La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

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43 Évoquant la grande Guerre, François Furet écrivait ces phrases en 1995 : « Un adolescent d’aujourd’hui en Occident ne peut même plus concevoir les passions nationales qui portèrent les peuples européens à s’entre-tuer pendant quatre ans. […] Ni les souffrances subies ni les sentiments qui les rendirent acceptables ne lui sont compréhensibles ; ni ce qu’ils eurent de noble ni ce qu’ils comportèrent de passif ne parlent à son cœur ou son esprit comme un souvenir même transmis…La première guerre du XX e siècle […] reste un des événements les plus énigmatiques de l’histoire moderne 1 . » Qu’en est-il vingt années plus tard, au moment des commémorations du centenaire des débuts du conflit ? On continue à s’interroger. Les contemporains, soldats et civils, ont-ils consenti ? Ont-ils subi ? Ou les deux peut-être, à des moments différents ? Que signifie mourir pour la patrie au XXI e siècle ? Déprise contemporaine de la guerre pour nous qui avons le bonheur de vivre dans un monde en paix depuis près de 70 ans. « Le décalage est considérable entre le sens dont les hommes et les femmes du début du 1  FURET François, Le Passé d’ une illusion , Paris, Laffont/Calman-Lévy, 1995, p.36. Ah Dieu ! que la guerre est jolie Apollinaire La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire Christine Robein-Sato

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Évoquant la grande Guerre, François Furet écrivait ces phrases en 1995 :

« Un adolescent d’aujourd’hui en Occident ne peut même plus concevoir les

passions nationales qui portèrent les peuples européens à s’entre-tuer pendant

quatre ans. […] Ni les souffrances subies ni les sentiments qui les rendirent

acceptables ne lui sont compréhensibles ; ni ce qu’ils eurent de noble ni ce

qu’ils comportèrent de passif ne parlent à son cœur ou son esprit comme un

souvenir même transmis…La première guerre du XXe siècle […] reste un des

événements les plus énigmatiques de l’histoire moderne1. »

Qu’en est-il vingt années plus tard, au moment des commémorations

du centenaire des débuts du conf lit ? On continue à s’interroger. Les

contemporains, soldats et civils, ont-ils consenti ? Ont-ils subi ? Ou les deux

peut-être, à des moments différents ? Que signifie mourir pour la patrie au

XXIe siècle ? Déprise contemporaine de la guerre pour nous qui avons le

bonheur de vivre dans un monde en paix depuis près de 70 ans. « Le décalage

est considérable entre le sens dont les hommes et les femmes du début du

1 FURETFrançois,LePasséd’uneillusion,Paris,Laffont/Calman-Lévy,1995,p.36.

Ah Dieu ! que la guerre est jolie

Apollinaire

La Grande Guerre cent ans après…historiographie

et mémoire

Christine Robein-Sato

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siècle ont investi la guerre et son absence de signification qui nous frappe

aujourd’hui jusqu’à l’absurde2. » Peut-on encore comprendre la grandeur du

sacrifice consenti, accepter la cruauté de la guerre, les drames et les deuils

familiaux qu’elle a provoqués ? Comment les Européens ont-ils pu trouver un

sens à ce deuil de masse, à cette « déchirante expérience de la perte »3 ?

Même si son intérêt a fluctué et si un temps « la Seconde Guerre mondiale

a relégué la Première dans une marginalité relative, […] à aucun moment l’on

n’a pu avoir le sentiment que l’histoire de la guerre était achevée4 ». Un siècle

après, la Grande Guerre demeure toujours aussi énigmatique, tout en suscitant

un regain d’intérêt, de fascination ainsi que le réveil de la production littéraire,

cinématographique et documentaire. Les commémorations du centenaire des

débuts du conflit en cette année 2014 ne font que les stimuler et en augmenter

le nombre.

Quant à son historiographie, riche et sans cesse renouvellée et surtout

controversée, elle n’est plus, depuis plusieurs années déjà, uniquement celle

des faits militaires, politiques et diplomatiques, elle diversifie ses thématiques,

aborde davantage la société, la culture, les arts mais aussi la mémoire et le

deuil5. Elle est aussi une « histoire d’en bas ». Sous l’influence de la microstoria

2 AUDOIN-ROUZEAUStéphane,BECKERAnnette,14-18, retrouver laguerre ,Paris,Gallimard,2000,p.110.

3 WINTERJay,Entredeuil etmémoire.LaGrandeGuerredans l’histoire culturellede l’Europe,Paris,ArmandColin,2008,p.246 (l’œuvreoriginaleSitesofMemory,SitesofMourning .TheGreatWar inEuropeanCulturalHistory ,Cambridge,CambridgeUniversityPress,1995).

4 PROSTAntoine,WINTERJay,Penser laGrandeGuerre.Unessaid’historiographie ,Paris,Seuil,2004,p.9.

5 L’ouvragedeJayWinter,déjàcité,Entredeuiletmémoire.LaGrandeGuerredansl’histoireculturellede l’Europe ,écriten1995 (traduiten françaisen2008)estunbonexempledecettehistoriographie.Dès ledébutdeson livre, l’historienanglaisaborde laproblématiquedudeuiletdesesdiversespratiquessociales.

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ou de l’Alltagsgeschichte 6, on s’intéresse aux cas particuliers, aux témoignages

des « poilus », de leur vie, leurs souffrances dans les tranchées, des blessés,

des mutilés et des « Gueules cassées ». On se souvient et on réhabilite7 ceux

qui se sont mutinés et ceux que l’on a fusillés pour l’exemple8. On parle de la

souffrance intime et singulière, du « travail de deuil » des proches.

1.L’historiographie de la Grande Guerre et le concept de « culture de

guerre »

1-1 Les trois configurations de l’historiographie de la Grande Guerre

L’historiographie de la Grande Guerre est marquée par plusieurs phases ou

trois « configurations » repérées par Antoine Prost et Jay Winter9.

La première configuration est avant tout politique, militaire et diplomatique.

L’ouvrage de Pierre Renouvin La Crise européenne et la Grande Guerre (1914-

1918)10 serait la première synthèse de ce genre. La guerre est « vue d’en haut »,

c’est celle des hommes politiques, des généraux, et des diplomates. Les

combattants (les « poilus ») aussi bien que les civils sont absents.

6 Pourleshistoriens italiensde lamicrostoria , couranthistoriographiquedesannées1970-1980, l’historienessaied’entrerdans l’universdes individus. Il lespeint, évoqueuneatmosphère,dessentiments. Ils’agitd’unenarration, l’historienaccordeunegrandeimportanceàl’écrituredel’histoire.Ilparledesafaçond’analyseretproposeaulecteurdespointsdevuepossiblessurunmondeappartenantaupassé.DanslesmêmesannéessedéveloppeenAllemagnel’Alltagsgeschichte(«histoireduquotidien»)quireposesurlesmêmesprincipesépistémologiques.

