La machine nerveuse

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La mach ine ne rveuse

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

Se rapportant à la même question.

L ' E X C I T A B I L I T É E N F O N C T I O N D U T E M P S ; LA C H R O N A X I E , SA S I G N I F I C A -

TION ET SA MESURE. Paris, Presses universitaires, 1926, 8°, 371 p. (Epuisé).

LES MUSCLES. 1 fascicule du tome VIII du Traité de Physiologie normale et pathologique. Paris, Masson et C 1929, 8°, 156 p.

PHYSIOLOGIE GÉNÉRALE DU SYSTÈME NERVEUX, 1 fascicule du Nouveau Traité de Psychologie de G. Dumas, t. I. Paris, Alcan, 1930, 8°, 76 p.

L'EXCITABILITÉ ITÉRATIVE, 1 partie. Paris, Hermann et C 1936, 8°, 66 p.

LA CHRONAXIE ET SES APPLICATIONS PHYSIOLOGIQUES, 1 partie. Paris, Hermann et C 1938, 8°, 115 p.

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Bibliothèque de Philosophie scientifique D i r e c t e u r : P a u l GAULTIER, d e l ' I n s t i t u t

LOUIS LAPICQUE Professeur honoraire de Physiologie générale

à la Sorbonne et au Museum

L a m a c h i n e n e r v e u s e

15 I L L U S T R A T I O N S

F L A M M A R I O N 26, rue Racine, Paris

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Droits de t raduct ion, d 'adapta t ion et de reproduction réservés pour tous les pays.

Copyright 1943, by ERNEST FLAMMARION,

Printed in France

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La mach ine n e r v e u s e

AVERTISSEMENT

Le présent ouvrage n'a pas la prétention de présenter l'ensemble de nos connaissances sur le système nerveux ; il ne traite qu'un certain nombre d'aspects de la ques- tion, mais sous chacun de ces aspects, il s'efforce de pousser l'étude à fond. Je tiens aussi à prévenir le lecteur qu'il s'agit, non d'un exposé de doctrines classiques, mais de vues personnelles, conformes ou non à ces doctrines. Personnel ne veut pas dire fantaisiste et arbi- traire. Notamment, pour la chronaxie et son rôle phy- siologique, ce qui constituera une partie importante de cet ouvrage, et la partie à laquelle je tiens le plus, mes idées ont marché d'expérience en expérience, toujours très près du fait, et parfois, quand le fait l'a voulu, contrairement au sens que j'avais prévu. Ces idées ont été en butte à des objections véhémentes, auxquelles j'ai répondu par de nouvelles expériences, mais elles ont aussi, et j'en suis fier, suscité chez d'autres collègues, un sérieux intérêt, et ce qui vaut mieux encore, des con- tributions expérimentales qui ont consolidé leur base et étendu leur portée. Certaines parties de ce travail col- lectif sont si bien entrées dans la Science que tout exposé orthodoxe de bonne foi serait obligé de leur faire place.

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L'avenir dira ce qu'il doit subsister du reste. Tels qu'ils sont, ces travaux permettent d'édifier une théorie, certes incomplète, mais cohérente, rapprochant le fonc- tionnement nerveux des phénomènes physiques, réali- sant peut-être ainsi, dans quelque mesure, pour notre sujet, le programme fixé par Claude Bernard à la Physio- logie générale.

C'est cette théorie surtout que j'ai été tenté de sou- mettre aux lecteurs de la Bibliothèque de Philosophie scientifique ; je ne me dissimule pas que la façon appro- fondie dont sont traitées diverses questions exigera du lecteur quelque effort d'attention ; j'ai pris au pied de la lettre le titre de cette collection renommée, qui vise une diffusion de la Science sans aucun abaissement vers la facilité superficielle ; mais j'espère avoir donné les éclaircissements nécessaires et notamment avoir écarté l'obstacle si fréquent d'un vocabulaire hermétique.

