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FMC ISSN 0769-0819 N°373 – JUIN 2014 LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONAIRE STABLE J. Machecourt (Grenoble) LE TRAITEMENT MÉDICAL OPTIMAL H. Douard (Bordeaux) L’ÉVOLUTION VERS LES STRATÉGIES DE REVASCULARISATION MYOCARDIQUE F. Diévart (Dunkerque) www.lecardiologue.com LA MALADIE CORONAIRE STABLE EN 15 QUESTIONS A propos des recommandations récentes de la Société Européenne de Cardiologie Coordination : J. Machecourt cardiologue presse

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FMCISSN 0769-0819N°373 – JUIN 2014

LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONAIRE STABLEJ. Machecourt (Grenoble)

LE TRAITEMENT MÉDICAL OPTIMALH. Douard (Bordeaux)

L’ÉVOLUTION VERS LES STRATÉGIES DE REVASCULARISATION MYOCARDIQUEF. Diévart (Dunkerque)

www.lecardiologue.com

LA MALADIE CORONAIRE STABLE

EN 15 QUESTIONSA propos des recommandations récentes de la Société Européenne de Cardiologie

Coordination : J. Machecourt

cardiologuepresse

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Editorial

Le Cardiologue 373 – Juin 2014 III

SOMMAIRE

LA MALADIE CORONAIRE STABLE EN 15 QUESTIONSA propos des recommandations récentes de la Société Européenne de Cardiologie

Coordination : J. Machecourt

VI LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONAIRE STABLEJ. Machecourt (Grenoble)

XII LE TRAITEMENT MÉDICAL OPTIMALH. Douard (Bordeaux)

XIV L’ÉVOLUTION VERS LES STRATÉGIES DE REVASCULARISATION MYOCARDIQUEF. Diévart (Dunkerque)

N°373 – JUIN 2014

SOMMAIRE

cardiologuepresse

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J. Machecourt

La maladie coronaire stable est de loin la forme la plus fréquente de la maladie, en rapport avec des altérations anatomiques ou fonctionnelles des vaisseaux coro-naires épicardiques ou de la microcirculation coronaire. A côté des formes asymp-tomatiques, des formes spastiques pures ou prédominantes, de la cardiomyopathie ischémique , elle est dominée par la présentation clinique à type d’angor d’effort.

A partir d’un cas clinique d’un patient de la cinquantaine décrivant un angor d’ef-fort litigieux, nous examinerons les réponses aux 15 questions principales que se pose le clinicien, à l’occasion des différentes étapes de la prise en charge.

La première étape est le diagnostic  : rattacher ou non les douleurs décrites à la maladie coronaire. L’interrogatoire précis du patient doit amener à estimer une « probabilité a priori » de la présence de la maladie. Comme déjà reconnus les paramètres cliniques les plus simples restent les plus discriminants : âge et sexe du patient, sémiologie des douleurs, présence et nombre de facteurs de risque cardiovasculaire. S’appuyant sur des études récentes les recommandations 2013 de la Société Européenne de Cardiologie ont modifié les résultats de la classique et ancienne étude de probabilité de Diamond et Forrester (1977). Ce nouveau ta-bleau de probabilité clinique doit être connu.

La deuxième étape est l’utilisation des tests complémentaires : à côté du clas-sique ECG d’effort qui a été réhabilité, la scintigraphie myocardique de perfusion,

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

LA MALADIE CORONAIRE STABLE EN 15 QUESTIONS

A propos des recommandations récentes de la Société Européenne de Cardiologie

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avec ses nouvelles modalités beaucoup moins irradiantes et l’écho de stress ont leur place, essentiellement chez les patients à probabilité clinique « intermédiaire » (entre 15 et 80 %). A noter que le coroscan fait son entrée, grâce à sa capacité à écarter le diagnostic, essentiellement lorsque la probabilité prétest est de moins de 50% ou lorsque les autres tests classiques sont pris en défaut.

L’évaluation pronostique est fondamentale pour étayer la stratégie thérapeutique, une stratégie de revascularisation myocardique n’étant recommandée que chez les patients à haut risque ou après échec du traitement médical.

La prise en charge thérapeutique est, bien entendu, l’objectif principal du clinicien. Cette prise en charge a en effet pour but de réduire le risque d’évolution vers les formes instables, voire mortelles, de la maladie et de soulager les symptômes du patient. Le traitement médicamenteux moderne a fait la preuve de son efficacité, dominé par la maîtrise des facteurs de risque cardiovasculaires, l’obtention d’objec-tifs LDL drastiques et la place des nouveaux anti-ischémiques. Lorsqu’une stratégie de revascularisation myocardique s’impose en sus du traitement médical optimal, les éléments du choix entre pontage aortocoronaire et angioplastie transluminale seront discutés.

Ce dossier a été directement inspiré d’un «  cas clinique progressif  » écrit pour l’Examen Classant National. Les étudiants concourent maintenant sur tablettes, permettant entre autres la présentation d’une iconographie riche.

n La première partie du dossier traite des stratégies du diagnostic de la maladie coronaire stable (Jacques Machecourt).

n La seconde partie de la mise en place du « traitement médical optimal » (Hervé Douard).

n La troisième partie répond à la question des indications de revascularisation myo-cardique (François Diévart).

N°373 – JUIN 2014

EDITORIAL

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 2013 European Society Cardiology (ESC) guidelines on the management of stable coronary artery disease. Eur Heart J 30 Aug 2013.

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VI Le Cardiologue 373 – Juin 2014

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

QUESTION 1. Définir le type de douleurs thoraciques que décrit ce patient. A partir de ces données de l’interrogatoire, pouvez-vous estimer, avec une fourchette de 10 %, quelle est la probabilité de présence d’une maladie coronarienne chez ce patient ?

Chacun aura bien sûr reconnu la description donnée par Heberdeen concernant « l’angor typique », avec ses trois caractéristiques repo-sant sur la sémiologie et la durée de la douleur (douleur ou oppres-sion rétro-sternale constrictive à irradiations brachiales ou cervicales inconstantes), sa survenue à l’effort (ou au stress) et sa sédation en quelques minutes sous nitrés ou après arrêt de l’effort. Si l’une de ces trois caractéristiques fait défaut, l’angor est qualifié de « litigieux », si deux manquent l’angor est « atypique ».Ce qu’il est important de savoir est qu’il est démontré que les para-mètres cliniques les plus simples permettent d’estimer la probabilité de présence de la maladie coronaire du patient que l’on examine (probabilité « a priori », ou « prétest », ou « clinique » de présence de la maladie). L’étude la plus emblématique est certainement celle publiée par Dia-mond et Forester en 1977 qui, à partir d’une série de plus de 5 000 patients, a montré que la probabilité de présence de la maladie coro-narienne dépend de trois facteurs principaux : les caractéristiques de l’angor, le sexe et l’âge du patient. Ainsi ont pu être construits des abaques permettant, pour un sujet donné, avec un intervalle de confiance raisonnable, d’estimer sa probabilité coronarienne selon la combinaison de ses facteurs cliniques.