7 Le5novembre1998,LionelJospin,danssonallocutionpourl’inaugurationdumonumentaux fusillésduChemindesDames,plaidepour laréintégrationdeces fusillésdans lamémoirecollectivede laguerre (OFFENSTADTNicolas,LesFusillésde laGrandeGuerreetlamémoirecollective(1914-1999), Paris,OdileJacob,1999).

8 OdetteHardy-Hémeryretracedansson livreFusillévivant , lasingulièrehistoiredeFrançoisWaterlot,un«fusillépourl’exempleetsurvivant».

9 PROSTAntoine,WINTERJay,PenserlaGrandeGuerre,op.cit.pp.15-50.10 Celivre,letomeXIXdelasérie«Peupleetcivilisations»dirigéeparLouisHalphen

etPhilippeSagnacaimposéPierreRenouvinquialuimêmecombattuetquifutmutilé,ilperditunbras.L’auteurn’abordequetrèslégèrementlesaspectséconomiquesetsociauxduconflit, enparticulier lesgrèvesde1917et lesmutineries.Publiéen1934, il aétérééditéen1939,1948,1962et1969.

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La deuxième configuration est sociale. En 1959, trois anciens combattants,

normaliens de la rue d’Ulm, André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel

Perreux publient Vie et mort des Français 1914-191811,« une histoire par en

bas », « une histoire des hommes en guerre » selon l’expression de Maurice

Genevoix qui préface le livre. On s’attache cette fois à des témoignages

d’anciens combattants. Mais il faut attendre les années 1970 en France pour

que les historiens retrouvent de l’intérêt pour la Grande Guerre. En 1977, Jean-

Jacques Becker publie 1914. Comment les Français sont entrés dans la guerre12

et Antoine Prost Les Anciens combattants et la société française, 1919-193913.

L’histoire du conflit est devenue sociale. Jean-Jacques Becker s’intéresse à

l’opinion publique. Remettant en cause le mythe des Français qui partent à la

guerre « la fleur au fusil », l’historien explique comment de la stupeur initiale,

on en arrive à la résolution de défendre la patrie envahie, le sol et la famille en

pensant que la guerre sera courte. La thèse d’Antoine Prost s’attache à l’après-

guerre et à la sociabilité des anciens combattants. Pour l’auteur, ils sont plutôt

partisans d’un « patriotisme pacifique » qui assume l’héritage du conflit en

s’opposant à des guerres futures. Ils ne prônent pas un « pacifisme intégral »

qui ôterait tout sens à leur sacrifice. Ces deux ouvrages pionniers ont ouvert de

nombreuses et nouvelles pistes de recherche.

La troisième configuration, annoncée par la seconde, est culturelle tout en

restant sociale. Il n’y a donc pas de véritable rupture. Deux grands colloques

illustrent cette transition. Le premier Les sociétés européennes et la guerre

11 Paris,Hachette,1959.12 BECKERJean-Jacques,Comment lesFrançais sont entrésdans laguerre ,Paris,

PressesdelaFondationnationaledessciencespolitiques,1977.13 PROSTAntoine,LesAncienscombattantset lasociété française ,3volumes,Paris,

PressesdelaFondationnationaledessciencespolitiques,1977.

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de 1914-1918 est organisé par Jean-Jacques Becker et Stéphane Audoin-

Rouzeau et tenu en 1988 à Nanterre. Quelques années plus tard, on passe des

« sociétés européennes » aux « cultures ». En 1994 Jean-Jacques Becker et

d’autres historiens organisent un colloque intitulé Guerre et cultures. « C’est

donc vers les représentations, les sentiments, les émotions des hommes et des

femmes pendant la guerre que se tournent les historiens. L’histoire culturelle

est une histoire de l’intime. Au sein de l’expérience la plus forte qui soit d’une

collectivité nationale. C’est une histoire des pratiques signifiantes : elle étudie

comment les hommes et les femmes ont conféré un sens au monde dans lequel

ils vivaient. D’où l’importance du deuil14, de la brutalisation des sociétés15, de

la violence de guerre…16.» Un nouveau concept, celui de « culture de guerre »,

se développe au sein du courant d’histoire culturelle de la Grande Guerre.

1-2 Le concept de « culture de guerre » et l’Historial de Péronne

Ce concept-clé est associé à l’Historial de la Grand Guerre de Péronne17.

Le choix s’est porté sur ce lieu parce que l’armée allemande y avait installé

son état-major durant la bataille de la Somme. Créé en 1989, c’est d’abord

un centre de recherches international. Un musée est inauguré en 1992. Il

devient également un centre de documentation, d’expositions permanentes et

temporaires, d’action culturelle et de sensibilisation à l’histoire culturelle de

la Grande Guerre18. Le terme « Historial » est un néologisme qui marque la

14 WINTERJay,Entredeuiletmémoire ,op.cit. ,AUDOIN-ROUZEAUStéphane,Cinqdeuilsdeguerre,Paris,Noêsis,2001.

15 MOSSEGeorgeL.,DelaGrandeGuerreautotalitarisme.Labrutalisationdessociétéseuropéennes,Paris,Hachette,1990(FallenSoldiers:ReshapingtheMemoryoftheWorldWars,NewYork,OxfordUniversityPress).

16 PROSTAntoine,WINTERJay,Penserlaguerre,op.cit. ,p.47.17 Voirlesite:http://www.historial.org/18 LeprésidentenestJean-JacquesBecker.StéphaneAudoin-RouzeauetAnnetteBecker

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volonté d’histoire plus que de mémoire.

Selon Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker qui ont forgé le concept,

la culture de guerre est définie comme « un corpus de représentations du

conflit cristallisé en un véritable système donnant à la guerre sa signification

profonde ». Cette culture est « indissociable d’une spectaculaire prégnance

de la haine à l’égard de l’adversaire. Une haine certes différenciée selon les

ennemis auxquels on fait face, mais qui n’envahit pas moins tout le champ des

représentations19 ».

D’autre part, les mêmes historiens pensent que « l’étude de la culture de

guerre impose une double chronologie : d’une part elle exige de séparer les

années d’affrontement de celles qui leur ont succédé, en gardant à l’esprit

cette idée essentielle que la guerre fut largement refusée après le conflit –

voire avant –, mais non pendant, sinon de manière relativement marginale.

D’autre part pour comprendre la guerre elle-même, il convient de mettre au

jour les inflexions dans l’évolution des représentations à l’intérieur du conflit

lui-même. Mais en tout état de cause, la maîtrise de cette double chronologie

impose de se placer dans l’« œil » du premier conflit mondial, et non pas à

distance20. »

Des historiens ont trouvé des limites au concept. Ainsi Jay Winter envisage-

t-il plutôt « des cultures de guerre ». L’usage du concept au singulier est

trop englobant. Il serait plus opératoire de distinguer les représentations des

ensontlesco-directeurs.DeschercheursétrangerscommeGerdKrumeichetJayWintersontmembresdubureau.

