La prière de l'apôtre Paul (NH I,1). Introduction, édition critique ...
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DAVID JOUBERT-LECLERC
LA PRIERE DE L'APOTRE PA UL (NH I, 1) Introduction, édition critique, traduction et commentaire
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en sciences des religions pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)
FACULTÉ DE THEOLOGIE ET DE SCIENCES DES RELIGIONS UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2012
David Joubert-LeClerc. 2012
Résumé
La Prière de l'apôtre Paul (NH I, 1) est une courte prière de requête inscrite sur la page de
garde de l'un des treize codices découverts au milieu du XXe siècle près de Nag Hammadi,
en Egypte. Comme pour la plupart des textes qui composent le corpus de Nag Hammadi,
l'auteur, la date de composition originale et le parcours rédactionel de ce document sont
difficiles, voire impossibles à déterminer de manière précise. Dans l'introduction, le
mémoire situe la Prière de l'apôtre Paul dans son contexte matériel, historique, littéraire et
doctrinal. Il en donne par la suite une édition critique et une traduction française, lesquelles
contiennent quelques nouvelles restitutions et lectures qui améliorent notre compréhension
du texte. Il fournit ensuite un commentaire, afin d'éclaircir certaines questions
philologiques ou doctrinales. Un index des termes coptes et gréco-coptes y est également
inclus.
Remerciements
Il me revient ici la tâche bien ardue de remercier toutes celles et ceux sans qui le présent
ouvrage n'aurait jamais pu voir le jour. Tâche ardue, parce que je dois reconnaissance à
plus de gens que je ne puis citer en ces lignes ; en cela, je ne peux que remercier d'abord et
avant tout ma bonne étoile d'avoir mis sur mon chemin autant de visages qui devinrent
tantôt savants et prodigues mentors, tantôt fidèles amis. Tâche ardue également puisque,
pour reprendre la formule d'Apulée, je m'en acquitte de manière bien insuffisante, mais
dans la mesure de mes moyens ; en cela, je ne peux qu'espérer que chacun saura percevoir
à travers ces mots la réelle étendue de ma gratitude envers eux.
Mes remerciements vont en premier lieu à mon directeur de recherche, monsieur Louis
Painchaud, dont l'érudition et le soutien indéfectible firent un capitaine averti tandis que je
traversais les mers houleuses de la maîtrise sous sa gouverne. Sans compter, il donna temps
et conseils ; cette collaboration dépassa toute mes attentes et fut des plus appréciées.
Je tiens aussi à remercier tous les « gnostiques » de l'Université Laval, qui m'ont initié aux
mystères des études supérieures et de la recherche : mes uvoTaycoyoi monsieur Wolf-Peter
Funk, monsieur Paul-Hubert Poirier et madame Anne Pasquier, ainsi que mes condisciples
Eric Crégheur, Julio Cesar Dias Chaves et Steve Johnston. Leur concours, leur passion et
leur rigueur furent exemplaires. Je remercie également tous les professeurs et étudiants de
l'Institut d'études anciennes de l'Université Laval, qui furent pour moi une seconde famille
au cours de ces dernières années.
Sur une note plus personnelle, je souhaite exprimer toute ma gratitude à mes parents, Alain
LeClerc et Marie Joubert, pour leur appui inconditionel et inébranlable. Ils auront toujours
su, au long de mon parcours académique, me ramener à l'essentiel, me rappeler « d'où je
viens, où je vais et qui je suis ». Cet ouvrage leur est dédié.
Na kraju, ja ne bih mogo precutati da je ona bila moj izvor snage et moje nadahnuce od
pocetka ovog projekta, ona je bila moj oslonac u teskim trenucima ali i saucesnik u sretnim
danima. Ovaj projekat ne bih priveo kraju da nisam bio s njom. Vanja, hvala ti za sve,
hvala ti.
« The key to the treasure is the treasure » - John Barth
« NTàK. ne TTàe^O OYHN NH! » - Prière de l'apôtre Paul
Table des matières
Résumé iii
Remerciements v
Introduction 1 1. Les codices de Nag Hammadi 1
1.1 La découverte 1 1.2 Nature de la collection 2 1.3 Provenance et datation 4 1.4 Contenu 6
1.4.1 Des textes inconnus par ailleurs 6 1.4.2 Des traductions coptes d'originaux grecs 7 1.4.3 Diversité doctrinale et littéraire 9 1.4.5 Une collection gnostique ? 10
2. Le codex 1 13 2.1 Histoire du codex 14 2.2 Description codicologique 14 2.3 Les scribes 16 2.4 Contenu 18 2.5 Langue 19
3. La Prière de l'apôtre Paul (NH I, 1) 20 3.1 État matériel 20 3.2 Place dans le codex 22 3.3 Langue 23 3.4 Histoire de la recherche 24
3.4.1 Éditions antérieures 24 3.4.2 Traductions antérieures 28 3.4.3 Littérature secondaire 29
3.5 Titre 30 3.6 Contenu 33 3.7 Genre et structure du texte 34
3.7.1 Genre littéraire 34 3.7.2 Structure littéraire 38
3.8 Doctrine 49
Texte et traduction 53
Commentaire 61
Index des termes gréco-coptes 99 Index des noms propres 100 Index des termes coptes autochtones 100
Ouvrages cités 103
Introduction
1. Les codices de Nag Hammadi
1.1 La découverte
Selon le récit canonique, c'est en décembre 1945, alors qu'il était à la recherche d'engrais
naturel avec un groupe de villageois près du Gebel el-Târif, à environ dix kilomètres au
nord-est de la ville de Nag Hammadi, que Muhammad Ali al-Jamll fit la découverte d'une
jarre en poterie enfouie au pied de la falaise1. Il brisa la jarre et y trouva, selon son
témoignage, treize codices, qu'il ramena tous chez lui et tenta de revendre à son entourage
immédiat. Progressivement, la collection en vint à se fragmenter et à circuler en divers lots
indépendants.
Les codices et feuilles volantes finirent par tous transiter par le Caire. Le codex III fut
présenté au médecin et coptologue George Sobhy, qui le fit parvenir à son tour au curateur
du Musée Copte du Caire de l'époque, Togo Mina. Ce dernier en fit l'acquisition en 1946.
Une bonne partie du codex I fut achetée par l'Institut Jung à Zurich, et par conséquent
sortit du territoire égyptien . Phocion Tano, antiquaire chypriote au Caire, acquit les
codices II, IV à IX, XI et des sections des codices I, X, XII et XIII en plusieurs lots, puis
les présenta au Musée Copte du Caire par l'intermédiaire de Marika Dattari en 1949. Les
chercheurs eurent accès à ces codices dès 1952, alors que le Musée Copte tentait encore de
réunir les fonds nécessaires à l'achat des documents, mais la révolution égyptienne qui
débuta un peu plus tard la même année en entrava l'étude. Les codices ne furent
officiellement acquis qu'en 1956, déclarés propriété nationale par le nouveau Département
d'Antiquité égyptien. Ainsi, près de dix ans après leur découverte au Gebel el-Târif, les
' Pour une description plus détaillée des événements entourant la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi et des nombreuses transactions ayant mené à son acquisition graduelle par le Musée copte du Caire, voir Jean Doresse, Les livres secrets des gnosliques d'Egypte. Introduction aux écrits gnostiques coptes découverts à Khénoboskion, Paris, Librairie Pion, 1958, 133-159 ; James M. Robinson, « From the Cliff to Cairo : The Story of the Discoverers and the Middlemen of the Nag Hammadi Codices », Colloque international sur les textes de Nag Hammadi (Québec, 22-25 août 1978), Bernard Bare éd., Québec/Louvain, Presses de l'Université Laval/Peeters, 21-58, «The Discovery of the Nag Hammadi Codices», Biblical Archaeologist 42 (1979), 206-224 et The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Introduction, Leiden, Brill, 1984. Le bref sommaire qui suit se base essentiellement sur Robinson, « From the Cliff to Cairo... ».
Le parcours du codex I sera traité plus en détail à la p. 14.
textes de Nag Hammadi étaient tous réunis au Caire, hormis la portion du codex I encore à
Zurich.
1.2 Nature de la collection
La bibliothèque de Nag Hammadi contient 54 textes, dont cinq doublets3, contenus dans
douze codices, plus un treizième — qui est en fait constitué de huit folios retrouvés insérés
dans le codex VI mais qui auraient originalement appartenu à un autre codex — pour un
total d'un peu moins de 1200 pages inscrites à nous être parvenues4. Tous ces textes sont
rédigés en copte, la langue de l'Egypte de l'Antiquité tardive. Plusieurs d'entre eux
révèlent des affinités avec le gnosticisme, un ensemble de courants religieux plus ou moins
liés qui s'est développé au courant des premiers siècles de notre ère et qui se démarque
généralement par une remise en question de l'identification du dieu de la Genèse en tant
que divinité suprême véritable ainsi que par des spéculations sur la nature de l'âme
humaine et sa place dans l'univers5.
Le contexte d'utilisation d'une telle collection reste à ce jour une question débattue ;
certains ont émis l'hypothèse que le corpus avait été assemblé et utilisé par une secte
3 On retrouve en effet trois témoins de V Apocryphon de Jean (NH 11,1, 111,1 et IV,1), deux de Y Évangile de vérité (NH 1,3 et XII.2), deux de l'Écrit sans titre (NH 11,5 et XIII,2), deux d'Eugnoste (NH 111,3 et V,l), et deux du Livre sacré du Grand Esprit invisible (NH 111,2 et IV,2). 4 Paul-Hubert Poirier, « La bibliothèque copte de Nag Hammadi : sa nature et son importance », Sciences religieuses /Studies in Religion 15 (1986), 306-307. 5 Parmi ces courants, on relève entre autres le valentinisme, dont les origines remonteraient à Valentin, un théologien chrétien du milieu du IIe siècle de notre ère, et le séthianisme, un mouvement mal connu sur le plan historique mais dont témoignent plusieurs textes qui partagent une cosmologie et une cosmogonie communes et selon lesquels seuls les descendants de Seth, le fils d'Adam et Eve, sont éligibles au salut. Pour plus de détails sur le valentinisme, voir Einar Thomassen, The Spiritual Seed: The Church of the "Valentinians", Leiden/Boston, Brill, 2006; Ismo Dunderberg, Beyond Gnosticism : Myth, Lifestyle, and Society in the School of Valentinus, New York, Columbia UP, 2008 ; à propos des textes valentiniens du corpus de Nag Hammadi, voir également Einar Thomassen, « Notes pour la définition d'un corpus valentinien à Nag Hammadi », Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Louis Painchaud et Anne Pasquier éds., Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995, 243-259. Pour plus de détails sur le séthianisme, voir John D. Turner, Sethian Gnosticism and the Platonic Tradition, Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 2001 ; «Typologies of the Sethian Gnostic Treatises from Nag Hammadi », Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Louis Painchaud et Anne Pasquier éds., Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995, 169-217. La définition exacte du gnosticisme s'avère encore aujourd'hui une question complexe et épineuse, au point où l'utilité même du terme est remise en question par certains chercheurs ; voir la discussion à la p. 11.
gnostique séthienne d'Egypte6 ou encore par un individu ou un groupe gnostique
d'affiliation incertaine , d'autres ont suggéré qu'il serait associé au milieu monastique, où 9 il aurait servi soit de source hérésiologique , soit de littérature édifiante , soit simplement
de lecture banale10. L'idée d'un unique contexte de production a cependant été remise en
question suite à l'étude de la reliure, des mains scribales des codices et de la répartition des
doublets au sein du corpus. Celle-ci a suggéré que la « collection » exhumée au Gebel el-
Târif serait en fait l'agrégation de quatre « sous-collections » produites indépendamment".
Michael A. Williams a suggéré plus récemment que la sélection et l'ordre de présentation
des textes de chaque sous-collection auraient été prémédités, et donc que l'agencement des
sous-collections obéirait à une certaine logique12.
6 Doresse, Les livres secrets..., 283. 7 Martin Krause, « Die Texte von Nag Hammadi », Gnosis : Festschrift fur Hans Jonas, Barbara Aland éd., Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1978, 242-243 ; Poirier, « La bibliothèque copte... », 307-308 ;
Torgny Save-Soderbergh, « Holy Scriptures or Apologetic Documentations ? », Les textes de Nag Hammadi. Colloque du Centre d'Histoire des Religions (Strasbourg, 23-25 octobre 1974), Jacques Ménard éd., Leiden Brill, 1975, 3-14 ; idem, « The Pagan Elements in Early Christianity and Gnosticism », Colloque international sur les textes de Nag Hammadi (Québec, 22-25 août 1978), Bernard Bare éd., Québec/Louvain, Presses de l'Université Laval/Peeters, 82-83. 9 James M. Robinson, The Nag Hammadi Codices : A General Introduction to the Nature and Significance of the Coptic Gnostic Library from Nag Hammadi, 2ième éd., Claremont, Institute for Antiquity and Christianity, 1977, 1 ; Frederik Wisse, « Gnosticism and Early Monasticism in Egypt », Gnosis : Festschrift fur Hans Jonas, Barbara Aland éd., Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1978, 431-440 ; Henry Chadwick, « The Domestication of Gnosis », The Rediscovery of Gnosticism : Proceedings of the International Conference on Gnosticism at Yale, New Haven, Connecticut, March 28-31, 1978, vol. 1, Bentley Layton éd., Leiden, Brill, 1980, 14-16 ; Charles W. Hedrick, « Gnostic Proclivities in the Greek Life of Pachomius and the Sitz im Leben of the Nag Hammadi Library », Novum Testamentum 22(1980), 78-94 ; James E. Goehring, « New Frontiers in Pachomian Studies », The Roots of Egyptian Christianity, Birger A. Pearson et James E. Goehring éds., Philadelphie, Fortress Press, 1986, 251 ; Armand Veilleux, « Monasticism and Gnosis in Egypt», The Roots of Egyptian Christianity, Birger A. Pearson et James E. Goehring éds., Philadelphie, Fortress Press, 1986, 306 ; Michael A. Williams, Rethinking "Gnosticism " : An Argument for Dismantling a Dubious Category, Princeton, Princeton UP, 1996, 261. 10 Clemens Scholten, « Die Nag-Hammadi-Texte als Buchbesitz der Pachomianer », Jahrbuchfiir Antike und Christentuml\ (1988), 144-172. " Ces sous-collections se regrouperaient comme suit : codices IV, V et VIII ; II, VI, IX, X, XI et XIII ; I, VII et XI ; III (Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Introduction, 78-86). Williams propose une division qui diffère légèrement de celle de Robinson : codices I, VII, XI ; II, XIII ; IV, V, VI, VIII, IX ; les codices III, X et XII sont indépendants (voir le graphique dans Rethinking "Gnosticism"..., 243). Dans tous les cas, Stephen Emmel souligne que « these groups might not have been brought together to form the collection that we know until they were assembled for burial » (« Religious Tradition, Textual Transmission, and the Nag Hammadi Codices », The Nag Hammadi Library After Fifty Year : Proceedings of the 1995 Society of Biblical Literature Commemoration, John D. Turner et Anne McGuire éds., Leiden/New York/Koln, Brill, 1997,36. 12 « Interpreting the Nag Hammadi Library as "Collection(s)" in the history of "Gnosticism(s)" », Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Louis Painchaud et Anne Pasquier éds., Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université
Bien que Williams ne puisse probablement jamais démontrer son hypothèse, la recherche a
bien établi que le parcours des codices retrouvés à Nag Hammadi, sans même parler de
celui des textes qui les composent, est passablement plus complexe qu'il n'y apparaissait
de prime abord. Dans cette perspective, on ne peut plus parler de contexte d'utilisation
unique, mais plutôt de plusieurs contextes indépendants qui ont pu changer au fil de la
transmission des documents. Jumelé à des données matérielles et historiques limitées, un
parcours aussi éclaté nous empêche d'en venir à une connaissance précise et détaillée des
milieux dans lesquels ces codices ont été fabriqués et utilisés. Au mieux, on peut écarter
l'hypothèse de Torgny Sâve-Sôderbergh voulant que la compilation des textes de Nag
Hammadi ait eu une fonction hérésiologique, puisque les commentaires scribaux qui
parsèment le corpus et l'arrangement des textes trahissent une certaine sympathie envers
leur contenu, comme l'a démontré Williams13. À la lumière de ces éléments, la thèse selon
laquelle les sous-collections constitutives du corpus de Nag Hammadi furent produites
pour un usage pieux est peut-être la plus vraisemblable.
1.3 Provenance et datation
Les papyri utilisés pour le cartonnage du codex I mentionnent les toponymes Diospolis,
Chénoboskion et Tentyris14. Ces sites sont tous situés à proximité du Gebel el-Târif, où fut
retrouvée la jarre qui contenait les codices. Il est donc fort probable que ceux-ci aient été
produits et utilisés dans la région attenante au lieu de leur découverte. De plus, on retrouve
dans le cartonnage de la couverture du codex VII quelques fragments de lettres, dont une
adressée au « Père Sansnos » (7ta.pi Zavo-vœç)15, une d'une certaine Protèria ( ?) aux
«moines» (uovaxoîç)16, ainsi qu'une autre demandant que du blé soit transporté au
uovàxiov, un terme qui n'est employé dans aucune autre source connue mais que Shelton
considère indiquer « a monk's dwelling of some kind », équivalant probablement au terme
Laval/Peeters, 1995, 3-50 ; Williams y écrit à la page 40 que « in at least most of the codices, the way in which tractates are arranged suggests that scribes perceived complete theological consistency within the volumes. Or to put it another way, the arrangement itself in most instances seems to be the scribal method of demonstrating or establishing the theological coherence among the works ». 13 « Interpreting the Nag Hammadi Library... », 39. 14 Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Codex I, xvii. 15 Barns, Browne et Shelton, Nag Hammadi Codices : Greek and Coptic Papyri from the Cartonnage to the Covers, 62. 16 Barns, Browne et Shelton, Nag Hammadi Codices : Greek and Coptic Papyri from the Cartonnage to the Covers, 69.
liovaaxf-piov17. Plusieurs chercheurs ont vu dans ce vocabulaire monastique la preuve d'un
lien entre la fabrication des codices de Nag Hammadi et le monastère pachômien de
Chénoboskion qui se trouvait à proximité du Gebel el-Târif. À supposer que ce lien soit
fondé, cela suggérerait que l'utilisation des codices retrouvés à Nag Hammadi aurait été
liée à un milieu monastique .
La tâche de dater avec précision la copie des codices s'avère délicate, d'autant plus qu'ils
furent selon toute apparence fabriqués de manière indépendante. Dans le cas de la sous-
collection I-XI-VII, sa confection se situe probablement aux alentours du milieu du IVe
siècle ; le document le plus récent de tous les papyri utilisés pour le cartonnage de la reliure
de ces codices est un fragment d'acte de cautionnement, daté du dixième jour du mois de
Phaôphi sous le consulat de Flavius Philippus et de Flavius Salia (7 octobre 348) . Les
analyses paléographiques des textes découverts à Nag Hammadi suggèrent la même
datation pour la copie des textes20. La plus grande partie des fragments de papyrus qui ont
servi pour le cartonnage des codices de Nag Hammadi date probablement du quatrième
siècle ; les rares fragments dont la date est précisée se situent tous entre 341 et 348. On
peut penser que les premiers détenteurs de ces papyri administratifs ou légaux les ont
conservés ou archivés quelque temps, avant que ceux-ci ne soient réutilisés peu après pour
la fabrication du cartonnage. Dans cette optique, il paraît sensé de situer la confection des
codices autours des années 350 ou 360.
Le terminus ante quern absolu correspond naturellement à la date d'enfouissement des
codices. Certains ont avancé, ou du moins considéré l'idée que la collection de Nag
Hammadi fut enterrée suite à l'émission de la 39'eme lettre festale d'Athanase en 367, dans ? 1
laquelle l'évêque d'Alexandrie condamne l'utilisation de textes jugés hérétiques .
17 Barns, Browne et Shelton, Nag Hammadi Codices : Greek and Coptic Papyri from the Cartonnage to the Covers, 7-8 et 61. 18 Shelton doute cependant de l'origine spécifiquement pachômienne de ces fragments puisque ceux-ci sont rédigés en grec, alors que le copte était généralement la langue de prédilection dans les monastères pachômiens {Nag Hammadi Codices : Greek and Coptic Papyri from the Cartonnage to the Covers, 6-7). 19 JohnW. Barns, Gerald M. Browne et John C. Shelton, Nag Hammadi Codices. Greek and Coptic Papyri
from the Cartonnage of the Covers, Leiden, Brill, 1981, 4-5 et 57-58. 20 James M. Robinson, « The Construction of the Nag Hammadi Codices », Essays on the Nag Hammadi Texts : In Honour ofPahor Labib, Martin Krause éd., Leiden, Brill, 1975, 172. 2 1 Doresse, Les livres secrets..., 155 ; Wisse, «Gnosticism and Early Monasticism... », 436-437; Robert McL. Wilson, « Twenty Years Later », Colloque international sur les textes de Nag Hammadi (Québec, 22-
L'examen du bol de poterie, typique du IVe-Ve siècle22, qui a servi à sceller la jarre dans
laquelle furent déposés les codices avant leur ensevelissement nous révèle seulement que
l'enfouissement des codices s'est certainement produit avant la conquête arabe, ce qui
constitue une donnée pour le moins imprécise. La fenêtre temporelle dans laquelle on peut
situer la copie des textes de la collection I-XI-VII s'étale donc des années 350, date de
fabrication du codex, au tournant du cinquième siècle ou un peu avant, période
approximative de l'enfouissement des textes de Nag Hammadi.
1.4 Contenu
1.4.1 Des textes inconnus par ailleurs
L'intérêt principal des écrits découverts à Nag Hammadi découle du fait qu'une bonne
partie d'entre eux est inconnue par ailleurs. Tous les textes contenus dans le corpus
s'offraient pour la première fois à la recherche scientifique quand ils furent découverts,
sauf quelques exceptions : YApocryphon de Jean (NH II, 1 ; III, 1 ; IV, 1) et la Sagesse de
Jésus-Christ (NH III, 4), deux textes déjà connus puisqu'également présents dans le codex
de Berlin (Berolinensis Gnosticus 8502)23, les Sentences de Sextus (NH XII, 1), dont des
versions grecque, latine, syriaque, arménienne et géorgienne sont recensées 4, VÉvangile
selon Thomas (NH II, 2), dont certains fragments grecs nous sont parvenus dans les papyri
d'Oxyrhynque , la Prière d'action de grâces (NH VI, 7) et le fragment du Discours
parfait (NH VI, 8), déjà connus tous deux dans leurs versions grecques et latines , et un
fragment de la République de Platon (NH VI, 5). Au total, la découverte de la bibliothèque
25 août 1978), Bernard Bare éd., Québec/Louvain, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1981, 62. Cette hypothèse est cependant remise en question par Jon F. Dechow, « The Nag Hammadi Milieu : An Assessment in the Light of the Origenist Controversies », AAR Western Region, Annual Meeting, Stanford University, March 26 1982 », 12 ; Veilleux, « Monasticism and Gnosis... », 290-291. 22 « From the Cliff to Cairo... », 37-38. 23 De plus, des fragements grecs de la Sagesse de Jésus-Christ étaient déjà connus des chercheurs. 24 Paul-Hubert Poirier, «Les Sentences de Sextus (NH XII, 1)», dans Louis Painchaud et Paul-Hubert Poirier, Les Sentences de Sextus (NH XII, 1). Fragments (NH XII, 3). Fragment de la République de Platon (NH VI, 5), Québec, Presses de l'Université Laval, 1983, 13-17. 5 Douglas M. Parrott, «Nag Hammadi Codices 111,3-4 and V,l, with Papyrus Berolinensis 8502,3 and
Oxyrhynchus Papyrus 1081; Eugnostos and The Sophia of Jesus Christ », The Coptic Gnostic Library : A Complete Edition of the Nag Hammadi Codices, vol. Ill, James M. Robinson éd., Leiden, Brill, 1979, 209-216. 26 Peter A. Dirkse et James Brashler, « The Prayer of Thanksgiving », The Coptic Gnostic Library : A Complete Edition of the Nag Hammadi Codices, vol. Ill, James M. Robinson éd., Leiden, Brill, 1979, 375-376 ; Peter A. Dirkse et Douglas M. Parrott, « Asclepius », The Coptic Gnostic Library : A Complete Edition of the Nag Hammadi Codices, vol. Ill, James M. Robinson éd., Leiden, Brill, 1979, 396.
de Nag Hammadi a donc révélé 44 nouveaux textes auparavant inconnus. La découverte du
codex Tchacos, officiellement dévoilée en 2004, a depuis fourni aux chercheurs de
nouveaux témoins de la Première Apocalypse de Jacques (NH V, 3) et de la Lettre de
Pierre à Philippe (NH VIII, 2).
1.4.2 Des traductions coptes d'originaux grecs
Tous les textes de la bibliothèque de Nag Hammadi sont rédigés en copte. Plusieurs indices
suggèrent cependant qu'ils furent traduits à partir d'originaux grecs et, dans certains cas,
qu'ils connurent plusieurs versions coptes successives avant d'atteindre la forme sous
laquelle ils nous parvinrent. Tout d'abord, la version grecque ou les fragments grecs de
certains d'entre eux nous sont connus : c'est le cas de la Sagesse de Jésus-Christ, de
F Évangile selon Thomas, de la Prière d'action de grâce, du Discours parfait et, bien sûr,
du fragment de la République de Platon. Deuxièmement, comme l'a relevé Paul-Hubert
Poirier , six traités présentent un titre grec : la Prière de l'apôtre Paul (NH I, 1), l'une des no
deux recensions longues de YApocryphon de Jean (NH IV, 1) , YAuthentikos Logos
(NH VI, 3), le Deuxième Traité du Grand Seth (NH VII, 2), Y Apocalypse de Pierre
(NH VII, 3), et la Prôtennoia trimorphe (NH XIII, 1). Ce phénomène ne peut bien sûr
s'expliquer de manière satisfaisante qu'en supposant que le texte copte fut traduit d'un
substrat grec. Troisièmement, certains textes ont conservé des traces du traumatisme de la
traduction. Par exemple, Zostrien (NHVIII, 1) a conservé plusieurs expressions
grecques , le traducteur de la Paraphrase de Sem (NH VII, 1) a maintenu les désinences
grecques de certains termes gréco-coptes °, et quelques passages du Deuxième Traité du
Grand Seth (NH VII, 2) sont incompréhensibles en copte mais deviennent clairs si l'on
retourne à un antécédent grec31. Jusqu'à preuve du contraire, tout pousse à croire que
2 « Titres et sous-titres, incipit et desinit dans les codices coptes de Nag Hammadi et de Berlin », Titres et articulations du texte dans les oeuvres antiques. Actes du Colloque International de Chantilly, 13-15 décembre 1994, Jean-Claude Fredouille et al. éds., Paris, Institut d'Études Augustiniennes, 1997, 350. ' Fait à noter, la recension du codex II est l'un des deux seuls textes de tout le corpus de Nag Hammadi à posséder un titre « mixte » (K.à.Tà. ICD-.NNHN Nà.TTOK.pYfpON), l'autre étant Y Évangile selon Thomas ( n e y ^ r r e A I O N TTK.à.T_v eCDMàC), qui se trouve lui aussi dans le codex II. 29 Catherine Barry et al., Zostrien (NH VIII, 1), Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 2000, 4. 0 Michel Roberge, The Paraphrase of Shem (NH VII, 1) : Introduction, Translation and Commentary,
Leiden/Boston, Brill, 2010, 3-4. 31 Louis Painchaud, Le Deuxième Traité du Grand Seth, Québec, Presses de l'Université Laval, 1982, 3.
chacun des textes retrouvés à Nag Hammadi fut composé en grec avant de connaître une
vie copte.
Ce passage du grec au copte complique passablement le travail de la recherche quand vient
le temps de reconstituer le parcours de ces textes. Reprenant les travaux de Frederik Wisse
sur YApocryphon de Jean32, Stephen Emmel élargit les conclusions de ce dernier à
l'ensemble de la bibliothèque de Nag Hammadi et distingue quatre phases dans la
transmission des textes de Nag Hammadi : 1 ) une phase de pré-composition et 2) une phase
de composition, lesquelles englobent l'élaboration, la rédaction et la circulation des textes
sous une ou de multiples forme(s) grecque(s), 3) une phase de traduction, qu'Emmel situe
de manière générale entre le milieu et la fin du IIIeme siècle et qui inclut également les
transcriptions subséquentes, et en dernier lieu 4) une phase « copte monastique », qui
couvre toute la période allant de la fabrication des codices à leur ensevelissement . Les
travaux de Wolf-Peter Funk ont par ailleurs démontré que la phase de traduction copte
postulée par Wisse et Emmel est elle-même très complexe ; les nombreuses influences
dialectales qu'on peut relever au sein d'un même document suggèrent que les textes du
corpus furent initialement traduits dans une variété de dialectes avant d'être, pour la
plupart, recopiés selon les standards du dialecte sahidique. Cette observation implique du
coup que les textes furent traduits de manière indépendante les uns des autres et en
différents lieux en Egypte. Elle implique aussi que la réunion de tous ces documents
d'abord en sous-collections, puis en un corpus unique, est secondaire au parcours
indépendant de chaque texte34. C'est donc avec une bonne dose de prudence qu'il faut
aborder la question des milieux socioculturels et géographiques sous-jacents aux textes de
Nag Hammadi, car ces milieux sont multiples et peuvent varier d'un document à l'autre.
32 « After the Synopsis : Prospect and Problems in Establishing a Critical Text of the Apocryphon of John and in Defining Its Historical Location », The Nag Hammadi Library After Fifty Years : Proceedings of the 1995 Society of Biblical Literature Commemoration, John D. Turner et Anne McGuire éds., Leiden/New York/Kôln, Brill, 1997, en particulier 147-151. 3 «Religious Tradition... », 35-37. Emmel emprunte à Wisse le titre de la quatrième phase («copte
monastique ») tout en émettant de sérieux doutes quant à une origine pachômienne, voire même monastique, des codices de Nag Hammadi. 34 « Towards a Linguistic Classification of the "Sahidic" Nag Hammadi Texts », Acts of the Fifth International Congress of Coptic Studies : Washington, 12-15 August 1992, vol. 2, David W. Johnson éd., Rome, Centro Italiano Microfiches, 1993, 163-177 ; « The Linguistic Aspect... », 107-147.
1.4.3 Diversité doctrinale et littéraire
L'éventail doctrinal des textes de la bibliothèque de Nag Hammadi est assez varié.
Quelques textes se rattachent à la tradition hermétique, comme c'est le cas pour YOgdoade
et l'Ennéade (NH VI, 6)35, la Prière d'action de grâces36 et un fragment du Discours
parfait31, tandis que d'autres encore, comme le fragment de la République, se rattachent à
la tradition platonicienne. Plusieurs d'entre eux s'apparentent toutefois aux traditions
« gnostiques » (ophite38, barbélo-séthienne39, valentinienne40), ou encore au christianisme
« orthodoxe » de l'époque41. Quelques textes donnent l'impression d'emprunter à plusieurs
traditions à la fois, ce qui rend leur classification doctrinale difficile42.
Au niveau du genre littéraire des textes, le corpus de Nag Hammadi représente également
un ensemble hétérogène : on y trouve des apocalypses, des évangiles, des épîtres, des
prières, des textes liturgiques, des discours de révélation et des traités didactiques. À ce
propos, soulignons que les titres de ces textes sont souvent de mauvais indicateurs de leur
genre littéraire. Par exemple, tandis que YÉvangile selon Thomas se rapproche des
traditions évangéliques, on ne peut pas en dire autant de YÉvangile de vérité (NH I, 3 ;
'5 Peter A. Dirkse, James Brashler et Douglas M. Parrott, « The Discourse on the Eight and Ninth », The Coptic Gnostic Library : A Complete Edition of the Nag Hammadi Codices, vol. Ill, James M. Robinson éd., Leiden, Brill, 1979, 345. 36 Dirkse et Brashler, « The Prayer of Thanksgiving », 375. 37 Dirkse et Parrott, « Asclepius », 396. 38 Comme c'est le cas de Y Écrit sans titre (NH 11,5), d'Eugnoste (NH 111,3 ; V,l) et de la Sagesse de Jésus Christ (NH 111,4) (Rasimus, Paradise Reconsidered..., 62).
Comme c'est le cas de YApocryphon de Jean, de YHypostase des archontes (NH 11,4), du Livre sacré du Grand Esprit invisible (NH 111,2 ; IV,2), de Y Apocalypse d'Adam (NH V,5), des Trois Stèles de Seth (NH VI 1,5), de Zostrien (NH VIII, 1), de Melchisédek (NH IX, 1), de Noréa (NH IX,2), de Marsanès (NH X,l), de Y Allogène (NH XI,3), et de la Prôtennoia trimorphe (NH XIII,1) (John D. Turner, Sethian Gnosticism and the Platonic Tradition, Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 2001, 61; Tuomas Rasimus, Paradise Reconsidered in Gnostic Mythmaking : Rethinking Sethianism in Light of the Ophite Evidence, Leiden/Boston, Brill, 2009, 62). 40 Comme c'est le cas du Traité tripartite (NH 1,5), de YÉvangile selon Philippe (NH 11,3), de la Première Apocalypse de Jacques (NH V,3), de Y Interprétation de la gnose (NH XI, 1), de Y Exposé valentinien (NH XI,2) (Thomassen, « Notes pour la définition d'un corpus valentinien ... », 258). Michael Kaler inclut aussi Y Apocalypse de Paul (NH V,2) parmi les texte valentiniens (Flora Tells a Story : The Apocalypse of Paul and its Content, Waterloo, Wilfrid Laurier UP, 2008, 64-69). 41 Comme c'est le cas des Actes de Pierre et des douze apôtres (NH VI, 1) et des Leçons de Silvanos (NH VII,4) (Poirier, « La bibliothèque copte de Nag Hammadi... », 309). 42 À ce propos, voir Louis Painchaud, « La classification des textes de Nag Hammadi et le phénomène des réécritures », Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Louis Painchaud et Anne Pasquier éds., Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995, 51-85.
10
XII, 2) ou de YEvangile selon Philippe. Également à titre d'exemple, on notera que le texte
intitulé Jacques dans codex Tchacos devient la Première Apocalypse de Jacques dans le
codex V de Nag Hammadi. Or, cette différence refléterait davantage une volonté de mieux
harmoniser les titres du codex V, dont trois des quatre autres textes portent la mention
d'« apocalypse », que de décrire adéquatement le genre littéraire. Cela étant dit, malgré
leur diversité doctrinale et littéraire, la plupart des textes de ce corpus présentent des
affinités avec les doctrines gnostiques. C'est pour cette raison que ces documents furent
présentés dès leur découverte comme une collection gnostique43 mettant généralement de
1 avant une ascèse marquee .