Dès J'abord, je fais allusion au problème des rapports entre la physiologie nerveuse et les phénomènes psy- chiques ; ce n'est pas que je m'imagine approcher de la solution. Je serais très heureux d'avoir simplement ouvert une voie nouvelle dans la direction du but qui est à l'infini. Jusqu'où cette voie permettra-t-elle d'avancer ? Le sort ordinaire des théories scientifiques est d'avoir un développement limité et de se heurter quelque jour à une barrière infranchissable ; pour sortir de cette impasse, il faut alors revenir plus ou moins en arrière et reprendre sa marche dans une direction plus ou moins différente. Ce n'est pas encore le cas pour la théorie chronaxique du fonctionnement nerveux. La laborieuse et patiente percée à travers la jungle des faits poursuit encore son avance, avec le concours de pion- niers plus jeunes, dans l'orientation de la perspective

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qui s'est ouverte devant moi il y a 40 ans. Je devrais dire devant nous, car ma femme, Marcelle de Heredia, m'a donné depuis l'origine une collaboration riche en initiatives heureuses. Ce que nous avons gagné au point de vue du problème de la conscience n'est encore rien, ou si peu de chose ! sauf ceci, qui laisse place à tous les espoirs pour une avance indéfinie : un fait capital, comme la métachronose de subordination, avait passé complètement inaperçu jusqu'à ces années dernières ; par conséquent, nous avons le droit de penser que nous sommes arrêtés ou égarés dans nos spéculations par bien d'autres ignorances qui peuvent, d'un jour à l'autre, disparaître devant le progrès purement physiologique. Pour suivre ce progrès futur, il faudra avoir franchi les étapes précédentes. C'est simplement à ce rôle prémo- nitoire qu'aspire le présent ouvrage.

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GÉNÉRALITÉS

1. L'âme et le corps.

Dans la curiosité habituelle, les problèmes de la vie sont ceux de notre vie, et dans le côté matériel de la vie qui est le domaine des physiologistes, le premier problème est celui du système nerveux, parce que l'on y devine, confusément, mais avec force, la transition vers l'autre côté, vers la vie spirituelle.

Ce sentiment d'intérêt pour le système nerveux est commun aux spiritualistes et aux matérialistes. Les premiers voudraient trouver la liaison de l'âme et du corps ; les seconds voudraient savoir comment le cerveau engendre la pensée. Actuellement au moins, ni d'une façon ni de l'autre la question n'est susceptible d'une réponse scientifique. En sera-t-il toujours ainsi ? C'est ce que pensait l'illustre physiologiste Du Bois-Reymond qui, au milieu du siècle dernier, analysait brillamment dans le but de les ramener à l'électricité, donc à la phy- sique, les propriétés essentielles des nerfs. La tâche est vaine, proclamait-il en une formule latine souvent citée « Ignoramus et ignorabimus ». « Nous ignorons et nous continuerons à ignorer. »

Il n 'y a aucune raison d'accepter une telle sentence comme définitive, mais devant une question de cette

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envergure, il convient d'être modeste et patient. Si nous l'abordons comme n'importe quelle autre, avec la mé- thode scientifique qui a fourni, par exemple, sur la constitution de la matière des résultats dépassant toutes les spéculations des philosophes, pourquoi ne s'éclaire- rait-elle pas à son tour ? Sans doute, la sentimentalité, la passion même, qu'on y attache, ont suscité des solu- tions prématurées et irrationnelles ; la condition d'un progrès intellectuel est ici comme toujours d'éviter de choisir à priori l'une de ces solutions pour essayer de la démontrer au lieu de chercher la vérité quelle qu'elle soit. Il est bien probable que, lorsque nous compren- drons, la position même du problème aura évolué de telle sorte que les prétendues solutions d'antan ne présen- teront plus aucun sens.

Nos ancêtres primitifs n 'ont éprouvé sans doute au- cune difficulté à constituer l'âme en une entité tellement

distincte du corps qu'elle était capable de lui survivre. Je pense même que l'idée de survivance (je ne dis pas d'immortalité) est apparue la première. J'ai vu les sau- vages attribuer la survivance à un objet quelconque disparu, par exemple à un arbre coupé, dont le souvenir renaît en eux. Puisqu'on y pense, quand on revient sur la place qu'il occupait, c'est qu'il reste quelque chose de lui. Ce quelque chose, les Sakaïes de la Péninsule malaise le nomment Hantou, aussi bien pour un homme mort que pour un arbre. Le Hantou est nécessairement conçu à l'image exacte de la réalité qu'il prolonge, qu'il doublait avant qu'elle disparût. E t dès que s'est posée l'inévitable énigme de la conscience et de la volonté commandant le corps, le Hantou était, dis-je, tout prêt à assumer cette fonction. Ainsi l'âme apparaissait sous la forme même du corps.

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Cette conception puérile, conservée et précisée dans l'iconographie religieuse de civilisations diverses presque jusqu'à nous, se retrouve clairement dans cette forme du spiritualisme qui, en Angleterre, en porte le nom même et qu'on appelle en France spiritisme ; les adeptes acceptent comme photographies d'esprits des silhouettes de personnes physiques, même avec leurs vêtements. Seule l'intervention de la photographie se superpose ici aux Hantous des Sakaïes.