19 AUDOIN-ROUZEAUStéphane,BECKERAnnette,14-18.Retrouver laguerre ,op.cit, p.122.

20 AUDOIN-ROUZEAUStéphane,BECKERAnnette, «Violenceetconsentementdupremierconflitmondial»dansRIOUXJean-Pierre,SIRINELLIJean-François,Pourunehistoireculturelle ,Paris,Seuil,pp.252-253.

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combattants et de ceux de l’arrière, des classes populaires et des intellectuels,

les spécificités régionales et nationales, les différentes années du conflit, etc.

Ce corpus de représentations n’est pas nécessairement partagé, le consentement

est à nuancer. Le même historien prône une « histoire culturelle comparative

de la Grande Guerre » mais aussi une « histoire culturelle collective ». « Nous

sommes ici dans une dimension de l’histoire où les frontières nationales sont

moins étanches qu’ailleurs. Rassembler les diverses cultures dans le sillage de

cette catastrophe humaine permet de réduire l’importance accordée aux menus

faits de la victoire et de la défaite21. »

1-3 Une notion complexe à nuancer

Des controverses et critiques ont été émises par plusieurs historiens,

en particulier par des membres du CRID 14-18 (Collectif de recherche

international et de débat sur la guerre de 1914-1918) sur lequel nous allons

revenir. Ainsi André Loez et Nicolas Offenstadt soulignent-ils qu’une culture

se construit, se transforme, se transmet sur la longue durée. Comment peut-

elle apparaître en un temps si bref et de manière aussi spontanée en rapport

à un événement, même s’il s’agit d’un événement majeur comme la Première

Guerre mondiale ?22

Rémy Cazals et Frédér ic Rousseau s’appuient davantage sur les

témoignages des combattants en évoquant la vie concrète dans les tranchées.

C’est davantage l’histoire des hommes du peuple, unis par un sentiment

d’appartenance, un esprit de corps, qui souffrent, ont peur de la mort, qui

21 WINTERJay,Entredeuiletmémoire,op.cit. ,p.248.22 LOEZAndré,avec lacollaborationdeOFFENSTADTNicolas,Petit répertoiredes

conceptsdelaGrandeGuerre,CRID14-18,décembre2005.

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s’opposent parfois à leurs supérieurs militaires ou aux décideurs politiques. La

culture de guerre est trop mise en avant et occulte la « culture de paix ». Les

fraternisations, médiatisées par le film « Joyeux Noël »23, ont existé dès 1914,

même s’il ne faut pas généraliser le phénomène24.

La complexité de la notion de « culture de guerre » a donc suscité et

continue de susciter de nombreux débats et controverses. Deux concepts

qui lui sont liés ont plus particulièrement retenu notre attention pour nous y

arrêter. Il s’agit de la « brutalisation » et du « consentement ».

2.Débats et controverses sur la « brutalisation » et le « consentement »

2-1 La « brutalisation » : un concept trop simplificateur ?

L’historien George L. Mosse est le premier à employer dans son livre

Fallen soldiers : reshaping the memory of world wars (1990) le terme de

« brutalization » qui a été aussi traduit par l’« ensauvagement ». Les hommes,

aussi bien les combattants que les civils confrontés à la violence sont devenus

plus brutaux. Cette violence a dépassé un seuil pendant la Grande Guerre :

puissance du feu, nombre de morts sur le front, gravité des blessures, extension

des champs de bataille, durée du conflit, atrocités commises à l’encontre

des civils, etc. Il faut remarquer toutefois que ce concept s’applique au cas

allemand. George Mosse émet l’idée que l’extrême violence expérimentée

durant le conf lit aurait eu des répercussions sur la société allemande de

l’après-guerre, qu’elle aurait fait naître la violence politique et sociale et serait

23 Lefilm«JoyeuxNoël»misenscèneen2005parChristianCarion,évoqueunexempledetrêvedupremierNoëldelaguerre,celuide1914.Dessoldatsallemands,françaisetécossaisfêtentNoëlensemble.L’événementauraiteuvraimentlieu,nonloindeLille.

24 CAZALSRémy,ROUSSEAUFrédéric,14-18, le crid’unegénération ,Privat, 2001,ROUSSEAUFrédéric,LaGrandeGuerreentantqu’expériencessociales ,Paris,Ellipses,2006.

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à l’origine du succès du nazisme.

Pour Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker pour qui le concept

devient la clé d’interprétation du conflit, « la notion résume en quelque sorte

le processus de totalisation guerrière propre au premier conflit mondial25 ». La

brutalisation des sociétés débouche sur la genèse d’une véritable « culture de

guerre ».

On aura remarqué que la traduction du titre est éloignée de l’original : De

la Grande guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes

(1999)26. Les combattants « rendus brutaux » non seulement victimes, mais

devenus aussi tueurs, auraient massivement exercé la violence, auraient été

incapables de s’en déprendre et l’auraient occultée en « aseptisant » leurs récits

des combats.

Ce concept considéré comme trop simplificateur a été critiqué. Antoine

Prost analyse les limites de cette brutalisation, en particulier la brutalisation

des individus qui est venue s’ajouter à celle des sociétés. Elles seraient liées

à certains facteurs : « la nature industrielle et mécanique de la guerre, la

proximité culturelle entre adversaires, l’absence d’idéologie déshumanisant de

façon radicale l’ennemi et l’attitude du commandement »27. Pour lui, la guerre

n’a pas changé les hommes en profondeur. Les anciens combattants qu’il a

longuement étudiés « ont conservé le sentiment d’avoir traversé une épreuve

qu’ils ne souhaitent à personne, surtout pas à leurs enfants, et celui de n’avoir

25 AUDOIN-ROUZEAUStéphane,BECKERAnnette,14-18.Retrouver laguerre,op.cit .,p.49.

26 AntoineProstremarquequela«brutalisation»n’occupequ’unchapitredanslelivredeGeorgeMosse,qu’elleprenddel’importancedansl’après-guerre.«Lesous-titredelatraduction française,dixansplustard, labrutalisationdessociétéseuropéennes,attestedudéplacementdesproblématiques.»(«Leslimitesdelabrutalisation.Tuersurlefrontoccidental,1914-1918»dansVingtièmesiècle.Revued’histoire,janvier2004.No81,p.5.

27 Ibid. ,p.19.

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pas perdu l’estime d’eux-mêmes, ce qui n’était déjà pas si simple28 ».

Autre sujet de débat : cette guerre si longue et meurtrière a-t-elle été

consentie ou subie ? Les millions de combattants ont-il pleinement adhéré

au conflit ou ont-ils participé aux combats contraints et forcés ? Comment

les combattants ont-ils réussi à « tenir » dans des conditions si effroyables

et aussi longtemps ? Ce « sentiment d’obligation, d’évidence du sacrifice »29

paraît incompréhensible de nos jours.

