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La pierre peut-elle encore être un matériau structurel ? Les techniques du béton appliquées à la pierre Yann Santerre Mémoire de master Janvier 2012 Directeurs de mémoire Guillemette Morel Journel Jean-François Blassel Ecole d'architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée Document soumis au droit d'auteur

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La pierre peut-elle encore être un matériau structurel ?Les techniques du béton appliquées à la pierre

Yann Santerre

Mémoire de masterJanvier 2012

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Mémoire de master Matières à penserJanvier 2012

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Introduction 5

1. Peut-on parler d’un matériau pierre ? 11

1.1 La variabilité des propriétés physiques de la pierre 13

1.1.1 Une classification géologique 13

1.2 Une origine archaÏque 17

1.2.1 Une pensée discrète du matériau 19

2. La formulation d’un nouveau béton, le BNHUP 23

2.1 L’ambiguïté actuelle 25

2.1.1 La localisation d’un caractère 27

2.1.2. De l’indigène mondialisé 29

2.2 L’appropriation technologique 31

2.2.1 La notion d’équilibre 33

2.2.2 « Mettez des forces, elles ne pèsent rien » 35

3 La recherche d’un nouveau type 39

3.1 Un changement d’échelle 39

3.2 Une forme très contrainte 47

3.3 Uniformisation ou pensée discrète 53

3.4 L’outillage 57

Conclusion 63

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BFUP, BHP, les qualificatifs pour désigner les nouveaux bétons se multiplient. Le matériau du XXe siècle est en effet un matériau multiple. L’acier a ses nuances, le bois ses essences. Le béton, lui, n’est pas un matériau unique aux nuances variées. Il est souvent fait mention des bétons, comme si le béton n’était pas un matériau mais une catégorie à laquelle appartiendraient diverses compositions pour diffé-rents usages.

L’inversion de paradigme que propose cette recherche vise la requalification d’un autre matériau, la pierre, peu présent sur la scène architecturale et ingénieuriale ac-tuelle. Nous chercherons donc dans un premier temps à définir les raisons de cette absence, à comprendre au travers de ses caractéristiques techniques les freins à l’utilisation contemporaine de la pierre comme matériau structurel de construc-tion.

Le terme, inventé pour ce mémoire, de BNUHP (Béton Naturel Ultra Haute Per-formance), condense cette vision du matériau pierre que l’on propose de déve-lopper ici. Il s’agit en effet de considérer la pierre non comme un matériau indé-pendant, mais comme un béton particulier, en l’occurence un béton naturel. Au même titre que le béton fut nommé «la pierre artificielle», copie industrielle d’un matériau ancestral, le BNHUP pourrait être la branche naturelle de l’indus-trie du béton. Le mémoire ne se revendique toutefois pas d’une utopique révo-lution du monde de la construction ni d’une remise en question de ses enjeux, mais cherche à comprendre comment, par un simple changement de regard, par une simple reconsidération, la pierre pourrait elle être qualifiée de « béton natu-rel ». Autrement dit, de quelle manière ce matériau, très peu présent du monde de la construction d’aujourd’hui et du siècle dernier, pourrait s’approprier les techniques développées pour le matériau béton afin d’exprimer au mieux ses po-

Introduction

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1. Mémoire de Jean-Rodolphe Perronet, 1793.Ce mémoire cherche à déterminer les moyens à mettre en oeuvre pour construire une arche de 150 m d’ouverture, réalisée en pierre.

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tentiels. Nous traiterons pour ce faire, dans une seconde partie, de l’ambiguïté ac-tuelle dans l’utilisation de la pierre, de cette dénaturation d’un matériau pourtant éminemment local. Nous verrons ensuite quels potentiels permet-il dans cette reconsidération cimentière, et quelles techniques pourrait-il alors s’appropier.

Pour ce faire, nous nous appuierons sur un corpus d’ouvrages contemporains met-tant structurellement en oeuvre la pierre. Il est composé de quatres ouvrages ; trois en pierre et un en béton. Tout d’abord la façade du pavillon de futur, réalisée en 1992 par une équipe du bureau d’étude Ove Arup, dirigée par Peter Rice. Cet ouvrage a été choisi pour son caractère expérimental, presque prototypique. L’intention des concepteurs était en effet justement de reconsidérer le matériau pierre, et de l’utiliser d’une manière structurelle contemporaine, c’est à dire en optimisant le taux de travail de la pierre. Le deuxième ouvrage est la passerelle Punt da Suransuns, réalisée en 1999 à Thusis, en Suisse, par Jürg Conzett. Elle a été choisie car elle est actuellement l’ambas-sadrice d’une possible utilisation de la pierre comme matériau structurel. Elle est de plus, mais c’est un avis personnel, assez extraordinaire de pureté de l’intention architecturale, et de douceur de l’insertion dans le site. Le troisième et dernier ouvrage en pierre est le pont à Inachus, réalisé en 1994 par Mamoru Kawaguchi, professeur à l’université de Hosei à Tokyo. Cet ouvrage à été sélectionné ici pour son fonctionnement structurel, différent des deux précédents. Ce pont fonctionne en effet comme une poutre sous-tendue. Le quatrième ouvrage, en béton celui-ci, est une passerelle (n°3) réalisée par Jörg Schlaich en 1992 à Pforzheim, en Allemagne. Cette passerelle fonctionne de la même manière que la passrelle de Jürg Conzett : une bande précontrainte, où tou-tefois ici les voussoirs sont en béton et non en pierre.

De l‘analyse de ce corpus nous tenterons d‘en extraire une règle, un ou plusieurs types structurels que l‘on pourrait considérer comme mettant en oeuvre ce béton naturel qu‘est la pierre, d‘une manière structurellement contemporaine. Nous décr-irons enfin par quels moyens cette reconsidération du matériau est-elle possible, à travers les outils, de conception comme de production, qui rendent à la pierre toute la noblesse de son travail.

En 1793, Jean Rodolphe Perronet, fondateur de l’école royale des Ponts et Chaus-sées, rédige un « Mémoire sur la recherche des moyens que l’on pourroit employer pour construire de grandes Arches de pierre de deux cents, trois cents, quatre cents & jusqu’à cinq cents pieds d’ouverture, qui feroient destinées à franchir de pro-

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fondes vallées bordées de rochers escarpés »1.Cinq cents pieds d’ouverture, soit un peu plus de 150 m.

Les essais qu’il mène sur une roche issue de la carrière de Saillancourt, dans le Val d’Oise, le mènent à la conclusion que cette roche peut résister à une pression de 265’680 livres sur un pied carré, soit 13 MPa. Le relevé d’une performance ma-térielle qui le fera dessiner, pour le pont de Neuilly, cinq arches «  furbaiffées au quart », c’est-à-dire d’une hauteur de 30 pieds (9,15 m) pour une portée de 120 pieds (36,6 m)2. La reconsidération d’un matériau, de ses propriétés, autorisant la prise de risque, autorisant l’innovation.J’aimerais, par ce travail de mémoire, comprendre si cette reconsidération est en-core possible pour la pierre, et comprendre, par là même, dans quel contexte se fait le choix d’un matériau, comprendre ce que convoque la matière, au-delà de la considération de ses propriétés instantanées.

1 Perronet, Jean Rodolphe : Mémoire sur la recherche des moyens que l’on pourroit employer pour construire de grandes Arches de pierre de deux cents, trois cents, quatre cents & jusqu’à cinq cents pieds d’ouverture, qui feroient destinées à franchir de profondes vallées bordées de rochers escarpés, 1793.

2 op. cit. § 6-7

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1. Peut-on parler d’un matériau pierre ?

Ce n’est pas tant dans la réponse que nous allons nous étendre que dans la com-préhension de ce que convoque le questionnement. La réponse risquerait de tom-ber dans une banale évidence. En revanche, la question est, elle, porteuse de beau-coup de sens. Il s’agit en effet de comprendre ce qui définirait le matériau pierre3 . Quelles caractéristiques, partagées par tous les types de pierre, permettraient de définir une certaine forme d’unité. Cette question est primordiale lorsqu’il s’agit de matériaux de construction. Il est en effet essentiel de pouvoir maîtriser l’ensemble des caractéristiques des matériaux que l’on met en œuvre, et tout particulièrement leurs caractéristiques mécaniques.

Ceci est essentiel afin que le matériau puisse être utilisé structurellement, car il faut que ses caractéristiques soient uniformes. Je définis ici un matériau structurel comme un matériau constituant la structure primaire d’une construction, et donc le matériau assurant la tenue globale de l’ouvrage. Ses caractéristiques peuvent-être très mauvaises ou au contraire excellentes, mais elles doivent être uniformes. Quand Perronet effectue ses tests sur la roche de Saillacourt, à la fin du XVIIIe siècle, il fixe à 13 MPa sa résistance mécanique en compression. Un béton courant, pro-duit en ce début de XXIe sièle, possède une résistance de 25 MPa. Certains bétons, les BHP (Bétons Hautes Performances) atteignent des résistances de l’ordre des 100 MPa. Ces valeurs de résistance, bien que très différentes, possèdent malgré tout la caractéristique commune d’être une valeur fixe, établie comme une valeur nor-mative. Ceci ne découle toutefois pas que d’un principe réglementaire, mais plus simplement du bon sens. On est obligé, dans un dimensionnement, quel qu’il soit, de prendre en compte pour chaque matériau une valeur de résistance, que l’on nomme valeur caractéristique. Cette valeur est une valeur pour laquelle on peut considérer que tout élément issu de ce matériau opposera une résistance, sans al-tération de son état. Cette valeur caractéristique représente en réalité une valeur

1 Mäckler, Christoph : Werkstoff Stein: Material, Konstruktion, Zeitgenossische Architektur, Birkhäuser, Bâle, 2004.

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2. Classification des grands types de rocheCe tableau permet de différencier des catégories géologiques de roches, qui ne sont en aucun cas des catégories classant les propriétés mécaniques de ces roches.http://domenicus.malleotus.free.fr/m/roches.htm

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13Peut-on parler d’un matériau pierre ?

sécuritaire prenant en compte la plus ou moins grande variabilité de résistance des éléments constitués d’un même matériau. On applique pour cela la règle dite des 5%. Cela équivaut à la valeur pour laquelle seulement 5 % des essais ont échoués. La résistance caractéristique de la pierre, au même titre d’ailleurs que celle du verre, peut atteindre des valeurs très élevées, qui, nous le verrons, sont à la hauteur des bétons les plus performants.

La définition du dictionnaire décrit la pierre par une « Matière minérale solide, dure, qui se rencontre à l’intérieur ou à la surface de l’écorce terrestre en masses com-pactes. »4 La définition est celle d’une matière, c’est-à-dire un « Produit destiné à être employé et transformé par l’activité technique. »5. Il n’est en aucun cas ici fait mention d’un quelconque matériau, qui est lui une « Matière servant à la fabrica-tion. »6.