Les résultats de cette ancienne étude sont obsolètes. Ce qui est nou-veau dans les recommandations 2013 est que deux études récentes (une européennes, Genders 2011, l’autre à prédominance de centres outre-Atlantique, l’étude CONFIRM) ont confirmé qu’âge, sexe et caractères de l’angor restent les paramètres les plus discriminants, mais ont montré que les anciens tableaux de probabilité (encore présents dans les recommandations américaines) surestiment largement la pro-babilité de la maladie. La probabilité clinique (en pourcentage) qu’il faut retenir en 2014 est celle présentée en tableau 1, partie supérieure.Notre patient de 48 ans présente donc une probabilité prétest de la maladie après l’analyse de ces trois caractéristiques de 69 % (ce chiffre aurait été de 87 % dans l’étude historique de Diamond et Forrester).L’élément important à retenir est qu’il ne faut jamais interpréter le résultat des examens fonctionnels complémentaires (qui seront abordés dans les questions suivantes) sans estimer au préalable la probabilité « a priori », ou « prétest », ou « clinique » de présence de la maladie. Sinon, du fait du caractère imparfait de ces tests, leur mésusage entraîne immanquablement des erreurs d’interprétation de leurs résultats.Bien entendu le bon clinicien tient compte aussi d’autres paramètres cliniques quand il estime sa probabilité a priori, comme par exemple la présence d’une autre atteinte artérielle chez le patient ou le cumul de facteurs de risque cardiovasculaire (la présence de deux facteurs de risques majeurs ou plus augmente de 10 à 15 % en valeur relative la probabilité de maladie coronarienne) ; notre patient fumeur hyper-tendu a donc une probabilité a priori d’environ 76-79 %.

LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONAIRE STABLEJ. Machecourt. Grenoble

PARTIE

1

MONSIEUR C., 48 ANS, CONSULTE DU FAIT DE L’APPARITION DEPUIS 6 MOIS DE DOULEURS THORACIQUES. Il s’agit de douleurs rétrosternales constrictives survenant à l’effort ; elles ne surviennent pas dans les efforts de la vie courante, mais à l’occasion d’efforts physiques exceptionnels comme, par exemple, une ascension rapide lors d’une randonnée. L’interrogatoire précise que ces douleurs cèdent en quelques minutes à l’arrêt de l’effort.C’est un patient sans antécédents pathologiques connus ; il fume 15 cigarettes/j depuis 20 ans, pèse 85 kg pour 1,75 m. Son examen clinique est sans particularités, hormis une tension artérielle de repos mesurée à 150/90 mmHg à deux reprises. Sa fréquence cardiaque au repos est de 74/min.

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Le Cardiologue 373 – Juin 2014 VII

Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes

Angor typique Angor atypique Douleurs non angineuses

30-39 59 28 29 10 18 540-49 69 37 38 14 15 850-59 77 47 49 20 34 1260-69 84 58 59 28 44 1770-79 89 68 69 37 54 24≥ 80 93 76 78 47 65 32

Age

QUESTION 2. A ce stade de votre prise en charge, quels exa-mens complémentaires demandez-vous pour préciser le dia-gnostic ? Décrire les avantages et inconvénients de chacun de ces tests en termes de performance diagnostique.

A visée diagnostique l’objectif des examens complémentaires est d’amener le patient dans une zone de quasi-certitude de présence ou d’absence de la maladie coronaire. En termes plus quantifiés, la probabilité de présence de la maladie doit être d’au moins 90 % après réalisation d’un test « positif » pour accepter le diagnostic (Valeur Prédictive Positive (VPP) du test chez ce patient > 90 %) ou au contraire de moins de 10 % après test négatif pour le rejeter (valeur prédictive négative du test chez ce patient < 10 %). La valeur prédictive positive d’un test dépend de la probabilité a priori du patient évalué (plus ce risque a priori est élevé plus un test donné positif apportera une VPP élevée), mais aussi de la performance dia-

gnostique du test en termes de spécificité (plus un test est spécifique plus la VPP sera élevée à partir du même risque a priori).La valeur prédictive négative d’un test, de manière symétrique, dé-pend de la probabilité a priori du patient évalué (plus ce risque a priori est bas plus un test donné négatif apportera une VPN basse), mais aussi de la performance diagnostique du test en termes de sen-sibilité (plus un test est sensible plus la VPN sera basse à partir du même risque a priori). Outre les performances diagnostiques intrin-sèques d’un examen complémentaire (en termes de taux de sensibi-lité et spécificité) le choix du clinicien repose aussi sur la disponibilité du test, les informations cliniques qu’il en retire et sa sécurité (par exemple en termes d’irradiation du patient). Enfin la performance intrinsèque d’un test peut varier grandement : d’un centre à l’autre (pour la scintigraphie de perfusion), d’un opéra-teur à l’autre (pour l’épreuve d’effort conventionnelle ou l’échogra-phie de stress). En synthèse de tous ces éléments, risque a priori du patient, performance diagnostique, disponibilité, expertise locale et sécurité sont les critères de choix d’un test.

n Patients dont la PPT est faible (< 15 %) pouvant être pris en charge sans d’autres tests.

n Patients dont la PPT est intermédiaire comprise entre 15 et 65 %. Ils pourraient avoir un ECG d’effort si réalisable en test initial. Si expertise locale et disponibilité l’autorisent, une imagerie non invasive serait préférable compte tenu des capacités diagnostiques supérieures de ces tests.

n Patients dont la PPT est comprise entre 66 et 85 %. Ils devraient avoir un test fonctionnel d’imagerie non invasive afin d’établir le diagnostic de MCS.

n Patients dont la PPT est élevée (> 0,85 %). Ces patients ont uniquement besoin d’une stratification du risque.

TABLEAU 1. Partie supérieure. Mesure de la probabilité clinique prétest (PPT) en fonction de l’âge du patient, de son sexe et de la sémiologie de l’angor.Partie basse. Elle indique l’utilisation ou non de l’ECG d’effort ou des tests non invasifs, en fonction de la PPT (< 15 %, entre 15 et 65 %, entre 66 et 85 % ou supérieure à 85 %). Adapté des recommandations ESC 2013.

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VIII Le Cardiologue 373 – Juin 2014

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

Les recommandations européennes proposent la stratégie suivante dépendant de la catégorie de probabilité dans laquelle se situe notre patient (partie basse tableau 1) :■n lorsque le risque prétest est bas (< 15 %) une simple surveillance

du patient est préconisée, avec éradication des éventuels facteurs de risque cardiovasculaire. Le tableau 1 nous montre bien qu’il s’agit essentiellement de femmes avant la ménopause présentant des dou-leurs thoraciques atypiques, voire litigieuses.Lorsqu’au contraire le risque est élevé (> 85 %) le diagnostic est acquis. Les tests fonctionnels peuvent toutefois être utiles à visée pronostique, avant une stratégie invasive, qui peut être réalisée d’emblée en cas d’angor sévère (voir plus loin).■n C’est dans la large tranche intermédiaire, à laquelle appartient

notre patient, que les recommandations sont moins claires, laissant au clinicien un large choix à condition qu’il maîtrise les rapports avantages/inconvénients de chaque test. Le choix suivant peut être proposé.

