La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

169
Ministère de la Culture et de la Communication École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La-Villette (ENSAPLV) Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement (DSA) en Architecture Mention Architecture et Projet Urbain Thématique Projet Urbain et Métropolisation (PUM) Directeur de mémoire : Patrick DUGUET Mémoire DSA – 2ème année La généalogie de la topographie de la frange du boulevard circulaire de La Défense Antonios TSILIGIANNIS, N o 20130339 Architecte-Ingénieur, Urbaniste, Etudiant DSA ENSAPLV – 2ème année Paris, Juin-Juillet 2015

description

Mémoire de recherche soutenu le 10/07/2015 au sein du Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement en Architecture et Projet Urbain, Mention « Projet Urbain et Métropolisation », de l'École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-la-Villette, France

Transcript of La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

Page 1: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

Ministère de la Culture et de la Communication

École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La-Villette (ENSAPLV)

Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement (DSA) en Architecture

Mention Architecture et Projet Urbain

Thématique Projet Urbain et Métropolisation (PUM)

Directeur de mémoire : Patrick DUGUET

Mémoire DSA – 2ème année

La généalogie de la topographie de la frange

du boulevard circulaire de La Défense

Antonios TSILIGIANNIS, No 20130339 Architecte-Ingénieur, Urbaniste, Etudiant DSA ENSAPLV – 2ème année

Paris, Juin-Juillet 2015

Page 2: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

Copyright © 2015, Antonios TSILIGIANNIS

Page 3: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

REMERCIEMENTS

Principalement je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Patrick DUGUET, pour ses conseils précieux.

Ensuite, je tiens à remercier Xavier BRAINE des Etudes Urbaines d’AREP Ville et Isabelle DUCOS de la Direction Opérationnelle de l’EPADESA qui m'ont aidé dans ma démarche.

Je tiens également à remercier Johan HUYNH-TAN de l’Infothèque DEFACTO, Jean-Marc LEFEBVRE du Service Archives DEFACTO, Julia BONTEMPI et Vianney DUGRAIN de l’EPADESA, Yvan CLERC et Muriel BESSOT du Service Archives de la Région Île-de-France, qui m’ont beaucoup aidé en me fournissant du matériel précieux pour le déroulement et l’achèvement de cette recherche.

Enfin, je tiens à remercier la Fondation Bodossaki et l’Ambassade de France en Grèce, pour m’avoir sélectionné pour leurs bourses et pour m’avoir soutenu durant la longueur de mes études de DSA à l’ENSAPLV. Sans leur soutien, ces études et cette recherche seraient impossibles à effectuer.

Je tiens également à remercier ma famille et Areti-Rafaella VEROU, pour leur soutien moral jusqu'à la fin.

Page 4: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

INTRODUCTION…………………………………………………………...………01

I. Présentation du sujet…………………………………………………...01

I.i. Constats...........................................................................................01

I.ii. Enjeux.........................................................................................….02

II. Principal questionnement de départ…………………………………05

II.i. Hypothèses initiales………………….…………………………………05

II.ii. Intérêt personnel……………………..…………………………………05

III. Exploration du champ de connaissances…..………………………07

III.i. Le topos…………………………………………………………………07

III.ii. La topographie…………………………………………………………08

III.iii. La généalogie de la topographie………………..……………………10

III.iv. Les franges…………………………………………….………………12

III.v. La topographie des franges de La Défense…………………………12

IV. Formulation de la problématique…………………….………………19

IV.i. Reformulation de la question de départ…………………...…………19

IV.ii. Hypothèses et axes de travail…………………...……………………20

V. Corpus et méthodes………………………………...…………………22

CHAPITRE 1 : LA GENEALOGIE DE LA TOPOGRAPHIE DES FRANGES….……………….……………………………………………...…23

1.1. Du 15e siècle jusqu’à 1921…………………………………………23

1.1.1. La naissance de l’axe historique et les premières interventions de l’homme sur la topographie naturelle de La Défense……………….……23

1.1.2. La Défense acquiert son nom et la topographie naturelle s’altère en raison de l’industrialisation…………………………………………………26

1.1.3. Les premières franges urbaines font leur apparition au territoire de La Défense……………………………………………..……………………28

Page 5: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

1.2. De 1922 jusqu’à 1949………………………….……………………31

1.2.1. La modernisation suspendue provoque la naissance de la modernité et de l’urbanisme de dalle……………………………..………31

1.2.2. L’axe historique et La Défense à l’épicentre des visions modernes……………………………………………………………………36

1.2.3. Les caractéristiques topographiques de La Défense se stabilisent avant la construction du quartier d’affaires……………………………….39

1.3. De 1950 jusqu’à 1958……………………….………………………42

1.3.1. L’invention du cadre pour la création du quartier d’affaires de La Défense…………………………………………………………...…………42

1.3.2. Le début d’une opération d’urbanisme moderne et la création d’un établissement…………………………………………….…………………44

1.3.3. La topographie de La Défense face à changements profonds…………………………………………………………….....……47

1.4. De 1959 jusqu’à 1964……………………….………………………49

1.4.1. La séparation des flux routiers par les flux piétons et l’urbanisme de dalle mises à l’épreuve………………………….………………………49

1.4.2. L’architecture de tours, l’urbanisme de dalle et l’éradication de bidonvilles à l’épicentre de l’aménagement de la région parisienne.……52

1.4.3. Le processus de la planification de la dalle et du boulevard circulaire et leur consolidation dans le plan-masse de 1964……………54

1.4.4. La topographie de La Défense marquée par les premiers chantiers, les HLM et les bidonvilles………………………………………..…………64

1.5. De 1965 jusqu’à 1971…………………………….…………………69

1.5.1. La diffusion de l’urbanisme de dalle et des projets autoroutiers…69

1.5.2. La reconfiguration du réseau routière et la modification du plan-masse de La Défense………………………………………………………72

1.5.3. La topographie de La Défense devient synonyme des chantiers et des infrastructures autoroutières…………………………..………………77

1.6. De 1972 jusqu’à 1977………………………….……………………83

1.6.1 Les réactions à la modification du plan-masse par Millier, la « querelle des tours » et une crise qui frappe de La Défense……………83

Page 6: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

1.6.2. Le concours pour l’aménagement du quartier « Tête Défense » : faut-il fermer l’Axe ? ……………………………………..…………………85

1.6.3. L’analyse topographique de Gérald Hanning qui passe inaperçue……………………………………………………………………90

1.6.4 La topographie de La Défense en un état critique……...…………93

1.7. De 1978 jusqu’à 1988…………………………….…………………97

1.7.1. L’architecture au service de la lutte des villes globales…..………97

1.7.2. Le relancement de l’opération de La Défense et du projet « Tête Défense » qui devient « Grande Arche » ………………….………………99

1.7.3. La Défense se densifie jusqu'à la limite du boulevard circulaire sous le développement mené par les promoteurs………….…………..104

1.8. De 1989 jusqu’à 2005………………………….…………….……106

1.8.1. Les aménagements urbains au service de la lutte des villes globales……………………………………………………………...…….106

1.8.2. La Défense franchit la limite du boulevard circulaire…………….108

1.8.3. La topographie de La Défense s’altère afin de trouver des liens avec les territoires voisins…………………………..………….…………111

CHAPITRE 2 : LA GENEALOGIE DE LA TOPOGRAPHIE DES FRANGES A L’ENVERS………………………………………………………..………………..115

2.1. La Défense face à la concurrence mondiale : un territoire sans franges (?)……………………………………………..………………..…115

2.1.1. Une nouvelle stratégie pour La Défense qui mène à son Plan de Renouveau……………………………………………………..……….…115

2.1.2. Une nouvelle gouvernance pour La Défense et un Plan Guide pour ses espaces publics…………………………………..……………..……123

2.2. Les projets d’aménagement des franges urbaines périphériques de La Défense…………………………………………...……….………128

2.2.1. Le projet de requalification du boulevard circulaire…………...…128

2.2.2. Les projets d’aménagement des franges s’appuyant au projet de la requalification du boulevard circulaire…………………………………138

Page 7: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

CONCLUSION………………………………………………………………….…142

INDEX ET SOURCES DES IMAGES…………….……………………..………144

BIBLIOGRAPHIE……………………………………........………………………148

Page 8: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense
Page 9: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[1]

INTRODUCTION

I. Présentation du sujet

I.i. Constats

Le quartier de La Défense en région Île-de-France se différencie des autres quartiers d’affaires dans le monde, il devient un cas intéressant et unique et demande à être étudié comme un cas exceptionnel. Il s’agit, tout d’abord, du premier quartier d’affaires à être établi en sol européen, étant en même temps le plus grand du continent. Ces caractéristiques principales sont les dimensions extraordinaires du site, ainsi que la dominance des silhouettes verticales des tours qui ce concentrent dans un ouvrage horizontal surdimensionné et monumental, inscrit dans le prolongement de l’axe historique parisien.

La Défense est aussi un lieu de forte mixité fonctionnelle. Outre le secteur tertiaire qui occupe la plupart des 72 tours de grande hauteur, il s’agit d’une centralité dans la métropole avec des usages multiples et de nombreux utilisateurs. Le site de La Défense accueille plus de 600 000 mètres carrés de logements, plusieurs hôtels, des établissements universitaires, et l'ouverture du centre commercial des Quatre Temps en 1981 en a fait un pôle commercial majeur en région Île-de-France. Aujourd’hui, le quartier compte 2 950 entreprises, environ 180 000 salariés, 25 000 habitants, 45 000 étudiants et plus de 8,4 millions de touristes par an1. La Défense est un des plus grands pôles de mobilité en Europe. Le quartier s'étire à l'intérieur et à l'extérieur d'un boulevard circulaire à sens unique et est desservi par la ligne de métro 1, le RER A, le Transilien, la ligne du tramway 2 et 16 lignes de bus de la RATP. Plus de 80% des déplacements sont faits en transports communs, qui fait de La Défense une exception mondiale parmi le reste des quartiers d’affaires. Enfin, elle est aussi un cas exceptionnel par son niveau symbolique. Elle joue un rôle primordial dans l’économie parisienne attirant de milliards d’euros en investissements domestiques et étrangers et elle a permis de créer une image de marque dans le monde des affaires français. La Défense est aujourd’hui perçue comme une centralité majeure et elle est un repère fondamental de l’identité métropolitaine, en étant un site majeur de son économie2.

Cependant, si La Défense est bien établie comme centralité dans la région parisienne en termes économiques, d’usages et de flux, elle n’est pas encore considérée comme un « haut lieu » de l’urbanité de la région parisienne. Elle est

1 Centralités, 2013, « Redécouvrez le quartier de La Défense », No 1, septembre, 1er trimestre, pp. 6-7 2 Ringelstein, D. R., 2013, « Etat des lieux », ‘A’A’ Perspectives : La Défense, Le futur des espaces publics, Hors-série, p. 14

Page 10: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[2]

souvent décrite aujourd’hui comme une succession de projets immobiliers érigés sans véritable souci de cohérence ; un patchwork qui rassemble à un labyrinthe d’éléments urbains en désordre. Elle est aussi perçue comme une enclave spécialisée et détachée du territoire qui l’entoure, que comme une centralité sensible et attractive dans la métropole parisienne3. Les démarches de la création de La Défense datent à l’époque où le monde politique français a décidé de répondre aux problèmes majeurs de la métropole parisienne. En fournissant une grande et nouvelle offre d’espaces de bureaux pour les grandes entreprises qui demandaient des infrastructures commerciales plus adaptes de celles existantes au centre de Paris, La Défense a permis à la capitale française de s’établir et de rester jusqu’aujourd’hui un centre économique d’échelle mondiale. Simultanément, l’attractivité du centre historique n’a pas été altérée par l’implantation de ce vaste programme en dehors du centre-ville, tout en inscrivant le quartier d’affaires dans l’axe majeur monumental de la ville de Paris, suivant l’extension de la ville vers l’Ouest.

I.ii. Enjeux

Le quartier d’affaires de La Défense, même s’il est situé dans la banlieue occidentale de Paris, retient des liens directs avec le centre-ville de Paris à travers le réseau du métro et du RER, ainsi que des liens visuels à travers la préservation de l’axe monumentale, grâce à sa dalle. Ces liens n’étaient pas seulement souhaités, mais aussi soigneusement planifiés depuis la démarche de la construction de La Défense. Bertrand Lemoine, le directeur général de l’Atelier International du Grand Paris (AIGP), identifie La Défense comme une sorte d’objet extraterritorial, une métaphore d’une « île », à cause de sa conception, mais aussi à cause du fait qu’elle est entourée d’une limite très forte, le boulevard circulaire. Il constate que cette « île » vive sa propre vie sur laquelle se développent indépendamment des tours, sans rapport à son extérieur4. Cette sorte d’île, ou plutôt cette presque île, semble d’être lancée par Paris vers sa banlieue occidentale, comme un élément étranger5. Malgré son importance et son succès dans sa relation avec Paris, La Défense n’est pas nécessairement perçue aujourd’hui comme un lieu agréable pour se promener et pour y accéder, notamment si on l’essaie par ses alentours. Une emprise encore plus difficile est celle d’y vivre et de faire ses activités au quotidien, surtout chaque fois qu’on décide de quitter la continuité de l’axe monumental sur la dalle. Les problèmes principaux actuels de La Défense sont identifiés surtout d’étant des problèmes liés au manque de succès de ses espaces publiques.

3 Armengaud, Marc ; Armengaud, Matthias ; Cianchetta, A., 2011-2013, « Le Plan Guide : Un outil de référence », ‘A’A’ Perspectives : La Défense, Le futur des espaces publics, Hors-série, p. 58 4 Lemoine, B., 2013, « La Défense dans le Grand Paris », op. cit., p. 63 5 Picon-Lefebvre, V., 2012, « Une île ou une presque île reliée à Paris », La Défense : Un dictionnaire, Paris, Editions Parenthèses, p. 144

Page 11: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[3]

Le débat autour le renouveau du quartier par l’EPADESA, son établissement public d’aménagement, combiné avec l’intensité toujours croissante de sa fréquentation, ont généré un regain d’intérêt pour ces espaces publics, tant au plan de leur efficacité fonctionnelle que de leur symbolique et de la reconnaissance des pratiques qu’ils accueillent. Il est aujourd’hui constaté que si les concepteurs modernistes envisageaient la ville historique en termes de problème à résoudre, le quartier d’affaires leur apportait la solution. Toutefois, actuellement le public semble de n’être pas intéressé à investir aux espaces publics proposés par le modernisme, et il est évoqué que c’est celui le problème le plus grand de La Défense. Son échelle, son architecture, ses espaces publiques, constituent l’articulation de son espace urbain problématique, et surtout semblable de n’avoir rien en commun avec les lieux de son périmètre immédiat. Cela crée le sentiment de se trouver dans un non-lieu, amplifiant cet effet d’île déjà évoqué. Aujourd’hui, le manque de perception, d’orientation et d’appropriation de l’espace dans La Défense rend son image dépassée et mal conçue6.

De nombreux facteurs sont identifiés d’être à l'origine du phénomène de la perception problématique de La Défense, comme le caractère monofonctionnel des tours, la sensation monotone de la surface de la dalle, le manque d’événements et d’activités pendant l’après-midi et la nuit, les espaces vides et inexploitées au dessous de la dalle, ainsi que l’espace des franges urbaines situées au boulevard circulaire. Le diagnostique de l’EPADESA arrive à la conclusion que 50 ans après la définition de la feuille de route de La Défense, ses fondamentaux restent toujours apparents. La Défense repose toujours sur son axe, mais de ce fait, elle souffre d’un phénomène d’obsolescence qui touche différents domaines. Selon ce diagnostique, l’urbanisme de dalle et ses problèmes de connexion avec son environnement ne sont plus synonymes de la modernité, mais d’une quasimonofonctionnalité qui crée une multitude de dysfonctionnements responsables pour le manque d’attractivité du quartier. Ensuite, l’aspect environnemental et esthétique des tours est évoqué comme une caractéristique qui rend le quartier obsolète, ainsi que comme la raison principale pour le manque d’attraction de flux capitaux pour des nouveaux investissements7. Dans ce cadre d’identifications, Paola Vigano précise que le problème est surtout lié à la question de la lisibilité et de la visibilité entre le quartier et son contour immédiat, affectant les mouvements piétons et cyclables, en forçant les usagers potentiels soit à utiliser leurs voitures pour y accéder, soit de l’éviter complètement. Aujourd’hui, la zone des franges de La Défense est perçue comme un terrain d’une complexité excessive dont la lisibilité est rompue et l’orientation devient difficile. Cette complexité en fait un

6 Anbinder, J., « Livin’ on the Edge : La Défense, Chengdu, Fairfax County », The Century Foundation [En ligne], Workers & Economic Inequality, Livin’ on the Edge : La Défense, Chengdu, Fairfax County, mis en ligne le 31 juillet 2013, consulté le 01 juin 2014. URL : http://tcf.org/work/workers_economic_inequality/detail/living-on-the-edge 7 La Défense 2050 : Au delà de la forme, 2011, Actes de la 29e session des Ateliers Internationaux de maîtrise d’œuvre urbaine, Cergy-Pontoise, pp. 22-53

Page 12: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[4]

périmètre très difficile à gérer, couteux à entretenir, mais surtout inanimée et sans activité humaine8.

La vaste opération de renouvellement de la Défense et de requalification de ses espaces publics est aujourd’hui en train d’être réalisée, suite aux diagnostiques menés qui ont apporté en surface les enjeux actuels du site, comme ils ont été identifiés. Le renouvellement des tours existantes en les faisant plus écologiques, ainsi que l’augmentation de la connectivité de La Défense avec le reste de la région francilienne a déjà commencé sous les directives du Grand Paris Projet. En plus, le Plan Guide de La Défense propose une vision stratégique et des potentialités nouvelles pour les espaces publiques, outre le renouement du parc immobilier. Ce plan a été créé surtout pour traiter des espaces publics considérés obsolètes et en singulier décalage avec le modernisme des tours et de la dalle. La perception principale est qu’afin d’avoir un quartier d’affaires compétitif en niveau mondial, il ne suffit pas de rénover des tours, mais il s’agit aussi d’instaurer un même niveau d’exigence pour les espaces environnants, les espaces de transition et les lieux d’échanges. L’objectif propagé est celui de faire La Défense un endroit attirant pour tous et pendant toute la durée de la journée en ciblant surtout sur la façon dont l’espace publique est évalué pour mieux utiliser les 95 hectares de surface libre à ses franges, créés par l’aménagement d’origine9.

8 Vigano, P., 2013, « Etat des lieux », op. cit., p. 18 9 La Défense 2050 : Au delà de la forme, 2011, op. cit., pp. 54-71

Page 13: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[5]

II. Principal questionnement de départ

II.i. Hypothèses initiales

De ce nombre de facteurs constatés et diagnostiqués, l’espace des franges de La Défense, avec les problèmes qui l’accompagnent, semble d’être le moins recherché, à cause de sa complexité. Cette complexité, amplifiée par les conflits administratifs entre les établissements d’aménagement publics et les communautés périphériques de La Défense, rend l’identification de la source des problèmes des franges extrêmement difficile. Malgré le fait qu’il y existe un effort sérieux en niveau de projet, afin d’adresser les problèmes, on constate une pénurie en niveau de recherche concernant les aspects du site, largement due au fait qu’il y existe aussi une pénurie de documentation disponible. Il devient évident que si le territoire des franges de La Défense est problématique pour l’ensemble du site, avant tout constat fait et toute solution proposée, une recherche autour la généalogie de la topographie de ces franges, c'est-à-dire de la pratique de leur fabrication, pourrait apporter des résultats très intéressants, originaux et innovants, afin de comprendre cette complexité difficile du site et afin de consolider une base pour la recherche future autour La Défense en général. L’analyse de cette topographie à travers ses étapes majeures de fabrication permettra de comprendre ce qu’aujourd’hui semble complexe et inexplicable.

Deux hypothèses principales émergent après avoir identifié les constats et les enjeux majeurs du site, selon les commentateurs de La Défense. La première se pose en niveau topographique et traite la question de La Défense comme un élément extraterritorial de la banlieue occidentale parisienne et de la métropole de Paris en général. La deuxième se pose en niveau généalogique et traite la question de la planification appliquée à La Défense comme un événement singulier et étranger par rapport à la planification généralement appliquée à Paris, en France et même en niveau mondial. Afin de dégager ces deux hypothèses en une problématique il faudra clarifier des notions théoriques nécessaires, ainsi qu’identifier la topographie actuelle des franges de La Défense. Ces questions seront clairement analysées dans le chapitre suivant du champ de connaissances.

II.ii. Intérêt personnel

Le territoire urbain et périurbain d’aujourd’hui se trouve dans une condition transitoire. Il change avec le passage du temps, mais aussi dans la même journée, comme s’il s’agissait d’un espace en mutation constante. Les débats forts et les enjeux politiques et sociaux actuels demandent une motivation

Page 14: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[6]

puissante, afin de prendre les décisions pour avancer dans un cadre de concurrence globale, résultant en centralités nouvelles et énormes qui définissent les métropoles et les états qu’ils servent et qu’ils « représentent ». Ces nouveaux paysages de la globalisation sont caractérisés par une mixture de dessin innovant et de patrimoine architectural, fonctionnant comme des « condensateurs » de la vie sociale et économique de la métropole. D’autre côté, ces nouveaux paysages se manifestent avec une topographie unique et parfois complexe, qui pourtant est possible, ainsi qu’impératif, d’être analysée et critiquée avec les dispositifs d’architecte et urbaniste10.

L’intérêt pour un architecte et urbaniste se situe véritablement dans cette nouvelle et complexe topographie et elle a plusieurs fois été l’objet d’une recherche personnelle, durant ma formation antérieure. Pendant la recherche fait pour le mémoire d’études du Diplôme d’Architecture-Ingénierie par l’Université Nationale Polytechnique d’Athènes, l’objet de recherche a été la topographie complexe des nouveaux pôles-gares en Europe, ainsi que leur fonctionnement comme « condensateurs » urbains dans la métropole mondiale. Suite a cette recherche, pendant les études de post-master en Planification Urbaine et Régionale dans l’Université Nationale Polytechnique d’Athènes, l’objet de la recherche a été aussi concentré dans deux recherches différentes, une autour la topographie du Village Olympique d’Athènes, ainsi qu’une autour la topographie du quartier de Kerameikos au centre d’Athènes, qui combine les caractéristiques d’une frange archéologique et industrielle, accompagnées par un tissu social en précarité. Ces recherches ont toujours traité le sujet de la généalogie de ces topographies distinctes et complexes, puisqu’il ne pas possible de comprendre le fonctionnement et les enjeux d’un lieu sans avoir avant recherché la façon dont il a été fabriqué.

Depuis mon arrivée à Paris et le commencement de mes études de post-master au sein du Diplôme de Spécialisation et Approfondissement en Architecture et Projet Urbain : Projet Urbain et Métropolisation de l’ENSAPLV, j’ai été séduit par le sujet de la complexité de la topographie de La Défense. La Défense comme un exemple de « condensateur » urbain qui vise à répondre aux demandes de la concurrence imposées par la globalisation, s’inscrit parfaitement dans le cadre des exemples recherchés antérieurement. Pourtant, de même façon qu’antérieurement, pour y avoir une approche approfondie on doit s’immerger dans une exploration chorochronique, afin de comprendre comment est arrivée à s’articuler et se manifester cette topographie unique qui la caractérise, ainsi que quelles procédures ont mené à sa manifestation. La mentalité et la méthodologie d’analyse qui a parcouru mes recherches antérieures, adaptées dans l’actualité parisienne, m’ont intrigué à investiguer plus précisément ce sujet et à découvrir les éléments qui ne sont pas apparents à œil nu, afin de produire une recherche originale et fruitive.

10 Gospodini, A. ; Beriatos, I., 2006, Les nouveaux paysages urbains et la ville grecque, Athènes, Editions Kritiki, pp. 11-12

Page 15: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[7]

III. Exploration du champ de connaissances

III.i. Le topos

Topos est un mot grec et son étymologie désigne littéralement la notion du lieu. Contrairement au mot grec de choros, qui désigne la notion de l’espace géométriquement précis, le topos se réfère à l’ensemble des caractéristiques quantitatives et qualitatives qui composent un espace. On pourrait, donc, dire que le topos est un « phénomène » et la séquence des topoi résulte au topio, c'est-à-dire au paysage11.

En général, le topos est considéré d’être quelque chose plus majeure qu’un simple milieu abstrait. Quand on utilise la notion du topos, on parle d’un ensemble qui se constitue par des éléments précis avec une substance matérielle, des formes, des géométries, des textures et des couleurs. Ces éléments composent les « caractéristiques topographiques », qui se trouvent à la base du topos. Le topos dépasse ces éléments fondamentaux et est considéré comme un ensemble qui évoque un caractère ou une « atmosphère ». Donc, le topos est un phénomène qualitatif dont on ne peut pas isoler sa manifestation en quelqu’un parmi ses composants et analyser seulement ceci. Le topos ne peut pas être compris et décrit avec des notions analytiques et quantitatives, car la base de chaque approche quantitative est qu’elle procède à une « abstraction » du vécu, afin d’arriver à la conscience neutre et « objective ». Du coup, c’est un ensemble de caractéristiques et de pratiques d’un lieu qui font le topos, et c’est pour cette raison que l’approche fonctionnelle par les architectes et les urbanistes durant le passé a complètement ignoré chacun topos comme un ensemble qualitatif avec une identité spécifique12.

La notion holistique qui comprend l’organisation tridimensionnelle des éléments qui composent un lieu, ainsi que le caractère du lieu qui résulte à l’établissement d’une « atmosphère » générale, vient décrite comme « espace vécu »13. Cet « espace vécu » peut être compris seulement en recherchant et en analysant la structuration matérielle et morphologique du topos. C'est-à-dire, rechercher et expliquer quels sont les éléments qui structurent le topos, comment ses éléments structurants s’articulent entre eux et comment cette structuration a été formulée14.

11 « Topos », Portal for the Greek Language [En ligne], Modern Greek Language, Dictionary of Standard Modern Greek, Topos, consulté le 30 octobre 2014. URL : http://www.greek-language.gr/greekLang/modern_greek/tools/lexica/triantafyllides/index.html 12 Norberg-Schulz, C., 2009, Genius Loci : L’Esprit du Lieu, Athènes, Presses Universitaires de l’Université Nationale Polytechnique d’Athènes, p. 9 13Ibid., p. 13 14 Ibid., p. 17

Page 16: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[8]

III.ii. La topographie

L’étymologie du mot topographie désigne la façon dont on décrit le topos. En général, le mot topographie désigne les éléments qui composent un espace et la façon dont ils s’articulent et ils produisent l’espace. Selon les aspect qualitatifs de cet espace produit par cette articulation des éléments fondamentaux on peut comprendre l’esprit du topos, c'est-à-dire son caractère, et du coup, comment il influence l’expérience vécue par les personnes. Dans la description du topos, le facteur principal est d’identifier les éléments fondamentaux et structurants qui résultent à sa topographie15.

Selon Christian Norberg-Schulz, la topographie naturelle se caractérise par le sol et le ciel, mais surtout par la relation entre eux. Cette relation résulte aux topoi naturels, et leur séquence résulte au paysage naturel. Par contre, la topographie humaine se caractérise surtout par les structures et leurs aspects. Elle est beaucoup plus centrée autour les éléments qui la composent que celle naturelle. Les aspects structurants de la topographie humaine sont la façon dont les structures se positionnent, leurs limites extérieures qui produisent des relations avec leur environnement extérieur, mais qui produisent aussi ses relations entre eux, résultant en espace ouverts entourés, comme s’il s’agitait des chambres à ciel ouvert. Ce type d’analyse pose le sujet de la structuration de la topographie avec des termes spécifiques, donnant à la phénoménologie de l’architecture une base réaliste16.

Jan Gehl avec ses observations empiriques sur la ville certifie que le plus fort est le niveau de l’effet des relations entre les composants, la plus forte est aussi la topographie d’un tissu urbain et l’activité dans une ville. Selon Gehl, le manque de complexité suffisante entre les liaisons peut rendre une ville inanimée, malgré le fait qu’elle est peut être apparemment organisée. Au contraire, l’existence d’une complexité sans suffisante organisation, rend la topographie illisible et résulte à une ville chaotique et inappropriée à vivre17. William H. Whyte, dont le travail sur les villes américaines avait inspiré Jan Gehl à conduire sa recherche, a développé la théorie que la vie dans la ville se déroule dans l’espace articulé entre les bâtiments. Selon sa recherche, le succès ou l’échec d’une topographie urbaine se manifeste sur le mouvement des personnes et sur la présence humaine dans les espaces urbains.

Le mouvement des personnes est lié avec la perception par les individus de la relation des éléments urbains entre eux et avec leur environnement général. Cela permet d’identifier les éléments urbains et les liens entre eux et de choisir les parcours avec lesquels on se déplace dans la ville, on entre/sorte dans un espace ou on se flâne. La présence humaine, elle est aussi liée avec la perception de l’articulation des éléments urbains, mais surtout en ce qui concerne la relation entre forme et fonctionnement de l’espace. Il est souligné 15 Ibid., p. 38 16 Ibid., pp. 27, 65 17 Gehl, J., 1987, Life Between Buildings, New York, Van Nostrand Reinhold, pp. 2-3

Page 17: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[9]

que dans les espaces où il y a de la présence humain, on trouve quelque type de point de référence, soit un monument, soit un espace vert, soit quelque usage agréable18.

