La Materia Come Specchio in Plotino e Proclo

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  • LA MATIRE COMME MIROIR : PERTINENCE ET LIMITES D'UNEIMAGE SELON PLOTIN ET PROCLUS

    Frdric Fauquier

    P.U.F. | Revue de mtaphysique et de morale

    2003/1 - n 37pages 65 87

    ISSN 0035-1571

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2003-1-page-65.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Fauquier Frdric, La matire comme miroir : pertinence et limites d'une image selon Plotin et Proclus , Revue de mtaphysique et de morale, 2003/1 n 37, p. 65-87. DOI : 10.3917/rmm.031.0065--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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    La matire comme miroir :pertinence et limites dune image

    selon Plotin et Proclus1

    RSUM. Si la forme est la condition de toute pense et si la matire est informe, com-ment Plotin peut-il la penser ? Le recours la ngation accompagn dune orientation duregard vers lextriorit permet de faire signe vers linformit de la matire ; cette ngationcependant ne doit pas conduire un nom vide, mais un rsidu ; limage apparat commeune aide qui vite lvanouissement de la pense dans le nant. Plotin dveloppe en parti-culier limage du miroir pour donner penser la matire ; comme elle, il est crateur dillu-sions et impassible. Cependant, comme toute image, le miroir a ses limites pour illustrer lestatut paradoxal de la matire. Proclus, lorsquil essaye de penser la participation, met envidence ces limites : le miroir suppose lextension, lextraversion et laltration de celuiqui sy mire. Limage ne demeure quune aide et doit donc rester subordonne la ngation.

    ABSTRACT. If form is the condition of all thought and if matter has no form, howis it possible for Plotinus to think it ? Using negation and considering exteriority allowsto lead to the formless nature of matter ; however, this negation must not lead up to anempty name, but to a residue ; the image appears as a help which saves thought fromvanishing into nothingness. Plotinus uses especially the image of the mirror to help tothink matter ; the mirror is, like matter, an illusion-maker and impassive. Nevertheless,like every image, the mirror has its limits to illustrate the paradoxical status of matter.Proclus, when he tries to think the participation, shows these limits : the mirror pre-supposes the expanse, extraversion and alteration of he who gazes at himself in it. Theimage is only a help and must be subordinated to negation.

    Pour Mme Courts

    Comment peut-on connatre la matire ? Si la matire sensible 2 est bien ledernier lment du processus dengendrement du rel partir de la surabondance

    1. Je remercie B. Prez et L. Brisson qui ont bien voulu relire cet article.2. La question de la gnration de la matire chez Plotin est encore controverse ; si D. OBRIEN

    (dans Plotinus On the Origin of Matter, Naples, Bibliopolis, 1991 et Thodice plotinienne, tho-dice gnostique, Leyde, Brill, 1993) dfend lide dune gnration de la matire, J.-M. NARBONNE(dans son dition du trait 12, Plotin : Les deux matires [Ennade II, 4 (12)], Paris, Vrin, 1993)propose une position plus nuance sur ce problme.

    Revue de Mtaphysique et de Morale, No 1/2003

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    de lun, llment o la force gnratrice de lme, comme acte driv, spuisedans une informit aspirant une conversion impossible 3, si la matire estcependant llment qui accueille lactivit formatrice de lme sans jamaissexhausser la ralit de la forme, comment, elle qui chappe toute forme,est-elle susceptible dune dtermination formelle ou au moins eidtique caractristique de la connaissance ? Pourtant, Plotin parle de la matire, de sagnration comme de sa structure, non seulement dans un discours ngatif lamatire chappe tout discours parce quelle est ce mouvement de fuite maisencore positivement, travers des images.

    Comme lavait dj soulign Heinemann, dans un article consacr lathorie du miroir de la matire comme corrlat de la thorie du logos-lumirechez Plotin 4 , limage du miroir est rmanente pour penser la matire ; sansdoute est-ce une des images les plus adquates, mme si elle a des limites. Cemiroir est bien sr un miroir tnbreux, o, la diffrence de la pupille delAlcibiade, on sgare plus quon ne se trouve, miroir fluctuant et troubl,profond et difforme qui accueille lclat de lme sans pour autant devenirforme. Mais cette image nest-elle pas dj trop parfaite, substantialisant ce quina pas de substance ?

    POURQUOI LIMAGE VIENT-ELLE RELAYER LA NGATIONPOUR VOQUER LE NON-TRE QUEST LA MATIRE ?

    Une connaissance directe et immdiatede la matire semble impossible

    En effet, toute connaissance est connaissance dune formeLa connaissance au sens propre, comprise comme nohvsi", est identique

    lintelligible 5 ; or lintelligible est rgi par un principe de dtermination formellequi nexclut pas lentrexpression intgrale des formes. Quelque chose dediffrent avance en saillie dans chaque , mais

    3. La matire est e[esi" uJpostavsew" ; voir Enn. III, 6 [26], 7, l.13.4. F. HEINEMANN, Die Spiegeltheorie der Materie als Korrelat der Logos-Licht-Theorie bei

    Plotin. Ein Beitrag zur Metamorphose des plotinischen Begriffs der Materie , Philologus LXXXI(N. F. XXXV), 1, p. 1-17.

    5. V, 3 [49], 5.

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    toute sy manifeste aussi 6 si bien que la matire intelligible, l-bas,nest donc jamais plus informe 7 . La connaissance est activit rflexive delintelligence sur les intelligibles qui sont en elle-mme. La vrit est laccordde lintelligence avec elle-mme 8, cest--dire la saisie immdiate de la totalitdes formes. Cest parce que les Formes sont pensantes que la vrit est possible.Mme la sensation qui pourtant, conformment la ligne de la Rpublique, estplus lie lopinion qu la connaissance, en saisissant quelque chose dext-rieur, suppose une forme dans ses objets.

    Or la matire ne rpond pas aux exigences de la connaissanceau sens propre : elle est informe et diffrente du nou'" et extrieure luiLinformit et lindtermination de la matire sont une thmatique constante

    chez Plotin ; si, la suite de D. OBrien 9, il faut bien voir en III, 9 [13], 3l.7-16 une description de la gense de la matire puis, dans un deuxime temps,sa mise en forme par lme, sans doute lindtermination de la matire rsulte-t-elle de lindtermination de lme qui, au lieu de porter son regard dans unmouvement de conversion vers sa source intelligible, se retourne sur elle-mme,alors quelle nest que matire de lintelligence 10, quittant des yeux son principeformateur :

    Donc lme partielle est claire lorsquelle se porte vers ce qui est avant elle carelle se trouve dans ltant , mais lorsquelle se porte vers ce qui est aprs elle, ellese porte vers le non-tant. Elle produit celui-ci quand elle se porte vers elle-mme :en effet, en voulant se porter vers elle-mme, elle produit une image delle, le non-tant, comme si elle marchait sur du vide et devenait plus indtermine ; limageindtermine de celle-ci est compltement obscure : en effet, elle est irrationnelle,absolument inintelligible et trs loigne de ltant. Lme se trouve dans ce qui luiest propre en position intermdiaire, mais regardant nouveau, comme par un secondlan, limage, elle lui a donn forme et descend, rjouie, vers elle 11.