1. L’électrocardiogramme d’effort peut être considéré comme le premier examen complémentaire de l’évaluation non invasive des lésions coronaires, faisant suite immédiatement à l’interrogatoire et à l’examen clinique des patients.Cette place privilégiée n’est pas due à la performance du test – dans la séquence de la cascade ischémique, les modifications ECG étant plus tardives que les modifications de la perfusion myocardique la sensibilité du test est plus basse –, mais à sa disponibilité immé-diate et à son coût raisonnable. L’effort dynamique doit être préféré à l’effort statique, qu’il s’agisse d’un effort sur tapis roulant (protocole de Bruce) ou un protocole sur une bicyclette cyclo-ergométrique. Si le critère classique de positivité repose sur l’analyse des modifi-cations dynamiques du segment ST (voir question 3 page suivante),

les conditions de réalisation du test et l’expertise locale de l’équipe influencent grandement sur le taux de sensibilité

2. La scintigraphie myocardique de perfusion est le deu-xième examen ayant bénéficié d’une évaluation très large. Réali-sée dans un laboratoire performant cet examen possède une haute sensibilité, mais sa spécificité reste suboptimale surtout lorsque des hypoperfusions, réversibles ou non de moins de 10 %, voire moins de 5 % du myocarde, sont prises en considération. Elle utilise actuellement plus souvent le Mibi que le thallium 201, surtout pour des questions de dosimétrie. Surtout l’utilisation des ca-méras de dernière génération apparaît de plus en plus indispensable, car elles peuvent réduite à la fois la durée de l’examen et la dose d’irradiation du patient, sans affecter les performances du test. Ainsi, l’imagerie de perfusion myocardique avec caméra au Cadmium-Zinc-Telluride (CZT), protocole double isotope, réduit de 25 à 5 Msv cette irradiation pour le patient. Même si les deux procédures sont recommandées, il faut privilégier chaque fois que possible l’injection au sommet de l’effort plutôt que sous stress pharmacologique, type dipyridamole.

3. L’échographie de stress sous dobutamine ou sous effort bénéficie du même niveau de recommandation (IA) que l’étude de la perfusion myocardique. Si la sensibilité du test est un peu inférieure, sa spécificité est meilleure, surtout s’il existe une cardiomyopathie sous-jacente. L’analyse fine de l’apparition des troubles cinétiques segmentaires nécessite toutefois des patients échogènes et surtout une bonne expertise. 4. L’angio scanner coronaire a une place qui a été récemment réévaluée : d’une part ce n’est pas un test fonctionnel myocardique

ECG effortcouplé à SPECT

Si prob.< 50 %

Si prob.> 50 %

2nd (imaging)stress test

(if not done before)

Coronary CTAin suitable patient

(if not done before)

Determine patient characteristics and preferencesPTP 15-65 %and LVEF ≥ 50 %

Exercise ECG if feasible - stress imaging testing preferred (echo, CMR, SPECT, PET) if local expertise and availability permit

ICA(with FFR when

necessary)

Unclear

Ischaemia

La réalisation d’un coroscan lorsque la PPT est inférieure à 50 %, le couplage de l’ECG d’effort à un deuxième test fonctionnel, ou, lorsque la PPT est supérieure à 65 % le recours à la coronarographie (avec évaluation de la FFR en cas de lésion éventuellement acces-sible à l’angioplastie coronaire sont recommandés). Adapté des recommandations ESC 2013.

TABLEAU 2. Stratégies lorsqu’au décours de l’ECG effort ou d’un test non invasif le diagnostic reste litigieux (« unclear ») chez un patient à PPT intermédiaire.

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Le Cardiologue 373 – Juin 2014 IX

LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONAIRE STABLE

comme les précédents, d’autre part les progrès à la fois technolo-giques et dans la qualité de l’évaluation ont montré que, lorsque les conditions sont favorables, la sensibilité de détection des sté-noses est très élevée, alors que la spécificité reste basse pour de nombreuses raisons. Il en résulte que c’est un test qui a une excellente valeur prédictive négative, permettant d’écarter la présence de la maladie, non seu-lement chez des patients à risque a priori bas, mais jusqu’au risque « intermédiaire » (dans les recommandations récentes l’utilisation du coroscan pour écarter la maladie peut être conseillé jusqu’à la borne de 50 % ou moins de probabilité a priori).5. Bien entendu il existe des situations moins simples en-

visagées au décours du premier test réalisé lorsque la réponse de celui-ci est litigieuse. Tout est alors affaire de cas particulier, mais les recommandations européennes (tableau 2) insistent sur certains points importants :■n lorsque la probabilité a priori est basse, le coroscan est alors utile,■n lorsque cette probabilité est élevée, en particulier chez un patient

symptomatique, le recours à la coronarographie peut être justifié, mais la mesure par FFR du caractère fonctionnel d’une sténose coro-naire est nécessaire avant d’envisager une revascularisation,■n le couplage (en un ou deux temps) de l’ECG d’effort à la scintigra-

phie de perfusion rend alors de grands services.Dans le tableau 1 adapté de l’ESC, la stratification des patients entre

n Le tracé A résume l’ECG 15 dérivations moyenné au repos, au sommet de l’effort et à 2 minutes de récupération.

n Le tracé B est un agrandissement des dérivations moyennées V4 et V5.

n Sur le tracé C, il s’agit d’un enregistrement continu de V5 et V6 réalisé juste à la fin de l’effort.

n Le tracé D quantifie les variations du sous-décalage ST lors de l’effort (1 graduation = 1 mm). Il est remarquable que l’analyse fine du tracé continu apporte des précisions diagnostiques supplémentaires.

Max Max (175 w)Recup 2’ Recup 2’

C. Tracé continu

B. ReposA. Repos

D. Segment ST

Minutes-4

-4

4

0 25

V6

Minutes-4

-4

4

0 25

V5

FIGURE 1. ECG d’effort « positif » avec ischémie se déclenchant au sommet de l’effort.

Nous remercions H. Douard pour cette iconographie.

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X Le Cardiologue 373 – Juin 2014

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

risque intermédiaire « élevé » 65 à 85 % et « bas » 15-65 % n’ap-porte pas à notre avis d’intérêt décisif.

QUESTION 3. Vous réalisez un électrocardiogramme de re-pos, normal suivi d’un électrocardiogramme d’effort. Le patient réalise, par paliers de 25 w, un effort ergométrique de 150 w ; il ressent au dernier palier une légère douleur thoracique (figure 1). Cette épreuve d’effort est en faveur de la présence d’une isché-mie myocardique. Quels sont les critères de positivité de l’électrocardiogramme d’effort ?

