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UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE Master II Droit de la consommation et Droit de la concurrence LA PLACE DU CONSOMMATEUR DANS LE DROIT DE LA CONCURRENCE Par Mlle Hélène MESSMER Mémoire réalisé sous la direction de Mme Aude LE DANTEC Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier Année universitaire 2013 – 2014

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UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

Master II Droit de la consommation et Droit de la concurrence

LA PLACE DU CONSOMMATEUR

DANS LE DROIT DE LA CONCURRENCE

Par Mlle Hélène MESSMER

Mémoire réalisé sous la direction de Mme Aude LE DANTEC Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier

Année universitaire 2013 – 2014

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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REMERCIEMENTS

Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :

Monsieur Malo Depincé, Maître de conférences à la Faculté de droit de Montpellier et

Directeur du Master II Droit de la consommation et droit de la concurrence, pour

m’avoir offert l’opportunité de suivre ce parcours intéressant et riche d’enseignements.

Monsieur le Professeur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de

Montpellier et Directeur du Master II Droit privé économique pour l’ensemble des

enseignements dispensés au cours de l’année universitaire 2013/2014.

Madame Aude Le Dantec, Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier, pour sa

réactivité, sa patience, ses conseils, ainsi que pour toute l’aide apportée dans le cadre de

la rédaction de ce mémoire.

L’ensemble des membres de l’équipe pédagogique du Master II Droit de la consommation et droit de la concurrence ainsi que du Master II Droit privé

économique pour les enseignements dispensés et les interventions enrichissantes ayant

eu lieu dans le cadre de cette formation.

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LISTE DES ABREVIATIONS

act. Actualité

aff. Affaire

Aut. de la conc. Autorité de la concurrence

Bull. civ. Bulletin des arrêts des Chambres civiles de la Cour de

cassation

c/ Contre

CEE Communauté économique européenne

CJCE Cour de justice des Communautés européennes

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

Civ. Arrêt d’une Chambre civile de la Cour de cassation

coll. Collection

Comm. CE Commission des communautés européennes

Comm. eur. Commission européenne

comm. Commentaire

Cons. Conc. Décision du Conseil de la concurrence

Cons. de l’Union eur. Conseil de l’Union européenne

D. Recueil Dalloz

Déc. Décision

Dir. Directive

éd. Edition

Ibid. Ibidem, au même endroit

Infra Plus bas

JO Journal officiel

JOCE Journal officiel des Communautés européennes

JORF Journal officiel de la République française

p. et pp. Page et pages

P.U.F. Presses Universitaires de France

Rec. Recueil

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3

Supra Plus haut

TPICE Tribunal de première instance des Communautés

européennes

UE Union européenne

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE – LE CONSOMMATEUR, UNE FIGURE CENTRALE EN

FILIGRANE AU SEIN DU PROCESSUS CONCURRENTIEL

TITRE I – LE CONSOMMATEUR FACE A L’HEGEMONIE DU MARCHE AU SEIN DU PROCESSUS CONCURRENTIEL

Chapitre 1 – La place du consommateur liée aux origines et fondements

traditionnels du droit de la concurrence

Chapitre 2 – La place du consommateur liée à la délicate appréhension de

ses enjeux

TITRE II – LE CONSOMMATEUR EN TANT QUE DETERMINANT CENTRAL DU PROCESSUS CONCURRENTIEL

Chapitre 1 – Le consommateur en tant qu’élément cadre de référence au

sein du processus concurrentiel

Chapitre 2 – Le consommateur en tant qu’élément passif du processus

concurrentiel

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SECONDE PARTIE – LE CONSOMMATEUR, UNE FIGURE CENTRALE AU

CŒUR DE LA MODERNISATION DU PROCESSUS CONCURRENTIEL

TITRE I – LE CONSOMMATEUR FACE A L’EMERGENCE DE

NOUVELLES OPPORTUNITES AU SEIN DU PROCESSUS

CONCURRENTIEL

Chapitre 1 – Le consommateur comme « cheval de bataille » du droit de la

concurrence

Chapitre 2 – Le consommateur comme nouvel acteur du droit de la

concurrence

TITRE II – LE CONSOMMATEUR FACE A L’EMERGENCE D’UN NOUVEAU CADRE NORMATIF

Chapitre 1 – La place du consommateur comme impulsion d’une évolution

législative

Chapitre 2 – La place du consommateur comme impulsion de l’avènement

d’un droit du marché

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INTRODUCTION

1. - Le consommateur, dans son acception la plus générale et commune, désigne une

personne qui va avoir recours à une chose, afin d’en faire un usage quelconque, ou non.

Il est plus ouvertement identifié au sein d’une sphère marchande, en tant qu’acheteur de

biens ou utilisateur de services, proposés le plus souvent par des entreprises.

Il participe quotidiennement à l’activité économique sur un territoire. Il est toutefois des

domaines où il ne semble pas être à même d’apprécier dans une juste mesure,

l’influence qu’il est destiné à avoir.

2. - Un exemple illustrant parfaitement ce propos concerne le domaine propre au

phénomène de la concurrence. Le consommateur peut certainement appréhender cette

notion à son échelle. Il la percevrait comme une situation de compétition sur un marché,

entre plusieurs opérateurs, en vue de s’attirer ses faveurs, ceci dans un but de rentabilité

et de profit. Dans sa dimension plus juridique cependant, il ne relève pas de l’évidence

pour ce personnage particulier de soupçonner le processus qui s’y attache et qui fait

l’objet d’une législation singulière. Cette dernière, désignée par l’expression « droit de

la concurrence », l’appréhende pourtant sans conteste. Elle s’intéresse aux agissements

des divers opérateurs ayant cours sur des marchés, théâtres partagés des interventions

courantes du consommateur. C’est par ailleurs, en ayant pour mission de réguler les

comportements d’entreprises sur ces derniers, ainsi que la compétition à laquelle elles se

livrent, que le droit de la concurrence et les règles qui en émanent, parviendront à

garantir un libre jeu de la concurrence en leur sein. Ils permettront ainsi de surcroît, au

consommateur, d’opérer les meilleurs choix en termes de consommation. Il est présumé

que par leur souhait d’être les plus compétitives, chacune des entreprises redoublera

d’efforts pour présenter les offres les plus attractives au consommateur. Cet aspect ne se

vérifie pourtant pas toujours dans les faits, celles-ci retirant parfois un avantage plus

substantiel de par des agissements répréhensibles, au détriment des intérêts du

consommateur. Le droit de la concurrence aura ainsi pour mission de venir sanctionner

ces méfaits.

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3. - Une convergence émerge dès lors entre le consommateur et le droit de la

concurrence. Chacun d’eux serait amené à avoir un impact sur l’autre, de façon plus ou

moins directe. Ils entretiendraient ainsi des liens, sans pour autant que le consommateur

ne s’en rende compte outre mesure. Le droit de la concurrence pourrait d’ailleurs

paraître ambigu sur ce point, en ce qu’il fait souvent référence au terme « d’utilisateur »

par lequel il ne désigne pas uniquement l’utilisateur final, dernier maillon de la chaîne

économique, mais également les opérateurs intermédiaires, les entreprises.

4. - Dans le cadre de la présente étude, seul sera considéré le consommateur en tant

que « personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son

activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale »1, ou en d’autres termes, le

consommateur final.

5. - Il est intéressant d’appréhender les relations qui sont susceptibles de se nouer

entre ce protagoniste et ce corps de règles spécifiques, celles-ci n’étant pas perceptibles

dès le premier regard. Le consommateur pourra avoir une influence certaine à l’égard de

la législation notamment en ce qu’il pourra en constituer un élément permettant sa

réalisation. Réciproquement, celle-ci pourra avoir une influence sur sa condition tant par

les règles qu’elle édicte et qui auront vocation à jouer sur le marché, que par sa prise en

compte dans la mise en œuvre du droit.

6. - Dans le but d’approfondir au mieux ce propos, il est nécessaire de délimiter le

champ d’investigation, afin de se concentrer sur les considérations les plus pertinentes.

A cette fin, le droit de la concurrence de l’Union européenne constituera le point de

repère essentiel. Le système de l’Union étant toutefois intégré dans un ordre juridique

national ; il ne saurait être omis de se fonder également sur le droit interne français. A

ce titre, une précision doit d’emblée être apportée. Le droit positif contient des

dispositions tout à fait analogues à celles établies par les autorités européennes,

notamment en ce qui concerne la poursuite des pratiques anticoncurrentielles dont les

1 Article préliminaire du code de la consommation. 2 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques

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définitions sont similaires, avec parfois quelques subtilités. Chacun de ces deux pans

législatifs intègrent toutefois leurs propres spécificités, de sorte qu’ils seront amenés

chacun de leur côté à réprimer des violations faites aux règles de concurrence que

l’autre n’appréhendera pas. Le droit interne de la concurrence connaît encore, en sus du

droit antitrust pur et des règles relatives au contrôle des concentrations majoritairement,

des règles consacrées aux pratiques dites restrictives de concurrence. Celles-ci, quoique

ayant un lien avec la notion de concurrence, s’attachent davantage à la préservation de

la loyauté des relations commerciales et s’orientent vers la protection des opérateurs

concurrents. Dans le cadre de cette étude, ces règles particulières ne seront pas

envisagées, dans un souci de clarté et afin de combiner au mieux les fondements

internes et de l’Union européenne qui serviront de référence.

7. - Les bases étant posées, il s’agit dès à présent, de mettre en parallèle la législation

et le consommateur aux fins de mettre en exergue leurs rapports.

Il apparaît que l’intérêt essentiel des problématiques mêlant à la fois le consommateur et

le droit de la concurrence concerne la place que le premier pourrait avoir au sein du

second, ainsi que la place que ce dernier est prêt à concéder au premier. Cette

problématique est vaste et revêt un caractère bien trop étendu pour qu’une seule réponse

puisse y être apportée. La notion de « place » elle-même sous-tend diverses acceptions,

de sorte qu’il serait possible d’envisager cette question sous de multiples angles.

Deux aspects semblent fréquemment être placés sur le devant de la scène et font par

ailleurs, l’objet d’actualités récentes.

8. - Le premier s’attache à la considération du consommateur par le droit de la

concurrence. L’essentiel de l’interrogation se porte sur la teneur et la constance de sa

prise en compte. L’enjeu majeur étant semble-t-il de déterminer si le droit de la

concurrence se devrait de tendre vers une nécessaire protection du consommateur et de

son bien-être sur le marché.

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9. - Un second aspect s’attache à une vision plus active du consommateur. S’il est

admis qu’il participe à l’activité économique, il peut être envisagé qu’il intervienne

également au sein du processus concurrentiel, sans pour autant en avoir pleinement

conscience. L’interrogation principale se porte alors sur le rôle que le consommateur a

vocation à jouer en la matière. L’enjeu majeur est ici d’identifier les options et facultés

d’intervention qui lui sont à disposition et qui lui permettraient d’avoir une influence au

sein du processus concurrentiel, voire même dans l’efficacité du droit qui le régit.

10. - A cela s’ajoute encore un autre facteur venant peser sur la balance. Le droit de la

concurrence n’est pas un droit résolument statique. Il est pétri de diverses notions et

conceptions de nature économique. Sa mise en œuvre est également irriguée de

nombreuses inspirations et ascendants. En vertu de ces coefficients, il aura vocation à

évoluer, tant au niveau des processus législatifs futurs le concernant, qu’au niveau de

son application.

S’il est admis que le droit de la concurrence n’ignore pas le consommateur et lui porte

une attention certaine, la situation de ce dernier en viendra nécessairement à être

modifiée, au fil des transformations. L’interrogation se porte dès lors sur l’évolution de

la place du consommateur au sein du processus concurrentiel. L’enjeu majeur est ainsi

de déterminer non seulement si les intérêts du consommateur ont vocation à être

davantage pris en considération dans le jeu du processus concurrentiel, mais également

s’il finira part y devenir un acteur à part entière.

S’il est admis encore que le consommateur prenne part au processus concurrentiel, ainsi

qu’à la mise en œuvre du droit dans sa globalité, il serait judicieux d’examiner s’il peut

également constituer un des vecteurs des renouvellements législatifs futurs.

L’interrogation se porte dès lors, sur l’impact de ce dernier comme moteur du

changement. L’enjeu majeur est ainsi d’entrevoir si le consommateur est à même de se

trouver au cœur d’un renouveau normatif.

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11. - Dès lors, il convient de s’interroger sur l’influence que le droit de la

concurrence est prêt à concéder au consommateur, tant dans sa mise en œuvre

actuelle que dans ses évolutions futures.

12. - Il apparaît que le consommateur est sans cesse évoqué par la législation, de sorte

que celui-ci est nécessairement entrevu en la matière. Le processus concurrentiel

l’intègre, toutefois pas nécessairement à la teneur qui pourrait être soupçonnée. Il

représente davantage une figure centrale en filigrane au sein de celui-ci (Première

partie). Il y transparaît à de multiples reprises, tout en y étant en retrait, en comparaison

à d’autres composantes.

13. - Il apparaît encore que les autorités publiques soient en quête d’un renouveau

constant, un mouvement de modernisation du droit, ainsi que du processus concurrentiel

en son entier étant en œuvre. En vertu de diverses prétentions, le consommateur semble

constituer l’une des figures centrale de cette nouvelle impulsion. Il se situe au cœur de

la modernisation du processus concurrentiel (Seconde partie).

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PREMIERE PARTIE

LE CONSOMMATEUR, UNE FIGURE CENTRALE EN

FILIGRANE AU SEIN DU PROCESSUS CONCURRENTIEL

14. - Le droit de la concurrence, de sa conception à sa mise en œuvre, est marqué par

le postulat selon lequel son objectif cardinal s’orienterait vers le consommateur et la

prise en compte de ses intérêts. Son rôle de maintien de la concurrence dans le but

d’assurer l’allocation efficace des ressources ainsi que de promouvoir le progrès et

l’efficacité économique, se traduirait automatiquement à son niveau, en tant que celui-ci

est le dernier maillon de la chaîne de production et de distribution. De par sa mission de

préservation du libre jeu de la concurrence sur les marchés, le bien-être du

consommateur en serait toujours recherché, une concurrence effective lui étant

considérée comme nécessairement bénéfique in fine. Ainsi envisagé, il serait tentant

d’appréhender ce personnage en tant que partie prenante en la matière, acteur effectif,

conscient de ses droits et dans la capacité d’agir pour s’assurer de sa protection. Ceci

étant combiné à un corps de règles qui assurera à tout égard la concrétisation d’une telle

perspective. De manière plus générale, par ailleurs, il apparaîtrait naturel de le préserver

des pratiques préjudiciables mises en œuvre par les entreprises, celui-ci étant la pierre

angulaire de l’économie qui, de par sa consommation, en assurera la croissance.

15. - La mission assignée au droit de la concurrence, dans sa réalisation, révèle

toutefois la prise en compte d’autres considérations jugées tout aussi majeures, et qui

auront souvent tendance à devenir prééminentes. Ainsi, il s’avère qu’au-delà de la visée

de protection du consommateur, ouvertement affichée, il opère assurément une mise en

balance entre le bien-être de celui-ci et l’exigence de protection d’une dynamique de

marché, terrain sur lequel il a vocation à s’exercer (Titre I).

16. - Quoique le consommateur s’en trouve relégué à une position moins influente, il

reste un déterminant central de la mise en œuvre du droit de la concurrence dont la

référence pourra être vérifiée à plusieurs reprises (Titre II).

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TITRE I

Le consommateur face à l’hégémonie du marché au sein du processus

concurrentiel

17. - Le consommateur, s’il est fréquemment désigné par les textes, se voit toutefois

conférer une place particulière au sein du processus concurrentiel dont il est parfois dur

d’évaluer l’importance.

18. - Initialement établi afin de répondre à des situations factuelles dommageables

survenues sur des marchés, le droit de la concurrence se veut essentiellement

pragmatique et empreint de nombreux fondements de nature économique. Ses origines

et les conceptions traditionnelles qui l’imprègnent sont à même d’expliquer cette place

particulière reconnue au consommateur en la matière (Chapitre 1). Quoique cette

constatation puisse s’opérer dès le stade de l’élaboration du droit, elle se vérifiera

également au stade de son application. Au sein du processus législatif, les

problématiques liées au consommateur n’ont pas fait l’objet d’une détermination

expresse et claire, seul le marché ayant été typiquement entrevu. La mise en œuvre de

ce corps de règles spécifiques en a nécessairement été impactée, de sorte que la place du

consommateur est intimement liée à la délicate appréhension des enjeux le concernant

(Chapitre 2).

Chapitre 1 - La place du consommateur liée aux origines et fondements

traditionnels du droit de la concurrence

19. - A titre liminaire, il convient de préciser qu’il ne s’agira pas ici de déceler une

véritable dichotomie entre la prise en compte du marché et celle du consommateur en

tant que telle, ces deux impératifs ne pouvant s’exclure l’un de l’autre et pouvant même

être considérés comme interdépendants2. Il s’agira toutefois, de concevoir que dès

2 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116.

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l’origine, le marché économique a constitué le déterminant majeur de l’élaboration du

droit de la concurrence, ceci pouvant expliquer que sa prise en compte prenne le pas sur

d’autres considérations qui seront reléguées à un plan plus secondaire.

20. - L’analyse du rôle conféré au consommateur au sein du droit de la concurrence

ne saurait s’affranchir de celle relative au socle sur lequel ce dernier est établi. La

concurrence étant nécessairement liée à la notion de marché, la législation lui étant

consacrée ne pouvait s’en détacher. De par ses origines, il est donc unanimement

reconnu que le droit de la concurrence a été fondé au regard de cet élément, dont la

protection a été perçue comme une nécessité, afin d’en garantir la vigueur et la

prospérité (Section 1). L’établissement d’un corps de règles spécifiques n’étant pas le

seul gage de l’effectivité et de l’efficacité d’une telle protection, le droit de la

concurrence, dans sa mise en œuvre, est résolument un droit au service du marché

envisagé (Section 2).

Section 1 – Le droit de la concurrence originellement fondé au regard d’un marché

21. - Lorsqu’il s’agit d’examiner les origines du droit de la concurrence, le point de

départ se situe inévitablement au niveau de la législation antitrust développée aux

Etats-Unis3, ainsi que de l’influence plus tardive de l’Ecole structuraliste de Harvard4

(Paragraphe 1). Une réflexion s’orientera également et principalement sur l’Union

européenne, utilisant le droit de la concurrence comme un instrument de réalisation d’un

marché intérieur unique (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Le droit antitrust américain et l’Ecole structuraliste de Harvard

22. - La naissance du droit de la concurrence est intimement liée aux évènements

historiques ayant eu cours essentiellement dans la seconde moitié du XIXème siècle aux

Etats-Unis. Une intervention en la matière n’était jusque là pas perçue comme une

3 A. BIENAYME, L’intérêt du consommateur dans l’application du droit de la concurrence : un point de vue d’économiste, Revue Internationale de Droit Economique, 1995, N° 1995/3, p. 368. 4 Ecole structuraliste de Harvard à laquelle sont assimilés notamment Edward Mason (1939) ainsi que Joe Bain (1956).

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évidence, la tendance majoritaire exprimant l’idée selon laquelle la concurrence serait

un ordre économique spontané, capable de s’autoréguler5. Du fait de l’industrialisation,

de grands monopoles ont été amenés à se constituer et se sont accrus jusqu’à atteindre

une puissance telle que les marchés et leurs structures en ont été perturbés, au détriment

en dernier lieu des utilisateurs, bénéficiaires de cette économie. Une concurrence

effective ne pouvait plus être garantie, les entreprises à tendance monopolistique ne

laissant plus place à d’autres acteurs. Afin de permettre un démantèlement de ces

dernières pour la remise en ordre des marchés et d’assurer la pérennité de leur

fonctionnement optimal au bénéfice des opérateurs économiques, les autorités publiques

ont décidé d’intervenir. Cela s’est illustré par l’établissement d’un corps de règles

propres à ces situations par le biais du « Sherman Antitrust Act » en date du 2 juillet

18906, complété par un « Clayton Antitrust Act » le 15 octobre 19147.

23. - Un fondement tourné vers cette idée de marché sain et dans le but de pallier une

conjoncture particulière est à même d’expliquer que la législation soit imprégnée des

mêmes préoccupations dans sa mise en œuvre. Le consommateur sera certes selon une

acception commune le bénéficiaire de cette législation, mais cela ne sera pas dû au fait

qu’elle soit exclusivement orientée vers son bien-être et la préservation de ses intérêts,

cela sera uniquement le résultat de son objectif principal de protection du marché et du

libre jeu de la concurrence sur celui-ci.

24. - Cette constatation quant à la primauté du marché peut encore se vérifier avec

l’influence prédominante qu’a pu avoir l’Ecole structuraliste de Harvard8 dont la thèse a

été illustrée notamment par le paradigme « structures-comportements-performances »

(SCP) développé par Edward Mason. L’étude de la structure du marché y est

primordiale, cette dernière influençant non seulement le comportement des opérateurs

économiques, mais également leurs performances, l’idée étant que la concentration du

pouvoir en une seule main ne pourrait avoir que des effets néfastes. Le droit se

développe dans un climat de méfiance envers les situations de monopoles et de

5 Voir notamment les thèses d’Adam Smith et de Jean-Baptiste Say. 6 The Sherman Antitrust Act, 2 juil. 1890, ch. 647, 26 Stat. 209, 15 U.S.C. §§ 1-7. 7 The Clayton Antitrust Act, 15 oct. 1914, 15 U.S.C. §§ 12-27, 29 U.S.C. §§ 52-53. 8 M. MALAURIE-VIGNAL, L’abus de position dominante, coll. Systèmes Droit, LGDJ, 2002, p. 11.

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regroupements d’entreprises, dont il faut combattre « les comportements susceptibles de

réduire le niveau de concurrence »9. Cet objectif prédomine dès lors sur toute autre

considération.

25. - Après avoir brièvement rappelé les rudiments du droit antitrust américain, il

convient encore de se concentrer sur la constitution du droit de la concurrence de

l’Union européenne, imprégnée tout autant par ce concept de marché, dans une

acception tout autre cependant.

Paragraphe 2 – Le droit européen de la concurrence comme instrument de la réalisation d’un marché intérieur unique

26. - Au sortir de la Seconde Guerre mondiale en Europe et face aux nécessités de

reconstitution des économies nationales, est venu s’ancrer un enjeu supplémentaire tout

à fait spécifique ; celui de la construction européenne. Aux fins de réalisation d’un tel

objectif, un ensemble de règles a été mis en place dont le droit de la concurrence de

l’Union européenne constitue une partie. Ce dernier intègre alors inévitablement ce

même enjeu que ce soit au stade de son élaboration, qu’au stade de sa mise en œuvre.

27. - Inspiré du droit antitrust américain, il va véritablement naître en Europe de par la

signature du Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, le 25

mars 195710. Il est une synthèse des influences des politiques françaises de nature très

interventionnistes et des politiques allemandes plus libérales11. L’idée primordiale

portait sur la création d’un grand marché unique, intégrant les marchés de divers Etats,

où s’exercerait une libre circulation faisant tomber les barrières et restrictions à la

concurrence, doublé de l’établissement de règles spécifiques destinées à éviter que des

comportements privés n’en recréent.

9 M. MALAURIE-VIGNAL, L’abus de position dominante, coll. Systèmes Droit, LGDJ, 2002, p. 35. 10 Traité instituant la Communauté économique européenne, 25 mars 1957. 11 Dont notamment l’Ecole de pensée de Fribourg, à l’origine de la doctrine de l’ordo-libéralisme animée par Walter Eucken et Franz Böhm.

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28. - L’Union a toujours eu une acception étroite de la concurrence, de nature ordo-

libérale, seule la préservation de son existence étant réellement impérative. Elle n’est

pas considérée comme une fin en soi, mais comme une « concurrence moyen »,

instrument au service de l’objectif des traités, de réalisation du marché intérieur, défini

par l’article 26 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne12 comme

comportant un espace sans frontières intérieures dans lequel circulent librement

marchandises, personnes, services et capitaux. Depuis son élaboration, ces règles n’ont

guère évolué au sein des diverses versions consolidées des traités, seuls des

changements mineurs étant perceptibles. Alors que la concurrence était mentionnée dès

les dispositions liminaires dans le Traité de Rome13, elle n’y figure plus expressément

dans l’article 3 paragraphe 3 du Traité instituant la Communauté européenne14 qui se

contente de disposer que l’Union établit un marché intérieur sans plus amples précisions

à cet égard. Cette notion n’a pourtant pas été négligée et a été reléguée dans un

protocole (n°27)15 relatif au marché intérieur et à la concurrence qui confirme que ledit

marché comprend un système « garantissant que la concurrence n’est pas faussée ».

29. - Il ne saurait être fait omission en outre, que le système de l’Union européenne

est intégré dans un ordre juridique national. Le droit de la concurrence de l’Union

européenne coexiste avec des droits nationaux dont le droit interne français, qui

constituera l’un des objets de cette étude. Celui-ci ne fait pas fi des règles d’origine

européenne et en est même fortement imprégné, les dispositions législatives en la

matière étant similaires. L’Autorité de la concurrence, comme les juridictions nationales

conçoivent également à leur respect et à leur application. Le droit interne aura toutefois

une acception plus large de la concurrence dans la mesure où il se préoccupera

également de la préservation de sa loyauté au sein du marché et entre les divers

opérateurs y étant établis. Il est manifeste que, non seulement pétri de cette notion de

12 Version consolidée du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, C-83/47, 30 mars 2010, article 26. 13 Traité instituant la Communauté économique européenne, 25 mars 1957. 14 Version consolidée du Traité instituant la Communauté européenne, 25 mars 1957. 15 Protocole (n°27) sur le marché intérieur et la concurrence : « le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article 3 du traité sur l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ».

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marché comme toute législation en la matière, il envisagera nécessairement

l’importance de la construction européenne et du développement du marché unique16.