1.4.5 Une collection gnostique ?
La recherche contemporaine n'a jamais remis en question que le corpus de Nag Hammadi
se rattache au gnosticisme, mais qu'entend-on exactement par « gnosticisme » ? Ce
concept a toujours été éminemment difficile à circonscrire de manière satisfaisante, comme
l'illustre la proposition de définition de trois pages (!) élaborée lors du colloque de Messine
de 196645. Selon cette proposition, le gnosticisme se reconnaîtrait principalement par un
dualisme anticosmique marqué, par l'idée que l'âme humaine, détentrice d'une étincelle
divine, est en état de chute mais peut trouver son salut en réintégrant le monde céleste, et
que ce salut est initié par l'obtention de la gnose, comprise ici non seulement comme la
connaissance de la vraie nature de l'âme et de la manière dont elle peut être sauvée mais
43 Les toutes premières publications scientifiques portant sur les textes de Nag Hammadi associaient déjà leur contenu à la tradition gnostique : Henri-Charles Puech et Jean Doresse, « Nouveaux écrits gnostiques découverts en Egypte », Comptes rendus des séances de l'année 1948 de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 87-95 ; Togo Mina, « Un papyrus gnostique du IVe siècle », Bulletin de l'Institut d'Egypte 30 (1947/48), 325-326. 44 James M. Robinson, « Introduction », Biblical Archaeologist 42 (1979), 204. 45 « Propositions concernant l'usage scientifique des termes gnose, gnosticisme », The Origins of Gnosticism : Colloquium of Messina, 13-18 April 1966, Ugo Bianchi éd., Leiden, Brill, 1967, xxiii-xxvi. Lors du même colloque, Théo P. van Baaren soumit plus d'une quinzaine de critères servant à définir le gnosticisme, si bien qu'à la question d'Ugo Bianchi : « Une définition du gnosticisme, brève et dont les éléments s'impliquent, est-elle possible ? », Van Baaren fut contraint de répondre : « A short definition is not really possible, in my opinion; we will have to give a rather long description of what gnosticism, even 2nd
cent. Gnosticism is » (« Towards a Definition of Gnosticism », The Origins of Gnosticism : Colloquium of Messina, 13-18 April 1966, Ugo Bianchi éd., Leiden, Brill, 1967, 180). Pour une revue des diverses compréhensions du terme « gnosticisme » des premiers siècles de notre ère à aujourd'hui, voir Antti Marjanen, « What is Gnosticism ? From the Pastorals to Rudolph », Was There a Gnostic Religion ?, Antti Marjanen éd., Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2005, 1-53.
11
avant tout comme une « faculté divine implicite qui doit être ranimée et actualisée » Ab
4-1
Surtout, peut-être même avant tout, le gnosticisme serait « une religion de révolte » .
Aucun des textes de Nag Hammadi n'avait encore été publié en entier à l'époque du
colloque de Messine. La connaissance du gnosticisme se basait donc essentiellement sur la
littérature hérésiologique des premiers siècles. Au cours des quinze dernières années,
notamment à la lumière de la recherche portant sur les textes de Nag Hammadi, plusieurs
chercheurs ont remis en question certaines idées centrales mises de l'avant à Messine.
Michael A. Williams souligne dans son ouvrage Rethinking "Gnosticism " : An Argument
for Dismantling a Dubious Category** que le « gnosticisme » tel que que dépeint dans les
sources primaires n'est pas systématiquement protestataire, anticosmique, déterministe, ou
à l'une des deux extrémités du spectre « ascétisme/libertinisme ». Afin de pallier les
préconceptions erronées liées à la construction moderne du gnosticisme, Williams propose
plutôt l'appellation biblical demiurgical tradition comme alternative pour désigner ce
phénomène religieux49. Les travaux de Karen King30 et d'Ismo Dunderberg51 présentent
cette même réticence à parler de « gnosticisme » ou de groupes « gnostiques ». Tous deux
reprochent à ces termes de véhiculer l'illusion que le terme « gnosticisme » ait servi à
définir l'appartenance à un mouvement religieux plus ou moins unifié à un certain moment
de l'histoire, ce qui n'a jamais été le cas. Les deux chercheurs critiquent aussi la tendance à
définir ce terme principalement à partir des écrits hérésiologiques, et non des sources
« gnostiques » primaires. De plus, selon King, le concept moderne de gnosticisme résulte
en bonne partie d'une conception normative du christianisme ; le gnosticisme serait donc
trop souvent défini par son rapport d'opposition à l'« orthodoxie » religieuse de l'époque,
si bien que « the study of gnosticism is thus imbricated in intellectual discourses and power
relations that extend far beyond any notion of disinterested objectivity and often far beyond
46 « Proposition concernant l'usage scientifique... », xxiv. 47 Van Baaren, « Towards a Definition... », 179. Van Baaren reprend ici un thème cher à Hans Jonas, selon qui « the gnostic mood, apart from the deadly earnest befitting a doctrine of salvation, has an element of rebellion and protest about it » (« Delimitation of the Gnostic Phenomenon—Typological and Historical », The Origins of Gnosticism : Colloquium of Messina, 13-18 April 1966, Ugo Bianchi éd., Leiden, Brill, 1967, 100). 48 Princeton, Princeton UP, 1996. 49 Rethinking "Gnosticism"..., 51. 5 0 What is Gnosticism ?, Cambridge/Londres, Beelknap Press of Harvard UP, 2003.
Beyond Gnosticism...
12
the explicit intentions of individual scholars »52. Bien que King et Dunderberg
reconnaissent que ce terme soit probablement là pour rester et qu'il puisse être utile en
certains cas, tous deux préfèrent parler de mouvements valentinien, séthien ou ophite plutôt
que d'utiliser le concept idéologiquement chargé qu'est le gnosticisme53.
Mise à part la question de la définition du gnosticisme, une seconde question se pose :
qu'entend-on exactement par « collection gnostique » ? Il ne fait aujourd'hui plus aucun
doute que la bibliothèque de Nag Hammadi est en fait une collection de collections, ce qui
nous force à utiliser l'expression « collection gnostique » accompagnée d'une mise en
garde appropriée. L'usage de l'adjectif « gnostique » est également à préciser dans ce
contexte ; entend-on par là qu'il s'agit d'une collection dont les textes sont le produit d'un
mouvement gnostique ou encore qu'elle a pu être utilisée dans un milieu gnostique ? La
première option reste clairement insatisfaisante, d'une part à cause de l'ambiguïté de
l'appellation « mouvement gnostique », mais aussi parce que certains textes du corpus de
Nag Hammadi sont d'origine non-gnostique54. La deuxième option, quoique plus
acceptable, comporte néanmoins son lot de problèmes, le plus important étant que la
« collection » provient de milieux qui nous demeurent inconnus.
Évidemment, l'objectif n'aura pas été ici de résoudre les nombreuses difficultés liées à
l'étude des textes découverts à Nag Hammadi, mais plutôt de rendre compte de leur
existence et de leur impact sur les conclusions que l'on peut tirer de ces documents. Loin
d'être vaines, ces discussions nous permettent d'établir trois constats qui affectent la
présente étude. Tout d'abord, il est primordial de toujours garder à l'esprit le parcours
52 What is Gnosticism ?, 219. 53 Certain chercheurs maintiennent toutefois qu'une religion gnostique a réellement existé et défendent une telle catégorisation. C'est notamment le cas de Gerd Ludemann (« Did Gnosticism Ever Exist ? », Was There a Gnostic Religion ?, Antti Marjanen éd., Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2005, 121-132) et de Birger A. Pearson (« Gnosticism as a Religion », Was There a Gnostic Religion ?, Antti Marjanen éd., Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2005, 81-101). 54 Cela n'empêche pas que ces mêmes textes aient pu être lus dans une perspective gnostique. Par exemple, le fragment de la République que l'on retrouve dans le codex VI est le produit de la philosophie grecque du IVe
siècle avant notre ère, mais Painchaud a bien relevé que la traduction copte de ce texte, très confuse et brouillonne, reflète une interprétation gnostique de son contenu par le traducteur (« Fragment de la République de Platon [NH VI, 5] », dans Louis Painchaud et Paul-Hubert Poirier, Les Sentences de Sextus [NH XII, 1]. Fragments [NH XII, 3]. Fragment de la République de Platon [NH VI, 5], Québec, Presses de l'Université Laval, 1983, 115-161). De plus, un texte dépourvu de tout contenu gnostique pourrait tout de même se prêter à une lecture gnostique une fois placé dans un environnement codicologique approprié, ce qui rejoint les propos de Williams présentés en p. 3.
13
tortueux qu'ont pu emprunter ces textes, de leur naissance dans un monde grec à leur
ensevelissement en sol égyptien. Deuxièmement, pour que l'étude d'un texte soit complète,
il faut considérer la cohérence interne du texte en tant que production littéraire originale,
mais aussi la manière dont le texte entre en dialogue avec son environnement
codicologique, puisque ces deux niveaux de lecture peuvent présenter un décalage l'un par
rapport à l'autre ; il est encore plus crucial de bien tracer la ligne entre ces deux niveaux de
lecture et de ne pas les confondre, puisqu'ils concernent des milieux et des contextes
différents. Finalement, bien que l'état des connaissances ait énormément avancé depuis
plus d'un demi-siècle, force est d'admettre qu'il reste tout de même irrémédiablement
limité en raison de données matérielles et historiques rares et fragmentaires. Le chercheur
qui étudie ces documents se doit d'en tirer toutes les conclusions possible, mais pas plus,
ce qui représente dans certains cas un exercice d'humilité considérable.
2. Le codex I
Initialement numéroté codex XIII par Jean Doresse55, le codex I est aujourd'hui conservé
au Musée copte du Caire et porte les numéros d'inventaire 10554 (pages 33 à 36, 49 et 50,
et 59 à 90), 10589 (pages 17 à 32), 10590 (pages 37 à 42), et 11597 (le reste du codex). La
reliure du codex, pour sa part, se trouve à Y Institute for Antiquity and Christianity de
Claremont, Californie, qui en fit l'acquisition en 19735 . Elle est composée d'une
couverture de cuir de mouton renforcée d'un cartonnage fait de fragments de papyrus
récupérés. Le cuir de la couverture se prolonge afin de former un rabat horizontal. Ce
rabat, ainsi que deux sangles de cuir verticales intégrées à la couverture, servirent à fermer
et à protéger le manuscrit. Trois sangles de cuir auraient relié les cahiers de papyrus à la
couverture.
55 Les livres secrets..., 167. Pour plus de détails sur les nombreuses numérotations attribuées au codex I, voir Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Introduction, 31. 56 James M. Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Codex I, Leiden, Brill, 1977, xi.
14
2.1 Histoire du codex
Le parcours du codex I est assez complexe57. La famille de Muhammad Ali le vendit tout
d'abord à un commerçant d'al-Qasr dénommé Fikrî Jibrà'ïl. Par l'intermédiaire de ce
dernier, Phocion Tano fit l'acquisition d'une partie du codex (trente-huit pages et une
soixantaine de fragments), mais à la suite de négociations infructueuses, le reste du codex
ainsi que la couverture furent transférés au Caire et mis en consigne chez l'antiquaire
Joseph Albert Eid en juillet 1946. Eid contacta successivement le Museum of Fine Arts de
Boston et l'Université du Michigan dans le but de leur vendre sa section du manuscrit,
mais les deux institutions déclinèrent l'offre. Entre temps, des photographies de la portion
du codex détenu par Eid parvinrent à H. J. Polotsky à la fin de l'été 1946 ; ce dernier
inaugura la recherche relative au contenu des codices de Nag Hammadi en identifiant le
dialecte et le genre littéraire de YApocryphon de Jacques ainsi que la présence de deux
mains scribales dans le manuscrit . Tandis que le gouvernement égyptien acquit en 1952
la section du codex I de Tano en même temps que le reste du lot des codices de Nag
Hammadi en sa possession, la section détenue par Eid fut achetée par l'Institut Jung, basé à
Zurich, en novembre 1953, et devint le « codex Jung ». Ce n'est qu'en octobre 1975 que le
Musée copte du Caire rapatria les pages détenues par l'Institut Jung.
2.2 Description codicologique
Deux scribes ont copié les textes du codex I : le premier, le scribe A, a copié la Prière de
l'apôtre Paul, YApocryphon de Jacques, YÉvangile de vérité et le Traité tripartite, tandis
que le second, le scribe B, a copié le Traité sur la résurrection. La piètre qualité de
l'écriture et l'intégration de cruces ansatae à l'ornementation du codex ont poussé Einar
Thomassen à émettre l'hypothèse que le manuscrit ne fut pas copié dans un but
57 Pour une discussion plus approfondie des circonstances entourant la découverte et l'édition du codex I, voir James M. Robinson, « The Jung Codex : The Rise and Fall of a Monopoly », Religious Studies Review 3 (1977), 17-30 ; The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Codex I, Leiden, Brill, 1977, viii-xxxi. 58 Robinson, « The Jung Codex : The Rise and Fall of a Monopoly », 19.
15
commercial mais servit plutôt à l'usage personnel du scribe A ou du groupe dont il faisait • 59
partie .
Au niveau codicologique, le codex I se démarque des autres codices du corpus par les trois
cahiers qui le composent, alors que tous les autres ne sont constitués que d'un cahier
unique . Le premier cahier, composé de deux rouleaux, est formé de 22 feuilles6 . À cela
s'ajoute la demi-feuille sur laquelle fut inscrite la Prière de l'apôtre Paul et dont la souche
est collée au folio 85/86, lui-même une demi-feuille provenant d'un troisième rouleau.
Deux autres cahiers, constitués respectivement de huit et de six feuilles provenant de
rouleaux différents, suivent ce premier cahier.
Il est difficile de déterminer si les textes du codex I y furent copiés une fois l'assemblage
du codex complété ou si les scribes les copièrent sur les cahiers de papyrus avant que la
couverture ne leur soit rattachée. Quelques indices sembleraient faire pencher la balance
vers cette deuxième option. Si, comme semble l'indiquer la codicologie de la bibliothèque
de Nag Hammadi, la tendance était à la fabrication de cahiers plus épais mais moins
nombreux dans un codex donné, il est remarquable que les folios qui composent
respectivement les deuxième et troisième cahiers du codex I n'aient pas simplement été
rassemblés en un seul cahier, comme ce fut le cas pour le premier cahier, qui est composé
de deux rouleaux différents62. Ce détail indique peut-être que l'ajout des cahiers deux et
trois s'est fait de manière progressive au fil de la copie des textes et que le scribe, réalisant
que le Traité tripartite ne pourrait être totalement contenu dans le premier cahier, ajouta un
deuxième cahier, puis un troisième ; cette hypothèse expliquerait aussi pourquoi ces deux
derniers cahiers sont de taille décroissante. L'ajout de cahiers en cours de copie indiquerait
que le codex I n'était pas encore relié à ce moment. De plus, on observe une décoloration
59 Einar Thomassen et Louis Painchaud, Le Traité tripartite (NH 1,5), Québec, Presses de l'Université Laval, 1989, 3. Wolf-Peter Funk abonde dans le même sens et suggère sur des bases dialectales que l'ensemble des codices de Nag Hammadi serait de facture privée (« The Linguistic Aspect of Classifying the Nag Hammadi Codices », Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Louis Painchaud et Anne Pasquier éds., Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995, 146). 5 0 James M. Robinson, « On the Codicology of the Nag Hammadi Codices », Les textes de Nag Hammadi. Colloque du Centre d'Histoire des Religions (Strasbourg, 23-25 octobre 1974), Jacques-E. Ménard éd., Leiden, Brill, 1975, 19. 61 Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Codex I, xxiii-xxv. 52 Rappelons que le codex I est composé de quatre rouleaux ; deux rouleaux ont servi à fabriquer le premier cahier tandis que les deux autres cahiers l'ont été à partir d'un seul rouleau.
16
de l'encre le long des marges intérieures des pages 74 à 97 et, en certains cas, un transfert
des pigments de l'encre entre deux pages en contact une fois le cahier plié en deux. Il est
fort probable que cela soit attribuable à l'humidité de la colle qui a servi à coller ensemble
les demi-feuilles A/B et 85/86, ce qui indiquerait du coup que le texte avait été copié sur
ces pages avant que la colle n'ait été appliquée63.
Même si l'on suppose que la copie du codex I a été effectuée avant que les cahiers ne
soient reliés, il reste tout à fait plausible que la Prière de l'apôtre Paul, que l'on sait être le
dernier des cinq textes du codex I à avoir été intégré, fut pour sa part copiée une fois la
reliure complétée. Cependant, rien ne nous permet de l'affirmer avec certitude ; au
contraire, la similarité de l'écriture de la Prière de l'apôtre Paul et du Traité tripartite
pousserait plutôt à penser que le texte de la page de garde du codex I fut ajouté peu après la
copie du cinquième traité. D'autre part, à supposer que les textes du codex I aient été
copiés avant d'être reliés, il y a fort à parier que peu de temps s'écoula entre ces deux
étapes, puisqu'un « codex » composé de trois cahiers, non-relié et sans couverture aurait
été peu pratique.
À la lumière de toutes ces considérations, il est probable que la Prière de l'apôtre Paul fut
copiée peu avant que le codex ne soit relié. Cette question prend toute sa signification
quand vient le temps de dater plus précisément la copie des textes du codex I. Ainsi, la
datation de la copie des cinq textes qui nous sont parvenus dans le codex I correspondrait à
celle de la création de la couverture du même codex, soit le début des années 350.
2.3 Les scribes
La qualité du travail attribuable au scribe A, responsable de la majorité du codex I, est en
deçà de ce que l'on retrouve dans les autres codices de Nag Hammadi. Son écriture est
irrégulière, la même lettre pouvant parfois varier de taille non seulement de page en page
mais également sur une même ligne. De plus, elle est rarement perpendiculaire aux marges
des pages sur lesquelles elle s'inscrit. L'espacement entre les lignes est généralement
63 Ce phénomène est observable principalement sur les pages adjacentes aux couvertures, probablement à cause de la colle ayant servi à la confection de ces couvertures (Robinson, « The Construction of... », 181).
17
inégal. En comparaison, l'écriture du scribe B est passablement plus soignée et plus
régulière.
Le changement de main scribale que l'on observe au quatrième traité du codex I nous
permet de formuler deux observations. Tout d'abord, les scribes ne semblent pas avoir
laissé au hasard l'ordre des textes du codex I. Au contraire, cet ordre a probablement été
prémédité, comme le suggèrent certains indices. Tout d'abord, tandis que toutes les pages
copiées par le scribe A sont numérotées, exception faite de la page de garde sur laquelle a
été inscrite la Prière de l'apôtre Paul, les sept pages copiées par le scribe B sont
dépourvues de numérotation. Également, les deux scribes ont laissé vierge la seconde
moitié de la page 50, où se conclut le Traité sur la résurrection, un phénomène étonnant
étant donné le coût des feuilles de papyrus à l'époque. L'hypothèse la plus plausible pour
expliquer ces deux phénomènes veut que le scribe A ait copié tous ses textes dans le codex
en premier, laissant libres les sept pages nécessaires à l'inclusion du Traité sur la
résurrection, et que le scribe B y ait par la suite inséré son texte64. Cette démarche aurait
été inutilement compliquée si l'objectif final n'avait pas été de s'assurer que le Traité sur
la résurrection soit le quatrième des cinq écrits du codex I. On en conclut donc que les
scribes avaient planifié d'avance l'ordre des traités du codex I.
La deuxième observation relative aux deux mains scribales présentes dans le codex I
concerne l'existence d'une sous-collection qui rassemble les codices I, VII et XI. Certaines
ressemblances communes aux reliures de ces trois codices avaient déjà suggéré l'existence
d'une telle sous-collection ; la comparaison des écritures suggère la même conclusion65. En
effet, tout comme le Traité sur la résurrection, les deux premiers textes du codex XI ont
été copiés par le scribe B. La seconde moitié du codex XI ainsi que l'entièreté du code VII
sont quant à eux attribuables à un troisième scribe, le scribe C . Qu'un des scribes du
64 Williams, « Interpreting the Nag Hammadi Library... », 12. 35 Williams, « Interpreting the Nag Hammadi Library... », 11 ; Louis Painchaud et Michael Kaler, « From the Prayer of the Apostle Paul to the Three Steles of Seth : Codices I, XI and VII from Nag Hammadi Viewed as a Collection », Vigiliae Christianae 61 (2007), 447-449. 66 On observe également une disparité doctrinale entre les textes copiés par les scribes A et B, qui se rattachent principalement au valentinisme, et ceux du scribe C, qui se rattachent principalement au séthianisme.
18
codex I et qu'un autre du codex VII aient participé de manière conjointe à la confection du
codex XI nous pousse donc à conclure qu'il s'agit bien là d'une sous-collection.
2.4 Contenu
Le codex I contient cinq textes, à savoir la Prière de l'apôtre Paul, YApocryphon de
Jacques, YÉvangile de vérité, le Traité sur la résurrection et le Traité tripartite. Incluant le
folio de garde, on y dénombre 140 pages, auxquelles pourraient s'ajouter de deux à trois
folios, aujourd'hui manquants, à la toute fin du codex67. La recherche a souvent suggéré
que le codex I était un codex valentinien68. Bien qu'il semble tout à fait justifié d'affirmer
que la plupart des textes de ce codex exhibent certaines affinités avec le valentinisme6 ,
l'appellation « codex valentinien » pose cependant les mêmes problèmes que ceux
concernant l'idée d'une « collection gnostique »70. Cherche-t-on ici à signifier que tous les
textes de ce codex ont été créés dans un milieu valentinien, ou encore que des
valentiniens ont rassemblé ces textes dans un même codex? Sous-entend-on que le codex
retrouvé à Nag Hammadi appartenait à un individu ou un groupe valentinien ? Pourrait-on
placer dans cette catégorie un texte de réécriture valentinienne, ou encore vaguement
inspiré de ce courant de pensée ? La précision est ici d'autant plus de mise que plusieurs
s'entendent pour dire que YApocryphon de Jacques ne serait pas un écrit valentinien . De
plus, comble du raisonnement circulaire, quelques-uns fondent en partie leur argument
67 Stephen Emmel, « Announcement », Bulletin of the American Society ofPapyrologists 14 (1977), 57. 8 Par exemple, Jean-Daniel Dubois, « La descente du sauveur selon un codex gnostique valentinien »,
Frontières terrestres, frontières célestes dans l'antiquité, Aline Rousselle éd., Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 1995, 357-369 ; « L'utilisation gnostique du centon biblique cité en / Corinthiens 2,9 », KATA TOYI O' selon les Septante. Trente études sur la Bible grecque des Septante, Gilles Dorival et Olivier Munnich éds., Paris, Éditions du Cerf, 1995, 371 ; Marvin Meyer, «The Prayer of the Messenger Paul », The Gnostic Bible, Willis Barnstone et Marvin Meyer éds., Boston/Londres, Shambhala, 2003, 332 ; Madeleine Scopello et Marvin Meyer, « The Prayer of the Apostle Paul (NH I, 1) », The Nag Hammadi Scriptures : The International Edition, Marvin Meyer éd., New York, HarperOne, 2007, 16 . 69 Thomassen range le Traité tripartite parmi les textes certainement ou très probablement valentiniens, le Traité sur la résurrection et YÉvangile de vérité parmi les textes probablement valentiniens, et la Prière de l'apôtre Paul comme une réécriture valentinienne d'un texte non-valentinien à l'origine («Notes pour la délimitation d'un corpus valentinien à Nag Hammadi », Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Louis Painchaud et Anne Pasquier éds., Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995, 243-259). 70 Voir la discussion p. 12. 71 Willem C. van Unnik, « The Origin of the Recently Discovered "Apocryphon Jacobi" », Vigiliae Christianae 10 (1956), 149-156; Donald Rouleau, « L'Épître apocryphe de Jacques (NH 1,2)», L'Épître apocryphe de Jacques (NH I, 2). L 'Acte de Pierre (BG 4), Québec, Presses de l'Université Laval, 1987, 22-28. Ce traité n'est pas listé par Thomassen parmi les textes valentiniens de Nag Hammadi (« Notes pour la délimitation... », 258).
19
voulant que la Prière de l'apôtre Paul soit un texte valentinien sur le fait qu'il se trouve
dans un codex valentinien72.
Du côté de la sous-collection I-XI-VII, on remarque que le contenu doctrinal ne se limite
pas au valentinisme, puisque les textes attribués au scribe C se rattachent de manière
générale au séthianisme. Painchaud et Kaler suggèrent que les textes de cette sous-
collection furent disposés selon un agencement prémédité afin d'introduire une doctrine de
plus en plus hétérodoxe à un lectorat qui aurait pu y être réfractaire73. Dans cette optique,
les responsables de la sélection des textes du codex I n'auraient pas tant cherché à y
présenter un point de vue valentinien qu'un point de vue relativement « orthodoxe » (selon
son lectorat), mais dont les conceptions centrales sont compatibles avec les idées
« hétérodoxes » présentées dans le codex VII. Dans tous les cas, on n'insistera jamais assez
sur l'importance de laisser les textes parler d'eux-mêmes et de formuler des suppositions
sur l'arrangement codicologique seulement par la suite, et non l'inverse.
2.5 Langue
Le codex I est l'un des rares codices du corpus de Nag Hammadi à ne pas être rédigé en
dialecte sahidique . En effet, à l'exception de Marsanès, seuls les textes attribuables aux
scribes A et B sont en dialecte lyco-diospolitain (L6)75. On peut néanmoins discerner des
écarts de langue marqués entre les textes du codex I, et si la Prière de l'apôtre Paul,
YApocryphon de Jacques et le Traité sur la résurrection correspondent assez bien aux
72 Bentley Layton, « A Prayer of Paul the Apostle (PPI) », The Gnostic Scriptures : A New Translation with Annotations and Introductions, Garden City, Doubleday, 1987, 303 ; Dubois, «L'utilisation gnostique du centon biblique... », 371-379 ; Scopello et Meyer, « The Prayer of the Apostle Paul », 16. 73 « From the Prayer of the Apostle Paul to the Three Steles of Seth... », particulièrement 455-469. 74 Rappelons que le sahidique employé dans les écrits de Nag Hammadi est de qualité très inégale et présente des influences dialectales variées. 75 L'appellation « subakhmîmique » a longtemps été en usage pour parler de ce dialecte, mais les travaux de Wolf-Peter Funk ont clairement établi que le subakhmîmique regroupe en fait trois dialectes partageant certaines ressemblances, mais présentant autant de divergences significatives (« How Closely Related are the Subakhmimic Dialects?», Zeitschrift fur Àgyptische Sprache und Altertumskunde 112 [1985], 124-139). Dans cette optique, « if we stick to the traditional notion of there being one Subakhmimic dialect, the amount of information supplied (...) is indeed next to nothing », tandis que l'appellation « lyco-diospolitain », plus précise, renvoie à un ensemble défini et cohérent de phénomènes linguistiques, et est donc à préférer à son prédécesseur. Pour une brève discussion de l'appellation « lyco-diospolitain » et de la localisation géographique de ce dialecte, voir Rodolphe Kasser et Wolf-Peter Funk, « Lyco-Diospolitan », The Coptic Encyclopedia, Aziz S. Atiya éd., New York/Toronto, Macmillian, 1991 ; voir également Peter Nagel, « Lycopolitan (or Lyco-Diospolitan or Subakhmimic) », The Coptic Encyclopedia, Aziz S. Atiya éd., New York /Toronto, Macmillian, 1991.
20
standards du lyco-diospolitain, il en va autrement de YÉvangile de vérité et du Traité
tripartite, au point où « it is not quite clear what the principal scribe of Codex I (the 'first
hand') — or, for that matter, the 'patron' of the codex who employed two different
scribes — meant to produce in terms of literary dialect »76.
3. La Prière de l'apôtre Paul (NH 1,1)
3.1 Etat matériel
La Prière de l'apôtre Paul est un court texte dont la seule recension connue à ce jour se
trouve sur le recto et la moitié du verso de la page de garde du codex I. La demi-feuille de
papyrus sur laquelle elle s'inscrit fait partie du lot acquis par l'Institut Jung. Outre le titre,
42 lignes de textes (36 au recto, six au verso ), certaines très fragmentaires, sont toujours
visibles sur le papyrus. La première ligne du recto n'était probablement pas la première du
document ; la lacune au-dessus de la première ligne visible est assez importante pour qu'on
puisse conjecturer que de deux à trois lignes supplémentaires de texte y étaient inscrites ,
ce qui amènerait la Prière de l'apôtre Paul à un total de 44 à 45 lignes. Ainsi, tandis que
Yeditio princeps indique que la première ligne visible sur le recto du papyrus est la
première du texte , toutes les éditions subséquentes ont numéroté cette même ligne A,3,
postulant ainsi deux lignes manquantes dans la lacune du haut de la page. La présente
édition reprend cette convention80.
Le pourtour du papyrus s'étant passablement désagrégé au fil du temps, certaines des
lignes du document sont aujourd'hui très lacuneuses. C'est notamment le cas de la toute
première ligne visible du texte (A,3), dont seules les traces d'encre de la partie inférieure
76 Funk, « The Linguistic Aspect... », 130. 77 Les termes recto et verso font référence respectivement à la première et à la deuxième page de la Prière de l'apôtre Paul, communément identifiées A et B. Cet emploi ne suit pas la terminologie papyrologique habituelle voulant qu'on réserve l'appellation « recto » aux pages dont les fibres sont horizontales et « verso » aux pages dont les fibres sont verticales. Au contraire, dans la Prière de l'apôtre Paul, les fibres du recto sont verticales tandis que celles du verso sont horizontales. 8 Dieter Mueller, « The Prayer of the Apostle Paul », Nag Hammadi Codex I (The Jung Codex : Notes),
Harold W. Attridge éd., Leiden, Brill, 1985, 1. 79 Rodolphe Kasser et al., Oratio Pauli Apostoli : Codex Jung F. LXXII ( ?) (p. 143 7-144 ?), Berne, Francke, 1975,248-249. i0 Bien que nous postulions que le haut de la page B contînt entre une et deux lignes de texte désormais perdues en raison de la détérioration du papyrus (voir discussion p. 93), notre édition utilise la numérotation des lignes de Mueller pour la page B, afin d'éviter la confusion qu'occasionneraient deux systèmes de numérotation différents.
21
de certaines des lettres sont encore visibles, rendant incertaine la restitution d'une bonne
partie du contenu de la ligne. Les trois lignes suivantes (A,4 à A,6), ainsi que les trois
premières lignes du verso (B,l à B,3), sont également assez endommagées par endroits.
Autrement, la plus grande partie des lacunes est attribuable aux dommages causés à la
marge gauche de la page A, amputant parfois jusqu'à cinq lettres de A,7 à A,29 et de B,4 à Q 1
B,7 . Heureusement, le côté droit du recto est assez bien conservé et permet souvent de
restituer avec plus de certitude les lacunes en début de ligne. Le texte est presque
parfaitement conservé des lignes A,30 à A,38. De plus, l'ajout dans l'édition facsimile de
deux fragments absents de Yeditio princeps permet dorénavant de compléter le texte
autrefois manquant au début des lignes A,30 à A,33 ainsi que de combler partiellement les R9
lacunes au début des lignes A,6 à A,8 et A,29 et à la fin des lignes B,3 à B,5 . Enfin, des
photographies du texte prises peu après leur découverte ont pu confirmer certaines lettres
encore pointées dans Yeditio princeps .
Au deux tiers de la page A, l'écriture grossit progressivement. On remarque aussi à la page
B que les marges sont passablement plus larges que celles au recto et que l'écriture y est
plus grosse. Tous cela donne à penser que le scribe a réalisé en cours de copie que le texte
se terminerait au haut de la page B et que, pour des raisons esthétiques, il fit en sorte que le
texte prenne plutôt fin vers le milieu de la page B. C'est peut-être ces mêmes
considérations qui le poussèrent à ajouter quelques enjolivures à la suite du titre, en fin de
texte. Celles-ci consistent en trois croix, séparées par une croix ansée et encadrées au-
dessus et en-dessous par des bandes de motifs qui séparent en deux la brève invocation qui
suit le titre.
81 La feuille de papyrus est la plus endommagée au côté gauche du recto, à la hauteur des lignes 16 à 18. Ces dégâts s'expliquent par une protubérance résultant d'un segment de ruban de cuir situé sous le contre-plat de la reliure frontispice. Outre les pages A et B, cette protubérance endommagea également les pages 1 à 6 (Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Codex I, xvii). 82 Ces fragments ont été identifiés comme appartenant au folio A/B suite aux travaux respectifs de Emmel et de Kasser en 1976 (Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Codex I, xxix). 83 Stephen Emmel, « Unique Photographie Evidence for Nag Hammadi Texts : CG I 1-5 », Bulletin for the American Society ofPapyrologists 15 (1978), 254.
22
3.2 Place dans le codex
Jusqu'en 1976, la recherche présumait que la Prière de l'apôtre Paul était le cinquième et
dernier texte du codex I, situé à la suite du Traité tripartite. À l'époque, plusieurs éléments
semblaient justifier cette opinion. D'abord, on retrouva la demie feuille sur laquelle se
trouve la Prière de l'apôtre Paul sous la pile de folios du codex I, donc en toute fin du
codex. De plus, puisqu'une courte invocation succède au titre de l'œuvre et que le scribe a
laissé la deuxième moitié du recto vide, les chercheurs de l'époque déduisirent que cette
invocation venait en quelque sorte conclure le codex84. La pagination de YApocryphon de
Jacques suggère également que la première page de ce traité est bel et bien la première
page numéroté de tout le codex85. Comme la partie supérieure de la demie feuille de la
Prière de l'apôtre Paul, là où aurait pu se trouver la pagination, est manquante,
l'hypothèse la plus vraisemblable voulait donc que la Prière de l'apôtre Paul suive le
Traité tripartite et ait été paginée 143(?) et 144( ?) à l'origine . De plus, l'écriture
comporte plus de similitudes avec l'écriture inégale du Traité tripartite qu'avec celle de
YApocryphon de Jacques*7. Les chercheurs conclurent que le scribe copia la Prière de
l'apôtre Paul après avoir complété celle du Traité tripartite, et que la Prière de l'apôtre
Paul se trouvait ainsi en toute fin du codex I. Cette conclusion s'est avérée inexacte
depuis ; on sait maintenant que le folio sur lequel est inscrite la Prière de l'apôtre Paul
était rattaché au folio des pages 8[5]/86, et que le texte était au début du premier cahier du • • RR _
codex à l'origine . A la lumière de cette nouvelle information, la similitude de l'écriture
84 Robinson, 77ie Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Codex /., xxi. Robinson employait encore le terme « colophon » en référence à ce qui devrait plutôt être qualifié d'invocation. 85 La numérotation des six premières pages de YApocryphon de Jacques est perdue dans des lacunes, mais elle est bien visible à partir de la septième. 8 6 Selon la pagination de Yeditio princeps. Cette pagination était cependant incertaine pour son éditeur ; Kasser décrit la Prière de l'apôtre Paul comme un texte « incomplet et réduit à moins de deux pages assez mutilées » (Oratio Pauli Apostoli..., 245), suggérant ainsi que le document original devait comporter plusieurs pages dont une seule nous serait parvenue. Ainsi, selon Yeditio princeps, une Prière de l'apôtre Paul s'étendant sur deux folios, peut-être même trois, aurait suivi le Traité tripartite. 17 Mueller, Codex I : Introductions..., 6. Peut-être est-ce pour cette raison que Jean-Daniel Dubois affirme, de manière erronée, que la Prière de l'apôtre Paul a été « recopiée par un scribe différent de celui qui a transcrit le texte suivant dans le codex I de Nag Hammadi » (« Le titre christologique d'évangéliste et la polémique d'Origène contre les gnostiques », Origenia Sexta. Origène et la Bible / Origen and the Bible. Actes du Colloquium Origenianum Sextum, Chantilly, 30 août - 3 septembre 1993, Gilles Dorival et Alain Le Boulluec éds., Louvain, Louvain UP, 1995, 28-29 ; « Prière de l'apôtre Paul [NH 1,1] », Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi, Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier éds., Paris, Gallimard, 2007, 3). ,8 James M. Robinson, The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices : Introduction, Leiden, Brill, 1984, 41. Stephen Emmel fut le premier à remettre en question la position de la Prière de l'apôtre Paul au
23
de la Prière de l'apôtre Paul et du Traité tripartite suggère plutôt que le scribe ajouta la
Prière de l'apôtre Paul sur la page de garde après avoir recopié le dernier texte du codex89.