Le critère de positivité de l’épreuve d’effort est « l’apparition d’un sous-décalage de ST supérieur à 1 mm, horizontal ou descendant ». C’est sur ce critère que repose la métaanalyse de Giamrossi qui note une sensibilité de 68 % et une spécificité de 77 %, avec toutefois une large variabilité d’une étude à l’autre. Chacun des quatre mots de cette définition est important et un non-respect d’un de ces critères affecte soit la sensibilité soit la spécifi-cité ; la constatation d’une douleur thoracique renforce la suspicion uniquement lorsqu’elle est associée à la modification du segment ST. L’analyse du segment ST ne doit pas être faite uniquement sur

le tracé moyenné, mais aussi sur le tracé réel comme cela apparaît dans l’exemple présenté.La constatation de l’apparition d’un sous-décalage plus important (atteignant 2 voire 3 mm) augmente la spécificité du test, donc la valeur prédictive positive chez le patient ; la cinétique d’apparition puis de décroissance du sous-décalage de ST, la prise en compte du profil tensionnel d’effort ou d’une insuffisance chronotrope à l’effort sont des critères diagnostiques et pronostiques importants, très liés à l’expérience de l’opérateur qui en quelque sorte prolonge sous effort l’examen clinique du patient.A noter qu’à visée diagnostique l’épreuve d’effort doit être « démaquil-lée » des traitements anti-ischémiques, ne serait-ce que pour que le pa-tient soit capable d’augmenter suffisamment sa fréquence cardiaque.

QUESTION 4. Une scintigraphie myocardique de perfusion a été réalisée chez ce patient (figure 2). Au décours de ce bilan pouvez-vous estimer le pronostic cardiovasculaire du patient ?

Sur cette scintigraphie les images obtenues sous effort sont compa-rées aux images dites tardives qui évaluent la perfusion myocardique de repos ; la « redistribution » de l’isotope sur un territoire présen-tant sous effort une hypoperfusion myocardique traduit la présence

Figure 2-2Figure 2-1

FIGURE 2. Scintigraphie de perfusion stress- Mibi du patient.

n Figure 2-1. Images SPECT, avec respectivement en haut les images réalisées juste après effort (“stress”) et dessous au repos (“rest”) sur les coupes petit axe, grand axe et 4 cavités.

n Sur les images de la figure 2-2, la FEVG est évaluée au repos et à l’effort, et l’imagerie est présentée selon la technique “Bull’seyes”. On note l’existence d’une ischémie de moins de 10 % du myocarde, essentiellement apicale, sans altération de la FEVG repos et effort.

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Le Cardiologue 373 – Juin 2014 XI

LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONAIRE STABLE

d’un territoire ischémique, mais non nécrosé. Dans le cas présent, il existe une hypofixation réversible, essentiellement apicale, modérée ne dépassant pas 10 % du myocarde.Les recommandations actuelles insistent avec raison sur la nécessité, une fois la présence d’une ischémie établie, d’évaluer le pronostic cardiovasculaire du patient. On oppose alors les coronariens à mau-vais pronostic dont le risque de décès dépasse 3 %/an de ceux à bon pronostic (< 1 %/an). Le tableau 3 décrit les critères du pronostic retenus sur les tests fonctionnels, la scintigraphie myocardique de perfusion bénéficiant des études les plus démonstratives.Ainsi notre patient, certes diagnostiqué comme coronarien, conjugue des éléments de relativement bon pronostic (apparition d’une isché-mie à seuil élevé et intéressant moins de 10 % du myocarde). Le rationnel est que le pronostic étant directement relié à la profondeur de l’ischémie myocardique, corriger cette ischémie (revascularisa-tion) lorsqu’elle est sévère améliorerait le pronostic du patient.

QUESTION 5. Demandez-vous une coronarographie à ce stade à votre patient ?

Cette question sera reprise sous l’angle de l’aide à la décision de revascularisation myocardique dans la partie 3 de ce dossier. Mais faut-il réaliser systématiquement une coronarographie chez tout co-ronarien stable ? Toutes les recommandations insistent sur l’inutilité

de la coronarographie lorsque la recherche de l’ischémie myocar-dique est négative. Les experts sont unanimes pour la recommander au contraire lorsqu’une ischémie de mauvais pronostic a été détec-tée (> 10 % du myocarde) dans la perspective d’une revascularisa-tion myocardique complémentaire au traitement médical. Nous avons déjà vu que les patients souffrant d’un angor typique sévère à probabilité clinique très élevée de la maladie (> 85 %) peuvent être conduits d’emblée vers une stratégie invasive. Les pa-tients a probabilité clinique de plus de 65 % chez qui les tests non invasifs sont litigieux peuvent être conduits aussi à une coronarogra-phie à visée diagnostique (tableau 2). Dans certains cas particuliers de patients angineux, la coronarogra-phie peut être recommandée d’emblée aussi (voir partie 3).Si cette question de la coronarographie « systématique » devant toute détection d’ischémie myocardique reste toujours source de débat c’est à cause du fameux « réflexe occulosténotique » qui en-traîne que toute sténose accessible risque d’être dilatée dans la fou-lée alors que cette revascularisation myocardique n’est susceptible d’améliorer le pronostic qu’en cas d’ischémie étendue.Pour notre patient au stade d’ischémie modérée et à angor encore peu invalidant probablement accessible au traitement médical, la coronarographie d’emblée n’est pas indispensable, et débuter par la mise en place et l’optimisation du traitement médical est la stratégie recommandée. n

ECG effort

Haut risque n Faible aptitude à l’effortn Sous décalage ST d’apparition précoce (< 75 Watts) > 2 mm au sommet de l’effort,

de disparition lente après effort(> 6 min)n Profil TA et fréquence cardiaque inadéquats au sommet effortn …

Haut risque Ischémie > 10 % (SPECT) , ≥ 3 segments/16 (écho de stress)Imagerie fonctionnelle Risque intermédiaire Présence d’une ischémie de degré moindre

Bas risque Pas d’ischémie

Haut risque Lésions proximales tritronculaires ou TC ou IVA ostialeCoro scan Risque intermédiaire Autres lésions coronaires significatives

Bas risque Coroscan normal

TABLEAU 3. Les critères évaluant le pronostic sur les tests fonctionnels d’effort (adapté en particulier des recommandations ESC 2013).

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XII Le Cardiologue 373 – Juin 2014

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

QUESTION 6. Rédigez l’ordonnance des examens biologiques que vous demandez chez ce patient.

Ce bilan vise bien sûr à rechercher et traiter d’éventuels facteurs de risque, mais aussi rechercher des facteurs favorisants (anémie, hyperthyroïdie…) et étayer la conviction clinique (probabilité pré-test) de la pathologie coronaire.La seule recommandation de niveau I A concerne le dosage au moindre doute de la troponine afin d’éliminer le caractère ins-table de la pathologie coronaire. Toutes les autres sont de niveau I B (numération formule, glycémie, hémoglobine glyquée, clairance de la créatinine) ou I C (lipidogramme, TSH en cas de suspicion de dysthyroïdie, bilan hépatique et dosage de CPK après initiation du traitement par statine et parfois du BNP ou du PRO BNP en cas de suspicion d’insuffisance cardiaque).En cas de glycémie et d’hémoglobine glyquée normales, un test d’hy-perglycémie provoquée par voie orale est recommandé.Dans le cadre de la surveillance, la glycémie, le lipidogramme et la créatinine doivent être répétés tous les ans.