30. - A tous les égards, il est ainsi possible d’observer que la notion même de marché

irrigue le droit de la concurrence dès le stade de son élaboration. De ce fait, il va

s’intéresser en priorité aux entreprises et offreurs, ceci pour en réguler le pouvoir de

marché afin d’assurer qu’il ne fausse pas le libre jeu de la concurrence. La protection du

consommateur n’a pas été prise en compte en tant que telle dans le processus

législatif17 ; il sera entrevu comme le simple bénéficiaire évident de l’exercice de ces

règles. Les fondements du droit antitrust américain, tout comme les perspectives d’une

construction européenne sont à même d’expliquer que le droit de la concurrence ait été

établi comme un véritable droit du marché et au service constant de sa protection, de

son accroissement et de ses finalités.

Section 2 - Le droit de la concurrence résolument au service du marché

31. - Ainsi qu’il l’a été démontré précédemment, le socle fondamental du droit de la

concurrence repose sur des exigences relatives à un marché économique, ceci

conditionnant son impulsion. Partant de cette constatation, il est parfois ardu de

comprendre le postulat constamment énoncé18 selon lequel le consommateur en serait

l’élément essentiel, dont la recherche du bien-être et la préservation des intérêts serait le

fil conducteur. Il semble certes relever de l’évidence qu’une concurrence non faussée

assure un meilleur dynamisme des marchés pour un meilleur fonctionnement de

l’économie, notamment au profit des opérateurs qui pourront ainsi répercuter leurs

actions sur les utilisateurs finals, dont nécessairement les consommateurs. Ces derniers

pourront alors profiter pleinement d’une politique de prix qui ne soit pas biaisée, ainsi

16 M. MALAURIE-VIGNAL Droit de la concurrence interne et européen, 5e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2011, p. 38. 17 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 24 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 18 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et européen, 5e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2011, p. 16.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

18

que des progrès en terme d’innovations et de qualité des produits et services présentés.

Envisagé selon cette conception, le droit de la concurrence aurait toujours en ligne de

mire le consommateur in fine et lui serait en quelque sorte dévoué.

32. - L’examen des origines du droit de la concurrence permet pourtant de développer

une toute autre analyse et de nuancer un tel propos. Dès lors qu’une législation est

fondée sur un élément particulier et au regard d’un impératif spécifique, ceux-ci

resteront les éléments qui viendront sous-tendre sa mise en œuvre de manière

continuelle. Ce qui transparaît au stade de la formation du droit, transparaîtra a fortiori

au stade de son application. Il est ainsi commode de comprendre cette perception selon

laquelle le droit de la concurrence a pour dessein majeur la protection des marchés et

non des consommateurs, quoi que ces deux intérêts ne sauraient être exclusifs l’un de

l’autre. Ils ne seront pas en effet, forcément discordants et une opposition frontale entre

les deux ne sera jamais vérifiée en tout instant. Il sera néanmoins tout à fait

envisageable que les intérêts du consommateur soient relégués à un second plan, voire

parfois même négligemment mis de côté notamment concernant ses intérêts immédiats,

au regard de l’intérêt plus impérieux de la pérennité d’une dynamique des marchés,

censée lui être tout autant bénéfique in fine dans sa globalité.

Ceci peut se vérifier aisément par l’exemple de la pratique des prix prédateurs opérée

par une entreprise en position dominante sur un marché, en vue de l’éviction d’un

concurrent. Au cours d’une première période, le consommateur pourra profiter d’une

politique de prix bas. Cet intérêt ne saurait toutefois primer dans la mesure où lorsque le

dessein de l’entreprise aura été accompli, celle-ci aura tout loisir de mettre en place des

tarifs beaucoup plus conséquents, au détriment du consommateur in fine. Il ne pourra

plus exploiter une situation de concurrence et rechercher des prix moindres ou alors

dans une proportion moins avantageuse. La structure du marché doit ici être protégée,

pour une finalité qui s’exprimera indirectement auprès du consommateur au final.

33. - En s’attardant d’un peu plus près, par ailleurs, à la poursuite des ententes et

accords entre entreprises, il est possible d’y déceler un point faisant office de curiosité.

Le principe qui prévaut en la matière est celui d’une répression des violations au droit

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

19

qui auront un impact restrictif de concurrence. Si le comportement infractionnel

s’avérait d’une ampleur moindre, de sorte qu’aucun effet majeur ne puisse être

véritablement retenu, par le jeu des seuils de sensibilité notamment, il ne sera pas

sanctionné à ce titre. Il serait considéré que la protection du marché soit garantie et

ainsi, le bien-être du consommateur préservé in fine. Il n’empêche que ce dernier serait

toutefois susceptible de subir une quelconque atteinte de ce fait, la pratique étant réelle

et ne pouvant être considérée comme effacée. Quoique les autorités de concurrence

décident de ne pas infliger de sanction à ce titre, il faudrait tout de même qu’il puisse

obtenir réparation du préjudice qui lui aura été éventuellement causé19. Si cette

possibilité ne lui était pas offerte ou trop difficilement réalisable, cela reviendrait à

constater une fois encore, la délicate place du consommateur au sein de la législation et

la recrudescence des considérations tenant au marché.

34. - Le droit de la concurrence, s’il n’oublie jamais totalement le consommateur,

place toutefois les intérêts du marché, du commerce et donc de l’économie au dessus. Il

leur est totalement consacré, cela se vérifiant aisément dans la pratique. Ce contexte

idéologique perdure aujourd’hui et le droit a gardé son esprit initial de véritable droit du

marché.

35. - Ces remarques permettent de donner des éléments de réponse permettant

d’expliquer le voile entourant parfois le rôle du consommateur au sein du processus

concurrentiel. Une place particulière lui est conférée, dont on ne sait pas réellement

avec précision où la situer au sein du droit de la concurrence, ni de quelle façon il sera

réellement pris en compte. Il est parfois affirmé que le bien-être du consommateur se

situe loin des préoccupations effectives des pouvoirs publics, des autorités de

concurrence comme des juridictions, qui ne le percevraient, dans les faits, qu’en dernier

lieu. Cette assertion ne saurait être retenue avec force dans la mesure où tant le droit

antitrust américain que le droit de l’Union européenne notamment envisagent le

consommateur comme ayant une place certaine dans le processus concurrentiel. La

19 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

20

seule inconnue de cette problématique se portant sur la teneur de cette prise en

considération et sur ses fluctuations.

36. - Les enjeux relatifs au consommateur n’ayant pas été définis au préalable, ceux-

ci seront soumis à une délicate appréhension dans le cadre de la mise en œuvre de la

législation. La place qui reviendra au consommateur en la matière en sera

nécessairement impactée.

Chapitre 2 – La place du consommateur liée à la délicate appréhension de ses

enjeux

37. - Ainsi qu’il l’a été évoqué précédemment, le droit de la concurrence a été établi

non au regard du consommateur expressément, mais bien au regard d’un marché. Dès

lors que ce personnage n’a guère fait l’objet d’une attention trop particulière dans le

cadre de l’établissement des règles propres à la matière, lorsqu’il sera question de

l’envisager de manière plus spécifique, une certaine variabilité pourra être constatée.

La mise en œuvre des règles du droit de la concurrence à son égard pourra être sujette à

fluctuations (Section 1), tout comme l’appréciation des enjeux lui étant liés (Section 2)

et ce en fonction de facteurs divers.

Section 1 – Une fluctuation dans la mise en œuvre des règles du droit de la

concurrence

38. - Par une analyse de certaines décisions rendues dans le cadre de la mise en œuvre

du droit de la concurrence, par les instances en étant en charge, il a été possible de

constater des divergences concernant la place qu’il revient de conférer au

consommateur. Quoique ces dernières ne sauraient être exhaustives et ne sont que

ponctuelles, elles sont toutefois représentatives de la complexité ayant cours au sein de

cette problématique.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

21

Il est ainsi arrivé et il le sera encore sans aucun doute probable, que le consommateur se

retrouve face tant à l’ambivalence de la conception de la concurrence elle-même20

(Paragraphe 1), qu’à la difficile appréhension de ses intérêts (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Le consommateur face à l’ambivalence de la conception de la concurrence

39. - Il est reconnu de longue date et notamment depuis un arrêt « Europemballage

Corporation et Continental Can Company Inc. » rendu par l’actuelle Cour de justice de

l’Union européenne le 21 février 197321, relatif à un abus de position dominante, que

« l’article 8622 ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice

immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en

portant atteinte à une structure de concurrence effective, telle que mentionnée à

l’article 3, lettre f du traité ». Cette analyse a été rappelée plus fermement à l’occasion

d’une affaire ayant donné lieu à un arrêt du Tribunal de première instance de l’Union

européenne en date du 17 décembre 2003, dans lequel il a estimé que « l’article 82 CE

réprimant la seule atteinte objective à la structure même de la concurrence »,

l’argument de l’entreprise en cause tiré de l’absence de preuve du préjudice causé aux

consommateurs par ses pratiques ne saurait être retenu23. La Cour de justice est par

ailleurs, venue confirmer cette position au travers d’un arrêt en date du 15 mars 200724.

40. - Le bien-être du consommateur est envisagé en tant que tel, bien qu’une

conception structurelle de la concurrence prenne toujours le dessus. Il a toutefois pu être

considéré comme un élément de plus grande ampleur dans l’application du droit de la 20 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 15 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 21 CJCE, 21 février 1973, aff. 6-72, Europemballage Corporation et Continental Can Company Inc. c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 1973 p. 00215, pt. 12. 22 Traité instituant la Communauté économique européenne, 25 mars 1957, article 86. 23 TPICE, 17 décembre 2003, aff. T-219/99, British Airways plc c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 2003 II-05917, pt. 311. 24 CJCE, 15 mars 2007, aff. C-95/04, British Airways plc c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 2007 I-02331, pt. 106.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

22

concurrence et dans la reconnaissance d’une pratique anticoncurrentielle par certaines

instances. En témoigne notamment un arrêt en date du 27 septembre 2006 rendu par le

Tribunal de première instance de l’Union européenne25, concernant un accord visant à

cloisonner les marchés par la limitation des importations de médicaments entre Etats.

En l’espèce, la juridiction a tout d’abord rappelé que l’objectif assigné à l’article 81,

paragraphe 1, CE est « d’éviter que des entreprises, en restreignant la concurrence

entre elles ou avec des tiers, réduisent le bien-être du consommateur final des produits

en cause26 ». Elle a ensuite pu estimer qu’il était nécessaire d’examiner les effets de

l’accord en cause, celui-ci ne pouvant être considéré comme anticoncurrentiel par son

objet dès lors qu’eu égard au contexte particulier dans lequel il s’inscrivait, il ne pouvait

pas être présumé que la restriction réduisait le bien-être du consommateur final. Elle a

ainsi considéré que le critère de l’atteinte au dit bien-être constituait une condition de

constatation de l’objet anticoncurrentiel d’une restriction, analyse que la Cour de justice

de l’Union européenne a toutefois jugé comme une erreur de droit, dans un arrêt en date

du 6 octobre 200927. Celle-ci s’est encore attachée en outre, à rappeler que les règles de

concurrence visent à protéger la structure du marché et ainsi la concurrence en tant que

telle, sans uniquement se cantonner aux intérêts des concurrents ou des

consommateurs28.

Au travers de ces quelques exemples, il est possible de constater que les juridictions

chargées de connaître des affaires de concurrence ont une conception quelque peu

ambivalente de ce qui relève au fond de sa préservation, ainsi que de ses tenants et

aboutissants. Tantôt, les décisions font référence uniquement à l’aspect structurel de

cette dernière, tantôt elles intègrent des considérations relatives au consommateur, tout

comme aux autres opérateurs économiques sur les marchés, faisant apparaître alors une

25 TPICE, 27 septembre 2006, aff. T-168/01, GlaxoSmithKline Services Unlimited c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 2006 II-02969. 26 Ibid. pt. 118. 27 CJCE, 6 octobre 2009, aff. C-501/06, C-513/06, C-515/06 et C-519/06, GlaxoSmithKline Services Unlimited c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 2009 I-09291, pt. 64. 28 Ibid. pt. 63.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

23

conception plus finalisée de cet impératif de préservation y intégrant nécessairement

l’atteinte au marché, mais également celle au bien-être du consommateur29.

41. - Le droit de la concurrence étant toutefois un droit du marché, sa protection

restera toujours la pierre angulaire de sa mise en œuvre. La teneur de la prise en compte

du consommateur en reste, cependant, incertaine et cela sera vraisemblablement le cas

tant qu’aucune position fixe ne sera clairement établie sur le sujet. Cette dernière

passant nécessairement par la détermination des bases de la conception à retenir de la

notion de concurrence elle-même.

42. - La mise en œuvre du droit de la concurrence sera également sujette à variation

au regard de la place accordée au consommateur du fait d’une appréhension parfois

difficile de ce que constituent ses intérêts.

Paragraphe 2 – Le consommateur face à la difficile appréhension de ses intérêts

43. - La prise en compte du consommateur au sein du processus concurrentiel ne

saurait se détacher d’un savoir précis des éléments lui étant considérés comme

favorables ou défavorables, ceci permettant une appréciation en connaissance de cause.

Au même titre que le consommateur en lui-même, tout comme sa protection, n’ont pas

été inclus spécifiquement au sein du processus législatif, la définition de ses intérêts a

été sensiblement omise, de sorte que diverses interprétations sont susceptibles d’en

ressortir.

44. - Concernant cette question spécifique, des affaires emblématiques mettant en

cause l’entreprise Microsoft méritent d’être citées, celles-ci ayant donné lieu à une

appréciation divergente de la part des juridictions nord-américaines et européennes en

matière de ventes liées. Certes, il s’agit là de deux droits de la concurrence différents,

29 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 15 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

24

toutefois dans la mesure où le premier s’est inspiré du second, et que les textes et les

définitions des pratiques anticoncurrentielles sont analogues, il est tout à fait légitime de

pouvoir comparer les applications y afférant.

Au travers d’un arrêt rendu par le Tribunal de première instance de l’Union européenne

le 17 septembre 200730, l’intérêt du consommateur a été placé sur le terrain de

l’innovation31 pour un accès à des produits toujours plus variés et perfectionnés. Il a pu

être considéré que l’admission d’une vente liée serait préjudiciable en ce que celle-ci

n’est pas de nature à inciter l’entreprise en cause à favoriser le progrès32, notamment à

défaut d’autres concurrents sur le marché. Au surplus, elle pourrait encore dissuader des

tiers d’investir et de développer de manière indépendante des produits innovants sur des

marchés annexes33. La cour d’appel de Columbia34, pour une affaire similaire au sujet

d’une vente liée, a pu considérer quant à elle, qu’un tel système pouvait présenter des

effets pro-concurrentiels35 et était favorable au consommateur notamment en termes de

prix et de qualité d’innovation et d’utilisation.

45. - Dès lors qu’au regard de la préservation du consommateur seul un postulat tient

lieu de référence au détriment d’une définition expresse de ce dont ses intérêts relèvent,

aucun consensus ne pourra réellement s’élever et les incertitudes seront de mises. Selon

l’appréciation retenue du bien-être du consommateur, le positionnement de ce dernier

pourra se situer à des niveaux différents. Ainsi, se pose la question de savoir comment

30 TPICE, 17 septembre 2007, aff. T-201/04, Microsoft Corp. c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 2007 II-03601. 31 C. PRIETO, D. SPECTOR et A. WACHSMANN, Notion d’abus : Comparaisons transatlantiques dans les affaires Microsoft, Revue Concurrence, n° 1-2004, – Pratiques unilatérales – Chroniques - site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - Déc. 2004. 32 TPICE, 17 septembre 2007, aff. T-201/04, Microsoft Corp. c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 2007 II-03601, pt. 1088 : « par la vente liée en cause, Microsoft envoie des signaux qui découragent l’innovation dans toutes les technologies auxquelles elle pourrait un jour s’intéresser et qu’elle pourrait coupler à Windows à l’avenir ». 33 C. PRIETO, D. SPECTOR et A. WACHSMANN, Notion d’abus : Comparaisons transatlantiques dans les affaires Microsoft, Revue Concurrence, n° 1-2004, – Pratiques unilatérales – Chroniques - site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - Déc. 2004. 34 United States Court of Appeal for the District of Columbia Circuit, June 28, 2001, United States v. Microsoft, 253 F. 3d 34, 85, D.C. Cir. 2001. 35 C. PRIETO, D. SPECTOR et A. WACHSMANN, Notion d’abus : Comparaisons transatlantiques dans les affaires Microsoft, Revue Concurrence, n° 1-2004, – Pratiques unilatérales – Chroniques - site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - Déc. 2004.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

25

véritablement pouvoir apprécier cet intérêt dans le cadre du processus concurrentiel. Les

interrogations se portent tant sur le contenu, sur la quantification que sur les modalités

d’appréhension. Son intérêt se porte-t-il uniquement en termes de prix ? Doit-il être

entrevu de manière plus globale, en termes de prestations annexes proposées, de choix

de produits, de qualité ou encore de progrès et d’innovation ? Où faut-il placer le

curseur permettant de déterminer si son intérêt est suffisamment assuré ou si des efforts

mériteraient d’être opérés ? Est-il uniquement immédiat où doit-il être apprécié à moyen

ou encore à long terme ?36 Aucune réponse catégorique ne peut être apportée ici. Il est

évident qu’à chaque situation factuelle correspondra des éléments nouveaux à

considérer et à mettre en balance, néanmoins un fil conducteur ou guide s’avèrerait utile

et permettrait de se positionner plus sereinement quant à la place du consommateur dans

le droit de la concurrence. A ce titre, il convient de préciser que certains textes

déterminent les avantages ou gains d’efficience générés par certaines infractions au

droit de la concurrence et qui pourraient bénéficier au consommateur. Ceci pourrait

constituer un indice certain de ce qui serait susceptible de contribuer à son bien-être.

46. - Ce questionnement perpétuel posera également difficulté au stade de la

détermination et de l’évaluation du préjudice subi par le consommateur, au cours d’une

éventuelle action en réparation. Ses intérêts ne reposant pas nécessairement et

uniquement sur les prix, ces appréciations s’avèreront délicates, dans la mesure où

divers élément seront amenés à être pris en compte. Il est à noter encore que leur

individualisation en sera tout autant complexe, le consommateur étant généralement

considéré comme une victime indirecte des pratiques anticoncurrentielles, qui en aura

tout de même éprouvé les répercussions37. Le manque de clarté et de régularité constaté,

contribue ainsi à une efficacité moindre de la préservation du consommateur qui aura

plus de difficulté à faire sanctionner les atteintes contre lui portées.

36 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 19 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 37 A.-S. CHONE-GRIMALDI, Avant-projet de loi « Hamon » : Les apports en droit de la concurrence, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 15, 11 avril 2013, act. 265.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

26

Face à ces incertitudes, la mise en œuvre des règles du droit de la concurrence aboutit à

des situations inconstantes. Au même titre, il est possible de percevoir une fluctuation

de l’appréciation des enjeux liés au consommateur.

Section 2 - Une fluctuation de l’appréciation des enjeux liés au consommateur

47. - L’appréciation des enjeux liés à la place du consommateur est sujette à

controverses et à variabilité, ceci expliquant le « flou » qui entoure son rôle véritable au

sein du processus concurrentiel. Deux raisons majeures peuvent expliquer cette

équivoque. Il s’agit tout d’abord d’une absence de consensus sur le sujet, d’autant plus

qu’aucune position législative ne vient conforter une thèse particulière (Paragraphe 1).

S’ajoute à cela une influence certaine de ce qui peut être qualifié de politique de la

concurrence, censée manier en quelque sorte ces enjeux (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Le consommateur face à l’absence de consensus quant à sa

situation

48. - Les enjeux liés au consommateur et la manière de les appréhender s’avèrent

délicats dans la mesure où aucune position législative expresse n’est intervenue et

aucune position issue de la pratique décisionnelle ou jurisprudentielle ne fait foi par

rapport à une autre. Une seule certitude mérite d’être mise en avant ; celle du lien entre

le marché et l’intérêt du consommateur. Une preuve pourrait en être tirée de l’article

153, 3), a) du Traité instituant la Communauté européenne38, relatif à la protection des

consommateurs, et renvoyant à l’article 95 concernant la réalisation du marché

intérieur39. Il en ressort que la Communauté européenne contribue à la promotion des

intérêts des consommateurs ainsi qu’à l’assurance d’un niveau élevé de leur protection

par les mesures qu’elle adopte en application de cet article, figurant dans une partie

édictant notamment les règles communes sur la concurrence.

38 Version consolidée du Traité instituant la Communauté européenne, 25 mars 1957. 39 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et communautaire, 4e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2008, p. 83.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

27

49. - Le consommateur ne saurait être négligé en la matière, celui-ci remplissant tout

de même une tâche sur les marchés. L’action des entreprises et les produits ou services

qui en relèvent lui sont avant tout destinés. Par ses choix et typiquement sa

consommation, il participe de la bonne marche de l’économie. Il doit dès lors être pris

en considération à la hauteur de la fonction qui lui incombe. Afin que l’économie

fonctionne et s’accroisse, il est certes nécessaire que la concurrence ne soit pas faussée

et que son libre jeu ait court, que la structure des marchés soit purgée de toutes pratiques

ou systèmes qui viendraient empêcher cet état requis et que cela soit garanti de manière

primordiale. Au delà de cela toutefois, il ne faut pas omettre cet acteur majeur de

l’économie qui, tout comme la dynamique de marché, est susceptible de souffrir de

pratiques mises en œuvre par les opérateurs. L’inconnue de cette problématique se porte

sur l’intensité conférée à sa protection en comparaison de celle octroyée au marché.

50. - Il est tout à fait probable qu’une pratique puisse porter atteinte à la structure d’un

marché et à l’existence même de la concurrence sur ce dernier, tout en étant bénéfique

pour le consommateur. Dans une telle hypothèse, de surcroît fréquente, il serait

bienvenu de connaître la réaction appropriée à adopter. De manière générale, ces

pratiques qui s’avèrent profitables au premier abord au consommateur, comme celles

entraînant une baisse des prix par exemple, seront sanctionnées du fait de la restriction

de concurrence qu’elles engendrent. La protection du marché est ici plus impérieuse,

l’atteinte au libre jeu de la concurrence étant certainement trop forte pour que ce seul

effet bénéfique ne soit retenu en tant que justification. L’intérêt du consommateur

s’apprécierait ainsi sur le long terme et ne se cantonnerait pas à son seul intérêt

immédiat, celui-ci étant présumé bénéficiaire de l’application des règles de concurrence

in fine. Certaines décisions jurisprudentielles ont toutefois admis qu’un système a priori

nocif pour la concurrence puisse ne pas être condamné, celui-ci étant favorable au

consommateur40. Il s’agit notamment de l’exemple d’un arrêt en date du 23 novembre

200641 rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’échanges

d’information entre établissements bancaires sur la solvabilité de clients emprunteurs.

40 M. MALAURIE-VIGNAL, Entente et échange d’information dans le secteur bancaire, Contrats, conc., consom. N° 1, 2007, comm. 15. 41 CJCE, 23 nov. 2006, aff. C-238/05, Asnef-Equifax et Administracion del Estado, Rec. 2006 I-11125.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

28

51. - Il convient encore d’ajouter que certaines pratiques ont pu être réprimées alors

même qu’aucun effet néfaste pour la concurrence n’ait été relevé42. A l’appui de ce

propos, la Commission européenne a pu considérer que le Comité français

d’organisation de la Coupe du monde de football 1998 avait enfreint les règles de

concurrence en mettant en œuvre des dispositions discriminatoires pour la vente au

grand public de certains billets d’entrée ayant abouti à imposer aux consommateurs

résidant hors de France des conditions de transaction non équitables et s’étant traduite

par une limitation des débouchés à leur détriment43. Elle a ainsi estimé que l’actuel

article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne44 pouvait être

correctement appliqué, malgré l’absence de tout effet sur la structure de la concurrence,

aux situations dans lesquelles le comportement d’une entreprise dominante cause un

préjudice immédiat aux intérêts des consommateurs, ladite disposition assurant

également leur protection au même titre que celle du libre jeu de la concurrence45.

52. - La situation du consommateur s’avère quelque peu ambiguë, notamment

concernant sa protection. Il est difficile de véritablement savoir où placer le curseur

déterminant ce qui lui sera le plus favorable et si cette circonstance mérite d’être retenue

ou non au regard des divers autres enjeux irriguant le droit de la concurrence. S’il est

manifeste que le marché sera toujours favorisé, il est possible d’entrevoir des évolutions

par lesquelles la mise en œuvre de la législation pourra s’atteler davantage ou non à ce

personnage particulier. Celles-ci auront libre court et pourront s’intensifier, du fait

notamment de l’existence et de l’influence d’une certaine politique concurrentielle, qui

ne contribuera cependant guère à lever les ambivalences en la matière.

42 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et communautaire, 4e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2008, p. 83. 43 Comm. CE., Déc. 2000/12/CE, 20 juill. 1999, aff. n°IV/36-888, Coupe du monde de football 1998, relative à une procédure d’application de l’article 82 du Traité CE et de l’article 54 de l’accord EEE, JOCE 08 janv. 2000, n° L 005, p. 0055 – 0074. 44 Version consolidée du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, C-83/47, 30 mars 2010, article 102. 45 Comm. CE, Déc. 2000/12/CE, 20 juill. 1999, aff. n°IV/36-888, Coupe du monde de football 1998, relative à une procédure d’application de l’article 82 du Traité CE et de l’article 54 de l’accord EEE, JOCE 08 janv. 2000, n° L 005, p. 0055 – 0074, pt. 100.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

29

Paragraphe 2 – Le consommateur face à l’influence d’une politique concurrentielle

certaine

53. - Le droit de la concurrence est certes fondé sur un corps de règles déterminées,

mais sa mise en pratique repose sur une méthode d’analyse liée au contexte dans lequel

il s’insère. C’est en cela qu’il est habituellement fait référence à une politique de

concurrence 46 . Il n’est ainsi pas un droit résolument statique. A des éléments

pragmatiques et économiques qui viendront pénétrer ses modalités d’application, vont

s’ajouter des considérations de nature idéologiques.