2-2 « Consentement » ou « contrainte » ? : le CRID 14-18

Deux thèses s’affrontent. Pour les historiens de l’Historial de Péronne ou

pour ceux qui s’en approchent, les soldats auraient plutôt largement consenti à

l’effort de guerre qui s’explique par la culture de guerre et cela pour toutes les

nationalités. L’attachement à la patrie, le volontariat, l’échec des mutineries30,

l’hostilité voire la haine à l’égard de l’ennemi qui s’observe également à l’arrière

dans une culture de guerre partagée seraient à l’origine d’un consentement

presque général.

Une quinzaine d’années après la création de l’Historial de Péronne, a été

fondé le CRID 14-18 qui se réunit dans le village picard de Craonne31. Il se

présente comme une « association de chercheurs qui vise au progrès et à la

28 Ibid.,p.20.29 AUDOIN-ROUZEAUStéphane,BECKERAnnette,14-18.Retrouver laguerre,op.cit.,

p.22.30 EnFranceparexemple,ilyauraiteu40000mutinsenvironsurunearméededeux

millionsd’hommes.Lesmutineriesseseraientdéfaitesavantquelarépressions’organise.Elless’expliqueraientparunrefusd’obéiràun«mauvaischef»plutôtquedeceluidecombattre.Maiscontrairementà l’opinionrépandue, les fusilléspour l’exempleauraientété plus nombreux en 1914-1915 (HARDY-HEMERYOdette,Fusillé vivant , Paris,Gallimard,2012,p.11).

31 CraonneestconnupourLachansondeCraonne.Chantcontestataire,ilaétéentonnéaumomentdelamutinerieduChemindesDamesen1917.

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diffusion des connaissances sur la Première Guerre mondiale ». Le CRID 14-

1832 est aussi le cadre de débats, de colloques et d’échanges, d’enquêtes et de

publications.

Pour les historiens du CRID, les combattants auraient été plutôt contraints

et résignés, n’auraient pas eu le choix. Pris dans un « réseau de contraintes33 »,

une justice et une répression impitoyables, la pression de l’ar r ière,

l’intériorisation des rôles sexuels : les hommes se battent pour défendre et

protéger leur femme et leur famille, une culture de l’obéissance : obéissance à

l’instituteur, au curé, au patron qui se transforme en obéissance à l’officier .

2-3 Le concept d’« habitus national »

On peut l’étendre aussi à une obéissance à l’État, à une idée de devoir à son

égard. L’historien Gérard Noiriel a mis en évidence le concept d’« habitus

national » créé par Norbert Elias34. Il concerne tous les membres d’un État-

nation. On peut le définir comme « l’ensemble des dispositions, des réflexes,

des habitudes, qui sont ancrés en nous et qui gouvernent nos conduites sans

que nous en ayons toujours conscience35». Les contraintes, les interdits sont

aussi de plus en plus intériorisés. Au XIXe siècle, celui du triomphe de l’État-

nation, les individus deviennent citoyens, participent à la vie de l’État. Même

32 LeCRID(Collectifderechercheinternationaletdedébatsurlaguerrede1914-1918)estnéofficiellementle12novembre2005,souslaformed’uneassociationdetypeloi1901.«Lesprincipesqu’ilmetenœuvresontceuxdelarecherchescientifique,l’utilisationetlacritiquedetouslesdocumentsdisponiblessansaucunapriori,laconfrontationrigoureusedes travauxdéjàpubliés, la constructiondesobjetshistoriquesens’appuyant sur lesacquisdessciencessociales.»VoirlesiteduCRID14-18:http://crid1418.org/

33 ROUSSEAUFrédéric,LaGuerrecensurée.Unehistoiredescombatantseuropéensde14-18,Paris,Seuil,2003.

34 NOIRIELGérard,«Unconceptopératoire : l’habitusnationaldans lasociologiedeNorbertElias»dansPenseravec,pensercontre. Itinéraired’unhistorien ,Paris,Belin,2003,pp.171-188.

35 Ibid. ,p.183.

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s’ils appartiennent à des classes différentes, ils sont protégés par l’État.

Cette protection est à l’origine d’intérêts communs et l’intégration de plus en

plus importante des individus au sein de leur État fait naître des caractères

nationaux. Dans les périodes de crise grave, quand un autre État national

devient une menace, qu’une guerre est sur le point d’éclater, un contexte de

discours xénophobe et nationaliste réactive l’« habitus national » et mobilise

les membres de l’État36. Intégrés dans cet État et protégés par lui, devenus

« citoyens-soldats », ils doivent contribuer à sa défense et à celle de ses

autres membres. Pour l’historien Christophe Charle, ce concept a le mérite

de lier le culturel et le social. La mobilisation a pour but la défense d’un

« espace de repères sociaux » qui s’oppose au « stéréotype social national de

l’ennemi ». L’habitus national français qui a été renforcé par l’idée d’ascension

sociale et d’égalitarisme a réconcilié les différentes classes sociales autour

d’une « loyauté nationale »37. Le concept doit sans doute être davantage

approfondi et discuté. Mais il pourrait s’avérer efficace pour comprendre ces

divers phénomènes d’« union sacrée », de mobilisation, d’engagement, de

consentement ou de résignation.

2-4 « Evidence collective » et « tenacité » ?

Pour en revenir aux orientations du CRID 14-18, certains de ses membres

comme André Loez et Nicolas Offenstadt, n’acceptent pas l’alternative

« consentement » / « contrainte », refusent les explications simplistes. Pour

André Loez, la guerre est une « évidence collective », qui s’impose à tous.

36 Ibid. ,pp.182-186.37 CHARLEChristophe,Lacrisedessociétés impériales.Allemagne,France,Grande-

Bretagne,1900-1940.Essaid’histoiresocialecomparée,Paris,Seuil,2001.

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Les individus n’ont pas le choix, ils doivent s’adapter. Ce « fait national » est

« de part en part un fait social, irréductible à la psychologie et à la culture

ou au patriotisme des seuls individus 38». On s’approche davantage d’une

« histoire sociale renouvelée ». Les deux historiens pensent qu’on pourrait

parler plutôt de « tenacité » et de « continuation de la guerre » qui peuvent

être acceptées, célèbrées mais aussi subies dans la résignation. Des recherches

« empiriques » et plus approfondies, moins rigides quant à l’interprétation du

« consentement » s’avèrent nécessaires.

Ne vaudrait-il pas mieux envisager divers facteurs : les lieux, les

temporalités de la guerre, les origines sociales, géographiques, culturelles,

religieuses, les pratiques individuelles et collectives (correspondance avec

la famille, les amis, la sexualité, l’alcool, etc) ? D’où l’importance des

témoignages.