Le taux de HDL cholestérol est à 0,38 g/L, de triglycérides à 1,45 g/L, et de LDL (estimé selon la formule de Friedewald) à 1,39 g/L, la glycémie à jeun est 1,40 g/L (7,8 mmol/L), chiffre confirmé par une deuxième mesure. La mesure de l’excrétion urinaire de l’albumine note l’existence d’une protéinurie à 200 mg/24 h.

QUESTION 7. Rédigez l’ordonnance des traitements du patient en l’absence de contre-indication (posologie exclue). Décrire les alternatives thérapeutiques en cas de contre-indi-cation d’un des traitements prescrit

Ce patient présente un angor stable peu invalidant, avec une isché-mie peu étendue, mais cumule les facteurs de risque (surcharge pondérale, hypoHDLémie, hyperLDLémie, hypertension artérielle et diabète de type II compliqué de micro-albuminurie).Le but du traitement est à la fois de contrôler les symptômes et l’évo-lutivité de la pathologie (réduction de la progression des plaques, stabilisation de celles-ci, prévention thrombotique), en améliorant

LE TRAITEMENT MÉDICAL OPTIMALH. Douard. Bordeaux

PARTIE

2

Antiangineux Prévention événements

1ère ligne

2e ligneAssocier ou remplacer

■ Ivabradine■ Nitrés retard■ Nicorandil■ Ranolazine■ Trimetazidine

Discuter coronarographie ± Revascularisation

■ ß bloquants ou calcium bloqueurs bradycardisants■ Dihydropyridines si FC lente ou CI■ BB et dihydropyridine si angor sévère

■ Contrôle des FDR■ Mode de vie■ Education thérapeutique

■ Aspirine ■ Statines■ IEC ou ARA II ?

TABLEAU 4. Le traitement médical optimal du patient coronarien stable.

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Le Cardiologue 373 – Juin 2014 XIII

ainsi le pronostic. Ceci inclut des modifications du mode de vie, le contrôle des facteurs de risque, l’éducation du patient (au niveau de structures d’éducation thérapeutique spécialisée même en préven-tion primaire pour ce type de patients à haut risque) et finalement la thérapeutique pharmacologique qui associe anti-ischémique et antiagrégant. Le patient est actif (randonnées en montagne) et doit être prévenu du risque de complications (dans ce contexte, trekking en haute alti-tude ou en situation géographique éloignée sont déconseillés).

ORDONNANCEn TNT en spray une pulvérisation sublinguale en cas de crise

(ou en prévention d’un contexte favorisant).

n Kardegic 75 un sachet par jour.

n B1 bloquant (névibolol, bisoprolol, metoprolol, carvédilol ou aténolol).

n Statine un comprimé le soir.

n IEC ?

N.B. L’IEC est ici recommandé en raison du diabète avec albuminurie ; il le serait aussi en cas de fraction d’éjection inférieure à 40 %, d’insuffisance rénale ou d’hypertension.

Le tableau 4 résume la stratégie commune du traitement médical à moduler selon les spécificités de chaque patient (comorbidités, contre-indications, préférences personnelles voire coût des trai-tements). Les bêtabloquants ou les anticalciques bradycardisants sont en première ligne, associés aux dérivés nitrés d’action rapide. En cas d’angor sévère, l’association bêtabloquant-dihydropyridine peut-être initiée d’emblée. Si les symptômes ne sont pas contrôlés, d’autres antiangineux sont associés en deuxième ligne (ivabradine, dérivés nitrés retard, nicorandil, ranolasine, trimétazidine… et allo-purinol récemment reconnu pour ses vertus anti-ischémiques.

La notion de fréquence cardiaque cible (FC de repos < 60 battements/min) est introduite dans les recommandations. Si elle est initialement basse, les dihydropyridines sont une alternative en première inten-tion au traitement anti-ischémique bradycardisant classique.

QUESTION 8 . Prescrivez-vous systématiquement une sta-tine ?

Dans ces recommandations, tous les coronariens doivent être mis sous statine quel que soit leur taux de LDL initial, avec un objectif de LDL < 0,7 ou une diminution de moitié du taux initial. On sait que ré-cemment des polémiques ont été suscitées par les recommandations américaines de prise en charge du C-LDL, dans lesquelles l’objectif cible chiffré a disparu. La dose est fonction du risque cardiovascu-laire (diminution de 50 % du LDL si risque élevé, de 30-50 % si risque intermédiaire) ; le processus d’élaboration de ces recommandations a amené les experts à ne considérer le taux de LDL, non comme un objectif de traitement, mais comme marqueur de la dose à prescrire.

QUESTION 9. Le « traitement médical optimal » du diabétique coronarien

Le traitement par statine est recommandé pour tous les patients coronariens. Dans les dernières recommandations des patients dia-bétiques de type II, les statines n’étaient recommandées que pour les patients à haut risque ou très haut risque cardiovasculaire en fonc-tion des facteurs de risque présents. Un traitement médical optimal est d’autant plus important pour ces patients que toutes les études de revascularisation et notamment par angioplastie (étude FREE-DOM) montrent de moins bons résultats chez ces patients dont les lésions sont souvent diffuses, calcifiées avec des lits d’aval médiocre et des taux de thrombose et de resténose élevés en angioplastie. La prévention secondaire médicamenteuse ou non est ici majeure. Le traitement antidiabétique ne sera pas abordé ici. n

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XIV Le Cardiologue 373 – Juin 2014

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

QUESTION 10. Quelles propositions thérapeutiques seront discutées au cours de la réunion de concertation pluridiscipli-naire ?

Les modalités de prise en charge de la maladie coronaire stable ont été récemment enrichies de l’apport d’études importantes, principa-lement les études COURAGE, SYNTAX et FREEDOM (encadrés ci-contre). Chacune s’est adressée à une situation clinique particulière et a apporté des réponses indispensables quoiqu’incomplètes pour la pratique. Ces réponses sont indispensables, car elles permettent de juger de l’effet respectif des trois stratégies de prise en charge thérapeutique selon l’anatomie coronaire et la situation clinique du patient, notamment et essentiellement le fait que le patient soit ou non diabétique. Ces réponses sont incomplètes par le fait même que les stratégies thérapeutiques comparées l’ont toujours été chez des patients dont l’anatomie coronaire était connue.

LES LIMITES ET LA QUESTIONLimitesToutes ces études ont des limites inhérentes aux stratégies évaluées. Comme ces stratégies sont interventionnelles ou chirurgicales, les études n’ont donc pu être faites en aveugle. De ce fait notamment, les patients sachant à quel groupe de traitement ils allaient être attribués ont pu décliner leur souhait de participer à l’étude avant l’intervention ou souhaiter changer de groupe. Surtout, ces études ont toutes été faites chez des patients dont l’ana-tomie coronaire était connue préalablement à la randomisation. Les questions auxquelles elles répondent sont donc : chez un patient qui a eu une coronarographie, en fonction de la situation clinique et de l’anatomie coronaire, quelle est la meilleure stratégie de prise en charge ? Le traitement médical, l’angioplastie ou le pontage ?