Kevin Lynch, dans son recherche sur les villes américaines aussi, identifie cinq types d’éléments qui articulent la topographie urbaine : les voies, les limites, les quartiers, les nœuds et les points de repère. Par rapport à ces qu’on a constaté par la recherche de William H. Whyte, il est intéressant de cibler sur la relation entre les voie et les limites, les nœuds et les points de repère, ainsi que le rapport de ces relations avec les quartiers. Selon ces relations, une voie pour bien fonctionner a besoin de limites, en ordre d’être bien délimité et aperçue par les usagers. D’autre côté, un nœud afin d’être un espace avec présence humaine constante a besoin d’un point de repère, d’un point de référence. Ces deux relations sont de grande importance en ce qui concerne le caractère d’un quartier. Les limites délimitent le quartier mais aussi ses espaces intérieurs, et les voies provident avec le mouvement vers et a travers le quartier. Les nœuds par rapport à un point de référence, d’autre cote, accueillent la présence et l’activité humaine et permettent l’appropriation de l’espace19.

Les remarques de Christopher Alexander viennent à être ajoutées aux théories analysées avant. Alexander précise que les villes sont gouvernées par les lois de leur « totalité ». Cette « totalité » vient vécue dans la grande échelle, mais aussi dans chaque détail, même aux éléments décoratifs des bâtiments, comme une « règle » sous-jacente, un code secret qui « organise » la topographie urbaine. La topographie urbaine est en effet une structure multilatérale qui se compose surtout par les bâtiments et l’espace entre eux.20. Le dessin urbain a comme son objet de lier les éléments structurants afin d’arriver à une cohérence qui résulte à la topographie urbaine. Il identifie aussi que les liaisons dans le dessin urbain comprennent trois types d’éléments : les éléments naturels, les nœuds d’activité humaine et les éléments architecturaux21.

Christopher Alexander supporte l’idée que l’articulation des éléments urbains crée des limites physiques et psychologiques, c'est-à-dire une topographie lisible qui facilite la collection des flux humains afin d’alimenter les espaces urbaines où se déplie la vie commune22. Les constructivistes russes, d’autre côté, développent la théorie d’une ville avec des « condensateurs » urbains, où la superposition des fonctions matérialisée en forme crée une topographie urbaine utopique qui devient animée par l’activité urbaine, quand elle est traversée par le mouvement humain23.

18 Whyte, W. H., 1980, The Social Life of Small Urban Spaces, Washington D.C., Conservation Foundation, pp. 16-24, 54-60 19 Lynch, K., 1960, The Image of the City, Cambridge & London, The MIT Press, pp. 46-83 20 Alexander, C. ; Neis, H. ; Anninou, A. ; King, I., 1987, A New Theory of Urban Design, New York, Oxford University Press, pp. 2-3 21 Alexander, C. ; Thackara J., 1988, Design After Modernism: A City is not a Tree, London, Thames and Hudson, pp. 67-84 22 Alexander, C., 1977, A Pattern Language, New York & London, Oxford University Press, pp. 10-457 23 Kopp, A., 1970, Town and Revolution: Soviet Architecture and City Planning, 1917-1935, London, George Braziller, p. 112

Page 18: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[10]

Bill Hillier, étant le plus récent des théoriques qui ont analysé ce thème, vient ramasser les constats précédents en essayant de trouver une méthode pour évaluer l’articulation des éléments urbains et la structuration de la topographie urbaine. Selon ses recherches, ce qui se passe dans un bâtiment peut être appliqué dans l’espace urbain et la ville. L’articulation des éléments urbains entre eux unifie la forme et la fonction en une fusion qui se manifeste en la compréhension de la topographie urbaine et le mouvement dans son espace. Il identifie que le mouvement urbain consiste d’un point de départ, d’un point d’arrivée et d’un parcours qui traverse l’espace. Le choix du parcours est fortement lié à la lisibilité de l’espace qui permet une connectivité optique. L’importance des connections visibles sont la cause de l’animation ou non d’un espace avec le mouvement humain24.

Andreu Arriola et Carmen Fiol, constatent que le savoir-faire architectural appliqué dans l’espace urbain a introduit un niveau d’originalité dans le paysagisme et le dessin urbain. Plutôt que de les appeler espaces urbains, ils préfèrent les nommer comme des chambres en plein air25. Arriola et Fiol utilisent la notion de la topographie afin d’analyser et « réinventer » un site en redécouvrant son identité sous-jacente. Ce processus de recherche topographique se déroule en interprétant sa présence et ses traces, à travers une étude de l’histoire et des usages du site. Selon eux, le site est un objet qui doit être défini ; il s’agit d’une question de limites, de frontières, de connexions. La recherche topographique qu’ils mènent est un processus réel d’implantation26.

On constate donc, que la topographie d’un lieu urbain et ses résultats sur l’activité urbaine est fortement liée à son structuration et a l’articulation de ses éléments structurants. La façon dont les éléments urbains sont composés et leurs relations entre eux permettent d’identifier et de s’approprier de la topographie. Une fois approprié, trouvant les chemins, les limites et les points d’intérêt, l’espace urbain devient facilement animé par l’activité humaine à cause du mouvement des personnes. Cette relation primordiale semble d’être au cœur de chaque analyse autour le succès ou non d’une topographie urbaine.

III.iii. La généalogie de la topographie

On a constaté que le caractère d’un topos change pendant le temps, pendant les époques historiques et à cause de l’intervention naturelle et humaine. On a constaté aussi qu’afin de comprendre le caractère du topos, il faut comprendre ses éléments composants et leurs liaisons, c'est-à-dire la façon dont ils sont articulés. La compréhension du topos dépasse l’approche quantitative qui

24 Hillier, B., 1996, Space is the Machine, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 111-138, 288-314 25 Arriola A. ; Fiol C., 2012, Topographical Architecture : Barcelona 1987-2012, Barcelona, Actar, p. 144 26Ibid., p. 40

Page 19: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[11]

documente simplement les éléments composants du topos. On doit surtout s’interroger et rechercher sur comment les parties structurantes sont devenues un « total », c'est-à-dire un ensemble holistique. D’autre côté, si elles n’arrivent pas à devenir un ensemble holistique, on doit s’interroger sur le fait pourquoi c’est ce le cas27.

La qualité de cohérence dans la topographie urbaine est difficile à achever aujourd’hui, car aucune discipline ne s’occupe vivement en la rechercher et ne la créer. Depuis la révolution industrielle, et surtout depuis le modernisme, ni l’architecture, ni le dessin urbain, ni la planification urbaine s’occupent avec ce type de « totalité » demandée afin d’arriver à la création d’un topos. La raison pour laquelle on se trouve dans une situation telle est parce que la planification urbaine s’occupe, d’un côté, seulement avec l’organisation de l’espace d’une façon réglementaire et institutionnelle. L’architecture, d’autre côté, ne vise pas à la constitution d’une « totalité », mais elle s’occupe surtout avec l’organisation des questions autour les bâtiments individuels. Enfin, le dessin urbain résulte à avoir un rôle d’amateur, qui s’occupe seulement avec la solution des questions de la topographie urbaine de façon esthétique. Cependant, même la dénomination « dessin urbain » implique que l’espace urbain est un objet complexe qui doit être organisé et solutionné d’une manière tridimensionnelle et pas bidimensionnelle28.

L’articulation de l’espace urbain combine les liaisons complexes et multiples des éléments avec une leur organisation hiérarchisée. Du coup, on peut noter une topographie qui semble d’être organisée et hiérarchisée, mais en réalité elle n’est pas liée. Au contraire, une partie du tissu urbain peut sembler mal organisée en plan, mais être extrêmement bien liée. Dans cette base se différencie la ville traditionnelle « chaotique » avec la ville nouvelle moderniste « propre »29. La tabula rasa créée par le modernisme était d’une importance historique mais aussi d’une importance topographique. Dans son effort d’ériger des bâtiments génériques, le fonctionnalisme canonique a décidé d’effacer les traces des langages architecturaux du passé. Cela pouvait être senti comme un poids lourd de références historiques et d’une armature stylistique inconfortable totalement contraires a l’austérité formelle et la pureté totale évoquées par ce nouveau mouvement.

Depuis les années 1970, plusieurs critiques ont été lancées contre l’urbanisme moderniste, souvent en évoquant la topographie perdue et le caractère manquant par les villes contemporaines. Les critiques les plus justes ont accepté le fait que l’urbanisme moderniste avait lui aussi des aspects topographiques intéressants. En plus, ils ont identifié l’importance de la généalogie de la topographie actuelle. Dans la ville traditionnelle une telle nécessité n’existait pas, comme chaque phase historique et chaque étape historique de la ville se trouvait en liaison directe avec celles antérieures. Pourtant, dans l’urbanisme contemporain, il est impératif de comprendre les phases historiques et de produire une généalogie de la topographie actuelle, afin 27 Norberg-Schulz, C., 2009, op. cit., pp. 17, 27 28 Alexander, C. ; Neis, H. ; Anninou, A. ; King, I., 1987, op. cit., pp. 2-3 29 Hillier, B., 1996, op. cit., pp. 111-138, 288-314

Page 20: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[12]

de comprendre les phases, les étapes et les ruptures dans le processus de production de cette topographie.

III.iv. Les franges

Arriola et Fiol constatent que le contexte donné pour un site aujourd’hui est presque toujours celui de la banlieue qui ne dispose pas d’autre foncier disponible sauf que les restes de la métropole. Les parcelles qui souvent doivent accueillir des parcs ou des bâtiments publics, sont les sites d’activités polluantes, d’usines bruyantes et d’espaces délaissés sans usage, à cause de l’impossibilité de bâtir logements ou autres équipements sur eux. Le site dans la métapole d’aujourd’hui est une parcelle vide, toujours associée avec le conflit30. Ce type de sites sont ces qu’on appelle généralement franges.

Les espaces des franges urbaines sont généralement définis comme des espaces de transition, nette ou graduée, où la ville laisse place à autre chose : la campagne, la forêt, la « nature », le terrain vague ou la friche en attente de projets. Ces franges urbaines peuvent être appréhendées à différentes échelles, de la métropole et l'agglomération, jusqu’au quartier31. Les espaces de transition, n’importe leur taille, ont été souvent recherchés et contestés pour leur importance dans la métropole. Le fait qu’ils sont des éléments primordiaux pour le succès ou l’échec d’un bâtiment, d’un quartier ou d’une ville, quel que soit le cas, souvent jouant le rôle d’une porte qui accueille les usagers, a été plusieurs fois souligné dans des recherches de périodes différentes. Robert Venturi constate qu’en effet l’architecture résulte au point de rencontre des topoi intérieurs et extérieurs. Il évoque dans son approche topographique surtout le dipôle d’intérieur-extérieur et il utilise comme moyen de quantifier les aspects topographiques le niveau de compacité et de perméabilité de chaque élément32.

III.v. La topographie des franges de La Défense

Dans le cas de La Défense, ses franges urbaines autour le boulevard circulaire signifient un espace intermédiaire et de transition entre le cœur du quartier d’affaires et la banlieue parisienne occidentale qui l’entoure. On peut facilement comprendre les enjeux de cette zone de frange de La Défense et donc l’intérêt qui est imposé par la recherche de son topographie. La question qui se pose et 30Arriola A. ; Fiol C., 2012, op. cit., p. 40 31 « The Rural-Urban Fringe », Geocases: Access to Geographical Case Studies for A level [En ligne], Human Geography, The Rural-Urban Fringe, consulté le 01 juin 2014. URL: http://www.geocases.co.uk/sample/urban1.htm 32 Venturi, R., 1966, Complexity and Contradiction in Architecture, New York, Museum of Modern Art, p. 88

Page 21: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[13]

qu’on tente d’aborder ici est en quoi se compose la topographie de la zone des franges de La Défense et qu’est-ce qu’elle crée. Ayant déjà exploré les dispositifs offerts par la bibliographie, il s’agit ici d’une question peu abordée qu’implique une fusion des méthodes de Kevin Lynch, William H. Whyte, Arriola et Fiol, et Bill Hillier, parallèlement à l’analyse des données primaires investiguées sur place et des éléments cartographiques reçus par l’EPADESA et DEFACTO. Afin de dégager cette analyse, on commence par la recherche des systèmes structurants qui composent la topographie du périmètre d’étude et on les analyse d’une façon critique, afin de définir leurs caractéristiques morphologiques et leurs qualités topographiques. Cette analyse, alimentée par plusieurs visites du site et une approche critique, nous amène à la définition des éventuelles relations et liaisons entre les éléments structurants de la topographie et leur catégorisation en systèmes topographiques. L’évaluation des implications de la topographie de La Défense avec l’activité urbaine est faite surtout en niveau de visibilité et lisibilité, ainsi qu’en niveau de connectivité et de facilité de se déplacer dans l’espace. Dans le cas de la zone des franges de La Défense, on identifie comme systèmes structurants de sa topographie le sol et la Seine, le boulevard circulaire et ses voies relatives, la dalle, les bâtiments, les cheminements piétons.

Image 1 : La zone des franges de La Défense actuellement

IGN, Géoportail, élaborée par Tsiligiannis, A., 2015

A la base de la topographie de La Défense il y a le système général du relief, fortement marqué par l’orientation Nord-ouest/Sud-est des hauteurs, qui coupe la Seine dans son écoulement du Nord-est au Sud-ouest. Ce système est aussi marqué fortement par la présence d’un talus naturel parallèle à la direction d’écoulement du fleuve et contraire à l’orientation du système général du relief, ainsi que par la présence d’un remblai artificiel de l’époque de Perronet, lequel

Page 22: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[14]

modifie localement la forme du talus naturel au point de son rencontre avec l’axe historique. Ce remblai, situé à la continuité de l’axe historique, résulte en une dénivellation de 22 mètres en pente douce, naissant du point haut du talus et joignant la Seine sur une berge artificielle de 6 mètres. On peut donc distinguer quatre systèmes topographiques du sol, dont celui du remblai artificiel fonctionnant comme une succession de terrasses avec des bordures clairement marquées ; celui aux deux côtés du remblai à Courbevoie et à Puteaux comportant la zone entre le talus naturel et la Seine et descendant vers le fleuve avec une pente douce ; celui du talus naturel qui est caractérisée par une pente aigue ; enfin, celui s’étendant au delà du talus vers une direction Nord-ouest résultant en une plaine à Nanterre et obéissant au système général des hauteurs du relief.

Image 2 : Carte du relief de la zone de La Défense, 1958

Infothèque DEFACTO

Les systèmes topographiques des hauteurs du relief sont responsables pour le système parcellaire et l’articulation du réseau viaire local aux alentours de La Défense, développé durant la fin du 19e et le début du 20e siècle. Le réseau viaire local se conforme au socle topographique du relief en systématisant ses formes selon le système géométrique du parcellaire de forme généralement rectangulaire. Sauf certains cas, pour sa plupart il ne pénètre dans l’intérieur du quartier d’affaires. A ce système viaire local, dû à la forme du parcellaire et du terrain, se superpose l’ordre des 4 axes royaux préexistants du réseau viaire local, dès la fin du 18e siècle, introduisant des dimensions et des directions plus amples dans le paysage. Il s’agit de l’A14 / pont de Neuilly / RN13, de l’avenue du Président-Wilson (RN1013/RD913), de l’avenue de la Division-Leclercq / boulevard de la Mission-Marchand (RD992), ainsi que de l’avenue Gambetta (RD9). Ces voies se joignent au centre du quartier d’affaires au point de

Page 23: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[15]

l’échangeur central, perçant de façon nette la surface périphérique de La Défense jusqu'à rencontrer la dalle. En outre, on identifie la voie sur les berges de la Seine (RD7) composée de 2 parties, la première étant en rapport direct avec la Seine et passant sous le pont de Neuilly, et la deuxième étant en remblai pour se raccorder au pont. Enfin, on rencontre le système ferroviaire qu’impose à la voie ferrée du 19e siècle une adaptation à une pente de 1%-2% résultant à une courbe qui pointe vers la plaine de Nanterre au point de rencontre avec l’axe majeur. Cela résulte aussi à une configuration de la voie ferrée en remblai au Nord et en tranché au Sud.

Image 3 : La trame parcellaire et le système viaire de La Défense, 1931

Service Archives & Patrimoine des Hauts-de-Seine, élaborée par Tsiligiannis, A., 2015

A l’ensemble de ces systèmes s’appuie la topographie « différente » autoroutière du boulevard circulaire. Le boulevard circulaire de la Défense, fonctionnant comme une voie périphérique à sens unique de 3 à 5 voies de largeur, a comme sa tache de contourner et d’irriguer le quartier d’affaires. Construit durant la fin des années 1960 et le début des années 1970, il prend naissance au niveau du pont de Neuilly sur l’A14 et tournant dans le sens contraire des aiguilles d'une montre il desserte Courbevoie au nord-est, Nanterre à l'ouest et Puteaux au sud. Il ressemble à une voie express mais malgré ses caractéristiques autoroutiers il est doté d'échangeurs très rapprochés avec des sorties par la gauche et des entrecroisements plutôt courts. En outre, son trafic n'est pas réservé aux automobiles comme une voie express, étant donné que les lignes régulières de bus de la RATP l'utilisent pour la desserte de la Défense. Enfin, il figure une pente entre 1% et 12%, suffisamment supérieure au 4% maximal conforme aux normes autoroutières, son point le plus bas étant au pont de Neuilly et son point culminant étant à l’échangeur de Cherbourg à 35 mètres de différence relative. Cette pente qui est responsable pour son déclassement

Page 24: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[16]

comme une autoroute, dans le sens technique, résulte par l’application du système autoroutier aux systèmes préexistants du sol, du parcellaire et de la voirie locale, des axes royaux et de la voie ferrée. Cela résulte en nombreux petits et grands ouvrages, notamment 3 ponts dans sa partie Sud, 2 ponts dans sa partie Nord, un passage souterrain dans sa partie Est, la plupart de sa partie Sud remblayée, ainsi qu’un nombre important de carrefours d'échanges avec des sorties par la gauche pour irriguer le quartier de La Défense et des sorties sur la droite pour irriguer Courbevoie, Nanterre et Puteaux. La plupart de ces échangeurs sont à 2 niveaux mais on note aussi des échangeurs à 3 niveaux, notamment celui de la Demi-Lune à l’Est et celui du pont de Neuilly. La moitié Nord-est de l'axe a fait l’objet d’une requalification durant la période 2004-2008 en lui modifiant 6 carrefours d’échanges en carrefours classiques au même niveau de référence, comportant des feux tricolores et diminuant sa limite de vitesse maximale de 80km/h à 50 km/h.

Image 4 : Coupe schématique de la partie sud du boulevard circulaire, regardant du sud

vers le nord

Elaborée par Tsiligiannis, A., 2015

La dalle du quartier d'affaires se distingue singulièrement des espaces systèmes topographiques mentionnés. Conçue durant les années 1960 et construite dans une longue période entre la moitié des années 1960 et la fin des années 1990, elle constitue un vaste espace public de 30 hectares de surface, réservée à la circulation exclusive des piétons et des véhicules de secours. Orientée selon l'axe historique et s’adaptant à la pente préexistante du remblai de l’époque de Perronet, elle adopte une pente douce culminant à son coté Nord-ouest. En se superposant par les terrains périphériques avec une dénivellation qui varie entre 5 et 20 mètres, elle est limitée par le boulevard circulaire à ses côtés Nord-ouest et Sud-est, mais elle se trouve en retraite par rapport à lui aux côtés Nord-est et Sud-ouest. En même temps, elle franchit le boulevard circulaire au côté Est avec le cours Valmy et au côté Nord avec le place Gravet, lesquels comportent des continuations directes de la dalle. Ses limites comportent soit des façades aveugles, soit des façades avec des ouvertures linéaires afin d’éclairer naturellement les espaces de stationnement qu’elle intègre. Elle intègre aussi les axes royaux, imposant leur disparition souterraine et leur bordure par des murs techniques coupant le terrain naturel, ainsi que le réseau ferré souterrain et superficiel, sans pourtant lui imposer une dénivellation. Enfin, elle se connecte

Page 25: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[17]

avec le boulevard circulaire à travers de voies locales spécialisées par usage, soit pour la desserte commerciale, soit pour la desserte des espaces de stationnement. Etant donné que le boulevard circulaire se trouve pour sa plupart en remblai, notamment dans sa partie Sud, ces voies adoptent la forme de boucles afin de relier d’une façon optimale la chaussée du boulevard avec le niveau du sol et l’intérieur de la dalle, cisaillant le terrain naturel entre les limites de la dalle et les limites du boulevard circulaire.

Les divers bâtiments de La Défense, tours de grande hauteur et immeubles de hauteur moyenne, s’organisent en 3 systèmes d’articulation par rapport aux systèmes déjà mentionnés. Outre à quelques exceptions, comme certains immeubles d’habitation et la Grande Arche qui reposent sur la surface de la dalle, la plupart des bâtiments reposent sur le sol naturel, qui est pourtant terrassé afin de les accueillir. Adoptant un rapport direct avec la dalle en s’appuyant sur ses limites, on y trouve la plupart des bâtiments construits durant les années 1960 et 1970. Les bâtiments des années 1980 couvrent le territoire entre la dalle et le boulevard circulaire, nécessitant la liaison avec la première à travers de dalles intermédiaires, notamment la place de la Coupole, la place des Degrés et le cours Michelet. Pourtant, le rapport de ces bâtiments avec le boulevard circulaire est presque inexistant, lui tournant le dos et laissant des espaces verts intermédiaires sans aucun usage et sans accès par l’extérieur. Enfin, les bâtiments construits dès les années 1990 adoptent la forme imposée d’une part par la dalle et d’autre part par le parcours du boulevard circulaire. Ils retiennent des accès aux niveaux de tous les deux systèmes et pour se relier directement avec la dalle ils comportent des passerelles, des escaliers et des ascenseurs.

Le dernier système identifié, celui des cheminements piétons, est le système qui s’adapte à tous les autres systèmes mentionnés antérieurement, mais il est aussi le plus important car il démontre les implications de la topographie de La Défense avec l’activité urbaine. Dans la plupart de La Défense, les cheminements piétons sont généralement indépendants par le réseau viaire, sauf sa moitie Nord-ouest qui a fait l’objet d’une requalification urbaine comportant des cheminements piétons le long du boulevard circulaire, des axes royaux et du réseau viaire local. Cela signifie que, selon le cas, on peut localement pénétrer dans La Défense seulement en franchissant le boulevard circulaire soit par des passages souterrains, soit par des passerelles. En plus, le mouvement dans les espaces de franges entre le boulevard circulaire et la dalle signifie l’emprunt de cheminements qui suivent un relief complexe composé par le relief naturel, les remblais du boulevard circulaire, les remblais des voies locales entre boulevard circulaire et dalle, ainsi que les terrassements faits pour construire les bâtiments. Outre au relief complexe qui nécessite un mouvement presque toujours en pentes successives, les cheminements piétons de La Défense traversent le réseau local de La Défense reliant la dalle au boulevard circulaire, les entrances des espaces de stationnement aux pieds des tours et de la dalle, ainsi que les voies royales en train de submerger sous la dalle.

Page 26: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[18]

Image 5 : Coupe schématique de la partie sud du boulevard circulaire, regardant de l’est

vers l’ouest

Elaborée par Tsiligiannis, A., 2015

Cela signifie qu’aussi dans les espaces des franges le mouvement naturel est coupé par plusieurs limites. Cette situation explique l’existence de passerelles même pour les liaisons intérieures de La Défense, ainsi que le changement constant entre niveau de sol et niveau de dalle à travers des escaliers et des ascenseurs. Enfin, le mouvement entre les pieds des immeubles, les façades inanimées de la dalle, ainsi que les remblais et les échangeurs du boulevard circulaire, fragmente toute perspective possible menant à une désorientation complète qui explique pourquoi la plupart de ces espaces n’est pas fréquentée. En outre, le manque de suffisant éclairage après le coucher du soleil, évoque une sensation d’isolation et de péril.

Image 6 : L’échangeur de la Demi-Lune durant le soir

Tsiligiannis, A., 2014, Archive personnel

Page 27: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[19]

IV. Formulation de la problématique

IV.i. Reformulation de la question de départ

La réception de La Défense a beaucoup varié selon les supports et les époques, par-delà les différences d’opinion que chacun défend. Cette diversité témoigne des fluctuations de l’aura de l’opération dans l’opinion publique, mais surtout de la difficulté qu’éprouvent les commentateurs à appréhender sa complexité. Les problèmes principaux actuels de La Défense, sont surtout des problèmes liés au manque de succès de son espace publique et au manque de compréhension de sa topographie, selon les diagnostiques courants. Le débat autour le renouveau du quartier et l’intensité de sa fréquentation ont généré un regain d’intérêt pour les espaces publics, surtout ces des franges, tant au plan de leur efficacité fonctionnelle que de leur symbolique et de la reconnaissance des aspects topographiques qu’ils ont. Les constats officiaux arrivent à la conclusion que le quartier d’affaires et l’urbanisme de dalle apportaient aux modernistes la solution à leurs problèmes actuels, mais qu’aujourd’hui le public semble de n’être pas intéressé à investir aux espaces publics proposés par le modernisme. Bref, l’opinion courante suggère que le problème le plus grand de La Défense est l’implantation d’une opération moderniste dans le territoire de la métropole parisienne sans tenir en compte sa topographie antérieure.

L’analyse topographique menée personnellement dans le site de La Défense, démontre en effet que son problème majeur est surtout un problème de lisibilité et de mouvement dans les zones des franges, surtout en ce qui concerne les piétons et les cyclistes. Aujourd’hui, la zone des franges de La Défense est plus qu’évidemment perçue comme un terrain complexe, illisible, problématique, où il faut absolument intervenir, afin de solutionner ces problèmes et le rendre de nouveau rentable et accessible. Cependant, si les opinions officielles arrivent à identifier les problèmes évidents de la topographie des franges, ils semblent aussi de simplifier les raisons et les origines de ces problèmes. Autrement dit, après avoir identifié les systèmes topographiques de La Défense et analysé leurs aspects actuels et leurs implications avec l’activité urbaine, on trouve que la relation entre ces systèmes, malgré leurs différences, est caractérisée d’une liaison forte. En outre, les systèmes développés durant les années 1960-1970 qui représentent la période moderniste de La Défense, composent juste une partie de la totalité des systèmes topographiques du site et de la généalogie de ces systèmes.

La problématique générale qui se dégage donc, est celle d’essayer de comprendre les aspects et le caractère de la topographie de l’espace des franges de La Défense en cherchant leur origine et leur évolution. Il s’agit d’arriver à la source des atouts et des problèmes créés par la topographie de La Défense, mais aussi à la source des idées fausses et des généralisations qui accompagnent cette topographie. Cela signifie d’adopter une approche qui échappera des contraintes imposées par les diagnostiques déjà faits et qui

Page 28: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[20]

recherchera soigneusement l’origine et l’évolution des aspects structurants de l’espace des franges de La Défense et leur importance. Il faut donc répondre à la question principale qui est si la topographie des franges urbaines du boulevard circulaire de La Défense est le résultat d’une planification qui a ignoré la topographie antérieure du territoire. Ce point de départ dégage plusieurs axes d’analyse, notamment l’identification des étapes principales de la généalogie de cette topographie, en évoquant les ruptures et les continuités éventuelles, les idées, les logiques et les décisions prises, ainsi que les liaisons entre elles, et enfin, la condition imposée par la réalité générale, ainsi que locale, qui ont imposé la topographie durant chaque étape.

IV.ii. Hypothèses et axes de travail

Ayant défini une multitude d’axes de recherche et d’analyse de ce projet de recherche, on peut regrouper l’analyse en deux grandes parties. La première partie concerne la généalogie de la topographie des franges jusqu'à nos jours, or comment la topographie actuelle a été fabriquée. La deuxième partie concerne la généalogie de la topographie des franges « à l’ envers », or comment la topographie actuelle est en train de se fabriquer. Ces deux grandes parties dégagent trois axes principaux de travail communs.

Le premier axe est celui de la fabrication de la topographie en niveau idéologique. Il s’agit d’analyser pour chaque étape les concepts et les idées en niveau politique, social, culturel et urbanistique. Cela nous permet d’identifier les différents acteurs et concepteurs de La Défense et de vérifier comment ils ont été influencés à prendre des décisions opérationnelles, ainsi que de découvrir les moments de continuité et de rupture idéologique à travers les débats et les fluctuations de chaque étape. Cet axe d’analyse peut aussi révéler l’effet que de sa parte a généré l’opération de La Défense pour l’implémentation d’autres opération, or son niveau d’influence, ainsi que son capacité d’alimenter les débats idéologiques.

Dans le deuxième axe d’analyse on investigue l’application ou non de ces concepts par les acteurs et les concepteurs de La Défense. On identifie dans chaque étape si la topographie de La Défense a été prise en compte et comment cela a été fait. On arrive aussi à concrétiser comment la projection des idéologies a été effectuée en niveau de planification et en niveau de décisions. Cela nous mène enfin à trouver ici aussi des moments de rupture et de continuité en niveau conceptuel et opérationnel, surtout en évoquant les compromis et les conflits, ainsi que les plans retenus ou rejetés.