3.3 Langue
Le texte est rédigé en lyco-diospolitain (L6), un dialecte copte du sud de l'Egypte90. Le
texte original était probablement grec ; comme l'exprime Einar Thomassen, « il n'a jamais
été démontré jusqu'à présent qu'un ouvrage gnostique connu en copte puisse être autre
chose qu'une traduction d'un original grec »91, et rien dans la Prière de l'apôtre Paul
n'incite à penser autrement. Au contraire, le titre et la brève invocation qui le suit, tous
deux en grec, semblent supporter cette hypothèse92.
Comme le relève Dieter Mueller, la langue de la Prière de l'apôtre Paul s'accorde
pratiquement en tout point avec les standards du dialecte lyco-diospolitain et est dénué de
tout trait idiosyncratique93. À ce niveau, la langue de la Prière de l'apôtre Paul se
différencie de celle du Traité tripartite, qui inclut à son lyco-diospolitain certains traits
sahidiques. Comme dans les autres textes du codex I qui furent recopiés par le scribe A,
l'utilisation des traits supralinéaires et des marqueurs d'articulation, ainsi que leurs formes
et leurs positions, ne sont pas constantes94.
Tout comme on peut l'attendre d'une prière, une bonne partie des verbes employés dans la
Prière de l'apôtre Paul sont à l'impératif, parfois marqués par l'utilisation du préfixe M2k.-,
sein du codex I proposée par Y editio princeps et à suggérer que ce texte ait plutôt occupé la page de garde (« Announcement », 56-57). 89 Par ailleurs, la Prière de l'apôtre Paul n'est pas le seul exemple de texte inscrit sur la page de garde d'un codex ; on retrouve le même phénomène dans le codex Askew, où le scribe semble là aussi avoir voulu maximiser l'utilisation des feuilles de papyrus en insérant un texte supplémentaire sur la page de garde du manuscrit (Robinson, « The Jung Codex »..., 28). 90 Et non en sahidique, comme l'a affirmé Harold W. Attridge (« Paul, Prayer of the Apostle », The Anchor Bible Dictionary, vol. 5, David Noel Freedman éd., New York, Doubleday, 1992, 205). 91 Einar Thomassen et Louis Painchaud, Le Traité tripartite (NH 1,5), Québec, Presses de l'Université Laval, 1989, 10. 92 Les questions relatives au titre de la Prière de l'apôtre Paul seront davantage explorées p. 30.
3 « Prayer of the Apostle Paul », Nag Hammadi Codex I (The Jung Codex) : Introduction, Texts, Translations, Indices, Harold W. Attridge éd., Leiden, Brill, 1985, 5. Le seul phénomène linguistique étranger au dialecte L6 dans ce texte est l'emploi de la forme 8NH26 plutôt que àNH^e en A,23 et B,6 (Wolf-Peter Funk, communication privée). 94 Emmel, « Unique Photographie Evidence... », 252. À ce propos, Thomassen relève qu'il semblerait que « le scribe ait d'abord tenté de ponctuer son texte, puis, peut-être parce qu'il n'en comprenait pas entièrement le contenu, qu'il se soit désintéressé de cette question au cours de la transcription » (Traité tripartite..., 5).
24
mais presque aussi souvent utilisés sans celui-ci95. La préformation de deux verbes grecs
avec le verbe copte p- (A, 19 et 20) est clairement non-sahidique selon Thomassen96. Deux
verbes apparaissent sous la forme seconde ou relative du parfait (A,5 et A,30
respectivement), et sont dans les deux cas préfixés par 2k.£-, ce qui est typique du lyco-
diospolitain. Comme le souligne Mueller, l'aoriste négatif apparaît tour à tour sous sa
forme régulière (Maicp^THK. en A, 15) et archaïque (M2.poYcyeM_\.2Te en A,10)97.
Finalement, le verbe JXàCl (A, 13) présente une finale conforme à la règle d'Edel (Edels
auslaut), voulant qu'une finale atone dont l'ancêtre étymologique est -jw devienne une
finale en - e pour les dialectes A, L4, L5, M, P et S et une finale en -l pour les dialectes
B4, F4,1, W et L6, celui de notre texte98.
Hormis quelques exceptions99, l'orthographe utilisée dans le document est assez constante.
On relève au total 35 termes gréco-coptes dans le texte. Le scribe ajoute en deux occasions
un K devant S (A,18 et B,4-5) ; seule la Prière de l'apôtre Paul présente ce phénomène
dans le codex I, bien qu'il soit relativement courant dans la littérature copte100. Autrement,
on retrouve deux exemples de redoublement du N dans le texte (A, 19 et 25-26), ce qui est
courant en L6.
3.4 Histoire de la recherche
3.4.1 Editions antérieures
Une équipe internationale composée de Rodolphe Kasser, Michel Malinine, Henri-Charles
Puech, Gilles Quispel, Jan Zandee, Werner Vycichl et Robert McL. Wilson publia Yeditio
5 5 Ce préfixe est utilisé de manière systématique pour le verbe "f* (« donner» ; A,3, 9, 15, 18, 19 et 22). Sinon, il est employé en une occasion avec XTT_v.ï (« engendrer » ; A,6). Tous les autres impératifs apparaissent sous la forme d'infinitifs non-duratifs (A,4, 7, 8, 25 et 35). 9 6 Traité tripartite..., 34.
Codex 1 : Introduction..., 5. 98 Elmar Edel, « Neues Material zur Herkunft der auslautende Vokale - e und -I im Koptischen », Zeitschrift fur Àgyptischen Sprache und Altertumskunde 86 (1961), 103-106 ; Wolf-Peter Funk, « Dialects Wanting a Home : A Numerical Approach the the Early Varieties of Coptic », Historical Dialectology : Regional and Social, Jacek Fisiak éd., Berlin/New York/ Amsterdam, Mouton de Gruyter, 1988, en particulier 161 et 164. 99 On retrouve ainsi les graphies alternatives cppTT (A, 13, 23, 24, 37, 38) et cy_.ptT (A,33), TTNeYMà. (A, 17) et TTNà. (A,23), ainsi que les suffixe pronominaux de la première personne du singulier -ï (A,3, 6, 7 et 15) et -€l (A,4, 9, 18, 19, 20, 26 et 33). De telles variations restent cependant tout à fait anodines. 100 Wolf-Peter Funk, communication privée.
25
princeps du codex I en 1975. Initialement, seule la partie du codex acquise par l'Institut
Jung devait être publiée, mais dès 1955 l'équipe prit entente avec le Musée Copte pour que
l'édition européenne puisse inclure les folios conservés au Caire à condition que la partie
détenue à Zurich y soit retournée après sa publication101. En mars 1952, l'Institut Jung
réussit, via Quispel, à imposer une clause d'exclusivité quant à l'accès au codex I et à sa
publication, et s'assura que les photographies du manuscrit qui avaient été prises par Jean
Doresse lui seraient retournées et ne seraient jamais publiées102. Quelques mois plus tard,
CA. Meier, directeur de l'Institut Jung, ajouta une clause voulant que l'accès aux textes du
codex I soit limité à un nombre restreint de chercheurs, écartant ainsi Jean Doresse de
l'entreprise d'édition et de publication. Malgré ces mesures, ou peut-être en raison de
celles-ci, le processus de publication fut excessivement lent et n'aboutit que plus de vingt
ans plus tard.
Rodolphe Kasser effectua l'édition du texte copte de la Prière de l'apôtre Paul avec la
collaboration des autres membres de l'équipe de recherche, dont les suggestions de
reconstructions alternatives sont incluses dans le commentaire philologique. Ueditio
princeps présente également une traduction française élaborée par Malinine et Puech, une
anglaise par Wilson et Zandee, et une allemande par Kasser et Vycichl. Ces trois
traductions présentent à quelques endroits des interprétations et restitutions différentes du
texte copte. Les notes philologiques sont l'oeuvre de Kasser et les notes critiques,
uniquement présentées en français, sont celle de Puech.
Il va sans dire que Yeditio princeps de la Prière de l'apôtre Paul reste à ce jour une
référence obligée pour l'étude approfondie de ce texte. D'une part, les nouvelles
traductions du texte qui ont été faites depuis sont souvent basées sur l'édition de Kasser.
D'autre part, il s'agit de la seule édition à ce jour à offrir un commentaire détaillé de la
langue et, surtout, du contenu du texte. Malgré cela, Yeditio princeps reste insatisfaisante à
certains égards. Sa plus importante carence est sans aucun doute l'absence du matériel
contenu dans les fragments et photographies découverts par Kasser et Emmel, matériel
auquel les éditeurs n'avait pas accès puisque ces trouvailles ne furent annoncées à la
01 Robinson, The Facsimile Edition...., 2. 102 Robinson, « The Jung Codex... », 21-22.
26
communauté scientifique qu'en 1976 et 1978 respectivement . Même si ces ajouts ne
représentent pas une portion considérable du texte, les fragments ont permis de rejeter
quelques restitutions proposées par / 'editio princeps. On peut également reprocher aux
notes critiques, quoique considérables et erudites, de ne pas fournir au lecteur une vue
d'ensemble du texte ni de chercher à expliquer sa cohérence interne ; plutôt, le
commentaire se limite généralement à établir des parallèles entre le contenu de la Prière de
l'apôtre Paul et des passages similaires trouvés dans la littérature ancienne, une
contribution tout à fait appréciable mais qui nous en dit peu sur la fonction et le message
du texte.
Le projet américain d'édition de la bibliothèque de Nag Hammadi de la Coptic Gnostic
Library, dirigé par James M. Robinson, publia une seconde édition en 1985104. On assigna
à Dieter Mueller l'édition et la traduction de la Prière de l'apôtre Paul, tâche qui fut
reprise par Harold W. Attridge après le décès de Mueller en 1977. Comme celui-ci avait
déjà établi l'édition critique du texte copte, Attridge fut responsable de la traduction
anglaise du texte, de l'introduction et des notes philologiques et critiques. Il apporta
également quelques modifications à l'édition de Mueller, auxquels cas l'apparat critique
conserve néanmoins la reconstruction du texte copte proposée par ce dernier. La
publication présente également un index des termes coptes et gréco-coptes du codex I,
ainsi qu'un bref commentaire philologique et critique d'un peu plus de quatre pages.
L'édition du texte copte de la Prière de l'apôtre Paul établie dans la Coptic Gnostic
Library reste à ce jour la plus complète et la plus fiable en raison de l'apparat critique et
des matériaux provenant des nouveaux fragments et photographies qui y sont présents105.
Contrairement à Yeditio princeps, qui présente une édition diplomatique du texte copte,
celle de la Coptic Gnostic Library découpe plutôt le texte en sous-unités littéraires, selon le
jugement de l'éditeur. La discussion sur la langue du document est assez complète, mais
celle qui porte sur la forme et le contenu demeure élémentaire. Le commentaire de l'œuvre,
103 « New Photographie Evidence... ». 104 L'édition, la traduction et le commentaire des textes du codex I, originalement publiés séparément dans les numéros XXII et XXIII de la série Nag Hammadi Studies (Leiden, Brill), ont depuis été intégrés en un même volume (The Coptic Gnostic Library : A Complete Edition of the Nag Hammadi Codices, vol. 1, James R. Robinson éd., Leiden/Boston/Kôln, Brill, 2000). 105 Voir la discussion p. 21.
27
très sommaire, s'attarde principalement à établir des parallèles avec d'autres textes des
premiers siècles, souvent les mêmes que ceux mentionnés par Yeditio princeps, ainsi qu'à
éclairer certains points philologiques, mais une explication globale du texte fait défaut.
Dans l'ensemble, l'accent semble avoir été mis sur l'édition et la traduction du texte.
Bentley Layton a récemment publié une quatrième édition de la Prière de l'apôtre Paul]06.
Comme pour l'édition de Cherix, mentionnée ci-après, on n'y retrouve que l'édition copte,
présentée sans traduction, apparat critique, introduction ou commentaire. Fidèle à son
habitude, Layton sépare le texte copte selon ses morphèmes constitutifs et offre la forme
grecque et la traduction anglaise des termes gréco-coptes en note de bas de page.
L'entreprise de Layton s'appuie principalement sur Yeditio princeps et l'édition
facsimilée ; dans l'introduction de sa chrestomathie, le chercheur mentionne avoir aussi
consulté les manuscrits conservés au Caire pour certains des textes qui s'y trouvent, sans
toutefois spécifier si la Prière de l'apôtre Paul fait partie du lot. Dans ces circonstances, il
est difficile de déterminer si les reconstitutions qui sont uniques à l'édition de Layton se
basent sur une observation directe du document ou si d'autres raisons ont justifié leur
adoption.
Comparativement aux éditions de Kasser et de Mueller, celle de Layton demeure assez
conservatrice aux endroits où le texte est très lacuneux et où les reconstructions du texte
copte relèvent davantage de la conjecture que de la certitude. Chose étonnante, à l'inverse,
il ne pointe pas les lettres manquantes dont la restitution est assez certaine — quoiqu'il se
montre inconsistant sur ce point à quelques endroits — alors que les éditions précédentes le
font. Quelques restitutions originales à cette publication la rendent fort profitable, mais
Layton néglige de justifier les raisons de ces restitutions alternatives (collation, motivations
syntaxiques, etc.), tout comme il néglige de tenir compte des preuves photographiques
publiées par Emmel. Ces deux lacunes affectent malheureusement la fiabilité et la validité
de son édition.
106 « A Prayer of Paul the Apostle », Coptic Gnostic Chrestomathy : A Selection of Coptic Texts with Grammatical Analysis and Glossary, Louvain/Paris/Dudley, Peeters, 2004, 154-155.
28
Mentionnons en dernier lieu l'édition établie par Pierre Cherix dans le cadre de sa
concordance du codex I107. Elle se base sur l'édition fac-similé du codex, mais est enrichie
de vérifications à la lampe à rayons ultra-violets du document, menées au Caire par Cherix 1 DR
en 1983 ; ces vérifications ont d'ailleurs permis de confirmer certaines lettres que les
éditions précédentes pointaient. Les restitutions proposées par cette édition suivent celles
de la Coptic Gnostic Library à peu de choses près. Cherix se garde toutefois de corriger les
passages jugés corrompus par l'équipe de Yeditio princeps, Mueller et Layton.
3.4.2 Traductions antérieures
Outre les traductions qui accompagnent Yeditio princeps et l'édition de la Coptic Gnostic
Library, la Prière de l'apôtre Paul a fait l'objet de traductions allemandes, anglaises,
espagnoles et françaises. On relève du côté allemand celle du projet Nag Hammadi
Deutsch109, l'un des trois grands projets de recherche sur les textes de Nag Hammadi avec
celle de la Coptic Gnostic Library susmentionnée et celle de la Bibliothèque copte de Nag
Hammadi, basée à l'Université Laval de Québec. Auparavant, Gerd Lûdemann et Martina
Janflen avaient publié une autre traduction de la Prière de l'apôtre Paulu o . Du côté des
traductions anglaises, on retrouve celle de Bentley Layton111, publiée indépendamment de
l'édition copte qu'il présente dans sa Coptic Gnostic Chrestomathy, et qui ne se base pas
sur cette édition du texte copte. On retrouve aussi une traduction anglaise de la Prière de
l'apôtre Paul par Deirdre Good dans Prayer from Alexander to Constantine : A Critical
Anthology112, dans le recueil The Gnostic Bible, de Willis Barnstone et de Marvin
Meyer113, et dans The Nag Hammadi Scriptures114. Deux traductions françaises ont été
107 Concordance des textes de Nag Hammadi. Le codex I, Sainte-Foy/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995,905. 108 Cherix, Concordance des textes de Nag Hammadi..., 1. 109 Hans-Gebhard Bethge et Uwe-Karsten Plisch, « Das Gebet des Apostels Paulus (NHC 1,1 ) », Nag Hammadi Deutsch, vol. 1, Hans-Martin Schenke, Hans-Gebhard Bethge et Ursula Ulrike Kaiser éds., Berlin/New York, Walter de Gruyter, 2008, 7-10. ' l0 « Das Gebet des Apostels Paulus », Bibel der Hâretiker : Die gnostischen Schriften aus Nag Hammadi, Gerd Lûdemann et Martina JanGen éds., Stuttgart, Radius, 1997, 13-14. ' " « A Prayer of Paul the Apostle », The Gnostic Scriptures, Bentley Layton éd., Garden City, Doubleday & Company, Inc., 1987, 303-305. 112 « Prayer of the Apostle Paul from the Nag Hammadi Library », Mark Kiley éd., Londres/New York, Routeledge, 1997,291-295. 113 Meyer, Marvin, « The Prayer of the Messenger Paul », Boston/Londres, Shambhala, 2003, 332-334. 1,4 Meyer, Marvin et Madeleine Scopello, « The Prayer of the Apostle Paul », Marvin Meyer éd., New York, HarperOne, 2007, 15-18.
29
publiées à ce jour, toutes deux produites par Jean-Daniel Dubois1 . La seule traduction
espagnole disponible est celle de Francisco Garcia Bazin116. De courtes introductions
précèdent toutes ces traductions.
3.4.3 Littérature secondaire
Outre les introductions et commentaires des éditions et traductions mentionnées plus haut
et quelques notices d'encyclopédie ou de dictionnaire117, le contenu de Prière de l'apôtre
Paul a fait l'objet de peu d'enquêtes. Parmi les quelques articles qui ont abordé certains 1 1 5 .
éléments de ce texte , on peut compter sur les doigts de la main ceux dont l'objet central
est la Prière de l'apôtre Paul . On retrouve néanmoins une constante à travers toute cette
littérature : il s'agirait d'un texte influencé par le valentinisme. L'editio princeps avait déjà
" « Prière de l'apôtre Paul (1,1) », dans « Nag Hammadi. Évangile selon Thomas. Textes gnostiques aux origines du christianisme », Suppl. Cahier Évangile 58 (1987), 20-21 ; « Prière de l'apôtre Paul (NH 1,1) », Écrits Gnostiques..., 1-10. Dubois est également en charge de l'édition et du commentaire de la Prière de l'apôtre Paul pour le projet de la Bibliothèque copte de Nag hammadi. 116 « Oraciôn de Pablo (A,l-B,10) », Textos gnôsticos : Biblioteca de Nag Hammadi, vol. 2, Antonio Pinero éd., Madrid, Editorial Trotta, 1997, 261-264. Garcia Bazân a republié cette même traduction dans « Dos breves plegarias gnôsticas y su contexto codicolôgico : Oraciôn de Pablo (NHC I, A*-B*) y Oraciôn de acciôn de gracias (NHC VI, 7) », La preghiera nel Tardo antico. Dalle origin! ad Agostino. XXVII Incontro di studiosi dell 'antichità cristiana, Roma, 7-9 maggio 1998, Rome, Institutum Patristicum Augustinianum, 1999,75. 117 Roger A. Bullard, « Paul, Prayer of the Apostle », Mercer Dictionary of the Bible, Watson E. Mills éd., Macon, Mercer UP, 1990, 664 ; Madeleine Scopello, « Prayer of the Apostle Paul », The Coptic Encyclopedia, vol. 6, Aziz Suryal Atiya éd., New York/Toronto, Macmillan, 1991, 2007 ; Attridge, « Paul, Prayer of the Apostle », 205 ; Marcus Stark, « Paulus », Lexicon fur Théologie und Kirche, vol. 7, Konrad Kasper et al. éds., Fribourg/Basel/Rome/Vienne, Herder, 1998, 1512 ; Philip L. Tite, « Paul, Prayer of the Apostle», Eerdmans Dictionary of the Bible, David Noel Freedman éd., Grand Rapids, W.B. Eerdmans, 2000, 1020-1021; Georg Rôwekamp, « Paulus-Literatur », Lexikon der Christlichen Literatur, 3e éd., Siegmar Dôpp et Wilhelm Geerling éds., Fribourg/Basel /Vienne, Herder, 2002, 554, qui fut ensuite traduit en anglais (« Paul, Literature about», Dictionary of Early Christian Literature, Matthew O'Connell trad., New York, Crossroads Publishing Company, 2000, 462). 118 Relevons notamment Jean-Daniel Dubois, « La descente du Sauveur selon un codex gnostique valentinien», Frontières terrestres, frontières célestes dans l'antiquité, Aline Rousselle éd., Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 1995, 357-369 ; « Les titres du codex I (Jung) de Nag Hammadi », La formation des canons scripturaires, Michel Tardieu éd., Paris, Éditions du Cerf, 1993, 219-235 ; Louis Painchaud et Michael Kaler, « From the Prayer of the Apostle Paul to the Three Steles of Seth : Codices 1, XI and VII from Nag Hammadi Viewed as a Collection », Vigiliae Christianae 61 (2007), 445-469 ; Einar Thomassen, « Notes pour la délimitation d'un corpus valentinien à Nag Hammadi », Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Louis Painchaud et Anne Pasquier éds., Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995, en particulier 256-257. 119 On retrouve sous cette banière Jean-Daniel Dubois, « L'utilisation gnostique du centon biblique cité en / Corinthiens 2,9 », KATA TOYI O' selon les Septante. Trente études sur la Bible grecque des Septante, Gilles Dorival et Olivier Munnich éds., Paris, Éditions du Cerf, 1995, 371-379; «Le titre christologique d'évangéliste... », 27-36 ; Michael Kaler, « The Prayer of the Apostle Paul in the Context of Nag Hammadi Codex I » Journal of Early Christian Studies 16 (2008), 319-339.
30
fait un lien entre la mention du « dieu psychique » en A,31-32 et la doctrine du corps
psychique du Sauveur qui serait propre à l'école valentinienne « occidentale ». En raison
de ce lien hypothétique avec le valentinisme, les chercheurs suggèrent habituellement que
la Prière de l'apôtre Paul fut composée entre la seconde moitié du IIe siècle et la fin du IIIe
siècle.
3.5 Titre
Le titre, initialement restitué de manière erronée « Prière de l'apôtre Pierre » par 1 90
Doresse , se trouve à la suite du texte, sur le verso de la page de garde, et est suivi d'une
brève inscription pieuse. On ne peut savoir si le titre a aussi pu se trouver en début de texte,
puisque les premières lignes du recto de la page de garde sont manquantes. Le titre et
l'inscription ont conservé leur forme grecque originale translitérée en copte. La Prière de
l'apôtre Paul n'est mentionnée nulle part dans la littérature patristique, hérésiologique ou
gnostique. Elle est à différencier de la Prière et apocalypse de Paul, un texte grec qui serait 1 9 1
une réécriture abrégée de la version grecque de Y Apocalypse de Paul .
On peut se demander si le titre fut toujours associé à l'œuvre ou s'il y fut ajouté en cours
de transmission. Rappelons que le texte de la Prière de l'apôtre Paul ne fait nulle part
référence, de manière explicite ou implicite, à la figure de Paul. Bien que le vocabulaire et
les expressions scripturaires employés dans la prière puisent en partie dans le répertoire
paulinien, force est d'admettre que l'auteur du document y a combiné une variété
d'influences qui ne se confinent pas aux seules épîtres de l'apôtre des Gentils. Ainsi, rien
dans le contenu de la Prière de l'apôtre Paul n'aurait incité la recherche à la rattacher à la 1 99
tradition paulinienne si le titre du texte ne nous était jamais parvenu . Il pourrait donc être
1 2 0 Les livres secrets..., 167 ; la restitution de Doresse fut remise en question dès 1954 (Henri-Charles Puech et Gilles Quispel, « Les écrits du Codex Jung », Vigiliae Christianae 8, 2-5), puis corrigée dans Yeditio princeps. 121 Pierluigi Piovanelli, « La Prière et apocalypse de Paul au sein de la littérature apocryphe d'attribution paulinienne », Apocrypha 15 (2004), 31-40. 122 La notion même de « tradition paulinienne » ou d'« influence paulinienne » doit être précisée. Hans Dieter Betz (« Paul in the Mani Biography [Codex Manichaicus Coloniensis] », Codex Manichaicus Coloniensis. Atti del Simposio Internazionale [Rende-Amantea 3-7 setembre 1984]), Luigi Cirillo éd., Cosenza, Marra Editore, 1986, 216) répertorie cinq types d'« influences pauliniennes » : 1) l'utilisation de l'image générale de Paul ; 2) l'imitation stylistique et littéraire des épîtres pauliniennes et deutéro-pauliniennes ; 3) l'usage de concepts et de la théologie qui découlent des épîtres pauliniennes et deutéro-pauliniennes; 4) la citation de matériel paulinien ou deutéro-paulinien ; 5) l'utilisation de traditions pauliniennes postérieures au Nouveau
31
secondaire à la composition du texte. À l'inverse, le titre pourrait très bien être original,
mais nous pensons qu'il est important de relativiser cette possibilité, puisque la recherche
l'a trop souvent tenue pour acquise. Une chose est assez certaine : tout comme c'est le cas
de l'inscription pieuse qui le suit, la préservation du titre en grec suggère que l'ajout aurait
eu lieu durant la phase de transmission grecque du document, avant sa traduction en
copte123.
La mention de l'« apôtre Paul » dans le titre de notre prière est remarquable dans son
contexte codicologique. En dehors de la Prière de l'apôtre Paul, on ne relève le terme
gréco-copte àTTOCTOA-OC qu'en deux autres occasions dans toute la sous-collection I-XI-
VII : dans le Traité sur la résurrection (45,24-25), où il apparaît en référence à Paul, et
dans le Traité tripartite (116,17-18), dont l'expression «les apôtres et les porteurs de
bonne nouvelle » ne réfère pas spécifiquement aux disciples de Jésus mais à l'ensemble
des spirituels124. On constate tout d'abord que le terme n'est employé que dans le codex I.
De plus, outre l'occurrence du Traité tripartite dont l'emploi est plus général, le titre
d'apôtre est réservé à Paul. Cet usage se confirme dans YApocryphon de Jacques, un texte
qui aurait facilement pu utiliser ce terme puisqu'il relate l'apparition de Jésus aux Douze
puis à Jacques et Pierre, mais qui préfère toujours « disciple » à « apôtre ». Soulignons
aussi que les documents du codex I font très rarement mention de Paul de manière
explicite, mais que trois de ces textes (la Prière de l'apôtre Paul, YEvangile de vérité et le
Traité sur la résurrection) emploient à maintes reprises des expressions, des passages ou 1 9S
des concepts tirés des épîtres pauliniennes . Le contenu du codex I nous permet donc de
Testament. Bien qu'on puisse certainement trouver dans la Prière de l'apôtre Paul des exemples des points 1) et 4), leur importance dans le texte ne semble pas suffisante pour catégoriser ce texte comme paulinien, même dans le sens large du terme. 123 D'ailleurs, Poirier constate que « les copistes des codices coptes qui nous sont parvenus ne sont pas intervenus dans la confection des titres que portent les traités ou que, s'ils l'ont fait, ce fut avec une réserve marquée », ce qui implique que « les titres des traités de Nag Hammadi et de Berlin doivent être associés à la vie grecque de ceux-ci plutôt qu'à leurs avatars coptes » (« Titres et sous-titres... », 349-350). 124 Thomassen et Painchaud, Le Traité tripartite..., 425. 1 2 5 Cette proximité de forme et de pensée a été relevée par de nombreux commentateurs : Mueller, « Prayer of the Apostle Paul », Nag Hammadi Codex I (The Jung Codex) : Introduction... 7 ; Harold W. Attridge et George W. MacRae, « The Gospel of Truth », Nag Hammadi Codex I (The Jung Codex) : Introduction, Texts, Translations, Indices, Harold W. Attridge éd., Leiden, Brill, 1985, 80 ; Jacques É. Ménard, Le Traité sur la résurrection (NH I, 4), Québec, Presses de l'Université Laval, 1983, 10-12. Si l'on étend notre champ de recherche à l'ensemble des textes de la sous-collection I-XI-VII, on pourrait également ajouter à cette liste Y Interprétation de la gnose (Elaine H. Pagels, « The Interpretation of Knowledge », The Coptic Gnostic
32
faire deux observations. Premièrement, une partie du matériel littéraire rassemblé dans ce
codex reflète non seulement une connaissance mais également une appréciation positive de
la littérature paulinienne. Deuxièmement, malgré que les documents du codex I ne mettent
jamais la figure de Paul de l'avant, les deux références à ce personnage reflètent une
révérence certaine en lui réservant le titre d'apôtre .
Que le titre soit original ou non, on peut tout de même se demander pourquoi son auteur a
cherché à créer un rapprochement entre le texte et la figure de Paul si, en bout de ligne, son
contenu ne se présente pas clairement comme paulinien. Layton est d'opinion que
l'« Evangéliste » mentionné en A,21 n'est nul autre que Paul, et que le document doit être
compris comme une prière adressée (entre autres) à Paul, et non une prière formulée par
celui-ci127. Cette interprétation s'avère insatisfaisante à plusieurs égards. Tout d'abord,
l'interprétation de Layton présume que le titre est original à l'œuvre qui l'accompagne, I 9R
alors que ce fait est impossible à établir. En deuxième lieu, comme le soulève Kaler ,
l'invocation de 1' « Evangéliste » en A,20 se fait dans le contexte d'une série de demandes
où est également invoqué « Jésus le Christ, le Seigneur des seigneurs, le roi des siècles »
(A,13-14) et « le fils de l'homme, l'esprit, le Paraclet véritable » (A,16-18). Même si l'on
présumait que l'invocation de 1' « Evangéliste », un titre qui n'est par ailleurs jamais
associé à Paul, ne réfère pas à Jésus-Christ comme les invocations qui le précèdent, cela
supposerait que Paul soit mis sur un pied d'égalité avec le Christ, ce qui serait une marque
d'estime pour le moins étonnante. Ces objections nous forcent donc à trouver réponse
ailleurs.
En traitant cette question sous l'angle de l'intention de l'auteur, on en vient rapidement à
réaliser qu'il est peu probable que celui-ci ait projeté de faire croire à son lectorat que
Library : Nag Hammadi Codices XI, XII, XIII, Charles W. Hedrick éd., Leiden/New York/Kbenhavn/Kôln, Brill, 1990,22). 126 L'utilisation du terme A.TTOCTOAOC dans le Traité tripartite reflète peut-être l'identification des spirituels à la figure de Paul, le seul « apôtre » ainsi nommé dans tout le codex. Le Grand Apôtre serait, dans cette perspective, l'archétype vers lequel tendre. Voir Kaler (« The Prayer of the Apostle Paul... », 329-332), qui argumente également en faveur de l'idée que la Prière de l'apôtre Paul présente Paul comme un modèle plutôt que comme simple patron du codex. 27 « The title PPI therefore does not indicate that Paul is the author of the prayer, but characterizes it as a
prayer that invokes his authority as an early apostolic preacher of the gospel » (« A Prayer of Paul the Apostle», 303). 128 Flora Tells a Story..., 75n22.
33
l'œuvre était attribuable au Paul historique. On y retrouve bien deux citations clairement
tirées de la littérature paulinienne — l'expression « le nom qui est élevé au-dessus de tout
nom » (A,12-13) provient de Phil 2,9-11 tandis que la demande formulée en A,25-29 est
une version remaniée de 1 Cor 2,9 — mais rien dans la forme ni dans le ton de la Prière de
l'apôtre Paul ne donne l'impression que ce texte imite les écrits de Paul. L'ajout du nom
de Paul dans le titre semble plutôt vouloir invoquer l'autorité de l'apôtre afin de valider les
propos du texte d'une part129, et d'autre part de les situer dans une perspective plus
« normative »130.
3.6 Contenu
La Prière de l'apôtre Paul est une prière de requêtes adressée à la divinité suprême par
l'intermédiaire de Jésus-Christ. Les premières lignes du texte sont malheureusement
perdues. Au début du texte qu'il est possible de restituer, forant demande le salut à la
divinité suprême et cherche à s'identifier à elle, tout en formulant quatre demandes : qu'il
soit engendré (A,6), qu'on lui ouvre (A,7), qu'on l'accueille (A,8) et qu'on lui donne ce
qui est parfait (A,9-10). Ces demandes, en conjonction avec les éléments du divin auxquels
forant s'identifie, pourraient très bien correspondre aux étapes successives d'une
ascension vers le divin. L'orant formule ensuite quatre autres demandes, celles-ci par
l'intercession de Jésus-Christ : l'obtention de dons (A, 15), la guérison du corps (A,18-20),
le salut de l'âme et de l'esprit (A,22-23) et la révélation du Christ à son intellect (A,25).
L'unité littéraire suivante (A,25-34) semble être une exégèse d'une version modifiée de
1 Cor 2,9 à la lumière d'une interprétation gnostique du second récit de création de la
Genèse. La prière se poursuit en demandant que la divinité confère la Majesté à l'orant
129 Nombreux sont ceux qui ont fait des rapprochements entre la mention de la figure de Paul dans le titre et le valentinisme dont le texte ferait montre (Kasser, Oratio Pauli Apostoli..., 245; Layton, « A Prayer of Paul the Apostle », 303 ; Painchaud et Kaler, « From the Prayer of the Apostle Paul... », 457 ; Meyer, « Prayer of the Messenger Paul, 332) ; en effet, le personnage de Paul était très prisé des milieux valentiniens, et son patronnage serait tout à fait approprié dans un texte valentinien. 130 Terry L. Wilder traite plus en détail de l'utilisation à des fins normatives des figures apostoliques, avec un intérêt particulier pour Paul (Pseudonymity, the New Testament, and Deception : An Inquiry into Intention and Reception, Lanham, University Press of America, 2004, 165-216). Dans la même veine, Kaler (Flora Tells a Story..., 114-115) relève deux types de contextes où un auteur peut chercher à associer une figure donnée à un texte. Dans le cas où l'autorité de la figure impliquée est contestée, c'est le texte qui cherchera à le légitimer et à démontrer le bien-fondé de son autorité. Dans le cas où l'autorité de la figure impliquée n'est pas contestée, elle sera plutôt utilisée afin de légitimer le contenu du texte. À ia lecture de la Prière de l'apôtre Paul, il apparaît bien que le texte ne tente nullement de légitimer Paul. Par conséquent, sa mention et l'accent mis sur son statut d'apôtre cherche probablement à légitimer le contenu du texte.
34
(A,35-37). La page A se conclut par la mention du « Premier-né, le Premier-engendré »
(A,37-38). Le texte se poursuit au verso par une référence au « mystère [des fi]ls de ta
maison » (B,l-2). Une brève doxologie conclut le document (B,2-6).
La Prière de l'apôtre Paul est un texte difficile à cerner à prime abord, ne serait-ce qu'en
raison des sources plutôt disparates qui l'ont influencée. Ueditio princeps relève certaines
ressemblances avec les psaumes bibliques et les épîtres pauliniennes131. Mueller, tout en
reconnaissant ces influences, suggère également des parallèles dans la littérature
hermétique et les papyri magiques grecs1 . Kaler, pour sa part, y dénote la présence de
plusieurs termes techniques valentiniens . L'influence de toutes ces traditions donnent à
première vu l'impression d'une mosaïque maladroite et confuse, qui intègre une multitude
de sources sans but précis. S'agit-il d'un texte proprement gnostique, ou encore d'une
exégèse gnostique des épîtres pauliniennes ? Est-ce réellement une prière comme le titre le
suggère, ou est-ce un texte se rapprochant davantage de la littérature magique ? Ce flou
explique peut-être pourquoi la recherche a été incapable de catégoriser précisément la
Prière de l'apôtre Paul, la décrivant tour à tour comme une prière d'intercession , un
psaume d'ascension , ou encore une invocation magique .
