La petite vendeuse de beignets

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LA PETITE VENDEUSE DE BEIGNETS Yves Pinguill y Peggy

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LA PETITE VENDEUSE

DE BEIGNETS

Yves PinguillyPeggy Nille

(Adaptation)

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C’est Yangba. Elle est là, comme si elle n’était personne. Mais c’est quelqu’un ! C’est une petite fille.Elle est vendeuse, là, à la porte de l’école.

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Yangba est assise sur son tabouret. Sa bassine est posée devant elle. Elle a sept ans ou huit ans, pas plus.Elle, elle reste à la porte de l’école.Dèngbè a yé bia : l’école du lièvre chantant.Elle vend des beignets de bananes, des makara ti ndongo.

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Yangba a pris la place de sa maman dans le monde.Elle habite avec son papa et la femme de son papa et les filles de la femme de son papa.Son papa ! Elle ne le voit pas.Il est veilleur de nuit là-bas, dans la ville.Quand le jour arrive, il rentre dormir.Il ne sait rien de la vraie vie de sa petite Yangba.Oui, Yangba en venant au monde a pris la place de sa maman dans le monde. C’est comme ça. C’est pour la femme de son papa, sa marâtre, qu’elle travaille. Mais c’est pour elle seule que Yangba veut grandir.

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Après, maintenant, elle a noué un morceau de pagne autour de ses hanches. Elle porte un haut démanché qui a la couleur de la poussière. Yangba, c’est un joli nom. On le sait : la rivière a beau être à sec, elle garde son joli nom.Yangba a un ami, c’est un oiseau : un kaya au ventre jaune. Il est attaché à un fil qui au poignet de Yangba ressemble à un bracelet.Une fois, le kaya se pose sur son épaule…Une fois, il se pose sur sa tête…

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Ce jour-là, elle a vu les enfants rentrer dans la cour de l’école, elle a vu les enfants jouer, elle a vu les enfants se mettre en rang devant leur classe.

Après, maintenant, elle voit arriver quelques personnes avec des blouses blanches.

Toutes portent un sac à la main ou à l’épaule.

Mais un homme et une femme portent en plus une glacière.

Ils entrent dans l’école. Ils vont en classe. Ils sont là pour vacciner cinq ou dix ou vingt élèves, peut-être plus.

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Après, maintenant, arrive une voiture. Une grosse voiture. Une voiture-éléphant, ou hippopotame, ou baobab ! Une voiture qui fait s’envoler la poussière devant et derrière elle.Une grande dame en descend. Belle.Avec un pagne brodé sur les manches et la poitrine.Elle passe sans dire bonjour. Sans même regarder Yangba, elle entre dans l’école. Elle va voir la vaccination.Yangba reste seule.

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Après, maintenant, la grande dame sort de l’école. Elle se met au volant de sa grosse voiture. Elle fait tourner le moteur et hop ! marche arrière... Mais...— Hé ! Aïe !La grosse voiture-éléphant, hippopotame, baobab, a écrasé la bassine et les beignets de Yangba.La grande dame sort de sa voiture. Yangba pleure. La grande dame crie. C’est comme ça, un grain de maïs a toujours tort devant une poule. La grande dame repart en marche avant et roule.

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Après, maintenant, c’est déjà le soir.Yangba n’est pas rentrée chez sa marâtre.Elle ne veut pas être battue, elle qui a tout perdu.Avec son kaya, elle va dormir dans sa cachette, un manguier.Là, au milieu des branches et des mangues, elle s’enveloppe dans une peau de bœuf qu’on lui a donnée. Une peau qui porte encore deux grandes cornes pointues.

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Au milieu de la nuit Yangba s’endort, mais elle se réveille vite. Au pied du manguier, des voleurs palabrent. Ils se disputent. Yangba tremble de peur, beaucoup… trop même, et elle tombe au milieu des voleurs avec sa peau de bœuf et ses cornes. La lune, qui a tout vu et tout entendu, éclaire un peu.

Alors, les cinq ou six ou sept voleurs crient leur peur :

— Un sorcier ! Un likundü !

Ils partent en courant se perdre dans la nuit. Ils laissent là, par terre, dans un chiffon, huit petits brillants. Yangba remonte se cacher dans son manguier, avec sa peau. Elle a trouvé huit petits brillants… des diamants de la forêt.

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Le matin est revenu.Yangba ne vend plus ses beignets. Dans une grande rue de la ville, elle est allée échanger un petit brillant, un seul. Les autres, elle les a cachés. On lui a donné de gros billets, des billets-éléphants, hippopotames, baobabs. Elle s’achète du rêve : une jolie paire de chaussures.

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Après, maintenant, quand elle rentre au quartier bordé par le grand fleuve Oubangui, sa marâtre est là. Elle veut attraper Yangba et la battre. Mais Yangba, avec ses chaussures, court plus vite que le vent et disparaît. Elle veut tellement aller à l’école…

Après, maintenant, elle est où, Yangba, dans le monde ? Au quartier, certains disent que ses chaussures l’ont fait courir jusqu’au milieu du ciel et du monde. D’autres murmurent qu’elle s’est envolée, de l’autre côté du fleuve, en tenant son kaya par un fil. Et qu’elle a pu, enfin, réaliser son rêve : apprendre à lire et à écrire !

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Moi, je sais où elle est, là-bas… Elle part tous les jours à l’école, avec d’autres filles et des garçons…. Qu’elle est heureuse ! Si tu pouvais la voir…. Cherche-la. C’est ton amie. Trouve-la.