Enfin, le troisième axe d’analyse s’appuie à la topographie implémentée dans La Défense. Ici on vérifie les changements qui ont enfin structuré, étape par étape, la topographie de La Défense. On identifie les terrains « privilégiées » et ces qui n’ont pas été considérés. On tente de mesurer l’ampleur et la profondeur de chaque changement topographique, ainsi que le niveau de complétion de

Page 29: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[21]

chaque projet conçu, or la durée de chaque projet. Cela signifie aussi d’identifier la temporalité de la topographie de La Défense durant chaque changement implémenté, ainsi que les implications de tout ce processus de mutation topographique sur la vie urbaine. Enfin, la fabrication des franges durant chaque étape émerge, permettant de vérifier s’il s’agit d’un résultat conscient et prédéfini, ou d’un processus d’accumulation d’implémentations qui ne sont pas arrivées à leur but.

Comme expliqué, dans la première partie de la recherche de cette généalogie, on cible sur l’histoire et les événements majeurs en périodes. On commence la recherche bien avant les démarches de l’opération de La Défense, afin de relever le socle préexistant en tous les niveaux, et ensuite, en traversant toute sa période de conception et d’implémentation, on arrive à l’état actuel en identifiant les traces survécues jusqu'à nos jours. De l’autre côté, dans la deuxième partie, on analyse les nouveaux objectifs et projets, leurs démarches idéologiques et les débats qu’ils incitent, ainsi que leur progrès actuel et futur, évident ou caché. L’objectif de cette analyse généalogique de la topographie de La Défense est d’identifier comment s’est passée et en quelle direction se trouve la fabrication de la topographie de La Défense.

Cette analyse n’est ni une analyse historique ni un catalogage de projets passées et futurs. Il s’agit de bien mener une analyse critique, et donc dans chaque période tous les paramètres sont pris en compte. Enfin, en ayant compris comment et pourquoi la topographie de La Défense est arrivée à être comme elle est aujourd’hui, ainsi que comment elle est en train de se fabriquer aujourd’hui, on aura compris dans sa totalité le caractère de sa topographie et la raison de la persistance de l’existence des franges, ainsi que. Les conclusions de ces deux axes d’analyse nous mèneront à la formation d’une opinion critique et solide sur la topographie de la zone du périmètre de La Défense.

Page 30: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[22]

V. Corpus et méthodes

La méthode suivie pour les deux chapitres est d’identifier et d’analyser chaque étape de La Défense, passée et future, en montrant chaque fois les inspirations, les intentions et les projets enfin réalisés. Il est important de stresser chaque fois les fluctuations idéologiques, ainsi que leurs raisons. Relever le changement du vocabulaire utilisé est assez important, comme il démontre le changement des objectifs et de leur façon de les communiquer. Une autre façon pour achever cela, est l’analyse de la représentation des objectifs dans les plans, sections, perspectives, photographies et maquettes de chaque projet. La représentation joue aussi un rôle important en niveau de conception, car elle peut relever où les concepteurs et les acteurs ont décidé de projeter leurs visions dans le territoire. Un autre sujet qui doit être stressé est les contraintes posées par la configuration site, notamment le relief et la trame viaire ; par les jeux d’acteurs, notamment l’Etat, les collectivités locales et les investisseurs ; par les différents systèmes topographiques déjà implémentés, comme ils ont été déjà identifiés dans le chapitre du champ de connaissances ; enfin, les contraintes posées par les conditions générales, comme la situation économique, les exigences sociales, les changements des idéologies et les changements des équilibres politiques. Il faut aussi distinguer si les projets se sont appuyées, et comment, sur la situation antérieure, s’ils sont arrivés jusqu'à leur but et quel niveau d’anticipation il y existait, ou si enfin ils ont été abandonnés pour favoriser des nouveaux projets à leur place, et qu’est-ce qu’il y a été crée chaque fois par la prise de chaque décision.

Pour l’analyse de cette problématique en niveau idéologique, on cible à trouver les idées et les concepts relatifs à la transformation de la topographie de La Défense, à travers une recherche synthétique et assez générale qui s’appuie également sur les références bibliographiques que sur les débats et les annonces de décisions publiées dans la presse. Les documents d’archives, comme les correspondances et les rapports des conseils entre les acteurs sont aussi d’une grande importance. Enfin, l’analyse des documents législatifs est aussi indispensable dans ce cadre d’analyse. En niveau d’évolution de la conception de la topographie, il est indispensable d’étudier du matériel primaire, comme la description des projets et des opérations à travers leurs fiches techniques et les documents des conseils d’administration de La Défense, ainsi qu’à travers leur communication dans la presse. Cette analyse s’appuie également sur le matériel secondaire et accompagnant, comme les cartes, les schémas d’aménagements, les images conceptuelles et perspectives des projets, ainsi que les illustrations publiées. Enfin, pour l’analyse de l’évolution des systèmes topographiques structurants dans le terrain, on suive une approche synthétique et critique du matériel cartographique, photographique, ainsi que des articles de la presse. La juxtaposition d’une critique qualitative et quantitative de l’effet de la topographie sera ici utilisée comme méthode principale.

Page 31: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[23]

CHAPITRE 1 : LA GENEALOGIE DE LA TOPOGRAPHIE DES FRANGES

1.1. Du 15e siècle jusqu’à 1921

1.1.1. La naissance de l’axe historique et les premières interventions de l’homme sur la topographie naturelle de La Défense

Jusqu’au début du 15e siècle, entre un méandre de la Seine, appelé boucle de Gennevilliers, et à l’ouest de ce qui était le Paris médiéval, se dressa une petite butte inhabitée, appelée Chantecoq, à l’actuel emplacement du Parvis de La Défense. Le Louvre était à l’époque la résidence principale des Rois de France, qui avaient l’habitude de s’offrir des pauses champêtres au château de Saint-Germain-en-Laye, particulièrement en raison de sa forêt giboyeuse. Pour en faciliter leur accès, une route directe a été envisagée afin de relier ces deux points. Depuis 1605, le passage du fleuve à Neuilly ne posa plus un problème après la construction d’un pont en bois par Maximilien de Béthune, ministre du roi Henri IV33.

L’axe historique débutera à prendre forme petit à petit sous le règne du roi Louis XIV. Cette voie deviendra le lieu de passage obligé pour les cortèges royaux, qui après avoir franchi la Seine, continuaient en grimpant la petite butte de Chantecoq. La Renaissance, qui avait marqué un tournant avec les aménagements des espaces et la recherche de la perspective, inspira Jean-Baptiste Colbert, ministre du roi Louis XIV, à aménager le jardin des Tuileries. Sous la planification d’André Le Nôtre, qui imposa son style de « jardin à la française », le mur qui limitait le jardin des Tuileries vers l’ouest vient ouvert. Ce geste simple permettra de créer le point de départ de l’axe historique. En août 1668, le Roi-Soleil, ayant apprécié l’aménagement des Tuileries, signe une ordonnance selon laquelle de larges avenues terminées par des arcs de triomphe annonceraient majestueusement l’entrée de la ville. Il ordonna aussi la création d’une place située à la butte de Chaillot d’où rayonneraient les avenues à la forme d’une étoile. André Le Nôtre se chargea aussi avec ce projet en créant une voie nouvelle bordée d’arbres, reliant les jardins des Tuileries à la butte de Chaillot. Baptisée dans un premier temps Grand Cours, cette avenue prit le nom que l’on connaît aujourd’hui des Champs-Élysées. Le Nôtre ne souhaitait pas en rester là, mais il désirait poursuivre cette perspective au moins jusqu’à la butte de Chantecoq. Les fortes présomptions pour que, dès cette époque, on ait envisagé de tracer une route directe jusqu’au château de Saint-Germain sont confirmées par le « Plan particulier de partie des Environs de

33 Weill, G., 1983, La perspective de La Défense dans l’art et l’histoire, Nanterre, Archives Départementales des Hauts-de-Seine, pp. 17-20, 65-69

Page 32: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[24]

Paris ». Le Roi pourtant préférera de se cibler sur sa nouvelle œuvre qui était l’érection du palais et l’aménagement des jardins de Versailles34.

Image 7 : La Carte Cassini montrant les Champs-Elysées et le Chemin du Cours, 1736

AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014

Devenu obsolète et inadapté, le pont en bois de Neuilly voulu par le roi Henri IV céda sa place à un nouvel ouvrage, cette fois-ci en pierre. L’ingénieur de ponts et chaussées Jean-Rodolphe Perronet, qui sera le premier parmi une grande série d’ingénieurs à intervenir sur le site de La Défense, conçut un pont en tablier qui a demandé quatre années de travaux intensifs. Cette construction altéra notamment le rapport entre le site de La Défense et le fleuve, en créant une distance altimétrique artificielle du terrain par les abords de la Seine. L’inauguration du pont fut un grand spectacle célèbre le 22 septembre 1722, en présence du roi Louis XV et de sa Cour. L’avènement du roi Louis XV quelques années auparavant, avait aussi permis de relancer les travaux d’aménagement de l’axe. La tâche confiée au Marquis de Marigny, directeur général des bâtiments du Roi, commença par l’aménagement du grand terrain vague entre les Tuileries et les Champs-Elysées. L’axe devint majestueux et il était considéré comme le plus beau d’Europe.

Perronet, en 1766, s’attela à son tour au tracé de la voie, appelée alors Chemin du Cours, partant de la butte de Chaillot et conduisant aux premières maisons 34 Ibid., pp. 70-78

Page 33: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[25]

de Neuilly. Dans le même esprit que celui ayant animé la création des Champs-Elysées, Perronet proposa pour le prolongement de la route royale deux tracés : le prolongement rectiligne de l’axe, qui aurait obligé à construire deux ponts sur la Seine ; le tracé méridional qui contourne la boucle du Vésinet et lequel a été retenu pour d’évidentes raisons d’économie. Il fallait quand même le raccorder à l’axe triomphal au sommet de la butte de Chantecoq. Un vaste rond-point transforma alors ce qui aurait pu rester un simple virage en un grand décor urbain. De même diamètre que la place de l’Étoile, celle de la butte de Chantecoq devait lui faire pendant. Elle porta les noms d’Étoile de Chantecoq ou de Place de la Demi-Lune. La perspective fut désormais totalement dessinée. La plus importante altération en niveau topographique de cette époque fut le nivellement du terrain nécessaire. La dénivellation entre le sommet de la butte et le niveau de la Seine, qui est aujourd’hui de 22 mètres, reste actuellement masquée par la structure du parvis de La Défense. À l’époque, elle fut prise en considération et afin d’éviter une pente extrême, l’ancienne route royale fut partiellement construite en remblai. Le chantier qui débuta en 1768 permuta d’égaliser la pente entre la place de l’Étoile et le pont de Neuilly. Entre 1772 et 1776, les travaux de terrassement abaissèrent d’environ cinq mètres la butte de Chantecoq et les terres enlevées furent utilisées afin de remblayer les Champs-Elysées et partiellement le Chemin du Cours35.

Image 8 : La Carte Militaire d’Étienne Collin montrant l’Étoile de Chantecoq, 1815

AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014 35 Ibid., pp. 78-89

Page 34: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[26]

1.1.2. La Défense acquiert son nom et la topographie naturelle s’altère en raison de l’industrialisation

La construction du pont de pierre de Neuilly, ainsi que l’extension de la voie royale jusqu’à la butte de Chantecoq, due au génie de l’ingénieur Perronet, transformèrent sensiblement la topographie paisible des villages de Puteaux, de Courbevoie et de Nanterre, en consacrant surtout le prestige d’un axe routier essentiel, auquel l’Empire, avec la proximité de la Malmaison, redonna une utilité pratique. Le processus de l’industrialisation et l’installation de la famille d’Orléans à Neuilly modifièrent aussi peu à peu la topographie de la région qui s’urbanisait, mais encore lentement jusqu’à la Révolution de 184836. La rive-gauche de la Seine commença à s’urbaniser autour le pont de Neuilly pendant la première moitie du 19e siècle et des artisanats furent leur apparence, exploitant le transport de marchandises par la voie fluviale.

La deuxième moitie du 19e siècle a été marquée par la révolution industrielle, ainsi que par l’ascension de Napoléon III au pouvoir absolu, juste 3 années après la Révolution de 1848. Pendant son règne, sa politique eut pour objectif la relance de la croissance et la modernisation des structures. En 20 ans, le pays rattrapa une grande partie de son retard sur le Royaume-Uni en matière d’infrastructures et de système financier bancaire, aidé par la politique volontariste et étatiste de l’Empereur. Dans l’ensemble, ce sont surtout les secteurs industriels liés aux chemins de fer qui réussissent leur modernisation3738. Cette politique devint notable à la topographie environnante de l’Étoile de Chantecoq, dont la partie ouest se délimita depuis 1839 par la ligne ferroviaire Paris-Saint-Lazare – Versailles-Rive-Droite. Plus vers l’ouest, dans la plaine de Nanterre, les lignes ferroviaires de Paris à Saint-Germain-en-Laye et de Paris à Rouen furent leur apparition perçant et divisant le territoire jusqu’à l’époque courante. Les infrastructures ferroviaires vinrent s’imposer comme des limites infranchissables du territoire, altérant complètement sa topographie jusqu’à cette époque. De petites usines s’installèrent entre l’Étoile de Chantecoq et la ligne ferroviaire Paris-Versailles, dans l’emplacement de ce qui deviendra la future zone de la Tête Défense. Cependant, l’urbanisation ne franchisera pas cette limite ferroviaire vers l’ouest pour plusieurs décennies, et la plaine de Nanterre gardera son caractère primordialement agriculteur.

Commanditaire des travaux du baron Haussmann à Paris, l’objectif de Napoléon III en niveau urbanistique était celui de transformer la capitale réputée au milieu du 19e siècle pour sa surpopulation, son insalubrité et sa sensibilité aux épidémies en un modèle d’urbanisme et d’hygiène comme le fut déjà Londres. Étant un saint-simonien radical, inspiré notamment par son proche conseiller Michel Chevalier39, Napoléon rêva d’une ville organisée et saine, avec de larges

36 Ibid., pp. 17-20 37 Milza, P., 2006, Napoléon III, Paris, Perrin collection « Tempus », pp. 471-476, 478-481 38 Yon, J.-C., 2009, Le Second Empire : Politique, société, culture, Paris, Éditions Armand Colin, pp. 108, 110 39 Plessis, A., janvier 1996, « Napoléon III : Un empereur socialiste ? », Magazine L’Histoire, No 195

Page 35: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[27]

boulevards et avenues reliant facilement les pôles d’attraction, où le commerce et l’industrie puissent se développer et les plus démunis vivre dans des conditions décentes. Le Paris transformé par le baron Haussmann est ainsi d’abord le Paris saint-simonien imaginé par le Prince-Président dont beaucoup d’aspects figurent dans les phalanstères de Charles Fourier et dans l’Icarie d’Étienne Cabet40.

Malgré le fait que les interventions du baron Haussmann ne touchèrent pas directement les territoires à l’ouest de Paris, cette période s’accompagna d’un développement urbain de la capitale primordialement vers l’ouest. Toutes les avenues qui rayonnent de la place de l’Étoile et le 8e arrondissement profitèrent de ce boom et arborèrent une richesse nouvelle. En plus, d’un seul coup, les villages autour l’Étoile de Chantecoq virent leur population s’accroître de plus du double. Des centaines d’ouvriers de toutes corporations, des surveillants de travaux et toute une intendance furent des anciens villages un immense chantier. Des blanchisseries, de petites usines, des ateliers, ainsi que de nombreuses petites entreprises se créèrent pendant cette période. Les anciens villages se transformèrent en petites villes et formèrent un front continu sur la Seine.

Image 9 : La Carte de l’État-Major montrant les lignes ferroviaires et l’urbanisation de la fin

du 19e siècle, 1880

AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014

40 De Moncan, P., 2009, Le Paris d’Haussmann, Paris, Éditions du Mécène, pp. 7-25, 27, 29-31, 33, 178

Page 36: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[28]

Le développement urbain de Paris s’interrompit d’une façon violente pour une courte période à cause du siège de Paris en 1870 par les Prusses, les combats de la Commune de 1871, les barricades, les attaques et les contre-attaques qui laissèrent de mauvais souvenirs aux habitants de Paris. L’héroïque résistance déployée en ces tragiques circonstances par le peuple de Paris et de la banlieue fut symbolisée, en 1883, par l’inauguration de la célèbre statue qui devait donner son nom à la butte de Chantecoq, désormais baptisée rond-point de La Défense. Après cette courte pause, le développement conjoint encore plus rapide de l’artisanat et de l’industrie, des moyens de transports (du chemin de fer et des tramways en particulier) et de l’extension de la région parisienne résultèrent à une croissance de la population sans précédent, qui arriva a son maximum avant la Grande Guerre41.

1.1.3. Les premières franges urbaines font leur apparition au territoire de La Défense

Vers le changement du 19e au 20e siècle, l’industrialisation de la production et l’intensification des transports, afin de couvrir les besoins quotidiens de la population urbaine qui accroîtra à Paris, ne furent pas seulement nécessaires, mais inévitables. Le besoin de relier directement le centre-ville avec les banlieues, ainsi que les banlieues entre eux, combiné avec une nécessité interminable de produire et de consommer encore plus de produits pour répondre à la population croissante, menèrent au besoin supplémentaire en infrastructures et en main-d’œuvre, qui a leur tour nécessita une intensification de l’industrie et de l’offre de transports additionnelle. L’emplacement des usines s’adapta à cette situation et fut à côté des banlieues ouvrières, ainsi que près du fleuve et des lignes ferroviaires. Les nouvelles agglomérations balnéaires composées par les pavillons des ex-agriculteurs, qui s’étaient transformés en ouvriers, se situèrent surtout à l’Ouest parisien. La Défense fut une partie intégrale d’elles, surtout à cause de son positionnement dans le territoire des grands méandres et du fait qu’elle était située à la fin de l’axe directe qui débuta du Louvre. D’autre côté, les nouvelles banlieues de la bourgeoisie furent des extensions directes du centre-ville dans un style néoclassique. Tel fut le cas de Neuilly, voisin de La Défense42.

La demande fut tellement grande, également par les populations ouvrières et par les bourgeois, que les transports ne pouvaient plus être effectués d’une façon conventionnelle. Pour cette raison, les habitants de Courbevoie demandèrent en 1898 la création d’une nouvelle gare à la place de La Défense, les reliant rapidement avec le centre de Paris et Saint-Germain-en-Laye. Leur

41 « L’histoire de Courbevoie : 2000 ans d’histoire », Ville de Courbevoie [En ligne], Accueil, Vivre à Courbevoie, Cadre de vie, Histoire et patrimoine, consulté le 20 avril 2015. URL : http://www.ville-courbevoie.fr/vivre-a-courbevoie/cadre-de-vie/histoire-et-patrimoine/lhistoire-de-courbevoie.htm 42 Sarigiannis, G. M., 2000, Athènes 1830-2000 : Evolution-Urbanisme-Transports, Athènes, Éditions Symmetria, pp. 25-26

Page 37: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[29]

demande ne fut pas acceptée à l’époque, à cause du fait que la société ferroviaire considérait la population de La Défense n’étant pas assez grande afin de satisfaire une telle demande. Pourtant, le besoin de cette connexion directe fut couvert par le tramway en vapeur de la ligne Étoile – La Défense, qui fut inaugurée en 1890, prolongée jusqu’à Saint-Germain-en-Laye et électrifiée en 1911. Une autre ligne, perpendiculaire à celle-ci, fut la ligne reliant Saint-Cloud à Asnières, empruntant la voie de la rive-gauche de la Seine43.

Image 10 : La Carte du Service Géographique de L’Armée montrant l’urbanisation du

début du 20e siècle, 1902

AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014

Ces deux lignes changèrent dramatiquement la façon dont La Défense fut urbanisée pendant le début du 20e siècle. Les prairies et les fermes cédèrent la place à une multitude d’usines en tout genre : laveries, maroquineries, aviation, automobile, métallurgie, textiles, etc. La rive-gauche de la Seine, ainsi que la partie de l’axe entre le pont de Neuilly et le rond-point de La Défense (appelée désormais Avenue de La Défense) furent urbanisées et densifiées extrêmement rapidement. Les industries situées entre le rond-point de La Défense et la ligne ferroviaire Paris – Versailles, ainsi que les industries autour le pont de Neuilly, grandirent et commencèrent à former des friches industrielles. L’Avenue de La 43 « L’histoire de Courbevoie : 2000 ans d’histoire », Ville de Courbevoie [En ligne], Accueil, Vivre à Courbevoie, Cadre de vie, Histoire et patrimoine, consulté le 20 avril 2015. URL : http://www.ville-courbevoie.fr/vivre-a-courbevoie/cadre-de-vie/histoire-et-patrimoine/lhistoire-de-courbevoie.htm

Page 38: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[30]

Défense, préservée de l’industrie, devint dotée par la présence de nombreuses brasseries, guinguettes et ateliers d’artistes, afin de répondre aux besoins des habitants, ainsi que des passagers. D’autre part, les territoires à l’ouest de La Défense restèrent primordialement des terrains agricoles, divisés par des friches ferroviaires, et ne s’urbanisèrent pas à l’époque, malgré le fait que des activités intenses, comme les carrières, furent leur apparition. Si par cette description on retient une image chaotique de l’espace, ce n’est pas le cas en niveau topographique. La Défense fut surtout une banlieue ouvrière et les habitations furent mal faites, insalubres et densément bâties. Malgré ce fait, elles suivirent des règles topographiques, soit en s’adaptant à l’orientation du fleuve et à la pente de la butte de Chantecoq qui monte depuis la Seine jusqu’au rond-point de La Défense, soit en se raccordant à quelque axe parmi ces déjà traces. Le chaotique de l’image de La Défense est dû plutôt au fait que, comme la plupart des banlieues de Paris, elle ne fut pas affectée par les travaux d’Haussmann, et donc son équipement et ses bâtiments furent problématiques. Ces problèmes persistèrent jusqu’à la fin de la Grande Guerre, étant fortement liés à la façon chaotique dont l’industrialisation s’adapta à la topographie urbaine de l’époque. Toutes ces questions menèrent évidemment aux visions idéales de la période de l’entre-deux-guerres.

Image 11 : Vue aérienne de La Défense, 1921

IGN, Géoportail

Page 39: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[31]

1.2. De 1922 jusqu’à 1949

1.2.1. La modernisation suspendue provoque la naissance de la modernité et de l’urbanisme de dalle

L’urbanisme moderne ne naquit pas avec la formation de la ville industrielle, mais à cause d’elle, quand les transformations et les grandes demandes de la ville industrielle formèrent un cadre qui demanda une sorte d’intervention réparatoire. De cette façon, l’urbanisme fut appelé à intervenir en deuxième phase aux villes, au lieu de contrôler leur croissance. Entre la Révolution de 1848 et le début du 20e siècle, de grandes interventions de modernisation dans les capitales européennes furent lieu, comme les grands travaux d’Haussmann à Paris et d’Anspach à Bruxelles, la systématisation du Ring de Vienne, ainsi que l’extension de Barcelone et de Florence. L’urbanisme moderne fut appelé durant cette époque à étendre à toutes les classes sociales les bénéfices de la révolution industrielle afin de construire une communauté moderne. En raison de ces événements, l’urbanisme perdit son détachement apparent par les conflits sociaux et sa capacité de régler tout par des plans globaux. Au contraire, on constate un parcours ou il devint peu à peu une technique d’équilibre qui ne visa pas à la réalisation globale parfaite de l’aménagement des villes, mais a une série de modifications partielles et révolutionnaires, en se compromettant entre les pouvoirs en jeu44.

Pourtant, jusqu’à la fin de la Grande Guerre, et malgré les transformations d’Haussmann et de ses successeurs, Paris compta de nombreux quartiers délabrés. Plusieurs enquêtes amenèrent à recenser les îlots « tuberculeux » ou insalubres. En plus, les banlieues de Paris continuèrent à grandir d’une façon anarchique et incontrôlable. Paris commença aussi à rencontrer de grands problèmes dans la gestion des flux de transport. Afin de répondre à l’intensification des circulations de Paris, Eugène Hénard emprunta l’idée de Léonard de Vinci évoqué dans son projet de la « Città Ideale » du 15e siècle. Horrifié par l’insalubrité et la surpopulation des villes italiennes, de Vinci développa à travers quelques textes et dessins un projet de ville sur deux niveaux, organisant une séparation entre les services et les piétons, mais également entre les groupes sociaux45. Hénard présenta sa version de séparation des circulations des véhicules et des piétons lors de la conférence à Londres « Les Villes de l’Avenir » en 1910 avec sa proposition de « La Rue Future ». Celle-ci, outre la séparation verticale des piétons et véhicules, permettait par la création d’un nouveau sous-sol le passage invisible des infrastructures46.

44 Benevolo, L. 1976, Le origini dell’urbanistica moderna, Roma-Bari, Editori Laterza, pp. 142-192 45 Pedretti, C., 1988, Leonardo Architetto, Milano, Mondadori Electa, pp. 52-56 46 Hénard, E., 1982, Études sur les transformations de Paris et autres écrits sur l’urbanisme, Paris, Éditions L’Équerre, pp. 30-42

Page 40: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[32]

Image 12 : « La Rue Actuelle », la « Rue Future » et la « Voie de Grande Circulation »

d’Eugène Hénard, 1910

Hénard E., 1911

Antonio Sant’Elia dans son « Manifeste de l’Architecture Futuriste », juste 4 années après la proposition d’Hénard, avança énormément avec le concept de la séparation verticale et du sol artificiel, en proposant une entière ville nouvelle de caractère futuriste et brutaliste. Sa proposition présentait une ville du futur hautement industrialisée et mécanisée qu’il ne conçut pas comme une masse de bâtiments individuels, mais plutôt comme une vaste conurbation à plusieurs niveaux, interconnectée et intégrée, dont le fonctionnement serait orienté autour de la « vie » de la cité. Ses dessins qui furent très influents sur les projets urbains tout au long du 20e siècle montraient d’immenses gratte-ciel monolithiques avec des terrasses, des ponts et des passerelles aériennes qui ignoraient le sol naturel en proposant une topographie artificielle, produit de l’ère industrielle et de l’avancement de la technologie47.

Une autre source d’inspiration majeure pour les urbanistes de l’entre-guerre fut l’idée de la « cité-jardin » imaginée en 1898 par Sir Ebenezer Howard en Royaume Uni. Howard crut que tout le monde était d’accord que la surpopulation et la détériore des villes fut le plus grand problème des villes. Son concept de cité jardin combinait la ville et la campagne de façon à procurer une solution alternative pour la classe ouvrière, qui a l’époque s’employa dans les fermes ou dans les villes « surpeuplées et insalubres »48. L’objectif de la cité-jardin fut de créer des communautés planifiées et autosuffisantes, contenant en zones de taille égale l’habitat, l’industrie et l’agriculture, dans un ensemble qui aurait être encerclée par une ceinture verte. Quand une cite jardin serait arrivée au maximum de sa capacité, le plan de Howard prévoyait l’implantation d’une nouvelle cité-jardin voisine, afin de créer un complexe satellitaire autour une ville centrale existante. L’ensemble aurait été connecté par un réseau vinaire et ferroviaire extensif49.

Henri Sellier, séduit par les cites-jardins de Howard, en tant que ministre de la Sante Publique, fonda l’Office Public d’Habitations à Bon Marché de la Seine en 1916, qui permuta d’acquérir les terrains nécessaires à l’édification de cités-

47 Cuito, A., 2003, Antonio Sant’Elia, Berlin, TeNeues collection « Archipockets », pp. 66-73 48 Howard, E., 1902, Garden Cities of To-morrow, London, S. Sonnenschein & Co, pp. 2-7 49 Goodall, B., 1987, Dictionary of Human Geography, London, Penguin, pp. 69, 186

Page 41: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[33]

jardins en banlieue parisienne. Durant sa présidence, il contribua à l’édification des quinze plus importantes cités-jardins en banlieue parisienne, suivant l’exemple de Londres, de New York et de Berlin. Malgré le fait qu’enfin on construit partout des banlieues-jardins, ce ne fut pas du tout l’objectif initial de Howard. En effet, Howard essaya d’établir exactement le contraire avec les cités-jardins, en prévenant la périurbanisation de la ville et en arrêtant son expansion, ainsi que l’occupation illogique de terres agricoles. En plus, il milita pour que les cités-jardins fussent autosuffisantes50. Évidemment cet échec fut noté même à Paris par Sellier, qui constata qu’« aucune des communes de banlieue n’a d’existence économique propre, toutes constituent l’un des éléments de l’immense agrégat de la région parisienne »51.