3.7 Genre et structure du texte
3.7.1 Genre littéraire
Peu de chercheurs ont tenté de démontrer, arguments à l'appui, à quel genre littéraire
précis se rattache la Prière de l'apôtre Paul; seul Jean-Daniel Dubois semble s'être
intéressé à la question. Bien qu'il reconnaît que ce texte soit une prière, il y voit à la fois
une « spéculation sur le tétragramme divin » et un « rituel de prononciation du nom
divin » ; selon lui, « les formules utilisées au début de cette prière renvoient aux pratiques
rituelles de la rédemption chez les valentinien, selon la description d'Irénée, Contre les
hérésies, I, 21,5 et le texte copte de Y Apocalypse de Jacques (NHC V, 33) » . Sans le
131 Kasser et al., Oratio Pauli Apostoli..., 245. 132 « Prayer of the Apostle Paul », 7. 133 Voir Kaler, « The Prayer of the Apostle Paul... », 326-328 et 336-339. 134 Layton, The Gnostic Scriptures..., 303. 135 Rowekamp, « Paul, Literature about », 462. 136 Tite, « Paul, Prayer of the Apostle », 1020. 137 « Le titre christologique d'évangéliste... », 29. Voir aussi « La descente du Sauveur... », 358-359.
35
formuler explicitement, Dubois rattache donc la Prière de l'apôtre Paul au genre de 1 ^R
l'incantation magique . L'argumentation de Dubois n'est malheureusement pas
convaincante, puisque rien dans la Prière de l'apôtre Paul ne nous situe clairement dans un
contexte magique. L'auteur du texte ne semble pas avoir cherché à mettre en évidence les
différents noms divins ou à les présenter comme autant de mots de passe, comme c'est le
cas dans les papyri magiques grecs et démotiques ; les titres employés pour désigner la
divinité à laquelle on s'adresse pourraient tout aussi bien trahir une certaine piété ou encore
n'être que simple fioriture stylistique. De plus, aucune instruction sur les gestes à
accomplir durant le rituel n'est présente dans le texte, comme c'est fréquemment le cas
dans les textes magiques . Finalement, la Prière de l'apôtre Paul est exempte des
formules typiques de la littérature magique (« éÇopKiÇco aè KO.T<X... », « £7nKaX.oùpai aé... »,
etc.). On peut certes admettre qu'il existe des similitudes entre certains textes magiques et
notre document140, mais ces ressemblances demeurent malgré tout superficielles et ne
permettent pas de rattacher la Prière de l'apôtre Paul au genre magique à proprement
parler141. Dans cette perspective, on ne peut qu'être d'accord avec Kaler, qui regrette « the
scholarly tendency to see the Prayer too narrowly as a magical text »142.
138 Scopello tient des propos qui se rapprochent de ceux de Dubois quand elle affirme que « the formal structure of this text follows an exact schema, which is that of the prayers in the magic literature of Egypt between the second and third centuries A.D. », sans toutefois donner aucun détail ou référence relatif à un tel schéma (« Prayer of the Apostle Paul », 2007). On ne peut que présumer qu'elle réfère ici aux textes magiques chrétiens cités par Mueller (« The Prayer of the Apostle Paul : 1,1 :A.1-B.10 », The Nag Hammadi Codex I (The Jung Codex) : Introductions, Texts, Translations, Indices 1). Tite reprend quant à lui l'idée d'un rituel valentinien avancée par Dubois et considère que la Prière de l'apôtre Paul « provides us insights into early Christian rituals, views on holiness, use of magic, and mystical (visionary) experience » (« Paul, Prayer of the Apostle », 1021). 139 Par exemple, on retrouve dans ce corpus une prière à Séléné (PGM IV.2785-2890), qui se conclut par une liste d'offrandes appropriées et les instructions concernant le charme protecteur qui doit précéder la prière. On y retrouve aussi une prière pour la rencontre d'Horus (PGM VI. 1-47) où l'on spécifie, avant la prière proprement dite, les moments du mois propices au rituel associé (Papyri Graecae Magicae. Die Griechischen Zauberpapyri, 2e éd., 2 vol., Karl Preisendanz éd., Stuttgart, B.G. Teubner, 1973/1974 ; Hans Dieter Betz, The Greek Magical Papyri in Translation, Including the Demotic Spells, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 1986). 140 On relèvera en particulier les PGM 1.195-22, III.187-262, IV.1115-1166 et 2785-2890, VI.1-47, VII.756-794, XXIIb.1-26 et PDM xii 21-49. 141 Notre intention n'est nullement de nier que le contenu la Prière de l'apôtre Paul puisse s'apparenter à la magie ; après tout, le texte cherche ultimement à pousser la divinité à dispenser ses dons suite à la supplication de Forant, et on pourrait très bien débattre du fait que cette supplication se veut coercitive ou non. La recherche a bien démontré que la frontière entre le religieux et le magique, tout comme la définition même de la magie, est difficile à déterminer avec précision (Henk S. Versnel, « Some Reflections on the Relationship Magic-Religion », Numen 38 [1991], 177-197 ; Naomi Janowitz, Magic in the Roman World : Pagans, Jews and Christians, New York, Routeledge, 2001 ; Fritz Graf, « Theories of Magic in Antiquity »,
36
Le rapprochement sur lequel Dubois insiste entre la Prière de l'apôtre Paul et un rituel de
rédemption spécifique au mouvement valentinien est aussi à reconsidérer. Le chercheur
consolide son argumentation en renvoyant à un passage de la Première apocalypse de
Jacques (33,11-34,20) qui fait état des réponses à fournir aux gardiens qui contrôlent la
circulation des âmes entre les différentes sphère céleste ; leurs questions portent sur la
provenance, la destination et l'identité de celui qui effectue l'ascension 1 . Or, on constate
rapidement que les liens entre cette tradition et le contenu de la Prière de l'apôtre Paul
sont faibles, puisque le contexte (les gardiens, les sphères célestes, etc.) tout comme la
forme (la structure question/réponse, les réponses à fournir) ne concordent en rien. Il n'est
pas exclu que le contenu de la Prière de l'apôtre Paul fasse allusion à certains rites
valentiniens, mais rien dans ce texte ne suggère un contexte rituel ou un rapprochement à
faire avec la Première apocalypse de Jacques.
S'il semble inapproprié de lire un rite ou un exemple d'incantation magico-religieuse dans
la Prière de l'apôtre Paul, on peut néanmoins relever deux éléments communs à ce texte et
aux prières qui parsèment le corpus des textes magiques : l'avalanche de noms et
d'épithètes qu'on y rencontre, et leur caractère invocatoire. Or, ces deux caractéristiques
sont des topoi de la prière grecque ; aussi serait-il préférable de voir dans ce dernier genre
le point de jonction entre notre prière et les prières « magiques » — qui, au risque de
souligner l'évident, s'inscrivent toutes deux dans le genre plus large de la prière grecque.
La structure de cette prière se découpe généralement en trois parties distinctes, à savoir 1)
l'invocation du dieu ou de la déesse à qui s'adresse la prière, 2) la sanctio (ou pars epica
chez certains auteurs), où l'orant expose les raisons pour lesquelles le dieu invoqué devrait
lui accorder ses requêtes, et 3) la ou les requête(s). Cette construction peut également se
Marvin Meyer et Paul Mirecki, Magic and Ritual in the Ancient World, Boston, Brill, 2002, 93-104). Cela étant dit, il ne fait aucun doute que la Prière de l'apôtre Paul se différencie passablement des standards habituels de la littérature magique. 142 « The Prayer of the Apostle Paul... », 324nl5. 143 Des passages semblables sont aussi présents dans YÉvangile selon Thomas (NH II, 2 : log. 50) et dans Y Apocalypse de Paul (NH V, 1 : 23,1-28). On peut toutefois se demander si ces questions sont spécifiques au milieu valentinien. Par exemple, on lit dans les Pirqé Avot, un recueil de sentences rabbiniques daté du IIe
siècle : « Sois sensible à ces trois choses et tu ne risqueras pas d'être livré à la transgression : sache d'où tu viens et où tu vas, devant Qui tu passeras en jugement et à Qui tu devras rendre des comptes » (Leçons des pères du monde. Pirqé Avot et Avot de Rabbi Nathan version A et B, Eric Smilévitch trad., Lagrasse, Verdier, 1983, 3,1). Le contexte et la formulation diffèrent entre ce passage des Pirqé Avot et les témoins gnostiques, mais l'idée générale reste la même. Il faut peut-être y voir un topos littéraire qui n'était pas spécifique au valentinisme.
37
dispenser de sanctio et n'être constituée que de l'invocation et des requêtes1 .
L'invocation comporte généralement une liste exhaustive des épithètes et des lieux
géographiques associés à la divinité à laquelle on s'adresse145. Les verbes employés dans la
prière grecque sont généralement au mode impératif, mais peuvent aussi être à l'optatif ou
à l'infinitif . Certains verbes, comme ôôç, sÀ0é, KÀÀÔI et cô%e sont particulièrement
fréquents147. On remarque aisément que la Prière de l'apôtre Paul se conforme au grandes
lignes de ce genre, autant par la terminologie employée (l'usage répété de l'impératif, en
particulier Mà/f*, l'équivalent copte de Ôôç, en A,3,9,15,18,19 et 22, l'énumération des
noms et titres de la divinité et de Jésus à travers la prière, etc.) que par sa structure générale
(sanctio en A,4-l 1 suivie de requêtes en A,15-38[ ?])148.
D'autres éléments, ceux-ci propres à la prière chrétienne, ont aussi pu avoir un impact sur
l'articulation de la Prière de l'apôtre Paul, à commencer par le titre, qui préfère le terme
7ipoosuxfj à eùxn, comme c'est généralement le cas dans les écrits chrétiens des premiers
siècles149. Dans un autre ordre d'idée, Origène exhorte le lecteur de son traité sur la prière à
ce que celle-ci ne soit adressée qu'à Dieu ; aussi, s'il condamne toute prière adressée au
Christ, il considère tout de même que l'orant doit demander son intercession . On
retrouve ce même schéma dans la Prière de l'apôtre Paul, qui s'adresse uniquement à la
144 Simon Pulleyn, Prayer in Greek Religion, Oxford, Clarendon Press, 1997, 132. C'est également par sa forme que la prière ancienne se différencie de l'hymne ; plusieurs auteurs anciens soutiennent que l'hymne « worships (7rpot.K-.ve0.) gods with combined prayer (z\rfi\) and praise (EJICUVOC) » sous forme poétique (William D. Furley et Jan M. Bremer, Greek Hymns : Selected Cult Songs from the Archaic to the Hellenistic Period, vol. 1, Tubingen, Mohr Siebeck, 2001, 9). Cependant, le modus operandi des deux genres reste le même, et William H. Race pourrait tout aussi bien parler de la prière lorsqu'il écrit que « the rhetorical of a hymn is, then to secure the god's pleasure by a "pleasing" choice of names and titles [...] and by the "proper" narration of his powers and exploits. And after finding a fitting and giving a "pleasing" account of the god's powers, the hymnist is prepared to make his petition » (« Aspects of Rhetoric and Form in Greek Hymns », Greek, Roman and Byzantine Studies 23 [1982], 10). 145 Furley et Bremer, Greek Hymns..., 54. 146 Pulleyn, Prayer in Greek Religion, 150. 147 Pulleyn donne une liste de tels termes aux pages 218-220. 148 On peut émettre l'hypothèse que l'invocation se trouve dans la lacune de trois lignes au début du document, ou encore que, pour quelque raison, l'auteur n'ait pas jugé nécessaire de l'inclure. 149 Adalbert G. Hamman, La prière dans l'Église ancienne, Berne/Francfort-s. Main/New York/Paris, Peter Lang, 1989, XXXI. 150 « Lorsque les saints rendent grâces à Dieu dans leurs prières, ils le font par le Christ Jésus. Et de même que, si l'on veut prier correctement, on ne doit pas prier celui qui prie, mais celui que Notre-Seigneur Jésus nous a appris à invoquer dans nos prières, c'est-à-dire le Père, de même il ne faut pas, sans lui, présenter une prière au Père » (Gustave Bardy, Origène. De la prière. Exhortation au martyre. Introduction, traduction et notes, 2,eme éd., Paris, Librairie Lecoffre, J. Gabalda et Fils, Éditeurs, 1932, 79). On retrouve la même idée dans YApocryphon de Jacques, où Jésus dit : «j'intercède pour vous auprès du Père » (11,4-5).
38
divinité au début du texte (A,3-12), puis présente ses demandes via la seule intercession de
Jésus, et ce, de manière répétée (A, 12-38).
À la lumière de cette enquête, on ne peut que constater que la Prière de l'apôtre Paul fait
partie des rares écrits retrouvés à Nag Hammadi dont le titre reflète adéquatement le genre
littéraire. En effet, ce texte s'inspire fortement de la tradition grecque de la prière, chose
peu surprenant puisque le christianisme s'est développé dans le creuset de la culture gréco-
romaine. D'ailleurs, cette conformité au genre littéraire de la prière grecque pourrait très
bien expliquer les affinités entre la Prière de l'apôtre Paul et la littérature magique que
certains chercheurs ont relevées par le passé ; après tout, comme le rappelle Hamman au
sujet de la prière grecque, « son efficacité dépendait de l'exacte et littérale exécution de la
lettre, prononcée d'abord par un souffleur dont la fidélité produisait un effet en quelque
sorte magique »15 . Malgré cette influence, la Prière de l'apôtre Paul demeure de manière
très évidente un texte chrétien, non seulement par sa terminologie ou les influences
littéraires qu'on y détecte, mais aussi par sa familiarité avec les conceptions de la prière
propres au christianisme en vigueur à cette période.
3.7.2 Structure littéraire
Selon Layton, la Prière de l'apôtre Paul se découpe en trois sections : une stance
d'introduction (A,l-ll) , suivie d'une prière demandant l'autorité théologique, la guérison
du corps et la rédemption de l'âme et de l'esprit (A,15-23), et finalement une requête pour
l'obtention de la Majesté et du mystère (A,25 à la fin du texte), le tout conclu par une
doxologie, que Layton ne semble pas considérer comme une section du texte à proprement
parler . Scopello, quant à elle, lui attribue une structure formelle qui l'apparenterait aux 1 S^
prières de la littérature magique égyptienne, sans donner davantage de détails . Bien que
les points de jonction entre les différentes parties identifiées par Layton correspondent à
des transitions évidentes dans le texte, un examen plus rigoureux et détaillé de la structure
de ses différentes parties reste à faire. Une telle analyse permettra de mettre en évidence les
procédés littéraires utilisés par l'auteur, source d'information précieuse pour cerner la
51 La prière dans l'Église ancienne, XXXIV. 52 The Gnostic Scriptures, 303.
153 Voir la discussion p. 35nl38.
39
nature et la fonction du document, ainsi que les modifications qui auraient pu être
occasionées par sa transmission et sa traduction. Heureusement, malgré le fait que le texte
grec original soit perdu, la version copte qui nous est parvenue porte encore de nombreuses
traces de ces procédés.
On peut s'attendre à ce que des marqueurs textuels articulent la structure formelle du
texte ; la récurrence de mêmes termes ou formules était en effet souvent utilisée dans
l'Antiquité afin de délimiter les parties du discours. On relève deux utilisations de ce
procédé littéraire, appelé redditio154, qui servent selon toute apparence à circonscrire les
sections principales de la Prière de l'apôtre Paul. Ainsi, la sous-unité littéraire A,6-ll
débute par la mention du NOYC, alors que le même terme est utilisé à la toute fin de A, 15-
25. De manière similaire, le terme M e r e e o c ouvre la sous-unité A,35-37 tandis que son
équivalent copte, MFTTNOÔ, clôt la doxologie en B,2-5155. La première inclusion (A,6-25),
au milieu de laquelle on retrouve ce qu'on peut croire être un renouvellement de
l'invocation qui aurait ouvert la prière mais qui est aujourd'hui perdu (A,l 1-14), rassemble
tout ce qui concerne le corps des requêtes. La seconde inclusion (A,35-B,5) clôt la prière
en louangeant la divinité invoquée.
On constate aussi que deux parties du texte se trouvent exclues de ces inclusions. Dans le
premier cas (A, 1-6), il est impossible de déterminer si ce passage était originalement
circonscrit par une redditio étant donné l'état lacuneux du texte. Cependant, dans le second
cas (A,25-34), il ne fait aucun doute que cette section se distingue clairement du reste du
document, puisqu'elle ne s'intègre pas à l'une des deux sous-sections mises en évidence
par l'usage de redditio ni n'est elle-même circonscrite par ce procédé littéraire de manière
à former une section du texte bien définie. À la lumière de notre analyse des indicateurs
textuels, les grandes sections de la Prière de l'apôtre Paul se délimitent comme suit :
154 Pour une description plus élaborée des procédés rhétoriques mentionnés dans cette section, voir Heinrich Lausberg, Handbook of Literary Rhetoric : A Foundation for Literary Study, Matthew T. Bliss, Annemiek Jansen et David E. Orton trads., David E. Orton et R. Dean Anderson éds., Leiden/Boston /Kôln, Brill, 1998. 1 Les deux termes auraient été les mêmes dans la version grecque du texte.
40
1) Introduction (?) : A, 1 à A,6
2) Requêtes : A,6 « C'est toi mon intelle ct... »
à A,25 « . . . dévoile-le à mon intellect »
Transition entre requête et conclusion ( ?) : A,25 à A,34
3) Conclusion : A,35 « Et confère-moi ta Majesté... » à B,5 « . . . et la majesté »
Outre ces macro-éléments du texte, on peut discerner des procédés opérant à plus petite
échelle. L'état fragmentaire des premières lignes nous empêche d'en dire beaucoup sur la
structure littéraire de l'introduction. On peut néanmoins relever ce qui ressemble à une
anadiplose en A,4 ( [ . . . . c ] a r r e ca)T[e] MMàei)156. La demande faite en A,4-6
(« Sauve-moi, parce que moi, je suis tien, celui qui est issu de toi »), introduit la sanctio de
cette prière157 ; l'orant y justifie la légitimité de sa demande de salut en invoquant sa
filiation avec la divinité.
Les quatre propositions anaphoriques qui suivent font office de transition entre cette
sanctio et les nombreuses requêtes qui suivront. Ces propositions possèdent toutes la même
structure, à savoir NTàK n e TTA-/T_V- en première partie, suivi d'un impératif. La
dernière proposition, qui vient clore cette section du texte, est un peu plus longue que les
précédentes158 :
156 Mueller suggère que l'original grec aurait été Àuipcnà uou j\.xpojaai us , en supposant que la lacune en début de ligne soit restituée [npeqc]cpTe (The Nag Hammadi Codex I [The Jung Codex] : Notes..., 1 ). Cette restitution n'est pas entièrement certaine, mais il est clair que l'on doive au moins restituer [ . . . . C]CUTe, vraisemblablement sous une forme substantivée dont le substrat grec aurait pu être Àikpov ou ^-.xpcoaiç (Walter E. Crum, A Coptic Dictionary, Oxford, Clarendon Press, 1939, 302b). Dans tous les cas, une anadiplose aurait été présente.
57 Voir la discussion p. 36. 158 L'allongement du dernier membre d'un groupe de propositions était une pratique fréquemment employée en rhétorique antique, et plusieurs manuels de l'époque en font mention. Par exemple, on lit chez le Pseudo-Démétrios : « Dans les périodes composées, le côlon final doit être plus long ; il doit en quelque sorte envelopper et embrasser tout le reste, car, pour atteindre à la magnificence et à la noblesse, la période doit s'achever sur un côlon noble et long, sinon, ce sera une période tronquée, boiteuse en quelque sorte » (Pierre Chiron, Du style, Paris, Belles Lettres, 1993, 18). Dans le même ordre d'idée, Quintillien recommande « que la fin des phrases ne soit donc pas dure ni abrupte, pour que l'esprit reprenne en quelque sorte haleine et s'y repose » (Jean Cousin, Institutions oratoires, Paris, Belles Lettres, 1976, IX,4,62).
41
A NTà.K n e TTàNOYC C'est toi mon intellect,
engendre-moi. A NTàK ne n^ezo
C'est toi mon trésor, OYHN NHÏ ouvre-moi.
A NTà.K ne nànAHpcoMà. C'est toi ma plénitude,
CyàTTT à.p .K accueille-moi.
A NTàK n e T2dMâ.nà.Ycic C'est toi mon repos,_
M2.-b NHei MnTeAeioN donne-moi la chose parfaite,
neTeMa.poYcyeMa.2Te MM^q ce dont on ne peut pas se saisir.
Ces quatre formules successives présentent par ailleurs une progression climactique de
concepts :
engendrer i !> l'intellect (NOYC)
1 ouvrir _=____=£> le trésor (e^o)
1 accueillir ' !> la plénitude (n;\.Hpa. Ma.)
i donner ce qui est parfait i [> le repos (à.N2k.n2*.YCic)
Cette progression159 décrit une sorte d'acension spirituelle où l'individu, une fois
« engendré » par l'intellect (peut-être faut-il y voir une sorte de « renaissance »
159 On retrouve une progression vaguement semblable dans le logion 2 des fragments grecs de YÉvangile selon Thomas (Harold W. Attridge, « The Greek Fragments », Nag Hammadi Codex II, 2-7 Together with XIII,2*, Brit. Lib. Or. 4926 [1 J, and P. Oxy. 1, 654, 655. Volume One : Gospel According to Thomas, Gospel According to Philip, Hypostasis of the Archons, and Indexes, Bentley Layton éd., Leiden, Brill, 113), qui exhorte le destinataire à chercher (Çr-reïv), trouver (sùpicKEiv), être troublé (OauPeioGai), régner ((3aaiÀEÛ_iv) et finalement se reposer (àva-ia.£w). Même si l'écart de terminologie entre les deux textes rend improbable un contact direct entre ceux-ci, il n'en demeure pas moins que tous deux laissent transparaître une certaine familiarité avec un processus d'ascension spirituelle dont le point de départ est l'individu et l'objectif final est le repos.
42
spirituelle/intellectuelle), se verra ouvrir le « trésor » dans lequel la plénitude se trouve et
où il sera accueilli. Il obtiendra là « la chose parfaite » dans le repos, qui est un état souvent
associé au salut final de l'individu160. Bien que certains des termes utilisés en A,5-ll se
retrouvent ailleurs dans la littérature chrétienne ancienne, ils sont remarquablement bien
représentés dans les textes de Nag Hammadi, au point où l'on peut penser qu'une telle
ascension ait très bien pu être élaborée dans un milieu gnostique .
La phrase suivante (A,l 1-14) sert d'introduction à la prochaine section du texte (A,15-25).
Soulignons que, bien que cette section respecte un schéma tripartite (A BB CCCC), elle se
termine par une quadruple répétition, ce qui est un phénomène récurrent à travers cette
prière . On remarquera aussi la transition qui s'opère dans ce passage, de la divinité à
Jésus. Cette phrase sert en effet de pivot dans la Prière de l apôtre Paul ; jusqu'ici, l'orant
n'avait fait mention que du Dieu suprême, tandis qu'après cette phrase, il accompagne
toutes ses demandes de formules qui invoquent l'autorité de Jésus
60 L'editio princeps avait déjà relevé que les termes « plénitude », « repos » et « perfection » renvoyaient au même champ lexical, et suggérait d'y voir une chaîne d'idées allant de l'intellect au repos (Kasser et a l , Oratio Pauli Apostoli..., 270). Les auteurs de cette édition n'avaient toutefois pas relevé que les quatre impératifs qui se trouvent dans cette chaîne (« engendre », « ouvre », « accueille », « donne ») suggèrent également, peut-être même de manière plus évidente, une telle progression d'idées. 161 Pour une discussion plus détaillée de ces différentes étapes et de la terminologie utilisée, voir le commentaire p. 64. 162 Selon le Pseudo-Démétrios, « dans les périodes, le nombre de cola varie de deux, pour les courtes, à quatre, pour les plus longues (aller au-delà de quatre serait sortir des justes proportions de la période) » (Du style, 16). La Prière de l'apôtre Paul respecte tout à fait cette norme. 163 Volontairement ou non, l'auteur de la Prière de l'apôtre Paul est donc fidèle au modèle de prière recommandé par Origène ; voir la discussion p. 37.
43
A -bTO.B2 MM2LK164
Je t'implore, B n e T c y o o n
(toi) qui es B x y œ neTqppTr qpoon
et qui préexistes, C 2^npeN eTX2.ci a.peN NIM
par le nom qui est élevé au-dessus de tout nom, C 2 ' T M IHC n e x c
par Jésus le Christ, C n___2_eic NNixaeic
le Seigneur des seigneurs, C n p p o NN2UCDN
le Roi des siècles/éons.
La section qui suit (A, 15-25) énumère les demandes qui sont au coeur de cette prière. Une
fois de plus, le texte est structuré en quatre segments, bien marqués par l'utilisation de
l'impératif M2i'f. On remarquera qu'ici aussi, le dernier membre est plus développé que
ceux qui le précèdent. Une étude de la structure de cette section révèle un arrangement
chiastique des demandes (ABB'A'), où les deux impératifs centraux (BB') - lesquels ne
constituent en fait qu'une seule demande, celle de l'obtention de la santé - se terminent par
-p2k.m MM2iK. En rhétorique, cette configuration peut servir à faire passer inaperçue la
faiblesse de certains arguments165, ou encore à mettre l'accent sur un élément particulier.
Ce n'est sans doute pas par hasard si cette demande est ainsi encadrée puisqu'elle est la
plus mondaine de toute la prière, demandant la guérison du corps alors que les autres
demandes sont d'ordre spirituel. Ce détail est particulièrement intéressant, car il nous
indique peut-être que l'auteur de la prière était conscient du caractère mondain de sa
demande de guérison, qu'il aura voulu atténuer en la faisant précéder immédiatement d'une
demande de permission qui répète la formule p2JTi MMàX (A,18-19)166 et en l'encadrant
de demandes plus « spirituelles » (A,15-18 et 22-25) . Tout cela indique bien l'importance
164 Afin de ne pas alourdir inutilement le texte copte dans cette section, nous avons préféré le présenter sans signes critiques. Une édition plus détaillée du texte copte est présentée p. 53.
C'est ce que Quintilien appelle la Homerica dispositio : « on a posé aussi la question de savoir si les arguments les plus puissants doivent être placés au commencement, pour prendre possession des esprits, ou, à la fin, pour les laisser aller avec cette impression, ou partie au commencement, partie à la fin, en adoptant le dispositif d'Homère, chez qui les éléments faibles sont placés au centre pour tirer de leur entourage un surcroît de courage » (Cousin, Institutions oratoires, V, 12,14). 66 Voir la discussion de ce passage p. 78.
44
qu'avait cette demande particulière pour l'auteur. Voici comment on peut représenter la
structure de cette section du texte :
A M2.-J* NHÏ NNCK-f eTeMàKpgTHK 2k.p2k.OY Donne-moi_tes dons dont tu ne te repens pas,
2iTNnçyHpe PinpcuMe nenNCYM2_ nn2.p2_KAHToc NTMH par le Fils de l'homme, l'Esprit, le Paraclet véritable.
B M2k.-f NHCI NTCKSOYCIa. _vTp2k.p2k.ITI MM2.K Permets-moi de te demander :
B' M2k/f" NNOYT2.A.ÔO Mn2k.CCUM2- £CDC Ceip2k.lTI MMàK. donne la guérison à mon corps tel que je te le demande.
A' 2 'T^ n eY2irreAicTHc Par l'Évangéliste,
M2k.f CCDT€ NT_v-4/YXH NOYàCIN 2NNICNH2C MNn2k.nN2k. donne la rédemption à mon âme lumineuse pour toujours, avec mon esprit,
àYtD n q p p n MMJCC MnnA.Hpa.M2. NTX2k.pic Ô2_Anq 2k.n2k.NOYC et le Premier-né de la plénitude de la grâce, dévoile-le à mon intellect.
Le passage qui suit (A,25-34) diffère visiblement du reste du texte. Dans son ensemble, la
Prière de l'apôtre Paul est structurée de manière assez rigoureuse. Ce passage, en
revanche, trahit une certaine confusion et s'écarte du modèle structurel en vigueur dans le
reste du document :
A epix^pize NNHCI Gratifie-moi
B MneTeFineBeA FJ2k.rTeA.oc ue.y 2.p2.q de ce qu'oeil d'ange n'a pas vu
B à.Ytu neTCMneMecyxe Ri_vpxa)N cà/TMeq et de ce qu'oreille de prince n'a pas entendu
B à-Yto neTCMnqel 2_2pHi 2Md)HT NpœMe et de ce qui n'est pas monté dans le coeur humain
(C) NT-v-^cyame N2k.rreA.oc x y œ KàTAneiNe TinNOYTe M ^ Y X I K O C NT2k.poYnA2k.cce MM2.q XINNO;2LPTT qui devint ange et selon la ressemblance du dieu psychique quand il fut modelé au commencement,
D Z w c eoYNTHei MMeY NTmcTic NeeA.nic puisque j 'ai la foi de l'espérance.
45
On remarque plusieurs irrégularités dans cette partie du texte. Au niveau du contenu, la
transition brutale d'une version retravaillée de Yagraphon présent en 1 Cor 2,9 (B) à une
allusion au second récit de création de Gn ([C]) est plutôt étrange, d'autant plus qu'il est
difficile de comprendre la fonction de cette allusion dans le contexte de la Prière de
l'apôtre Paul. D'un point de vue grammatical, l'antécédant de NT2k.2cyu.ne est ambigu,
et pourrait aussi bien être « le cœur humain » (A,29) que « ce qu'œil d'ange n'a pas vu »
(A,26). Ce passage se distingue aussi du reste du texte par sa structure et son rythme. Bien
que l'on y retrouve une formulation répétitive (B) suivie d'une sorte de chute (D), ces deux
parties sont ici séparées par un tiers élément ([C]), et la quadruple répétition qui caractérise
les sections précédentes y fait défaut ; on pourrait forcer une telle répétition en
hypothétisant que le xyco en (C) sert de marqueur qui délimite un quatrième B (A,31-33),
mais ce découpage serait assez maladroit puisque le nouveau membre présenterait un
contenu différent des autres qui le précèdent. Ces irrégularités de contenu, de grammaire et
de structure résultent presque toutes de la présence de (C), au point où l'on peut
soupçonner ces quelques lignes d'être le fruit d'une intervention secondaire.
La section suivante (A,35-B,2) présente deux problèmes. D'une part, elle est possiblement
affectée d'une lacune correspondant dans le manuscrit aux lignes du haut de la page B, de
sorte qu'on ne peut savoir si elle est préservée dans son intégralité. D'autre part, selon la
lecture retenue par tous les traducteurs précédents, la formule demande trois objets : la
Majesté (Mereeoc) , le Premier-né et Premier-engendré (nqppn MMice nqppn
NreNOC), et le « mystère des fils de la maison », qui apparaît à la première ligne préservée
de la page B. Or, les trois attributs associés à la Majesté (C) s'appliqueraient peut-être plus
facilement au Premier-né / Premier-engendré, c'est-à-dire Jésus-Christ167. Une telle
incongruité pourrait découler d'une corruption168, mais le texte fournit trop peu d'indices
allant dans ce sens pour fonder solidement cette hypothèse. On peut figurer la structure de
cette section ainsi :
167 Voir la discussion dans le commentaire p. 91. 168 Cette hypothèse est advantage élaborée dans le commentaire p. 93.
46
A NrOYCD2 -.TOOT Et confère-moi
B PineKMereeoc ta Majesté
C N2k.r2k.nHTOC bien-aimée,
C NCKACKTOC choisie,
C NeYAOrHTOC bénie,
D ncypn MMICC le Premier-né,
D ncypn FireNoc le Premier-engendré,
[ ? ?? ] H MNnMYCTHpiON NNOpHpe MnCKHGI
et le mystère des fils de ta maison.
Le rapport entre les objets de la demande, et plus particulièrement entre la Majesté et le
Premier-né, est incertain lui aussi. On pourrait penser que le texte traite la Majesté et le
Premier-né comme deux objects bien disctincts. Le cas échéant, on aurait plutôt attendu
une forme quelconque de conjonction, préférablement 2-YCD, entre le premier et le
deuxième objet. D'autre part, on pourrait aussi penser que la Majesté et le Premier-
né / Premier-engendré représente une seule et même entité169. Toutefois, dans la littérature I 7(1
chrétienne ancienne, la Majesté n'est jamais l'équivalent du Christ ou du Premier-né .
Dans les deux cas, la lecture du passage est problématique.
Une troisième lecture, négligée par les traducteurs précédents, permettrait de contourner
ces incohérences. Si l'on admet qu'une ou deux lignes de texte précédaient la première
ligne visible au verso (B,l), le Premier-né / Premier-engendré pourrait alors être le sujet
d'une nouvelle phrase, et non l'objet de la demande amorcée en A,35 ; les deux substantifs
coptes en A,37-38 constitueraient ainsi le début d'une proposition dont le verbe serait
perdu dans l'hypothétique lacune du haut de la page B. Cette lecture n'est pas sans
169 L'auteur semble affectionner de telles répétitions synonymiques, peut-être en raison de leur effet rythmique. Les exemples de ce procédé sont nombreux : « je suis tien, celui qui est issu de toi » (A,5-6) ; « toi qui est et qui préexiste » (A,l 1-12) ; « par le nom qui est élevé au-dessus de tout nom, par Jésus le Christ» (A,12-13); «le Seigneur des seigneurs, le Roi des siècles/éons » (A,l 3-14) ; «par le Fils de l'homme, l'Esprit, le Paraclet véritable » (A,16-18) ; « le Premier-né, le Premier-engendré » (A,37-38). 170 Voir la discussion dans le commentaire p. 92.
47
problèmes, puisque deux des attributs en C (2k.r2k.nHTOC et 6KA6KTOC) sont
habituellement associés à Jésus, et non à la Majesté, qui réfère plus souvent au Père171.
Toutefois, elle règle plus de problèmes qu'elle n'en crée, et nous apparaît donc préférable
aux alternatives. L'adoption de cette lecture implique du coup une refonte de la division du
texte présentée plus haut : la section en A,35-B,2 doit être scindée en deux sections
distinctes, A,35-37, structurée selon le schéma ABCCC, et A,37-B,2, dont l'arrangement
ne peut être clairement établie en raison des lignes manquantes au haut du verso.
En dernier lieu, notons que la série d'allitérations des termes en B et C (_OC) est propre à
la version copte, et ne pouvait être présente dans le substrat grec ; péyeGoç aurait conservé
la finale -oç, puisqu'il est de genre neutre, tandis que la finale de ses trois attributs aurait
été -ov. La série d'allitérations aurait donc été triple, comme dans la section précédente
(A,25-34), et non quadruple, comme dans les autres sections (A,6-l 1 ; A, 15-25 ; B,2-5). La
contiguïté de deux sections présentant une triple répétition (A,25-34 et A,35-37) est peut-
être révélatrice d'un dessein particulier de l'auteur, mais les nombreuses anomalies que
l'on retrouve dans ces parties du texte nous empêchent d'adopter définitivement cette
interprétation.
La prière se termine par une doxologie qui rassemble les termes et les expressions typiques
du genre. Étant donné sa brièveté et sa nature stéréotypée, peu de choses y sont à signaler,
sinon qu'encore une fois, on y trouve une quadruple répétition (ABBBB) :
A 2k.B2k.A. x e ncuK n e Parce qu'à toi sont
B neM2k.2Te la puissance
B 2-YtD ne2k.Y et la gloire
B 2k.YCD TeKSOMOA-OrHCIC et la louange
B MNTMNTN2k,6 et la majesté
cu2k.eNH2e FieNH2e 2^ -MHN
pour les siècles des siècles. Amen.
171 Voir la discussion dans le commentaire p. 91.
4X
Afin de synthétiser notre analyse, la structure de la Prière de l'apôtre Paul peut être
représentée ainsi :
A, 1-6 : [invocation ?] et sanctio
A,6-l 1 (AAAA) : transition entre sanctio et requêtes.
A,l 1-14 (ABBCCCC) : [seconde ?] invocation de la divinité, introduction du rôle
d'intercesseur de Jésus.
A, 15-25 (ABBA) : requêtes.
A,25-34 (ABBB(C)D) : nouvelle requête, allusion au récit de Genèse.
A,35-37 (ABCCC) : nouvelle requête.