3. « L’histoire par le bas » : Les témoignages et leur utilisation

3-1 Témoignages et littérature

Les témoignages sont des sources produites directement par les acteurs d’un

événement. Elles peuvent être des lettres, des journaux, des carnets ou des

souvenirs. Comment l’historien peut-il utiliser les témoignages ? Ne sont-ils

pas aussi parfois des reconstructions du passé39 ? Le témoin peut-il ou veut-il

38 LOEZAndré,Lesrefusdelaguerre.Unehistoiredesmutins ,Paris,Gallimard,2010,p.43.

39 L’historienNicolasBeaupréécrit :«Lerécit,quiparnatureestunereconstructionaposteriori , nepermetpasd’accéder immédiatement auprésent de l’expérience, àl’appréciationduquotidien aumoment où celui-ci sedéroule...Celane signifiebienentendupasquel’historiendoits’interdired’utiliserdetellessources,maisildoitalorslefaireentouteconnaissancedecauseetsurtoutenveillantàtoujoursmesureretprendreencompteladistanceséparantletempsdurécitetceluiquiestraconté.»(«Laguerrecommeexpériencedu tempset le tempscommeexpériencedeguerre.Hypothèsespourunehistoiredurapportautempsdessoldatsfrançaisde laGrandeGuerre»dansVingtièmeSiècle.Revued’histoire,No117,janvier-mars2013,p.171).

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tout dire ?

La littérature, théâtre, romans ou poèmes, a pu également transposer

certains témoignages. Traces soupçonnées de subjectivité, sont-elles

« fiables » ? Comment sont elles interprétées ? Les écrits d’Apollinaire par

exemple, personnage complexe, qui s’est engagé volontairement et qui a été

blessé à la tête en 1916, peuvent-ils êtres lus littéralement ? « Ah Dieu ! Que

la guerre est jolie », oxymore qui a pu faire scandale est l’un des vers le plus

incompris d’Apollinaire. Il a détesté la guerre mais l’a aimée aussi. Selon

l’historienne Annette Becker, auteure d’une « biographie de guerre » du poète ,

« s’engager en 1914 voulait dire lutter pour la paix, dans le messianisme

de la guerre, de l’universalisme français contre le fanatisme militariste des

Allemands. Ne pas s’engager était perçu comme une désertion40. »

La mise en forme littéraire n’approche-t-elle pas aussi une certaine vérité ?

Les romans, parfois inspirés d’expériences du front, en sont peut-être un

exemple41. Dès 1916, Henri Barbusse publie d’abord sous forme de feuilleton

puis comme ouvrage Le Feu. Journal d’une escouade. En 1919, Léon Werth

publie Clavel soldat , Roland Dorgelès Les croix de bois . En 1929 paraît À

l’Ouest, rien de nouveau de l’auteur allemand Erich Maria Remarque. Dans les

années 1920-1930, sont édités également des textes écrits par des intellectuels

et des bourgeois qui ont combattu. Les cinq volumes de Ceux de 14 rédigés

par Maurice Genevoix sont publiés entre 1916 et 1923. Tous ces textes, même

les plus construits donnent des informations utiles et attestées et vont parfois

40 BECKERAnnette,Apollinaire.Biographiedeguerre,Paris,Tallandier,2009,p.197.41 « La littérature de fiction, dans lamesure où elle entretient un rapport de

comtemporanéité avec les faits qu’elle reconstruit, peut également,malgré tous lesproblèmesqu’ellepose,servirdesourcedévoilantlesspécificitésdela«crisedutemps»liéeàlaGrandeGuerre;etced’autantpluslorsqu’ilestpossibled’étudierlaréceptiondecettelittératurependantleconflit»écritNicolasBeaupré(op.cit. ,p.172).

Page 15: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-57-

au-delà du témoignage42. Les Journaux de guerre d’Ernst Jünger43 ne sont pas

qu’un témoignage, qu’une chronique quotidienne des combats. Pour l’auteur,

« la guerre telle qu’il l’a vécue ne constitue qu’une modalité particulière de la

guerre éternelle ». Il découvre sur le front l’« essence de la guerre » : « l’homme

s’y révèle tel qu’il est, dans la puissance de ses instincts destructeurs,

illusoirement masqués par un vernis de civilisation bourgeoise44. »

Dès l’après-guer re, cer tains combat tants étaient conscients de la

problèmatique de la valeur des témoignages. Les débats ont été ravivés par la

publication en 1929 d’un ouvrage singulier, celui d’un Français, professeur

de lettres dans un collège américain, Jean Norton Cru. Dans son ouvrage

Témoins 45, il analyse plus de trois cents récits, romans et écrits de combattants

édités en français de 1915 à 1928. Il classifie les auteurs en « bons » et

« mauvais » témoins en fonction de sa propre expérience. Les œuvres à succès

de Dorgelès et de Barbusse sont ainsi classées comme « médiocres » par

rapport à la véracité du vécu des combattants. Le livre a été mal accueilli au

moment de sa parution aussi bien par les romanciers que par les historiens qui

se méfient des témoignages. Mais cette œuvre importante interroge sur leur

vérité, sur la transmission des diverses expériences du front et met en avant

l’opposition littérature/histoire. Elle montre l’importance d’un travail critique

sur l’utilisation des témoignages comme sources. Il existe actuellement un

42 LarevueLire (No423,mars2014)aconsacréunnumérosur le thème«14-18.Lesécrivainset laguerre».AntoineCompagnonmontrequecette littératureaposépour lapremièrefoislaquestionquiseraànouveaud’actualitéaprèslaSecondeGuerremondialeetenparticulieraprèsAuschwitz:«Commenttémoignerdel’horreuretdel’inhumain?»

43 Ces journaux (Journauxde guerre I 1914-1918 ) ont été traduits et publiés chezGallimard,danslacollectionLaPléiadeen2008.

44 Ibid,voirl’introductionrédigéeparJulienHervier,p.XXVII.45 CRUJeanNorton,Témoins.Essaid’analyseetdecritiquedessouvenirsdecombattants

édités en français de 1915 à 1928 ,Paris,LesEtincelles, 1929 (rééd.Nancy,PressesuniversitairesdeNancy,1993).

Page 16: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-58-

dictionnaire en ligne des témoignages de 1914-1918, créé par le CRID 14-1846

qui prolonge et réhabilite d’une certaine manière les efforts de Jean Norton

Cru.

3-2 « Histoire du vécu » et « récits de vie »

La découverte en 1978 des carnets du tonnelier Louis Barthas47 par Rémi

Cazals et leur publication chez Maspéro s’inscrit dans ce souci relativement

récent d’une « histoire du vécu », d’un engouement pour les « récits de vie ».

Louis Barthas décrit tous les aspects du quotidien des combattants. Socialiste

et antimilitariste, il critique parfois des officiers incompétents. Comme il

a revu ses carnets après la guerre, et même si les retouches ne sont pas si

importantes, semble-t-il, son témoignage a été contesté et considéré par

certains comme une « reconstruction pacifique de l’entre-deux-guerres »48.