54. - Il ne faudrait pas en effet, se désintéresser de cet aspect plus « politique » du

droit de la concurrence, car ce sont bien les conceptions et préoccupations sous-jacentes

qui en ressortent qui vont également être à l’origine de la casuistique des raisonnements

qui l’animent. Il n’est pas sans rappeler que la mise en œuvre du droit de la concurrence

est le fait en partie d’entités ou autorités dont les personnalités les composant pourront

en donner une impulsion qui sera fonction de la coloration qu’ils souhaiteront

éventuellement lui conférer. Au sein de l’Union européenne, la Commission européenne

dispose d’une Direction Générale de la concurrence avec à sa tête un commissaire qui

très souvent émettra une orientation spécifique ayant vraisemblablement vocation à

transparaître dans la politique de concurrence menée. Mario Monti47 par exemple, est

considéré comme à l’origine de la modernisation des règles de concurrence de par sa

volonté d’une lecture plus économique, tandis que Joaquin Almunia48 est plus empreint

d’une certaine économie sociale du marché, ce qui a pu se manifester au sein du paquet

de règles en matière d’aides d’Etat en vue de l’appréciation des compensations

publiques pour les services d’intérêt économique général49, qui prend en compte des

spécificités sociales.

46 Lamy Droit Economique – 2014, Propos introductifs, n° 781, e) site internet de la base de données documentaire juridique lamyline.lamy.fr. 47 Mario Monti, Commissaire européen à la Concurrence du 16 septembre 1999 au 31 octobre 2004, succédant à Karel Van Miert et précédant Neelie Kroes. 48 Joaquin Almunia, Commissaire européen à la Concurrence depuis le 10 février 2010, succédant à Neelie Kroes. 49 Paquet de règles en matière d’aides d’Etat en vue de l’appréciation des compensations publiques pour les services d’intérêt économique général, dit « Paquet Almunia », 20 déc. 2011.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

30

Une réflexion analogue peut être énoncée à propos de l’Autorité de la concurrence en

France, dont l’actuel Président, Bruno Lasserre50 a plusieurs fois fait référence lors de

prestations orales, de l’attachement de l’Autorité au bien-être du consommateur.

55. - A titre supplémentaire, viendront s’y adjoindre également l’influence de la

politique concurrentielle et des conceptions d’outre-Atlantique, dont notamment celle

de l’Ecole de Chicago51 mettant en avant l’argument de l’efficacité économique, au

détriment de l’analyse apportée par l’Ecole structuraliste.

56. - Messieurs Lucas de Leyssac et Parléani résument cette question en expliquant

que le droit de la concurrence « ne fait que traduire les choix politiques qui ont présidé

à son élaboration. » Il apparaît qu’il « ne menace pas par lui-même l’intérêt du

consommateur mais seulement que les pouvoirs publics sont inévitablement amenés à

réaliser des arbitrages de nature politique entre des impératifs contradictoires, et à

organiser ensuite le marché en fonction de ces choix ».52

57. - S’il apparaît indiscutable que ces acceptions ne sauraient à elles seules remettre

en cause l’esprit du droit de la concurrence et les fondements sur lesquels il repose, il

est toutefois envisageable d’en percevoir certains effets. Une évolution vers l’admission

d’autres considérations pourrait être entrevue et la place du consommateur au sein du

processus concurrentiel pourrait en être impactée suivant les directions données. Il serait

possible ainsi de voir émerger une tendance plus axée vers ses intérêts si une protection

plus accrue venait à devenir le cheval de bataille d’une de ces personnalités.

50 Bruno Lasserre, Président du Conseil de la concurrence du 29 juillet 2004 au 14 janvier 2009, Président de l’Autorité de la concurrence depuis le 14 janvier 2009, succédant à Marie-Dominique Hagelsteen. 51 Ecole de Chicago, symbolisée notamment par les figures de Milton Friedman, George Stigler ou encore Richard Posner. 52 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 110.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

31

58. - Les traités fondateurs de ce qui constitue aujourd’hui l’Union européenne

entrevoient de manière spontanée ce personnage particulier qu’est le consommateur. Sa

protection est en outre, envisagée en tant que telle, mais non dans le cadre spécifique du

droit de la concurrence. Les règles qui relèvent de ce dernier, évoquent toutefois le

consommateur à de nombreuses reprises, sans pour autant qu’il soit aisé d’évaluer avec

fiabilité et certitude sa réelle position au sein du processus concurrentiel. Son bien-être

et la préservation de ses intérêts ne sont certes pas négligés, mais il est communément

admis et il relève de l’acception générale que les besoins du marché seront toujours

prééminents, suivis par ceux des producteurs et concurrents, ceci s’expliquant

notamment par le fait que le droit de la concurrence n’a pas été établi au regard du

consommateur. Il n’est pas un droit du consommateur et n’aurait pas vocation à l’être,

d’autant plus que ce dernier bénéficie, notamment en France, d’une législation qui lui

est spécifiquement consacrée. Si le processus concurrentiel venait à devoir intégrer

expressément une protection plus spécifique à son égard, il serait nécessaire de trouver

un équilibre, ce qui ne serait pas mince affaire et demanderait un examen plus poussé

des questions et enjeux y afférent. Ce point sera par ailleurs, plus amplement traité dans

la suite du présent développement53.

59. - En l’état du droit positif, le bien-être du consommateur ne constitue pas un

standard juridique du droit de la concurrence, mais il est possible d’y voir un principe

directeur d’interprétation des règles en relevant54. Le consommateur a une place au sein

du processus concurrentiel, notamment de par son action de consommation sur les

marchés et de sa fonction dans l’économie. Il constitue notamment une référence

lorsque des analyses auront à être menées ou lorsqu’il s’agira d’apprécier certains

comportements. Bien qu’il soit relégué à une place moins influente que celle du marché,

il n’en reste pas moins un déterminant au centre du droit de la concurrence.

53 Infra, 164. 54 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 25 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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TITRE II

Le consommateur en tant que déterminant central du processus

concurrentiel

60. - Si la prise en compte des intérêts du consommateur reste fluctuante et sujette à

tergiversations et débats, ce dernier a tout de même vocation à figurer et œuvrer en

matière de concurrence. Il est paradoxal de relever que le bien-être du consommateur

est constamment abordé comme composante à part entière du droit de la concurrence, à

tel point qu’il serait séduisant de vouloir l’ériger en tant que norme, alors que cela n’a

pas été envisagé de la sorte au niveau législatif. Une autre constatation tendrait à

soutenir une telle acception. De multiples renvois s’opèrent en effet à l’égard du

consommateur, si bien qu’il est à même de servir d’élément de référence, ceci à divers

stade du processus concurrentiel (Chapitre 1). Malgré cette considération non

insignifiante, cette place qui semblerait prépondérante, reste à relativiser. Le

consommateur est certes un déterminant au cœur du processus concurrentiel, mais il

apparaît néanmoins comme un élément passif de la mise en œuvre du droit (Chapitre 2).

Chapitre 1 – Le consommateur en tant qu’élément cadre de référence au sein du processus concurrentiel

61. - Le bien-être du consommateur ne constitue pas un dogme du droit de la

concurrence, ses intérêts ne sont toutefois pas intégralement mis de côté et ne sauraient

l’être. Ainsi qu’il a pu l’être démontré auparavant, des considérations qui lui sont

propres sont intégrées par les autorités publiques ainsi que par les entités et juridictions

chargées d’intervenir. Le consommateur est pris en compte, et ce de multiples façons,

témoignant de sa place non dérisoire. Nombreux sont ceux qui s’attachent à considérer

que la première attention portée au consommateur en la matière se reflète dans la

composition de l’Autorité de la concurrence elle-même55, y incluant un collège composé

55 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 114 : pour un propos relatif à l’article L. 461-1 du code de commerce dans sa version en vigueur du 21

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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notamment de « cinq personnalités choisies en raison de leur compétence en matière

économique ou en matière de concurrence et de consommation »56, censé représenter

ses intérêts en son sein.

62. - Par devers cette réflexion préalable, il est en outre caractérisé comme une sorte

de repère au sein du processus concurrentiel. De nombreux textes ou pratiques lui

confèrent le caractère d’un élément de référence tant à l’égard de l’appréciation de

certaines infractions anticoncurrentielles (Section 1) qu’à l’égard de l’emploi d’une

fraction d’analyses économiques et concurrentielles (Section 2).

Section 1 - Un repère dans l’appréciation des infractions anticoncurrentielles

63. - Dans le cadre de la définition des infractions anticoncurrentielles, qu’il s’agisse

du droit de l’Union européenne comme du droit interne français, les textes n’établissent

pas le consommateur en tant qu’élément participant de leur qualification, ou de façon

peu influente. L’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne57 en

particulier, relatif aux abus de position dominante, le cite expressément et uniquement

dans le contexte d’un exemple de ce qui peut consister en une telle pratique58. Il l’est

également en matière de contrôle des prix abusivement bas par le droit interne français,

où il constitue un infime élément de l’infraction59. Eu égard à ce type de formulation, la

prise en compte du consommateur peut sembler tout à fait minime. Elle sera en

revanche, beaucoup plus significative concernant une analyse tout à fait spécifique au

droit de la concurrence.

septembre 2000 au 13 novembre 2008 et correspondant de manière quasiment identique à cette disposition dans sa version en vigueur au 25 juillet 2010. 56 Article L. 461-1, II, 2° du code de commerce. 57 Version consolidée du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, C-83/47, 30 mars 2010, article 102. 58 Article 102, al. 2, b) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ». 59 Article L. 420-5, al. 1er du code de commerce : « Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits. »

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

34

64. - Celui-ci n’a pas une vision résolument rigide des agissements ou systèmes mis

en place par les opérateurs sur le marché et admet qu’une pratique puisse être validée,

exemptée si les résultats qu’elle génère peuvent s’avérer positifs60. L’article 101,

paragraphe troisième du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne61 le prévoit

expressément en matière d’accords entre entreprises, tandis que le droit positif français

l’envisage également quant aux abus de position dominante et abus de dépendance

économique au travers de l’article L. 420-4 du code de commerce62. Ces dispositions,

dans une rédaction somme toute analogue, expriment les conditions y afférent dont

notamment celle que la pratique envisagée contribue « à améliorer la production ou la

distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en

réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte »63. Le terme

« utilisateur » ici employé, désigne en partie, le consommateur.

65. - En l’occurrence, il constitue le sujet d’un examen particulier dans l’évaluation

des effets pro-concurrentiels potentiels considérés, par lequel sont appréhendés les

divers avantages qu’il pourrait en retirer. Afin qu’une telle étude soit facilitée, la

Commission européenne a établi des documents cadres, sortes de guides, qui n’ont pas

valeur législative et sans réelle force contraignante, mais auxquelles les entités

concurrentielles sont tout de même attachées. Une illustration représentative de leur

prise en compte du consommateur relève du schéma induit par les lignes directrices

relatives à l’applicabilité de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union

européenne aux accords de coopération horizontale64. Le raisonnement qui en est issu

est identique pour chaque type de pratique envisagée ; il s’agit en effet d’en apprécier

les gains d’efficacité probables, ainsi que leur répercussion sur le consommateur,

l’analyse imposant de mettre en balance à leur égard les effets positifs et négatifs.

L’objectif est ici de déterminer in concreto si les restrictions à la concurrence pourront

60 D. MAINGUY, J.-L RESPAUD, M. DEPINCE, Droit de la concurrence, coll. Manuel, Litec, 2010. 61 Version consolidée du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, C-83/47, 30 mars 2010, article 101, paragraphe 3. 62 Article L. 420-4 du code de commerce : 63 Article 101, paragraphe 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 64 Comm. eur., Communication de la Commission, Lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale, (2011/C 11/01), 14 janv. 2011.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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être compensées suffisamment, et si cela ne s’avérait pas être le cas, la pratique serait

déclarée interdite.

Sans vouloir prétendre à une exhaustivité, de nombreuses dispositions prévoient des

systèmes similaires eu égard à d’autres types d’infractions anticoncurrentielles comme

en matière de contrôle des concentrations par exemple, où se combinent un règlement65

du Conseil de l’Union européenne ainsi que des lignes directrices de la Commission

européenne66 et de l’Autorité de la concurrence française67. Dans ce contexte qui

pourrait être qualifié de mouvement de modernisation du droit de la concurrence, mérite

encore d’être citée une Communication68 de la Commission européenne relative à

l’application de l’actuel article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union

européenne 69 au travers de laquelle l’institution a semble-t-il voulu intégrer une

évaluation plus économique de la question, tout en donnant plus de poids au

consommateur en son sein, et ce sur le même schéma qui vient d’être exposé.

66. - Il y apparaît que l’intérêt du consommateur constitue l’une des mesures de

l’appréciation et de l’étude menée70 en général, ceci afin de déterminer la teneur de

l’innocuité pour la concurrence. Ce type d’analyse représente une part majeure du

processus concurrentiel et qui aura tendance à s’accroître, ceci en fonction de

l’évolution de l’économie elle-même. Elle traduit la préoccupation plus nette pour la

situation du consommateur qui pourrait bénéficier des résultats d’une infraction

anticoncurrentielle de façon équitable, pourvu que celle-ci n’ait pas une incidence trop

considérable sur le marché, une restriction de la concurrence trop importante lui étant

considérée comme nécessairement préjudiciable in fine.

65 Cons. de l’Union eur., Règlement (CE) N° 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, 20 janv. 2004, JOCE 29 janv. 2004, n° L 24/1. 66 Comm. eur., Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, (2004/C 31/03), 05 févr. 2004, JOCE 05 févr. 2004, n° C 031. 67 Aut. de la conc., Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 10 juil. 2013. 68 Comm. eur., Communication de la Commission, Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes, (2009/C 45/02), JOCE 24 févr. 2009, n° C 045. 69 Article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 70 D. MAINGUY, J.-L RESPAUD, M. DEPINCE, Droit de la concurrence, coll. Manuel, Litec, 2010.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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67. - Il est ainsi possible de reconnaître qu’il dispose d’une place de choix au sein du

processus concurrentiel, bien que cela n’ait pas été ancré de prime abord au sein du

processus législatif. Cette même constatation peut être réitérée à propos de la prise en

compte du consommateur dans l’utilisation de certains outils par les entités en charge de

la mise en œuvre de la législation.

Section 2 - Un repère de l’analyse concurrentielle et économique

68. - A titre liminaire, il convient de préciser que le consommateur est avant tout

considéré comme le moteur de la compétition71 dont il serait un arbitre de premier rang,

capable par ses choix, d’identifier l’entreprise la plus méritante sur le marché. Aux fins

de qualité d’un tel arbitrage, sa démarche devrait être guidée par la rationnalité et

protégée par la règle de droit72, en s’exerçant sur une assise transparente et fonction des

éléments casuistiques qui lui sont à disposition.

69. - Le droit de la concurrence participe de cette approche ; il s’accompagne d’une

multitude d’analyses destinées à le mettre en pratique au mieux et conformément à

l’esprit général qui le domine. Celles-ci se manifestent notamment par l’emploi de tests

très divers dont certains auront pour point d’orgue la personne même du consommateur,

ses appréciations ainsi que ses intérêts. Il en est ainsi au regard de la notion de marché

pertinent, notion primordiale à plusieurs échelons du processus concurrentiel

(Paragraphe 1), tout comme au regard de l’évaluation de l’impact des comportements

d’entreprises (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – La prise en compte du consommateur dans la détermination du

marché pertinent

70. - L’un des théâtres emblématiques de la prise en considération du consommateur

est sans conteste celui de la délimitation du marché pertinent, élément incontournable de

71 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 113. 72 C. PRIETO, Pouvoir de marché et liberté des entreprises, les fondements de la politique de concurrence, D. 2006, p. 1603.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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la concurrence. Celui-ci étant défini comme le lieu où se rencontrent l’offre et la

demande de produits substituables entre eux, il était essentiel de s’accorder sur le

déterminant qui allait permettre de mesurer un tel degré d’interchangeabilité. Le choix

s’est naturellement porté sur le consommateur, celui-ci étant le destinataire final de

l’activité des opérateurs économiques et le mieux à même de fournir l’information

recherchée. Au travers de l’une de ses communications73, la Commission européenne a

pu en attester et rappelle cette fonction du consommateur ainsi que les critères

nécessaires à retenir74.

71. - Ce dernier sera sollicité à de nombreuses reprises et sous de multiples formes.

Par une méthode prospective tout d’abord, son opinion sur la question pourra

notamment être abordée au travers de l’examen de sondages, enquêtes ou études

marketing. Il pourra également être interrogé de manière plus directe par les autorités de

la concurrence quant aux caractéristiques des produits en cause qui lui semblent

comparables, à leurs usages ou leurs fonctions, par exemple. Leur seule description ne

saurait être la plus judicieuse, ladite substituabilité est en effet, fondée en partie sur des

critères subjectifs « tenant compte des habitudes, de la psychologie, de l’importance

attachée aujourd’hui à la marque pour les demandeurs du produit ou services »75.

72. - Elle pourra également se définir par rapport aux prix moyens des produits,

s’évaluant en particulier par le biais d’un test qualifié de « test de l’élasticité croisée de

la demande ». Il s’agira ici de saisir le comportement du consommateur, face à une

augmentation du prix d’un produit, sur la demande d’un autre qui pourrait en constituer

une alternative. Si le changement entraîne un report significatif de sa part sur le second

produit envisagé, cela constitue un signal fort de leur interchangeabilité et donc de leur

présence sur un même marché.

73 Comm. eur., Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, (97/C 372/03), JOCE 09 déc. 1997, n° C 372, p. 0005 – 0013. 74 Ibid., pt. 7 : « Un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés. » 75 M. MALAURIE-VIGNAL, L’abus de position dominante, coll. Systèmes Droit, LGDJ, 2002, p. 24.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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73. - L’immixtion de ce personnage au sein de cette expertise est un indice significatif

de la position qu’il occupe. Celui-ci ne peut qu’être corroboré par une prise en compte

en tant que critère d’évaluation de l’impact des comportements d’entreprise.

Paragraphe 2 – La prise en compte du consommateur dans l’évaluation de l’impact des comportements d’entreprises

74. - Le crédit apporté à ce personnage particulier peut être vérifié dans le choix de la

méthode la plus pertinente afin d’évaluer un tel impact. A celles basées sur des tests

qualifiés de « test du sacrifice » ou « test du concurrent aussi efficace », le test dit « test

du préjudice au consommateur » semblerait préférable76. En matière d’abus de position

dominante, le « test du sacrifice » permettrait de déceler l’abus lorsque « le

comportement de l’entreprise dominante réduirait ses profits s’il ne réduisait pas la

concurrence »77, tandis que le « test du concurrent aussi efficace » le constaterait

« lorsque le comportement de l’entreprise dominante conduirait à l’éviction d’un

concurrent aussi efficace qu’elle ».78

Un auteur79 va mettre en balance leurs utilités et défauts par rapport au consommateur.

Il en retient que les deux premiers ne sont pas les plus judicieux et pourraient conduire à

des solutions qui n’établiraient pas de liens directs avec ses intérêts ou qui lui seraient

désavantageuses80. Il explique que le « test du préjudice au consommateur » conduirait,

quant à lui, à un droit moins interventionniste et permettant d’opérer une distinction

entre protection de la concurrence et protection des concurrents, tout en prenant en

compte le consommateur de manière plus substantielle. Ce procédé aura vocation à

jouer en matière de stratégies d’éviction notamment. Elle nécessitera non seulement

76 G. CANIVET (dir.), La modernisation du droit de la concurrence, coll. Droit et économie, LGDJ, 2006, p. 158 : selon les propos de Patrick Rey. 77 Ibid., p. 156. 78 Ibid. 79 Monsieur Patrick Rey, Professeur d’économie. 80 G. CANIVET (dir.), La modernisation du droit de la concurrence, coll. Droit et économie, LGDJ, 2006, pp. 156 - 157 : selon les propos de Patrick Rey.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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d’établir cette dernière tout en démontrant que le consommateur en sera globalement

perdant et ce même s’il ne s’agit que d’un préjudice potentiel81.

75. - De manière plus globale également, les instances du droit de la concurrence ont

fait parfois appel à la notion dite de « surplus du consommateur »82 afin de déterminer

l’illicéité d’une pratique pour autant que cette dernière en entraîne sa diminution. Elle

consiste à exprimer le montant des gains qu’un consommateur retire de ses achats en

faisant la différence entre le prix effectivement payé et le prix qu’il aurait été prêt à

payer. En matière de contrôle des concentrations, la promotion de ce surplus en

constituerait désormais la finalité83 selon le Règlement n° 139/200484.

76. - Le processus concurrentiel désigne le consommateur à maintes reprises pour des

appréciations qui interviendront à divers degrés. C’est à la lumière de ce dernier, de ses

choix et parfois de ses intérêts que le droit de la concurrence est mis en œuvre. Il

constitue ainsi une sorte de référent sur lequel les différentes entités compétentes

peuvent se reporter et s’appuyer. Cette constatation amènerait à lui reconnaître un rôle

de premier plan, sorte de pièce maîtresse irriguant ce corps de règles spécifiques et qui

aurait tendance à prendre une large part dans les nombreuses analyses qui le sous-

tendent. La place du consommateur reste toutefois à relativiser en la matière, dans la

mesure où il ne s’y immisce que de manière indirecte. Il en constitue certes un élément

notable, tout en faisant preuve de passivité.

81 G. CANIVET (dir.), La modernisation du droit de la concurrence, coll. Droit et économie, LGDJ, 2006, p. 158 : selon les propos de Patrick Rey. 82 F. BRUNET (dir.) et G. CANIVET (dir.), Le nouveau droit communautaire de la concurrence, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2008, p. 312 : selon les propos de Frédéric Jenny. 83 Ibid. pp. 633 - 634 : selon les propos de David Spector. 84 Cons. de l’Union eur., Règlement (CE) N° 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, 20 janv. 2004, JOCE 29 janv. 2004, n° L 24/1.

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Chapitre 2 – Le consommateur en tant qu’élément passif du processus

concurrentiel

77. - Il est singulier de relever la réflexion de certains auteurs85, qui voient en la

personne du consommateur, « l’alpha et l’oméga de la concurrence »86, ceci laissant

présager une place d’acteur à part entière du processus concurrentiel. Cette conception

ne saurait être retenue et constituerait même un raisonnement trop écimé. S’il est

incontestable que le consommateur sert d’aiguillon dans un certain nombre d’analyses

substantielles et joue ainsi un rôle dans la mise en œuvre du droit de la concurrence,

celui-ci ne saurait pour autant être surestimé.

78. - Il apparaît que quoique consulté dans certains domaines, il ne transparaît

toutefois pas à chaque occasion, ceci amenant une part de relativité à la place qui

voudrait lui être attribuée (Section 1). A ceci, s’ajoute le constat selon lequel, dans les

faits, le consommateur n’est pas destiné à interagir de manière directe et en vertu

d’actes positifs. Son rôle se cantonne en effet, à une passivité certaine (Section 2).

Section 1 - Un rôle relatif dans la mise en œuvre du droit de la concurrence

79. - Il relève du paradoxe de constater que la figure du consommateur est prise en

compte lors d’appréciations et d’analyses importantes de la mise en œuvre du droit de la

concurrence, alors qu’elle peut en être parfois amoindrie en quelque sorte, voire évincée

pour des éléments qui s’avèrent tout aussi fondamentaux. Il s’avère nécessaire de

relativiser la place du consommateur au sein de la qualification des infractions

anticoncurrentielles (Paragraphe 1) et surtout de remarquer qu’il n’a pas vocation à

prendre part à l’étape importante de la sanction par l’Autorité de la concurrence

(Paragraphe 2).

85 Notamment Messieurs C. Lucas de Leyssac et G. Parleani. 86 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 86.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

41

Paragraphe 1 – Une place à relativiser au sein de la qualification des infractions

anticoncurrentielles

80. - Ainsi qu’il l’a été évoqué précédemment87, le droit de la concurrence ne tient

compte que très rarement du consommateur dans la qualification des infractions

anticoncurrentielles et lorsque cela est le cas, cette attention qui lui est portée n’est

guère convaincante. Au sein du processus législatif, le consommateur et son bien-être

ne constituent donc pas véritablement des éléments pertinents, résolument nécessaires à

leur définition. Quoique les nombreux documents cadre ou autres guides établis par les

autorités de concurrence et les instances légitimes à intervenir, pallient cette carence en

apportant plus de poids à la prise en compte du consommateur et donc à sa place dans le

processus, ils ne sauraient oublier l’esprit initial de cette législation et l’attache portée

au marché. Si le consommateur est amené à être davantage considéré en la matière, cela

n’en affectera toutefois pas l’ordre des préoccupations du droit et donc la primauté de la

protection du marché ainsi que des entreprises et concurrents. Sa prise en compte sera

plus effective, mais d’autres déterminants viendront encore l’accompagner et

éventuellement prendre le pas sur celle-ci.

81. - S’ajoute à cela un autre point qui fait figure de singularité et qui mérite d’être

cité quoiqu’il ne concerne pas à proprement parler le droit des pratiques

anticoncurrentielles. Le droit interne français de la concurrence s’attache, en sus de la

protection du libre jeu de la concurrence sur les marchés, à préserver la loyauté des

transactions et relations commerciales qui s’y établissent, par le contrôle de certaines

pratiques n’ayant pas leur équivalent en droit de l’Union européenne. Par la lecture de

l’intitulé d’une des lois phares intervenue en matière de pratiques restrictives de

concurrence « pour le développement de la concurrence au service du

consommateur »88, il serait tentant de l’interpréter comme une sorte d’évolution vers

une protection plus accrue de ce dernier. Il ne faut toutefois pas se laisser guider par les

apparences et il apparaît que cette législation spécifique est avant tout et dans les faits

tournées vers les concurrents et leur protection. 87 Supra, 63. 88 Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « Loi Chatel ».

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

42

82. - Dès l’initiation du processus concurrentiel, le consommateur est susceptible de

se trouver quelque peu « ignoré » des textes et il en sera vraisemblablement ainsi

également à sa fin, notamment au stade de la détermination d’éventuelles sanctions à

l’égard des opérateurs économiques envisagés.

