La gestion de classe: jongler avec tout pour réussir avec tous

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La gestion de classe : jongler avec tout pour réussir avec tous Numéro 119 Avril • Mai 2001

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La gestion de classe :jongler avec tout pour réussir avec tous

Numéro 119 Avril • Mai 2001

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2001Vie pédagogique, avril-mai

sommairemot de la rédaction

4LE STRESS DES ENSEIGNANTSQUÉBÉCOIS À DIVERSES ÉTAPESDE LEUR CARRIÈREpar Nicole Royer, Jean Loiselle, MarcDussault, François Cossette et ColetteDeaudelinPartant d’une définition largement recon-nue du stress professionnel et des princi-paux facteurs en cause en cette matière,les auteurs ont mené une enquête auprèsde plus de 1000 enseignantes etenseignants. Cette équipe de recherchede l’Université du Québec à Trois-Rivièresnous livre les résultats de son étude qui a non seulement permis de déterminerl’importance de chacun des facteurs destress selon le nombre d’années d’expé-rience, le sexe et l’ordre d’enseignementdes répondantes et des répondants, maiségalement de dégager des pistes d’actionsusceptibles d’aider à diminuer les effetsnéfastes des situations stressantes dansl’enseignement.

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TOUT NE SE JOUE PAS AVANT 12 ANS : UNE PRATIQUED’ORTHOPÉDAGOGIE AUSECONDAIREpar Jacqueline TessierContrairement à l’expression maintenantpresque consacrée « tout ce joue avantsix ans », une orthopédagogue, quitravaille avec des adolescentes et desadolescents qui éprouvent des difficultésen lecture et en écriture, nous présentele modèle d’enseignement qu’elle aconçu et mis en œuvre pour aider cesjeunes du secondaire à combler leurslacunes en la matière et, conséquem-ment, à poursuivre leurs études.

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LA CLASSE, UNE DYNAMIQUE À GÉRERGESTION DE CLASSE ET GESTIOND’ÉCOLE : UNE COHÉRENCE À CONSTRUIREpar Régent Fortin

17LA GESTION DE LA CLASSE : UN SURVOL HISTORIQUEpar Guy Lusignan

19ET SI ON REMETTAIT LESPENDULES À L’HEURE…par Jacqueline Caron

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UNE VISION PÉDAGOGIQUE QUI SE RÉFLÉCHITLES PRATIQUES EN GESTION DECLASSE : UNE AFFAIRE DE PROFILPERSONNEL ET DE RÉFLEXIVITÉpar Roch Chouinard

25RÈGLES DE VIE ET COOPÉRATION :VERS L’APPRENTISSAGE DE LACITOYENNETÉ SCOLAIREpar Jean-Pierre Jodoin

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LE VIRTUEL DANS LA RÉALITÉ DE LA CLASSE OU LE VIRTUEL, UN AVANTAGE RÉEL DANS LA CLASSEpar Martine Larouche en collaboration avec Jacques AubutMartine Larouche, enseigne au primaire à la Commission scolaire du Pays-des-Bleuets.Elle nous explique comment elle a intégré les technologies de l’information et de lacommunication et, en particulier, l’Internet dans sa classe. Avouant qu’elle n’imaginaitpas, il y a à peine quelques années, comment ce moyen pouvait être précieux pourl’apprentissage des élèves (motivation, ouverture sur le monde, rencontre d’experts, etc.),elle présente un résumé fort intéressant des réalisations de ces derniers.

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entre les lignesCOMMENT QUALIFIER 100 P. 100DES JEUNES SANS RACOMMODERFORMATION GÉNÉRALE ETFORMATION PROFESSIONNELLE?par Arthur MarsolaisPartant du constat qu’un trop grandnombre d’élèves se retrouvent insuffi-samment préparés à intégrer le mondedu travail après avoir terminé uneformation générale à l’enseignementsecondaire ou collégial et que, cela étant,plusieurs font un détour fort onéreuxavant de se réorienter dans un champ de formation professionnelle, l’école nedoit-elle pas revoir ses façons de faire?Ne doit-elle pas permettre aux jeunesd’explorer, dès le deuxième cycle dusecondaire, des champs de formationprofessionnelle?

49en abrégé

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LA GESTION DE CLASSE : JONGLER AVEC TOUT POUR RÉUSSIR AVEC TOUSLa gestion de classe occupe un des premiers rangs dans la liste des thématiques les plus populaires en éducation. Elle est,depuis une bonne quinzaine d’années, l’objet de multiples programmes de formation et de perfectionnement. L’arrivée d’unplus grand nombre de nouvelles enseignantes et de nouveaux enseignants pour qui la gestion de la classe constitue un desplus grands défis de même que la mise en œuvre de la réforme qui invite l’ensemble du personnel scolaire à un changementdu paradigme éducatif font en sorte que ce dossier continue d’être en tête du palmarès des préoccupations pédagogiques.

Le dossier du présent numéro propose un ensemble d’articles visant à faire le point sur l’évolution du concept de gestion declasse et, partant de comptes rendus de tables rondes et de témoignages de pratiques concrètes, à permettre au personnelenseignant de poursuivre une réflexion individuelle ou collective sur cette question.

dossier16

FAIRE LE PLEIN D’ÉNERGIE AVEC MISSION ÉCO-ÉNERGIEpar Carole MarcouxL’auteure de cet article est membre duComité central de l’environnement de la Commission scolaire de Montréal.Dans un passé pas très lointain, elle étaitenseignante à l’école Saint-Pascal-Baylon.C’est dans ce milieu multiethnique etmulticolore qu’elle a participé, avec desélèves de 5e année et leur enseignante, à l’opération La main dans l’bac. Un petit projet sans prétention mais riche et intéressant sur le plan desapprentissages.

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lus, vus et entendus

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outils et techniques

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LA FORMATION À LA GESTION DE LA CLASSELA GESTION DE CLASSE : DESRESSOURCES EN FORMATIONINITIALE ET EN FORMATIONCONTINUEpar Thérèse Nault

45LA GESTION DE CLASSE ET LESTIC : AU SERVICE DU PERSONNELENSEIGNANT DÉBUTANTpar Lorraine Lamoureux, BernadetteDesmarais, Muriel Brousseau-Deschamps et Pierre Deschamps

46LA GESTION DE CLASSE ÀL’ENSEIGNE DE LA RÉFORMEDES CONDITIONS POURFAVORISER L’APPRENTISSAGEpar Monique Le Pailleur

33DYNAMIQUES DE GESTION DECLASSE AU SECONDAIREpar Arthur Marsolais

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LA GESTION DE CLASSE EN ACTIONLA GESTION DE CLASSE : DESEXEMPLES BIEN CONCRETSpar Monique Boucher

39MAMAN AUJOURD’HUI, J’AI FAITDE LA GESTION DE CLASSE!par Mireille Noel

39UN ANTIDOTE À L’ATTENTISME :LA PRISE EN CHARGERESPONSABLE DE SA DÉMARCHED’APPRENTISSAGEpar Arthur Marsolais

42SUIVEZ LE COURANT!par Mireille Noel

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histoire de rire

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VIE4 2001Vie pédagogique 119, avril-mai

mot dela

rédac-tion

mot de la rédaction

QUI, QUE, QUOI, OÙ, QUAND, COMMENT, POURQUOI?

Numéro 119Avril-mai 2001Revue québécoise de développementpédagogique publiée par le Secteur de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaireen collaboration avec la Direction descommunications et la Direction desressources matérielles.Secteur de l’éducation préscolaire et del’enseignement primaire et secondaireMinistère de l’Éducation600, rue Fullum, 10e étageMontréalH2K 4L1Tél. : (514) 873-8095Télec. : (514) 864-2294Courrier électronique : [email protected] ADJOINTRobert BisaillonVie pédagogiqueDIRECTIONMonique BoucherCOMITÉ DE RÉDACTIONGhislaine BolducMonique BoucherDiane ChagnonCyrias FortinPaul FrancœurNicole GagnonArthur MarsolaisRobert MartineauRichard RielMarc St-PierreManon SénécalMarthe Van NesteSECRÉTARIATJosée St-AmourCOORDINATION À LA PRODUCTIONClaude DionDISTRIBUTIONLise DuchesneSUPERVISION DE LA RÉVISION LINGUISTIQUEPierre DansereauPHOTOCOMPOSITION TYPOGRAPHIQUE ETPHOTOGRAVUREComposition Orléans IMPRESSIONImprimerie CanadaPHOTO DE LA PAGE COUVERTUREDenis GaronPUBLICITÉDonald BélangerTél. : (450) 974-3285Téléc. : (450) 974-7931Société canadienne des postesEnvois de publications canadiennesContrat de vente no 236055Dépôt légal, bibliothèque nationale du QuébecISSN 0707-2511Les textes publiés dans Vie pédagogiquesont indexés dans le Répertoire cana-dien sur l’éducation et dans Repère.Les opinions émises dans les articles decette revue n’engagent que les auteurset non le ministère de l’Éducation.On peut recevoir, gratuitement, au Québec, Vie pédagogique enécrivant à :DISTRIBUTION DE VIE PÉDAGOGIQUEService de la diffusionMinistère de l’Éducation3220, rue Watt, local 1Sainte-Foy (Québec) G1X 4Z798-0808

«L e savant n’est pas l’hommequi fournit les vraies ré-ponses, c’est celui qui pose

les vraies questions » (Claude Lévi-Strauss).Une moyen accessible et efficace decommencer à négocier le virageproposé par la réforme du curricu-lum ne serait-il pas de regarderd’un peu plus près comment, dansnotre pratique pédagogique onexploite, au profit des apprentis-sages des élèves et de notre propredéveloppement professionnel, toutela richesse potentielle du question-nement?La conception socio-constructivistede l’apprentissage sur laquelleprend appui le nouveau curriculumscolaire nous invite à amener lesélèves à se poser individuellementet collectivement des questions et àchercher à y répondre plutôt qued’attendre d’eux qu’ils répondentuniformément à des questions « pré-fabriquées » ne constituant qu’unfaible fertilisant cognitif.Cela dit, il n’en demeure pas moinsque, de manière générale, l’écolequi nous a formés a, malheureuse-ment, eu beaucoup plus souventtendance, il faut bien l’avouer, ànous habituer à répondre à desquestions plutôt qu’à nous en poser.Or, sa compétence à utiliser le ques-tionnement en classe ou son désird’en parfaire l’acquisition constituecertainement un atout et un outilmajeurs pour le pédagogue quicherche à faire évoluer sa pratiquede telle manière qu’elle fasse pro-gressivement plus de place auxapprentissages des élèves et suscitede la part de ces derniers un engage-ment plus grand et surtout plus actif.Aussi, bien qu’à première vue uneréflexion sur l’utilisation que l’onfait du questionnement puisse pa-raître une piste d’action un peusimpliste, celle-ci mérite peut-êtrebien, malgré tout, qu’on s’y attardequelque peu.Dans l’introduction d’un ouvrageintitulé Les techniques de ques-

tionnement, Lionel Bellenger etMarie-Josée Couchaere rappellentque « le pouvoir de questionnerintroduit de plain pied dans laphilosophie via le doute interro-gatif. Mettre en question procèded’une démarche mentale riche depromesses : mettre en questionrelève d’un acte responsable, del’exercice d’une liberté de con-tester, d’un pouvoir de recul et deréflexion. La question est un actequi nous met en relation avec lesfaits comme avec la subjectivité.Et histoire de boucler la boucle,nos questions n’encourent pas seu-lement le risque (ou le bonheur)d’agir sur autrui : elles peuventêtre elles-mêmes influencées parles réponses qu’elles suscitent,attestant ainsi le concept de co-construction vivante et perma-nente des échanges. Les dessousdes pratiques et usages du ques-tionnement valent donc le détour,ne serait-ce que pour faciliterl’acquisition (ou consolider)quelques réflexes utiles (tech-niques et outillages) mais surtoutpour appeler une plus grandelucidité sur une des interventionsles plus machinales parmi lesinteractions verbales, courantes,celles auxquelles on se prépare le moins et dont on se méfie lemoins mais dont on mesure par-fois trop tard les effets1 ».Qui n’a pas ressenti, à un momentou l’autre de sa vie, les effets démo-bilisateurs d’une question qu’il luiétait posée ou encore de la réponseobtenue à une de ses interroga-tions? Pour certains élèves, il suffitde quelques mauvaises expériencesen ce sens pour qu’ils perdent con-fiance en eux et n’osent plus ouosent de moins en moins recourir àce précieux moyen d’apprendre.Pourtant, comme le soulignent unpeu plus loin dans leur livre Bel-lenger et Couchaere, « le pouvoird’interroger comme de s’interro-ger constitue une étape majeuredans la progression de tout indi-

vidu sur le chemin du développe-ment personnel comme dans laqualité et l’efficacité de sa rela-tion aux autres2 ». On pourraitcertainement ajouter à cette cita-tion : « …dans la qualité et l’effi-cacité de sa relation aux autres etau savoir ».Un des indicateurs importants dansle dépistage des élèves en difficultéd’apprentissage est l’incapacité decertains jeunes ou la crainte qu’ilséprouvent à émettre des hypothèsesde solution au regard d’un pro-blème qu’ils rencontrent ou qu’onleur soumet. Cela représente sou-vent pour eux un trop grand risque,celui de se tromper et de faireencore une fois étalage de leurignorance. Ces élèves posent ou nese posent donc que très peu dequestions.On comprendra que pour progres-ser, ces élèves auront besoin, encoreplus que d’autres, de rencontrerdes enseignantes et des enseignantsqui sont de véritables experts dansl’art d’interroger, de les aider à s’in-terroger et d’exploiter au profit del’un d’eux les questions, les hypo-thèses et les réponses des autresélèves de la classe.Ne vaut-il donc pas la peine deprendre un peu de temps pour s’en-gager individuellement, ou avec unou plusieurs collègues, dans unedémarche d’observation plus systé-matique de nos pratiques pédago-giques au regard du questionne-ment afin, le cas échéant, d’accroîtrenotre compétence en la matièrepour la mettre au service des élèves?« On devient intelligent en posantdes questions, on devient idiotquand on a toutes les réponses »(Albert Jacquard).Monique Boucher

1. L. BELLENGER et M.J. COUCHAERE, Lestechniques de questionnement : savoirposer les bonnes questions, CollectionFormation permanente, Édition ESF, Issy-les-Moulineaux, France, 2000.

2. Op. cit., page 10.

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LPÉDAGOGIQUE5

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LE STRESS DES ENSEIGNANTS QUÉBÉCOIS À DIVERSES ÉTAPES DE LEUR CARRIÈREpar Nicole Royer, Jean Loiselle, Marc Dussault, François Cossette et Colette Deaudelin

L es enseignants font face quoti-diennement, dans leurs nom-breuses tâches et responsabi-

lités, à des situations qui peuventengendrer du stress. Cette réalité aété maintes fois soulignée, mais peud’études ont cerné les paramètresqui permettraient de mieux la décriredans le contexte professionnel desenseignants québécois. Quelles sontles causes du stress professionneldes enseignants et quels moyens desoutien leur sont offerts? L’objet duprésent article est de décrire lesprincipaux résultats d’une enquêtemenée à ce sujet auprès des ensei-gnants québécois. La perspectiveadoptée ici rend compte des dimen-sions délétères du stress profession-nel. Nous n’ignorons pas la satis-faction que la grande majorité desenseignants retirent de leur travail.Seulement, comme formateursd’enseignants et chercheurs, nousnous sommes centrés sur lesbesoins au regard de la formation etde l’intervention préventive.

LE STRESS CHEZLES ENSEIGNANTSLe stress est reconnu comme unproblème important chez les ensei-gnants. En effet, un bilan récent dufichier informatique de la Régie desrentes du Québec révèle que l’en-seignement constitue, parmi lesprofessions libérales, celle où l’ondénombre le plus d’invalidités cau-sées par le stress (Dionne-Proulx,1995). La Fédération canadiennedes enseignantes et des enseignantsa commandé une étude sur la qua-lité de vie des enseignants du pri-maire et du secondaire (King etPeart, 1992). Selon cette étude pan-canadienne, plus de 10 p. 100 desenseignants souffrent de stress etd’épuisement au point que cela nuità leur travail.Une étude comparative des pro-blèmes de santé physique et psy-chologique de trois catégoriesd’employés, soit les infirmières, lespoliciers et les enseignants, con-firme le statut à risque de cesderniers (Dionne-Proulx et Pépin,1997). Elle souligne qu’ils doiventfaire face à de nombreux agents

stressants sur une base quotidienneet que ceux-ci sont les mêmes d’unjour à l’autre. Cette situation pour-rait avoir des effets plus néfastes surla santé qu’une exposition spo-radique à des situations tragiquescomme c’est le cas, notamment,chez les policiers.La définition la plus répandue dustress professionnel repose sur laperception d’une menace lorsque la personne reçoit des demandesexcessives dans son milieu de tra-vail ou lorsqu’elle estime ses moyensinsuffisants pour répondre aux exi-gences qu’elle perçoit (Dolan etLamoureux, 1990). En ce sens, lestress est un état négatif et se dis-tingue de la motivation à relever lesdéfis. Aussi, les réactions indivi-duelles à une situation potentielle-ment stressante peuvent être trèsvariables selon que la personne laperçoit comme menaçante ou nonau regard de son équilibre. Maisquelles sont les situations ou lesfacteurs que les enseignants consi-dèrent comme premières sourcesde stress?

LES PRINCIPAUX FACTEURS

RECONNUS COMME SOURCES DE

STRESS CHEZ LES ENSEIGNANTS

Des études ont été effectuées dansdifférents pays sous forme d’en-quêtes ou d’entrevues (par exemple,celle de Boyle, Borg, Falzon etBaglioni, 1995). Elles attirent l’at-tention sur les mêmes composantesprincipales de stress chez les ensei-gnants, à savoir les comportementsdes élèves, les relations avec lesautres membres du personnel et lesparents, la charge de travail, ainsique le manque de temps, de res-sources et de reconnaissance pro-fessionnelle. Mais à ce jour, cesétudes n’ont pas vraiment livré devision différenciée selon les étapesde la carrière des enseignants.

LE STRESS AUX DIFFÉRENTES ÉTAPES

DE LA CARRIÈRE DES ENSEIGNANTS

La situation des enseignants endébut de carrière est, de l’avis deplusieurs, plus difficile que celledes enseignants d’expérience (voirBurke et Greenglas,1993). En débutde carrière, ils font face à une réa-

lité qui leur est propre et qui épuisedavantage leurs ressources. Pen-sons aux formalités administrativesqu’ils ne connaissent pas, à la cul-ture organisationnelle à laquelle ilsdoivent s’adapter et à la respon-sabilité de classes difficiles qu’ilsn’ont pas toujours eu l’occasiond’assumer pleinement durant leursstages. On estime que le tempsd’adaptation d’un nouvel enseignantà sa profession et à son milieu peuts’échelonner sur quelques années.Bien qu’on ne sache pas quels fac-teurs les affectent le plus selon lenombre d’années d’expérience, onreconnaît habituellement que lacarrière des enseignants est mar-quée par les étapes suivantes, où lesobjets d’intérêt professionnel et depréoccupation varient (Fuller etBown, 1975).• Les enseignants en début de car-

rière sont d’abord préoccupéspar leur survie professionnelle.

• Suit une étape où leurs préoccu-pations de nature pédagogique seretrouvent au premier plan : ils sesoucient davantage de la qualitéde leur enseignement.

• Avec l’expérience, les préoccupa-tions liées à l’apprentissage desélèves deviennent plus impor-tantes.

Donc, compte tenu de l’évolutionde leurs préoccupations, on pour-rait penser que les sources de stressdes enseignants ne sont pas néces-sairement les mêmes à diversmoments de leur carrière.

LE RÔLE DU SOUTIEN

Dans de nombreux secteurs de l’ac-tivité humaine, le soutien, qu’ilprovienne de relations profession-nelles ou autres, est reconnucomme un facteur de protection ence qui concerne le stress. Si onrevient à notre définition du stress,on remarque que les vecteurs quifont varier son niveau sont l’am-pleur des demandes du milieu etl’adéquation, telle qu’elle est per-çue par la personne elle-même, desmoyens de faire face aux exigencesde la situation. Le soutien peut agirsur les deux vecteurs d’influence.Encore une fois, aucune donnéedisponible n’a permis jusqu’à main-tenant de représenter la situationdes enseignants québécois.

L’ENQUÊTENous nous sommes donc intéressésaux sources prépondérantes destress chez différentes catégoriesd’enseignants québécois ainsiqu’aux moyens de soutien dont ilspouvaient bénéficier dans leurmilieu. Nous décrivons ici les résul-tats de notre enquête.Au printemps 1996, avec la collabo-ration de la CEQ1, 1 158 enseignantsont répondu à un questionnaire en-voyé par la poste, dont 790 femmeset 334 hommes (certains ont toute-fois omis d’indiquer leur sexe).Nous avons utilisé un questionnaireélaboré par Boyle, Borg, Falzon etBaglioni (1995) qui permettaitd’évaluer le niveau de stress durépondant par rapport aux cinq

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facteurs considérés, d’après desétudes antérieures, comme les prin-cipales sources de stress chez lesenseignants : la reconnaissanceprofessionnelle, les comportementsdes élèves, le manque de temps etde ressources, les relations avec lesautres membres du personnel et lesparents ainsi que la charge de tra-vail. L’enquête a permis de com-parer les groupes d’enseignantsselon leur expérience, leur ordred’enseignement et leur sexe.Afin de recueillir des informationssur les moyens de soutien dispo-nibles, nous avons élaboré un ques-tionnaire qui porte sur les sourcesd’aide non officielle, que la per-sonne établit elle-même au fil de seséchanges interpersonnels dans sonmilieu, et les sources d’aide offi-cielle, dont la formule est struc-turée par l’entremise de l’institution(par exemple, le mentorat). Pourchacune des sources de soutiendisponibles dans leur milieu, lesenseignants devaient indiquer leurdegré de satisfaction.

LES RÉSULTATS

Dans l’ensemble, les enseignantsrapportent un niveau de stress sesituant entre « moyen » et « élevé ».Le tableau qui suit indique, parordre d’importance, les principalessources de stress pour l’ensembledes enseignants et le niveau (surune échelle de 1 à 4) associé à cha-cun des facteurs.

Les plus grandes sources de stresssont, dans l’ordre, les comporte-ments des élèves, la charge de tra-vail et le manque de ressourcesmatérielles. Les relations avec lesautres membres du personnel et les parents de même que le besoinde reconnaissance professionnelleprésentent moins d’importance queles trois catégories précédentes.

Le stress selon l’étape de la carrièreLes analyses font ressortir à la foisdes similitudes et des différences

entre les enseignants en début decarrière (moins de six ans d’expé-rience), les enseignants à la mi-carrière (de six à quatorze ansd’expérience) et ceux qui sont trèsexpérimentés (quinze ans et plusd’expérience). Contrairement auxattentes, les enseignants de moinsde six ans d’expérience ne rap-portent pas un plus haut degré destress que les autres, sauf en ce quia trait au besoin de reconnaissanceprofessionnelle. Les enseignants trèsexpérimentés sont ceux qui subissentle plus de stress, alors que ceux à lami-carrière constituent le groupequi en rapporte le moins.Lorsqu’on examine l’évolution dechacun des cinq facteurs de stressétudiés, on constate des différencesintéressantes. Pour trois d’entreeux, soit les comportements desélèves, le manque de temps et deressources de même que les rela-tions avec les autres membres dupersonnel et les parents, on peutobserver une baisse à la mi-carrièresuivie d’une remontée chez les plusexpérimentés. D’autre part, le stresslié au besoin de reconnaissanceprofessionnelle diminue avec l’ex-périence, contrairement à celuiassocié à la charge de travail, quiaugmente à chaque étape.Il semble donc que l’expériencepermette à l’enseignant de faire faceplus aisément à certaines facettesde sa profession mais qu’au-delàd’un certain seuil cet avantage s’efface. On remarque par ailleurs

que, bien que l’intensité du stressvarie sensiblement selon l’expé-rience, les trois facteurs principauxdemeurent les mêmes pour les troiscatégories d’enseignants, soit, parordre décroissant d’importance, lescomportements des élèves, la chargede travail et les ressources maté-rielles disponibles.

Le stress selon l’ordre d’enseignementLes enseignants du primaire fontétat d’un plus haut niveau de stressque ceux du secondaire. Trois fac-teurs semblent être en cause : lesrelations avec les autres membresdu personnel et les parents, lesressources matérielles ainsi que la charge de travail. Toutefois, lestrois principales sources de stressdemeurent les mêmes pour cesdeux catégories d’enseignants, soit,dans l’ordre, les comportementsdes élèves, la charge de travail et lesressources matérielles disponibles.

Le stress selon le sexeNous avons aussi comparé le stressressenti par les enseignantes etcelui des enseignants. Les résultatsmontrent un plus haut niveau chezles femmes que chez leurs col-lègues masculins, et ce, pour tousles facteurs, sauf le besoin de recon-naissance professionnelle où on nerelève pas de différences signifi-catives entre les deux groupes.Encore une fois, les facteurs quireprésentent le plus de stressdemeurent les mêmes pour lesfemmes et les hommes, soit, dansl’ordre, les comportements desélèves, la charge de travail et lesressources matérielles disponibles.

Le soutien perçu par les enseignants dans leur milieu de travailL’enquête a également permis derecueillir des informations sur lesmoyens de soutien qui s’offrent auxenseignants et sur la satisfaction deces derniers à leur égard. Il ressortque les enseignants peuvent, dansune très large proportion (près de90 p. 100), bénéficier du soutien de leurs collègues, de la directiond’école, de professionnels non en-seignants, de délégués syndicaux oud’autres employés de l’établissement.Par contre, les mesures de soutienstructuré (par exemple, le mentoratou le soutien par les pairs) sontbeaucoup moins répandues. Lesseuls types de soutien officiel perçus

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Tableau 1LES SOURCES DE STRESS PROFESSIONNEL TOUCHANT

LES ENSEIGNANTS, SELON LEUR ORDRE D’IMPORTANCEFacteur Éléments liés Niveau de stress

de stress au facteurde stress (entre 1 et 4)

1. Les comportements Élèves bruyants, impolis ou 2,57 des élèves manquant de motivation

au travail, difficulté à maintenir la discipline

2. La charge de travail Grande quantité de travail, 2,31 Responsabilité au regard du succès des élèves

3. Le manque Manque de temps pour 2,11de ressources l’apprentissage individuel,

d’équipement, de matériel ou de services

4. Les relations avec Attitudes des autres enseignants, 1,81 les autres membres pressions de la direction ou du personnel et des parents les parents

5. La reconnaissance Peu de possibilités d’avancement, 1,71professionnelle salaire insuffisant, manque de

reconnaissance de la tâche de l’enseignant

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comme étant disponibles par plusde 45 p. 100 des enseignants sont :• un service d’aide ponctuelle sur

le plan pédagogique,• un service d’aide ponctuelle sur

le plan psychologique,• un programme d’aide aux em-

ployés.Globalement, les enseignants sontplus satisfaits du soutien non officielque du soutien officiel. Ils consi-dèrent comme particulièrementsatisfaisant celui des employés del’école, tels que les secrétaires et lestechniciens, et celui provenant deleurs collègues enseignants.

L’ANALYSE DES RÉSULTATS

La première observation à tirer decette enquête concerne le niveau destress observé pour l’ensemble desenseignants. La plupart des sourcesde stress généralement associées àla profession enseignante n’amènentpas un très haut niveau de stress.Seuls les comportements inappro-priés des élèves constituent unesource de stress élevé pour lesenseignants, alors que les autresfacteurs correspondent plutôt à desniveaux moyens. La place prépon-dérante des comportements per-turbateurs des élèves, y comprisl’indiscipline, l’inattention, la vio-lence verbale et les menaces, entant qu’agent de stress pour lesenseignants a déjà été mentionnéedans d’autres études. Il semble queces comportements, de même quel’attitude négative des élèves en cequi concerne le travail scolaire et lemanque de motivation, constituentles facteurs les plus déterminants(Schwab, 1995). En effet, l’élèveétant au centre de l’activité de l’en-seignant, la qualité de la relationétablie avec lui aura des consé-quences importantes, positives ounégatives, sur la satisfaction queretire l’enseignant et sur le stressressenti par rapport à son travail.Un résultat de l’étude paraît, deprime abord, étonnant : les ensei-gnants très expérimentés sont plusstressés que les nouveaux ou ceuxqui sont à la mi-carrière. Pourexpliquer cet écart, on peut invo-quer les multiples changementspédagogiques auxquels les ensei-gnants québécois de plus de quinzeannées d’expérience ont dû faireface. Le fait que la mi-carrière soitmarquée par une diminution géné-rale du niveau de stress à la suite dequelques années d’acclimatation

peut s’expliquer par une plusgrande familiarité avec les tâches etpar l’organisation et le développe-ment de l’expertise professionnelle.L’exposition répétitive aux facteursde stress professionnel semble tou-tefois, avec le temps, prendre le passur les bénéfices de l’expérience.De plus, il est possible que les en-seignants deviennent, avec l’expé-rience, plus confiants en leurs habi-letés pédagogiques mais égalementplus conscients des facteurs externes(climat familial, drogue, abus, etc.)qui nuisent à l’apprentissage et audéveloppement de l’élève et surlesquels ils ont peu de prise. Onpeut penser que cette perceptiond’un effet plus limité de ses moyensen tant qu’enseignant s’accompa-gne, dans bien des cas, d’un stressplus grand (Philips, 1993).L’étude souligne la prépondéranceconstante des trois facteurs sui-vants : les comportements des élèves,la charge de travail et les ressourcesmatérielles disponibles. Ce qui occa-sionne le plus de stress chez lesenseignants, hommes ou femmes,qu’ils soient plus ou moins expéri-mentés, qu’ils enseignent au pri-maire ou au secondaire, c’estd’avoir à faire face aux comporte-ments dérangeants et inappropriésdes élèves. On peut donc penserque leur besoin de soutien se situesur ce plan, quelle que soit leurexpérience professionnelle. Diversmoyens peuvent être envisagés pourdiminuer les effets néfastes des situa-tions stressantes vécues par lesenseignants. Certains sont liés à ces derniers, alors que d’autrestouchent plutôt l’environnementdans lequel ils évoluent. La formation continue peut cons-tituer un moyen de mieux préparerles enseignants à affronter des situa-tions stressantes. Elle peut les sensi-biliser au dépistage des sources destress et leur offrir un éventail demoyens de gérer celui-ci. Puisqueles relations avec les élèves cons-tituent l’une des causes principalesde stress chez les enseignants, laformation continue pourrait portersur différents styles et stratégies degestion de classe en les amenant àprendre conscience des modèlesqu’ils adoptent quand ils font face à des comportements inappropriéschez leurs élèves et en soutenant les actions constructives dans cessituations.

De plus, la formation des ensei-gnants aux techniques de mentoratou de relation d’aide pourraitfavoriser l’apparition dans lesécoles de groupes d’entraide offi-ciels ou privés dont le but serait desoutenir ceux qui vivent des situa-tions difficiles. Le caractère réci-proque du soutien gagnerait aussi àêtre étendu de manière à garantirune meilleure adaptation aux situa-tions à venir qui peuvent touchertous les enseignants. La formationcontinue pourrait également êtrecentrée sur le développement deshabiletés à résoudre des problèmes,à communiquer avec les pairs et àtransformer l’environnement afinque les enseignants puissent avoirune plus grande emprise sur leurmilieu de travail.On peut également diminuer l’inci-dence du stress sur les enseignantsen agissant sur leur milieu de tra-vail, en évitant notamment de lesplacer dans une classe surchargéeet en offrant une aide adaptée auxélèves en difficulté intégrés dans laclasse ordinaire (Schwartz et Olson,1987). L’attitude de la direction d’école peut avoir des répercus-sions importantes sur le stressressenti par l’enseignant. L’écouteet le soutien de la direction en cequi concerne les problèmes vécuspar celui-ci contribuent à amoin-drir son stress. De plus, une équipede direction adoptant une approcheparticipative plutôt qu’autoritaireest également susceptible de dimi-nuer le stress des enseignants enleur permettant d’opter pour unrôle actif dans la transformation deleur milieu professionnel.Puisque les enseignants apprécientle soutien qu’ils reçoivent dans leséchanges de vues non officiels, ilfaudrait que ces contacts entre lesdiverses catégories de personnel del’école puissent avoir lieu. L’anima-tion de la vie de l’école peut à cetitre être déterminante. Par ailleurs,l’enquête montre que les moyens desoutien officiel ne touchent pas unegrande proportion des enseignants.Dans ce contexte, et compte tenu dufait que les initiatives relatives àl’implantation de moyens de soutiensont bien souvent récentes, il estdifficile, à l’heure actuelle, de por-ter un jugement sur l’adéquation deces mesures. Toutefois, la mise enplace d’un soutien offert à tous lesenseignants et leur permettant demieux faire face aux principales

causes de stress, dont les compor-tements inappropriés des élèves,apparaît souhaitable. De plus,compte tenu du stress ressenti parles enseignants les plus expérimen-tés, le soutien institutionnel, offertgénéralement aux nouveaux ensei-gnants, gagnerait à être étendu auxautres. Ces derniers pourraientainsi jouer encore mieux leur rôlede mentors auprès des moins expé-rimentés.

CONCLUSIONSans nier que l’enseignement estune source d’épanouissement pro-fessionnel, nous avons ici mis l’ac-cent sur les agents de stress liés àcette profession. Les difficultés quereprésentent les comportementsinappropriés des élèves sont large-ment soulignées par les enseignantsdu primaire et du secondaire, qu’ilssoient novices ou expérimentés, desexe masculin ou féminin. Pour pal-lier ces difficultés, on peut penseren fonction de la formation, en mi-sant sur les habiletés et les compé-tences des enseignants. La réalitéscolaire demande peut-être quel’on réfléchisse aussi en fonction del’action préventive sur l’environ-nement, en évitant la surcharge desclasses et la surreprésentation desélèves dont les comportements per-turbent le déroulement des activités.

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Le stress professionnel influe sur laqualité de l’enseignement et le bien-être de bon nombre d’enseignants,et des coûts énormes en découlentdans différents domaines. C’estpourquoi, diverses formes de sou-tien devraient viser à le prévenir et àen diminuer l’incidence.Nicole Royer, Jean Loiselle, MarcDussault et Colette Deaudelinsont professeurs au Dépar-tement des sciences de l’éduca-tion à l’Université du Québec àTrois-Rivières. François Cossetteest chargé de cours dans lamême université.

BibliographieBOYLE, G. J., M. G. BORG, J. M. FALZON et A. J. BAGLIONI. « A Structural Model of theDimension of Teacher Stress », BritishJournal of Educational Psychology, no 65,1995, p. 49-67.BURKE, R. J., et E. GREENGLAS. « Work Stress,Role Conflict, Social Support, and Psycho-logical Burnout Among Teachers », Psycho-logical reports, no 73, 1993, p. 371-380.DIONNE-PROULX, J. « Le stress au travail etses conséquences potentielles à long terme :le cas des enseignants québécois », Revuecanadienne de l’éducation, 20 (2), 11995,p. 46-155.DIONNE-PROULX, J., et R. PÉPIN. « Le travailet ses conséquences potentielles à longterme : comparaison de trois groupes profes-sionnels québécois », Revue québécoise depsychologie, 18, 1997, p. 21-39.DOLAN, S. L., et G. LAMOUREUX. Initiationà la psychologie du travail, Boucherville,Gaëtan Morin Éditeur, 1990.FULLER, F. F., et O.H. BOWN. « Becoming aTeacher », K. Ryan (éd.), Teacher Education(74th Yearbook of the National Society for theStudy of Education, partie II, p. 25-52).Chicago, II : University of Chicago Press,1975.KING, A. J. C., et M. J. PEART. Le personnelenseignant au Canada, travail et qualitéde vie, Ottawa, Fédération canadienne desenseignantes et des enseignants, 1992.PHILIPS, B. N. Educational and Psycho-logical Perspectives on Stress in Students,Teachers and Parents, Brandon, VT, ClinicalPsychology Publishing, 1993.SCHWAB, R. L. « Teacher Stress and Burnout »,L.W. Anderson (éd.), International Encyclo-pedia of Teaching and Teacher Education,Cambridge, Pergamon, 1995.SCHWARTZ, H., et G. OLSON. « Stress andBurnout », V. Richardson-Koehler (éd.),Educators’ Handbook : a Research Perspec-tive, New York, Longman, 1987.

1. Nous remercions la Centrale de l’enseigne-ment du Québec, plus particulièrementM. Christian Payeur, pour sa collaborationà cette enquête.

ficultés. Je prends soin de leur enexpliquer les causes et de leur dé-montrer comment la stratégie ensei-gnée pourra les aider à les surmon-ter. À titre d’exemple, un lecteurpourra mieux se concentrer si, aulieu d’être passif, il s’active à plani-fier, à confirmer ou à infirmer deshypothèses, à rechercher l’idéeprincipale, etc.

PROUVER QUE LES STRATÉGIES

ENSEIGNÉES SONT UTILES DANS

TOUTES LES AUTRES MATIÈRES

Les connaissances conditionnellessont clairement établies dès le débutpour en faciliter le transfert. Deplus, certaines activités font appel àdes habiletés directement applica-bles ailleurs, comme apprendre àmieux comprendre un problème,une consigne ou une question.

SUSCITER LA MOTIVATION ET

L’ENGAGEMENT DES ÉLÈVES

Dans la plupart des activités que jepropose aux élèves, ces dernierssont mis dans des situations d’ap-prentissage qui leur permettent dese rendre compte qu’ils utilisaientdéjà une certaine stratégie à l’écoleou dans la vie courante. Rien demieux qu’un gardien de but pourexpliquer l’anticipation! Les élèvessont souvent invités à raconter dansquelles circonstances ils ont utiliséune stratégie et à commenter lesaméliorations remarquées. Je leurmentionne aussi des expériencespositives semblables à celles qued’autres élèves ont vécues.En mettant en œuvre ces moyens,j’essaie de rendre mes élèves cons-cients de l’éventail de stratégiesqu’ils possèdent, de l’influence qu’ilspeuvent exercer sur leur apprentis-sage et de la responsabilité qui leurincombe.

PROGRAMME ET ACTIVITÉS

EN LECTURE

Actuellement, deux types de coursde lecture sont proposés aux élèvesen difficulté d’apprentissage : l’ortho-lecture, à raison de deux séancespar cycle, touche la moitié des stra-tégies à utiliser; le cours à option

O ui, les adolescents en diffi-culté peuvent combler deslacunes dans leurs appren-

tissages de base! C’est bien ce quej’entendais prouver, lorsque, en 1982,je suis devenue orthopédagogue ausecondaire. Pour y arriver, je devaisenseigner aux élèves des stratégiesqui les rendraient les plus efficacespossible tout au long de leurs études.Aujourd’hui, un peu plus de la moitiéde ma tâche consiste à donner descours de mise à niveau en lecture et en écriture à une cinquantained’élèves à risque de première secon-daire inscrits de leur plein gré etrépartis en petits groupes de six à dix.La lecture des théories issues de larecherche et leur mise en applica-tion ont constitué les fondements dema pratique pédagogique et ontvalidé mes choix depuis lors. C’estcette expérience que je souhaitevous présenter.

ORIENTATION PÉDAGOGIQUEMes interventions pédagogiquessont toujours centrées sur les élèveset je prends le temps d’approfondirles notions enseignées. Je vise àhausser le niveau de certaines capa-cités des élèves faibles pour qu’ilspuissent, comme les autres, cons-truire des compétences transver-sales dans toutes les matières. Poury parvenir, je mise sur l’enseigne-ment de stratégies cognitives et méta-cognitives.La place accordée aux discussionsmétacognitives est importante. Dèsles premiers cours, les élèves cons-tatent, à leur grande surprise lavaleur et le temps qui est consacré àla réflexion et aux discussions toutau long d’une activité. Ainsi, ils sontappelés à faire part de leur plan detravail, des procédés retenus, de lapertinence et de l’utilité des stra-tégies utilisées et à déterminer lemoment où ils pourront s’en res-servir. Ils rétroagissent en parlantdes problèmes soulevés et des solu-tions apportées, en résumant cequ’ils ont appris, etc. L’aménage-ment de la classe reflète l’impor-

tance donnée aux échanges d’idéeset à l’entraide. Nous sommes grou-pés autour de grandes tables, nousformons une équipe et nous pour-suivons les mêmes buts. Le petitnombre d’élèves fournit à chacunl’occasion de s’exprimer, alors que,dans un grand groupe, il arrive sou-vent que celles et ceux qui sontfaibles passent inaperçus.Je privilégie aussi la démarche dumodèle explicite. Par conséquent,je peux lire un texte à voix haute etfaire des regroupements, des infé-rences et des prédictions mêmefausses, parfois, tracer un dessin,situer une île sur la carte, me poserdes questions, y répondre, etc. Ouencore, en écriture, je peux corri-ger les textes des élèves en lesreproduisant sur des transparents,en suivant la méthode que nousdéterminons petit à petit en classe.Toutefois, il demeure assez difficiled’amener les élèves à faire eux-mêmes du modelage pour leurspairs. J’essaie de varier le plus pos-sible les exemples employés et d’yajouter des contre-exemples. Enoutre, j’ai l’intention d’enseignerl’auto-questionnement1 d’unefaçon plus systématique que main-tenant aussi bien en lecture qu’enécriture.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUESET MOYENS EMPLOYÉSVoici certains des objectifs pour-suivis et quelques moyens mis enœuvre pour les atteindre.

DONNER SENS ET COHÉSION AUX

DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DU COURS

Une grande insistance est mise surl’enseignement des processus delecture ou d’écriture et j’y fais cons-tamment référence pour donner lebut d’un travail ou stimuler les con-naissances antérieures des élèves.C’est l’élément unificateur.

DÉMONTRER QUE LES STRATÉGIES

ENSEIGNÉES RÉPONDENT AUX

BESOINS DES ÉLÈVES

Dès le premier cours, les élèvessont invités à faire part de leurs dif-

TOUT NE SE JOUE PAS AVANT 12 ANS :UNE PRATIQUE D’ORTHOPÉDAGOGIE AU SECONDAIRE

par Jacqueline Tessier

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« Bien lire : La clef », offert au rythmede quatre séances par cycle et quirecouvre l’ensemble du programme.L’aide ainsi apportée a pour but dedoter les jeunes en difficulté d’unensemble de stratégies efficaces, de leur apprendre à s’en servir ou de les changer au besoin (auto-régulation). Ces mesures visent aussi,par ricochet, à l’acquisition d’atti-tudes positives et à l’augmentationde la pratique de la lecture.Le programme établi s’inspire de lapsycholinguistique et considère lalecture comme un processus grâceauquel les élèves activent le sens destextes et utilisent tout leur bagagede connaissances et d’expériences.La lecture n’est pas une accumu-lation d’habiletés, mais c’est unprocédé complexe de résolution deproblèmes qui fait appel notam-ment à de nombreuses stratégies, àdes opérations mentales et à lamémoire… Lire, c’est comprendre.Toute la démarche didactique vadans ce sens.Il ne m’est pas possible de fonc-tionner par projets ou par tâchesintégratrices. Le peu de temps (uneannée) accordé aux mesures d’aide,le petit nombre de cours éloignésdans le temps, la multitude destratégies à enseigner et le fait quemon travail s’oriente vers les capa-cités m’incitent à fonctionner paractivités centrées sur un objectifprincipal. Cependant, les élèvesvivent des mises en situation, sontconfrontés à des problèmes, sontamenés à induire des connaissanceset suivent les étapes de l’enseigne-ment stratégique. Les textes lus sont

toujours complets et signifiants.Toutes leurs habiletés sont solli-citées, mais l’accent est mis surl’une d’entre elles seulement. La listed’activités qui suit n’est pas exhaus-tive; des interventions ponctuelless’y ajoutent.

Présentation du processus de lectureAu moyen de nombreuses petitesexpériences, l’élève prend cons-cience du fonctionnement de l’actede lire.

Approche d’un texte etplanification de la lectureCette activité est utile en elle-mêmeainsi que pour en introduired’autres. L’élève découvre ce qu’estune intention de lecture à l’aided’un jeu de rôles, apprend à évaluerune tâche, à faire le survol d’unequestion et à déterminer le genred’un texte, son organisation, lamanière de le lire et l’utilité desconnaissances antérieures.

Activation et utilisation desconnaissances antérieuresAvant de lire, l’élève possède déjà desconnaissances. Il doit apprendre às’en servir pour mieux comprendreet retenir les éléments d’informa-tion importants ou l’histoire. Deplus, les recherches ont montréque, si une personne n’est pas cons-ciente que ses connaissances anté-rieures peuvent être fausses, lerisque est grand que la lecture d’untexte ne puisse les corriger2.

FlexibilitéLa flexibilité consiste en la capacitéd’adapter sa vitesse de lecture et samanière de lire à son intention pre-mière et au matériel lu. Les élèvesen difficulté d’apprentissage onttendance à tout lire et à le faire tou-jours de la même façon.

Substituts et connecteursConnaître les substituts et leursréférents permet à l’élève de com-prendre les liens qui existent entreles parties d’une phrase et ceux qu’ily a à l’intérieur d’un paragraphe.Quant aux connecteurs (donc,cependant, de plus, etc.), ils ser-vent à relier des énoncés et peuventêtre explicites ou implicites. Com-prendre ces mots et les relationsqu’ils induisent (temps, opposition,conséquence, etc.) permet d’établirdes liens entre les idées.

InférencesFaisant aussi partie des processusd’intégration, les inférences (temps,lieu, catégorie, problème-solution,etc.) permettent à l’élève de déduirece qui n’est pas écrit à l’aide d’élé-ments d’information tirés du textecombinés à ses connaissancesantérieures.

Stratégies de prédiction, de vérification, de correction et d’intégrationL’anticipation consiste à s’appuyersur ce que l’on connaît pour pré-voir ce que l’on ne connaît pas et à éliminer les hypothèses impro-bables, ce qui facilite la prise dedécision. Le lecteur doit se baserd’abord sur les indices séman-tiques, syntaxiques, iconographiques,puis sur les indices graphophoné-miques. Il n’est pas nécessaire detout lire, et il y a plusieurs manièresde trouver la même information.3

Les stratégies de vérification suiventobligatoirement et permettent devalider ou d’infirmer les hypothèsesémises : «Est-ce que cela a du sens?»,« Est-ce que c’est bien français? » 4.Le lecteur en difficulté doit s’ha-bituer à reconnaître les bris decompréhension et à apporter unesolution. Quant aux stratégies decorrection, elles rendent possiblel’émission de nouvelles hypothèses,le cas échéant. Les stratégies d’inté-gration permettent au lecteur de seservir des nouvelles connaissancesacquises pour améliorer sa com-pétence.

Autres activitésDe nombreux autres moyens sontutilisés, dont les cartes sémantiqueset la lecture par unités significa-tives. De temps à autre, les élèvesdoivent présenter leurs lectures outenir un journal de lecture. Decourtes séances de lecture dans lecoin réservé à cette fin ont lieu àdes moments fixes, et les empruntsde livres sont possibles.