Problèmes en suspensDe fait, la question qui intéresse la prise en charge quotidienne d’un patient ayant une maladie coronaire stable correspond à la situa-tion d’amont de la coronarographie : chez quel patient ayant une maladie coronaire stable doit-on effectuer une coronarographie ? Voire, chez quel patient doit-on envisager un examen permettant

de connaître l’anatomie coronaire (comme par exemple, un scanner) pour envisager qu’une revascularisation serait le traitement le plus adapté ?La réponse à cette question est actuellement fournie par des ana-lyses a posteriori d’études faites chez des patients dont l’anatomie coronaire est connue. Ces analyses tentent de montrer dans quel sous-groupe la revascularisation apporte un bénéfice par rapport à l’absence de revascularisation. Toute la stratégie de prise en charge actuelle de la maladie coronaire stable repose donc sur une telle méthode d’analyse des données.Pour connaître la réponse à la question posée, un grand essai thé-rapeutique est en cours, l’étude ISCHEMIA. Cet essai international conduit chez 8 000 patients a pour objectif d’évaluer les effets respec-tifs d’une stratégie invasive en sus d’un traitement médical indiqué comme optimal et du seul traitement médical indiqué comme opti-mal, avec une possibilité de coronarographie en cas d’angor réfrac-taire ou d’événements cliniques, chez des patients ayant une maladie coronaire stable et symptomatique et une ischémie myocardique modérée à sévère, supérieure à 10 % du territoire myocardique. La décision thérapeutique est donc prise en amont de la coronarogra-phie, ce qui permettra de savoir si celle-ci est justifiée.Dans l’attente des résultats de cette étude, les stratégies propo-sables sont synthétisées dans les recommandations des sociétés savantes comme dans celles de 2013 de la Société Européenne de Cardiologie pour la prise en charge de la maladie coronaire stable. C’est sur ces recommandations que seront envisagées les modalités de prise en charge du cas clinique de Monsieur C. servant de fil rouge à ce dossier.

LE CAS DE MONSIEUR C.Lors de sa prise en charge Monsieur C., 48 ans, consulte pour l’appa-rition, depuis 6 mois de douleurs thoraciques. Les douleurs (rétroster-nales constrictives) surviennent lors d’efforts physiques exceptionnels (ex. ascension rapide en randonnée), mais pas dans les efforts de la vie courante. Elles cèdent en quelques minutes à l’arrêt de l’effort. Ce patient pèse 85 kg pour 1,75 m, fume 15 cigarettes/j depuis 20 ans. L’examen clinique est sans particularités, hormis une pression artérielle de repos mesurée à 150/90 à deux reprises.

L’ÉVOLUTION VERS LES STRATÉGIES DE REVASCULARISATION MYOCARDIQUEF. Diévart. Dunkerque

PARTIE

3

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Le Cardiologue 373 – Juin 2014 XV

APPORTS DE L’ÉTUDE SYNTAXL’étude SYNTAX a fait l’objet de multiples publications, notamment en fonction de la durée de suivi. Les conclusions retenues ici concernent exclusivement le suivi à 5 ans publié en 2013 dans le Lancet.

n CE QU’ELLE A ÉVALUÉ : les effets respectifs, sur un ensemble d’événements cardio et cérébrovasculaires majeurs, de la chirurgie de pontage aortocoronaire et de l’angioplastie avec stent actif.

n■CHEZ QUI : chez 1 800 coronariens ayant une maladie coronaire de novo, tritronculaire et/ou avec atteinte du tronc commun coronaire gauche, dont l’anatomie coronaire permettait d’effectuer des angioplasties et des pontages.

n■CE QU’ELLE A MONTRÉ : sur l’ensemble de la population, à 5 ans, il y a eu moins d’événements du critère primaire chez les patients ayant eu des pontages que chez ceux ayant eu des angioplasties (26,9 % vs 37,3 % ; p < 0,0001) et notamment moins d’infarctus du myocarde (3,8 % vs 9,7 % ; p < 0,0001) et moins de nouvelles revascularisations coronaires (13,7 % vs 25,9 % ; p < 0,0001). Il n’y a pas eu de différence significative en termes de mortalité totale (11,4 % vs 13,9 % ; p = 0,10) ou d’AVC (3,7 % vs 2,4 % ; p = 0,09).

n■COMMENTAIRES : cette étude a inclus des patients dont l’anatomie coronaire était connue. Elle montre que, globalement, la chirurgie de pontage est associée à un meilleur pronostic à 5 ans par rapport à l’angioplastie coronaire en cas de lésions coronaires tritronculaires et/ou d’atteinte du tronc coronaire gauche. Toutefois, la particularité de cette étude est d’avoir établi en parallèle un score, le score SYNTAX, tenant compte de l’anatomie coronaire, score d’autant plus élevé que les lésions apparaissent importantes et à risque. L’analyse en sous-groupe de cette étude a indiqué que le pontage n’est pas supérieur à l’angioplastie en termes de pronostic à 5 ans, en cas de score SYNTAX faible (incidence des événements du critère primaire : 28,6 % vs 32,1 % ; p = 0,43), en cas de sténose isolée du tronc commun (incidence des événements du critère primaire : 31,0 % vs 36,9 % ; p = 0,12), mais qu’il le devient nettement en cas de score SYNTAX de valeur intermédiaire (incidence des événements du critère primaire : 25,8 % vs 36,0 % ; p = 0,008) à élevée (incidence des événements du critère primaire : 26,8 % vs 44,0 % ; p < 0,0001).

APPORTS DE L’ÉTUDE COURAGEn CE QU’ELLE A ÉVALUÉ : l’apport de l’angioplastie coronaire par rapport à l’absence d’angioplastie coronaire, en sus d’un traitement médical proposé comme étant optimal, en termes de risque de décès et d’infarctus non fatal à 3 ans.

n■CHEZ QUI : chez 2 300 coronariens mono à tritronculaires, ayant une anatomie coronaire permettant une angioplastie, ayant un angor stable de classe CCS I à III et ayant des signes objectifs d’ischémie à l’état de base.

n■CE QU’ELLE A MONTRÉ : il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes comparés concernant le critère primaire (RR = 1,05 ; IC95 = 0,87-1,27 ; p = 0,62) et pas de différence significative concernant chacun des éléments du critère primaire dont les infarctus du myo-carde. Il y a eu moins d’angor les 3 premières années dans le groupe ayant eu une angioplastie, sans différence entre les groupes à 5 ans.

n■COMMENTAIRES : l’étude a été effectuée chez des patients dont l’anatomie coronaire était connue. Elle montre que l’angioplastie coro-naire immédiate n’a pas d’influence sur le pronostic clinique et notamment n’a pas d’influence sur le risque d’infarctus du myocarde, mais qu’elle peut constituer un traitement efficace des symptômes.