    Lajmoriva est une caractristique constitutive de la matire qui donne laforme du chaud son informit (to; aujth'" ajneivdeon), la configuration sa dfi-guration (th;n ajmorivan), ce qui a une mesure excs et dfaut 12 . Cetteinformit du rceptacle est ncessaire la nature mme du rceptacle : Plotin,

    6. V, 8 [31], 4, l.10-11.7. II, 4 [12], 3, l.14-15 (trad. J.-M. Narbonne, Paris, Vrin, 1993).8. V, 5 [32], 2, l.18-20.9. D.OBRIEN, Thodice plotinienne, thodice gnostique, Leyde, Brill, 1993, p. 24-27.10. II, 4 [12], 3, l.1-5 ; III, 9 [13], 5 ; V, 1 [10], 3, l.21-25.11. III, 9 [13], l.7-16.12. I, 8 [51], 8 l.22-23.

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    fidle lenseignement platonicien du Time 13, montre que seul ce qui estexempt de forme peut accueillir toutes les formes. Accepter que la matirereoive une dtermination ou une affection revient la faire varier incessam-ment, mais surtout nier sa nature de rceptacle devenant un obstacle beaucoup de ralits qui entrent en elles 14 .

    La matire par son informit est aussi extrieure toute ralit tout commelinformit 15, lextriorit est aussi prsente pour le rceptacle platonicien dont ilconvient quil soit au-dehors de toutes caractristiques 16. La matire plotinienneest extrieure tout ce quelle accueille. Le trait III, 6 [26] insiste longuementsur son impassibilit et son extriorit quil ne faut pas comprendre de manirespatiale lextriorit nest pas comparable celle de la source lumineuse et delobjet clair 17. Il sagit dune diffrence de nature, une non-connaturalit : lamatire, engendre lorsque lme se dtourne des ralits intelligibles pour seporter vers elle-mme, na rien en commun avec les intelligibles.

    La consquence essentielle de cette extriorit est que la corporit ploti-nienne ne peut pas se penser comme une composition hylmorphique au sensstrict dans la mesure o la matire reste toujours extrieure la forme et quelleest diffrente des qualits quelle accueille. Elle nen demeure pas moins nces-saire lexistence des corps : Donc la matire est ncessaire et la qualit et la grandeur ; de sorte quelle est galement ncessaire aux corps ; et ce nestpas un nom vide mais bien un certain substrat, quoiquil soit invisible et in-tendu 18.

    Si la matire chappe aux conditions de la connaissance vritable, commentpeut-on la connatre ?

    Comment connatre la matire ? Par un raisonnement btard

    Plotin reprend son compte la description platonicienne du Time : Uneralit quon ne peut saisir quau terme dun raisonnement btard qui ne sappuiepas sur la sensation 19. Ce raisonnement est pense et non-pense, une alina-tion de lintelligence.

    13. Time, 50d 2-e4.14. III, 6 [26], 10 l.9-10.15. Time, 51a 8 : ajnovraton ei\dov" ti kai; a[moron .16. Time, 50e 3-4 : pavntwn ejkto;"... tw'n eijdw'n .17. III, 6 [26], 15 l.1-6.18. II, 4 [12], 12 l.20-23 (trad. J.-M. Narbonne).19. Time, 52b 2-3 (trad. L. Brisson, Paris, Flammarion, 1992).

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    Il sagit de penser la matire par ajaivresi"

    Le problme de la reprsentation de la matire est pos plusieurs reprisesdans les Ennades 20. Le terme ajaivresi" ou le verbe correspondant ajairevwapparaissent systmatiquement. Pour penser linforme, Plotin invite le lecteur abolir toute forme : suppression des formes extrieures comme des formesintrieures. Il sagit de supprimer absolument la forme de ce quoi ces formesne sont pas prsentes (nous lappelons matire), en saisissant nous-mmes aussilinformit en nous dans le fait de supprimer toute forme 21 .

    En vertu du principe selon lequel le semblable connat le semblable, lind-termination dune (non-)ralit se connat par lindtermination de lme 22.Peut-on encore parler de connaissance ? Il y a une diffrence fondamentale pourPlotin entre connatre ce qui nest pas et ne pas connatre : cette connaissancehybride est un pavqo" qui concerne lme 23. Lintelligence prouve (e[paqe)le contraire de ce quelle est, afin de voir son contraire 24 .

    Cette ajaivresi" est rupture de la sphre dimmanence

    Ltat dindtermination de lme est rsultat de lajaivresi". Un extrait deVI, 6 [34], 3, mettant en vidence la structure de linfinit (ajpeiriva), concernetout aussi bien la matire : il faut sparer la forme par la pense (cwrivsa"to; ei\do" th/' dianoiva/), il sagit donc bien dune opration intellectuelle : cettesparation prend la forme de la ngation mais cette ngation nest en aucun casune prdication du contraire : dire que la matire nest pas grande ne signifiepas quelle soit petite. Le corrlat ontologique de cette affirmation est limpas-sibilit de la matire : laffection des contraires se fait par les contraires seule-ment 25. Il y a une extriorit radicale de la matire, ds lors la ngation ne doitpas tre interprte comme prdication ngative. Elle est certes lexpression dela privation mais non dune privation particulire ou singulire, elle est lexpres-sion de la privation de tout ltre. Cest pourquoi Plotin dfinit la matire comme la partie de laltrit qui est oppose aux tres qui existent au sens propre,qui sont prcisment des raisons. Cest pourquoi aussi, tout en ntant pas, elle

    20. I, 8 [51], 9 l.15-26 ; II, 4 [12], 10 ; II, 6 [17], 2 l.11-13 ; VI, 6 [34], 3 l.9-44 ( propos delinfinit).

    21. I, 8 [51], 9 l.15-17.22. II, 4 [12], 10 l.3-5 (trad. J.-M. Narbonne).23. II, 4 [12], 10 l.23.24. I, 8 [51], 9 l.26.25. III, 6 [26], 9 l.32-33.

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    est en ce sens quelque chose, et est identique la privation, si la privation estopposition aux tres qui existent selon une raison 26 .

    La ngation qui sapplique saisir la matire rompt la sphre dimmanencedes corps ou qualits corporelles pour faire signe vers un extrieur qui lui estncessaire. La ngation des prdicats contraires en est une marque forte : ainsi,la matire nest ni mouvement ni repos, ni grand ni petit, ni un ni multiple ; etpourtant on la dit aussi grand et petit car elle permet lapparition du grand etdu petit.

    Elle doit saccompagner dune orientation du regard

    Cette rupture de la sphre dimmanence doit saccompagner dune orientationdu regard vers lextrieur sous peine dtre confondue avec lexprience unitive.Les parallles entre exprience de la matire et exprience de lUn sont en effetloquents : une mise en regard des textes est plus quexplicite.

    Lme qui sest purifie de la reprsentation par la thologie ngative setrouve face une indtermination fondamentale, elle na aucune limite en elle laquelle elle pourrait se rattacher : Et si, parce quil nest aucune de ceschoses-l, tu te trouves en ta pense dans un tat dindtermination (ajoristei'"),tiens-toi prcisment dans ces choses-l et, partir delles, regarde 27 !

    En II, 4 [12], 10 l.12-17, Plotin voque aussi lindtermination (ajoristiva)de lme pensant la matire. Les adjectifs a[moro" ou ajneivdeo" sappliquentaussi bien lUn qu la matire.

    Plus encore, lindtermination de lUn comme de la matire suscite unecrainte en lme :

    propos de lun : Mais dans la mesure o elle savance vers le sans forme,tant alors dans lincapacit totale de le saisir, parce quelle nest pas dlimite parlui, et quellenestpas, enquelquesorte,marquepar lempreintedunsceau riche-ment vari, elle glisse et elle craint de ne plus rien tenir du tout 28.

    propos de la matire : Et puisque la matire elle-mme ne demeure pasnon plus informe, mais quelle est forme en des objets, lme aussi, souffrantde ce qui est indtermin, la recouvre aussitt de la forme des objets, par craintede se trouver en quelque sorte hors des tres et ne pouvant plus supporterlongtemps lide dtre fixe dans le non-tre 29.