1.1 La variabilité des propriétés physiques de la pierre

Pour parler d’un éventuel matériau pierre, il est tout d’abord nécessaire de com-prendre l’étendue des compositions chimiques que le terme recouvre. Les frères Coignet, cimentiers français du XIXe siècle, précisent à ce sujet que « les pierres de constructions sont aussi diversifiées que le sont les affleurements géologiques »7. La pierre est en effet un matériau naturel aux compositions et agencements ma-tériels divers. Ce sont ces roches, matières géologiques, qui constituent la source unique de production de la pierre de construction. Il me parait donc essentiel, en premier lieu, d’aborder cette matière afin d’en comprendre le matériau résultant.

1.1.1 Une classification géologique

Cette classification est une classification géologique, c’est à dire traitant d’une science qui étudie la composition des sols et leurs modes de formation. On ne parle alors plus de pierre mais de roche. Le géologue distingue par cette classification

4 Dictionnaire le petit Robert, édition de 2002.5 op. cit.6 op. cit.7 Coignet Jean et Coignet Laurent : Maçonnerie de pierre, matériaux et techniques, désordres et

interventions, éditions Eyrolles, 2007, P17.

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La pierre peut-elle encore être un matériau structurel · Yann Santerre 14

3. GrèsRoche sédimentaire : stratification de la roche due à l’accumulation de dépôtsSite de la faculté de Liège

4. ArdoiseRoche métamorphique foliée : orientation de la structure de la matière, par plans parallèles.Site de Sud Granulats 86

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15Peut-on parler d’un matériau pierre ?

trois grandes familles de roches : les roches magmatiques, les roches sédimentaires et les roches métamorphiques. Ces trois grandes familles correspondent à trois processus de formation.

Il existe donc une multitude de compositions chimiques, et une multitude de ca-ractéristiques physiques. Malgré tout, des caractéristiques physiques peuvent être partagées par des roches issues de processus différents.

Par exemple, prenons la caractéristique qu’a une roche d’être constituée d’une jux-taposition de couches, aux duretés et résistances variables. C’est-à-dire, plus préci-sément, une roche constituée de couches dures liées entre elle par des interfaces faiblement résistantes. Chose qui structurellement est difficilement exploitable.

Cette caractéristique se retrouve dans deux types de roches issues de processus de mise en place totalement différents.

Tout d’abord cela caractérise une roche sédimentaire. Ce type de roche prend forme par fixation de particules, quelle qu’en soit leur origine, ce que l’on appelle la diagénèse. La quantité de particules déposée étant variable dans le temps, la den-sité de la roche varie dans son « épaisseur », c’est-à-dire selon la direction du dépôt.

Deuxièmement, cela caractérise une roche métamorphique foliée. Le processus est alors totalement différent. Il ne s’agit ici plus d’une alternance de densités, mais de couches de minéraux orientés.

Les conséquences mécaniques de ces deux types de roches sont pourtant simi-laires : la roche est très résistante dans une direction, et est en revanche très fragile dans les deux autres.

Des roches issues de processus de formation totalement indépendants peuvent donc présenter des caractéristiques mécaniques similaires. La pierre est en cela bien différente de l’acier.

Prenons un exemple : un acier S235 J2. La première lettre désigne la destination usuelle de l’acier, la lettre S caractérise ici un acier destiné à une utilisation struc-turelle. La valeur 235 désigne la limite élastique de l’acier considéré, exprimée en MPa. Le dernier terme, J2, caractérise la qualité de l’acier, essentiellement influen-cée par sa plus ou moins bonne soudabilité.

La différence fondamentale entre ces deux matériaux est que l’un, l’acier, est un pro-duit de l’homme. L’acier S 235 J2 n’existe pas tel quel dans la nature. Son processus de fabrication est toujours le même, en revanche ses composants, les proportions de ses constituants, varient, et c’est ce qui défini dans un lien direct les propriétés du matériau. L’autre par contre, est un produit de la nature que l’homme extrait

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17Peut-on parler d’un matériau pierre ?

mais ne transforme pas dans sa structure interne. En ce sens la compréhension du matériau passe nécessairement par l’expression de son processus de constitution. L’apport de la géologie peut se situer dans la compréhension du processus de for-mation d’une roche, ce qui conditionne dans un lien direct ses propriétés méca-niques, et permet donc la maîtrise des variabilités des capacités mécaniques des roches, et donc des pierres que nous cherchons à mettre en oeuvre.

Une première caractéristique, est le caractère non-humain du matériau pierre. C’est un matériau existant, aux propriétés diverses. Cette caractéristique est un critère invariant. Il est je pense important de la considérer par ce petit détour au travers de la géologie, afin de comprendre que bien que les caractéristiques des pierres soient variables et que nous n’avons aucune influence sur elles, il nous est possible de les comprendre et de les contrôler, et que la pierre, au même titre que l’acier, pourrait être nommé selon une codification normative.

1.2 Une origine archaÏque

Je ne tenterai pas ici de lister l’ensemble des moyens de mise en œuvre de la pierre par l’homme lors des 2,5 derniers millions d’années. Simplement, j’aimerais sou-lever un point qui me semble important dans la compréhension de la pierre. Il existe une multitude de techniques de mise en œuvre de la pierre.8 Ces techniques constituent toutes des méthodes empiriques d’empilement ou de rapports géo-métriques. Un ouvrage donne à ce propos un exemple explicite. Il s’intitule Pierres sèches, guide de bonnes pratiques de construction de murs de soutènement.9 Cet ou-vrage, dans son écriture et dans son iconographie, est assez caractéristique d’un mode de construction empirique, représenté par des schémas et croquis. Il n’est pas lieu de critiquer ce genre d’ouvrage, qui n’est que la traduction dans une civi-lisation de l’imprimé de connaissances développées dans une civilisation essen-tiellement orale.10 Il n’est pas non plus lieu de critiquer des méthodes d’une telle richesse pratique. Il est en revanche intéressant de remarquer de quelle manière, sur ce point, la pierre est bien différente des autres matériaux de construction.

8 Coignet Jean et Coignet Laurent : Maçonnerie de pierre, matériaux et techniques, désordres et interventions, éditions Eyrolles, 2007.

9 ABPS (Artisants Bâtisseurs en Pierre Sèche), Pierre sèche, guide de bonnes pratiques de construction de murs de soutènement, CAPEB, 2008.

10 Postman Neil : Se distraire à en mourir, Nova, 2010², P48.

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19Peut-on parler d’un matériau pierre ?

1.2.1 Une pensée discrète du matériau

La pierre est une matière finie, sur laquelle nous n’avons plus d’influence. Ses pro-priétés physiques, chimiques, ou mécaniques sont le résultat d’un processus que nous tentons de comprendre. La construction en pierre consiste donc en la compo-sition d’éléments finis aux propriétés établies. Le terme composition est important, en ce sens qu’il évoque le caractère empirique de la construction en pierre. Jacques Heyman écrit à ce propos,

« La conception consiste, et c’est quelque peu étrange pour l’esprit de l’ingénieur moderne, à trouver les proportions correctes d’une arche»11.

Il est question de proportions, de rapports géométriques. On est ici bien loin du calcul en phase élastique. La construction en pierre est une des méthodes de construction en maçonnerie. Dans le même ouvrage, Jacques Heyman définit la maçonnerie comme un assemblage de pierres.12 Le terme « pierre » désignant ici l’objet, le fragment de matière que l’on peut déplacer ou jeter.13

Cette matière, la pierre, n’est un matériau de construction que par l’assemblage de ses fragments. Cette matière naturelle existante est fragmentée lors de l’extraction, puis réassemblée pour la construction. Ses propriétés matérielles intrinsèques s’ef-facent derrière les méthodes d’assemblage, qui représentent la seule étape sur la-quelle nous pouvons avoir une influence, et qui constituent une rupture inévitable de la matière.

Il apparaît donc difficile de parler d’un matériau pierre, et ce pour les deux raisons que nous venons d’évoquer. Premièrement il existe un multiplicité de composi-tions chimiques, rendant la pierre difficile à cerner dans les caractéristiques méca-niques qui intéressent le monde de la construction, bien que des domaines tels la géologie traitent et maîtrises ces questions. Deuxièmement, ses modes de mise en œuvre ignorent ses caractéristiques propres, dans le sens où celles-ci ne sont ni ex-ploitées à leur pleine capacité, ni partie intégrante du mode de mise en œuvre. Les modes de mise en œuvre de la pierre ne sont en effet pas exclusifs, et pourraient très bien s’appliquer à tout autre matériau. Ils représentent un processus d’as-

11 Heyman Jacques : The Stone Skeleton: Structural Engineering of Masonry Architecture, Presses de l’université de Cambridge, 1995, extrait traduit : « The design consists, somewhat strangely to the mind of the modern engineer, in assigning correct proportions to the arch. », P4.

12 Op. Cit., extrait considéré : « Masonery is an assemblage of stones », P12.13 Dictionnaire le petit Robert, édition de 2002.

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5. Galilée, 1638Ces schémas représentent les premières considérations des contraintes que subit la matière. À gauche, une mise en situation. En haut à droite, la même planche, mais orientée différemment. Addis, Bill : Building : 3000 years of design engineering and construction, P190.

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21Peut-on parler d’un matériau pierre ?

semblage d’objets indépendants aux variations formelles plus ou moins grandes. Les techniques de mise en oeuvre, d’appareillage ou les rapports de proportions géométriques que décrit Jacques Heyman dans son ouvrage ont été développées alors même que l’analyse des contraintes dans une structure n’ait été étudiée. Ce n’est en effet qu’à partir de 1638, par l’ouvrage The two new sciences, que Galilée introduit pour la première fois l’analyse des contraintes dans une structure.14 Ce qui signifie que les connaissances ancestrales de maçonnerie, développées de-puis quelques millénaires, ignoraient cette dimension de la matière. L’enjeu était jusqu’alors de faire tenir la structure, qu’elle reste en équilibre. On était alors loin de penser que la matière même pouvait faillir, car ce n’était pas le paramètre courant qui entraînait l’effondrement d’un édifice. À ce sujet, Léon Benouville, architecte et ingénieur français, architecte des monuments historiques, travaillant sur la ca-thédrale de Beauvais, s’étonna de ne pas trouver dans la structure de la cathédrale gothique au coeur le plus haut du monde (48,5 m), de contraintes supérieures à 1,3 MPa. Si l’on considère que la résistance à la compression d’une roche sédimentaire se situe entre 40 et 50 MPa, la matière employée dans la structure de la cathédrale de Beauvais travaille alors entre 1/30 et 1/40 de sa capacité, ce qui ne fait plus état d’une éventuelle marge sécuritaire mais qui est bien la preuve d’un type structurel qui ignore, ou du moins ne permet pas, l’optimisation de l’usage de la matière.

C’est pour cette raison que l’on peut considérer que la maçonnerie en pierre résulte d’une pensée discrète du matériau, dans laquelle les objets finis sont implicitement considérés comme infiniment résistants, étant donné l’importante instabilité des assemblages connectant un élément à son prochain.

