La philanthropie à la française- Synthèse

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La philanthropie à la française L’engagement au service du progrès social fondationdefrance.org En toute première ligne sur le front de la générosité privée depuis 1969, la Fondation de France a été témoin de l’émergence, puis de la multiplication de la philanthropie privée. Mus par des convictions personnelles fortes, les philanthropes d’aujourd’hui choisissent de partager leur fortune avec la société plutôt que de la léguer en intégralité à leurs enfants. Ce choix se fait en échange d’une « contrepartie » capitale : celle de l’efficacité de leurs actions. Il ne s’agit pas pour eux d’un souci financier de retour sur investissement, mais d’un enjeu de sens. « À quoi aurai-je contribué ? », « À quoi sert l’argent dans le monde ? » sont leurs questions cardinales. Ils investissent donc leur temps, leurs compétences, leur éthique, leurs réseaux, leur capacité d’innovation pour tenter d’y répondre. La plupart se détourne des grands organismes humanitaires pour contacter eux-mêmes le terrain, les petits projets, les bénéficiaires – quitte à inventer de nouveaux modèles. Pour se déployer pleinement, ces nouveaux acteurs ont besoin d’interlocuteurs avertis, de réseaux spécialisés, de services de confiance respectueux de leur engagement. Répondre à de telles attentes est, depuis près de 45 ans, au cœur des préoccu- pations de la Fondation de France. Francis Charhon Directeur général Fondation de France Une étude de l’Observatoire de la Fondation de France

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Discrète par tradition, la philanthropie française est mal connue. Afin de l’incarner, l’Observatoire de la Fondation de France livre des données sur les profils de 261 philanthropes, les parcours, les motivations et les histoires de 18 philanthropes français. Cette étude inclut également des données économiques sur le poids de la philanthropie de personnes physiques en France ainsi que les résultats d’un sondage Mediaprism sur les français et la philanthropie.

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La philanthropie à la françaiseL’engagement au service du progrès social

fondationdefrance.org

En toute première ligne sur le front de la générosité privée depuis 1969, la Fondation de France a été témoin de l’émergence, puis de la multiplication de la philanthropie privée.

Mus par des convictions personnelles fortes, les philanthropes d’aujourd’hui choisissent de partager leur fortune avec la société plutôt que de la léguer en intégralité à leurs enfants.

Ce choix se fait en échange d’une « contrepartie » capitale : celle de l’effi cacité de leurs actions.

Il ne s’agit pas pour eux d’un souci fi nancier de retour sur investissement, mais d’un enjeu de sens. « À quoi aurai-je contribué ? », « À quoi sert l’argent dans le monde ? » sont leurs questions cardinales.

Ils investissent donc leur temps, leurs compétences, leur éthique, leurs réseaux, leur capacité d’innovation pour tenter d’y répondre. La plupart se détourne des grands organismes humanitaires pour contacter eux-mêmes le terrain, les petits projets, les bénéfi ciaires – quitte à inventer de nouveaux modèles.

Pour se déployer pleinement, ces nouveaux acteurs ont besoin d’interlocuteurs avertis, de réseaux spécialisés, de services de confi ance respectueux de leur engagement.

Répondre à de telles attentes est, depuis près de 45 ans, au cœur des préoccu-pations de la Fondation de France.

Francis CharhonDirecteur général

Fondation de France

Une étude de l’Observatoire de la Fondation de France

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Les familles de philanthropes

Des éléments de parcours communruptures biographiques douloureuses (perte d’un proche, maladie, exil...), les philanthropes ont fait la démarche de s’ouvrir à d’autres mondes.

Fortement conscients des dangers qu’il peut représenter, ils refusent de laisser l’argent « devenir maître » de leur vie.

Préoccupés par le sens de la vie en général, et de la leur en particulier, ils cherchent, par la philan-thropie, une autre manière d’agir dans le monde. Elle sera productrice de sens pour eux à la condi-tion qu’ils puissent faire le constat de son effi cacité.

Origine du modèle :Années 50 Années 70-80 Années 80-90 Années 90-2000

Entrepreneurs solidaires

Héritiers de la philanthropie

Enfants de la RépubliqueMilitants de terrain

Active, impliquée, en croissance, la philanthropie française est de tous temps discrète et silencieuse. Ainsi, lorsqu’à l’été 2010, les Américains Gates et Buff et lancent leur Giving Pledge, les médias français ont bien du mal à donner à la philanthropie hexagonale son visage, son poids, son orientation. Elle apparait, à tort, comme une grande absente.