Aux États-Unis, après avoir expérimenté avec les cités-jardins en banlieue, on reprit dans la période de l’entre-guerre les grands projets de renouvellement urbain et de démolitions des quartiers dégrades, qui furent initialises au début du 20e siècle sous Daniel Burnham a Chicago et sous Jacob Riis a New York. Le concept de la séparation des flux de circulation fut à l’épicentre des illustrations de Hugh Ferriss et de Harvey Wiley Corbett pour le renouvellement de New York, laissant généralement les voitures au niveau du sol naturel et posant les piétons sur des passerelles en hauteur. Les perspectives idéalistes de Hugh Ferriss52, ainsi que les études de Harvey Wiley Corbett53, entre 1922 et 1923, s’attachèrent à la réalité actuelle de New York, à l’époque en pleine densification urbaine, et ils furent la norme suivie dans les premiers projets de dalles appliqués. Le renouvellement d’une grande partie New York avec des ponts, des passerelles, des autoroutes aériens, des logements sociaux en forme de tours et des parcs publics culmina sous la direction de Robert Moses entre les années 1930 et 1970, marquant la topographie de la métropole américaine et provoquant énormes controversions54.

Malgré les échecs et les problèmes durant l’implémentation de plusieurs visions à Londres, à Berlin et à New York, ces trois villes continuèrent à séduire les jeunes urbanistes et les administrateurs français. Notamment, l’architecte Louis Bonnier et l’historien Marcel Poëte étudièrent l’exemple de Berlin, soulignant les qualités de cette « ville neuve, comparée à Paris et à Londres, [qui est] une ville modèle sous le rapport de l’hygiène et des espaces libres ». Le rapport de Bonnier et de Poëte eut le statut d’un document préparatoire pour le concours de 1919 sur le Plan d’Extension de Paris, qui se fonda tant dans les objectifs

50 Hall, P., 1996, Cities of Tomorrow, Oxford, BlackWell, pp. 87-140 51 « Évolution de l’urbanisme en Région parisienne », Paris projet ou vandalisme [En ligne], Le plan d’aménagement de la région parisienne de 1934 : le plan Prost, mis en ligne le 24 mars 2014, consulté le 20 avril 2015. URL : http://paris-projet-vandalisme.blogspot.fr/2014/03/le-plan-damenagement-de-la-region.html 52 Ferriss, H., 1929, The Metropolis of Tomorrow, New York, Dover, pp. 108-126 53 « Prediction 1928: City of The Future », Popular Mechanics [En ligne], The Future That Never Was: Pictures from the Past, Prediction 1928: City of The Future, consulté le 10 octobre 2014. URL : http://www.popularmechanics.com/technology/engineering/future-that-never-was-future-city#slide-4 54 Fitzpatrick, D., May 21, 2000, « The Story of Urban Renewal », Pittsburgh Post-Gazette

Page 42: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[34]

que dans la méthode de la consultation organisée pour le Gross-Berlin en 191055.

Image 13 : « La métropole de l’avenir » de Hugh Ferriss, 1922

Ferriss, H., 19 mars 1922

En 1922, Auguste Perret alla beaucoup plus loin en croisant le concept de la cité-jardin de Howard avec les gratte-ciel et les passerelles piétonnes aériennes des utopistes américains. Il conçut un pont gratte-ciel pour la banlieue de Paris qui se composait d’un alignement de « maisons-tours » de 200 mètres de haut allant de la Porte Maillot à la Croix de Noailles, en passant par Neuilly et La Défense, ainsi que d’une ceinture sur l’emplacement de l’enceinte de Thiers (où se trouve l’actuel Boulevard Périphérique). Cet ensemble de 250 tours serait relié par des ponts qui auraient comporté appartements, bureaux et commerces. Le sol entre les tours serait libéré afin d’y aménager des jardins56. La proposition de cet ensemble qu’ignora complètement la topographie naturelle et bâtie de Paris sera prophétique pour l’avenir de La Défense.

55 « Villes et monuments », Gallica – Bibliothèque Nationale de France [En ligne], Art et décoration (Paris), consulté le 20 avril 2015. URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5542687x/f262.image 56 « Avenue des Maisons-Tours, banlieue Ouest de Paris – Auguste Perret », Institut Auguste Perret [En ligne], Les projets non réalisés d’Auguste Perret, consulté le 20 avril 2015. URL : https://architectona.wordpress.com/oeuvres-dauguste-perret/paris/avenue-des-maisons-tours-banlieue-ouest-de-paris/

Page 43: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[35]

Comme il devient évident, pendant l’entre-deux-guerres, avec le développement grandissant des voitures dans les villes, plusieurs projets de séparation des circulations et de détachement par le sol naturel furent leur apparition, mais leur radicalité restait surtout au domaine de l’utopie. Dans la même période, une partie des quartiers centraux de la rive droite de Paris, réputés pauvres et quasi insalubres, suscita l’intérêt des urbanistes. L’un d’entre eux, Charles-Édouard Jeanneret-Gris, plus connu sous le pseudonyme de « Le Corbusier », développa l’idée de « La Ville Radieuse », une ville qui aurait pu accueillir trois millions d’habitants, et la présenta au Salon d’Automne de 1922. L’idée de Le Corbusier fut de décomposer la ville en 3 secteurs (le centre d’affaires, la périphérie d’usines et les cités jardins) destinés à 3 catégories de population (les urbains du centre d’affaires, les suburbains qui travailleraient dans la périphérie dédiée aux usines et vivraient dans des cités jardins, les mixtes qui travailleraient dans le centre des affaires, mais qui auraient leur famille dans une cité jardin). Afin de diminuer les distances à parcourir, il aurait fallu densifier le centre d’affaires et bannir la rue traditionnelle au profit d’une répartition de la circulation en niveaux différents. La réflexion de Le Corbusier s’appuya sur les considérations hygiénistes qui furent apparues lors du mouvement des « cites-jardins », ainsi que sur le principe des 3 niveaux de circulation d’Hénard.

Image 14 : Maquette du « Plan Voisin » de Le Corbusier, 1925

Fondation Le Corbusier

Cette utopie séduisit un constructeur d’automobiles et d’avions, Voisin, qui finança les études pour que Le Corbusier l’adapte au cœur de Paris. Le Corbusier situa son idée sur une partie importante de la rive droite, qui se

Page 44: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[36]

prolongea de l’est du Marais jusqu’au pied de la butte Montmartre et la présenta sous forme d’un plan plus concret en 1925, au Pavillon des Temps Nouveaux. Ce plan qui fut appelé le « Plan Voisin » proposa la construction d’une série d’immeubles cruciformes alignés de façon orthogonale ainsi que la construction de deux nouvelles artères de circulation aérienne sur les axes est-ouest et nord-sud, reliant Paris aux autres villes françaises et européennes57. L’urbanisme de dalle était inauguré.

1.2.2. L’axe historique et La Défense à l’épicentre des visions modernes

Après la Grande Guerre et l’inhumation du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe en 1920, la ferveur patriotique suggère de rebaptiser les Champs-Elysées avec le nom « Voie Triomphale » au lieu de « Voie Impériale » et d’installer un complexe monumental à l’endroit de la porte Maillot. L’idée d’un aménagement en concordance avec ce changement idéologique suscita un premier concours d’idées en 1929, lance par Léon Rosenthal sur ces fonds propres. Rosenthal, qui était un riche négociant en perles fines et promoteur des galeries marchandes aux Champs-Elysées, s’efforça d’obtenir des terrains du Luna-Park situe à Porte Maillot et voulait constituer là un centre de l’automobile, tout en aménageant la sortie ouest de Paris, au point de liaison de l’avenue de la Grande Armée et de l’avenue de La Défense. De grands architectes comme Auguste Perret, Le Corbusier et Mallet-Stevens y présentèrent des esquisses d’allure très contemporaine58. Le projet de Le Corbusier proposa une solution répondant à une distribution rationnelle de la circulation en un point capital de Paris, tout en assurant par des différences de niveau un classement adapte, tant pour la circulation que pour les stationnements de voitures. Il propagea aussi qu’il fallait éloigner définitivement la rue des maisons et d’établir progressivement le principe de la transformation de Paris en « Ville Verte »59. Dans ce concours on note aussi le projet futuriste de Robert Mallet-Stevens avec des ponts aériens et des passerelles piétonnes, rassemblant aux illustrations utopiques des architectes américains. Les principes de ces deux projets inspireront les urbanistes et marqueront la topographie de La Défense, trois décennies plus tard.

En 1931, la Ville de Paris et le département de la Seine organisèrent à leur tour, sans attendre la présentation des projets de Rosenthal, un concours pour l’aménagement de la « Voie Triomphale », avec le sous-titre « première formulation de la stratégie d’extension verticale de l’Ouest parisien qui se 57 « Plan de Paris, Paris, France, 1925 », Fondation Le Corbusier [En ligne], Infos Pratiques, Projet non réalisé, consulté le 20 avril 2015. URL : http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=6141&sysLanguage=fr-fr&itemPos=147&itemSort=fr-fr_sort_string1%20&itemCount=215&sysParentName=&sysParentId=65 58 Cohen, E., 1999, Paris dans l’imaginaire national dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, p. 328 59 Demeyer, P., 1988, La Défense : 30 ans, 30 événements, La Défense, ÉPAD, p. 9

Page 45: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[37]

Image 15 : Esquisses de Le Corbusier pour l’aménagement de la Porte Maillot, 1929

Fondation Le Corbusier

Image 16 : Perspective de Mallet-Stevens pour l’aménagement de la Porte Maillot, 1929

Fondation Le Corbusier

Page 46: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[38]

matérialisera dans les années 1950 ». Parmi les trente-cinq projets d’architectes de renom, on retrouvera une proposition de Le Corbusier, cette fois encore plus élaboré. La proposition de Le Corbusier était la seule qui répondait à la demande de « donner satisfaction aux nécessités de la circulation et être digne de notre capitale », en proposant de séparer la circulation des autos et des piétons sur deux niveaux60. Évidement Le Corbusier incorpora ses idées dans la Charte d’Athènes, qui fut rédigée pendant le 4e CIAM de 1933, militant l’hiérarchisation des flux et la séparation totale des flux des piétons et des voitures, le détachement par le sol naturel, le zonage fonctionnel, ainsi que l’abrogation de l’emplacement des bâtiments sur la rue traditionnelle61. La plupart des projets de ce concours eurent encore du mal à sortir de l’architecture décorative monumentale, voire cocardière. On retient pourtant le projet d’André Granet qui fut un prélude de ce qui serait le futur quartier d’affaires de La Défense. Dans cette proposition les bâtiments en hauteur s’alignaient à l’axe en laissant une vaste passerelle-jardin pour les piétons, qui culminait a un bâtiment monumental juxtapose a l’Arc de Triomphe. En ce qui concerne l’insertion dans le site de La Défense, le choix fait fut celui d’encercler l’ensemble par une voie périphérique qui aurait séparé l’ensemble par le reste du quartier. Ce principe de composition urbaine marquera la topographie de La Défense comme il sera celui qui sera enfin choisi quand le projet abouta.

Image 17 : Plan du projet d’André Granet montrant un boulevard périphérique autour La

Défense, 1933

IAU – Île-de-France

Ces théories, ces pensées, ces images de Paris se fondent sur une vision de l’histoire de la ville, de son rôle, de ses fonctions dans le monde. Devant une croissance, une extension, des transformations profondes postérieures à la Grande Guerre et aux modes de production, les urbanistes constatent la révolution d’une époque, mais en même temps, ils ne remettent pas en cause l’héritage d’Haussmann, qui est la transformation de l’espace urbain à travers

60 « Aménagement de la porte Maillot, Paris, France, 1929 », Fondation Le Corbusier [En ligne], Infos Pratiques, Projet non réalisé, consulté le 20 avril 2015. URL : http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=5589&sysLanguage=fr-fr&itemPos=1&itemSort=fr-fr_sort_string1%20&itemCount=3&sysParentName=Home&sysParentId=64 61 Le Corbusier, 1957, La Charte d’Athènes, Paris, Éditions de Minuit, pp. 75-86

Page 47: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[39]

les grands travaux, ainsi que l’orientation a l’ouest de l’espace parisien. Les urbanistes de cette époque voulurent établir de l’ordre dans un espace qu’ils percevaient d’être complètement désorganisé, celui de la banlieue. Ils se posèrent au cœur du débat de société, « politique » au sens étymologique, et ils inscrivirent dans l’espace une articulation entre histoire et modernité62. Ces propositions et visions n’auraient pas eu de sens que dans la perspective plus large du plan du Plus Grand Paris. Sous la direction de l’urbaniste Henri Prost, le CSAORP (Comité Supérieur d’Aménagement et d’Organisation de la Région Parisienne) définit géographiquement la région parisienne (le département de la Seine, les communes dans un rayon de 35 km ainsi qu’une partie de l’Oise) avec la loi de mai 1932. La voie triomphale reliant Paris à l’Étoile de Noailles dans la forêt de Saint-Germain en devint l’axe principal qui aurait dirigé le déplacement de Paris vers l’ouest. La ville moderne aurait être vouée aux affaires et aurait bénéficié du confort technique le plus avancé. Au vieux Paris, y fut ajoutée une zone annexée à réglementation spéciale, qui dessinerait un carré de 12 km de côté. Ce nouveau Paris aurait eu une croissance bloquée (sauf à l’ouest) par une zone non aedificandi d’une dizaine de kilomètres d’épaisseur, formant un rectangle de 23 par 26 km. D’autre part, la Voie Triomphale, devenant « l’épine dorsale de la nouvelle ville », aurait accueilli tout le développement urbain futur. Le plan Prost qui devint PARP en 1941, sera jusqu’aux plans intercommunaux des années 1960 le seul document opposable aux tiers, et posera le territoire de La Défense dans l’épicentre du discours autour le renouveau de Paris et de sa banlieue63.

1.2.3. Les caractéristiques topographiques de La Défense se stabilisent avant la construction du quartier d’affaires

La paix retrouvée après la Grande Guerre, La Défense restait toujours un centre d’artisanat, de petites et moyennes entreprises (automobile, aviation, mécanique générale, façonnages divers), ainsi que d’ateliers. En 1931, la zone la plus dense en industries fut encore celle du pont de Neuilly, ainsi que celle autour le rond-point. L’axe de La Défense fut urbanisé dans toute sa longueur, mais l’arrière-pays resta encore sporadiquement bâti, surtout à Puteaux. La trame parcellaire de l’arrière-pays de Courbevoie et de Puteaux, qui s’adapta au relief naturel, sauf les parcelles délimitées par les axes débutants du rond-point, fut peu à peu divisée en plusieurs petites propriétés et densifiée avec des pavillons jusqu’à la fin des années 1940, suivant la trame foncière typique de la banlieue parisienne. D’autre part, les territoires à l’ouest de La Défense restèrent encore des terrains agricoles, divisés par des friches ferroviaires, mais la présence des carrières et des industries s’intensifia, afin de couvrir les besoins en matériaux de construction pour l’accroissement des banlieues environnantes. Les différents types d’urbanisation qui s’appliquèrent à La Défense, ainsi que ses zones de 62 Cohen, E., 1999, op. cit., pp. 330-332 63 Castex, J. ; Rouyer, R., 2003, Les tours à Paris, bilan et prospectives, Paris, Atelier Parisien d’Urbanisme, pp. 19-23

Page 48: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[40]

frange, commencèrent peu à peu à se clarifier. En général pourtant, on peut dire que pour la période jusqu’avant le développement du quartier d’affaires, aucun changement profond ne se déroula par rapport aux caractéristiques topographiques de La Défense, malgré le fait que cette période fut une période pleine de visions et plans.

Image 18 : Vue aérienne de La Défense, 1949

IGN, Géoportail

Durant cette période, le changement plus notable pour La Défense fut lié avec les transports. En 1925, le réseau des tramways qui desservaient la métropole parisienne atteint son apogée. Cependant, ce succès va durer moins d’une dizaine d’années. L’avenir des tramways parisiens sembla radieux, mais le réseau, un des plus importants du monde, fut déjà menacé par le développement de la circulation automobile. La puissance des lobbys pétrolier et industriel automobile entraîna une attaque virulente contre le tramway, considéré comme archaïque et gênant. La Préfecture de Paris envisageait déjà de « dégager » le centre de Paris des lignes de tramway pour laisser plus de place à la circulation automobile. Si cette volonté ne fut alors pas soutenue par la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne (STCRP) qui investit dans la modernisation de son réseau, elle reçut en revanche un accueil très favorable de la part de conseillers municipaux et d’une partie de la presse. À partir de 1930, sous l’effet de cette pression politique, la STCRP, qui soutint désormais sans réserve ce choix, supprima rapidement les lignes de tramway et les remplaça par des lignes d’autobus64. La fermeture du tramway de la ligne Étoile – La Défense – Saint-Germain-en-Laye signifia la perte de la connexion directe entre Paris et La Défense avec un moyen de transport en commun sur

64 Tricoire, J., 2007, Le tramway à Paris et en Île-de-France, La Vie du Rail, p. 39

Page 49: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[41]

site propre, et il faudra attendre 35 ans, jusqu’à l’inauguration de la ligne Étoile – La Défense du RER en 1970. La fermeture du tramway signifia aussi la perte de la connexion de Saint-Cloud à Asnières, parallèlement à la Seine. Par conséquent, l’Avenue de La Défense, ainsi que la rive gauche de la Seine furent dévouées dorénavant à l’usage des voitures, ce qui va marquer leur caractère dans la future.

Page 50: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[42]

1.3. De 1950 jusqu’à 1958

1.3.1. L’invention du cadre pour la création du quartier d’affaires de La Défense

Après le juillet de 1944 qui fut marqué par la conférence de Bretton Woods ou les négociations sur la reconstruction du système monétaire international furent lieu, commença une période connue comme les « Trente Glorieuses », qui dura jusqu’à la manifestation complète de la crise pétrolière du 1974. Cette période fut caractérisée par une forte croissance économique, le retour vers une situation de plein emploi dans la grande majorité des pays européens et nord-américains, une croissance forte de la production industrielle, ainsi qu’une expansion démographique importante (le baby boom). De 1946 à 1950, la France paralysée par une économie et des infrastructures obsolètes ne connut pas de réelle croissance et les conditions de vie furent très difficiles, en raison du coût élevé de la vie. Cependant, au début des années 1950 la situation permuta d’être optimiste avec un taux de croissance annuel de l’économie qui dépassa le 5 %. La croissance fut également soutenue par la diffusion de nouvelles technologies, consécutive à l’augmentation de l’extraction du pétrole et à la hausse du pouvoir d’achat. La conséquence la plus notable fut le redémarrage rapide des secteurs du bâtiment et des travaux publics, nécessaires à la reconstruction du pays, et à la modernisation de ses infrastructures, qui permuta la réinitialisation du dialogue public autour la modernisation de Paris, et surtout de sa banlieue65.

Malgré les analyses, les plans et les rêves de la période de l’entre-guerre, aucune opération ne fut encore menée et les îlots insalubres existaient toujours, à cause de la Seconde Guerre Mondiale. En 1950, se forma au Conseil de Paris une commission d’aménagement chargée de préparer le plan prévu par la loi d’urbanisme du 15 juin 1943. Présidé par André Thirion, ce groupe de travail produisit un ensemble de propositions qui ouvrit un débat sur la modernisation de Paris. Les principaux points développés dans le rapport de Thirion visaient à maintenir la prééminence économique de Paris sur le reste du territoire national. Thirion milita aussi contre le déplacement des activités industrielles et l’idée de desserrement urbain et proposa en plus la création d’un énorme centre d’affaires dans le triangle gare Saint-Lazare, gare du Nord et place de la République66. Bien que le rapport soit rejeté par le Conseil, il constitue un précédent dans les projets de modernisation radicale de Paris. Les réactions

65 Castex, P., 2010, Trente Glorieuses, trente années de plomb, Grande crise et « changement d’ère » : Macrocomptabilité de la France 1949-2008, Paris, Éditions L’Harmattan, pp. 7-14 66 Thirion, A., 1951, « Rapport présenté au nom de la Commission d’aménagement de Paris sur les opérations générales et locales de la voirie, la répartition des espaces verts et l’affectation préférentielle qu’il convient de donner à certains quartiers tels que ces mesures sont proposées à l’Assemblée municipale par le projet de plan directeur concernant l’aménagement de la Ville de Paris », Rapports et documents du Conseil municipal, No 1, Paris, Imprimerie Municipale, p.7

Page 51: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[43]

furent très vives à ces propositions et les élus communistes dénoncèrent notamment la volonté politique d’exclure de Paris la population ouvrière et de favoriser une population privilégiée.

Le débat municipal sur la « modernisation » de Paris reprit par la publication d’un nouveau rapport sous la direction de Bernard Lafay. Ce dernier fut élu du Parti Radical, président du Conseil Municipal de Paris et ministre de la Santé Publique et de la Population. Élaboré en collaboration avec l’architecte Raymond Lopez, ce rapport s’appuya sur une stratégie de transformations basées sur deux axes principaux, celui du logement et celui de la circulation67. La référence à l’urbanisme américain fut récurrente68, les infrastructures autoroutières jouant un rôle déterminant dans le rapport Lafay. Ce remodelage aurait permis la construction d’immeubles plus hauts afin de libérer le sol pour l’implantation d’équipements publics et d’espaces verts. Pour éliminer l’insalubrité, il convint de remodeler complètement la ville à l’exception de son « noyau de cristallisation » quasi homogène qui se solidifia au temps d’Hausmann. Il s’agit en effet de prôner une forme de mixité fonctionnelle dans le Paris périphérique pour « créer de nouveaux centres de vie » et « désencombrer le centre de la capitale »69. Au rapport Lafay de 1954 succéda le plan exposé de Lopez en 1957, dans lequel il distinguait les îlots « mal construits », qui devaient être reconstruits, ainsi que des zones jugées « bien construites », à conserver. Un quart de la ville devait être rénové et Lopez envisagea, pour les quartiers reconstruits, un urbanisme fondé non plus sur l’alignement sur rue traditionnel, mais sur un « urbanisme d’ensemble » : les constructions, non soumises à l’exiguïté des parcelles existantes, auraient pu exploiter des solutions nouvelles inspirées de certaines des théories exposées par Le Corbusier70.

Contrairement aux analyses précédentes, l’analyse de Raymond Lopez et des autres urbanistes des années 1950 connut une réalisation partielle et spectaculaire. La raison plus importante fut qu’il bénéficia du soutien du nouveau régime du général de Gaulle, assez fort pour vaincre les inerties traditionnelles. L’objectif de modernisation de Paris ne souleva guère d’objections, pas plus que les moyens employés. Lopez aura ce que Le Corbusier avait toujours cherché et jamais vraiment trouvé : l’appui d’un pouvoir fort, celui de la toute nouvelle cinquième République, ainsi que l’argent de la croissance des Trente Glorieuses. Au rapport Lafay de 1954 et au plan exposé de Lopez de 1957, succéda le Plan d’Urbanisme Directeur (PUD) qui fut issu avec le Plan d’Aménagement et d’Organisation de la Région Parisienne (PADOG) du décret du 31 décembre 1958 pour coordonner le développement de la capitale et de sa région. Le PADOG sera rapidement abandonné en 1960, peu après son approbation, au profit du Schéma Directeur de la Région

67 Lafay, B., 11 décembre 1954, « Problèmes de Paris, contribution aux travaux du Conseil municipal : esquisse d’un plan directeur et d’un programme d’action », Rapports et documents du Conseil municipal, No 1, Paris, Imprimerie Municipale, p.52 68 Lopez, R., février-mars 1957, « Visite aux USA – La leçon de Mies van der Rohe », L’Architecture d’Aujourd’hui, No 70 69 Lafay, B., décembre 1954, op. cit., p.96 70 Castex, J. ; Rouyer, R., 2003, op. cit., pp. 19-23

Page 52: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[44]

Parisienne (SDAURP), entériné en 1965. Le PUD, de l’autre part, fut appliqué dès 1961 mais son approbation eut lieu en 1967. Le rapport du PUD prit acte du développement du secteur tertiaire et y vit « un des faits marquants de notre époque », mais il préconisa de limiter les opérations du centre au profit d’une décentralisation en banlieue, proche et lointaine. Il entérina le fait que le Triangle d’Or de la rive droite constitua un pôle d’activités financières important et qu’il fallait le maintenir. Il proposa pourtant de limiter son développement au profit d’opérations programmées et articulées à de nouvelles infrastructures de transport et de stationnement dans les nouveaux pôles, comme celui de Maine-Montparnasse et du « centre d’affaires de la région de La Défense », tous deux alors à l’étude71.

1.3.2. Le début d’une opération d’urbanisme moderne et la création d’un établissement

La période de 1950-1958 fut pour La Défense une période décisive, car les décisions sur sa programmation mirent en jeu différentes représentations du futur quartier. La Citibank, première banque d’affaires mondiale, développa l’idée de l’emplacement d’un quartier d’affaires au site de La Défense dans une note datant de 1931. Ce ne fut pourtant que 20 ans plus tard que le Conseil Général de la Seine opta pour la réalisation d’une cité d’affaires à La Défense. Jusqu’à cette décision, les débats on relève que l’on ne voulut pas en faire d’un Manhattan à la parisienne et qu’il fallait pour cela éviter les densités trop élevées ou les voies trop étroites auraient ressemblé à des gouffres. Le programme fit l’objet de nombreuses tergiversations, car le gouvernement hésita entre l’organisation d’une exposition universelle, l’installation de la Maison de la Radio, ainsi que le déplacement et la construction d’une foire-exposition permanente de l’industrie, soutenue par la Chambre Commerce de Paris. La date de l’ouverture de l’exposition universelle sera repoussée plusieurs fois et sa localisation variera. La maison de la Radio sera réalisée ailleurs. Finalement, le projet d’une zone d’affaires comportant des logements emporta progressivement l’adhésion. Dans cette perspective, Eugene Claudius-Petit, ministre de la Construction, engagea le 6 septembre 1950 les architectes Robert Camelot, Jean de Mailly et Bernard Zehrfuss, lauréats di Prix de Rome tous les trois7273.

C’est en 1954 que le lancement de la construction du Centre National des Industries et des Techniques, le CNIT, joua un rôle catalyseur au développement d’un pôle d’activités tertiaires. L’idée de faire d’une opération d’urbanisme un objet d’exposition peut expliquer le caractère novateur de l’opération. En effet,

71 Direction de l’urbanisme, Préfecture de la Seine, Commissariat à la construction et à l’urbanisme pour la Région parisienne, 1960, Plan d’urbanisme directeur : Règlement et Rapport Préfecture de la Seine, Paris, Imprimerie Municipale, pp. 51, 83, 96-97 72Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, La Défense : Un atlas, Paris, Éditions Parenthèses, p. A13 73 Demeyer, P., 1988, op. cit., p. 9

Page 53: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[45]

d’une simple opération de lotissement le long d’une artère nouvelle apparurent progressivement des plans pour la construction d’un quartier moderne.

Image 19 : Étude pour le bâtiment du CNIT de Camelot, de Mailly et Zehrfuss, 1953

Infothèque DEFACTO

Le premier réflexe des urbanistes fut naturel : continuer impérativement la grande perspective rectiligne des Champs-Elysées. C’est ce que prévit le premier plan d’aménagement dessiné en 1955 par Camelot, de Mailly et Zehrfuss (les concepteurs du CNIT). Ce plan prévit aussi l’extension de l’axe vers l’Ouest, comme planifiée par Prost durant les années 1930, ainsi que la création d’un axe diagonal entre l’Avenue Perronet (petite extension de l’axe entre le rond-point de La Défense et les voies ferrées) et l’Avenue du Président Wilson. La création de cet axe diagonal sera vite abandonnée. La composition du quartier fut simplement de construire de chaque côté des axes et de couronner la composition par l’emplacement d’un site d’exposition universelle entre l’axe historique et le nouvel axe diagonal. Ce site d’expositions sera aussi abandonné. Dans ce premier plan, on note une réflexion d’une composition moderniste, mais qui respecte le patrimoine d’urbanisme « à la française » en implantant l’ensemble des bâtiments de chaque côté des axes. Ce choix fut fait évidemment pour des raisons symboliques, mais aussi faute aux contraintes techniques et économiques. Il aurait être beaucoup plus facile d’exproprier les parcelles déjà alignées aux axes, tout en offrant une solution qui se poserait aux terrains au long de l’axe, qui furent déjà terrassées depuis l’ère de Perronet.

Cette première esquisse remaniée fut approuvée en octobre 1956 par toutes les autorités compétentes. Elle prévoyait des immeubles d’habitation de 12 étages et des tours de bureaux de 100 mètres de haut, répartis de manière très ordonnée de part et d’autre d’une grande artère autoroutière qui prit la place de l’Avenue de La Défense. Une grande tour fit aussi son apparition, culminant à une hauteur de 120 mètres, en contrepoint du CNIT. Après le rond-point, l’autoroute s’éleva vers l’Ouest dans un parcours aérien, sous lequel furent envisagés les espaces de parking et la gare ferroviaire, ainsi que la future gare de ce qui sera le RER. On a donc la première intention d’y construire une dalle,

Page 54: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[46]

mais dans ce plan les voitures y circuleraient à ciel ouvert, contrairement à la solution suivie après. Le Plan Directeur pour « la zone dite de La Défense », ainsi que l’appelèrent ses concepteurs du ministère de la Construction, fut adopté en octobre 1956 et il utilisa le plan-masse élaboré pendant la même année. Ce plan directeur distingua deux zones : une Zone A d’une forme triangulaire de 130 hectares, situé entre le pont de Neuilly et le rond-point de La Défense dans les terrains de Puteaux et Courbevoie, et une Zone B plus à l’ouest, couvrant un grand morceau du territoire de la ville de Nanterre de 620 hectares. Ce plan refléta les volontés de modernisation de la banlieue par le contrôle de son urbanisation, ainsi que l’accent mis sur la reconstruction de l’industrie. Cette intention s’exprima surtout sur un mode symbolique avec l’achèvement de construction en 1958 du CNIT. Malgré le caractère public du projet, ce furent des sociétés privées qui financèrent la voûte spectaculaire qui va faire exister La Défense aux yeux des Parisiens74.