Nous allons à présent essayer de tout oublier. Oublier tout ce que nous savons sur la pierre. Oublier qu’une cathédrale gothique comme celle de Beauvais est performante. Oublier qu’elle est un matériau ar-chaÏque, mis en oeuvre par une science d’un autre temps. Oublier notre impression d’une matière aux caractéristiques incontrôlables, car non déterminées. Oublier que chaque caillou que nous ramassons est différent de son voisin.Nous allons essayer de tout oublier afin de comprendre les réalités de ce matériau. Pour marquer cette reconsidération, je propose le terme de BNHUP, mon intention étant de confondre pierre et béton. De regarder la pierre d’un regard neuf, selon les critères contemporains que l’on utilise pour la définition d’un béton. En somme, de replacer le matériau pierre dans l’histoire, beaucoup plus récente, du béton, et de chercher à comprendre la réalité de ses potentiels.

14 Addis, Bill : Building : 3000 years of design engineering and construction, Phaidon, Londres, 2007, P191.

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2. La formulation d’un nouveau béton, le BNHUP

Le BNHUP  : Béton Naturel Ultra Haute Performance. Un nouveau terme pour un nouveau matériau. La « nouveauté », quand il est question de matériaux, est toute-fois une question délicate. Le terme de renouveau est certainement plus approprié, bien qu’on ne parle ici pas du nouveau béton, mais d’un nouveau béton, suggérant la pluralité des matières que recouvre ce terme. Le philosophe François Dagognet écrit à ce propos, dans un article sur les matériaux, et en prenant ici l’exemple du bois :

« Le bois appartient-il au passé ou ne joue-t-il plus qu’un rôle folklorique (pour les petits appareils quotidiens comme les coffrets, les écuelles, les pipes, les jouets, les

flûtes). Qu’on se garde d’une telle conclusion ! Aucun matériau ne meurt : ou bien il subit des transformations qui en effacent les inconvénients, ou bien il s’associe – faute

de mieux- à des textures, étrangères à lui, qui le consolident et le sauve. »15

Une nouvelle utilisation d’un matériau déjà existant, de nouvelles techniques per-mettant de réutiliser un matériau que l’on avait oublié, constituent-elles la défini-tion d’un nouveau matériau  ? Notre hypothèse sera de considérer que oui. Oui, une utilisation nouvelle constitue un matériau nouveau, et oui, le renouveau passe pour beaucoup par une reconsidération technique.

Nous allons à présent, au travers de divers exemples construits, tenter de définir quelles seraient les caractéristiques de ce nouveau matériau, le BNHUP. Cinq lettres symbolisant la reconsidération technologique d’une matière, la pierre, au travers des techniques aujourd’hui à notre disposition. Cinq lettres pour tenter de com-prendre dans quelle mesure ce renouveau est possible.

15 Dagognet, François : « Matériaux », Encyclopaedia Universalis, Tome 14, éd. Encyclopaedia Universails, 1992, P700.

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25La formulation d’un nouveau béton, le BNHUP

2.1 L’ambiguïté actuelle

La question de la durabilité définit le terme Naturel qu’intègre la notion de BNHUP. Un béton Naturel, une inversion de paradigme, ou plutôt une redéfinition du ca-ractère de normalité. Aux premières heures de l’utilisation du béton, et alors que la construction courante se faisait en pierre, le terme de « pierre artificielle » fut donné au béton, à cette pierre factice à laquelle on pouvait donner, sans effort, la forme souhaitée .16

À l’heure actuelle, la recherche d’un béton naturel, d’un béton plus respectueux de l’environnement semble être une nécessité. En attestent les recherches, ainsi que la communication faite par les cimentiers autour d’usines plus propres, de procédés moins énergivores. Forte consommatrice d’énergie, pour chauffer et broyer le clin-ker, cette production rejette beaucoup de CO2. De par cette nécessité de produire de l’énergie, en générant notamment 30 % de l’énergie par la combustion de dé-chets de l’industrie, mais aussi et surtout par le processus chimique même de pro-duction du clinker. Pour fabriquer du clinker, il faut approximativement 1/5 d’argile et 4/5 de calcaire. Le calcaire, de formule chimique CaCO3, se transforme, par com-bustion, en chaux (CaO) et en gaz carbonique (CO2). Or cette part d’émission de gaz carbonique représente 60 % des émissions totales. Donc 60% des émissions de CO2 lors de la production de ciment sont inhérentes au processus chimique.17 Le seul moyen, alors, serait l’utilisation de moins de ciment, ce qui équivaut à l’utilisa-tion de bétons plus performants. Par exemple, pour la construction d’une colonne, l’utilisation d’un béton à la résistance caractéristique de 75 MPa au lieu de 25 MPa permettrait d’utiliser seulement un tier des agrégats, et moitié moins de ciment.18

Le béton, matrice amorphe, est également mondialisé. Les réglementations euro-péennes uniformisent ce matériau par la définition de ses caractéristiques méca-niques et physico-chimiques. Le béton n’a pas de provenance car son lieu d’exis-tence principal est le texte normatif. Peu importe l’usine de laquelle il provient, puisque quelle que soit sa provenance, il sera normalisé. Normalisé par sa compo-sition ou normalisé en terme de performance. Ce caractère normé du matériau le détache de toute provenance, qui serait elle synonyme de caractéristiques locales particulières. Le béton de Lourdes n’aurait pas la même connotation que le béton du Havre. C’est un matériau sans lieu puisqu’il n’est en tous points du globe qu’une série de caractéristiques normées, qui au même titre que l’acier le désignent.

16 Simmonet, Cyril : Le béton, histoire d’un matériau, édition Parenthèses, 2005.17 http://www.infociments.fr/developpement-durable/ecologie-industrielle/reduction-emission-

co2, 17-12-1118 Aïtcin Pierre-Claude et Mindness Sidney : Sustainability of concrete, Spon Press, 2011, P 8.

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7. Le site de la façace du Pavillon du futur : l’Espagne.Bien que le choix de la pierre puisse être mondial, le choix d’une pierre espagnole semblait «appropriée».Document produit.

6. Le site du pont du GardEn haut à gauche sont indiquées en rouge les carrière d’extraction. Le pont du Gard construit est indiqué en bas à droite par une pastille rouge.Google Earth.

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2.1.1 La localisation d’un caractère

Toute matière rocheuse, géologique, n’est pas présente en tous points de la surface terrestre. Il existe des régions, des zones, dans lesquelles se concentre un type de roche. Le granit en Bretagne, roche des dolmens, chapelles et calvaires, la molasse coquillière en Languedoc, roche sédimentaire calcaire utilisée pour la construction du Pont du Gard ou des ouvrages de Fernand Pouillon. Il existe donc des zones géo-graphiques auxquelles sont rattachées des types de sols. Je parle ici précisément de types de sols, dans le sens où il existe divers granits en Bretagne et diverses mo-lasses coquillières en Languedoc. Mais ce n’est pas de cette diversité dont j’aimerais ici parler. Du moins pas du caractère géologique ; plutôt du fait géographique.

En effet, cette subtile variabilité du type granit ou du type molasse n’est qu’une conséquence d’histoires géologiques diverses. Une histoire complexe, incluant un nombre incroyable de facteurs divers, sur une échelle de temps dépassant toute échelle de vie. Ces variabilités décomposent les grandes régions géographiques en bassins d’extraction. C’est sur les communes de Vers-Pont du Gard et Castillon du Gard que furent extraites les roches destinées à la construction de l’ouvrage romain. C’est-à-dire à quelques kilomètres seulement du lieu de construction.

Bien évidemment, il était à l’époque très compliqué de transporter un tel volume de pierre sur de longues distances. Mais le choix d’un matériau extrait à proximité, le choix d’un matériau local, est autant lié à notre manière de définir le matériau qu’à une quelconque facilité de transport.

Alistair Lenczner écrit, à propos du choix de la pierre mise en œuvre en 1992 pour le Pavillon du futur de l’exposition universelle de Séville :

« Une pierre indigène de l’Espagne semblait appropriée pour l’exposition de 1992 à Séville. »19

La pierre en question, celle retenue, est une pierre extraite en Galice, au nord-ouest de l’Espagne, soit à un millier de kilomètres de Séville. En 1992, il a bien évidem-ment les moyens, d’autant plus sur un tel projet, de faire venir une pierre de l’autre bout du globe. Son choix se fait à l’échelle planétaire, mais il se cantonne à l’Es-pagne.

Un millier de kilomètres, cela peut paraître beaucoup face au petit kilomètre par-

19 Lenczner, Alistair : The design of the stone facade to the pavillon of the future, expo 92, Seville, article paru dans The Structural Engineer, volume 72 numéro 11, 7 juin1994, P171 ; extrait traduit : « A stone indigenous to Spain seemed appropriate for Expo 92 at Seville ».

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couru par la pierre du pont du Gard. Mais il y a un point important dans ce que dit Lenczner. Construisant en Espagne, le choix d’une pierre espagnole, lui semblait «approprié». De manière encore plus flagrante, pour la construction de la passe-relle Punt da Suransuns, Jürg Conzett fit le choix d’un gneiss extrait à une dizaine de kilomètres du site, le gneiss d’Andeer.

Ce qu’il est intéressant de noter, à travers ces deux projets, est que l’origine de la pierre mise en œuvre est, sinon une question, du moins un élément abordé dans le traitement du projet et dans sa justification architecturale. Le choix d’un matériau quasiment extrait du site pour le projet de Jürg Conzett s’intègre à sa démarche régionaliste et environnementale. Le choix de mettre en œuvre de la pierre, pour ce projet particulier, est déjà un choix découlant des conditions du site. Elle était déjà mise en œuvre sur des parcours de randonnée, et faisait par conséquent partie intégrante du site et de ses environs, de part sa présence géologique aussi bien que par sa présence construite.

Concernant le pavillon du futur, le contexte et l’échelle du projet sont quelque peu différents. Le thème de cette exposition universelle était The age of discovery, exposition symbolique du 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Le choix de la pierre comme matériau structurel visait la redé-couverte de ses caractéristiques et de ses capacités, pour un pavillon dont le nom original était The pavillon of the past, present and future. Le choix d’une pierre espagnole, pour un pavillon en l’honneur du 500ème anniversaire d’une gloire espa-gnole, semblait approprié, selon les termes d’un membre de l’équipe de concep-tion.

C’est que la provenance d’une pierre est une caractéristique qui bien souvent la définit  : le gneiss d’Andeer, le marbre de Carrare. La provenance d’une pierre fait partie de ses caractéristiques, et introduit de cette manière la nécessité de justifier le choix d’une pierre non-locale. Ce matériau est en ce sens, par le simple fait de le nommer, un matériau éminemment plus durable que tout autre matériau.