Alors, qui sont ces philanthropes ? D’où vient leur patrimoine ? Pourquoi s’engagent-ils ? Comment incarner ces personnages si discrets et si peu médiatisés ? D’après l’analyse de bases de données et d’entretiens approfondis auprès de généreux philanthropes français, l’Observatoire de la Fondation de France tente de répondre à ces questions et de dégager le portrait inédit de la nouvelle philanthropie française.

S’il existe diff érents chemins pour devenir philan-thrope, on retrouve toutefois des éléments communs aux divers parcours rencontrés à l’occa-sion de cette étude.

Disposant tous du capital nécessaire pour eff ec-tuer des dons importants, les philanthropes ne se sont pas enfermés dans leur monde privilégié.

Par empathie personnelle, par curiosité ou attrait pour d’autres univers, via les valeurs de travail ou de partage transmises par leurs parents, par fi délité à des origines modestes, ou à travers des

Une typologie des philanthropesLa typologie suivante vise à présenter en diff érentes familles les philanthropes rencontrés lors d’une étude qualitative sur leurs parcours et leurs moti-vations. Certes ces diff érentes familles co-existent aujourd’hui. Toutefois les modèles auxquels elles se réfèrent ne sont pas apparus à la même époque.

Ainsi le modèle de « l’héritier de la philanthropie » est-il le plus ancien, il rassemble les membres (jeunes ou moins jeunes) de dynasties entrepre neuriales ou fi nancières engagées dans la philanthropie depuis des générations. Les « enfants de la République »

se sont sensibilisés à la philanthropie durant la fi n des Trente Glorieuses.

Les modèles les plus récents rassemblent des entrepreneurs heureux en aff aires mais désireux d’investir par le partage de nouveaux champs d’entrepreneuriat producteurs de sens (les « entre-preneurs solidaires »), et des jeunes générations aux parcours internationaux, proches du monde associatif, pour qui la philanthropie est un geste naturel (les « militants de terrain »).

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Les héritiers de la philanthropiequ’il leur faudra honorer, respecter et transmettre à leur tour. La tâche n’est pas aisée, car ils prennent le relais de personnalités emblématiques, dont le charisme compte parmi les mythes fondateurs des dynasties elles-mêmes. S’approprier les causes familiales, les renouveler et les adapter aux problé-matiques du temps est leur défi personnel.

« Il y a 25 ans, André Mulliez, mon père, a eu une formidable idée : “pour créer des emplois créons des employeurs”, et “pour que ces entrepreneurs réussissent, faisons accompagner ces chefs d’entreprise par des chefs d’entreprise…” Puis, il y a trois ans, la Fondation Entreprendre est née pour pérenniser et accompagner le développement de ce Réseau Entreprendre. Aujourd’hui, co-fondatrice de cette jeune fondation, j’en suis la présidente, j’y consacre presque un temps plein, une cause devenue mienne comme une évidence ».

Blandine Herbaud-Mulliez, Fondation Entreprendre

Les enfants de la République

Minoritaires mais très caractérisés, les héritiers des dynasties philanthropiques ont reçu le don en héritage, avec le patrimoine familial. Ils partagent les caractéristiques de la très haute bourgeoisie, étroitement associées à des valeurs de solidarité et d’engagement citoyen.

La philanthropie leur a été transmise par leurs parents ou grands-parents, comme un héritage

Les enfants de la République sont profondément marqués par l’esprit de solidarité républicaine, qui a joué pour eux un rôle de tuteur.

Ils comptent parmi les plus éprouvés des philanth-ropes rencontrés : émigration, perte d’un père très jeune, perte d’un enfant, absence d’enfant, enfance très modeste.

Conscients de l’enjeu de la répartition obligatoire des richesses, porteurs d’un sens profond du collectif, ils ont toutefois une vision dégrisée de l’effi cacité de l’action publique.