Programme et activités d’écritureLe programme actuel ne comptequ’une année d’existence. Dans lecontexte de ma tâche de travail,trois années d’expérimentation sontnécessaires pour bâtir un cours quia une solide assise et pour en arri-ver à des résultats valables. Cepen-dant, dès le départ, il faut avoir suf-fisamment de connaissances pour

choisir le bon chemin et suivre uneligne directrice bien définie.Lorsque j’ai planifié le cours d’écri-ture, mon objectif premier étaitd’apprendre aux élèves à réviserleurs textes. Dès septembre, j’ai dûme rendre à l’évidence : à part lesfautes de grammaire, d’usage et deponctuation, les élèves ne voyaientrien d’autre à corriger! C’est pour-quoi le cours compte désormaistrois volets d’une égale importance :l’enseignement du processus d’écri-ture accompagné de l’approfon-dissement des notions touchant lesstructures des textes narratifs etdescriptifs, la grammaire du texte etles procédés de révision. Il est don-né à raison de deux séances parcycle.L’enseignement du processus d’écri-ture se fait en premier et celui por-tant sur les connaissances desstructures de textes suit le dérou-lement du programme de français.En grammaire du texte, j’ai retenules éléments suivants : les quatregrandes règles de cohérence tex-tuelle (répétition, progression, non-contradiction, relation avec lesobjets du monde), l’unité et laconstruction des paragraphes, lesconnecteurs, les organisateurs tex-tuels, quelques procédés de reprisede l’information et de progressionet le système des temps verbaux5. Ladémarche pédagogique dont jem’inspire en grammaire textuelles’apparente à la démarche active dedécouverte (DADD)6 que j’ai unpeu simplifiée. Elle comporte unemise en situation et des phasesd’observation, de formulation d’hy-pothèses, de vérification, de formu-lation de règles, d’exercisation et deréinvestissement surveillé. Avantl’exercisation, j’enseigne une notiond’une manière plus systématique.La lecture et l’écriture étant étroite-ment liées, les élèves doivent liredes textes bien écrits au début etparvenir à trouver des erreurs dansla phase de réinvestissement. Cetapprentissage s’échelonne sur toutel’année et est entrecoupé de travailsur les textes narratifs et descriptifs.L’enseignement des procédés derévision se fait tout au long de l’an-née. En plus des stratégies de détec-tion et de correction, les élèvesapprennent à respecter l’ordre despoints à vérifier lors de la correc-tion et à appliquer les procédés

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de transformation d’un texte. C’est la détection des erreurs qui cause de grandes difficultés aux élèvesfaibles. Pour les aider, j’utilise lesmêmes façons de marquer les textesque celles qui sont proposées dansle matériel de français7. En guised’exercices, les élèves ont d’abord àcorriger des textes dans lesquels iln’y a qu’un seul type d’erreur, puisplusieurs types; viennent ensuite,les textes d’autres élèves et, enfin,les leurs. Ils le font en grandgroupe, à deux ou seuls. L’accentest mis sur la justification des cor-rections faites ou non. Un objectif àlong terme serait de construire unegrille de correction avec les élèves8.L’an prochain, une méthode plussystématique de rétroaction verbaledes élèves sera appliquée : lesgroupes de révision rédactionnelle(GRERE)9.Il est important que l’élève corrigeles erreurs dites de surface (ortho-graphe et ponctuation) après lescomposantes textuelles (schéma etcohérence) et les composantes lin-guistiques (lexique et grammaire dela phrase et du texte)10. Même sitous les élèves font des pauses pourrelire un texte, le vérifier, retournerau plan établi et, au besoin, pour lemodifier, celles et ceux qui sontfaibles n’arrivent pas toujours àcombiner la rédaction et la correc-tion11. Tant qu’ils n’ont pas automa-tisé les procédés de révision, cesderniers doivent reporter la plusgrande part de la correction et laconsultation des ouvrages de réfé-rence juste avant la mise au propre.L’apprentissage de la découvertedes erreurs se fait progressivement.Au début, il faut chercher à corrigerun type d’erreur en relisant, puisdeux, trois et quatre à mesure quel’habileté augmente. J’enseigne aussiles procédés de transformation dutexte. Il s’agit d’utiliser les manipu-lations linguistiques (ou syntaxiques)qui sont enseignées en grammairede la phrase durant le cours defrançais12. Les procédés d’addition,d’effacement, de remplacement etde déplacement servent à ajouter autexte un élément descriptif, à enle-ver un passage non pertinent, àremplacer un mot vague par unautre plus précis ou à déplacer unélément pour le mettre en valeur.Voici maintenant quelques activitésfaites dans le cours d’écriture.

Présentation du processusd’écritureIl se dégage, à partir d’idées misesen commun, des étapes à franchiret des actions à y accoler. Puis, unedirective portant sur le schéma duprocessus d’écriture et l’ordre àsuivre est distribuée13. Le groupecompare et commente. Nous recou-rons à cette démarche toute l’année.

Approfondissement desnotions sur les textesdescriptifs et narratifsTextes descriptifsL’utilisation d’un champ lexical aug-mente et précise le vocabulaire desélèves. Avec le temps, il est possiblede créer une « constellation demots14 » pour une séquence des-criptive : un paysage peut en effetêtre « dessiné » avec des mots. Lastructure et le plan d’un textedescriptif sont aussi travaillés.

Textes narratifsLa structure des textes narratifs estapprofondie au moyen d’exempleset d’exercices en vue de mieuxraconter et décrire toutes les par-ties d’une histoire. Ainsi, je peuxdemander à un ou une élève derédiger l’élément perturbateur ou ledénouement d’un récit, par ailleurscomplet.

Grammaire du texte ParagraphesLa division et l’unité d’un paragraphesont d’abord enseignées, puis appli-quées dans les écrits subséquents.ConnecteursDifférents rapports peuvent être éta-blis entre les phrases : cause, oppo-sition, conséquence, etc. Ce sont lesconnecteurs ( de plus, par contre,car , etc. ) qu’emploie chaque élèvequi assurent l’organisation et lacohérence du texte.Révision de textesLa correction des textes écrits pardes pairs soulève beaucoup d’in-térêt. Elle a lieu quand les élèvesont assimilé certaines notions etcommencent à se sentir sûrs d’eux.Le défi que je relèverai l’an pro-chain sera d’écrire et de corrigerun texte devant la classe15.RésultatsLa méthode prétest/post-test est uti-lisée aussi bien en lecture qu’enécriture. Elle permet de mesurer laprogression des élèves pendantl’année scolaire.

LectureTous les tests utilisés ont été conçuset validés à même ma pratique pro-fessionnelle. L’ensemble des élèvesqui bénéficiaient d’un suivi en lec-ture ont passé les trois premiers,tandis que celles et ceux qui étaientinscrits au cours à l’option les onttous subis.Test d’efficienceLe texte utilisé, d’un niveau de lec-ture libre ( texte qui en principedevrait être aisément compris pardes élèves du début du secon-daire ), comporte 1 086 mots et estsuivi de dix questions de com-préhension. Pour y répondre, lesélèves n’ont pas le droit de se réfé-rer au texte. Ce test mesure l’effi-cacité de la lecture en multipliant lavitesse établie en mots/minute parle résultat en compréhension donnéen pourcentage. À l’exception de cetest, aucune autre lecture chrono-métrée n’est faite en classe. Depuis1997, les résultats s’équivalent : lesélèves qui reçoivent moins d’heuresde cours haussent leur efficacité enlecture d’environ 50 p. 100 et ceuxqui suivent le cours à l’option ladoublent.Test d’anticipationIl s’agit d’un test dans lequel 50 motsmanquent. Le niveau de difficultédu texte utilisé correspond auxhabiletés acquises à la fin du pri-maire. Chaque année, l’améliora-tion constatée varie de 20 p. 100 à35 p. 100.Test de compréhensionCe test est constitué de plusieurscourts textes de différents types etcomporte des questions faisantappel à des habiletés de repérage,de sélection, de regroupement etd’inférence. Dans un premier temps,un point est accordé par bonneréponse. L’amélioration est d’envi-ron 20 p. 100. Dans un deuxièmetemps, selon la complexité desopérations mentales à faire, unnombre croissant de points (1 à 4)est accordé par réponse juste. Lesnotes obtenues au deuxième test ontprogressé de 54 p. 100 en 1999.Test du mot intrusIl s’agit d’un test de mesure consti-tué d’un texte de 260 mots. À chaqueligne, un mot qui ne convient pas etqui nuit à la compréhension estajouté. L’élève doit trouver le motqui gêne sa recherche de sens etl’éliminer le plus rapidement pos-

sible. Ce type de test chronométrén’est pas présenté aux élèves encours d’année. En juin, la noteobtenue peut s’améliorer d’environ15 p. 100 et le temps, diminuer de8 p. 100 à 32 p. 100.Test des deux histoiresDeux titres sont d’abord donnés.Suivent 25 phrases rattachées à l’unou l’autre et réparties de manièrealéatoire. L’ordre chronologique dechacun des deux textes est cepen-dant respecté. Les élèves doiventrepérer les phrases qui se rap-portent à chaque titre donné etreconstituer les deux histoires. Laprogression des élèves peut attein-dre 23 p. 100 et la diminution dutemps peut être parfois de 34 p. 100.Test sur les inférencesCe test vise à vérifier, à l’aide decourts textes, si l’élève est capablede faire différents types d’infé-rences. L’amélioration constatéepeut varier de 17 p. 100 à 48 p. 100.Test sur les référents et les substitutsCe test permet de savoir si l’élèveest en mesure de repérer les réfé-rents lorsqu’il y a des mots de subs-titution dans un texte. Chaqueannée, je note des améliorationsallant de 35 p. 100 à 51 p. 100.Pendant les premières années d’exis-tence du service d’orthopédagogie,un groupe de contrôle formé d’unetrentaine d’élèves faibles, moyens etforts en français, avait été constitué.En 1982-1983, l’efficacité du groupeque je suivais est passée de 79 à120 mots/minute et celle du groupede contrôle, de 90 à 113 mots/minute. En 1983-1984, le premier aaugmenté son efficacité de 33 mots/minute et le second, de 22 mots/minute. Lors d’un autre test de com-préhension, les proportions ont étéde 23 p. 100 et de 8 p. 100 respec-tivement. En 1984-1985, je notais32 p. 100 d’amélioration chez mesélèves, alors que les quatre classesordinaires de deuxième secondairefaisaient un gain de 8 p. 100 et obte-naient des notes inférieures au total.Mieux que les statistiques, ce sontles témoignages des élèves eux-mêmes qui montrent les progrèsaccomplis. Les propos qui suiventont été recueillis par écrit troismois à peine après le début descours. Les élèves sont capablesd’observer leur propre comporte-ment de lecteurs et de nommer les

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points améliorés qui correspondentaux mises en œuvre en classe.« Je lis plus vite, je comprendsmieux » ( Jonathan ).« Je me reprends moins et j’ai plusconfiance en moi » ( Michel ).« Je me rappelle plus ce que j’ai lu.J’ai arrêté de bouger les lèvres »( Benoit ).« Je ne suis plus avec mon doigt »( Catherine ).« Je ne fais plus de retoursinutiles » ( Maxime ).« Je ne répète plus les mots dansma tête. Je suis plus concentrée »( Mélanie ).« Je lis par groupes de mots au lieude lire par syllabe » ( Mélanie ).L’amélioration se fait aussi sentirdans les autres cours.« Dans mon examen de mathéma-tique, j’ai lu mon problème pluslentement et je l’ai compris »( Martine ).« Je peux aider les autres. Dansmes cours de français et de mathé-matique, je comprends mieux ceque je lis » ( Karine ).« En écologie, je lis plus vite et jepeux tout me rappeler, même aucours suivant » ( Éric ).« En informatique, je suis meil-leur pour les consignes. Enfrançais, je suis meilleur pour la compréhension des textes et lalecture des livres » ( Maxime).« Ça m’aide dans toutes les ma-tières » ( Carine ).

Cette dernière, très enthousiaste,ajoute :« Moi, à chaque jour qui passe, jesens que j’augmente toutes mesperfections . »ÉcritureLe seul test utilisé, au cours de cettepremière année, consistait en untexte dans lequel j’avais volontaire-ment inséré 24 erreurs portantsurtout sur la structure, les para-graphes et la grammaire du texte etqui ne comportait que quelquesfautes d’accord et d’usage. Les élèvesdevaient détecter et corriger leserreurs de toutes sortes selon laconsigne donnée.Ce test était d’un niveau de difficultétrop élevé. L’an prochain, j’ai l’in-tention de préparer un texte quiprésentera moins d’erreurs et debâtir d’autres tests portant sur cer-taines notions seulement. Les résul-tats montrent quand même qu’enjuin, les élèves ont corrigé cinqfautes de plus qu’en septembre eten ont ajouté moins, c’est-à-dire 2,8au lieu de 11,4. Par fautes ajoutées,j’entends des erreurs bien détectéeset mal corrigées ou, le plus souvent,des mots bien écrits et changés àtort.Jeter un coup d’œil sur les feuillesest très révélateur. En septembre,quelques petites lettres y sont ins-crites, et la correction ne porte quesur les erreurs de surface. En juin,les ratures, les flèches, les ajouts et

les justifications abondent dans lamarge, et des fautes de toutes sortessont corrigées.Encore une fois, les commentairesdes élèves demeurent les plus élo-quents. Ce qui revient le plus sou-vent, c’est ceci : « Maintenant, je mepose des questions. » Le lien avec lefrançais paraît évident.Ils écrivent ce qui suit :« Pourquoi est-ce qu’on ne nous a pas enseigné ça avant? »( Nicolas ).« Je suis capable de faire desphrases plus précises et de com-poser des récits plus complets »( David ).« Mes phrases sont mieux for-mulées et mes notes de françaisont augmenté » ( Marc-André ).« En français, je me sers de beau-coup des choses que j’ai apprisesen ortho. Maintenant, j’aperçoisplus rapidement mes fautes »( Vanessa ).« Mes notes de français ont aug-menté. J’ai plus de facilité à cor-riger » ( Philippe ).« Je vois une différence dans mestextes écrits » ( François ).Plus tard dans l’année, des élèvesm’ont affirmé avoir utilisé le plan telquel pour faire une recherche engéographie.En juin, chaque élève reçoit le bilande ses acquis (de septembre à juin)dans lequel sont soulignés les gainsimportants.Lorsque les élèves en difficultéd’apprentissage étaient admissiblesaux mesures d’aide en première eten deuxième secondaire, la propor-tion de celles et ceux qui s’inscri-vaient de nouveau en lecture ou enécriture, de leur plein gré, dépas-sait 90 p. 100.

DU TRAVAIL ET… DES RÊVES

Beaucoup de travail accompli,encore beaucoup à faire; des pro-jets réalisés, d’autres à venir; desconnaissances acquises, d’autres àdécouvrir. Plus de quinze années delabeur sont résumées en quelquespages, années dominées par unepassion pour le métier d’enseigner.Toutefois, il reste de la place pourdes rêves : participer à une re-cherche-action universitaire, voir lamise en œuvre d’une formation despécialistes des mesures d’aide auxadolescents en difficulté d’appren-tissage, assister à l’accroissement

des services pour ces derniers etétablir une structure de consulta-tion avec les professeurs de françaisde mon école.Jacqueline Tessier est ortho-pédagogue à l’école secondaireL’Envolée de la Commissionscolaire du Val-des-Cerfs.

1. Sylvie VIOLA. « Dis-moi quelles ques-tions tu poses et je te dirai qui tu es »,Québec français, hiver 1998, p. 40-46.

2. Jocelyne GIASSON. La compréhensionen lecture, Boucherville, Gaëtan Morin,éditeur, 1990.

3. Frank SMITH. Devenir lecteur, Paris,Armand Colin/Bourrelier, 1986.

4. J. GIASSON et J. THÉRIAULT. Appren-tissage et enseignement de la lecture,Montréal, Éditions Ville-Marie, 1983.

5. QUÉBEC, DIRECTION DE LA FORMATIONGÉNÉRALE DES JEUNES. Session de per-fectionnement : document d’accompa-gnement – Grammaire de la phrase etdu texte, Québec, ministère de l’Éduca-tion, mai 1994.

6. Suzanne-G. CHARTRAND. « Apprendre lagrammaire par la démarche active dedécouverte », dans Suzanne-G. CHAR-TRAND et autres, Pour un nouvel ensei-gnement de la grammaire, Montréal,Les Éditions Logiques, 1996.

7. D. FORTIER, J. ROUSSELLE, et L. ROY.Mes ateliers de grammaire, Premièreannée du secondaire, Anjou, Les Édi-tions CEC, 1997.

8. Raymond BLAIN. « Apprendre à ortho-graphier par la révision de ses textes »,dans Suzanne-G. CHARTRAND et autres,Pour un nouvel enseignement de lagrammaire, Montréal, Les ÉditionsLogiques, 1996.

9. Sylvie BLAIN. « Écrire et réviser avec sespairs », Québec français, printemps1995, p. 28-30.

10. QUÉBEC, DIRECTION DE LA FORMATIONGÉNÉRALE DES JEUNES. « La révision detexte au secondaire, une passion àdévelopper », Cahier de présentation,ministère de l’Éducation, janvier 1998.

11. Clémence PRÉFONTAINE. Écrire etenseigner à écrire, Montréal, Les Édi-tions Logiques, 1998.

12. R. BERGERON et B. HARVEY. « Réviserpour apprendre à écrire », Québecfrançais, hiver 1998, p. 36-39.

13. Clémence PRÉFONTAINE. « Le processusd’écriture», Québec français, mars 1988,p. 18-21.

14. Raymond BLAIN. Pratiques d’écriture :cahier A, Boucherville, Vézina Éditeur,1989.

15. Guy BOUDREAU. « Écrire devant sesélèves ou l’enseignante modèle-scrip-teur », Vie pédagogique, mai-juin 1991,p. 44-47.

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LEt que dire de la cassette vidéo réa-lisée par la classe d’Annie Martel del’école Alice-Parizeau? Dans cettevidéo, chaque équipe nous faisaitvisiter différents endroits dansl’école tout en nous informant desfaçons d’y économiser l’énergie.Puis, les élèves ont conçu un recueilde jeux et de devinettes sur le con-tenu de cette production audio-visuelle avant d’en proposer levisionnement aux autres classes del’école. Les auditeurs ont-ils bienécouté les conseils de cette vidéo?C’est ce que les réponses au recueilde jeux et devinettes nous dévoi-leront!À l’école Saint-Clément, MartinSawier et Hélène Dupont, deuxenseignants de 6e, ont uni leursefforts afin de renseigner les élèvessur leur consommation d’eau et depapier. Vraiment, dans cette école,aucun jeune n’a pu échapper auxdifférentes campagnes de sensibili-sation qui y furent organisées. Fina-lement, un dernier élément attirenotre attention : il semble que lesclasses qui regroupent des élèvesen difficulté ou handicapés appré-cient grandement le fait de travaillerà la réalisation de ce projet. C’est lecas, notamment, de Serge Blackburnde l’école Gadbois qui participe àce concours avec ses élèves sourds.D’ailleurs, c’est un de ses élèves quiillustre la page du Québec, soit lemois de septembre 2000 (chaqueprovince a son mois) dans le calen-drier de l’Office de l’efficacité éner-gétique (que vous pouvez obtenirsans frais au 1-800-387-2000).Quoi qu’il en soit – si vous avez le goût de vivre un

projet stimulant, voire « Éner-gique », avec vos élèves,

– si vous voulez intégrer certainséléments de la réforme dans votrepratique pédagogique,

– si vous souhaitez mettre du pi-quant dans votre enseignement,

– si vous êtes sensible aux enjeuxenvironnementaux de notreépoque,

– tentez un nouveau défi : MISSION

ÉCO-ÉNERGIE2.

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MISSION POSSIBLE

L es élèves sont fébriles. Lacloche de la récré vient desonner et ils restent assis, un

sourire en coin, un soupir au cœur.Sous la direction complice de KathiaPilon, ces jeunes de 5e année àl’école Saint-Pascal-Baylon (quar-tier Côte-des-Neiges à Montréal)m’attendaient, contenant avec peineleur énergie débordante. Avant deles rejoindre, il me fallait accom-pagner mes élèves de 6e jusqu’à lasortie et remonter deux étages... leplus innocemment possible... touten jetant un coup d’œil, de-ci de-là,dans les corridors. Hé oui! Vousl’avez deviné, j’étais complice de la5e B!Une fois mes arrières assurés, j’en-trai rejoindre Kathia et ses magni-fiques élèves. (Quand même pasaussi magnifiques que les miens,c’est certain!) Mais au fait (ouvronsune parenthèse), connaissez-vousles jeunes de Saint-Pascal-Baylon? Àmes yeux, ils se comparent à :• un bouquet de fleurs des champs

avec des couleurs, des saveurs etdes odeurs multicolores, multi-ethniques, multiconfessionnelles,multiculturelles, multilingues, mul-tilatérales, multinationales (maispas multimillionnaires), multipleset plurielles;

• un bouquet de fleurs aux lueursde la « biodiversité » des idées etdes valeurs;

• un bouquet qui m’est cher (fer-mons la parenthèse).

Donc, sans perdre un instant (niune parenthèse) Kathia et moi rap-pelons les consignes de cette mis-sion d’espionnage :« Chaque équipe (trois ou quatreélèves) entre dans la classe qui lui aété désignée pour :1. Regarder la lumière : allumée ou

éteinte?2. Dans le bac, compter le nombre

de feuilles utilisées recto seule-ment.

3. Dans le bac, compter le nombrede feuilles utilisées recto verso.

Et ensuite? »« Et ensuite, poursuit Hoang, impa-tient et les yeux pétillants, on replace

le tout comme il faut et on revientIMMÉDIATEMENT en classe pourcommuniquer nos données àKathia. »« Très bien Hoang. Allons-y! »Dans un élan commun, les élèves se pressèrent vers la sortie pour serépandre, tel un flot en efferves-cence, dans les corridors de l’école.Kathia demeura dans l’embrasurede porte de sa classe pour accueillirses élèves tout en surveillant le cor-ridor du deuxième. Et moi, du pre-mier au deuxième et vice et versa, jesupervisais les enquêteurs en quêtede mesures précises. En dix mi-nutes, l’opération « La main dansl’bac » était terminée. « Mission ac-complie! » s’exclama Kathia devantses élèves fiers et enthousiastes.Après une courte pause, la classes’envolait dans l’univers fantastiquedes pourcentages, des moyennes etdes tableaux de toutes sortes.Quand le virtuel s’assoit sur le réelnous sommes en pleine pédagogiepar projets, en pleine situationd’apprentissage. Quand les élèvesmobilisent différentes connais-sances et habiletés afin d’accomplirleur mission, ils tissent des liensentre les exercices tirés des manuelset les nombreux défis de la réalité.Pour certains, la notion de pour-centage n’aura plus jamais le mêmesens... et que dire des autres?

MISSION ÉCO-ÉNERGIECette année-là (1998-1999), Kathiaet ses élèves recevaient le premierprix, soit 250 $, qu’ils ont dépenséen s’offrant un dîner de fin d’annéeau restaurant. Tous étaient ravis! Ilsétaient fiers de leurs réalisations et,bien sûr, de leur prix.Hé oui! Mission Éco-Énergie est unconcours qui s’adresse aux élèvesde la CSDM1 mais il demeure avanttout une démarche de résolution deproblèmes qui peut être utilisée partoute personne désireuse de lancerle thème de l’économie d’énergiedans sa classe. Cette activité peuts’étaler sur quelques semaines ousur toute l’année scolaire. Briève-ment, voici les principales étapes decette palpitante mission.

FAIRE LE PLEIN D’ÉNERGIE AVEC MISSION ÉCO-ÉNERGIEpar Carole Marcoux

1. EXPLORATION

Les élèves se rappellent leurs con-naissances ou leurs croyances enmatière d’énergie et réfléchissentsur leur propre consommation. Cetteréflexion se fait d’abord individuel-lement, puis en équipe, selon unmodèle coopératif.

2. PROBLÉMATIQUE

D’après cette première exploration,chaque équipe choisit d’abord uneproblématique qui se pose à l’écoleou à la maison. Puis, elle construitun questionnaire en vue de menerune enquête qui aura pour butd’évaluer la pertinence de la pro-blématique choisie. Les élèves com-pilent leurs résultats et préparent des tableaux, graphiques ou histo-grammes afin de communiquerleurs constatations à toute la classe.Finalement, après toutes les présen-tations, la classe choisit une problé-matique relative à la consommationd’énergie.

3. PLAN D’ACTION

Seuls, puis en équipe, les élèvesinventorient des pistes de solution.Collectivement, la classe en retientune ou quelques-unes, établit uncalendrier de travail et répartit lestâches parmi les équipes. Puis, lesjeunes mettent en œuvre leur pland’action.

4. ÉVALUATION

Les élèves évaluent leur démarcheet l’incidence de celle-ci sur lemilieu choisi avant de formulerleurs recommandations.Naturellement, chaque enseignanteou enseignant s’approprie cettemission à sa façon. Par exemple, àl’École internationale de Montréal,Martine Picard préfère attribuerune problématique par équipe plu-tôt qu’en choisir une pour tout legroupe. Ce n’est pas le cas de LiseVézina, enseignante d’écologie, quia orchestré toute une cabale àl’école Père-Marquette avec la col-laboration de l’animateur de pasto-rale, de l’enseignant de mathéma-tique et de l’enseignant de français,de la personne ressource en infor-matique et même avec celle dudirecteur adjoint!

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L’INTENTION ÉDUCATIVEÀ L’ORIGINE DE CE PROJETDE CLASSEGrâce à ce beau projet de classe,nous croyons que vous pourrezviser le développement de quelquescompétences transversales : – exploiter l’information recueillie

en cherchant et en traitant lesdonnées et les renseignementsqui s’y rapportent;

– résoudre des problèmes en sepenchant sur une problématique;

– exercer sa pensée critique en éva-luant sa consommation d’énergieet celle de ses pairs;

– donner libre cours à sa créativitéen imaginant des moyens origi-naux pouvant influer sur certaineshabitudes de consommation;

– adopter des méthodes de travailefficaces en planifiant et en éva-luant sa démarche de résolutionde problèmes;

– exploiter les tic comme outils pé-dagogiques en consultant les sitesWeb proposés,• explorer un ou quelques do-

maines d’expérience de vie :environnement, consommation,santé et bien-être, citoyennetéet développement sociorela-tionnel;

• travailler diverses compétencesdisciplinaires : français, sciences,technologies, mathématiques etarts plastiques;

• intégrer dans sa pratique péda-gogique, une gestion coopé-rative ainsi qu’une approcheconstructiviste, systémiqueet réflexive;

• agir concrètement pour proté-ger l’environnement.

EN CONCLUSIONToutes les enseignantes et tous lesenseignants qui ont accompli cettemission avec leurs élèves engardent un excellent souvenir. Ilss’entendent aussi sur le fait quecette expérience leur a demandébeaucoup de travail, mais que cedernier avait, en guise de compen-sation, suscité un vif intérêt chez lesélèves qui s’étaient engagés danscette grande aventure. Donc, sil’aventure vous intéresse, demandezvotre mission dès aujourd’hui.Bonne chance!

Carole Marcoux, était ensei-gnante à l’école Saint-Pascal-Baylon jusqu’en juin 2000, elleest maintenant membre du Comité central de l’environ-nement (CCE), de la CSDM,Montréal, 514-596-2076 [email protected]

En 1997, le Comité central del’environnement (CCE) de laCSDM (Commission scolaire deMontréal) en collaboration avecle Service des ressourcesmatérielles de la CSDM lanceun concours visant l’économied’énergie dans ses différentsétablissements : Mission Éco-Énergie3. Il faut dire que ladépense énergétique annuelle àla CSDM est de 16 M $, ce quimotive notre commission sco-laire à investir dans la sensibili-sation de son personnel et deses élèves. En 1998, l’Agencede l’efficacité énergétique(AEE) du Québec s’associe auComité central de l’environ-nement pour encourager etsoutenir cette heureuse initia-tive. Finalement, en 1999, aprèsavoir consulté des enseignantset des conseillers, nous (le CCEet l’AEE) avons préparé unenouvelle édition qui respectel’esprit du nouveau programmede formation.

1. De la deuxième à la sixième année duprimaire et en première année du secon-daire dans le cours Écologie.

2. Pour obtenir gratuitement un exemplairede cette mission communiquez avecCarole Marcoux du Comité central del’environnement au 514-596-2076, si vous êtes de la CSDM, et pour tous lesautres, appelez M. Serge Laurendeau del’Agence de l’efficacité énergétique au 1-877-727-6655.

3. Idée originale de Pierre Geoffré et rédac-tion par Carole Marcoux.

visitent le site leur propre carte pro-fessionnelle. La classe est toujoursjumelée avec des correspondants.Nous participons à des projetsassistés (http://www.cslaval.qc.ca/Prof-Inet/aai/collab/proj-ass.htm),ce qui nous donne l’occasion detravailler avec d’autres classes.Depuis 1999, nous dressons notrepropre liste de diffusion en vued’informer nos amis, parents etcorrespondants de l’évolution denotre site.Nous commençons toujours notresite Web en créant une mascotte eten lui trouvant un nom. L’intentionpédagogique est évidemment decréer un sentiment d’appartenance.Ensuite, nous établissons différentescatégories en vue de regrouper lamajorité des projets. Une fois prisesles décisions, je travaille sur uncanevas de site et je conçois la paged’accueil. Les élèves se chargenteux-mêmes du contenu des pages enfonction des projets qu’ils réalisenttout au long de l’année scolaire.Le site Web de classe joue plusieursrôles qui demeurent les mêmesquels que soient les groupesd’élèves. Toutefois, le site peut ser-vir à d’autres usages selon lesbesoins et les goûts des créateurs.

UN PROJET DE CLASSE

Le site Web, qui se conçoit duranttoute l’année scolaire, aide à déve-lopper un sentiment d’apparte-nance au groupe. Il instaure un cli-mat de coopération dans lequelchaque élève est important.

UN LIEU DE PUBLICATION MOTIVANT

Un site Web est un magnifique lieude publication des travaux desélèves. Ils peuvent en effet bénéfi-cier de tous les avantages qu’offreInternet : photos, images qui bougentet accès directs à de l’informationsupplémentaire.Étant donné que leurs travauxparaîtront sur le site de la classe,l’intérêt des jeunes croît. Ils savent

E nseigner, c’est mettre enplace un environnement pourque les élèves apprennent.

Une pédagogie du projet intégrantles nouvelles technologies de lacommunication offre au personnelenseignant d’étonnantes possibilitésde respecter les différences, tout ensuscitant la motivation des élèves.Le premier intéressé, l’élève, doitêtre responsable de ses compor-tements et de ses apprentissages. Il ou elle puise sa motivation etdéveloppe son estime de soi en pro-duisant un travail signifiant.Dans cet esprit, les technologiespermettent aux élèves de prendrecontact avec le vrai monde. La créa-tion d’un site Web de classe et leséchanges de points de vue par cour-rier électronique avec des expertsleur donnent l’occasion de faire desapprentissages dans un contexteréel.J’expérimente ces procédés depuisplusieurs années. Voici quelquesprojets qui vous aideront à com-prendre pourquoi je dis, sans pré-tention, que mes élèves « apprennentpour vrai! ».

UN SITE WEB DE CLASSEÀ DES FINS PÉDAGOGIQUESJe fais, depuis 1997, un site Web declasse avec mes élèves. Leurstravaux paraissent sur une pageintitulée « Les trésors de Martine »(http://nor.cspaysbleuets.qc.ca/ecoles/alb/martine/martine.htm).Chaque site a ses particularités, maisrespecte un principe de base : c’estavant tout une façon de communi-quer! Cependant, attention! Internetn’est pas un public en soi. Nous nepouvons faire un site Web et espé-rer qu’une personne lira, par ha-sard, nos travaux... Nous devonsadresser notre travail à quelqu’un.Donc, pour créer une intention decommunication, nous utilisons dif-férents moyens. Ainsi, les élèvesoffrent à toutes les personnes qui

LE VIRTUEL DANS LA RÉALITÉ DELA CLASSE OU LE VIRTUEL, UN AVANTAGE RÉEL DANS LA CLASSEpar Martine Larouche en collaboration avec Jacques Aubut

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en effet que d’autres personnes enprendront connaissance. Le site estsouvent lui-même la source de nou-veaux projets.

UNE OCCASION DE RECEVOIR

DES FÉLICITATIONS

Le site Web permet de recevoir desmessages de félicitations et d’en-couragement des quatre coins dumonde. Bien que les visiteurs nelaissent pas tous des messages, lecompteur du site témoigne bien dunombre de visites et les enfantsprennent plaisir à le surveiller. Ils yvoient un indice de popularité,donc des lecteurs supplémentaires.

UN LIEU POUR TRAVAILLER

EN COLLABORATION

Le site Web est un lieu réel poureffectuer des travaux en collabora-tion. Il permet de créer et d’entre-tenir de belles relations d’amitié.Un bel exemple de travail de cegenre est celui qui a été fait avec descorrespondants suisses. Par cour-rier électronique, nous avons pucomparer la manière dont la Suisseet le Québec célèbrent la fête deNoël.

DES ÉCHANGES CULTURELS

Un site Web est un lieu privilégiépour connaître d’autres cultures.Ainsi, nous avons constitué un dos-sier en vue d’expliquer à des cor-respondants suisses ce qu’étaitl’Halloween. De leur côté, ils ontdécrit une de leurs fêtes : l’Esca-lade. En 1999, les élèves se sontassociés à cinq classes de différents

pays et les ont surnommées « nosportes sur le monde ». De la sorte,ils obtiennent réponse à leurs ques-tions selon les projets en cours. Lesélèves ont ainsi pu comparer, entreautres, les arbres et les hivers decinq pays avec les nôtres.

DES OCCASIONS DE PARTICIPER

À DES ACTIVITÉS D’ENVERGURE

INTERNATIONALE

Internet facilite les liens avecd’autres pays francophones. Un siteWeb permet effectivement de parti-ciper à des concours internationaux.Lors d’une recherche collective surle béluga, notre réelle intention decommunication provenait du faitque nous participions à un concoursdestiné aux pays francophones dumonde entier. Notre travail nous ad’ailleurs valu un prix.

UNE INVITATION À AMÉLIORER

LE TRAVAIL

Les élèves peuvent facilement amé-liorer la présentation de leurs tra-vaux sur une page Web. Pour eux, il s’agit même d’un jeu : changer lescouleurs, ajouter des dessins, éta-blir d’autres liens. Ils ont tellementle goût de le faire que je dois impo-ser une règle de conduite : lors-qu’un travail est déposé dans le site,il est interdit d’y toucher, sauf pourcorriger des erreurs. Les élèvesévaluent leur travail et prennentnote de ce qu’ils auraient puaméliorer. Ils développent ainsi legoût de se dépasser et ont déjà entête le prochain travail.

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L’OCCASION D’APPROFONDIR

UN MÊME SUJET

Un autre avantage d’un site Web estla possibilité qu’il offre de pour-suivre un projet qui semblait ter-miné. À preuve, en avril 1998, unélève de 9 ans a fait paraître dans lesite de la classe, le fruit d’unerecherche sur l’autruche. En mai, ila ajouté un nouvel article sur l’œufque l’autruche venait de pondre. En juin, il en a rédigé un autre àl’intention de nos correspondants,accompagné cette fois d’une pho-tographie de l’autruchon. Cet élèvea effectué une recherche en troisétapes pour le seul plaisir d’infor-mer. Quel autre moyen permet derelier trois travaux effectués à dif-férents moments?

UN PORTFOLIO COLLECTIF

ÉLECTRONIQUE

Grâce au site, les élèves peuvent lire les travaux de leurs amis. Ilsdeviennent ainsi des personnes-ressources, puisque le site leurdonne la possibilité de présenterleurs travaux à la classe. Tout aulong de l’année scolaire, le site Webdevient un véritable portfolio collec-tif électronique en raison du grandnombre de travaux qu’il contient.En le visitant, les élèves retracenttous les travaux importants accom-plis au cours de l’année scolaire. Ilsvoient à quel point les premierstextes diffèrent des derniers; ilsvisualisent de la sorte leur pro-gression. Ils font des liens entredifférents éléments d’information eteffectuent des apprentissages dé-cloisonnés.Nous observons également uneamélioration de la présentation destravaux dans le site. Les élèves dé-couvrent, grâce aux différents pro-jets qu’ils ou elles réalisent, toutesles possibilités d’ordre techniquequ’offre la publication dans Internetet les intègrent progressivement àleurs travaux scolaires. Mais, sur-tout, ils apprennent à communiquerd’une manière efficace à l’aide desmédias électroniques.

UNE OCCASION DE LANCER

DES DÉFIS

Le site Web est l’occasion de lancerdes défis. Dans la majorité de leursprojets, les élèves prévoient, cetteannée, préparer des questionnairesou des énigmes à l’intention des

personnes inscrites sur leur liste dediffusion. Les correspondants yrépondront par courrier électro-nique. C’est encore une occasionréelle et amusante de lire et d’écrire.

L’UTILISATION DU COURRIER

ÉLECTRONIQUE POUR COMMUNIQUER

AVEC UN EXPERT

Grâce au courrier électronique, lesdistances n’existent plus. Ainsis’ajoutent de nouvelles personnes-ressources dans la classe qui sontcrédibles aux yeux des élèves. Deplus, peu importe leur situation géo-graphique, ces personnes peuventêtre présentes virtuellement dans laclasse tous les jours.Dès le départ, le simple fait d’êtreen communication avec des expertsdonne une tout autre significationaux activités d’écriture et de lec-ture. En outre, les liens affectifs quise créent influent incontestablementsur la motivation des élèves.Selon Le Larousse électronique, un expert est une personne quiacquiert une grande habileté dansun domaine par la pratique. Parconséquent, le nombre d’expertspotentiels est presque illimité. C’estune occasion rêvée pour les élèvesde tirer profit des compétencesd’une tierce personne.

Agathe Génois, écrivaineGrâce à une épreuve d’examen duministère de l’Éducation (lecture,1997, 3e année du primaire) j’aiconnu le premier roman d’AgatheGénois : Sarah, je suis là! Je me suisalors demandé si elle accepterait denous dire comment elle s’y prenaitpour écrire un livre. En visitant le site « Littérature québécoise »(http://felix.cyberscol.qc.ca/LQ/accueil.html), j’ai lu l’appel à tousd’Agathe. Il n’en fallait pas plus pourque je communique avec elle. Nousavons tout de suite sympathisé etavons décidé de travailler ensemble.Comme première activité, nousavons lu Sarah, je suis là!, au fur età mesure de la lecture, les enfantslui faisaient part de leurs commen-taires sur ce que vivaient les per-sonnages. Ils pouvaient ainsi lescomprendre et les imaginer encoremieux. Une fois le roman lu, lesenfants ont questionné Agathe surdifférents aspects de l’histoire ouparfois sur la façon dont elle l’avaitrédigée.

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À la suite de l’activité, les enfantscomprenaient particulièrementbien comment un écrivain peuttrouver ses idées, le nom des per-sonnages, les lieux, tout le proces-sus de l’écriture, en somme! Quiplus est, Agathe leur avait donné legoût d’écrire une histoire.La deuxième partie du projet a con-sisté à rédiger des histoires. Agatheleur a donné jour après jour desconseils sous la forme « trucsd’écrivain ». Elle leur a décrit dansdes mots simples comment rassem-bler toutes les idées possibles etimpossibles. Elle les renvoyait régu-lièrement à des exemples concretsqui se trouvaient dans son roman.L’écriture des histoires s’est faite enapprentissage coopératif. Nousavons formé des équipes de quatrepour limiter le nombre de commu-nications et favoriser la discussionaux différentes étapes d’écriture.Les élèves ont rédigé un brouillonde texte et l’ont fait parvenir à Agathe.Avec patience, elle leur a suggéréd’y apporter des changements envue d’améliorer leur histoire. Lesélèves ont accepté de modifier leurtexte avec plaisir, une étape d’écri-ture importante que j’avais de ladifficulté à leur faire franchir habi-tuellement. Je suis convaincue queles élèves ont révisé leur texte avecsérieux parce qu’ils étaient conseil-lés par une experte! Un autre élé-ment important concernant la moti-vation est qu’ils écrivaient pour unpublic cible, soit les autres classeset les correspondants suisses.En lisant leur histoire, les enfantsrayonnaient; chaque équipe avaitécrit une « vraie histoire ». Nousavons déposé les deux versions dansnotre site Web pour que d’autresélèves de troisième année cons-tatent qu’il est possible d’améliorerun texte sans changer toutes lesidées. Nous avons également éditédes livres. Un beau projet de coopé-ration dans lequel les jeunes se sonttransformés en illustrateurs, enimprimeurs, en éditeurs et mêmeen promoteurs de vente. Les livresde la collection Tom et Cie sont,depuis leur parution, disponibles àla bibliothèque de notre école.Au cours de ce projet, nous avonscommuniqué avec Mme Fréchette.Cette dame est la propriétaire dePretzel, le chien en vedette dans

le deuxième livre d’Agathe : Adieu,vieux lézard!. Cette rencontre vir-tuelle a contribué une fois de plus,à l’établissement de liens entre lafiction et la réalité.Que dire des retombées des acti-vités faites avec Agathe? De touteévidence, les élèves ont développéun goût pour la lecture et l’écriture.Ils ont démythifié le travail de l’écri-vain. Ils ont saisi que, derrièrechaque histoire, il y a quelqu’un quia pris le temps de s’asseoir, d’ob-server, d’écrire et de réécrire.Le lien affectif établi entre lesenfants et Agathe est bien percep-tible. Grâce à elle, nous avons prou-vé que les communications parInternet véhiculent non seulementde l’information, mais aussi desémotions.Connaissant la nécessité d’avoir desmodèles à offrir aux élèves et lamotivation qu’ils peuvent susciter,je n’ai pas été surprise lorsque cer-tains d’entre eux m’ont dit que, plustard, ils seraient écrivains eux aussi!

Madeleine Girard,orthopédagogueC’est en naviguant sur Internet queMadeleine Girard, orthopédagogue à la retraite, a découvert le site « Lestrésors de Martine ». Elle m’a pro-posé d’aider un certain nombred’élèves en difficultés d’apprentis-sage.Elle met donc son expertise au ser-vice de ceux et celles qui présententdes difficultés et des retards impor-tants. Mme Girard les questionne parcourrier électronique. Ses messagesles obligent donc à lire et à écriredes phrases dans un contexte réel.Puisqu’elle suit les projets de laclasse, elle permet aux jeunes des’intégrer en leur faisant rédigerleurs textes pour le site Web.Comme dans le cas du projet réaliséavec Agathe Génois, des liens affec-tifs se créent entre les élèves visés etMme Girard, ce qui influe beaucoupsur la motivation de ceux-ci. Ils sontégalement heureux d’avoir des com-munications privilégiées avec elle.

MES APPROCHES PÉDAGOGIQUES

Tous ces projets ne pourraient voirle jour dans un environnement tra-ditionnel. J’adapte donc ma gestionde classe aux projets des élèves.Parfois j’organise le travail par ate-lier, parfois je privilégie l’appren-

tissage coopératif, mais, en touttemps, des projets se chevauchent.Ces approches socioconstructivistesont l’avantage d’accrocher autantles garçons que les filles. L’aména-gement de ma classe facilite lesregroupements et la recherche dedocuments ou de logiciels. Les pro-jets sont choisis et élaborés par lesélèves le plus souvent possible. J’yapporte mes exigences en fonctiondes objectifs définis dans les pro-grammes et en fonction de chacundes élèves.

CONCLUSION

Le site Web de classe et les discus-sions avec des experts par courrierélectronique permettent de décloi-sonner des matières et de fusionnerdes connaissances. En répondantaux besoins des jeunes, ces pro-cédés les aident à acquérir de nou-velles connaissances, à développerleurs compétences, à accéder au « vrai » monde et à gagner autono-mie, sens des responsabilités etestime de soi.Les technologies de la communica-tion sont une belle façon d’élargirles murs de la classe. Les élèvespeuvent communiquer réellementavec beaucoup de personnes etprofiter de leur expérience. Ils ontla chance de prendre une placeactive dans le monde en exploitant

leur propre site Web. Un simple tra-vail coopératif de classe peut ainsise convertir, en certaines occasions,en un travail de coopération dans lemonde!Finalement, l’utilisation des tech-nologies de la communication meprouve que celles-ci facilitent l’ap-prentissage des élèves. Ce que jen’avais pas prévu il y a quatre anscependant, c’est l’aspect affectif liéau monde virtuel. Je réalise main-tenant que cet aspect est au cœurde toutes les activités éducativesdans ma classe. Les technologies nesont certes que des moyens parmid’autres d’apprendre, mais je douteque j’obtiendrais d’aussi bonsrésultats sans elles. Le monde vir-tuel est aussi le monde des enfants.C’est en leur donnant accès à ce vraimonde que les élèves apprennentpour vrai.Martine Larouche est ensei-gnante à la Commission sco-laire du Pays-des-Bleuets

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LA GESTION DE CLASSE :JONGLER AVEC TOUTPOUR RÉUSSIR AVEC TOUS

dossierPhoto : Denis Garon

L a gestion de la classe n’est pas une réalité nouvelle. Dèsqu’une personne est respon-

sable d’un groupe d’élèves, elle seretrouve nécessairement en situationde gérer une classe. On peut doncdire que la gestion de classe existedepuis que la classe existe. Alors,comment se fait-il qu’elle occupeaujourd’hui encore plus qu’hier une place aussi importante dans lemonde de l’enseignement?En effet, la gestion de classe est unedes thématiques les plus populairesen éducation. Depuis presque quinzeans, elle a été l’objet de multiplessessions de formation du personnelenseignant (perfectionnements d’in-dividus et d’équipes-écoles offertspar l’établissement, ateliers présen-tés dans presque tous les congrès enéducation, etc.).De plus, les résultats du sondageeffectué au printemps dernier, auprèsdes lecteurs et des lectrices de Viepédagogique, indiquaient égalementque la gestion de classe était, aprèsl’intégration des nouvelles tech-nologies, le sujet qui présentait le plus d’intérêt pour le personnelenseignant.En outre, pour les directrices et lesdirecteurs d’école, les habiletés engestion de classe sont devenues une des cibles majeures, si ce n’estla plus importante, de l’évaluationdes compétences des nouveaux en-seignants.Comment donc, encore une fois,peut-on expliquer un intérêt aussifortement marqué pour ce thème?Il n’y a certainement pas une réponseunique à cette question. Mais laréponse réside fort probablement enpartie dans le fait que ce n’est quedepuis une quinzaine d’années quele concept a été nommé comme tel et qu’on a cherché à en déterminerles diverses composantes, même si,

comme on le disait précédemment,la gestion de classe est issue du simplefait qu’il existe des classes.De plus, parce qu’il est intrinsèque-ment lié à celui de l’enseignement,ce concept a évolué, entre autreschoses, au rythme des nouveauxobjectifs fixés à l’école, des défisqu’elle doit relever pour les atteindreet de la constante émergence de nou-velles connaissances relatives à l’ap-prentissage.Essentiellement, comme nous le verrons dans les pages qui suivent, lagestion de classe consiste dans la planification, l’organisation et lamise en œuvre des dispositifs édu-catifs (plan de cours, organisationphysique de la classe, intégration desnouvelles technologies, choix dumatériel didactique, régulation desapprentissages en continuité, priseen considération des différences desélèves, application du code de vie,etc.) les plus susceptibles, dans uncontexte donné, de maximiser lesapprentissages de chacun des élèves.Cela étant, on est bien loin de l’idée,malheureusement encore trop répan-due, que gérer efficacement uneclasse se résume à « avoir de la dis-cipline ».Toutefois, on peut certainement affir-mer que la mise en œuvre d’une ges-tion de classe efficace repose sur uneréflexion, une analyse et une organi-sation pédagogiques complexes quiconfirment le caractère profession-nel de l’acte d’enseigner.Prenant en considération la com-plexité de ce thème, l’importanceque lui accorde l’ensemble desagentes et des agents d’éducation, lecontexte particulier de réflexion etde changement issu de la mise enœuvre de la réforme du curriculumainsi que les résultats des nombreuxtravaux de recherche menés danscette matière, Vie pédagogique a

décidé de consacrer un dossier par-ticulier à la gestion de la classe.Ce dossier comprendra cinq grandesparties, elles-mêmes constituées dedeux ou trois volets chacune.La première partie s’intitule : « Laclasse, une dynamique à gérer ».On y trouve, sous la plume de RégentFortin de l’Université du Québec àRimouski, un bref rappel de l’évo-lution du concept de gestion desorganisations duquel découle celuide gestion de classe afin, d’entrée dejeu, d’inscrire la réflexion dans uneperspective plus large qui devraitpermettre de faire ressortir l’impor-tance de la plus grande cohérencepossible entre la gestion d’une com-mission scolaire, celle d’une école etcelle d’une classe.Un deuxième article, signé par GuyLusignan, traite de façon plus parti-culière de l’évolution du concept degestion de classe en Amérique duNord et en particulier au Québec. Cetexte permet de mieux comprendreles différents facteurs qui l’ont in-fluencé et fait évoluer.Mme Jacqueline Caron complète cettepartie du dossier avec un texte danslequel elle nous invite à mettre enperspective certaines idées, voirecertains mythes, qui influent, encoretrop souvent, sur la réflexion et l’ac-tion du personnel scolaire en ma-tière de gestion de classe.La deuxième partie du dossier, « Unevision pédagogique qui se réflé-chit », invite les lectrices et leslecteurs à réfléchir sur les liens quiexistent entre leur conception per-sonnelle de l’école et de l’apprentis-sage et l’approche qu’ils privilégientdans leur gestion de classe. Un ar-ticle de Roch Chouinard, professeurà l’Université de Montréal, guidehabilement cette réflexion.Puis, Jean-Pierre Jodoin, chargé decours à l’Université du Québec àMontréal, explique comment et àquelles conditions une gestion declasse inspirée de l’approche del’apprentissage coopératif peut réel-lement traduire dans l’action uneconception pédagogique de la classe

comme étant un laboratoire où lesélèves sont non seulement appelés àexplorer de nouvelles connaissances,mais aussi à faire l’apprentissage de l’autonomie, à résoudre des pro-blèmes et à vivre leur citoyennetéscolaire.La troisième partie du dossier, « Lagestion de classe à l’enseigne de laréforme », fait place aux proposd’enseignantes et d’enseignants duprimaire et du secondaire qui ontgénéreusement accepté de partageravec nous leur conception de la ges-tion de classe et d’échanger leurspoints de vue quant aux effets poten-tiels de la réforme du curriculum surleurs pratiques en cette matière.L’avant-dernière partie du présentdossier, « La gestion de classe : desexemples bien concrets », contient,comme son titre l’indique, des témoi-gnages de pratiques que privilégientdes enseignantes de l’éducation pré-scolaire, du primaire et du secon-daire. Ces exemples doivent êtreconsidérés comme des pistes pou-vant alimenter la réflexion de celleset de ceux qui souhaitent revoir leurpropre modèle de gestion de classe.Enfin, la cinquième et dernière par-tie du dossier porte sur la formationà la gestion de la classe. Un premierarticle de Thérèse Nault de l’Univer-sité du Québec à Montréal explique,à partir d’exemples précis, commentle développement de la compétencedes futurs enseignants à gérer leurclasse est pris en considération dansles programmes de formation initialeà l’enseignement.Par la suite, un second texte préparépar une équipe de la Commissionscolaire de Laval, équipe à laquelleest également associée Mme Nault,présente le programme d’insertionprofessionnelle mis en œuvre dansce milieu et explique comment ilpeut aider les enseignantes et lesenseignants en début de carrière àpoursuivre le développement de leurcompétence à gérer leur classe.Bonne lecture!Monique Boucher

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PTROIS PÉRIODES, TROIS PERSPECTIVESSelon moi, l’histoire de la gestionde l’éducation au Québec peut sediviser en trois périodes distinctesmarquées chacune par une pers-pective de la gestion : une perspec-tive hiérarchique, une perspectivesystémique et une perspective édu-cative.Dans une perspective hiérar-chique la gestion de l’éducationconsiste à assurer le respect del’autorité et des règles établies ainsique la conformité de l’exécutiondes tâches aux consignes prescrites.Ainsi, chaque personne dans lastructure est subordonnée à unsupérieur, lui-même subordonné àun supérieur de plus haut niveau, etainsi de suite, tout comme la classeest subordonnée à l’école, qui estsubordonnée à la commission sco-laire, qui est subordonnée au Minis-tère. La responsabilité consiste àrendre des comptes du bas vers le haut. Au bas de la pyramide, lesélèves exécutent les commandes quileur viennent des niveaux supé-rieurs, qu’il s’agisse d’activités d’ap-prentissage ou de règles de con-duite. C’est le type de gestion qui aparticulièrement marqué les annéesqui ont précédé et accompagné lamise en place de l’actuel systèmed’éducation. Mais en même temps,la laïcisation de l’éducation, le re-nouvellement des valeurs, l’évolu-tion des connaissances en éducationet en administration, la démocrati-sation et la complexité du systèmemis en place ont conduit à l’émer-gence d’une nouvelle perspective degestion : la perspective systémique.Dans une perspective systé-mique, la gestion de l’éducation estune réalité complexe, comprenantplusieurs sous-systèmes spécialisésliés les uns aux autres et à chacundesquels correspondent des res-ponsabilités qui leur sont propres.Ainsi, la classe, l’école, la commis-sion scolaire et le ministère de l’Édu-cation ont chacun leurs fonctionspropres; les élèves, les enseignants,les directions d’école, les cadres,les commissaires, les fonctionnaireset les politiciens ont chacun leurrôle à jouer. Mais cette perspectiven’a pas donné tous les fruits qu’onen attendait. D’abord, on s’est cen-tré sur le développement des sous-

systèmes et on a oublié les relationsentre eux et leur intégration dansl’ensemble. Ensuite, on a surtoutdéveloppé la sur-spécialisation, tantdans l’enseignement que dans lagestion, le cloisonnement des struc-tures et des dossiers et la bureau-cratisation des façons de faire. Ensomme, on a déshumanisé l’école.En même temps, émergeait une pers-pective éducative de la gestion del’éducation et de l’école.La perspective éducative a ins-piré en partie les réformes des vingtdernières années. D’une part, ellerepose sur l’idée que tous les acteursdu système sont en développement,tant les adultes que les élèves, cha-cun selon ses intentions, sa visiondu monde, son style, son rythme et,en d’autres termes, selon son projetde vie. D’autre part, le développe-ment de chacun est vu comme unprocessus continu d’interactionsavec les autres et les groupes sedéveloppent, comme les individus,à travers leurs projets. L’idée deprojet est centrale : projet éducatif,projet de vie, projet de formation,projet d’apprentissage, projet pro-fessionnel, etc.Dans cette perspective, la gestionconsiste à mettre en place et àanimer des processus de dévelop-pement individuel et collectif, àfaire en sorte que les individus etles groupes non seulement aientdes projets mais soient en projet, entransformation, en devenir. End’autres termes, c’est gérer un pro-jet… c’est gérer des projets. Maisune question essentielle se pose :s’agit-il d’un projet commun, unique,auquel chacun adhère ou doit adhé-rer, dans lequel chacun peut-êtreinclus ou duquel chacun peut êtreexclu? Ou s’agit-il d’une mise encommun de projets multiples,diversifiés, que chacun doit expli-citer, communiquer, coordonneravec les autres? Au bout du compte,l’éducation a-t-elle comme finalitél’uniformisation des individus et desgroupes en conformité avec unmodèle unique ou bien la différen-ciation des individus ou des groupes?Ou un peu les deux?Dans cette perspective, enfin, lagestion des projets individuels etcollectifs n’est pas seulement unmoyen de faciliter l’apprentissage,

elle est aussi, en soi, un apprentis-sage à faire. À travers ses projets,l’élève apprend à les gérer. À traversla gestion de classe, les élèves et lesenseignants apprennent à gérer laclasse.