    On comprend ds lors pourquoi la ngation parmnidienne 30, traditionnelle-

    26. II, 4 [12], 16, l.1-4 (trad. J.-M. Narbonne).27. VI, 9 [9], 7 l.1-2 (trad. P. Hadot, Paris, d. du Cerf, 1994).28. VI, 9 [9], 3 l.4-6 (trad. P. Hadot).29. II, 4 [12], 10 l.31-35 (trad. J.-M. Narbonne).30. Jemprunte lexpression C. GURARD, La thologie ngative dans lapophatisme grec ,

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    ment luvre dans la thologie ngative, en VI, 6 [34], 3, est aussi au servicedune pense de la matire.

    Cependant demeure une diffrence dorientation du regard qui fait dune deces expriences une conversion vers la source intrieure : Mais regarde sansprojeter ta pense vers lextrieur 31 , alors que lautre est proprement alina-tion : Ainsi donc un intellect aussi, puisquil a abandonn sa lumire propre lintrieur de lui et pour ainsi dire sest avanc lextrieur de lui en ayantavanc vers ce qui ne lui est pas propre (...) a prouv le contraire de ce quilest 32. De sorte quil est nou'" a[llo" voire mme un non-nou'" 33.

    Lajaivresi" ne conduit pas un nom vide, mais un rsidu

    La matire est un non-tre mais ne svanouit pas dans une inexistence. Lenon-tre ne svanouit pas dans la vacuit de sa nomination : Ce nest pas unnom vide, mais bien un certain substrat, quoiquil soit invisible et intendu 34.

    Penser la matire ce nest pas ne rien penser ; il y a une certaine affirmation 35lorsque lme est dans ltat dindtermination : Elle prouve ainsi une affec-tion qui est comme la marque de linforme 36.

    Ce qui reste derrire les ngations cest une direction, lextrieur, qui ne doitpas tre comprise comme une relation spatiale. Dernire tape dans la proces-sion, la matire clt la hirarchie par sa conversion impossible, par sa non-vieet par sa position de limite. Cest bien parce quelle ne svanouit pas dans sanomination, comme un simple flatus vocis, que limage vient relayer la ngation,elle permet de penser ce quelque chose quest la matire tout en ntant pas 37.

    Limage permet de penser positivement la matireen tant quelle est ce rsidu ou cette limite

    Il y a, comme pour lUn, une subordination de limage la ngation parceque limage tend toujours substantialiser ce dont elle propose une image. Sereprsenter la matire, cest se figurer une image dimage. Quelle figuration est

    Revue des sciences philosophiques et thologiques, 68 (1984), p. 191-192, qui dsigne par l leprocd de ngation dun prdicat et son contraire.

    31. VI, 9 [9], 7 l.2-3 (trad. P. Hadot).32. I, 8, 9 [51], l.23-25.33. I, 8, 9 [51], l.18.34. II, 4 [12], 12, l.22-23 (trad. J.-M. Narbonne).35. II, 4 [12], 10, l.13 : ejn kataavsei tini; .36. II, 4 [12], 10, l.22-23 (trad. J.-M. Narbonne).37. II, 4 [12], 16, l.3.

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    donc possible pour ce qui est dfigur ? Sa reprsentation (to; avntasma) serabtarde. Limage ne pourra provenir des sens puisquelle est non qualifie doncnon perceptible 38. Il faut en fait distinguer deux types de reprsentation : unereprsentation spontane ou immdiate qui se reprsente la matire comme unvolume et une reprsentation rflchie qui tablit une comparaison entre lamatire et dautres ralits.

    La reprsentation spontane : la matire comme volume

    La reprsentation spontane ne pense pas la ralit de la matire tout endonnant lillusion de la penser ; elle fait de la matire un volume dterminalors que si la matire est volume, cest seulement comme volume sans grandeur la fois grand et petit 39. Plotin distingue une pense ngative de la matirede la reprsentation imaginative : Et lindtermination de la matire est unvolume de cette sorte, rceptacle de la grandeur qui vient en elle ; mais, danslimagination, elle est volume de cette manire-l 40.

    Il faut sans doute comprendre le volume de cette manire-l commevolume dtermin ou avec grandeur. La matire nest pas volume, elle estphantasme du volume, cest--dire saisie par la antasiva comme volume sanspour autant ltre rellement.

    La reprsentation rflchieLa reprsentation rflchie est une reprsentation consciente de ses limites,

    cest--dire une reprsentation qui ne prtend pas cerner la matire directementmais vise prsenter ses caractristiques essentielles par lintermdiaire duneimage. Limage souligne ses propres limites si bien quon peut parler proposde la matire dune rhtorique de loi{on 41 . Glosant le texte platonicien duTime 42, Plotin distingue ce qui convient mieux la matire comme appellation :ainsi rceptacle et nourrice sont plus adquats (oijkeiovteron) alors quonlappelle mre pour ainsi dire (oi|on) 43. Le terme revient sans cesse pourmarquer les limites de la comparaison.

    38. II, 4 [12], 12.39. Voir L. BRISSON Entre physique et mtaphysique. Le terme o[gko" chez Plotin, dans ses

    rapports avec la matire (u{lh) et le corps (sw'ma) , dans M. FATTAL (d.) tudes sur Plotin, Paris,LHarmattan, 2000, p. 87-111, en particulier p. 92-102.

    40. II, 4 [12], 11, l.36-38 (trad. J.-M. Narbonne).41. D. MONTET, Archologie et gnalogie. Plotin et la thorie platonicienne des genres, Gre-

    noble, Jrme Millon, 1996, p. 178 (il utilise cette expression propos de lUn).42. Time, 49a 6-7 et 51a 4-7.43. III, 6 [26], 19, l.17-18.

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    Cette reprsentation rflchie ne porte pas sur la matire elle-mme, ind-pendante des autres ralits, la reprsentation rflchie tente de donner un visageau rapport que la matire entretient avec les corps tout en essayant dillustrerson informit.

    Limage ne permet de comprendre la matire que dans un tissu de relationsquelle rend possible sans tre implique ; il faut figurer la relation dextrioritet en particulier la diffrenciation davec les corps, tout en essayant de rpondreaux exigences de la ngation de la forme.

    LA MATIRE ET LE MIROIR : LECTURE DE III , 6 [26]

    Chez Plotin, le miroir est trs certainement limage la plus clbre pour penserla matire, mais elle nest pas la seule. Aprs avoir recens les multiples imagesqui apparaissent en III, 6 [26], et avoir propos une brve gnalogie du miroir,essentiellement tnbreux, il faudra souligner que limage du miroir chez Plotinnest pas univoque ; ce nest qualors que lon pourra en questionner la perti-nence.

    Les images de la matire en III, 6 [26] autres que le miroir

    Lenjeu du trait III, 6 [26] est de montrer limpassibilit des incorporels,tant de lme que de la matire. Les paragraphes 7 19 sont exclusivementconsacrs la matire. On peut distinguer trois types dimages relativement leur fonction et leur nature :

    les images qui illustrent lindiffrence de la matire ce qui la traverse ; les images qui illustrent sa position de limite et sa fonction de rceptacle ; les images lies la tradition : mythes comme linterprtation du mythe de

    Poros et Pnia, le culte de Cyble et de lHerms ithyphallique ou expressionsplatoniciennes comme les rfrences au Time.