Né au Vietnam, Quoc-Giao Tran est arrivé dès l’âge de dix ans en France, où il a bénéfi cié de l’égalité des chances off erte par l’École de la République. Polytechnicien et chef d’entreprise, il souhaite aujourd’hui aider à son tour les plus défavorisés à trouver le chemin de l’école. C’est pourquoi il a créé une fondation pour promouvoir l’éducation au Vietnam. « Aigo, c’est l’un des principes bouddhistes, cela signifi e que l’on doit le même respect, le même amour au roi qu’au mendiant ».

Quoc-Giao Tran, Fondation Aigo pour l’éducation au Vietnam

Leur devise : « donner est un devoir »Leurs références : leur père, leur grand-mère...

Leur devise : « un même monde pour tous »Leurs références : les bénévoles anonymes engagés sur le terrain, Pierre Mendès France...

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Les entrepreneurs solidairesLes entrepreneurs solidaires ont tous constitué leur richesse eux-mêmes. L’initiative, la prise de risque, l’envie d’innover caractérise donc les parcours pro-fessionnels de ces sexagénaires.

Généralement imprégnés d’idéaux libéraux, ils tirent leur fi bre philanthropique de leur personnalité – empathie manifestée dès l’enfance, sensibilité instinctive à l’environnement – ou de chocs biographiques forts.

L’espace philanthropique est pour eux un espace d’innovation, de liberté, d’expérimentation et essen-tiellement de rencontres humaines.

Hommes de l’entreprise, ils intègrent leurs métho-dologies d’entrepreneurs au fonctionnement de la fondation et à l’aide qu’ils apportent aux projets soutenus.

Leur devise : « investir pour un monde meilleur » Leurs références : Louis Pasteur, Warren Buffet, Bill Gates...

« Je ne suis pas un philanthrope, je suis un citoyen du monde. Je donne beau-coup mais je reçois beaucoup en échange : la richesse d’un autre monde qui n’est pas celui de l’argent. La Fondation Lemarchand créée avec mon épouse et mes quatre enfants est un outil familial, au service de nos convictions ».

François Lemarchand, Fondation Lemarchand pour l’équilibre

entre les Hommes et la Terre

Les militants de terrainLes militants de terrain constituent un groupe très homogène par l’âge. Il rassemble presque tous les plus jeunes philanthropes rencontrés : 32 ans, 35 ans, 48 ans, 45 ans…

Ils sont en revanche d’origines sociales diverses.

Ils partagent une proximité de longue date avec le monde caritatif.

Ils ont saisi jeunes les opportunités de sensibili-sation mises à la disposition de leur génération : année ou cours de spécialisation, stages, mission solidaire, junior-entreprise…

Ils ont eu une expérience professionnelle dans l’univers de la solidarité internationale ou nationale, sur le terrain ils ont contribué à l’organisation de missions coopératives ou humanitaires.

Dans leur cas, l’engagement précède la fondation, c’est l’accession à la fortune (par héritage ou non) qui va occasionner sa création. Leur action passe volontiers par la recherche de nouveaux modèles et éventuellement la construction de nouveaux systèmes.

Leur devise : « changer le monde »Leurs références : Bernard Kouchner, Pierre Rabhi...

« J’ai été sensibilisée à la solidarité au cours de mon adoles-cence par la traversée, en famille, d’une période très diffi cile sur le plan fi nancier. Puis, dès ma première année d’école de commerce, j’ai eff ectué une mission pour une coopérative de femmes en Afrique. De toute évidence cela m’a beaucoup marquée, puisque tant mon activité professionnelle que ma fon-dation sont aujourd’hui concernées par le travail des femmes dans des pays en voie de développement ».

Noémie Amisse, Fondation Amisse

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Une philanthropie française sans visage

Pour des raisons tant politiques que culturelles et juridiques, la France n’est pas une terre historique-ment propice au développement de la philanthropie privée.

Dans ce contexte, une philanthropie s’est malgré tout déployée, dans une tradition de grande dis-crétion.

Ainsi, si les Français ont une bonne opinion des phi-lanthropes (73 %) c’est sans aucun doute en écho aux très médiatisés Bill Gates et Warren Buff et.

Car, tout en appelant de leurs vœux le dévelop-pement de la philanthropie en France (80 %), les Français interrogés sont bien en peine de citer le nom d’un seul philanthrope sur notre territoire.