Image 20 : Le plan-masse de La Défense, 1956

Infothèque DEFACTO

On peut soutenir que La Défense incarna la volonté de l’État en matière d’urbanisme au début des années 1950, dans la mesure où ce sont ses services qui intervinrent comme premier opérateur. L’État procéda progressivement aux achats des terrains et réussit à convaincre les communes de Puteaux, Courbevoie et Nanterre de s’associer à son action, notamment en matière d’expropriation75. L’État, afin de coordonner mieux cette opération qui couvre le territoire de trois communes, décida de créer une structure inédite en France jusqu’à cette époque : un établissement public à caractère industriel et commercial. C’est le 9 septembre 1958 que l’ÉPAD (Établissement Public d’Aménagement de la région de La Défense) est né. L’État donna 30 ans à l’établissement pour acquérir et libérer les sols afin de concevoir et réaliser des infrastructures et des équipements publics. Pour se financer, l’établissement qui ne reçut aucune subvention publique devra vendre des « droits à construire ». Il devra aussi assurer l’équilibre financier dans une optique de rentabilité rapide. 74 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., p. A14 75 Picon-Lefebvre, V., 2012, « Expropriations », La Défense : Un dictionnaire, Paris, Éditions Parenthèses, p. 210

Page 55: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[47]

Pour mener à bien toutes ses tâches, l’ÉPAD s’appuya sur son conseil d’administration paritaire de 18 membres (9 représentants des collectivités locales et organismes publics et 9 représentants de l’État).

1.3.3. La topographie de La Défense face à changements profonds

C’est une année avant l’ouverture du CNIT et la création de l’ÉPAD que le premier immeuble de logement fut construit sur le territoire de La Défense, précédemment des tours de La Défense. Jean de Mailly, l’architecte qui signa aussi le CNIT, imagina cet ensemble situé à Puteaux au bord du fleuve. 593 logements commencèrent à être construits en 1956 sur un socle de bureaux suivant un langage architectural conforme au style moderne international qui n’avait rien à voir avec le reste des constructions de La Défense. Le bâtiment de Bellini représenta la première rupture avec la norme foncière et fonctionnelle du site, comme il s’agit d’un bâtiment qui couvre une entière parcelle dans un site occupé avant par des usines. Le CNIT suivit la même norme, en occupant aussi une entière parcelle antérieurement utilisée par des usines, au coin nord-ouest du rond-point de La Défense. Sa forme fut encore plus radicale et marqua La Défense comme un objet extraterritorial, avec sa voûte spectaculaire. Néanmoins, les deux bâtiments suivirent la norme parcellaire du lieu en se raccordant aux voies et en adaptant leur forme à la forme de la parcelle qu’ils occupèrent.

Image 21 : Vue aérienne de La Défense, 1960

IGN, Géoportail

Page 56: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[48]

Afin de desservir le CNIT, à l’ouest des voies ferroviaires, deux nouveaux parkings furent créés sur le site des anciennes usines et champs agricoles. En même temps, deux parcelles couvrant la partie nord du rond-point furent expropriées et leurs bâtiments démolis pour faire place pour des espaces de parking supplémentaire. Enfin, le périmètre du rond-point qui jusqu’à cette époque-la entait occupé seulement pendant le déroulement du marché hebdomadaire fut aussi occupé progressivement par des voitures. L’omniprésence de la voiture marqua aussi l’Avenue de La Défense qui fut appelée à couvrir les nouveaux besoins du quartier, ainsi qu’un trafic vers les banlieues occidentales et la Normandie. En 1958, l’Avenue de La Défense compta un trafic quotidien de plus de 60 000 voitures, en la rendant l’un des plus gros trafics routiers de France. Cette domination de la voiture marquera le caractère de La Défense qui sera vite divisé en deux. En plus, le trafic augmentant aux voies parallèles au fleuve rendra aussi vite impossible toute relation du quartier avec la Seine. Des travaux routiers eurent lieu et les voies furent élargies afin de répondre aux nouvelles demandes du trafic routier.

À l’Ouest de La Défense, le changement le plus notable dans la plaine de Nanterre eut aussi lieu durant cette période. Le premier bidonville de Nanterre fit son apparition en 1953, dans une période entre la Guerre de l’Indochine et la Guerre d’Algérie, couvrant un territoire antérieurement agricole et se situant parmi les carrières. La question des bidonvilles marquera la période suivant, exigeant la solution de ce problème.

Page 57: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[49]

1.4. De 1959 jusqu’à 1964

1.4.1. La séparation des flux routiers par les flux piétons et l’urbanisme de dalle mises à l’épreuve

L’année 1959 fut marquée par la fin des CIAM. Cependant, cet événement ne signifia pas la fin du modernisme, surtout en ce qui concerne son application à l’échelle urbaine. Depuis 1952 on avait en pleine évolution le plan de Le Corbusier pour la construction de la ville gouvernementale de Chandigarh, qui s’achèvera en 1966. Ce projet fut la première grande opération urbanistique ou le principe de la cité-jardin à la corbuséenne s’appliqua et se mit en épreuve. Le réseau routier rectiligne fut hiérarchisé en sept niveaux de circulation visant à fluidifier le trafic et préserver les zones d'habitation de ses nuisances. Le tissu urbain fut organisé en super blocs et les seules bâtiments remarquables à se différencier furent ces du Capitole76. Durant la même période, commença l’opération de Brasília qui fut planifiée par Lúcio Costa et Oscar Niemeyer en 1956, afin d’en faire la nouvelle capitale du Brésil. Le plan de la ville consista en sa répartition en secteurs pour chaque activité et son réseau viaire et piéton fut aussi hiérarchisé. La construction de Brasília fut d’une durée de moins de 4 ans77.

En Europe, pendant la même période, la question de l’hiérarchisation des circulations, ainsi que la séparation des réseaux destinés aux voitures et aux piétons, représenta une solution applicable au problème de la congestion urbaine qu'il convenait de mettre en œuvre. En Angleterre une approche assez réaliste et pragmatique fut adoptée pour la première fois, sortant par le niveau utopique des années de l’entre-deux-guerres. Il s’agit du rapport de Colin D. Buchanan pour l’amélioration du système de transport urbain anglais, commandé en 1963 par le Ministère des Transports britanniques qui imposera l’implémentation de l’hiérarchisation de la circulation, de la séparation des flux routiers et piétons, ainsi que de l’urbanisme de dalle. En effet, dans ce rapport les références aux projets utopistes ne furent que très rarement évoquées. L’approche primordiale de Buchanan fut que c’est la ville qui devrait s’adapter à la voiture, et non l'envers. Il milita pour une méthode d'intervention assez radicale et il n’hésita pas dans ces nombreuses études de cas, comme celle pour la ville de Londres, de proposer l’éradication de la ville existante et la conservation seulement des emplacements programmatiques des îlots. L’objectif de son approche fut le développement d’un urbanisme sur trois niveaux, dont les deux premiers seraient dédiés à la circulation, aux

76 Thuroczy, M., 13 mai 2015, « City of Chandigarh », Architectuul [En ligne], consulté le 20 avril 2015. URL : http://architectuul.com/architecture/city-of-chandigarh 77 The Editors of Encyclopædia Britannica, « Brasília », Encyclopædia Britannica [En ligne], consulté le 20 avril 2015. URL : http://global.britannica.com/EBchecked/topic/77841/Brasilia

Page 58: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[50]

stationnements, aux livraisons et aux espaces verts. Un système de dalles aurait pu procurer la desserte des habitations, des commerces et des équipements78.

Si le reste du monde commença vite à appliquer la séparation entre les flux piétons et les flux routiers, en expérimentant avec l’urbanisme moderne et l’urbanisme de dalle, ce ne sera pas le cas des Etats Unis. Aux Etats Unis, où l’application de ce type d’urbanisme fut déjà appliquée depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, apparurent les premières voix d’opposition durant cette période. La confrontation mythique entre Edmund Bacon, directeur exécutif du Comité d’Aménagement de la ville de Philadelphie pour la période 1949-1970, et Louis Kahn marquera cette époque de l’urbanisme américaine. La proposition monumentale de Kahn pour le centre-ville de Philadelphie, dessinée pendant la période 1956-1962, milita la séparation totale des voitures et des piétons. Elle enterra l’autoroute majeure qui traverse la métropole de Philadelphie jusqu'aujourd’hui et elle érigea des énormes parkings-silos de forme cylindrique au périmètre du centre-ville, en le libérant par la présence des voitures. Ce plan qui ne fut jamais achevé, fit l’objet de la critique féroce par la part de Bacon qui le décrivit comme un projet sans aucune sensitivité et sans aucune relation avec les besoins sociaux des habitants de Philadelphie. Le vocabulaire architectural de Kahn fit aussi l’objet du criticisme de Bacon, comme il fut jugé d’être très monumental et obsédé avec les formes platoniques, le rendant extrêmement utopique et presque impossible à appliquer en réalité. Le plus grand point de désaccord entre Bacon et Kahn fut pourtant l’éradication totale de la présence des voitures par le nouveau centre-ville. En effet, la façon dont Kahn imagina une « renaissance urbaine » pour le nouveau centre-ville de Philadelphie en dédiant cet espace seulement aux piétons fut complètement contraire aux convictions de Bacon qui voulait implémenter la « nouvelle » éthique de planification des Etats Unis, qui fut marquée par la création des « downtowns » américains des années 1960 et 197079.

Image 22 : La proposition de Louis Kahn pour un parking-silo, 1960

Museum of Modern Art, New York 78 Buchanan, C., 1963, Traffic in Towns, London, Penguin Books, p. 13 79 Anderson, S., 1967, « Louis Kahn in 1960’s », Boston Society of Architects Journal, No 1, pp. 21-30

Page 59: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[51]

Durant les années 1950 et 1960 une autre confrontation majeure marqua l’urbanisme américain et mondial. En 1958, Robert Moses, qui fut le directeur d’aménagement de la ville de New York pour la période 1922-1968, présenta son plan pour la construction de l’autoroute appelée Lower Manhattan Expressway (autrement dite « LOMEX »). Le plan pour la construction de la « LOMEX » fut en directe continuation au plan de Moses pour la construction de la Cross Bronx Expressway, une autoroute qui divisa le quartier du Bronx, et qui fut approuvé malgré les réactions des habitants là. La « LOMEX » aurait traversé tout le quartier du Greenwich Village en passant directement par le milieu du parc de la Washington Square, avec son objectif d’assurer la fluidité du réseau autoroutier newyorkaise. En outre, le plan de Moses fut décrit par les autorités compétentes comme une « opération d’éradication de bidonvilles », vu qu’outre la construction de l’autoroute, il comprit la démolition du quartier et le remplacement des îlots d’habitation par des tours. Pour son effectuation il aurait exproprié 132 familles et plus de 1 000 petites entreprises. Ce plan incita la réaction immédiate de la journaliste Jane Jacobs, qui à l’époque fut aussi habitante du quartier du Greenwich Village. Cette énorme bataille dans la presse, ainsi que dans les courts magistraux, contre le projet de Moses a rapidement assemblé au côté de Jacobs la plupart des habitants du quartier du Greenwich Village, ainsi que la plupart des urbanistes américains. Cette solidarité montrée vers la cause de Jacobs fut accentuée après la démolition de l’ancienne gare ferroviaire de Pennsylvanie en 1963. L’ancienne gare de Pennsylvanie fut démolie afin de réduire l’espace d’halle de voyageurs et de permettre l’érection d’un complexe de bureaux et d’athlétisme au dessus de la nouvelle gare créée, en rentabilisant d’une façon optimale la parcelle occupée par l’ancienne gare. L’espace de la nouvelle halle de la gare en effet fut réduit juste en une dalle entre le niveau de la rue et les quais souterrains80. La confrontation de Jacobs arriva à son apogée avec l’édition de son livre « Déclin et survie des grandes villes américaines » en 1967. Ce livre, qui sera parmi les livres les plus influents dans l’histoire de l’urbanisme, de la planification et de la sociologie mondiale, introduisit de nouvelles notions comme le « capital social », la « mixité fonctionnelle primordiale », le « niveau de visibilité par la rue », et marqua la fin des plans de Moses l’année suivante, ainsi que de l’urbanisme autoroutier à New York. Jacobs décrivit l’entière profession d’urbaniste de son époque comme une « pseudoscience » et milita contre l’urbanisme autoroutier et l’urbanisme de dalle. Elle évoqua que les villes sont des écosystèmes vivants et qu’il fallait introduire à la profession les principes de la mixité fonctionnelle et de la planification participative. Durant sa vie elle critiqua fortement les « opérations d’éradication de bidonvilles » et de construction de tours d’habitation. Elle posa aussi à ses critiques fréquemment le dilemme si on bâti des villes pour les personnes ou pour les voitures81.

80 Gray, C., 20 mai 2001, « Streetscapes/'The Destruction of Penn Station'; A 1960's Protest That Tried to Save a Piece of the Past », The New York Times 81 Alexiou, A. S., 2006, Jane Jacobs: Urban Visionary, New Brunswick and London, Rutgers University Press, pp. 50-52, 76

Page 60: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[52]

1.4.2. L’architecture de tours, l’urbanisme de dalle et l’éradication de bidonvilles à l’épicentre de l’aménagement de la région parisienne

Si la période postnapoléonienne réalisa les ambitions et les aspirations des architectes révolutionnaires de la fin du 18e siècle, les Trente Glorieuses virent la réalisation de beaucoup d'idéaux urbanistiques qui semblaient fantastiques avant. Durant les années 1960 et 1970, les idées développées par les architectes et les urbanistes de la période de l’entre-deux-guerres trouvèrent le sol fertile pour accroitre, ne subissant pas encore la contestation qui commença à apparaitre aux Etats-Unis. Parmi les idéalistes de l’entre-deux-guerres, c’était peut être Le Corbusier celui qui avait plus radicalement propagé pour la modernisation de Paris. Si Le Corbusier ne put finalement que très peu construire à Paris, un de ses disciples, Raymond Lopez, eut au contraire une influence décisive sur l'évolution de Paris des années 1960. Après la destruction des dernières grandes usines dans la ville de Paris (les plus grandes étant celles de Citroën), le projet d'aménagement de la région parisienne fut confié au cabinet de Lopez en 1959. Avec l’aide de son collaborateur, Michel Holley, Lopez proposa l’érection de tours et l’application de l’urbanisme de dalle pour la plupart des secteurs « mal utilisés » à reconstruire. Ces secteurs furent en effet les quartiers qui eurent été identifiés dans le rapport Lafay de 1954 et le plan exposé de Lopez en 1957. Les projets qui commencèrent à être planifiés durant cette période, et qui firent utilisation du nouveau langage architectural et urbanistique, furent les quartiers de « Front de Seine » et d’« Alleray-Falguière » dans le 15e arrondissement, le complexe de « Maine-Montparnasse » dans le 14e arrondissement, le quartier d’« Italie 13 » dans le 13e arrondissement, et enfin, le quartier d’affaires de La Défense dans la petite couronne82.

Ces projets ne furent seulement coïncidents avec la volonté de l’administration, d’un aspect chronologique, mais ils furent aussi conformes et aidés par le changement d’approche de la cinquième République. Comme il a été déjà évoqué, le PADOG fut déclaré caduc en 1960, dans la mesure où ses orientations reposèrent sur une stabilisation, voire un ralentissement de la croissance économique et démographique à la fin des années 1950. Ses hypothèses étaient enfin contraires à la réalité économique de la période de la Reconstruction et des Trente Glorieuses qui constituèrent une période de forte croissance, tant sur le plan économique que démographique83. L’abandon du PADOG facilita beaucoup l’élaboration de nouvelles politiques pour le développement et l’aménagement du territoire parisien. En 1964 fut publié par le Centre de Documentation et d’Urbanisme un essai de mise en valeur de l’espace parisien, qui proposa un plan de zonage des hauteurs et une nouvelle organisation de la circulation routière. Les réflexions de ce plan, menées par des personnalités du monde de l’architecture, dépassèrent largement les limites

82 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p.19 83 Martayan, E., avril 1991, « Contenir ou moderniser la capitale. Les propositions et débats des années cinquante », Les Annales de la recherche urbaine, n° 50, « La région Île-de-France Paris », Plan urbain, MELT, pp. 82-91

Page 61: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[53]

municipales et englobèrent l’ensemble du paysage parisien, de la Défense à Romainville et de Meudon à la plaine Saint-Denis84.

L’aménagement de la région parisienne se concentra aussi, pour la première fois, sur une autre question majeure des années 1960, celle de l’éradication des bidonvilles. Depuis les années 1950, et pour une période de presque 15 années, dans le cadre de la modernisation du pays, la France favorisa la venue de nombreux ressortissants, afin d’apporter une main d’œuvre bon marché pour les secteurs du bâtiment et de l’automobile. Ces ressortissants vinrent dans leur plupart par les anciennes colonies françaises du Maghreb, mais il y eut aussi également un grand influx de Portugais, Espagnols et Italiens. Ce flot de migrants venant s’ajouter à une population qui se trouva déjà en mal de logement, n’eut d’autre solution que de s’installer dans des baraquements en périphérie des grandes villes. Dans le cas de la banlieue proche de Paris, où plus de la moitié de ces bidonvilles étaient situées, elles représentèrent une solution de fortune, illégale mais tolérée. Les agglomérations de baraques, dans lesquelles les conditions de vie furent particulièrement difficiles, vinrent ainsi s’ajouter aux quartiers ouvriers et/ou insalubres de la période d’avant-guerre, en empirant significativement l’image de la banlieue parisienne85.

A partir de 1960, les déclarations gouvernementales sur la disparition des bidonvilles se succédèrent régulièrement. L’éradication des bidonvilles, outre aux raisons pratiques et hygiéniques, se posa comme une question surtout morale, afin d’éviter l’exclusion et la marginalité des immigrants qu’y habitèrent. Il faut noter qu’en 1964, considérée comme l’année où les bidonvilles arrivèrent à leur apogée, 43% des Algériens de France vécurent dans des bidonvilles. La proche banlieue parisienne regroupa 89 bidonvilles, dont celui de Nanterre, juste a côté du nouveau quartier d’affaires de La Défense, abrita plus de 14 000 personnes. Charles de Gaulle, alors président de la République, en exigea la destruction. A l’Assemblée Nationale en 1964, on évoqua pour la première fois la notion de « grands ensembles » comme solution à l’habitat précaire lors d’une séance de travail destinée à préparer une future loi sur « l’expropriation de terrain dans les bidonvilles ». Ces travaux aboutirent à la loi de Michel Debré du 14 décembre 1964 dont le principal objet fut l’éradication des bidonvilles. Le premier ministre du Général De Gaulle en personne se fut exprimé à ce sujet le 12 novembre de la même année à la tribune de l’Assemblée en militant qu’« en cinq ou six ans une action concertée devrait permettre de réaliser cette œuvre nécessaire »86.

84 Préfecture de la Seine, Centre de documentation et d’urbanisme, 1964, Essai de mise en valeur de l’espace Parisien, Paris 85 Damon, J., 2004, « Mal-logement, bidonvilles et habitat indigne en France », Recherches et Prévisions, n° 76, pp. 116-119 86 Kourniati, M., 2012, « Bidonvilles », La Défense : Un dictionnaire, Paris, Éditions Parenthèses, pp. 77-80

Page 62: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[54]

1.4.3. Le processus de la planification de la dalle et du boulevard circulaire et leur consolidation dans le plan-masse de 1964

Les premières démarches menées par l’ÉPAD consistèrent d’abord à déterminer la forme du territoire urbanisable. La forme de poire de la Zone A fut issue des opportunités foncières, notamment de la présence ou non de grands terrains susceptible d’être expropriés, ainsi que des tracés des voiries existantes. La création d’un établissement public contribua à l’autonomisation du secteur à aménager. Pour étudier les infrastructures nécessaires à la desserte du nouveau quartier, l’ÉPAD s’affranchit des découpages communaux. Sans être véritablement associées à cette transmutation, les communes de Puteaux, Courbevoie et Nanterre vont voir une partie de leur territoire devenir « La Défense ». En effet, le système de représentation des élus au conseil d’administration, malgré les déclarations de principe à l’origine de l’établissement, aboutit en fait à donner une majorité absolue aux représentants de l’État. L’élaboration du programme fut traversée par trois types de problèmes : la crise du logement, le manque de bureaux nécessaires au développement du secteur tertiaire et l’amélioration de la circulation automobile et piétonne87. Le rachat des terrains et la démolition des constructions existantes, afin d’achever le projet d’aménagement de La Défense, constituèrent le préalable de cette opération d’envergure, de la même manière que pour les opérations d’aménagement au cœur de Paris. Il faut aussi souligner que l’idée d’une dalle totale pour le quartier apparaît dans l’opération de La Défense comme le résultat d'un processus de conception long et complexe et il ne fut pas un principe initial. Ce processus, qui ne fut pas linéaire, connut des phases préalables d’études qui furent très éloignées du projet finalement réalisé.

Lorsqu’en 1958 l’ÉPAD fut créé pour prendre en charge l’aménagement général du quartier de La Défense, ses architectes essayèrent de formaliser la distinction entre les infrastructures et les superstructures. Les premières étaient à réaliser par l’EPAD et les secondes par les constructeurs acquéreurs des droits à construire. Sous la direction d’André Prothin, qui croyait au territoire de La Défense et y voyait le « Paris de demain », l’EPAD poursuivit les études menées au ministère en conservant le groupe des trois architectes (Camelot, de Mailly, Zehrfuss) qui prirent le titre d’architectes coordonnateurs. Le groupe fut complété par les architectes-urbanistes Robert Auzelle et Paul Herbé, architectes-conseils, sous la direction de l’architecte-urbaniste de l’État, Claude-Hughes Boistière. Le plan-masse élaboré par l’EPAD en 1958, fut en effet une révision du plan-masse approuvé par le Plan Directeur de La Défense de 1956. En effet, les deux plans partagèrent une composition de volumes bâtis presque identique. La plus grande différence entre ces deux plans fut la planification de dalles autonomes pour chaque complexe de bâtiments. A la place de la tour monumentale, un groupe de quatre tours fit son apparition, dont seulement une culmina à une hauteur de 200 mètres. L’idée de la vaste dalle du plan-masse de 1956 fut aussi reprise, mais cette fois comme moyen de couvrir l’autoroute et 87 Revue d’information de l’EPAD, mars 1969, « Présentation du projet d’aménagement de la région de La Défense – Rôle de l’EPAD », No 1, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur, p. 6

Page 63: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[55]

servir comme un élément de liaison entre le CNIT et le nouveau complexe monumentale de tours. Dans le plan-masse de 1958, le projet s’organisa encore de manière symétrique de part et d’autre de l’avenue. Cette symétrie s’appuya sur la trace viaire existante et sur la forme des parcelles. Le plan triangulaire du CNIT, réalisé en 1958, renvoya à la forme exacte de son terrain. Il exista donc encore à ce stade pour les concepteurs une très grande dépendance entre le bâti, la voie et la parcelle88.

Image 23 : Le plan-masse de La Défense, 1958

Infothèque DEFACTO

Malgré le fait qu’en 1959 on eut l’ouverture de la gare provisoire de la ligne ferroviaire de Paris-Versailles et le début des études pour la construction du RER, le souci pour procurer un nombre de parkings suffisants et la décision de développer un réseau de voies routières rapides témoignent surtout de l'intérêt porté à la voiture. En effet, l’augmentation très importante du nombre des voitures convainquit les ingénieurs des Ponts et Chaussées et les urbanistes de la nécessité de construire des voies rapides en milieu urbain. L'opération de La Défense donc commença à s'organiser autour de la circulation routière. Les concepteurs de l’EPAD se trouvèrent vite à la croisée de deux types de préoccupations : à la fois ménager un accès autoroutier à la capitale et assurer la desserte d’un nouveau quartier. Ce double caractère de radiale et de desserte posa un grand problème aux concepteurs et une étude de circulation fut présentée en août 1959, proposant de remplacer la sacro-sainte continuité de l'Axe Triomphal par une chaussée en anneau de 8 voies de largeur, qui aurait encerclé le futur quartier en drainant tous les véhicules, qu'il s'agisse de l’accès aux communes avoisinantes ou aux voies à plus longue distance. L'avenue du Général-de-Gaulle aurait devenu une sorte de nouvelle place linéaire, unifiant le quartier et offrant le maximum de quiétude aux passants. La forme de poire de 88 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 191

Page 64: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[56]

cet anneau se justifia notamment par la façon dont s’articulèrent les parcelles susceptibles à être expropriées, ainsi que par le besoin de procurer une pente douce à la voie périphérique projetée, en s’adaptant à la topographie naturelle. Cette étude pourtant se heurta à l'impératif des ingénieurs de Ponts et Chaussées de maintenir le caractère rectiligne de l’avenue à grande circulation. La réaction des ingénieurs s’appuya à la conviction qu’il n’était pas question de détourner la future autoroute, qui symboliquement aurait dû suivre le Grand Axe. Il fut aussi stressé que malgré la dénivellation d’environ 22 mètres entre le rond-point et la Seine, l’avenue Charles-de-Gaulle, qui eut été déjà terrasse depuis l’époque de Perronet, comporta une pente inferieure à 4%. Au contraire, de part et d'autre de cette avenue une pente naturelle supérieure à 12%, comme ce fut le cas pour les rues Anatole-France à Puteaux ou la rue Metz à Courbevoie, aurait rendu la construction de l’autoroute en tracé circulaire extrêmement difficile et couteux89.

Image 24 : Étude de circulation pour La Défense, 1959

Infothèque DEFACTO

Suite à cet événement, le concept de la dalle commença à prendre progressivement forme comme une série de plaques posées en suivant la pente de la butte de Chantecoq. Le choix de la dalle comme une réponse apportée aux contraintes qu’aurait dû assumer le site, signifia deux modifications radicales de la topographie de La Défense, la première des ces modifications étant l’abandon du sol naturel de la ville et la deuxième étant la séparation des

89 Revue d’information de l’EPAD, juin 1972 « Pourquoi la dalle ? » », juin 1972, No 10, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur, p. 13

Page 65: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[57]

véhicules automobiles et des piétons90. Juste un mois après la rejection de l’étude de circulation, l’équipe de conception revint avec un nouveau plan-masse en septembre 1959. L'étude fut reprise à partir de l'hypothèse d'une avenue axiale de grande communication, conservant cependant en même temps l’idée d’une rocade périphérique. Plus précisément, la proposition fut de réserver l’avenue existante aux automobilistes rejoignant les grandes destinations et de la prolonger après le rond-point vers l’Ouest. En même temps, le rond-point aurait éclaté en deux branches qui auraient absorbé le trafic régional, tandis que des rues périphériques ceinturant le quartier auraient assuré la desserte locale. Le franchissement de l’autoroute, dont le parcours aurait été à ciel ouvert, s’aurait effectué avec des passerelles reliant des dalles situées aux deux côtés de l’autoroute. Outre à la grande dalle entre le CNIT et le complexe monumentale de tours, une deuxième dalle figura au-dessus du croisement des voies routières, à l’emplacement du rond-point. On voit donc que dans ce plan-masse la dalle ne figura pas encore comme une énorme terrasse. Pourtant, l’idée de terrasse remit en cause fondamentalement le rapport de la figure du rond-point avec la ville. En intervenant sur l’avenue de cette manière, l’autonomie de l’espace se trouva annulée. Malgré le prolongement envisagé pour l’axe, avec cette décision il fut pratiquement interrompu visuellement. En ce qui concerna la composition des volumes bâtis, on note que certains alignements parus dans les plans-masses de 1956 et de 1958 furent conservés, d'autres furent remplacés par des tours ou des barres qui ne reprirent pas la topographie imposée par le parcellaire ancien, et en général l’ensemble sembla d’être articulé d’une façon extrêmement complexe. Toutes les variantes possibles de l'occupation du site y furent expérimentées.

Image 25 : Le plan-masse de La Défense, 1959

Infothèque DEFACTO

90 Lefebvre, V., 2003, op. cit., pp. 171-172

Page 66: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[58]

Les caractéristiques principales de cette proposition furent le raccordement des volumes d’une façon soit parallèle, soit perpendiculaire à l’axe, ainsi que la taille des volumes en rupture totale avec la topographie bâtie existante. Devant cette prolifération, cette mise à plat du champ des possibles, on ne pourrait que s'interroger sur les critères de choix de cette proposition par rapport à ses antérieures, hormis les considérations liées à la circulation. Il semble que la vigilance des services de la ville s'exerça surtout sur les encombrements que risquait de susciter ce nouveau programme. Enfin ce plan-masse fut aussi rejeté en raison du cisaillement en deux du quartier d’affaires par un flot continu de 60 000 voitures quotidiennes. En outre, à cause de la pente du terrain les passerelles et les dalles autonomes, vues de Paris, auraient formé un mur, solution que fut jugée inesthétique91.

