-gence de souches de salmonellespolyrésistantes aux antibiotiquesen particulier Salmonella typhimu-rium DT 104. Les pays les plus pré-occupés par ce phénomène sontl’Angleterre, les États-Unis etl’Allemagne. En 1998, 13 % descas humains de Salmonella typhi-murium dans l’Union Européenneprésentaient des multirésistances.Au Danemark, un plan de contrô-le a révélé l’existence de tellessouches à la fois sur des viandesprovenant de leur pays mais aussisur des viandes importées (677contrôles en 1999 ont révélé laprésence de 1,2 % de salmonellesDT 104). Ces souches multirésis-tantes compromettent l’efficacitédes traitements antibiotiques lorsde salmonellose humaine. Deplus, les sujets déjà traités par anti-biothérapie s’avèrent particulière-ment sensibles à la colonisationbactérienne par des souches mul-tirésistantes.

Réglementation

La conséquence directe de cerisque de santé publique est l’exis-tence d’une réglementation enmatière de salmonelles sur les den-rées alimentaires. En France, pourles viandes fraîches, l’arrêté minis-tériel du 21 décembre 1979 exigel’absence de salmonelles dans 25 gsur les produits destinés à laconsommation humaine. En casde présence, le produit est retiréde la consommation. Une telle

réglementation nécessite uncontrôle régulier des produits parles industriels, ce qui conduit à descoûts d’analyse relativement éle-vés. Par ailleurs, les différentesétudes menées en France commeà l’étranger et les résultats obtenussoit par les industriels soit par lesservices vétérinaires montrent quel’absence de salmonelles sur lesproduits frais ne peut être totale-ment garantie. En effet, selon lesméthodes de prélèvements etd’analyses, les pourcentages desproduits concernés par la présen-ce de salmonelles peuvent varierde 1 à 10 % environ. Ceci risquede poser des problèmes de res-ponsabilité des producteurs,industriels et pouvoirs publics dansle cas de toxi-infections alimen-taires.Au niveau de l’élevage de porcs,en France, la salmonellose porcinea été une zoonose à déclarationobligatoire, jusqu’à 1998. Danscertains pays européens, commela Suède, tout isolement de sal-monelles est à déclaration obliga-toire. De plus, le projet de directiveeuropéenne zoonose qui seraapplicable à partir de 2005 pré-voit un contrôle des sérotypes desalmonelles présentant un risquepour la santé publique en élevagede sélection et de multiplication. Par ailleurs, étant donné les consé-quences en santé publique deSalmonella typhimurium DT 104, ilest fort probable qu’une régle-mentation européenne sur ce sujetvoit prochainement le jour.

Enjeux commerciaux

Les conséquences commercialesdes salmonelles ne sont pas ànégliger. Tout d’abord au niveaud’une entreprise, d’un produit oumême d’une filière, les retombéesmédiatiques d’une intoxication ali-mentaire peuvent être drama-tiques. Même si en matière de sal-

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La salmonellosehumaine est

souvent bénigne, se caractérisant parune gastro-entériteavec hyperthermie et déshydratation.

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monelles nous n’avons pasd’exemple récent en France, lesexemples en matière de Listeriadoivent nous faire réfléchir.Au niveau du commerce interna-tional des produits carnés, la pro-blématique “salmonelles” est déjàprésente. Les réglementationsdrastiques de certains pays, lemeilleur exemple étant la Suède,deviennent une entrave auxéchanges commerciaux. De même, les plans de lutte ou lesgaranties développés par certainspays comme la Suède, leDanemark et l’Allemagne devien-nent des arguments commerciauxforts qui ne facilitent pas nosexportations de viande de porc.