Toutefois, depuis la fi n des années 90, la philanthro-pie est en France une valeur en hausse. La création de fondations de personnes physiques est en très nette accélération depuis les années 2000 : entre 1975 et 1999 il se créait 10 fondations à l’initiative de personnes physiques par an, depuis l’an 2000 il s’en crée 18 chaque année.

Nombre et profi ls des philanthropes

Le nombre total de personnes vivantes aujourd’hui en France à l’initiative de fonds ou de fondations est estimé à environ 660, ce qui correspond à 467 fonds et fondations.

En 2011, l’estimation pour la France des actifs cumu-lés au profi t de ces fondations est de 2,7 milliards d’euros. Ces capitaux placés ont permis de fi nan-cer des projets d’intérêt général pour un montant estimé à 165 millions d’euros cette même année.

L’analyse des profi ls de 261 personnes physiques à l’initiative de fondations toujours actives en 2012

(ont été exclues les fondations créées par legs, phénomène important mais pour lequel l’accès aux données biographiques est diffi cile) révèle que ces philanthropes sont :

Qui ont constitué leur fortune 66 %

Des hommes 77 %

De moins de 65 ans 66 %

Et ont des héritiers directs 64 %

La philanthropie à la françaiseUne étude de l’Observatoire de la Fondation de France, réalisée en 2012, qui cumule trois approches :

• un sondage quantitatif auprès de la population française eff ectué par l’institut ;

• une approche quantitative sur les profi ls de phi-lanthropes fondateurs et le poids économique de leur philanthropie ;

• une étude qualitative auprès de 18 philanthropes.

Lorsque la population française a été interrogée sur la philanthropie, la défi nition qui a été propo-sée était la suivante : « Un philanthrope est une personne riche qui donne une partie importante

de sa fortune personnelle pour des actions d’inté-rêt général : aide aux personnes en diffi culté, art et culture, éducation, santé, environnement… »

Pour des raisons de faisabilité, les données quan-titatives sur la philanthropie reposent sur une défi nition plus restrictive du philanthrope : les don-nées concernent des personnes physiques qui se sont engagées dans un projet de fonds ou de fondation tous statuts confondus, exceptées les fondations abritées à l’Institut de France.

Pour consulter l’étude complète : www.fondationdefrance.org, rubrique Les études de l’Observatoire.

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La Fondation de France

Depuis 1969, la Fondation de France soutient des projets concrets et innovants qui répondent aux besoins des personnes face aux problèmes posés par l’évolution rapide de la société. Elle agit dans quatre domaines : l’aide aux personnes vulnérables, le développement de la connaissance (recherche, culture, formation), l’environnement et le dévelop-pement de la philanthropie.

La Fondation de France place l’effi cacité au cœur de ses priorités.

Aux philanthropes elle propose : • une expertise pointue au service de leur projet ;• le respect scrupuleux de leur volonté ;• la garantie de bonne fi n d’utilisation des fonds.

Indépendante et privée, la Fondation de France ne reçoit aucune subvention et ne peut agir que grâce à la générosité des donateurs.

Les chiffres clés 2011• 490 000 donateurs*

• 700 fonds et fondations individualisés sous son égide

• 136 millions d’euros consacrés à la sélec-tion, la distribution et au suivi de

• 8 600 subventions, prix et bourses

• 1,8 milliard d’actifs gérés

* Donateurs actifs sur quatre ans.

Contacts Paris

Frédéric Théret Directeur du Développement Tél. : 01 44 21 87 [email protected]

Odile de Laurens Responsable de l’ObservatoireTél. : 01 44 21 31 [email protected]

40 avenue Hoche75008 Paris

Tél. : 01 44 21 31 00Fax : 01 44 21 31 01

fondationdefrance.org

Contacts en régions

AquitaineBéatrice Bausse Tél. : 05 56 52 03 [email protected]

BretagneStefane DignatTél. : 02 99 38 24 [email protected]

Lorraine-AlsaceLilla Mérabet Tél. : 03 88 22 78 [email protected]

Nord Pas-de-Calais PicardieThérèse DossinTél. : 03 20 11 80 [email protected]

Pays de LoireStefane DignatTél. : 02 51 83 20 [email protected]

Provence - Côte d’AzurCécile MaloTél. : 04 91 90 08 [email protected]

Rhône-AlpesCarmen SanchezTél. : 04 72 10 92 [email protected]

Développer la philanthropie

Développer la connaissance

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Agir pour l’environnement

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