    Lindiffrence de la matire ce qui la traverseLimpassibilit de la matire est la thse centrale de III, 6 [26]. Son absence

    de rsistance la rend inscable ; en effet, si on pouvait la diviser, elle ne seraitpas simple, aurait une certaine extension. Comment comprendre cette relationdun milieu qui reoit sans tre affect ? Il sagit dillustrer ici une relation.

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    Les formes-images accueillies dans la matirene divisent pas le milieu

    En III, 6 [26], 7, Plotin compare cet accueil des images en elle un corpsqui traverse leau ou des formes envoyes travers le vide. Leau comme levide sont en effet des milieux qui accueillent les objets sans subir eux-mmesde modifications. Leau nest pas divise par la forme quelle accueille. Limagedu vide est plus complexe : la suite de B. Fleet 44, on peut penser quelle estreprise de la thorie atomiste de la perception ; Plotin propose de se reprsenterquelquun qui projette un simulacre de la surface de son corps travers le videsans que le vide lui-mme soit affect ou divis. Ces deux exemples visent montrer que lintgrit de la matire nest jamais atteinte.

    Elles ne laltrent pas : la cire

    En III, 6 [26], 9, lanalyse est approfondie par une distinction entre unealtration substantielle, qui modifie la nature de ce qui est altr, et une altrationnon substantielle. Ce type daltration est illustre par diffrents milieux quiaccueillent des qualits sans eux-mmes tre modifis : la cire, le corps clairou encore la pierre. La qualit quils accueillent, quelle soit empreinte, clairageou chaleur, ne modifie pas leur nature.

    Limage de la cire est ambivalente ; Plotin se sert peu de cette image pourpenser la matire. Sans doute pense-t-il au Time 50a-b qui prend lexemple dumodelage de lor en diverses figures pour montrer la permanence et la non-altration du substrat. Gnralement, la cire est associe la thorie stociennede la sensation 45 comprise comme une empreinte dans lme ; cette image estinvalide car non pertinente selon Plotin. La distinction entre la passivit de lacire et limpassibilit du miroir napparat pas directement dans son discours,contrairement Proclus qui verra une nette diffrence entre les deux modles.Il semble, au contraire, quil y ait eu une interaction entre limage du reflet etcelle de lempreinte : cette non-distinction est dailleurs classique pour cesimages dans des contextes o elles ne sappliquent pas ncessairement lamatire. Deux exemples suffiront montrer leur interaction : la description dufoie dans le Time 46 compare le foie un miroir qui reoit des impressions (tuvpou"). Le second exemple est extrait des Propos de table 47 de Plutarque : le

    44. Plotinus. Ennead III.6 On the Impassivity of the Bodiless, with a translation and commentaryby B. Fleet, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 177.

    45. IV, 3 [27], 26, l.29-32 ; IV, 6 [41], 1.46. Time, 71a-d. Il faut remarquer que, trangement, les trois images dgages par Proclus pour

    penser la matire et la participation apparaissent dans ce texte, limage de la peinture figurant en71c 4.

    47. Propos de table, V, 672d-e (trad. F. Fuhrmann, Paris, Les Belles Lettres, 1978).

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    narrateur interroge Sosius Sncion pour savoir sil y a un plaisir propre lme ; linterlocuteur ne semblait pas, jadis, considrer que tout plaisir venaitdu corps et que lme ne faisait que le redoubler, quelle ne reoit, commeune cire ou un miroir, que des images et des impressions des sensations de lachair . Dans limaginaire, miroir et cire ne sont pas opposs. Plotin lui-mmeutilise les deux images reflet et cire pour penser les rapports de la sagesseet de la nature : la nature est reflet de la raison 48.

    Ncessit de la matire la constitution de la corporitet arrt de la procession

    Une autre catgorie dimages marque la fois la ncessit de la matire dansla constitution de la corporit et sa non-implication dans ce quelle rend pos-sible par larrt de la procession. Ces images apparaissent essentiellement enIII, 6 [26], 14-15 aprs linterprtation du mythe de la naissance dros : lamatire est identifie Pnia car elle est toujours manque et en demande departicipation ; son union avec Poros est interprte comme la rception desapparences en elle. Pnia est et demeure pauvret, cest--dire que laccueil enelle des apparences ne comble jamais son aspiration la participation. Il y a,en effet, participation sans participation, illustre dans la suite du texte commerflexion : la constitution des apparences sensibles est une forme de participationdans la mesure o la matire est ncessaire leur constitution, mais comme cesapparences sensibles chappent toujours la matire, ce nest pas une partici-pation. Limage de lcho sert marquer la ncessit de la matire dans lerenvoi du son mais aussi son extriorit au son quelle renvoie. Donc ce quiest saisi schapperait comme dune nature trangre, comme lcho des lieuxlisses et unis : parce quil ne demeure pas l-bas, on imagine quil est l-bas etvient de l-bas 49.

    La reprsentation imaginative se trompe lorsquelle considre que les tressont rellement dans la matire et quils viennent de la matire. La matire nestque ce qui clt la procession (par une conversion impossible) et qui renvoiedonc limage de ce qui est au-dessus delle sans pour autant devenir cette image.Le texte de III, 6 [26], 14, l.30 pose ici un problme ; en effet, leditio maior 50dit de la matire quelle est ejpiscou'sa th;n provodon , arrtant la proces-sion , conformment tous les manuscrits alors que dans leditio minor 51, une

    48. IV, 4 [28], 13, l.2-7.49. III, 6 [26], 14, l.24-26.50. Plotini opera : Enn.I, d. P. Henry et H.-R. Schwyzer, Louvain-Paris-Leyde, Descle de

    Brouwer, 1951.51. Plotini opera : Enn.I, d. P. Henry et H.-R. Schwyzer, Oxford, Clarendon Press, 1964.

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    correction de Creuzer est retenue : ejpiscou'sa th;n provsodon , arrtantlapproche . B. Fleet considre que la correction semble plus approprie dansce contexte dans la mesure o provodo" est un terme que Plotin appliqueailleurs lcoulement dune hypostase dans la suivante 52 . Lexplication nestpas trs convaincante car la matire est bien arrt de la procession : rien neprocde delle parce quelle est incapable de se convertir ; elle arrte aussi leflux qui mane de lme en tant quelle est la dernire tape ; enfin, elle estcause ncessaire de linformation des corps en tant quelle est la limite oapparaissent les corps.

    Cest alors quintervient la seconde comparaison : celle des surfacespolies ; cette image doit tre diffrencie du miroir : Nous-mmes aujour-dhui, nous ne diffrencions plus, quand nous traitons de la rflexion, entresource originelle de lumire et source secondaire ce que sont tous les objetsclairs ; ni entre la rflexion qui nous claire et celle qui nous renvoie uneimage. Ce nest nullement le cas des Grecs : pour eux, il est radicalementdiffrent de voir grce un miroir (par la lumire quil projette au loin), devoir dans un miroir (limage qui sy forme), ou encore de ne pas voir causedun miroir (quand on est bloui) 53. Ce qui est dsign dans le texte plotinienderrire lexpression lei'a se rapporte manifestement aux miroirs ardents quiconcentrent les rayons solaires afin denflammer des objets ; Plotin semble faireallusion un autre type de miroir ardent qui se sert de leau pour renvoyer lesrayons. Limage est pertinente dans la mesure o le miroir arrte le rayonnementlumineux et le renvoie donnant lillusion quil est la source de la lumire. Ledfaut de cette image est sa matrialit et la ncessit dune relation dextrioritspatiale alors que lextriorit de la matire et du principe formateur est unediffrence dessence.