« Souvent je pense à mes très nombreux camarades tombés à mes côtés. J'ai

entendu leurs imprécations contre la guerre et ses auteurs, la révolte de tout

leur être contre leur funeste sort, contre leur assassinat. Et moi, survivant, je

crois être inspiré par leur volonté en luttant sans trêve ni merci jusqu'à mon

dernier souffle pour l'idée de paix et de fraternité humaine49 » écrit-il.

En 1998, Radio France lance une collecte de correspondances des « poilus ».

Huit mille personnes ont répondu à l’appel en proposant des lettres conservées

ou retrouvées par les familles. L’ouvrage Paroles de Poilus. Lettres et carnets

du front 1914-1918 est publié à plus de 300 000 exemplaires chez Librio.

46 www.crid1418.org/temoins/«Dictionnaireenlignedestémoignagesdelaguerre1914-1918»

47 LesCarnetsdeguerredeLouisBarthas, tonnelier,1914-1918,Paris,LaDécouverte,1987.

48 PROSTAntoine,WINTERJay,op.cit .p.134.49 LesCarnetsdeguerredeLouisBarthas,op.cit .p.552.

Page 17: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-59-

Il donne un accès direct au conflit par ceux qui l’on vécu. Classé selon les

saisons, c’est un document « brut » qui n’est pas analysé par les historiens.

Mais il manifeste ce souci de connaître aussi l’« histoire par le bas », celle des

acteurs de cet événement, ouvriers, paysans, bourgeois qui doivent quitter leur

foyer, leur lieu de travail pour rejoindre le front.

D’après Antoine Prost50, ce retour au témoignage subjectif a suscité de

nouvelles thématiques, de nouvelles pistes de recherche qui s’approchent

de la psychologie sociale. Les chercheurs s’intéressent davantage au vécu

plus personnel des combattants mais aussi de leurs proches. La microstoria

a familiarisé les historiens avec « la singularité des destins individuels ».

Que ressentaient les soldats, qu’éprouvaient-ils dans les tranchées durant les

combats ? Comment intégraient-ils après le conflit leur expérience de la guerre

en tant que survivants, blessés ou mutilés ? Comment, dans ce contexte de

mort de masse, celles ou ceux qui avaient perdu un fils, un mari, un fiancé, un

frère ou un ami pouvaient-ils surmonter la perte et l’absence de cet être cher ?

4. Les traumatismes de la guerre

4-1 Les traumatismes physiques : les « Gueules cassées » et les

grands mutilés

On estime que la Grande Guerre a blessé 20 millions de personnes au total,

dont 3,4 millions de Français environ. Certains sont très gravement atteints

par l’artillerie. Il y aurait eu autour de 100 000 grands invalides (mutilés,

gazés, aveugles, défigurés) en France. Parmi eux, on compte 10 000 à 15 000

combattants défigurés qu’on a surnommés les « Gueules cassées » et qui font

50 PROSTAntoine,WINTERJay,op.cit .,pp.134-136.

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partie intégrante du paysage d’après-guerre. Leur détresse morale et physique

est peu exprimée. Il est donc difficile pour les historiens de la saisir51. Ayant

perdu une part de leur identité, ils ont à affronter le regard des autres. Leur

réinsertion sociale et professionnelle est difficile et ils subissent en plus des

difficultés matérielles. En 1921 est fondée l’Union des blessés de la face,

première association spécialisée en fonction de la nature de la blessure. Il

leur faut attendre 1925 pour que soient reconnus le préjudice spécifique à la

défiguration et le droit de réparation. En 1927, est inauguré dans le château de

Moussy-le-Vieux, en Seine-et-Marne, un lieu pour les accueillir. Selon Sophie

Delaporte, ce projet signifait d’une certaine façon le renoncement à affronter

le regard des autres et une forme de marginalité sociale.

Les « Gueules cassées » ont inspiré des artistes contemporains comme

le peintre allemand Otto Dix (Kriegsverletzter, 1922) et plus récemment le

romancier Marc Dugain. Dans son roman La chambre des officiers , écrit en

199852, le décor est celui d’un hôpital où sont soignés ces blessés. Tous les

miroirs y ont été retirés.

Les témoignages sur l’expérience de blessures personnelles ou de celles de

camarades sont innombrables. Ernst Jünger écrit dans son journal : « J’avais

pour voisin de lit un adjudant qui avait perdu la jambe et luttait contre des

complications gangréneuses. Des accès de fièvre, désordonnés, alternaient

avec des grelottements glacés, et la courbe de température faisait des bonds

comme un cheval emballé. Les docteurs cherchaient à maintenir la vie au

51 IlfautlireàcesujetlelivredeSophieDelaporte,historienneetcofondatricedugrouped’études«Guerreetmédecine»,Gueulescassées.Lesblessésde la facede laGrandeGuerre,Paris,Noêsis,2001(1èreéd.1996)ainsiquesonarticle«Lecorpsetlaparoledesmutilésde laGrandeGuerredansGuerresmondialesetconflitscontemporains , janvier2002,No205,p.5(wwwcairn.info.revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains,2002).

52 En2001,FrançoisDupeyronadapteleromanàl’écran.

Page 19: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-61-

moyen de champagne et de camphre53. » Impuissance des médecins. Mais

de nouveaux types de blessures vont toutefois faire évoluer les savoir-faire

médicaux comme l’anesthésie, la radiologie et l’antisepsie.

Un grand nombre de combattants sont blessés à plusieurs reprises et

retournent donc au front après leur guérison. L’écrivain allemand l’évoque

même avec humour. « Pour chasser l’ennui du séjour au lit, on cherche à se

distraire comme on peut ; c’est ainsi qu’un jour, je tuai le temps en faisant

le compte total de mes blessures. Je constatai qu’abstraction faite de bobos,

comme les contusions et les estafilades, j’avais attrapé au total un minimum

de quatorze blessures, soit cinq balles de fusil, deux éclats d’obus, une balle de

shrapnel, quatre éclats de grenade et deux éclats de balle de fusil, qui m’avaient

laissé, compte tenu des trous d’entrée et de sortie, une somme exacte de vingt

cicatrices54. » Certains combattants espèrent aussi la « bonne blessure », pas

trop grave, ni trop invalidante qui leur permettrait un séjour à l’hôpital et une

convalescence à la maison.

4-2 Les traumatismes psychologiques : « shell-shok » ou « choc de

l’obus »

Traumatismes physiques, mais aussi psychologiques. Les différentes formes

d’affections psychiques sont actuellement un chantier très actif de la recherche

historique. Les chercheurs anglo-saxons ont choisi l’expression de « shell-

schok », le « choc de l’obus ». Plus près de nous, dans les années 1980, la

médecine américaine a accepté de considérer comme une maladie les « post-

traumatic-stress-disorders » des anciens combattants de la guerre du Vietnam.