Environnement

Le problème de la contaminationdes déjections animales, des rejetsd’abattoir ou même des stationsd’épuration des villes par les sal-monelles commencent à être misen avant. Elles entraîneraient unecontamination secondaire deseaux de rivières, des nappesphréatiques, de l’eau de mer etmême des matières premières del’alimentation animale, d’où desrisques de contamination humainesecondaire et de contaminationinter espèce des animaux d’éle-vages. Aujourd’hui, peu de don-nées existent sur ce sujet, mais l’in-tensification des contrôles entraîneune augmentation des isolementsde salmonelles et ce point serasans doute l’un des principauxsujets de préoccupation dans lesannées à venir. Plus concrètement, le problèmede la contamination des bovinssuite à l’épandage sur pâture delisier de porc contaminé a étérécemment soulevé, en particulieren Bretagne. Même s’il est très dif-ficile de quantifier ce risque (carac-térisation de la contamination deslisiers, des pâtures, origine réelled’une contamination de l’herbe,

dose infectante nécessaire et suffi-sante ?), les lourdes répercutionsdes salmonelles en filière bovine(salmonellose clinique et com-mercialisation du lait) ont conduità certaines préconisations pourlimiter ce risque : stockage du lisiersans apport, injection dans la pâtu-re, et délai épandage-pâturage de21 jours minimum.

Santé animale

La salmonellose clinique chez leporc en France est une maladierelativement rare, bien qu’elle soitpeut-être sous-estimée. Elle s’ex-prime essentiellement en post-sevrage et en engraissement avecdes diarrhées associées à de l’hy-perthermie. La mortalité est engénéral faible et les traitements anti-biotiques efficaces. La forme chro-nique avec sténose* rectale estassez caractéristique. Dans la plu-part des cas, Salmonella typhimu-rium est la souche qui est isolée (lediagnostic est réalisé par isolementdirect sur contenu digestif).D’autres formes cliniques ont étédécrites, en particulier des formesgénitales avec avortement en fin degestation et mortinatalité mais lediagnostic n’est en général pas faitsur le terrain.

A noter l’existence de Salmonellacholeraesuis présent en Amérique

du Nord et en Grande-Bretagne, àl’origine de formes septicémiquesavec morts brutales.

Origines des contaminations parles salmonelles dansla filière porcAu niveau de l’élevage

L’écologie et l’omniprésence dessalmonelles rendent leurs voiespotentielles d’entrée dans un éle-vage multiples. Ces voies sontprésentées sur le schéma 1. Lesdifférentes études menées sur lessalmonelles n’ont jusqu’à présentpas permis de privilégier réelle-ment l’une ou l’autre de ces voieset a priori aucune ne peut êtreexclue comme point de départd’une contamination. A côté deces voies d’entrée initiales, deséléments de conduite d’élevagesont susceptibles d’influer sur leniveau de contamination ou lemaintien de la contaminationdans un élevage. Ces principauxéléments sont l’hygiène des mani-pulations et des locaux, la condui-te en bande, le respect desnormes d’élevage.Ce schéma épidémiologique lais-se à penser qu’il est illusoire d’es-pérer garder dans le temps un sta-tut indemne de salmonelles dansdes élevages de production.

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Sortie de porcs

reproducteurs,porceletsautres espèces :bovins, volailles

rongeurs, oiseaux,insectes

Véhicules

Matériel

Lisier

Nuisibles

animaux sauvagesChiens, chats

Homme

Aliment

Eau

Air Animauxd'élevage

Les plans de lutte ou les garanties développés par certains pays commela Suède, le Danemarket l’Allemagnedeviennent des arguments commerciaux forts.

L’écologie et l’omniprésence des salmonelles rendent leurs voiespotentielles d’entréedans un élevage multiples.

*sténose : rétrécissement

Shèma 1 : Voies d’entrée dans un élevage

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A l’abattoir

Le schéma suivant résume lesvoies de contamination des car-casses par les salmonelles. Denombreuses études ont montrél’importance des phases de trans-port et d’attente des animaux(mise à jeun, limitation des stress,propreté des camions et deslocaux), des phases d’éviscérationet de l’hygiène en général sur lacontamination finale des carcasses.Cependant, le respect des diffé-rentes bonnes pratiques en lamatière, même s’il permet dediminuer très fortement le niveaude contamination, ne le réduit pasà néant.