2.1.2 De l’indigène mondialisé

Ce caractère localisé de la pierre, cette appartenance à un sol, à une géologie et donc à une géographie, cette particularisation par origine, définit malgré tout bien souvent un aspect. Le marbre de Carrare tient sa réputation de la pureté de son grain, blanc, sans presque aucune imperfection. C’est cette propriété particulière d’aspect qui le caractérise, celle-là même qui a fait sa réputation. Une sorte d’Ap-

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8. Scotsman steps, EdimbourgEscalier caricature de cette mondialisation de caractères régionaux, mettant en oeuvre 104 marbres différents.Site internet : www.edinburghspotlight.com

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pellation d’Origine Contrôlée (A.O.C.), garantissant par une provenance la qualité d’un produit. Cette A.O.C., ajoute à la réputation méritée d’une pierre le caractère irrationnel de la rumeur. Le sculpteur, préparant son chef-d’œuvre, croit alors né-cessaire l’utilisation de ce marbre particulier, pour rendre possible l’exceptionnalité de son œuvre futur. L’espace n’est plus une contrainte, les distances non plus. De la même manière, l’architecte, préparant sa façade, se doit d’en choisir un parement. C’est aujourd’hui l’usage courant qu’il est fait de la pierre. Elle s’utilise en façade, comme habillage du bâtiment. Cette concentration de l’usage sur des questions esthétiques, sur l’aspect du matériau retourne négativement le caractère intrinsè-quement local de la pierre.

D’une manière caricaturale, le Scotman Steps, à Edimbourg, escalier d’un passage public réalisé en 1899, concentre cette idée que la pierre ne serait qu’une texture, qu’un aspect. On va chercher, dans le monde entier, la pierre de la couleur que l’on souhaite, nervurée comme on le souhaite. Ceci va bien évidemment à l’encontre de la définition d’un matériau durable. Il y a donc une certaine ambiguïté dans cette appartenance régionale, qui aujourd’hui, dans un usage de parement, et donc de représentation, cherche à s’approprier l’image d’une région ou d’une époque.

2.2 L’appropriation technologique

Nullement antinomiques, la question de la durabilité et celle de l’appropriation de technologies est même un réel enjeu qu’il convient de définir. En effet, le caractère archaïque couplé à la non-uniformité inévitable de la pierre de construction ren-dent nécessaire la technologisation de ses modes de construction.

La pierre, au même titre que le béton, possède une résistance en traction que les calculs négligent. En effet, leur résistance en traction est non seulement très faible, elle est surtout fragile. La rupture d’un élément de béton soumis à une traction est relativement imprévisible, ce qui nous fait considérer sa résistance comme nulle en traction. C’est ce que solutionne l’armement du béton, et de manière encore plus efficace, la précontrainte. Son principe est simple, mais permet d’éviter toute fragilisation du béton, qui travaille alors uniquement en compression, quel que soit le cas de charge considéré. Elle surcomprime le matériau pour éviter son travail en traction, qui risquerait d’entrainer la fissuration du béton et l’ouverture des joints pour la pierre. Le matériau, précontraint, doit donc être particulièrement perfor-mant en compression. Il doit en effet supporter la compression due à son caractère

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9. Tableaux comparatifs des résistances des matériauxOn voit que la résistance des différents types de roche propose des valeurs rivalisant avec les meilleurs bétons. YS d’après informations croisées, internet

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structurel, auquel s’additionne cette force sécuritaire de précontrainte.

Au vu des résistances caractéristiques particulièrement élevées des divers types de roches, concurrençant aisément les meilleurs bétons que l’on sache aujourd’hui produire, pourtant présentés comme des matériaux de haute technologie, le choix de la précontrainte comme technologie de transfert semble être à fort potentiel. Jürg Conzett préçise d’ailleurs, au sujet de l’invention d’Eugène Freyssinet :

«L’idée de la précontrainte est parmi les plus astucieuses jamais conçues par des ingé-nieurs et nous ne nous lassons pas de chercher de nouvelles applications à cette tech-

nique, pour tous les matériaux et dans toutes les circonstances.»20

C’est dans le passage de la fissuration à l’ouverture de joint que se joue ici la ques-tion du transfert technologique. C’est dans la compréhension de ces deux com-portements qu’est rendue possible l’appropriation par la pierre des techniques du béton. Il convient donc de comprendre dans quelle mesure les technologies du béton, et plus particulièrement la précontrainte, peuvent s’appliquer au matériau pierre, pour définir cet éventuel BNHUP.

2.2.1 La notion d’équilibre

Tout l’enjeu de la tenue d’une structure en maçonnerie pourrait se résumer dans le contrôle de son funiculaire. C’est du moins l’alchimie qui a longtemps permis l’élaboration de structures maçonnées extrêmement complexes.21 Le funiculaire re-présente le chemin par lequel passent les forces dans une structure. Ce chemin doit nécessairement passer par l’intérieur de la section, sans quoi l’arche ou la voûte s’écroule, par l’ouverture de ses joints. Or le dessin de ce parcours des forces est sans unité, par définition. C’est pourquoi la maçonnerie classique se définit par des rapports géométriques, des rapport de proportion. C’est aussi pour cette raison qu’une arche en pierre réalisée en mousse tiendra tout aussi bien, si l’on ne consi-dère que les efforts de poids propre.

20 Pagès, Yves : Entretien avec Jürg Conzett, AMC n°110, octobre 2000, P76.21 Heyman Jacques : The Stone Skeleton: Structural Engineering of Masonry Architecture, Presses

de l’université de Cambridge, 1995.

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10. Interaction effort normal/effort transversal dans une colonneCe schéma représente une colonne simultanément soumise à un effort normal, dû au poids propre, et à un effort transversal, caractéristique d’un effort de vent. Addis, Bill : Building : 3000 years of design engineering and construction, P101.

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Il faut en effet pour que ceci soit vrai, ne considérer que les efforts de poids propre, car c’est dans le rapport entre la masse de la structure et l’intensité des efforts ex-térieurs appliqués que se joue la stabilité d’une structure maçonnée. Ceci explique l’usage des pinacles dans l’architecture gothique. Leur masse sert à augmenter l’ef-fort axial dans les arcs boutants, afin que les efforts de vent par exemple, ne vien-nent faire sortir le funiculaire de l’axe de la colonne.

Cette réponse par la masse est très contraignante, et aujourd’hui difficilement considérable comme une réponse structurellement performante.

2.2.2 « Mettez des forces, elles ne pèsent rien »

Remplacer la matière par des forces. Une idée simple, expression d’un constat pratique. Ce qui est important, pour la stabilité d’une structure maçonnée, est le chemin du funiculaire que déterminent les efforts dus au poids propre. Ces efforts sont donc les seuls paramètres dirigeant le funiculaire, le poids de chaque voussoir étant simplement la manière de générer ces efforts.

La précontrainte représente ces forces qui ne pèsent rien. Concernant le béton, le risque encouru n’est pas l’ouverture de joints mais la fissuration, qui entraîne la dégradation prématurée de la structure ou même sa ruine immédiate.

En 1928, Freyssinet brevette ce procédé de précontrainte par fils adhérents. Le procédé dérive de celui du béton armé. Le principe est le même  : le béton, fra-gile en traction, est associé à l’acier, qui lui, offre une très bonne résistance sous cette sollicitation. L’acier, comme tout matériau élasto-plastique, se déforme sous la contrainte, ce qui a pour effet, dans le béton armé, de fissurer le béton, et donc de diminuer sa section efficace.

Le rôle de la précontrainte est de pré-appliquer une déformation contraire. Le câble d’acier, contraint en traction puis lié au béton, comprime ce dernier. L’acier est donc allongé par une contrainte de traction et le béton raccourci par une contrainte de compression. Tout l’intérêt de ce dispositif réside dans le fait qu’il permet au béton de ne travailler qu’en compression.

La précontrainte par fils adhérents permet la préfabrication d’éléments perfor-mants. En effet, dans ce dispositif, le câble doit être extérieurement mis en tension durant la durée de prise du béton. C’est ensuite par adhérence que se transmet-tront les efforts entre aciers et béton. D’autres dispositifs, que le langage correcte désigne par «dispositifs de précontrainte par post-tension», permettent de générer ces effort internes après la prise du béton, c’est à dire sur un matériau solide, uni-taire. Il s’agit des cônes d’ancrage et des vérins de mise en tension, que Freyssinet

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breveta dès 1939.22

Ces forces internes constituent ces « forces qui ne pèsent rien ». Elle permettent en effet d’optimiser l’usage des matériaux, ici le béton et l’acier, sans devoir augmen-ter l’inertie ou la taille de la section, donc sans augmenter la quantité de matière mise en place.

La formulation de ce BNUHP n’est donc pas tant une formulation chimique, un do-sage d’eau, de sable, de ciment et de granulats. La formulation de ce nouveau bé-ton s’apparente en effet plus à une re-formulation, linguistique et surtout symbo-lique, au même titre que ce matériau n’est pas réellement un nouveau béton, mais le renouveau d’un matériau ayant peut-être oublié une partie de sa réalité dans les méandres de l’histoire.

Cette reformulation, ce renouveau, nécessitent la définition d’une typologie asso-ciée, d’une manière, architecturale, de reconsidérer ce matériau pierre pour ses ca-pacités réelles. Mettre en forme une reconsidération, un exercice compliqué tant il

rend nécessaire l’abstraction historique.

22 Site de l’association Eugène Freyssinet : http://www.efreyssinet-association.com/oeuvre/inventions.php

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3. La recherche d’un nouveau type

Nous avons besoin, avant toute chose, de savoir où nous allons si nous voulons trouver un moyen correct d’y parvenir. Pour cela, il nous est en premier lieu néces-saire de définir clairement ce que l’on entend ici par type. Le dictionnaire en donne cette définition : « shéma ou modèle de structure »23. Cette définition renvoie à celle de typologie, qui désigne la « science de l’élaboration des types, facilitant l’analyse d’une réalité complexe et la classification »24. Il y a donc comme idée sous-jacente la nécessité de classer les choses, afin de les rendre plus intelligibles. De définir les caractéristiques fondamentales distinguant un groupe d’objets de son prochain.

À travers quelques exemples construits, nous allons tenter de comprendre com-ment cette technique du béton, la précontrainte, intéresse le matériau pierre. Comprendre comment les potentiels de ce matériau pourraient être exploités au travers d’une technologie développée pour le béton, mais qui requière des carac-téristiques auxquelles la pierre répond parfaitement. Nous allons pour cela analy-ser quatres ouvrages, desquels nous extrairons deux typologies.

3.1 Un changement d’échelle

À propos de la façade du Pavillon du futur de Peter Rice, André Brown écrit, en parlant de Peter Rice :

« Il y avait, pensait-il, un transfert intéressant à prendre la pierre, un matériau traditionnellement associé aux formes structurelles lourdes, de compression, et

23 Dictionnaire Le Robert, 1997.24 op. cit.

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12. Photo de l’une des onze arches composant la façade du Pavillon du futur.On y voit la toiture du pavillon, suspendue à un câble passant sous l’arche de pierre, venant ramener chaque voussoir radialement, vers le centre géométrique de l’arc. The structural Engineer, 1994, Volume 72, Numéro 11, P175.

11. Axonométrie éclatée d’un bloc de 5 mCette vue permet de distinger le nombre de blocs collés par résine epoxy par module de 5 m de haut, au nombre de 16.The structural Engineer, 1994, Volume 72, Numéro 11, P174.

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de remplacer la force de compression traditionnellement générée par le poids propre par un effort de précontrainte généré par une fine structure métallique »25.

Il est important de noter que le taux de travail d’une structure classique de ma-çonnerie est toujours très faible, car la contrainte de compression générée dans ce type de structure reste toujours bien inférieure à la contrainte à rupture de la pierre.