APPORTS DE L’ÉTUDE FREEDOMn CE QU’ELLE A ÉVALUÉ : les effets respectifs de l’angioplastie coronaire avec stent et de la chirurgie de pontage aorto-coronaire sur la mor-talité totale, les infarctus du myocarde non fatals et les AVC non fatals à 7 ans.

n■CHEZ QUI : chez 1 900 diabétiques ayant une maladie coronaire au moins bitronculaire, dont les lésions permettaient des angioplasties avec stent et des pontages coronaires.

n■CE QU’ELLE A MONTRÉ : une supériorité de la chirurgie de pontage en termes de diminution d’incidence des événements du critère primaire, avec une diminution significative de la mortalité totale et des infarctus du myocarde non fatals, mais avec une augmentation significative des AVC non fatals.

n■COMMENTAIRES : cette étude a aussi inclus des patients dont l’anatomie coronaire était connue. Elle est la première spécifiquement conduite chez des diabétiques, les données préalables concernant ce type de patient provenaient d’analyses en sous-groupes d’essais thérapeutiques contrôlés.

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XVI Le Cardiologue 373 – Juin 2014

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

Un électrocardiogramme d’effort couplé à une scintigraphie myo-cardique de perfusion permet d’obtenir les données suivantes : le niveau d’effort est de 175 w par paliers de 3 minutes, une douleur thoracique apparaît au dernier palier pour une fréquence cardiaque de 90 % de la FMT, il apparaît un sous-décalage de ST horizontal de 1,5 mm qui s’estompe rapidement à l’arrêt de l’effort.A la scintigraphie myocardique de perfusion il y a hypofixation myo-cardique d’un peu moins de 10 % du myocarde, réversible sur les images tardives, avec une FEVG repos-effort préservée

SYNTHÈSELes principales données concernant M. C. sont qu’il a depuis 6 mois un angor d’effort cliniquement typique, stable pour des efforts im-portants et une capacité d’effort sans ischémie élevée. Il est fumeur, en surcharge pondérale (IMC : 27,8 kg/m²), potentiellement hyper-tendu (150/90 mmHg à deux reprises). Son épreuve d’effort est posi-tive, cliniquement et électriquement (–1,5 mm à 175 w) et il a une ischémie myocardique réversible touchant un peu moins de 10 % du myocarde, sans altération de la fonction cardiaque systolique. Il est donc possible de conclure que :■n les douleurs étant présentes depuis 6 mois, et n’ayant pas aug-

menté en fréquence, intensité et/ou délai d’apparition, M. C. a, clini-quement, un angor d’effort stable,■n sa probabilité prétest d’avoir une maladie coronaire est proche

de 70 %,■n sa probabilité post-test (scintigraphie et épreuve d’effort) de ma-

ladie coronaire est très élevée et son risque de décès cardiovascu-laire est faible à intermédiaire (inférieur à 3 % annuel).L’ensemble de ces données, sauf élément nouveau, peut permettre de proposer à ce patient un traitement exclusivement pharmacolo-gique, sans avoir recours à une coronarographie. Ce sont les conclu-sions des recommandations des sociétés savantes.

QUESTION 11. Le traitement instauré est bien toléré et effi-cace. Quel est votre suivi de ce patient coronarien stable ?

Le suivi du patient devra être régulier et comprendre un test évaluant l’ischémie. Sa périodicité devra être annuelle selon les guides ALD de la CNAM/HAS ou tous les deux ans selon les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie.Une majoration de l’ischémie, une aggravation de l’angor ou la sur-venue d’un syndrome coronaire aigu sont des situations qui justifie-ront alors une coronarographie.

QUESTION 12. Connaître le LDL et la glycémie de ce patient sont-ils indispensables en cas d’angor stable, sans décision de coronarographie et donc traités exclusivement de façon phar-macologique ?

Quelques réflexions iconoclastes.Il est à noter que certains éléments cliniques ne devraient pas être indispensables à connaître pour la prise en charge thérapeutique : ■n ainsi, par exemple, le taux de LDL cholestérol n’est pas indispen-

sable à connaître chez Monsieur C.. Cela n’influencera pas la déci-sion de coronarographie ni celle de prescrire une statine, traitement justifié par la seule situation clinique. Le dosage régulier du LDL sous statine sera toutefois utile pour juger de l’observance au traitement ;■n dans la même optique, on pourrait envisager que le fait de savoir

si le patient est ou non diabétique, en termes de médecine basée sur des preuves et en raisonnant du point de vue exclusif de la maladie athéromateuse, n’a d’utilité que si une coronarographie est envisa-gée. En effet, en cas de lésions ou moins bitronculaires, le fait de sa-voir que le patient est diabétique devra orienter vers une chirurgie de pontage plutôt que vers des angioplasties coronaires, car les études disponibles montrent que la chirurgie de pontage est associée à un meilleur pronostic que l’angioplastie coronaire. Préalablement à la coronarographie, chez le diabétique, il n’a pas

TABLEAU 5. Les indications de la coronarographie selon les recommandations pour la prise en charge de l’angor stable). Adapté des recomman-dations ESC 2013.

Quelle que soit la classe de recommandations, son niveau de preuve est le plus bas possible.n La coronarographie invasive (avec une FFR si nécessaire) est recommandée pour la stratification du risque chez les patients ayant un angor stable sévère (classe CCS 3) ou ayant un profil cli-nique suggérant un risque élevé d’événement, particulièrement si les symptômes ne répondent pas adéquatement au traitement médical (classe I, niveau de preuve C) ;

n La coronarographie invasive (avec une FFR si nécessaire) est recommandée pour les patients avec des symptômes modérés ou asymptomatiques sous traitement médical et chez qui une stratification du risque par des examens non invasifs indique un haut risque d’événement et pour lesquels une revascularisation est envisagée pour améliorer le pronostic (classe I, niveau de preuve C) ;

n La coronarographie invasive (avec une FFR si nécessaire) doit être envisagée pour une stratification du risque d’événements chez les patients dont les tests diagnostic non invasifs ne sont pas concluants ou ayant des résultats discordants en cas de tests multiples (classe IIa, niveau de preuve C) ;

n Si un coroscanner est disponible pour une évaluation du risque d’événements, une possible surestimation de la sévérité des sténoses doit être envisagée dans les segments coronaires ayant des calcifications importantes, spécialement chez les patients ayant une probabilité prétest intermédiaire à élevée. Une imagerie de stress additionnelle peut être nécessaire avant d’adresser le patient peu ou asymptomatique à la coronarogra-phie invasive (classe IIa, niveau de preuve C).

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Le Cardiologue 373 – Juin 2014 XVII

L’ÉVOLUTION VERS LES STRATÉGIES DE REVASCULARISATION MYOCARDIQUE

encore été prouvé que de diminuer la glycémie modifie le pronos-tic coronarien. Si Monsieur C. n’avait pas été diabétique, malgré la présence de lésions coronaires multitronculaires le débat aurait été plus ouvert entre pontage et angioplastie coronaire, à condition que les lésions coronaires soient toutes assez facilement accessibles à l’angioplastie.

QUESTION 13. Après plusieurs années, deux éléments nouveaux sont apparus. Le diagnostic de diabète de type 2 a été affirmé. Les douleurs thoraciques sont réapparues et surviennent maintenant pour les efforts de la vie courante. L’épreuve d’effort couplée à une scintigraphie de perfu-sion sont alors rapidement ischémiques (figures 3 et 4). Quel est le pronostic cardiovasculaire du patient ?