ÉVOLUTION OU DIVERSITÉLes trois perspectives présentéespeuvent être vues comme des pé-riodes successives de l’évolution dela gestion de l’éducation. Mais dansles faits, ces trois conceptions ontété présentes à tout moment et lesont encore aujourd’hui. Ainsi , iln’est pas rare de trouver, dans uneécole, des personnes qui souhaitentque le projet éducatif de leur éta-blissement d’enseignement soit detype hiérarchique et qu’il prescrivel’ensemble des pratiques d’ensei-gnement, dont la gestion de classe.Comme on y trouve des personnesqui ont une conception systémiquede la gestion d’école et de la gestionde classe. Mais on y trouve aussi, deplus en plus, des personnes quiabordent la gestion d’école et declasse dans une perspective éduca-tive. Les élèves sont donc en pré-sence de ces diverses visions et pra-tiques de gestion d’école et de classequi varient souvent d’un intervenantà un autre ou d’une activité à l’autre.

CES PERSPECTIVESDANS LA VIE DES ÉLÈVESVoyons comment se traduisent cesperspectives dans la pratique pro-fessionnelle des enseignants et desautres membres du personnel del’école ainsi que dans la vie quoti-dienne des élèves.Dans une perspective hiérar-chique de la gestion d’école et declasse, les élèves sont des subor-donnés de l’enseignant dans saclasse et des divers agents d’édu-cation dans l’école, direction com-prise. De plus, la direction del’école est vue comme l’autoritésupérieure, de sorte que c’est verselle que sont systématiquementdirigés les élèves qui manquent gra-vement à leurs obligations. Parlerde respect, dans cette perspective,c’est parler du respect de l’autorité,des règlements et de ses obligations.La responsabilité consiste avant toutà assumer les conséquences de sesgestes, conséquences déjà codifiées

INTRODUCTION

P arler de gestion de classen’est pas une chose facile.L’idée n’est pas nouvelle,

bien sûr, mais elle est en constanteévolution, et aujourd’hui, on trouveun grand nombre de conceptions etde pratiques de la gestion de classe.Nous n’en dresserons pas ici la listecomplète ni ne procéderons à leuranalyse, les autres articles du pré-sent dossier faisant suffisammentressortir cette diversité. Nous tente-rons plutôt de livrer une réflexionplus globale sur la manière de com-prendre les différentes visions de lagestion de classe.Nous tenterons aussi de mettre enrelation la gestion de classe, la ges-tion d’école et la gestion de com-mission scolaire. Enfin, nous nousinterrogerons sur la nécessité d’unetelle cohérence entre ces diverstypes de gestion.

DIFFÉRENTES VISIONSDE LA GESTIONOn doit reconnaître, dès le départ,que plusieurs définitions de la ges-tion de classe coexistent. Parlons-nous de gestion de classe, c’est-à-dire de l’organisation du temps etde l’espace et de la mise en œuvredes activités d’enseignement, d’ap-prentissage et d’évaluation, ou par-lons-nous de la gestion du grouped’élèves en interactions?Quels sont les objets de la gestionde classe? Quelles sont les tech-niques et les moyens appropriéspour la mettre en œuvre? Quels ensont les acteurs et quels sont leursrôles? Quelles en sont les finalités?La gestion de classe comprend-elletous les éléments de la pratiqueprofessionnelle de l’enseignementou ne s’agit-il que d’un élémentparticulier de cette pratique? Plu-sieurs de ces questions trouverontréponse dans le présent numéro dela revue, mais la plupart resteronten suspens ou donneront lieu à desréponses très diverses.Dans le présent article, cependant,nous parlerons de philosophie degestion de classe, d’école, de com-mission scolaire ou, plus simple-ment, de gestion de l’éducation.

LA CLASSE, UNE DYNAMIQUE À GÉRER

GESTION DE CLASSE ET GESTION D’ÉCOLE :UNE COHÉRENCE À CONSTRUIREpar Régent Fortin

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mise en commun d’intentions diver-sifiées. L’harmonisation des diversespratiques de gestion se réalise dansl’action, par la participation à un ouà des projets collectifs et par lacoordination des actions conduitesdans les divers projets d’individus,de groupes ou de toute la commu-nauté.

PAR OÙ COMMENCERIl est souvent affirmé, dans lesécoles, que l’incohérence prend sonorigine dans le peu d’unité et declarté des politiques du ministèrede l’Éducation et des commissionsscolaires, dans la faiblesse de leurcaractère obligatoire et dans lemanque de rigueur de leur applica-tion. Et on a tendance à exiger quela cohérence vienne également d’enhaut. Le souhait ou l’exigence d’uni-formisation du bulletin scolaire etde sa promulgation par le Ministèreen est un bon exemple et s’exprimeà tous les niveaux. Aborder leschoses de cette façon, c’est croireque la cohérence est avant tout unequestion de structures.Si nous en faisions une question deculture, comment procéderions-nous? Prenons l’exemple de rap-ports hiérarchiques entre les ensei-gnants et les élèves : se pourrait-ilque la vision hiérarchique de l’édu-cation prenne sa source dans cesrapports? Se pourrait-il que l’au-torité naisse à la base du système,dans la classe même, et qu’elle sepropage ensuite aux autres éche-lons? Se pourrait-il que ce rapportd’autorité de l’enseignant sur sesélèves ne soit qu’un rapport d’au-torité délégué par des parents et parune société qui reconnaissent etvalorisent le droit des parents à êtreobéis de leurs enfants? Peut-être. Jeconsidère, quant à moi, que c’estdans la classe, dans la famille etdans la société que se construisentles rapports hiérarchiques enfants-adultes, et élèves-enseignants.Ils se reproduisent ensuite dans des rapports hiérarchiques ensei-gnants-direction d’école et dansdes rapports hiérarchiques écoles-commission scolaire.Mais c’est aussi dans la classe, dansla famille et dans la société que sedéveloppent les autres perspectives.C’est là, à mon avis, que se crée et se transforme la culture en édu-cation, et c’est là que s’exprimed’abord la diversité de vision de ceque devrait être la gestion de classeet la gestion d’école. C’est dans la famille et dès la naissance que se tissent les premiers rapports

dans les règlements. Et parler d’au-tonomie, c’est parler de la capacitéde se conformer aux règles établies.Dans cette perspective, les élèves ontgénéralement entre eux des rapportsde compétition (être comparé, êtremeilleur, être en avant, être mieuxaimé, etc.) ou des rapports de com-plicité dans la contestation.Dans une perspective systé-mique de la gestion d’école et declasse, les élèves sont vus commedes clients, l’école comme unfournisseur de services éducatifs etles enseignants comme des profes-sionnels. Sans affirmer que le clienta toujours raison, nous pouvonsdire que l’école a la préoccupationconstante de répondre aux besoinsde sa clientèle et de s’adapter à sescaractéristiques propres ou mêmeindividuelles, par l’adaptation ducurriculum, des programmes, desapproches pédagogiques et desactivités d’apprentissage et d’éva-luation. Idéalement, les élèves entre-tiennent avec les enseignants desrapports contractuels fondés sur lareconnaissance et l’exercice derôles préalablement définis ou con-venus, et développent avec leurscollègues des rapports de collabo-ration dans la réalisation du contrat.On utilise souvent le contrat commemode d’intervention auprès desélèves qui ne respectent pas les enga-gements qu’ils ont pris en s’inscri-vant à l’école.Parler de respect, dans cette per-spective, c’est parler du respect deses engagements envers l’école, lesenseignants et les autres élèves. Laresponsabilité consiste à répondredevant les autres des gestes accom-plis en vue de la réalisation ou de lanon-réalisation des engagementspris envers eux. L’autonomie estalors définie comme la capacité defaire des choix et de les expliquer,de convenir de conditions de réali-sation de ses engagements, et d’exi-ger le respect des engagements prispar les autres.Dans une perspective éducativede la gestion d’école et de classe, lesélèves sont vus comme des par-tenaires dans la réalisation de leurprojet de développement, et leursrapports avec les enseignants, lesautres élèves et les autres membresdu personnel de l’école, y comprisla direction, sont des rapports éga-litaires de coopération. Ces rapportsn’éliminent pas les différences defonctions et d’expertise de chacun;au contraire, ces différences sontles conditions essentielles à l’éta-blissement d’un partenariat créatif

et productif. Parler de respect, danscette perspective, c’est parler du res-pect de soi et des autres, comme per-sonnes uniques et comme membresd’une même communauté éducative.La responsabilité consiste à assumerles choix qu’on a faits. L’autonomieest alors définie comme la capacitéd’assumer la réalisation de sonpropre projet de développement.Cependant, le respect, la respon-sabilité et l’autonomie ne sont pasdes préalables ni des conséquencesdu développement; elles sont plutôtdes composantes essentielles etprogressives du développement dechacun et de la communauté.

CONSTRUIRE LA COHÉRENCENous disions plus tôt que les élèvessont soumis à une grande variété depratiques et à une grande variationde celles-ci dans le temps. Aussi, laplupart des agents et agents d’édu-cation reconnaissent la nécessité dedévelopper la cohérence des pra-tiques de gestion de classe dans uneécole, la cohérence entre la gestionde classe et la gestion d’école, et lacohérence entre la gestion de lacommission scolaire et la gestionde l’école. Mais tous ne s’entendentpas sur la façon d’y parvenir.Pour les uns, il faut uniformiser lespratiques de gestion. À cette fin, unedécision doit être prise par l’auto-rité ou par la majorité des membresdu personnel scolaire sur le modèlede gestion à appliquer. Autorité oumajorité, le résultat est le même : larègle prescrit la pratique, et ceuxqui s’en écartent doivent être rame-nés dans le droit chemin. En somme,il faut réduire les différences.Pour d’autres, il faut préciser lespratiques de gestion et les faire con-naître, afin que chacun sache quetel enseignant gère sa classe de tellefaçon, alors qu’un autre procèdeautrement et que chaque directiond’école transige à sa manière avecles élèves et les autres acteurs. Onne réduit pas les différences, on lesaffiche et on les explique aux élèveset aux autres agents d’éducation. Au

fond, la gestion de classe et la ges-tion d’école sont de l’ordre de laresponsabilité professionnelle dechacun des membres du personnelscolaire, enseignants ou directiond’école. Le rôle de l’école est defaire en sorte que les diverses pra-tiques se situent dans les limites per-mises et respectent certaines valeursconnues. Elle doit également mettreen place et faire connaître les méca-nismes par lesquels les élèves ouleurs parents peuvent demanderdes comptes aux enseignants et à ladirection de l’école. Selon cetteapproche, développer la cohérenceconsiste à établir le cadre à l’inté-rieur duquel peut s’exprimer ladiversité des pratiques de gestionde classe.On peut résumer les deux ap-proches précédentes de la manièresuivante : la première consiste àuniformiser les pratiques de gestionde classe et à prescrire le modèleunique à adopter; la seconde con-siste à préciser les pratiques et àbaliser les divers modèles de ges-tion de classe utilisés. Dans les deuxcas, cependant, la cohérence estinstrumentale par rapport à l’acti-vité éducative, c’est à dire qu’ellecrée les conditions facilitant le dé-veloppement des élèves. De même,dans les deux cas, la cohérenceconsiste à réduire les écarts entreles diverses pratiques de gestion declasse et d’école ou à atténuer leseffets négatifs de cette diversité.Mais une troisième voie est ouverte :on peut considérer la cohérencecomme une question de rapportentre le discours et la pratique etvoir la cohérence comme un ap-prentissage à faire par les élèves et par tous les agents et toutes lesagentes de l’éducation. Quant à ladiversité des conceptions et despratiques de gestion de classe etd’école, elle constitue la sourcemême des remises en question et del’analyse de nos pratiques respec-tives. Ce qui est recherché, à traversles projets, ce n’est pas tant l’adhé-sion à un objectif commun que la

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RCC omme la finalité première de

la classe est l’apprentissage, laproblématique fondamentale

de la recherche sur la gestion declasse a été de déterminer quellesactions concrètes entreprises parl’enseignant, quels dispositifs péda-gogiques mis en place, quels aspectsde la vie en groupe doivent être prisen compte pour accroître l’efficacitéde l’enseignement. En d’autres termes,quels dispositifs l’enseignant doit-ilfavoriser pour que l’élève entre-prenne et mène à bien des activitésd’apprentissage de façon soutenue,interagisse avec lui et ses pairs defaçon positive et constructive, atteigneles objectifs de formation, acquièreou développe des compétences ap-propriées sur les plans cognitif, af-fectif et social pour prendre encharge graduellement, de façon auto-nome et responsable, son appren-tissage et son comportement? Bref,sur quels principes doit reposer lagestion de la classe? Le présent arti-cle résume quelques théories rela-tives à la gestion de la classe dansune perspective historique.Plusieurs de ces théories ont étéexpérimentées de façon suivie dansdes contextes différents et, commeon le constatera, ont coexisté à lamême époque. Elles peuvent êtreclassées selon un continuum allantdes approches centrées sur l’ensei-gnant aux approches centrées surl’élève et le groupe-classe ou sur uncontinuum allant d’un pôle autori-taire à un pôle démocratique. Pournotre part, nous décrirons l’évo-lution des conceptions de la gestionde la classe en fonction de quatregroupes de modèles : les approchesappliquant la théorie béhavioriste,celles centrées sur l’efficacité del’enseignement ou qui découlent desthéories humanistes et, finalement,les approches mixtes et inspirées desthéories cognitives de l’apprentissage.

DE LA DISCIPLINE À LAGESTION DE LA CLASSESi aujourd’hui les concepts de disci-pline et de gestion de classe sontbien distincts, il n’en allait pas ainsiau début du siècle. Actuellement, leterme discipline est réservé surtout « à la conduite de l’élève, au respectdes règles établies et aux interven-tions de l’enseignant pour corriger

l’inconduite » (Legault, 1993, p. 13).En revanche, au début du siècle, leterme disciple est non seulementréservé au maintien de l’ordre, maiscomprend également une dimensionpédagogique associée au dévelop-pement social de l’individu et audéveloppement de la responsabilitéet de l’autonomie de la personne.Par exemple Dewey (1915), dansThe school and Society, considèreque la façon de faire de la disciplinedans la classe doit varier selon le butvisé : « La vie de l’école s’organisesur des bases sociales. C’est danscette organisation que se fonde leprincipe de la discipline scolaire et de l’ordre. Il est évident que la dis-cipline est en relation avec un but. Si vous avez comme but de faireapprendre une certaine leçon à qua-rante ou cinquante élèves […] votrediscipline doit favoriser ce résultat.Mais si le but est de développer unesprit de coopération sociale et la viecommunautaire, votre discipline doits’ajuster et favoriser l’atteinte d’untel but » (p. 16-17). Au Québec,dans un ouvrage intitulé Pédagogie(1931) Mgr F.X. Ross associe la dis-cipline à la réalisation d’activités qui peuvent « habituer (l’) élève à formuler lui-même des jugements, à découvrir les raisons des choses, à entreprendre des travaux person-nels, à vouloir par lui-même » (p. 21).Il ajoute : « Pour se développer libre-ment, vigoureusement et dans l’ordre,ces activités doivent être dirigées parune règle qui assure à chacune sonplus grand rendement. Cette règle estla discipline. Appliquée à l’école, ladiscipline est donc un ensemble derègles sagement combinées pourassurer le libre déploiement detoutes les facultés de l’enfant dans letravail d’éducation » (p. 21).C’est à la suite de recherches effec-tuées depuis les années 50 que le concept de gestion de classe s’est développé. Pour Archambault et Chouinard (1996), la gestion de la classe doit dorénavant être défi-nie comme « l’ensemble des pra-tiques utilisées par l’enseignantafin d’encourager chez sesélèves le développement de l’ap-prentissage autonome et de l’autocontrôle » (p. XVI). Legault(1993), pour sa part, souligne qu’« une bonne gestion de classe

devrait assurer la coopération entreles élèves et l’enseignant et aussientre les élèves eux-mêmes ». Ilajoute que « les mesures prises parl’enseignant en gestion de classepeuvent avoir une portée à courtterme (i.e. tâche à réaliser parl’élève) et une portée à plus longterme (i.e. sens des responsabilités,autonomie) » (p. 14). Dans un ar-ticle récent paru dans la Revue dessciences de l’éducation Nault etFijalkow (1999) constatent que leconcept de gestion de classe « s’estélargi pour englober maintenantl’ensemble des actes réfléchis, sé-quentiels et simultanés qu’effectuentles enseignants pour établir et main-tenir un bon climat de travail et unenvironnement favorable à l’appren-tissage. Le concept de gestion declasse renvoie désormais à tout cequi préside à la planification et àl’organisation des situations d’ensei-gnement–apprentissage. »

APPROCHES S’INSPIRANT

DU BÉHAVIORISMEOn a longtemps cru que l’enseignantdétenait toute l’autorité en classe etque l’élève, pour réussir, n’avait qu’àobéir et à adopter des comporte-ments appropriés. Cependant, au fildes ans, on s’est rendu compte queles enseignants devaient faire face deplus en plus souvent à des élèves ayantdes problèmes de comportement.Pour trouver des solutions, le milieuscolaire a eu recours à différentesapproches dont celles inspirées dubéhaviorisme, théorie qui vise, dansle milieu scolaire, à modifier lescomportements des élèves. Ces ap-proches découlent des travaux deB.F Skinner réalisés en grande partieau cours des années 50. Selon cettethéorie, l’apprentissage est influencélargement, sinon entièrement, pardes événements se produisant dansl’environnement et que « la tâcheessentielle de l’enseignant consiste àmaîtriser et à appliquer les quatreprincipes d’apprentissage que lesbéhavioristes ont identifiés commeétant ceux qui influencent le com-portement. Ce sont : le renforcementpositif, la punition, l’extinction et le renforcement négatif » (Weber,1986, p. 306). Pour qu’un com-portement attendu soit bien comprisdes élèves, l’enseignant doit recourir

LA CLASSE, UNE DYNAMIQUE À GÉRER

LA GESTION DE LA CLASSE :UN SURVOL HISTORIQUEpar Guy Lusignan

enfants-adultes. C’est là, et dès cemoment-là, que l’on découvre desenfants respectueux de l’autorité del’adulte, des enfants soumis, desenfants rebelles, des enfants gâtés,des enfants rois, des enfants renfer-més, des enfants autonomes, desenfants hypersensibles et desenfants téflon… Dans la famille etdevant l’écran de télévision ou d’or-dinateur… C’est dans la sociétéque se forment les parents et quegrandissent les enfants. C’est aussidans cette même société que se sontformés et continuent de se formerles enseignants et les directionsd’établissement.La gestion de classe et d’écoledevient alors un défi majeur pourles enseignants et la directiond’école. Clarifier les rôles, formulerdes politiques et des plans d’action,répartir les responsabilités ne suf-fisent pas à relever ce défi. Lesstructures découlent et font partiede la culture, elles ne la précèdentpas. Parallèlement, c’est par leurspratiques que les enseignants, lesautres agents d’éducation et les di-rections d’établissement ont prisesur la culture éducative, sur son ex-plicitation et sur sa transformation.Commencer par la culture, c’estmultiplier les interactions entreenseignants, élèves, parents et di-rections d’écoles. C’est connaître etessayer de comprendre les visionsdifférentes des uns et des autres,mais c’est aussi rendre explicite sapropre vision et la communiquer.C’est créer des interactions, ouvrirdes frontières, rendre les échangesmutuels. Il faut non seulement don-ner un sens à l’éducation, mais aussidonner un sens à la gestion declasse et d’école, tout en ne tentantpas de réduire à tout prix la diver-sité des visions mais en essayantd’en exploiter la richesse.Le développement du projet édu-catif de l’école serait, je crois, lapremière piste à explorer. Mais si on fait de la gestion de classe etd’école un dossier à part, distinct etséparé du reste, je ne crois pasqu’on aille très loin…Régent Fortin est professeurd’administration scolaire à l’Uni-versité du Québec à Rimouski.Il possède une expérience d’en-seignant, de directeur d’école,de cadre scolaire, de chercheuret de professeur d’université; ila ainsi pu observer commeacteur l’évolution du systèmed’éducation au Québec depuis1960.

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au modelage, c’est-à-dire qu’il doiten faire la démonstration, attirer l’at-tention de l’élève sur ce qui estexpliqué, en favoriser la pratique,utiliser les renforçateurs appropriéspour corriger la situation et enfavoriser l’application par l’élève1

(Ornstein, p. 66). Ainsi, en agissantsur l’environnement, l’enseignantpourra favoriser l’apparition d’uncomportement désirable et contrôlerles comportements indésirables.L’approche béhavioriste se situe dansla lignée des approches autoritaireset interventionnistes de la gestion dela classe. En effet, toute l’organisa-tion et toute la gestion de la classesur le plan matériel et pédagogiquereposent sur les épaules de l’ensei-gnant qui détient seul l’autorité dansla classe. Dans cette approche, « lerôle de l’enseignant est d’établir etde maintenir l’ordre dans la classeen utilisant des stratégies de con-trôle : le rôle principal de l’ensei-gnant est de contrôler les comporte-ments de l’élève » (Weber, p. 297).L’élève n’a aucune responsabilité,sauf celle de réussir.Sur le plan pédagogique, rappelonsque l’approche béhavioriste est à labase de plusieurs modèles d’ensei-gnement dont le modèle d’enseigne-ment direct et la pédagogie de lamaîtrise (mastery learning) déve-loppée par Benjamin Bloom au coursdes années 70.L’un des modèles d’intervention quis’apparentent à la théorie béhavio-riste est celui de Canter et Canter,développé et expérimenté en classedepuis les années 70. Devant la mon-tée rapide des cas d’indiscipline en classe, de la violence verbale et physique, le modèle de Canter et Canter « établit que tous les élèvesindépendamment de leurs antécé-dents peuvent bien se conduire. Lesenseignants ont le droit d’avoir desattentes en matière de comporte-ments désirés et ont le droit d’avoirle support des parents et de l’admi-nistration […] Canter privilégie unstyle affirmatif qui exige de l’ensei-gnant une prise en charge totale etferme de la classe et une affirmationde son autorité et de ses droits »(Legault, 1993, p. 32). Le modèled’intervention repose sur cinq straté-gies de base : « établir et appliquerrigoureusement des règles clairesrelativement à ce qu’est un compor-tement acceptable ou non, donnerdes ordres et des directives pourcontrôler les comportements, avoirrecours à des punitions adaptées à lagravité du comportement, contrôler

l’élève en se tenant à proximité de luiet, pour les problèmes graves decomportement, isoler, suspendre ouexclure l’élève de la classe ou del’école » (Weber, p. 297).

LES MODÈLES CENTRÉS SUR

L’EFFICACITÉ DE L’ENSEIGNEMENTPlusieurs recherches ont établi unecorrélation très élevée entre la réus-site scolaire et le choix et l’efficacitéavec laquelle les dispositifs péda-gogiques sont mis en œuvre. Doyle(1986), Jones et Jones (1990) etSchmuck et Schmuck (1992), entreautres théoriciens, ont recensé desrecherches qui établissent que laréussite scolaire est liée, à desdegrés divers, aux caractéristiquesde l’enseignant, à l’organisationmatérielle de la classe, à la planifica-tion pédagogique, à l’interactionenseignant-élèves, aux caractéris-tiques du groupe d’élèves, à lavariété des méthodes d’enseigne-ment, à la façon de réagir des ensei-gnants aux comportements inappro-priés des élèves, à la collaborationqui existe entre les élèves, etc. Parrapport aux modèles centrés sur l’ef-ficacité de l’enseignement, Jones etJones (1990, p. 11) les réunissent en fonction de « trois groupes decomportements de l’enseignant quiinfluencent les comportements etl’apprentissage de l’élève : (1) leshabiletés relatives à l’organisation età la gestion des activités réalisées enclasse, (2) les habiletés à présenterle matériel didactique et (3) les rela-tions maîtres-élèves ».L’une des recherches les plus révé-latrices fut celle de Jacob Kouninréalisée en 1970, présentée dansDiscipline and Group Managementin the Classroom. Dans cetterecherche, Kounin2 arrive à deuxconclusions importantes : 1) il y apeu de différences entre un ensei-gnant peu efficace et un enseignantefficace dans sa façon de gérer saclasse si ce n’est dans la manière deréagir aux problèmes de comporte-ments de leurs élèves; 2) la princi-pale différence entre ces deux typesd’enseignants réside dans le fait quel’enseignant efficace dans sa gestionde la classe utilise des stratégiesvariées qui ont un effet de préventionsur les comportements indésirablesdes élèves (Jones et Jones, 1990, p. 11). Selon Charles (1996, p. 57-58), pour améliorer l’efficacité del’enseignement, Kounin propose quel’enseignant porte une attentionparticulière à ses interactions avec le groupe-classe de manière à favo-

riser la participation de l’élève. Parexemple, il encourage les enseignantsà faire preuve de vigilance pourprévenir les écarts de conduite; àporter attention à la cadence de soncours pour commencer rapidementune leçon et maintenir un rythmeapproprié jusqu’à la fin et s’assurerqu’une activité est terminée avantd’en entreprendre une autre, ce quiassure une transition efficace entreles deux activités; à intéresser l’élève,à le responsabiliser et à le stimuleren l’informant clairement de la tâcheà accomplir, en captant son attentionpar divers moyens, en l’invitant àparticiper activement au cours pardes questions et des suggestions, envariant les approches pédagogiqueset les activités d’apprentissage et enfaisant preuve d’enthousiasme. Lemodèle proposé par Kounin a gran-dement influé sur les modèles sub-séquents de gestion de la classe etplusieurs éléments y sont intégrés.Selon Weber (p. 304-305), pour êtreefficace et prévenir les problèmes decomportement, l’enseignant doit éta-blir clairement les règles et les pro-cédures, donner des consignes clairespour la réalisation des activités d’ap-prentissage, se montrer intéressé autravail réalisé par l’élève, l’encou-rager à persévérer et aider l’élève aumoment approprié. Il doit aussi sepréoccuper de l’organisation de laclasse sur le plan matériel pour évi-ter des comportements indésirables,planifier et réaliser correctement desactivités d’enseignement-apprentis-sage variées pour susciter l’intérêtdes élèves et pouvoir réorienter ouadapter la leçon en cours de routeen fonction des événements qui seproduisent en classe.

LES MODÈLES INSPIRÉS

DES THÉORIES HUMANISTES

ET DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALEEn raison des changements sociaux,des besoins nouveaux du monde dutravail sur le plan organisationnel etdu besoin de trouver des solutionsaux nombreux problèmes associésaux comportements indésirables et àun nombre élevé d’échecs, le milieuscolaire a été influencé par les théo-ries humanistes centrées sur le groupeet celles présentant des modes defonctionnement conçus pour veniren aide aux élèves. Ces théories ontété à la base d’approches pédago-giques favorisant la démocratie dansla classe, c’est-à-dire des pratiquesqui reconnaissent le droit de paroleà l’élève, qui amènent l’enseignant àle consulter, à l’écouter et à favorisersa participation aux décisions con-cernant les activités d’apprentissageet le fonctionnement de la classe. Àpartir des années 50, la psychologiesociale se préoccupe de découvrirles principes qui régissent l’organi-sation du travail et des comporte-ments dans les groupes, les qualitésque les chefs d’entreprise ou d’éta-blissement doivent posséder, lescaractéristiques d’un leadershipefficace, les conditions favorisant lacollaboration entre les travailleursplutôt que la compétition, les liensexistant entre la motivation au travailet la productivité, etc. Parmi lesrecherches dont les résultats ontinflué sur le milieu de l’éducation,mentionnons les travaux de KurtLewin (1959)3 auprès de groupesd’élèves qui ont mis en évidencequ’un leadership démocratique étaitplus efficace qu’un leadership auto-ritaire ou non-interventionniste ainsi

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que les travaux de Bany et Johnson4

présentés dans Dynamique desgroupes et éducation : le groupe-classe (Dunod, 1969) et qui valo-risent la démocratie dans la classe.Dans ce modèle, le rôle de l’ensei-gnant consiste surtout à stimuler, à orienter, à attirer l’attention dugroupe sur différents points quiauraient pu lui échapper. Il ne devrajamais imposer une solution ourésoudre des problèmes à la placedes élèves. Au contraire, toute l’im-portance est accordée au groupe àqui il revient de prendre des initia-tives, de résoudre les problèmes,d’aider et de soutenir les élèves plusfaibles, de proposer des activitésd’apprentissage et de prendre desdécisions. Celles-ci se prennent entenant compte de l’un des principespremiers de la démocratie, selonlequel la majorité l’emporte sur laminorité. Snyders (1973, p. 67)résume cette théorie de la façon sui-vante : « Bref, grâce à cette péda-gogie centrée sur le groupe, la viedu groupe, la discussion de groupeet la décision prise par le groupe, lesclasses ont de bons climats; et dèslors, il n’y a aucune difficulté […]les élèves sont détendus, confiants,amicaux. »Parmi les théories humanistes quiont eu une large audience au Québec,mentionnons principalement les mo-dèles de Gordon, Rogers et Glasser.Thomas Gordon, surtout connu desenseignants par son livre Ensei-gnants efficaces (1979), préconiseune approche centrée sur le déve-loppement de l’autonomie et de laresponsabilité de l’élève. L’ensei-gnant doit mettre en place des dis-positifs qui aident l’élève à avoir uneplus grande maîtrise de soi en évitantd’avoir recours à des approchespunitives ou à des récompenses.Cette approche est fondée sur lacommunication et la résolution deproblèmes. Charles (1997, p. 218-219) résume le modèle en faisantressortir trois aspects de l’impor-tance que revêt pour l’enseignant lefait a) d’identifier les comportementsdes élèves propices ou nuisibles àl’apprentissage et de déterminer sesbesoins en fonction des comporte-ments des élèves; b) de discuter avecles élèves de ses attentes et de cellesdu groupe par rapport au travail à effectuer et aux comportements àadopter. La discussion et l’écouteactive favorisent la démocratie dansla classe, puisque les élèves parti-cipent à la mise en place des condi-tions favorables à l’apprentissage et àla vie de groupe. Les désaccords se

règlent à l’aide d’un processus derésolution de problèmes; c) d’ensei-gner aux élèves à respecter leur enga-gement en favorisant les rappels, lemodelage, et différentes techniquespour que l’élève puisse s’autodis-cipliner.Pour Carl Rogers, l’école doit recon-naître que tout élève a le droit d’êtrevalorisé et respecté, qu’il doit d’unecertaine façon exercer un contrôlesur sa vie et ses activités et qu’il abesoin par-dessus tout de connaîtredu succès en vue de développer sacompétence et son estime de soi(cité dans Ornstein, p. 73). Pourcela, l’enseignant doit créer un cli-mat de classe socioaffectif positifpuisqu’un « apprentissage significatifest largement fonction de la qualitéde certaines attitudes qui existentdans les relations interpersonnellesentre l’enseignant et l’élève » (Weber,p. 315). Sur le plan de la communi-cation5, les principales attitudes quifacilitent les relations interperson-nelles sont l’authenticité, qui amènel’enseignant à exprimer aux élèves cequ’il ressent et à se présenter telqu’il est; l’acceptation qui consiste àconsidérer l’élève comme une per-sonne qui a de la valeur, que l’onrespecte et en qui on peut avoir con-fiance; l’empathie qui amène l’en-seignant à comprendre l’élève entenant compte de son point de vuesans le juger ni l’évaluer. Quand cestrois attitudes sont présentes enclasse, l’élève considère l’enseignantcomme une personne et sent quecelui-ci le comprend et respecte safaçon de penser et ses émotions.Sur le plan pédagogique, Rogers6

favorise la pédagogie centrée sur legroupe. C’est le groupe d’élèves quiprend toutes les initiatives concer-nant les activités d’apprentissageauxquelles il participe : choix duthème, répartition des tâches, éva-luation en cours de route de l’exécu-tion du travail, etc. Le rôle de l’en-seignant consiste à fixer les balisesgénérales qui guideront les choix des élèves, comme « l’ensemble duprogramme, les buts à atteindre etles étapes qui vont se succéder »(Snyders, p. 85). Le rôle de l’ensei-gnant consiste essentiellement àcoordonner les choix effectués parles groupes d’élèves. Rappelons queles théories humanistes ainsi quecelles de la psychologie sociale, auQuébec, ont influencé, entre autres,les travaux sur la pédagogie ouvertede Claude Paquette et ceux de PierreAngers et Colette Bouchard bien con-nus des enseignants depuis lesannées 70.

L’apport de Glasser aux théories degestion de la classe est considérable.Ses principaux ouvrages, notammentSchools without Failure, (1969),Control Theory in the Classroom,(1986), The Quality School (1990),prônent des approches démocra-tiques pour résoudre les problèmesliés aux comportements et pourfavoriser un enseignement et unapprentissage de qualité. Glasseraffirme que le besoin d’identité est lebesoin essentiel de tout individu.Selon Glasser7, pour qu’un élèvedéveloppe une identité qui favorise laréussite scolaire, il doit se rendreresponsable socialement et avoir uneperception positive de lui-même.Cette quête d’une identité est favo-risée en établissant des rapports har-monieux avec les autres élèves etl’enseignant. Lorsqu’un élève n’a pasles comportements attendus, c’estqu’il n’a pas réussi à se donner uneidentité appropriée. Pour Glasser, ilest important que l’enseignant s’inté-resse à la réalité immédiate et qu’ilagisse en conséquence pour quel’élève ou le groupe-classe cesse lescomportements indésirables. Puisquele succès est important pour l’élève,l’enseignant doit veiller à ce que lesfacteurs négatifs influant sur la classesoient évités et favoriser la mise enplace de conditions assurant le suc-cès de l’élève8. Pour résoudre lesproblèmes rencontrés en classe,Glasser propose à l’enseignant d’ani-mer des réunions de classe pendantlesquelles les élèves, assis en cercle,discutent de ce qui est important etnécessaire pour eux. Dans Schoolswithout Failure (1969, p. 122-144),Glasser décrit trois types de réunion :1) les discussions concernant lefonctionnement du groupe-classe oud’un élève toujours axées sur lafaçon de régler le problème et à l’is-sue desquelles « la solution ne devraitjamais comporter de punition ourechercher des coupables » (p. 129);2) les discussions entreprises à par-tir de questions ouvertes relatives àla vie des élèves, par exemple, oud’un fait d’actualité, et qui ont pourbut de stimuler la réflexion desélèves et de les amener à établir desliens avec ce qu’ils savent; 3) les dis-cussions portant sur le diagnosticéducatif, qui ont toujours une rela-tion directe avec ce que les élèvessont en train d’étudier, permettentd’évaluer jusqu’où les méthodesd’enseignement utilisées sont effi-caces et servent à connaître ce queles élèves savent d’une question.Pour Glasser, « les trois types de dis-cussions […] peuvent établir un

pont entre l’école et la vie » (p. 142).Par ailleurs, Glasser prône la res-ponsabilisation de l’élève. Parmi unensemble de pratiques favorisant laréussite scolaire Ornstein (p. 79)met en évidence l’importance queGlasser accorde au fait d’établirclairement les règles, de respon-sabiliser les élèves par rapport à leurchoix, d’amener les élèves à en assu-mer les conséquences, de n’accepteraucune excuse, de proposer dessolutions de rechange, etc.Sur le plan pédagogique, les théorieshumanistes ont servi de base auxdifférents modèles d’apprentissagecoopératif qui déplacent vers legroupe-classe la responsabilité demettre en œuvre les stratégies néces-saires pour réaliser des activitésd’apprentissage. Le rôle de l’ensei-gnant consiste alors à préparer lecadre général de fonctionnement,d’établir, avec la collaboration desélèves, les sujets à l’étude, les objec-tifs d’apprentissage, et de travailleravec eux pour les aider à planifierleur tâche, à en superviser la réalisa-tion, à effectuer les mises à niveaurequises auprès des personnes oudes sous-groupes qui en ont besoinet à leur donner la formation néces-saire pour qu’ils autoévaluent leursapprentissages et règlent les conflits.

LES APPROCHES MIXTES ET CELLES

INSPIRÉES DES THÉORIES COGNITIVES

DE L’APPRENTISSAGEAu début des années 80, aux États-Unis, des recherches arrivent à desconclusions pessimistes : malgré toutce que l’on sait sur l’efficacité desenseignants, malgré tous les effortsqui ont été faits, malgré les sommescolossales qui ont été investies dansl’éducation, les résultats sont cata-strophiques. Jones et Jones (1990, p. 5) rapportent que des étudescomme celles qui sont présentéesdans A Nation at Risk : The Reportof the National Commission onExcellence in Education (1983),celles de John Goodlad dans A PlaceCalled School (1984), et l’étude lon-gitudinale publiée en 1986 par leNational Center for EducationalStatistics (1986) sonnent l’alarme :les problèmes de comportement sonten hausse, le taux d’échecs est deplus en plus élevé et le taux d’aban-don scolaire au secondaire est de 25 p. 100 en moyenne.Plusieurs facteurs à l’extérieur del’école influent sur l’apprentissage,comme la hausse de la consom-mation de drogues et d’alcool, lapauvreté, les élèves en détresse psy-chologique, l’absence de formation

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des enseignants en gestion de classe,mais il existe aussi des problèmes àl’intérieur de l’école, comme l’ab-sence de ressources matérielles et depersonnels spécialisés, des pro-grammes d’études déficients, despolitiques scolaires inadéquates, uncertain conservatisme dans la façond’enseigner, etc. Plusieurs cher-cheurs invitent alors les enseignantsà revoir leur conception de l’ensei-gnement et de la gestion de la classe.Goodlab, dans A Place Called School(1984), considère que le comporte-ment indésirable d’un élève est autrechose qu’une conséquence décou-lant d’une classe dont la gestion estdéficiente. « La plupart du temps,(les élèves) écoutent et travaillentseuls. Les différents sujets proposésdans les programmes ne sont là,selon moi, que pour être acquis, etnon pour que l’élève les explore etles intériorise pour sa compréhen-sion personnelle ou son dévelop-pement » (cité par Jones et Jones,1990).Au cours des années 80 et 90,d’autres modèles sont conçus pouraider les enseignants à mettre enplace un système de gestion de laclasse favorisant la réussite scolaireet le développement personnel etsocial de l’élève. Pour la plupart, ilsprennent en compte des élémentsimportants des théories existantdepuis les années 70. Jones et Jones(1990) proposent un modèle détail-lé et complet pour assurer une ges-tion de classe efficace. Ce modèlecomprend les éléments suivants :d’abord, il faut établir des relationsinterpersonnelles positives entrel’enseignant et les élèves et entre lesélèves; travailler en concertationavec les parents et apprendre à éta-blir une communication positive aveceux; utiliser des méthodes d’ensei-gnement qui répondent aux besoinsdes élèves, qui suscitent et main-tiennent leur motivation et favorisentl’apprentissage; diminuer les com-portements non désirés et favoriserl’apprentissage par une organisationet une gestion de classe efficaces,principalement par l’utilisation deméthodes qui amènent l’élève àentreprendre et à mener à terme lesactivités d’apprentissage et par lamise en place et l’application derègles et de procédures efficaces. Siles mesures de prévention précé-dentes échouent, l’enseignant auraalors recours au processus de réso-lution de problèmes pour régler les cas individuels, soit collectifs ouentre les élèves. Au besoin, il fera

une analyse de cas qu’il documen-tera de faits précis pour établir uncontrat de comportement qui engagel’enseignant et l’élève et qui peutégalement comporter l’engagementd’un parent, d’un autre élève de laclasse, d’un professionnel rattaché àl’école, etc. Au cours des dernières années, lesmodèles de gestion de la classe sesont également inspirés des théoriescognitives de l’apprentissage, desrecherches sur la motivation et sur le développement affectif de lapersonne. Ces théories mettent enévidence que les élèves doivent ac-quérir, développer et appliquer desstratégies cognitives et métacognitivesdans leur apprentissage de connais-sances déclaratives, procédurales etconditionnelles. Cette théorie estappliquée à la gestion des comporte-ments. Parmi les modèles s’inspirantdes approches cognitives de l’ap-prentissage, mentionnons celui pro-posé par Archambault et Chouinard(1996) qui repose sur quatre orien-tations (p. XVIII) : accorder uneimportance capitale à la prévention,favoriser la prise en charge parl’élève de son apprentissage et de sescomportements, choisir et appliquerdes interventions éducatives dans laconduite de la classe et encouragerl’enseignant à réfléchir sur sa façonde gérer la classe. Le modèle com-prend trois étapes importantes :1) établir le fonctionnement de laclasse par le choix, l’élaboration etl’enseignement de règles et de pro-cédures adaptées à ses besoins etmaintenir le fonctionnement en utili-sant des interventions appropriées,en évitant la punition et en appli-quant plutôt des conséquences lo-giques; 2) soutenir l’apprentissageautonome par l’enseignement destratégies métacognitives et cogni-tives, notamment les stratégies demémorisation, de compréhension,de gestion des ressources humaineset affectives, et entretenir la motiva-tion à apprendre de l’élève en tenantcompte des variables associées à lamotivation, en offrant des choix et enproposant des activités signifiantes;3) résoudre les problèmes de com-portement en intervenant de façonefficace et adaptée à la gravité ducomportement déviant, en favorisantl’apprentissage d’un comportementattendu et sa prise en charge parl’élève, en utilisant des processusd’intervention et des outils appro-priés, comme la rencontre avecl’élève, des grilles ou des consignesfavorisant l’autogestion du compor-

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Rtement, le contrat de comportement,la feuille de route et un systèmed’émulation efficace.

EN GUISE DE CONCLUSIONQuel que soit le modèle retenu,quelle que soit l’approche favorisée,l’enseignant a toujours un rôle extrê-mement important à jouer et seschoix ont des conséquences sur l’ap-prentissage, le développement de lapersonne et la dynamique de songroupe-classe. À cause de la com-plexité et de la difficulté de la tâchede l’enseignant, comme on a pu leconstater, la problématique de la dis-cipline et de la gestion de la classe aété d’une grande actualité tout aulong du siècle dernier et demeureencore une préoccupation majeuredu milieu scolaire.L’évolution constante de la société etles changements apportés aux objec-tifs et aux finalités de l’éducationobligent à remettre en question lespratiques de gestion de la classe et à proposer des voies adaptées auxorientations des programmes de for-mation actuels.La gestion de la classe étant mainte-nant une compétence reconnue parles instances ministérielles et lemilieu universitaire qui en fait unobjet de formation, de nombreuxagents d’éducation s’intéressent à laquestion et agissent directementdans le milieu scolaire en tenantcompte des travaux antérieurs. Lesconcepts actuels de gestion de laclasse favorisent de plus en plus uneapproche réflexive et éducative. Men-tionnons, entre autres, au Québec,l’importance des travaux et des inter-ventions en gestion participative dela classe de Mme Jacqueline Caronqui s’inspirent de façon importantedes approches humanistes, ceux deJean Archambault et de Roch Choui-nard que nous avons présentés pré-cédemment. Soulignons finalementtoutes les recherches effectuées dansle milieu par les universitaires, lesenseignants et d’autres intervenantspour déterminer les principes néces-saires à la mise en œuvre de modèlesd’intervention qui amèneront lesélèves à atteindre les objectifs deformation dans un contexte démo-cratique.L’auteur a été enseignant au se-condaire et professeur au Dé-partement des sciences de l’édu-cation à l’Université du Québec àMontréal. Il est actuellementconsultant en éducation.