Maîtrise de la conta-mination des salmo-nelles dans la filièreporcine

Principes généraux

Ils apparaît donc qu’une éradica-tion à long terme des salmonelles,à l’échelle d’un élevage ou d’ungroupe d’animaux, est illusoire,sauf, peut-être pour des souchesde salmonelles très spécifiquestelles que Salmonella typhimuriumDT 104. Cependant, le maintienou l’abaissement du niveau decontamination à un seuil accep-table est envisageable et bien sûrsouhaitable.

Mais, pour cela, deux préalablessont indispensables : • Déterminer le ou les point(s) cri-

tique(s) et les mesures préven-tives associées qui permettent delimiter la contamination par lessalmonelles en élevage, commeà l’abattoir.

• Avoir à disposition des méthodesd’analyse permettant de carac-tériser précisément le statut sal-monelles d’un élevage ou d’unanimal et de la viande de porc.

Les méthodes d’analyse aujour-d’hui disponibles sont la bactério-logie et la sérologie.

En ce qui concerne les animaux, labactériologie sur fécès, avec pha-se de pré-enrichissement et d’en-richissement, permet théorique-ment de caractériser le statutexcréteur d’un animal ou d’ungroupe d’animaux. Cependant,lors de portage sain, l’excrétion desalmonelles est intermittente etfaible. Le résultat d’une analyse nerenseigne donc pas nécessaire-ment sur le statut réel d’un animal,à l’échelle d’un élevage ou d’ungroupe d’animaux. La réalisationde pools de fécès de plusieurs ani-maux ou de chiffonnages dans

l’environnement de l’élevage per-met en partie de pallier cet incon-vénient. Cependant, l’informationobtenue par ces méthodes est tou-jours parcellaire et le risque d’ob-tenir des faux négatifs est nonnégligeable. Lorsqu’il s’agit d’analyser des pro-duits tels que de l’eau, du lisier, del’aliment, le faible nombre de sal-monelles présentes pose toujoursle problème du plan d’échantillon-nage pour une caractérisation laplus proche possible de la réalité.En ce qui concerne les carcasses etla viande de porc, le site de prélè-vement, la nature, la surface et lamasse du prélèvement vont condi-tionner directement le résultat. Le plan d’échantillonnage et letype de prélèvement vont doncinfluencer considérablement lesrésultats d’un plan de contrôle,d’où les grandes différences obte-nues selon les études ou les pays.La sérologie mise au point auDanemark puis en France peutalors apparaître comme une alter-native intéressante. Cependant,l’interprétation d’un résultat séro-logique n’est pas si simple. En effet,un animal séropositif (voire untroupeau) n’est plus forcémentporteur de salmonelles, ni à for-tiori excréteur. Ceci est d’autantplus vrai que la persistance desanticorps semble relativementlongue après contact (18 moischez les bovins). Ainsi, des sérolo-gies régulièrement répétées peu-vent renseigner sur la dynamiqued’infection d’un troupeau mais enaucun cas ne renseigne sur le sta-tut porteur ou excréteur des ani-maux à leur départ à l’abattoir.

Plan de lutte salmonelles

Danemark

Le plan de lutte danois contre lessalmonelles mérite d’être détaillé,étant donné son envergure et le

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Animaux vivantsportage cutané et/ou digestif

Chargement - Transport Stabulation

excrétion : réduire le stress, mise à jeuncontaminations croisées : nettoyage-

désinfection des camions et stabulations

Préparation externe des carcasseséchaudage, flambage : nettoyage cutané

contaminations croisées : nettoyage-désinfection de la chaîne d'abattage

Ablation rosette - Eviscérationcontaminations du reste de la carcasse ;

intercontaminations entre carcasses :maîtrise du process, nettoyage-désinfection,

mise à jeun

Réfrigération

contaminations croisées ; nettoyage-désinfection

Découpecontamination initiale des carcasses

contaminations croisées en découpe :maîtrise de process, nettoyage-désinfection

Schéma 2 : Voies de contamination en salmonelles à l’abattoir

Le respect des différentes bonnes

pratiques, même s’ilpermet de diminuer

très fortement le niveau de

contamination, ne leréduit pas à néant.