53 JUNGERErnst,Journauxdeguerre,1914-1918,Paris,Gallimard,2008,p.104.54 Ibid.p.261.

Page 20: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-62-

Durant la Grande Guerre, les diagnostics des médecins restent souvent

hésitants ou incertains face à des patients bégayants, hébétés, tremblants,

tétanisés ou même amnésiques. Les psychiatres considèrent que certains

d’entre eux sont des simulateurs ou des esprits faibles et ils sont renvoyés

au front. Ils subissent divers traitements : injections de sédatifs, hypnose,

hydrothérapie ou électro-chocs. Dès 1915, Freud dans ses Considérations

actuelles sur la guerre et sur la mort 55 montre que la guerre « moderne » peut

provoquer des situations particulièrement traumatisantes. Mais son approche

psychanalytique n’est alors ni reconnue ni prise en compte.

Dans son livre Le soldat inconnu vivant , Jean-Yves Le Naour évoque la vie

d’un ancien combattant devenu amnésique. Anthelme Mangin, comme on l’a

nommé, a perdu la raison et son identité. Interné dans un hôpital psychiatrique,

il est reconnu comme père, fils ou frère par de nombreuses familles. Cette

histoire singulière révèle la souffrance des familles qui n’ont pu faire le deuil

de leur proche disparu56.

5. Les deuils de guerre

5-1 Une « sortie de guerre » longue et endeuillée

Le conflit qui dure finalement quatre années laisse l’Europe exsangue. Il

a coûté la vie à 10 millions de personnes environ dont 1,4 millions pour la

France, 2 millions pour l’Allemagne. Des centaines de milliers de veuves, de

55 FREUDSigmund, «Considérations actuelles sur la guerre et lamort » dansAnthropologiede laguerre ,Paris,Fayard,2010,pp.253-313.Voici ledébutdu texte :«Emportésparletourbillondecettepériodeguerrière,informésdemanièreunilatérale,sansdistancefaceauxgrandestransformationsquisesontdéjàaccomplies,etincapablesd’avoirventdel’avenirentraindeprendreforme,noussommesnous-mêmesenproieàlaconfusionquantàlasignificationdesimpressionsquisebousculentennousetquantàlavaleurdesjugementsquenousformons.»(p.255)

56 LENAOURJean-Yves,Lesoldat inconnuvivant,Paris,Hachette,2002.JeanAnouilhs’estinspirédecefaitdiverspourécriresonVoyageursansbagageen1937.

Page 21: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-63-

nombreux orphelins. La France crée un statut spécifique, celui de « pupilles

de la nation », pour ses orphelins. Il y en aura 1,1 million. Dans l’après-guerre

se développent des rituels officiels de deuil et de commémorations : érection

de monuments aux morts dans les communes françaises, pélerinages sur les

tombes, sépulture symbolique comme la tombe du Soldat inconnu sous l’Arc

de triomphe pour les 250 000 combattants n’ayant pu être retrouvés, identifiés

ou enterrés.

D’autre part, si la guerre prend fin à une date symbolique, le 11 novembre

1918 à 11 heures, la situation est plus complexe. La démobilisation et la

« sortie de guerre » sont longues et chaotiques. En France, 5 millions d’hommes

rentrent chez eux de façon échelonnée, de l’armistice jusqu’en mars 192157.

Les artistes et intellectuels expriment leur désespoir et leur angoisse aussi

bien à travers la peinture, le cinéma ou la littérature. En 1919, Valéry écrit :

« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes

mortelles58. » Et un peu plus loin : « Il y a l’illusion perdue d’une culture

européenne et la démonstration de l’impuissance de la connaissance à sauver

quoi que ce soit ; il y a la science, atteinte mortellement dans ses ambitions

morales, et comme déshonorée par la cruauté de ses applications59. » D’autres

évoquent une angoisse personnelle et existentielle, leur expérience de la mort,

d’une mort virtuelle et souffrent du « syndrome du survivant ». La guerre les

poursuit toute leur vie. Aragon écrit en 1956, près de 40 ans après la fin du

conflit : « Je suis mort en août mil neuf cent dix huit sur ce coin de terroir, ça

57 Danssonouvrage,Lavictoireendeuillée.Lasortiedeguerredessoldatsfrançais(1918-1920),BrunoCabanesmontrecombienlavictoireresteendeuillée:incertitudedel’avenir,viesbouleversées,ancienscombattantsetfamillestraumatisés,etsurtout«omniprésencedudeuil».Lesfrontièresentrelaguerreetlapaixsontloind’êtreclaires.

58 VALERYPaul,«Lacrisedel’esprit»dansŒuvresI,Paris,Gallimard,1957,p.988.59 Ibid. ,p.990.

Page 22: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-64-

va faire pour moi bientôt trente huit ans que tout est fini60. »

5-2 Intimité et « singularité normale » du deuil de guerre

Comment l’historien peut-il parler du deuil qui touche les familles, de

sa dimension intime, de sa « singularité normale » évoquée par l’historien

Stéphane Audoin-Rouzeau ? Dans l’introduction de son ouvrage Cinq deuils

de guerre 1914-1918, on peut lire : « Au moins ce travail m’aura-t-il appris que

tout deuil est unique, unique au point qu’il n’est pas exagéré de dire qu’il y a

autant de deuils de guerre - tous irréductiblement différents - que d’hommes

et de femmes et d’enfants en deuil au sortir du conflit61. » L’ouvrage présente

cinq récits de deuil qui ont touché une jeune fiancée britannique, des parents,

des grands-parents, des épouses, des frères et des sœurs, des enfants issus

de familles françaises. L’historien évoque les « cercles de deuil ». Prenons

l’exemple d’Émile Clermont62, jeune romancier, mort le 15 mars 1916 en

Champagne. Le premier cercle est limité à son frère aîné et ses deux sœurs,

ses grands-parents et parents sont morts auparavant. Le second se compose

d’une tante et d’un neveu dont il s’est beaucoup occupé, n’étant pas marié et

n’ayant pas d’enfants. Le troisième est plus difficile à cerner. Il comprend

ses amis de Khâgne, de l’École normale et ceux liés à sa carrière littéraire.

Maurice Barrès en fait partie. L’une des caractéristiques du deuil de guerre est

qu’il est un deuil « compliqué », « infini » voire « pathologique »63. On parle

60 CitéparCarineTrévisan,LesFablesdudeuil.LaGrandeGuerre :Mortetécriture,Paris,PUF,2001,p.130.

61 AUDOIN-ROUZEAUStéphane,Cinqdeuilsdeguerre1914-1918,Paris,EditionsNoesis,2001,p.10.

62 Ibid.«Inmemoriam»,pp.53-95.63 AUDOIN-ROUZEAUStéphane, «Qu’est-cequ’undeuil deguerre »dansRevue

historiquedesarmées,p.5No259,2010,http://rha.revues.org/6973.

Page 23: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-65-

de « travail de deuil » selon l’expression freudienne, qui sera d’autant plus long

et difficile si le corps est absent. Pour certaines mères endeuillées, le sens du

sacrifice s’est estompé. Elles se désinvestissent par rapport à leur patriotisme

initial :

« J’avais la plus belle idée, l’idée de la Patrie

Elle m’a tué mon enfant.