A,37-B,2 (?) : association de Jésus (?) au « mystère des fils de ta maison ».
B,2-6 (ABBBB) : doxologie.
Que peut-on conclure de cette analyse de la structure littéraire de la Prière de l'apôtre
Paul? Tout d'abord, on constate qu'il s'agit d'un texte dans l'ensemble assez bien
structuré. Il répond à la fois aux caractéristiques de la prière du monde grec de par sa
construction tripartite (invocation, sanctio, requêtes), et à l'articulation idéale de la prière
telle que formulée par Origène, puisqu'elle s'adresse à la divinité suprême tout en
soulignant le rôle d'intercesseur de Jésus. L'usage de plusieurs procédés littéraires
(anadiplose, allitération, anaphore, redditio, structure chiastique) indique également que
nous avons devant nous un texte travaillé et dont l'auteur était soucieux de répondre à
certaines normes et à une certaine esthétique littéraire. La gradation climactique d'idées et
de verbes en A,6-l 1 laisse transparaître une familiarité avec les spéculations au sujet de la
remontée de l'âme propres à certains milieux gnostiques. Qui plus est, si la présence d'une
structure s'avère informative sur la nature et le message du texte, l'absence de structure
peut l'être tout autant. Ainsi, le passage A,25-34 est clairement discordant avec le reste du
texte. De plus, contrairement à ce qui a été admis jusqu'ici dans la recherche, il est
raisonnable d'envisager que les deux substantifs en A,37-38 ne poursuivent pas la
proposition qui précède, mais sont plutôt le sujet d'une nouvelle proposition, ce qui
impliquerait qu'au moins une ligne de texte ait jadis été inscrite sur la section manquante
de papyrus au haut de la page B.
49
3.8 Doctrine
Les travaux portant sur la Prière de l'apôtre Paul en rattachent quasi unanimement le texte
à la tradition valentinienne. Les auteurs de Yeditio princeps ont formulé l'essentiel de
l'argumentation en faveur de cette lecture . Selon eux, si ce texte ne paraît pas d'emblée
valentinien, de nombreux indices laissent néanmoins croire qu'il est lié à ce courant de
pensée : le « corps psychique » du Sauveur mentionné en A,31-32, certaines expressions
dont des parallèles se retrouvent dans la littérature valentinienne, des similitudes avec le
Traité tripartite, considéré comme valentinien par la recherche, le patronnage de Paul, qui
était une figure d'autorité chez les valentiniens, etc. Il faudrait également ajouter à cette
liste la propension de ces chercheurs, jamais clairement explicitée mais toujours présente 1 7^
en sous-texte, à interpréter le codex I comme un manuscrit valentinien .
Malheureusement, c'est ce dernier argument qui semble avoir été la motivation principale
derrière le rapprochement entre la Prière de l'apôtre Paul et le valentinisme. On ne peut
s'empêcher de penser que l'argumentation des chercheurs aurait été totalement différente si
la Prière de l'apôtre Paul s'était trouvée dans un codex à « saveur séthienne » comme le
codex VII, ou encore dans le contexte « apocalyptique » du codex V.
Doit-on catégoriser la Prière de l'apôtre Paul comme un texte valentinien? Afin de
répondre à cette question, il paraît approprié d'appliquer les critères qu'a proposés
Thomassen pour circonscrire le corpus valentinien17 . Selon lui, un texte doit être inclus
dans le corpus valentinien s'il est: 1) d'origine valentinienne; 2) d'origine non-
valentinienne, mais de réécriture valentinienne ; 3) d'origine valentinienne, mais de
réécriture non-valentinienne. Cinq critères servent à déterminer si le contenu d'un texte est
valentinien ou non : 1) le critère moniste, selon lequel le mal n'est pas coéternel avec le
Principe unique divin ; 2) le critère cosmogonique, selon lequel le Démiurge est une entité
juste et instrumentale au Sauveur et à Sophia ; 3) le critère anthropologique, selon lequel le
salut ne s'opère que par l'esprit, tandis que le corps est perdu par nature ; 4) le critère du
172 Oratio Pauli Apostoli..., 245. 173 Voir également la discussion à propos de l'ambiguïté de l'appellation « codex valentinien » ou «texte valentinien », p. 18. 174 « Notes pour la délimitation d'un corpus valentinien... », 244-249.
50
vocabulaire175 ; 5) le critère sotériologique, selon lequel le salut s'opère par la syzygie de la
semence de l'éon déchu, c'est-à-dire les saints, avec le Sauveur ou les anges. À propos de
la Prière de l'apôtre Paul, Thomassen souligne que plusieurs des éléments qui s'y trouvent
sont difficilement assimilables au valentinisme, notamment la demande de guérison du
corps en A, 19-20 et la mention de Y « âme lumineuse » en A,22. Il soupçonne cependant
des traces d'édition à deux endroits dans le texte, lesquelles pourraient être attribuables à
un milieu valentinien selon lui : l'ajout d' « avec mon esprit » en A,23 et et la spéculation
basée sur le récit de Genèse en A,30-33. Selon son analyse, la Prière de l'apôtre Paul est
donc à incorporer au corpus des textes valentininens, en tant que texte d'origine non-
valentinienne à réécriture valentinienne.
S'il nous semble difficile, voire impossible, de nous prononcer sur l'authenticité ou la
facticité de l'élément dégagé en A,23 par Thomassen (« avec mon esprit »), notre analyse
de la structure littéraire du texte confirme que le passage en A,30-33 est vraisemblablement
une interpolation176. La mention d'un « dieu psychique » située dans le contexte du second
récit de création de Genèse nous permet assurément de l'associer à la figure du démiurge
gnostique. Toutefois, rien ne nous indique qu'il s'agisse ici du démiurge valentinien ; le
texte ne fait aucune mention du caractère juste de ce personnage ou de sa situation de
puissance intermédiaire entre le monde céleste et le monde matériel, et l'expression « dieu
psychique » est absente non seulement de la littérature valentinienne, mais également de
toute la littérature antique. Si l'on reprend point par point les critères de Thomassen, on
réalise rapidement que la Prière de l'apôtre Paul ne rencontre aucun d'entre eux : 1) la
divinité suprême y est en effet présentée comme antérieure au Fils177, mais on ne retrouve
aucune théodicée dans le texte ; 2) tel que mentionné plus haut, le démiurge n'y est pas
décrit en termes valentiniens, et on ne retrouve aucune référence ou allusion au mythe de la
chute de Sophia ; 3) on y retrouve en effet toute les composantes de l'anthropologie
valentinienne, mais la valeur positive donnée au corps (A, 19-20) et à l'âme (A,22) sont
difficilement réconciliables avec ce système ; 4) on ne retrouve pas un usage prépondérant
1 À propos de ce dernier critère, Thomassen prend bien soin de souligner qu'il « doit être utilisé avec une grande prudence car il risque très facilement d'être circulaire » (« Notes pour la délimitation d'un corpus valentinien... », 247). 176 Voir la discussion p. 45. 177 Voir la discussion p. 70.
51
I 78
de termes exclusifs au valentinisme ; 5) il n'est nulle part fait mention d'une union entre
l'orant et le Sauveur.
Que peut-on alors dire de la doctrine de la Prière de l'apôtre Paul ? Au niveau du texte en
tant qu'unité littéraire originale, on peut relever certaines affinités avec une théologie
subordinationiste179, mais cette piste est trop générales pour être d'une quelconque
assistance. Outre que le texte soit vraisemblablement gnostique, toute conclusion reste
hasardeuse, si bien que le contexte doctrinal qui sert de trame de fond à la Prière de
l'apôtre Paul semble à jamais hors d'atteinte.
Au niveau du texte en tant que composante du codex I, davantage d'observations peuvent
être formulées. Painchaud et Kaler ont déjà noté que les textes du codex I semblaient
ordonnés de manière à introduire au fil de la lecture des idées de plus en plus hétérodoxes 1 RO
du point de vue d'un lecteur « orthodoxe » . De plus, selon ces auteurs, le codex I aborde
déjà un thème qui est exploité plus avant dans les autres codices de la sous-collection I-XI-I 81
VII, à savoir l'opposition entre un groupe de spirituel et leurs adversaires terrestres .
Déjà, dans Y Épître apocryphe de Jacques, on retrouve un refus de l'acceptation de l'idéal
promu par la Grande Église, personifiée par Pierre, et du rôle médiateur de cette institution 1 89
entre l'individu spirituel et le divin . Dans cette perspective, la présence de la Prière de
l'apôtre Paul sur la page de garde du codex constitue un choix tout indiqué pour servir les
visées doctrinales de ceux qui auraient ainsi agencé le manuscrit. En effet, quoi de mieux
pour préparer le terrain à Y Épître apocryphe de Jacques qu'une prière où l'orant s'adresse
directement à la divinité, sans l'intermédiaire d'une quelconque institution ecclésiastique,
afin de recevoir directement la rédemption et des dons divins, prière qui est attribuée de
surcroît à un apôtre qui n'est pas un des Douze et dont les tensions avec Pierre sont relatés
dans la littérature néo-testamentaire ?
178 Ce point est démontré à mainte reprise dans le commentaire. 179 Voir la discussion p. 70. 80 « From the Prayer of the Apostle Paul to the Three Steles of Seth... », 456.
181 « From the Prayer of the Apostle Paul to the Three Steles of Seth... », 466-467. 182 Rouleau, « L'Épître apocryphe de Jacques... », 15-18.
53
Texte et traduction
*Notes préliminaires L'édition de ce texte se base à la fois sur l'édition facsimile et sur les autres éditions
établies depuis sa découverte. Comme le présent éditeur n'a pu collationner le manuscrit, seules ont été pointées les lettres dont la lecture dans l'édition facsimile est douteuse et que les autres éditions pointent également.
La pagination du texte suit celle adoptée depuis l'édition de Mueller pour la Coptic Gnostic Library, et non celle, erronée, de Yeditio princeps. La numérotation des lignes a également été calquée sur celle de l'édition de Mueller.
Deux des précédentes éditions de ce texte sont l'oeuvre de plus d'un éditeur. C'est le cas de l'édition de Mueller, qu'Harold W. Attridge compléta après le décès de ce dernier. Là où la leçon d'Attridge diverge de celle de Mueller, le présent apparat critique attribue la variante à Attridge. On observe un phénomène semblable dans Yeditio princeps, qui ajoute dans ses notes philologiques des leçons alternatives ou divergentes suggérées par les éditeurs (Rodolphe Kasser, Michel Malinine, Henri-Charles Puech, Jan Zandee, Werner Vycichl et R. McL. Wilson). Encore là, tandis que le présent apparat critique attribue à Kasser la leçon de Yeditio princeps, elle attribue les variantes à leurs éditeurs respectifs.
Signes critiques
[ ] lacune ou lettre(s) restituée(s) < > lettre(s) ajoutée(s) par l'éditeur
Abbreviations employées dans l'apparat critique
app apparat critique (ou note de l'édition). cod leçon du manuscrit (telle qu'elle apparaît dans The Facsimile Edition
of the Nag Hammadi Codices : Codex I, Leiden, Brill, 1977). Ch Pierre Cherix, Concordance des textes de Nag Hammadi. Le codex I,
Sainte-Foy/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995.
Emmel Stephen Emmel, « Unique Photographic Evidence for Nag Hammadi Texts : CG I 1-5 », Bulletin of the American Society of Papyrologists 15, 1978,251-261.
Ka (/M/P/Z/V/W) Kasser, Rodolphe et al, Oratio Pauli Apostoli : Codex Jung F. LXXU(?) (p. 143 7-144 ?), Berne, Francke, 1975.
L « A Prayer of Paul the Apostle », dans : Bentley L, Coptic Gnostic Chrestomathy : A Selection of Coptic Texts with Grammatical Analysis and Glossary, Louvain/Paris/Dudley, Peeters, 2004, 154-155.
Mu (/Att) Dieter Mueller, « Prayer of the Apostle Paul », The Coptic Gnostic Library : A Complete Edition of the Nag Hammadi Codices, vol. 1, James M. Robinson éd., Leiden/Boston/Kôln, Brill, 2000, 5-11.
54
A,l [ lacune de 2-3 lignes ] [ ]2k.eiN M2k."f NHÏ M . . . [ . . . . ] [ . . . . ciurre curnè] MM2k.ei xe
5 [2k.N2k.K] nCTenCUK n i C N T ^ Ï e i 2k.B2_A [21!T[oo|T[K] N T 2 L K n [ e n2k.N|oyc M2k..xn2j NT2k.K n e TT2k.e20 OYH[N] NHÏ NT2k.K [nje n^-nAHpcuM-v up2.nT 2k.p2k.ic N [T2k.K] n e T2k.N2k.n2k.YCIC M-V/f NHCI M
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15 [M2k.-f N]HÏ NNCK-f eTeM2-Rp2THK. [2k.p2.oy] 2 ,TNTTcuHpe PinpcuMe [nenNe]YM2k. nn2.p2k.K.AHTOc N [TM]H [M2_]*t NHCI NTCKSOYCI2k. [2-Tp2k.]p2k.lTI MM2k.K M2k.'|' NNOY
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25 [ ô à A j n q 2k.n_vNOYC epiX2k.piZe Fi [NHei] M n e T e R n e B C A Fi2k.rTeAoc [NeiY 2_p2_q 2-Ycu n e T e M < n e > M e q p x e [N2k.]pxa>N c2k.TMeq 2k.Ytu n e T e M[niqe' i 2i2PHi 2M<J>HT t ipcuMe
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[2v.N2-K]TTeTena.K TT[ . . i ^ i e i L 6 [ 2 1 ! T [ O O ] T [ K J : [ N £ H T K . ] Ka : [N^HTq] W Z : . [ . . . . ] L 7 TT2v.e20 Q Y H [ N ]
N H Ï : TT3.e20 ( . ) . . [ . ] . H I Ka : T t x e - z o o y M[2L]NHÏ L 8 [ n i e n^nAHpcoM.». . [ ne ] TT2iTTAHpa)M2k. K : [ n i e n_vnAHpa.M2- L : e bien visible selon Emmel 16 [2.p2-OY] : [NCCUOY] W Z 17 [TTeTTNeiYMà. : [MNnNeiYMà Ka : [ . . neTTNe]YM2k. L 17-18 N|[TM]H [MA.]-f NH6I : N|[TMHe] M\X]-f NHGI Ch : N|[TMH M]2.[?]-t" NH6I Ka Mu : N|(T6K M]2L(?]-t* NH6I W Z : N|[TM]H[€] ' [M2k.]-{-NHei L 19 [àTp2.]pàlT! MM-UC : [eei]pà.lTI MM2.K Ch Ka L Mu : [eei ipaJTI MM2.K. < M M 2 I C > M U app 20 [T_-A]6o : peut-être à restituer Te6o/TeK.O app Bethge/Plisch ; e e i p x i T I : ee[l]A.ITI L 22 \ M X f ] : [Nr] Mu 23 (2NNie]NH2e : [Cyx e]NH£e Ch Ka Mu 23-24 ncy[p]|[ft MM]|Ce : ncy[pn]| [MM]lce Mu 25-26 e p i X à p l ^ e N|[NH€I] : ep IXàp iZe N[H]|[ei] Ka L, mais clairement epiX2.pi_:e N| selon Emmel ; e p i x ^ p i z e N|[T2LK] Ch Mu 27 n e T € M < n e > M e q j x e : n e T G M M e c y x e Ch : 29 M i m q é i : [Mne iqe i K : M i m q é i L : mais M bien visible selon Emmel 31 K2.T2k.neiN6 : Mu omet n e i N e
55
A,l[ lacune de 2-3 lignes ] . . . . Donne[-moi] ... ... sa]uve(ur?). Sauve-moi, parce que
5 [moi], je suis tien, [celui qui] est issu [de] toi. C'est toi [mon] intellect, engendre-moi. C'est toi mon trésor, [ouvre-moi]. C'est toi ma plénitude, accueille-moi. C'est [toi] mon repos, donne-moi
10 ce qui est parfait, ce dont on ne peut pas se saisir. Je t'implore, toi qui es et qui préexistes, par le nom qui est élevé au-dessus de tout nom, par Jésus le Christ le Seigneur des seigneurs, le Roi des siècles/éons.
15 [Donne]-moi tes dons dont tu ne te repens pas, par le Fils de l'homme, l'Esprit, le Paraclet [véritable]. Permets-moi [de] te demander : donne la
20 [guérison] à mon corps comme je te le demande. Par l'Évangéliste, donne la rédemption à mon âme lumineuse [pour toujours, avec mon esprit ; et le pre[mier]-né de la plénitude de la grâce,
25 [dévoile]-le à mon intellect. Gratifie-moi de ce qu'oeil d'ange n'a pas [vu] et de ce que qu'oreille [de p]rince/[d'a]rchonte <n"a pas> entendu et de ce qui [n'] est pas monté dans le cœur humain
30 qui devint ange et selon la ressemblance du dieu psychique quand il fut modelé au commencement, puisque j 'ai la foi de l'espérance.
35 Et confère-moi ta Majesté bien-aimée, choisie, et bénie. Le premier-né, le Premier-engendré
56
B,l MNt_±nMYCTHP!ON [NNCyH] pe R[n ]eKHei 2L[B2».A x e i n u ) K [ m e neM2k.2Tie] 2>[YO)] ne2>Y 2-YU. T Ç K 5 ; O M [ 0 ]
5 AOrHCIC MNTMFPTN[2k.6] cy2k.eNH2e FieNH2e [22k.MHN]
n p o c e Y X H n2k.[YAOY] 2k.nOCTOAOY » »
eN eipHNH
t n ? 10 o dr: 2k.noc
1 [NNCyH]|pe : [NcyTTH]|pe Ch Ka L Mu 5 TMNTN[2k.6] : TMNT[ppO] Ka, mais N visible sur cod 6 [^A-MHN] : [-L 7 n2k.[YAOYI : TT24Y;VOY TOY! Mu app.
57
[ ? J B,let le mystère [des fils]
de ta maison. [Parce qu'] à toi sont la puissance et] la gloire et la louange
5 et la ma[jesté] pour les siècles des siècles. [Amen.]
Prière de Pa[ul] l'apôtre»>» » » » »
En paix.
t n* » » » » » » —
Le Christ est saint.
59
Introduction (A) [lacune de 2-3 lignes]. Donne[-moi] . . . .
Sanctio Sauve-moi, parce que 5[moi], je suis tien, celui qui] est issu [de] toi.
C'est toi [mon] intellect, engendre-moi. C'est toi mon trésor, [ouvre-moi]. C'est toi ma plénitude, accueille-moi. C'est [toi] mon repos, donne-moi 10 ce qui est parfait, ce dont on ne peut pas se saisir.
Intercession Je t'implore, toi qui es et qui préexistes, par le nom qui est élevé au-dessus de tout nom, par Jésus le Christ le Seigneur des seigneurs, le Roi des siècles/éons.
Requêtes 13[Donne]-moi tes dons irrévocables, par le Fils de l'homme, l'Esprit, le Paraclet [véritable].
Permets-moi [de] te demander : donne la [guérison] à mon corps tel que je te le demande.
Par l'Évangéliste, donne la rédemption à mon âme lumineuse [pour toujours, avec mon esprit ; et le pre[mier]-né de la plénitude de la grâce,25 [dévoile]-le à mon intellect.
Gratifie-moi de ce qu'ceil d'ange n'a pas [vu] et de ce que qu'oreille [de p]rince/[d'a]rchonte <n'a pas> entendu et de ce qui [n']est pas monté dans le cœur humain 3 qui devint ange et selon la ressemblance du dieu psychique quand il fut modelé au commencement, puisque j 'ai la foi de l'espérance.
Et confère-moi ta Majesté bien-aimée, choisie, et bénie.
Le Premier-né, le Premier-engendré, (B) [lacune (?)]... et le mystère [des fils] de ta maison.
Doxologie [Parce qt [Amen.] [Parce qu']à toi sont la puissance et] la gloire et la louange 5 et la ma[jesté] pour les siècles des siècles.
Prière de Pa[ul] l'apôtre En paix.
10 Le Christ est saint
Commentaire
A,l-2 La partie supérieure de la page est manquante. Mueller estime que de deux à trois
lignes ont pu se trouver dans cette lacune, en supposant que l'écriture du haut de la page
était de la même taille que celle du reste du recto. Ces lignes auraient pu contenir une
première mention de la divinité suprême à qui s'adresse cette prière, comme c'est souvent
le cas des prières basées sur le modèle grec. On pourrait également envisager, comme le
suggère Mueller, que le titre de l'œuvre y ait été présent.
A,3 La quasi-totalité de cette ligne est illisible, si bien que sa reconstruction ne tient qu'à
quelques traces d'encre encore visibles au bas de la ligne.
[ ]2ke(N : Ued. pr. a proposé de restituer [NOYÔjàÇM (« noirceur, tempête »2),
mais Mueller rejette cette proposition puisque les deux premières lettres après la lacune
sont clairement 2k.e, et suggère plutôt de restituer [neKOY]2».e!N. D'un point de vue
statistique, la restitution de Mueller est tout à fait concevable puisque le terme qu'il propose
est fréquent dans le corpus de Nag Hammadi. Toutefois, comme il s'agit du dernier mot
d'une phrase dont le reste est aujourd'hui perdu, on ne peut utiliser le contexte pour limiter
la liste des possibilités, ce qui rend toute restitution spéculative. Comme alternative à la
proposition de Mueller, on pourrait par exemple restituer [ . . . . C]2k.e|N (médecin), un
choix justifiable puisqu'on retrouve une demande de guérison du corps en A, 19-20. Dans la
perspective d'une sélection et d'un arrangement à dessein des textes du codex I , la
présence de ce terme dans la Prière de l'apôtre Paul s'accorderait bien avec les textes qui
le suivent ; le même mot se retrouve dans YÉvangile de vérité (35,30), et YApocryphon de
Jacques traite lui aussi du thème de la guérison (3,25-34). Or, si cette restitution ne semble
' Les renvois aux éditions antérieures et à leurs notes critiques et philologiques sont indiqués dans le commentaire comme suit : ed. pr. (Kasser et al., Oratio Pauli Aposloli : Codex Jung F. LXX1I [?] [p. 143 ?-144?], Berne, Francke, 1975); Mueller («The Prayer of the Apostle Paul: 1,1 .A.1-B.10», The Nag Hammadi Codex I [The Jung Codex] : Introductions, Texts, Translations, Indices, 5-11 et The Nag Hammadi Codex I [The Jung Code] : Notes, 1-5); Cherix (Concordance des textes de Nag Hammadi..., Sainte-Foy/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 1995, 905); Layton («A Prayer of Paul the Apostle », Coptic Gnostic Chrestomathy: A Selection of Coptic Texts with Grammatical Analysis and Glossary, Leuven/Paris/Dudley, Peeters, 2004, 154-155). Les citations textuelles des notes de ces éditions proviennent des sections qui correspondent aux passages discutés par le présent commentaire (indiqués ad loc). 2 Crum, A Coptic Dictionary, 832b. 3 Voir la discussion p. 3.
62
pas impossible, elle n'en est pas pour autant probable, tout comme c'est le cas pour la
restitution suggérée par Mueller. Pour cette raison, nous avons jugé préférable de ne rien
restituer dans la présente édition.
Dans tous les cas, cette ligne n'est probablement pas la première du document. Toutes les
restitutions qui permettraient au texte de commencer à cette ligne — Mueller propose par
exemple [n2k.X]2k.e(ç — sont trop courtes pour occuper l'entièreté de la lacune. Bien
entendu, le scribe aurait pu remplir cet espace excédentaire par un ornement quelconque ou
un alinéa. Toutefois, il n'a pas eu recours à de tels artifices ailleurs dans le codex I ; on peut
présumer que ceux-ci ne faisaient pas partie des habitudes d'enjolivure du scribe A, et que
la Prière de l'apôtre Paul en est également exempt. Le document devait donc contenir au
moins une ligne supplémentaire, désormais perdue, en haut de page.
M2k.'b NHÏ M . . . [ . . . . ] : Le jambage qui descend sous la ligne de base, ici restitué "f",
pourrait également appartenir à un p, auquel cas il pourrait s'agir non pas d'un impératif,
mais du convertisseur du jussif (M2k.pe-, M2k.p-i). Bien que l'usage du jussif ne soit pas
étranger à la prière — on en retrouve un exemple en A,10-ll — , l'usage répété de la
formule M2k.-f NHI tout au long de la Prière de l apôtre Paul favorise plutôt cette dernière
option.
Ved. pr. et Mueller ont suggéré de lire MneK[N2_e] dans la lacune en fin de ligne4. Ils
justifient en partie ce choix par la présence d'appels similaires dans les Psaumes, un genre
avec lequel la Prière de l'apôtre Paul présenterait des affinités selon eux. Étant donné le
piètre état de conservation du document à cet endroit, la décision des auteurs de la
traduction anglaise de Yed. pr., qui ne restituent rien à cet endroit du texte, nous paraît plus
raisonnable.
A,4 [ . . . . c]CUTe : Ued. pr. a proposé de restituer ici [n_vN2k.]upTe, à comprendre
comme un vocatif, mais Mueller confirma que la lettre pointée ne pouvait être que U) suite
à un examen du papyrus à la lampe ultra-violette. Ainsi, il semble à peu près assuré que
4 Mueller suggère en fait MTTeK.[N2.e TJX] comme restitution en fin de ligne, ce qui respecte davantage l'espace disponible dans la lacune.
63
l'on doive ici restituer au moins CCDTC Cela étant dit, la restitution proposée par Mueller
(]npeqc]CUTe) n'est pas la seule option possible ici ; le contexte tout comme l'espace
physique permettrait, par exemple, de restituer [ . . . n c ] u r r e , « le salut ».
Mueller fonde sa restitution sur la ressemblance de la formule [npeqc]U>Te C(DT[e]
FÏM2«.ei avec deux passages de la littérature psalmique (Ps 18,15 et 25,11), conjecturant que
« the original Greek was probably Xmpcùxâ pou Xurpcoaai ps ». De plus, il affirme dans
l'introduction de son édition que « the phraseology of the Pr. Paul is heavily indebted to
the Psalms », mais n'explicite un tel rapprochement dans son commentaire qu'en cet
endroit de la Prière de l'apôtre Paul, ce qui suggère que c'est sur la base de ce seul passage
que Mueller fonde son assertion. On peut cependant se questionner sur la pertinence du
rapprochement que propose Mueller . L'expression Àmpanâ pou Àmpcoacu pe n'est jamais
employée telle quelle dans les Écritures ; en fait, on retrouve l'exclamation « KÙpis (3or)9é
pou Kai A-uipcûid pou » en Ps 18,15 (LXX), tandis qu'on lit « èyd_ ôé ev àicaida pou
éîropsûBr-v Xû.pcoaou pe Kai é^énoôv pe » en Ps 25,11 (LXX). Les Psaumes et la Prière de
l'apôtre Paul connaissent certes la notion de rédemption, mais le parallèle est plutôt
superficiel dans les faits. Aucun passage de la Prière de l'apôtre Paul n'indique clairement
que l'auteur ait cherché à faire allusion, encore moins à citer, les écrits du Psautier. On
peut, au mieux, établir une proximité d'idée vague qui suggérerait que la Prière de l'apôtre
Paul a été développée dans un milieu familier avec les Psaumes, mais cette information est
aussi incertaine qu'elle est dénuée de toute valeur heuristique pour comprendre notre texte7.
Ce constat nous incite donc à relativiser l'influence des Psaumes sur la Prière de l'apôtre
Paul et à rejetter la restitution de Mueller ; nous préférons donc ne restituer que [ . . . .
c ]u r re .
5 Ce rapprochement avait d'ailleurs déjà été établi par Yed. pr., qui fournit la liste de toutes les occurrences du verbe >a).po.a0ai dans les Psaumes et souligne l'usage fréquent de ce verbe et de ses formes dérivées dans les écrits valentiniens. 6 Toutes les citations de la Septante proviennent de l'édition de Rahlfs. 7 Les dangers de la « parallélomanie » pour justifier la restitution de texte sont par ailleurs bien mis en évidence par Yed. pr., à son détriment. Ses auteurs ont tenté de justifier la restitution [n2k.N2k.]CLjTe en A,4 en citant toutes les occurrences des équivalents grecs de ce mot dans les Psaumes. Or, cette restitution fut par la suite rejetée par Mueller sur des bases matérielles.
64
A,4-6 CU)T[e] MM2.6I X C [2k.N2k.K] n C T e n U J K n[CNT]2k.2Ïei 2k.B2k.A [21!T[00]T[K] :
Dans cette première phrase complète du document, l'orant cherche à s'assurer les faveurs
de la divinité en établissant son lien de filiation avec elle. Ce besoin de justifier la légitimité o
des requêtes de l'orant est courant dans la prière grecque ; la prière devient ainsi une
négociation, au cours de laquelle les antécédents ou les actes de piété passés doivent
contrebalancer les demandes qui y sont faites. Cette sanctio, qui sert en quelque sorte de
monnaie d'échange pour toutes les demandes à venir, est bien marquée par l'utilisation de
la conjonction x e . Elle souligne que la divinité a en quelque sorte l'obligation de sauver
l'orant, puisque celui-ci est sa créature et sa propriété. L'impératif qui précède cette sanctio
(CU)T[C] MM2k.ei) doit ainsi être compris comme la demande principale de la prière, celle
qui résume et rassemble toutes les requêtes qui viendront par la suite. Le souci premier de
la Prière de l'apôtre Paul serait donc le salut, ou plus précisément le rachat9, de l'individu.
Mueller a noté le parallèle entre ce passage et le début des Trois Stèles de Seth (118,27), où
Emmacha Seth s'adresse au Père Ger-Adama en des termes semblables (« 2.NOK 2 ^
n e T e ncuK FicyHpe »)10. La phrase suivant de la Prière de l'apôtre Paul (« NT2.K n e
n2k.NOYC M2k.xn2k.ï ») trouve elle aussi un parallèle au début du texte du codex VII
(« FiTOK n e n2_NOYC n2k.ïurr » [118,31-119,1]). Mueller, ajuste raison, a vu dans cette
ressemblance l'utilisation d'une source commune, plutôt qu'un lien de dépendance direct
entre les deux documents. Painchaud et Kaler ont pour leur part interprété ce parallèle
comme «another hint as to the unity of this sub-collection»11 ; l'occurrence de ces
formules dans le premier et le dernier texte de la sous-collection I-XI-VII formerait, selon
eux, une sorte d'inclusion peut-être voulue par le compilateur pour susciter une impression
de cohérence chez le lecteur de la sous-collection.
A,6 NT2k.K TT[e n2k.N]OYC : Ici débute une ascension spirituelle en quatre étapes projetée
par l'orant (A,6-ll). La Prière de l'apôtre Paul situe le point de départ de ce processus
dans un intellect qui, d'une part, compose l'être humain, mais qui, d'autre part, est
Voir la discussion p. 36. 9 Crum, A Coptic Dictionary, 302a. 10 Paul Claude, Les Trois Stèles de Seth. Hymne Gnostique à la triade (NH VII,5), Québec, Presses de l'Université Laval, 1983,37. ' ' « From the Prayer of the Apostle Paul... », 461.
65
d'origine divine. Cette dualité traduit une conception bien gnostique du salut : c'est à
l'individu de trouver en lui la source de sa rédemption, mais celle-ci nécessite malgré tout 1 "7
une assistance divine . La présentation de l'intellect comme source de salut est peut-être
aussi indicatrice de l'influence des milieux philosophiques stoïciens ou platoniciens sur ce
texte. Notons que cette phrase sert également de transition avec la sanctio qui la précède,
puisqu'elle identifie l'intellect de l'orant à la divinité invoquée, tout comme l'orant
s'identifie à la divinité en A,5-6 ; dans les deux cas, le texte met l'accent sur la relation
privilégiée que l'orant entretient avec le dieu suprême.
M2k.xn2k.ï : Comme l'orant est déjà engendré au sens strict du terme, il faut plutôt lire cette
demande comme une requête de régénération ou de second engendrement. Ce genre de
demande est bien documenté dans le corpus de Nag Hammadi, et il est tout à fait possible
que la Prière de l'apôtre Paul réfère ici implicitement à un rite baptismal13.
A,7 NT2k.K ne n^C20 QYH[N] NHÏ : Le terme 2k_20 (« trésor », ou encore « entrepôt » 1 4)
se retrouve en quelques occasions à Nag Hammadi. L'Authentikos Logos dit à propos de
l'âme que « ses ennemis la contemplent, honteux alors qu'elle monte vers le ciel, dans son
trésor, là où est son nous, et dans sa resserre, en sécurité » (28,22-27) . L'Évangile selon
Thomas emploie également ce terme à quelques reprises (log. 45, 63, 76 et 109), dans son
sens d'entrepôt ou de grenier. Dans YÉvangile selon Marie (BG 1), Jésus s'exprime à
Marie d'une manière qui est plus proche de ce que l'on retrouve dans la Prière de l'apôtre
Paul : « Bienheureuse, toi qui ne te troubles pas à ma vue car, là où est le nous, là est le
trésor » (10.14-16) 1 6. Quispel avait déjà repéré la version de cette sentence dans YÉvangile
12 Par exemple, dans YApocryphon de Jean, le salut d'Adam ne peut s'amorcer que par l'envoi sur terre de l'Esprit du Père, l'Épinoia de lumière. Pareillement, dans le Traité tripartite, tandis que la rédemption de l'humanité est établie par la rédemption du Fils, ce dernier est néanmoins sauvé « par le logos qui descendit sur lui » (Thomassen et Painchaud, 125,7). 13 Sur la notion de renaissance et son lien avec le baptême, voir Williams, Rethinking "Gnosticism"..., 198-199. 14 Crum, A Coptic Dictionary, 24b. 15 Jacques É. Ménard, L'Authentikos Logos, Québec, Presses de l'Université Laval, 1977, 21. À l'instar de YAuthentikos Logos, plusieurs autres textes à Nag Hammadi situent le trésor dans les cieux, comme c'est le cas dans les Leçons de Silvanos (88,17). 16 Anne Pasquier, L'Évangile selon Marie (BG 1). Édition revue et augmentée, Québec, Presses de l'Université Laval, 2007.
66
selon Marie et relevé quelques parallèles chez Clément d'Alexandrie, Macaire et Justin17.
La sentence tirerait son origine de Mt 6,21 et Lc 12,34 : « car où est votre trésor, là aussi
sera votre cœur (Kapôia) ». Pasquier suggère que la philosophie hellénistique influença la
transmission de cette sentence, si bien qu'à partir du deuxième siècle, le terme Kapôia fut 1 R
troqué pour voùç en raison du nouveau sens donné à ces mots . De toutes les recensions de
cette sentence, ce n'est que dans YÉvangile selon Marie que l'intellect précède le trésor,
une inversion qui reflète selon Pasquier le désir de l'auteur de ce texte de « transmettre une
doctrine anthropologique précise selon laquelle un élément particulier dans l'homme peut
acquérir le trésor »19.
On remarquera que la Prière de l'apôtre Paul rapproche le trésor et l'intellect d'une
manière similaire à celle de YÉvangile selon Marie. Contrairement aux autres recensions de
cette sentence, où le trésor est situé dans le Royaume des Cieux et dont le contenu est
l'intellect, YEvangile selon Marie adopte une perspective résolument psychologique, selon
laquelle l'intellect est l'outil qui permet de réaliser que le trésor existe en soi20. Dans la
Prière de l'apôtre Paul, l'ascension spirituelle que suggère le vocabulaire en A,6-ll
suggère également une remontée « psychologique » ou « intérieure » plutôt que physique.