C'est-à-dire que la notion simpliste d'une séparation radicale entre l'âme et le corps se corrigeait par une con- fusion non moins simpliste des deux mêmes entités. Une telle incohérence, qui n 'a rien de choquant pour un sauvage (c'est ce que Lévy-Brühl nomme la participa- tion), ne pouvait évidemment passer dans notre philo- sophie spiritualiste ; mais celle-ci n'a rien trouvé pour satisfaire le besoin ainsi traduit, et sa donnée essentielle, réduite à une âme indépendante du corps, devient insoutenable même comme hypothèse pour expliquer les phénomènes psychiques. Il est manifeste, en effet, que ces phénomènes dépendent dans une large mesure de l'organisme matériel, spécialement du système nerveux. Un coup sur la tête, une lésion de l'encéphale, la pré- sence dans le sang d'un toxique neurotrope, modifient ou suppriment le psychisme, et pourtant ces circonstances ne concernent directement que le corps. D'ailleurs en dehors de tels cas extrêmes, le fonctionnement normal de la vie consciente comporte entre l'organisme matériel et le psychisme des interrelations continuelles dont les philosophes spiritualistes ont parfaitement souligné, sans parvenir à les résoudre, les difficultés dans l'hypo- thèse d'une âme immatérielle.

Si on abandonne cette hypothèse pour tout rapporter

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au corps, les difficultés ne disparaissent pas, mais elles changent de nature. Certes, nous n'entrevoyons même pas comment un fait psychique peut résulter d'un fonc- tionnement nerveux, mais il faut avouer que nous con- naissons encore bien peu ce fonctionnement ; débarrassés de l'impossibilité métaphysique de faire réagir l'un sur l'autre la matière et l'immatériel, nous serons du moins dans une attitude scientifique correcte, si, reconnaissant notre ignorance, nous gardons l'espoir de la voir un jour cesser, tout au moins s'atténuer par le progrès des études physiologiques poursuivies sans préoccupation doctri- nale. Nous pourrions sans quitter cette attitude donner le nom d'âme à l'ensemble des faits psychiques, comme on a donné le nom de chaleur à l'ensemble des phéno- mènes qui nous causent une certaine sensation avant de savoir que cette abstraction, née d'une notion vulgaire, elle aussi, signifie d'une part : agitation moléculaire ; d'autre part : rayonnement infra-rouge. Je comprends que l'on recule devant le terme âme, si chargé de litté- rature et de mystique, et dont l'extension, en tout cas, est trop grande pour qu'il puisse être utile dans une recherche précise. Mais nous pouvons, même nous devons, comme physiologistes, laisser entrer dans notre pensée pour les combiner à nos données propres les données de la conscience.

2. Les données de la conscience sont applicables aux animaux.

C'est à tort, me semble-t-il, que divers physiologistes, ont systématiquement écarté ces données lorsqu'ils ont voulu étudier les plus hautes fonctions nerveuses.

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La volonté, par exemple, est un fait, je ne puis dire physiologique en l'état de la science, car la Physiologie pour le moment ne réussit à l'atteindre directement dans aucun cas, mais du moins un fait biologique. En toute rigueur, il est vrai, nous ne la connaissons que subjectif vement. Mais pourquoi ne pas profiter de cette connais- sance subjective en l 'étendant d'abord aux autres Hommes par une induction dont personne ne conteste la légitimité ? en l'étendant ensuite aux animaux qui nous ressemblent, aux Mammifères d'abord, auxquels manifestement elle s'applique sans nécessiter de re- touches importantes puis de là aux autres Vertébrés ?

Pour les Invertébrés, la question est moins claire ; je n'oserais pas transposer dans leur comportement la notion de volonté. Il se trouve d'ailleurs que leurs sys-

tèmes nerveux sont constitués suivant un plan bien différent du nôtre.

Mais la série des Mammifères, Homme compris, ne présente à ce dernier point de vue que des différences quantitatives, et encore ces différences sont-elles gra- duées d'une manière évolutive qu'Eugène Dubois vient de nous faire saisir. E t si l'on rétablit entre les singes anthropoïdes et nous un intermédiaire disparu, mais non pas hypothétique, car il est maintenant clairement connu par les fossiles Pithecanthropus et Sinanthropus, on ne trouve aucune démarcation objectivement justi- fiable, au point de vue de la grosse anatomie, entre le système nerveux de l'Homme et celui des animaux.