Références bibliographiquesARCHAMBAULT, J. et R. CHOUINARD. Versune gestion éducative de la classe,Boucherville, Gaëtan Morin Éditeur, 1996.BANY, M.A. et L.V. JOHNSON, Dynamiquedes groupes et éducation : le groupe-classe,Paris, Dunod, 1969.CARON, J. Quand revient septembre,Montréal, Les Éditions de la Chenelière,1994.CHARLES, C.M. La discipline en classe,Saint-Laurent, Éditions du Renouveau Péda-gogique, Traduction de Pierrette Mayer,1997.DEWEY, J. The School and Society, Chicago,IL, The University Chicago Press, Éditionrévisée de 1915, 1993.DOYLE, Walter. Handbook of Research onTeaching, New York, Macmillan PublishingCompany, 1986.GLASSER, W. Schools without Failure, NewYork, Harper Row, 1969.GORDON, T. Enseignants efficaces,Montréal, Les Éditions du Jour, 1979.JONES, V, F. et L. S. JONES. ComprehensiveClassroom Management, Needham Heights,MA, Allyn and Bacon, 1990.LEGAULT, J.-P. La gestion disciplinaire de laclasse, Montréal, Les Éditions Logiques,1993.NAULT, T. et J. FIJALKOW, « La gestion de laclasse : d’hier à demain », Revue dessciences de l’éducation, 1999, vol. 25, no 3,p. 451-466.ORNSTEIN, Allan. Strategies for EffectiveTeaching, New York, Harper Row, 1990.ROSS, F.X. Pédagogie, Québec, Charrier etDugal, 1931.SCHMUCK, R.A., et P.A. SCHMUCK. GroupProcesses in the Classroom, Wm.C. BrownPublishers, 1992.SNYDERS, G. Où vont les pédagogies non-directives, Paris, Presses universitaires deFrance, 1973.WEBER, W.A. Classroom Management inJ.M. Cooper, éd. Classroom Teaching Skills,3e édition, Lexington, MA, D.C. Heath,1986.

1. Voir Ornstein, Strategies for EffectiveTeaching, p. 66.

2. Voir V.F. Jones et L.S. Jones, Compre-hensive Classroom Management, p. 11.

3. Voir Georges Snyders, Où vont les péda-gogies non-directives, Presses universi-taires de France, p. 7-27.

4. Op. cit., p. 62-82.5. Voir W.A. Weber, Classroom Management,

p. 315-316.6. Op. cit. en 3, p. 83-84.7. Op. cit. en 5, p. 318.8. Op. cit. en 1, p. 76.

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CC omme tout concept nouveau,

la gestion de classe a été per-çue et comprise différem-

ment par le monde de l’éducation.Au fil des ans, se sont même profiléscertains mythes qui pourraient biens’enraciner comme des croyancesprofondes ou comme des axes derésistance. Ces mythes sont souventissus de questions qui sont demeu-rées sans réponses parce qu’on n’apas trouvé le temps ou les moyensde se renseigner davantage sur lesujet, d’y réfléchir plus en profon-deur ou d’en discuter avec des col-lègues ou des personnes-ressourcescompétentes. Aussi, dans le but desoutenir la réflexion et l’échange devues sur ce thème et surtout d’ap-porter des pistes de réponses à cesquestions qui, pour de multiplesraisons, sont demeurées lettresmortes, le texte qui suit traite de dixmythes parmi les plus courants enmatière de gestion de classe.

1. « ÇA FAIT ASSEZ LONGTEMPSQUE J’ENSEIGNE, JE DOIS SAVOIRGÉRER UNE CLASSE! »

La gestion de classe n’est pas unconcept figé, un acquis définitif.Bien sûr, on peut développer sonhabileté à gérer une classe au fil desans. Encore faut-il que la gestion declasse soit perçue comme unedémarche idéale visant l’évolutionpositive de chaque élève au moyendu réajustement des conditions detravail en classe.Autrement dit, l’on ne peut pas gérersa classe de la même façon chaqueannée parce que chaque groupe-

l’énergie et de l’efficacité qu’unchangement peut apporter? Enfin,pourquoi se refuser comme péda-gogue à vivre une fin de carrièredans l’apothéose. C’est surtout deces années-là qu’on se souviendrale plus. Dans d’autres professions,la question ne se pose même pas.Un chirurgien continue de prati-quer ses interventions chirurgicalesavec la même vigilance, la mêmedextérité et la même rigueur, mêmes’il sait que la retraite l’attend dansun an. Enfin, il accepte, de nou-velles techniques s’il sait que sonpatient pourra en bénéficier.

4. « CETTE ENSEIGNANTE ÉPROUVEÉNORMÉMENT DE DIFFICULTÉS ÀGÉRER LES TROUBLES DE COMPOR-TEMENT DANS SA CLASSE. ÇA LUIPRENDRAIT DE LA FORMATION ENGESTION DE CLASSE... »

Selon Sanford, Emmer et Clements(1983), le concept de gestion declasse a un sens beaucoup pluslarge que la simple notion de disci-pline. Il inclut toutes les actionsaccomplies par l’enseignant pourfavoriser l’engagement de l’élèvedans sa tâche et sa coopération auxactivités de la classe de même quepour assurer un climat propice àl’apprentissage.D’autre part, le concept de disci-pline se réfère à la conduite del’élève, au respect des règles éta-blies et aux interventions de l’ensei-gnant pour corriger les comporte-ments déviants.Comment expliquer cette confu-sion? Pour plusieurs enseignants,créer un environnement sécuritaireet ordonné dans la classe sembledépasser largement l’objectif d’ap-prentissage proposé aux élèves. Cegeste est même en train de devenirun acte de survie pour la plupartdes enseignants travaillant dans unmilieu difficile. Dans ce sens, la ges-tion de classe recouvre un ensembled’actes et de gestes qui s’imposentinévitablement à l’enseignant par laforce des choses.Sous un autre angle, si l’on accep-tait de remettre en question ou demodifier l’organisation de la classeou l’implication de l’élève dans sesapprentissages, l’on verrait desrésultats intéressants au regard dela discipline ou de la motivationscolaire. Cette démarche consis-

terait alors à prévenir le manque-ment aux règles établies plutôt qu’àgérer la discipline.

5. « JE NE SUIS PAS UN TITULAIREDU PRIMAIRE. JE SUIS SEULEMENTUN SPÉCIALISTE. JE NE VOIS PASCE QUE LA GESTION DE CLASSEPOURRAIT M’APPORTER, PUISQUEJE N’AI PAS DE CLASSE À MOI. »

Dès qu’un groupe d’élèves nous estconfié, nous avons à gérer cegroupe-classe. C’est ce qui se pro-duit aussi dans une tâche de spé-cialiste.Des difficultés de gestion attendentle pédagogue à chaque heure ducours : accueil des élèves dans laclasse, établissement de routines,relations harmonieuses à dévelop-per, climat sain à conserver dans laclasse, gestion des groupes de tra-vail, gestion des rythmes et des stylesd’apprentissage. Et j’en passe...Il est sûr que dans un contexte despécialité, il y aura des moyens àadapter, des interventions à privi-légier et des dispositifs nouveaux àcréer. L’on ne peut pas rester enfer-mé tout le temps dans sa bulle despécialiste. Une vision de généra-liste peut faciliter les liens à faire sil’on veut favoriser le transfert desapprentissages chez les élèves.Bref, la gestion de classe concerneaussi les spécialistes.

6. « LA GESTION DE CLASSE, C’ESTSURTOUT L’AFFAIRE DU PRIMAIRE.NOUS, AU SECONDAIRE, NOUSN’AVONS PAS DE TEMPS ÀPERDRE, IL FAUT TRANSMETTRELE CONTENU DE NOTREPROGRAMME. »

Depuis plusieurs années, on a consi-déré les enseignants du secondairecomme des spécialistes unique-ment. Leur formation, tant initialeque continue, s’inscrivait dans cetteligne de pensée. On leur donnait dela formation sur le contenu desmatières à enseigner. On les enfer-mait dans leur champ respectif du « quoi enseigner », sans trop s’at-tarder au « comment enseigner ».Avec l’arrivée des nouvelles ap-proches en éducation, on a crunécessaire d’amener les ensei-gnants sur un autre terrain, celuides apprentissages et de la gestionde classe. La première réaction desenseignants du secondaire a été de

classe est différent d’année enannée. Cela amène obligatoirementle pédagogue à revoir constammentsa conception de l’éducation, del’enseignement et de l’apprentis-sage. Il y a un choix à faire parmiles dispositifs existants : démarches,stratégies, procédures, moyens d’en-seignement. Ma gestion de classedoit être en constante évolution.Sinon, elle ne joue plus son rôlepremier : arriver à maximiser lesapprentissages de chacun desélèves de ma classe.

2. « J’AI BIEN TROP D’OUVRAGEQUI M’ATTEND EN CLASSE POURCOMMENCER EN PLUS À PERDREDU TEMPS POUR FAIRE DELA GESTION DE CLASSE... »

Contrairement à ce que certainspeuvent penser, la gestion de classen’est pas une fin en soi, mais plutôtun moyen pour aider l’enseignant àdifférencier les parcours d’appren-tissage de ses élèves, à construire lamotivation scolaire de ces derniers,à les responsabiliser ainsi qu’à lesencourager à s’impliquer dans ledéveloppement de leurs compé-tences.Si l’on perçoit vraiment la gestionde classe comme un moyen, oncomprendra facilement qu’il s’agitplutôt d’un « comment faire » etnon d’un « quoi faire ». Alors, aulieu d’accroître la tâche de l’ensei-gnant, la gestion de classe seraplutôt le fil conducteur qui lui per-mettra de faire les choses avec lesélèves plutôt que d’essayer de lesfaire seul à leur place. C’est l’élé-ment qui viendra alléger la tâcheplutôt que l’alourdir. Il ne s’agitvraiment pas d’un contenu sup-plémentaire à enseigner, un peucomme la correspondance scolaireet l’utilisation des TIC peuvent par-fois être perçues et exploitées.

3. « IL NE ME RESTE QUE TROIS ANSAVANT DE PRENDRE MA RETRAITE.ÇA NE VAUT PAS VRAIMENTLA PEINE QUE JE M’INTÉRESSEÀ LA GESTION DE CLASSE. À QUOI BON CHANGER? »

Si on se perçoit vraiment commeune professionnelle de l’éducation,on désirera le meilleur pour chacunde ses élèves, chaque jour. Alors,pourquoi « mourir pédagogique-ment » avant son temps? Pourquoipénaliser les élèves de la vitalité, de

LA CLASSE, UNE DYNAMIQUE À GÉRER

ET SI ON REMETTAIT LES PENDULES À L’HEUREpar Jacqueline Caron

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ne pas reconnaître cette importanceou ce besoin de référence, puisquecette réalité était surtout le propredu primaire.De plus, la peur de perdre du tempsen instaurant ces nouvelles façonsde faire en classe insécurisait lesenseignants. Arriverons-nous quandmême à voir tout notre programme?Nos élèves seront-ils vraiment pré-parés pour réussir les examens defin d’année?Les enseignants n’étaient pas tout àfait conscients des gains, des avan-tages qu’ils pourraient en retirer. Ils n’étaient pas sûrs que c’étaitpayant pour eux d’accepter parfoisde perdre du temps en cours deroute pour le récupérer plus tard.En vue de la mise en œuvre de laréforme au secondaire, les ensei-gnants réclament de plus en plusune formation sur les nouvellesapproches éducatives et sur la ges-tion de classe.

7. « CETTE ANNÉE, J’AI UN GROUPETROP DIFFICILE. JE NE PEUX PASFAIRE DE LA GESTION DE CLASSECOMME L’AN PASSÉ. »

Probablement que ces propos fontréférence à l’utilisation d’outilsorganisationnels pour partager lepouvoir avec les élèves. Et là, je faisréférence au plan de travail, autableau de programmation, au con-seil de coopération, au travail enéquipe, aux dyades d’entraide, etc.Même si le choix des outils est dif-férent d’une année à l’autre, d’ungroupe à l’autre, il y aura toujoursun groupe-classe à gérer. Et, con-trairement à ce que l’on peutpenser, plus les élèves ont des diffi-cultés graves de comportement etd’apprentissage, plus leur participa-tion est essentielle. Il ne faut pasattendre que ces élèves soient auto-nomes pour les faire participer,

mais plutôt les faire participer pourqu’ils deviennent autodisciplinés.De plus, très souvent, les tentativesd’implication de l’apprenant sontfaites dans un contexte où les struc-tures n’ont pas été définies conjoin-tement ou encore dans une situa-tion où les exigences n’ont pas étéformulées clairement. Le paradoxevoulant que « plus je veux faire par-ticiper mes élèves, plus je dois êtrestructuré » pourrait orienter etsécuriser l’enseignante ou l’ensei-gnant qui éprouve la peur de perdrele contrôle de sa classe dans uncontexte plus ouvert.

8. « JE NE PEUX PAS FAIRE DE LAGESTION DE CLASSE PENDANT DESJOURNÉES ENTIÈRES. J’EN FAISSEULEMENT QUATRE PÉRIODES PARSEMAINE. »

Cette affirmation évoque sûrementl’idée d’ateliers, de centres d’ap-prentissage ou d’enseignement parsous-groupes, approches dont lesdispositifs favorisent la participationet la différenciation, alors que lesapproches frontales, encyclopé-diques privilégient plutôt la gestiondes ressemblances en grand groupe.Dans les deux cas, il y aura de lagestion de classe à faire. Toutefois,l’enseignant n’aura sûrement pas àintervenir dans les mêmes domaines.La première situation exigera unebonne planification organisation-nelle, tandis que la seconde obli-gera l’enseignant à mettre en œuvredes moyens favorisant l’écoute, ladiscipline, la motivation et la tolé-rance à l’égard des différences pré-sentes dans le groupe.De plus, cette affirmation nous rap-pelle aussi l’importance de la cohé-rence nécessaire entre l’approchepédagogique utilisée dans les ate-liers, les centres d’apprentissage etl’atteinte des objectifs d’un pro-

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Rgramme. Trop souvent, ces dispo-sitifs pédagogiques sont utiliséscomme des accessoires, des com-pléments, des à-côtés. D’où le dan-ger de faire de « l’occupationnel ».Même si les élèves trouvent celaamusant, est-on en mesure de direqu’ils apprennent quelque chose? Ilne doit pas y avoir de dichotomieentre « la vraie école », comme ondit parfois, et l’utilisation de moyensd’enseignement variés : sorties pa-rascolaires, jeux éducatifs, matérieldidactique, etc.

9. « LES FUTURS ENSEIGNANTSET FUTURES ENSEIGNANTESREÇOIVENT MAINTENANT DELA FORMATION EN GESTIONDE CLASSE À L’UNIVERSITÉ. ILS SONT DONC EN MESUREDE GÉRER UNE CLASSE. »

Il est heureux que cette dimensionde gestion de classe soit intégréedans les programmes de la forma-tion initiale. Toutefois, la gestion del’enseignement représente la diffi-culté la plus importante à surmon-ter lorsqu’un ou une stagiaire com-mence à enseigner. De multiplesrecherches ont d’ailleurs révélé quela question de la gestion de la classeconstitue un sujet de préoccupationpour un enseignant, même expéri-menté. Imaginons alors ce que celareprésente pour un novice... Enmatière de gestion de classe, rienn’est jamais gagné à l’avance :l’équilibre des forces qui permetl’établissement d’un climat declasse harmonieux est constammenten péril.Examinons de plus près la situationà l’aide des questions suivantes :Les cours de gestion de classe donnéssollicitent-ils l’expérience pratiquedes personnes qui sont chargées deles donner?La formation donnée sur la gestionde classe est-elle intégrée progres-sivement dans les cours encadrantles stages d’expérimentation pourqu’il y ait constamment pratique,objectivation et réajustement?S’agit-il d’un cours indépendantcomportant un certain nombred’heures sans lien direct avec lescours de didactiques de l’enseigne-ment ou l’expérience acquise dansles stages pratiques?L’aspect de la différenciation desapprentissages est-il abordé dansces cours? Nous savons tous que lesjeunes enseignants ont souvent desgroupes multiâges à gérer. Ont-ilsété préparés à cela?

Les commissions scolaires ont-ellesprévu des mesures d’insertion pro-fessionnelle, de la création de mento-rat et de l’accompagnement pédago-gique pour continuer la formationde base en matière de gestion declasse. C’est par la pratique réflexiveque l’enseignant parviendra à mettreau point son propre modèle de ges-tion de classe.

10. « LA GESTION DE CLASSE, C’EST TOUT SIMPLEMENTUN ENSEMBLE DE TECHNIQUES,DE TRUCS QUE L’ON ESSAIEDE NOUS VENDRE. CERTAINSVOLUMES MÊME NOUSAPPARAISSENT COMMEDES LIVRES DE RECETTES. »

Essentiellement, le concept de ges-tion de classe est tridimensionnel :il possède à la fois un cadre théo-rique, des outils d’auto-analyse etdes pistes ouvertes à l’expérimenta-tion. Il est facile d’aller chercheruniquement les listes d’objectifsd’un programme, les suggestionsconcrètes d’une approche péda-gogique ou d’un ouvrage sans avoirpréalablement réfléchi sur sa pra-tique. C’est une coutume assezrépandue chez les praticiens trèspréoccupés par l’urgence du lende-main. On oublie souvent que le véri-table changement ne peut se déver-rouiller que de l’intérieur et qu’ilest souvent inutile de chercher lessolutions uniquement à l’extérieurde soi.Les clés de l’innovation devraientd’abord être rattachées aux prin-cipes qui sous-tendent un pro-gramme, une approche pédago-gique, un ouvrage, aux attitudesexistantes au regard du changementà opérer de même qu’aux raisonsqui justifient ou motivent les actionsà accomplir. Sinon, on se retrouvedans des situations de déception, dedéroute ou de frustration. Les chan-gements opérés ne nous donnentpas les résultats escomptés. Ils nousconduisent au piétinement, à la fer-meture et même à la régression.Pourquoi, dira-t-on? Parce que l’ona oublié de se placer soi-même en projet d’apprentissage ou endémarche de résolution de pro-blème. Il s’agit alors d’un change-ment superficiel qui ne durera pasparce que la démarche de trans-formation de la pratique ne nousappartient pas. Dénuée de sens, dedurabilité et de transférabilité, elleest donc vouée à l’échec.Jacqueline Caron est consul-tante en éducation.

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RLL’utilisation de trucs et de recettesfait référence à des pratiques degestion de classe fondées sur desfaçons de faire diverses, glanéesdans des parutions professionnellesou au cours de conversations avecdes collègues. Cette approche estcelle du gros bon sens. Elle ne s’ap-puie sur aucune théorie ou concep-tion particulière de la gestion declasse et elle puise ses méthodes unpeu partout avec la conviction chezcelui ou celle qui l’adopte que « siça marche ailleurs, ça devrait mar-cher dans ma classe ». Au contraire, la modification ducomportement s’inscrit pleinementdans une conception béhaviorale-cognitive de l’éducation. Ses défen-seurs soutiennent que les comporte-ments, adéquats ou non, sont appris,et que le rôle des enseignantes etdes enseignants consiste principa-lement à encourager les élèves àadopter des comportements appro-priés. Leurs pratiques s’appuientgénéralement sur les quatre prin-cipes de base de l’apprentissagedéfinis par les béhavioristes, soit lerenforcement positif, la punition,l’extinction et le renforcement néga-tif. Ils ont donc tendance à préveniret à régler les problèmes de com-portement des élèves en utilisant destechniques sophistiquées destinéesà amener une modification descomportements inadaptés. Ils ontpar exemple recours à la récom-pense ainsi qu’au système d’émula-tion et utilisent fréquemment lafeuille de route et le contrat de com-portement.Comme pour la composante auto-rité, l’intimidation repose sur laconception qu’une bonne gestion declasse passe par le contrôle du com-portement des élèves. Cependant, au lieu de chercher à atteindre cetobjectif en amenant progressive-ment les élèves à se conformer àleurs attentes, les adeptes de l’intimi-dation cherchent plutôt à forcer lesélèves à leur obéir. Pour ce faire, ilsutilisent le sarcasme, la moquerie,la force ou la punition sévère. Lesenseignantes et les enseignants quiprivilégient cette composante tententaussi de « mettre les fauteurs detroubles à leur place dès le départ »en leur faisant perdre la face devant

par exemple à recourir dans leurclasse à l’instauration d’instancesdémocratiques comme le conseil decoopération.Pour leur part, les tenants d’unegestion de classe centrée sur la pé-dagogie appuient principalementleur pratique sur la conceptionvoulant qu’une bonne planificationde l’enseignement est à la based’une gestion efficace de la classe etque cela encourage les élèves à secomporter de façon convenable.Pour eux, la responsabilité premièredes enseignantes et des enseignantsest de proposer aux élèves des acti-vités d’apprentissage correspondantà leurs acquis, à leurs besoins et à leurs champs d’intérêt, de leur en-seigner des stratégies d’apprentis-sage appropriées et de s’assurer quechacun puisse recevoir de l’aide et réussir. Ces enseignantes et ensei-gnants accordent généralementbeaucoup d’importance au choix etau déroulement des activités d’ap-prentissage ainsi qu’à la motivationscolaire des élèves.Quant aux partisans de la socioémo-tivité, ils sont fortement influencéspar les idées issues de la psycholo-gie humaniste. Ces enseignantes etenseignants croient qu’une bonnegestion de classe est grandementtributaire de la qualité des relationsmaître-élèves et qu’en conséquence,leur rôle consiste avant tout à établiret à conserver des relations harmo-nieuses avec les élèves. Ils ont doncrecours par exemple à l’écouteactive, à l’empathie, à la thérapie dela réalité et à l’acceptation incon-ditionnelle. Par ailleurs, ils privilé-gient la conséquence logique plutôtque la punition comme façon deréagir aux comportements déviantsdes élèves. Tout comme leurs col-lègues portés sur les aspects socio-systémiques de la classe, les tenantsde la socioémotivité adoptent unstyle démocratique de gestion ettendent à associer les élèves auxprises de décisions. Toutefois, ilssont moins enclins à considérer legroupe et privilégient les transac-tions individuelles. En conséquence,ils préfèrent régler un problème decomportement en privé plutôt quedans le contexte du conseil declasse.

enseignante ou d’un enseignant dé-pend de l’importance que chacunedes composantes suivantes occupedans sa pratique : autorité, préoccu-pations relatives au système social,accent sur la pédagogie, socioémo-tivité, recours aux trucs et auxrecettes, modification du comporte-ment, intimidation et permissivité.Les paragraphes qui suivent pré-sentent ces composantes en donnantpour chacune les caractéristiquesdes enseignantes et des enseignantschez qui elles sont dominantes.

LES COMPOSANTESDE LA GESTION DE CLASSELes enseignantes et les enseignantsqui gèrent leur classe principale-ment à partir d’un système de règleset de procédures qu’ils ont eux-mêmes définies s’inscrivent dans unpatron d’autorité. Les tenants decette façon de faire considèrent géné-ralement que leur rôle consisteprincipalement à contrôler le com-portement des élèves en organisantet en régulant les relations socialesqui sont établies en classe. Dès lors,l’élaboration et l’instauration d’uncode vie efficace sont une prioritépour ces derniers.Les enseignantes et enseignantsportés plutôt à gérer leur classe àpartir de préoccupations relativesau système social accordent euxaussi beaucoup d’importance à l’éta-blissement de règles et de procé-dures; cependant, ils privilégientdavantage la cohésion du groupe et la coopération entre les élèvesque ne le font leurs collègues plus « autoritaires ». Ils conçoivent qu’unebonne gestion de classe devraitd’abord tenir compte du fait quel’enseignement et l’apprentissage seproduisent dans un contexte degroupe et que le rôle de l’enseignantconsiste principalement à établir et à maintenir dans la classe desconditions favorables à la vie encommun. En conséquence, ces ensei-gnantes et ces enseignants ont ten-dance à être attentifs au groupeplutôt qu’aux individus et sontportés à partager leur autorité avecles élèves en les faisant participeraux choix des règles de vie et auxdécisions concernant les affairesinternes de la classe. Ils sont enclins

L e texte qui suit traite des diffé-rentes composantes constituantle profil de gestion de classe

des enseignantes et des enseignantsdu primaire et du secondaire. Lequestionnaire présenté à lapage 28 ayant pour objet devous permettre d’établir votreprofil personnel de gestion declasse, il vous est conseillé de leremplir avant d’amorcer la lec-ture du texte qui suit afin de nepas influencer vos réponses. Cequestionnaire s’inspire des com-posantes de gestion de classe pro-posées par Weber (1986).Essentiellement, la gestion de classeconsiste à instaurer, à maintenir ouà restaurer dans la classe des condi-tions propices à l’enseignement et à l’apprentissage (Archambault etChouinard, 1996). À cette fin, lesenseignantes et les enseignants ontrecours à différentes pratiques quis’appuient habituellement sur leursconceptions personnelles de l’ensei-gnement et sur leurs représenta-tions des besoins des élèves. Celadit, la recherche a maintes fois sou-ligné que les enseignants se dis-tinguent entre eux quant à leursconceptions, leurs représentationset leurs pratiques en gestion declasse. Ces différences s’actualisentprincipalement dans les multiplescomposantes qui constituent la basede ce qu’il convient d’appeler le pro-fil personnel de gestion de classe.Ainsi, Weber (1986) est d’avis quele profil de gestion de classe d’une

UNE VISION PÉDAGOGIQUE QUI SE RÉFLÉCHIT

LES PRATIQUES EN GESTION DE CLASSE : UNE AFFAIRE DE PROFILPERSONNEL ET DE RÉFLEXIVITÉpar Roch Chouinard

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Rpermet aux agents d’éducationd’adapter rapidement leurs pra-tiques aux particularités et aux fluc-tuations de l’environnement ainsiqu’aux exigences de la tâche.Pour pouvoir être appliqué, le profilpluraliste-analytique fait toutefoisappel à une connaissance appro-fondie des différentes composantesde la gestion de classe et des mé-thodes qui leur sont associées. Ils’agit d’un mode de gestion haute-ment contrôlé, systématique etréfléchi qui ne peut se satisfaire del’application machinale de trucs etde recettes. C’est pourquoi dans lecontexte de ce profil, le processusconsistant à créer, à maintenir ou àrestaurer dans la classe des condi-tions propices à l’enseignement et àl’apprentissage passe par plusieursétapes prédéterminées plutôt quepar l’application aveugle de procé-dés techniques, sans avoir recours àun référentiel construit.À cet effet, une première étape con-siste pour l’enseignante ou l’ensei-gnant à expliciter les conditionsidéales à instaurer dans la classe.Ces conditions devraient s’appuyersur le référentiel constitué par lesconceptions personnelles de l’ensei-gnant plutôt que sur des standardsuniversellement admis. En effet, larecherche souligne que ces stan-dards n’existent pas et qu’il y a peud’absolus du type « En gestion declasse, il faut toujours… » ou bien « En classe, il ne faut jamais… ».Une deuxième étape fait appel àl’analyse des conditions environne-mentales particulières de la classedont on veut assurer la gestion.Cette étape suppose l’évaluationcontinue des conditions désiréesafin de s’assurer que ces dernièrescorrespondent aux besoins desélèves et aux caractéristiques del’environnement. La troisième étapeconsiste à choisir et à mettre enplace des pratiques appropriées degestion issues des composantesacceptables de la gestion de classeet choisies en fonction des para-mètres précédents. Finalement, laquatrième étape consiste à évaluerl’efficacité des pratiques retenues et,au besoin, à procéder aux ajuste-ments nécessaires.Ce processus étapiste et structurépossède l’avantage énorme de per-mettre à l’enseignante et à l’ensei-gnant d’aborder la gestion de classede façon proactive plutôt que defaçon réactive, ce qui facilite beau-coup la gestion de classe. La priseen compte des conditions parti-culières de la classe favorise par

des façons de faire qui correspondentà leur situation particulière et auxbesoins de leurs élèves, et ce, souventsans très bien s’en rendre compte.C’est ce qu’on entend par une ges-tion de classe automatisée. Cela neva malheureusement pas sans entraî-ner son lot de problèmes. Toutd’abord, il est très difficile dans cesconditions d’adapter sa pratiquelorsque changent les conditionsenvironnementales. Cela expliqueen partie pourquoi certains ensei-gnants chevronnés rencontrent desdifficultés d’adaptation importanteslorsqu’on leur confie des groupesd’âge différents de ceux auxquels ilssont habitués. De la même façon, lepassage d’un groupe d’élèves del’adaptation scolaire à un grouped’élèves d’une classe ordinaire (etvice versa) est souvent la cause debiens des problèmes d’adaptationde gestion de classe pour l’ensei-gnant concerné. Ensuite, le recoursà des modes automatisés rend diffi-cile la communication entre pairs etles échanges de vues portant sur lagestion de classe. Il n’est pas facileen effet de mettre des mots sur despratiques spontanées, non appuyéessur un référentiel explicite. En con-séquence, la transmission du savoir-faire à des stagiaires en formationainsi que le soutien aux nouveauxenseignants se révèlent une entre-prise souvent décevante en ce quiconcerne la gestion de classe.Selon nous, toutes ces raisons mi-litent en faveur d’une gestion declasse réflexive. En fait, Weber(1986) suggère que le meilleur pro-fil en gestion de classe est de naturepluraliste-analytique. Comme sonnom le laisse entrevoir, ce profilconsiste, pour une enseignante ouun enseignant, à moduler les diffé-rentes composantes de son profil degestion de classe à partir d’uneanalyse rigoureuse de la situation etdes contingences. Ainsi, l’ensei-gnante et l’enseignant « pluralistes »adaptent leur gestion de classe auxacquis et aux besoins des élèves quileur sont confiés. Cette façon defaire est très efficace puisqu’elle

le sexe des enseignants ainsi quel’âge et les autres caractéristiquesdes élèves déterminent aussi en par-tie le profil de gestion de classe.Ainsi, les recherches sur le sujetindiquent certaines différences entreles débutants et les experts quant àl’importance des composantes défi-nies plus haut. Par exemple, lesdébutants ont davantage recours àl’intimidation et aux trucs et recettesque les experts. Pour leur part, lesenseignantes et les enseignants d’ex-périence sont plus portés sur l’au-torité et la socioémotivité (Reynolds,1992).En ce qui concerne les pratiques degestion de classe qui varieraientselon le sexe des enseignants, larecherche montre quelques diffé-rences entre les femmes et leshommes qui enseignent. Ainsi, lesenseignantes auraient davantagerecours à des pratiques apparentéesà la modification du comportementet à la composante sociosystémique,alors que les enseignants auraientplus souvent recours à l’autorité et àl’intimidation (Chouinard, 2000).L’âge des élèves est un autre facteurqui influe sur le profil de gestion declasse. Ainsi, les enseignantes et lesenseignants ont tendance à être pluspermissifs envers les élèves plusâgés du secondaire, alors que lesenseignantes du primaire ont davan-tage recours à la socioémotivité.Finalement, les caractéristiques desélèves exercent, elles aussi, uneinfluence notable sur le profil degestion de classe des enseignants.Ainsi, les enseignantes et les ensei-gnants ont tendance à être plus per-missifs envers les élèves performantset à utiliser davantage la modifica-tion du comportement avec les élèvesdésobéissants (Chouinard, 1999).

UNE GESTION AUTOMATISÉEOU RÉFLEXIVE?Cela dit, les enseignantes et lesenseignants sont plus ou moins cons-cients de leur profil de gestion declasse. Sujets à l’influence des dif-férents facteurs qui viennent d’êtreprésentés, ils adoptent au fil des ans

leurs pairs. Ils n’hésitent pas à fairepreuve d’une grande sévérité enversles élèves fautifs et leur gestion declasse est habituellement fondée surla lutte de pouvoir avec les élèves.Finalement, les adeptes de la per-missivité sont d’avis que l’on doitintervenir le moins possible dans le processus de gestion de classeparce que le contrôle inhibe ledéveloppement naturel de l’autono-mie des élèves. Ces derniers croienten général que leur rôle consisteavant tout à favoriser le développe-ment de l’autonomie et de la libreexpression. En conséquence, cesenseignantes et enseignants exercentmoins leur autorité et ont tendanceà s’en remettre au bon vouloir desélèves.L’importance relative de chacune deces composantes dans les représen-tations et les pratiques des ensei-gnantes et des enseignants constitueleur profil personnel de gestion declasse et explique en partie les diffé-rences dans les attitudes et lesfaçons de faire des enseignants ence qui concerne la gestion de classe.Il est à noter que la recherche sou-tient le bien-fondé et l’efficacitérelative de la plupart des compo-santes qui viennent d’être présen-tées. Autrement dit, il n’y a pas vrai-ment de profil meilleur qu’un autredans l’absolu. Cependant, le lecteuraura déjà deviné que deux compo-santes sont jugées répréhensibles :l’intimidation et la permissivité. Lapremière possède le grave défaut decréer beaucoup de ressentimentchez les élèves et de les amener àdétester l’école. La seconde insécu-rise les élèves et mène fréquemmentses adeptes à perdre le contrôle deleur groupe. En effet, dans ses mani-festations extrêmes, la permissivitééquivaut au désengagement completquant à la responsabilité profession-nelle de gestion. Par ailleurs, l’utili-sation de trucs et de recettes, sansêtre vraiment condamnée par larecherche, n’est pas une façon defaire recommandable. En effet, ellene s’appuie sur aucune théorie del’apprentissage ou de l’enseigne-ment et l’efficacité hors contexte destrucs glanés ça et là demeure pourle moins douteuse.

FACTEURS DÉTERMINANT LEPROFIL DE GESTION DE CLASSESelon Reynolds (1995), plusieursfacteurs influent sur le profil de ges-tion de classe des enseignantes etdes enseignants. En plus de la per-sonnalité et du tempérament, cetteauteure suggère que l’expérience et

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ailleurs l’adoption d’objectifs réa-listes, alors que la spécificationpréalable de ces derniers rend pos-sible l’évaluation de leur l’atteinte.Au delà des trucs et des recettes etde la pratique non réfléchie, l’adop-tion d’un profil de gestion plura-liste-analytique assure donc uneplus grande efficacité aux entreprisesdes enseignantes et des enseignantsquand il s’agit de la gestion declasse. De plus, l’adoption d’un pro-fil de gestion appuyé sur un référen-tiel structuré facilite beaucoup latransmission des compétences etdes savoirs afférents à la gestion declasse dans le contexte de la forma-tion initiale ou continue des maîtreset dans celui de l’aide à l’introduc-tion à la fonction d’enseignant. Fina-lement, l’approche réflexive facilitegrandement l’adaptation aux chan-gements des conditions environ-nementales. Cela est particulière-ment pertinent dans le cadre del’actuelle réforme que connaît lesystème d’éducation québécois.Cette réforme suppose en effet quedes modifications importantes sontapportées à l’environnement de laclasse : nouvelles façons d’enseigneret d’évaluer, coopération accrueentre les élèves et entre les ensei-gnants, généralisation des techno-logies de l’information et de lacommunication, approche parcompétences, fonctionnement parcycles, etc. Nul doute que la mise enœuvre de ces changements ne pourrase faire sans une remise en questiondes pratiques de gestion de classe nisans une adaptation réfléchie despratiques pédagogiques aux nou-velles contingences.M. Roch Chouinard est pro-fesseur à la Faculté des sciencesde l’éducation de l’Universitéde Montréal.

RéférencesARCHAMBAULT, J. et R. CHOUINARD. Versune gestion éducative de la classe, Bou-cherville, Gaëtan Morin, 1996.CHOUINARD, R. (sous presse). Différencesd’attitudes et de comportement en classeselon le sexe de l’enseignant et des élèves,In J. Fijalkow et T. Nault, De Boeck.CHOUINARD, R. « Enseignants débutants etpratiques en gestion de classe », Revue dessciences de l’éducation, 25 (3), 1999, p. 497-514.REYNOLDS, A. What is Competent BeginningTeaching? A Review of the Literature. Reviewof Educational Research, 1992, 62 (1), p. 1-35.REYNOLDS, A. The Knowledge Base forBeginning Teachers : Education Professio-nals’ Expectations versus Research Findingson Learning to Teach. The ElementarySchool Journal, 95 (3), 1995, p.199-221.WEBER, W. A. Classroom Teaching Skills. 3e édition, Lexington, MA : D.C. Heath andCo., 1986.

Fortement En Neutre D’accord Fortementen désaccord désaccord en accord

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01 Un des principaux rôles de l’enseignant ou de l’enseignante est de maintenir l’ordre et la discipline dans sa classe, et ce, en contrôlant personnellement le comportement de ses élèves. 1 2 3 4 5

02 Récompenser les élèves méritants ou leur donner du renforcement est une excellente façon de gérer sa classe. 1 2 3 4 5

03 En gestion de classe, la tâche principale de l’ensei-gnant(e) consiste à aider les élèves à comprendre et à respecter les règles choisies par le groupe. 1 2 3 4 5

04 L’utilisation d’activités d’apprentissage appropriées encourage habituellement les élèves à bien se comporter parce que cela diminue l’ennui et la frustration. 1 2 3 4 5

05 La menace de la punition et la punition peuvent être très efficaces lorsqu’elles sont bien utilisées. 1 2 3 4 5

06 En ce qui concerne le comportement des élèves, il est préférable de leur imposer le moins de limites possible afin de leur permettre de développer tout leur potentiel et leur autonomie. 1 2 3 4 5

07 En ce qui concerne la gestion de classe, l’action la plus importante de l’enseignant ou de l’enseignante consiste à faire en sorte d’avoir de bonnes relations avec ses élèves. 1 2 3 4 5

08 Une gestion de classe efficace passe avant tout par l’instauration dans la classe d’un système de règles déterminées par l’enseignant ou l’enseignante. 1 2 3 4 5

09 Une bonne gestion de classe consiste principalement à renforcer les comportements appropriés et à décourager les comportements déviants. 1 2 3 4 5

10 L’utilisation du conseil de coopération et de sessions collectives de résolution de problèmes sont parmi les moyens les plus efficaces pour régler les problèmes de gestion de classe. 1 2 3 4 5

11 L’utilisation de stratégies pédagogiques efficaces contribue grandement à prévenir et à régler les problèmes de comportement. 1 2 3 4 5

12 On peut utiliser le sarcasme en classe mais avec précaution et seulement après que de solides relations auront été établies avec les élèves. 1 2 3 4 5

QUESTIONNAIRE : MON PROFIL DE GESTION DE CLASSEIndiquez votre degré d’accord à chacun des énoncés en encerclant le chiffre correspondant le mieux à ce que vous pensez.

Fortement En Neutre D’accord Fortementen désaccord désaccord en accord

1 2 3 4 5

13 Trop de contrôle peut entraver le développement naturel de l’autonomie des élèves. 1 2 3 4 5

14 En ce qui concerne la gestion de classe, le rôle le plus important de l’enseignant ou de l’enseignante consiste à établir et à maintenir de bonnes relations avec ses élèves. 1 2 3 4 5

15 C’est le rôle de l’enseignant ou de l’enseignante de choisir personnellement des règles de vie pour sa classe. 1 2 3 4 5

16 Un bon système d’émulation appliqué à tout le groupe peut vraiment faciliter la gestion de classe. 1 2 3 4 5

17 Une bonne gestion de classe passe avant tout par la cohésion du groupe et la coopération entre les élèves. 1 2 3 4 5

18 Faire en sorte que chaque élève fasse des apprentissages significatifs est une excellente façon d’instaurer et de maintenir la discipline en classe. 1 2 3 4 5

19 Une gestion de classe efficace passe parfois par le recours à la coercition. 1 2 3 4 5

20 En gestion de classe, il est préférable d’être un peu trop permissif qu’un peu trop « contrôlant ». 1 2 3 4 5

21 La qualité de la gestion de classe se mesure avant tout par la nature des relations entre les élèves et l’enseignant ou l’enseignante. 1 2 3 4 5

22 Une gestion de classe efficace passe par l’établissement et le maintien du contrôle de la classe à l’aide d’un code de vie élaboré par l’enseignant ou l’enseignante. 1 2 3 4 5

23 En gestion de classe, il est primordial de savoir récompenser et appliquer des conséquences. 1 2 3 4 5

24 Une gestion de classe efficace a pour but principal d’aider le groupe à devenir capable de régler lui-même plusieurs de ses problèmes. 1 2 3 4 5

25 Les activités d’apprentissage que choisit l’enseignant ou l’enseignante ont une répercussion importante sur le comportement des élèves. 1 2 3 4 5

26 L’utilisation du sarcasme peut, à certaines conditions bien précises, constituer un moyen acceptable de contrôler le comportement de certains élèves. 1 2 3 4 5

27 Une gestion de classe efficace passe parfois par la punition sévère des comportements inadéquats. 1 2 3 4 5

À l’aide du tableau présenté ci-après, établissez maintenant votre profil de gestion de classe. À cette fin, calculez votremoyenne pour chacune des composantes en divisant la somme des points encerclés à chacun des énoncés d’unecomposante par le nombre total d’énoncés rattachés à celle-ci (arrondir le résultat à un chiffre après le point).

PROFIL DE GESTION DE CLASSE

Composantes Énoncés Somme Divisé Résultats par (sur 5)

Autorité (au) 01 08 15 22 4

Modification du comportement(mc) 02 09 16 23 4

Système social (ss) 03 10 17 24 4

Accent sur la pédagogie (pe) 04 11 18 25 4

Intimidation (it) 05 12 19 26 27 5

Permissivité (pm) 06 13 20 3

Socioémotivité (se) 07 14 21 3

Votre profil indique quelles sont les composantes prédominantes de votre style de gestion de classe. Vous pouvezaussi comparer vos résultats avec ceux de collègues et, ainsi, mieux connaître vos caractéristiques personnelles.Cela dit, les opérations de validation de ce questionnaire n’étant pas encore tout à fait terminées, il est conseilléd’être prudent dans l’interprétation de vos résultats. Ce questionnaire vous est proposé pour favoriser la prise deconscience et la réflexion personnelle ainsi que pour susciter les discussions entre collègues, que ce soit dans lecadre de la formation initiale des maîtres ou dans le contexte de la formation continue.

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INTRODUCTION

La fonction de socialisation estprimordiale dans la mission del’école. Dewey (1990) a été l’un

des premiers a signaler l’importancede considérer l’éducation comme unprocessus social. Son idée centraleconsiste à voir dans l’école une mini-société où l’enfant se prépare àrésoudre des problèmes auxquels ildevra faire face demain, lorsqu’il seraadulte. C’est en résolvant avec d’autresdes problèmes qu’il doit affronterquotidiennement en classe que l’élèveacquiert cette préparation. L’école visedonc, entre autres, à préparer l’élèveà vivre en société en reproduisant enses murs le contexte social auquel ilappartient. Cette conception de lamission de l’école s’inspire donc del’idée même de la démocratie, soit lepartage des intérêts du groupe partous ses membres.La classe devient donc un labora-toire, non seulement pour explorerde nouvelles connaissances, maisaussi pour faire l’apprentissage del’autonomie, de l’autocontrôle etsurtout, de la responsabilité à l’égardde soi et des autres. Cette idée n’estpas nouvelle. Par exemple, Glasser(1971) a proposé une approchevisant à rendre l’élève responsablede son comportement en l’amenant àeffectuer des choix et en assumantles conséquences qui en découlent.Dans cette perspective, l’élève ap-prend à vivre en société, à satisfaireses besoins et à le faire de façon à nepas priver les autres de leur aptitudeà satisfaire les leurs.Depuis quelques années, émergel’idée que se développe dans la classeune véritable communauté d’appre-nants, responsables non seulementde leurs apprentissages, mais égale-ment de la qualité du climat danslequel ils apprennent. Ainsi, Baloche(1998) soutient que la classe doitêtre un endroit où chaque élève nonseulement reçoit de l’attention despairs et de l’enseignant mais aussis’intéresse aux autres; le respectmutuel s’installe et tous se sententphysiquement et émotivement ensécurité dans la classe.Cela étant, l’enseignant doit encou-rager les élèves à discuter des règlesde vie et des valeurs dont s’inspirentces règles. Deux valeurs apparaissent

donc essentielles : le respect, (de soi,des autres, de l’environnement) et laresponsabilité (la sienne, celle desautres et à l’égard de l’environne-ment). La discussion sur la nécessitépour les membres d’un groupe departager des valeurs et de se donnerdes règles de vie les amène à se sentirdavantage intégrés à ce groupe et àprendre conscience qu’ils ont uneinfluence certaine sur l’instaurationet le maintien d’un climat favorisantles apprentissages de chacun. Ilscomprennent alors qu’ils participentactivement à une communauté d’ap-prentissage dont les membres parta-gent des buts communs, ce partageétant la prémisse à l’exercice d’unecitoyenneté scolaire qui repose surla démocratie. Par ailleurs, l’idéemême de démocratie suppose lanécessité d’énoncer des règles, d’endiscuter et de comprendre leursignification. Piaget (1957), qui s’estintéressé au développement moralde l’enfant, affirme que la règle estimportante puisqu’elle est la condi-tion d’existence du groupe social et que plus l’enfant grandit, plus ilcomprend que la règle dépend del’accord mutuel. On ne peut conce-voir l’épanouissement de la démocra-tie en classe, par conséquent l’exer-cice de la citoyenneté, sans l’existencedes règles de vie et du respect decelles-ci.Cependant, c’est dans les petitsgroupes qu’on apprend les méca-nismes élémentaires de la démocratie(y compris le règlement des contro-verses et des conflits); d’abord,l’élève expérimente en petits groupeset, par la suite, utilise les apprentis-sages qui en découlent dans desgroupes plus vastes (par exemple legroupe classe) où les problèmessont plus complexes. C’est à cettecondition que le groupe classe (oul’école) pourra devenir une mini-société dont les membres exercentleur citoyenneté scolaire dans lerespect mutuel et guidés par des butscommuns. Ainsi, la stratégie qui con-siste à utiliser en classe la pédagogiede la coopération, dans laquelle lesinteractions sociales dans de petitsgroupes sont omniprésentes, prendtoute son importance; c’est ce pointde vue que nous privilégions dans le présent article. Mais d’abord,

qu’est-ce que coopérer? La lecturedes œuvres d’auteurs ayant réfléchiau sens de ce concept nous permet dedégager des indicateurs de la coopé-ration. Piaget (1957) suggère que lacoopération se caractérise par lerespect mutuel, l’égalitarisme et laréciprocité, celle-ci étant la capacitéd’intégrer l’idée d’autrui à sonpropre point de vue. Dewey (1990)précise qu’il doit y avoir une com-munication entre les individus et unelibre interaction entre eux. Enfin,pour Deutsch (1949), la notion d’in-terdépendance des buts est cruciale.Un certain nombre de conditionsafférentes à ces indicateurs doiventcependant être satisfaites pour que lacoopération se développe véritable-ment entre les élèves. Selon Johnsonet Johnson (1987), le fait de placerdes élèves autour d’une table negarantit pas qu’ils vont coopérer.Nous décrivons donc ci-après sixconditions essentielles qui doiventêtre présentes pour qu’il y ait coopé-ration entre les élèves.

PREMIÈRE CONDITION : LES ÉLÈVES

DOIVENT ÊTRE PRÉPARÉS À COOPÉRERLes élèves doivent avant tout com-prendre pourquoi il est si importantd’apprendre à coopérer. Ces der-nières années, plusieurs chercheursont déterminé des obstacles àl’émergence de la coopération entreles élèves lorsque la préparation aété négligée. On suppose souvent queles élèves savent travailler ensemble,de prime abord, de manière cons-tructive. Pour sa part, Cohen (1994)suggère aux enseignants d’amenerles élèves à discuter de l’importancede la coopération dans la vie adulte etd’enseigner les normes et les habile-tés coopératives. Outre qu’ils insistentsur l’enseignement des habiletéscoopératives, Johnson, Johnson etHolubec (1992) proposent aux ensei-gnants d’apprendre aux élèves à va-loriser les différences individuellesperçues comme un atout.

DEUXIÈME CONDITION : COOPÉRER

DANS UN GROUPE HÉTÉROGÈNE

RESTREINTDans un petit groupe, la participa-tion de chacun est plus facile. L’élèvepeut plus aisément s’exprimer et ilpeut demander de l’aide sans s’atti-rer des remarques désobligeantes.

On forme donc des groupes de 4 ou5 élèves parce qu’ils sont les plusefficaces. Cependant, au début, lors-qu’on instaure la pédagogie de lacoopération, il est important dedemander aux élèves de travailler endyades.La diversité existe de plus en plusdans chacune des classes des écolesquébécoises : diversité ethnique,diversité religieuse, différences surles plans physique et intellectuel, dif-férences dans le mode de vie, diffé-rences dans le rendement scolaire,dans la participation à des activitésartistiques et sportives et différencesdans le comportement, etc. La com-position des groupes restreints doitrefléter cette hétérogénéité d’habi-letés, de talents et de caractéristiquespersonnelles. De plus, dans chacundes groupes, il est important d’in-clure des garçons et des filles ayantdes résultats scolaires différents. Lesregroupements hétérogènes amènentles élèves à aborder les problèmesen ayant des points de vue à la foisdifférents et complémentaires.