Étant donné le nombre relativement restreint d'occurrences du terme 2_20 dans la
littérature gnostique et des similarités de forme et de contexte entre la Prière de l'apôtre
Paul et l'Evangile selon Marie, il apparaît tout à fait plausible qu'un lien quelconque unisse
ceux-ci. La Prière de l'apôtre Paul extrait toutefois l'élément central de la sentence de
YÉvangile selon Marie, à savoir le rapport intellect/trésor, pour ensuite l'adapter à ses 11
propres besoins. L'ed. pr. ni Mueller n'ont relevé cette similarité entre les deux textes ;
1 « Das Hebrâerevangelium im gnostischen Evangelium nach Maria », Vigiliae Christianae 11 (1957), 139-144. Pasquier traite également de cette sentence et de la métaphore du trésor dans L'Évangile selon Marie..., 71-74 et 101-104. 18 L'Évangile selon Marie..., 102. À ce sujet, Pasquier cite Antoine Guillaumont, selon qui la notion platonicienne d'intellect aurait progressivement remplacé celle de cœur, qui désigne dans sa signification sémitique habituelle l'intériorité humaine, puisque les Pères de l'Église les jugeaient équivalantes mais estimaient que la première serait mieux comprise que la seconde par un lectorat d'expression grecque (voir l'article de Guillaumont, « Les sens des noms du cœur dans l'antiquité », Le cœur [Études Carmélitaines], Paul Claudel et al. éds., Paris, Desclée de Brouwer, 1950, 67-77).
L'Évangile selon Marie..., 72. 20 Pasquier, L 'Évangile selon Marie..., 72-73. 2 1 Rappelons toutefois que YÉvangile selon Marie n'était pas encore édité lors de la publication de Yed. pr.
67
ces éditions ont plutôt établi des parallèles avec Col 2,3 et le Traité tripartite (92,34-36) ,
mais ceux-ci paraissent moins étroits que le rapprochement que nous proposons ici.
En dernier lieu, la facture littéraire de ces quelques lignes mérite d'être soulignée. On
remarquera que l'auteur y imbrique des matériaux provenant de deux traditions différentes,
tout en servant son propos et en respectant la structure de son texte. Il parvient à fusionner
ces matériaux grâce au mot-crochet « intellect », terme qui sert ici de pivot entre
l'expression des Trois Stèles de Seth (« car je suis ton propre fils et Tu es mon Intellect » ;
118,30-119, l24) et le rapprochement entre « intellect » et « trésor » que l'on retrouve dans
l'Evangile selon Marie (« là où est le nous, là est le trésor » ; 10,14-16 ). La transition de
l'une à l'autre de ces traditions est ainsi habilement dissimulée dans l'amalgame qui résulte
de leur fusion («je suis tiens, celui qui est issu de toi. C'est toi mon intellect, engendre-
moi. C'est toi mon trésor, ouvre-moi » ; A,5-7). Cette élégante juxtaposition de matériaux
illustre à la fois l'éclectisme et les aptitudes littéraires de l'auteur.
A,7-8 NT2k.K [nie na.TTAHpu.M2k. cy2k.nT 2-P2.K : Le terme 7diîpc.pa revêt plus d'un
sens dans la littérature chrétienne des premiers siècles26. Il est très courant à Nag Hammadi,
où il sert souvent de terme technique pour la demeure des émanations divines ou pour
l'ensemble des éons célestes, en opposition à la déficience du monde matériel. Toutefois,
dans la Prière de l'apôtre Paul, l'emploi de l'article possessif («mon plérôme »)
s'accomode difficilement d'un sens cosmologique. Mueller a préféré rapprocher la
signification de « plérôme » dans la Prière de l'apôtre Paul à celle dont témoigne
YÉvangile de Vérité (41,12-16), qui décrit toutes les émanations du Père comme autant de
2 «Je veux qu'ainsi leurs cœurs (KapSiai) soient encouragés et qu'étroitement unis dans l'amour, ils accèdent, en toute sa richesse, à la plénitude de l'intelligence (.fjç -iXn,po<|>opiaç ifjç oruvéoeaiç), à la connaissance du mystère de Dieu : Christ, en qui sont cachés tous les trésors (.naaupoi) de la sagesse et de la connaissance ». Comme on peut le constater, la terminologie employée dans l'extrait paulinien se situe dans le même champ sémantique que ce que l'on retrouve dans la Prière de l'apôtre Paul, mais en diffère suffisamment pour nous permettre de douter d'un rapport quelconque entre les deux. 23 « On l'appelle aussi "entrepôt" (2k.TTOeHK.H) à cause du repos (MTàN) qu'il a atteint et s'est accordé à lui-même ». La mention du repos rapproche en effet ce passage de ce que l'on retrouve au début de la Prière de l'apôtre Paul, mais le terme copte \ "?0 traduit habituellement les termes grecs .r-caupôç, oi.opo/\6v ou ôppiov, et non à-to0f-Kr| (Crum, A Coptic Dictionary, 24b). 24 Claude, Les Trois Stèles..., 37. 5 Anne Pasquier, L'Évangile selon Marie (BG 1). Édition revue et augmentée, Québec, Presses de
l'Université Laval, 2007. 26 Craig A. Evans fait la recension de ces sens différents dans « The Meaning of -rXf-pœua in Nag Hammadi », Biblica 65 (1984), 259-260.
68
plérômes (« 2FinAHpCL>M2v »), et de YEvangile selon Philippe (68,11-14 ; 84,13-14), qui
présente le plérôme comme une réalité intérieure propre à chaque individu27. L'ed. pr. avait
déjà suggéré de comprendre l'emploi de nAHpU)M2k. dans la Prière de l'apôtre Paul en
tant qu'épanouissement ultime de la personne, « la réalité idéale qui répond à son "moi"
transcendant, [...] qui lui est particulier et qui, forme parfaite, expression totale de ce qu'il
est en soi, par essence et à l'état plénier, dans la "plénitude" de son être propre, le définit
individuellement, sous les traits et dans les exactes limites de sa personne authentique » .
Par ailleurs, le terme TtÀx-pcopa est employé à quelques reprises dans le Nouveau Testament,
mais toujours dans le sens de « plénitude ». Pour éviter toute confusion avec la signification
cosmologique généralement associée à « Plérôme », nous avons donc opté pour le terme
« plénitude » dans notre traduction.
A,8-ll N[T2LK.[ ne T2vN2i.n2k.YCIC M2k.-f NHCI M[nT]CAeiON
neTeM2k.poYopeM2k.2[Te] : Les textes de Nag Hammadi emploient souvent le repos
comme métaphore ; en tenant également compte des documents du codex de Berlin, 32 des
47 textes qui s'y trouvent usent soit du terme gréco-copte 2k.N2k.n2k.YCic, soit de son
équivalent copte direct, MTON, pour un total de 117 occurrences29. Or, comme on le
constate rapidement à leur lecture, on accorde une pluralité d'interprétations à ce terme.
Ainsi, le repos peut exprimer une eschatologie future, comme dans la Paraphrase de Sem
(35,25-29), ou déjà réalisée en ce monde, comme dans YÉvangile selon Philippe (66,16-
20) ; il peut prendre une valeur locale, comme dans le Livre sacré du Grand Esprit invisible
(NH III, 2 : 65,2-5), ou existentielle, comme dans YAuthentikos Logos (35,9-16) ; et s'il est
généralement théocentrique, comme dans le Concept de notre grande puissance
(NH VI, 4 : 47,25-26), il peut en certaines occasions être christocentrique, comme dans le
Traité tripartite (58,36)30. Jan Helderman a toutefois démontré que, malgré l'apparente
27 Irénée rend également compte de l'ambiguïté de ce mot chez les gnostiques, qui l'utilisent parfois dans un sens locatif, parfois comme un synonyme de la gnose (11,5,2). 2 8 Ad loc. 29 Judith H. Wray, Rest as a Theological Metaphor in the Epistle to the Hebrews and the Gospel of Truth : Early Christian Homiletics of Rest, Atlanta, Scholar Press, 1998, 34-35.
On retrouve des recensions plus systématiques de l'utilisation et de la signification de à.N...TT2-YCIC / MTON chez Jon Laansma (/ Will Give You Rest : The Rest Motif in the New Testament with Special Reference to Mt 11 and Heb 3-4, Tubingen, Mohr Siebeck, 1997, 154-158) et Wray (Rest as a Theological Metaphor..., 34-43).
69
polysémie du terme dans le corpus de Nag Hammadi, le repos est presque toujours compris
comme l'apex de l'ascension de l'individu vers son état naturel et initial ; il représente ainsi
l'état primordial de l'âme avant sa chute dans la chair et, inversement, sa destination ultime
dans le contexte sotériologique de sa remontée31. Le repos ne serait ainsi qu'un des
nombreux avatars du thème de la stabilité ou de l'immobilité dont Williams a déjà
démontré la centralité au sein de la littérature philosophique et gnostique . Dans ce
contexte, il est tout à fait approprié que la progression spirituelle initiée en A,6 culmine
avec le repos. On peut aussi y voir la concrétisation ou le parachèvement de la demande de
rédemption faite en A,4.
Les éditions précédentes ont cherché à corriger le texte pour T<2k.>2k.N2k.n2k.Ycic, afin de
poursuivre la série de substantifs précédés d'un article possessif ([n2k.N]OYC, n2k.C20,
n2k.nAHpU)M2k.). La nécessité de cette correction est toutefois discutable, et le phénomène
s'explique avec plus d'élégance par une erase que par une erreur de copie du scribe. LW.
pr. et Mueller jonglent également avec l'idée que [nTjeAeiON puisse désigner non pas
« la chose parfaite », mais « le Parfait », en référence soit la divinité, soit à Jésus.
Quoiqu'improbable, une tierce possibilité serait qu'il s'agisse ici d'une allusion à « la
connaissance parfaite (Trrv tsAxiav yvœaiv) » dont fait état Irénée (1,6,2). Mueller suggère
aussi dans ses notes de corriger le texte pour M[nT]eAeiON <NOY2*.eiN> sur la base d'une
formule similaire dans YÉvangile selon Philippe33. Il nous parait cependant hasardeux de
corriger un texte qui ne montre autrement aucun signe certain de corruption en cet endroit.
Die Anapausis im Evangelium Veritatis : Eine vergleichende Untersuchung des valentinianisch-gnostischen Heilsgutes der Ruhe im Evangelium Veritatis und in anderen Schriften der Nag Hammadi-Bibliothek, Leiden, Brill, 1984, 22-27. Cette utilisation de la métaphore du repos n'est d'ailleurs pas unique au gnosticisme, puisque les psaumes manichéens emploient en quelques occasions le terme « repos » comme synonyme du royaume des cieux (A Manichaean Psalm-book, vol. 2, Charles R.C. Allberry éd., Stuttgart, W. Kohlhammer, 1938, 57,30; 65,19; 158,15). 12 The Immovable Race : A Gnostic Designation and the Theme of Stability in Late Antiquity, Leiden, Brill, 1985. Le terme àvânauaiç est d'ailleurs utilisé dans un contexte comparable à celui que rapporte Helderman chez quelques philosophes platoniciens. Par exemple, on lit chez Plotin : « celui que l'âme poursuit, qui donne sa lumière à l'intelligence, et dont la moindre trace nous émeut, ce n'est pas grande merveille, s'il a un tel pouvoir pour attirer vers lui, et pour nous rappeler des routes où nous errons, afin de trouver en lui le repos (ïva npôç au.-V àvaïïaiJaaiTo) » (Emile Bréhier, Ennéades, Paris, Belles Lettres, 2003, VI,vii,23,l-4). Cette conception du repos était donc relativement courante dans certains milieux intellectuels de l'époque. 33 On lit en 70,5-7 que « ceux qui ont revêtu la lumière parfaite, les puissances ne les voient pas, ni ne les saisissent » (Louis Painchaud, « L'Evangile selon Philippe [NH II, 3] », Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi, Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier éds., Paris, Gallimard, 2007, 376).
70
L'utilisation du thème de la perfection dans le contexte du dernier stade d'une ascension
spirituelle n'est pas unique à la Prière de l'apôtre Paul. Poirier et Tardieu avaient déjà
répertorié un cas dans Zostrien (6,7-7,22), où le héros gravit quatre éons auxquels sont
associés autant de « baptêmes », dont le dernier transforme Zostrien en ange parfait34. Dans
les deux cas, on retrouve une remontée en quatre étapes, à l'apex de laquelle se trouve
quelque chose de parfait. On peut douter qu'un contact direct entre ces deux textes ait eu
lieu, mais il n'est pas impossible que tous deux se basent sur une tradition commune.
A,ll-12 *fTU)B2 FÎM2k.K. neTupo[on] 2>YU) neTuppft c y o o n : De tout le texte qui
nous est parvenu, seul ce passage mentionne des attributs de la divinité suprême à qui
s'adresse la Prière de l'apôtre Paul. Comme l'a noté Yed. pr., le premier de ces
qualificatifs provient vraisemblablement d'Ex 3,14. Quant au second, Irénée l'emploie à
deux occasions en tant qu'épithète attribuée par les valentiniens à la divinité suprême
(1,1,1 ; 1,21,5). Le rapport qu'a voulu établir l'auteur entre la divinité et Jésus doit être
souligné ; l'un est et préexiste — il est donc éternel et sans commencement — tandis que le
second est « le Premier-né, le Premier-engendré » (A,37-38). Ce contraste n'est pas sans
rappeler le subordinationisme que l'on retrouve chez certains auteurs (Origène, Eusèbe et
Basile de Césarée, Arius, etc.). Dans les faits, deux types de subordinationisme ont
existé35 : l'un, celui d'Origène, d'Eusèbe et de Basile, affirme que le Père est plus « grand »
que le Fils mais reconnaît que tous deux sont éternels36, alors que l'autre, qui relève de
l'arianisme, présente le Fils comme une créature du Père qui ne peut donc être co-éternel
avec lui.
34 « Catégories du temps dans les écrits gnostiques non valentiniens », Laval théologique et philosophique 37 (1981), 8 et 11-12. On lit à la fin de ce passage: «Et je reçus le baptême pour la quatrième fois par l'entremise de ces mêmes puissances : je devins un ange parfait et me tins sur le quatrième — lequel est le premier éon — » (7,16-21 ; Catherine Barry et a l , Zostrien [NH VIII, 1], Québec/Louvain/Paris, Presses de l'Université Laval/Peeters, 2000). 35 À ce sujet, voir Bernard SesboUé et Joseph Wolinski, Histoire des Dogmes. Le Dieu du salut : la tradition, la règle de foi et les symboles, l'économie du salut, le développement des dogmes trinitaires et christologiques, Paris, Desclée, 1994, 229-230. '6 Pour Origène comme pour ses successeurs, le Christ joue le rôle d'intercesseur entre la création et Dieu (John N.D. Kelly, Early Christian Doctrines, 5e éd., New York/Hagerstown/San Francisco/Londres, Harper & Row, 1978, 128). On retrouve une hiérarchisation similaire du côté du moyen-platonisme (Patrick J. Hamell, « Subordinationism », New Catholic Encyclopedia, 2e éd., vol. 13, Berard L. Manthaler éd., Détroit, Thompson/Gale, 2003, 566 ; à propos du débat entourant la notion de dyade originelle et du rôle respectif de ces entités, voir John Dillon, The Middle Platonisls : 80 B.C. to A.D. 220, Ithaca, Cornell UP, 1996, 45-46). À Nag Hammadi, quelques textes d'affiliation séthienne reprennent ces spéculations moyen-platoniciennes (Turner, Sethian Gnosticism..., en particulier 362-363 et 693-704).
71
Il reste toutefois à établir la signification de la dichotomie « préexistant/premier-né » qu'on
retrouve dans la Prière de l'apôtre Paul. Prise au pied de la lettre, elle se rapprocherait de
la conception arienne de la subordination. On pourrait également l'interpréter de manière
métaphorique, auquel cas la terminologie de l'engendrement ne serait qu'une image qui sert
à établir le rapport hiérarchique entre le Père et le Fils, sans statuer sur la nature créée du
Fils. Nous avons déjà remarqué que la Prière de l'apôtre Paul présente des affinités avec la
pensée d'Origène37 ; il serait donc tentant de postuler que le subordinationisme dont fait
montre le texte doit lui aussi se rapprocher de celui d'Origène, et donc que l'expression « le
premier-né, le premier-engendré » doit être comprise en tant que métaphore. Pour en arriver
à ce constat, il faudrait toutefois présumer que le texte rend compte d'un système doctrinal
assez constant et cohérent, ce qui n'est nullement certain. Toute aussi incertaine,
l'alternative voulant que l'opposition « préexistant/premier-né » doive être lue au premier
niveau a au moins l'avantage de la simplicité ; les termes « préexistant » et « premier-né »
ne cherchent pas à rendre une image, mais signifient exactement ce qu'ils veulent dire. La
lecture faisant du Fils la créature du Père nous paraît donc la plus probable.
A,12-13 2^npeN [eT.X]2k.ci 2k.peN NIM : La Prière de l'apôtre Paul reprend ici une
expression de Phil 2,9-11 ; « C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a conféré
le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans
les cieux, sur la terre et sous la terre ». L'emprunt à l'épître aux Philippiens se comprend
très bien dans le contexte de la Prière de l'apôtre Paul : qui de mieux pour intercéder aux
requêtes formulées dans cette prière que celui qui fait fléchir tout genou et dont le nom a la
plus grande autorité ? Selon Dubois, ce passage représente la raison d'être du texte ; en
effet, il va jusqu'à qualifier la Prière de l'apôtre Paul de « commentaire de l'hymne de
l'apôtre Paul au Philippiens sur le nom au-dessus de tout nom »38. L'importance qu'accorde
Dubois à la centralité du thème du Nom nous apparaît disproportionnée par rapport à
l'utilisation qu'en fait le texte. Si l'on reconnaît que la prière vise à acquérir certains « dons
divins » du dieu suprême en faisant appel à Jésus-Christ comme intermédiaire, il est alors
tout à fait normal que la première épithète qui soit associée à Jésus mette l'accent sur sa
supériorité et son autorité absolue.
37 Voir la discussion p. 37. 38
« La descente du Sauveur... », 358.
72
A,13 2'T*N IHC n e x c : La Prière de l'apôtre Paul ne semble faire aucune distinction
entre la figure de Jésus et celle du Christ, contrairement à ce qui est souvent la norme dans
plusieurs systèmes gnostiques. À cet égard, on peut la rapprocher du Traité tripartite, où les
deux termes désignent le même personnage .
A,14 [n__.2k.ei]C ' FiNl__;2k.eiç nppo NN2JCDN : Cette formule résulte de l'appariement de
deux expressions attestées dans les Écritures. La première, « Seigneur des seigneurs, Roi
des rois », est présente en trois occasions dans le Nouveau Testament (7 Tm 6,15 ; Ap
17,14 ; 19,16)4 ; en 1 Tm, le titre est attribué au dieu des Écritures, tandis qu'en Ap, il est
associé au Christ en tant qu'Agneau de Dieu. L'expression « roi des siècles/éons », pour sa
part, se retrouve en Tb 13,7. 11 et en 1 Tm 1,17, et est également attestée ailleurs dans la
littérature juive ou chrétienne (1 Henoch 9,4; 12,3; Questions de Barthélémy 2,13;
Apocryphe de la Genèse 21,2 ; Actes de Paul 14,2 ; Actes de Philippe 1,2 ; 1 Clém 61,2 ;
PGM XII.247). Tout comme l'expression « Seigneur des seigneurs, Roi des rois », cette
formule est généralement employée en référence à Dieu, sauf dans les actes apocryphes et
les papyri magiques, où elle désigne le Christ. La juxtaposition de ces deux expressions
telle qu'elle se retrouve dans la Prière de l'apôtre Paul (« Seigneur des seigneurs, roi des
siècles/éons ») n'est répertoriée nulle part ailleurs dans la littérature de l'époque.
La tâche de déterminer l'origine ou le parcours de cette titulature du Christ, unique à la
Prière de l'apôtre Paul, s'avère difficile, voire impossible. L'hypothèse la plus
économique voudrait que la formule s'inspire de 1 Tm, puisque cette épître emploie ses
deux composantes, bien que de manière séparée. L'auteur de la Prière de l'apôtre Paul, qui
démontre ailleurs dans le texte une familiarité certaine avec la littérature paulinienne, aurait
pu fusionner les deux titres. Toutefois, les formules en 1 Tm réfèrent à Dieu alors que celle
de la Prière de l'apôtre Paul réfère à Jésus le Christ. Autrement, si on examine plutôt les
textes où le titre « Seigneur des seigneur, roi des rois » ou « roi des siècles/éons » est
attribué au Christ, on remarque certaines similitudes entre la Prière de l'apôtre Paul et les
39 Voir la discussion de Painchaud et Thomassen sur la figure du Christ en tant qu'entité différente de Jésus dans la plupart des textes de Nag Hammadi (Traité tripartite..., 361). 40 Cette titulature découle elle-même de la conjonction de deux formulations attestées dans la Bible hébraïque, juxtaposant l'expression « Seigneur des seigneurs » (Dt 10,17 ; Ps 136,3) et « Roi des rois » (Dn 2,37 ; Macc 13,4 ; Si 51,30), tous deux désignant YHWH. En deux autres occasions, le titre « Roi des rois » est appliqué non pas au Dieu des Écritures mais à des rois terrestres (Ez 26,7 ; Esc. 7,12).
73
Actes de Paul. Tout d'abord, à supposer que le titre de la Prière de l'apôtre Paul soit
authentique, ce qui reste hypothétique, leur association à la figure de Paul constituerait un
point commun entre ces deux textes. De plus, dans les Actes de Paul, l'expression « roi des
siècles/éons », est employée par Patrocle, échanson de l'empereur Néron, alors qu'il relate
comment le Christ le ramena d'entre les morts. L'auteur de la Prière de l'apôtre Paul aurait
pu chercher à faire allusion à cet épisode des Actes de Paul afin de rapprocher l'histoire de
la résurrection de Patrocle et la demande de guérison du corps présentée quelques lignes
plus loin, en A, 19-20. On pourrait également imaginer un rapprochement similaire avec
l'emploi de cette même expression en Tb, puisque ce document présente également une
histoire de guérison. Cela étant dit, ces hypothèses ne nous permettent pas d'expliquer la
juxtaposition unique à la Prière de l'apôtre Paul de deux titulatures d'ordinaire employées
indépendamment l'une de l'autre. Faute de preuves convaincantes, on ne peut donc pas
préciser davantage l'origine ou le processus de formation de la formule.
A,15-18 [M2L-p N]HÏ NNCK-T eTeM2k.icp2TH-<- [2k.p2k.OY] 2'™TT<_PHPe FïnpcDMe
[nenNe]YM2k. nn2k.p2k.KAHTOC Fi[TM]H : On retrouve ici le premier de cinq impératifs
qui sont au cœur de cette prière. Selon Tite, « the five requests (which have an ascendancy
from least to greatest) may reflect the five Valentinian sacraments listed in the Gospel of
Philip (baptism, chrism, eucharist, redemption, bridal chamber), although the exact terms
vary between these two Valentinian texts » . Ainsi, les «dons » (A, 15) référeraient au
baptême ; « l'autorité » (A, 18) au chrême ; la « guérison » du corps (A,20) à l'eucharistie ;
le « salut » de l'âme et de l'esprit (A,22-23) à la rédemption ; et le dévoilement du Premier-
né (A,24-25) à la chambre nuptiale. À première vue, on pounait certes concevoir certains
parallèles entre les deux textes. Par exemple, l'Évangile selon Philippe (77,2-7) présente
l'eucharistie comme un moyen de sanctifier le corps42. Il associe également le chrême à la
lignée apostolique (74,12-20)43, tandis que YExposé valentinien (40,11-19) fait un
41 « Paul, Prayer of the Apostle », 1020-1021. 42 « Le saint homme est totalement saint, jusque dans son corps. S'il prend le pain, il le sanctifie. La coupe ou tout le reste qu'il prend, s'il les sanctifie, comment donc ne sanctifierait-il pas son corps ? » (Painchaud, « L'Évangile selon Philippe... », 368). 43 « Le chrême est supérieur au baptême, car nous nous appelons « chrétiens » à cause du chrême, et non à cause du baptême. Et c'est à cause du chrême qu'on a donné son nom au Christ. Car le Père oignit le Fils, le Fils oignit les apôtres, et les apôtres nous oignirent. Celui qui a reçu le chrême possède toute chose ; il possède la résurrection, la lumière, la croix » (Painchaud, « L'Évangile selon Philippe... », 366).
74
rapprochement entre ce sacrement et la capacité de fouler au pied les serpents et les
scorpions mentionnée en Lc 10,194 , deux passages qui évoquent les idées de puissance et
de domination, connexes à celle d'autorité.
L'hypothèse de Tite se heurte toutefois à plusieurs problèmes méthodologiques. Le premier
de ces problèmes est l'incertitude concernant le nombre exact de sacrements dans
YÉvangile selon Philippe. Plusieurs auteurs ont émis des réserves quant à l'interprétation
de la rédemption et de la chambre nuptiale en tant que rites à proprement parler45. L'écart
terminologique entre la Prière de l'apôtre Paul et ces sacrements jette également le doute
sur une possible connexion entre ces deux traditions. Même à supposer que la chambre
nuptiale soit un sacrement, elle n'est jamais présentée en tant que révélation de Jésus-
Christ, comme c'est le cas dans la Prière de l'apôtre Paul; le mystère des noces est
systématiquement présenté comme l'union du pneumatique avec son ange, selon le modèle
de la syzygie Sophia/Sauveur46. Finalement, bien que toutes les traductions précédentes
rendent la demande en A, 18 (« M2.'b NHei FjTeK.£OYCl2k. ») par « donne-moi l'autorité »,
il faut plutôt la traduire par « donne-moi la permission de... »47. Or, cette lecture du texte
retranche une requête à cette section, et le chrême perd son pendant dans la Prière de
l'apôtre Paul, ce qui invalide davantage l'argument de Tite. Puisque celui-ci formule son
hypothèse sans expliquer davantage les raisons qui ont pu la motiver, force est de constater
qu'à première vue, il apparaît improbable qu'un quelconque lien unisse les demandes de la
44 « Il est convenable pour toi maintenant d'envoyer ton fils Jésus le Christ et qu'il nous oigne, afin que nous puissions écraser la tête des serpents et la tête des scorpions ou toute la puissance du diable » (Jacques É. Ménard, L'Exposé valentinien. Les Fragments sur le baptême et sur l'eucharistie [NH XI, 2], Québec, Presses de l'Université Laval, 1985, 57). Le passage de Lc auquel YExposé valentinien fait référence se lit : « Voici, je vous ai donné le pouvoir (if-v éÇouoiav) de fouler aux pieds serpents et scorpions, et toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire » (Lc 10,19). 45 Par exemple, David H. Tripp, « The "Sacramental System" of the Gospel of Philip », Studia Patristica, vol. 17, Elizabeth A. Livingstone éd., Oxford, Pergamon Press, 1982, 256 ; April D. DeConick, «The True Mysteries : Sacramentalism in the Gospel of Philip », Vigiliae Christianae 55 (2001), 258. Jean-Marie Sevrin considère que la chambre nuptiale représente en fait tous les sacrements réunis : « Qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de rite spécifique de la chambre nuptiale est impossible à décider ; mais un tel rite n'apparaît plus rigoureusement nécessaire dès lors que c'est tout le système des sacrements qui constitue la "chambre nuptiale en image" » (« Les noces spirituelles dans YEvangile selon Philippe », Muséon 87 [1974], 192). 46 Voir Sevrin, qui présente les variantes du mystère des noces dans la littérature hérésiologique, en soulignant que le thème des anges en tant qu'époux est constant dans cette littérature (« Les noces spirituelles... », 144-147). 47 Voir la discussion p. 77.
75
Prière de l'apôtre Paul et les sacrements évoqués, selon lui, dans YÉvangile selon
Philippe.
Comme l'avaient déjà suggéré Yed. pr. et Mueller, les « dons » de la divinité (« NCK/p »)
sont probablement à rapprocher des %apiopaia pauliniens. Ces dons sont explicités
en 1 Cor 12,7-11 : « À l'un, par l'Esprit, est donné un message de sagesse, à l'autre, un
message de connaissance, selon le même Esprit ; à l'un, dans le même Esprit, c'est la foi; à
un autre, dans l'unique Esprit, ce sont des dons de guérison ; à tel autre, d'opérer des
miracles, à tel autre, de prophétiser, à tel autre, de discerner les esprits, à tel autre encore,
de parler en langues ; enfin à tel autre, de les interpréter ». LW. pr. avait d'ailleurs déjà
souligné la similitude entre la demande de la Prière de l'apôtre Paul et Rom 11,29, qui
spécifie que « les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables (àpsxapéXqTa) ». Selon Crum,
l'expression copte P2TH* (« réfléchir », mais aussi « se repentir, regretter ») rend le verbe AQ
grec pexapsXsaBat ; aussi, la version sahidique de f épître traduit-elle le passage ainsi :
« 2CN2k.Tp2THq r2k.p Ne Nex2k.picM2k. FinNOYTe MN neqTci>2M »49. Le terme
peTapétaaOat peut signifier « se repentir » tout comme son homologue copte, mais peut
également prendre la valeur de « changer d'avis »50, comme c'est le cas dans la version
sahidique de Rom 11,29. Bien qu'on puisse difficilement traduire ici pexapéXeaôai / P2T*H#
par « irrévocable », ce qui impliquerait que la divinité ne pounait retirer ses dons même si
elle le désirait, l'utilisation de ce terme dans le contexte d'une discussion des dons divins
suggère néanmoins que l'auteur avait la tradition paulinienne des xaP^°"(-iaxa en tête
lorsqu'il composa le texte.
À propos des titres ici attribués à Jésus, notons l'association de la figure du Christ (« le Fils
de l'homme ») à celle de l'Esprit. La Prière de l'apôtre Paul n'est pas le seul cas de la
littérature chrétienne ancienne à introduire un rapprochement semblable. Par exemple, on
retrouve dans le Pasteur d'Hermas (Par. IX, 1) l'idée que l'Esprit Saint et le Fils ne font
qu'un : « Je veux te montrer tout ce que t'a montré l'Esprit Saint qui t'a parlé sous la forme
48 A Coptic Dictionary, 715b. 49 The Coptic Version of the New Testament in the Southern Dialect Otherwise Called Sahidic and Thebaic, vol. 4, George VV. Horner éd., Osnabriick, Otto Zeller Verlag, 1969. 50 Le grand Bailly. Dictionnaire Grec-Français, Anatole Bailly éd., Paris, Hachette, 2000, 1263. De manière semblable, A Patristic Greek Lexicon (Geoffrey W.H. Lampe, Oxford, Clarendon Press, 1978, 854) inclut « to change one's mind » parmi les traductions possibles.
76
de l'Église. Car cet Esprit est le Fils de Dieu » 51. D'autres auteurs chrétiens des IIlème et
III'eme siècles, comme Tatien52, Justin53 et Clément d'Alexandrie54, entretiennent également
une certaine confusion entre les figures du Fils et de l'Esprit, ce qui suggère que la
délimitation entre celles-ci aurait parfois été ambiguë durant les premiers siècles. Ce
phénomène d'assimilation pourrait s'expliquer de deux façons. Tout d'abord, comme
quelques chercheurs le rappellent, le terme « esprit » servait souvent à désigner une
présence angélique dans la littérature du Second Temple 5. Or, comme en témoignent
plusieurs textes des débuts du christianisme, certains milieux ont fait usage d'une imagerie
angélique pour décrire le Christ56. Dans cette perspective, l'épithète « esprit » pourrait être
le point de rencontre de ces deux traditions, et soulignerait la nature angélique du Christ.
Deuxièmement, selon certains, l'étroite similarité des fonctions et des origines du
Fils/Logos et de l'Esprit aurait eu comme impact de rendre poreuse la délimitation entre ces
Robert Joly, Hermas. Le Pasteur. Introduction, texte critique, traduction et notes, 2'eme éd., Paris, Éditions du Cerf, 1968, réimp. 1997, 289. L'interprétation de ce passage et de son rôle dans la christologie du Pasteur est loin de faire l'unanimité chez les chercheurs ; pour un bref sommaire des trois principaux points de vue à ce sujet, voir Bogdan G. Bucur, « The Son of God and the Angelomorphic Holy Spirit : A Rereading of the Shepherds Christology », Zeitschrift fur die Neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde der alteren Kirche 98 (2007), 128. Selon Carolyn Osiek, ce passage demeure dans tous les cas «one of the most frustrating statements in the book » (Shepherd of Hermas : A Commentary, Helmut Koester éd., Minneapolis, Fortress Press, 1999, 35). Une partie de cette frustration découle de l'irréconciliabilité des christologies présentées en Par. V et Par. IX : la première suggère que l'Esprit et le Fils de Dieu sont deux figures bien distinctes (« le fils [de la parabole], c'est le Saint-Esprit, et l'esclave, c'est le fils de Dieu » [Joly, Hermas. Le Pasteur..., 237]), tandis que la seconde laisse clairement entendre le contraire. Même si la christologie du Pasteur ne tient pas pour acquis que Fils et Esprit sont un seul et même être, la délimitation entre les deux figures reste dans l'ensemble suffisemment floue pour que leur équivalence en Par. IX ne soit pas en conflit avec la christologie et la pneumatologie du reste du document. 52 Bernard Pouderon, Les apologistes grecs du IF siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2005, 188-189. 51 Pouderon, Les apologistes grecs..., 160. 54 William H. C. Frend, Martyrdom and Persecution in the Early Church : A Study of a Conflict from the Maccabees to Donatus, New York, New York UP, 1967, 264. 55 À ce sujet, voir John R. Levison, « The Angelic Spirit in Early Judaism », Society of Biblical Literature Seminar Papers 34 (1995), 464-493. Bucur démontre d'ailleurs que cette compréhension du terme « esprit » est fréquente dans le Pasteur d'Hermas (« The Son of God and the Angelomorphic Holy Spirit... », 122-125). 56 Par exemple, le Pasteur d'Hermas et le sermon De centesima, sexagesima, tricesima, du pseudo-Cyprien décrivent tous deux le Fils de Dieu comme l'un des sept premiers anges à avoir été créés (Jean Daniélou, « Le traité "De centesima, sexagesima, tricesima" et le judéo-christianisme latin avant Tertullien », Vigiliae Christianae 25 [1971], 175), tandis que Pierre compare Jésus à un ange juste dans l'Évangile selon Thomas (log. 13). Du côté du Nouveau Testament, certains textes assimilent le Christ à des figures ou des caractéristiques angéliques ; c'est entre autre le cas de l'épître de Jude (Jarl Fossum, « Kyrios Jesus as the Angel of the Lord in Jude 5-7 », New Testament Studies 33 [1987], 226-243) et de Y Apocalypse de Jean (Loren T. Stuckenbruck, Angel Veneration and Christology : A Study in Early Judaism and in the Christology of the Apocalypse of John, Tubingen, J.C.B Mohr, 1995, en particulier 205-265). On lit aussi chez Justin que « Ie Logos de Dieu est son Fils, comme nous l'avons dit. Il est appelé aussi Ange (messager) et Apôtre (envoyé) » (Charles Munier, Justin. Apologie pour les chrétiens. Introduction, texte critique, traduction et notes, Paris, Éditions du Cerf, 2006, 296-297).
77
deux figures, au point où les deux termes en serait venus à référer à la même entité, celle du
Fils57. Quoiqu'il en soit, la Prière de l'apôtre Paul est trop avare de détails pour permettre
de déterminer comment s'y articule le rapport entre Fils et Esprit, c'est-à-dire si ce rapport
trahit une conception angélomorphique du Fils ou découle d'un recoupement des fonctions
de ces deux figures qui aurait causé une assimilation partielle de celles-ci. Le contexte du
passage ne laisse toutefois aucun doute sur le fait que le fils de l'homme et l'esprit réfèrent
tous deux à Jésus-Christ.