Il s’agit maintenant d’un mauvais pronostic dont le risque de décès dépasse 3 %/an (voir tableau 3 page XI).

QUESTION 14. Une coronarographie est-elle maintenant jus-tifiée ?

L’évolution récente du patient a modifié les données, à la fois du fait de l’aggravation fonctionnelle et du fait de l’aggravation du pronostic. Cette évolution impose alors la réalisation de la coro-narographie afin de discuter une modalité de revascularisation myocardique.

D’après les recommandations de la Société européenne de cardiolo-gie de 2013, les éléments qui peuvent ou doivent conduire à envisa-ger de connaître l’anatomie coronaire sont (tableaux 5 et 6) :■n le métier du patient : ainsi, pour des raisons réglementaires, la

connaissance de l’anatomie coronaire sera nécessaire chez des pi-

FIGURE 3. Evolution secondaire de l’ECG d’effort du patient ECG 15 dérivations moyenné au repos et au sommet de l’effort.

n On note l’apparition d’un sous-décalage ST précoce, majeur au sommet de l’effort et qui durera plus de 6 minutes à la récupération, critères de mauvais pronostic (voir tableau 3).

TABLEAU 6. Les points forts concernant les stratégies de revascularisation de l’angor stable.

Une des questions clé de la prise en charge d’un patient ayant une maladie coronaire stable est de savoir quand et chez qui envisager une revascularisation coronaire.n Les études ayant évalué les différentes stratégies de prise en charge de la maladie coronaire (traitement médical, angioplas-tie, pontages) ont été effectuées chez des patients dont l’anato-mie coronaire était connue. Ces études ne répondent donc pas strictement à la question clé de la prise en charge.

n En dehors de l’incertitude diagnostique, dans la maladie coro-naire stable, les indications de la coronarographie proposées dans l’objectif d’une revascularisation coronaire sont issues d’analyses en sous-groupe a posteriori des études effectuées chez des patients dont l’anatomie coronaire était connue.

n Les indications actuellement acceptées de la coronarographie reposent sur ce type d’études. Ces indications sont synthétisées dans les recommandations pour la maladie coronaire stable des sociétés savantes nord-américaines et européennes.

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XVIII Le Cardiologue 373 – Juin 2014

EN 15 QUESTIONSLA MALADIE CORONAIRE STABLE

lotes de ligne, voire chez des chauffeurs de poids-lourds et/ou de transports en commun ;■n une probabilité prétest de maladie coronaire très élevée avec des

symptômes sévères ;■n une altération de la fonction cardiaque définie par une fraction

d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 50 % ;■n mais surtout un ensemble d’éléments indiquant un risque élevé

d’événements cliniques, risque défini par une probabilité annuelle de décès supérieure à 3 %. Par exemple, une scintigraphie myocardique indique un risque élevé si l’ischémie dépasse 10 % du myocarde, ou s’il y a plus de 3 segments myocardiques ayant une dysfonction en échocardiographie de stress.Une coronarographie n’est pas indiquée chez les patients ayant un angor et refusant toute procédure invasive ou qui préfèrent éviter une revascularisation, ou qui ne sont pas candidats à une angio-plastie ou un pontage, ou chez qui une revascularisation n’est pas susceptible d’améliorer le statut fonctionnel ou la qualité de vie.

Ne pas proposer de coronarographie initiale chez Monsieur C. ne signifie pas qu’il faudra toujours y sursoir. La majoration de l’ischémie, l’aggravation de l’angor ou la survenue d’un syndrome coronaire aigu sont des situations qui justifieront alors une coronarographie, comme dans l’évolution de la situation de Monsieur C.

Les études disponibles ayant évalué les stratégies de prise en charge chez des patients dont l’anatomie coronaire est connue montrent que l’angioplastie coronaire ne réduit pas le risque d’infarctus du myocarde par rapport au traitement médical seul, mais diminue les symptômes angineux.

QUESTION 15. Une coronarographie est effectuée. Elle montre :- une thrombose du segment moyen de la coronaire droite ;- une sténose serrée proximale de l’interventriculaire anté-

rieure ;- des sténoses étagées sur le réseau circonflexe - marginales

gauches ;- un tronc commun coronaire gauche normal ;- une fonction ventriculaire gauche préservée.Quel est votre choix thérapeutique ? Traitement médical exclu-sif ? Angioplasties coronaires ? Chirurgie de pontage aorto-co-ronaire ?

Une fois l’anatomie coronaire connue, les essais thérapeutiques dis-ponibles permettent de choisir la stratégie thérapeutique associée au meilleur pronostic à moyen terme chez ce patient.L’étude majeure qui guide le choix thérapeutique est l’étude FREE-DOM, car M. C. est diabétique de type 2 et a des lésions au moins bi-

Figure 4-2Figure 4-1

FIGURE 4. Evolution de la scintigraphie myocardique de perfusion du patient.

n Figure 4-1. On note la présence d’une ischémie myocardique réversible antérieure et inférieure étendue (30 % du myocarde), associée à une baisse de la FEVG à l’effort (figure 4-2) , critères de mauvais pronostic (voir tableau 3).

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Le Cardiologue 373 – Juin 2014 XIX

tronculaires, en l’occurrence, dans notre cas, elles sont tritronculaires.L’étude FREEDOM a clairement montré que, dans ce cas, s’il faut choisir entre angioplasties coronaires et pontages, la chirurgie de pontage est associée à un moindre risque de décès et d’infarctus du myocarde à moyen terme, mais avec un excès de risque d’accident vasculaire cérébral. Le rapport bénéfice-risque de chacune de ces deux options peut donc être exposé au patient qui choisira en fonc-tion de ses valeurs et préférences. La mortalité étant moindre avec

le pontage, cet élément devrait constituer un critère de choix majeur entre les deux techniques.Si le patient préfère être traité par angioplasties coronaires, de même après lui en avoir exposé les risques et avantages, il serait a priori d’un plus grand bénéfice de proposer des angioplasties avec des stents actifs, car le patient étant diabétique, le risque de resténose est moindre lors de l’utilisation de stents actifs plutôt que des stents nus, ce qui est un avantage en cas d’atteinte de l’IVA proximale. n

L’ÉVOLUTION VERS LES STRATÉGIES DE REVASCULARISATION MYOCARDIQUE

EN GUISE DE CONCLUSIONn En tout état de cause, et en guise de conclusion, si les essais thérapeutiques permettent de guider et orienter nos choix, ils doivent être analysés comme ayant des avantages et aussi des limites, notamment en ne permettant pas toujours de répondre à des questions simples de pratiques. Par exemple, dans le cas de notre patient, nous ne sommes qu’imparfaitement renseignés sur les avantages et risques de pro-poser, après la coronarographie, un renforcement du traitement médical, par rapport à une revascularisation. Les essais nous renseignent sur les avantages et risques de diverses options de prise en charge : parfois diagnostiques, rarement de surveillance et le plus souvent thérapeutiques.

Ils ne doivent pas faire oublier qu’une décision thérapeutique est une décision partagée entre un médecin et un malade, les essais permettent de guider les choix à proposer.

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