    Limage du miroir

    Le miroir tnbreux chez Platon

    La comparaison de la matire et du miroir a t inspire trs certainementpar la lecture de la Rpublique. En effet, le dernier degr des tres ou plutt lapremire section de la ligne est ainsi dcrite par Platon : Les images jappelleimages en premier lieu les ombres, puis les apparences sur les eaux et sur tout

    52. Op. cit., p. 242.53. G. SIMON, Le Regard, ltre, lapparence dans loptique de lAntiquit, Paris, d. du Seuil,

    1988, p. 46.

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    ce qui est dune consistance serre, lisse et brillante, et tout ce qui sy apparente,si tu me comprends 54.

    Le miroir est le support du dernier degr de ralit. Platon met en videncele caractre fallacieux du miroir qui redouble lunivers en le dgradant et endonnant une illusion de lexistence :

    Elle nest pas complique, dis-je ; cest un artisanat quon exerce en tous lieux, etrapidement ; trs rapidement mme, condition que tu veuilles bien prendre un miroiret le faire tourner autour de toi : aussitt tu creras le soleil et ce qui se trouve dansle ciel, aussitt la terre, et aussitt toi-mme autant que les autres tres vivants, lesobjets, les plantes, et tout ce dont on parlait linstant. Oui, dit-il, des choses qui paraissent, mais pas des choses qui vritablement soientrelles, nest-ce pas ? Tu dis bien, rpondis-je ; et par ton argument, tu en viens l o il faut en venir 55.

    Certes, Platon ne compare pas explicitement la matire au miroir, mais lemiroir est lexemple mme du principe de dgradation ontologique ; il crelillusion dune ralit. La mise en parallle explicite entre matire et miroir estproprement plotinienne.

    Les ambivalences du miroir chez Plotin :miroir lumineux et miroir tnbreux

    Le miroir plotinien nest pas univoque car il sert penser la relation duneralit avec son principe suprieur, illustrant par l une relation hirarchiquedillumination ; ainsi le langage est-il miroir de la pense 56 en tant quil dploiele contenu de la pense dans la discursivit. Lme est ainsi le miroir de lintel-ligence 57 car elle accueille comme un reflet lactivit de lintelligence qui lillu-mine ; le trouble du miroir trouble limage de lactivit de lintelligence mmesi lintelligence demeure. Le miroir illustre donc aussi la capacit dtre illu-min.

    54. Rpublique, VI 509d-510a (trad. P. Pachet). Sur le miroir chez Platon, voir P. VUILLEUMIER, Platon et le schme du miroir , Revue de philosophie ancienne, XVI, 2, 1998, p. 3-47 ; sur lemotif du miroir dans lAntiquit, voir W. MCCARTY, The shape of the mirror : metaphoricalcatoptrics in classical litterature , Arethusa, 22, 2, 1989, p. 161-195 ; E. M. JONSSON, Le Miroir.Naissance dun genre littraire, Paris, Les Belles Lettres, 1995, chap. I ; sur lusage du miroir chezles philosophes, voir H. COURTS, La symbolique du miroir , Cahiers philosophiques, 1989,p. 29-51 ; sur la catoptrique, voir G. SIMON, Derrire le miroir , Le Temps de la Rflexion II,p. 298-332 ; sur la catoptromancie dans lAntiquit, voir A. DELATTE, La Catoptromancie grecqueet ses drivs, Lige-Paris, Vaillant-Carmanne - Droz, 1932, chap. II.

    55. Rpublique, X 596d (trad. P. Pachet, Paris, Gallimard, 1993).56. IV, 3 [27], 30.57. I, 4 [46], 10.

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    Sil est possibilit dillumination, le miroir est aussi principe de la dispersion,quil sagisse du miroir de Dionysos 58, de Narcisse et de son image 59, le miroirest le principe de diffraction de lme indivisible dans les corps 60. Ce principede dispersion est sducteur ; il cherche capter les formes qui se refltent enlui. J. Ppin remarque ce propos : Quelques lignes avant de mentionner lemiroir de Dionysos, et probablement en rapport avec lui, Plotin note quunmiroir est capable dattraper une forme ; loin dtre inertes, le miroir de Dio-nysos et limage qui sy reflte exercent donc une attraction sur le jeune dieuet prcipitent la catastrophe. Cette ide se rattache une vieille croyance selonlaquelle le miroir aurait une aptitude magique pour piger les mes 61.

    La matire-miroir

    Ce nest qu laune de la thorie plotinienne du miroir que lon pourravaluer la pertinence de limage pour penser la matire. Plotin a propos unethorie du reflet spculaire dans le trait IV, 5 [29] consacr la vision :

    Puisquil faut dire que limage dans un miroir (to; ejn tw/' katovptrw/ ei[dwlon) est unacte de lobjet qui y est vu, agissant sur ce qui peut ptir, alors que rien ne scoulede lui ; mais si est prsent, celui-ci semble aussi l-bas, et il y a ainsicomme une image (ei[dwlon) dune surface colore figure de cette manire ; sil senva, le milieu transparent na rien de ce quil avait auparavant, quand lobjet qui taitvu accomplissait une action sur lui 62.

    Limage ou le reflet est prsent comme une activit du modle dans ce quipeut ptir, cest--dire non pas dans le miroir lui-mme mais dans lair ou lediaphane qui forme une unit devant la surface lisse. Lactivit du modle nesuppose pas sa dgradation ou son altration ; il ny a pas de diffusion departicules ou de simulacres qui viennent heurter le miroir. Comme Armstrong 63la remarqu, mme si larrire-fond est aristotlicien 64, la lumire est mise enparallle avec la vie comprise comme activit incorporelle de lme ; lincor-

    58. IV, 3 [27], 12 tudi dans J. PPIN, Plotin et le miroir de Dionysos , Revue internationalede philosophie, 1970, p. 304-320.

    59. Voir P. HADOT, Le mythe de Narcisse et son interprtation par Plotin , Nouvelle revue depsychanalyse, 13, 1976, p. 81-108, repris dans Plotin, Porphyre. tudes noplatoniciennes, Paris,Les Belles Lettres, 1999.

    60. I, 1 [53], 8.61. Op. cit., p. 319.62. IV, 5 [29], 7, l.44-49.63. Plotinus. Ennead IV, Cambridge-Londres, Harvard University Press, 1984, p. 308-309.64. la rfrence au De anima 418b 3 propose par Armstrong, il faut ajouter lextrait du De

    anima 435a s.

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    porit de la lumire justifie chez Plotin son usage symbolique lorsquil voqueson activit spirituelle.

    Ainsi compris, il semble que le miroir soit une image adquate pour repr-senter la matire. Quatre points essentiels leur sont communs :

    1. Le miroir comme la matire est crateur dillusion et il est trompeur. Ildonne lillusion dune ralit matrielle quil na pas. Les objets ne sont pasrellement dans le miroir ; or il donne limpression quil est ralit : Ce quiest fermement tabli dun ct est reprsent dans lautre. Et il est rempli cequil semble, mais na rien et semble tout 65. Les images qui apparaissent dansle miroir sont des irralits tout comme le rgne des corps si bien que les modesdexistence du reflet et du corps, en tant quapparence, sont mis en parallle 66.