Je n’ai plus d’idée.

J’habite le sommet de la solitude »64 écrit Jane Catulle-Mendès, mère de

Primice Mendès, tué le le 23 avril 1917. L’histoire de la guerre est devenue

celle des familles, des femmes et du deuil65.

Le phénomène des « sauts de génération » intéresse aussi de plus en plus les

historiens. Le travail sur la « troisième génération » des enfants de survivants

du génocide des Juifs d’Europe ou des descendants des rescapés du massacre

des Arméniens a fait apparaître l’existence de traumatismes chez ces enfants.

Ces deuils de guerre, la douleur refoulée, même dans leur dimension intime

ont laissé des traces sur la longue durée au sein des sociétés occidentales.

Pour Stéphane Audoin-Rouzeau, « pouvoir prendre la pleine mesure de

l’inscription du deuil de guerre dans le tissu social d’une société donnée serait

une contribution importante à la compréhension plus profonde et de la guerre

et des sociétés qui ont traversé l’expérience66. »

64 AUDOIN-ROUZEAUStéphane,Cinqdeuilsdeguerre,op.cit. ,p.242.65 «L’histoiredudeuilaprojeté les femmesdans l’histoirede laguerre : laPietàest

devenue,après1914,unsymboleuniversel.» (PROSTAntoine,WINTERJay,Penser laGrandeGuerre,op.cit. ,p.229)

66 StéphaneAudoin-Rouzeaudonnel’exempledelanièceetdelapetitenièced’unsoldatmorten1914quiontfaitdesrecherchessurlelieud’inhumationdeleuroncleetgrand-oncleetsouhaités’yrendre(«Qu’est-cequ’undeuildeguerre»,op.cit. ,p.7).

Page 24: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-66-

Conclusion

Cent ans après le début du conf lit, comment les historiens peuvent-ils

penser et écrire sur la Grande Guerre ? Son historiographie s’est diversifiée

et complexifiée. Cette pluralité interprétative a pour conséquence que les

historiens ne focalisent plus sur les opérations militaires, mais de plus en plus

sur les « sociétés en guerre ». Les témoignages s’intègrent davantage dans

leur recherche. On a assisté à une sorte d’« éclatement » des thèmes, avec

de plus en plus d’intérêt pour les « acteurs » de la guerre, que ce soient les

combattants, les populations civiles, les familles, les femmes, les couples67, les

enfants68, etc.

Comment la commémorer aussi ? Certains déplorent une « commémora-

tionnite ». Est-ce un hasard ? L’année 2014 serait l’année de toutes les

célébrations puisqu’on commémore aussi le soixante-dixième anniversaire

du Débarquement du 6 juin ainsi que celui de la Libération de Paris, événe-

ments liés à la Seconde Guerre mondiale. Quel autre sens donner à cette

« commémoration paradoxale » selon l’expression d’Antoine Prost ? Comment

les contemporains et les jeunes générations en particulier qui ne sont plus dis-

posées à mourir pour la patrie et qui ne sont d’ailleurs plus sollicitées pour la

défendre comprendront les raisons pour lesquelles des millions d’hommes ont

accepté et subi des souffrances terribles ou la mort par patriotisme?

67 Pourdonnerunexemplerécent,danssa thèsesoutenueen2013«Tereverrai-je?LelienconjugalpendantlaGrandeGuerre»,ClémentineVidal-Naquetatravaillésurlescouplesquisemariaientàlahâteàl’annoncedelamobilisationgénéraleenaoût1914.Cephénomèneaurait-ilmanifestéuneangoissefaceàlamortpossibleduconjoint?(VIDAL-NAQUETClémentine,«Août1914:semarier…vite!»dansL’Histoire,No400,juin2014,pp.74-79)

68 VoirlesdeuxouvragesdeStéphaneAudoin-Rouzeau:Laguerredesenfants1914-1918.Essaid’histoireculturelleetL’enfantdel’ennemi:Viol,avortement,infanticidependantlaGrandeGuerre.L’auteurtraitedanscetouvragedel’avenirréservéauxenfants,fruitsdeviolsperpétréspardessoldatsallemands.

Page 25: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-67-

Si un regard critique doit être porté sur toutes ces cérémonies, ne peut-

on aussi y voir des aspects positifs, ne serait qu’un effort de compréhension

internationale de tous ces événements ? « Commémorer un événement

heureux ou malheureux, c’est le situer dans l’histoire de la nation, mais c’est

aussi transcender en quelque sorte les clivages, les conflits qui sont les restes

encore vivants des luttes et des difficultés, bref les mémoires » écrit Jean-

Pierre Azéma69. On ne peut s’en tenir qu’au seul conflit entre la France et

l’Allemagne avec des œillères nationales. D’autres pays qui ont participé aux

combats comme la Grande-Bretagne, la Belgique et la Russie, les nations du

Commonwealth, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, les anciennes

colonies françaises et d’autres nations encore attachent de l’importance au

fait de commémorer. Pour Joseph Zimet70, directeur général de la mission

chargée d’organiser les célébrations du Centenaire, « être présent dans

la commémoration de la Grande Guerre, c’est s’insérer dans l’événement

matriciel du XXe siècle ».

Ces rites commémoratifs apparaissent aussi comme une « réactualisation

des représentations en vigueur »71. Ils ont aussi un rôle pédagogique72. Ils

pourront être l’occasion de « faire de l’histoire » et de « faire surgir de l’ombre

les acteurs de ces tragédies, notamment les plus subalternes », d’autant plus

que les derniers témoins directs ont disparu. Ils pourront nous permettre de

réfléchir sur les spécificités des deux conflits mondiaux qui ont marqué le XXe

69 AZEMAJean-Pierre,«Commémorer les libérationsde laFrance»dansLeDébat ,No176,septembre-octobre2013,p.145.

70 «LaGrandeGuerreresteunrécitdesorigines»,EntretiensavecJosephZimet,dansLeDébat,No176,septembre-octobre2013,pp.124-136.

71 «1914-2014:commentcommémorerlaGrandeGuerre»dansLeDébat,No176,p.123.72 HEIMBERGCharles, «La commémoration de 14pour faire de l’histoire » dans

Médiapart ,3janvier2014,http://blogs.mediapart.fr/blog/charles-heimberg/.

Page 26: La Grande Guerre cent ans après…historiographie et mémoire

-68-

siècle, de connaître et d’appréhender la guerre dans ses mécanismes et dans

toute sa complexité et de rendre le passé et le présent plus compréhensibles.

Mais dans un monde où tant de nations connaissent encore des conflits

larvés ou continuent à massacrer des populations civiles, on peut s’interroger.

La force symbolique de ces commémorations mettant en avant de longs efforts

de réconciliation qui ont construit l’Europe et la paix servira-t-il de modèle ?

Bibliographie

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