D'autre part, dans toute la série des Vertébrés, le système nerveux est constitué dans chacune de ses parties par des éléments cellulaires homologues, disposés suivant la même architecture, toujours sous réserve de différences quantitatives. Il se développe suivant le

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même processus embryologique. Quant à ses propriétés fonctionnelles, le postulat qu'elles sont les mêmes chez l'Homme et chez les animaux a servi de base au déve- loppement de la physiologie nerveuse expérimentale conjointement avec la pathologie nerveuse ; les résultats obtenus par l'accord des deux méthodes au cours d'un siècle de recherches et d'observations constituent une éclatante démonstration qui transforme ce postulat en une vérité scientifiquement établie. Dès lors, quand nous voyons, du dehors, le comportement d'un Vertèbré ressembler à celui d'un Homme, il faut être esclave d'un rigide dogmatisme métaphysique pour refuser d'ad- mettre que, vu du dedans, ce comportement implique des phénomènes psychiques analogues.

Il convient d'ailleurs de constater que seuls les théo- logiens et les philosophes occidentaux ont établi une barrière absolue entre l'Homme et les animaux. Le sens commun a toujours et partout reconnu sans hésitation les signes de joie, de douleur, d'affection, de colère donnés par les animaux. L'assimilation a été poussée à l'extrême par l'imagination populaire. Dans tous les pays, les fables font parler les bêtes, et souvent les âmes sont considérées comme interchangeables entre les bêtes et les Hommes. Sans doute, le sens commun se trouve fréquemment en conflit avec la Science ; mais cette fois, tous les résultats de l'observation méthodique donnent raison à ces intuitions naïves, en mettant à part, bien entendu, les exagérations poétiques, les constructions religieuses et les pratiques de sorcellerie dont elles ont été infiltrées ainsi que toutes les idées des primitifs.

En sens inverse, quelque respect qu'on ait pour Des- cartes, peut-on évoquer sans sourire son affirmation que les animaux sont des machines faisant semblant de

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sentir ? Certes, les animaux sont des machines, mais des machines pareilles à la nôtre, et puisque nous sentons et que nous voulons, ces machines doivent sentir et vouloir.

3. Le système nerveux doit être étudié dans son intégrité.

C'est précisément la partie de ces machines chargée, autant qu'il semble, d'assurer au corps le sentiment et la volonté que nous avons à étudier ici. Le système nerveux est lui-même une machine, et il faut l'étudier comme on étudie une machine. Mais faire abstraction du sentiment

et de la volonté, c'est peut-être se condamner à ne pas comprendre la machine, quand on aura réussi à la démonter pièce à pièce, et qu'il s'agira de reconstituer un ensemble fonctionnel, cet ensemble qui sent et qui veut.

Dès maintenant, nous savons physiologiquement qu'il ne suffira pas d'additionner des pièces détachées étu- diées isolément, car les propriétés de ces pièces elles- mêmes sont incessamment soumises, quand elles sont en place, à des influences qui en modifient les propriétés. Je veux parler de ce que j'ai appelé chronaxie de subor- dination et que, pour généraliser, il est plus logique d'appeler métachronose de subordination (métachronose changement de chronaxie, comme métamorphose veut dire changement de forme).

La chronaxie, en général, est une mesure expérimen- tale précise, une certaine durée obtenue dans l'excita- tion électrique et qui caractérise la plus ou moins grande rapidité physiologique des cellules mises en jeu, notam- ment l 'aptitude à réagir aux excitations plus ou moins

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brèves et une aptitude conjuguée à transmettre plus ou moins brièvement cette excitation. D'après de multiples résultats expérimentaux interprétés et généralisés avec un minimum de théorie, tout le fonctionnement nerveux m'apparaît, ainsi que nous le verrons en détail, basé sur une espèce de résonnance analogue à celle qu'utilise la radiophonie, la chronaxie tenant la place de la longueur d'onde, plus exactement de la durée de la période.

Or, la chronaxie de certains éléments nerveux peut être changée par l'action de certains centres encépha- liques, action comparable à celle que nous produisons quand nous tournons les boutons d'un appareil récepteur pour l'accorder avec tel ou tel poste émetteur. Cette fonction, dont on aperçoit immédiatement l'importance capitale, est constamment en exercice dans un organisme normal ; par exemple, c'est de cette façon que se réalise une différence systématique de chronaxie entre nerfs antagonistes, notamment entre fléchisseurs et exten- seurs d'un membre. Cette différence a d'abord été ob-

servée empiriquement sur l 'Homme, sans idée préconçue par le D Bourguignon ; l'expérimentation physiologique l 'ayant retrouvée chez les animaux a permis de consta- ter qu'elle n'existe pas sur les membres isolés du corps ou simplement coupés de leurs communications avec l'encéphale, ni quand celui-ci est fonctionnellement annihilé par un anesthésique. Cet accord, plus exacte- ment ce désaccord réglé, entre antagonistes, l'expérience le montre en relation étroite avec la coordination des mouvements, ce qui est une des manifestations essen- tielles du système nerveux ; or, d'après ce que nous venons de dire, il n'existe que dans ce système organisé comme ensemble.