    2. Le miroir est ncessaire la production des reflets comme la matire estncessaire la rception des corps 67.

    3. La nature du miroir nest pas modifie par les images quil reoit 68. Lemiroir est plus adquat que la cire, lobjet clair ou la pierre pour illustrerlimpassibilit du milieu : Si on disait des miroirs et en gnral des milieuxtransparents quils ne ptissent en rien des images qui y sont vues, on apporteraitun modle (to; paravdeigma) qui nest pas dissemblable. En effet, ce qui estdans la matire, ce sont des images, et elle est encore plus exempte du ptirque les miroirs 69.

    4. Enfin, la reprsentation de lactivit spirituelle de lme comme lumireva de pair avec limage du rceptacle comme miroir. La matire est ce qui enpermanence reoit le rayonnement de lme. Cette rception est aussi obscur-cissement ; la matire est ombre 70. Le miroir de la matire est un miroir tn-breux qui ne renvoie pas la lumire dans la puret quelle reoit cest pourquoielle est cause du devenir 71.

    Cependant, si le miroir semble parfaitement illustrer la nature de la matire,comme toute image, il y a une ncessaire diffrence entre les deux ralits.Plotin a soulign dans deux textes principalement les limites de la reprsentationde la matire par le miroir :

    1. Il oppose la forme du miroir linformit de la matire 72. En effet, laforme du miroir fait que lillusion nest pas complte ; on ne croit pas aux

    65. III, 6 [26], 7, l.25.66. III, 6 [26], 13, l.49 s.67. III, 6 [26], 14.68. III, 6 [26], 7.69. III, 6 [26], 9, l.16-19.70. III, 6 [26], 18, l.30.71. I, 8 [51], 14, l.40 s.72. III, 6 [26], 13, l.34 s.

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    images dans le miroir comme on se laisse prendre lillusion de la pseudo-ralitcorporelle.

    2. La reprsentation de la participation par illumination comme sur unesurface liquide est inadquate parce quelle suppose une extriorit spatiale 73.Le souci dexactitude conduit Plotin dpasser cette image imprcise pourpenser la constitution des corps comme participation de la matire aux formesselon un rapport antisymtrique : la matire est comme en contact avec la forme,mais pas avec la totalit de la forme. La forme demeure en elle-mme.

    RECTIFICATION ET SYSTMATISATION PROCLIENNE :TROIS IMAGES POUR PENSER LA PARTICIPATION

    Proclus, commentant le passage sur la participation et lponymie autour de130e du Parmnide, propose, dans lIn Parmenidem 74, un contrepoint utile lalecture de Plotin. Lextrait nest pas proprement parler exgtique puisquilconsidre les ralits en elles-mmes pour ensuite revenir lexgse du texteplatonicien. Le problme porte sur la nature de la participation des sensiblesaux intelligibles, en particulier sur le comment 75 (to; pw'") de la participation.

    Trois images diffrentes

    Les images

    Cest pour penser la participation que Proclus voque trois images hritesdes traditions platonicienne et stocienne, images qui tentent de cerner le rapportde la matire et des Formes. En aucun cas, la matire nest pense pour elle-mme, mme si on trouve des traces de la thorie proclienne de la matire.

    Ces trois images sont :1. le reflet et le miroir (reprise trs certainement de Plotin) :

    Quil soit donc dit aussi que cest aux reflets dans le miroir (tai'" eij" to; kavtoptronejmavsesin) que ressemblent (ejoivkasin) les participations des Formes intellectives :en effet, de mme que dans ces (ejn tauvtai"), la forme (hJ scevsi") et la

    73. VI, 5 [23], 8.74. PROCLUS, In Parmenidem IV 839.6-848.22.75. Op. cit., 839.12.

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    position (hJ qevsi") font quune image du visage (ei[dwlon tou' proswvpou) est vue surle miroir (pro;" to; kavtoptron), de mme aussi la disposition de la matire (hJ th'"u{lh" ejpithdeiovth"), tendue vers le dmiurge et vers la ressource en lui, est rempliecompltement (ajnaplhrou'tai) des Formes par lui 76.

    2. la cire et lempreinte (attribue aux stociens 77) :

    Quil soit dit que la participation ressemble (prosevoiken) aux empreintes (toi'" tuv-poi") des sceaux sur la cire (pro;" tou;" khrou;") : en effet, celles-ci, je veux dire lesFormes, donnent une certaine trace delles-mmes et une empreinte (i[cno" ti eJautw'nkai; tuvpon). Cette empreinte nest pas la mme relativement au sceau qui produitlempreinte, de mme aussi la forme matrielle l nest pas relativement la forme immatrielle et divine 78.

    3. la ressemblance et le portrait (eijkwvn) :

    Quil soit dit encore aussi que est presque semblable (paraplhvsiavpw") aux ressemblances des portraits (tai'" tw'n eijkovnwn ajomoiwvsesin), soit par lapeinture, soit par le modelage, soit par quelque autre art. Car cest par la dmiurgiedivine que les choses dici-bas sont semblables aux dieux, recevant leur configuration(morouvmena toi'" ei[desi) des Formes ; et cest pourquoi le diacosme sensible dansson ensemble est appel portrait de lintelligible (eijkw;n tou' nohtou') 79.

    Proclus retrouve, dans les dialogues de Platon, en particulier dans le Timeet le Sophiste, ces images :

    Platon semble, pour cela, tantt appeler les Formes portraits (eijkovna") et dire quellessont semblables (eijkavzein) tantt aux peintures (zwgrahvmasi), tantt aux empreintes(ejktupwvmasi), tantt aux images (ei[dwvloi"), lorsque dans le Time il dit que le dieu apeint le tout selon le dodcadre et que le rceptacle a reu les empreintes (ejktupou'tai)des Formes, dans le Sophiste que le non rellement non-tant est une image (ei[dwlon) 80.

    Leur diffrenceCes trois modes sont distincts :1. La cire subit une affection alors que le miroir nest pas affect 81. Proclus

    lve la contradiction en distinguant les substrats : les tenants de limpassibilit

    76. Op. cit., 839.20-27.77. Op. cit., 841.1-8.78. Op. cit., 839.27-34.79. Op. cit., 840.9-16.80. Op. cit., 842.1-8.81. Op. cit., 839.34-840.3.

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    visent la matire premire qui par nature, de par sa simplicit, est impassible,les tenants de laffection visent la corporit 82.

    2. Le portrait ou encore la reprsentation plastique diffrent des deux autresimages en tant quils oprent une distinction entre dmiurge et modle 83. Engnral, le peintre ne se peint pas lui-mme alors que le miroir reflte ce quisy regarde.

    Linadquation des images

    Ces trois modes sont inadquats : chacun pris particulirement a des dfautsmais aussi dans leur gnralit, en tant quils sont des images, ils sont impropres penser la participation.

    Les dfauts du miroirProclus met en vidence trois critiques :1. La premire critique met en vidence la diasthmatikh; ejnevrgeia du miroir :

    En effet, premirement, tu vois que le miroir a une activit qui a de ltendue(diasthmatikh;n th;n ejnevrgeian) par laquelle limage (to; ei[dwlon) subsiste ;donc dans une sans extension (ejn ajdiastavtw/), il est impossible quily ait un tel reflet (e[masin) 84. Deux interprtations sont possibles : Procluspeut marquer la ncessit dun intervalle spatial entre le miroir et ce qui syreflte 85 ; comme il ny a pas dextriorit spatiale entre matire et forme, lemodle du miroir est impropre. Plotin avait dj dress cette critique en III, 6[26], 15 propos des surfaces polies. Comment faut-il traduire alors ejn ajdias-tavtw/ ? Proclus peut aussi marquer la ncessaire extension du miroir. Le miroirserait impropre reprsenter la matire parce quil est tendu, quil a unegrandeur contrairement elle : ejn ajdiastavtw/ serait compris comme ejn tw'/ajdiastavtw/ et dsignerait la matire. Cette critique est souleve par Plotin enIII, 6 [26], 13 ou encore en II, 4 [12] lorsquil prsente la non-grandeur de lamatire.