La figure du Paraclet, pour sa part, est associée à l'Esprit Saint en Jn 15,26 . Le débat que
tient Yed. pr. à savoir si le titre de Paraclet réfère ici à l'Esprit ou au Fils de l'homme est
inutile, puisque ces deux figures représentent de toute évidence une seule et même
personne. De plus, dans le contexte de la Prière de l'apôtre Paul, où le rôle de Jésus est
d'abord et avant tout celui d'intermédiaire, on peut aisément comprendre pourquoi l'auteur
de ce texte a pu décider de le désigner comme Paraclet (du grec 7tapâK>vrixoç,
« intercesseur »59).
A,18-19 [M2k.]-f NHei Frre»C20YCl2k. [2k.Tp2k.]p2k.m MM2k.K : Les éditions précédentes ont
toutes restitué une circonstancielle ([eei]p2k.lTl) en A,1960, qui fut comprise et traduite de
plusieurs manières. L'équipe française de Yed. pr. laissa la porte ouverte à la traduction de
cette expression soit comme proposition infinitive (« donne-moi la puissance de te
demander » ; Dubois reprend cette lecture dans sa traduction ), soit comme proposition
57 Comme le rappelle Christopher Stead, « belief in the holy Spirit is upheld by Church tradition founded on the Bible ; but failing clear guidance from the philosophers, his origin and function are much less clearly worked out, and sometimes He almost disappears behind the Logos [...]. Early in the next century both Tertullian and Origen insist on his importance and distinct reality ; but a remarkable survival of the older view is found in Athanasius' De Incanatione, no less, where there is no mention of the Holy Spirit until the final doxology » (Philosophy in Christian Antiquity, Cambridge, Cambridge UP, 1994, 155-156). Osiek constate le même phénomène dans le Pasteur d'Hermas : « There is not total clarity on the distinction between Son of God and Holy Spirit [...]. In Sim. 9.1.1, the distinction between the two is blurred. Both are pre-existent agents of creation, at some times more distinct than others » (Shepherd of Hermas..., 35-36).
Si l'identification du Paraclet à l'Esprit est proprement johannique, on retrouve ce même emploi dans d'autres textes chrétiens des premiers siècles. Par exemple, dans le Livre de la Résurrection de Barthélémy, l'auteur préfère le terme « Paraclet » à « Esprit » lorsqu'il mentionne les figures de la Trinité : « [Tu es le] Père. Tu es le Fils [...] [Tu es le] Paraclet saint » (Jean-Daniel Kaestli, « Livre de la Résurrection de Jésus-Christ par l'apôtre Barthélémy », Écrits apocryphes chrétiens, vol. 1, François Bovon et Pierre Geoltrain éds., Paris, Gallimard, 1997, 12,8). 59 Le grand Bailly, 1465. 50 Puech et Malinine ont toutefois proposé [<2k.)Tpi] comme restitution alternative dans Y edition princeps. 61 « Prière de l'apôtre Paul... », 8.
78
causale, (« ainsi que je te le demande » ; la majorité des autres traductions de la Prière de
l'apôtre Paul ont opté pour cette lecture). Mueller y voit plutôt une proposition temporelle
(« when I ask you »).
La restitution [eei]p2k.m est problématique. En effet, le substantif déterminé TeX0YCi2k.
exige en temps normal le complément. Quand ce complément est un verbe à l'infinitif,
comme c'est le cas ici, le verbe se construit normalement avec N- ou avec e- , parfois
allongé par un causatif dans le second cas62, et signifie « le droit de (faire...) ». Ainsi, à
moins de supposer que la version copte soit déficiente ou mal formulée, la restitution e e i -
est improbable. Si l'on tient compte de la lacune en début de ligne, qui peut s'accommoder
d'au moins quatre lettres, l'alternative la plus plausible serait d'y restituer un infinitif
causatif à la première personne du singulier (2k.Tp2k.-)63. Cette nouvelle restitution modifie
également le sens de la proposition ; le texte ne se lit plus « donne-moi l'autorité
comme/quand je te le demande », ainsi que l'ont proposé la grande majorité des traducteurs
précédents, mais plutôt « donne-moi la permission de te demander (ce qui suit) ».
Cette lecture alternative du texte peut aussi se justifier eu égard au contenu du texte car elle
pallie les insuffisances de la lecture retenue par la grande majorité des traducteurs
précédents. En effet, la demande « donne-moi l'autorité » est très vague : s'agit-il d'autorité
morale, d'autorité sur le mal ou sur le corps ? On s'attendrait à ce que l'objet de l'autorité
demandée soit spécifié, ce qui n'est pas le cas. De plus, si l'on accepte cette lecture, les
deux seules demandes que l'on pourrait qualifier de « mondaines » de tout le texte seraient
la demande d'autorité et celle qui la suit immédiatement, demandant la guérison du corps.
Dans ce contexte, on s'attendrait plutôt à ce que ces deux demandes successives soient
complémentaires (ex. : autorité et puissance, ou encore longue vie et guérison du corps),
plutôt que disjointes. Sur le plan du contenu, rien ne justifie donc la lecture proposée par les
traducteurs précédents plutôt qu'une autre.
À l'inverse, on pounait trouver incongru que l'auteur de la Prière de l'apôtre Paul
demande la permission de formuler une demande, alors qu'il ne s'embarrasse pas de tels
62 On en retrouve quelques exemples dans la version sahidique du Nouveau Testament, notemment en Jn 1,12 et 5,27. 63 Nous remercions M. Wolf-Peter Funk pour ses lumières sur cette question.
79
scrupules pour les nombreuses autres demandes qui jalonnent le texte. Pourtant, cette
nouvelle lecture du texte est tout à fait conséquente avec le contexte de ce passage. La
structure de la Prière de l'apôtre Paul indique bien que la demande de guérison en A, 19-20
avait un statut particulier aux yeux de l'auteur64. Dans cette perspective, il serait tout à fait
justifié que l'auteur ait pourvu cette demande d'une introduction, servant en quelque sorte à
l'« enrober » et à s'assurer les bonnes grâces de celui à qui elle est destinée ; la répétition
de p2JTl avant et après la demande de guérison laisse d'ailleurs transparaître cette volonté.
La lecture alternative ici proposée est donc tout à fait justifiée autant sur le plan
philologique que sur celui du contenu.
A,19-21 M2k/f FJNOY[T2k.A]6o Mn2_cu>M2k. ' 2UX. eeip2k.iTi [MM2k.]K. : Bethge et Plisch
ont proposé de combler la lacune du début de la ligne 20 par [Te]6o, forme variante de
T C K O (« perdition, destruction »65). Selon eux, cette seconde restitution (« donne la
destruction à mon corps ») harmoniserait la Prière de l'apôtre Paul avec d'autres prières du
corpus de Nag Hammadi, comme la prière de mort qui se trouve à la fin de la Seconde
Apocalypse de Jacques (NH V, 4 ; 62,16-63,29)66. Or, il est entièrement spéculatif
d'affirmer que le contexte de cette prière soit plus près de la prière de mort que de tout
autre genre de prière. Leur argument est par ailleurs hasardeux, puisqu'il se fonde sur le
contenu d'un texte qui appartient à une tout autre sous-collection que la Prière de l'apôtre
Paul. De surcroit, si le rapprochement entre les « dons » mentionnés en A, 15 et les
Xapiapaxa pauliniens est juste, il y aurait incohérence entre l'acquisition de grâces dont la
manifestation immédiate s'opère en ce monde-ci d'une part et, d'autre part, l'apparent désir
de l'orant de quitter précipitamment ce monde.
La restitution alternative de Bethge et Plisch serait également insolite au niveau du
vocabulaire. L'auteur de la Prière de l'apôtre Paul a pris soin de n'employer aucun terme à
consonance négative ; par exemple, notre prière traite du salut mais, contrairement à la
majorité des textes du corpus de Nag Hammadi, ne mentionne jamais de quoi forant veut
être sauvé (condition dépréciée de l'âme, joug des puissances et des archontes, etc.). Parler
M Voir la discussion p. 43. 65 Crum, A Coptic Dictionary, 405 b. **« "Verleihe (mir) [Vergehen] meines Leibes", was besser in den Kontext paBte (vgl. Das Sterbegebet des Jakobus am Ende von 2ApcJac) » (« Das Gebet des Apostels Paulus... », lOnl 1).
so
de destruction du corps dans ce texte jurerait avec le reste du contenu. On peut en dernier
lieu s'opposer à cette restitution sur une base matérielle, puisque la lacune en début de ligne
peut très bien s'accommoder de trois lettres. Bethge et Plisch concluent leur discussion en
reconnaissant qu'« une demande de guérison du corps dans une prière de Paul n'est bien
sûr pas impossible »67 ; plus encore, une telle demande est assez certaine à la lumière des
arguments présentés.
L'ed. pr. et Mueller ont tôt fait de rattacher la demande de guérison du corps à la littérature
magique grecque. Ils négligent cependant de mentionner que les demandes de santé ne sont
pas exclusives aux prières et invocations magiques, mais qu'elles sont également usuelles
dans la prière grecque en général68. De plus, il ne faut pas oublier que le thème de la santé
et de la guérison est assez fréquent dans la littérature chrétienne. Outre les nombreuses
guérisons miraculeuses dont font part les évangiles canoniques, plusieurs documents
qualifient Jésus de « médecin » ou de « guérisseur »69. La littérature chrétienne des
premiers siècles accorde parfois un sens spirituel à la guérison dispensée par Jésus ou par le
Père, comme c'est le cas dans les Questions de Barthélémy (4,65) : « s'il m'a appelé Jésus,
c'est afin que je guérisse par Dieu tous les péchés des ignorants » . La Prière de l'apôtre
Paul prend soin de spécifier que la guérison est corporelle ; elle n'est donc pas à confondre
avec la guérison en tant que métaphore spirituelle. Autrement, chez plusieurs auteurs
67 « Eine Bitte um Heilung des Leibes ist in einem Gebet des Paulus freilich nicht unmôglich » (« Das Gebet des Apostels Paulus... », lOnl 1). 68 C'est du moins ce que sous-entend Pulleyn (Prayer in Greek Religion, 148). La question demeure tout de même de savoir où se trace la limite entre prière « normale » et prière magique ; à ce sujet, voir la discussion p. 35nl41. Il faut aussi souligner que la Prière de l'apôtre Paul, qui demande ici la guérison, n'est pas la seule prière du corpus de Nag Hammadi à faire état d'une appréciation positive du corps ; on lit dans la Prière d'action de grâces (64,17-19) : « nous nous réjouissons parce que, dans ce corps où nous sommes, tu nous as divinisés par ta gnose » (Jean-Pierre Mahé, « Prière d'action de grâces [NH VI, 7] », Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi, Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier éds., Paris, Gallimard, 2007, 985). Prières « gnostiques » et conception positive du corps ne sont donc pas antinomiques. 69 Dans les Actes de Pierre et des douze apôtres (8,11-19), Jésus apparaît aux disciples déguisé en médecin. On retrouve ce même motif dans les Actes de Thomas, les Actes de Paul et les Psaumes manichéens (Jan Helderman, « Anapausis in the Epistula Jacobi Apocrypha », Nag Hammadi and Gnosis : Papers Read at the First International Congress of Coptology (Cairo, December 1976), R. McL. Wilson éd., Leiden, Brill, 1978, 40). 70 Jean-Daniel Kaestli, Écrits apocryphes chrétiens, vol. 1, Paris, Gallimard, 1997. La littérature valentinienne exprime elle aussi une conception similaire de la guérison. Selon Dunderberg, elle s'inspirerait d'une théorie de la thérapie des émotions rattachée à la philosophie morale hellénistique (Beyond Gnosticism..., ch. 6). Helderman exprime la même idée lorsqu'il écrit que « one might even speak of a "doctrine of illness" in Valentinian Gnosticism, healing being an essential pre-requisite before one can arrive at Rest as salvation in the final sense » (« Anapausis in the Epistula Jacobi Apocrypha », 40).
81
anciens, la guérison spirituelle va de pair avec celle du corps71. L'auteur de notre document
aurait très bien pu adhérer à cette conception de la guérison, auquel cas la présente
demande sous-entendrait une guérison autant spirituelle que corporelle, et ne serait pas
aussi mondain qu'il n'y paraîtrait à prime abord.
A,22-23 2'TFineY2».rreAicTHc [M2L-T] ÇCDTC FiT2-*r/YXH NOY^eiN [2FiNie]NH2e
MNn2k.nN2k. : Le terme « evangéliste » apparaît en trois occasions dans le Nouveau
Testament (Ac 21,8 ; Ep 4,11 ; 2 Tim 4,5). Les deux occurrences du corpus paulinien
l'emploient dans un sens assez large72, tandis qu'Ac l'utilise comme titre pour Philippe. La
notice d'eùayyr|>aaxfiç chez Lampe rend bien compte de l'usage prédominant du terme en
référence à la fonction apostolique73. Un emploi plus précis, désignant les auteurs des
quatre évangiles canoniques, y est également bien attesté, mais comme il dépend de la
formation du canon scripturaire, son apparition serait plus tardive. Autrement, le titre
s'applique une fois à Dieu chez Clément d'Alexandrie74, et à Jésus chez Hippolyte de
Rome75, mais ces usages demeurent très marginaux76. Sur cette seule base, la conclusion la
plus probable serait donc que, comme en Ac 21,8, l'évangéliste mentionné ici soit un
disciple ou un apôtre.
Cette hypothèse viendrait rejoindre celle de Layton, selon qui le titre d'Evangéliste ne peut
ici que faire référence à Paul. Toutefois, plusieurs raisons nous incitent à douter de cette
hypothèse, et le contexte de ce passage suggère fortement que l'appellation « Evangéliste »
71 C'est notamment le cas dans la version syriaque des Actes de Thomas, où on dit de Judas Thomas, qui y incarne une figure équivalente à celle du Christ, qu'« il est différent de tous les médecins. En effet, ceux-ci guérissent les corps qui se corrompent, mais ce médecin, il guérit non seulement les corps, mais aussi les âmes, et celles-ci ne se corrompent plus » (Paul-Hubert Poirier et Yves Tissot, « Actes de Thomas », Écrits apocryphes chrétiens, vol. 1, François Bovon et Pierre Geoltrain éds., Paris, Gallimard, 1997, 1410). Le thème de la guérison conjointe du corps et de l'âme, tout comme celui de l'importance du corps en tant que temple où résidera le Christ, revient en maintes occasions dans ce texte (ch. 37, 42, 94, 143, 156-157). Le Pasteur d'Hermas souscrit aussi à cette compréhension de la guérison en 60,3-4 : « Au sujet des ignorances antérieures, Dieu seul peut donner la guérison, car il a tout pouvoir. Mais prends garde à ce qui vient de t'être dit, et le Seigneur, dans sa grande miséricorde, les guérira, si désormais tu ne souilles pas ta chair ni l'esprit. Car les deux vont ensemble et ils ne peuvent être souillés séparément » (Joly, 239). 72 II est question en Eph 4,11 des « des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des bergers et catéchètes ». 2 Tm 4,5, pour sa part, exhorte ainsi son destinataire : « sois sobre en toutes choses, supporte la souffrance, fais œuvre d'évangéliste, remplis ton ministère ». 73 A Patristic Greek Lexicon, 559. 74 S tr ornâtes 3,12. 75 In canticum Mosis, frag. 1. 76 Dubois traite plus longuement de l'emploi du terme « evangéliste » chez les auteurs des premiers siècles dans « Le titre christologique d'évangéliste... », 30-34.
82
se rapporte ici à Jésus ; après tout, toutes les autres invocations de cette partie du texte
s'adressent à Jésus . Bien qu'il s'agisse du seul titre christologique de la Prière de l'apôtre
Paul à ne pas figurer dans le Nouveau Testament, quelques chercheurs ont tenté de justifier
son emploi en soulignant le rôle d'annonciateur de la « Bonne Nouvelle » prêté à Jésus
dans les évangiles synoptiques78. L'argument donne l'impression d'escamoter un peu le
problème plutôt que de le traiter de front, mais il a au moins l'avantage de prendre en
compte un fait inéluctable, pourtant négligé par des chercheurs comme Layton : le contexte
de la Prière de l'apôtre Paul laisse peu de doute quant à l'identification de
l'« Evangéliste » à Jésus. Aller jusqu'à associer ce vocable en rapport à Jésus à un emploi
proprement gnostique, comme le suggère Dubois, serait toutefois un peu excessif79. Dans
les faits, les exemples gnostiques de la fonction évangélisatrice de Jésus mentionnés par
Dubois opèrent davantage sur le mode de la continuité que de la discontinuité avec l'usage
chrétien général. Que le lien que trace Dubois entre le titre d'Évangéliste de la Prière de
l'apôtre Paul et la fonction évangélisatrice de Jésus s'avère fondé ou non, le contexte du
passage permet difficilement d'interpréter cette titulature selon son usage le plus courant.
L'Evangéliste serait donc ici non pas un disciple ou quelqu'autre prêcheur, mais Jésus.
L'invocation à l'Évangéliste peut aussi bien se rattacher à la phrase qui la suit, comme l'ont
suggéré les traductions française et allemande de Yed. pr., qu'à celle qui la précède, comme
l'ont suggéré tous les autres traducteurs. Afin de créer une symétrie dans la structure
littéraire des requêtes formulées en A,15-25, il apparaît préférable de l'associer à ce qui
suit . De plus, la fonction évangélisatrice de Jésus semble plus à propos dans un contexte
de rédemption que dans un contexte de guérison. Toutefois, rien n'exclut qu'elle puisse se
rattacher à la proposition précédente.
77 Voir la discussion p. 32. 78 Dubois, « Le titre christologique d'évangéliste... », 33. 79 « Le titre christologique d'évangéliste... », 32-34 ; il y justifie cette differentiation en disant que « même si l'évangile est fondé sur la transmission de paroles de Jésus, la proclamation de l'évangile gnostique correspond à l'annonce du message gnostique du salut ». Toutefois, Dubois ne nous dit pas en quoi le salut gnostique diffère du salut chrétien général, sinon par le moyen de son obtention. De plus, il est d'avis que la Prière de l'apôtre Paul est d'origine valentinienne (« Le titre christologique d'évangéliste... », 28-29) ; or, au risque de souligner l'évident, les valentiniens étaient chrétiens, ce qui rend d'autant plus problématique cette supposée distinction entre messages évangéliques « gnostiques » et « non-gnostiques » dans le cas présent. 80 Voir p. 44.
83
Hors de la Prière de l'apôtre Paul, l'expression « âme lumineuse » est absente du corpus
de Nag Hammadi, des textes grecs connus, et des textes manichéens, où il est pourtant
souvent question de l'« intellect lumineux ». LW. pr. et Mueller l'ont rapprochée d'un
passage des Extraits de Théodote : « Ce Dieu, en tant qu'Image du Père, devient Père : et il
émet d'abord le Christ psychique, Image du Fils ; puis, les Archanges, Images des Éons ;
ensuite les Anges des Archanges, tirés de la substance psychique et lumineuse (ÈK xfjç
\]/uxucfïç Kai (pcoxswfjç oùaiaç) »81. On constate toutefois que la similitude entre les deux
textes est assez superficielle. Même si les termes « psychique » et « lumineux » y forment
une dyade comme dans la Prière de l'apôtre Paul, c'est la substance et non l'âme qui est
lumineuse dans les Extraits de Théodote. Contrairement à d'autres systèmes où la réalité
psychique est décrite de manière négative et où l'esprit doit se départir de son « vêtement
psychique » afin de se purifier, on doit tout de même reconnaître que ces deux textes la
présentent de manière plutôt positive. Autrement, l'anthropologie présentée dans la Prière
de l'apôtre Paul est comparable à celle de YEvangile selon Marie en certains points , bien
que le texte du codex de Berlin ne fasse pas mention de l'« âme lumineuse ».
A,23-24 2k.YCD ncytpfr FÏM]ice MnnAHpu)M2k. Frrx2k.pi[C] : Ved. pr. rapproche la
formule « plénitude de la grâce » des Extraits de Théodote (31,3), où l'on explique que la
grâce du Père a constitué les éons. Toutefois, l'expression exacte ne s'y trouve pas, ni n'est
présente ailleurs dans le corpus de Nag Hammadi. Fait notable, elle apparaît sept fois dans
l'œuvre du Pseudo-Macaire, et le contexte dans lequel s'insère l'expression gravite souvent
autour des thèmes exploités par la Prière de l'apôtre Paul ; il y est par exemple question de
« la sanctification parfaite de l'âme et du corps dans la plénitude de grâce (àytaapôv
xéXstov v|/uxq. Kai aœpaxoç èv 7iÀqp6paxi xâptxoç) »83 et du « repos de la plénitude de la
grâce (xf)v Kaxâ7tauaiv xoù T&r-pwpaxoç xfjç xâpvroç) »84. La date de composition tardive
81 F. Sagnard trad., Paris, Éditions du Cerf, 1948, 47,3. n Pasquier écrit à propos de la Prière de l'apôtre Paul : « ce texte, malgré des différences notables avec l'EvMar, présente les mêmes subdivisions dans l'homme qui est composé d'un corps, d'une âme lumineuse et d'un pneuma, les deux derniers éléments devant être sauvés par le Nous défini comme lieu du trésor et du Plérôme » (Évangile selon Marie..., 75). 3 Makarios/Symeon Reden und Briefe. Die Sammlung I des Vaticanus Graecus 694 (B), 2 vol., Heinz Berthold éd., Berlin, Akademie-Verlag, 1973, 64,1,9. Comme les sermons du Pseudo-Macaire n'ont pas encore fait l'objet d'une traduction, la version française de ces passages est nôtre. 84 Makarios/Symeon Reden und Briefe..., 20,1,5. L'expression « plénitude de la grâce » revient en 18,2,7 ; 19,3,3 ; 51,1,4. On en trouve aussi un exemple dans les Homélies spirituelles (10,24).
84
,85 des documents pseudo-macariens suggérerait que la Prière de l'apôtre Paul et le Pseudo-
Macaire s'inspirent tous deux d'une tradition commune .
A,25 [62k.A]na 2k.na.NOYC : L'auteur vient ici clore la partie de la prière où il présente ses
principales demandes. Il complète ainsi un cycle amorcé en début de texte et mis en
évidence par la répétition du terme « intellect »87. C'était grâce à l'intellect que l'orant
débutait son ascension en A,6, et c'est par la révélation du Christ à l'intellect que culminent
ici les suppliques de la Prière de l'apôtre Paul. Dépeint à la fois comme le moyen par
lequel s'amorce le salut et comme récipiendaire premier de ce même salut, l'intellect tient
visiblement un rôle important dans le système du texte.
Le rôle de l'intellect en cette fin de section est similaire à celui qu'il a dans YÉvangile selon
Marie : en 10,10-24, après que le Seigneur soit apparu en vision à Marie, il lui confirme
que ce n'est au moyen ni de l'âme, ni de l'esprit qu'elle a pu le percevoir, mais bien au
moyen de l'intellect. L'Evangile selon Marie présente ainsi l'intellect comme la source de
la vraie vision, une vision autoptique qui s'opère lorsque l'intellect se retourne sur lui-QO
même et par laquelle l'objet de la vision est son sujet . On constate que l'idée générale
d'un tel système serait tout à fait compatible avec notre texte, bien que des détails plus
précis seraient nécessaires pour qu'on puisse affirmer qu'il s'agit bien d'une théorie de la
vision et de l'intellect parente de celle que présente YEvangile selon Marie.
A,25-26 epiX2k.piZe Fi[NHei] : Mueller s'est opposé à la restitution de Yed. pr. (N[H|ei]),
invoquant que la surligne au-dessus du N est très bien visible. Comme Emmel note que la
ligne se termine après le N et qu'aucune lettre n'est visible après , Mueller constate que la
restitution alternative N|[Hei] serait étrange et peu probable, puisque la division du mot
s'opérerait en plein milieu d'une syllabe. Il propose plutôt d'y restituer un NT2k.K.
intensificateur, hypothèse à laquelle Cherix souscrit également. Un redoublement du N,
15 On situe la période d'activité littéraire du Pseudo-Macaire au tournant du Ve siècle (Vincent Desprez, Pseudo-Macaire. Œuvres spirituelles I. Homélies propres à la Collection III, Paris, Édition du Cerf, 1980, 13). 86 Dans tous les cas, cette question, qui n'est ici qu'effleurée, mériterait d'être approfondie par la recherche dans le futur. 87 Voir la discussion p. 39. 8 8 Pasquier, L'Évangile selon Marie..., 1Z-1A. 89 « Unique Photographie Evidence... », 254.
85
phénomène assez courant en L6 et d'ailleurs présent en A, 19, serait toutefois une
alternative préférable à celle de Mueller. Cette reconstruction résoudrait d'une part le
problème de syllabation soulevé par Mueller, et d'autre part permettrait une restitution qui
sied davantage au texte qu'un NT2k.K intensificateur90.
A,26-29 MneTeFfneBeA N2k.rreAoç [Ne]Y 2k.pa.cj &yœ neTeFi<ne>Mecyuce
[FJ2i.]pxu)N c2k.TMeq 2k.YU) neTeM[n]qel 2k.2pm 2M<pHT NpcuMe : Pierre Prigent
recense les nombreux textes — plus d'une vingtaine — où apparaît cette énoncé. Celui-ci
se décline en trois formes différentes dans la littérature ancienne : 1) « ce que l'œil n'a pas
vu et que l'oreille n'a pas entendu et qui n'est pas monté au cœur de l'homme », que
Prigent désigne « texte a » ; 2) « tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment », qu'il
désigne « texte b » ; 3) la combinaison de ces deux formules l'une à la suite de l'autre, qu'il
désigne « texte a + b » . C'est à la première tradition (texte a), aussi employée par
plusieurs auteurs des premiers siècles (Hégésippe, Clément d'Alexandrie, Tertullien,
Théophile d'Antioche, Agathange, etc.), que correspond le passage de la Prière de l'apôtre
Paul.
Les origines de cette formule sont inconnues92. Selon Origène, l'énoncé proviendrait d'un
passage de Y Apocalypse d'Elie, tandis que Jérôme le rattache à Y Ascension d'haie . Des
90 Notons également que la restitution proposée par Layton (N[H|ei]) ne prend en compte ni l'article d'Emmel, ni les commentaires de Mueller, alors que tous deux lui étaient disponibles lors de la publication de son édition. 91 « Ce que l'œil n'a pas vu, I Cor. 2,9 », Theologische Zeitschrift 14 (1958), 416-421. Notons aussi que, depuis la publication de cet article, de nouvelles occurrences de cette sentence ont été relevées ; du côté de la littérature gnostique, mentionnons YÉvangile selon Thomas (log. 17), le Dialogue du Sauveur (140,1-5) et YÉvangile de Judas (47,10-13). 2 Outre l'article de Prigent, voir aussi la discussion de Dubois (« L'utilisation gnostique du centon
biblique... », 373-375). La provenance de cette sentence était déjà à l'origine d'un contentieux entre Athanase et les « hérétiques », lesquels situaient son origine dans des textes considérés apocryphes par le patriarche d'Alexandrie. On lit dans un fragment de sa 39e lettre festale : « Mais il (Marcion ?) dit que Paul a tiré ce témoignage des apocryphes, en disant : "Ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme". Je lui répondrai que c'est le propre des gens qui ont l'esprit de chicane, car Paul ne compose pas ses paroles à l'aide d'(autres) paroles, mais c'est ce qui est écrit dans les Écritures dont Paul a recueilli le sens et qu'il a écrit » (Enzo Lucchesi, « Un nouveau complément aux Lettres festales d'Athanase », Analecta Bollandiana 119 [2001], 259 ; à la n24 de cette page, Lucchesi cite un passage de la même lettre éditée par Lefort, où Athanase pourfend encore ses adversaires sur ce point : « Or cette parole, "ce que l'œil n'a point vu" nous ne la trouvons pas dans l'Écritures. Si, comme l'affirment les hérétiques, elle se trouve clairement dans les apocryphes, eh bien, ceux qui ont imaginé ceux-ci ont volé les mots de Paul, et leur attribuent des temps reculés »). n Prigent, « Ce que l'œil n'a pas vu... », 421-422. L'auteur ne fournit malheureusement pas les références chez Origène et de Jérôme.
86
témoins textuels rabbiniques l'associent plutôt à une version d'Is 64,3 qui diffère des leçons
du texte massorétique et de la Septante94. Prigent relève aussi que la formule apparaît
presqu'exlusivement dans un contexte liturgique, et soupçonne à la lumière de toutes ces
données qu'elle fut d'abord utilisée dans la liturgie des synagogues, puis récupérée par la
liturgie chrétienne pour sa promesse eschatologique95.
Où situer la Prière de l'apôtre Paul dans le parcours sinueux de cette formule ? L'option la
plus convaincante serait de voir en A,25-29 un emprunt modifié de / Cor 2,9. Tout
d'abord, l'auteur de la Prière de l'apôtre Paul démontre en plusieurs occasions sa
familiarité avec le vocabulaire paulinien ; mentionnons par exemple la reprise en A, 12-13
d'une formule présente en Phil 2,9-1196. S'il était familier avec plusieurs écrits pauliniens,
il y a fort à parier qu'il l'était également avec 1 Cor. D'autre part, la Prière de l'apôtre
Paul ne cite, n'emprunte ou ne fait allusion à aucun des autres textes qui font usage de la
formule « ce qu'œil n'a pas vu... »97. En somme, de tous les textes faisant usage de la
formule «ce qu'œil n'a pas vu... », l'épître paulinienne est le seul dont nous pouvons
raisonnablement présumer qu'il était connu de l'auteur de notre prière.
Les divergences entre la recension dans la Prière de l'apôtre Paul, qui spécifie que l'œil est
d'ange et l'oreille de prince/d'archonte, et la forme standard sous laquelle elle apparaît le
plus souvent, pourraient aussi s'expliquer par un emprunt à Yagraphon paulinien. En effet,
juste avant de citer la formule « ce qu'œil n'a pas vu... », Paul dit de la sagesse qu'« aucun
des princes de ce monde ne l'a connue (oùôeiç xràv àpxôvxœv xoû airàvoç xoûxoo) »
94 Par exemple, on lit dans un midrash de Pr 13,25 : « But what God has prepared for the righteous in the coming future, no eye can behold it nor can any ear hearken to it, as it is said, No eye has seen, O God, but You, who act for those that trust in You (Isa. 63:3) » (Burton L. Visotzky, The Midrash on Proverbs, New Haven/Londres, Yale UP, 1992, 70). Or, la version massorétique du texte d'£_ 64,3 se lit : « Jamais, on a entendu, jamais on a ouï dire, jamais l'œil n'a vu qu'un dieu, toi excepté, ait agi pour qui comptait sur lui ». Dans l'extrait vétéro-testamentaire, YHWH est l'objet de ce qui ne peut être vu, tandis que ce rôle revient à ce qu'il a préparé pour les justes dans le midrash. Cet emploi, résolument eschatologique, se rapproche des attestations chrétiennes de la formule. 95 « Ce que l'œil n'a pas vu... », 426- 428. 96 Voir la discussion p. 71. Le titre de l'œuvre ne constitue pas une base solide sur laquelle appuyer notre argumentation, puisqu'il pourrait être secondaire à la composition du texte (voir la discussion p. 30). 97 Prigent liste parmi ceux-ci le Protreptique de Clément d'Alexandrie, De resurrectione carnis de Tertullien, le Martyre de Polycarpe, et les Constitutions Apostoliques (« Ce que l'œil n'a pas vu... », 417-420).
87
QR
(7 Cor 2,8) . La présence du terme « prince/archonte » dans ces deux documents suggère
que le contexte de 1 Cor 2,9 influença l'auteur de la Prière de l'apôtre Paul.
Mise à part son occurrence dans f épître paulinienne, on pourrait aussi rapprocher les
particularités de la formule de la Prière de l'apôtre Paul de celles de / Évangile de Judas
(47,10-12), qui mentionne le « Grand Esprit invisible, celui qu'aucun œil d'ange n'a jamais
vu, et qu'aucune pensée intellectuelle n'a jamais compris, et qui n'a jamais été appelé
d'aucun nom »99. Bien que toutes deux parlent d'« œil d'ange », la version de YÉvangile de
Judas est plus proche de ce que l'on retrouve dans la littérature rabbinique ; son objet est
« le Grand Esprit invisible », et non pas « ce que Dieu a préparé pour les justes » comme il
est d'usage dans la littérature chrétienne100. De plus, le reste de la formule diffère trop de ce
que l'on retrouve dans le texte du codex I pour supposer un lien quelconque entre les deux ;
la triade « œil/voir ; oreille/entendre ; cœur/monter » y est rempacée par « œil/voir ;
pensée/comprendre ; nom/recevoir ». L'agraphon paulinien en 1 Cor 2,9 demeure donc
l'inspiration la plus probable de la formule en A,26-29.
Dubois propose de corriger les préformatifs verbaux de cette phrase afin que tous trois
soient au futur III négatif101. Selon lui, la forme MneTeFmeBCA en A,26 est
problématique et doit être corrigé en FtneTeFJNeBeA. Le deuxième préformatif,
coordonné au premier, ne nécessiterait pas la conection proposée par Yed. pr.
(neTePi<ne>Meupxe). Quant à la restitution au début de la ligne 29 (neTCM[n]qei), il
la corrige plutôt pour neTCN[N]eqei. La raison principale qui sous-tend les corrections de
Dubois est la forme NTT- en A,26, problématique selon lui puisque la forme usuelle du
98 L'expression TC&V àpxôvicov TOÙ aiwvoç TOUTOU est également utilisée en / Cor 2,6 (« C'est bien une sagesse que nous enseignons aux chrétiens adultes, sagesse qui n'est pas de ce monde ni des princes de ce monde, voués à la destruction »). L'ed. pr. avait déjà relevé cela, sans en tirer parti. Par ailleurs, tout ce chapitre de / Cor peut facilement prêter à une interprétation gnostique ; il y est question de la sagesse divine (vs. 4-8), du mystère de Dieu (vs. 1), de l'importance de la révélation de l'Esprit de Dieu qui permet de connaître « les dons de la grâce de Dieu » (vs. 12 ; peut-être y voir un lien avec les dons mentionnés en A, 15) et de la différence entre psychiques et pneumatiques (vs. 14-15). Cette interprétation n'était peut-être pas étrangère à l'auteur de notre prière. >9 Kasser, Rodolphe, « L'Évangile de Judas. Traduction française », The Gospel of Judas together with the Letter of Peter to Philip, and a Book of Allogènes from Codex Tchacos : Critical Edition, Washinghton, National Geographic, 2007, 247. 100 Cette différence notable suggère que YÉvangile de Judas se base ici sur une tradition qui serait plus ancienne et/ou plus proche d'un milieu juif (voir la discussion p. 86n94). 101 « L'utilisation gnostique du centon biblique... », 372.
88
parfait négatif est Mn-. Or, le préformatif Nn- n'est pas si problématique qu'il ne le laisse
entendre, et on en retrouve quelques exemples dans la littérature copte . Si l'on reconnaît
que la forme du premier verbe n'est pas fautive, la correction suggérée par Dubois devient
alors superflue ; tout comme Yed. pr., il propose une correction du travail du scribe
(MneTeFiNeBeA en A,26, plutôt que neTeM<ne>Mecy:xe en A,27, proposée par Yed.
pr.), et l'une comme l'autre peuvent se justifier d'un point de vue strictement philologique.
Toutefois, parmi les très nombreux témoins de la formule « ce qu'œil n'a pas vu... », tous
sans exception utilisent un temps de verbe au passé plutôt qu'au futur. De plus, Emmel
affirme que la première lettre de la ligne 29 est M, ce qui exclut la reconstruction du
troisième préformatif verbal proposée par Dubois (neTeFi[N]eqei). Pour ces raisons, il
nous faut rejeter cette lecture du texte.