TROISIÈME CONDITION : LES ÉLÈVES

PERÇOIVENT L’INTERDÉPENDANCE

POSITIVELa réussite de l’apprentissage coopé-ratif dépend surtout du degré d’in-terdépendance positive auquel estparvenu le groupe. Le succès d’unélève n’est possible que si le grouperéussit. Ainsi chaque membre del’équipe a la perception d’être lié auxautres de telle façon qu’il ne peutréussir sans que ses coéquipierseux-mêmes réussissent. Selon John-son et Johnson (1987), les élèvesdoivent percevoir que les efforts del’un profitent à l’ensemble de l’équipe

UNE VISION PÉDAGOGIQUE QUI SE RÉFLÉCHIT

RÈGLES DE VIE ET COOPÉRATION : VERS L’APPRENTISSAGE DE LA CITOYENNETÉ SCOLAIREpar Jean-Pierre Jodoin

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et vice-versa. En conséquence, lesmembres de l’équipe doivent absolu-ment coordonner leurs actions pourréussir la tâche demandée : un oudeux élèves ne peuvent réussir seulsla tâche demandée. L’enseignant doitdonc structurer les activités coopéra-tives en groupes restreints pour quela réussite des membres de l’équipedépende de l’engagement de tous.Ainsi chaque membre de l’équipe sepréoccupe de la réussite de sescoéquipiers tout autant que de lasienne.Selon Johnson, Johnson et Holubec(1992), l’interdépendance positivese développe particulièrement enpartageant des buts, des ressources,des tâches et en assumant des rôlescomplémentaires. Ainsi tous lesmembres de l’équipe, connaissant lebut à atteindre, doivent avoir le senti-ment que le succès de l’équipedépend de l’atteinte de ce but partous et que tous doivent faire desefforts pour y parvenir. L’interdépen-dance positive peut être structurée àpartir du partage des ressources :chaque membre de l’équipe ne dis-pose que d’une partie de l’informa-tion ou bien il n’y a qu’une seulefeuille-réponse disponible. On peutstructurer l’interdépendance destâches en les divisant en plusieursparties : un membre ne peut réaliserseul la tâche globale et chacun a unetâche précise à faire. Enfin, il peut y avoir interdépendance des rôles :chaque membre assume un rôle com-plémentaire dont l’équipe a besoinpour fonctionner efficacement.

QUATRIÈME CONDITION : LES ÉLÈVES

DOIVENT ASSUMER LEURS

RESPONSABILITÉS.Les responsabilités de chaque membredu groupe se manifestent de plu-sieurs façons. En premier lieu,l’élève est responsable d’effectuerses propres apprentissages; il doitmaîtriser de nouvelles connaissanceset, éventuellement, en faire la dé-monstration. Au terme d’un travailcoopératif, tout élève devrait avoiraugmenté son bagage de connais-sances et être mieux préparé àeffectuer seul une tâche semblable.En second lieu, l’élève doit s’acquit-ter de ses responsabilités en menantà terme la tâche qui lui a été assi-gnée. Ce faisant, il contribue au suc-cès de l’équipe, ce qui permet à toutle groupe de progresser. Il est doncimportant que chacun reconnaissel’importance de sa contribution dansla réussite du groupe; un membre nepeut s’en remettre aux autres poureffectuer la tâche qui lui est dévolue.

L’enseignant doit s’assurer que laresponsabilité individuelle se déve-loppe au sein du groupe. À la find’une activité, il demandera auxcoéquipiers d’évaluer leur participa-tion à l’aide de questions telles que :Qu’est-ce qui a contribué au bonfonctionnement de notre équipe?Qu’est-ce qui a nui? Est-ce quechacun a contribué? L’enseignantdoit également veiller à ce que leséquipes ne soient pas trop nom-breuses, car on observe un plusgrand sens des responsabilités chezles membres d’équipes plus petites.Chaque membre a aussi une respon-sabilité collective qui exige que tousles individus du groupe progressent;ainsi chaque individu doit assisterceux qui ont besoin d’aide pourqu’ils connaissent le succès à leurtour. La responsabilité d’un élèveportera alors tout autant sur son pro-pre engagement que sur le soutienoffert aux membres de l’équipe.

CINQUIÈME CONDITION : LES ÉLÈVES

DOIVENT COMMUNIQUER ENTRE EUXL’interaction verbale des élèves est unedes clés de l’apprentissage coopé-ratif. Les élèves sont placés face àface dans un contexte qui favorise lacommunication orale. Les discus-sions en équipe favorisent une circu-lation plus fréquente de l’informa-tion, la communication de nouvellesidées, l’explication et l’intégration deraisonnements. En écoutant lesautres et en exprimant souvent sespoints de vue, l’élève apprendra àclarifier sa pensée et à trouver lesmots pour le dire. Pour plusieurschercheurs et enseignants, la com-munication est l’un des aspects lesplus importants de la coopération : siles individus ne peuvent communi-quer entre eux, ils ne peuvent pascoopérer. Par conséquent, les habi-letés de communication devraientêtre développées chez tous les élèvesqui seront alors en mesure de com-muniquer plus clairement leurs idées,de formuler une hypothèse ou deréagir à une opinion.Les échanges de points de vue entreles coéquipiers permettent d’explo-rer et d’analyser des connaissances

nouvelles et de les discuter à partird’exemples. Le fait de discuter dansun petit groupe d’individus plutôtqu’en grand groupe augmente lenombre d’échanges d’idées, tout enpermettant d’accroître la confiancedans ses propres idées. Les ensei-gnants observeront que les élèves s’ex-priment plus souvent et plus spon-tanément dans un groupe restreint :il est alors plus facile d’engager unediscussion, de remettre en questionou de préciser un point de vue.

SIXIÈME CONDITION : LES ÉLÈVES

DOIVENT UTILISER LES HABILETÉS

COOPÉRATIVESPour travailler efficacement engroupe coopératif, les élèves doiventutiliser des habiletés; celles-ci per-mettent d’améliorer les interactionsdans le groupe. Les concepteurs desméthodes coopératives divisent gé-néralement les habiletés coopéra-tives en deux groupes : les habiletéssociales et les habiletés cognitives.Les habiletés sociales permettent àl’élève de développer et de maintenirdes relations harmonieuses dans legroupe. Par exemple, des habiletéscomme utiliser le prénom des coé-quipiers, regarder l’interlocuteur,encourager, offrir de l’aide, entrentdans cette catégorie. Pour leur part,les habiletés cognitives permettent à l’élève de mieux traiter l’informa-tion disponible et de la rattacher auxconnaissances antérieures. En voiciquelques exemples : résumer uneidée, formuler une hypothèse, tirerune conclusion, construire unschéma.La formation des élèves au travailcoopératif doit absolument inclurel’enseignement des habiletés decoopération qui peuvent être ensei-gnées tout au début du travail coopé-ratif. Des chercheurs et des ensei-gnants soutiennent que le fait de nepas utiliser les habiletés coopérativesdes élèves peut souvent expliquer lesdifficultés qu’ils peuvent éprouverdans les groupes restreints. Les habi-letés coopératives sont différentesdes habiletés utilisées dans les classestraditionnelles; on conçoit aisémentque les élèves ont eu peu d’occasions

d’apprendre ces habiletés par la voiede l’enseignement traditionnel. Il estdonc normal de constater que cer-tains élèves ont au début de la diffi-culté à s’adapter au travail d’équipe.Après avoir appris à utiliser leurshabiletés coopératives, les élèvespercevront mieux qu’elles répondentà un besoin.

CONCLUSIONC’est à travers le travail coopératif engroupes restreints que l’élève expéri-mentera diverses formes d’interac-tion où les règles et les normes sontprésentes. En effet, comment dis-cuter correctement d’un sujet ouparticiper efficacement à la résolu-tion d’un problème si un élève estincapable d’attendre son tour pourparler? Où s’il n’écoute pas l’autrequi parle ou s’il refuse de recon-naître le bien-fondé d’une idée pluspertinente que la sienne? Apprendreà participer à une discussion ouréaliser une tâche collective deman-dant des compétences intellectuellesamènent l’élève à penser par lui-même et à prendre des décisions; en outre, l’élève s’initie aux règlessociales qui le guideront graduelle-ment à l’apprentissage de la citoyen-neté en prenant en compte le bien dela petite collectivité (le grouperestreint) et, par la suite, celui de lacommunauté dans son ensemble (laclasse).M. Jean-Pierre Jodoin est étu-diant au doctorat en sciences del’éducation et est chargé decours à l’Université du Québec àMontréal.

RéférencesBALOCHE, Lynda A. The CooperativeClassroom : Empowering Learning, UpperSaddle River (NJ), Prentice Hall, 1998, 260 p.COHEN, Elizabeth G. Le travail de groupe,stratégies d’enseignement pour la classehétérogène. Trad. de l’américain par Fer-nand Ouellet, Montréal, Éditions de laChenelière, 1994, 207 p.DEUTSCH, Morton. « A Theory of Co-opera-tion and Competition », Human Relations,vol. II, no 2 (avril), 1949, p. 129-152.DEWEY, John. Démocratie et éducation,Trad. de l’américain par Gérard Deledalle, 2e édition, Paris, Armand Colin, 1990, 446 p.GLASSER, William. La « Reality Therapy »— Nouvelle approche thérapeutique par leréel, 2e édition, Paris, E.P.I., 1971, 215 p.JOHNSON, David W. et Roger T. JOHNSON.Learning Together and Alone, Cooperative,Competitive and Individualistic Learning.2e édition, Englewood Cliffs (NJ) : PrenticeHall, 1987, 193 p.JOHNSON, David W., Roger T. JOHNSON etEdythe JOHNSON HOLUBEC. AdvancedCooperative Learning, édition révisée,Edina (MN) : Interaction Book Co., 1992.PIAGET, Jean. Le jugement moral chez l’en-fant, Paris, Presses universitaires de France,1957, 334 p.

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RAÀ l’heure actuelle, notre système

d’éducation est fortement mar-qué par les nouvelles orienta-

tions du ministère de l’Éducation quisuscitent de nombreuses remises enquestion sur le plan des pratiquespédagogiques. Cependant, l’évolutionperceptible dans le domaine de l’édu-cation tient compte des expériences etdes initiatives tentées dans différentsmilieux scolaires afin que l’école puissemieux s’ajuster aux exigences contem-poraines tout en assurant la réussited’un plus grand nombre d’élèves.Plusieurs enseignants ont été réunispour mettre en commun leur expé-rience en gestion de classe. Ils sonttitulaires de classes ordinaires, multi-programmes ou spéciales. Depuisplusieurs années, tous s’efforcent derenouveler leur pédagogie. Ils ontaccepté de répondre à nos questionset de partager leurs propos afin d’ali-menter une réflexion essentielle.

1. QUE RECOUVRE, POURVOUS, LE CONCEPT DEGESTION DE CLASSE?COMMENT SE TRADUIT-ILDANS VOTRE PRATIQUEPÉDAGOGIQUE?

Lorsqu’on leur a demandé ce qu’ilsentendaient par l’expression « gestionde classe », les enseignants interrogésn’ont pas tardé à émettre des proposconvergents pour dire qu’il s’agit engros du fonctionnement mis en placeà l’intérieur de la classe. De fait, lagestion de classe consiste pour eux àrassembler des conditions favorisantl’apprentissage. Mais tout n’est pas ditpour autant et il faut y voir de plusprès. En effet, lorsqu’ils sont amenésà définir ce que recouvre ce concept,les enseignants semblent directementinterpelés par leurs valeurs pédago-giques. En effet, ce sont ces valeurs quimettent en lumière leur conceptionde l’apprentissage et qui se réper-cutent sur les choix relatifs à l’aména-gement et à l’organisation de l’envi-ronnement immédiat de l’élève. Uneexcellente gestion de classe recouvre,selon eux, une réalité très complexequi touche à toute la vie de la classe.La plupart des participants reconnais-sent que l’enseignant d’aujourd’hui

ne peut plus enseigner de la mêmefaçon que celui d’autrefois, puisqu’iltente d’amener tous ses élèves àprendre en charge leur apprentis-sage. Son rôle s’est considérablementmodifié au fil du temps : il est main-tenant devenu un médiateur, unaccompagnateur, un superviseur, uneressource. Ainsi, il n’est plus seule-ment, comme par le passé, un adultescolarisé qui partage son savoir, maisun intervenant qui aide l’enfant àapprendre et qui s’organise pourmettre en place des conditions favo-rables et facilitantes. Selon Luce, ilfaut constamment garder à l’esprit lefait que la salle de classe n’appartientpas seulement à l’enseignant et qu’elledoit ressembler au groupe qui l’ha-bite. Transformée en milieu de vie,elle doit être agréable et propice àl’apprentissage.De l’avis de la plupart des partici-pants, il apparaît indispensable d’ob-tenir l’appui des parents. Pour eux, leclimat de la classe et la dynamiquerelationnelle sont des éléments ac-tuellement aussi importants que leséléments scolaires. Ils veulent queleurs enfants apprennent, certes, maisqu’ils acquièrent et développent éga-lement ces compétences dites trans-versales qui leur serviront toute la vie.Par conséquent, lorsqu’on met enplace un fonctionnement différent, ilest souhaitable de l’expliquer très tôtaux parents afin de recevoir leurappui. Ces derniers trouvent souventétonnant que les élèves et l’enseignantpuissent formuler leurs attentes réci-proques et s’entendre pour organiserle « vivre ensemble » de même qu’uncertain nombre de projets. C’estencore plus délicat, quand il s’agit declasses multiprogrammes, car lesparents pressentent que le fonction-nement de la classe sera forcémentdifférent de celui qu’ils ont eux-mêmes connu et que le matériel péda-gogique sera utilisé avec beaucoup delatitude.Pour l’ensemble des participants, unegestion harmonieuse et personnaliséetient compte certes de l’aménagementde l’espace et du temps, mais aussi duclimat propice à l’apprentissage demême que des ressources matérielleset humaines disponibles. Pour Marie-

Claude, le grand défi à relever, c’est la cogestion avec les enfants. Dans laperspective de l’apprentissage parprojets, c’est tout indiqué. Cependant,cela ne se fait pas facilement, ni dujour au lendemain. D’autres partici-pants le confirment : cela prend dutemps pour installer un cadre péda-gogique dans lequel les projets vontnaître et prendre de l’envergure. Parailleurs, étant donné que la dyna-mique de la classe dépend aussi desgroupes, il est inévitable qu’elle soitdifférente d’une année à l’autre,puisque ce ne sont pas les mêmesenfants qui forment la classe. À cetégard, la plupart des participantscroient qu’il est nécessaire de bienprendre le temps de définir ensembleet d’instaurer le fonctionnement sou-haité. On gagne du temps par la suite,car la confiance est établie. En effet,puisqu’on apprend ensemble en lefaisant, cela permet de développer lacohésion du groupe-classe.Quelques participants reconnaissent,à l’instar de Christine, que les élèves endifficulté d’apprentissage permettentà l’enseignant de relever des défisstimulants. En travaillant avec eux,soit en classe ordinaire ou en classespéciale, on se rend compte de l’im-portance d’une gestion participative,même si cela semble, au départ,beaucoup plus exigeant. Plus on inter-vient dans cette optique, plus ildevient évident que tous les enfantssont en mesure de se prononcer àpropos de l’organisation, de l’affi-chage, des règles de vie et des aspectsscolaires. Avec la confiance qu’onleur manifeste, il leur est plus facilede devenir des élèves fiers, autonomeset responsables. C’est pourquoi, il estsouhaitable que les décisions qui lesconcernent soient prises avec eux.Par ailleurs, si on a la chance d’ac-compagner une partie de ses élèvespendant plus d’une année (comme cepeut être le cas dans le fonctionne-ment par cycles), les élèves s’initientalors entre eux, accueillent les nou-veaux, les aident à s’organiser et lesencouragent à prendre une partactive à la vie de la classe. Cela n’em-pêche pas quelques tensions com-préhensibles, puisque les anciensdoivent justement apprendre à tenir

compte des nouveaux. Mais, que cesoit ou non dans une classe multipro-gramme, les avantages d’un fonctionne-ment par cycles de deux ans semblentévidents. On y observe davantaged’entraide et de collaboration. Deplus, en combinant des classes, onconstate que les enfants interagissentplus librement et apprennent les unsdes autres, ce qui contribue à élimi-ner la croyance tenace que les appren-tissages sont liés à un âge déterminé.Yves voit dans une classe bien orga-nisée la possibilité de maximiserl’emploi de son temps pour mieuxagir. Lorsque la classe est aménagéede façon fonctionnelle et que lesrègles sont bien établies et comprises,l’enseignant peut alors enseigner,c’est-à dire intervenir à bon escient etse centrer vraiment sur l’apprentis-sage. Le défi consiste alors à créerune communauté d’apprenants, unclub de personnes qui lisent, quiécrivent et qui réfléchissent en-semble. Dans un tel contexte, préciseLoran, on sent qu’il se passe quelquechose d’important, qu’ il y a de la fra-ternité et du respect, un sentiment desécurité et de confiance, l’impressiond’appartenir à une sorte de familleélargie. Les élèves sont fiers les unsdes autres et ils peuvent réaliserensemble des projets qui leur tiennentà cœur. Ainsi, la coopération peut sevivre au quotidien et l’apport dechaque personne se révèle indispen-sable.Parmi les avantages que procure unegestion de classe décentralisée, l’évo-lution de l’estime de soi peut êtreconsidérée comme un élément positifet déterminant, car les élèves sontplus conscients de leur cheminement.Le climat chaleureux de la classe rendplus faciles les mises au point inévi-tables. Bien que tous constatent qu’uncadre – aussi souple soit-il – néces-site des ajustements constants, ilsreconnaissent aussi d’emblée que,dans une approche participative, lesélèves participent constamment auxdécisions et les influencent manifes-tement. Lorsque le modèle de l’en-seignement magistral ou frontal estdélaissé, l’enseignant peut intervenirplus souvent auprès de groupesrestreints ou auprès des individus.

LA GESTION DE CLASSE À L’ENSEIGNE DE LA RÉFORME

DES CONDITIONS POUR FAVORISER L’APPRENTISSAGETABLE RONDE SUR LA GESTION DE CLASSE AVEC DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DU PRIMAIREpar Monique Le Pailleur avec la collaboration de Ghislaine Bolduc

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2. VOTRE CONCEPTION DELA GESTION DE CLASSES’EST-ELLE MODIFIÉE AUCOURS DES ANNÉES? SI OUI, POUR QUELLESRAISONS?

Tous s’entendent pour soutenir queles attentes sociales ne sont plus lesmêmes qu’auparavant. Plusieurs in-sistent sur la nécessité de s’adapter àde nouveaux contextes, à de nou-veaux besoins, à de nouveaux com-portements, à de nouveaux champsd’intérêt. Étant donné que la viechange et que la société évolue, desrépercussions se font nécessairementsentir dans le milieu scolaire. Ilsadmettent ainsi que leur gestion declasse s’est considérablement trans-formée au cours des années.Avant de modifier leurs pratiquespédagogiques, la plupart des partici-pants reconnaissent qu’ils ont dû pré-ciser leurs valeurs et réfléchir surleur conception de l’apprentissage.Plusieurs d’entre eux demeurent cri-tiques à l’égard des différents cou-rants pédagogiques bien qu’ils per-çoivent leur intérêt pour mieux situerleurs interventions.

Pour plusieurs enseignants, la transi-tion s’est effectuée lorsqu’on leur aconfié des classes multiprogrammes.Pour éviter de tout dédoubler, il fallaitfaire en sorte qu’il y ait des momentsen commun, des temps de rencontredistincts, du travail autonome et encoopération. Il leur était alors difficilede maintenir une organisation collec-tive. Par essais et erreurs, des mesuresont donc été prises. Il leur fallait nonseulement s’approprier les pro-grammes de plus d’un échelon, maisencore organiser la classe de manièreà multiplier et à concilier les typesd’interactions. Les expériences péda-gogiques et l’évolution personnelleapparaissent pour eux souvent liées.Tous reconnaissent qu’il ne sert à riende changer pour changer. Il importeavant tout de se connaître puis d’ac-cepter sa différence. Pour certainsparticipants, il n’était pas question defaire table rase des pratiques péda-gogiques antérieures, mais plutôt deles adapter, de les transformer enrestant vigilants et ouverts. Consentirà revoir ses valeurs et veiller à se don-ner des défis stimulants, voilà tout unprogramme qui rassemble les partici-pants, même si certains d’entre eux

reconnaissent qu’il vaut mieux y allerprogressivement.« On ne peut pas tout changer enmême temps », allègue Marie-Odilequi refuse de se laisser bousculer pardes impératifs extérieurs. Quelquespersonnes partagent son point de vueet soulignent qu’il importe de recon-naître ses points forts, de se faire con-fiance, de ne pas tout changer à lafois, de se permettre des essais et deserreurs. L’enseignante est en appren-tissage, elle aussi. C’est pourquoi il luifaut se perfectionner, lire, demeurer àl’affût. Si la perspective d’un grandchangement peut faire peur, pourquoine pas envisager des petits change-ments, sur une base progressive?D’autres participants précisent qu’ilfaut éviter de se lancer tête baissée etinsistent sur le fait qu’il faut respecterses collègues en ne devenant poureux ni un modèle, ni une menace. Dequel droit, en effet, peut-on déstabi-liser un collègue qui résiste au chan-gement? Apprendre à prendre desrisques et à relever des défis peut sefaire de diverses manières. Noussommes riches de nos différences et,si chacun apporte le meilleur de lui-même, la vie de toute l’école s’en

ressent positivement. Par ailleurs,demande Yves, un brin sceptique, les gens que l’on oblige à changerchangent-ils plus que ceux quichangent d’eux-mêmes? Il soutientque la porte du changement s’ouvrede l’intérieur. Les autres participantssont d’accord avec lui. Pour qu’il y aitun effet profond, il vaut mieux éviterd’imposer des façons de faire etamener plutôt les gens à réfléchir touten demeurant critiques. Dans cetteoptique, il propose de remplacer sys-tématiquement dans notre vocabu-laire le mot « erreur » par « approxi-mation », c’est-à-dire ce que l’onréussit à faire de mieux pour lemoment et qui peut justifier unedemande d’aide. Dans cette pers-pective, il est bon, selon quelquespersonnes, d’avoir des mentors, despersonnes-ressources inspirantesdont l’apport apparaît inestimable.

3. COMMENT AVEZ-VOUSDÉVELOPPÉ VOSCOMPÉTENCES ENGESTION DE CLASSE?

Un participant résume l’essentiel deson cheminement : il a lu et lit encorebeaucoup pour approfondir des sujets

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BRIGITTE GAGNON JACQUELINE FOREST JORAN DUFOUR LUCE VEILLEUX

MARIE-CLAUDE TESSIER CHRISTINE VACHON MARIE-ODILE DACLE YVES VACHON

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qui lui tiennent à cœur, il a visitéd’autres écoles et d’autres classes et ilen visite encore régulièrement, il s’estbuté à des murs, heurté à des diffi-cultés. Pour lui, on arrive à l’ensei-gnement avec la capacité de se ques-tionner et cette attitude est propice auchangement.Plusieurs participants avouent maga-siner constamment de nouvelles idéespour améliorer leur gestion de classe.Certains mentionnent l’apport du per-fectionnement donné dans les collo-ques et les congrès. Les réseaux plusou moins officiels d’échanges de vuesentre les enseignants de milieux dif-férents présentent pour eux unegrande richesse. Quelques personnessoulignent également le rôle positif del’apprentissage par essais et erreurs,de l’analyse réflexive et des entretiensméthodologiques avec des collègues.Tous reconnaissent qu’il y a beau-coup de latitude pour expérimenter etpour innover. Outre qu’ils adoptentvolontiers d’autres façons de faire,plusieurs soulignent l’intérêt de véri-fier régulièrement auprès des élèvesl’effet des changements introduitspour reconnaître les points forts et lespoints à améliorer.Que ce soit dans son école, dansd’autres milieux, parfois même àl’étranger, la visite des classes d’autresenseignants peut effectivement se ré-véler inspirante, puisqu’il est possibled’en retirer des idées qui peuventaccroître l’efficacité de son organisa-tion matérielle ou amener à réévaluercertains éléments de sa propre ges-tion. Ce ressourcement par les pairsest idéalement accompagné d’unpartage avec des enseignants souventaux prises avec des préoccupationssimilaires, mais qui ont pu élaborerd’autres réponses.De plus, la présence stimulante etdéstabilisante des stagiaires doubléede l’intérêt de leur inlassable ques-tionnement apparaît certainementfavorable. Avec les stagiaires, sou-ligne-t-on, on se remet forcément enquestion, on doit trouver les motspour expliquer et justifier ses façonsde faire. Dans un environnement declasse stimulant, ils émettent à leurtour de nouvelles idées et en fontbénéficier toute l’école.Parmi les autres éléments qui ont per-mis l’évolution de leurs pratiques, laplupart des participants ont mention-né leurs lectures et les formationsreçues, de même que le rôle capitaldes conseillers pédagogiques dans unaccompagnement souvent différencié.Au quotidien, en plus de la pratiquerégulière de l’analyse réflexive,quelques participants ont soulignél’intérêt de l’observation réciproque

et de la rétroaction donnée par unepersonne de confiance pour dégagerce qui a bien réussi ou entrevoir despistes d’amélioration. Brigitte men-tionne qu’on a besoin des autres etqu’on fait partie d’une chaîne sansfin. On apprend des autres et on lesaide à notre tour. Plusieurs croient au« coaching » entre collègues. Cepen-dant, pour se laisser influencer posi-tivement, il faut écouter, évaluer,essayer, appliquer, s’ajuster, s’ana-lyser, lire et surtout s’engager dans unprocessus de formation continue.Les moments de rencontre avec lescollègues ou l’équipe-cycle ont leurimportance et sont encore plus utilesdans une optique de concertation. Ilsgagnent à être facilités selon diversesformules (après la classe, durant unesuppléance, lors de périodes libressimultanées, etc.). Tous évoquent lanécessité de tisser des liens avec lescollègues afin de créer une équipe-école solidaire et atteindre une cohé-rence plus grande dans les choix pé-dagogiques. À cet égard, Yves relateque, dans son école, les enseignantsprivilégient, d’un commun accord, lerecours à la littérature jeunesse pourfavoriser les apprentissages en lectureet en écriture. Une telle vision parta-gée est extrêmement précieuse del’avis des participants.Certains soulignent également l’im-portance déterminante du projet édu-catif de l’école. Dans une gestion declasse participative, un tel projet prendtout son sens puisqu’il se traduit auquotidien par des gestes concrets etrequiert des actions concertées quiont une forte incidence sur la gestionde classe.Selon plusieurs enseignants, l’appuiinconditionnel de la direction d’écoleapparaît souhaitable pour encouragerceux qui osent et pour prévenir leurisolement. La qualité du leadershippédagogique semble également fon-damentale pour éliminer la rivalité etaccroître la collaboration à l’intérieurde l’équipe-école et des équipes-cycles.Opter pour un mode de fonction-nement alternatif requiert un fortinvestissement en temps et en éner-gie, constatent quelques participants.D’emblée, ils reconnaissent qu’onpeut prendre des années pour asseoirde nouvelles convictions et pour sesentir véritablement à l’aise dans uneautre approche pédagogique.Certains signes rendent visibles leschangements qui s’opèrent dans unemême école : la présence de conseilsde coopération dans quelques classes,l’aménagement de l’espace avec desmeubles non traditionnels (canapés,tables, tapis, cloisons, etc.) ou encore

l’émergence de projets mobilisateurs.Lorsqu’on est à l’écoute des enfants,on progresse inévitablement. C’est cequ’affirme Jacqueline en formulant saquestion clé : « Qu’est-ce que je pour-rais faire pour que mes élèves aimentdavantage l’école et apprennent encoremieux? » Parfois, on revient à desactivités que l’on faisait, puis que l’ona délaissées un jour sans raison, cons-tate un participant. Il suffit, selon Loran,que des anciens élèves reviennentnous voir et nous rappellent des ac-tions intéressantes pour qu’aussitôt seravivent certaines idées. Nos anciensélèves, ajoute-t-il, ce sont nos enfantspour la vie!Une mise en garde s’impose toute-fois : la gestion de classe, aussi inté-ressante soit-elle, ne constitue pasune panacée. Quelqu’un précised’ailleurs que ce n’est pas la façon defaire, l’approche pédagogique utiliséequi est fondamentalement détermi-nante pour assurer la réussite desélèves. En vérité, la personne de l’en-seignant est irremplaçable. C’est luiqui va rendre les enfants curieux. Cequ’il faut, ce sont des enseignantsinspirants dans des écoles intelli-gentes. On ne peut pas imposer nosfaçons de faire aux autres. Chacundoit trouver la sienne et faire sa pro-pre synthèse. Plusieurs participantspartagent cette vision de l’enseignanten tant que personne clé qui valoriseles enfants, les amène à se dépasser,entretient la flamme qui mène ausavoir et tisse les relations interper-sonnelles. C’est lui qui croit dans leurcapacité de réussite et qui leur encommunique l’assurance. Tous recon-naissent que le modèle de gestion,aussi bon soit-il, ne peut être isolé etque c’est l’enseignant qui fait toute ladifférence. Marie-Odile résume l’opi-nion du groupe en constatant l’intérêtde la préséance de l’« être » sur le « faire ». Dans la voie d’une formationcontinue, Christine recommande demonter parallèlement son portfolioprofessionnel puisque, pour mieuxaider ses élèves à apprendre, on abesoin de continuer à développer sespropres compétences.

4. LA MISE EN ŒUVRE DE LARÉFORME DU CURRICULUMEST-ELLE SUSCEPTIBLE DEVOUS AMENER À APPORTERDES MODIFICATIONS ÀVOTRE FAÇON DE GÉRERVOTRE CLASSE? SI OUI,POURQUOI ET LESQUELLES?

Plusieurs participants avouent se sen-tir depuis longtemps dans l’esprit dela réforme, c’est l’esprit avant la lettre.

Des enseignants qui se sentaient aupa-ravant un peu marginalisés, dont lescroyances et les valeurs suscitaientl’exploration de fonctionnements dif-férents, apprécient désormais le faitde pouvoir en témoigner au grandjour. Ils savent souvent comment faireparticiper les personnes de leur com-munauté et mener des projets ambi-tieux. Cette expertise leur semble pré-cieuse puisqu’elle peut éventuellementservir à d’autres. C’est pourquoi laréforme constitue pour eux un appuiimportant.Parmi les changements évoqués, lanécessité de se rencontrer souvent et de s’entendre avec les collèguesentraîne déjà des bouleversementsdans les pratiques puisque les ensei-gnants travaillent désormais plus sou-vent ensemble pour planifier leursinterventions, définir des orientations,concevoir des outils et veiller à assu-rer une certaine continuité. Il souffleun vent d’entraide sans précédent,observe Brigitte : « Tu m’envoies de tesélèves et je t’envoie quelques-uns desmiens pour une activité donnée, pourun temps plus ou moins long, sur unebase plus ou moins régulière ». Pourelle, le coenseignement présente denets avantages et la perspective dedéfoncer des murs lui sourit. Lorsqueles élèves se déplacent d’une classe à l’autre, il importe que les ensei-gnantes se parlent beaucoup et har-monisent leurs modes d’intervention.Pour Marie-Claude, agir ainsi, c’estaccroître la souplesse des interven-tions car, si l’on gère autrement l’or-ganisation, il peut arriver que desélèves fassent, à l’occasion, des incur-sions plus ou moins longues dansd’autres classes en fonction de leursbesoins particuliers. Lorsque desprojets sont ainsi mis en œuvre, lesgroupes-classes sortent de leurs fron-tières et les élèves entrent en contactavec plusieurs enseignants.Selon plusieurs participants, le faitqu’il y ait désormais des regrou-pements par cycles va rendre plussimple la gestion des classes multipro-grammes. Étant donné que les mêmescontenus notionnels se trouvent à l’in-térieur d’un même cycle de deux ans,les élèves bénéficient d’un temps suf-fisant pour effectuer certains appren-tissages plus complexes. On souligneégalement le virage en matière d’éva-luation, puisque les élèves doiventdésormais apprendre à s’autoévalueret à se coévaluer en fonction de leursattitudes ou de certaines composantesdes compétences disciplinaires et trans-versales, d’où l’intérêt du recours auportfolio qui requiert des fiches d’au-toévaluation, des réflexions sur les

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Rtravaux choisis et des notes sur lesentretiens individuels.Les participants affirment que ce n’estpas uniquement la réforme qui estl’instigatrice des changements surve-nus dans leur pédagogie. En revanche,quelques personnes ont la netteimpression que leurs pratiques dif-férentes sont légitimées depuis peu.En conséquence, elles deviennent plusacceptables aux yeux des gens qui lesentourent. Toutefois, à leur avis, unemise en garde s’impose, car la réformedoit avant tout se vivre intérieurementet s’inscrire dans un cheminementpersonnel. Le désir de partager estensuite évident et la volonté de com-muniquer son expérience a tôt fait de susciter l’écoute, l’intérêt et deséchanges d’idées. Les participantsobservent que les équipes-écoles sontprésentement en démarche. Dans lesdifférents milieux scolaires, on multi-plie les 4 à 7 et les midis pédago-giques. On ne s’est jamais autant parléde pédagogie!

5. LA RÉCENTE INTRODUCTIONDES TECHNOLOGIES DEL’INFORMATION ET DELA COMMUNICATION (TIC) À L’ÉCOLE A-T-ELLE EU DESEFFETS SUR VOTRE GESTIONDE CLASSE? SI OUI,POURQUOI ET LESQUELS?

Avant, rappellent quelques ensei-gnants, il y avait dans chaque école unlaboratoire et les divers groupesd’élèves n’utilisaient les ordinateursque pendant certaines périodes fixéesà l’horaire. Aujourd’hui, on a ten-dance à regrouper les ordinateurs enréseaux et on en trouve plusieursdans les classes. C’est également ceque constate Christine qui se réjouitdu démantèlement progressif deslaboratoires et de l’arrivée des ordi-nateurs dans les salles de classe. Celapermet d’introduire dans la classedes centres d’apprentissage, commeun centre multimédia où se donnentdes ateliers, et où les élèves s’en-traident ou font appel à ceux d’entreeux qui sont reconnus comme desexperts en dépannage. Pour elle etpour d’autres participants, les ateliersfournissent une belle occasion devaloriser ces élèves-experts et de sus-citer l’adoption de pratiques pédago-giques différentes.Dans certaines écoles, cependant,même si le laboratoire est toujoursprésent et fréquenté, il peut y avoirune souplesse d’accès compatibleavec les projets en cours. Les parti-cipants reconnaissent qu’il est encore

difficile, dans bien des milieux,d’obtenir des ordinateurs dans sasalle de classe. En avoir trois ouquatre au lieu d’un seul fait toute la différence, observe Jacqueline.D’autres participants mentionnent lesfrustrations nombreuses dues aumanque d’appareils et tous déplorentles conditions peu facilitantes. Avecdes ordinateurs de plus en plus per-formants, il faut incontestablementtrouver des stratégies liées à la ges-tion de classe si l’on désire accroîtreet diversifier leur utilisation. Touss’entendent sur le fait que les TICconstituent un levier important quipourrait être mis considérablement à profit au cours des prochainesannées.

EN GUISE DE CONCLUSION…Pour l’ensemble des participants, lagestion de classe s’apparente à « l’animation de la vie de la classe »,pour reprendre l’expression deColette Bouchard et de Pierre Angers.Au-delà de l’aménagement d’un envi-ronnement « maximaliste », commele recommande Jacques Tardif, del’utilisation différente des ressourcesdisponibles ou de l’organisation d’uncontexte d’apprentissage stimulant, se profilent un grand respect desenfants, un besoin de renouveler sanscesse sa pédagogie pour mieux lesaccompagner comme apprenants,une profonde réflexion sur l’acted’apprendre et une pratique généra-lisée de l’analyse réflexive. Il semble y avoir de la place pour l’expressionde la créativité, puisque chaque péda-gogue transpose à sa manière sescroyances et ses valeurs au quotidiendans sa salle de classe. De plus enplus, cependant, les défis personnelss’inscrivent à l’intérieur d’une visionpartagée avec quelques collègues,quand ce n’est pas avec toute l’équipe-école. Le dialogue est engagé et rap-proche les individus. Quand desportes de classes auparavant ferméess’entrouvrent, c’est déjà faire un pasconsidérable en avant. Ensuite, il fautse parler, confronter ses idées, cher-cher et trouver ensemble : c’est géné-ralement le pas suivant. En marge destendances nouvelles en pédagogieémerge donc la volonté de s’appro-prier de nouvelles façons de fairepour être en mesure de mieux ré-pondre à des besoins de plus en plusdiversifiés. Si la réforme valorise leschangements introduits dans les pra-tiques pédagogiques, elle ne peut queprendre appui sur la volonté de cha-cun d’instaurer une relation péda-gogique renouvelée.Monique Le Pailleur est consul-tante en éducation.

LA GESTION DE CLASSE À L’ENSEIGNE DE LA RÉFORME

DYNAMIQUES DE GESTION DECLASSE AU SECONDAIRETABLE RONDE AVEC DES ENSEIGNANTESET DES ENSEIGNANTS DU SECONDAIRE

par Arthur Marsolais

A vec six enseignantes et deuxenseignants pratiquant dansles contextes les plus diver-

sifiés, la table ronde animée par Mme Monique Boucher a exploré lesens, les exigences et les avenuespossibles de la gestion de classe.Les hypothèses des uns rencontrentl’expérience des autres. Avec tousces interlocuteurs, nous suivronsl’exploration que l’échange d’idéesa permis : sens initial de la gestionde classe, diversité des contextes,dominantes privilégiées dans les ap-proches professorales, affinités avecla mise en œuvre de la réforme,façons de s’approprier une gestionde classe efficace et dynamisante endébut ou en cours de carrière.

UN CONCEPT CARREFOUR?La gestion de classe est un conceptriche mais variable. Il est loin d’êtreunivoque. Y a-t-il moyen d’éviterqu’il verse dans l’ambiguïté aupoint de devenir inutilisable, pouren avoir abusé et l’avoir mis àtoutes les sauces? Notre discussionle laisse espérer.Il faut d’abord prendre garde de nepas confondre la gestion de classeavec l’une de ses conditions. Vue del’extérieur, on a trop tendance à laréduire au contrôle de sa classe.Attention aux observations desdirections d’école portées à dired’un professeur dont la classe estcalme : « Il a une bonne gestion declasse ». Rien n’est moins sûr. L’idéemême de gestion de classe évoqueune classe centrée sur l’activitéd’apprentissage des élèves etnon pas sur une écoute sage et pas-sive – souvent extrêmement déta-chée, distraite, rêveuse – du discoursenseignant.L’idée même de gestion de classeest la fille légitime du souci centraldu renouveau pédagogique des deuxdernières décennies, soit de dépla-cer la priorité, le « focus » du cours(« teaching ») vers l’activité d’ap-prendre(« learning »). La réformeen cours adopte cette philosophieet propose d’y travailler notamment

en recourant à une pédagogie duprojet. Fort bien. Mais que voilà unmessage déstabilisant pour ceux etcelles qui donnent des bonnes notesde gestion de classe en passant dansles corridors vis-à-vis des portesdes classes les plus calmes! En effet,la classe centrée sur le cours a toutesles chances de faire prédominer laseule voix du professeur. La classegérée pour orchestrer au mieuxl’apprentissage des élèves aura parcontraste souvent une apparenced’anarchie contrôlée. Elle tiendraplus de la ruche, pour reprendre labelle métaphore de Marcel Chabot1.

DES DOMINANTESDans l’expérience professionnelledes participants, l’une ou l’autredimension de la gestion de classeest privilégiée. Ces dominantes ontdes affinités entre elles et dessinentun peu le territoire de la gestion declasse. La gestion de classe variebeaucoup selon l’environnement,selon les besoins des élèves. Lestémoignages exprimés accréditentune palette des possibles, variationshautement harmonisables entreelles.

PREMIER ACCENT : DES RELATIONS

D’ATTENTION ET DE CONFIANCE

Marie Lafleur travaille à l’écoleMarie-Anne, de Montréal. On ytrouve des jeunes, de 18 à 20 anssurtout, qui ont repris les étudesaprès un décrochage plus ou moinslong. Pour elle, l’établissementd’une relation interpersonnelle deconfiance et d’ouverture réciproqueest la base de tout. Il s’est agid’abord d’un instinct, d’une intui-tion qu’elle ne tente pas de conso-lider en théorie. Mais cela demeureune conviction dont elle constateles résultats positifs. S’agit-il, pourles élèves, de surmonter ou deliquider la mémoire d’expériencesscolaires négatives associées à leurdécrochage? Sans doute.Les autres participants, particulière-ment ceux ou celles qui travaillentavec des élèves en difficulté, abon-dent dans le même sens : il faut

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prendre le temps nécessaire à cons-truire une relation positive, à gagnerla confiance.Une jeune enseignante de françaisdans les classes ordinaires d’unepetite école secondaire, Nadia Na-deau, donne une couleur originaleà la composante relationnelle de lagestion de classe : « J’ai le souci decréer un lien, je veux qu’ils se sententbien en classe. Je ne cherche pas âêtre une amie, je n’assume pas unrôle de psychologue. Ce que jedemande, c’est qu’ils soient vraisavec moi, comme je suis vraie aveceux. » Franchise, mais plus encore :nous sommes ici en plein dans ceque Charles Taylor appelle une cul-ture de l’authenticité, de l’intégritédans la communication (Gran-deurs et misères de la modernité).

SECOND ACCENT : ADAPTATION,VARIÉTÉ, DISCERNEMENT DES BESOINS

Francine Demers exprime d’entréede jeu une perception qui recueil-lera beaucoup d’appui : « L’essen-tiel, dans la gestion de classe, c’estla capacité d’adaptation. La façonde fonctionner change d’une école

à l’autre, d’un groupe d’élèves à unautre. Il faut avant tout connaître lesélèves, leurs capacités, leurs besoinsautant pédagogiques qu’émotion-nels. Pensons par exemple à un cer-tain besoin de s’opposer! J’essaiede varier le travail : parfois indivi-duel, parfois en petites équipes,sans toutefois dicter la compositiondes équipes. Il n’y a pas de recette,ni une seule bonne façon de fonc-tionner toujours et partout : il fautfaire en fonction du groupe et de sadynamique. »Cette attitude à l’égard de la gestionde classe demande une grande assu-rance professionnelle, la confiancede pouvoir travailler à l’aise avecune assez grande palette d’ap-proches et de stratégies didac-tiques. Comment est-ce qu’on enri-chit sa palette? Beaucoup par lacommunication et l’échange devues avec ses collègues, au dire desparticipants. Nous reviendrons plusloin à la question de la genèsed’une gestion de classe satisfai-sante. Mais il faut noter tout de suitele corollaire d’une adaptation quiva de pair avec la diversification :

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BENOÎT BLANCHARD BRIGITTE CREVIER FRANCINE DEMERS NADIA NADEAU

JOHANNE PICHETTE MARIE LAFLEUR STEPHEN TREMBLAY SYLVIE LAFLAMME

l’approche par essais et erreurs, onoserait presque dire le droit àl’erreur. Si l’on est capable des’avouer, et de se dire entre col-lègues, que telle chose marchebien, que telle autre ne marche pasfort, mettons-la de côté, c’est gagné.D’abord, on cesse de se juger entrepersonnes et de se sentir menacéparce que jugé!L’assurance professionnelle quemanifestent ceux et celles dont onadmire la gestion de classe meparaît, sous cet aspect, faire sejoindre deux choses aussi impor-tantes l’une que l’autre. D’abord,ces enseignantes et enseignantsmettent en œuvre, sans nécessaire-ment le nommer, le postulatnuméro un de la psychologie trans-actionnelle : « I am OK, you areOK », après cela, nous pouvons dis-cuter de ce qui marche et de ce quine marche pas dans ce que je fais etdans ce que tu fais sans égratignerles épidermes, sans nous blessermutuellement. La seconde chose,c’est à la fois le goût d’essayer desapproches nouvelles, non pas àpartir d’une propagande qui per-

suade que voilà la solution à tousles problèmes, mais en gardant unregard critique sur les résultats. Lecélèbre John Goodlad disait quel’excellente école n’est pas uneécole sans problèmes, mais uneécole où, confiant d’être capable de les résoudre, on est capable dediscerner ses problèmes sans sedémotiver. Tout indique que labonne gestion de classe requiertune disposition analogue : du sang-froid et de l’imagination.

L’ACCENT MOBILISATION,PROJET, ÉQUIPEPlusieurs des participants enseignentdans le cadre de programmes parti-culiers : la voie technologique; unprogramme à dominante d’art etd’écologie au premier cycle dusecondaire, à recrutement nonsélectif; enfin, deux programmesconduisant au baccalauréat interna-tional. Dans tous les cas, la petiteéquipe enseignante est très soudée,solidaire, régulièrement engagéedans une planification collective.C’est particulièrement le cas du pro-gramme de la voie technologique

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Rde 3e et de 4e secondaire dansl’école de Drummondville où tra-vaille Stephen Tremblay. Professeurde mathématique, il se rappelleavec humour d’un début dans laprofession où il importait avant toutde s’imposer, de ne pas perdre lecontrôle au risque d’une certainerigidité. Dans son équipe actuellede voie technologique, tous lesenseignants sont solidaires pourtout problème qui peut se présenteren classe : personne n’est abandon-né à son sort. S’il faut rencontrer un élève en particulier, les quatreprofesseurs le font ensemble. Tousles professeurs sont proches desprojets des élèves. M. Tremblay sou-ligne que les professeurs de fran-çais et de mathématique circulentdans l’atelier, sont au fait du travailtechnologique. Il apprécie parti-culièrement la situation où, vis-à-visdes mini-compagnies constituées parles élèves, les professeurs assumentsimplement le rôle de conseiller, demanière à pousser à la responsabi-lisation maximale.À l’école Hormidas-Gamelin deBuckingham, le programme Art-èremobilise rapidement les jeunes dèsl’entrée par un court séjour dans lanature. L’équipe enseignante profited’heures que les élèves passent enclasse ordinaire pour se donner destemps systématiques de concerta-tion et de planification. Comme leprojet implique la participationd’un groupe d’élèves de premièresecondaire, de même que dedeuxième et de troisième secon-daire, les projets d’envergure fontappel à une collaboration des troisclasses. Ici encore, la collaborationdes membres de l’équipe constituele référent principal de la gestion declasse.Dans les classes d’anglais, langueseconde, de Johanne Pichette, auprogramme d’éducation interna-tionale donné l’école de Rochebelleà Sainte-Foy, la gestion de classecomporte une grande variété d’ac-tivités. Une partie de ces activitésrelève de la planification indivi-duelle des élèves, au moyen d’unportfolio. Au besoin, les élèvespeuvent se déplacer dans l’écolepour travailler ailleurs qu’en classe.Mme Pichette reconnaît que la moti-vation est élevée, d’entrée de jeu,mais que la bonne gestion de classeconsiste particulièrement à orches-trer tout ce qui favorise et facilitel’apprentissage des élèves, sans

qu’aucun aspect (oral, grammaire,écriture) ne soit perdu de vue. Audire de Benoît Blanchard, qui tra-vaille aussi, comme professeur desciences, dans un programme d’édu-cation internationale à Oka, onsoigne particulièrement l’agence-ment entre travail individuel, travailen équipe et travail en grandgroupe. Quand les élèves sont véri-tablement engagés dans la réalisa-tion de projets, le rôle du profes-seur consiste alors à leur fournir lesoutien nécessaire.

LE CLIMAT DE L’ÉCOLE :INTERDÉPENDANCESPlusieurs participants s’appuient defaçon marquée sur la collaborationdes collègues. À l’intérieur de pro-jets collectifs particuliers, la colla-boration atteint le niveau d’une soli-darité constante. Dans les classesordinaires, cependant, la collabora-tion joue aussi. Dans la mesure oùla classe bien gérée est une classedynamique, mobilisée, active, ellegagne beaucoup à s’insérer dans unclimat d’école favorable, où lesautres agents d’éducation, à des situa-tions de difficultés exceptionnelles,par exemple, réagissent prompte-ment, où l’enseignant et l’ensei-gnante ne se sentent pas livrés àeux-mêmes.