    2. La deuxime critique marque lextraversion implique par le miroir alorsque la dmiurgie est conversion : Ensuite, le visage lui-mme se tourne (ejpis-

    82. Op. cit., 840.4-9.83. Op. cit., 840.16-19.84. Op. cit., 840.24-27.85. Cest ce que comprend E. MOUTSOPOULOS, Les Structures de limaginaire dans la philosophie

    de Proclus, Paris, Les Belles Lettres, 1985, p. 35 : Il souligne que, pour tre efficace, un miroirdoit tre plac une certaine distance de lobjet, dfaut de quoi toute rflexion savre impossible.

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    trevei) vers le miroir alors que la cause intellective regarde vers elle-mme etnon vers ce qui est lextrieur 86.

    Proclus distingue lorientation de la cause intellective qui se convertit verselle-mme pour engendrer et celle du visage qui se tourne vers lextrieur pourproduire une image 87. Cette critique pointe lextriorit du miroir : toute ladifficult pour les noplatoniciens est de concilier une philosophie de lmana-tion intgrale avec la dualit radicale du Time.

    3. La troisime critique montre la ncessaire altration du modle dans lemiroir alors que la participation aux Formes suppose leur impassibilit :

    Si une transmission de quelque chose, apparente mais qui estnon vritable (en effet, la rflexion des rayons revient sur le visage lui-mme, commediraient ceux qui considrent quaucune image ne sloigne de ceux qui regardent), il est sans doute vident que cela aussi est tranger la participationdes Formes, puisque mme si limage est rellement dans le miroir (ejn tw'/ ejnovptrw/),certaines manations (ajpovrjrJ oiai) du visage sont en direction du miroir (eij" to;e[noptron), ce qui ne convient pas aux Formes : en effet, rien ne se spare de celles-civers les choses dici-bas ni nen mane (ajporjrJ ei'), puisquelles sont incorporelles etindivisibles 88.

    La troisime critique prsente un texte extrmement difficile. Ce passage estdaprs E. Chaignet 89 corrompu ; le texte grec dit par Cousin et la traductionlatine de Guillaume de Moerbeke 90 divergent. Il semble quil sagit de montrer

    86. Op. cit., 840.27-30.87. Dans la doctrine plotinienne, lme dtourne bien son regard vers lextrieur pour informer

    la matire ; mais elle nest pas le dmiurge. Pour Plotin, le dmiurge est lintelligence qui pense levivant, cest--dire lintelligible, quelle porte en elle. On peut se rfrer VI, 2 [43], 22 l.35 s. ole modle est plac au dehors , il se reflte dans la matire comme une peinture ou un refletsur leau grce lactivit de lintelligence. Quelle est la fonction de lme ? En III, 9 [13], 1,Plotin montre quil sagit de diviser ce qui est vu plus haut, savoir dans lintelligence, dans lunit.Lme est la mdiation entre la matire et le dmiurge.

    88. Op. cit., 840.30-841.1.89. Commentaire sur le Parmnide, suivi du Commentaire anonyme sur les sept dernires hypo-

    thses, trad. A. E. Chaignet, 1900-1903, 3 vol.90. Texte dit par Cousin (Paris, Durand, 1864 ; reprint Hildesheim, Olms, 1961) : eij de; kai;

    dokou'san me;n e[cei metavdosivn tino", oujk ajlhqw'" de; ou\san: pavlin ga;r ejp!aujto; to; provswpongivgnontai tw'n ajktivnwn aiJ ajnaklavsei", wJ" a]n ai'en oiJ mhde;n ajpo; tw'n ejnorwvntwn ei[dwlonejkpivptein nomivzonte". Dh'lon dhvpouqen o{ti kai[ tou'to th'" tw'n eijdw'n ejsti meqevxew" ajllovtrion,ejpei; kai; eij e[stin, ei[dwlovn ejstin: ejn tw'/ ejnovptrw/ ajpovrjrJ oiai givgnontai tou' proswvpou tine;" eij"to; e[noptron, o} dh; toi'" ei[desin ouj proshvkei. Traduction latine de Guillaume de Moerbeke (d.critique par C. Steel, Louvain-Leyde, Brill-Leuven University Press, 1982, p. 177.86-92) : Siautem et putatam quidem habet traditionem alicuius, non uere autem entem, iterum enim adipsam faciem fiunt radiorum reflexiones, ac si appareret neque ab intuentibus ydolum excidereputantes palam itaque quod et hoc a specierum participatione est alienum, quoniam et si enterydolum est in speculo, defluxus quidam fiunt faciei in speculum, quod utique speciebus noncongruit. Je souligne en romain les divergences entre les deux textes.

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    que les formes ne sont pas altres par la participation alors que limage dansle miroir, supposant une manation du visage, implique son altration ; il ma-nerait de lui des effluves. Au contraire, les formes demeurent en elles-mmessans que rien nen mane. Le fond de cette critique porte sur lincommensura-bilit ou encore la diffrence dessence entre modle et matire.

    Les dfauts de limage en gnralCes images qui illustrent la participation, le miroir, la cire, le portrait, nont

    rien de scientifique 91. Les images ont seulement une valeur propdeutique. Leurintrt est de mettre en vidence travers les trois modes de participation unmode unique qui procde par assimilation (oJ di!oJmoiwvsew") 92. Cest parce queces trois images visent inadquatement la mme ralit que Platon les utiliseindiffremment dans son uvre 93. Cette inadquation fondamentale rside dansleur caractre sensible et divisible, alors que la participation chappe cescaractristiques 94. La diversit des images permet de mettre en relief diversaspects de la participation sans pouvoir cependant en livrer la nature complte.

    Linterprtation proclienne et celle du bien n

    Lvaluation des images au critrede la thorie proclienne de la participation

    La participation est une ralit complexe qui fait intervenir trois lmentsdistincts selon Proclus :

    la cause intellective (agent), encore appele puissance active des Formesprimordiales ;

    la disposition de la matire qui explique la diversit des degrs de partici-pation, disposition interprte comme dsir ; ce dsir semble second ;

    le bien comme principe dunification.Cest laune de ces lments que Proclus value la pertinence des images

    du miroir, de la cire et du portrait :

    Puisque la participation se fait selon ces causes, on voit de quelle manire il estpossible de la comparer (proseikavzein) un reflet et la rflexion (kai; th'/ ejmavsei

    91. Op. cit., 841.37-842.1.92. Op. cit., 841.30-37.93. Op. cit., 842.1-11.94. Op. cit., 846.7-12.

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    kai; th'/ ajnaklavsei) : en effet, la disposition et le dsir qui, pour ces ralits , vient den haut, devient cause, en retour, de la conversion vers ces ralits 95 et dune autre manire un sceau car la puissance active descauses imprime celles-ci des traces et des empreintes visibles partir des ralitsinvisibles et troisimement des portraits en effet nous disons que la causedmiurgique est ce qui lie (sumplektikhvn) les deux 96 (celui qui fait un portrait faitquelque chose de tel ; il runit en quelque manire le substrat et le modle), ayantfait cette activit 97, il laisse une empreinte peu prs semblable ce , desorte que touchent en quelquemanire la vrit.Si chacun est impuissant embrasser la ralit dans son ensemble (to;n o{lon pra'gma),cela nest pas tonnant car tout ces sont divisibles et sensibles, alors que laproprit des causes divines et invisibles est dtre insaisissable par ces , mais on peut se rjouir si nous avons pu la montrer par la raison (logw'/) 98.