Les voussoirs constituant la façade de l’équipe de Rice sont des blocs de granit de 80cmx80cm, définis uniquement par des colonnes aux angles, de 20cmx20cm. Ces blocs sont en fait composés de seize blocs de pierre, collés entre eux par une résine époxy à la résistance en traction supérieure à celle de la pierre. Ces blocs, recons-titution de morceaux de pierre, ont une hauteur de 5 m. Il en résulte la formation d’un bloc optimisé, un bloc reconstitué proposant une surface résistante réduite à un quart de la surface que proposerait un bloc plein. L’action du poids propre sur la stabilité de la structure devient donc d’autant plus négligeable que ces blocs reconstitués se trouvent bien plus légers qu’un bloc de même dimensions, plein.

Le principe structurel de cette façade urbaine, longue de 250 m, est celui d’une structure mixte. La pierre, dans cette organisation tridimensionnelle, ne travaille qu’en compression. C’est en effet par précontrainte que sont maintenu les arches. L’effort de précontrainte est généré par le poids de l’ensemble de la toiture du pa-villon. Ce poids tend un câble, auquel est relié chacun des voussoirs par l’inter-médiaire d’autres câbles. Ce système est particulièrement intéressant dans le cas d’une arche en maçonnerie.

Alistair Lenczner, ingénieur faisant partie de l’équipe de conception, l’explique ai-nsi : 

« Une fonction intéressante du système de suspension est que la moindre erreur géo-métrique dans la position d’un élément de pierre dans le plan de l’arche est statique-

ment auto-compensé car le câble de répartition des efforts radiaux appliqués s’ajuste automatiquement pour prendre la même forme que l’arche.»26

Un système auto-adaptant donc sa géométrie à celle de l’arche maçonnée. Un sys-tème presque plus performant qu’une structure stabilisée par son poids propre, dans le sens où l’action de chaque câble sur un voussoir se fait de manière radiale,

25 Brown André, The engineer’s contribution to contemporary architecture : Peter Rice, Thomas Telford, 2001, P 144.

26 Lenczner, Alistair : The design of the stone facade to the pavillon of the future, expo 92, Seville, article paru dans The Structural Engineer, volume 72 numéro 11, 7 juin 1994, P173.

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13. Façade du palace Ajuda, LisbonneC’est cette façade non-terminée du palace Ajuda à Lisbonne qui, aux dires de Alistair Leczner, aurait insipirée l’équipe de conception.www.virtualtourist.com

14. Photographie de la construction de la façade du Pavillon du futurOn y voit un module, un bloc tripode de 5 m de haut, en cours de levage.The structural Engineer, 1994, Volume 72, Numéro 11, P174.

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c’est-à-dire en ramenant toujours le voussoir vers l’intérieur de l’arche, plutôt que de l’entrainer vers le sol comme le fait naturellement la gravité.

L’autre rôle, non négligeable et même primordial de la partie métallique de la structure est la stabilisation horizontale de la façade. Un point critique, aux vues de l’élancement de la façade. Construite dans un plan, l’inertie de l’arche en pierre hors du plan est quasi nulle, et le risque d’ouverture des joints sous un effort horizontal est important. Le rôle de cette structure métallique est donc ici non pas de sim-plement remplacer un effort, comme l’arrimage du toit remplace l’action du poids propre, mais de compenser une perte d’inertie due à un affinement de la façade. Cette façade n’est de plus qu’une façade, plane, et n’est liée à rien d’autre qu’à la toiture par l’intermédiaire de câbles.

L’envie de l’équipe s’inspirait de la façade non terminée du palace Ajuda, à Lisbonne. Une façade seule, sans fond, sans épaisseur programmatique. Une façade plan, en-veloppe d’un bâtiment absent. Sans épaisseur programmatique, mais d’une épais-seur construite conséquente. Elle est en effet épaisse d’une dizaine de mètres. Son fonctionnement structurel est un fonctionnement classique, et sa stabilité n’est due qu’à sa masse importante.

Retranscrites à Séville, les deux notions d’épaisseur se sont trouvées inversées. La façade du Pavillon du futur s’est retrouvée sans épaisseur physique, et accolée à un programme avec lequel elle n’était toutefois liée que par de simples câbles. La perte d’épaisseur, couplée d’une augmentation de la hauteur de la structure et par là même de son élancement, entrainait l’inévitable adjonction d’une structure sup-plémentaire.

Cette structure, stabilisatrice horizontale, permettait en réalité de constituer des blocs, d’une hauteur de 5 m, liant deux colonnes entre elles. Il en découlait une sorte de super bloc, comme un nouveau bloc maçonné, beaucoup plus stable car ayant gagné, par l’assemblage de deux colonnes et d’un tube d’acier, une inertie non-négligeable. Ces super blocs, tripodes, étaient en effet auto-stables, comme l’attestent les photos de la construction.

Il s’opère donc un glissement entre l’échelle apparente et l’échelle structurelle réelle. Mais ce n’est pas tant ce qui est important.

Ce qui est important se trouve certainement plus du côté de la définition de cette structure mixte complexe. Une structure tridimensionnelle définissant peut-être la pierre dans le même rapport qu’a le béton au béton armé. C’est-à-dire un nouveau type structurel rendant l’usage du matériau possible. Le béton n’est en effet rien sans acier. Il est, au même titre que la pierre, un matériau fonctionnant en compres-sion, et donc opposant une résistance quasi-nulle en traction. Le béton armé n’est

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15. Le Panthéon (église sainte Geneviève)Cette coupe représente les aciers inclus dans la pierre du Panthéon. Cet agraffage de la pierre peut être considéré comme l’ancêtre du ferraillage du béton. Addis, Bill : 3000 years of design engineering and construction, P250.

16. Coupe sur le Pont Inachus. Elle montre deux choses importantes : le fonctionnement indépendant de la structure, posée sur ses appuis, et le rapport entre tablier haut et tablier bas, avec un tablier haut, en pierre, relativement fin.The structural Engineer, août 1996, Volume 6, Numéro 3, P148-149.

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en soi déjà qu’une adaptation à un nouveau matériau d’une technique éprouvée par un autre : la pierre agrafée. Le béton a redéfini cet agrafage de la pierre, se l’est approprié en créant par là même un matériau plus performant, le béton armé. C’est ce glissement, ce transfert technologique qui nous intéresse, pour voir comment une nouvelle technologie, celle de la précontrainte, pourrait glisser vers la pierre, et de quelle manière cette dernière pourrait la faire sienne.

Penchons nous maintenant sur un ouvrage à la structure et au rôle fonctionnel bien différents de ceux de la façade urbaine de Séville, le pont d’Inachus, réalisé par Mamoru Kawaguchi pour la ville de Beppu, qui réalise toutefois une performance similaire : faire travailler à un taux de contrainte relativement élevé la pierre, afin de profiter de sa très bonne résistance à la compression dans le but d’affiner la structure.

Le pont, d’une portée de 34 m, fonctionne comme une poutre sous-tendue. La partie haute de la passerelle, composée de plaques de granit précontraintes, fonc-tionne comme un véritable élément monolithique. Cinq câbles traversent le tablier haut, et viennent comprimer les blocs de granit de 25cm d’épaisseur.

Ce tablier est ensuite globalement sous-tendu, par un câble longitudinal que vien-nent distancier des pyramides constituées en leurs arêtes de tubes d’acier. Est donc ici mis en oeuvre, le principe de base de la précontrainte : deux éléments, travaillant chacun sous l’effort le plus convenable, sont liés l’un à l’autre, le tendu s’appuyant sur l’autre, en le comprimant.

Deux aspects sont il me semble intéressants dans la comparaison de ces deux ou-vrages.

Premièrement, il se dégage de ces deux ouvrages une typologie structurelle, qui peut se décomposer en trois parties bien distinctes : deux primaires et une secon-daire. La première est celle qui nous a amené à comparer ces ouvrages, il s’agit de la pierre. Elle est mise en place en de très faibles quantités, dans des épaisseurs et des sections très réduites. Ces très faibles quantités sont évaluées en comparai-son aux quantités d’acier mises en places, notre seconde partie primaire. Ces deux parties, acier et pierre, peuvent être utilisées dans des quantités modérées car une troisième partie permet d’optimiser l’utilisation de leurs capacités mécaniques, une partie secondaire constituée d’éléments de mise à distance, qui permettent de donner de l’inertie à la structure et donc d’en réduire les sections.

Le second aspect est la définition, par l’un et l’autre de ces deux ouvrages, de mo-dules de structure mixte. C’est-à-dire d’une structure mixte stable, indépendante

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de tout ancrage, des blocs précontraints préfabriqués que le chantier n’a plus qu’à assembler. Concernant le pavillon du futur, il s’agit de ce module de 5 m de haut, composé de deux colonnes en pierre et d’une colonne en acier. Ce module est une structure indépendante qui ne nécessite aucun ancrage. Le pont en granit de Kawaguchi constitue quant à lui un module à l’échelle globale de la structure, en ce sens qu’il n’est aucunement ancré, mais simplement posé sur ses appuis. La partie basse, tendue, est en effet reliée à la partie haute, comprimée. C’est-à-dire que la tension qui s’exerce dans la partie basse permet de comprimer la partie haute. Il n’est donc en aucun cas besoin d’appliquer une quelconque force extérieure sur la structure, qui peut par conséquent simplement être posée sur ses appuis.

Cette première typologie structurelle définit donc l’intégration des éléments de pierre à des modules de structure mixte, impliquant la hiérarchisation du module et donc un rapport d’échelle entre l’élément de pierre et le module complet. Le mo-dule de base n’est donc plus simplement le morceau de roche, mais est un module «supérieur», qui intègre la pierre dans une structure plus performante, car compo-sée de pierre et d’acier.

3.2 Une forme très contrainte

« Une voie de pierre suspendue »27. Une bien belle manière de décrire cette pas-serelle, réalisée en 1992 par Jürg Conzett, près de la ville de Thusis, dans les Alpes suisses. Le fonctionnement structurel de cette passerelle est bien différent des deux ouvrages présentés précédemment. Son programme l’est tout autant : il s’agit ici d’une passerelle, d’un franchissement de ravin, destinée à des randonneurs par-courant les chemin escarpés de la région des Grisons. Cette différence program-matique n’est pas sans conséquences, et distingue grandement cette dernière de la passerelle japonaise, par exemple. Certains critères, gênant le bon usage de l’ou-vrage, ne seront pas considérés avec la même importance pour un ouvrage situé dans une ville, nippone en l’occurence, que pour un ouvrage reliant deux chemins escarpés suisses, et destiné à des randonneurs aguerris. Cette première considé-ration est il me semble un point important dans la compréhension des conditions ayant guidé le choix des concepteurs vers cette solution structurelle.

27 Pagès, Yves : Une passerelle dans les Alpes, AMC n°110, octobre 2000, P72.

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17. Schéma du fonctionnement structurel de la passerelle de Jürg ConzettSe distingue, en haut, un fonctionnement global en chaînette, d’un fonctionnement local représenté en bas, qui intègre le comportement de l’articulation joignant deux blocs de gneiss. Structural Engineering International, volume 10, numéro 2, mai 2000, P 105.