ET L’ORIGINE DE TOUT CELA?Il n’y a sans doute pas deux chemi-nements identiques ayant mené àun haut degré de maîtrise de la ges-tion de classe. Dans tous les cas,elle va de pair avec une grandeassurance personnelle, une sorte dejoie d’enseigner, de sentiment que,devant le groupe, on se dépasse eton excelle. On a noté deux lignes deprogression typiques. La premièrepart des stages d’enseignementeffectués pendant les études univer-sitaires, particulièrement de l’expé-rience d’avoir travaillé avec unmaître de stage qui ne cède pas sa classe au stagiaire mais travaillede concert avec lui ou elle, « endirect ». L’autre ligne de progres-sion très fréquente vient des effortsd’adaptation que le cheminementprofessionnel a occasionnés. Plu-sieurs laissent entendre que c’estbien d’avoir changé d’école, detypes de groupes, que l’on peut plusaisément s’adapter à chaquegroupe… Et, pour plusieurs partici-pants, la rétroaction des collèguesjoue un rôle irremplaçable. En tout

pragmatisme, en effet, le dialoguemet à plat la première et la plusfiable des évaluations, soit l’obser-vation des acteurs eux-mêmes.Une enseignante en début de car-rière a souligné que, pour elle, unemaîtrise impeccable de la matièreconstituait un facteur important deréussite dans la gestion de classe,ne serait-ce que par l’absence de stress à l’égard de la matière. Sielle en a trop préparé, pas de pro-blème : on peut trouver le bonrythme en présence des élèves.Est-ce que la gestion de classepourrait s’enseigner dès les étudesuniversitaires? Cette question a lais-sé nos interlocuteurs perplexes,enclins au doute. Par contre, c’estnettement un apprentissage privi-légié dans les stages. On souligneaussi que le tout début d’une car-rière, s’il est bien soutenu par unou des collègues, est un momentprivilégié d’apprentissage pratique.« Il faudrait que l’on nous enseigneà être comédiens », dit une partici-pante, et plusieurs abondent dansson sens. Mais, dira un autre, ils’agit d’un théâtre où l’on doit atti-rer l’élève dans un climat positif,savoir aller le chercher : « Un pro-fesseur heureux dans son travail, çase communique… » Comme quoila gestion de classe n’est pas un cal-cul froid d’efficacité!

LE NOYAU DUR DE LA GESTIONDE CLASSE ET LESORIENTATIONS DE LA RÉFORMEIl y a des éléments communs aucentre de beaucoup de variations,dans ces convictions sur la gestionde classe dynamisante. Les élémentsparticuliers collent à la fois à lapersonnalité du professeur et auxcaractéristiques des situations où setrouvent les élèves, en classe ordi-naire, en classe de cheminementsparticuliers de formation, en con-texte de voie technologique, de voiecomportant des cours à option(accent mis sur l’écologie et les artspar exemple) ou de programmeinternational. Que sont les traitscommuns les plus évidents, sur leplan subjectif? La confiance à sapropre intuition, l’assurance suf-fisante pour essayer une variété deformules et pour s’éloigner d’unegestion rigide censée garantir lecalme, mais inclinant les élèves à lapassivité. Encore et surtout, la dis-cussion, la collaboration profes-sionnelle.

Sur le terrain organisationnel etinstitutionnel, y a-t-il des affinités etdes convergences avec les orienta-tions clés de la réforme en cours?Plusieurs des participants ont unelongueur d’avance en matière demobilisation et de responsabilisa-tion autour de projets personnelssuivis par le truchement du portfo-lio. En second lieu, les projets col-lectifs sont au cœur de plusieurscheminements. Autour de ces pro-jets, la prise en charge de groupesdonnés d’élèves par petits groupesde professeurs est connue, rodée,perçue comme extrêmement posi-tive. Il n’y a sans doute pas demeilleur présage d’une mise enplace de cycles de progressionpluriannuels des élèves postulantune véritable collaboration dans leséquipes enseignantes.Enfin, il ressort de ce bref échangeune sorte de postulat qui paraît pré-cieux au regard du grand soucid’une réussite pour tous et toutes.C’est l’admission sans réserve etsans découragement de l’immensediversité des attentes et des besoinsdes élèves. L’adaptation incessanten’a pas d’autre raison. La réussitene se perçoit pas à l’identique, sousle signe de l’uniformité et de sacontrainte. Chacun est capable desa réussite : l’enseignant y croit par-fois plus fermement que l’élève lui-même! « Aller chercher les élèves »,accepter d’aller les prendre là où ilssont, tel est l’art premier d’une ges-tion de classe à la hauteur. La réus-site pour tous, ce n’est pas unequestion de certificats ni de bureau-cratie, c’est la conviction de pou-voir aider chacun et chacune àavancer au présent.Arthur Marsolais est membredu comité de rédaction.

1. « Plaidoyer pour une école bourdon-nante », Vie pédagogique, no. 106, février-mars 1998, p. 19-21.

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C omme nous l’avons soulignépréalablement, il est apparupertinent de consacrer

quelques pages du dossier à laprésentation de pratiques réelles degestion de classe.Ces exemples, comme vous pourrezle constater, illustrent comment,tant à l’éducation préscolaire qu’àl’enseignement primaire et secon-daire, des pédagogues arrivent àtraduire concrètement, dans l’or-ganisation de leur classe et dansleur action pédagogique au quoti-dien, leur conception de l’enseigne-ment et de l’apprentissage.À travers les pratiques relatées dansles pages qui suivent, les auteursn’ont pas cherché à présenter des « modèles » plus efficaces qued’autres, mais plutôt à faire ressor-tir, comme se plaît souvent à le direMme Jacqueline Caron, le fait que « c’est sa compréhension desobjectifs à atteindre avec lesélèves et sa conception de l’ap-prentissage qui amènent un en-seignant à choisir une approchepédagogique, et ce choix orientenécessairement sa gestion de

classe. Aussi faut-il réfléchir sapédagogie pour penser sa gestionde classe. »Encore une fois, les exemples rete-nus dans le présent dossier nousmèneront de la classe maternelle àl’école secondaire en passant par lacinquième année du primaire. Nousy ferons la connaissance d’ensei-gnantes en début de carrière etd’autres plus expérimentées. Mais,dans tous les cas, on reconnaîtrades pédagogues en constanterecherche de moyens leur assurantune pratique de plus en pluscohérente par rapport à leur idéalpédagogique et conséquemmentune pratique professionnelle deplus en plus satisfaisante et efficacepour elles-mêmes comme pour lesélèves.Vous constaterez également que,bien que différemment traduitesdans l’action, les pratiques présen-tées s’inscrivent toutes harmo-nieusement dans les visées de laréforme en cours au regard dudéveloppement des compétencestant disciplinaires que transversalesprévu au curriculum des élèves.

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LA GESTION DE CLASSE :DES EXEMPLES BIEN CONCRETSpar Monique Boucher

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LA GESTION DE CLASSE EN ACTION

MAMAN, AUJOURD’HUI, J’AI FAIT DE LA GESTION DE CLASSE!par Mireille Noel

Amélie, Sébastien, Jonathan etAriane sont bien posémentassis sur leur tabouret lillipu-

tien de couleur pastel, en compa-gnie des dix-huit autres amis de lamaternelle de Danielle : ils gèrentleur classe!En effet, l’enseignante DanielleJasmin, également assise dans lecercle formé par ses élèves, achoisi, dans le cadre du projet édu-catif de l’école alternative L’Envol(Commission scolaire de Laval) etde son cheminement pédagogique(influencé, entre autres choses, parsa rencontre avec Célestin Freinet),de vivre la pédagogie coopérativetelle qu’elle est proposée par cedernier, c’est-à-dire :1. L’expression libre des enfants

dans un climat de confiance.2. L’apprentissage par tâtonnement

expérimental.3. La vie de classe coopérative.Cette enseignante se trouve doncdevant le défi quotidien de mettreen place et en action, dans sa classe,tous les éléments organisationnelset relationnels susceptibles de fairevivre à ses élèves des apprentissagesdémocratiques et coopératifs.Rejoignons donc Amélie, Sébastien,Jonathan, Ariane et les autres dansleur classe et voyons comment toutcela s’actualise…

LE « QUOI DE NEUF? »Ce matin, comme tous les matinsd’ailleurs, nos amis de maternellesont assis en cercle sur le tapis,pour échanger des nouvelles per-sonnelles ou familiales, aborder desproblèmes d’ordre émotif – lorsqueAriane annoncera, dans quelquesminutes, que sa tante et son onclebien-aimés vont divorcer, qu’elle neles reverra peut-être plus… ellesait que ses amis partageront sonchagrin! – et faire le tour de leurdomaine de vie. Impossible, à 5 ans,d’entamer une longue journée d’ap-prentissage sans avoir partagé « des choses importantes » avec sesamis de la classe! D’autant plus quele partage, ce matin, est fort pro-metteur…

LES APPRENTISSAGESNATURELSEn effet, en notant la date sur lecalendrier, Florence, l’enfant-étoilede la journée, réagit : « Tiens,aujourd’hui, c’est vendredi! Ven-dredi comme vite! » Et les amis dese lancer, spontanément, dans desjeux de mots : « Mardi comme Mar-tin! », « Samedi comme Sébastien! »Et Florence, de renchérir : « Flo-rence comme Fluppy! » – marion-nette bien connue de tous lesenfants de maternelle du Québec. EtDanielle d’écrire au tableau, devantvingt-deux paires d’yeux illuminésd’étoiles et de questions, quéman-dant des exemples, des sons, desapprentissages. On poursuit donc– inutile de passer à l’activité pré-vue : la motivation est trop pré-sente – avec des phrases drôles – eton rit! – avec des illustrations, avecdes phrases à l’ordinateur…L’enseignante, tirant parti de la situa-tion, a profité de la prédispositionde ses élèves à vivre une expérienced’apprentissage linguistique de fa-çon naturelle. Le comportementouvert de l’enseignante facilitatricea induit un comportement actif etproductif chez Amélie, Sébastien,Jonathan, Ariane et les autres.Célestin Freinet ne prétendait-il pasque les apprentissages ne peuventse manifester que lorsqu’il y aaction véritable?

LES ACTIVITÉS À DÉFIEt action véritable, il y a!Depuis quelques semaines – onchange les équipes environ tous lesdeux mois – Amélie fait partie d’uneéquipe de quatre enfants, les « Rouges ». Chaque matin, installésà leur table d’équipe, ils doiventrelever un défi prescrit – activitéobligatoire – par l’enseignante. Ilsont donc un objectif commun :« tracer ses mains et les découper »,par exemple, et doivent le réaliseren équipe de deux. Or, que feraAmélie lorsque viendra le momentde tracer sa main droite, cellequ’elle utilise habituellement? Lacoopération – travailler ensembleavec des buts communs – viendra à

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son secours, par l’intermédiaire deMartin qui tracera sa main droite et,à son tour, elle tracera celle deMartin. C’est donc une belle coopé-ration que ce soutien mutuel pourréaliser une activité d’apprentissage!À la fin de la période d’activités àdéfi, toutes les équipes circulentpour admirer les productionsd’Amélie, de Sébastien, de Jonathan,d’Ariane et des autres et entendreleurs commentaires sur la facilitéd’exécution ou les obstacles ren-contrés lors de l’expérimentation.Comme, pendant cinq jours, il yaura cinq activités effectuées parrotation, Sébastien, dont l’équipefera l’activité décrite ci-dessus lacinquième journée, aura probable-ment de meilleurs résultats que lespremiers exécutants, puisque lesobservations de ses amis lui permet-tront, sans doute, d’éviter quelquesembûches. N’est-ce pas là encorede la coopération?À la fin de la séquence de cinqjours, nos amis remplissent, à lamaison, une fiche-bilan : voilà unebelle occasion de vivre un richeéchange familial. Ainsi, les parentssont informés des défis relevés parleur enfant qui prend conscience,par cette démarche, de ses appren-tissages.Si Jonathan apprécie les activités àdéfi telles qu’elles sont présentéesactuellement, Ariane, elle, n’a qu’unehâte, car elle sait – Danielle leur a communiqué la nouvelle, récem-ment – que dans quelques semaines,les amis de la classe trouveront eux-mêmes leurs propres défis d’équipeet les apprentissages qui en dé-coulent. Mais, il y a défi plus grandencore!

LE CONSEIL DE COOPÉRATIONC’est le grand moment significatifde la vie coopérative de la classe deDanielle. La tenue de ce conseilrend les enfants conscients du faitque la classe forme un groupe : ungroupe qui a des problèmes com-muns, des relations interperson-nelles à vivre qui touchent tous les

élèves de la classe. Ainsi, le mêmeordre du jour revient, une ou deuxfois par semaine, selon la fréquencedes problèmes et des projets :1. Je fais un retour sur le conseil

précédent.2. J’ai un problème.3. Je félicite.4. J’ai une idée.Aujourd’hui, Amélie, Sébastien,Jonathan, Ariane et les autres sepenchent avec Danielle sur la pro-position d’Isabelle : « Pourrait-onaller à la piscine? »On précise le projet : « Qui est inté-ressé à aller à la piscine? », « Quiprendra la responsabilité de se ren-seigner sur les heures d’ouver-ture? », « Est-ce qu’il s’agit d’unesortie pour le plaisir ou pourapprendre? », « Comment organi-serons-nous le transport? », « Dequelle façon l’annoncerons-nousaux parents? ». On cherche ensembledes réponses à toutes ces questions;on prend des décisions. Lorsquevient le temps de voter, après dis-cussion, plusieurs élèves se lèventde leur tabouret pastel – ça permetde se dégourdir un peu les jambes! –pour exprimer leur accord avec leprojet. Seulement deux amis sontcontre le projet; ils quittent euxaussi leur tabouret pour s’asseoirpar terre.Ces positions différentes mais simul-tanées permettent à nos vingt-deuxamis de réaliser qu’ils ont un choixvéritable à faire et qu’ils ne peuventpas voter deux fois pour une mêmeproposition.Le sujet dans ce cas-ci était d’ordreorganisationnel, mais il aurait toutaussi bien pu être d’ordre relation-nel. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé,il y a quelques semaines, lorsqueRaphaëlle, elle si petite, a brave-ment demandé à ses amis de bienvouloir l’aider à vivre pleinementdans la classe, malgré son handicapphysique. En effet, lorsqu’un enfantn’est pas bien dans la classe, chaqueenfant est sollicité, ça devient leproblème de toute la classe, parceque c’est toute la classe qui n’estpas bien! L’enseignante le précise :« Le conseil de coopération respon-sabilise les enfants au regard de ladynamique du groupe et me permetde partager, avec les enfants, lacharge de la gestion de la classe.Dorénavant, nous avons un pro-blème, et non plus j’ai un pro-blème! »C’est le partage de la gestion de laclasse : une nouvelle dynamique declasse!

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LES PROJETSUn jour, Martin déclare qu’il est « tanné » de se faire dire que telleattitude n’est pas correcte à l’école,qu’on manque parfois de respect...Le respect, c’est un sujet qui revientsouvent à l’école. Mais, « c’est quoi,le respect? »Alors Amélie, Sébastien, Jonathan,Ariane et les autres explorent lesujet avec Danielle, lors d’une réu-nion du conseil de coopération :– « Que savons-nous de lapolitesse? » Nos vingt-deux amis onttraduit le mot « respect » par « po-litesse ». Les élèves émettent desidées, discutent de certains termesou de principes moraux et listentleurs définitions :• la politesse, c’est quand on garde

la bouche fermée en mangeant;• la politesse, c’est quand on

remercie;• la politesse, c’est quand on dit

« s’il vous plaît », etc.« Qu’est-ce qu’on pourrait bienfaire maintenant, avec toutes cesdéfinitions, afin de répondre auproblème de Martin? », problèmedevenu celui de toute la classe,d’ailleurs!Et les idées pleuvent :– des affiches;– un théâtre de marionnettes;– un petit livre illustré.Cette dernière suggestion est rete-nue par le groupe de maternelle,parce que le petit guide proposéreprésente, pour les amis, une nou-veauté, un média encore jamaisexploré dans la classe. Par soninvestissement personnel, chaqueenfant contribue alors à la confec-tion du guide, en choisissant unerègle de politesse, en l’imprimant àl’ordinateur et en l’illustrant à samanière. Reliée, sous forme de petitlivret, l’œuvre commune est présen-tée et offerte à toutes les autresclasses de l’école – douze entout! –, par des élèves délégués :peut-être était-ce Amélie, Sébastien,Jonathan, Ariane ou d’autres élèves?Par ce projet, l’enseignante a per-mis l’expression de la spontanéitéet de la curiosité des enfants et leurcollaboration à un projet collectifissu d’une inquiétude personnelleque la classe a cernée et dont elle adiscuté. L’adhésion et la mobilisa-tion des vingt-deux amis de Danielleont conduit à la réussite d’un projetmotivant.

LES ATELIERS AU CHOIXAssis dans le coin de rassemble-ment, nos amis, après leur repas du

midi, les enfants doivent maintenantchoisir leur atelier de l’après-midi.Un immense tableau coloré etattrayant propose une quinzained’ateliers représentés par des pic-togrammes connus des enfants.Ainsi, lorsque arrive le tour deJonathan de choisir son atelier, iltire un signet – pictogramme del’atelier choisi – de la pochette « maquillage » et le place dans lapochette portant son nom : tous les signets des ateliers qu’il a choi-sis les jours précédents sont déjà dans sa pochette. Toutes les deuxsemaines, il classe les signets etpeut ainsi, en faisant des sériations,noter le nombre de fois où il est alléau « coin maison », au « coin cons-truction », « au coin... ». Jonathanpeut alors expliquer ses choix, con-firmer ses positions ou se donnerdes défis pour fréquenter les ate-liers oubliés. Une feuille-bilaninformera ses parents, partenairesde ses apprentissages, leur permet-tant ainsi de situer les champs d’in-térêt de Jonathan, de comprendreses choix ou de remettre en ques-tion la validité de certaines fré-quences dans le choix des ateliers.À l’intérieur de tout atelier –comme à l’intérieur de toute activitéà défi d’ailleurs! – chaque enfant aune responsabilité – un métier,comme le disait Célestin Freinet.Ainsi, les rôles changeant régulière-ment : on peut être responsable dupanier de rangement – c’est le tourd’Amélie! – de la propreté – c’est letour de Sébastien! – des napperonsde la collation – c’est le tour deJonathan! – du bruit – c’est le tourd’Ariane! – etc., chacun coopérantainsi à l’amélioration de la qualitéde vie du groupe.

LE MINI-CONSEILTiens, revoilà, après la présentationd’un mini-spectacle de marion-nettes, Amélie, Sébastien, Jonathan,Ariane et les autres, en cercle, cettefois-ci pour féliciter tous ceux qui le méritent. Ce sont des petits mo-ments de fierté où l’on signale lesefforts et les succès de chacun.

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À la maternelle, ce serait trop longd’attendre une semaine, jusqu’auprochain conseil de coopération,pour souligner les « bons coups ».Alors, c’est sur une base quoti-dienne que nos amis de maternelledéveloppent leur estime de soi etleur conscience de l’autre.

L’ALBUM DE VIEFreinet croyait que les élémentsmarquants de la vie d’une classe –dont les « bons coups » – devaientêtre consignés dans un cahier, unjournal, un album, contenant lesproductions choisies, les décisionsdu conseil de coopération, les sou-venirs de classe, les traces écritesd’apprentissages, etc. Par exemple,Nicolas, l’enfant-étoile de la journéeprécédente, doit, ce matin, relaterdans l’album de vie de la classe cequ’il veut représenter de l’expé-rience de la veille. Il décide denoter, de son « écriture inventée »,une information transmise augroupe pendant le « Quoi de neuf? ».Il s’exécute donc, avec application,pendant qu’Amélie, Sébastien,Jonathan, Ariane et les autres sont àleur atelier. Mais, comme à la fin del’année scolaire l’album de vie ferale tour des familles, pour s’assurerqu’il sera compris de tous, Nicolasaccepte que Danielle écrive, sousson message, une traduction en « écriture des livres ». Aujourd’hui,Nicolas savait ce qu’il voulait noter,sinon il aurait pu faire appel augroupe, se servir de photos, d’illus-trations, etc.L’album de vie illustrant de façonpersonnalisée, au quotidien, l’en-semble des apprentissages collec-tifs, il se doit d’être beau et respec-té... C’est le résultat de toute uneannée de travail et de coopération!Une année d’émotions!

LA MAISON DES ÉMOTIONSAccroupie face à Ariane, Danielleessaie de lui faire nommer le senti-

ment éprouvé, qui la rend si triste,même si elle a déjà exprimé sondésarroi au « Quoi de neuf? », cematin...– « Que veux-tu faire avec ta peine,la garder ou la déposer dans la mai-son des émotions? » Ariane sait quesa peine est grande – Danielle lesait aussi; les amis le savent aussi! –si grande qu’elle ne pourra pasavoir une belle journée. Alors, ellechoisit dans la classe un objet sym-bolisant sa peine, c’est un gros blocrouge Lego, et le dépose dans laboîte : la maison des émotions!Ainsi soulagée, elle peut retourner àsa table, à son équipe, à son défi –son autre défi! Pour Mme Jasmin, lecôté relationnel est primordial danssa classe; l’ouverture aux autres,l’authenticité et l’empathie font par-tie intégrante d’une relation directeet honnête favorisant les appren-tissages.

ET LES COMPÉTENCES, ALORS?Célestin Freinet croyait qu’unebonne gestion de classe devait êtreenrichissante, offrir un large éven-tail d’activités diverses, favoriserautant la socialisation et l’autono-mie que l’esprit de recherche; il noussommait de nous mettre au travail,« avec » nos élèves... Mme Jasmin n’apas à s’inquiéter.La réforme ne modifie pas l’ap-proche de l’enseignante d’Amélie,de Sébastien, de Jonathan, d’Arianeet des autres. Tout au plus, elle luipermet de mettre des mots diffé-rents sur une réalité déjà existanteet, bien sûr, de valider son choixpédagogique : la pédagogie de lacoopération.Créer une ambiance de production,de discussion et de coopérationdans un climat chaleureux, vivre unrapport de réciprocité centré surl’apprentissage, la communicationet la relation sont en effet autantd’éléments favorisant le développe-ment des six compétences privi-légiées à l’éducation préscolaire.Pour Danielle Jasmin, la missiond’enseignement sera toujours depermettre et de favoriser la commu-nication, de développer, en renfor-çant son sentiment de compétence,l’estime de soi de chacun desenfants de sa classe et de lui faireprendre conscience du pouvoirqu’il a sur sa propre vie.Son choix de gestion de classe nepeut être qu’intimement lié à sescroyances éducatives...Mme Mireille Noel est consul-tante en éducation.

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réflexe de commencer par eux-mêmes l’activité inscrite dans ladémarche d’apprentissage, mais deleur donner de la méthode, unecertaine maîtrise du processus.

DES ESPACES DE CHOIXLa classe de Manon Dubé com-porte, en alternance avec le travailcollectif en grand groupe, des tempsd’ateliers importants. Dans le travailen atelier, chacune et chacun a for-cément l’initiative de commencersans attendre. On a d’abord le choixd’avancer l’un ou l’autre segmentde son plan de travail hebdoma-daire. Au-delà de ce qu’exige ceplan de travail, les élèves peuventchoisir parmi différents ateliersd’enrichissement celui qui leurconvient. Le travail de l’enseignantea eu lieu avant : l’enfant a tout cequ’il faut pour se débrouiller etavancer son travail par lui-même,qu’il s’agisse d’assemblage ou demontage de solides, de jeux mathé-matiques, de recherche de vocabu-laire, de projets relatifs à l’histoireou aux arts. L’initiative et la dé-brouillardise peuvent déborder surl’ensemble du temps de la classe.De fait, elles le font. Mais pourbeaucoup, cela se fait par l’intermé-diaire du second espace de choix,celui qui a trait à la gestion dutemps.La planification du temps n’est pasla chasse gardée de l’enseignante.Elle n’est pas pour autant de l’ordredu laisser-faire, au contraire. Lemur de la classe affiche un grandhoraire hebdomadaire, où sontsitués les temps de spécialité (édu-cation physique, etc.), le temps detravail en laboratoire d’informa-tique, puis les temps de travail col-lectif, et enfin, les temps d’atelier. Il n’y a que très peu de symétried’une semaine à l’autre, notammentparce que la répartition des ho-raires d’enseignement dans l’écolese fait selon une rotation de sixjours. La façon de fonctionner decette classe laisse beaucoup de jeuà l’enfant pour décider quand ilsitue telle ou telle tâche, telle outelle activité d’atelier, en dehors dutemps réservé au travail collectif.Cette responsabilité de s’organisers’étend sur plusieurs jours; ellePh

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met d’observer attentivement leprocessus et d’assister au besoinles élèves qui peinent plus qued’autres. Mme Dubé peut fort bien,par exemple, dire à un élève defaire seulement cinq exercices surles fractions plutôt que dix, puis luidemander de venir lui exposercomment il s’y est pris.La responsabilité du temps estsérieuse et elle est prise au sérieux.L’élève qui a mal géré son tempsdevra prendre de son temps per-sonnel, en dehors des heures declasse, pour terminer ses travaux.On est proche de l’esprit d’un con-trat. L’enfant apprend à gérer sontemps, à doser le plus attrayant et le moins attrayant. Autonomie nesignifie pas ici caprice, choix detravailler ou de ne pas travailler, niclimat de laisser-faire. L’autonomiesignifie la prise en main de son pro-pre métier d’élève, croissante, grati-fiante, génératrice du sentiment desa propre réussite sans arrière-plande comparaison.

MUTUALITÉ ET COOPÉRATIONCette façon de doser travail collectifet travail en atelier et d’encouragertrès couramment le travail à plu-sieurs instaure un climat coopératifdans la classe. La façon d’interagirne change pas, d’un temps d’atelierà un temps de travail collectif. C’estl’échange d’idées et la collaborationayant cours dans les temps d’atelierqui imprègnent le climat de toute laclasse.L’élément relationnel joue de façonconstante et aisée. Non pas pourcréer des tensions : c’est une classeoù l’on a souvent l’occasion de rire.Mais il se glisse dans les relationsentre les élèves, comme entre lesélèves et l’enseignante, une sorted’engagement réciproque : par lafaçon même dont la classe fonc-tionne, dont le temps et les tâches

LA GESTION DE CLASSE EN ACTION

UN ANTIDOTE À L’ATTENTISME : LA PRISE EN CHARGE RESPONSABLEDE SA DÉMARCHE D’APPRENTISSAGEpar Arthur Marsolais

M anon Dubé enseigne àl’école primaire Chanoine-Côté de la Commission

scolaire de la Capitale. Elle a uneclasse de 5e année. Après six ans decarrière, cette jeune pédagogue faitpartie d’une équipe enseignante quia été souvent rajeunie au cours desdernières années. Elle a enseigné en1re année, en 2e, puis pendant quelquetemps dans une classe réunissantdes élèves de 4e et 5e année. Au fildes ans, elle a expérimenté et rodéune façon bien à elle de gérer saclasse qui peut nourrir l’imagina-tion et encourager la créativité deslecteurs et lectrices de Vie pédago-gique. Cette façon de faire sembles’adapter aussi bien aux élèves de 2e qu’à ceux de 5e année. Voici enbref la genèse, les traits principauxde l’organisation de la classe de Mme Dubé et un aperçu des résultatsobservables qu’elle a pu en tirer.

LE POINT DE DÉPART : VAINCRELE RÉFLEXE D’ATTENDREUn premier constat a poussé ManonDubé à sortir des façons tradition-nelles de faire la classe. C’est lesuivant : les élèves commencent peupar eux-mêmes. Ils attendent lesignal, la consigne. Ils attendentl’enseignante. Cela ne signifie pasabsence de motivation. Mais l’initia-tive, la capacité de s’organiser nevont pas de soi. Peut-être faut-ilorganiser la classe précisément enpostulant que cela s’apprend? Mme Dubé a voulu se concentrer surun sens croissant de la responsabi-lité des élèves à l’égard de ce qu’ilsapprennent. Il s’agissait pour ellenon seulement de les pousser au

prend en compte des échéancesprévues pour la semaine suivante.Mais l’élève est-il en mesure de lesrespecter? Il a en main, chaquesemaine, un programme particulierqui comprend le grand horaire etlaisse place à des annotations per-sonnelles supplémentaires. Ensuite,il énumère les tâches communes,les instruments ou documents-sources, croisés avec les indicationssuivantes : à faire seul ou collective-ment, autocorrection ou correctionpar le professeur, puis l’échéance etle temps imparti. Ce plan personnelcomprend enfin une section deretour sur la démarche : « As-tu ter-miné ton travail à temps? – Sinon,explique-moi la raison. – Dis-moice que tu as appris de nouveau cettesemaine. »

L’AGRÉMENT ET LA DIFFICULTÉD’ÊTRE « EN CONTRÔLE ».Manon Dubé décrit, d’une certainefaçon, l’esprit de sa classe, lors-qu’elle affirme avec humour que,dans un atelier, elle se situe comme« le dernier recours ». L’enfant estappelé à mobiliser toutes les autresressources, et particulièrement àrevenir sur ce qui a été expliqué.L’élève qui appelle au secours endisant « je ne comprends pas », ellel’aide à cerner, dans tout ce qu’il a déjà saisi, le petit peu qui luimanque.La gestion avisée du temps est pourainsi dire le premier élément de laprise en charge par l’élève de sapropre démarche d’apprentissage.Il est suivi de près par l’attentionque l’élève accorde à la manière des’y prendre. Le travail en atelier està la fois autonome et coopératif. Laclasse est divisée par groupes dequatre, que les enfants ont forméseux-mêmes par affinités. L’impor-tance du temps de travail, soit auto-nome soit fait en collaboration, per-

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CLA GESTION DE CLASSE EN ACTION

SUIVEZ LE COURANT!par Mireille Noel

C’est avec un large sourire ave-nant – pouvait-il en êtreautrement dans cette école au

nom prometteur de Notre-Dame-du-Sourire! – que Mme Elise Lalonde,professeure d’écologie et de sciencesphysiques, et Mme Katia Hernandez,professeure de sciences physiques etde mathématiques, nous accueillent,bocal de cannes de Noël sous le bras– dernière journée de classe du moisde décembre oblige! – dans leur do-maine de vie, leur résidence secon-daire, leur école…C’est en ces lieux dynamiques,qu’elles me font d’ailleurs visiter touten distribuant force cannes aux élèveset aux collègues rencontrés, quetoutes deux ont instauré, mis enplace et vécu un projet pédagogiquemultidisciplinaire, un projet d’enver-gure, « un projet-fleuve » : « Suivez lecourant! »Jeunes enseignantes de la relèveentreprenante, Mmes Hernandez etLalonde ont rapidement refusé devivre l’enseignement au secondairecomme une simple technique à maî-triser, une série de contenus à dif-fuser ou encore une relation inégaleentre apprenant et enseignant.Comme certains sont tombés dans lapotion magique lorsqu’ils étaientpetits, elles ont découvert la péda-gogie par le projet dès le début deleur carrière, au cours de leur pre-mière année d’expérience, en fait.

LA SOURCEDésolées et frustrées de constaterque les élèves ne mémorisaient lesnotions enseignées que pour ré-pondre aux questions des examensd’étape, qu’ils n’intégraient que peu ou pas leurs apprentissages,Mmes Lalonde et Hernandez ont alorsrapidement chambardé leur ap-proche pédagogique. D’un communaccord, avec pour seul guide la réus-site de leurs élèves, elles ont placéleur gestion de classe au service del’apprentissage et le projet au cœurde leur pédagogie.Désormais, dans leurs classes (Mme Hernandez reçoit quatre groupesde première secondaire et quatregroupes de deuxième secondaire, etMme Lalonde reçoit trois groupes depremière secondaire et trois groupesde deuxième secondaire), l’impor-tance sera donnée aux élèves, à cha-cun des trente-deux individus qui

composent le groupe, à l’accueil, àl’apprentissage exploratoire :• Relation de confiance, plus per-

sonnalisée : anecdotes, rires, pe-tites attentions, nouvelles person-nelles seront à l’ordre du jour, demême que les projets d’élèves. Lapédagogie du questionnementfavorisera l’aller-retour entre leschamps d’intérêt des élèves et les contraintes des enseignantes,entre les apprentissages et l’ensei-gnement.

• Aménagement physique, motivant,accrocheur, interrogateur : les bu-reaux se placent et se déplacent au gré des projets, les photos desanimaux préférés des élèves, leurs collections décorent le local(classe-atelier, classe-laboratoire)comportant de très nombreux élé-ments visuels.

• Objectifs d’apprentissage, listéspour l’année : pas de planificationtricotée serrée, à la minute, maispas de perte de temps. La rigueurdevient une compétence, les con-cepts trouvent preneurs, sans bar-rières temporelles, selon leschamps d’intérêt, au fil de l’expéri-mentation, des projets.

• Stratégies d’apprentissage, à l’in-térieur des cours : l’élève apprendà prendre des notes, à faire dessynthèses, des résumés, un plan detravail, mais surtout l’élève a trèssouvent la main levée, car il ap-prend à… questionner.

Pour ces deux enseignantes passion-nées qui travaillent à la Commissionscolaire Marguerite-Bourgeoys, l’im-portant n’est pas la quantité desapprentissages mais bien la qualité etla profondeur de ces apprentissages.Selon elles, chaque journée d’ensei-gnement est une journée de décou-vertes, qu’elles désirent partager etvivre avec d’autres.Alors, afin de discuter de leurs façonsde faire, de partager des idées et deconfronter leurs propres expériences,ces deux jeunes éducatrices, dans unmouvement rassembleur, proposentà leurs collègues de première secon-daire… un projet!

EN AMONTSi le but premier de ce projet était deconcevoir un outil pédagogiquecommun pour les enseignants depremière secondaire, la mise enplace du projet a confirmé l’impor-tance d’un projet motivant pour lesapprentissages des élèves.

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est en quelque sorte sous-jacent à laquestion hebdomadaire : « Qu’as-tuappris de nouveau cette semaine? »C’est par la suite que viennent s’ygreffer les questions de moyens :« Ai-je bien organisé mon temps? »,etc. Le but, c’est d’apprendre.On pourrait considérer cela commeune évidence ou une naïveté. Pour-tant, il existe aussi des approchespédagogiques qui font l’économiede l’apprentissage intentionnel : unepédagogie qui passe beaucoup parle jeu, par exemple. On aime jouer.Si en plus on apprend, tant mieux!Toute la partie des apprentissagesqui, une fois rodés, disparaissent dela conscience explicite et passent auniveau d’une sorte d’instinct (lesautomatismes de la lecture, ceux del’arithmétique élémentaire) peutdonc « passer par » des activités quiles engendrent de fait, sans quel’enfant soit plus conscient qu’il nele faut des objectifs à atteindre. Ilpeut se contenter de se livrer auxactivités parce que telle est la con-signe, parce que c’est une façon defaire plaisir à ses proches. Si j’avaisà cerner le ton qui ressort de cette5e année de l’école Chanoine-Côté,j’évoquerais un environnement quifait entrer l’enfant sans heurt etpresque insensiblement dans ladémarche d’un apprentissage inten-tionnel et délibéré, et qui le rendresponsable de cette démarche leplus possible. L’ordre du jour, c’estde travailler à apprendre, avecbeaucoup de latitude et une grandepanoplie de moyens. Ce ne seradonc pas attendre que passe letemps et revienne la récréation!L’environnement, l’organisation del’espace et du temps font que l’in-tention d’apprendre prédominenaturellement, avec une alliée privi-légiée, se poserait-elle parfois endernier recours pour pousser àl’autonomie, l’enseignante.Arthur Marsolais est membredu comité de rédaction.

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sont gérés, l’élève s’habitue à ne pasappeler au secours au moindre pré-texte, par paresse ou par désir d’at-tirer l’attention. Il prend à cœur defaire par lui-même tout ce qu’il estcapable de faire sans assistancesupplémentaire.

LORSQUE DES ÉLÈVESPEINENT…Il est évident que le travail communde la classe exige plus d’efforts dela part de certains élèves. Ces der-niers le savent bien. Ce sont souventprécisément ces mêmes élèves quiaffichent un contentement intensede s’être tirés d’affaire. L’alternancede travail collectif et de travail plusvarié en ateliers diminue beaucoup lerisque de comparaisons qui mettenttoujours les mêmes en situationdésavantageuse. Mais le grandmérite de ce mode de gestion declasse, en ce qui touche les élèvesqui éprouvent des difficultés, estpeut-être l’espace, la latitude déga-gés pour l’attention du professeuraux élèves. Dans la classe tradition-nelle, l’attention est à charge desélèves. Dans une classe où l’activitéprocède comme dans une ruche oudans un grand atelier bien organisé,l’effort du professeur n’est pas uneconstante dépense d’énergie pourcombattre l’attentisme et relancerl’intérêt ou l’attention. En observantles élèves en action, est-il possiblede discerner des faiblesses qui con-cernent essentiellement la façon des’y prendre, les carences au regarddu processus d’apprentissage adop-té? Pour Manon Dubé, le compte est positif à deux titres : l’agence-ment du temps de travail lui permetd’observer les élèves et les petiteséquipes en action; en même temps,elle arrive à discerner sur quoi etpourquoi tel ou tel élève achoppe,elle peut les guider dans leur façonde s’y prendre.

UN ESPRIT D’APPRENTISSAGEINTENTIONNELMarlene Scardamalia et Karl Be-reiter, chercheurs ontariens bienconnus en éducation, ont eu l’occa-sion d’étudier la notion d’apprentis-sage intentionnel. Ils ont observé etanalysé, en effet, que l’activité sco-laire gravitait souvent autour d’unobjectif qui reste dans l’intention duprofesseur, que l’élève ne s’est pasapproprié. La recherche et l’expéri-mentation ont montré que la priseen charge de l’objectif par l’élèvelui-même est possible et donne desrésultats très positifs. Pour moi, cela

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Rl’eau et qui seront illustrés pendantle cours d’arts plastiques; justement,on y étudiait les impressionnistes! Enanglais, le « Color my world ingreen » se transforme en « Color myworld in blue ». En enseignementreligieux, tout symbolisme se rap-portant à l’eau est touché.Le projet rassembleur initial semblealors avoir atteint son but puisqu’àce stade-ci, il est devenu un projetmultidisciplinaire et que la complé-mentarité des activités est issue dutravail d’équipe des sept enseignantsconcernés.Enfin, après avoir retenu les infor-mations relatives à leur sujet – ce quin’était déjà pas une mince besogne! –réorganisé ces données et construitun tout cohérent, les élèves ont voulucommuniquer leurs nouveaux ap-prentissages.

L’EMBOUCHUREÀ la suite du choix de leur moyen dediffusion, les 224 élèves de premièresecondaire engagés dans la démarcheont pu profiter, grâce à la directionde l’école qui croyait au projet dès ledépart, d’un après-midi à horairedécloisonné. Pas de cours, pas depauses, pas de cloches : un après-midi de production continue! Chaqueclasse transformée en véritable ate-lier accueillait trois équipes, regrou-pées selon le type de communicationchoisie. Des parents munis de leursoutils – fusil à colle, pinces cou-pantes ou autres – collaboraient à laproduction, des titulaires soucieuxdu résultat ne ménageaient pas leursbons conseils, des enseignants circu-laient dans les corridors avecd’énormes tables roulantes afin dedistribuer le matériel commandéd’avance par les élèves, et des sta-giaires qui se trouvaient opportu-nément dans l’école complétaientl’équipe d’animation et de soutien.Les productions finales allaient de lasimple pancarte schématisant etexposant des comptes rendus derecherches à la maquette d’uneécluse – dont la base d’argile n’a,malheureusement, pas résisté àl’inondation – et d’une roue à aubesalimentant en électricité une maison-nette de carton, en passant par desmessages publicitaires télévisuels an-nonçant des moyens possibles d’éco-nomiser l’eau et un journal dont lesarticles présentaient des observa-tions liées à la consommation d’eaupotable.Nos artisans à l’œuvre ont rivaliséd’ingéniosité et de créativité pourrendre compte, sous une forme ori-ginale, de leurs observations et de

leurs expérimentations. Ils ont nonseulement goûté le plaisir de con-naître et le plaisir de faire, mais aussile plaisir de réussir!S’ils sont entrés en relation avec laréalité mondiale quotidienne del’eau lors de leur cours de formationpersonnelle et sociale, les élèves depremière secondaire ont construitcette réalité durant leurs coursd’écologie et de géographie pourmieux la traduire en mathématiques,en français et en anglais afin de l’ex-primer lors de la journée des sciencesà Notre-Dame-du-Sourire.

ET VOGUE LA GALÈRE!Il n’y a pas de recette de pédagogiepar le projet. L’important dans lesprojets, aux dires de Mmes Hernandezet Lalonde, ce ne sont pas vraimentles contenus d’apprentissage – « quenous pourrions aller chercher partout autre moyen » – mais bien lamise en place d’éléments relation-nels et organisationnels, intermé-diaires facilitateurs et stimulants,entre les élèves et leurs apprentis-sages. « Suivez le courant! » semblebien avoir illustré leurs paroles…Pour le prochain départ de « Suivezle courant! », trois grandes améliora-tions sont déjà prévues :• Pour faciliter et individualiser la

démarche, on créera un plan detravail universel, c’est-à-dire unestratégie de travail pouvant servirde modèle en tout temps, pourtoute matière, utile à tout projetscolaire ou personnel.

• Pour varier les communications,pour aller au-delà de modèles déjàprésentés – souvent des maquettes– on procédera à un remue-méninges sur le thème des médias.

• Pour éviter les ennuis quant aumatériel, l’enseignant d’arts plas-tiques sera responsable de la com-mande et de la distribution desbons matériaux au regard de latechnique choisie. Qu’on se rap-pelle les dégâts de l’écluse!

Si les élèves parlent encore de ceprojet dont ils sont fiers et qui leur apermis de réaliser qu’ils étaientcapables de terminer un travail,qu’ils pouvaient être autonomes etque leur estime de soi avait grandi,les enseignants de première secon-daire, eux, discutent plus facilementde leur quotidien professionnel, desstratégies d’enseignement, des con-tenus d’apprentissage. Quant audirecteur, il n’est pas peu fier de sonéquipe!Parions que l’an prochain, l’équi-page reprendra la mer!Mireille Noel est consultante enéducation.

Dès la première rencontre où futproposé le thème universel de l’eau,les enseignants présents ont essayé,tour à tour, de dégager les objectifsd’apprentissage de leur matière pou-vant être liés à l’eau, rassurant ainsiles initiatrices en ce qui concerneleur engagement respectif à venir.Plans de travail et échéanciers sontalors élaborés : l’amorce du projet sefera en écologie – matière directricedu projet – les autres matièresdeviendront des matières-outils. Leprojet portera le nom stimulant de :« Suivez le courant! ».Ce nom sera d’ailleurs assez stimu-lant pour que les quelques ensei-gnants qui ne s’étaient pas embar-qués lors de la présentation del’idée, aient alors envie de se jeter àl’eau et de… suivre le courant!Puisque le thème était déjà choisi, ilrestait à l’approfondir ensemble,avec tous les élèves de premièresecondaire, pendant un temps d’ex-ploration.C’est au cours d’écologie quel’amorce dirigée s’est vécue, par unremue-méninges animé par l’ensei-gnante. Les élèves ont manifesté unvif intérêt pour la consommation del’eau potable et voulaient connaîtrel’utilisation d’eau potable quoti-dienne au Québec (lieux, buts, fré-quences, quantités, etc.). Après uninventaire et une mise en commundes renseignements recueillis, lesélèves ont regroupé les idées et éla-boré un tableau listant les différentessituations de consommation d’eau.La collecte de données se fera àl’aide de crochets. Ainsi, ils obtien-dront une double information : l’uti-lisation de l’eau et la fréquence decette utilisation. On peut déjà ima-giner l’école transformée en four-milière : qui aux toilettes, qui à lacafétéria, qui au laboratoire, note, « crochète », additionne, multiplie…L’enquête se poursuit évidemment àla maison : on n’arrête pas sa con-sommation d’eau en quittant l’école!Les commentaires fusent, les conseilsaussi, certaines fiches de compila-tion se perdent, mais l’intérêt, lui,demeure.

EN AVALAprès la collecte de données sur leterrain, c’est la phase des expéri-mentations, des découvertes, brefdes apprentissages particuliers.Au cours de géographie, les élèvesdécident de comparer leur consom-mation d’eau potable, au moyend’Internet, avec celle des habitantsd’autres pays. Mais voilà qu’ons’aperçoit que, sur Internet, les con-

sommations nationales sont illus-trées par des graphiques élaborés!Qu’à cela ne tienne, au cours suivantde mathématiques, les élèves tra-duisent leurs crochets en litres, entenant compte de la fréquence rela-tive, puis les convertissent en pour-centages et les illustrent sous formede graphiques. Le module « statis-tiques » est non seulement ainsi vu,mais parions qu’il est aussi fort biencompris, et qu’il sera retenu!L’opération terminée, c’est avecl’Égypte, – puisque l’enseignante degéographie est née en Égypte etqu’un complément d’informationspersonnalisées peut toujours êtrenécessaire –, que les comparaisonsse poursuivent.La formation personnelle et socialeentre alors en jeu : c’est une leçonpratique de respect de l’autre, de sestraditions, de son mode de vie…En effet, les élèves sont d’abord éton-nés : les habitants de certains paysprennent moins de bains que nous,puis révoltés : certains pays manquentd’eau alors que nous la gaspillons!De retour au cours d’écologie, lesélèves participent à un nouveauremue-méninges provoqué par leursdécouvertes. Comment éviter le gas-pillage d’eau potable et devenir desconsommateurs avertis? À quoi sertl’eau, où la retrouve-t-on le plus sou-vent? Par une carte d’explorationélaborée au tableau, une longue listed’idées se dessine.Les élèves ont alors une semainepour choisir, dans cette liste, un sujetde recherche à explorer et pour for-mer leur équipe de travail : quatreélèves réunis par affinité ou intérêt.Les élèves font alors leurs recherches :entrevues, Internet, bibliothèque, vi-sites, étude de documents leur per-mettent d’approfondir leurs connais-sances sur le sujet, tout en découvrantde nouvelles avenues de travail oudes stratégies d’apprentissage.Simultanément, de très nombreusesactivités satellites sont vécues à l’in-térieur de tous les cours offerts auxélèves de première secondaire.En français, les élèves composentdes poèmes dont le thème porte sur

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LA FORMATION À LA GESTION DE LA CLASSE

LA GESTION DE CLASSE : DES RESSOURCES EN FORMATION INITIALE ET EN FORMATION CONTINUEpar Thérèse Nault

L e ministère de l’Éducation duQuébec reconnaît l’impor-tance de la gestion de classe

comme outil fondamental en ensei-gnement. En effet, il a ajouté uncours obligatoire dans tous les nou-veaux programmes de formationinitiale en enseignement menant aubaccalauréat (MEQ, 1992) pouraider les nouveaux enseignants àmieux gérer leurs classes. La gestionde classe est ainsi devenue une com-pétence à enseigner (CSE, 1995).Nous enseignons la gestion declasse de façon proactive pour pré-venir les situations problématiquesen salle de classe et ainsi créer un climat favorable à l’apprentis-sage. Notre approche favorise unedémarche qui permet à l’étudiantde créer ses propres outils pourbien assumer cette responsabilité.Par un mode de pensée réflexif ence qui concerne ses gestes profes-sionnels, il bâtit peu à peu son pro-pre coffre à outils. En ce sens, nousdéfinissons la gestion de classecomme suit : l’ensemble des actesréfléchis et séquentiels que poseun enseignant pour produire desapprentissages. Cette habileté àgérer les situations d’enseigne-ment-apprentissage en salle declasse est la conséquence directed’un bon système de planificationqui se sera traduit dans une orga-nisation consciente des réalitésde l’action (Nault, 1998, p. 15).Pour illustrer notre propos, nousrapporterons ici trois expériences.Deux s’appliquent à la formationinitiale des enseignants et une autreà la formation continue.

APPRENDRE LA GESTIONDE CLASSE À L’UNIVERSITÉDE SHERBROOKENotre première expérience se dérou-lait à l’Université de Sherbrooke.Nous étions avec des étudiants detroisième année en formation ini-tiale à l’enseignement au secon-daire. Le cours de gestion de classeétait jumelé à un stage. Cette situa-tion nous apparaissait idéale pourobserver et appliquer des stratégieset des techniques de gestion declasse. De plus, les étudiants dispo-saient d’un moyen d’apprentissageautonome placé sur un support

informatique et disponible en touttemps par un lien Internet (Nault, àparaître).Avant le stage, nous avons dû ini-tier les étudiants à l’utilisation denotre site Web. Puis, à l’aide d’unquestionnaire, ils devaient autoéva-luer leur compétence potentielle àgérer une classe (QGC). Ce ques-tionnaire proposait 65 situationsillustrant le quotidien d’un ensei-gnant (Nault et Léveillé, 1997). Àpartir des résultats ainsi obtenus,les étudiants choisissaient desthèmes de travail qu’ils documen-taient avec des résumés de lecturepour bien se préparer à leur stage.Pendant la période de stage, l’étu-diant était invité à établir un lienentre la gestion des comportementsdes élèves et la culture de l’école.L’étudiant analysait le code de vie etles habitus de l’école où il faisaitson stage. Ensuite, il s’efforçait defaire appliquer les règlements éta-blis ou les rappelait au besoin. Enfin,il analysait les réactions des élèves àl’égard du code de vie. L’étudiantavait une occasion unique de mettreen pratique les connaissances ac-quises relativement aux thèmes deformation préalablement choisis àl’université. Sur ces mêmes thèmes,il recueillait également des savoirspratiques auprès de son enseignantassocié. Il versait dans une confé-rence électronique le résultat de sesexpérimentations. Il pouvait doncpartager ses expériences avec sespairs. De cette façon, des connais-sances pratiques provenant de plu-sieurs sources venaient enrichir ladocumentation déjà existante sur lesite Web. Nous avons ainsi cons-titué une banque personnalisée desavoirs, de stratégies et de tech-niques faite à la fois de la théorie decertains auteurs et de la pratiquedes enseignants du milieu.Après son stage, l’étudiant pouvaitobtenir un profil comparatif de l’évo-lution de sa compétence à gérerune classe. Il n’avait qu’à répondreà nouveau au QGC et à comparerses réponses avec celles de son pre-mier questionnaire. Il était invité àproduire une synthèse de ses acqui-sitions théoriques et pratiques ainsiqu’une critique de son cheminementen faisant connaître ses points fortset les points qu’il voulait améliorer.