Les ingénieurs de Ponts et Chaussées vinrent avec une contre-proposition d’enterrer le trafic routier régional et de longues distances sous l’emplacement de l’avenue Charles-de-Gaulle. Cette proposition que s’appuya toujours à la nécessité de diviser les flux routiers et les flux piétons, s’inspira selon les ingénieurs de l’idée de Léonard de Vinci et des vocations de la Charte d’Athènes. Ils donc proposèrent de déployer le quartier sur deux niveaux, comme le fit de Vinci : le « Commoditas », comportant dessertes, parkings et aires de livraison, enfoui sous le « Voluptas », dédié aux piétons et aux bâtiments. L’idée de la dalle totale prit forme. La topographie naturelle de La Défense se prêta parfaitement à l’aménagement d’une grande dalle sous laquelle auraient pris place les parties techniques et voiries, sans même nécessiter des travaux sous le niveau du terrain naturel. La dalle totale s'intégra parfaitement aux contraintes du site et harmonisa tous les éléments problématiques du programme en utilisant l'espace rendu disponible par la pente au sol. La solution qui séduit les concepteurs de l’EPAD mena à la composition d’un nouvel plan-masse, présenté en juin 1960. Plutôt que de créer de multiples passerelles, dans ce plan-masse les concepteurs suivirent l’idée de réaliser un plateau artificiel unique de 40 hectares dont le point haut se serait appuyé sur le haut de la falaise naturelle pour atterrir en pente douce au niveau de la Seine. Plus précisément, la concavité sous la dalle aurait servi à faire passer l’A14, la RN13 et la RN192, ainsi qu’un ensemble de voies locales, voies spécifiquement réservées aux poids lourds et aux autobus. En outre, elle permuta la création d’un pôle multimodal composé par une gare centrale d’autobus, ainsi que une gare pour le nouveau RER, dont les travaux de construction débutèrent durant la même année. Enfin, la dalle disposa aussi 20 000 places de parking, ainsi que canalisations et dessertes de toutes sortes. A la surface de cette dalle se serait située une grande esplanade réservée aux piétons. Cette terrasse allongée de la Seine vers l'Ouest et l’emprise du CNIT se superposa au rond-point en l’effaçant totalement comme élément topographique de La Défense. La dalle apparut donc à la fois comme une solution aux contraintes du site et du programme, mais aussi comme une réponse nécessaire au désir de mettre de l’ordre dans la banlieue et d’éliminer les nuisances92. Le plan-masse de 1960 montra une élaboration volumétrique

91 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., p. A16 92 Revue d’information de l’EPAD, mars 1969, op. cit., p. 6

Page 67: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[59]

des bâtiments plus claire cette fois, avec des volumes aussi raccordés d’une façon soit parallèle, soit perpendiculaire à l’axe, comme dans le plan-masse de 1959. Ce raccordement à l’axe persistera dans tous les dessins réalisés dorénavant et imposera aussi la forme de la dalle. La répartition du programme fut faite entre immeubles de logements, immeubles de bureaux, commerces et programmes exceptionnels, comme un vélodrome de forme rotonde et la tour-signal, qui se diminua à 180 mètres de hauteur. Cette première répartition programmatique claire prit la forme d’un sorte de zoning, qui malgré la mixité fonctionnelle du quartier, destina de différentes programmes pour chaque type de bâtiment93. On note que la dépendance par la topographie bâtie disparut dans ce plan-masse où on procéda à un effacement du parcellaire avec la construction de la dalle qui s’affranchit de toute référence à la voirie préexistante. En effet, les seules traces de l’ancienne ordonnance parcellaire qui persistèrent dans ce plan-masse furent le tracé du boulevard circulaire, qui suivit plus ou moins les traces de voies préexistantes, ainsi que les grands axes diagonaux débutant du rond-point. Il faut pourtant comprendre que ce plan-masse matérialisa en effet la fascination qu'éprouvèrent les concepteurs pour une solution formelle ambitieuse synonyme de progrès94.

Image 26 : Le plan-masse de La Défense, 1960

Infothèque DEFACTO

Le plan-masse de 1960 fut élaboré plus au fond et enfin approuvé le 7 mars 1963 par le ministre de la Construction, Jacques Maziol, après avis du Comité d’Aménagement de la Région Parisienne95. Dans ces grosses lignes, il énonça 93 Lefebvre, V., 2003, Paris - Ville moderne : Maine-Montparnasse et La Défense 1950-1975, Paris, Norma, p.165 94 Ibid., pp. 191-195 95 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., p. A16

Page 68: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[60]

les principales lignes du PUD pour un quartier d’affaires et de logements dans l’Ouest parisien. Par rapport au plan-masse adopté initialement en 1956, la proposition de ceci fut en retrait puisqu’elle s’arrêta à la ligne de la SNCF qui passa derrière le CNIT. Durant la même année, André Prothin annonça que l’opération aurait dû s’étendre au-delà du rond-point de La Défense pour englober la zone située de l’autre cote de la ligne de chemin de fer, vers la Zone B à la plaine de Nanterre. Sur ces terrains une extension du centre d’affaires aurait dû s’installer. En réalité, l’EPAD aura beaucoup de mal à contrôler les territoires situes au-delà du rond-point. Ainsi, la décision de construire l’université de Nanterre sera prise sans même que l’établissement public soit consulté. En ce qui concerne la Zone B, la question de la résorption des bidonvilles obligera l’EPAD à abandonner sa vision d’extension du quartier d’affaires vers l’Ouest et de se concentrer plutôt à comment résoudre le problème du logement à Nanterre. Selon le plan masse de 1963, le programme de La Défense comprit 750 000 m² de bureaux pour 5 000 logements, soit un doublement du programme de bureaux depuis le plan-masse de 195696. Pour conserver la forte homogénéité architecturale de la composition d’ensemble et marquer la perspective, ce plan-masse prévit de concevoir sur une longueur égale à celle de l’avenue des Champs Elysées :

• un « ordre majeur » d’une vingtaine de tours de bureaux toutes semblables, alignées de part et d’autre de la perspective, avec la forme d’un parallélépipède de 25 étages et comportant un plan d’étage courant de 42 par 24 mètres (soit une surface de 1 000 m² chacune),

• un « ordre moyen » d’immeubles d’habitation, soit alignés à la perspective, soit posés à la périphérie Nord, Sud et Est du complexe en retraite par rapport aux voiries, avec la forme d’ensembles de 5 à 12 étages fermés autour de jardins intérieurs (appelés par les concepteurs « palais royaux » en référence au jardin du Palais-Royal à Paris97),

• un « ordre bas » le long des chemins et des places de la dalle pour l’installation de commerces.

En ce qui concerna la dalle totale envisagée par l’EPAD en 1960, elle fut en effet adaptée dans le plan-masse de 1963 en un complexe composé de trois types de dalles. La dalle principale du complexe aurait été le « parvis », une vaste esplanade horizontale d’une surface de presque 4 hectares, située entre le CNIT et la tour-signal, au-dessus de la future gare du RER, de l’échangeur routier et de la gare routière. Il s’agit en effet de la même dalle qui avait déjà fait son apparence dans les plans-masses antérieurs. Ensuite, la dalle centrale, en pente douce au-dessus de la future A14 qui aurait remplacé l’avenue du General de Gaulle, s’aurait élongée sur une longueur de 1 kilomètre environs jusqu'à l’échangeur du pont de Neuilly. Enfin, les dalles latérales s’étageant en gradins de part et d’autre de la dalle centrale, auraient agi comme des liaisons entre les bâtiments proches du périphérique et la dalle centrale. L’ensemble de ces dalles aurait été planté avec 20 hectares de jardins et doté de patios qui auraient procuré l’éclairage naturel des parkings. Si dans ce plan-masse le détachement

96 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 172 97 L’Architecture d’Aujourd’hui, décembre 1964-février1965, « Région parisienne : Aménagement de la Défense », No 118, pp. 14-19

Page 69: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[61]

par la topographie existante se confirma, ce ne signifie pas qu’il n’y exista pas une approche topographique. Pour la première fois dans un plan-masse de La Défense il fut prévu d’intégrer les constructions dans un cadre verdoyant où pelouses, arbres et petites végétations auraient contribué à l’harmonie des lieux et à l’absorbation des nuisances du réseau routier, et notamment du boulevard circulaire. Les habitants de La Défense auraient pu avoir accès à vastes terrains de jardins aménagés sur le terrain naturel libéré des constructions actuelles entre la dalle et le boulevard circulaire. Ces « tapis verts », comme ils furent appelés par les concepteurs, furent en effet une sorte d’espace urbain qui coula librement autour les immeubles d’habitation et les tours, donnant à l’ensemble l’image d’une composition sculpturale au milieu d’un paysage naturel.

Image 27 : Le plan-masse de La Défense, 1963

Infothèque DEFACTO

Cependant, le destin du plan-masse de 1963 suivit le même destin de ses plans prédécesseurs. Un nouveau plan-masse fit son apparition et il fut enfin approuvé par arrêté ministériel et adopté par décret en décembre 1964. Ce plan-masse dériva de celui de 1963 et ils partagèrent plus ou moins la même répartition volumétrique. Presque identiques en première lecture, ces deux plans-masses sont très souvent confondus dans la bibliographie. Les changements principaux dans le plan-masse de 1964 semblent d’être la disparition du bâtiment du vélodrome de forme rotonde, le remplacement de deux immeubles d’habitation à côté de la Seine par deux nouvelles tours (qui vont être la tour « First » et la tour « Nobel »), ainsi que la reconfiguration des tours de bureaux à une hauteur de 100 mètres par rapport à la surface de la dalle. En analysant pourtant plus attentivement ce plan-masse, on note que les dispositifs de la dalle et de voirie

Page 70: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[62]

furent substantiellement différents par ces dessinés en 1963. Ayant désormais fixé les principales dispositions dans le plan-masse de 1963, à chaque type de circulation correspondit un système de voie ou d’accès particulier. L’EPAD prit en charge la construction de toute sorte de desserte viaire, ainsi que des gares du RER et de la SNCF, selon les principes qui gouvernèrent l’ensemble des infrastructures. Ces principes furent la fluidité, l’autonomie, ainsi que l’indépendance des réseaux vis-à-vis des bâtiments. Pour encore une fois, les contraintes techniques additionnelles qui furent imposées par les ingénieurs des Ponts et Chausses, déterminèrent les formes ultérieures dans le plan-masse de 1964. Robert Camelot observa que les études de conception de la dalle centrale de La Défense et de ses jardins furent liées en grande partie à des contraintes résultant des circulations routières et de la création des parkings9899. Conformément à la conception d’origine, les parkings ne desservirent pas une tour, mais une zone ou un quartier ; ils furent pensés comme une extension du réseau public. Si la disposition d’ensemble ne varie guère, les détails de la dalle évoluèrent en revanche avec la disparition des patios prévus pour éclairer les parkings, afin de permettre l’augmentation des places de stationnement au nombre de 32 000 places, au lieu d’un nombre antérieurement prévu de 20 000 places100. Ce ménage en sous-sol de vastes surfaces non éclairées naturellement mènera à la construction de parkings ou d’espaces commerciaux qui enfin seront mal ou peu utilisés. Un autre changement dans la forme de la dalle fut son extension vers l’Ouest, afin de permettre l’absorption de la ligne de chemin de fer Paris-Versailles. L’idée au derrière de cette décision fut la volonté de créer un pole d’échanges souterrain majeur pour tous les moyens en transport commun. Si les limites de la dalle sur les plans d'origine furent floues, on note que les bords des dalles du plan-masse de 1964 se solidifièrent. Peu d'indications furent données sur la mise en relation de la dalle avec les infrastructures existantes, sauf en termes de continuité fonctionnelle avec la voirie, le chemin de fer et le RER. On pourrait dire que cela prouve une disparition d’un sol de référence. Si le sol de référence n'exista plus comme donnée intangible, la question de la liaison avec le reste du territoire urbain ne se posa plus dans les mêmes termes que dans une simple opération de lotissement. En réalité, tout se passa comme si les concepteurs assumèrent la perte de naturalité du sol urbain101. En effet, la distinction faite par les concepteurs entre un sol de référence destiné aux architectes, celui de la dalle avec les superstructures, et d’un sol de référence destiné aux ingénieurs, celui sous la dalle avec les infrastructures, demeure si forte à cause de la partition renforcée par un partage des tâches au sein de l’ÉPAD, entre ingénieurs, d'une part et architectes, d'autre part. Toute surface sous le niveau de dalle devint un espace technique pour les ingénieurs à aménager, ainsi qu’aux architectes fut laissé le soin d'aménager la surface102. La perception de La Défense comme une machine en deux niveaux devint dans à la fois un modèle de fonctionnement et une référence formelle. Ce modèle agit à plusieurs niveaux. 98 Archives de l’Institut Français d’Architecture, 23 juillet 1969, Réunion des architectes-conseils 99 Techniques et architecture, décembre 1965, « Aménagement de la région de La Défense », No 6, série 25 100 Lefebvre, V., 2003, op. cit., pp. 172-174 101 Lefebvre, V., 2003, op. cit., pp. 208-212 102 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 225

Page 71: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[63]

Image 28 : Maquette du plan d’aménagement de La Défense, 1964

Archives Nationales

Il inspira les outils de représentation qui se technicisent ; il modela les objets, les formes et leur composition. C'est ainsi que le tracé général du boulevard circulaire de La Défense dans le plan-masse de 1964 sembla se conformer aux lois de l'hydraulique et non aux règles traditionnelles de la composition urbaine, comme fut le cas jusqu’alors. Le boulevard circulaire de La Défense suivit un tracé prédéfini par les aménageurs afin de circonscrire la zone centrale de l'opération. À la différence du boulevard périphérique de Paris, le boulevard circulaire fut dessiné à sens unique, mais le principe des deux projets resta le

Page 72: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[64]

même. On pourrait soutenir que la logique derrière le boulevard circulaire du plan-masse de 1964 fut analogique à celle d’un réseau hydraulique de l’époque haussmannienne. Si cette analogie pourrait sembler un peu forcée en première analyse, elle est quand même substantielle, vu que les ingénieurs des Ponts et Chaussées des années 1960 eurent des références semblables aux ingénieurs hydrauliques du milieu du 19e siècle. Avec son système de courbes et de contre-courbes optimisées, de raccordements et de bretelles, le boulevard circulaire de La Défense témoigna en réalité une rencontre entre cet héritage des Ponts et Chaussées avec les recommandations de la Charte d'Athènes pour la construction de voies rapides avec un trafic « fluide », afin d'« irriguer la ville moderne »103. Le résultat fut un changement notable des caractéristiques du boulevard circulaire. Si le boulevard circulaire du plan-masse de 1963 compta 7 échangeurs, 6 demi-échangeurs et 9 carrefours classiques, tous situés au même niveau de référence, le boulevard circulaire du plan-masse de 1964 compta 9 échangeurs, 10 demi-échangeurs et aucun carrefour classique, tous connectant des voies situées en niveaux différents, ainsi assurant la séparation complète du boulevard circulaire par tout autre élément. Le boulevard en effet se transforma en une chaussée de type autoroutier et ses nouveaux croisements en plusieurs niveaux nécessitèrent la planification de bretelles, raccordements, ponts et remblais, occupant des espaces tellement grands qu’en effet l’idée des « tapis verts » fut abandonnée. On peut donc tracer dans cette décision l’origine de la frange périphérique de La Défense, dans ces espaces vagues entre le boulevard circulaire de caractéristiques autoroutières et la dalle consolidée.

1.4.4. La topographie de La Défense marquée par les premiers chantiers, les HLM et les bidonvilles

Durant cette période La Défense connut les premières opérations qui auraient crée le quartier d’affaires. Dès 1956, la société pétrolière ESSO cherchait à regrouper les employés de ses douze établissements en région parisienne sur un même site pour y établir un siège central. Elle fut la première société à investir sur le potentiel de La Défense. En 1963, son immeuble de 30 000 m² répartis sur 12 étages fut inauguré. Ayant fait l’acquisition du terrain six ans avant, et donc avant l’élaboration du plan d’urbanisme, ESSO ne crut pas en l’existence d’une dalle et construisit l’entrée de l’immeuble au niveau du sol naturel, soit trois étages en dessous la dalle. Un an avant, en 1962, eut lieu l’achèvement de l’immeuble Bellini. La tour ESSO, l’immeuble Bellini et le CNIT, tous construits avant 1964, s’inspirèrent de la première série de plans-masses qui prévit une urbanisation linéaire le long d’un boulevard. En effet, l’opération de La Défense commença véritablement avec l’approbation officielle du plan-masse de 1964104.

103 Picon, A., 2012, « Circulaire (Le) », La Défense : Un dictionnaire, Paris, Editions Parenthèses, p. 109 104 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 243

Page 73: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[65]

Dès 1958, l’EPAD prit la charge d'effectuer les acquisitions immobilières et de procéder à toutes les opérations nécessaires afin de faciliter l’aménagement de La Défense. Les acquisitions à réaliser furent facilitées par leur déclaration d'utilité publique par un décret du 9 septembre 1958. Selon le plan-masse de 1964, un vaste territoire de 760 hectares à Courbevoie, Puteaux et Nanterre, fit l’objet des futures acquisitions, dont le tissu préexistant de petites usines, studios d’artistes, bistrots et pavillons devrait être démoli afin de faire place progressivement au nouveau programme. Les seuls bâtiments à conserver auraient été la nouvelle tour ESSO, l’immeuble Bellini et le CNIT. L’organisation et l’emplacement des tours et des immeubles résidentiels qui auraient dû occuper le site rappelèrent le plan de Le Corbusier du concours de Rosenthal, ainsi que celui de la Ville de 3 millions d’habitants. Par rapport à la nouvelle topographie introduite à La Défense, l’approche suivie fut similaire à l’urbanisme sculptural du Bauhaus, de Le Corbusier, de Lucio Costa et Oscar Niemeyer. Les premières acquisitions foncières, suivies par les démolitions concordantes, furent celles des ilots industriels à l’Ouest du rond point afin de débuter les travaux pour la nouvelle gare du RER.

Image 29 : Vue aérienne de La Défense, 1965

IGN, Géoportail

L’histoire des expropriations à La Défense commence avec une première tranche qui fut établie le 31 janvier 1958, représentant au total 86 hectares, soit 3 à Courbevoie, 13 à Puteaux et 70 à Nanterre. Des décisions législatives furent prévues pour renforcer l'autorité de l'établissement public, afin de procéder à ces nécessaires expropriations, telle que l'ordonnance No 58997 du 23 octobre 1958, dont les différents articles limitèrent les obligations de l'expropriant et précisèrent les devoirs des expropriés. Elle annonça une cadence soutenue

Page 74: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[66]

puisqu'il fut prévu de la réaliser en deux ans105. L'objectif de faire place dans des délais extrêmement courts sur ce grand territoire fut cependant rapidement rattrapé par les réalités humaine et sociale. Ces textes officiels ne suffirent pas à résoudre les nombreuses difficultés conjoncturelles et les problèmes de relogement pour la population qui fut très en dessous des nouvelles conditions socio-économiques exigées par la mutation de La Défense. Cette situation obligea l'ÉPAD à envisager au début des années 1960 un traitement presque au cas par cas des évincés et à requérir la contribution des municipalités de l'agglomération et de l’Etat, particulièrement le Ministère des Finances.

Au départ, 5 000 logements nouveaux furent prévus, mais les chantiers de logements prirent plusieurs années de retard car, contrairement aux tours de bureaux, dont les fondations auraient reposé sur le sol naturel, les logements seraient bâtis sur des dalles de béton recouvrant les espaces de stationnement. Pour commencer donc les logements, il fallut attendre que les infrastructures soient complètement achevées. Cela fit leur processus d’achèvement extrêmement long, étant donné de leur taille et des exigences techniques.106 Le problème posé par le manque d’infrastructures de stationnement prit des dimensions alarmantes avec le passage du temps, étant donné que le nombre de travailleurs utilisant leur voiture pour accéder aux nouveaux bureaux de La Défense augmenta progressivement. L'établissement public fut donc obligé en 1961 de traiter les premières expropriations en mettant sur pied une « opération tiroir » basée sur la construction d'HLM aux limites extérieures du périmètre, destinées à libérer les emplacements réservés à l'intérieur du circulaire. Cela répondit à la nécessité imposée à l'ÉPAD de reloger les évincés dans des habitations à loyer modéré situées, conformément aux engagements pris, à proximité de la zone d'aménagement. Dans un premier temps, l'opération tiroir fut engagée grâce à la mise à la disposition de l'ÉPAD de quelques centaines de logements HLM par les municipalités des trois communes concernées (400 à Puteaux, 80 à Courbevoie, 60 à Nanterre), qui furent construits dans des ilots pavillonnaires dénommés insalubres. Notamment on eut entre 1963 et 1965 la construction des HLM des « Fontenelles » à Puteaux, ainsi que de l’« Exprodef » et de l’« Îlot Aboukir » à Courbevoie, qui regroupèrent les anciens habitants des ilots démolis, ainsi que les nouveaux habitants évincés.

Image 30 : L’« Îlot Aboukir » à Courbevoie, 1959 et 1969 respectivement

Archives Nationales 105 Archives Nationales, 31 janvier 1958, Rapport du Ministère de la Reconstruction et du Logement à Monsieur le directeur général de l'Aménagement du territoire, Archives EPAD 106 Trey, P., 21 juin 1967, « La rénovation du quartier de La Défense », Le Monde, p. 19.

Page 75: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[67]

Le seul immeuble d’habitations à être bâti à l’intérieur du futur boulevard circulaire fut la « résidence Boieldieu », qui commença à se construire en 1963, au côté Sud de la Zone A, grâce au fait qu’il fut le seule immeuble d’habitations à reposer sur le sol naturel. Le tissu pavillonnaire commença à s’altérer et ces premières tours d’HLM eurent le prélude de ce qui aurait suivi.

Si l’EPAD eut un grand problème avec le relogement des évincés dans le périmètre de la Zone A, son problème fut beaucoup plus grand avec les territoires de la Zone B qui furent dans une grande partie occupés par des bidonvilles. Parmi tous les bidonvilles de la France, ces de Nanterre furent le plus célèbres. Nanterre à l’époque compta 17 bidonvilles, dont le plus célèbre fut celui de « La Folie », qui fut particulièrement réputé pour sa taille et son insalubrité. Le bidonville de « La Folie » fut situé à l’Est de la commune depuis 1953, aux frontières du chantier de l’EPAD où se construit alors le quartier d’affaire de La Défense, sur un terrain vague de presque 24 hectares, entre petits pavillons et petites cultures dans un territoire qui appartint après son acquisition à l’EPAD. Développé dans un quartier de baraques sommaires occupées par plusieurs centaines de familles de chiffonniers parisiens depuis le début du siècle, « La Folie » compta presque 1 500 ouvriers « célibataires » et quelque 300 familles qu’y résidèrent dans des conditions très pénibles.

Image 31 : Le bidonville de « La Folie » à Nanterre, 1960

Archives Nationales

Elle fut structurée par des zones à dominante ethniques ou sociales, notamment les familles maghrébines occupèrent sa partie à l’Ouest, les familles portugaises sa partie à l’Est, et les célibataires de toutes origines son centre. Située au milieu d’un immense terrain vague, à l’écart des bâtiments en construction et des grues de La Défense, « La Folie » fut caractérisée par la pauvreté de l’habitat, mais aussi par l’absence de l’eau courante et de l’électricité, ainsi que par la

Page 76: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[68]

présence de boue, de rats et d’immondices. La manque aussi de chauffage résulta plusieurs fois à la destruction de parties du bidonville à cause des feux que les habitants mirent pour se chauffer107. Il fallut attendre jusqu'à 1964 avec la construction de l’université de Nanterre. La mairie de Nanterre et le préfet de Paris décidèrent d’entreprendre une action de surveillance et de contrôle du bidonville. En coordination avec l’EPAD, moins de vingt ans après son création, le bidonville disparut en 1972. Le grand plan d’éradication du bidonville qui fut mis par les pouvoirs publics après 1964 comporta son évacuation et puis sa destruction. Ces habitants furent relogés en partie dans des HLM mais pour leur majorité dans des cités de transit, à l’ancien emplacement des bidonvilles. Cependant, ce nouveau départ fut souvent une déception pour ceux qui quittèrent le bidonville. Car si la cité de transit entraîna une amélioration certaine des conditions de vie par rapport au bidonville, elle fut néanmoins une forme hybride entre le bidonville et l’HLM108. Il faudra attendre encore une vingtaine d’années jusqu'au relogement total de tous les habitants du bidonville à des HLM, faisant le problème du logement à Nanterre le plus grande casse-tête que l’EPAD sera appelé à résoudre à la Zone B.

107 Sayad, A. ; Dupuy, E, 1995, Un Nanterre algérien, terre de bidonville, Paris, éditions Autrement, pp. 33-34, 45, 48, 57, 92 108 Ibid, pp. 110-112

Page 77: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[69]

1.5. De 1965 jusqu’à 1971

1.5.1. La diffusion de l’urbanisme de dalle et des projets autoroutiers

En 1961, Paul Delouvrier, Délégué Général au District de Paris à l’époque, se confronta avec l'urgence des décisions à prendre et l'immensité des problèmes posés par « une ville dont la partie historique de 4 kilomètres sur 8 est broyée au milieu d'immeubles croulants, de pavillons anarchiques répandus dans des banlieues plus mal structurées que dans aucune autre capitale ». Des villes nouvelles avec leurs activités, leurs usines, leurs monuments, leurs bureaux et leurs établissements universitaires, furent envisagées comme « des colonies nouvelles, des terres d'aventures urbanistiques et architecturales, un monde de demain aux portes revues et corrigées du Paris ancien ». Cela, Paul Delouvrier l'expliqua à Charles-de-Gaulle, président de la République à l’époque, en lui décrivant les emplacements choisis pour ces villes nouvelles, par éliminations successives, en fonction de leur proximité des moyens de transports déjà existants et en tenant compte de l'agrément de leur site. II lui expliqua aussi les pressions auxquelles il fut soumis et les intérêts particuliers en cause. Alors le général eut un grand geste du bras: « Tout cela se décidera ici ! ». C'est ainsi que Paris prit place parmi les domaines réservés à Charles de Gaulle109.

La forte motivation de l’Etat gaulliste autour la question du renouement de Paris et de sa banlieue fut marquée le 22 juin 1965 par la publication du Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région de Paris (SDAURP)110. Elaboré sous la direction de Delouvrier, il se substitua au PADOG de 1960 auquel on reprochait de ne pas prévoir des dispositions suffisantes pour satisfaire les besoins à long terme d’une population dont la croissance en nombre d’habitants, risquait d’être importante et dont les besoins de logements, de loisirs et de déplacements auraient été considérablement augmentés du simple fait de l’accroissement du niveau de vie. Le SDAURP définit le cadre général dans lequel auraient été assurées les principales fonctions urbaines dans la région, au fur et à mesure de l’accroissement des besoins, jusqu’à 14 millions d’habitants, population qui fut atteinte vers l’an 2000, comme le faisait remarquer Delouvrier. Par rapport au PADOG, dont l’objectif fut de contenir la croissance de l’agglomération dans le périmètre restreint défini grosso modo par l’ARISO en densifiant au maximum la banlieue, les concepteurs du SDAURP privilégièrent l’option consistant à favoriser l’extension de la zone urbanisée mais uniquement selon des axes clairement définis. Les zones d’urbanisation nouvelle furent conçues pour une utilisation dominante de l’automobile mais des possibilités de transports en commun auraient dû être également offertes, par

109 Heimer, M., 1 juillet 1967, « Huit mois d’enquête pour venir à bout des secrets du Paris futur », Paris Match, No 951, « Exclusif : Paris dans 20 ans » 110 « Présentation du SDAURP de 1965 », DRIEA – Île-de-France [En ligne], mis en ligne le 3 juillet 2006, mis à jour le 5 janvier 2012, consulté le 20 mars 2015. URL : http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/presentation-du-sdaurp-de-1965-a970.html

Page 78: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[70]

fer le long de l’axe urbain principal ou par route (autobus) pour les autres dessertes internes. Les échanges interurbains de banlieue à banlieue, étant très souvent impossibles à assurer de façon efficace par des transports en commun, vu la dispersion de la population concernée, ils auraient dû être effectués de façon dominante par voie routière, sauf pour quelques liaisons tangentielles importantes induisant un trafic suffisant pour justifier une liaison ferrée. Un réseau routier maillé, sur lequel aurait dû s’appuyer le système de transports collectifs, fut le facteur d’assurance de ces échanges. Consécutivement à ces plans, 44 000 hectares de terrains prévus pour les villes nouvelles furent classés en zones à aménagement différé111.