L'étude de la métachronose de subordination est en-

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core en plein développement et paraît riche de pro- messes. D'ores et déjà on peut expliquer de cette ma- nière des actions nerveuses essentielles dont le réflexe

classique ne dcnne qu'une idée bien incomplète. Quoiqu'on en dise couramment, ce réflexe ne montre

pas les traits les plus caractéristiques de la fonction ner- veuse. Ce n'est qu'un mécanisme élémentaire comme le serait, en radio, la réception par un poste récepteur immuablement accordé sur une longueur d'onde fixe. Une Grenouille décapitée, qui reste entièrement inerte tant qu'on n'y touche pas, retire la patte dont nous pinçons un doigt ; voilà le réflexe type ; elle la retire plus ou moins vivement, plus ou moins amplement, sui- vant que nous avons pincé la patte plus ou moins fort ; c'est nous, en somme, qui commandons l'activité d'un appareil automatique à réaction stéréotypée. Mais quand la Grenouille est entière, si elle a sa tête, avec ses yeux et ses oreilles, avec son encéphale complet conjugué à sa moelle épinière, quand elle est un animal tel que la Nature nous le présente et tel que nous avons à l'étudier, c'est elle-même qui commandera ses mouvements. Elle, c'est-à-dire un individu, une personne comme nous, si humble que soit la bestiole. C'est cela qu'il s'agit d'ex- pliquer en considérant la fonction nerveuse, non plus seulement dans la moelle épinière, mais dans le système nerveux entier.

Or, jusqu'à une époque toute récente, la physiologie, au lieu de tenter une analyse effective des phénomènes dans leur complexité, s'est contentée d'une synthèse prématurée établie sur l'induction suivante. On suppose que les trajets nerveux passant par l'encéphale sont tous semblables, fonctionnellement comme anatomiquement, aux trajets directs à travers la moelle. Evidemment, le

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système nerveux ainsi constitué par une série d arcs réflexes superposés ne présenterait nulle perspective de propriétés qui ne fussent pas dans l'arc réflexe élémen- taire.

Serait-il possible dans cette conception de rendre compte à la fois de la grande variabilité de réactions qui se manifeste objectivement et de la cohérence qui, à travers ces réactions variables, nous donne l'impression d'un individu ?

Sherrington, qui a fait entrer dans la Physiologie l'expression bien frappée : action intégrative du système nerveux, a néanmoins pris pour objet de la plupart de ses belles études sur le réflexe le Chien spinal ou le Chien décérébré, c'est-à-dire un animal privé en totalité ou pour la plus grande partie de l'influence de l'encéphale sur la moelle. Ces études nous ont révélé, quant à l'in- teraction de divers influx centripètes, nombre de faits précis et curieux qui éclairent remarquablement un certain côté de l'intégration nerveuse, et qui, de toute façon, doivent prendre place dans une théorie complète. Mais il paraît bien difficile que cette théorie puisse être menée à bonne fin simplement par extension de telles recherches. Sherrington lui-même a fait remarquer que la coordination la plus élémentaire, celle du réflexe de flexion, ne s'explique pas anatomiquement. Chaque filet nerveux centripète s'épanouit dans une certaine étendue de la moelle où il vient rencontrer pêle-mêle les origines des fibres centrifuges innervant soit les extenseurs, soit les fléchisseurs. Il apparaît donc, au point de vue géomé- trique, que devant l'influx nerveux se présentent des voies possibles indifféremment dans le sens de la flexion et dans le sens de l'extension ; il faut qu'un aiguillage intervienne pour que la commande réflexe s'oriente vers

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une de ces deux réactions, c'est-à-dire pour qu'il y ait mouvement effectif.

En réalité, dans une moelle séparée de l'encéphale, au i moins chez la Grenouille, ces voies anatomiques ne sont ni d'un côté ni de l'autre facilement accessibles ; un influx isolé ne passe pas. Mais dans une moelle soumise à l'action de l'encéphale, le réflexe peut être immédiat. L'expérience est parfaitement claire ; on a même pu déterminer avec précision le centre particulier qui règle ainsi l'ouverture de la voie ; on comprend qu'il puisse l'ouvrir dans un sens ou dans l'autre. Chose inattendue, cet aiguilleur n'est pas le cerveau, mais un centre de la base de l'encéphale.