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rôle précurseur qu’il a eu. Il adébuté en 1993 par une enquêteépidémiologique réalisée dans les1 500 plus gros élevages et les 150plus petits par prélèvement ducontenu cæcal de 10 animaux.22 % des élevages se sont révéléspositifs en salmonelles avec unegrande diversité de sérotypes(30 sérotypes isolés, 65 % deSalmonella typhimurium). En parallèle, la mise au pointd’une sérologie Elisa sur sérumpuis sur jus de viande a permisd’étendre le contrôle à la totalitédes élevages. Ce test permet ladétection de 95 % des sérotypesde salmonelles trouvés chez lesporcs danois.

Le plan de contrôle est mis en pla-ce à quatre niveaux :

a) Contrôle de l’alimentLes usines doivent maîtriser le tauxde contamination en salmonellespar un chauffage à 81°C. Elles sontcontrôlées quatre fois par an auminimum, par des prélèvementsde 50 g de matière première etd’aliments finis, ainsi que par desprélèvements d’environnement.Les résultats d’analyses de toutesles usines d’aliment sont publiéschaque mois. En 1995, sur 2 000échantillons testés, 0,5 % étaitpositif en salmonelles, mais aucunen Salmonella typhimurium.

b) Contrôle des élevages de sélec-tion et de multiplication Depuis décembre 1993, uncontrôle sérologique mensuel sur20 animaux de 4 à 6 mois d’âgeest réalisé chez les sélectionneurset les multiplicateurs. Un indexsalmonelles est calculé pourchaque élevage à partir des résul-tats des trois derniers mois(moyenne pondérée : le derniermois compte pour 60 % du total,les deux mois précédents comp-tent respectivement pour 30 % et10 % du total). En 1997, plus de

85 % des sélectionneurs et desmultiplicateurs n’avaient aucunanimal séropositif.Si le taux de séropositifs est éle-vé (c’est-à-dire un index de 15ou plus), une confirmation estétablie par des analyses bactério-logiques à partir de prélèvementsde fécès sur futurs reproducteurs,d’abord analysés par mélange(par lot, case, salle...), puis indi-viduellement. Dans l’attente decette confirmation bactériolo-gique et, éventuellement, de l’as-sainissement du troupeau, toutediffusion d’animaux est interdite.En 1995, 31 interruptions de dif-fusions ont été imposées dans 26élevages différents (pendant 1 à 3mois).

c) Contrôle des élevages de pro-ductionDepuis 1995, les sérologies sur jusde viande à l’abattoir concernentles élevages livrant plus de 100porcs charcutiers par an. Selon laproduction annuelle de l’élevage,4 à 60 contrôles sont réalisés partrimestre. Sur environ 20 millionsde porcs abattus annuellement auDanemark, 800 000 échantillonsde jus de viande sont analysés.

Les troupeaux sont ensuite classésen trois niveaux selon la prévalen-ce de séropositifs : • Niveau 1 = pas ou très peu de

séropositifs• Niveau 2 = proportion signifi-

cative de séropositifs• Niveau 3 = proportion élevée.

La proportion d’animaux séropo-sitifs permettant de déterminer leniveau dépend de la taille du trou-peau. Plus le nombre de porcsproduits par an est élevé, plus lepourcentage de séropositifs doitêtre faible.

Aucune mesure corrective n’estappliquée pour les élevages deniveau 1. Pour les élevages de

niveau 2 et 3, un plan de contrô-le spécifique est défini conjointe-ment par le vétérinaire de l’éleva-ge et un conseiller. Si ce plan n’estpas mis en place par l’éleveur, uneamende de 20 F/porc est appli-quée.Trois mois plus tard, l’éleveur, levétérinaire et le conseiller seréunissent à nouveau afin de véri-fier que les mesures du plan decontrôle ont été mises en œuvre.Dans le cas contraire, une amen-de de 20 F est de nouveau appli-quée.

Les principaux conseils prodiguésdans un plan de lutte sont les sui-vants :• Conduite en bandes• Conduite en tout plein/tout vide• Nettoyage-désinfection entre

bandes• Achats d’animaux dans des éle-

vages contrôlés vis-à-vis des sal-monelles

• Éviter la dissémination des fécèsentre cases

• Limiter toute pathologie digesti-ve en fin d’engraissement.