Le projet autoroutier du plan Prost dans le prolongement de l'axe Est-Ouest inscrivit La Défense dans une continuité historique, celle de la création et de l'aménagement des voies principales de desserte de la capitale. Cette continuité de l'aménagement fut d'ailleurs soulignée par les premiers commentateurs de La Défense112 et renforcée, malgré le changement du cadre de planification urbaine et le changement de la présidence de la République. La persistance autour la réalisation des accès autoroutier vers la capitale fut amplifiée avec la présentation du plan autoroutier par Pompidou en 1967, qui en effet fut une adaptation du rapport Lafay. La matérialisation de l’autoroute Est-Ouest et la desserte viaire du nouveau quartier imposèrent dans le cas de La Défense le principe de séparation des modes de circulation, qui pourtant ne prit forme que progressivement, avec notamment l'agrandissement du périmètre d'intervention. L’adoption du principe d'une dalle totale, sans ouverture vers le trafic automobile qui apparut en 1960, imposé aussi par des raisons esthétiques qui dictèrent une vue sans entraves par la surface de la dalle vers le centre de Paris et l’axe monumental permuta aussi la déconnexion définitive des espaces piétons avec les réseaux de circulation : sous la dalle on trouve des voies rapides, le RER, des réseaux de bus et de métro ainsi que des parkings. La presse, surtout celle anglophone, soutint avec enthousiasme la construction de La Défense et idéalisa son urbanisme de dalle, en évoquant notamment que La Défense « est l’un des projets d’aménagement urbain les plus ambitieux existant actuellement dans le monde » et « le projet qui figure parmi les réalisations les mieux planifiées »113, ainsi que des dithyrambes comme « un milliard de dollars dans la réalisation d'une impressionnante cité satellite qui est la solution française au problème de la congestion urbaine »114. Comme le Rapport Buchanan, l'opération de la Défense représenta donc une référence pour de nombreux projets de rénovation urbaine qui la suivirent, soit à Paris qu’à l’étranger.

Notamment, le projet du Barbican Estate fut le premier et le seule paradigme d’urbanisme de dalle à être effectué à Londres. Construit entre 1965 et 1976, ce complexe principalement de logements occupa l’emprise d’un ancien quartier de 16 hectares, qui fut rasé par les bombardements allemands durant la Seconde Guerre Mondiale. Le Barbican Estate, situé dans le quartier d’affaires 111 Heimer, M., 1 juillet 1967, op. cit. 112 L’Architecture d’aujourd’hui, septembre 1961, No 97, p. 16 113 Engineering News Record, 19 juin 1969, « An enormous project » 114 Business Week, 7 juillet 1970, « A gallic answer to urban congestion »

Page 79: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[71]

central de Londres, le City, comporta 2 014 appartements pour 4 000 personnes et fut appelé à donner de la mixité fonctionnelle au quartier principalement composé de bureaux. Les logements furent articulés en un complexe de tours qui se superposa sur une dalle périphérique, accueillant les espaces de stationnement, ainsi qu’en de volumes plus bas comportant des jardins fermés qui rappelèrent les « palais royaux » du plan-masse de La Défense115. Les principes de ce projet furent empruntés en une taille plus grande à Miles Keynes, une ville nouvelle située en plein milieu de la campagne anglaise. Ce projet qu’eut lie entre 197 et 1992, figura aussi l’urbanisme de dalle et les principes de la séparation des véhicules par les piétons comme dans le Barbican et La Défense. Le début de la construction de l’opération « Front de Seine » en 1967, ainsi que des opérations « Italie 13 » et « Maine-Montparnasse » en 1969, signifia le consolidement de l’urbanisme de dalle en France, outre qu’à La Défense. L’urbanisme de dalle fut aussi proposé pour les villes nouvelles qui furent lancées en 1969.

Image 32 : Le Barbican Estate à Londres actuellement

Tsiligiannis, A., 2015, Archive personnel

Cependant, tous les projets de dalles seront progressivement abandonnés ou amputés. En Angleterre on évoquera le coût extrêmement haut de ces opérations et on ne répétera ce qui sera considéré comme un « expérimente urbain ». En effet, le caractère prestigieux de la prolongation de l'axe Est-Ouest permuta de justifier l'investissement important de l'État dans la réalisation de la couverture d’une autoroute dans le cas de La Défense, mais dans les cas où la dalle fut moins nécessaire à la circulation, elle ne sera pas achevée finalement.

115 « History », Barbican [En ligne], consulté le 10 mars 2015, URL : http://www.barbican.org.uk/about-barbican/history

Page 80: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[72]

Au « Front de Seine », notamment, la dalle ne sera pas construite au-dessus des voies sur berge et dans les cas d’« Italie 13 » et du « Maine-Montparnasse » elle sera appliquée seulement partiellement116. L’importance de la couverture de la circulation axiale dans le projet de La Défense eut aussi un impact direct sur la forme de sa dalle et de sa composition. La décision d’orienter d'abord sa terrasse initiale, puis l'ensemble de la dalle par rapport à l’axe majeur et l’Arc de Triomphe, résulta à une composition urbaine qui se polarisa par rapport au centre de Paris et qui tourna le dos à la banlieue. La force centrifuge du cœur de la capitale s'exerça sur ce projet qui sembla pourtant vouloir s'affranchir de toutes les règles antérieures de composition urbaine. Cette indépendance par rapport au centre de Paris se réalisera en revanche dans les villes nouvelles de la région parisienne, suffisamment éloignées pour ne pas subir l'attraction du centre ancien de la capitale117.

1.5.2. La reconfiguration du réseau routière et la modification du plan-masse de La Défense

En 1967 eut lieu l’expansion du périmètre d’action de l’EPAD en incorporant les territoires appartenant à la Zone B, situés à Nanterre. En outre, suite à la publication du plan autoroutier de Paris, l’autoroute A14 fut déclarée en 1968 voie d’utilité publique. Les besoins élevés hors-plan initial concernant le relogement des habitants dans le périmètre élargi de La Défense nécessitèrent une nouvelle approche autour leurs déplacements. Suite à une demande du Gouvernement118119 autour le sujet des déplacements des habitants de La Défense, l’EPAD consulta plusieurs bureaux d’études de circulation. Parmi les sociétés consultées par l’EPAD pour les études de circulation on note la société anglaise Freeman, Fox, Wilbur Smith, and Associates120 qui fut responsable pour plusieurs études de circulation pour la métropole d’Athènes durant les années 1960. Il faut souligner dans ce point que l’étude menée pour Athènes milita que les systèmes autoroutières furent le moyen le plus efficace afin de répondre aux besoins d’une société dont les revenus augmentent et l’utilisation de la voiture augmentera d’une façon analogique. Cette étude proposa plusieurs rocades qui traversèrent même le centre d’Athènes, ainsi qu’un système métro qui aurait eu

116 Lefebvre, V., 2003, op. cit., pp. 274 117 Ibid., pp. 197-198 118 Archives Nationales, 15 janvier 1971, « Lettre de Monsieur le Premier Ministre, Jacques Chaban-Delmas, à Monsieur le Ministre du Transport, de l’Equipement et du Logement, Albin Chalandon », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD 119 Archives Nationales, 31 janvier 1971, « Lettre de Monsieur le Ministre du Transport, de l’Equipement et du Logement, Albin Chalandon, à Monsieur le Premier Ministre, Jacques Chaban-Delmas », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD 120 Archives DEFACTO, 1972, « Etudes Générales de Circulation - Etudes Générales sur les Transporteurs Piétons », Etudes 1966-1972

Page 81: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[73]

un rôle complémentaire au système autoroutier proposé, en s’articulant avec celui dans des points spécifiquement désignés121.

La solution proposée pour La Défense ne se différencia pas essentiellement par celle pour Athènes. Dans cette proposition, la distinction entre transports en commun et transports individuels fut propagée, tandis que la réflexion à l'articulation entre déplacements à longue, moyenne et courte distances fut aussi soulignée. En outre, les trajets domicile-travail obéirent à des logiques très différentes de celles des livraisons. Enfin, les circulations piétonnières, furent accordées une attention au moins égale à celle des flux automobiles en créant un « parvis piétons » long de 1 km environ et large de 60 m environ. Il s'agit donc d’une proposition qui bien distingua les différents flux en les séparant pour les articuler après. L’analyse des flux consista notamment à distinguer et à isoler, en préalable à une composition rationnelle au sein de laquelle les éléments constitutifs restèrent identifiables122.

Image 33 : Étude de circulation pour La Défense, 1968

Service Archives DEFACTO

Ainsi il fut décidé de distinguer la fonction de liaison à grande distance de l'autoroute avec 6 files de circulation dans chaque sens, située dans l'axe longitudinal de l'opération et recevant un trafic prévu de 100 000 véhicules par jour, de celle à moyenne distance du boulevard circulaire avec 3-4 files de circulation à sens unique et recevant un trafic prévu de 70 000 véhicules par jour, et ensuite de distinguer la fonction de celles deux des voies secondaires et tertiaires avec 1-2 files de circulation, menant aux quartiers environnants, aux logements et aux espaces de stationnement. Il resta donc à composer les flux hétérogènes. Une telle composition donna naissance à des programmes 121 Sarigiannis, G. M., 2000, op. cit., pp. 198-203 122 Archives DEFACTO, 15 septembre 1966, « Thème I : Intervention de Monsieur Lagier », La huitième Semaine Internationale d'Etude de la Technique de la Circulation Routière et Congrès International de la Sécurité Routière

Page 82: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[74]

comme la grande gare souterraine où se rencontrèrent trafics piétons et ferroviaires. La gare routière située à proximité, au milieu d'un vaste carrefour giratoire, obéit à la même logique d'interconnexion raisonnée123.

Pour financer les nouvelles infrastructures envisagées, l’établissement public dut vendre aux promoteurs plus de droits à construire. Dans le plan-masse de 1964, deux types d'immeubles furent proposés par les architectes de La Défense : la tour et l'immeuble sur cour, nommé « palais royal ». Ce principe de différenciation qui guida la réalisation des premiers immeubles va se trouver progressivement abandonné avec l’augmentation du nombre des tours au dépens des immeubles d’habitation, l'adoption de tours hybrides, et enfin avec la suppression de toute référence au plan-masse de 1964 et l’adoption d’un nouveau plan-masse en 1969. Au fur et à mesure que l'intérêt des clients éventuels crût et que l'opinion publique commença à croire à l'opération, notamment à partir de 1969, grâce aux infrastructures déjà réalisées (voirie, RER) et aux premiers immeubles construits (tour « ESSO », tour « Nobel », tour « Aquitaine »), la nécessité impérieuse d'adapter, en quelque sorte, l'offre à la demande se fut sentir d'une façon pressante. Si les premiers arrivants furent des investisseurs institutionnels fortement encouragés à venir à La Défense et acceptant de subir les contraintes imposées par l’EPAD, les nouveaux acquéreurs qu’il fallut séduire devinrent plus exigeants et posèrent leurs conditions. Ils réclamèrent des surfaces plus grandes et désirèrent construire des immeubles originaux en étant ces qui imposèrent des contraintes à l’EPAD. En outre, l’essor du secteur tertiaire ouvra des perspectives plus rémunératrices, vu que les immeubles de bureaux se vendirent plus cher que les immeubles de logement124. La volonté des concepteurs du plan-masse de 1964 de composer en verticale avec les tours de bureaux et en horizontale avec les carrés de logements va disparaître pour plusieurs raisons. L’une des principales fut la difficulté d’attirer les promoteurs de bureaux à cause de ce qu’ils persévèrent comme une rigidité de la composition d’ensemble. Malgré les intentions du plan-masse de 1964, les opérations de bureaux vont être privilégiées aux dépens des logements et c’est un quartier composé essentiellement de bureaux qui va progressivement se bâtir, même si quelques logements furent édifiés, dont un « palais royal », conçu par Robert Camelot, sur la dalle vers le côté de Courbevoie.

En 1969, les dimensions des tours en termes de volume global que de plan d’étage courant s’adaptèrent difficilement au développement du bureau paysagé et au déplacement d’importantes sociétés désireuses de concentrer leurs activités en un même édifice. Le cas le plus significatif fut celui de la compagnie d’assurances UAP qui souhaitait regrouper l’ensemble de ses services, alors dispersés dans Paris, à la Défense et recherchait un volume global de 70 000 m2, l’EPAD ne disposant que de deux tours voisines de 28 000 m2 chacune. Avec la pression commerciale se révélant particulièrement vive, la densification du plan de masse fut vite apparue inévitable. L’arrivée de Jean Millier à la tête de l’EPAD en 1969 correspondit à un changement de

123 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., pp. 210-211 124 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 175

Page 83: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[75]

doctrine et d’équipe. Il va marquer l’histoire du projet par sa volonté d’en faire l’incarnation du dynamisme d’une France reconstruite qui se lancera, dans ce qu’on appela à l’époque, l’internationalisation. Le premier changement majeur se fit durant les négociations engagées par les compagnies d’assurance du Gan qui demandèrent à relier deux tours proches l’une de l’autre sur le plan. Jean Millier supprima également la différence formelle entre immeubles d’habitations et immeubles de bureaux en autorisant la construction de deux tours de logement durant cette période. C’est ainsi que l’opération se densifia de 800 000 m2 en 1964 à 1 500 000 m2 de bureaux en 1971125126. Cette augmentation des droits à construire constituera pour l’aménageur public une nouvelle source de revenus importante. C’est alors que La Défense connut une période de grande effervescence et dix permis de construire furent attribués pour la construction de tours de bureaux qui ne furent pas conformes au plan-masse de 1964�. Pour ne pas dépasser la limite maximale de la densité déjà fixée à 3, les aménageurs portèrent la hauteur des tours à 200 mètres. Les seuls bâtiments singuliers prévus avant furent soit d’intérêt public, comme le CNIT, soit d’ordre esthétique comme la tour de 200 mètres de hauteur qui aurait dû lui faire face et donner une dynamique à la composition d’ensemble127.

Image 34 : Maquette du plan d’aménagement de La Défense, 1972

Archives Nationales

125 Archives Nationales, 14 avril 1970, « Compte rendu de l'activité de l'année 1969 », Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD, Archives EPAD 126 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 174 127 Chaslin, F. ; Picon-Lefebvre, V., 1990, « Un monument en perspective », La Grande Arche de la Défense, Electa Moniteur, Milan et Paris, pp. 17-123

Page 84: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[76]

En réalité, l'absence d'un sol de référence clairement identifié, la disparition de la rue et de ses trottoirs, ainsi qu’en général la disparition de la notion de la topographie depuis l’application du plan-masse de 1964 eurent un impact direct sur la conception des entrées et des halls et suscitèrent la mise en effet de nouveaux dispositifs spatiaux. En outre, la spécialisation par programme des immeubles déterminèrent d'autres types de relations entre les bâtiments et l'espace public que ceux qu'avaient explorés jusqu’alors les architectes. Mais si le plan-masse de 1964 tenta d’établir une composition d'ensemble unitaire, elle fut éventuellement substituée des principes de conception prenant en compte l'autonomisation des parties, ou encore l'établissement de relations entre les objets basés sur les notions de vue ou de paysage lointain, effaçant complètement la notion de la topographie par le discours architectural. L’idée de La Défense comme un système d’infrastructures et de superstructures permettant des changements illimités au lieu d’une expérience vécue prédéfinie fut le concept central du nouveau plan-masse de 1969. Le changement en philosophie et en pratique de conception urbaine modifia la vision de La Défense qui l’aurait voulu une sculpture tridimensionnelle statique. Au contraire, l’adoption d’un système structural prêt à recevoir des modules branchés aux réseaux de transports, d’énergie et de télécommunications, contenant les lieux de travail du futur. La critique exprimée de plus en plus ouvertement contre le style international qu’illustra l’architecture de La Défense annonça la fin du type d'urbanisation à grande échelle à laquelle le public fut lié et dota Paris d'objets étranges, hétérogènes par rapport au reste du territoire urbain128.

Nonobstant les débats publics et les pressions politiques, dès la fin de 1969, les pouvoirs publics encouragèrent vivement cette évolution129 qui conforta l'équilibre financier de l’opération et qui fournit une meilleure rentabilité aux investissements consentis par la collectivité, notamment pour les infrastructures de transports appelées à résoudre l'accroissement de trafic prévu. L’EPAD à son tour répondit à ses attaqueurs en justifiant que contrairement à ce que lui attribuèrent, il ne désira pas être un repaire de technocrates mais un conseil où tous les spécialistes de toutes les catégories sont consultés et regroupés, et dont les opinions et les propositions sont débâtées et corrigées avant d’être implémentées130. Toutefois, il souligna que le changement de sa politique fut basé au fait que l'urbanisme ne peut avoir seulement de préoccupations esthétiques et sociologiques. Selon l’EPAD, à partir du moment que le rythme de rénovation du quartier de La Défense fut jugé plus lent par rapport aux objectifs originalement fixés, et étant donné que les collectivités furent hors d’état de supporter les déficits chroniques que la procédure traditionnelle avait mis à leur charge, les impératifs budgétaires imposèrent à l’établissement public de revoir la densité, de dégager un concours nouveau et de proportionner le

128 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 232 129 Archives Nationales, 11 septembre 1972, « Lettre de Monsieur le Premier Ministre, Pierre Messmer, à Monsieur le Ministre du Transport, de l’Equipement et du Logement, Olivier Guichard », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD 130 Revue d’information de l’EPAD, décembre 1971, « Etat des travaux », No 8, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur, p. 22

Page 85: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[77]

programme selon les ambitions de l’Etat et les désirs du marché131. Ensuite, il évoqua que le recensement de 1968 présenta un déficit de 80 000 emplois tertiaires à l’Ouest parisien et que malgré l’augmentation du nombre de mètres carrés de bureaux à La Défense, elle aurait représenté juste 7,5% des emplois tertiaires de la Région Parisienne et 12,5% des emplois de Paris à l’année de son achèvement, qui fut orienté vers 1977. Il conclut avec la conviction que La Défense représenta très certainement un des seuls secteurs de la Région Parisienne pouvant offrir à des investisseurs exceptionnels une bonne réponse à leurs problèmes132.

1.5.3. La topographie de La Défense devient synonyme des chantiers et des infrastructures autoroutières

La topographie de La Défense fut soumise aux changements les plus profonds de son histoire durant cette période. Le territoire devint virtuellement un chantier énorme avec les expropriations et les démolitions des bâtiments anciens, afin de donner place aux chantiers de la dalle, des tours et des bâtiments d’habitations, ainsi que du boulevard circulaire et de ses échangeurs. Ces travaux immenses qui culminèrent entre 1966 et 1972 affectèrent la presque totalité de l’intérieur du territoire circonscrit par le boulevard circulaire, ainsi que la partie au Nord du pont de Neuilly, qu’accueillit le chantier du quartier des Saisons, et la partie à l’Ouest de la ligne SNCF qu’accueillit le chantier des Groues, à l’ancien emplacement du bidonville de la Folie. Le premier chantier à se compléter fut celui de la dalle centrale de La Défense et du pole d’échange établi au-dessous de la dalle. Complété au début de 1970, il comporta le parvis de la dalle et au-dessous d’elle furent situés 3 500 places de stationnement et la gare de la nouvelle ligne Etoile-La Défense du RER.

La construction du boulevard circulaire qui nécessita le chantier le plus grand durant cette période fut réalisé en phases entre 1966 et 1971 et sa livraison prit place à la fin de l’année 1971, avec un retard de presque 2 ans, faute au progrès lent des expropriations et des travaux de démolition durant sa première phase. Sa partie Nord fut achevée et livrée presque 1 un plus tôt que sa partie Sud qui nécessita des travaux plus complexes à cause de la topographie existante et des problèmes rencontrés durant les expropriations. Après son achèvement il innerva le quartier d’affaires en permettant d'accéder aux parkings provisoires, aménagés entre le chantier de la dalle et les chantiers des tours. Il fut par ailleurs relié à la voie de desserte intérieure réservée aux livraisons, taxis et véhicules de sécurité qui fonctionna comme la rue principale du quartier jusqu'à son achèvement. Cela créa une topographie dédiée complètement a la voiture, comprenant voies secondaires et tertiaires et vastes

131 Archives Nationales, 19 juin 1969, « Compte rendu de la réunion du Conseil d’Administration de l’EPAD », Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD, Archives EPAD, pp. 2-3 132 Archives Nationales, 20 avril 1971, « Préambule », Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD, Archives EPAD, pp. 5-6

Page 86: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[78]

espaces de parkings entre les chantiers, couvrant les seuls espaces libres du quartier. Son rôle initial de constituer une voie de circulation régionale ayant pour fonction de relier le nouveau quartier à son environnement fut amplifié en fonctionnant aussi comme desserte du trafic national jusqu'à l’achèvement de l’A14, alors prévu à l’horizon 1977133. La multitude de ses bretelles permettant aux habitants des trois communes voisines de Nanterre, Puteaux et Courbevoie d'accéder à cette voirie rapide ainsi que ses ponts nécessaires pour franchir la voirie locale changèrent complètement la topographie de La Défense, en tant qu’ils ajoutèrent une source majeure de nuisances pour les riverains.

Image 35 : Vue aérienne de La Défense, 1972

IGN, Géoportail

La « Rose de Cherbourg » fut l’ouvrage technique le plus grand parmi les infrastructures du boulevard circulaire, étant conçue comme un anneau surélevé par rapport à la RN13 (avenue du Président-Wilson, actuelle RD913) et à la voie ferrée Paris-Versailles, elle-même en dépression par rapport au terrain naturel. Elle fut aussi la première opération du boulevard circulaire à démarrer. L’ouvrage comporta des bretelles d'entrées et de sorties assurant l’accès à la RN13 depuis le boulevard circulaire, l’accès au boulevard circulaire et au quartier de la Défense depuis la province, ainsi que l’accès aux parkings au Nord de la Zone A et à la Zone B, à travers une voie parallèle au long du boulevard circulaire. L’ensemble enjamba en outre un ancien pont de la SNCF dit « Pont de Cherbourg ». La situation complexe de cet ouvrage et sa forme d’anneau, ainsi que la disposition des bretelles qui s’en détachèrent, suggérèrent le nom sous lequel elle est aujourd’hui connue. L’ouvrage, en sens unique, compta 3 voies

133 Revue d’information de l’EPAD, décembre 1971, « Ouverture du boulevard circulaire », op. cit., p. 24

Page 87: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[79]

de circulation sur la partie commune avec le boulevard circulaire et 2 voies sur les autres parties. Il comporta aussi 8 ponts, dont 4 au-dessus de la voie ferrée, 2 au-dessus de la RN13 et 2 au-dessus de la rue Anatole-France, à Puteaux. Dans le projet initial de l’EPAD, ces ponts furent indépendants et sépares les uns des autres par des remblais et des murs de soutènement. Cependant, le propriétaire d’un bistrot au rez-de-chaussée d’un immeuble, situé au milieu de l’échangeur, résista fortement à quitter l’immeuble, d'autant plus qu’il profitait par la présence des ouvriers du chantier du boulevard circulaire. Enfin, il fallut modifier la forme de l'anneau routier afin de pouvoir contourner son immeuble. Encerclé par l'armée des autos, il finit par se rendre et l’immeuble fut démoli134. Cette modification du projet signifia le remplacement de 6 ponts, parmi les 8 du plan original, par 2 viaducs continus formés de 3 ponts chacun. La solution choisie pour la circulation piétonne fut celle de la création d’une passerelle placée au-dessus des voies ferrées et d’un passage souterrain situé sous la RN13, éclairée naturellement par des trémies.

Image 36 : La Rose de Cherbourg en construction, 1969

Infothèque DEFACTO

Le franchissement du boulevard circulaire par les piétons à la rue Anatole-France continua à être effectué par les trottoirs actuels de la rue au niveau de sol. Un escalier fut dessiné afin de raccorder cette rue à la rue Saudi Carnot, qui devint une impasse après la construction du boulevard circulaire. Les travaux de 134 Demeyer, P., 1988, op. cit., p. 30

Page 88: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[80]

cet énorme ouvrage démarrèrent rapidement en novembre 1966 et s’achevèrent en 1970135.

Au Nord-Ouest de La Défense, le viaduc du Havre fut aussi dessiné afin de permettre au boulevard circulaire de franchir les voies ferrées de la ligne Paris-Versailles, elle-même en remblai par rapport au terrain naturel, mais aussi de franchir la RN192 (avenue de la Division-Leclercq et boulevard de la Mission-Marchand, actuelle RD992). Il consista d’une bretelle (actuelles rue Ségoffin et rue Serpentines) s’en détachant par le boulevard circulaire au milieu de la distance entre l’avenue Gambetta et la RN192 afin de se raccorder au niveau de sol à la RN192 et au réseau local de La Défense. Ensuite, après avoir franchi la RN192, le viaduc du Havre franchit une rue locale de Puteaux, la rue de Valmy. D’une longueur de 270 mètres, ce viaduc comporta 3 voies de circulation à sens unique. L’extrême encombrement au sol des voies ferrées et routières et la présence en sous-sol d’un grand nombre de canalisations et de galeries conduisirent à disposer des appuis intermédiaires selon les sommets de losanges successifs. Solidaire du viaduc principal, fut construite une bretelle de raccordement à la rue de Valmy et à la RN314 (rue Félix Eboué) de 85 mètres de longueur. La fondation du viaduc du Havre, de son viaduc solidaire et de ses bretelles, furent entreprises en novembre 1967 et l’ensemble des travaux termina en 1970136.

En 1969, au croisement de l’avenue Gambetta et du boulevard circulaire de La Défense, démarrèrent des travaux qui eurent lieu plus de 15 mois, afin d’aménager les liaisons entre la place Charras à Courbevoie et l’échangeur central souterrain de La Défense. Comme il fut impossible de faire croiser ces deux voies à niveau et en même temps assurer la fluidité routière souhaitée, des ouvrages furent construits qui dissocièrent la circulation entre les deux voies.

Image 37 : Le Viaduc Gambetta en construction, 1970

Archives Nationales 135 Revue d’information de l’EPAD, mars 1969, « L’échangeur dit : « Rose de Cherbourg » », op. cit., p. 18 136 Revue d’information de l’EPAD, juillet 1969, « Le Viaduc du Havre », No 2, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur, p. 14

Page 89: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[81]

Ainsi le boulevard circulaire put poursuivre la direction du viaduc du Havre au niveau du sol, tandis que l’avenue Gambetta s’enleva pour franchir le boulevard circulaire en formant un ouvrage avec la forme d’un viaduc de 162 mètres de longueur, soutenu sur 40 poutres et comportant 4 voies de circulation destinées à la circulation régionale entre Courbevoie et Puteaux. Ce viaduc fut accompagné par 2 voies de desserte locale qui se raccordèrent au boulevard circulaire au niveau du sol. Les franchissements piétons prirent la forme de passages souterrains, se raccordant aux trottoirs existants de l’ancienne avenue Gambetta avec des rampes et des escaliers d’accès137.

L’avancement de l’opération et surtout la construction de la dalle nécessitèrent un deuxième type de chantiers, qui malgré leur nature plus conventionnelle par rapport aux travaux du boulevard circulaire furent responsables pour la plupart des démolitions du quartier d’affaires. Au début des travaux, La Zone A de la Défense compta pas moins de 6 000 logements, presque 300 industries et des centaines de commerces. Quant à la Zone B, dont la densité fut plus faible et qui initialement ne fit pas partie des travaux du quartier d’affaires, elle compta néanmoins 3 500 logements, 50 industries et commerces approximativement. Bref, il s’agit d’une population de 20 000 habitants, ainsi que de 8 180 occupants de bidonvilles dont les habitations il fallut exproprier et lesquels il fallut en même temps reloger138. De fait, le relogement des habitants s’opéra dans un périmètre presque insignifiant, notamment d’une distance entre l'ancien et le nouveau domicile qui n'excéda souvent que 1 kilomètre. La « transplantation » donc des logements fut évitée139. La mise en œuvre des programmes de relogement pourtant s’avéra difficile en raison du coût très élevé des terrains à bâtir et de la nécessité de réaliser des Habitations à Loyer Modéré dont le prix de revient n’aurait pu dépasser certains plafonds140. Pour cette raison, outre aux immeubles d’habitation qui furent construites conformément au plan-masse de 1964, la plupart des nouvelles habitations fut construite au territoire de Nanterre.

Avant la transformation de la région de La Défense, Puteaux et Courbevoie furent aussi le lieu d'une importante implantation de petites et moyennes entreprises industrielles et artisanales, souvent familiales. Elles employèrent un personnel très qualifié, qui démontra sa capacité de s'adapter à l'évolution des techniques modernes, mais dans leur plupart elles n'arrivèrent pas à supporter le poids des changements majeurs imposés par l’opération de La Défense. Aussi, les petites et moyennes entreprises de Puteaux et Courbevoie se trouvèrent confrontées à de graves problèmes financiers qui ont touché tout particulièrement les industries locataires. Celles-ci, du fait de la rareté des locaux vacants dans la banlieue ouest, ont dû faire l’effort d'accéder à la propriété et de payer des loyers d'argent sans commune mesure avec ceux de leurs anciens locaux. Comme aucune exception ne fut prévue en faveur des industries expropriées, l’EPAD décida enfin d’apporter son aide aux intéressés en mettant à leur disposition des terrains entièrement équipés (3 zones industrielles) 137 Revue d’information de l’EPAD, juillet 1969, « Viaduc Gambetta », No 2, op. cit., p. 18 138Revue d’information de l’EPAD, juin 1970, « Editorial », No 5, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur, p. 2 139 Revue d’information de l’EPAD, juin 1970, « Relogement », op. cit., p. 3 140 Revue d’information de l’EPAD, juin 1970, « Relogement des locataires », op. cit., p. 6-7

Page 90: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[82]

moyennant un prix raisonnable141. Cependant, ces zones d’activités furent empalées a la partie Nord-est de Nanterre, résultant en trajets domicile-travail possibles seulement par voiture, contrairement à la situation antérieure, où l’habitat et les pôles d’emplois furent mixtes, résultant en trajets minimaux qui furent effectué à pieds. Cette évolution coupa aussi le lien avec la clientèle locale, en éradiquant un des derniers éléments constitutifs de l’ancien quartier. En ce qui concerne l’éradication, l’EPAD s’occupa soigneusement avec l’éradication délibérée des 10 bidonvilles de la Zone B de l’EPAD qui furent repartis en divers points de la plaine de Nanterre. En 1967 on compta à Nanterre un nombre de 622 familles nord-africaines et portugaises, or un quart des familles logées en bidonvilles dans la région parisienne. La résorption de ces bidonvilles fut considérée par l’EPAD une opération de vocation civique, outre à une nécessité urbanistique142. En effet, l’EPAD décrit son opération de relogements et d’éradication des bidonvilles comme une chirurgie urbaine, qui exactement de façon pareille à la chirurgie médicale, impliqua des risques, des traumatismes, parfois même des mutilations, mais résulta enfin en être salutaire143.