Or, le centre en question est celui même qui a été reconnu comme origine de la métachronose des nerfs périphériques ; la notion s'applique donc à la moelle épinière comme à ces nerfs ; plus exactement, pour di- verses raisons théoriques et expérimentales, on peut affirmer qu'il s'agit d'un seul et même phénomène envi- sagé à deux points de vue.

Ce phénomène est entièrement nouveau et même paradoxal. Sans doute, on avait toujours admis une hiérarchie des centres nerveux, mais cette hiérarchie, si elle est constituée par une série de réflexes superposés, doit fonctionner au moyen d'influx nerveux. Or, il s'agit d'autre chose.

L'infiux nerveux est un phénomène parfaitement défini, aujourd'hui assez complètement connu, consis- tant en une brève variation de potentiel électrique dans le sens négatif. Le mécanisme de la métachronose est tout différent ; un nerf périphérique en état de méta- chronose est le siège, non pas de telles variations de potentiel, mais d'un accroissement (ou d'une diminution)

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durable de son potentiel. Les centres de subordination agissent donc autrement que le centre réflexe élémen- taire tel qu'il est classiquement conçu.

D'ailleurs, il y a des réflexes compliqués dont cette conception classique ne peut rendre compte. Tel est, par exemple, le réflexe de grattage décrit par Sherring- ton. Un chien spinal, c'est-à-dire dont la moelle a été séparée de l'encéphale, est soumis à une excitation assez vive et bien localisée de la peau d'un flanc, au moyen de brefs chocs électriques en série rapide ; la patte posté- rieure du côté correspondant se porte sur l 'endroit irrité ; ceci est un réflexe relativement simple ; mais l'irritation continuant, la patte exécute, en contact avec la peau, une série de mouvements alternatifs répétés plusieurs fois par seconde, comme le ferait un chien à système nerveux intact ressentant la piqûre d'une puce. Cette réaction complexe commandée par la moelle est appelée réflexe, à juste titre si l'on veut indiquer ainsi qu'elle suit fatalement notre intervention comme le réflexe élémentaire, mais elle comporte évidemment autre chose que ce dernier.

Le point de vue sur lequal je désire attirer l 'at tention n'est pas le caractère d'adaptation exacte, comme celui d'un acte intentionnel ; ce caractère très frappant sur lequel nous allons tout de suite revenir à propos d'expé- riences analogues pose un problème essentiel pour l'intelligence des mécanismes nerveux. Mais il est déjà présent sous une forme simple dans le réflexe type de la Grenouille spinale répondant par une flexion de la patte à l'irritation d'un doigt ; en somme la patte qui se fléchit s'éloigne de la cause irritante, comme si l'animal complet commandait ce mouvement. Ce qui est particulier ici, c'est le renversement du mouvement, l'alternance de

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flexions et d'extensions sous une excitation invariable. Puisque la cause externe du réflexe ne change pas, il faut que quelque chose change dans le centre même. Sur un animal privé de son cerveau, mais ayant conservé ses centres mésencéphaliques, la subordination telle qu'elle a été expérimentalement démontrée rendrait peut-être compte d'un tel changement. Ici, où toute communica- tion est coupée entre l'encéphale et le centre réflexe en cause, on est amené à l'hypothèse, sinon de centres de subordination périphériques, au moins d'éléments subor- dinateurs répandus d'une façon plus ou moins diffuse dans toute la moelle, et capables d'exercer une fonction analogue, c'est-à-dire de modifier l'excitabilité des élé- ments voisins, et ainsi de changer l'aiguillage des influx. D'ailleurs, des expériences entièrement différentes, por- tant sur la chronaxie des nerfs périphériques, ont montré l'existence d'une métachronose d'origine médullaire.

Pour faire ressortir l'intérêt d'un tel mécanisme hypothétique, nous allons passer en revue une discussion curieuse qui s'est produite au milieu du siècle dernier à propos d'expériences analogues.

4. La volition est un déclenchement de mécanismes préétablis.

On connaissait depuis longtemps, sur la Grenouille, un phénomène semblable au réflexe de grattage chez le Chien spinal. On décapite une Grenouille, puis celle-ci étant couchée sur le dos où elle reste entièrement inerte, on dépose une goutte d'acide acétique en certains points de ce que le vulgaire considérerait comme un petit cadavre, par exemple, sur la face interne de la cuisse peu au-dessus du genou ; on voit alors, presque immé- diatement, la patte intéressée se fléchir à l'extrême, le

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bout des doigts est ainsi amené au voisinage du point que l'acide irrite, et, par des mouvements alternatifs les doigts frottent ce point, essuyant l'acide.