Paragraphe 2 – Une place omise au sein de l’évaluation de la sanction des

infractions anticoncurrentielles

83. - L’Autorité de la concurrence française dispose du pouvoir d’infliger des

sanctions pécuniaires dont il est précisé qu’elles sont « proportionnées à la gravité des

faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de

l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient

et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées »89 par le titre VI du livre IV du code

de commerce. Un point particulier mérite d’être relevé à ce titre. Il n’est ici fait aucune

mention du consommateur, ni d’un indice permettant de supposer qu’il sera tenu compte

de sa situation au regard des infractions anticoncurrentielles et du préjudice

éventuellement subi de ce fait. Il ne semble donc pas constituer un élément sérieux

participant de l’évaluation de la sanction ; l’atteinte à ses intérêts et à son bien-être ne

figurent pas en tant que critère d’évaluation ou d’aggravation de cette dernière90 et celle-

ci ne saurait se limiter à la seule atteinte au surplus économique des consommateurs.

Seul le « dommage causé à l’économie » est expressément évoqué, dont il n’est pas

toujours aisé de déterminer les tenants et aboutissants, quoiqu’il devrait porter sur la

perte de surplus subie par l’ensemble des opérateurs économiques et repose sur un

faisceau d’indices.

89 Article L. 464-2, I), al. 3 du code de commerce. 90 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 11 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

43

Il pourrait être rétorqué ici que l’atteinte occasionnée au consommateur serait

potentiellement de faible importance et relativement diffuse, à l’origine en partie de

cette prise en compte obérée. Elle serait de surcroît, difficile à évaluer tant

quantitativement que qualitativement, la définition des intérêts du consommateur

n’étant pas arrêtée de manière définitive. Certaines entreprises ont également pu faire

valoir que le dommage causé à l’économie intègrerait en lui-même parfaitement cette

atteinte, de sorte qu’une référence supplémentaire et particulière à son égard n’aurait

plus lieu d’être. L’argumentation n’est pas pleinement satisfaisante et il s’avère que

cette notion n’est pas du meilleur apanage pour le consommateur. Une attention à son

égard mériterait d’exister, celui-ci étant un acteur économique de premier plan et

impacté par une pratique anticoncurrentielle, d’autant plus qu’il n’est de cesse d’être

répété qu’une atteinte à la concurrence lui est désavantageuse in fine.

84. - Il apparaît tout autant contradictoire d’émettre le postulat selon lequel le droit de

la concurrence aurait pour point cardinal la protection du consommateur, alors qu’il n’a

même pas vocation à être pris en considération à un stade fondamental du processus

concurrentiel qui en constitue tout l’enjeu. Cette question est toutefois potentiellement

sujette à évolution, l’œuvre de la loi dite « Loi Hamon »91 permettant la reconnaissance

du préjudice concurrentiel92 au bénéfice du consommateur ainsi que l’établissement

d’un nouvel arsenal d’intervention, dont il sera fait un plus ample développement par la

suite93. Quoique cela ait typiquement vocation à retentir au niveau du « private

enforcement » uniquement, il est à considérer que le consommateur pourra peut-être

avoir une plus grande influence vis-à-vis du « public enforcement ». L’Autorité de la

concurrence pourrait éventuellement, en effet, refléter à son niveau ces améliorations.

85. - Certains textes font mention du consommateur en tant que tel, d’autres

l’ignorent94 . Ainsi, si ce dernier dispose nécessairement d’une place au sein du

91 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JORF n° 0065, 18 mars 2014, p. 5400, dite « Loi Hamon ». 92 Article L. 423-1, al. 2, 2° du code de la consommation. 93 Infra, 118 et s. 94 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 11 –

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

44

processus concurrentiel dans la mesure où il sert d’élément de référence à plusieurs

égards dans le cadre de diverses analyses, celle-ci est toutefois plus relative qu’il n’y

paraît. Cette perception s’accentue par le fait que le consommateur ne dispose pas d’une

réelle mainmise sur la mise en œuvre du droit de la concurrence, lui conférant dès lors

un rôle plus passif que véritablement actif.

Section 2 - Un rôle passif dans la mise en œuvre du droit de la concurrence

86. - Le consommateur opère des choix sur les marchés, entre les produits qui lui sont

présentés et donc entre les différents offreurs. Il est un acteur de l’économie de marché

et c’est là son premier rôle en la matière. Les problématiques de concurrence ayant trait

au marché, il serait naturel d’entrevoir ce personnage en tant qu’acteur effectif du

processus concurrentiel ; il apparaîtrait légitime de lui conférer un certain pouvoir

d’action afin qu’il puisse prendre part à sa mise en œuvre pour sa propre protection,

mais également pour faire valoir ses droits et défendre ses intérêts. La préservation du

libre jeu de la concurrence lui étant considérée comme bénéfique in fine, il devrait

pouvoir y participer également, à l’échelle de ses moyens, ceci afin de conférer au droit

de la concurrence une pleine efficacité. Ainsi que le rappelle un auteur95, « le caractère

effectif de la concurrence dépend en grande partie de l’accessibilité du droit de la

concurrence, c’est-à-dire en pratique de la capacité et de la facilité de le mettre en

œuvre »96.

87. - Il serait possible à un tel titre de s’attendre à ce que le consommateur puisse

interagir de manière directe et efficace avec les entités compétentes en la matière, dont

notamment l’Autorité de la concurrence. En tant que personne physique, ce dernier ne

dispose toutefois pas de la possibilité de la saisir au contentieux. Tout au plus peut-il

communiquer les informations dont il aurait éventuellement connaissance au regard de

Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 95 Dominique Brault 96 D. BRAULT, Politique et pratique du droit de la concurrence en France, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2004, p. 602.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

45

certains systèmes auxquels il serait confronté ou d’une situation qu’il estimerait

dommageable, en particulier également auprès de la Direction générale de la

concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Cette faculté lui est

offerte également auprès de la Commission européenne par la transmission

d’ « informations utiles tant à une meilleure compréhension des marchés qu’à la

détection d’éventuels dysfonctionnements du marché »97.

88. - Ce sont les associations de consommateurs agréées qui auront plus ouvertement

la tâche de représenter ses intérêts, par la possibilité de saisir l’Autorité pour lui

demander son avis sur toute question de concurrence98 ou encore de « participer » à

certaines procédures. En matière de concentrations entre entreprises par exemple, le

Règlement n° 139/200499 permet à certains intéressés ou tiers d’être auditionnés et de

formuler des observations auprès de la Commission européenne100, ceci incluant les

associations de consommateurs « lorsque le projet de concentration concerne des

produits ou services utilisés par les consommateurs finals »101.

89. - Le consommateur dispose en outre d’un droit de poursuite individuelle aux fins

de réparation du préjudice subi du fait d’une pratique anticoncurrentielle. Ce moyen

d’agir s’avèrerait essentiel tant pour assurer sa protection que pour s’assurer d’une

législation de concurrence qui se veut efficace. Dans les faits toutefois, cette action n’est

guère effective, le consommateur se trouvant face à des difficultés d’ordre technique et

psychologique et n’y étant pas incité outre mesure. Cette même remarque peut être faite

en ce qui concerne les procédés offerts aux associations de consommateurs agréées, qui

se voient délaissés en raison de contraintes procédurales notamment. L’introduction de

l’action de groupe couplée à la reconnaissance du préjudice concurrentiel par la « Loi

97 Comm. CE, Rapport sur la politique de concurrence 2008, 23 juil. 2009, COM(2009) 374 final, pt. 109. 98 Article L. 462-1, al. 2 du code de commerce. 99 Cons. de l’Union eur., Règlement (CE) N° 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, 20 janv. 2004, JOCE 29 janv. 2004, n° L 24/1. 100 Ibid. article 18. 101 Comm. eur., Règlement (CE) N° 802/2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JO 30 avr. 2004, n° L 133, article 11, c).

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

46

Hamon »102 précitée, pourra très certainement changer la donne, ce qui fera l’objet d’un

point plus précis dans la suite de ce développement103. Le consommateur pourrait ainsi

être plus enclin à revendiquer ses droits par un tel biais et ainsi s’immiscer un peu plus

dans les affaires de concurrence.

90. - De par ces constatations, il convient de noter que les seules possibilités d’action

offertes au consommateur au sein du processus concurrentiel sont quelque peu

restreintes. Dans la mesure où il ne dispose pas d’autres moyens d’agir notamment plus

interventionnistes voire plus coercitifs, pour la mise en œuvre du droit de la

concurrence, il ne saurait être véritablement considéré comme un acteur de cette

législation, en tant que tel. A cela il est légitime de rétorquer que ce n’est pas sa

fonction première, d’autant plus qu’il ne constitue pas une entité du droit de la

concurrence et qu’il ne saurait avoir les connaissances et le bagage technique nécessaire

pour intervenir plus amplement dans cette matière.

Le consommateur constitue alors un élément de référence nécessaire à certaines

analyses relevant du processus concurrentiel, tout en restant un sujet passif de celui-ci.

Il n’y prend réellement part, dans les faits, que d’une manière indirecte par l’observation

de son comportement, l’étude de ses opinions et par une appréciation générale de ce qui

pourrait ou non dévaloriser ses intérêts. Le rôle qui lui est conféré est reconnu, non

dérisoire, mais tout de même plus étroit qu’il n’y paraît. Il lui est attribué une place

centrale dans la mesure où il en est tenu compte, cela étant tout de même à relativiser de

par les raisons qui viennent d’être développée et du fait de la reconnaissance de la

prééminence du marché en la matière. C’est dans une telle acception, qu’il est possible

d’évoquer le consommateur comme le sujet « fantomatique du droit de la

concurrence »104.

102 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JORF n° 0065, 18 mars 2014, p. 5400. 103 Infra, 118 et s. 104 A. BIENAYME, L’intérêt du consommateur dans l’application du droit de la concurrence : un point de vue d’économiste, Revue Internationale de Droit Economique, 1995, N° 1995/3, p. 397.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

47

CONCLUSION PREMIERE PARTIE

91. - La prise en compte du consommateur en reste fluctuante non seulement quant

aux domaines dans lesquels elle sera perceptible, mais également quant à ses contours et

à sa teneur. Il est une figure centrale en filigrane au sein du processus concurrentiel.

92. - Le droit de la concurrence peut être considéré comme une législation plutôt

jeune, qui tout comme bon nombre d’autres, n’a pas vocation à rester ancrée au sein

d’un carcan. Empreinte de pragmatisme, elle est sujette à des mouvements perpétuels105,

tout comme peuvent l’être les différentes conceptions qui l’animent. Des évolutions

seront nécessairement amenées à survenir, d’autant que les facteurs d’impulsion

pourront s’avérer nombreux. Des considérations émanant des autorités publiques, tout

comme les revendications des divers opérateurs économiques, voire auteurs et praticiens

attachés à la matière, viendront mettre en avant les nécessités de potentielles

transformations.

93. - Il apparaît ainsi que le droit de la concurrence soit en quête d’une modernité

constante. Le consommateur, qui constitue un élément du processus concurrentiel, sera

susceptible à bien des égards de faire l’objet de modifications, suivant celles opérées par

la législation. Des développements sont ainsi perceptibles quant à la place qui lui est

conférée en son sein. Un autre versant de ce propos consiste également à déterminer

dans quelle mesure le consommateur serait à même de constituer un vecteur de cette

modernité. Cette volonté d’insuffler une nouvelle dynamique ne saurait pourtant être

restreinte au seul domaine concurrentiel. Elle nécessairement amenée à s’expandre pour

toucher une sphère plus vaste, celle de l’économie dans sa dimension pleine et entière.

Quoiqu’il en soit, il semble certain que le consommateur devienne l’une des figures au

cœur des enjeux de la modernisation du processus concurrentiel.

105 F. BRUNET (dir.) et G. CANIVET (dir.), Le nouveau droit communautaire de la concurrence, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2008, p. 2.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

48

SECONDE PARTIE

LE CONSOMMATEUR, UNE FIGURE CENTRALE AU CŒUR DE

LA MODERNISATION DU PROCESSUS CONCURRENTIEL

94. - Le droit de la concurrence, ainsi que le processus qui l’accompagne, constituent

une sphère sujette à mutation. Influences étrangères, conceptions diverses et

préoccupations ponctuelles, parmi tant d’autres, seront à même de pénétrer cette

législation, dont l’application sera « manœuvrée » pour y répondre au mieux. Depuis

environ trois décennies, il est question d’une certaine modernisation du droit de la

concurrence en lien avec les acceptions de l’Ecole de Chicago notamment, ayant eu un

réel impact outre-Atlantique. Elle s’est manifestée au sein de la législation européenne

et interne par l’intégration des argumentations d’efficience économique106, en sus des

exigences propres à la structure saine des marchés.

95. - Le consommateur, en tant qu’élément indissociable du processus concurrentiel,

a pu voir sa condition évoluer, en lien avec ces nouvelles visées. Une lecture plus

économique des situations permet en effet, de tenir compte, dans l’analyse, d’autres

considérations dont celles ayant trait à ce personnage et aux problématiques qui le

touchent107. Cette sorte de renouvellement du droit de la concurrence s’est traduite à son

égard par la place parfois plus importante qui a pu lui être conférée, quoique celle-ci

connaisse toujours des variations et ne soit pas précisément établie. Cette démarche

n’est semble-t-il pas achevée et le consommateur constitue l’un des vecteurs central de

son développement. Il a ainsi à sa portée de nouvelles opportunités qui prendront cours

au sein du processus concurrentiel (Titre I). Les aspirations à une prise en compte plus

accrue de ses intérêts et à une place plus impliquée en la matière amèneraient peut-être à

faire de ce personnage particulier le sujet même d’un nouvel élan de modernité du droit

de la concurrence. Ce mouvement pourrait ainsi s’intégrer dans le cadre d’un

renouvellement de la législation pour l’établissement d’un théâtre normatif inédit, axé 106 D. BRAULT, Politique et pratique du droit de la concurrence en France, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2004, p. 741. 107 F. BRUNET (dir.) et G. CANIVET (dir.), Le nouveau droit communautaire de la concurrence, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2008, p. 623 : selon les propos de David Spector.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

49

sur les problématiques économiques et incorporant, parmi d’autres questions

essentielles, toutes les données relatives au consommateur. Ce dernier se trouverait dès

lors, face à l’émergence d’un cadre normatif dépassant le seul processus concurrentiel,

tout en consacrant les enjeux qui l’irriguent (Titre II).

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

50

TITRE I

Le consommateur face à l’émergence de nouvelles opportunités au sein

du processus concurrentiel

96. - Au sein de l’Union européenne, comme en France, le consommateur fait l’objet

de multiples attentions qui se traduisent diversement dans le droit de la concurrence.

Les pouvoirs publics ainsi que les autorités compétentes sont sensibles à sa condition et

aux intérêts qu’il peut présenter. Ils en font très largement part, sans qu’il s’avère

toutefois irréfutable que cela entraîne des effets réellement pertinents.

Le consommateur est ainsi fréquemment envisagé en tant que « cheval de bataille » du

droit de la concurrence (Chapitre 1). Cette perception s’est accrue récemment encore, si

bien qu’il serait possible d’entrevoir le consommateur en tant que nouvel acteur à part

entière de ce droit (Chapitre 2).

Chapitre 1 – Le consommateur comme « cheval de bataille » du droit de la

concurrence

97. - « Cheville ouvrière de la concurrence »108 et figure centrale en filigrane du

processus qui lui est attaché, le consommateur en constitue une donnée constante

(Section 1) dont il sera tenu compte lorsqu’il s’agira pour les entités compétentes de

définir le cadre de sa mise en œuvre. Le consommateur ne représente pas uniquement

une donnée capable de venir impacter les contours de celui-ci, il peut en outre former un

facteur au service de la législation elle-même (Section 2).

108 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 114.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

51

Section 1 – Le consommateur en tant que donnée constante de la législation

98. - « Les autorités communautaires répètent à satiété que l’objectif de la

concurrence est la satisfaction du consommateur »109, sous-entendant ainsi une politique

de la concurrence tournée vers sa protection (Paragraphe 1). Depuis quelques années, et

spécifiquement depuis l’année 2005, elle est orientée en outre, vers une meilleure prise

en compte de ses intérêts par le biais notamment, d’une volonté de renforcement et

d’effectivité des actions civiles en réparation du préjudice subi du fait d’infractions

anticoncurrentielles (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Une politique de la concurrence orientée vers la protection du consommateur

99. - Les représentants des autorités de concurrence expriment régulièrement, par le

biais de déclarations diverses, la reconnaissance apportée au consommateur, ainsi que

leur attachement à œuvrer au mieux pour ce dernier110. Cette volonté affichée a pu se

traduire, tel qu’il l’a été développé précédemment111, de manière plus concrète au

travers de l’édiction de documents cadre destinés à expliciter la politique de

concurrence définie et les enjeux qu’il serait souhaitable de favoriser. L’exemple le plus

représentatif concerne la question des gains d’efficience de certaines infractions

anticoncurrentielles ; les institutions européennes ont ainsi souhaité qu’en soient

reconnus les potentiels effets positifs au bénéfice du consommateur. Elles invitent à se

pencher sur ces derniers afin d’en tenir compte, alors que cela ne participait pas de la

philosophie initialement établie, notamment en matière d’abus de position dominante ou

de contrôle des concentrations. A cet égard, un auteur a considéré que cette progression

s’inscrivait dans un mouvement plus général conduisant l’ensemble de la politique de la

concurrence vers une approche plus centrée sur le consommateur112.

109 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et européen, 5e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2011, p. 16. 110 Voir notamment la préface de Mario Monti, ancien Commissaire chargé de la concurrence, dans une documentation spéciale des Communautés européennes, La politique de concurrence en Europe et le citoyen, 2000. 111 Supra, 65. 112 F. BRUNET (dir.) et G. CANIVET (dir.), Le nouveau droit communautaire de la concurrence, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2008, p. 624 : selon les propos de David Spector.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

52

100. - Une autre expression de l’attention qui lui est portée se vérifierait113 également

au sein d’un rapport sur la politique de concurrence 2008114 dans lequel la Commission

européenne a relevé expressément « pour la première fois, un chapitre traitant d’un

sujet considéré comme particulièrement important dans le domaine de la politique de

concurrence : ‘les ententes et les consommateurs’ » 115 . Celui-ci démontre que

l’institution comprend ces enjeux et souhaite les intégrer de manière plus explicite.

101. - Cette préoccupation qui semble s’accroître davantage constitue peut-être les

prémices d’une reconnaissance, ancrée plus formellement encore, de la protection du

consommateur en tant qu’objectif primordial, ce qui s’avèrerait nécessaire selon certains

spécialistes. A tout le moins, des auteurs s’attachent à attirer l’attention sur cette

évolution qui se veut de plus en plus palpable. Ainsi, Marie-Stéphane Payet estimait que

la modernisation du droit de la concurrence survenue avec les influences de l’Ecole de

Chicago et son objectif d’efficacité tendrait à être supplantée par une mise en avant plus

vigoureuse de la protection des intérêts du consommateur. Marie Malaurie-Vignal,

quant à elle, évoque l’expression de « consumer welfare » pour extérioriser l’idée selon

laquelle le droit de la concurrence serait au service de son bien-être et de sa

maximisation, quoiqu’elle ne nie pas la mission de protection des concurrents

performants116.

102. - Ce mouvement axé sur le consommateur s’est par ailleurs, amplifié au travers de

la question dite du « private enforcement », l’une des nouvelles priorités des autorités de

l’Union117. La Commission européenne s’est en effet, donnée pour mission la promotion

des actions civiles en réparation du préjudice subi du fait de pratiques

113 D. MAINGUY, J.-L RESPAUD, M. DEPINCE, Droit de la concurrence, coll. Manuel, Litec, 2010. 114 Comm. CE, Rapport sur la politique de concurrence 2008, 23 juil. 2009, COM(2009) 374 final. 115 Ibid., pt. 1. 116 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et européen, 5e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2011, p. 17. 117 C. PRIETO, Actions de groupe et pratiques anticoncurrentielles : perspectives d’évolution… au Royaume-Uni, Recueil Dalloz 2008, p. 232.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

53

anticoncurrentielles118, ceci afin d’en garantir une meilleure effectivité et efficacité en

faveur du consommateur notamment.

Paragraphe 2 – Une politique de la concurrence orientée vers le « private

enforcement » au service du consommateur

103. - En complément de ce qui peut être qualifié de « public enforcement »,

correspondant typiquement à la répression des violations des lois antitrust par le Réseau

Européen de concurrence, existent également les possibilités issues du « private

enforcement » dont le ressort relève des juridictions nationales de droit commun119. Les

victimes d’infractions anticoncurrentielles, dont les consommateurs font partie,

disposent en effet d’un droit d’agir afin de voir réparer le préjudice qu’elles auront

éventuellement subi de ce fait. Cette faculté a été affirmée fermement par l’actuelle

Cour de justice de l’Union européenne au travers d’une affaire dite « Courage et

Crehan »120 dans laquelle elle en dévoile notamment les caractéristiques et vertus.

104. - Quoique reconnu formellement, les actions en découlant ont suscité et suscitent

encore peu d’enthousiasme121. Afin d’y remédier, la Commission européenne a lancé

une consultation sur la question, à la suite notamment de l’émission d’un Livre vert122.

L’un des enjeux considérés était alors d’identifier les différents obstacles et étudier les

moyens les plus à même d’assurer une meilleure défense des intérêts des

consommateurs par ce biais. S’en est suivi l’établissement d’un Livre blanc 123

118 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et communautaire, 4e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2008, p. 287. 119 L. IDOT, Avant-propos, Revue Concurrences n° 2-2009 – Colloque – Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante – Paris, 13 juin 2008, site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - 2009. 120 CJCE, 20 septembre 2001, aff. C-453/99, Courage et Crehan, Rec. 2001 I-06297, pt. 24 : « tout particulier est en droit de se prévaloir en justice de la violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité, même lorsqu’il est partie à un contrat susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition ». 121 Voir notamment un Rapport du cabinet Ashurst réalisé pour la Direction Générale de la concurrence, Study on the conditions of claims for damages in case of infringement of EC competition rules, 31 août 2004. 122 Comm. CE, Livre vert, Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 19 déc. 2005, COM(2005) 672 final. 123 Comm. CE, Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 2 avr. 2008, COM(2008) 165 final.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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préconisant un objet principal de compensation et d’indemnisation124, ainsi que plus

récemment, d’un « paquet législatif private enforcement »125 composé d’un nombre

certain de documents dont une proposition de directive sur les actions en dommages et

intérêts pour infraction au droit de la concurrence126, adoptée par le Parlement européen

le 17 avril 2014. Suivant son fil conducteur, l’autorité de la concurrence de l’Union

européenne y vante la nécessité d’une « réparation effective intégrale du dommage

concurrentiel »127. Au travers d’un communiqué de presse128, cette dernière a pu se

féliciter « du vote du Parlement visant à faciliter les actions en dommages et intérêts

par les victimes de pratiques anticoncurrentielles ».

Des mesures phares ont été prévues. Ainsi, dans le cadre d’une demande en réparation,

la juridiction nationale pourra enjoindre aux entreprises de divulguer des éléments de

preuve, tout en veillant à ce que cela soit proportionné et à ce que les informations

devant demeurer confidentielles soient protégées129. De plus, une décision finale d’une

autorité de concurrence « constatant une infraction constituera automatiquement la

preuve »130 de l’existence de cette dernière, devant la juridiction de droit commun. Un

volet est également consacré à la « résolution consensuelle des litiges » entre les

entreprises et leurs victimes pour que celle-ci soit plus rapide et moins coûteuse131. Ces

nouvelles améliorations devraient permettre de renforcer les droits des victimes, et donc

124 R. BECKER, Présentation du Livre blanc, Revue Concurrences n° 2-2009 – Colloque – Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante – Paris, 13 juin 2008, site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - 2009. 125 Paquet législatif private enforcement proposé par la Commission européenne, 11 juin 2003. 126 Comm. eur., Proposition de directive du Parlement européen et du conseil relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l’Union européenne, 11 juin 2006, COM(2013) 404 final. 127 J. VOGEL et L. VOGEL, Private enforcement - Le paquet législatif prévu par la Commission pour renforcer les droits des victimes de pratiques anticoncurrentielles est-il suffisant et cohérent ?, 28 juin 2013, site Internet du blog Vogel & Vogel, http://www.vogel-vogel.com/blog/le-paquet-legislatif-prevu-par-la-commission-pour-renforcer-les-droits-des-victimes-de-pratique. 128 Comm. eur., Communiqué de presse, Ententes et abus de position dominante : la Commission se félicite du vote du Parlement visant à faciliter les actions en dommages et intérêts par les victimes de pratiques anticoncurrentielles, 1er avril 2014, IP/14/455. 129 Ibid. 130 Ibid. 131 Ibid.

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du consommateur en la matière, ainsi que de pallier aux incommodités et barrières qui

peuvent préexister.

105. - L’enthousiasme des pouvoirs publics pour un renforcement de ce droit d’agir

atteste de l’orientation de la politique de concurrence vers le consommateur et ses

intérêts. Un auteur résume parfaitement le propos en estimant que « les sanctions civiles

telles que les conçoit la Commission européenne consacrent la promotion de la victime,

et notamment du consommateur, dans un domaine n’ayant traditionnellement pas pour

finalité première la protection de celui-ci »132. A ce titre, il est même évoqué un

mouvement de « socialisation » du droit de la concurrence133 qui aurait vocation à

s’accroître davantage.

106. - Quoique l’accent soit placé sur une politique et une législation au service du

consommateur au travers de la question du « private enforcement », la préservation de

ses intérêts n’est toutefois pas la seule visée de la Commission européenne. Cette

dernière entrevoit également de promouvoir l’efficacité du processus concurrentiel en

intégrant, parmi d’autres, ce personnage en tant que donnée au service de la législation.