    Le questionnement proclien porte sur lillustration non de la matire, maisde la participation. La pertinence du miroir consiste affirmer la conversionpar le dsir de la matire vers les ralits suprieures, comme un reflet. Limagedu miroir ne vaut plus pour limpassibilit quil reprsente, ni mme pour sonextriorit, mais par la spcularit mme qui reproduit le processus de consti-tution de toute ralit par procession puis conversion. La disposition ou dsirde la matire nest pas sui generis, il provient lui-mme de ce qui lui estsuprieur.

    La thorie du bien n

    Cependant Proclus propose une autre interprtation, qui nest pas la sienne,mais celle d un de ceux qui sont bien ns 99 :

    Puisquon a lhabitude de rpter trois modes de participation, limpression, le reflet,la ressemblance (en effet la cire participe par une configuration imprime par un sceau

    95. Le texte grec est loin dtre clair : kai; ga;r hJ ejpithdeiovth" kai; hJ o[rexi" touvtoi" a[nwqenaijtiva gignomevnh th'" pro;" ejkei'na pavlin aujtoi" ejpistroh'". Guillaume de Moerbeke traduitfidlement : etenim idoneitas et appetitus hiis desuper causa facta eius que ad illa iterum ipsisconuersionis. G. Morrow et J. Dillon (Princeton, Princeton University Press, 1987) traduisent : For the fitness and the appetency that thing derive from above cause them to turn back to thosehigher realities. Chaignet traduit : Car laptitude et le dsir qui leur vient den haut devient son tour la cause de leur conversion vers leurs causes.

    96. Cest--dire les ralits visibles et invisibles.97. Le texte de V. Cousin propose : tou'to ga;r ejne;rgon poihvsa" alors que Guillaume de

    Moerbeke a : Hoc enim euergon (id est bene operabile). 98. Op. cit., 845.29-846.12.99. V. Cousin a identifi cet auteur Amlius parce que Proclus, dans lIn Timaeum I 76.26,

    309.21 et dans lIn Rem Publicam II 275.30, le qualifie, ironiquement, de gennai'o".

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    (th'" tupoumevnh" morh'"), leau reoit les reflets de ce qui est vu, comme des imagesqui semblent tre mais qui ne sont aucunement ; et troisimement sont semblables Socrate la cire modele ou le tableau peint) et puisque ces modes sont manifestementdiffrents les uns des autres, un de ceux qui sont bien ns a donc dit que la participationadvenait selon tous ces modes : en effet par une impression les ralitssensibles participent aux Formes, mais aux Formes naturelles : car ces raisons for-melles (oiJ lovgoi) senfoncent en quelque manire comme des sceaux en elles ; ellesreoivent des reflets des Formes (eijdhtikw'"), mais des Formes psychiques ; de l,elles deviennent comme des images dme rendues vivantes par des vies plus clairesquelles (par! aujtw'n tranestevrai" zwai'"), et comme des portraits elles sont sem-blables aux Formes intellectives comme Time dit que le sensible est un portrait duvivant intelligible. Cest pourquoi, dit-il, celles-ci sont des portraits des Formes intel-lectuelles, des miroirs (e[noptra) des psychiques, des empreintes des physiques. Pourmoi, ces semblent tre intelligentes, et surtout parce que, partout, il estpossible de considrer ces trois modes comme lis 100.

    Le bien n distingue une diversit de la participation relativement la diversitdes Formes : aux formes naturelles, il fait correspondre lempreinte et la cire ;aux formes psychiques, le reflet et le miroir ; aux formes intellectives, le portraitet la ressemblance. Chacune des images illustrerait donc une forme spcifiquede participation. Lexemple de la statue anime, la suite de lexemple du sage,vient soutenir la thse dAmlius :

    La statue anime, sil sen trouve, a particip, par impression, puisque lart la tra-vaille au tour de telle manire quelle ait une forme, quil la polie et quil la modele(ejktupouvsh") ; elle a eu des reflets vivants venant du Tout, reflets par lesquels on ditquelle est anime ; dans son ensemble, elle a une ressemblance avec le dieu dontelle est la statue : les symboles par lesquels le thurge la construite semblable cetordre , il les a parfaits en relation avec cet ordre, ayant un rang analogue celui qui a fabriqu le portrait en relation avec le modle convenable 101.

    Il y a, en effet, dans la statue anime par la pratique thurgique, divers niveauxde ralit qui correspondent des participations des ralits diffrentes : auxformes physiques, psychiques et intellectives correspondent la forme de la sta-tue, son animation, sa ressemblance avec la divinit.

    Cependant, cette thse ne satisfait pas Proclus pour qui il ny a pas dedistinction entre les trois modes :

    Mais peut-tre est-il plus beau et plus conforme la thologie de parler ainsi sansdistinction (mh; dih/rhmevnw"), mais dire que les ralits sensibles participent

    100. Op. cit., 846.22-847.9.101. Op. cit., 847.19-29.

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    aux Formes intellectuelles en tant que leur sont prsentes, quellesreoivent des reflets et quelles sont semblables comme des portraits.Platon, en effet, dans cet extrait, a dit que les ralits dici-bas participaient simplementaux Formes de telle sorte que les Formes premires seraient participes selon tous lesmodes par les ralits sensibles 102.

    La diversit des images ne correspond donc pas la diversit des Formesparticipes, tout au plus correspondent-elles lactivit des divers ordres dedieux par qui la participation est rendue possible :

    Il y a trois ordres intermdiaires de dieux, lordre des dieux encosmiques, lordre desdieux dtachs , lordre des dieux hgmoniques. Au moyen de lordredes dieux encosmiques, cest par impression que les ralits dici-bas participent auxFormes : en effet, ceux-ci sont ceux qui sont juste au-dessus delles ; au moyen delordre des dieux dtachs , elles reoivent des reflets : car ceux-ci dunecertaine manire sont en contact avec elles, dune autre non, et par leurs puissancestranscendantes (tai'" ejxh/rhmevnai" eJautw'n dunavmesin), ils fournissent des images des premires aux ralits sensibles ; au moyen de lordre des dieux assimila-teurs (ceux-ci sont en effet ceux qui nous avons donn le nom dhgmoniques),les ralits sensibles sont rendues semblables aux intellectives. En effet,cest au moyen dune unique source et cause dmiurgique, quil y a lempreinte, lereflet et la ressemblance, et par sa bont perfectrice de toutes ralits 103.

    Comment penser la matire ? Si limage demeure subordonne la ngation,elle nen reste pas moins pour autant un moyen utile pour illustrer le rseau de ralits rendu possible par la matire. Limage de la matire se heurte soninformit ; de sa laideur, de sa difformit, les noplatoniciens nont que peuretenu, choisissant une image susceptible de rpondre leur usage symboliquede la lumire. Limage a des limites pour illustrer la matire, tout comme pourillustrer lun : il est un seuil quelle ne franchit pas, celui de la diffrence davecltre sensible.

    Frdric FAUQUIERATER luniversit Paul-Valry de Montpellier

    102. Op. cit., 847.30-848.5.103. Op. cit., 848.6-20.

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