Les élevages naisseurs fournissantdes porcelets à des engraisseurs de niveau 2 ou 3 sont eux aussicontrôlés par prélèvement defécès. d) Contrôle en abattoirPour les élevages de niveau 3 (150à 170 élevages par mois en 1999),

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Depuis 1995, les sérologies sur jusde viande à l’abattoirconcernent les éle-vages livrant plus de100 porcs charcutierspar an. Selon la production annuellede l’élevage, 4 à 60 contrôles sont réalisés par trimestre.

Nettoyage- désinfectionentre bandes

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des mesures sont prises à l’abat-toir afin d’éviter la contaminationdes carcasses. Les animaux issusde ces élevages sont abattus surdes lignes d’abattage spéciales ouen fin de journée. Le temps d’at-tente à l’abattoir est limité, lesabats sont traités thermiquement,les têtes ne sont pas fendues, larosette est mise dans un sac plas-tique dès son ablation. De plus, uncontrôle des carcasses est réalisé(20 contrôles microbiologiques parchiffonnage d’une surface définiede 1 400 cm2). Si plus de 25 % descarcasses sont contrôlées positives,la viande n’est pas vendue en vian-de fraîche mais est traitée thermi-quement ou bien orientée ensalaison.La mise à jeun est égalementcontrôlée : depuis fin 1993, unepénalité de 8,50 francs par porcest imputée à tout lot dont plus de30 % des animaux ne sont pas àjeun. Depuis octobre 1999, les porcscharcutiers issus d’élevages deniveau 3 se voient imposer despénalités sur leur valeur d’abatta-ge, proportionnelles au tempsdepuis lequel l’élevage est passéau niveau 3 (3 mois : déductionde 3 % ; 4 à 6 mois : déduction de6 % ; 7 mois et plus : déduction de9 %).

La prévalence de salmonelles dansla viande est contrôlée par l’ana-lyse mensuelle d’environ 2 250échantillons de viande fraîche etd’abats. Le nombre d’échantillonsréalisé est déterminé selon lenombre de porcs abattus.

Depuis la mise en œuvre du pro-gramme, le nombre d’élevages deniveau 1 a augmenté. Fin 1999,les pourcentages des élevages deniveau 1, 2 et 3 atteignaient res-pectivement 96,9 %, 2,4 % et0,7 % (contre 95 %, 3,5 % et 1,5 %en 1995).

La grande majorité des élevages(75 %) sont restés au niveau 1depuis 1995. Les 25 % restant serépartissent comme suit :• 75 % ont reçu 1 ou 2 pro-

grammes de contrôle des sal-monelles,

• 14 % ont reçu 4 programmes decontrôle,

• 20 élevages ont reçu 8 pro-grammes de contrôle.

En 1999, la proportion de viandefraîche de porc positive en salmo-nelles varie de 0,5 % à 1,6 %, avecune moyenne de 1 % contre 1,1 %en 1998. Les échantillons d'abatspositifs en salmonelles varientquant à eux de 2 % à 3,7 %, avecune moyenne de 2,9 %. Cettediminution est due à l’améliora-tion des précautions hygiéniquesprises en abattoir.

e) Salmonella typhimurium DT104 multirésistante aux antibio-tiquesEn novembre 1996, la premièreSalmonella typhimurium DT 104est isolée au Danemark. En 1997,un plan d’éradication pour lesquinze premiers élevages infectéspar DT 104 est mené. 11 ont subile programme d’éradication, lesquatre autres étant de petitesstructures, ont décidé d’arrêterleur production.

Depuis octobre 1997, toute détec-tion de cette bactérie doit êtredéclarée et le plan d’éradicationsuivant est mis en place : • Abattage sur le lieu de l’élevage

de tout le cheptel, ainsi que desvolailles, pigeons et chats pré-sents sur l’exploitation. Les porcsde plus de 65 kg sont transpor-tés et abattus avec d’importantesprécautions hygiéniques et lescarcasses sont traitées thermi-quement.