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Le fonctionnement structurel de ce type d’ouvrage est à considérer de deux ma-nières différentes.

Premièrement d’une manière globale, cette structure fonctionne comme une chaî-nette. Sa forme structurelle est donc celle d’une caténaire et sa forme dépend par conséquent du point d’application de la charge, c’est à dire, dans le cas d’une pas-serelle, de la position du piéton. Cette première considération suppose donc une variabilité dimentionnelle des déformations, comme dans toute structure, mais également une variabilité des formes prises par la déformation, et ce simplement par l’usage primaire d’un piéton traversant la passerelle. Ceci est important car, d’une manière globale, la première vérification à effectuer est la résistance à la traction des suspentes en sous-face du tablier, et la résistance à la compression des blocs de gneiss. Il faut en effet s’assurer qu’en tous points du tablier, et quel que soit le cas de charge considéré, la tension dans les suspentes n’entrainera pas de contraintes supérieures à la limite élastique de l’acier mis en place, et que la compression dans les blocs de gneiss n’aura pas comme effet de rompre la pierre. Or si l’on considère un simple fil, la tension à lui administrer pour qu’entre les deux points de traction il dessine une ligne droite est infinie. C’est à dire qu’un fil par-faitement droit entre deux points de traction subira une contrainte infinie. Ce qui signifie que plus la passerelle est droite, plus la tension dans ses suspentes, et donc par là même la compression dans les blocs de gneiss, sera importante. Mais dans le même temps, l’augmentation de tension dans la structure induit une augmenta-tion de sa raideur. Ce qui dans le cas d’une passerelle suspendue est un critère que l’on cherche à améliorer.

Cette question du confort de l’utilisateur, c’est à dire de la stabilité de l’ouvrage et donc de la raideur de sa structure, qui limite les déformations trop importantes, est certes un critère dimensionnant. Toutefois, comme nous l’avons évoqué pré-cédemment, les utilisateurs sont des randonneurs, habitués aux environnements difficiles. Ce n’est donc pas tant l’inconfort des utilisateurs que l’usure de la struc-ture qui est en jeu en cas de déformations répétées. Cette répétition des déforma-tions entraîne en effet la fatigue des points d’accroche, ce qui fut, aux dires de son concepteur Jürg Conzett, un critère essentiel du dimensionnement des sections d’acier.28

La deuxième manière de considérer le fonctionnement structurel de ce type de passerelle se joue à une échelle plus réduite. En effet, le fonctionnement en chaî-nette de la structure est modéré localement par le raidissement dû à la discrétisa-tion qu’entrainent les plaques de gneiss. Sous l’effet d’un effort ponctuel, le gain de raideur entraîné par la juxtaposition des plaques de pierre précontraintes permet

28 Conzett, Jürg : Punt da Suransus pedestrian bridge, Structural Engneering International, Volume 10 numéro 2, Mai 2000, P 105

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18. Coupe transversale de la passerelle de Jürg ConzettLa structure de l’ouvrage se concentre dans les 7,5 cm d’épaisseur que constituent les dalles de pierre et les aciers. Structural Engineering International, volume 10, numéro 2, mai 2000, P 104.

19. Photo de la passerelle n°3 à Pforzheim, de Jörg SchlaichLes rembardes, beaucoup plus présentes visuellement que sur la passerelle de Conzett, participent en fait à la stabilité de la structure.Site internet de l’agence Schlaich Bergermann und Partner.

http://www.sbp.de/de

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de limiter l’angle pris localement par les suspentes, en répartissant la déformation sur une plus grande portion de passerelle.

Un autre ouvrage peut être mis en regard de celui de l’ingénieur régionaliste des Grisons. Il s’agit de la passerelle de Jörg Schlaich, réalisée en 1992 pour la Landes-gartenschau (LGS) de la ville de Pforzheim. Il s’agit d’une exposition florale et hor-ticole régionale. Cette comparaison est intéressante car la passerelle allemande, réalisée 7 ans avant la suisse, propose le même schéma structurel : des suspentes, sur lesquelles toutefois ne sont pas disposés des blocs de gneiss ou de granit, mais des blocs de béton cellulaire, c’est à dire un béton très léger. Ceci est fondamental, et conditionne le dessin de l’ensemble de la structure.

En effet, le fait d’avoir un tablier plus léger réduit d’un côté les efforts à appliquer dans les suspentes, mais limite par conséquent la raideur du tablier. La solution trouvée ici fut la participation structurelle des balustrades. Celles-ci comportent effectivement des systèmes d’amortissement par friction29. Ce rejet d’une partie du rôle structurel du tablier dans les ballustrades est certes efficace, mais entraîne nécessairement un alourdissement de ce qui chez Jürg Conzett n’est qu’un faisceau de fines baguettes d’acier, dont la présence ne fait que mettre en valeur la force de la ligne du tablier. Un artifice presque sur cette passerelle de la Viamala, qui bien sûr est nécessaire d’un point de vue sécuritaire, mais qui structurellement est tout à fait négligeable.

Cette seconde typologie est donc particulière, car à la différence de la première, qui génère des blocs de structure mixte ternaires, qui en somme est la formalisa-tion des instincts naturels de l’ingénieur, cherchant toujours plus de stabilité par augmentation de l’inertie et cherchant préférentiellement la hiérarchisation de la structure, cette typologie, celle de Jürg Conzett, n’est ni ternaire, ni binaire, mais est ce que l’on pourrait appeler de manière non-conventionnelle « unitaire ». Tous les éléments constituant la structure primaire de l’ouvrage sont en effet concentrés en une bande de 110 cm de largeur et de 7,5 cm d’épaisseur (6 cm de pierre plus 1,5 cm d’acier). En ce sens, la passerelle de Schlaich n’appartient pas tout à fait à cette même typologie structurelle. Non qu’elle soit faite de béton cellulaire plutôt que de pierre, puisque cela ne modifie à prori en rien son schéma structurel, mais qu’elle intègre à son fonctionnement structurel principal les rembardes. Cette structure tiendrait sans rembrade, car elles n’ ont pas un rôle réellement porteur, mais ne fonctionnerait pas aussi bien, car présenterait alors une trop grande flexibilité.

Un dernier élément reste à considérer dans la comparaison de ces deux ouvrages et dans la définition de ce second type structurel : la topographie dans laquelle s’in-sère l’ouvrage, voire même de la géologie du site. Ces deux paramètres diffèrent,

29 http://www.sbp.de/de#build/show/56-Enzauenpark_Pforzheim_Steg_III, 19-12-11

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20. Coupe longitudinale de la passerelle de Jürg ConzettCette vue indique les tirants d’ancrages mis en place de chaque côté de la passerelle., ainsi que leur résistance, de l’ordre de 680 kN par tirant, avec deux tirants de chaque côté.Structural Engineering International, volume 10, numéro 2, mai 2000, P 104.

21. Coupe sur un ancrage de la passerelle de Jürg ConzettElle représente notamment le bloc de béton coulé, cette masse liant d’un côté les tirants d’ancrage, et de l’autre la passerelle.Structural Engineering International, volume 10, numéro 2, mai 2000, P 105.

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entre Thusis, dans les Grisons Suisses, et Pforzheim, ville du Bade-Wurtemberg. La topographie, c’est à dire le relief à l’endroit exact de l’implantation de l’ouvrage, est très plat pour l’ouvrage de Schlaich, et les sols dans lesquels il s’implante sont des calcaires conchyliens,30 donc des roches opposant une résistance assez faible. Ces deux paramètres, plutôt défavorables ici pour l’implantation d’un ouvrage ancré, expliquent certainement la moins grande clareté du type structurel mis en place, et la nécessité conséquente de faire participer structurellement les rembardes. À l’in-verse, l’ouvrage suisse s’intègre lui à un environnement géologique parfaitement adapté à l’ancrage de tirants. Le site présente en effet beaucoup plus de relief, ce qui est géologiquement lié au fait qu’affleurent dans ces régions des roches grani-tiques. Des roches formées en profondeur de l’écorce terrestre, des roches dures, très résistantes, ramenées à la surface par des mouvements de sol générés par les déplacements relatifs des plaques tectoniques, produisant par là même les reliefs montagnards.

Cette seconde et dernière typologie que nous avons extrait de l’analyse de ces deux passerelles-ruban, est donc, à l’inverse de la première typologie, très dépen-dante de son site d’implantation. Elle ne génère en effet aucune hiérarchisation de la structure, que ce soit spatialement ou dans l’importance structurelle variable des éléments la constituant. Elle est donc très dépendante des possibilités offertes par le site, et est en ce sens éminemment plus locale que la passerelle de Beppu ou encore que la façade de Séville. C’est, de mon avis, certainement ce qui fait une part de la magie de la passerelle de Conzett, qui semble, tant par sa matérialité que par son fonctionnement, n’être qu’un prolongement des enrochements qui la soutienne, une extrusion, appartenance de la montagne.

3.3 Uniformisation ou pensée discrète

Le matériau pierre, de part sa nécessité d’être extrait et transporté, est un maté-riau discrétisé. Il n’est qu’une adjonction d’éléments indépendants, que les règles de l’art développées pendant des siècles permettent de faire tenir. La stabilisation d’une structure maçonnée passe par la définition d’une géométrie globale et par le réglage des joints liant un élément à l’autre. C’est ce que l’on appelle en maçonne-rie l’appareillage, c’est-à-dire la disposition relative des pierres les unes par rapport

30 Huot, Jean-Jacques-Nicolas : Nouveau cours élémentaire de géologie, Roret, Paris, 1839, P329.

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22. Photographie du tablier de la passerelle de Jürg ConzettApparaissent sur cette vue les joints en aluminium disposés entre les plaques de gneiss. AMC, Le moniteur d’architecture n°110, octobre 2000, P75.

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aux autres. Cette notion d’appareillage ne traite en effet que de l’interface, de la manière de disposer, sans traiter du matériau lui-même. C’est que cette question du joint, du lien entre les éléments, est dans la structure maçonnée le lieu de toutes les faiblesses.

C’est pourquoi le traitement de cette interface est un réel enjeu de la construction en pierre. Pour une construction massive, en maçonnerie à joints secs, cette ques-tion en est une, bien évidemment. Elle en est une dans le sens où la résistance au glissement d’un élément par rapport à l’autre peut permettre à des structures dé-formées de résister. Malgré tout, cette interface n’est pas traitée. En effet, les dimen-sions importantes des blocs de pierre et donc les grandes surfaces en contact, as-sociées à la masse importante de la structure, font que la résistance au glissement de cisaillement est relativement importante. Suffisante du moins pour la reprise des efforts extérieurs appliqués à la structure, tels les efforts de vent.

C’est ce type de structure que met en place Gilles Perraudin. Son propos n’est tou-tefois pas un propos structurel, mais celui de l’usage des bonnes propriétés ther-miques, et particulièrement inertielles, de la pierre. L’architecture résultante est une architecture massive31, intéressante mais qui n’est pas dans le propos de ce que l’on développe ici.