A,30-33 FiT2k.2upu.ne FJ-HTCAOC 2_YU. K_vT2k.neiNe FinNOYTe Ft^YXiKOC
FiT2ipoYnA2k.cce MM2k.q JKiNNU_)2k.p~n : L'identité du réfèrent du relatif NT demeure
ambiguë. L'option la plus plausible serait que le relatif renvoie au « cœur humain »
mentionné à la ligne qui le précède, mais il pourrait alternativement renvoyer à l'objet de la
sentence en A,26-29, c'est-à-dire la chose ou la personne qu'œil n'a pas vue et oreille
entendue. L'ed. pr. a opté pour cette seconde possibilité et a associé l'objet des propositions
en A,25-29 au Christ, en se basant sur un passage des Extraits de Théodote où le Fils est
associé à cette même formule1 . Ainsi, selon les auteurs de Yed. pr., A,25-34 doit être lu
comme « une Kaxâ|.aoiç, au cours de laquelle le Sauveur, traversant les sphères célestes,
demeure inconnu aux Archanges, aux Anges, aux Archontes ou aux "Principautés" et, se
transformant à chaque fois, se fait "ange parmi les anges, Puissance parmi les Puissances,
homme parmi les hommes" »104.
Tous les chercheurs qui ont étudié ce texte ont tenu pour probable cette lecture. Or, parmi
les très nombreuses occurrences de la sentence présente en A,26-29 qui nous sont
102 On retrouve le parfait négatif NTT- en deux autres occasions dans le corpus de Nag Hammadi (Authentikos Logos 28,27 ; Marsanes 4,23). Cette forme verbale est également employée par deux fois dans les documents de Kellis (/>95 44,21.22).
« Et lui le Fils, il est appelé " Lumière inaccessible", en tant que "Monogène" et "Premier-né, "choses que l'oeil n'a point vues, l'oreille point entendues, et qui n'ont point monté au coeur de l'homme" » (10,5). 1 0 4 Ad loc.
89
parvenues dans la littérature ancienne, seule celle des Extraits de Théodote associe ce qui
ne peut être vu ou entendu au Fils. Comme le reconnaissent eux-mêmes les auteurs de Yed.
pr., presque toutes les autres désignent plutôt « les biens, les àyaGâ réservés au Justes ou
aux Élus, les secrets ou les mystères de la science divine, le Royaume céleste, le Lieu du
Repos suprême »105. Puisque ce passage de la Prière de l'apôtre Paul ne présente pas de
traces claires d'emprunt aux Extraits de Théodote, il serait alors logique de le rattacher à la
tradition la plus commune de l'emploi de cette sentence, ce qui exclurait l'hypothèse
voulant que ce soit Jésus qui ne puisse être vu par les anges et entendu par les
princes/archontes106. Dans cette perspective, le réfèrent de la relative en A,30 serait alors
« le cœur humain ». Comme les lignes 30 à 34 semblent être le fruit d'un ajout secondaire,
on pourrait également imaginer que le texte soit ici corrompu.
Dans tous les cas, l'affiliation doctrinale et la datation de la Prière de l'apôtre Paul
présumées jusqu'à ce jour doivent être reconsidérées. En effet, la lecture proposée par Yed.
pr. suggère que le corps du Christ serait de nature psychique. Cette idée est d'ordinaire
associée à l'« école » valentinienne dite occidentale, dont la période d'influence se situe
entre le milieu du deuxième et la fin du troisième siècle107. Les auteurs de Yed. pr.
déduisirent donc que la Prière de l'apôtre Paul se rattachait au valentinisme occidental et
avait été composée durant cette période. Or, à la lumière des éléments exposés plus haut, la
lecture faisant du Christ le réfèrent du relatif paraît très improbable. De surcroît, le passage
n'est peut-être pas original. Sur cette base, les hypothèses de Yed. pr. concernant la datation
et le milieu de production de la Prière de l'apôtre Paul doivent être rejetées.
1 0 5 Ad loc. 106 Le problème méthodologique fondamental qui sous-tend cette lecture erronée du passage est bien évidemment l'insistance de plusieurs à inscrire dans la tradition valentinienne et de ne l'expliquer que par des sources qui correspondent à leurs attentes. 107 Sur les différences entre valentinisme occidental et oriental au sujet de la nature du corps du Christ, voir Thomassen, The Spiritual Seed..., 39-45; voir aussi Jean-Daniel Kaestli, «Valentinisme italien et valentinisme oriental : leurs divergences à propos de la nature du corps de Jésus », 777e Rediscovery of Gnosticism : Proceedings of the International Conference on Gnosticism at Yale, New Haven, Connecticut, March 28-31, 1978, vol. 1, Bentley Layton éd., Leiden, Brill, 1980, 391-403. Malgré que ces sous-catégories du valentinisme semblent effectivement refléter deux traditions assez distinctes sur certains aspects doctrinaux, Joel Kalvesmaki a remis en question le bien-fondé de la séparation géographique occident/orient que suppose cette taxonomie (« Italian versus Eastern Valentinianism ? », Vigiliae Christianae 62 [2008], 79-89).
90
Concernant l'expression « dieu psychique », Bethge et Plisch ont noté qu'elle n'est attestée
dans aucun autre texte et ont suggéré comme traduction alternative à ce passage : « qui 1 A O
devint angélique et — selon la ressemblance de Dieu — psychique » . Cette interprétation
du texte serait toutefois assez singulière en copte. De plus, même si l'expresson « dieu
psychique » n'est propre qu'à ce texte, elle n'est pas pour autant très surprenante si l'on
suppose que le texte cherche à désigner ici le démiurge gnostique.
Nous avons déjà mentionné que ce passage de la Prière de l'apôtre Paul pourrait très bien
résulter d'un ajout secondaire109. Non seulement sa présence rompt-elle l'harmonie de la
structure littéraire de l'œuvre, mais son contenu détonne suffisamment par rapport au reste
de la prière pour attirer l'attention. Alors que la prière ne consistait qu'en une série de
demandes jusque là, les termes neiNe et nA2.cce évoquent le second récit de création de
l'homme de la Genèse110. En quoi ces spéculations sur la création auraient pu servir les
visées de l'auteur du texte, on ne saurait le dire. Sachant que ces quelques lignes se
distinguent aussi par leur dissonance au niveau de la structure littéraire de l'ensemble de
l'œuvre, on peut supposer qu'elles ne sont pas originales et proviennent d'un ajout
secondaire.
Le texte nous fournit peu de données sur lesquelles fonder une hypothèse quant aux raisons
et aux responsables de cet ajout. Ces derniers ont soit cherché à « gnosticiser » de manière
explicite un document qui, à leurs yeux, ne l'était pas clairement, ou encore ont compris ce
texte comme étant gnostique à la base et ont tout simplement voulu y ajouter une
spéculation à propos du récit de Genèse qui leur paraissait importante. Ces spéculations ne
sont d'ailleurs pas uniques à ce passage de la Prière de l'apôtre Paul. Le thème de la forme
angélique de l'homme au moment de sa création se retrouve également dans Y Écrit sans
titre, où Adam-Lumière apparaît sous la forme d'un ange au démiurge (NH II, 5 : 108,1-
108 « ...der engelgleich geworden ist und — gema[3 dem Bilde Gottes — psychisch » («Das Gebbet des Apostels Paulus... », 10nl4). 109 Voir la discussion p. 45. 110 Ces deux termes font respectivement référence au désir de YHWH que l'homme soit fait « à son image, selon sa ressemblance » (Gn 1,26) et au moment où « le Seigneur modela ('énXacev) l'homme » (Gn 2,8).
91
24). Quant à la nature psychique du démiurge et de l'âme humaine, on en retrouve une
mention chez Irénée1 ' '.
A,33-34 z œ c eoYNTHei FÏMCY FiTniCTic FieeAnic : L'expression FiTniCTic
FieeAnic peut aussi bien signifier « la foi de l'espérance » que « la foi et l'espérance ». La
première option est toutefois plus probable, et Yed. pr. fait état de plusieurs passages
pauliniens où l'on souligne la dépendance de la foi à l'égard de l'espérance.
Tout comme la déclaration en A,4-6, ce segment du texte sert de plaidoyer afin de justifier
la légitimité des demandes. Dans cette mesure, on peut le considérer comme une sorte de
deuxième sanctio ; bien que la forme traditionnelle de la prière ne permette habituellement
qu'une seule sanctio et la situe avant les demandes, cette forme demeure néanmoins idéale
et rien n'empêche d'y déroger dans une certaine mesure. On relève certaines différences
entre ces deux sanctiones. La première sanctio cherche à justifier la rédemption de l'orant
(« Sauve-moi, parce que... »), alors que la seconde justifie plutôt la révélation demandée un
peu plus haut (« Gratifie-moi ce qu'œil d'ange... puisque... »). Ainsi, c'est peut-être parce
qu'elles cherchent à justifier des demandes différentes qu'elles utilisent des arguments tout
aussi différents ; celle en A,4-6 repose sur le lien de filiation entre l'orant et la divinité, et
met ainsi l'accent sur le plan ontologique, tandis que celle en A,33-34 met l'accent sur la
foi. Le cas échéant, il faudrait donc comprendre ces deux aspects davantage dans leur
complémentarité que dans leur opposition.
A,35-38 NfoYtD2 2 - T O O T F îneKMereeoc FJ2k.r2k.nHTOc FieK.AeK.Toc
FieYA.orHTOC n u j p n MMice ncypn RreNOC : Le lien que l'auteur établit entre la
Majesté et les trois attributs qui lui sont associés (« bien-aimée, choisie, et bénie ») est un
peu singulier. Bien que les termes grecs dont ils découlent soient abondants dans la
littérature néo-testamentaire, ils décrivent habituellement des réalités différentes. Ainsi,
àyajxqxôç se rapporte soit à Jésus-Christ, comme c'est exclusivement le cas dans les
évangiles synoptiques (Mc 1,11 ; 9,7 ; 12,6 et passages parallèles dans Mt et Lc), soit à la
" ' « Ainsi, eux-mêmes (les gnostiques) seraient pneumatiques, parce qu'une parcelle du Père de toutes choses aurait été déposée dans leur âme, tandis que leurs âmes seraient, comme ils disent, de même substance que le Démiurge ; quant au Démiurge, bien qu'ayant reçu de la Mère en une seule fois la totalité de la semence et possédant celle-ci en lui-même, il serait demeuré psychique » (Contre les hérésies..., 11,19,3).
92
communauté des croyants (Rm 1,7 ; 12,19 ; 1 Cor 10,14 ; 2 Cor 12,19 ; Ph 2,12 ; He 6,9 ; 1
P 2,11 ; 4,12, etc.), soit à des particuliers (Ac 15,25 ; Rm 16,5-12 ; Ep 6,21 ; Col 1,7 ; 4,7-
9.14 ; 2 Tm 1,2 ; Phm 1,1.16) ; SKXSKXÔÇ est lui aussi associé soit à Jésus-Christ (Lc 23,35 ;
1 P 2,4-6), soit à la communauté des croyants (Mt 22,14 ; 24,22 ; Mc 13,20 ; Lc 18,7 ; Rm
8,33 ; Col 3,12 ; 2 7m 2,10 ; Tt 1,1 ; 1 P 1,1 ; 2,9 ; Ap 17,14), soit à des particuliers
(Rm 16,13 ; 2 Jn 1,1.13 ), et réfère en une occasion aux anges (7 Tm 5,21) ; eùta)yrixôç,
pour sa part, est toujours associé à Dieu (Mc 14,61 ; Lc 1,68 ; Rm 1,25 ; 9,5 ; 2 Cor 1,3 ;
11,33 ; Ep 1,3 ; 1 P 1,3). Ces trois attributs sont donc utilisés dans une variété de contextes
dans le Nouveau Testament : àya7rr|TÔÇ et _KÀ.£KXÔÇ peuvent référer à Jésus, mais sont plus
souvent employés pour parler de la communauté des croyants, tandis qu'eùÀ.oyr|x6ç ne
désigne que Dieu. Le contexte de la Prière de l'apôtre Paul exclut la possibilité que les
épithètes 2kT2k.nHTOC, C K A C K T O C et CYAorHTOC décrivent l'Église ou la
communauté chrétienne. La question à savoir si ces adjectifs décrivent la divinité ou Jésus
reste toutefois ambiguë. D'une part, on peut faire valoir que les trois termes sont clairement
attributs de la Majesté, un titre plus souvent associé au Père qu'à Jésus. D'autre part, deux
des trois termes (2k.r2k.nHTOC et C K A C K T O C ) se rapportent habituellement au Christ, et
non au Père ; on pourrait donc penser que la Majesté fait ici office de titre christologique,
chose improbable mais pas impossible, ou encore que ces attributs doivent plutôt être
rattachés au « Premier-né, Premier-engendré » (A,37-38). Ainsi, bien que l'on puisse
justifier ces deux alternatives, aucune n'est pleinement satisfaisante pour autant.
Dans tous les cas, la manière dont le texte associe la Majesté et le Premier-né est assez
inhabituelle. Aucun des textes du corpus de Nag Hammadi n'établit d'équivalence entre la
«Majesté» (A,35) et le Christ, auquel la Prière de l'apôtre Paul réfère comme le
« Premier-né » et le « Premier-engendré » (A,37-38). Joseph A. Gibbons s'est penché sur
les emplois à Nag Hammadi du terme M e r e e o c et de son équivalent copte indigène
MFPTNOÔ, et énumère dans ce bref survol les quelques sens associés à ces termes112. On
dégage de ses recherches que la Majesté peut naturellement être utilisée comme attribut,
mais peut aussi référer à un lieu, ou encore au Père. Même si l'investigation de Gibbons se
limite à un échantillon de textes gnostiques relativement restreint, la littérature scientifique
112 A Commentary on the "Second Logos of the Great Seth", Dissertation, Yale, 1972, 140-143.
93
n'a depuis recensé aucun cas où la Majesté est une épithète ou un synonyme du Christ ou
du « Premier-né ». Le terme sert à désigner la divinité suprême dans YApocryphon de
Jacques113, la Paraphrase de Shem114 et le Deuxième Traité du Grand Seth115. Dans
Y Interprétation de la gnose (12,34), le terme M e r e e o c correspond au Nom qui descend
sur Jésus lors du baptême116 ; or, le Nom n'est jamais qualifié de « Premier-né » ou de
« Premier-engendré » dans ce texte. La recherche n'a répertorié aucun emploi de
M e r e e o c ou de MFTTNOÔ en référence au Christ ou à tout autre personnage qualifié de
« Premier-né » ou de « Premier-engendré », ni à Nag Hammadi, ni, à notre connaissance,
ailleurs dans la littérature chrétienne des premiers siècles. Ainsi, à moins de présumer que
l'auteur puise dans une tradition doctrinale inconnue de la recherche moderne ou encore
que le texte soit corrompu, on ne peut que supposer que les deux substantifs en A,37-38 ne
poursuivent pas la phrase qui débute en A,35, mais sont le sujet d'une nouvelle phrase.
Cette conclusion implique par conséquent qu'au moins une ligne de texte, qui aurait
contenu le verbe de cette phrase, soit perdue dans la lacune au haut de la page B117.
En dernier lieu, on peut faire valoir que demander la Majesté, un attribut de la divinité, est
quelque peu inapproprié dans le contexte d'une prière, puisqu'une telle demande équivaut à
ce que l'orant réclame de devenir lui-même divin. Il faut peut-être y voir une corruption du
texte ; on pourrait par exemple penser que le texte se lisait au départ « Et confère-moi <X,
par> ta Majesté... (NTOYCD2 2k.TOOT ' <Fi... 2>FineKMereeoc) ». On pourrait aussi
invoquer une pareille corruption en A,37, où là aussi on aurait lu « ...<par> le Premier-
né... (<2M/2lTN>ncypn MMice) ». Cela étant dit, il faut tout de même reconnaître que les
chances que deux erreurs scribales se produisent à l'intérieur de trois lignes sont plus
faibles que de n'en supposer qu'une. Aussi, si la première conection semble tout à fait
possible, dans le cas de la seconde, il serait plus économique et élégant de postuler qu'une
113 Francis E. Williams, « The Apocryphon of James : 1,2 :1.1-16.30 », Nag Hammadi Codex I (The Jung Codex) : Notes, Harold W. Attridge éd., Leiden, Brill, 1985, 35-36 ; l'auteur cite du même coup de pareils emplois dans YÉvangile de Vérité (42,13-14), YApocryphon de Jean (NH II, 1 : 4,1-2), le Dialogue du Sauveur (135,20), le Panarion d'Épiphane (31,5,4) et les Kephalaia manichéens (35,17). "4Roberge, 18. 115 Painchaud, Le Deuxième Traité du Grand Seth..., 74-75. 116 Wolf-Peter Funk, Louis Painchaud et Einar Thomassen, L'Interprétation de la gnose (NHXI, 1), Québec/Louvain/Paris/Walpole, Presses de l'Université Laval/Peeters, 2010, 138-140. 1 1 7 Mueller reconnaît lui-même que « there was no doubt space above this line for two or three lines of text, though the margin may have been left wide » (adloc).
94
nouvelle phrase débute après « bénie » et se poursuive dans la ou les lignes manquantes au
haut de la page B.
B,l-2 MFmMYCTHpiON [FiNtyHipe ' Fî[n]eKHei : Les éditions précédentes ont plutôt __ I I S
restitué [NcynHipe (« étonnant, stupéfiant » ). Bien que ce choix soit à première vue tout
à fait logique — on s'attend effectivement à ce qu'un mystère puisse être prodigieux ou
étonnant — , l'association de ces deux termes est très peu attestée dans les faits. On ne la
retrouve nulle part ailleurs à Nag Hammadi, et seulement deux auteurs de l'Antiquité
tardive l'utilisent"9. Comme il apparaît probable que la partie manquante du haut de la
page B ait contenu au moins une ligne de texte, on ignore dans quel contexte cette
expression apparaît. Toutefois, la mention de « ta maison » (FïneKHei) reste étrange dans
le contexte de cette lecture, bien qu'il s'agisse d'une expression bien attestée dans la
littérature biblique.
En revanche, on pourrait plutôt rapprocher ce passage d'un agraphon répertorié chez
Clément d'Alexandrie1 , le Pseudo-Clément de Rome1 ' et le Pseudo-Macaire . Les
citations chez Clément et le Pseudo-Macaire sont identiques, et la variante chez le Pseudo-
Clément est minime. On retrouve dans les trois cas la conjonction des termes « mystère »,
« fils » et « maison ». Deux de ces trois mots sont déjà présent dans la Prière de l'apôtre
Paul, et le troisième peut très bien être restitué dans la lacune en B,l. De plus, Clément
d'Alexandrie et le Pseudo-Clément de Rome utilisent Yagraphon dans un contexte de
' '8 Crum, A Coptic Dictionary, 581a. 119 La formule TÔ GauuaoTÔv u.o.iïpiov ou l'un de ses équivalents n'est employée qu'une fois par Jean Chrysostome (« OÙK dv 5è TOÙTO é-TomaEv, ei un, uéya TI Kai 0a.uua.aTov uuoTiîpiov aiviÇaa.ai riOe^ev » [« In dictum Pauli, nolo vos ignorare, etc. », Patrologiae cursus completes. Series graeca, vol, 51., J.-P. Migne éd., Paris, J.-P. Migne, 1859, 246]) et quatre fois dans le commentaire des Psaumes d'Astérios le Sophiste, théologien du IVe siècle (20,7,1 ; 20,8,2 ; 20,9,1 ; 30,9,1). 120 « "Ce n'est point par jalousie, dit la parole, que le Seigneur a donné cet avertissement" dans un évangile : "Mon mystère est pour moi et pour les fils de ma maison" (MuoTf)piov éuôv éuoi Kai TOÎÇ uioîç TOÛ OÏKOU U.OU) ; il place ses élus en un lieu sûr et exempt de soucis » (Alain Le Boulluec, Les stromates. Stromate V, Paris, Éditions du Cerf, 1981,X,63,7). 121 « Nous nous souvenons du commandement que notre Seigneur et Maître nous a donné quand il a dit : " Les mystères, gardez-les pour moi et pour les fils de ma maison (Ta U-OTr-pia èuoi Kai TOÎÇ uioîç TOÛ OÏKOU (Mou <pu âÇaT_) " ; c'est pourquoi " il expliquait en particulier à ses disciples " les mystères du royaume des cieux » (pour le texte français, Marie-Ange Calvet et al , « Homélies », Écrits apocryphes chrétiens, vol. 2, Pierre Geoltrain et Jean-Daniel Kaestli éds., Paris, Gallimard, 2005, 1564 ; pour le texte grec, Die Pseudoklementinen I. Homilien, Bernhard Rehm éd., Berlin, Akademie Verlag, 1992). 122 « Mon mystère est pour moi et pour les fils de ma maison (Muoriipiov éuôv èuoi Kai TOÎÇ uioîç TOÛ OÏKOU Hou) » (Makarios/Symeon Reden und Briefe..., 63,1,1).
95
révélation réservée à un groupe restreint (les élus chez Clément d'Alexandrie, les disciples
chez le Pseudo-Clément de Rome), contexte qui s'accorderait également à la Prière de
l'apôtre Paul. Il pourrait donc s'agir ici du même agraphon. On constate toutefois une
différence notable entre la forme répertoriée de cet agraphon et le passage de la Prière de
l'apôtre Paul; dans les trois autres témoins de Y agraphon, c'est clairement à Jésus
qu'appartiennent le mystère et la maison, tandis qu'ici, le contexte suggère qu'ils
appartiennent tous deux à la divinité à qui s'adresse la prière . Même si on peut penser
qu'au moins une ligne de texte a été perdue au haut de la page B124, il serait étonnant que la
prière ait pu y opérer un changement de destinataire. Malgré cette dissemblance, la
reconstitution du texte proposée ici paraît tout de même la plus probable.
Les informations relatives au milieu et à la période de composition de la Prière de l'apôtre
Paul que l'on peut extrapoler de cette nouvelle restitution du texte et de ses parallèles dans
la littérature chrétienne ancienne sont limitées. La question de l'origine et de la datation des
Homélies pseudo-clémentines est particulièrement épineuse, et la recherche connaît encore
mal l'endroit et la période de composition de ce texte . On présume généralement que la
version des Homélies qui nous est parvenue aurait été rédigée entre 300 et 320126.
Toutefois, les Homélies, tout comme les Reconnaissances du Pseudo-Clément, seraient
toutes deux basées sur une hypothétique source plus ancienne, dont la datation est elle aussi
débatue par les chercheurs. Certains éléments donnent à penser qu'elle aurait été composée
123 Tandis que les trois recensions de cette formule indiquent qu'il s'agit d'une parole de Jésus, notons tout de même qu'on lit en Is 24,16 selon le texte grec de Symmaque, de Théodotion et de certains manuscrits de la Septante : « Mon mystère est pour moi et pour les miens » (Daniel A. Bertrand, « Agrapha patristiques », Écrits apocryphes chrétiens, vol. 1, François Bovon et Pierre Geoltrain éds., Paris, Gallimard, 1997, 492n5). On retrouve d'ailleurs une formule similaire dans Y Exposé valentinien (22,16-18): «...Je] di[rai] mon mys[tère à ceux qui] sont miens et [à ceux qui deviendront m]iens » (Jean-Pierre Mahé, « Exposé du mythe valentinien », Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi, Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier éds., Paris, Gallimard, 2007, 1515). Une parole de Jésus, présente dans les évangiles synoptiques, rappelle aussi cette idée : « À vous, le mystère du Règne de Dieu est donné, mais pour ceux du dehors tout devient énigme » (Mc 4,11). Une formule similaire est également attribuée à Jésus au log. 62 de YÉvangile selon Thomas : « Jésus a dit : "Je dis mes mystères à ceux qui sont [dignes de mes mystères]" » (Jean-Marie Sevrin, « Évangile selon Thomas pNH II, 2] », Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi, Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier éds., Paris, Gallimard, 2007, 320). S'il est impossible de déterminer de quelle manière a pu se former Y agraphon, sa version dans la Prière de l'apôtre Paul rappelle celle d'/_ 24,16, puisque tous deux parlent du mystère de Dieu et non du Christ. 124 Voir la discussion p. 93. 125 Jan N. Bremmer, The Pseudo-Clementines, Louvain, Peeters, 2010, 1. 126 Hans-Josef Klauck, The Apocryphal Acts of the Apostles, Brian McNeil trad., Waco, Baylor UP, 2008, 200.
96
en Syrie, dans les environs d'Édesse, ce qui serait aussi le cas des Homélies121. La situation
est un peu moins confuse du côté du Pseudo-Macaire, dont on estime la période d'activité
entre 380 et 430 . Il est à peu près certain que le corpus pseudo-macarien ait été composé
en Syrie-Mésopotamie ou en Asie Mineure129. À l'inverse, la datation des Stromates de
Clément d'Alexandrie est bien connue : l'ouvrage a été rédigé au tournant du troisième
siècle, selon toute vraisemblance à Alexandrie130. Comme on peut le constater, ces données
ne nous permettent pas d'isoler un milieu précis où Yagraphon aurait pu circuler. Au
contraire, il semble avoir été connu autant en Syrie qu'à Alexandrie. L'attestation la plus
ancienne est attribuable à Clément d'Alexandrie, ce qui indique peut-être que la formule vit
le jour en Egypte131.
B,2-6 2k.[B2k.A XG] TTO)K [n]Ç neM2k.2T[G] 2>[YCD] ne2>Y ^yCD TeK20M[0]AOrHCIC
MFJTMFiTN[2k.6] cy2k.eNH2e NCNH2Ç [2 k.MHN] : Cette doxologie, qui vient conclure la
Prière de l'apôtre Paul, respecte une forme assez commune dans la littérature chrétienne
des premiers siècles. On la retrouve autant dans les épîtres du Nouveau Testament que
dans des textes comme la Didachè{33 et, comme l'avait déjà relevé Yed. pr., le Martyre de
Poly carpe (20,2) et 1 Clém 65,2. Il est également possible que la doxologie du Traité
tripartite (138,19-27) emploie, dans un ordre différent, les quatre mêmes termes que celle
de la Prière de l'apôtre Paul ; trois des termes qui y figurent se trouvent également dans le
27 Bremmer, The Pseudo-Clementines, 9. 128 Pseudo-Macaire, Œuvres spirituelles..., 13. 129 Pseudo-Macaire, Œuvres spirituelles..., 34-37. 130 Certains chercheurs ont émis l'hypothèse que les livres VI et VII des Stromates furent composés en Cappadoce ou à Antioche entre 202/203 et 215/216 (Clément d'Alexandrie, Les stromates. Stromate I, Marcel Caster trad., Paris, Éditions du Cerf, 1951). Toutefois, rien ne suggère que le livre V, où apparait notre agraphon, ait été composé à l'extérieur d'Alexandrie. 131 L'identification d'une nouvelle attestation de cet agraphon dans notre prière procure un élément d'information précieux qu'il faut prendre en compte pour déterminer la datation et le milieu de composition de la Prière de l'apôtre Paul, mais aussi pour étudier le parcours et l'évolution de la formule elle-même. Une telle étude excède malheureusement les limites de ce mémoire. 1 2 À ce niveau, le parallèle le plus proche, tant au niveau de la forme que du vocabulaire, se trouve en Jude 15 : « ...au Dieu unique, notre Sauveur par Jésus-Christ, notre Seigneur, sont la gloire, la grandeur, la puissance et l'autorité, depuis toujours, maintenant et pour toujours! Amen ». On retrouve également des formes semblables mais plus courtes en Rom 16,27 ; Phil 4,20 ; 2 Tim 4,18. 133« Car c'est à toi qu'appartiennent la puissance et la gloire dans les siècles » (La doctrine des douze apôtres [Didachè], Willy Rordorf et André Tuilier trads., Paris, Édition du Cerf, 1978, 8,2). La même formule revient également en 9,4 et 10,5.
97
premier texte du codex I134. Afin de respecter le modèle de ces doxologies, on doit
probablement restituer « amen » dans la lacune en fin de ligne B,6.
134 II y est question de « le/la [...], la louange, la puissance et la gloire (TT[ ] TTCMOY TTeM2k.2Te [2k.Y]CO n[e_-Y]) » (138,19-20). On pourrait même aller jusqu'à conjecturer que le premier terme de cette série, maintenant perdu dans une lacune, fut n[MereeoC].
Index des termes gréco-coptes
àyaTrr-TÔç bien-aimé A,36.
oyioç saint B,10.
àyyekoç, m. ange A,26, 30.
(cÙT-ïv) p 2k.iTi demander A, 19, 20.
aicbv éon, siècle A,14.
àvà7iauaiç f. repos A,9.
(à-rôaxoXoç), 2k.nocTOA.OY m. apôtre B,8.
âpxcov m. archonte A,28.
yévoç engendré A,38.
eipfjvri f. paix B,9.
SKÀCKTÔÇ élu A,36s.
(_Çopo}.ôyr|o-iç) eKSOMOAorHCic f. louange B,4s.
(èÇouoia) eK20YCl2k. : f. autorité, pouvoir
A,18. ev à, dans
B,ll . 8Ùayy£XiaTn,ç m. evangéliste
A,21. eùXoyqxôç béni
A,37. KOTO selon
A,31. péysGoç m. grandeur, Majesté
A,35s.
puotTipiov m. mystère B,l.
voùç m. intellect A,6, 25.
7iapdKÀ.r|TOÇ m. avocat, défenseur. Paraclet A,17.
mo-aç f. foi A,34.
(TiXaaaeîv) nA.2k.cce façonner, modeler A,32.
TiXfipcùpa m. plérôme, plénitude A,8, 24.
-rveùpa nN2i' m. esprit A,17,23'.
-xpooeux1! f- prière B,7.
acôpa m. corps A,20.
xeke.iov m. ce qui est parfait A, 10.
(xapiÇetv) epiX2k.pi2e accorder, gratifier A,25.
Xôpiç f. grâce A,24.
\[/uXXKô. psychique A,31s.
ij/ux1! f âme A,22.
(àpfjv) 2 -MHN amen B,6.
(étariç) 2CA.mc f. espoir, espérance A,34.
(cbç) 2 ^ ^ comme A,20, 33.
100
Index des noms propres
(IHCOYC) IHC m. Jésus A,13.
(n2k.YAOC) n2k.YAOY m. Paul [B,7].
(xpiCTOC) d: m. Christ A,13;B,10.
Index des termes coptes autochtones
(2k.M2.2Te) eM2_2Te m. puissance B,3. eM2k.2Te N-, MM2k.* saisir A, 10s.
(2.NOK.) 2k.N2k.KJe, moi [A,5].
2.YU) et A,12, 23,27,28, 30; B,4.
(B2k.A) BCA m. œil A,26.
(e-) 2k.-, 2k.p2k.#' à, vers A,27' (+ infinitif) [A, 19] voir ei, OYCDZ op2.nT. 2HT, x i c e , 6u)An
(ei) aller, venir ei 2k.B2k.A sortir A,5. ei 2-2PHI descendre, monter A,29.
eiNe m. aspect, ressemblance A.31.
(eNC2) eNH2e m. éternité A,23. cy2k.eNH2e FieNH2e pour les siècles des siècles B,6.
(eooY) C2_Y m. gloire B,4.
e 2 0 m. trésor A,7.
(Hl) HCI m. maison B,2.
A,3,4' ,9, 111, f l ' ,14, 14,15,16,
MH f. vérité [A,18].
MN et, avec A,23;B,1,5.
MNT- préf. exprimant l'abstrait B,5. voir N2k.6
Mice produire, enfanter voir uppTi/cyapTT.
(M2L2k.__:e) Mecyxe f. oreille A,27.
N-/M-, MM2k.#1 prép. introduisant obj. dir. gén., attribut, adj.
, 111,11 17, 18, 191, [21]', 22, [24], 24, 24 ,26, 16, [28], 29, 30, 31,31,32', 33, 341, 34, 34, 35, 36, 36, 37, 38; B,[l],2,6.
N-/M-,, NH^1 prép. introduisant dat. A3 1 , 71, 91, [15]', 181, 20, 22, 23, [25s].
NIM tout, chaque A,13.
(NTOK.) NT2k.K tu, toi A,6, 7, 7, [8].
NCY voir [A,27].
NOYTe m., Dieu A,31.
(NOÔ) grand MNTN2v6 f. grandeur [B,5].
pu)Me m. homme A,16.
101
(p2k.N) peN m. nom A,12, 13.
ppo m. roi A,14.
CUJTC sauver [A,4]. •f* CCDTC N-, NH* donner le salut à [A,22].
CCDTM, C2k.TM# entendre, écouter A,28.
•f" donner •f N-/M-, NH* donner à A,3, 9, [15], 18, 19, [22].
•j* m. don A,15. voir CCDTC
TU.B2 implorer A, 11.
T2V.A6O m. guérison [A,20].
(OYOeiN) OY3k.eiN m. lumière A,22.
(OYtON) OYHN N-, NH* ouvrir à qqn/qqch [A,7].
OYU>2 poser, mettre, placer oyts>Z 2k.TOOT conférer, ajouter A,35.
cy- pouvoir, savoir A, 10.
cytune, cyoon f devenir, avoir lieu A,[lls], 30. voir cypn/cy2k.pn
(cycun) up2k.nT 2_-, 2k.p2k.* accueillir A,8.
cyHpe m. fils A,16;[B,ls].
(cycupn) cypn NreNOC m. Premier-engendré A,38. cypn MMice m. Premier-né A,[23s], 37. cypn upoon préexister A,12. JCiNNcy2k.pn depuis le début, le commencement A,33.
2N-/2M- dans A,12, [23], 29.
(2P^0 2PHI m- haut, bas voir ei
2HT m. cœur A,29. p 2TH* 2k.-, 2k.p2k.* considérer, se repentir, regretter, changer d'avis A,15.
_C6 parce que A,4; [B,2].
X\u- depuis voir u?pn/u_)2k.pn.
(XïïO) XT1X, XTïà* engendrer A,6.
(Xoeic) __:2k.eic m. seigneur A,[14], 14.
(__jce), __:2k.ci 2k.- être élevé au-dessus de [A,13].
(6u)An) Ô2k.An* 2k.- dévoiler à qqn [A,25].
Conjugaison
Présent I t-A,ll. Sujet nominal A,[5], 6, 7, 7, [8s]; [B,3].
Présent circonstantiel (e-, epe*) e-A,33.
102
Présent relatif 6T-A.11, 12, [13].
Parfait relatif NT2k_2- A,30.
Parfait relatif négatif eTCMne- A,26, <27>. eTCMnq-A, [28s].
Parfait II relatif NT2.2I- [A,5].
Aoriste négatif relatif eTCM2k.K.- A, 15. CTeM2k.pOY- A, 10.
Impératif M2.-A,3,6,9,[15], [18], 19, [22]. Forme infinitive A,[4], [7], 8, [25], 25.
Infinitif causatif Tp2.[A,19]
Conjonctif ur- A,35.
Temporel FJT2k.poY- A,32.
Index des pronominaux triadiques
Article défini n-, ne-, (n- + z••• initial) (f>-' A,5, [10], 12, [14], 14, 16, 16, [17], 17, 21, 23, 24, 26,29', 31, 31,37, 38; B,l, 3, 4. T-, (T- + Z- initial) G-1 A,[18], 18,24,34,34' ; B,4, 5. N-A,14;B,1 .
Article démonstratif Nl-A,14, [23].
Article possessif n2k.-, neic-1, nœ* 2 A,52, [6], 7, 8, 20,23,25, 35'; B,2',32. T2L- A,9, 22. NCK.- A, 15.
Déterminant devant relatif n-A,5, 10, 11,12,26,27,28.
Pronom copule neA,[6],7,[8],9;[B,3].
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