Section 2 – Le consommateur en tant que donnée au service de la législation

107. - Le droit de la concurrence ne saurait se détacher d’un système de sanctions

propres à en garantir la réalité des objectifs. C’est là toutes les aspirations d’un

renforcement des actions privées, soutenant l’intervention des autorités de concurrence

ainsi que des juridictions compétentes en la matière. L’arsenal législatif ainsi mis en

avant aurait pour figure de proue le consommateur (Paragraphe 1), qui deviendrait en

outre, une partie intégrante de la lutte contre les infractions anticoncurrentielles

(Paragraphe 2).

132 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116. 133 Ibid.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

56

Paragraphe 1 – Le consommateur en tant que nouvelle figure de lutte

108. - La volonté de la Commission européenne d’insister plus amplement sur les

actions privées est en quelques sortes liée à celle de poursuivre et de se concentrer sur

les pratiques anticoncurrentielles considérées comme les plus néfastes et dangereuses.

S’étant attardée davantage sur les restrictions verticales dès le début de son action, elle

se consacre désormais plus fermement aux cartels. L’établissement d’un règlement

portant sur les exemptions applicables à certaines catégories d’accords verticaux et de

pratiques concertées134 constituait semble-t-il l’une des étapes vers ce changement

d’orientation. Ce dernier serait également « une suite logique de la décentralisation

consacrée et amplifiée par le règlement n° 1/2003 et les textes qui l’accompagnent »135.

Les actions en réparation, sans omettre le « public enforcement », représenteraient ainsi

l’un des moyens de veiller à ce que certaines de ces infractions n’échappent pas en

quelque sorte au droit de la concurrence et à une répression, malgré ce détachement de

l’institution européenne. Les victimes, et donc le consommateur a fortiori, seraient ainsi

de nouvelles figures de l’effectivité et de l’efficacité de la législation, dont ils seraient

eux-aussi les garants.

109. - Ce propos est accentué par les effets de ce qui est appelé le « passing on

defence » ou règle de la transitivité du dommage136. Afin d’agir en justice aux fins de

réparation, il est nécessaire de pouvoir démontrer l’existence d’un préjudice. Or, il est

fréquent qu’un opérateur économique, victime directe d’une pratique

anticoncurrentielle, ait l’opportunité de répercuter le surcoût engendré par cette dernière

sur ses propres clients, de sorte qu’il ne subisse en réalité aucun dommage137. L’auteur

134 Comm. eur., Règlement (UE) n° 2790/1999 concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, 22 déc. 1999, JOCE 29 déc. 1999, n° L 336. 135 D. FASQUELLE et R. MESA, Livre vert de la Commission sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, Revue Concurrences, n° 1-2006, p. 33, paragraphe 1er – Doctrines – site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com. 136 C. PRIETO, Actions de groupe et pratiques anticoncurrentielles : perspectives d’évolution… au Royaume-Uni, Recueil Dalloz 2008, p. 232. 137 G. CANIVET (dir.), La modernisation du droit de la concurrence, coll. Droit et économie, LGDJ, 2006, p. 211.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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fautif pourrait dès lors exciper de ce moyen de défense afin d’échapper à une sanction.

Il semble qu’à défaut pour ledit opérateur de prouver qu’il n’ait pas procédé ainsi, ce

qui lui sera difficile, seul le consommateur final, victime souvent indirecte, serait

vraiment apte à intenter une action fructueuse. Celui-ci étant le dernier maillon de la

chaîne de l’économie, il n’est pas en mesure de transférer cette charge en aval et la

supporte entièrement, de sorte qu’il puisse valablement arguer d’un préjudice138. Le

« private enforcement » reposerait donc véritablement sur la personne du

consommateur, dès lors qu’il réunit toutes les conditions nécessaires pour agir,

contribuant ainsi à lui conférer une place grandissante au sein du processus

concurrentiel.

110. - Quoique le renforcement des actions civiles soit susceptible de présenter des

atouts considérables en faveur d’une meilleure garantie des droits du consommateur et

l’érige en nouvelle figure de lutte contre les violations, un autre intérêt majeur est

décelable. Selon la Commission européenne notamment, il serait un élément

indispensable de la crédibilité et de l’efficience du droit de la concurrence dans la

réalisation de ses objectifs, conférant au consommateur par la même occasion, un statut

d’élément intégré dans cette lutte.

Paragraphe 2 – Le consommateur en tant que nouvel élément intégré dans la lutte

111. - Les entités compétentes en matière de concurrence ont reconnu de longue date

l’utilité attachée à la mise en œuvre de la législation par la sphère privée. Dès la

décision « Courage et Crehan » 139 précitée, l’actuelle Cour de justice de l’Union

européenne avait pu estimer que le droit de demander réparation du dommage renforce

« le caractère opérationnel des règles communautaires de concurrence et est de nature

à décourager les accords ou pratiques, souvent dissimulés, susceptibles de restreindre

ou de fausser le jeu de la concurrence. Dans cette perspective, les actions en

dommages-intérêts devant les juridictions nationales sont susceptibles de contribuer

138 G. CANIVET (dir.), La modernisation du droit de la concurrence, coll. Droit et économie, LGDJ, 2006, p. 211. 139 CJCE, 20 sept. 2001, aff. C-453/99, Courage et Crehan, Rec. 2001 I-06297.

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substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans la Communauté »140. La

Commission européenne acquiesce à cette perception en relevant que grâce à la

« possibilité d’introduire effectivement une demande d’indemnisation, chaque citoyen

européen, que ce soit une entreprise ou un consommateur, deviendra plus proche des

règles de concurrence et pourra participer plus activement à leur application »141.

112. - Couplé aux actions publiques, le « private enforcement » contribuerait à part

entière à un mécanisme de dissuasion complémentaire et aboutirait, sinon à

l’élimination, du moins à la réduction des comportements répréhensibles 142 . Les

perspectives d’une intervention des autorités de concurrence, combinées à une sanction

pécuniaire supplémentaire à hauteur du préjudice subi et censée rétablir le statu quo

ante sur le marché 143 , empêcheraient les velléités de contrevenir aux règles de

concurrence. Ce système déjouerait le calcul des opérateurs économiques144 qui ne

percevraient plus les retombées illicites de leurs agissements et ne seraient ainsi plus

incités à l’infraction. Le « private enforcement » n’est donc pas seulement un outil au

service de la protection du consommateur, mais également à celle de la concurrence

elle-même145. Il s’agit ici de renforcer l’ordre public concurrentiel et d’optimiser son

efficacité.

113. - Si tant est que le « private enforcement » repose principalement sur la figure du

consommateur, en ce qu’il serait le garant de la mise en œuvre optimale de la

législation, il mettrait ainsi à contribution ce personnage au sein du processus

concurrentiel. A ce titre, un auteur évoque l’idée d’une « concurrence citoyenne » ainsi

140 CJCE, 20 sept. 2001, aff. C-453/99, Courage et Crehan, Rec. 2001 I-06297, pt. 27. 141 Comm. CE, Livre vert, Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 19 déc. 2005, COM(2005) 672 final, pt. 1.1, paragraphe 4. 142 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116. 143 F. BRUNET (dir.) et G. CANIVET (dir.), Le nouveau droit communautaire de la concurrence, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2008, p.375. 144 C. PRIETO, Actions de groupe et pratiques anticoncurrentielles : perspectives d’évolution… au Royaume-Uni, Recueil Dalloz 2008, p. 232. 145 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116.

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que d’une « démocratisation du droit »146. Le consommateur ne serait ainsi plus

seulement érigé comme simple figure de la lutte contre les pratiques

anticoncurrentielles, il en deviendrait même un élément intégré et y participant

pleinement.

114. - Il semble légitime de se demander s’il ne serait pas possible d’aller plus loin

encore, en estimant que cela tendrait à devenir un véritable pouvoir d’agir, voire un

devoir pour ce dernier, dès lors que les conditions le lui permettent, ceci afin de

concourir âprement au respect de l’ordre public concurrentiel, à l’image d’une sorte de

« police concurrentielle ». La question ne connaît encore aucune réponse, celle-ci étant

fonction des futures évolutions et résultats de cette orientation récente de la politique de

concurrence. Si ses aspirations semblent aller en ce sens, il est fort peu probable qu’une

telle métamorphose soit viable. Il s’agit plus ici d’une image symbolique donnée au

consommateur, afin de faire transparaître son importance en la matière.

115. - Quoiqu’il en soit, la Commission européenne aspire à un développement de ces

actions privées, qui tendent à conférer au consommateur une meilleure protection ainsi

qu’un rôle plus notoire au sein du processus concurrentiel. Après l’avoir élevé au rang

d’impulsion de sa politique, elle semble vouloir conforter sa nécessaire place au sein du

processus concurrentiel. De par cette sollicitation à l’action, il ne serait plus considéré

comme un simple élément de référence, cantonné à une passivité certaine, et pourrait

être perçu en tant que nouvel acteur du droit.

Chapitre 2 – Le consommateur comme nouvel acteur du droit de la concurrence

116. - « La politique de concurrence de la Commission ne se limite pas à protéger les

consommateurs des risques qu’ils encourent. Elle cherche aussi à préserver et à

stimuler leur capacité à agir sur le marché comme acteurs de la concurrence de

manière à ce qu’ils contribuent au processus concurrentiel. Garantir que le

consommateur est apte à faire des choix qui peuvent peser sur le comportement des

146 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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entreprises c’est aussi garantir un fonctionnement concurrentiel des marchés. En

conclusion, la Commission européenne et ses services chargés de la concurrence ont

beaucoup à attendre des consommateurs et de leurs organisations »147. Dès les débuts

de ce questionnement au regard du potentiel du consommateur, la Commission

européenne a pu identifier les enjeux majeurs qui s’en dégageaient. A travers cette

réflexion énoncée par Mario Monti148, elle attire l’attention sur les capacités du

consommateur qu’elle saurait mettre en exergue.

117. - En outre, par le biais de sa promotion, elle ne se contente pas d’exprimer les

bienfaits du « private enforcement », elle énonce également les procédés permettant de

parvenir à sa réalisation pleine et entière. Elle détermine ainsi les moyens susceptibles

d’être renforcés, repensés ou à mettre en place pour que cette nouvelle orientation porte

ses fruits. Parmi eux, figure notamment le déploiement de recours collectifs, sorte de

voie procédurale inspirée des « class-actions » américaines et purgées des vices que ces

dernières présentes outre-Atlantique. Ceux-ci constituent un nouvel arsenal législatif au

profit du consommateur notamment et en faveur de son action (Section 1). Malgré les

bénéfices allégués, il convient de reconnaître que cette technique présente toutefois des

perspectives versatiles (Section 2).

Section 1 – Un nouvel arsenal législatif en faveur de l’action du consommateur

118. - Le droit d’agir des victimes de pratiques anticoncurrentielles est reconnu de

longue date149. Il apparaît pourtant qu’il soit rarement mis en œuvre notamment par le

consommateur, ceci pour diverses raisons tenant notamment aux faiblesses du régime

des systèmes qui lui sont mis à disposition. Les actions collectives qui viennent d’être

évoquées constitueraient un moyen plus attractif et surtout plus efficace ; le droit interne

français en ayant pris acte. Si l’opportunité d’introduire un tel procédé de regroupement

147 Voir notamment la préface de Mario Monti, dans une documentation spéciale des Communautés européennes, La politique de concurrence en Europe et le citoyen, 2000. 148 Mario Monti, ancien Commissaire chargé de la concurrence. 149 CJCE, 13 juill. 2006, aff. C-295/04 à C-298/04, Manfredi, Rec. 2006 I-06619, pt. 63 : « l’article 81 CE doit être interprété en ce sens que toute personne est en droit de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par cet article et, lorsqu’il existe un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice subi, de demander réparation dudit préjudice ».

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des victimes a été soutenue plusieurs fois, cela n’avait pu véritablement aboutir, ou de

manière très insatisfaisante. La récente loi dite « Loi Hamon »150 a semble-t-il changé la

donne en instituant un nouvel arsenal juridique. Il s’agira dès lors, dans le cadre de ce

propos, d’étudier les tenants du « private enforcement » au travers de l’exemple français

de l’action de groupe, également reconnue en matière concurrentielle. Celle-ci

constituerait tant un vecteur de nouveauté pour le consommateur (Paragraphe 1) que le

vecteur d’une redéfinition de son rôle au sein du processus concurrentiel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – L’action de groupe en matière concurrentielle, vecteur de

nouveauté pour le consommateur

119. - Dans son Livre vert151, la Commission européenne a pu reconnaître le sous-

développement patent des systèmes encadrant les demandes d’indemnisation. En

France, comme dans les autres Etats membres, le consommateur ne peut donc profiter

d’un traitement efficace, ce à quoi il contribue par ailleurs, de par une manifestation

timide en la matière (I). Afin d’inverser cette tendance, la mise en place de l’action de

groupe prête à un développement des réactions du consommateur (II).

I – Une manifestation jusque là timide du consommateur :

120. - La détermination du consommateur à faire valoir ses droits ainsi que de s’assurer

de leurs respects face à un professionnel ne relève pas, dans les faits, de l’évidence et

cela se vérifie dans de nombreux domaines. Il est en effet, confronté à des barrières tant

psychologiques qu’économiques 152 qui l’empêchent d’estimer avec raison tous les

enjeux que cela représente pour lui. Il convient tout d’abord de relever que la matière

juridique ainsi que la justice en elle-même ne sont pas forcément son apanage. Il n’est

pas toujours le mieux armé face aux litiges, notamment ceux ayant trait à la sphère dans

laquelle il a vocation à exercer son influence, la consommation de biens et de services.

150 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JORF n° 0065, 18 mars 2014, p. 5400. 151 Comm. CE, Livre vert, Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 19 déc. 2005, COM(2005) 672 final. 152 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, 8e éd., coll. Précis Droit privé, Dalloz, 2010.

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A plus forte raison, le sera-t-il encore moins dans le cadre du droit de la concurrence,

domaine caractérisé par sa technicité et ses conceptions parfois pointilleuses. Il est en

outre, face à des difficultés d’ordre pécuniaire, une action pouvant engendrer des frais

supérieurs au profit éventuellement retiré, ce qui n’est guère propice à l’incitation. Cet

effet participe par la même occasion aux faiblesses du « private enforcement » et donc

de la dissuasion des opérateurs des entreprises dans la pratique de restrictions de

concurrence. Un dernier point, et non des moindres, tient au fait que la matière

concurrentielle est spécifique, les consommateurs ne percevant pas toujours leur

préjudice ou la teneur de ce dernier. C’est la raison pour laquelle il est qualifié de

dommage diffus, de petite ampleur certes, mais qui combinés engendrent une rente

confortable pour l’auteur de la violation du droit. A cela s’ajoute encore la difficulté

ayant trait à sa détermination. Celle-ci peut s’avérer délicate dans la mesure où ses

intérêts n’ont pas été définis expressément, et qu’une atteinte pourra se traduire sous

diverses formes.

121. - Il est manifeste par ailleurs, que les actions mises en place ne sont guère

efficaces. Les semblants de recours « groupés » qui prévalaient jusque là se sont révélés

inadaptés et inusités dans le cadre des litiges relevant du droit de la concurrence. Les

actions engagées dans l’intérêt collectif des consommateurs par les associations de

consommateurs ne sauraient être perçues comme tels. Et l’action en représentation

conjointe153, quant à elle, sorte de recours « collectif » non abouti, est un véritable échec.

Son mécanisme est encore trop complexe pour être vraiment engageant et optimal. Sa

mise en œuvre semble malaisée concernant les infractions anticoncurrentielles, les

victimes étant généralement en grand nombre, pour un préjudice diffus, et pour laquelle

l’exigence d’un mandat de chaque consommateur est un standard bien trop élevé. La

gestion de celui-ci est bien trop lourde dans la mesure où cela suppose une information

préalable du consommateur et que les conditions de publicité sont fort restreintes. S’y

153 Article L. 422-1 du code de la consommation : « Lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d’un même professionnel, et qui ont une origine commune, toute association agréée et reconnue représentative sur le plan national en application des dispositions du titre Ier peut, si elle a été mandatée par au moins deux des consommateurs concernés, agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces consommateurs. Le mandat ne peut être sollicité par voie d’appel public télévisé ou radiophonique, ni par voie d’affichage, de tract ou de lettre personnalisée. Il doit être donné par écrit par chaque consommateur ».

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ajoute également, en quelque sorte, l’absence de concours des juridictions nationales sur

ce point. Preuve en a été le « naufrage » de l’action intentée par une association suite

aux affres de trois grands opérateurs téléphoniques sur le marché et à leur condamnation

par l’ancien Conseil de la concurrence pour entente illicite154. Une chambre civile de la

Cour de cassation155 avait ainsi approuvé une cour d’appel qui avait constaté que ladite

association « était, en réalité, l’initiatrice de la procédure », qu’elle « savait ne pouvoir

agir en introduisant l’instance » et qu’elle s’était « efforcée d’organiser et d’orchestrer

l’assignation et les interventions volontaires des abonnés au mépris des interdictions de

démarchage et d’appel au public qui y faisaient obstacle ». Elle a ainsi jugé que la

juridiction de second degré avait « exactement retenu [ que l’association ] n’avait pas

respecté les dispositions de l’article L. 422-1 du code de la consommation lequel, [ … ]

prohibe notamment tout appel public par moyen de communication de masse ou par

lettre personnalisée »156.

122. - La situation propre du consommateur, additionnée aux carences des moyens

d’agir, explique le peu d’engouement constaté. Ces raisons ont fait apparaître nécessaire

une amélioration sur ce terrain, qui semble être intervenue avec l’action de groupe,

censée sensibiliser le consommateur et favoriser son implication.

II – Une manifestation espérée du consommateur :

123. - L’action de groupe introduite à l’article L. 423-1 du code de la consommation157

constitue une grande innovation, porteuse de débouchés pour le consommateur. Le

schéma propose l’intervention d’une association de consommateur agréée, représentant

les intérêts individuels des victimes de professionnels à l’occasion de la vente de biens

ou de la fourniture de services notamment, le tout reposant sur un mécanisme dit

154 Cons. conc., Déc. n° 05-D-65 du 30 novembre 2005, relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile. 155 Civ. 1ère, 26 mai 2011, n° 10-15676, Bull. civ. I. 156 Ibid. 157 Article L. 423-1 du code de la consommation, alinéa 1er : « Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L.411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles ».

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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d’« opt-in ». Le système a été pensé pour pallier aux insuffisances régnant auparavant

en la matière. Ainsi, il est présumé que le consommateur ne se sentira plus seul à agir

face à l’adversité de la justice et que les coûts imputables seront partagés, donc

moindres, pour un profit et une réparation jugées plus importantes et intéressantes que

par avant. De plus, l’association pourra engager une action par elle-même, sans qu’il ne

soit besoin d’un quelconque mandat préalable des victimes souhaitant agir, ceci

présentant un avantage considérable au regard des violations faite au droit de la

concurrence. Ce nouveau recours serait donc parfaitement à même de fédérer l’action

des consommateurs.

124. - Ceci ne constitue pas le seul atout de la « Loi Hamon », qui a également le

mérite de reconnaître expressément l’existence d’un préjudice concurrentiel. L’article

L. 423-1 du code de la consommation couvre les manquements de professionnels à leurs

obligations légales ou contractuelles « à l’occasion de la vente de biens ou de la

fourniture de services » 158 ainsi que les préjudices résultant « de pratiques

anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles

101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » 159 . Le

consommateur pourra dès lors, manœuvrer avec les notions d’ententes entre entreprises,

d’abus de position dominante et d’abus de dépendance économique, les préjudices issus

du fait d’une concentration d’entreprises ou d’une aide d’Etat n’étant a priori pas

concernés160.

125. - Il s’agit ici d’un véritable bouleversement. Cette reconnaissance permet tout

d’abord d’admettre sans détour que le consommateur puisse être une véritable victime

directe de ces violations au droit de la concurrence, déjouant ainsi l’argument contraire

qui aurait pu être émis par les entreprises contrevenantes notamment. Elle permet de

surcroît, de concéder que la notion de « dommage causé à l’économie » n’intègrerait pas

d’emblée l’atteinte portée aux intérêts du consommateur. Ce dernier est donc en mesure

de faire valoir le préjudice subi, en toute autonomie, sans qu’il puisse être argué que

158 Article L. 423-1, al. 1er, 1° du code de la consommation. 159 Article L. 423-1, al. 1er , 2° du code de la consommation. 160 M. DEPINCE et D. MAINGUY, L’introduction de l’action de groupe en droit français, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, n° 12, LexisNexis, 20 mars 2014, 1144.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

65

l’Autorité de la concurrence le prendrait déjà en compte lors de l’évaluation de la

sanction potentiellement infligée. A ce titre, si certains dénoncent une double peine,

d’autres reconnaissent que la sanction civile ne saurait s’ajouter à la répression, les

chefs de condamnation étant distincts161. Si un tel argument pouvait prospérer, cela

signifierait en quelque sorte que le consommateur serait indemnisé du fait de la

cessation de la pratique litigieuse, sans pour autant percevoir une réparation directe162.

126. - Quoique le droit d’agir en matière de concurrence était déjà reconnu, affirmer de

manière franche l’existence d’un préjudice concurrentiel et favoriser ce nouvel outil de

défense dans ce domaine revêt en quelque sorte un caractère symbolique et précieux

quant à la place du consommateur au sein du processus concurrentiel.

127. - Tout semble avoir été prévu afin de faire en sorte que le consommateur soit

réellement dans la capacité de faire valoir ses droits et d’assurer sa protection. Cela lui

permettrait également de participer au rendement du « private enforcement » et ainsi de

l’efficacité du droit de la concurrence et du respect de l’ordre public concurrentiel, tel

que l’envisageait la Commission européenne. L’action de groupe n’est pas uniquement

un apport de nouvelles opportunités pour le consommateur, elle amènerait également à

redéfinir de manière effective son rôle au sein du processus concurrentiel ; celui-ci étant

dans la possibilité de devenir un acteur légitime163 de la mise en œuvre de la législation.

Paragraphe 2 – L’action de groupe en matière concurrentielle, vecteur d’une

redéfinition du rôle du consommateur

128. - La volonté de la Commission, qui a servi d’assise supplémentaire à l’intégration

de l’action de groupe en droit interne, a été de faire en sorte que le consommateur ait

plus de poids et puisse devenir acteur de la protection du libre jeu de la concurrence, de

la protection des marchés et ainsi de sa propre protection et de son bien-être in fine.

161 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116. 162 M. DEPINCE et D. MAINGUY, Pour l’action de groupe en droit français, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 20, LexisNexis, 16 mai 2013, act. 355. 163 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

66

Cette capacité de pouvoir œuvrer de la sorte a été reconnue à maintes reprises tant par

les autorités de la concurrence que par les autres organes compétents à intervenir, tel

qu’il l’a déjà été évoqué précédemment. A ce titre, l’ancien Conseil de la concurrence

avait pu relever que « les actions privées en général et les mécanismes d’action de

groupe en particulier peuvent contribuer à renforcer l’efficacité de la régulation

concurrentielle en faisant de la victime et particulièrement du consommateur un

véritable acteur et un allié des autorités publiques dans la lutte contre les pratiques

anticoncurrentielles »164. Il est allégué que le consommateur se retrouverait ainsi apte à

faire sanctionner plus amplement les entreprises contrevenantes, tout en participant à les

dissuader d’adopter des comportements en violation de la loi. Plus incités à agir, plus

nombreux et regroupés, les perspectives de « rentes supra-compétitives »165 seront

moins certaines et probablement annihilées, si tant est que l’action collective soit

effectivement mise en œuvre et utilisée à bon escient.

129. - Dans la forme, la « Loi Hamon » a souhaité que le rôle du consommateur soit

conforté, à l’image des acceptions de la Commission européenne notamment. Celui-ci,

qui était certes un élément irriguant le droit de la concurrence du fait de son évocation

fréquente de-ci, de-là et qui disposait de menus moyens d’interagir en la matière,

pourrait voir sa place redéfinie et nécessairement s’élever au rang d’acteur du droit. Il

disposerait d’un nouveau pouvoir pour lui-même tout d’abord, mais également au

service de la législation, en supplément des poursuites de l’Autorité de la concurrence,

pour une capacité d’action contre les infractions qui serait décuplée, concourant ainsi à

l’ordre public concurrentiel.

130. - A ce sujet, certains auteurs166 ont été interloqués et ont relevé un point particulier

en lien avec l’une des répercussions du « private enforcement » dans le droit antitrust

américain. Aux différents moments où l’introduction d’une action collective a été

envisagée et discutée, ils se sont montrés dubitatifs quant à la portée qui aurait pu lui

164 Cons. conc., Avis du 21 septembre 2006, relatif à l’introduction de l’action de groupe en matière de pratiques anticoncurrentielles, 21 septembre 2006, p. 9, pt. 29. 165 F. BRUNET (dir.) et G. CANIVET (dir.), Le nouveau droit communautaire de la concurrence, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2008, p. 375 : selon les propos d’Antoine Winckler. 166 Voir notamment Jérôme Philippe, Aude Guyon, Ivan Gurov ou encore Marie Malaurie-Vignal.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

67

être conférée en France. Il apparaît en effet, et particulièrement aux Etats-Unis, que

chaque victime d’une pratique anticoncurrentielle puisse devenir un « private attorney

general »167, sorte de procureur de la République tel qu’il est connu en droit interne

français, mais relevant de la sphère strictement privée. Si ceci semble partir d’une bonne

volonté, notamment au regard du consommateur, afin d’axer sa démarche vers un cadre

plus intimidant, voire coercitif pour le bien de la concurrence, cela ne relèverait

toutefois pas de son ressort. Il est envisageable et souhaité que le consommateur

s’intéresse de façon plus approfondie à cette législation spécifique et participe à la

réalisation de ses objectifs, ceci lui étant jugé profitable in fine. Ce glissement de sa

position serait toutefois fort extrême, et cela ne serait pas son rôle168. Il est intéressant ici

de s’interroger sur la possibilité et l’opportunité de voir se reproduire un tel schéma par

le biais de l’action de groupe récemment instituée. Les autorités de l’Union européenne

semblent aspirer en quelque sorte à cette vision, sans pour autant que le degré

d’implication du consommateur voulu par ces dernières soit précisément déterminable.