L'expérience est encore plus frappante sous la forme suivante. La Grenouille décapitée gisant à plat ventre, on dépose au bas du dos un petit morceau de papier-filtre imbibé d'acide acétique. Après un délai très court, une des pattes postérieures se reploie jusque sur le milieu du dos, puis, d'une détente brusque en extension, balaie la région irritée par l'acide de telle sorte que, presque immanquablement, l'objet irritant est rejeté au loin.

Un tel acte paraît intentionnel ; mais est-il possible d'admettre une intention dans un corps sans tête ? Pflüger, un des plus grands physiologistes du XIX siècle, resté classique précisément pour ses lois de réflexes, n'hésitait pas à répondre affirmativement ; c'est une erreur, disait-il, de prétendre que le cerveau seul est l'organe du sensorium ; la fonction sensorielle a ses racines dans l'appareil cérébrospinal tout entier ; la moelle épinière, en particulier, a par elle-même la faculté de sentir et de vouloir. Une opinion aussi paradoxale, évidemment, n'était pas admise sans conteste. On peut prendre comme expression contemporaine de l'opinion inverse un article de Lotze, cité par Pflüger lui-même pour le discuter. Voici comment s'exprimait Lotze.

Il s'agit simplement, disait-il, d'un mécanisme pré- établi en vue d'un groupe de mouvements coordonnés en chaîne. L'âme (sic) peut vouloir ou ne pas vouloir en déclencher le déroulement, mais elle ne saurait elle-même en organiser les éléments qui, en somme, lui restent inconnus. Nous voyons d'ailleurs sur nous-mêmes, des actes de défense complexes, comme la toux ou l'éternue- ment, se déclencher sans notre volonté sous une irrita-

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tion extérieure, et l'âme n'être même pas capable de les arrêter par un acte volitionnel contraire.

Pflüger n'a que mépris pour ces considérations. « De si plates argumentations, dit-il, peuvent bien em- brouiller nos connaissances, mais non les faire avancer. »

Lotze, professeur de psychologie physiologique, n'est guère cité par les physiologistes de notre temps. Pflüger est un nom glorieux à juste titre dans notre science néanmoins en relisant aujourd'hui cette discussion vieille de 90 ans ou presque, je constate, réserve faite pour le sens donné implicitement au mot âme et au mot préétabli, que c'est le philosophe spiritualiste qui est en accord avec nos tendances actuelles.

De celles-ci, je trouve précisément une expression significative dans un fascicule récent (1939) du Nouveau traité de Psychologie de G. Dumas. « Pas de mouvement volontaire sans mécanisme moteur préalablement diffé- rencié », écrit le regretté Ch. Blondel qui s'était chargé d'étudier les Volitions ; puis il s'explique par l'exemple suivant. On est en montagne, on doit choisir entre deux chemins hasardeux : « on hésite, puis on se décide pour la droite ou pour la gauche. En pareil cas, à coup sûr, quantité de neurones, de fibres associatives, de synapses, entrent en danse. Mais de tout ce branle-bas physiolo- gique, les savants eux-mêmes ne connaissent bien que l'écho conscient ».

En dépit de la nuance de dédain jetée sur le « branle- bas physiologique », je ne puis qu'être d'accord avec l'auteur ; il s'est d'ailleurs couvert d'une très haute autorité en citant cette phrase de Claude Bernard : « Il n'y a pas en réalité de mouvement volontaire ; nous voulons : une fonction s'accomplit. »

Le réflexe du Chien qui se gratte ou de la Grenouille

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qui s'essuie, tout comme la toux ou l'éternuement sont des exemples de telles fonctions ; Lotze a eu raison de citer les deux dernières, et on ne voit pas pourquoi Pflüger les méprise. A cause de leur vulgarité ? Celle-ci est précisément un avantage, car elle permet à chacun, dans son expérience personnelle, de saisir comment l'automatisme et la volonté se partagent ou se disputent la direction du mouvement.