Cette première expérience montreque la gestion de classe est unecompétence qui s’apprend. De plus,nous avons constaté qu’il est pos-sible de relier directement la théo-rie à la pratique et vice versa. Nousavons également maintenu des liensétroits entre les deux milieux deformation. Dans cette situation-ci,nous avons assisté à une réelle ren-contre entre les savoirs enseignés àl’université et les pratiques issuesdu milieu scolaire.

UNE AUTRE FAÇOND’APPRENDRE À GÉRERUNE CLASSE À L’UQAMVoici maintenant une autre expé-rience rattachée à la gestion declasse et vécue en formation initialeà l’UQAM. Le cours était donné endeuxième année de formation etprécédait le premier stage d’en-seignement. Des acteurs différentsintervenaient dans les deux lieux deformation. En conséquence, uneorganisation particulière s’impo-sait. Il fallait recourir à des straté-gies d’enseignement qui amène-raient la classe à l’université.Nous avons donc mis en place undispositif de cours sous forme d’ate-liers pratiques alliant études de cas,analyses de vidéos, lectures indi-viduelles et exposés. Tout commeles étudiants de Sherbrooke, ceuxde l’UQAM avaient accès à un siteWeb. Le premier travail de l’étu-diant consistait en une autoanalysede ses difficultés et de son style degestion de classe. Dès le début ducours, à l’aide d’un ensemble d’élé-ments, cet exercice permettait àl’étudiant de prendre conscience deses perceptions quant à la gestionde classe. Tout au long de la ses-

sion, l’étudiant se montait progres-sivement un coffre à outils selon sadéfinition personnelle de la gestionde la classe. Nous abordions lesnotions suivantes : la création duclimat de classe et l’esprit degroupe, l’organisation de l’espaceet du matériel, la détermination deroutines particulières, les transi-tions et l’habileté à questionner. À partir d’études de cas de compor-tements d’élèves, nous étudiionségalement l’application de diffé-rentes approches de résolution deconflit entre enseignant et élève. Ledernier travail amenait l’étudiant àappliquer les éléments de la gestionde classe dans les activités qu’ildevait enseigner. La structure et lemode de travail privilégiés étaient letravail en équipe et l’apprentissagecoopératif. Une tâche différente étaitdemandée à chacun des coéqui-piers pour ainsi créer une inter-dépendance positive. À la fin de cecours, nous avons pu constater queles étudiants étaient capables d’inté-grer et de transférer de nombreuxconcepts de gestion de classe dansleur pratique quotidienne.Ces deux expériences en formationinitiale montrent que, lorsque l’en-vironnement d’apprentissage s’yprête, on peut maintenir le lienentre les milieux de formation. Ellesdémontrent également que la ges-tion de classe est une compétencequi s’apprend, même si le contextene permet pas une mise en pratiqueimmédiate des savoirs (Nault etFijalkow, 1999).

ON CONTINUE D’APPRENDREÀ GÉRER UNE CLASSE…La troisième expérience relatée icise situe au moment de l’entrée en

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fonction des nouveaux enseignants.Plusieurs auteurs confirment d’ail-leurs l’importance de la gestion declasse dans les premiers momentsde l’insertion professionnelle, sur-tout la gestion des premiers jours etdes premières semaines de classe.« Pour notre part, nous conve-nons également que les premiersinstants d’une relation enseignant-élèves façonnent les interactionsfutures. Les premières leçons sontperçues comme intéressantes ouennuyantes; les règles et lesroutines sont jugées strictes ouflexibles et l’enseignant lui-mêmeest jugé bon, mauvais, “ cool ” ouenquiquinant... Une fois que larelation est fixée, elle semblegravée dans la mémoire des uns etdes autres. Plus précisément, leshabitudes prises en début d’annéepar certains élèves perturbateursdeviennent de plus en plus diffi-ciles à modifier en cours de route.C’est lors de ces premiers instantsque le novice subit un “ test ” dela part de ses élèves » (Nault, 1999,p. 152).Consciente de l’importance desdébuts dans la profession ensei-gnante, la Commission scolaire deLaval a mis en place un programmed’insertion professionnelle pourfaciliter l’entrée dans la professionde son nouveau personnel ensei-gnant. Dans ce programme, ontrouve différentes mesures de sou-tien professionnel. Il y a une troussed’accueil, un service SOS (soutienindividuel) et un service d’accom-pagnement par un mentor dansl’école. De plus, les services del’enseignement de la Commissionscolaire offrent des ateliers d’inté-gration et trois sites Web présen-tant des ressources pédagogiquesou des démarches d’apprentissage( h t t p : / / w w w. c s l a v a l . q c . c a ;http://www.cslaval.qc.ca/insertion;http://www.cslaval.qc.ca/apo).Notre projet consacré à la gestionde classe en formation continue

L e programme d’insertion pro-fessionnelle du personnelenseignant débutant de la

Commission scolaire de Laval s’ins-pire des orientations ministérielleset des projets expérimentaux qui sesont déroulés dans tout le Québec,et plus particulièrement de ceux quiont été élaborés en collaborationavec l’Université de Montréal (1995-1997) dans les ex-commissions sco-laires Des Mille-Îles et de Chomedeyde Laval. Depuis l’année dernière, leprogramme s’est enrichi d’un projetà la réalisation duquel participent leschercheuses Thérèse Nault, profes-seure au Département des sciencesde l’éducation de l’UQAM, et Gene-viève Nault, étudiante au doctorat enéducation de l’UQAM.La bonne réputation de la Commis-sion scolaire de Laval quant à sonengagement actif dans l’accueil et laformation pratique des futurs ensei-gnants est déjà établie et reconnuepar les milieux universitaires, laCentrale des syndicats du Québec(CSQ) et le ministère de l’Éducationlui-même. En effet, bon nombre desquelque 650 stagiaires que nousaccueillons annuellement dans nosécoles et centres deviennent, par lasuite, la relève enseignante dansnos établissements. Le programmemis en place pour favoriser leurinsertion dans leur nouvelle profes-sion est le point d’ancrage qui leurpermet de se familiariser avec laréalité scolaire et ses responsabi-lités. Il favorise une insertion har-monieuse en les soutenant égale-ment dans la précision de leurbesoin en formation continue, lafaçon d’y répondre, et enfin, il leurpermet de maximiser leur potentiel.Les premiers moments de l’entréedans la profession enseignante cons-tituent une période d’adaptationmultidimensionnelle. Les débutantsy éprouvent souvent des sentimentsd’incompétence, d’isolement, d’anxié-té et même d’impuissance devantune tâche parfois dispersée, autanten ce qui concerne le nombre de

disciplines scolaires qu’en ce quiconcerne le nombre de classes dif-férentes qu’on attribue malheureu-sement souvent à ceux et à cellesqui ont le moins d’ancienneté. Dansde telles conditions, il est difficilepour ces débutants de pouvoir à la fois maîtriser le contenu des -programmes d’études, assurer unegestion efficace de la classe et con-naître toutes les particularités del’organisation scolaire. C’est pour-quoi le service de l’enseignementde la Commission scolaire de Lavala mis en place, sous la responsabi-lité de Lorraine Lamoureux, un pro-gramme de soutien pour ceux etcelles qui débutent dans la profes-sion enseignante.Axé sur le développement d’unepratique réflexive le programmed’insertion professionnelle dela Commission scolaire de Lavalest un service d’accueil, d’ac-compagnement et de soutien àl’intégration dans la professionpour le personnel enseignantdébutant. Celui-ci peut doncrecourir à des services de sou-tien collectifs et à un soutienpersonnel particulier en cas dedifficulté. Le programme pro-pose plusieurs champs d’inter-vention et fait appel à plusieurspartenaires des milieux sco-laires et universitaires.Les activités du programme sontregroupées sous deux volets :• L’accueil et l’accompagnement• Le réseau d’entraide virtuelle

VOLET I : L’ACCUEIL ETL’ACCOMPAGNEMENTLe volet I du programme d’insertionprofessionnelle propose aux écolesdiverses modalités d’accompagne-ment des enseignants en début decarrière. Les écoles sont donc enmesure d’offrir l’un ou l’autre desservices d’accompagnement pro-posés selon les besoins particuliersde l’un ou l’autre de leurs ensei-gnants débutants. Les services ci-dessous font partie du volet I duprogramme.

LA FORMATION À LA GESTION DE LA CLASSE

LA GESTION DE CLASSE ET LES TIC : AU SERVICE DUPERSONNEL ENSEIGNANTDÉBUTANTpar Lorraine Lamoureux, Bernadette Desmarais, MurielBrousseau-Deschamps et Pierre Deschamps

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s’inscrit dans ce programme d’in-sertion professionnelle. Il vise àreconnaître les stratégies employéespar les enseignants débutants pourrésoudre certaines situations déli-cates vécues en gestion de classe. Àl’occasion d’une conférence élec-tronique, les novices sont invités àdiscuter avec leurs pairs de dif-férentes situations de gestion declasse. Ces discussions se font surune base hebdomadaire. En plus derecevoir, grâce à la conférence élec-tronique, différentes suggestionsayant trait à leurs propres situationsdélicates, les novices bénéficientaussi des commentaires d’un ensei-gnant d’expérience appelé mentor.Enfin, des ateliers particuliers sousforme de face-à-face, seront offertspour répondre aux préoccupationsles plus fréquemment évoquées dansla conférence.En reliant les ressources univer-sitaires aux ressources du milieuscolaire, cette dernière expériencemontre qu’il est possible de mettreen place un dispositif de formationcontinue servant à compléter l’ac-quisition de la compétence à gérerune classe. La formation continueprend alors tout son sens en pour-suivant ainsi la formation initialeamorcée.Thérèse Nault est professeureau département des sciences del’éducation de l’Université duQuébec à Montréal.

BibliographieNAULT, T. (à paraître). Enseigner et ap-prendre sur un site Web. Symposium inter-national sur la formation des enseignants etdes formateurs aux nouveaux usages et auxnouvelles pratiques des technologies de l’in-formation et des réseaux tenu au siège del’ARDEMI (Association pour la recherche-développement de l’enseignement multimé-dia et interactif) les 3 et 4 décembre 1998, àLyon/Écully, Bruxelles, DeBoeck.NAULT, T. et J. FIJALKOW. « La gestion declasse », Revue des sciences de l’éducation,vol. XXV, no. 3 1999.NAULT, T. dans « Les forces d’incubationpour un “ moi professionnel ” personnaliséen enseignement » dans HÉTU, Jean-Claude,Michèle LAVOIE et Simone BAILLAUQUÈS[dir.], Jeunes enseignants et insertion pro-fessionnelle, p. 139-159, Bruxelles, DeBoeck, 1999.NAULT, T. L’Enseignant et la gestion declasse, Montréal, Les Éditions Logiques,1998, seconde édition.NAULT, T. et C. J. LÉVEILLÉ. Manuel d’utili-sation du questionnaire en gestion declasse, Montréal, Les Éditions Logiques,1997.CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION. Pourune gestion de classe plus dynamique ausecondaire, avis au ministre de l’Éducation,Québec, 1995.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC.La formation à l’enseignement secondairegénéral : Orientations et compétencesattendues, Québec, 1992.

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L’ACCUEILDès l’entrée à l’école, une troussed’accueil est remise au personnelenseignant débutant. Cette troussecontient des informations perti-nentes sur l’ensemble des servicesofferts à la Commission scolaireautant sur le plan administratif quesur le plan éducatif. Chaque école yajoutera également des informa-tions particulières à son milieu.

L’ACCOMPAGNEMENTLa direction d’école voit à jumelerson ou ses enseignants débutantsavec des enseignants d’expériencequi se portent volontaires. Lesrecherches sur le mentorat ontmontré qu’il est préférable que lementor accompagne tout au plusquatre débutants et qu’il le fassedans sa propre école. Il est parailleurs souhaitable que les ensei-gnants accompagnateurs :• désirent s’engager dans l’accom-

pagnement et acceptent de s’inves-tir tout au long de l’année;

• partagent les valeurs éducativesde l’école centrées sur les dimen-sions pédagogiques et la réflexionsur l’apprentissage;

• possèdent une prédisposition àl’entraide;

• démontrent un bon espritd’équipe, des qualités d’ouver-ture, d’écoute, de la disponibilitéenvers les autres;

• aient déjà accueilli quelques sta-giaires;

• aient idéalement participé auxateliers de l’an 1 et de l’an 2 desactivités de soutien qui sontoffertes aux maîtres associés ou,du moins, soient en voie de lesterminer;

• acceptent de participer à des ren-contres supplémentaires de ré-flexion et d’échange de points de vue, qui leur permettront demieux comprendre et de s’appro-prier le rôle, les fonctions et lesattitudes souhaités dans la pra-tique de l’accompagnement.

LES ATELIERS THÉMATIQUES

Plusieurs ateliers thématiques leursont offerts. Les ateliers les plusfréquemment demandés ont pourobjet la gestion de classe. Lesenseignants débutants sont parfoislibérés de leur tâche pour discuterde leur pratique ou ils sont invités àdes 5 à 7, ce qui leur permet de s’ou-tiller davantage sur des thèmes quiles préoccupent particulièrement.Des formations sont égalementoffertes concernant, entre autreschoses :• l’intégration des TIC dans leur

gestion de classe;• des applications pédagogiques de

l’ordinateur;• l’exploitation du site APO de la

CSDL;• l’utilisation du courrier et des

conférences électroniques aumoyen de FirstClass.

LE SERVICE S.O.S.Sur demande, il est possible d’offrirdes services d’entraide pédagogiqueaux enseignants débutants quiéprouvent quelques difficultés plusdélicates ou personnelles dansl’apprentissage de la profession.Une des personnes formant l’équipevolante d’entraide peut, sur demandedu débutant et en toute confidentia-lité, discuter avec lui des difficultésqu’il vit. Ensemble, ils recherchentdes solutions, des références, le caséchéant, et un suivi est assuré.

VOLET II : LE RÉSEAUD’ENTRAIDE VIRTUELLEÀ la Commission scolaire de Laval,le volet II du programme d’inser-tion professionnelle propose unenouvelle forme de soutien profes-sionnel pour le personnel ensei-gnant débutant : un réseau d’en-traide virtuelle. Ce dernier leurpermet de s’approprier les nou-velles technologies en partageantdes expériences pédagogiques, touten favorisant les contacts entre les

partenaires : enseignants débutants,enseignants accompagnateurs, con-seillers pédagogiques, orthopéda-gogues, personnes-ressources de laCommission scolaire de Laval et dumilieu universitaire.

LES OBJECTIFS DU RÉSEAU

D’ENTRAIDE VIRTUELLE

– Briser l’isolement pédagogique etoutiller les enseignants débutantspar rapport à leur gestion declasse.

– Assurer un soutien pédagogiqueindividualisé sur demande.

– Faciliter l’intégration pédago-gique des TIC dans leur pratique.

– Établir un partenariat avec desfacultés universitaires.

Ce soutien est offert, entre autres,grâce à un Réseau d’accompa-gnement sur Internet pour lesenseignants (RAIE), lequel pré-sente un questionnaire en gestionde classe (QGC), des conférencesélectroniques au moyen du logicielde communication FirstClass et unsite proposant des Applications pé-dagogiques de l’ordinateur (APO)(http://www.cslaval.qc.ca/insertion).

LE QUESTIONNAIRE EN GESTION

DE CLASSE

Le réseau d’accompagnement surInternet pour les enseignants (RAIE)a été créé comme mesure complé-mentaire aux différents moyensofferts par la Commission scolairepour favoriser l’insertion profes-sionnelle.D’abord, les enseignants débutantssont invités à répondre au question-naire en gestion de classe (QGC),conçu par Thérèse Nault et Christian-Jean Léveillé, professeurs à l’Uni-versité du Québec à Montréal1. Cequestionnaire leur permet dedécouvrir leurs forces et leurs fai-blesses en gestion de classe. Il enressort un autoportrait qui permetaux enseignants débutants de mieuxcerner leur profil actuel d’ensei-gnant au regard de soixante-cinqcomportements en gestion declasse. À la description de la plupartde ces comportements est associéeune bibliothèque virtuelle, recen-sant une banque d’ouvrages liés audomaine de la gestion de classe.

LES CONFÉRENCES ÉLECTRONIQUES

En collaboration avec nos parte-naires de l’UQAM, nous avons misen place un réseau d’entraide vir-tuelle par le truchement du logicielde communication FirstClass. Desconférences électroniques théma-

tiques ont été créées relativementaux difficultés fréquemment éprou-vées par les enseignants débutants.Chacune d’entre elles traite d’unthème en particulier et, pour cha-cune, un mentor est responsable del’animation.Des enseignants débutants parti-cipent aux différentes conférencesen soumettant des questions, dessituations difficiles ou encore desproblèmes particuliers à des men-tors. Ceux-ci sont des enseignantsd’expérience, des conseillers péda-gogiques ou des animateurs d’acti-vités de soutien à l’accompagnementde stagiaires. Ils ont pour rôle desoutenir les enseignants débutants,de répondre à leurs questions et departager leurs expériences avec euxen vue de favoriser leur insertiondans la profession et de les aider à relever les nombreux défis derenouvellement des pratiques.En plus de soumettre des questions,les enseignants débutants sont invi-tés eux aussi à répondre à leurs col-lègues. L’entraide est un soutien trèsimportant qui permet de briserl’isolement et de partager les pro-blèmes, les difficultés, mais aussiles découvertes et les bons coupspédagogiques. De plus, cela leurpermet de se familiariser avec lesTIC dans un contexte signifiant.Nous présentons ci-dessous cha-cune des conférences que nousavons mises sur pied l’an dernier.

Gestion de classeDans cette conférence, les ensei-gnants sont invités à soumettre desdifficultés relatives à leur gestion declasse : climat, organisation, gestiondes apprentissages, etc. Ils peuventobtenir des suggestions de moyensà mettre en place, des pistes d’inter-vention ou des propositions d’outilsorganisationnels.

TémoignagesDans cette conférence, les ensei-gnants sont invités à témoigner dessituations de vie, des moments debonheur ou de panique, des bonscoups et des « situations à refaire ».L’entrée dans cette merveilleuseprofession est souvent ponctuée demille petites interventions et ajuste-ments qui demandent beaucoupd’énergie, de souplesse et de res-sources...

Troubles du comportementDans cette conférence, les ensei-gnants peuvent soumettre des pro-blématiques liées à des élèves donton parle beaucoup dans les salles

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Rréservées au personnel, les corri-dors et les bureaux de direction!Ceux qui nous amènent à nousremettre en question, à repoussernos limites, mais surtout à nousdépasser. Bref, ces élèves qu’onn’oublie pas, qui nous collent à lapeau même après leur départ : lesélèves qui présentent des troublesdu comportement. Comment lesdépister? Comment intervenir? Oùaller chercher de l’aide? Quellesressources existent pour les élèves?Et pour les enseignants?

Technologies de l’information et de la communicationDans cette conférence, les ensei-gnants peuvent obtenir des conseilstechniques, mais aussi et surtoutdes conseils pédagogiques concer-nant les technologies de l’informa-tion et de la communication (TIC)et des suggestions d’applications del’ordinateur dans des situationsd’apprentissage variées.

Difficultés d’apprentissageDans cette conférence, les ensei-gnants peuvent soumettre des pro-blématiques liées à des élèves quiéprouvent des difficultés sur le planscolaire. Ces élèves ont du retardsur les autres élèves de leur grouped’âge, font parfois preuve de peu demotivation et ont souvent une faibleestime d’eux-mêmes.

Travail en projet et apprentissage coopératifDans cette conférence, les ensei-gnants peuvent poser des questionspour résoudre certaines difficultésqu’ils éprouvent en classe concer-nant l’élaboration et la mise enœuvre d’activités en coopération,les grilles d’évaluation et d’objecti-vation, l’enseignement d’habiletéssociales, la tolérance au bruit, etc.

Programmes d’étudesDans cette conférence, les ensei-gnants peuvent découvrir des outilsd’apprentissage, recevoir des con-seils pratiques ou explorer desréférences qui pourraient leur êtreutiles en langues, en mathématique,en arts ou en sciences…Selon les témoignages des ensei-gnants qui participent aux confé-rences, ils en retirent beaucoup desatisfaction. Consulter ses collègueset échanger des idées par l’inter-médiaire de ces conférences leurpermet de demeurer en contactavec des experts en éducation etd’autres enseignants débutants quiles aident à trouver des solutions à

des problèmes de gestion de classe,de façon simple, rapide et efficace.Ils ont besoin de moyens pratiques,d’outils concrets. Cela leur ouvreégalement des portes en ce quiconcerne d’autres façons de faire,selon différentes approches péda-gogiques.De plus, il est possible de participerà des séances de clavardage (bavar-dage avec un clavier ou dialogue endirect) pour faire du « CHAT »pédagogique entre classes ou avecd’autres agents d’éducation. Onpeut aussi avoir accès à du dépan-nage à distance, à de l’aide en ligne.

LE SITE APO DU PRIMAIRE DE LA

COMMISSION SCOLAIRE DE LAVAL

http ://www.cslaval.qc.ca/apo/Enfin, ces conférences sont soute-nues par un site Web, le site APO duprimaire, dans lequel les ensei-gnants ont accès à des ressourcesInternet regroupées en un seul lieuet susceptibles d’intéresser les ensei-gnants débutant dans la profession.Ils sont invités, tout comme lesautres enseignants de la Commis-sion scolaire, à y avoir recours.L’objectif principal du site estd’outiller les enseignants afin defavoriser et de faciliter l’intégrationpédagogique des TIC dans leurpratique. À travers les différentesrubriques énumérées ci-dessous, ilstrouvent différents outils d’aideselon leurs besoins, nombreux etvariés.

1. situations d’apprentissagePour apprendre à connaître le logi-ciel-outil AppleWorks et ses diffé-rents modules (traitement de texte,dessin vectoriel, dessin matriciel,tableur, diaporama, etc.).

2. formationPour outiller les RÉAPO (Res-sources écoles en APO) qui veulentfaire de l’animation dans leurmilieu afin de diffuser la formationreçue et mieux aider leurs col-lègues ou pour apporter un soutienaux autodidactes qui préfèrentapprendre à leur rythme. On y

trouve aussi tout un volet consacréà la gestion de classe participative(concept de Jacqueline Caron) etl’accès à différents outils organi-sationnels : horaire, tableau de pro-grammation, grille de consignation,liste de responsabilités, etc.

3. réapoPour obtenir des précisions sur lerôle et les qualités requises pourêtre une ressource école en APOdans son milieu et mieux aider sescollègues.

4. firstclassPour apprendre à se servir de celogiciel reconnu sur le plan péda-gogique pour sa convivialité, safacilité d’appropriation et sa sou-plesse. FirstClass est un bel outil decommunication et de collaborationqui permet de briser l’isolementpédagogique et d’encourager leséchanges de vues entre différentsagents d’éducation.

5. sites de nos écolesPour explorer et découvrir des pro-jets réalisés par des élèves desécoles primaires de la CSDL et don-ner le goût à d’autres de réaliser detels projets collectifs.6. collection de signetsPour aider les enseignants à seretrouver dans la masse de sitesaccessibles sur Internet. Des sitespédagogiques y sont donc proposésselon différentes catégories (mo-teurs de recherche, répertoireséducatifs, ressources pour péda-gogues, évaluations de cédéroms,domaines d’apprentissage, etc.),afin de mieux répondre à leursbesoins et à ceux de leurs élèves.Un suivi est assuré par le réseaud’entraide virtuelle sur lequel lesenseignants débutants peuvent tou-jours compter. Rappelons que der-rière chacune des conférences, il ya des personnes-ressources d’ex-périence qui s’engagent à répondreaux questions des enseignantsdébutants dans un délai raison-nable. Il ne faut pas oublier que laclé du succès pour qu’une confé-

rence fonctionne et soit utilisée,c’est qu’elle soit animée.Quant au site Internet, il doit êtrealimenté et mis à jour de façonrégulière. Les enseignants doivent ytrouver des ressources pertinentes,« pratico-pratiques » pour leurenseignement et l’acquisition et ledéveloppement de compétenceschez leurs élèves.En conclusion, notre programmed’insertion professionnelle du per-sonnel enseignant débutant estencore bien jeune, mais il se pré-cise et s’adapte d’année en annéeaux besoins des cohortes d’ensei-gnants débutants. La Commissionscolaire de Laval et nos collabora-trices de l’UQAM, Thérèse Nault etGeneviève Nault, unissent leurexpertise afin de trouver de nou-velles avenues pour accompagner larelève enseignante, désirant ainsicontribuer à son insertion la plusharmonieuse possible dans la pro-fession. À la Commission scolaire de Laval,l’insertion du personnel enseignantdébutant est l’une de nos préoccu-pations.Lorraine Lamoureux est cadreresponsable de l’insertion pro-fessionnelle et des stages; Ber-nadette Desmarais est ensei-gnante d’adaptation scolaire etconseillère pédagogique; Mu-riel Brousseau Deschamps estconseillère pédagogique en APOet en gestion de classe et PierreDeschamps est conseiller péda-gogique en APO et responsablepédagogique du réseau First-Class à la Commission scolairede Laval.

1. Nault, T. et C.-J. Léveillé. Manuel d’utili-sation du questionnaire en gestion declasse (QGC), 1997, Montréal, ÉditionsLogiques.

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entreleslignes

Un important colloque a porté,début novembre 2000, sur lethème « Qualifier 100 p. 100

des jeunes » (à Québec, à l’initiativedes cadres scolaires, de la Fédérationdes commissions scolaires, des ré-pondants de l’éducation des adultesen formation professionnelle et del’Association des directeurs géné-raux de commission scolaire). Ontrouvera, d’ailleurs, dans la rubriqueEn abrégé, un article de Mme MartheHenripin qui présente un rappel glo-bal des thèmes abordés dans le cadrede cet événement. Le thème choisiappelle à poser la question de laprésence des jeunes en formationprofessionnelle au secondaire. Dèsl’ouverture du colloque, une com-munication de M. Paul Inchauspé apoussé à remettre en question lacloison étanche dressée il y a 15 ansentre formation générale et forma-tion professionnelle au secondaire.Il semble en effet que ce choix his-torique explique en partie la genèsedu problème. Si c’est le cas, s’endégager pourrait faire partie de lasolution.

LE CRI D’ALARMEDU RAPPORT PAGÉDu temps du ministre Garon, lacommission présidée par M. ClaudePagé avait constaté la quasi-absencedes jeunes en formation profession-nelle : soit, au regard de cohortesd’environ 100 000 personnes, l’ob-tention annuelle d’à peu près 5 000diplômes d’études professionnelles(DEP) avant l’âge de 20 ans. Lacommission se fixait comme objec-tif, pour l’an 2000, de multiplierpar quatre cette proportion. Il s’agis-sait, pour la formation profession-nelle, en continuité après desétudes secondaires générales, deprogresser de 5 p. 100 à 20 p. 100d’une cohorte1.Il y a eu un léger progrès, certes,mais il reste très loin du compte. De1995-1996 à 1998-1999, l’accès àla formation professionnelle pour lejeune ayant moins de 20 ans estsimplement passé de 14,8 p. 100 à16,1 p. 1002. Comparée à l’univer-sité et au cégep, la formation pro-

COMMENT QUALIFIER 100 P. 100 DES JEUNES SANS RACCOMMODER FORMATION GÉNÉRALE ET FORMATION PROFESSIONNELLE?par Arthur Marsolais

entre les lignes

fessionnelle des commissions sco-laires reste l’élément du systèmed’éducation qui contribue le pluschichement à « qualifier 100 p. 100des jeunes ».

UNE SOUS-PERFORMANCEGRAVE EN MATIÈRE DEQUALIFICATIONLa mission de qualification est entrain de prendre deux sens, chacundéfendable. Le premier est un sensindirect, en vertu duquel on peutsoutenir que des études primairessont d’une certaine façon reliées àla mission de qualification attribuéeà l’école dans L’École, tout un pro-gramme. Le second est un sensdirect : disposer, lors du passagedes études à la vie active, de compé-tences qui rendent apte à fonction-ner dans un secteur particulier dumonde du travail. Vis-à-vis la quali-fication considérée dans ce secondsens, traditionnel et incontour-nable, notre système d’éducationmontre des carences graves. Moinsde la moitié de chaque cohorte estdotée d’une certaine spécialisationen quittant les études. Pour chaqueclasse d’âge ou cohorte, en consi-dérant le tout premier cycle uni-versitaire réussi comme qualifiant,on plafonne malgré tout en-deçà de50 p. 100. Dans l’agrégation desqualifications acquises, les diplômesuniversitaires pèsent le plus lourd(26,6 p. 100 pour le baccalau-réat)3; les qualifications techniquesacquises au cégep occupent unrang moyen (l4,1 p. 100 par réfé-rence à l997-l998)4 et la contribu-tion de la formation professionnellede l’enseignement secondaire restela plus mince (6,1% chez les moinsde 20 ans)5. Infiniment trop dejeunes n’ont comme base que desétudes générales, soit secondaires,soit collégiales.

UNE CARACTÉRISTIQUE DUSYSTÈME PLUTÔT QU’UNECARENCE DE LA FORMATIONPROFESSIONNELLE?Le raisonnement simpliste consis-terait à dire : il n’y a qu’à augmenter

les places pour les jeunes en forma-tion professionnelle, à cesser dedonner toute priorité aux adultes…Pourquoi la formation profession-nelle est-elle si malthusienne quandil s’agit des jeunes? Or cela, en plusdu simplisme, est une façon deraisonner dangereuse. En effet, elleconsiste à chercher une faute et uncoupable, alors qu’il s’agit au con-traire de cerner un problème et detrouver une solution. Multiplier parquatre le nombre de diplômésjeunes, proposait le rapport Pagé.Ce souhait est resté pratiquementlettre morte. Cherchons pourquoi.

UN ALIGNEMENT MAL CONÇUSUR UNE PERSPECTIVE DEMAIN-D’ŒUVRE?Dans sa communication, M. PaulInchauspé a mis en contraste uneperspective d’éducation répondantaux besoins des personnes, y com-pris à celui d’une qualification, etune perspective de main-d’œuvre,typiquement gérée par des minis-tères de l’emploi et soucieuse d’unespécialisation la plus rapide pos-sible d’adultes en situation pré-caire. Le conférencier a soutenuque, dans la foulée de la réformeRyan de la formation profession-nelle, la seconde perspective a pré-valu. À la formation professionnelledes jeunes, la généralisation del’approche rodée jusque-là pour lesadultes (modularisation permettantdes allers-retours, exclusion detoute formation générale comptetenu du financement de l’ordre durecyclage de la main-d’œuvre) aconstitué une dérive, et nous vivonsavec ses effets.

L’APPRÉHENSION D’UN MARCHÉ

DU TRAVAIL BOUCHÉOn a tellement laissé s’accréditerl’idée que les emplois disparais-saient, et plus particulièrementpour les jeunes, que seuls les bacsen informatique et les diplômes degénie restaient des planches desalut. On a conséquemment pousséles jeunes vers les études commemode de vie, vers les études les plus

longues possible… On a en parti-culier beaucoup abusé d’une opi-nion soutenant que 40 p. 100 desnouveaux emplois créés requer-raient des diplômes universitairesen laissant croire insensiblementque ce serait le cas de la totalité desemplois, anciens et nouveaux! On apeint un tableau de catastropheéconomique pour l’avenir de lagénération montante.

UN CHANGEMENT DE TYPEDE SÉLECTIONL’un des facteurs les moins comprisde l’impasse actuelle me paraît sur-gir du grand virage de la fin des an-nées 70, et basé sur une profondemauvaise conscience à l’égard de lasélectivité scolaire. Le Livre vertsur l’enseignement primaire etsecondaire de 1977, en effet, aapporté un changement structurel àl’assise du système éducatif, et cechangement est passé relativementinaperçu.Avant cette époque, l’école et leséducateurs n’hésitaient pas à orien-ter activement les jeunes vers ce quiparaissait convenir à leurs aptitudeset à leur désir, variable, de longuesétudes. Dès le deuxième cycle dusecondaire, des profils d’optionssubstantiels préorientaient lesjeunes vers l’un ou l’autre type deprogramme du collégial. Dès latroisième secondaire, on proposaitune première exploration techniqueà ceux et à celles qu’on considéraitcomme destinés à la formation pro-fessionnelle secondaire. Or, dans leLivre vert, on s’élevait contre l’idéede pousser les jeunes à choisir des« options orientantes » dès l’âge de16 ans, au début de la quatrièmesecondaire. On voulait en quelquesorte dépouiller l’école de touteinfluence ou de toute pression àsaveur sélective. Ce fut là un chan-gement profond.Pour avoir été accusés par les dis-ciples néomarxistes de Bourdieu dejouer le jeu de la classe dominanteen orientant les élèves, les éduca-teurs et les établissements d’ensei-gnement secondaire ont décidé de

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ne plus orienter activement, delaisser les élèves s’orienter par eux-mêmes. Seul le test des options demathématiques plus avancées et desciences de la nature a survécu.Pour le reste, l’ensemble du secon-daire est devenu très uniforme.L’évolution même du système a con-tribué à faire en sorte que, de plusen plus, les jeunes s’orientent pen-dant le cégep, et non pas avant.Une partie de la désaffection de laformation professionnelle chez lesjeunes vient de là. Arrêtons d’ac-cuser les familles : nous avons laissés’organiser le système pour qu’ilpousse les jeunes à durer le pluslongtemps possible dans la voie de la formation générale. Même les qualifications techniques s’ac-quièrent, la moitié du temps, aprèsd’importantes bribes de cégeppréuniversitaire.

D’UNE SÉLECTION AFFICHÉEÀ UNE SÉLECTION OCCULTEOn est passé d’une orientationhâtive, dès le milieu du secondaire,à une orientation tardive. En mêmetemps, en espérant atteindre unecomplicité zéro dans quelque sélec-tion que ce soit, on est passé d’unesélection claire à une sélectionocculte. Or la sociologie de l’édu-cation a montré dès la fin desannées 70 que la sélection connueet publique, claire et affichée, estmoins injuste que la sélectionocculte. (Voir Mohamed Cherkaoui,Les paradoxes de la réussite sco-laire, Paris, PUF, 1979.)La sélection occulte opère parl’échec et le découragement. Ellepiège beaucoup de jeunes qui fontdes études collégiales. Trop faiblespour avoir des chances dans lesmeilleurs programmes techniques,on les oriente vers des programmespréuniversitaires non contingentés,tout en sachant qu’ils n’ont prati-quement aucune chance d’atteindreun jour un baccalauréat universi-taire. Puis on attend qu’ils échouentassez pour repartir d’eux-mêmes,enfin persuadés de leur manque depotentiel pour ce trajet particulier.

LES VOIES ÉDUCATIVESDE SECONDE CHANCEIl me semble que nous pratiquonsbeaucoup, comme société, les voieséducatives de seconde chance. Laformation professionnelle desadultes, à même les ressources del’assurance emploi, en est une. Lerefuge que trouvent tant de jeunes

de 16 à 19 ans dans la formationgénérale des adultes en est une autre.En matière de formation profes-sionnelle des jeunes, la secondechance menace de l’emporter sur lapremière, très élusive. Les jeunesont théoriquement le droit d’accé-der à la formation professionnelleavant l’âge de 20 ans, mais leurschances concrètes sont minces. Lescandidates et les candidats préféréssont celles et ceux qui ont vécu desannées de travail saisonnier, nonqualifié, et qui sont motivés à blocpour s’en sortir. C’est comme si —effet imprévu et non désiré d’unesélection aussi occulte que tardive—, on poussait les jeunes à accé-der à la formation professionnellepar la voie détournée du chômageet de la misère.

LE RECRUTEMENT HYPER-RESTRICTIF DE LA FORMATIONPROFESSIONNELLE DES JEUNESUne année de formation profession-nelle en bureautique ou en cuisineou en mécanique ou en agriculturecoûte plus cher qu’une 5e secon-daire générale ou qu’une année de sciences humaines au cégep.Cela donne, dans l’approche main-d’œuvre de la formation profession-nelle, l’interdiction d’admettre plusde candidats dans des programmesdonnés qu’il n’y a d’emplois cer-tains à l’horizon. Énorme restric-tion à l’accessibilité, qui piège enparticulier certaines régions où lechômage est élevé. Du point de vuedes besoins et du potentiel desjeunes, le problème se pose toutautrement. Serait-ce un scandale si,parmi les 20 000 et plus travailleursde l’industrie minière, certainsavaient acquis leur maturité et leurfiabilité de travailleurs en partie parune formation professionnelle desoudeur, de mécanicien, de menui-sier et ainsi de suite, même si cettequalification professionnelle n’estpas directement rentabilisée? Larentabilisation du point de vue de laplanification de la main-d’œuvre neva pas ici dans la même directionque la rentabilité sociale mieuxcomprise, que la pertinence sociale,vaudrait-il mieux dire. Répondreétroitement aux besoins certainsdes employeurs, c’est une philoso-phie qui, depuis des années, restecompatible avec un gaspillage effré-né des ressources humaines jeunes,poussées dans des programmesd’études dont l’extrême sélectivitése découvrira à l’université. On peut

établir un lien direct entre l’admis-sion restrictive et proprement mal-thusienne à la formation profes-sionnelle des jeunes et le fait quemoins de 50 p. 100 des cohortes dejeunes qui sortent de la formationinitiale abordent la vie active avecune qualification particulière.

LE CONTRE-EXEMPLE ANGLAISÀ l’occasion de ce colloque sur laformation professionnelle, RéginaldGrégoire présentait un aperçu del’évolution de la situation en Angle-terre depuis 15 ans. Le pays est passéd’un niveau de qualification initiale,professionnelle ou technique, ausortir des études, de 15 p. 100 d’unecohorte à 55 p. 100 d’une cohorte.Par comparaison, DEC techniquesplus DEP compilés, nous serions àenviron 20 p. 100! La voie privi-légiée a été la constitution d’unitésd’apprentissage préprofessionnelleset professionnelles qui s’intro-duisent aisément partout dans lesdernières années d’études secon-daires, et qui tracent la voie à de laformation professionnelle plusintensive. On trouve l’analyse éla-borée de ce très beau cas dansl’étude de M. Grégoire effectuéepour le compte de la TRÉAQ-FP6.Le cas de l’Angleterre met en valeurun constat qui s’appuie sur l’évolu-tion de la grande majorité des paysdéveloppés en matière de formationprofessionnelle des jeunes. Le cou-rant actuel revalorise la formationgénérale dans la formation profes-sionnelle, comme l’a très bien mon-tré dans son exposé Mme MarianneDurand-Drouhin, directrice derecherche à l’OCDE, qui présentaitles résultats d’une enquête touterécente menée dans 14 pays7.Il vaut la peine de réexplorer le lienentre formation générale et for-mation professionnelle. L’actuelleréforme de l’enseignement secon-daire général s’y prête. La convic-tion exprimée par la Commissiondes États généraux, à savoir qu’au-delà du premier cycle du secon-daire, il faudrait admettre des étudesfortement différenciées, y inviteaussi. On voit mal comment l’accèsbeaucoup plus ouvert des jeunes àla formation professionnelle en con-tinuité d’études pourrait se réalisersans surmonter l’imperméabilitédes cloisons établies entre forma-tion générale et formation profes-sionnelle. Je me permets d’imaginerquels groupes d’acteurs de notremonde scolaire pourraient entre-

prendre des pas positifs et peut-êtredécisifs dans cette direction…

LA CRÉATIVITÉ DESÉDUCATEURS DU DEUXIÈMECYCLE DU SECONDAIRELes écoles secondaires ont beau-coup investi dans l’accueil, par lesprogrammes de type international,de l’effectif de 12-13 ans qui sedirige clairement vers l’université.Si l’on voulait consacrer une atten-tion analogue aux jeunes de 15 anspour qui l’accès à des formations-métiers en-deçà de 20 ans serait unplus incontestable, quelle sorted’imagination créatrice faudrait-ildéployer?De qui s’agit-il? Je pense à troissous-groupes : à celui des retardsscolaires accumulés (les 17 ans oupresque qui se trouvent en 3e secon-daire); à celui des demandeurs deDEP dépourvus de DES et qui serontles premiers refusés; à celui, enfin,des titulaires de DES faibles obtenussans motivation et qu’on laissera sedécourager à force d’échecs aucours de leurs études collégiales.Le défi des études au 2e cycle dusecondaire, à l’âge des creux demotivation les plus marqués, est dedonner suffisamment l’expériencede la réussite pour que les jeunes« à risque » ravivent la confiance depousser plus loin dans un domaineparticulier qui les intéresse. Avecquoi faire cela? La voie la plus évi-dente consiste en l’explorationtechnique.Est-ce pensable d’offrir, en 4e et en 5e secondaire, deux options enséquence qui donneraient un con-tact substantiel avec le champ pro-fessionnel qui englobe le travaildans les parcs, le plein air, la fauneet la flore, l’horticulture, le génieforestier, la sylviculture? Et de mêmepour six, sept ou huit grandesfamilles d’occupation spécialisée,qui englobent toutes un niveau debase (secondaire), un niveau inter-médiaire(cégep technique) et unniveau supérieur de formation?Pensons au champ de la santé etdes services sociaux, au champ dugraphisme, des arts appliqués, dudesign de mode, etc., au champ ducommerce et de l’administration,au champ de l’agroalimentaire, dela restauration et de la diététique.Sans oublier les technologies phy-siques. L’État de l’Orégon travailleavec beaucoup de persévérance danscette direction depuis des années,comme l’a bien montré Réginald

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PÉDAGOGIQUE51

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Grégoire dans son étude intitulée Lanouvelle piste de l’Orégon (Coll. Lerenouvellement du curriculum :expériences américaine, suisse etquébécoise), Québec, Conseil su-périeur de l’éducation, 1999, p. 22et s.)L’impératif d’une « école orien-tante », dès avant le cégep, peut secombiner ici avec les immensespossibilités que le nouveau régimepédagogique apporte au 2e cycle dusecondaire en doublant le tempsdisponible pour les cours à option.Il faut aider les jeunes à trouver cequ’ils veulent. L’abstentionnismedes deux dernières décennies frôle,pour une partie de l’effectif jeune,la non-assistance à personne endanger! Un 2e cycle du secondairerestructuré déployant des cours àoption de nature franchement pré-professionnelle est le moment prin-cipal où cela doit se passer.Voilà donc une première sourced’espoir : que les intervenants de laformation générale constituent surleur propre terrain une amorce depassage en continu vers des pro-grammes de formation profession-nelle qui conduisent à l’obtentiond’un DEP.

LA CRÉATIVITÉ DES ÉQUIPES DEFORMATION PROFESSIONNELLEEst-ce pensable pour des centres deformation professionnelle d’offrir àleurs candidats et candidates jeunesdes parcours d’apprentissage quiallient de la formation générale à laformation professionnelle et tech-nique? Si cela est possible et souhai-table, dans quel cadre l’imaginer, leprojeter et le réaliser? Commentéchapper à la hantise si souventexprimée : « ce serait revenir au“ professionnel long ” de péniblemémoire »? Risquer de perdre lesacquis d’une sanction des étudespropres à la spécialisation…Surtout, retourner à un statut demarginalité dans la grande polyva-lente… Telles sont sans doute lesévocations qui amènent un « non,merci! » trop spontané lorsqu’onparle d’allier de nouveau formationgénérale et formation profession-nelle. Mais réagir ainsi, c’est s’ali-gner sur la formation générale dumilieu des années 80!Pourtant, il y a bien d’autres façonsde connecter la formation généraleet la spécialisation. Déjà l’expé-rience de la voie technologiquemontre un chemin. Elle proclame àqui veut l’entendre que la décon-nection de la formation générale,

pour un jeune motivé par l’appren-tissage technique, n’est pas irrémé-diable.Il faudrait pouvoir offrir à des jeunesde 17 à 19 ans, qui se dirigent versune qualification dans les métiers,des éléments complémentaires deformation générale (équivalant àceux qui ont été acquis au termedes études secondaires). Si l’onprend au sérieux l’impératif de ladiversification des cheminementsaprès la 3e secondaire, issu desÉtats généraux, on peut fort bienpenser à des approches de forma-tion générale qui ne copient pas desmorceaux de l’actuel programmede 2e cycle du secondaire. Au-delà,c’est la créativité des équipes deformation professionnelle qui estsollicitée. Il faut construire et offrirune formation générale pour laquellela motivation a justement été réani-mée par l’entrée en formation pro-fessionnelle.

LES ÉDUCATEURS ALLERGIQUESAU RETARD IMPOSÉLe troisième groupe des grands alliésd’un meilleur accès des jeunes demoins de 20 ans à la formation pro-fessionnelle est beaucoup plus dis-persé. Ce sont ceux et celles quimilitent et militeront pour qu’oncesse de traiter les difficultés sco-laires par un retard systématique-ment imposé. Quel est le sous-groupe qui a le moins de chances,actuellement, de répondre à l’ob-jectif « Qualifier 100 p. 100 desjeunes »? C’est celui qui fait sept ansd’études primaires puis à qui l’onimpose de prendre trois ans pourfaire la 1re et la 2e secondaire. Est-ceune solution valable pour lesjeunes, ou bien une commoditépour les classes censées accueillirdes jeunes ayant tous obtenu desrésultats semblables? Dans l’histoirerécente, cela a été la rançon d’uneuniformisation extrême des pro-grammes d’études imposée au débutdes années 80. Ce fut peut-être pourune bonne part un fétichisme del’uniformité, fondé sur une idéesimpliste de la justice, l’identique etl’uniforme étant seuls vus commejustes.Il faut en sortir. L’école essaie defaire progresser chacun constam-ment, et non pas de ralentir les unset de faire accélérer les autres pourtout synchroniser. Si l’adoptiond’un cheminement par cycles auprimaire ne réduit pas considéra-blement la proportion de ceux etcelles – mais surtout de ceux… –

qui accèdent au secondaire un anplus tard, elle aura raté une bonnepart de son potentiel. De même,pour le premier cycle du secon-daire qui doit émerger : si l’on com-mence par étiqueter ceux qui aurontbesoin de quatre ans pour en pro-fiter, c’est raté!Le sous-groupe qui termine la 3e secondaire à 17 ans avec lesmodes actuels de cheminement estpeut-être celui qui a le plus besoinde l’espoir d’accéder à une forma-tion qualifiante vers 16-17 ans. Onvoit tout de suite comment lesretards scolaires accumulés sontmortels pour cet espoir. Ceux etcelles qui ne se résignent pas à cetype de solution contribuent aussi àredonner des chances de passage àla vie active avec une qualification.

SYNCHRONISER, FAIRECONVERGER LES RESSOURCESIl paraît évident que, vis-à-vis d’unidéal qui doterait 100 p. 100 desjeunes d’une certaine qualificationpour l’entrée dans la vie active, laformation professionnelle donnéeau secondaire joue beaucoupmoins son rôle que le réseau uni-versitaire ou le réseau collégial. La

situation est sans doute propicepour s’en sortir, mais il faudraaccepter de synchroniser et de faireconverger des ressources que leurssystèmes de financement et leursrégimes administratifs et pédago-giques isolent depuis des décenniesquand ils ne les font pas rivaliserentre elles. Au titre même de l’égali-sation des chances et de l’attentionaux moins favorisés, cela paraîttoutefois un chantier incontour-nable et mobilisant.Arthur Marsolais est membredu comité de rédaction.

1. La formation professionnelle chez lesjeunes : un défi à relever, Québec, minis-tère de l’Éducation, 1995, p. 29.

2. Indicateurs de l’éducation, Québec,ministère de l’Éducation, 2000, p. 57.

3. Ibid., p. 101.4. Ibid., p. 109.5. Ibid., p. 107.6. Table des responsables de l’éducation des

adultes – formation professionnelle : Laformation professionnelle dans l’ensei-gnement secondaire : études et expé-riences en dehors du Québec, août 1999,p. 25-52.