Quoiqu’il en soit, cette interrogation présente aujourd’hui une importance plus relative

dans la mesure où le régime du recours collectif tel qu’institué en France n’est pas

parfaitement analogue à celui prévalant au sein du droit américain. Par ailleurs, l’action

de groupe sera organisée par des associations de consommateurs agréées et non de

manière directe par le consommateur victime, si bien qu’il semble quelque peu malaisé

d’établir un parallèle avec la notion de « procureur ».

131. - S’il est ardemment escompté que le consommateur devienne une figure active

légitime et incontournable du processus concurrentiel par le biais de la mise en œuvre

de l’action de groupe, il convient toutefois de ne pas prétendre à des affirmations trop

hâtives. Ce nouveau moyen n’en est qu’à ses toutes premières heures ; ses résultats ne

peuvent être qu’espérés sans pour autant être vérifiés d’emblée. Par devant, ses effets

seront sans doute versatiles non seulement du fait de leur méconnaissance, mais

également du fait de quelques détails qui se doivent d’être relevés.

167 G. CANIVET (dir.), La modernisation du droit de la concurrence, coll. Droit et économie, LGDJ, 2006, p. 210. 168 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et européen, 5e éd., coll. Sirey Université, Dalloz, 2011, p. 290.

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68

Section 2 – Un nouvel arsenal législatif aux effets versatiles

132. - Le recours collectif tel qu’établi par la « Loi Hamon » présente inévitablement

des avantages pour le consommateur et demeure pleins de promesses. Par certains

aspects toutefois, relevant de la configuration de ce dispositif ainsi que du contexte dans

lequel il s’insère, notamment en matière concurrentielle, il est permis d’émettre

certaines réserves. Les velléités de faire de ce personnage un acteur, exerçant une réelle

influence et participant effectivement au respect de l’ordre public concurrentiel, par le

biais de l’action de groupe, peuvent être relativisées.

133. - Il ne saurait être oublié en effet, que le consommateur reste un « élément »

foncièrement en dehors de la matière législative, voire de la matière juridique en

général. Il est nécessairement restreint par ses propres limites (Paragraphe 1). Quoique

l’action de groupe constitue une innovation, le régime dont elle relève ne semble pas

sans failles, de sorte que le consommateur se trouve confronté aux barrières de la

législation elle-même (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Le consommateur confronté à ses propres limites

134. - Le consommateur est avant tout un personnage particulier (I), dont la mission est

d’être la boussole de l’économie, de par sa fonction première de consommation de biens

et de services sur les marchés. A ce titre, il ne dispose guère de moyens étoffés et

originaux afin de prendre part au processus concurrentiel notamment (II).

I – Le consommateur en tant que personnage particulier

135. - Les autorités de l’Union européenne tout comme les autorités nationales ont

pour volonté de faire du consommateur un allié tangible dans la dissuasion et la

poursuite des pratiques anticoncurrentielles. A ce titre, il est légitime de s’interroger sur

le caractère véritablement réalisable de cette acception. Il n’est pas fondamentalement

intéressé et intégré de manière particulière dans le domaine des pratiques

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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anticoncurrentielles et dans le contexte de leurs répressions. En somme, se rendrait-il

compte du potentiel qui semble vouloir lui être assigné et de l’œuvre à laquelle il

contribuerait en la matière par sa démarche via l’action de groupe ? Une telle attente du

consommateur n’est guère innée. Il ne s’agit pas ici de dire que celui-ci n’aurait pas les

capacités de comprendre ces enjeux, mais cela ne relève certainement pas de l’évidence.

L’affirmation sans détours de ce que le consommateur deviendrait par lui-même et en

toute connaissance de cause l’un des acteurs majeurs du processus concurrentiel est une

conception quelque peu extrapolée.

136. - Si ce nouvel arsenal législatif donne de nouvelles opportunités au consommateur

et une nouvelle impulsion en faveur de son bien-être, il faut toutefois noter qu’il reste

une action en justice. Les considérations qui ont été évoquées précédemment169, quant

aux difficultés connues par le consommateur face à la matière judiciaire en elle-même,

pourraient éventuellement être réitérées ici. L’intervention des associations de

consommateurs, combinée au procédé propre mis en place, est indéniablement un

meilleur moyen que ceux connus auparavant pour fédérer l’action des consommateurs.

Sachant qu’ils ne seront probablement pas les seuls à agir face à un ou des

professionnels contribue peut-être à les rassurer, mais est-ce que cela sera suffisant pour

que l’effet escompté puisse être vérifié dans les faits ? Le consommateur n’en sera pas

forcément plus déterminé à se manifester ou du moins pas à la hauteur prétendument

espérée, les obstacles économiques cédant ici plus facilement que les barrières

psychologiques sous l’effet de l’action de groupe.

137. - Cela est d’autant plus vraisemblable, il est nécessaire de le rappeler, que la

matière concurrentielle est spécifique et pétrie de notions qu’il n’est pas toujours aisé de

saisir. Son action au sein du processus est donc nécessairement bornée par une

complexité certaine du contexte. Il serait paradoxal de le considérer comme une figure

active de premier plan, voire comme une sorte de procureur privé en référence à ce qui a

pu être suggéré auparavant170, dans la mesure où il ne dispose pas du bagage nécessaire

pour en apprécier les fondements. Certes, il n’a jamais été demandé au consommateur

169 Supra, 120. 170 Supra, 130.

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70

de devenir un « incollable » du droit de la concurrence, mais il semble toutefois malaisé

de pouvoir lui attribuer cette mission dans une telle configuration. Cela se vérifie

d’autant plus qu’il est constamment confronté à des moyens restreints.

II – Le consommateur en tant que personnage aux moyens restreints

138. - Il convient de se demander si l’action de groupe est le moyen le plus adapté

permettant d’attacher une telle fonction au consommateur. Selon le dispositif mis en

place, il est vrai qu’il pourra en quelque sorte « donner l’alerte » en informant une

association de consommateur de faits, problèmes ou dysfonctionnements de marché

qu’il pourrait percevoir, à la condition toutefois qu’il puisse en avoir la connaissance

préalable. En ce sens, il pourrait se montrer comme un allié du « public enforcement »,

dans une mesure relative il faut le concéder, mais éventuellement supérieure à

auparavant.

139. - Par ailleurs, après que le juge ait statué sur la responsabilité du professionnel en

cause, donné les modalités de constitution du groupe et renseigné sur les mesures de

publicité adéquates à opérer, le consommateur, en se manifestant pour une réparation

effective de son préjudice, participera à la répression aux côtés du « public

enforcement ». Il y prendra part certes, mais de façon plus ou moins timide en ce sens

qu’il n’exercera pas véritablement un agissement direct sur celle-ci. Il est envisageable

que le consommateur soit perçu comme un acteur du processus concurrentiel, mais il ne

faut pas s’y méprendre quant aux contours de la définition à donner à ce terme. Il peut

être acteur sans pour autant être sur le devant de la scène ; il y a fort à parier que celui-ci

sera bien plus en retrait qu’il ne l’était imaginé initialement.

140. - En ce qui concerne sa protection en revanche, il semble plus raisonnable de

pouvoir prévoir que l’action de groupe portera ses fruits dans la mesure escomptée. Il

reste néanmoins un point qui permettrait de contrebalancer quelque peu ce propos. Afin

d’espérer une action couronnée de succès, la victime devra au préalable apporter la

preuve de son préjudice, ce qui pourra s’avérer délicat pour sa part. Il faut ici concéder

que le consommateur, en tant que particulier notamment, ne dispose pas nécessairement

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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des outils lui permettant d’établir forcément le préjudice résultant d’une pratique

anticoncurrentielle. Cela requiert également des moyens sur lesquels il n’aura pas

nécessairement la mainmise. Les associations de consommateurs, même si

potentiellement mieux organisées et ayant accès à d’autres instruments, n’en sont pas

forcément mieux armées. Quant à l’évaluation du préjudice par le juge, préjudice

individuel de surcroît, la tâche ne s’avèrera pas aisée dans bons nombres de situations.

D’autant plus que l’appréhension des intérêts du consommateur en la matière n’est pas

clairement définie, quoique le régime de l’action de groupe ne prévoit une réparation

possible que pour les préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels. Il aurait

pu être prévu que les autorités de concurrence apportent une appréciation sur ce point,

afin de faciliter ladite évaluation, quoique la logique propre du « public enforcement »

ne porte pas sur des préoccupations indemnitaires171.

141. - Par son comportement à l’égard de l’action de groupe et sa volonté de s’assurer

du respect de ses droits à l’encontre d’un professionnel qui aura pu y porter atteinte, le

consommateur pourra en sus, participer aux objectifs du « public enforcement », en ce

qu’il contribuera à assigner une peine pécuniaire supplémentaire aux entreprises

transgressantes. C’est dans cette acception qu’il est possible de l’évoquer en tant qu’un

« acteur » du processus concurrentiel. Il y bénéficiera certes d’une position plus ancrée,

plus solide qu’antérieurement, sans pour autant qu’il faille aller trop loin dans cette

perspective. En outre, il faudra encore examiner si les propos tenus dans les textes et les

vœux exprimés à cet égard se vérifieront dans les faits.

A ces réflexions fondées sur les inconvénients liés à la personne du consommateur

s’ajoute également une introspection attachée aux barrières posées par la législation

elle-même.

171 M. DEPINCE et D. MAINGUY, L’introduction de l’action de groupe en droit français, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, n° 12, LexisNexis, 20 mars 2014, 1144.

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Paragraphe 2 – Le consommateur confronté aux barrières de la législation

142. - Quoiqu’il s’agisse d’un énième rappel, les autorités nationales et de l’Union

européenne ont fait valoir le poids considérable qu’aurait le consommateur dans la

croisade contre les pratiques anticoncurrentielles, par le jeu de son action. Il est légitime

de se demander si l’action civile des victimes est un instrument approprié de cette

lutte172, notamment celle instituée par la « Loi Hamon » en droit interne. Si l’effort porte

sur la détermination de faire du consommateur un véritable acteur du processus

concurrentiel pour un effet de dissuasion des comportements malhonnêtes de

professionnels et ainsi pour garantir l’efficacité du droit, il serait essentiel de lui

conférer des moyens adaptés à sa condition et qui contiendrait le moins de failles

possibles. Il semble que ce soit uniquement dans ces circonstances que la volonté des

autorités pourrait se réaliser et que le consommateur pourrait devenir un acteur,

réellement gardien et partie intégrante du respect de l’ordre public concurrentiel. Or, il

apparaît que le régime propre à l’action de groupe, tout comme celui attaché aux recours

prévalant jusque là, fasse état de quelques faiblesses sur ce point. L’aspect dissuasif

voulu ne semble pas avoir été envisagé de manière optimale (I), tandis que l’interaction

avec le « public enforcement » pourrait ne pas être totalement aboutie (II).

I – Un aspect dissuasif amputé

143. - « La première des vertus de l’action de groupe ‘à la française’ devrait d’ailleurs

être son effet dissuasif : enfreindre la loi sera plus coûteux que de la respecter »173.

Concernant cet aspect, concentré au final sur le consommateur, un point du dispositif de

l’action de groupe est parfaitement singulier. Afin de développer ce propos, une

comparaison avec le régime des actions civiles en responsabilité établi aux Etats-Unis

semble pertinent. L’aspect décourageant de ces dernières pour les opérateurs

contrevenant est réellement assuré par la possibilité d’infliger des « treble damages »,

172 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116. 173 B. HAMON, Benoît HAMON : Un droit de la consommation plus efficace pour une économie plus compétitive, Revue Concurrences n° 2-2013, pp. 7-11 – Interview – site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - 2013.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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encore qualifié de « dommages et intérêts triples »174, en sus d’une réparation intégrale

du préjudice subi par les victimes. L’optique d’une poursuite par le droit antitrust,

conjuguée avec un recours permettant une compensation du dommage ainsi qu’une

sanction pécuniaire supplémentaire, qui peut correspondre jusqu’à trois fois le montant

des dommages actuels subis, est semble-t-il à même de décourager les violations de ce

dernier. L’efficacité de la législation est donc plus grande, ce qui par la même occasion

confère aux victimes un rôle présentant un enjeu plus important dans la balance

répressive.

Cette faculté n’a pas été introduite au sein de l’action de groupe en France ; seule une

réparation intégrale du préjudice individuel 175 subi ayant été prévue. Ce fait est

notamment lié à l’appréciation donnée par la Commission européenne, du mécanisme le

plus approprié pour les recours collectifs. Dans sa promotion du « private

enforcement », elle a souhaité proscrire de tels dommages et intérêts, cela partant

notamment d’une volonté d’imposer un garde-fou176 à leur mise en œuvre. L’image

perceptible aux Etats-Unis des dérives des « class-actions » a semble-t-il eu raison de la

mise en place de ce schéma, et la « Loi Hamon » a pu en prendre acte également.

144. - Son absence peut être déplorée pour une action qui se voudrait véritablement

dissuasive. En adoptant un comportement répréhensible, une entreprise pourra se

ménager une situation de surprofit considérable 177 , au détriment notamment du

consommateur. Quoique l’action de groupe permette une réparation intégrale du

préjudice subi, il n’est guère irréfutable que le gain illicite soit totalement annihilé par

cette dernière. Il n’est pas certain, en effet, que toutes les victimes se manifesteront.

Quand bien même cela serait le cas, leur préjudice est potentiellement de faible valeur

174 G. CANIVET (dir.), La modernisation du droit de la concurrence, coll. Droit et économie, LGDJ, 2006, p. 208. 175 M. DEPINCE et D. MAINGUY, L’introduction de l’action de groupe en droit français, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, n° 12, LexisNexis, 20 mars 2014, 1144. 176 J. VOGEL et L. VOGEL, Private enforcement - Le paquet législatif prévu par la Commission pour renforcer les droits des victimes de pratiques anticoncurrentielles est-il suffisant et cohérent ?, 28 juin 2013, site Internet du blog Vogel & Vogel, http://www.vogel-vogel.com/blog/le-paquet-legislatif-prevu-par-la-commission-pour-renforcer-les-droits-des-victimes-de-pratique. 177 M. DEPINCE et D. MAINGUY, L’introduction de l’action de groupe en droit français, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, n° 12, LexisNexis, 20 mars 2014, 1144.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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de sorte que la rente perçue par l’entreprise pourrait tout autant demeurer supérieure

pour un effet décourageant moindre. L’imposition de dommages et intérêts punitifs,

comme celle d’un « reliquat visant à confisquer le surprofit réalisé »178, aurait pu

constituer une mesure de sûreté appréciable et permettre de conférer au consommateur

un moyen d’intervention à hauteur du rôle que souhaiterait lui attribuer les autorités. Par

ce biais, l’action exercée aurait pu être entrevue comme une « action en sanction d’un

comportement illégal »179, et ainsi comme une véritable « action de citoyen »180.

145. - La question de la dissuasion n’est pas nouvelle et il s’agissait déjà d’une

difficulté que l’on concevait par avant. Il aurait toutefois pu en être attendu un peu plus

de la « Loi Hamon » sur ce point. A ce sujet, un autre élément mérite d’être relevé,

concernant la complétude entre le « public » et le « private enforcement », et entre leurs

entités compétentes respectives.

II – Un aspect interactif perplexe avec le « public enforcement »

146. - En vertu du régime prévu par l’action de groupe, « lorsque les manquements

reprochés au professionnel portent sur le respect des règles définies au titre II du livre

IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de

l’Union européenne, la responsabilité du professionnel ne peut être prononcée dans le

cadre de l’action mentionnée à l’article L. 423-1 que sur le fondement d’une décision

prononcée à l’encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou

de l’Union européenne compétentes, qui constate les manquements et qui n’est plus

susceptible de recours pour la partie relative à l’établissement des manquements »181.

Le procédé dit de l’action en « follow on » ou « action de suivi » semble avoir été

privilégié ici. Il est en outre ajouté que « dans ces cas, les manquements du

professionnel sont réputés établis de manière irréfragable »182.

178 M. DEPINCE et D. MAINGUY, L’introduction de l’action de groupe en droit français, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, n° 12, LexisNexis, 20 mars 2014, 1144. 179 M. DEPINCE et D. MAINGUY, Pour l’action de groupe en droit français, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 20, LexisNexis, 16 mai 2013, act. 355. 180 Ibid. 181 Article L. 423-17, al. 1er du code de la consommation. 182 Article L. 423-17, al. 2nd du code de la consommation.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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147. - Cette possibilité présente un réel avantage pour le consommateur dans le cadre

de cette action, le manquement suffisant « à constituer la faute constitutive du fait

générateur de responsabilité » 183 . La preuve de l’existence d’un comportement

répréhensible n’en est que facilitée, allégeant ainsi les difficultés qui auraient été

rencontrées par les associations et les consommateurs, ainsi que par le juge de droit

commun. Les deux premiers ne détiennent pas en effet, ou en faible proportion, le

bagage juridique suffisant à cette fin, ni les moyens adaptés, de nature plus pénale.

148. - Ce système particulièrement avantageux présente tout de même un inconvénient.

Il paraît ici impossible d’obtenir une réparation lorsque les autorités de concurrence

n’auront pas constaté la violation d’une règle, notamment si quoiqu’une pratique existe,

elle soit d’une importance mineure pour que puisse être établie une véritable restriction

à la concurrence. Celle-ci aura tout de même pu causer une atteinte à l’intérêt du

consommateur, de sorte qu’une réparation devrait être envisageable. Il pourrait toutefois

être rétorqué ici qu’il serait fort difficile pour les victimes de prouver tant le

comportement répréhensible, que la réalité et la teneur du préjudice invoqué et ce pour

les raisons qui viennent d’être évoquées auparavant.

149. - Un autre point suscitant la perplexité mérite d’être évoqué, quoiqu’il ne soit pas

nécessairement propre à l’action de groupe « à la française ». Ce propos renvoie

particulièrement à la problématique des moyens alternatifs de lutte contre les violations

faites au droit de la concurrence et à leur conciliation avec le « private enforcement ».

Aucune disposition ne semble avoir été prévue expressément en la matière, notamment

concernant la procédure de clémence, procédure permettant à une ou plusieurs

entreprises parties à une entente de la dénoncer en vue d’obtenir une exonération totale

ou partielle de sanction. Quant à l’action de groupe, les manquements auront pu être

établis dans un tel cadre, de sorte qu’elle aurait tout à fait vocation à entrer en jeu de

manière fructueuse.

183 A.-S. CHONE-GRIMALDI, Avant-projet de loi « Hamon » : Les apports en droit de la concurrence, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 15, 11 avril 2013, act. 265.

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150. - Si cela ne s’avérait pas être le cas, l’une des controverses majeures en la matière,

qui se ressent au sein de la majorité des législations, se porte sur le refus patent

d’imposer une communication des documents, pièces et preuves dont les autorités de

concurrence auront pris connaissance à ce titre. Cela ne contribue guère à ménager

l’établissement de la preuve par les victimes et ne favorise pas une véritable interaction

entre les tenants de la sphère publique et ceux de la sphère privée. La carence ici

évoquée, si elle apparaît incongrue au regard des velléités d’une meilleure protection et

action des victimes, est toutefois compréhensible dans le cadre de ces systèmes annexes,

dont l’apparition fut la bienvenue pour une détection et une cessation plus accrue des

pratiques anticoncurrentielles. Les renseignements détenus par les autorités présentent

un caractère confidentiel qui se doit d’être maintenu, dans le but de préserver leur

efficacité. Les écrits et éléments auto-incriminant ne devraient pas être divulgués184, au

risque de rendre le recours à la procédure de clémence moins attractif. Les entreprises

qui bénéficieraient d’une immunité ou d’une réduction de sanction à ce titre, pourraient

alors se voir condamnées à verser des dommages et intérêts, ce qui ne saurait guère les

encourager.

151. - Dans ces hypothèses, il est évident qu’il pourra y avoir atteinte aux intérêts du

consommateur notamment et l’absence de concertation pourra constituer une entrave

sur le chemin de sa réparation. La meilleure protection de son bien-être prônée par les

tenants des recours collectifs en serait un peu égratignée. Les intérêts des professionnels

sont ici privilégiés et la suprématie de la protection des marchés semble retrouver tout

son empire. La procédure de clémence doit voir son attractivité et son efficacité

entretenues et sauvegardées, car elle va permettre d’éradiquer les pratiques

anticoncurrentielles les plus dommageables. Le marché sera ainsi purgé de ces vices et

le libre jeu de la concurrence pourra reprendre son cours, pour un effet présumé

bénéfique au consommateur in fine. Ce mécanisme est jugé plus bienfaisant à son égard

que les seuls effets du « private enforcement »185 et d’une compensation effective de son

préjudice. Sa réparation interviendrait du fait de l’arrêt de la pratique en cause, ce qui, il

faut l’avouer, se révèle quelque peu chimérique. 184 F. BRUNET (dir.) et G. CANIVET (dir.), Le nouveau droit communautaire de la concurrence, coll. Droit des affaires, LGDJ, 2008, p. 429 : selon les propos d’Antoine Winckler. 185 Ibid., p. 403 : selon les propos d’Antoine Winckler.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

77

152. - En ce qui concerne d’autres procédés de règlements amiables, il convient de se

demander si cela viendra impacter les résultats espérés de l’action de groupe. Il s’agit,

par exemple, de l’acceptation par l’Autorité de la concurrence, de la prise

d’engagements par les entreprises, leur permettant de bénéficier d’une certaine

indulgence. Si un tel système permet aux opérateurs concernés d’échapper aux

amendes, cela ne devrait pas pour autant correspondre à une immunité pour les

sanctions civiles186, quoique la prise d’engagements soit de nature à mettre un terme à

des préoccupations de concurrence. La problématique de la mise en balance de ces deux

enjeux, pour un combat le mieux mené contre les pratiques prohibées, refait ici surface.

153. - Si de telles solutions étaient envisagées dans le cadre de l’action de groupe à la

française, il apparaîtrait paradoxal de relever que le « private enforcement » ait été

pensé comme un complément entier du « public enforcement » au regard de la

protection du consommateur. L’interaction entre l’intervention de cette dernière et celle

des juges de droit commun ainsi que celle des victimes ne serait pas totalement aboutie,

quoique tout de même bien développée.

154. - Le consommateur, quoique très largement évoqué eu égard à la concurrence et à

la sphère qui l’entoure, a vu sa prise en compte accentuée de par une politique

concurrentielle se voulant toujours plus sociale, ainsi que par la mise en place de

nouveaux moyens à sa portée. Les prétentions mises en avant amènent de manière

constante auteurs et praticiens à émettre le désir, voire l’éventualité d’un renouveau du

cadre normatif en tant que tel et dont la question de la condition du consommateur en

serait le fil conducteur. Les diverses propositions sont d’une teneur différente, débutant

par une simple modification des législations déjà en vigueur, jusqu’à aboutir à une

véritable création juridique. Chacun de ces renouvellements présente des vertus non

négligeables, le point culminant se portant sur une intégration véritable du

consommateur au sein des problématiques économiques même.

186 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

78

TITRE II

Le consommateur face à l’émergence d’un nouveau cadre normatif

155. - La place du consommateur au sein du processus concurrentiel constitue une

véritable énigme, conférant parfois à la controverse. Il est indubitable qu’il ait vocation

à y concourir, quoique selon un degré indéterminé et semble-t-il indéterminable

actuellement. Ces incertitudes conduisent à solliciter une prise de position plus ferme

quant à cette question. Pour se faire, il apparaîtrait, sinon judicieux, à tout le moins

concevable de procéder par le biais d’une transformation de plus grande ampleur,

touchant au cadre normatif lui-même.

156. - Le consommateur serait susceptible de constituer en quelque sorte l’impulsion

d’une évolution législative dont l’objet se concentrerait sur ce dernier (Chapitre 1). Un

autre schéma pourrait encore être promu, celui de l’avènement d’un véritable droit du

marché187, intégrant les problématiques d’ordre économique dans leur globalité et

ménageant un espace nécessaire quant aux enjeux présentés par la situation du

consommateur (Chapitre 2).

Chapitre 1 – La place du consommateur comme impulsion d’une évolution législative

157. - Les aspirations à une prise en compte plus accrue du consommateur, tant au

niveau de ses intérêts que de ses interventions, amènent fréquemment à s’interroger sur

une reconnaissance explicite de son statut au sein du processus concurrentiel. Le nœud

de ce questionnement se situe notamment quant à sa protection, en tant qu’élément

fondamental en matière de concurrence. Ceci sous entendrait alors une intégration

spécifique et formelle de cette préservation au sein même des textes formant le droit de

la concurrence. Il ferait ainsi l’objet d’un certain renouvellement (Section 1). L’aspect

envisagé amène inévitablement à établir certains parallèles avec d’autres corps de

187 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

79

règles, spécifiquement dévoués au consommateur. Au delà d’un simple avenant apporté

au droit de la concurrence sur ce point, un rapprochement des législations pourrait ainsi

s’opérer, pour une cohérence sans doute plus enviable (Section 2).

Section 1 – De l’opportunité d’un renouvellement du droit de la concurrence

158. - L’attention portée au consommateur peut être perçue comme une manière

« d’humaniser le droit de la concurrence, en intégrant des préoccupations sociales »188

(Paragraphe 1). Si des manifestations tendant à la satisfaction de cette demande

s’avèrent constantes, il peut paraître raisonnable de penser que le droit de la

concurrence ne constitue pas forcément le véhicule le plus adapté pour y parvenir

(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Des aspirations en faveur d’une socialisation du droit de la

concurrence

159. - La reconnaissance expresse de la protection du consommateur, témoignant ainsi

de son rang élevé sur l’échelle des objectifs primordiaux du droit de la concurrence,

participerait d’une logique certaine. Le consommateur est partie prenante de l’économie

de marché et en constitue un élément indispensable. Il contribue à assurer, par les choix

qu’il opère sur sa consommation de biens et de services, une dynamique de marché.