Car l’utilisation optimale des capacités structurelles de la pierre nécessite de ré-gler cette question du joint. C’est en effet une faiblesse dans les moyens de mise en œuvre habituels, une discontinuité empêchant l’emploi optimal du matériau. Il est ici question d’un choix. Un choix entre l’acceptation de cette contrainte et la recherche d’une solution autre, comme pour la façade développée en 1992 par l’équipe de chez Arup, ou bien le refus et l’effacement partiel de son caractère ins-table, ce que développe Jürg Conzett pour le franchissement de la Viamala.

Intéressons-nous d’abord aux moyens à notre disposition permettant d’effacer cette interface.

La résistance au glissement de cisaillement d’un élément par rapport à l’autre dé-pend de trois facteurs : la force F appliquée, la surface S en contact et un coefficient Cf, dépendant de la nature des surfaces en contact. L’effort résistant vaut donc Cf.F.S. Pour augmenter cette résistance, l’on peut donc soit augmenter la force F, c’est ce que produit la précontrainte, soit augmenter le coefficient Cf, c’est-à-dire prendre un matériau générant plus de frottements.

Dans le cas de la passerelle Punt da Suransuns, des plats en aluminium de 3mm d’épaisseur, relativement ductiles, viennent effectuer la transition entre les plaques

31 Perraudin, Gilles : Architecture massive, éd. Libria, 2011.

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23. Photo du sommet d’une arche composant la façade du Pavillon du futurOn y voit, dans une faille noire, les joints néoprènes constituant les interfaces entre blocs de pierre. The structural Engineer, 1994, Volume 72, Numéro 11, P172.

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de gneiss. L’emploi d’aluminium permet ici d’augmenter la surface de contact liant une plaque à l’autre. Par écrasement, il permet en effet de répartir sur une plus grande surface les efforts transmis d’une plaque à l’autre. Cette répartition des ef-forts permet d’une part d’éviter la concentration de contraintes qui risquerait de faire éclater la pierre localement, mais permet également d’augmenter la résis-tance au glissement par augmentation de la surface de contact. Ce dispositif tend donc à atténuer les conséquences négatives de cette discrétisation nécessaire de la matière, en plaçant à l’interface un élément de transition, d’une autre matière, ici donc l’aluminium, qui vient transformer par sa ductilité la frontière de l’interface en no man’s land.

Le règlement de cette interface se fait d’une toute autre manière pour le Pavillon du futur. Les joints mis en place entre les unités de colonnes de 5 m de haut sont constitués en sandwich de néoprène et de métal. Leur rôle est de ne permettre, d’une unité à l’autre, que la transmission d’efforts normaux. Ces joints ne transmet-tent en effet ni effort de moment, ni effort de cisaillement.

Cette interface est donc conçue afin d’accentuer la discrétisation de la matière d’une part, pour que l’ensemble des efforts susceptibles de faire glisser une pièce par rapport à l’autre soit repris par la structure métallique associée, et afin de répar-tir les efforts normaux sur toute la section, par l’introduction de néoprène, pour évi-ter la concentration locale de contraintes d’autre part. Cette manière de considérer le joint comme une réelle interface sans résistance de frottement est à rapprocher de l’utilisation, par l’équipe d’Arup, d’un logiciel développé en interne, un logiciel de calcul non-linéaire, FABLON.32

Un outil de représentation, un outil assez complexe qui pourrait bien faire partie de la panoplie de notre bâtisseur de cathédrales du futur.

3.4 L’outillage

L’outillage du franc-maçon, dans sa définition historique de bâtisseur de cathé-drales, doit en effet, je pense, également être reconsidéré. Une structure en ma-çonnerie telle que celles traitées dans ce mémoire requière en effet un niveau de précision que l’épure géométrique et la tranche du burin ne peuvent satisfaire.

32 Lenczner, Alistair : The design of the stone facade to the pavillon of the future, expo 92, Seville, article paru dans The Structural Engineer, volume 72 numéro 11, 7 juin 1994, P176.

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24. Schémas des résultats obtenus par Augustin Danyzy sur des arches en plâtre, 1732.Sont ici représentés, pour différents types d’arche, les modes de ruptures constatés lors des tests. Le logiciel Fablon permet pour des structures plus complexes de réaliser ces test virtuellement. Addis, Bill : Building : 3000 years of design engineering and construction, Phaidon, Londres, 2007, P 195.

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Des outils sont pour cela disponibles, et ont été utilisés pour les exemples déjà traités. Nous en évoquerons deux.

FABLON, ce logiciel développé par Arup, est un logiciel de calcul non-linéaire. Ce type de logiciel permet entre autre d’anticiper le mode de rupture d’une structure en maçonnerie. D’une manière plus générale, ces logiciels permettent de calculer une structure en prenant en compte la déformation de la structure. C’est à dire que le logiciel procède à un calcul itératif des états de la structure à dimensionner. Sous un cas de charge, la structure se déforme. En résulte une nouvelle géométrie et donc une nouvelle répartition des efforts. Cette nouvelle répartition constitue la seconde étape du calcul, qui s’applique donc sur la structure déformée, et ainsi de suite. Ce calcul aboutit soit à la rupture ou à un état instable (ouverture des joints dans une arche maçonnée), soit à la stabilisation de la structure.Ces logiciels permettent donc également de calculer les structures très souples ou les structures en câbles, pour lesquelles la prise en compte des déformations de second ordre est nécessaire.FABLON a donc permis à l’équipe d’Arup de comprendre comment fonctionnait la structure, quelles étaient ses faiblesses et surtout de s’assurer qu’elle ne s’effondre-rait pas sous les différents cas de charges à prendre en compte.

L’outil informatique est pour ce type de structure certainement une clé permettant de sortir de l’impasse géométrique, en permettant d’intégrer la magnifique com-plexité de fonctionnement de ces structures particulièrement instables.

Du point de vue de la réalisation, l’informatisation et l’automatisation des systèmes de production permettent d’atteindre de plus grandes précisions de découpe, et donc l’assurance d’une structure parfaitement conforme au modèle calculé. Des machines de découpe assistée par ordinateur ont en effet été développées pour l’extraction et la production de pierres de parement. Peter Rice explique à ce pro-pos :

« Si l’on parvenait à tailler la pierre avec l’exactitude requise pour tailler les grandes dalles des façades postmodernes, alors les modules de pierre pourraient être utilisés comme on le fait des blocs dans une construction à base d’éléments

de béton préfabriqués.»33

Ces machines permettent en effet de tailler la pierre dans des marges d’erreur ne

33 Rice, Peter : Mémoires d’un ingénieur, Paris, Le moniteur, 1998, P147.

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dépassant pas le demi-millimètre.

Ces moyens rendent possible, par leur grande précision, l’optimisation des struc-tures en maçonnerie, qui ne doivent plus être construites selon des règles ar-chaïques de proportion et ne doivent plus être réalisées manuellement, ce qui normalement est un gage de qualité, mais qui ici, dans la précision que requière l’optimisation d’une telle structure, introduit surtout des imprecisions de réalisa-tion difficilement tolérables.

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La problématique de ce travail de mémoire comporte deux notions importantes. La première concerne directement le matériau pierre, et questionne sa possible utilisation, aujourd’hui encore, en tant que matériau structurel. La seconde traite des techniques de mise en oeuvre, et cherche plus particulièrement à définir com-ment les techniques du béton pourraient être employées par la pierre.

Nous avons tout d’abord vu qu’il était difficile de définir la pierre en tant que ma-tériau de construction. C’est en effet un matériau non humain, non normé comme l’est par exemple l’acier, qu’il est difficile de caractériser. Un petit détour par la géo-logie nous a toutefois montré comment cette science classifiait la matière pierre, nous laissant supposer que la classification du matériau pierre était possible. Nous avons aussi vu que toute structure en pierre est conçue selon une pensée d’un matériau discrétisé, assemblage de fragments, concentrant de ce fait la conception sur le règlement de la disposition et des types de joint.

Proposant le terme de BNUHP pour caractériser la reconsidération de la pierre, nous avons par la suite développé deux caractéristiques le définissant : le «N » pour Naturel, et le « P » pour Performance.Le caractère naturel de la pierre est aujourd’hui une notion ambiguë, ce qui est essentiellement dû à l’utilisation du matériau en parement. Ceci mondialise des particularités régionales d’aspect et de réputation, des A.O.C. classées dans un ca-talogue mondial.La définition de la dimension performentielle de la pierre nous a montré que l’usage de la précontrainte était une solution efficace, et que même la pierre pou-vait être une réponse à des attentes matériellement insatisfaites par le béton.

Ces nouvelles possibilités permises par l’appropriation par la pierre de techniques du béton génèrent nécessairement de nouvelles formes structurelles, que nous avons extrait de l’analyse du corpus. Nous en avons déterminé deux : l’une produit des modules de structure mixte, l’autre tente d’uniformiser la matière.

Conclusion

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65Conclusion

Ces deux typologies suggèrent qu’il est aujourd’hui possible, ou d’assumer la struc-ture en pierre comme un assemblage de fragments, ou d’atténuer les effets de cette discrétisation. Ce choix est notamment permis par l’utilisation de nouveaux outils, qui permettent le calcul de structures complexes d’un côté, et la réalisation extrêmement précise des différents éléments de pierre de l’autre.

L’utilisation de la pierre comme matériau structurel est donc bien possible. Le cor-pus et le mémoire lui-même nous le démontre. Ceci est possible par l’appropria-tion par la pierre de techniques développées pour le matériau béton, et plus parti-culièrement de la précontrainte.Reste encore à savoir pourquoi l’utilisation de la pierre comme matériau de struc-ture n’est aujourd’hui qu’une solution marginale.La pierre semble en effet comporter de nombreuses qualités, tant écologiques, économiques que performantielles. Les raisons de cette marginalisation ne sont toutefois pas, je pense, à chercher du côté des arguments rationnels. Ceux-ci sont déjà exposés, avec conviction, par Gilles Perraudin, mais ne modifient en rien les modes de construction classiques, et ce n’est probablement pas non plus sa réelle ambition. Il ne serait en effet pas réaliste de considérer le remplacement du béton par la pierre, mais je crois que cette réserve a été suffisamment émise.

Les raisons de cette marginalisation sont peut-être à trouver dans l’attitude parti-culière du concepteur, dans la manière avec laquelle il regarde le matériau, permet-tant alors à ce dernier d’exprimer son potentiel d’exception.

Peter Rice prétend à ce propos avoir été ingénieur par accident,34 une manière de se détacher de la démarche habituellement associée à la profession. Car cette dé-marche, théorisée par Claude Lévi-Strauss dans La pensée sauvage, implique pour l’ingénieur une appartenance totale à la culture dans laquelle il évolue, et dont son projet est l’expression. Cet ingénieur est à l’extérieur d’un monde auquel il donne sens par son action.

Le réemploi, innovant, de la pierre comme matériau structurel nécessiterait des concepteurs plus bricoleurs qu’ingénieurs, selon la définition Lévi-Straussienne.35 Des concepteurs capables d’interagir avec leur environnement, d’intégrer à la conception de leurs ouvrages des données perçues dans le monde dans lequel ils les construisent. Capables de construire avec des objets finis du monde réel, des objets aux caractéristiques pré-déterminées, avantageuses ou pénalisantes, mais qui du moins informent le projet par leurs caractéristiques non-normatives, par leurs caractéristiques particulières, ce qui fait, je pense, la beauté du geste archi-tectural.