• Trois prélèvements individuelsde fécès sont effectués pour lesautres espèces présentes sur lesite contaminé (chiens, che-vaux...), sur une période de troissemaines.

• Un nettoyage-désinfection com-plet de tout l’élevage est réalisépar l’éleveur puis par une socié-té de désinfection.

• Les effluents d’élevage sontépandus sur les champs demaïs et après la récolte, à unedistance de sécurité des prai-ries. Autour de l’exploitation,les 5 à 10 premiers centimètressont retirés et remplacés avecun nouveau sol ou des gravierspropres.

• Lorsque la désinfection a étévalidée par un contrôle micro-biologique, de nouveaux ani-maux sont introduits. Ces ani-maux sont contrôlés parexamens bactériologiques defécès (par lot, par case...) pen-dant les six premiers mois.

Le coût du programme deréduction des salmonelles auDanemark représente 7 à 8francs par porc produit. Il estfinancé pour 20 % par le gou-vernement, et le reste par la filiè-re et par les pénalités appliquéesaux éleveurs.

Le programme d’éradiction deSalmonella typhimurium DT 104,financé par la filière, représente 30à 40 millions de francs par an.

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Les résultats annoncéspar les différents paysdoivent être analysésavec prudence étantdonné l’importance

des méthodes de prélèvement et

d’analyse sur le résultat.

Page 7: La problèmatique salmonelles en filière porcine · tent plusieurs années dans des excréments desséchés, un an dans le sol et 120 jours dans l’eau dou-ce. Ainsi, même si les

Les principaux autres pays mettant en œuvre des plans de contrôle sont présentés ci-dessous :

D’autres pays réfléchissent très sérieusement à la mise en place d’un plan Salmonelles : il s’agit du Canada,de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas.

Vol. 24, NO2 - 2001Synthèse 31

Pays

Suède• Depuis 1961• Plan obligatoire

Norvège • Depuis 1995• Plan obligatoire

Allemagne• Depuis 1998• Volontariat ; obligatoire à

partir de 2001

France • Depuis 1995• Volontariat

Élevage

• Sélection, multiplication,production

• Prélèvement de fécès etenvironnement une àdeux fois par an

• Si positif : arrêt diffusionde reproducteurs etmesures de conduited’élevages

• Sélection, multiplication :pool de fécès une fois par an

• Production : nœuds lym-phatiques à l’abattoir

• Sérologie sur jus de vian-de à l’abattoir ; 2 contrôlespar an et par élevage

• Classification des élevagesen trois niveaux comme auDanemark

Abattoir

• Prélèvements réguliersdans les douze principauxabattoirs

• Chiffonnage carcasse etprélèvements nœuds lym-phatiques

• Pièces de découpe : 25 gde viande

• Chiffonnage carcasses• Viande fraîche 25 g

• Pas de données

• Carcasses et découpes deporc : 25 cm2 de surface

• Centralisation des résultatspar l’ITP

Résultats

• En élevage, moins de 0,1 %des porcs positifs

• Carcasses :< 0,01 % de positif

• Sélection-multiplication :< 0,6 % de positif

• Production :< 0,5 % de positif

• Carcasses : pas de positif• Viande fraîche :

< 0,05 % de positif

• Pas de données

Contact :[email protected]

Conclusion

Les résultats annoncés par les dif-férents pays doivent être analysésavec prudence étant donnée l’im-portance des méthodes de prélè-vement et d’analyse sur le résultat.

Cependant, les moyens mis enoeuvre par certains pays pour lut-

ter contre les salmonelles doiventnous inciter à réfléchir. En effet,les Danois ont développé desefforts considérables de commu-nication sur le sujet, en s’appro-priant la plupart des communica-tions scientifiques en matière desalmonelles en filière porcine. Lesenjeux commerciaux qui endécoulent sont considérables.

Ceci, associé aux évolutionsréglementaires à venir, devraitconduire les différents pays euro-péens, dont la France, à mettreen place un plan de surveillancedes salmonelles en élevage, com-plétant les mesures déjà enœuvre aux stades de l’abattoir,de la découpe et de la transfor-mation. ■