7. De la formation initiale à la vie active.Favoriser les transitions. Paris, OCDE,2000.

projet Allô prof fait assurément decette intervention éducative un ex-cellent projet de société au Québec.Le consortium Allô prof a doncconsacré les sept dernières annéesà analyser différentes expériencesmenées tant à l’intérieur même denotre service qu’ailleurs au Canadaet aux États-Unis. Ces analyses ontpermis d’élaborer des moyens effi-caces de prévention du décrochagescolaire, et, dans une mesure cer-taine, plusieurs éléments de solu-tion à ce problème criant.Depuis sa fondation, 90 000 fois les enseignants ont répété la phraserituelle : « Allô prof bonsoir! Est-ceque je peux t’aider? », 90 000 fois,

ALLÔ PROF : UN PROJET DE SOCIÉTÉ, UN CONSENSUS UNIQUEpar Sandrine Faust et Frédéric Blanchet

Dans la foulée du plan d’ac-tion sur la réussite éducativede 1992-1995 (plan Pagé),

plusieurs représentants du milieude l’éducation ont pressenti le be-soin urgent d’une aide aux devoirset aux leçons. Dès le début de l’an-née 1993, le consortium Allô prof apris naissance. C’est dans un soucid’efficacité que les principaux inter-venants du milieu d’éducation enga-gés dans la lutte contre le décrochagescolaire se sont regroupés pour for-mer Allô prof.Un tel consensus et une telle ferveurpour résoudre un problème desociété s’étaient rarement vus aupa-ravant. Cette unanimité autour du

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les enseignants ont prodigué aide etconseils à des jeunes du primaire et du secondaire ainsi qu’à leursparents. Une soirée à Allô prof,ça vous dirait?

UN MERCREDI DENOVEMBRE 200016 H 45Les enseignants d’Allô prof arriventau local 340 du centre Louis-Jollietà Québec. Ce soir, ils sont quatre. ÀMontréal, ils sont six enseignants.Tous s’installent à leur bureau res-pectif et se préparent fébrilement àaffronter une autre grosse soirée.Tous ces enseignants ont une forma-tion universitaire en enseignement.Ils sont professeurs de français,de mathématiques, de géographie,d’histoire, de chimie, de physiqueou d’anglais. Certains enseignent auprimaire, d’autres au secondaire oubien à l’éducation des adultes.Toutefois, chacun se débrouille dansplus d’une matière. Circonstancesobligent! à Allô prof, on ne saitjamais sur quelle question on vatomber…17 H

Les lignes sont ouvertes et les télé-phones sonnent immédiatement. Cesont surtout les élèves du primairequi utilisent Allô prof entre 17 h et18 h 30 parce que les parents n’ar-rivent souvent pas à la maison avantl’heure du souper. Même s’ils sontlà pour prêter assistance lorsqu’unedifficulté survient, ils se sententsouvent dépassés par les nouvellesméthodes, la nouvelle terminologie.L’explication devient donc plus diffi-cile. L’incompréhension et le décou-ragement s’installent alors autantchez les parents que chez les en-fants. C’est à ce moment-là qu’Allôprof intervient. C’est ainsi que Mme Gauvreau se questionne sur cequ’est un GnS (groupe nominalsujet) ou bien que Mélanie, qui esten 6e année, nous demande com-ment trouver le PGCD (plus grandcommun diviseur) de 12 et 24.17 H 30« Est-ce qu’on donne les réponses? »,nous demande une enseignanteinquiète avant de parler d’Allô profà ses élèves. L’idée est d’abordd’amener l’élève à raisonner logi-quement pour lui permettre detrouver la réponse tant attendue. Ilpourra par la suite utiliser sadémarche dans une autre situation.Ainsi, Allô prof peut être considérécomme un complément au systèmescolaire, un outil de plus mis à la

disposition des enseignants et deleurs élèves.17 H 45Le flot d’appels continue. Est-ce quetous pourront parler à un ensei-gnant? Sans doute, puisqu’il y a 11 lignes en fonction plus cinqlignes d’attente. Évidemment, il existedes périodes de pointe et il se peutalors qu’il y ait un temps d’attente.18 H

Frédéric, enseignant travaillantpour Allô prof, en est déjà à sonhuitième appel. Pour chaque appel,il note les coordonnées de l’ap-pelant, son niveau de scolarité et lenom de sa commission scolaire.Service anonyme, vous dites? Biensûr, Allô prof est un service confi-dentiel! Il est quand même fréquentqu’une relation s’établisse entre un enseignant et un élève. C’estd’ailleurs le cas d’Alexandre, élèvede 1re secondaire, qui demande àparler à Sophie. La relation quis’établit alors entre les jeunes et lesenseignants d’Allô prof est sympa-tique et devient une source de moti-vation aussi bien pour les premiersque pour les seconds. Enfin, Alexan-dre sait qu’il n’est plus seul le soiret qu’il peut compter sur nous.18 H 30Il y a encore des appels du primaire,mais les élèves du secondaire fontpartie de la seconde vague. À Nata-sha, élève de 5e secondaire, quidemande si on pourra l’aider àrésoudre ses problèmes de math536, nous répondons affirmati-vement. Un spécialiste des mathé-matiques se chargera d’éclairerNatasha dans ses logarithmes afinqu’elle puisse continuer de prépa-rer son examen du lendemain. Lesenseignants d’Allô prof disposentdes manuels scolaires utilisés dansles écoles. Le recours à Internetpeut également nous être d’ungrand secours pour les questionsplus difficiles. Vous a-t-on déjàdemandé de quelle longueur sontles molaires d’un éléphant ou bienpourquoi les Touaregs du Saharaont la peau bleue?19 H 30En route pour le dernier droit…Appel d’une mère de famille qui sedemande si la consultation est gra-tuite avant de laisser sa fille nousparler. Oui, c’est gratuit! Où prend-t-on notre argent? Eh bien! pour lemoment nous recevons de l’aidefinancière de Bell Canada, de laFondation philanthropique Pétro-lière Impériale, du ministère de

QUALIFIER 100 P. 100 DES JEUNES :DE LA FORMATION INITIALE À LA FORMATION PROFESSIONNELLEpar Marthe Henripin

l’Éducation et du ministère de laMétropole…19 H 45Une question de physique posée parMarie nous donne du fil à retordre.Une concertation de quelques ensei-gnants nous permet enfin de l’aider.Le travail d’équipe est important,car c’est souvent la mise en com-mun de nos forces qui nous aide àtriompher des questions les plusardues. Et des questions ardues, il yen a! « Le charivari “ bbealrsc ”représente quel mot? » « Je ne com-prends rien à la division. Quefaire? » « Les homothéties, c’est duchinois pour moi. » « J’ai une pro-duction orale à faire, je suis stres-sée. » « La gauche, la droite et lecentre en politique, c’est quoi, ça? »« Avez-vous une méthode pourm’aider dans les opérations avecdes nombres relatifs? » « Un zèbre,c’est blanc avec des rayures noiresou l’inverse? » Et ce ne sont là quequelques exemples. Les enseignantsd’Allô prof adorent les défis et ilssont conscients d’aider les jeunes àgagner en autonomie, de leur don-ner des méthodes de travail, de lesencourager à ne pas lâcher.20 H

On ferme boutique jusqu’au lende-main. Les enseignants ont réponduce soir-là à près de 250 appels. Ouf!Une autre soirée chargée et ce n’estque partie remise!Sandrine Faust est directricegénérale du consortium Allôprof et Frédéric Blanchet estcoordonnateur régional.

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POUR JOINDRE ALLÔ PROFMontréal : (514) 527-3726Québec : (418) 521-6284Extérieur : 1-888-776-4455Internet : www.alloprof.qc.ca

MEMBRES ET ORGANISMES DUCONSORTIUM ALLÔ PROF•Association québécoise du per-

sonnel de direction des écoles•Fédération des commissions

scolaires•Fédération des enseignants

des commissions scolaires•Fédération des comités de

parents de la province deQuébec

•Association des retraités de l’enseignement du Québec

•Association des cadres scolairesdu Québec

•Centrale de l’enseignement du Québec

•Fédération québécoise des directrices et directeurs d’établissement d’enseignement

•Association des directeurs généraux du Québec

•Association montréalaise des directions d’établissement scolaire

•Commission scolaire de Montréal•Commission scolaire

du Val-des-Cerfs•Commission scolaire

de la Rivière-du-Nord•Télé-Québec •Bell Canada•Parents d’aujourd’hui

L e thème de la préparation detous les jeunes à la vie pro-fessionnelle a rassemblé à

Québec, du 5 au 7 novembre 2000,quatre organismes qui ont décidéde se rencontrer avec la volontéd’agir. Le colloque organisé par laFédération des commissions sco-laires du Québec (FCSQ), l’Associa-tion des directeurs généraux descommissions scolaires du Québec(ADIGES), l’Association des cadresscolaires du Québec (ACSQ) et laTable des responsables de l’éduca-tion des adultes et de la formationprofessionnelle des commissionsscolaires du Québec (TREAQFP) a

réuni plus de 330 participants.Comme l’a dit l’un d’eux, les expo-sés et les échanges de points de vueont suscité « des émotions allantde la culpabilité à la mobilisa-tion ». Des pistes d’action quidevraient faire l’objet d’un suivi ontété dégagées en assemblée plénièreà la fin du colloque et sont présen-tées sur le site Internet de l’ACSQ :www.acsq.qc.ca

DÈS L’OUVERTURE :UNE CONFÉRENCE-CHOCCe compte rendu accorde une placeimportante à l’exposé à la fois « interpellant » et dédramatisant fait

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par M. Paul Inchauspé, car il nouspermet de comprendre les racineshistoriques à la fois culturelles,organisationnelles et politiques denotre problème actuel d’exclusionsociale de nombreux jeunes et doncde mettre le doigt sur des solutions.Sa question de départ : Pourquoi,tous ensemble, nos systèmes d’en-seignement secondaire, de forma-tion des adultes et de formationprofessionnelle ne sont-ils pas ca-pables, actuellement, de répondreaux besoins de qualification de tousnos jeunes? Selon le conférencier, « deux forces puissantes ont con-couru à expulser la formationprofessionnelle des voies de sco-larisation jugées normales ausecondaire ».La première force est une ten-dance de fond à « tirer vers le hautl’ensemble du système scolairequébécois » justifiée, dans lesannées 60, par la nécessité du rat-trapage à faire par le Québec pourrejoindre l’ensemble des pays occi-dentaux. D’où la création de 40 cé-geps en vue de favoriser une forma-tion de plus haut niveau dans lesuniversités, d’où le développementde la formation des adultes, d’où ladisparition des centres d’apprentis-sage, d’où l’abolition du certificatd’enseignement professionnel (CEP)pour ne plus donner une forma-tion professionnelle jugée « bas degamme » et la mise sur pied d’uneformation professionnelle de hautequalité exigeant le DES à l’entrée. Leproblème a été de ne plus proposerque cela aux jeunes. Cette « aspira-tion vers le haut » est bien loin de lavolonté initiale d’Arthur Tremblay,réitérée trente ans plus tard lors des États généraux sur l’éducation,qu’aucun jeune ne quitte le systèmescolaire sans avoir acquis la forma-tion professionnelle qui lui con-vient. Cette aspiration apparaîtancrée également dans l’imaginairedes parents qui, eux aussi, poussentleurs enfants vers le haut, quels quesoient leurs désirs, leurs aspirationsou leurs capacités. Il faut ajouter àcela la hantise collective de ressus-citer le « professionnel court » vucomme « une tache indélébile quiaurait marqué notre enseigne-ment secondaire », ce qui ralentitou empêche, encore aujourd’hui, ledéveloppement de formations semi-spécialisées.La deuxième force est une « dé-rive » à plusieurs volets qui s’estproduite au fil des ans. La formationprofessionnelle étant devenue peu

importante pour les jeunes et leursparents, seul un petit nombred’élèves s’y est inscrit par rapport àl’effectif potentiel. La diversificationdes parcours scolaires au secon-daire a disparu, puis a eu du mal à yrevenir lorsqu’en 1996, le rapportPagé a proposé des correctifs par lemoyen de « volets » diversifiés dontcertains sont encore très peu mis enœuvre. Le DES a donc été, jusqu’àrécemment, l’unique diplôme sanc-tionnant les études secondaires, etceux qui ne l’obtenaient pas sontdevenus des exclus. De plus, au-cune continuité n’ayant été prévueentre la formation professionnelledu secondaire et celle de l’ensei-gnement postsecondaire, plusieursjeunes craignent que le DEP soitpour eux un cul-de-sac. Enfin, laformation générale a été sup-primée de l’enseignement pro-fessionnel, ce qui accentue plusencore l’idée de cul-de-sac. Undernier facteur de dérive : notre sys-tème de formation professionnelleet ses sources de financement ontété gouvernés par une logiqued’emploi, de besoins des entre-prises et de formation de la main-d’œuvre adulte et non par unelogique d’insertion profession-nelle des jeunes. Le résultat decette « aspiration vers le haut » etdes dérives qui ont suivi : lesjeunes qui ne pouvaient passuivre ce mouvement ont étélaissés de côté. En terminant, M. Inchauspé a proposé quatrepistes d’action qui ont été reprises,discutées et précisées dans les ate-liers les jours suivants. Trois jeunesdans la vingtaine ont ensuite racon-té de façon humoristique leur par-cours tortueux. Ils ont su faire rire« jaune » l’assistance, étant l’illus-tration vivante du gaspillage d’éner-gie et du délaissement découlant de la situation décrite dans la con-férence.

UNE ÉTUDE RÉCENTE DE L’OCDEMme Marianne Durand-Drouhin,coordonnatrice de l’étude impor-tante menée en 1999 auprès dequatorze pays dont le Canada sur « la transition des jeunes de la for-mation initiale à la vie active »(publiée en 2000), a révélé quetous ces pays ont un noyau dur de10 à 15 p. 100 de jeunes vivant degraves problèmes. Tous travaillent àcréer des itinéraires plus ou-verts et plus souples permettantune meilleure articulation, d’unepart, entre la formation générale et

la formation professionnelle et,d’autre part, entre la formation ini-tiale et la formation continue. Leurobjectif : permettre à tous lesjeunes de quitter l’école avec un « papier » officiel attestant leursacquis.

TABLE RONDE CENTRÉE SURLES BESOINS DES JEUNESSelon les quatre participants à latable ronde venant à la fois dumilieu de l’éducation et du mondede l’entreprise, une école secon-daire qui préparerait réellementtous les jeunes au milieu du travailmettrait fin à la « sélection souter-raine » dans certains domaines pro-fessionnels et cesserait d’en obligerplusieurs à passer par l’aide so-ciale, les « petits boulots » et mêmele cégep avant d’entrer en forma-tion professionnelle, « ces diversesexpériences leur faisant souventperdre l’estime d’eux-mêmes ».On y a souligné également « leseffets pervers de nos systèmes definancement au détriment de laformation professionnelle pourles jeunes », ainsi que l’importancede « l’école orientante » pour inté-resser les jeunes et leurs parents àla formation professionnelle ettechnique.

TRAVAIL EN ATELIERSSUR LES DÉFIS À RELEVER ETSUR DIFFÉRENTES EXPÉRIENCESEN COURSNeuf ateliers ont suscité l’intérêt desparticipants qui ont proposé dif-férentes pistes d’action : la créa-tion d’une « étape intermédiairede sanction officielle des compé-tences acquises» (après la 3e secon-daire), qui motiverait les jeunes etleur permettrait d’aller plus loinensuite en rendant possible l’addi-tion de toutes les compétencesacquises au secondaire; l’élabora-tion d’un « projet de vie tenantcompte de la formation conti-nue » qui inclurait dans le parcoursscolaire normal des mois de travailou de voyage; une « exploration delieux de travail » permettant aujeune de reconsidérer ses aspira-tions professionnelles (par exemple,décider d’être gardien de sécuritédans un hôpital plutôt que méde-cin); enfin, la nécessité de repérer« les obstacles administratifs quigênent ou empêchent la mise enœuvre d’un bon nombre de solu-tions déjà trouvées localement » etl’urgence de s’y attaquer.

Les participants de chaque atelieront présenté également une expé-rience d’assouplissement desitinéraires scolaires. Ce partaged’expériences a suscité beaucoupde questions très pratiques surleurs exigences et les points à sur-veiller ainsi que sur leurs avantagespour les jeunes. Le seul atelierauquel j’ai eu la possibilité de parti-ciper portait sur l’expérience menéedepuis cinq ans à la Commissionscolaire De La Jonquière, par lecentre de formation professionnelleArvida et la polyvalente. Les jeunes y ont accès à un programme lesconduisant au DEP après la 3e se-condaire, offrant 50 p. 100 deformation générale et 50 p. 100 deformation professionnelle en con-comitance, et un double diplôme(DES et DEP) leur permettant depoursuivre ensuite des études aucégep ou à l’université. Les condi-tions clés soulignées : a) un vouloircollectif très fort; b) une collabo-ration essentielle entre les ensei-gnants des secteurs général et professionnel et avec le syndicat; c) une sélection ni trop exigeante nitrop large des élèves admis; d) unesolution à plusieurs difficultésorganisationnelles (approche indi-vidualisée ou non, horaires, trans-port, durée de la formation danschaque secteur, et surtout finance-ment « au 30 septembre » plutôtqu’« à la sanction » lorsqu’ungroupe de jeunes est inscrit à la foisà la formation générale et à la for-mation professionnelle. Les résul-tats pour les jeunes : 93,3 p. 100ont obtenu le DES et 82,7 p. 100 leDEP; 51 p. 100 sont sur le marchédu travail et 68 p. 100 poursuiventdes études. Quelques témoignagesécrits des élèves montrent bien lesaspects motivants de ce type d’ex-périences : « Enfin, j’ai un but àatteindre et je fais un lien entrel’école et mon avenir. L’enseigne-ment individualisé modulaire adéveloppé mon sens des respon-sabilités, mon autonomie et aussima patience. Travailler six heurespar jour, le soir et les fins desemaine en vaut la peine car, endeux ans et demi, nous avonsdeux diplômes plus de l’expé-rience en milieu de travail avecles stages. Ce n’est pas facile, maisquand on veut, on peut. » Parmiles autres ateliers, mentionnons :a) l’expérience anglaise pour lesjeunes de 15 à18 ans. Elle proposeà ces derniers trois voies à statut

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égal qui incluent formation géné-rale et formation professionnelle etsont considérées comme équiva-lentes quant à leurs contenus etaux diplômes décernés; b) le pro-gramme intégré secondaire-collé-gial à la Commission scolaire desAffluents, qui permet d’obtenir 3 diplômes en 5 ans (DES, DEP,DEC) dans un domaine profession-

nel; c) des expériences d’enseigne-ment individualisé et d’enseignementmodulaire; d) la familiarisationd’élèves de 4e et de 5e secondaireavec la mécanique automobile oul’esthétique par une activité con-crète dans ces domaines au centrede formation professionnelle de Ver-dun; e) plusieurs projets d’« écoleorientante » réalisés à Montréal.

CLÔTURE DU COLLOQUEM. André Caron, président de laFCSQ, a précisé les grandes orienta-tions de son organisme. Pour laFCSQ, qualifier est une mission del’école aussi essentielle qu’instruireet éduquer. La formation profes-sionnelle devra être, selon cet orga-nisme, un volet « à part entière » du

2e cycle du secondaire et être dis-pensée par des équipes stables d’en-seignants bien formés. M. Caron aterminé son allocution par une salu-tation particulière aux innovateurs :« Ceux qui créent sont parfoisdélinquants, mais ce sont eux quiamènent les normes à changer. »Marthe Henripin est consul-tante en éducation.

UNE ÉCOLE SECONDAIRE À L’AVANT-GARDE DE LA RÉFORMEpar Rhéault Côté

À l’école secondaire Saint-Paul,l’appropriation de la réformeest au menu quotidien des

enseignants et des enseignantes. Cetétablissement d’enseignement de laCommission scolaire de la Côte-du-Sud, situé à une centaine de kilo-mètres à l’est de Québec, compte328 élèves, répartis de la 1re à la 5e secondaire. Aussi, l’accessibilité à la formation professionnelle en 3e secondaire (Volet 2) et l’inser-tion sociale et professionnelle desjeunes (ISPJ) sont en développe-ment afin de mieux répondre auxbesoins particuliers des élèves, ycompris ceux qui sont en difficultéd’adaptation et d’apprentissage.Située dans un milieu rural écono-miquement faible, aux prises avecun problème de baisse d’effectifscolaire et d’exode des jeunes,l’école secondaire Saint-Paul a don-né la priorité à la réussite des élèvesdans son projet éducatif. La direc-tion et le personnel enseignant sontconvaincus de la nécessité de modi-fier certaines approches afin d’amé-liorer la réussite des élèves, prin-cipalement celle des garçons. Eneffet, la direction a proposé à sonéquipe enseignante un projet avant-gardiste qui vise la mise en place destructures favorisant la mise enœuvre de la réforme. Étant donnéque le régime pédagogique nous endonnait la latitude, il nous a suffid’augmenter de 15 minutes par jourle temps de présence des élèves, et ce, sur une base annuelle, pourpouvoir consacrer neuf joursentiers à la réforme. Toujours dansun souci d’améliorer la réussite denos élèves, ces 15 minutes supplé-mentaires ont été converties en unepériode d’étude et de travail.Une fois l’idée acceptée par lesenseignants, nous avons travailléavec ces derniers à la réalisation duprojet. Toutes les instances en ont

été saisies, soit le CPEE et le conseild’établissement de l’école, la Com-mission scolaire ainsi que le syndi-cat. Le projet est en marche depuisla rentrée scolaire.

OBJECTIFSÉtant à même de constater lesremous que crée l’implantation dela réforme au primaire et sachantque sa mise en œuvre au secon-daire serait ardue en raison de laspécialisation par matière desenseignants, l’objectif principal dece projet était d’amener le person-nel enseignant à travailler en équipe,et ce, en utilisant l’approche cons-tructiviste dans la démarche adop-tée au cours des journées d’appro-priation.À cela s’ajoutent les informationssur les éléments constitutifs de laréforme, l’apprivoisement d’ap-proches pédagogiques, la réalisa-tion de projets interdisciplinaires etmultidisciplinaires ainsi que destemps d’arrêt prévus pour évalueret pour réajuster le projet et, finale-ment, pour permettre à chacund’acquérir progressivement unevision de plus en plus claire de laréforme.

HISTORIQUEDepuis quelques années, l’écolesecondaire Saint-Paul avait amorcél’élaboration de projets qui visaientla réussite des élèves. Par l’intermé-diaire d’un projet mobilisateur, nousavons mis sur pied divers ateliersqui avaient pour objectif d’amé-liorer les pratiques pédagogiquesdes enseignantes et des enseignants.Ces ateliers portaient principale-ment sur l’enseignement straté-gique, la gestion de classe, la ges-tion des troubles de conduite et decomportement, les NTIC, etc. Nouspouvions d’ores et déjà affirmerque ces activités étaient conformesà l’esprit de la réforme.

CONTEXTEJ’avoue profiter d’un contexte favo-rable. Nommé depuis un peu plusde deux ans, je suis au fait des plusrécents éléments d’informationtouchant la Loi sur l’instructionpublique, la réforme, etc. Enrevanche, tout en assimilant lesdivers contenus, j’ai la ferme con-viction qu’un tel changement estnécessaire et qu’il faut que la direc-tion soit le maître d’œuvre de cevirage pédagogique. Par ailleurs, dans mon école, lepersonnel se renouvelle constam-ment. Ce vent de changement créeune synergie et un esprit d’équipechez les enseignants. La refonte ducurriculum amènera la disparitionde certaines matières; le personnelne sera pas touché par cette modifi-cation. De plus, la précarité despostes occasionne une insécuritéchez les jeunes enseignants.

ACTIVITÉS LIÉES À LA RÉFORMEEn 1999-2000, une équipe chargéede préparer la mise en œuvre de laréforme dans l’école a été mise surpied. Elle était formée d’enseignantset de membres de la direction. Deuxactivités de sensibilisation ont étéoffertes à l’équipe; elles portaientsur la raison d’être de la réforme etsur le profil de l’élève du secon-daire. Cette année, en septembre, jeleur ai proposé un plan d’actions’étalant sur les neuf jours. À cesjournées de sensibilisation à laréforme se sont greffés le plan deréussite et le projet éducatif del’école. Tout récemment, nous noussommes interrogés sur le contenude la réforme. Nous avons pris encompte les composantes du plan deformation, le Programme des pro-grammes et les domaines d’appren-tissage. Nous avons participé à unatelier sur le portfolio et chacun estreparti avec le sien afin de l’utiliser

comme outil de réflexion. Pour mapart, je m’en servirai pour alimenternos discussions lors des rencontresde supervision pédagogique avecles enseignants. Les prochains sujetsabordés porteront sur les para-digmes d’apprentissage, l’appren-tissage coopératif, l’enseignementstratégique, la pédagogie par pro-jets, les tâches intégratrices, l’évalua-tion authentique, les intelligencesmultiples, etc.Les journées sont structurées de lamême façon : la moitié du temps estconsacrée à la sensibilisation à laréforme; l’autre moitié, à l’élabora-tion de projets d’équipe. Chaqueenseignant a un travail précis àeffectuer afin de faire évoluer saréflexion personnelle tout en tra-vaillant en étroite collaborationavec les autres enseignants.

CONCLUSIONMis en branle au début de l’annéescolaire, ce projet avant-gardisteremporte d’ores et déjà un grandsuccès. À preuve : une vingtaine deprojets ont été réalisés dans l’écoleet le travail d’équipe, pierre angu-laire de cette vaste opération, adonné des résultats inespérés.Tout récemment, les enseignants etle conseil d’établissement se sontprononcés unanimement en faveurde la poursuite du projet l’an pro-chain. Enthousiastes et optimistes,les enseignants ont manifesté, àl’occasion d’un atelier, leurs besoinsen matière de perfectionnementafin d’être davantage outillés aumoment de la mise en œuvre de laréforme.Se pointent à l’horizon pour l’anprochain des équipes-niveaux; 70 p. 100 des enseignants désirentplanifier des projets multidisci-plinaires qui sauront améliorer laréussite de nos élèves. Ce projet est certes exigeant mais des plusexaltants.

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outils et tech-niques

outils et techniques

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L’HISTORIQUE ETLES PARTENAIRESEn 1993, des représentants d’orga-nismes gouvernementaux et d’asso-ciations du milieu du cinéma et del’audiovisuel formaient le Comité deconcertation sur l’éducation ciné-matographique au Québec. Il donnanaissance en 1995 au Projet piloted’éducation cinématographique dansles écoles secondaires du Québec.En 1997, ce comité national confia laresponsabilité de ce projet à l’Asso-ciation des cinémas parallèles duQuébec (ACPQ) et Robert Cromp,coordonnateur du projet depuis sesdébuts, joignit les rangs de l’ACPQ.En 1999, ce programme, qui a faitses preuves, devient officiellementL’Œil cinéma : L’Outil pour l’édu-cation à l’image et au langage ciné-matographiques. En septembre 2000,Robert Cromp a choisi de retournerenseigner à temps plein. Steve Fran-cœur, avec la collaboration d’AndréLavoie, assure maintenant la coordi-nation de L’Œil cinéma à l’ACPQ.Ce programme est entièrement fi-nancé par le ministère de la Cultureet des Communications du Québec(MCCQ) et par le ministère de l’Édu-

cation du Québec (MEQ). L’Officenational du film du Canada (ONF) etTélé-Québec collaborent aussi auprojet en mettant gracieusement cer-taines œuvres à la disposition duprogramme. On peut également con-sulter toute la documentation rela-tive au programme en visitant le siteInternet du MCCQ : www.mcc.gouv.qc.ca/rencontres/œil.htm.

LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUESLe premier objectif pédagogique deL’Œil cinéma est de permettre auxjeunes de développer leur senscritique et leur capacité d’analyserelativement à l’image et plus par-ticulièrement au langage cinémato-graphiques. Il vise également à sti-muler chez eux le plaisir de découvrirdes œuvres de qualité et à ouvrirleur esprit aux richesses du patri-moine cinématographique mondial.

LE CONTEXTE PÉDAGOGIQUELe cinéma est une discipline quisubit l’influence de tous les courantssociaux, politiques, historiques etartistiques; il est donc normal qu’ils’offre à maints regards et à maintesinterprétations. Le matériel pédago-gique de L’Œil cinéma tient d’ail-

L’ŒIL CINÉMA : L’OUTIL POUR L’ÉDUCATION À L’IMAGE ET AU LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUES — Programme d’études cinématographiques s’adressant au personnel enseignant et aux jeunes du secondaire — programme scolaire gratuitpar Steve Francœur

TÉMOIGNAGE DEMme KATTY BOIVINLa mise en place de notre projetpréparatoire à la réforme a été faci-litée grâce au dynamisme de notreéquipe-école. Nous sommes desenseignantes et des enseignants cons-cients que la réforme au secondaireest à nos portes et qu’elle corres-pond à un bouleversement fonda-mental. C’est en grande partie laraison pour laquelle notre équipes’est donné du temps pour se l’ap-proprier et s’y préparer en expéri-mentant la pédagogie par projets etl’intégration de matières.Grâce à ce projet, nous nous sommesdonné du temps pour nous rencon-trer et discuter de plusieurs aspectsde la réforme ainsi que pour enfinlever les barrières qui existent ausecondaire entre les matières, trou-ver des liens, des affinités entre elles.En bref, nous prenons du tempspour nous préparer à l’arrivée de laréforme; ainsi, nous serons moinsinquiets au moment de sa mise enœuvre.

TÉMOIGNAGE DEM. PAUL LEMIEUXJ’estime que le projet que notreéquipe-école se donne présente-ment va nous permettre de nousfamiliariser tous ensemble avec laréforme et les principes qui la sou-tendent. Nous avons une équipe quiprésente une ouverture évidente àtout changement de nature à amé-liorer la qualité des apprentissageset c’est agréable de nous préparercollectivement à prendre le virageannoncé. Déjà, des projets s’éla-borent entre enseignantes et ensei-gnants de disciplines différentes etnous sommes à même de constaterque souvent, par le passé, nousétions peu informés de ce qui s’en-seignait dans des matières autresque la nôtre ou les nôtres. Pour éla-borer des projets collectifs, il fautapprendre à communiquer davan-tage et à vivre la coopération defaçon plus décloisonnée si nousvoulons que les jeunes aient desmodèles de véritable coopération.Les premières rencontres ont per-mis d’obtenir des informations endiscutant avec certains d’entre nousqui ont pris une certaine longueurd’avance dans l’étude de la réformeet c’est plus motivant dans un cadrede ce genre que d’avoir à se taperde nombreuses lectures souventtrop arides.

TÉMOIGNAGE DEMme NADIA NADEAUNotre projet me permettra de vivreplus calmement l’arrivée de laréforme dans notre système sco-laire. Ainsi, déjà, je propose à mesélèves des projets qui permettentl’intégration de différentes matières.Le fait d’avoir une journée consa-crée à la planification de projets medonne du temps pour les mettre aupoint et m’imprégner de ce renou-veau. Ainsi, notre école s’appropriepeu à peu la philosophie de cette

réforme et nos élèves ne sont plusdes cobayes, mais des participants àcette initiative. Pour ce qui est desenseignants, ils s’enrichissent deconnaissances autres que celles deleur matière, mais cela est rendupossible grâce à la générosité denotre équipe qui accepte volontiersde participer à un tel projet.Ce projet nous apportera la sécurité :de spécialiste que j’étais, généra-liste je serai. Mes connaissancesseront plus diversifiées et mesélèves ne subiront pas le stress de

l’instauration de la réforme. Ils seseront, entre autres choses, déjàfamiliarisés avec le portfolio et ilssauront l’utiliser. Enfin, l’avenird’un tel projet ne peut être queprometteur, à condition qu’il soitréalisé dans l’intérêt de l’élève. Cetype de projet, qui paraît certesexigeant à première vue, nousamènera à vivre plus sereinement lafameuse arrivée de la réforme.M. Rhéault Côté est directeurde l’école secondaire Saint-Paul.

leurs compte des contenus de plu-sieurs programmes d’études del’enseignement secondaire : Art dra-matique, Arts et communications,Arts plastiques, Enseignement mo-ral, Français, Histoire et Musique.Suivant cette stratégie, des spécia-listes en éducation cinématogra-phique ont rédigé un cahier d’accom-pagnement pour l’étude de chacundes films sélectionnés. Conçus pourles enseignants participant au pro-gramme, ces cahiers comportent des éléments de contenu, des exer-cices et des thèmes de discussionqui peuvent s’intégrer à plusieursmatières.

LE FONCTIONNEMENTLes activités de formation s’arti-culent autour de la présentation detrois films par année à l’intérieurd’un cours d’environ 25 heures.Normalement, de six à huit heuresde travail sur chaque « bloc-film » (ycompris le visionnement) sont néces-saires pour atteindre les objectifspédagogiques du programme. Toute-fois, l’étude d’au moins deux filmspar année permet aux activités d’avoirdes effets bénéfiques sur les jeunes.

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lus, vus et entendus

lus, vus et entendus

BOUCHARD, NANCY. L’ÉDUCATION

MORALE À L’ÉCOLE. UNE APPROCHE

PAR LE JEU DRAMATIQUE ET

L’ÉCRITURE, SAINTE-FOY, PRESSES

DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC, 2000,90 PAGES.Pour bon nombre de raisons, lerègne des idées de LaurenceKolhberg notamment, plusieurspersonnes, tant éducateurs queparents, considèrent que l’ensei-gnement moral devrait porter prin-cipalement sur le développementdes ressources intellectuelles etraisonnables rattachées au juge-ment critique. Derrière ce point devue se cache parfois un idéal de lapersonne morale qui peut donnerfroid dans le dos tant il sembleinhumain. La personne morale

prendrait des décisions en se situanthors des situations et en faisant fi deses sentiments, de sa vulnérabilitéou de ses enthousiasmes. « Taisez-vous, mon cœur et ma volonté, jevais régler ce problème moral avecla seule force de ma raison. »À l’encontre de cette conception del’éducation morale, l’approche quepropose Nancy Bouchard requiertet développe les ressources de latête, du cœur et de la volonté. Celaétant dit, on ne sera pas surpris quel’approche pédagogique proposées’inspire de l’art dramatique. N’est-il pas un haut lieu de l’expressionconcertée des idées, des sentimentset des tergiversations de la volonté?Mais l’art dramatique n’est pas iciun mince enrobage pour adapter lapédagogie morale ou pour en dorer

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Pour chacune des œuvres, un cahierd’accompagnement est offert aupersonnel enseignant. Il aborde unthème principal et des thèmes se-condaires relatifs au septième art.Chaque cahier comprend trois par-ties : la préparation au visionnement,la projection du film et un retour surl’œuvre (analyse). Ces documentspermettent à l’enseignant de prépa-rer les élèves au travail à faire et pro-posent des activités pédagogiques serapportant aux œuvres cinématogra-phiques à visionner.Dans tous les cahiers, on présente,de manière exhaustive, des élémentsthéoriques et des exercices pra-tiques sur le cinéma. Dans ses cours,l’enseignant peut traiter à sa conve-nance la matière qui y est proposéeafin d’assurer un lien étroit entre sadémarche pédagogique, son pro-gramme et l’étude du cinéma.Un cahier d’introduction explique la structure des différents cahiersd’accompagnement et présente lesnotions de base du langage ciné-matographique ainsi que les prin-cipaux métiers du cinéma. Il estaccompagné d’un cédérom utili-sable dans un environnement IBMseulement.Les enseignants désireux de parti-ciper au programme L’Œil cinémadoivent s’y inscrire et faire leurschoix de films au début de l’annéescolaire. Toutefois, selon les dispo-nibilités des copies, il est parfoispossible de s’inscrire au programmedurant d’année.

LE MATÉRIEL PÉDAGOGIQUELes cahiers d’accompagnement et lecédérom P’tit coup d’œil sur lecinéma sont offerts aux enseignantset aux élèves. Les cassettes vidéo desfilms à l’étude sont acheminées aumoins trois semaines avant la datede projection (droits de présenta-tion acquittés).Des documents audiovisuels com-plémentaires traitant des métiers ducinéma et de la télévision (droits deprésentation acquittés) sont égale-ment disponibles pour les ensei-gnants désirant poursuivre l’étudedes thématiques et des films prin-cipaux.

LA FORMATIONDES ENSEIGNANTSAu début de l’année scolaire, àMontréal et à Québec, les enseignantspeuvent assister à une journée deformation relativement au langagecinématographique et à l’utilisationdes cahiers pédagogiques.

Des sessions de formation etd’échange d’idées sur les métiers ducinéma, la scénarisation, les tech-niques du cinéma, etc. sont éga-lement offertes. Les responsablespeuvent se déplacer sur demandepour donner de la formation enrégion à tout groupe de cinq ensei-gnants ou plus.

L’ÉQUIPEMENT DE PROJECTIONIl est possible d’emprunter, selon sadisponibilité, un prêt-à-monter pourla projection vidéo sur grand écran(frais d’expédition aller-retour etfrais d’assurance inclus) compre-nant un projecteur vidéo grand

écran, un magnétoscope haute fidé-lité, un lecteur de disque DVD, unsystème de son portatif de qualité etun écran.On peut également organiser unesortie au cinéma pour la projectionen 35 mm d’un des films à l’étude(frais de location et de transport dela copie 35 mm ainsi que de locationde la salle payés; en revanche, lesfrais de transport des élèves sont à lacharge des écoles). Nos ressourcesfinancières permettent un nombrelimité de sorties au cinéma, les pre-miers demandeurs auront la prio-rité. Veuillez noter que certains titresne sont pas offerts en 35 mm.

INSCRIPTIONOn peut s’inscrire au programmeL’Œil cinéma en remplissant le for-mulaire disponible dans les bureauxde l’ACPQ :Monsieur Steve FrancœurL’Œil cinémaAssociation des cinémas parallèles du Québec4545, avenue Pierre-de-CoubertinCase postale 1000, succursale MMontréal (Québec) H1V 3R2Courriel : oeilcin@loisirquebec.

qc.caTéléphone : (514) 252-3021,poste 3716

RÉPERTOIRE ÉDUCATION ET FORMATION 2001-2002La septième édition du RépertoireÉducation et formation fournit lescoordonnées postales et télépho-niques, ainsi que divers renseigne-ments sur les établissements d’en-seignement, les organismes privésou publics, les fournisseurs de ser-vices professionnels qui exercentleurs activités dans le milieu de

l’éducation et de la formation auQuébec. Cet ouvrage de référencequi comporte 1 300 noms est unesource d’information largementconsultée que vous aimerez avoir àportée de la main en tout temps.Pour obtenir de plus amples ren-seignements sur la façon d’avoiraccès à ce répertoire ou de vous y

inscrire, adressez-vous à QUÉBECDANS LE MONDE, par téléphone aunuméro (418) 659-5540, par télé-copieur au (418) 659-4143, ouencore par courriel, à l’adresse :[email protected] ou à partirdu site Web : www.quebecmonde.com.

la pilule. On y a recours pour desraisons qui tiennent à la naturemême de la formation morale quel’auteure définit en s’inspirant et enrevisitant les travaux de MarkB.Tappan et de Lyn Mikel Brown.L’auteure affirme que la formationmorale se fait non seulement par lanarration et l’analyse des expé-riences morales, mais aussi par larencontre des voix morales. Onpourrait tout aussi bien dire quel’éducation morale se réalise aurendez-vous des expériences mo-rales. Nancy Bouchard montre bienque le jeu dramatique permet cetterencontre des expériences parti-culières dans le respect de l’intimitéde chacun. Il ne s’agit pas ici pourl’élève de raconter un bout de sa vieen le jouant ou de se livrer, toutes

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défenses baissées, en pâture à lacritique des autres élèves. L’élèveest invité à jouer des situations pro-posées par l’enseignant ou l’ensei-gnante mais dans lesquelles, sous lecouvert du personnage et des cir-constances proposées, il va livrerson point de vue moral et enregarder d’autres de près. « Utiliserle jeu dramatique pour une ap-proche narrative de l’expériencemorale ne consiste en aucun cas àjouer l’expérience tragique et nonrésolue de l’élève » (page 29). Il estbien clair que le « jeu dramatiquecrée une distance entre la personneet sa situation réelle par le person-nage et le récit » (page 29). Il « nevise pas à une reproduction fidèlede la réalité, mais à une analyse de celle-ci à partir d’un discourstenu dans le langage artistique »(page 29).Le livre contient des exemples dejeux dramatiques réalisés avec lesélèves ainsi que les commentairesécrits que ceux-ci ont livrés au termede l’activité. Dans cette communica-tion sur papier, qui ne s’adressequ’à leur enseignant ou enseignante,les élèves peuvent se révéler un peuplus que dans le jeu et continuerd’affirmer ce que Bouchard appelle,après Tappan et Brown, leur auto-rité d’auteur. Bien que l’expressionsemble appartenir au monde litté-raire, elle est tout à fait adaptée audomaine moral. Affirmer son auto-rité d’auteur, c’est défendre sa pro-pre perspective morale devant lessituations. C’est en quelque sortesoutenir devant une situation : « Voicice que je ferais, voici ce que j’aidéjà fait dans pareil cas, je persisteet signe, c’est mon choix, je peuxvous expliquer pourquoi. »En annexe à son livre, l’auteuredéveloppe l’idée que l’éducationmorale ne se fait pas seulement parla rencontre des expériences desélèves, mais aussi par cellesd’hommes et de femmes d’hier etd’aujourd’hui qui ne se trouvent pasdans la classe mais qui peuventintervenir d’une manière ou d’uneautre dans le dialogue. « L’ensei-gnement moral doit être le lieu où une variété de voix morales(celles de notre culture et des autrescultures) transmises à travers lemonde vécu (à travers l’histoire, lesarts, la littérature, les médias, etc.)sont entendues, remises en ques-tion, critiquées, intériorisées ouencore, rejetées » (page 77).Jean-François Giguère

MORIN, EDGAR. LES SEPT SAVOIRS

NÉCESSAIRES À L’ÉDUCATION DU

FUTUR, PARIS, SEUIL, SEPT. 2000,130 P.À la demande et avec l’appui del’UNESCO, la publication de cetouvrage complète un cycle deréflexion que l’auteur désigne parle terme de « trilogie pédago-gique ». À ce titre, Edgar Morinredéploie les idées et opinionsénoncées dans La tête bien faite.Repenser la réforme. Réformer lapensée (Vie pédagogique, no 113nov.-déc. 1999, p. 56) et dansRelier les connaissances. Le défidu XXIe siècle (Seuil, 1999), afin demettre davantage en lumière lessept thèmes qui, à son sens, doiventdevenir fondamentaux dans nosenseignements. « Ces thèmes pareux-mêmes permettraient d’inté-grer les disciplines existantes etde stimuler les développementsd’une connaissance apte à releverles défis de notre vie individuelle,culturelle et sociale » (p. 16).Voici un bref survol des sept savoirssusceptibles d’aider chacun etchacune à apprendre à vivre et àaffronter la vie dans un autre siècle.1. Faire connaître ce qu’est la con-

naissance humaine et son talond’Achille : les risques permanentsd’erreur et d’illusion.

Selon Morin, l’éducation doit s’at-tacher à débusquer les sourcesd’erreurs, d’illusions et d’aveugle-ments. « Une connaissance n’estpas le miroir des choses ou dumonde extérieur » (p. 18). Lesperceptions sont des reconstruc-tions cérébrales. À l’erreur deperception peut s’ajouter l’erreurd’interprétation et le risque d’er-reur à l’intérieur même de lasubjectivité du connaissant (para-digmes inscrits culturellement dansl’individu). Parmi les conditions quipermettraient l’émergence d’inter-rogations fondamentales sur la con-naissance, retenons la mise enplace d’activités d’observation etd’auto-observation critiques et auto-critiques, etc. Somme toute, Morinrelève un besoin d’échanges d’idéeset de communication entre les dif-férentes régions de notre esprit, unbesoin de négociation entre nosesprits et nos idées afin d’éviteridéalisme et rationalisation (risquesd’illusions) : « S’il peut y avoir unprogrès de base au XXIe siècle, ce

serait que les hommes et femmesne soient plus les jouets incons-cients non seulement de leursidées mais de leurs propres men-songes à eux-mêmes. C’est undevoir capital de l’éducation qued’armer chacun dans le combatvital pour la lucidité » (p. 33).2. Rendre évidents les principes

d’une connaissance pertinente,c’est-à-dire qui prend en compteles problèmes globaux, fonda-mentaux et complexes de l’èreplanétaire que nous vivons.

Pour Morin, le contexte actuel detoute connaissance – qu’elle soitpolitique, écologique, anthro-pologique ou autre – est le mondelui-même. La question fondamen-tale qu’il pose au milieu de l’édu-cation concerne notre aptitude àarticuler et à organiser les informa-tions sur le monde. « Il y ainadéquation […] entre, d’unepart, nos savoirs […] morcelés,compartimentés et, d’autre part,des problèmes de plus en pluspolydisciplinaires, transversaux,multidimensionnels, transna-tionaux, globaux, planétaires »(p. 36). Il faut donc une réformede pensée. Pour qu’une connais-sance soit pertinente, l’éducationdevra rendre évidents le contexte,l’aspect global (relation entre letout et ses parties), l’aspect multidi-mensionnel, le complexe. « Inca-pable d’envisager le contexte et lecomplexe planétaire, l’intelli-gence aveugle rend inconscient etirresponsable » (p. 44).3. Enseigner la condition humaine.Tout individu porte en lui des carac-tères communs et singuliers sus-ceptibles d’alimenter l’étude de lacomplexité humaine, l’émergencede la conscience d’une conditioncommune à tous les humains. L’unedes missions essentielles de l’édu-cation serait de « veiller à ce quel’idée d’unité de l’espèce humainen’efface pas celle de sa diversité »(p. 58).4. Enseigner l’identité terrienne.La réalité de l’enracinement commecitoyens de la Terre doit inspirerl’enseignement de l’histoire de l’èreplanétaire. Il s’agit de démontrercomment les humains, faisant faceaux mêmes problèmes relatifs à lavie et à la mort, vivent une commu-nauté de destin qui dépasse lacompétence isolée des États (p. 83).« La reliance doit se substituer à

la disjonction et appeler à la“symbiosophie”, la sagesse devivre ensemble » (p. 84).5. Affronter les incertitudes.Morin nous convie à reconnaître« le caractère incertain et fragiledu progrès » (p. 101). « L’abandondes conceptions déterministes del’histoire humaine [… ], l’examendes accidents de notre siècle […]doivent nous inciter à préparerles esprits à s’attendre à l’inat-tendu pour l’affronter » (p. 14).6. Enseigner la compréhension.« L’éducation devra comprendreune éthique de la compréhensionplanétaire » (p. 85). La compré-hension humaine va au-delà de l’ex-plication : de par son caractèreintersubjectif, « comprendre inclutnécessairement un processusd’empathie, d’identification et deprojection » (p. 105).7. Poursuivre les finalités éthico-

politiques du nouveau millé-naire : enseigner la démocratie etla citoyenneté terrestre.

Au chapitre 3, Morin conçoit lacomplexité du genre humain à par-tir de la triade individu-société-espèce : « Telle est la base d’uneanthropo-éthique […] » (p. 120).Ainsi, il affirme que « tout dévelop-pement du genre humain signifiedéveloppement conjoint des auto-nomies individuelles, des parti-cipations communautaires et dusentiment d’appartenance à l’es-pèce humaine » (p. 119).Les propos d’Edgar Morin trou-veront un écho chez les lectrices etlecteurs qui se sentent particulière-ment interpellés par la réformeactuellement en cours dans le sys-tème scolaire québécois. Les septsavoirs nécessaires à l’éducationdu futur constitue une synthèseremarquable de la réflexion péda-gogique de l’auteur. Le chemine-ment professionnel de ce socio-logue, anthropologue et philosopheincarne in se les principes mis enavant dans son œuvre et témoignede la possibilité d’excéder le cadredes disciplines dont il pourrait seréclamer.Mireille Jobin

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À quel titre travaillez-vous en éducation ou vous intéressez-vous à ce domaine?• administrateur scolaire 13• commissaire d’école 14• directeur d’école ou directeur adjoint 15• enseignant 16• étudiant 17• personnel du ministère de l’Éducation 18• professionnel non enseignant 19• parent 20• autre 65

Un jour, je demande à mes élèves de première année s’ils connaissent laraison pour laquelle, à l’oral, on doit prononcer « un œuf » [œf ] et « desœufs » [Ø]. Souriant et fier de lui, un élève lève la main et me répond :« c’est simple, c’est à cause de la livraison! (liaison) »Alexandra Charron

DE LA NOUVEAUTÉ!!! Si vous résidez au Québec, vous pouvez maintenant vous abonner à Vie pédagogique ou, le cas échéant, procéder à votre changement d’adresse via le site Internet du ministère de l’Éducation http://www.meq.gouv.qc.ca (onglet publications).

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Un jour, lors de la causerie du matin, une petite fille nous apprend que sagrand-mère est à l’hôpital. « Elle a une paupière sur le rein » nous dit-elle.Marcelle Potvin

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