L’influence qu’il y exerce conduirait d’ailleurs à le qualifier de « consomm’acteur »189.

Le droit de la concurrence quant à lui, poursuit une mission analogue ; celle de garantir

le libre jeu de la concurrence, sur une structure saine du terrain marchand, le tout pour

un fonctionnement de marché optimal et une économie viable. Dans une telle

configuration, il apparaîtrait légitime que la législation tienne compte de manière directe

188 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 11 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 189 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 107.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

80

et soigneuse de ce personnage dont l’activité converge vers les mêmes finalités. Sa

préservation ne serait qu’un gage supplémentaire de leurs réalisations.

160. - Il serait possible d’aller plus loin encore, en estimant que ses desseins ne

sauraient être atteints sans une prise en compte du consommateur190, de sorte que le

droit de la concurrence entraînerait automatiquement et inévitablement son bien-être

dans son sillage. Il se devrait de le placer dans les meilleures conditions possibles, afin

qu’il soit à même d’agir au mieux, pour une meilleure allocation des ressources.

161. - Il convient également de rappeler que l’exercice d’une concurrence régulée est

considérée comme profitable au consommateur in fine. Ce postulat est parfois si ancré,

qu’il serait possible de le concevoir comme le titulaire d’un droit191 en tant que tel, droit

qui assurerait cette concurrence si bénéfique. A ce titre, certains auteurs ont fait

remarquer que cette présomption qui se voudrait irréfragable ne saurait être le corollaire

de l’assurance d’une protection réelle du consommateur192. Dans une telle mesure, le

droit de la concurrence aurait vocation à contenir en son sein des dispositions veillant à

ce que cela soit véritablement effectif193. Il constituerait ainsi un droit aux multiples

facettes certes, mais dont les liens seraient si étroits qu’il en deviendrait ainsi un corps

de règles complet, regroupant tous les éléments nécessaires à son efficacité.

162. - Le droit de la concurrence, n’écartant jamais ce personnage particulier qu’est le

consommateur, n’en clarifie toutefois pas le statut et la place exacte au sein du

processus qui le sous-tend. Si son bien-être semble être prôné de manière redondante et

s’inscrirait parfaitement dans la sphère de la législation, il convient néanmoins de

s’interroger sur l’opportunité d’une reconnaissance expresse de sa protection au sein

même des textes qui le composent. En vertu d’un tel procédé, elle tendrait à être érigée

en un principe, qui pourrait prendre le pas sur d’autres considérations primordiales à ce

190 A. BIENAYME, L’intérêt du consommateur dans l’application du droit de la concurrence : un point de vue d’économiste, Revue Internationale de Droit Economique, 1995, N° 1995/3. 191 V. LASSERRE-KIESOW, La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles, Recueil Dalloz 2007, p. 2116. 192 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 115. 193 Ibid.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

81

droit. Une telle acception n’est toutefois pas en total accord avec les fondements

initiaux de ce dernier, qui se portent sur un autre protagoniste spécifique, et dont

l’orientation de la mise en œuvre aurait la primeur. S’il apparaîtrait trivial d’opérer

quelques modifications de la législation elle-même pour y intégrer plus amplement

encore le consommateur, il ne saurait être oublié que d’autres facteurs entrent en jeu.

Opérer de la sorte ne s’avèrerait sans doute pas du meilleur acabit et ne représenterait

pas nécessairement l’option la plus adaptée.

Paragraphe 2 – Des aspirations malaisées pour le droit de la concurrence

163. - La perspective d’intégrer au sein même de ce corps de règles des considérations

supplémentaires, qui n’en sont toutefois pas inédites, semble particulièrement tentante.

Il ne faudrait toutefois pas s’aventurer dans cette voie, sans prendre garde à plusieurs

détails, ni explorer les autres pistes exploitables.

164. - L’un des premiers faits à ne pas omettre est que l’intégration textuelle de la

protection du consommateur présente certes la volonté d’étoffer le volet plus social du

droit de la concurrence, mais il ne faudrait tout de même pas aller trop loin en la

matière. Un juste équilibre se doit d’être trouvé afin de ne pas conférer à la

disproportion. Si cet impératif venait à bénéficier d’une primauté sans gardes fous ou si

des normes trop protectrices du consommateur venaient à être mises en place, l’effet

escompté pourrait prendre une toute autre tournure. Ce n’est plus une efficacité pleine et

entière qui serait perçue à ce titre, mais fort probablement un effet contre-productif pour

le processus concurrentiel et donc pour la concurrence194. Intégrer des considérations

propres au consommateur s’avèrerait bénéfique, mais uniquement dans une certaine

mesure et en présence d’un lien avec la mission de la législation elle-même. Il serait

peut-être plus judicieux dans ce cas, de laisser au droit de la concurrence son esprit

194 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 11 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

82

initial et entrevoir la reconnaissance expresse du bien-être du consommateur en tant

qu’élément notoire, au travers d’un autre moyen.

165. - Il ne saurait être oublié en effet, le socle du droit de la concurrence, dont les

bases ont été scellées au regard des diverses situations ayant cours sur les marchés

économiques. Dès son édification, ce sont des considérations propres à ces derniers qui

en ont constitué l’apanage. Sur une stricte interprétation téléologique, sa mise en œuvre

devrait en être constamment irriguée. Tel qu’il l’a été évoqué précédemment195, le droit

de la concurrence est résolument un droit du marché, tourné vers sa préservation et son

bon fonctionnement, par la garantie du libre jeu de la concurrence. Dès lors,

l’incorporation d’autres enjeux serait susceptible en quelque sorte d’altérer son essence

même, dans la mesure où la vocation première qui le caractérise pourrait être reléguée à

un second plan. Ce propos pourrait paraître un peu excessif, dans la mesure où les

intérêts tenant au marché et au consommateur ne sauraient s’exclure les uns les autres.

Sur le plan de la réflexion toutefois, ce point méritait d’être relevé.

166. - Eu égard à ces constatations, il apparaîtrait plus envisageable de procéder, non

pas au travers du droit de la concurrence lui-même, mais par le biais de normes

extrinsèques, plus spécifique à cette question, ce qui aura pu être qualifié de « normes

correctrices »196. Ces dernières viseraient à pallier le manque de clarté concernant le

statut et la place du consommateur au sein du processus concurrentiel et poseraient

formellement le principe de sa prise en compte ainsi que sa teneur. Quoiqu’il en soit,

l’évocation de mesures plus autonomes, centrées sur ces problématiques liées au

consommateur amène nécessairement à aborder le droit de la consommation. Celui-ci

est une législation qui lui est toute consacrée et œuvrant dans un but de protection et de

défense notamment contre les comportements qui viendraient lui porter atteinte. A ce

titre, il ne saurait être contesté que le consommateur bénéficie déjà d’une protection

d’une certaine ampleur, quoiqu’elle ne concerne pas uniquement la sphère

concurrentielle et touche des domaines diversifiés. Il faut ainsi se rappeler que si le

195 Supra, 30 et s. 196 G. HERTIG, Le rôle du consommateur dans le droit de la concurrence en Suisse, aux Etats-Unis et dans la CEE, coll. Collection juridique romande, Payot Lausanne, 1984 – Thèse soutenue en juin 1983, p. 249.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

83

consommateur ne dispose pas d’un positionnement parfaitement clair au sein du droit de

la concurrence, il n’est de loin pas démuni. Cela est d’autant plus vérifiable qu’en droit

interne français, le standard de protection est particulièrement élevé, quoique cela

s’amenuise quelque peu sous l’impact du droit de l’Union européenne et de ses

perspectives d’harmonisation totale en la matière.

167. - Le droit de la consommation s’avèrerait être à même de venir combler les

lacunes du droit de la concurrence197. Si toutefois ce système se révélait efficace, il

pourrait prétendre à une moindre cohérence de l’ensemble. Une autre hypothèse serait

dès lors, exploitable ; celle d’un rapprochement des législations, du droit de la

concurrence et du droit de la consommation.

Section 2 – De l’opportunité d’un rapprochement du droit de la concurrence et de la

consommation

168. - Droit de la concurrence comme droit de la consommation ont des intitulés

évocateurs qui reflètent leurs orientations respectives. Au premier abord, ils paraissent

se repousser, leurs objectifs immédiats s’appréciant différemment (Paragraphe 1).

Malgré cela, les frontières qui semblent les séparer n’en sont pas moins perméables,

leurs finalités pouvant se rejoindre (Paragraphe 2). Ceci permettrait alors d’offrir de

nouvelles perspectives à l’édification d’un statut du consommateur au sein du processus

concurrentiel.

Paragraphe 1 – Des objectifs immédiats a priori distincts

169. - L’idée d’un rapprochement de deux corps de règles ayant chacun leur propre

dogme pourrait apparaître incongrue, comme cela peut encore être invoqué aujourd’hui.

A priori, ces deux droits s’ignorent198. Le droit de la concurrence s’attache à un

processus relevant typiquement du marché, tandis que le droit de la consommation est

197 A. BIENAYME, L’intérêt du consommateur dans l’application du droit de la concurrence : un point de vue d’économiste, Revue Internationale de Droit Economique, 1995, N° 1995/3. 198 D. MAINGUY, J.-L RESPAUD, M. DEPINCE, Droit de la concurrence, coll. Manuel, Litec, 2010, p. 24.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

84

centré sur le consommateur et sur les solutions permettant d’assurer sa préservation et

sa défense199. Leurs caractères sont également différenciés, le premier apparaissant

comme un droit plus régulateur200 et interventionniste sur le terrain marchand. Il serait

« le droit de l’amont du processus économique »201, le droit de la compétition. Le

second, comme en atteste sa mission, est un droit de nature plus protecteur, cherchant à

déterminer les moyens de pallier les difficultés rencontrées par son sujet principal. Il est

ainsi considéré comme le droit de l’aval, du « stade final du processus économique »202.

Il serait même fait état de ce que le droit de la consommation en viendrait parfois à

s’opposer à la liberté de la concurrence, car à vouloir garantir une protection certaine, il

serait amené à brider la liberté des entreprises203.

170. - De tels arguments font état de leurs logiques respectives, qui paraissent devoir

les opposer. En vertu d’une telle approche, nombreux sont ceux qui pourraient, à tort,

être amenés à considérer que les problématiques consacrées à la protection du

consommateur n’auraient pas lieu d’être au sein du droit de la concurrence et ne devrait

pas trop s’en approcher. Celles-ci resteraient cantonnées au champ d’application du

droit de la consommation, qui ne pourrait que venir corriger certains manquements, à

son échelle seulement, et sans pouvoir tisser de liens trop directs avec le droit de la

concurrence.

171. - A s’en tenir uniquement à cette conception, un recoupement de ces législations

aux fins de pouvoir relier une protection du consommateur en tant que telle, dans le

domaine particulier du droit de la concurrence, serait impossible. Il faudrait dès lors,

envisager une autre tactique. Il s’agirait plutôt, par exemple, de reconnaître des droits

fondamentaux substantiels, tant au sein du droit de la concurrence qu’au sein du droit de

199 D. MAINGUY, J.-L RESPAUD, M. DEPINCE, Droit de la concurrence, coll. Manuel, Litec, 2010, p. 24. 200 Ibid. 201 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 108. 202 Ibid., p. 109. 203 Ibid., p. 111.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

85

la consommation204. Ceux-ci seraient analogues, sans pour autant pouvoir être regroupés

en un seul et même cadre. L’inverse pourrait pourtant se révéler plus propice à une

cohérence globale et à une meilleure sécurité du consommateur quant à son

positionnement au sein du processus concurrentiel notamment.

172. - Cette conception qui n’est guère du meilleur emploi, présente aujourd’hui une

tendance à devenir obsolète. Il est reconnu que le droit de la consommation a pour

fonction de rendre le consommateur moins vulnérable pour lui permettre de mieux

consommer et de tirer le meilleur parti de l’allocation de ses ressources personnelles205.

« Il apparaît que le droit de la consommation est à l’intérêt particulier ce que le droit

de la concurrence est à l’intérêt général : l’un et l’autre contribuent à la meilleure

allocation des ressources »206. Dès lors, ces deux législations en apparence disjointes,

concourent en réalité au même but final. Définir et ancrer la place du consommateur au

sein du processus concurrentiel serait ainsi tout à fait accessible par le biais d’un

rapprochement de ces deux corps de règles.

Paragraphe 2 – Des objectifs convergents à long terme

173. - Le droit de la consommation aborde les intérêts du consommateur de manière

différente du droit de la concurrence207. Dans la mesure où ils l’envisagent tout de même

chacun, certes à une échelle différente et non déterminée parfois, ils peuvent toutefois

être perçus comme complémentaires. Ils constituent de ce fait, deux instruments qui

vont pouvoir être utilisés concomitamment, et non de façon séparée et alternative. Il est

204 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 11 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 205 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 86. 206 Ibid. 207 A. BIENAYME, L’intérêt du consommateur dans l’application du droit de la concurrence : un point de vue d’économiste, Revue Internationale de Droit Economique, 1995, N° 1995/3.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

86

ainsi reconnu l’existence d’une convergence entre les politiques de concurrence et de

consommation208.

174. - Outre l’argument de leur finalité commune, cette proximité se vérifie encore au

regard d’autres constats. Les problématiques relevant de la concurrence ainsi que du

consommateur et, plus globalement, de la consommation, sont traitées par la même

administration de tutelle 209 qu’est la Direction générale de la concurrence, de la

consommation et de la répression des fraudes. Ceci constitue sans doute l’un des indices

majeurs de leurs liens étroits et de la pertinence de les traiter les unes au regard des

autres. La communication entre ces deux droits est encore perçue au travers des divers

emprunts réciproques qu’ils sont amenés à opérer. Le droit de la consommation intègre

des règles qui relèveraient tout autant du droit de la concurrence. Dans le cadre de

certaines pratiques comme celle de l’offre ou vente liée, leur caractérisation et leur

qualification pourront être appréhendées selon les mêmes éléments, tant par le droit de

la consommation que par le droit de la concurrence210. En matière de preuve également,

certaines méthodes adoptées par l’un pourront fournir des indications au juge chargé

d’appliquer les règles du second211. Le paroxysme de cette liaison réside dans leurs

appréciations concrètes des divers faits qui se présentent, en fonction d’une situation de

marchée donnée.212

175. - Cette analyse démontrerait sans aucun doute les possibilités de clarifier le statut

du consommateur au sein du processus concurrentiel. La question de sa protection pour

une garantie de son bien-être et l’assurance de son intervention la plus utile à l’efficacité

du droit de la concurrence, peut parfaitement être abordée dans le cadre d’une évolution

législative placée sous le signe d’un rapprochement de ces deux corps de règles.

208 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 11 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 209 D. MAINGUY, J.-L RESPAUD, M. DEPINCE, Droit de la concurrence, coll. Manuel, Litec, 2010. 210 M. CHAGNY, De l’assouplissement du régime des offres liées à l’avènement d’un droit du marché ?, D. 2009, p. 2561. 211 Ibid. 212 Ibid.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

87

Ceux-ci opérant déjà sous divers aspects, selon un système de vase communiquant, une

telle démarche ne devrait pas présenter de difficultés insurmontables.

176. - Ce phénomène pourrait encore s’élever à un stade supérieur par l’aboutissement

d’une réelle fusion des législations. Un auteur relève que la concurrence et la

consommation ne sont que « les deux faces d’une même réalité »213 qui s’intitule « le

marché ». Ces deux matières cumulées constitueraient ainsi un véritable droit du

marché qui les transcenderait. La question du statut du consommateur au sein du

processus concurrentiel y trouverait nécessairement toute sa place et pourrait constituer

l’un des moteurs essentiels de son avènement.

Chapitre 2 – La place du consommateur comme impulsion de l’avènement d’un

droit du marché

177. - « L’économie de marché d’aujourd’hui fait place aux impératifs humains et

sociaux que l’économie de concurrence d’hier négligeait »214. Evoquant la réalité d’une

économie de marché, l’idée d’une législation qui s’y juxtaposerait et l’accompagnerait

dans sa concrétisation en rejaillit aussitôt. Un véritable droit économique, droit du

marché dans toute sa dimension, prendrait alors corps. A entrevoir de surcroît, une

« pensée économique actuelle [ s’orientant ] vers l’humanisme »215, la norme qui en

résulterait serait légitime à intégrer pleinement le consommateur et les enjeux qui lui

sont liés (Section 1). Sur un plan purement théorique, cette idée présente des qualités

qui semblent indéniables. Il faut toutefois se rendre compte du projet de grande

envergure qu’il représente, et dont la réalisation se montrera subtile, tant les facteurs

alentours sont nombreux à considérer (Section 2).

213 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 101. 214 Ibid., p. 5. 215 Ibid., p. 5.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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Section 1 – Un droit du marché intégrant pleinement le consommateur et ses enjeux

178. - L’impact du droit de la concurrence sur la mission qui lui est assignée serait

amputé sans un régime prenant en compte les intérêts du consommateur. Rassembler

ces deux éléments au sein d’un cadre intégré, fusionné serait à même de certifier qu’ils

ne soient pas déliés et puissent coexister véritablement. L’assurance d’une « qualité de

la décision de consommation individuelle »216 additionnée à l’œuvre du processus

concurrentiel vont rendre ce droit du marché opérationnel, ce qui ne pourra que

contribuer au bon fonctionnement du marché en lui-même. Pour une efficacité plus

intense encore, ce nouveau cadre normatif engloberait par ailleurs, toutes les règles qui

présenteraient une attache à ce protagoniste spécifique, de sorte que cette évolution soit

pleinement aboutie. L’unification est ici présumée bien plus salutaire qu’une simple

« collection de droits spécialisés et distincts »217.

179. - Un exemple a pu être relevé par un auteur218, de ce qu’une telle législation est

concevable et ne relèverait pas uniquement d’une utopie certaine. Il fait état ainsi, d’une

loi fédérale australienne dite « Trade Practices Act » en date de 1974, qui réserve parmi

tant d’autres normes touchant au domaine marchand, une partie dédiée à la protection

du consommateur219 ainsi qu’une autre abritant un droit de la concurrence. Quoiqu’il

apparaisse que chacun des volets soient dévolus à leur domaine propre, leur réunion

assure leur mise en œuvre harmonieuse, sans que des conflits ne surviennent quant à

une éventuelle primauté à conférer à l’un ou l’autre des intérêts en jeu. Une simple

juxtaposition, par laquelle ils ne s’enquerraient pas forcément l’un de l’autre, créerait

plus de barrières qu’elle n’en déferait. Un droit du marché unique, qui incorporerait et

mêlerait tous les enjeux ayant cours en la matière, rendrait sa finalité bien plus

intelligible et dissiperait les ambiguïtés220, dont celles liées au statut à conférer à chacun

des opérateurs y prenant part.

216 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 86. 217 A. BIENAYME, L’intérêt du consommateur dans l’application du droit de la concurrence : un point de vue d’économiste, Revue Internationale de Droit Economique, 1995, N° 1995/3, p. 387. 218 Ibid, p. 388. 219 Ibid. 220 Ibid.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

89

180. - Les convergences qui ont pu être identifiées auparavant221 entre droit de la

concurrence et droit de la consommation, s’exerceraient au sein d’un ensemble unitaire

de règles complémentaires, les législations qui les sous-tendent ayant vocation à être

décloisonnées et à se fondre dans un même corps222. Au surplus de cette approche

philosophique, il convient d’examiner l’aspect plus pragmatique de cette démarche. Au

niveau institutionnel tout d’abord, elle s’exprimerait éventuellement par une fusion des

entités respectivement compétentes223, en une seule et même instance. A l’image en

quelque sorte de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la

répression des fraudes, pourquoi ne pas fonder une nouvelle autorité chargée d’émettre

des propositions ou documents cadre, d’examiner la bonne mise en œuvre des règles et

également de gérer le volet contentieux de la matière ? Il pourrait s’agir d’un reflet de

l’Autorité de la concurrence actuelle, tournée dans le cadre d’une structure plus étendue

et aménagée pour la cause.

Au niveau de la pratique, ce droit du marché offrirait de nouvelles perspectives au

consommateur notamment, qui aurait dès lors la possibilité d’invoquer toutes les règles

en relevant224 et de les faire valoir de manière plus spontanée. Ses moyens seront

beaucoup plus étendus que les possibilités uniques du droit de la consommation,

quoiqu’elles soient déjà très substantielles.

181. - L’idée est ici, véritablement, d’établir « un droit du marché à vocation générale,

qui engloberait toutes ces questions pour la mise en place d’un système efficace qui

221 Supra, 173 et s. 222 M. CHAGNY, De l’assouplissement du régime des offres liées à l’avènement d’un droit du marché ?, D. 2009, p. 2561. 223 M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique, 31 mai 2013, paragraphe 11 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique, site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013. 224 M. CHAGNY, De l’assouplissement du régime des offres liées à l’avènement d’un droit du marché ?, D. 2009, p. 2561.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

90

envisagerait la problématique du consommateur dans son ensemble »225. Il s’agirait de

combiner, par le biais d’un seul et même procédé, les utilités de chacune des

composantes, ceci afin qu’elles s’intègrent les unes avec les autres pour mieux interagir.

L’atout serait de concevoir un droit économique non seulement fonctionnel, mais

également au sein duquel la place du consommateur serait clairement définie, ceci au

regard de toutes les considérations annexes qui pourraient interférer. Les ressources

ainsi regroupées consacreraient en outre un régime propre à sanctionner efficacement

les droits qui en ressortiraient.

182. - L’idée d’un droit du marché n’est guère récente, et nombreux sont ceux qui ont

pu appeler à une réflexion en la matière, ceci avec plus ou moins de vigueur selon les

circonstances. Si cette éventualité semble présenter de formidables opportunités, il

convient toutefois de s’attarder sur son caractère réalisable dans le contexte qui est le

nôtre. Ce système intégré semble d’une grande simplicité, tant il apparaîtrait logique d’y

parvenir. Il ne s’agit néanmoins pas d’un processus sommaire. Celui-ci demande une

introspection toute particulière et son accomplissement pourra s’avérer délicat.

Section 2 – Un droit du marché à la réalisation subtile

183. - L’avènement d’un droit du marché complet constitue un procédé tout à fait

novateur qui mérite une pleine attention, quoiqu’il suscite de nombreuses interrogations.

La première se porte majoritairement sur sa confection. Il est en effet, aisé de prôner

l’opportunité de celui-ci sans pour autant avoir la conscience des difficultés qui

l’entourent. S’il s’agit d’une optique de rassemblement de diverses législations

spécifiques, il s’agit également d’une véritable restructuration du droit, perçu dans sa

globalité. Les intérêts des diverses composantes étant nombreux et variés, quoique

présentant un certain point commun in fine, leur mise en balance risque d’être subtile.

La tâche n’en sera pas limpide et les acteurs à qui elle reviendra devront se montrer

minutieux et s’assurer de la prise en compte de tous les facteurs environnant. Aux fins

d’établissement d’un droit économique qui se voudrait réellement opérationnel, il serait

225 G. HERTIG, Le rôle du consommateur dans le droit de la concurrence en Suisse, aux Etats-Unis et dans la CEE, coll. Collection juridique romande, Payot Lausanne, 1984 – Thèse soutenue en juin 1983.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

91

dommageable d’omettre certaines considérations ou, du moins, ne pas appréhender

toutes leurs potentialités.

184. - Le processus législatif pourrait également s’avérer complexe. En amont, il

s’agira tout d’abord de convaincre des bienfaits d’un tel droit du marché et de l’utilité

d’enclencher une réflexion sur la question. Si les avantages paraissent « couler de

source », les avis seront nécessairement divergents, notamment au regard des opérateurs

économiques qui pourraient percevoir des contrariétés à ce cheminement. Il faudra

également s’armer de patience, les débats parlementaires se promettant éventuellement

houleux, voire n’aboutissant pas dès la première proposition d’une telle « réforme ». Il

s’agira encore de penser la façon de concevoir ce nouveau corps de règles. Devrait-il

reposer sur des bases totalement inédites, créées à cette fin, ou serait-il plus judicieux de

prendre pour point de départ l’une des législations établies et de l’aménager en

conséquence ? En somme, participerait-il d’une refonte d’un système existant au

préalable ou participerait-il d’une véritable genèse ? En aval, il sera question de

s’enquérir de sa mise en œuvre et des moyens de sanction qui garantiront son respect et

son efficience. L’œuvre de cette création juridique demandera sans doute un travail

colossal en termes d’expertise et d’analyse et nécessitera un laps de temps certain avant

une réelle mise en place. Celle-ci résultera fort probablement d’une progression par

pallier, une édification en un seul bloc paraissant difficilement concevable.

185. - Quant au processus législatif également, il est encore possible d’entrevoir une

barrière de forte envergure. Le droit de l’Union européenne, outre le droit de la

concurrence, s’est aussi emparé du droit de la consommation. Il intervient de plus en

plus en la matière et souhaite le régir de manière plus exacerbée. Sa volonté est

d’aboutir à une harmonisation tangible des législations nationales des divers Etats

membres. Envisager dès lors un renouveau, par l’établissement d’un droit du marché en

France, s’avèrerait périlleux dans une telle configuration, voire impossible. Il faudrait

non seulement tenir compte de tous les intérêts en présence, mais également de la

législation européenne afin de nécessairement s’y conformer. Cet exercice nécessiterait

peut-être d’intégrer l’Union européenne elle-même dans ce processus, pour

l’établissement d’un droit économique qui transcenderait les droits en vigueur. Cette

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

92

idée paraît toutefois, fort invraisemblable, la préoccupation première de l’Union

européenne portant déjà sur la pérennité du marché unique. Un enjeu supplémentaire,

d’une telle proportion de surcroît, ne serait pas réalisable à cette échelle.