5. La moelle épinière est-elle capable de sentiment et de volonté ?

Mais Pflüger prétend démontrer expérimentalement quelque chose de plus qu'un mécanisme dans la moelle de la Grenouille. « Mécanisme » pour l'essuyage par un mouvement toujours le même d'une goutte d'acide dé- posée en un point déterminé de la peau, la question reste discutable. Mais si nous avons coupé un peu au-dessous du genou la patte qu'on irrite par l'acide, le mouvement d'essuyage ci-dessus est rend u matériellement impos- sible ; alors qu'arrivera-t-il ? Voici la description de Pflüger. La cuisse se replie comme précédemment, le moignon de la jambe se meut de telle manière qu'il s'agit indubitablement des mêmes efforts que normalement. Puis, la scène change. Les mouvements de l'animal deviennent une agitation, donnant l'impression que l'animal (décapité !) cherche un moyen nouveau d'écarter la cause de la douleur ; après divers essais infructueux, il arrive souvent à un procédé approprié : par exemple la jambe, siège de l'irritation, au lieu de se fléchir, s'étend ; la jambe opposée se fléchit légèrement et amène son pied sur la première, de façon à en essuyer la substance corrosive. Nous voyons donc la Grenouille, quand un de

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ses pieds lui refuse le service, faire appel à l'autre, bien que ce soit toujours du même point que parte l'irritation. Quelquefois elle emploie un autre procédé tout diffé- rent : fléchir très fortement la cuisse, tout en lui impri- mant une rotation, de façon à l'essuyer contre le flanc.

La conclusion de Pflüger est que cette expérience - avec d'autres analogues, « établit incontestablement que nous avons eu affaire à un fragment d'animal sentant et voulant ».

J'avoue ne pas trouver une signification claire à cette série spéciale d'expériences après amputation. On a le droit, me semble-t-il, de ne voir dans les prétendus efforts de la Grenouille pour inventer un nouveau moyen de se gratter qu'une irradiation désordonnée de l'exci- tation. L'acide acétique effectue une agression assez violente qui se prolonge tant que l'essuyage n'a pas eu lieu. Ce sont les conditions de ce que Pflüger lui-même, sous le nom de généralisation des réflexes, a décrit comme dernier stade (4e loi) des réponses aux excitations crois- sant en intensité et en durée. Cette généralisation ne s'accomplit pas dans un ordre quelconque ; les première et deuxième lois de Pflüger formulent qu'elle s'étend d'abord à la totalité du membre stimulé, puis au membre symétrique, ceci, bien entendu, en l'absence de toute mutilation du premier. Ainsi l'organisation même de l'appareil réflexe conduit donc à l'intervention de la seconde patte ; quand celle-ci s'est mise en mouvement, suivant la loi ordinaire, elle peut, par hasard, venir heurter la première, et de ce contact naîtront de nou- velles excitations capables de l'amener à l'acte attendu par l'expérimentateur. Pflüger, en effet, rapporte l'obser- vation suivante en la soulignant comme une preuve nou- velle du caractère conscient de la réaction ; quand la Gre-

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nouille décapitée et mutilée s'agite sans succès, on peut l'aider en approchant la patte intacte de la patte mu- tilée ; alors, dit-il, souvent le réflexe d'essuyage achève de s'accomplir.

Mais, d'une façon ou d'une autre, ce ne sont pas toutes les Grenouilles qui réussissent, dit Pflüger, et il trouve là encore un argument pour sa façon de voir, car « c'est bien ce qu'on pourrait attendre d'animaux doués de vo- lonté et obligés, par l'empêchement d'un mouvement habituel, d'en inventer un nouveau ».

Ce serait une paraphrase plaisante, mais à peine outrée, que de dire : la moelle épinière de la Grenouille est douée de volonté et de sentiment, à telle enseigne qu'on peut distinguer des moelles plus ou moins intelli- gentes.

On trouve assez souvent dans la littérature scienti-

fique les idées de Pflüger p r é s e n t s comme l'affirmation d'une âme médullaire. Je comprends qu'on ait pu s'y tromper, mais cette formule ne me paraît pas être de Pflüger ; non seulement dans tout l'ouvrage contenant cette recherche, il n 'a pas fait appel à l'âme comme explication des phénomènes physiologiques, mais, dans un autre chapitre, il a expressément considéré les expé- riences dont nous parlons comme une difficulté pour ce principe d'explication. « Je coupe, dit-il, à la partie supé- rieure de la région thoracique la moelle d'un jeune chat ; désormais nous avons deux moitiés de l 'animal qui sentent et qui veulent indépendamment l'une de l 'autre. Dirons-nous alors que ce chat a deux âmes ? »

Laissons ce mot âme dont nous avons dès le début

signalé l'impropriété pour un raisonnement scientifique. Laissons de côté aussi la série complémentaire des expé- riences après amputation qui sont douteuses en elles-

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MACHINE NERVEUSE

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