34 Rice, Peter : Mémoires d’un ingénieur, Paris, Le moniteur, 1998, P 70.35 Lévi-Strauss, Claude : La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, P 30.

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25. Photographie générale de la façade du Pavillon du futurRéalisée en 1992 par une équipe du bureau d’étude Ove Arup dirigée par Peter Rice.Structural Engineering International, volume 72, n°11, juin 1994, P174.

26. Photographie générale de la passerelle Punt da SuransunsRéalisée en 1999 par une équipe du bureau d’étude Conzett-Bronzini-Gartmann AG, dirigée par Jürg Conzett.AMC n°110, octobre 2000, P72.

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Corpus

- Pavillon of the future, Séville, 1992, Peter Rice.

- Pùnt da Suransuns, Thusis (Viamala), 1999, Jürg Conzett.

- Passerelle Inachus, Ile de Kyuschu, Japon, 1994, Mamoru Kawaguchi.

-Passerelle III, Pforzheim, Allemagne, 1992, Jörg Schlaich.

Bibliographie

- ABPS (Artisants Bâtisseurs en Pierre Sèche) : Pierre sèche, guide de bonnes pratiques de construction de murs de soutènement, CAPEB, 2008.

- Acocella, Alfonso : Stone architecture: ancient and modern construction skills, Milan, Skira, 2006.

- Addis, Bill : Building : 3000 years of design engineering and construction, Phaidon, Londres, 2007.

- Aïtcin Pierre-Claude et Mindness Sidney : Sustainability of concrete, Londres, Spon Press, 2011.

- Brown André : The engineer’s contribution to contemporary architecture : Peter Rice, Londres, Thomas Telford, 2001.

- Cohen, Jean-Louis : Liquid stone: new architecture in concrete, Bâle, Birkhäuser, 2006.

- Coignet Jean et Coignet Laurent : Maçonnerie de pierre, matériaux et techniques, désordres et interventions, Paris, Eyrolles, 2007.

- Dernie, David : New stone architecture, Londres, McGraw-Hill, 2003.

- Donaldson, Barry, American Society for Testing and Materials, ASTM Committee C18 on Natural Building Stones : New stone technology, design, and construction for exterior wall systems, Baltimore, 1988.

- Eurocode 6: Calcul des ouvrages en maçonnerie (EN 1996).

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27. Photographie générale de la passerelle InachusRéalisée en 1994 par Mamuro Kawaguchi, à Beppu, sur l’ïle japonaise de Kyuschu.Structural Engineering International, volume 6, n°3, août 1996, P148.

28. Photographie générale de la passerelle III à PforzheimRéalisée en 1992 par une équipe du bureau d’étude Schlaich, Bergermann und Partners, dirigée par Jörg Schlaich.Site internet du bureau d’étude : http://www.sbp.de/de

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- École polytechnique de Bari/Les compagnons du devoir : L’art de la stéréotomie, Paris, Librairie du compagnonnage, 2005.

- Fleuret : L’art de composer des pierres factices aussi dures que le caillou, Kila, Kessin-ger Publishing, 2010 (1807).

- Heyman, Jacques : The Stone Skeleton: Structural Engineering of Masonry Architec-ture, Presses de l’université de Cambridge, 1995.

- Hoigard, Kurt R., Scheffler, Michael J. : Dimension stone use in building construction, Numéro 1499, West Conshohocken, 2007.

- Holgate, Alan : The art of structural engineering, The work of Jörg Schlaich and his team, Berlin, Axel Menges, 1997.

- Huot, Jean-Jacques-Nicolas : Nouveau cours élémentaire de géologie, Paris, Roret, 1839.

- Lévi-Strauss, Claude : La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.

- Mäckler, Christoph : Werkstoff Stein: Material, Konstruktion, Zeitgenossische Archi-tektur, Bâles, Birkhäuser, 2004.

- Noël, Pierre : La pierre, matériau du passé et de l’avenir, Institut Technique du Bâti-ment et des Travaux Publics, 1950.

- Perraudin, Gilles : Architecture massive, éd. Libria, 2011.

- Perronet, Jean Rodolphe : Mémoire sur la recherche des moyens que l’on pourroit employer pour construire de grandes Arches de pierre de deux cents, trois cents, quatre cents & jusqu’à cinq cents pieds d’ouverture, qui feroient destinées à franchir de pro-fondes vallées bordées de rochers escarpés, 1793.

- Perronet, Jean-Rodolphe : Construire des ponts au XVIIIe siècle. L’œuvre de Jean-Ro-dolphe Perronet, Presses de l’école nationale des ponts et chaussées, 1987.

- Postman, Neil : Se distraire à en mourir, Paris, Nova, 2010².

- Pouillon, Fernand : Les pierres sauvages, Paris, Seuil, 20063.

- Prisme éditions : Stone, 30 projects, Bruxelles, Prisme, 2010.

- Rice, Peter : Mémoires d’un ingénieur, Paris, Le moniteur, 1998.

- Siegesmund, Siegfried, Snethlage, Rolf : Stone in Architecture: Properties, Durability, Berlin/Heidelberg, Springer, 2011.

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- Simmonet, Cyril : Le béton, histoire d’un matériau, Marseille, Parenthèses, 2005.

Articles

- Conzett, Jürg : Punt da Suransus pedestrian bridge, Structural Engneering Interna-tional, Volume 10 numéro 2, Mai 2000, P 104/106.

- Kawaguchi, Mamoru : Granite pedestrian bridge, Beppu, Japan, article paru dans Structural Engineering International, Volume 6 numéro 3, Août 1996, P148/149.

-Lenczner, Alistair : The design of the stone facade to the pavillon of the future, expo 92, Seville, article paru dans The Structural Engineer, volume 72 numéro 11, 7 juin 1994, P171.

- Macneil, James : Standing stone, Building, 16 avril 1992, P42.

- Pagès, Yves : Une passerelle dans les Alpes, AMC n°110, octobre 2000, P72-75.

- Pagès, Yves : Entretien avec Jürg Conzett, AMC n°110, octobre 2000, P76-77.

- Vaudeville Bernard : Peter Rice, ingénieur par accident, article paru dans AMC, sep-tembre 1999.

- Rice, Peter : Peter Rice, le rôle de l’ingénieur, extraits de mémoires d’un ingénieur, arcticle paru dans AMC, novembre 1998.

Sites internet

- Information sur la production de ciment : http://www.infociments.fr/developpement-durable/ecologie-industrielle/reduc-tion-emission-co2

- Site de l’association Eugène Freyssinet : http://www.efreyssinet-association.com/index.php

- Entreprise de commercialisation de pierres pour le parement extérieur et intérieur ou pour le pavage de sols :http://www.pierreetsol.com/index.html

- Film sur un projet de construction d’une maison en pierre, par les compagnons du

devoir associés aux étudiants de l’école d’architecture de Grenoble :http://concreteknow-how.com/post/2011/03/Stage-%C3%A0-l-Isle-d-Abeau

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Site internet de l’agence Conzett, Bronzini Gartmann AG :http://www.cbg-ing.ch/

Site internet de l’agence Schlaich Bergermann und Partner :

http://www.sbp.de/de

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Liste des figures

1 Mémoire de Jean-Rodolphe Perronet, 1793. 6

2 Classification des grands types de roche. 12

3 Grès. 14

4 Ardoise. 14

5 Galilée, 1638. 20

6 Le site du pont du Gard. 26

7 Le site de la façade du Pavillon du futur : l’Espagne. 26

8 Scotsman steps, Edimbourg. 30

9Tableaux comparatifs des résistances des matériaux.

32

10 Interaction effort normal / effort transversaldans une colonne. 34

11 Axonométrie éclatée d’un bloc de 5 m. 40

12 Photo de l’une des onze arches composant la façade du Pavillon du futur. 40

13 Façade du Palace Ajuda, Lisbonne. 42

14 Photographie de la construction de la façade du Pavillon du futur. 42

15Le Panthéon (église Sainte Geneviève). 44

16Coupe sur le pont Inachus. 44

17Schéma du fonctionnement structurel de la passerelle de Jürg Conzett. 48

18 Coupe transversale de la passerelle de Jürg Conzett. 50

19 Photo de la passerelle n°3 à Pforzheim, de Jörg Schlaich. 50

20 Coupe longitudinale de la passerelle de Jürg Conzett. 52

21 Coupe d’un ancrage de la passsrelle de Jürg Conzett. 52

22 Photographie du tablier de la passerelle de Jürg Conzett. 54

23 Photo du sommet d’une arche composant la façade du Pavillon du futur. 56

24 Schémas des résultats obtenus par Augustin Danyzy sur des arches en plâtre, 1732.

58

25 Photographie générale de la façade du Pavillon du futur. 66

26 Photographie générale de la passerelle Punt da Suransuns. 66

27 Photographie générale de la passerelle Inachus. 68

28 Photographie générale de la passerelle III à Pforzheim. 68

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Résumé La pierre peut-elle encore être un matériau structurel - Yann Santerre

Ce travail de mémoire s’intéresse à la pierre en tant que matériau structurel, en proposant une inversion de paradigme, qui imagine la pierre comme un nouveau venu dans la gamme des bétons, qui serait en l’occurrence un béton naturel. Cette proposition n’est qu’un retournement du terme pierre artificielle, terme définissant ce nouveau matériau qui cherchait au début du XIXe siècle à imiter la pierre. Le but de cette manœuvre étant de différencier le matériau archaïque, historiquement très chargé, de la matière aujourd’hui à notre disposition. Chercher à comprendre, par la matière, si son utilisation comme matériau structurel est pertinente. Comprendre quels sont les potentiels de ce matériau très peu mis en œuvre et quels en seraient les moyens, les typologies, au travers d’un corpus d’ouvrages construits.

Le premier point traité questionne l’unicité de ce matériau, en cherchant à définir quelles caractéristiques, communes à tous les types de pierres, intéressent le constructeur. Il s’agit ici de comprendre la matière et non le matériau, et donc de considérer la pierre comme une matière géologique, objet d’études scientifiques. S’en suit la définition de ce BNUHP (Béton Naturel Ultra Haute Performance), dans son utilisation contemporaine. Il est fait état de l’ambiguïté actuelle concernant l’usage de ce matériau, ainsi que du potentiel constructif de ce béton naturel, exprimable constructivement par l’association de la technique de précontrainte. Cet usage de la précontrainte comme technologie de transfert est par la suite envisagé au travers de quatre exemples, la façade du pavillon du futur de Peter Rice, la passerelle Inachus de Mamoru Kawaguchi, la passerelle Punt da Suransuns de Jürg Conzett, et la passerelle III construite à Pforzheim par Jörg Schlaich, dans le but de définir des typologies structurelles. Nous voyons enfin comment ces typologies, conséquentes d’un choix conceptuel entre accentuation ou effacement du caractère fragmentaire du matériau pierre, sont permises par l’utilisation d’outils technologiques particuliers.

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