186. - Un énième obstacle serait d’ordre plus psychologique, notamment au regard du

consommateur. Avant toute chose, il conviendrait de faire toute la lumière quant aux

tenants et aboutissants du droit du marché tel qu’envisagé. Il faudra dès lors lui

expliquer les avantages et inconvénients qu’il pourrait en tirer, ceci revenant

inévitablement à la question de sa place au sein de ce nouveau cadre législatif. Un

élément particulièrement évocateur pourrait être mis en avant à ce titre. Par l’appellation

de « droit du marché », le consommateur pourrait s’attendre de prime abord à une mise

en avant d’intérêts économiques et mercantiles, à son détriment. Le terme de

« marché » souffre ici d’une connotation péjorative, par laquelle serait plus entrevue des

notions de profits sans limite et d’écrasement des opérateurs les plus faibles, plutôt

qu’une idée d’un droit qui le considérerait à sa juste valeur et l’intègrerait de manière

mesurée à tous les développements qui se présenteraient.

187. - Il n’est pas sans rappeler par ailleurs, que le consommateur dispose d’un droit

qui lui est consacré et qui lui apporte une protection de grande ampleur. Les tenants du

droit de la consommation pourraient avoir à craindre qu’en le fondant dans une masse,

celui-ci s’en trouverait quelque peu perdu dans les méandres des autres intérêts à

prendre en compte, et avec lui son sujet principal. A ce titre, un auteur concède

volontiers qu’en « incluant le droit de la consommation dans le droit du marché, on lui

donne un fondement nouveau et donc on assigne des limites à la protection qu’il

institue »226, celle-ci étant placée sur un autre terrain. Alors que son statut aurait dû être

pleinement défini à l’occasion de l’établissement de ce droit du marché, celui-ci pourrait

être atteint de l’effet inverse et sa question rester contrainte à l’immobilisme. Ils

pourraient ainsi redouter que la protection qui était offerte via le droit de la

consommation, n’en soit que déstabilisée, voire amoindrie, dans un cadre normatif

intégré, plutôt que s’il était resté l’objet d’un cadre plus spécifique.

226 C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLEANI, Droit du marché, coll. Thémis Droit privé, P.U.F., 2002, p. 87.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

93

CONCLUSION DEUXIEME PARTIE

188. - Le consommateur fait l’objet d’attentions constantes. Au vu des évolutions qui

ont eu cours, particulièrement récemment, il est entrevu comme pouvant avoir plus

d’influence au sein du processus concurrentiel. Il s’agit ici de nombreuses volontés qui

ont été exprimées, dont certaines ont pu se réaliser au niveau législatif. Il reste encore à

observer le résultat dans les faits et de voir si les prétentions émises se réaliseront. Le

processus concurrentiel serait ainsi à même de conférer une plus grande emprise au

consommateur.

189. - Un enjeu supplémentaire semble également se profiler. Celui-ci porterait sur la

véritable place à conférer au consommateur, non plus seulement au sein de l’unique

processus concurrentiel, mais au sein du droit du marché tout entier, envisagé dans sa

pure dimension économique et dans le cadre de ses fonctions de stabilisation et

d’accroissement de l’économie de marché. Afin que cet enjeu soit traité de la manière la

plus adéquate et soit fructueux, l’étape de sa clarification et de sa définition s’avèrerait

fondamentale. Une omission sur ce point, voire une simple négligence, ne permettrait

pas à l’édification du droit du marché de remplir toute ses promesses quant au

consommateur. S’il faut envisager cet aspect particulier de la problématique, il s’agit de

renouveler la législation en gardant un œil rivé sur cet objectif.

190. - Ces affirmations ne sont en réalité pertinentes qu’à la condition de ne considérer

ici que les seuls intérêts du consommateur. Cela reviendrait toutefois à constituer une

sorte de carcan où le droit du marché ne serait qu’envisagé au regard de ce personnage

particulier, ce qui ne saurait correspondre à la réalité. Si le bien-être du consommateur

s’avère nécessaire, il ne doit et ne saurait être le socle unique et inégalable de

l’économie de marché. Si la question de son sort n’est pas négligeable, c’est toutefois

celle de la mise en balance des divers intérêts placés sur le marché qui est au fond

véritablement déterminante, ceci afin d’aboutir à une économie viable, sans quoi

l’établissement d’un droit du marché paraîtrait d’un intérêt plus accessoire.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

94

CONCLUSION

191. - Le consommateur est un protagoniste permanent de l’économie de marché. Au

sein du droit de la concurrence plus spécifiquement, sa présence se ressent à divers

échelon et sous des degrés variés. Son ombre plane tout le long du processus

concurrentiel, son influence étant variable à chaque étape identifiable. Il n’est pas

possible de réellement déterminer un statut qui lui soit propre et sur lequel il serait aisé

de se référer à tout instant, ceci afin de mettre en balance de façon optimale tous les

intérêts en jeu sur le marché.

192. - La question de la place du consommateur semble fatalement devoir être hissée

au rang de mystère. Celle-ci est fréquemment remise en cause et semble constituer une

préoccupation revenant de manière régulière sur le fil de l’actualité juridique. Il n’est

pourtant pas de réponses précises et prédominantes à apporter. Des indices permettant

d’apporter des appréciations sont perceptibles, sans que cela ne permette toutefois d’être

fixé de manière certaine sur le sujet.

193. - Le consommateur est pris en compte par le processus concurrentiel en ce qu’il

fait figure d’acteur sur le marché. Sa condition est sujette à évolution et la tendance

s’oriente vers son amélioration par l’attribution de nouvelles perspectives. Malgré tout,

cela ne signifie pas pour autant qu’il constitue une donnée suprême, tant les enjeux

alentours sont multiples. La question de sa place regorge ainsi de subtilités, d’autant

plus qu’elle ne semble pas pouvoir être restreinte au seul champ d’application des

problématiques concurrentielles. Elle va nécessairement plus loin et dépasse cette

frontière pour s’ancrer véritablement sur un terrain bien plus vaste. La véritable

interrogation paraît ici reposer sur la condition du consommateur dans la sphère

économique toute entière. Les propositions d’établir un véritable droit du marché où

tous les intérêts y seraient combinés confirment cette nécessaire expansion.

194. - Quoique les pouvoirs publics et tous les acteurs légitimes aiment à exprimer leur

attachement au consommateur pour une amélioration constante de sa condition au sein

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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d’un droit économique où il ferait figure de personnage vulnérable, il ne faudrait tout de

même pas omettre qu’il bénéficie déjà d’une protection et d’un rôle certain. Il est loin

d’être le « laissé pour compte » dans ces domaines, si bien que les revendications pour

une reconnaissance expresse de sa préservation paraissent quelque peu poussées.

195. - Le consommateur a toute sa place au sein de l’économie de marché et de la

législation qui le sous-tend. Il ne peut toutefois pas être attendu une constance parfaite

de sa situation, celle-ci sera variable tant les facteurs externes, le contexte et les intérêts

en jeu sont multiples. Cette approche ne pourra que s’accroître et se confirmer, dans une

économie toujours plus orientée vers la mondialisation et l’internationalisation. Les

enjeux sont tels qu’il est fort complexe, voire impossible de fixer un curseur

d’appréciation en la matière.

196. - Si une économie viable et croissante est désirée, seule une mise en balance de

toutes les considérations en vigueur sera du meilleur acabit, quoique nécessairement

délicate à mettre en œuvre. La place du consommateur s’y intègre, mais ne saurait être

la problématique unique à prendre en compte, ni même le coefficient majeur dans

l’immense bassin que constitue l’économie de marché.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

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des concentrations, 10 juil. 2013.

C - Sources de droit étranger Sources de droit américain

The Sherman Antitrust Act, 2 juil. 1890, ch. 647, 26 Stat. 209, 15 U.S.C. §§ 1-7. The Clayton Antitrust Act, 15 oct. 1914, 15 U.S.C. §§ 12-27, 29 U.S.C. §§ 52-53. Source de droit australien

Trade Practices Act 1974 No. 51, 1974.

VII - TABLE CHRONOLOGIQUE DES DECISIONS, ARRETS,

JUGEMENTS ET AVIS

A - Juridictions et autorités de l’Union européenne

1 - Juridictions de l’Union européenne

a - Cour de justice de l’Union européenne

CJCE, 21 février 1973, aff. 6-72, Europemballage Corporation et Continental Can

Company Inc. c/ Commission des Communautés européennes, Rec. 1973 p. 00215.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

103

CJCE, 20 septembre 2001, aff. C-453/99, Courage et Crehan, Rec. 2001 I-06297.

CJCE, 13 juillet 2006, aff. C-295/04 à C-298/04, Manfredi, Rec. 2006 I-06619.

CJCE, 23 novembre 2006, aff. C-238/05, Asnef-Equifax et Administracion del Estado,

Rec. 2006 I-11125.

CJCE, 15 mars 2007, aff. C-95/04, British Airways plc c/ Commission des

Communautés européennes, Rec. 2007 I-02331.

CJCE, 6 octobre 2009, aff. C-501/06, C-513/06, C-515/06 et C-519/06,

GlaxoSmithKline Services Unlimited c/ Commission des Communautés européennes,

Rec. 2009 I-09291.

b - Tribunal de première instance de l’Union européenne

TPICE, 17 décembre 2003, aff. T-219/99, British Airways plc c/ Commission des

Communautés européennes, Rec. 2003 II-05917.

TPICE, 27 septembre 2006, aff. T-168/01, GlaxoSmithKline Services Unlimited c/

Commission des Communautés européennes, Rec. 2006 II-02969.

TPICE, 17 septembre 2007, aff. T-201/04, Microsoft Corp. c/ Commission des

Communautés européennes, Rec. 2007 II-03601.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

104

2 - Autorités de l’Union européenne

Comm. CE., Déc. 2000/12/CE, 20 juill. 1999, aff. n°IV/36-888, Coupe du monde de

football 1998, relative à une procédure d’application de l’article 82 du Traité CE et de

l’article 54 de l’accord EEE, JOCE 08 janv. 2000, n° L 005, p. 0055 – 0074.

B - Juridictions et autorités internes

1 - Juridictions internes

Cour de cassation

Civ. 1ère, 26 mai 2011, n° 10-15676, Bull. civ. I.

2 - Autorités internes

Cons. conc., Déc. n° 05-D-65 du 30 novembre 2005, relative à des pratiques constatées

dans le secteur de la téléphonie mobile.

C - Juridictions étrangères United States Court of Appeal for the District of Columbia Circuit, June 28, 2001,

United States v. Microsoft, 253 F. 3d 34, 85, D.C. Cir. 2001.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

105

VIII - SITES INTERNET

R. BECKER, Présentation du Livre blanc, Revue Concurrences n° 2-2009 – Colloque –

Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles

communautaires sur les ententes et les abus de position dominante – Paris, 13 juin 2008,

site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - 2009.

L. BETEILLE et R. YUNG, L’action de groupe à la française : parachever la

protection des consommateurs, Rapport d’information n° 499 (2009-2010), fait au nom

de la commission des lois, 26 mai 2010, Introduction, www.senat.fr/rap/r09-499/r09-

4991.html - site Internet du Sénat, www.senat.fr.

P. CARDONNEL, Le Tribunal de l’UE réduit légèrement le montant d’une astreinte

imposée en 2008, Revue Concurrences, n° 4-2012 – Procédures – Chroniques – site

Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com.

M. DESCHAMPS et F. MARTY, Les politiques de concurrence sont-elles réductibles à

de la théorie économique appliquée ? Réflexions autour de l’affaire Microsoft -

http://www.crdp.umontreal.ca/fr/publications/ouvrages/Deschamps_Marty_2_.pdf.

D. FASQUELLE et R. MESA, Livre vert de la Commission sur les actions en

dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les

abus de position dominante, Revue Concurrences, n° 1-2006 – Doctrines – pp. 33-37 –

site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com.

B. HAMON, Benoît HAMON : Un droit de la consommation plus efficace pour une

économie plus compétitive, Revue Concurrences n° 2-2013, pp. 7-11 – Interview – site

Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - 2013.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

106

B. HAMON et P. MOSCOVICI, Projet de loi consommation 2013, Dossier de presse –

Les grandes lignes du projet de loi, http://www.economie.gouv.fr/files/DP-pdl-conso-

web.pdf, site Internet du Ministère des finances et des comptes publics et du Ministère

de l’économie, du redressement productif et du numérique,

http://www.economie.gouv.fr/projet-loi-consommation/action-groupe.

L. IDOT, Avant-propos, Revue Concurrences n° 2-2009 – Colloque – Livre blanc sur

les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les

ententes et les abus de position dominante – Paris, 13 juin 2008, site Internet de la revue

Concurrences, www.concurrences.com - 2009.

L. IDOT, Le retour de l’objet anticoncurrentiel… , Revue Concurrences, n° 4-2009, site

Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - Nov. 2009.

Lamy Droit Economique – 2014, Propos introductifs, n° 781, site internet de la base de

données documentaire juridique lamyline.lamy.fr.

P. LE MORE, Introduction de l’action de groupe en droit français de la concurrence

(projet de loi du 2 mai 2013, relatif à la consommation), Lexbase Hebdo édition affaires

n° 339, 23 mai 2013 – Chronique de droit de la concurrence et de la distribution – Mai

2013,

http://www.presentation.lexbase.fr/sites/default/files/publications/chronique_de_droit_d

e_la_concurrence_et_de_la_distribution.pdf.

M. MALAURIE-VIGNAL, Le bien-être du consommateur, une rencontre possible

entre juriste et économiste ?, Le concurrentialiste – Chroniques de droit économique,

31 mai 2013 – Colloque en ligne – Le droit de la concurrence et l’analyse économique,

site Internet du Le concurrentialiste, http://leconcurrentialiste.com/2013/05/31/colloque-

le-bien-etre-du-consommateur-entre-juriste-et-economiste/ - 16 oct. 2013.

Page 109: La place du consommateur dans le droit de la concurrence ... · le droit de la concurrence concerne la place que le premier pourrait avoir au sein du second, ainsi que la place que

La place du consommateur dans le droit de la concurrence

107

C. PRIETO, Inciter les actions en dommages et intérêts en droit de la concurrence : Le

point de vue d’une concurrentialiste, Revue Concurrences n° 2-2009 – Colloque – Livre

blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles

communautaires sur les ententes et les abus de position dominante – Paris, 13 juin 2008,

site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - 2009.

C. PRIETO, A.-L. SIBONY, A. WACHSMANN, Pratiques unilatérales, Revue

Concurrences, n° 4-2008 – Chroniques – site Internet de la revue Concurrences,

www.concurrences.com.

C. PRIETO, D. SPECTOR et A. WACHSMANN, Notion d’abus : Comparaisons

transatlantiques dans les affaires Microsoft, Revue Concurrences, n° 1-2004 –

Pratiques unilatérales – Chroniques - site Internet de la revue Concurrences,

www.concurrences.com - Déc. 2004.

F. SOUTY, Les évolutions politiques dans l’application du droit antitrust par

l’administration de G.W. Bush (2001-2005), Revue Concurrences, n° 4-2005 –

Doctrines – site Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com.

J. VOGEL et L. VOGEL, Private enforcement - Le paquet législatif prévu par la

Commission pour renforcer les droits des victimes de pratiques anticoncurrentielles est-

il suffisant et cohérent ?, 28 juin 2013, site Internet du blog Vogel & Vogel,

http://www.vogel-vogel.com/blog/le-paquet-legislatif-prevu-par-la-commission-pour-

renforcer-les-droits-des-victimes-de-pratique.

L. VOGEL, Le point de vue d’un universitaire, Revue Concurrences n° 3-2010 –

Colloque – Réforme des restrictions verticales : Les enjeux de l’entrée en vigueur du

nouveau règlement – Paris, 27 mai 2010 – Table ronde III : La qualification des

contrats : Distribution sélective/ exclusive, franchise… Où sont les frontières ?, site

Internet de la revue Concurrences, www.concurrences.com - Sept. 2010.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

108

IX - DOCUMENTATIONS SPECIALES

COMMISSION EUROPEENNE, La politique de concurrence en Europe et le citoyen,

Communautés européennes, 2000.

X - RAPPORTS ANNEXES Rapport du cabinet Ashurst réalisé pour la Direction Générale de la concurrence, Study

on the conditions of claims for damages in case of infringement of EC competition

rules, 31 août 2004.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

109

GLOSSAIRE

Action en « follow on » : Il s’agit d’une action qui prend la suite d’une décision rendue

par une autorité ou une juridiction.

Class-action : Dans le cadre du droit antitrust américain notamment, il s’agit d’une

procédure permettant à un groupe de victimes de pratiques anticoncurrentielles, ayant

un intérêt commun de se regrouper aux fins de faire valoir leurs droits ou d’obtenir une

réparation du préjudice subi, au sein d’une action commune.

Consumer welfare : Dans le cadre d’une opération qu’il aura réalisé sur un marché,

cette expression désigne l’intérêt pécuniaire que le consommateur pourra en retirer.

Opt-in : Dans le cadre de l’action de groupe « à la française », le mécanisme de

l’ « opt-in » désigne le mécanisme par lequel chaque consommateur devra donner son

accord exprès pour y être partie.

Passing on defence : L’expression fait référence à un moyen de défense portant sur la

répercussion des surcoûts. La Commission européenne le définit comme le « traitement

juridique du fait qu’une entreprise qui effectue un achat auprès d’un fournisseur dont le

comportement est contraire au droit de la concurrence a la possibilité d’atténuer sa

perte économique en répercutant le surcoût subi sur ses propres clients. Le dommage

causé par un comportement anticoncurrentiel peut ainsi être répercuté en aval sur la

chaîne de distribution, voire être subi intégralement par le dernier acheteur, c’est-à-

dire le consommateur final ».

Private attorney general : Aux Etats-Unis, le terme « attorney general » désigne plus

communément le procureur général, rattaché au Ministère de la justice. L’expression

« private attorney general » fait référence à la victime d’une infraction qui, dans le

cadre d’une action privée, exercerait une mission analogue à celle du procureur général.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

110

Private enforcement : L’expression désigne l’action privée visant à la réparation du

préjudice causé aux victimes par les violations faites aux règles du droit de la

concurrence. Au sein du droit interne français, le ressort de cette action revient aux

juridictions nationales de droit commun.

Public enforcement : L’expression désigne la poursuite et la répression des violations

faites aux règles du droit de la concurrence, par les autorités de la concurrence. Elle

correspond à l’action menée à l’initiative de la sphère publique.

Treble damages : Il s’agit de dommages et intérêts qui peuvent correspondre jusqu’à

trois fois le montant des dommages actuels subis par une victime. Ces derniers peuvent

être octroyés dans le cadre du système en vigueur aux Etats-Unis.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

111

TABLE ALPHABETIQUE

A

Abus de position dominante : 39, 63,

64, 74, 99, 124.

Accord : 33, 40, 64.

Action de groupe : 89, 122 et s., 127 et

s., 130 et s., 136 et s., 141 et s.

C Concentration d’entreprise : 65, 88,

99.

D

Dommage causé à l’économie : 83 et

s., 125.

Droit antitrust : 21, 27, 35.

E

Ecole de Chicago : 55, 94, 101.

Ecole de Harvard : 21, 24, 55.

Entente : 33, 134.

G Gains d’efficacité : 45, 65.

M

Marché unique : 27 et s., 48.

P

Préjudice concurrentiel : 84, 124.

Private enforcement : 84, 102 et s.,

106, 109, 112, 117 et s., 127, 130, 143,

145, 149 et s.

Public enforcement : 84, 103, 108, 138

et s., 153.

R

Restriction de concurrence : 33, 40,

66.

V Ventes liées : 40, 174.

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

112

TABLE DES MATIERES

 

REMERCIEMENTS ..................................................................................................... 1

LISTE DES ABREVIATIONS ..................................................................................... 2

SOMMAIRE ................................................................................................................... 4

INTRODUCTION ......................................................................................................... 6

PREMIERE PARTIE – LE CONSOMMATEUR, UNE FIGURE CENTRALE EN

FILIGRANCE AU SEIN DU PROCESSUS CONCURRENTIEL ......................... 11

TITRE I – Le consommateur face à l’hégémonie du marché au sein du processus

concurrentiel ............................................................................................................. 12

Chapitre 1 – La place du consommateur liée aux origines et fondements

traditionnels du droit de la concurrence ................................................................. 12

Section 1 – Le droit de la concurrence originellement fondé au regard d’un

marché ................................................................................................................. 13

Paragraphe 1 – Le droit antitrust américain et l’Ecole structuraliste de

Harvard ......................................................................................................... 13

Paragraphe 2 – Le droit européen de la concurrence comme instrument de la

réalisation d’un marché intérieur unique ..................................................... 15

Section 2 – Le droit de la concurrence résolument au service du marché ......... 17

Chapitre 2 – La place du consommateur liée à la délicate appréciation de ses

enjeux ..................................................................................................................... 20

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

113

Section 1 – Une fluctuation dans la mise en œuvre des règles du droit de la

concurrence ......................................................................................................... 20

Paragraphe 1 – Le consommateur face à l’ambivalence de la conception de

la concurrence ................................................................................................ 21

Paragraphe 2 – Le consommateur face à la difficile appréhension de ses

intérêts ............................................................................................................ 23

Section 2 – Une fluctuation de l’appréciation des enjeux liés au

consommateur ..................................................................................................... 26

Paragraphe 1 – Le consommateur face à l’absence de consensus quant à sa

situation .......................................................................................................... 26

Paragraphe 2 – Le consommateur face à l’influence d’une politique

concurrentielle certaine ................................................................................. 29

TITRE II – Le consommateur en tant que déterminant central du processus

concurrentiel ............................................................................................................. 32

Chapitre 1 – Le consommateur en tant qu’élément cadre de référence au sein du

processus concurrentiel .......................................................................................... 32

Section 1 – Un repère dans l’appréciation des infractions anticoncurrentielles . 33

Section 2 – Un repère de l’analyse concurrentielle et économique ................... 36

Paragraphe 1 – La prise en compte du consommateur dans la détermination

du marché pertinent ....................................................................................... 36

Paragraphe 2 – La prise en compte du consommateur dans l’évaluation de

l’impact des comportements d’entreprise ...................................................... 38

Chapitre 2 – Le consommateur en tant qu’élément passif du processus

concurrentiel .......................................................................................................... 40

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

114

Section 1 – Un rôle relatif dans la mise en œuvre du droit de la concurrence ... 40

Paragraphe 1 – Une place à relativiser au sein de la qualification des

infractions anticoncurrentielles ..................................................................... 41

Paragraphe 2 – Une place omise au sein de l’évaluation de la sanction des

infractions anticoncurrentielles ..................................................................... 42

Section 2 – Un rôle passif dans la mise en œuvre du droit de la concurrence .... 44

CONCLUSION PREMIERE PARTIE ...................................................................... 47

SECONDE PARTIE – LE CONSOMMATEUR, UNE FIGURE CENTRALE AU

CŒUR DE LA MODERNISATION DU PROCESSUS CONCURRENTIEL ...... 48

TITRE I – Le consommateur face à l’émergence de nouvelles opportunités au

sein du processus concurrentiel ............................................................................... 50

Chapitre 1 – Le consommateur comme « cheval de bataille » du droit de la

concurrence  .................................................................................................................................................  50  

Section 1 – Le consommateur en tant que donnée constante de la législation ... 51

Paragraphe 1 – Une politique de la concurrence orientée vers la protection

du consommateur ........................................................................................... 51

Paragraphe 2 – Une politique de la concurrence orientée vers le « private

enforcement » au service du consommateur .................................................. 53

Section 2 – Le consommateur en tant que donnée au service de la législation .. 55

Paragraphe 1 – Le consommateur en tant que nouvelle figure de lutte ........ 56

Paragraphe 2 – Le consommateur en tant que nouvel élément intégré dans la

lutte ................................................................................................................. 57

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

115

Chapitre 2 – Le consommateur comme nouvel acteur du droit de la

concurrence  .................................................................................................................................................  59  

Section 1 – Un nouvel arsenal législatif en faveur de l’action du

consommateur ..................................................................................................... 60

Paragraphe 1 – L’action de groupe en matière concurrentielle, vecteur de

nouveauté pour le consommateur .................................................................. 61

I – Une manifestation jusque là timide du consommateur ........................ 61

II – Une manifestation espérée du consommateur .................................... 63

Paragraphe 2 – L’action de groupe en matière concurrentielle, vecteur d’une

redéfinition du rôle du consommateur ........................................................... 65

Section 2 – Un nouvel arsenal législatif aux effets versatiles ............................ 68

Paragraphe 1 – Le consommateur confronté à ses propres limites .............. 68

I – Le consommateur en tant que personnage particulier ........................ 68

II – Le consommateur en tant que personnage aux moyens restreints ..... 70

Paragraphe 2 – Le consommateur confronté aux barrières de la

législation ....................................................................................................... 72

I – Un aspect dissuasif amputé .................................................................. 72

II – Un aspect interactif perplexe avec le « public enforcement » ............ 74

TITRE II – Le consommateur face à l’émergence d’un nouveau cadre

normatif ..................................................................................................................... 78

Chapitre 1 – La place du consommateur comme impulsion d’une évolution

législative  .....................................................................................................................................................  78  

Section 1 – De l’opportunité d’un renouvellement du droit de la concurrence .. 79

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La place du consommateur dans le droit de la concurrence

116

Paragraphe 1 – Des aspirations en faveur d’une socialisation du droit de la

concurrence .................................................................................................... 79

Paragraphe 2 – Des aspirations malaisées pour le droit de la

concurrence .................................................................................................... 81

Section 2 – De l’opportunité d’un rapprochement du droit de la concurrence et

de la consommation ............................................................................................ 83

Paragraphe 1 – Des objectifs immédiats a priori distincts ........................... 83

Paragraphe 2 – Des objectifs convergents à long terme ............................... 85

Chapitre 2 – La place du consommateur comme impulsion de l’avènement d’un

droit du marché  ..........................................................................................................................................  87  

Section 1 – Un droit du marché intégrant pleinement le consommateur et ses

enjeux .................................................................................................................. 88

Section 2 – Un droit du marché à la réalisation subtile ...................................... 90

CONCLUSION DEUXIEME PARTIE ...................................................................... 93

CONCLUSION ............................................................................................................ 94

BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................... 96

GLOSSAIRE .............................................................................................................. 109

TABLE ALPHABETIQUE ...................................................................................... 111

TABLE DES MATIERES ......................................................................................... 112