Image 38 : Schéma montrant le progrès des expropriations, 1972

Archives Nationales

141 Revue d’information de l’EPAD, juin 1970, « Relogement des industries », op. cit., p. 10 142 Revue d’information de l’EPAD, juin 1970, « Résorption des bidonvilles », op. cit., p. 12 143Revue d’information de l’EPAD, juin 1970, « Editorial », op. cit., p. 2

Page 91: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[83]

1.6. De 1972 jusqu’à 1977

1.6.1 Les réactions à la modification du plan-masse par Millier, la « querelle des tours » et une crise qui frappe de La Défense

En 1969, Jean Millier obtint avec la modification du plan-masse une augmentation des densités et un plan de masse révisé, par rapport à celui de 1964, qui permuta la construction de tours plus hautes et de formes variées. Dans un contexte de compétition économique mondialisée, qui commença à apparaitre aux années 1970, chaque entreprise voulut se démarquer de sa voisine pour se faire connaître et gagner des marchés. Millier donc offrit exactement ce que les entreprises voulurent en assurant la construction de tours différentes entre elles et plus hautes, afin d’achever lui-même la continuation de la mission de l’EPAD. Derrière cette évolution, on ne trouve pas un vrai plan établi. La Zone A commença à se construire dorénavant sur le mode d’une juxtaposition pragmatique, la seule règle étant la relation à la dalle, qui subsista comme élément de liaison. En ce qui concerne la dalle, le paysagiste américain Dan Kiley la redessina en 1972, en proposant un aménagement qui entendit remettre de l’ordre dans un paysage urbain qu’il jugea chaotique144. Il ne s’occupa pourtant pas du tout avec le territoire autour la dalle, jusqu’au boulevard circulaire, malgré le fait que l’image de celui fut beaucoup plus chaotique, et comme on a déjà mentionné, consista un espace composé de franges multiples. Il faut aussi noter qu’en niveau de représentation, aucune maquette ou dessin du plan-masse de l’EPAD après 1969 ne montrera l’aménagement du territoire entre la dalle et le boulevard circulaire ou le tissu urbain en dehors du périmètre de la Zone A. Au contraire, ces zones de franges furent délibérément laissées blanches, voir vides.

Millier fut beaucoup critiqué pour sa décision de modifier le plan-masse sans avant avoir fait une consultation ouverte. Selon les critiques, un projet de « composition urbaine » se substitua par un aménagement au coup par coup qui remit en cause le projet initial. L’arrivée de Millier à la tête de l'EPAD, en 1969, coupa de fait l’évolution d’un processus qui aurait voulu être le résultat d’une action coordonnée à la création du quartier145. On y lut les conséquences des événements de Mai ‘68, qui furent interprétées comme la dissolution des illusions du consensus social de la société d’après-guerre sur lesquels fut fondée l’opération de La Défense qui aurait visé être exemplaire146. Ce consensus s’exprima notamment dans le programme du plan-masse de 1964 qui mélangea des logements destinés à différentes classes sociales et des immeubles de bureaux. Le plan-masse ordonné mit toutes les tours et leurs

144 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., p. A22 145 Archives Nationales, 24 octobre 1972, « Demande de Monsieur Triboulet à Monsieur le Ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Equipement, du Logement et du Tourisme », Urbanisme (tours de La Défense), Débats Senat 146 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., pp. A20-A21

Page 92: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[84]

occupants à égalité. Les seuls bâtiments singuliers prévus furent, soit d’intérêt public, comme le CNIT, soit d’une fonction esthétique comme la tour de 200 mètres de haut, pour donner une dynamique à l’ensemble. La recherche d’une possible harmonie sociale, qui conduisit à rapprocher les opérations privées de bureaux des programmes de logements dans une correspondance formelle systématique disparut. La succession des événements après l’arrivée de Millier en outre, rendit les relations dans l’EPAD plus conflictuelles sur le plan humain, surtout concernant le projet de la « Tête Défense »147. La presse, de son côté, commença un attaque contre lui, le projet de la « Tête Défense », et enfin contre la façon dont l’EPAD planifia La Défense. Cette « guerre des medias » qui après sera appelée la « querelle des tours », fut une réaction d’effet domino. La modification réglementaire, ainsi que la modification du plan masse de la Défense, ouvra une vaste polémique sur la création d’un plafond pour ne pas altérer la perspective de l’axe historique depuis la terrasse des Tuileries et la place de la Concorde148.

Plus précisément, ce débat atteint son apogée en juillet 1972 quand apparaît dans le champ visuel de l’Arc de Triomphe le noyau central de la tour GAN alors en construction. Giscard d’Estaing, à l’époque ministre de l’Economie et des Finances, après s’avoir aperçu que le noyau de la tour GAN fut visible depuis de son bureau dans le Louvre, milita sa destruction, ainsi que l’arrêt des projets de tours en cours (notamment celui de la Tour Montparnasse), ainsi que l’imposition d’un plafond d’hauteur maximum pour Paris149. C’est à cette occasion que Georges Pompidou prit position dans les colonnes du Monde sur l’urbanisme parisien jugeant « la prévention française, et particulièrement parisienne, contre la hauteur […] tout à fait rétrograde », en évoquant aussi que « rien n'est pire que cinq ou six tours essayant sans succès de se dissimuler. Ou l'on renonce aux tours, et il n'y a plus d'architecture dans un ensemble de cette importance, ou on les multiplie » 150. Evidemment la « querelle des tours » n’eut pas fin après la décision de continuer avec le projet d’Emile Aillaud pour le projet de la « Tête Défense ». Pompidou décida donc de tenir compte du vœu exprimé par d’Estaing, hostile à « l'apparition de constructions sous l'arche de l'Arc de Triomphe », et déclara qu’il fallait diminuer l’hauteur des « immeubles-miroirs » d’Aillaud de 70 à 55 mètres. Pourtant, la nouvelle hauteur des immeubles, même si les aurait rendu invisibles de la Concorde, n’aurait pas fait le même des Tuileries151152. Après la disparition de Pompidou, la réticence de son successeur, qui fut d'Estaing, obligèrent Aillaud à revoir sans cesse son projet et de diminuer encore en plus l’hauteur des deux bâtiments aux 35 mètres, et puis de modifier la composition et d’en faire un immeuble au lieu de deux153. La crise 147 Texier, S., 2011, Les architectes de La Défense, Paris, Dominique Carré éditeur, p. 23 148 Chaslin, F. ; Picon-Lefebvre, V., 1990, op. cit., pp. 17-123 149 Les Echos, 6 septembre 1972, « Une réduction de la hauteur de trois tours à La Défense est préconisée par Giscard », p.4 150 Pompidou, G., 17 octobre 1972, « Propos sur l’art et l’architecture », Le Monde 151 Théolleyre, J.-M., 25 avril 1973, « District parisien : Un nouveau choix pour l’aménagement de la Place de La Défense », Le Monde, p.30 152 Le Figaro, 28-29 avril 1973, « L’aménagement de la Place de La Défense : Les immeubles-miroirs d’Émile Aillaud sortent vainqueurs de la confrontation » 153 Branche, P., 17 juillet 1975, « Pas d’immeuble-miroirs : Encore un « new look » pour La Défense », Le Figaro, pp. 1, 5

Page 93: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[85]

économique qui suivit le choc pétrolier de 1974 entraîna enfin l’abandon de ce projet, faut à la manque d’intérêt par la parte des investisseurs154, ainsi que la limitation par loi de l’hauteur maximale des bâtiments a Paris, en 1977. On note pendant cette époque un extrême souci en ce qui concerne la topographie de La Défense, mais seulement par rapport à l’hauteur de ses tours et comment on l’aperçut depuis Paris. Aucune réflexion sur le cadre de la topographie du lieu lui-même ne fut évoqué durant tous ces débats, justement appelés « querelle ».

Le choc pétrolier de 1973 et ses conséquences sur le marché immobilier furent raison de l’imaginaire architectural optimiste des Trente Glorieuses. La crise économique eut un effet foudroyant sur la Zone A de La Défense. Pour l’EPAD la situation fut catastrophique, comme il faudrait continuer à rembourser les emprunts contractés pour construire les infrastructures alors que les rentrées d’argent assurées par la vente des droits à construire furent taries. L’établissement licencia alors une grande partie de son personnel, provoquant la réaction du personnel de l’EPAD, ainsi que des habitants et des employés de La Défense, vu que cela signifiait le ralentissement de la construction des infrastructures155. Les infrastructures de transport et de circulation furent aussi affectées. En 1972 on a la complétion du boulevard circulaire, ainsi que l’extension du RER depuis La Défense jusqu'à Saint-Germain-en-Laye. Pourtant, après l’avènement de la crise en 1974, l’avancement du projet autoroutier de l’A14, ainsi que celui de l’extension de la ligne 1 du métro jusqu'à La Défense, se trouveront en une position de retard constat, faute au fait qu’entre 1975 et 1977, aucun droit à construire ne fut commercialisé156. Evidemment la construction des tours commencées avant la crise s’acheva et l’EPAD arriva à commercialiser les tours déjà complétées, dépassant avec succès les turbulences de la crise157, mais les nouvelles tours tardèrent à démarrer. Seul le centre commercial des « 4 Temps » continua à être construit, ainsi que la dalle qui couvrit en 1976 la gare de la SNCF, afin d’accueillir le projet de la Tête Défense qui ne s’acheva jamais.

1.6.2. Le concours pour l’aménagement du quartier « Tête Défense » : faut-il fermer l’Axe ?

Au milieu de la « querelle des tours », suivant une décision d’importance stratégique, Millier décida d’ouvrir le débat public autour La Défense vers un projet qui sera connu comme la « Tète Défense ». Le plan masse de la Zone A, 154 Le Monde, 6 août 1974, « District parisien : L’aménagement de la colline de La Défense : Le projet est prêt, les promoteurs hésitent », p. 17 155 Archives DEFACTO, octobre 1978, Motion de l’intersyndicale de l’EPAD, La Défense, Imprimerie spéciale intersyndicale de l’EPAD 156 Archives Nationales, 17 novembre 1977, « Motion adoptée le 07 octobre 1977 », Le Comité d’Entreprise de l’EPAD, Archives EPAD 157 Archives Nationales, 15 mars 1978, « Lettre de Monsieur Lucien Lanier à Monsieur le Ministre de l'Équipement et de l'Aménagement du Territoire, Fernand Icart », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD

Page 94: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[86]

qui fut approuvé en 1964, prévit la construction en face du CNIT d’une « grande tour » de bureaux sur les terrains situés entre la RN13, la voie ferre et la station Défense du RER. Dès 1969, le promoteur Jean-Claude Aaron et la SEFRI demandèrent à l’agence I. M. Pei and Partners de dessiner pour cet emplacement une tour de 70 à 80 étages, qui aurait été la plus haute d’Europe. En raison de la possibilité et de la nécessité d’extension sur les terrains situes a l’Ouest de la voie ferre et en tenant compte de la remarquable desserte du quartier par les transports en commun et par la route, un nouveau programme de construction fut établi, comprenant environ 300 000 m2 de bureaux, un hôtel et un centre commercial, ainsi que 7 300 places de parking, après la modification du plan masse en 1969. L’EPAD décida donc à son Conseil Administratif du décembre 1969 de consulter aussi l’agence I. M. Pei and Partners comme l’architecte confié d’une étude d’aménagement. Cette étude se mena entre mai 1970 et mars 1971 et elle fut constamment suivie par les architectes conseils de l’EPAD158.

Image 39 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense de l’agence I. M. Pei, 1971

Archives Nationales

L’étude de Pei constata que Paris a su rétablir sa cohérence organique en intégrant et en dépassant ses structures primitives par la mise en œuvre de mécanismes urbains entièrement nouveaux. Elle constata aussi que les expansions majeures eurent donné le jour aux grandes ordonnances de la ville 158Archives Nationales, 20 avril 1974, « Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD

Page 95: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[87]

et que l'architecture leur a instillé une âme et imposé un ordre hiérarchique. Après ces constats généraux elle critiqua que la perspective qui s'étendu au-delà de la Place de Gaulle jusqu'au Pont de Neuilly et à La Défense n'abouta à rien, traversant une longue zone d'indifférence, sans énergie et clarté. Au lieu de proposer une tour en face du CNIT, comme le plan-masse indiqua, Pei proposa l’implantation d’une « Tour Jumelée », appelée « Diapason », symétriquement dans la perspective de l’axe historique, sans pourtant la fermer, en traçant une porte symbolique vers l’ouest. Le but de ce geste selon Pei était de doter d'une clarté et d'une énergie nouvelle la perspective qui débute à l'Arc de Triomphe, ainsi qu’à engager La Défense toute entière et Paris en un dialogue qui symboliserait leur union. En plus, il visait à harmoniser et a stabiliser par l'introduction d'un élément symétrique l'assemblage des diverses architectures déjà existantes, ainsi qu’à créer et animer une nouvelle Place de Paris devant la tour. L’ensemble serait perçu comme un interlocuteur symbolique de l’Arc de Triomphe, mais aussi comme un élément organisateur et unifiant159. Pei précisa qu’« Actuellement La Défense est un chaos. Ce chaos, il est indispensable de le stabiliser. Notre projet, c'est un peu comme un grand père assis au milieu d'une tablée de petits-enfants qui chahutent. Soudain il en a assez. Il plante ses coudes sur la table et dit d'une grosse voix : "Maintenant, du calme... »160.

Les architectes conseils de l’EPAD (Auzelle, Badani et Camelot) pensèrent qu’une variante d’aménagement devait être présentée, variante dont l’EPAD encouragea l’étude. Ils furent tout à fait contraires à l’implantation d’une superstructure sur l’axe et ils proposèrent l’ouverture de sa perspective vers l’ouest, l’implantation d’une composition avec une tour en face du CNIT, ainsi que la création d’une vaste composition de gradins composés de terrasses plantées et de plans d’eau qui descendraient vers le boulevard circulaire. Les deux projets furent présentés au Conseil d’Administration le 22 juin 1971 et furent l’objet par ailleurs l’objet de larges consultations auprès de personnalités et de nombreux architectes. A l’occasion de ces consultations, Emile Aillaud et Jean de Mailly, engagèrent à leur tour une étude et présentèrent deux nouvelles solutions, tandis que l’agence de Pei poursuivît son étude et que les architectes conseils de l’EPAD poursuivirent une expression personnelle de la solution précédemment étudiée par eux en commun. L’ensemble des projets furent présentés au Conseil du 20 juin 1972 et à la suite d’un débat sur la perception de La Défense dans l’espace parisien, le Directeur d’Architecture demanda à l’EPAD de consulter d’autres architectes. Par ailleurs, l’EPAD offrit à nouveau la possibilité à ceux qui le souhaitèrent de s’exprimer. C’est ainsi qu’onze projets furent enfin présentés par les architectes au Conseil du 20 mars 1973161.

Olivier Guichard, ministre de l'Équipement et de l'Aménagement du Territoire a l’époque, prononça la décision du gouvernement de choisir le projet d’Émile Aillaud pour l’aménagement du Tête Défense. Il identifia trois « familles » de propositions qui proposèrent soit de marquer l’axe par un bâtiment, soit de le marquer par une « porte », soit de le laisser libre. Son croyance, qu’il soutint que 159 Archives Nationales, 1 novembre 1971, « Etude d’I.M. Pei & Partners », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD 160 Démoriane, H., 25 septembre 1972, « Le ciel sous l'Arche », Le Point, no 1 161 Archives Nationales, 20 avril 1974, « Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD », op. cit.

Page 96: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[88]

fut la croyance du gouvernement entier, fut que laisser libre l’axe était une solution de facilité car elle évita de choisir un édifice qui aurait été critiqué. Selon son opinion, après La Défense l’alignement disparaît en un paysage plus complexe et même plus confus qu’aucun axe n’aurait pu ordonner. Pour ces raisons il milita que seuls les projets de Pei et d’Aillaud méritèrent d’être mentionnés comme des solutions valables. Arrivant aux raisons du choix du projet d’Aillaud il justifia qu’il s’agit de la solution la plus neutre, par rapport à sa hauteur et sa perception vue par loin, notamment par les Tuileries et la Concorde162.

Image 40 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense d’Aillaud, 1971

Archives Nationales

162 Archives Nationales, 10 juillet 1973, « Déclaration du Monsieur Olivier Guichard, Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Equipement, du Logement et du Tourisme annonçant sa décision sur la Place de La Défense », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD

Page 97: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[89]

Aillaud fut donc le « gagnant » du concours pour la Tête Défense avec l'appui de Georges Pompidou, qui fut consulté comme simple citoyen, mais écouté comme un monarque163. Le projet d’Aillaud s’appuya à la croyance qu’II fut nécessaire de couper cette avenue rectiligne qu’on appela « axe historique » et qui, tirant droit depuis le Louvre, monte et descend sur 7 kilomètres, jusqu'à La Défense. Selon Aillaud, d’un point de vue urbanistique l’axe elle traversa un tissu urbain dense, ordonnant celui-ci, mais, après la colline de La Défense, le tissu n'exista plus. Il arriva même au point de décrire tout le territoire à l’ouest de La Défense comme « rien plus qu'un anarchique panorama ferroviaire coupé de cimetières et d'usines ». La conviction d’Aillaud fut qu’historiquement, toutes les perspectives tracées aux Grandes Epoques furent d'ailleurs très résolument interrompues, et que ce devrait être aussi le cas pour l’axe dit historique de Paris. Au-delà d'une certaine mesure, il continua, la voie Royale ou Triomphale n'est plus qu'une route et passe du Domaine Monumental à celui de la Voirie, notamment celui de l’A14. Il arriva donc a la conclusion qu’il fallait fermer l’axe par une composition de bâtiments symétriques, appelés « Miroirs », et de créer une place publique assez refermée et bordée d’une part par sa composition et d'autre par le CNIT et des bâtiments ordonnancés164.

Le débat contre la fermeture de l’axe historique commença au début des années 1970 et dut incitée par l’article de Guillaume Gillet qui milita pour la protection « d’une perspective unique au monde ». Gillet s'éleva contre la construction du projet Aillaud pour le « Tête Défense » d'un « immeuble commercial sur l'axe solaire... qui viendrait mettre un écran entre la flamme du soldat Inconnu et le soleil de gloire » et qui lance la polémique165. La fermeture à demi de la sacro-sainte perspective qui, du Louvre à travers, les arches du Carrousel et de l'Étoile, semble s'élancer à l'assaut du ciel sera beaucoup contestée, surtout en niveau symbolique et pas du tout en niveau pratique, voir la liaison de La Défense avec Nanterre à l’Ouest. On arriva même à évoquer Le Notre afin de défendre la préservation de la perspective depuis Paris. Aillaud défendit son projet en disant qu’« il est peu tolérable que des visions esthéticiennes, le respect des perspectives et d'axes datant d'autres époques bornent la respiration de la nôtre »166. Les communes pourtant passèrent à la contre-attaque. Les élus évoquèrent que le projet de Pei ne fut pas seulement architecturalement plus beau, mais aussi symboliquement meilleur. Ils évoquèrent la phrase d’Aillaud selon laquelle la banlieue Ouest était un « panorama anarchique », en expliquant que la construction de ce projet avec une place fermée à l’Ouest les exclurait de la grande communauté parisienne, dont ils voulurent faire partie. En plus, ils stressèrent le fait que tous les élus de la banlieue eurent voté le projet de Pei, contrairement à l’élu de Paris et aux fonctionnaires d’Etat qui votèrent le projet d’Aillaud, avec une différence d’un

163 Démoriane, H., 25 septembre 1972, op. cit. 164 Archives Nationales, 1973, « Etude d’Émile Aillaud », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD 165 Gillet, G., 15 janvier 1972, « De l’Arc de Triomphe à La Défense : Protéger une perspective unique au Monde », Le Figaro 166 Démoriane, H., 25 septembre 1972, op. cit.

Page 98: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[90]

vote seulement167. Ce débat révèle en effet que les problèmes majeurs de La Défense furent surtout en niveau d’intégration et de liaison avec sa banlieue proche, malgré le fait que personne ne s’occupa à l’époque qu’avec les questions esthétiques et symboliques.

1.6.3. L’analyse topographique de Gérald Hanning qui passe inaperçue

Gérald Hanning fut architecte et essentiellement urbaniste, ainsi qu’ancien collègue de Le Corbusier, après avoir venu en désaccord avec lui sur des questions urbanistiques. Il intégra au début des années 1970 l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne (IAURP) comme conseiller technique et avec son équipe composée par Bertrand Warnier et Jean Coignet, puis développée avec Paul Checcaglini et Annick Jaouen, ils développèrent le concept de la composition urbaine, adoptant une approche essentiellement topographique, en s’appuyant sur l’étude du relief, de la trame foncière, de la trame parcellaire, de la trame bâtie et du système viaire. Cette étude mena enfin à la conception du plan de composition urbaine qui figura dans le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région d’Île-de-France (SDAURIF) de 1976. Ce plan ne fut jamais utilisé comme envisagé, probablement à cause de la disparition de Hanning en 1980, mais l’approche topographique qu’il impliqua inspira de nombreux urbanistes de villes nouvelles et villes privées168.

Au début de leur étude extensive sur la carte de composition urbaine pour la Région Parisienne, Hanning et son équipe de l’IAURP travaillèrent sur le projet de la Tête Défense. Hanning mena une analyse soigneuse de la topographie de La Défense169 et, avant tout, il constata que le nouvel ensemble de La Défense montra comment se réalisa à l’époque, utilisant des moyens exceptionnels, la combinaison des différents systèmes de configuration spatiale. Il identifia :

• l’élimination des contraintes du parcellaire en place par moyen d’acquisition et de remembrement foncier,

• l’intégration du système géométrique des réseaux, par contournement en périphérie et par superposition d’un sol artificiel,

• l’agencement fonctionnel des superstructures en créant un système de parcellement géométrique de l’espace,

• le jalonnement aérien, pratiquement libre, ne révélant pourtant une ordonnance lisible.

167 Archives Nationales, 11 mai 1973, « Note de Monsieur Michel Arrou-Vignod pour Monsieur le Directeur du Cabinet sous-couvert de Monsieur le Directeur de l’Aménagement Foncier et de l’Urbanisme », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD 168 Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France (IAU-ÎDF), Juin 2012, Catalogue des dessins et manuscrits de Gérald HANNING conservés à l’IAU Île-de-France 169 Archives Régionales d’Île de France, 15 décembre 1972, « Etude de Gérald Hanning – IAURP », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives IAURP

Page 99: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[91]

Image 41 : Esquisse d’analyse de La Défense par Hanning, 15 décembre 1972

Archives Régionales d’Île de France

Il arriva donc à la conclusion que, malgré l’exceptionnel des moyens mis en œuvre, notamment pour se libérer des contraintes posées par les infrastructures, le système des formes de superstructures resta conventionnel, n’intégrant pas les divers systèmes topographiques qui auraient permis la mise en forme d’une grande masse de l’espace urbain. En évoquant que La Défense se trouva dans un lieu en continuité de la ville de Paris, mais aussi dans une position commandant le vaste site des grands méandres de la Seine, il milita que le nouvel ensemble de La Défense aurait dû constituer la « clef » de l’ordonnance des paysages environnants. Pour envisager cette ordonnance du grand territoire à partir de La Défense, il identifia le rôle et les articulations entre les systèmes topographiques du relief, du foncier, du parcellaire, des ouvrages bâtis, des axes royaux, des grands ensembles et des ouvrages techniques ferroviaires et autoroutiers.

En ce qui concerna son proposition architecturale pour la Tête Défense170, il ne fabriqua pas un projet d'architecture, comme le reste des propositions déposées au sein du concours de l’EPAD. Par contre, il fabriqua une étude de composition urbaine, afin d’informer l’EPAD sur un système de mise en forme pouvant être envisagé pour orienter les études d’architecture. Donc, dans la proposition de Hanning, les dessins ne firent que de matérialiser, dans des formes architecturales, aussi neutres que possible, une disposition des ouvrages proposés. Cela permuta, à la fois de satisfaire les besoins du programme de construction décidé par l’EPAD pour l'exploitation de ses terrains de la Tête Défense, ainsi que de réaliser certains objectifs de composition urbaine, d'intérêt général, intéressant notamment l'intégration des nouvelles masses bâties aux paysages urbains, à leurs perspectives classiques et à celles qui auraient pu former pour valoriser le site de méandre où l’action de l'EPAD aurait dû réaliser un important dispositif urbain nouveau. 170 Archives Régionales d’Île de France, 31 décembre 1972, « Etude de Gérald Hanning – IAURP », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives IAURP

Page 100: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[92]

La proposition de Hanning ne retint que les traits essentiels des objectifs du concours pour la Tête Défense, dont :

• l’effacement des masses bâties dans la perspective classique Louvre/Etoile : maintien de l'ouverture sur l'axe vers la forêt de Saint-Germain et de l'effet de ciel autour de l'Arc de Triomphe,

• la neutralité quant aux perspectives de l'ensemble de La Défense : leur amélioration aurait pu aussi être directement assurée par l'aménagement éventuel de la Tête du Pont de Neuilly.

Par contre, il fut proposé d’adopter une composition urbaine d’ensemble de la Tête Défense, comprenant les suivantes propositions :

• conserver l'ouverture sur l'axe vers l'ouest, plutôt par une perspective sur les lignes de ciel des coteaux de Saint-Germain, de Marly et de Conseilles que sur les premiers plans, qui furent jugés d'aspect médiocre,

• présenter une façade et non pas le dos aux espaces à urbaniser des plaines de Nanterre et de Gennevilliers, dont les paysages furent identifiés comme nécessitant d’être valorisés dans le cadre de vie urbaine qui aurait été formée là dans le futur,

• constituer des espaces centraux sans gigantisme, n’oubliant pas que la place établie au-dessus de l’ancien rond-point approcha les dimensions de la place de la Concorde,

• proposer une place monumentale en amphithéâtre surélevé pour terminer le parvis du CNIT,

• en contrebas, autour, créer des places plantées plus favorables à l’animation ordinaire d’un centre d’activités,

• autour, créer une couronne de bâtiments qui auraient atténué les effets de tours existantes par un soubassement bâti plus ou moins haut,

• en périphérie et jusqu'à la limite du boulevard circulaire, créer des terrasses en gradins, sur les espaces de stationnement, formant comme un « glacis » de jardins dégageant les vues vers l’ensemble à partir de boulevard circulaire et de l’autoroute,

• établir à partir de la zone périphérique des liaisons piétonnes vers toutes les directions à l’ouest de La Défense, ainsi que planter des arbres de haut tige en pleine terre afin de formuler le paysage immédiat,

• choisir délibérément de représenter les formes des bâtiments de façon quasi-banale, afin d’offrir des thèmes dans lesquels la qualité architecturale aurait pu être établie, mais sans jouer tout sur cette possibilité.

Enfin, la proposition de Hanning ne fut pas retenue. L’Etat et l’EPAD voulant marquer à l’époque La Défense par un ouvrage architectural de « grande originalité », ne furent pas ravis par les tours quasi-banales de la proposition de Hanning, et donc ne prirent pas en compte l’ensemble de l’analyse et de la proposition topographique qui fit la plus grande partie de la proposition.

Page 101: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[93]

Image 42 : Plan-masse pour la Tête Défense par Hanning, 31 décembre 1972

Archives Régionales d’Île de France

Image 43 : Coupe axiale de la Tête Défense par Hanning, regardant du sud vers le nord,

31 décembre 1972

Archives Régionales d’Île de France

1.6.4 La topographie de La Défense en un état critique

La crise qui frappa La Défense ne permuta pas la progression rapide des immenses travaux commencés avant 1972 et les chantiers de La Défense restèrent inachevés dans la plupart des cas pour une durée de plus de 6 ans. Durant cette période on eut des chantiers dans l’ensemble de la zone intérieure par rapport au boulevard circulaire. Le seul chantier sur la dalle fut celui du

Page 102: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[94]

centre commercial des 4 Temps qui s’acheva en 1981. Autour la dalle on eut des chantiers déjà commencés avant 1972, notamment ces des tours de bureaux et des logements du quartier Boieldieu, qui furent progressivement livrés jusqu’à 1978, ainsi que ces de la dalle centrale et de l’autoroute A14 qui restèrent largement inachevés pour plusieurs années, même après la fin de la crise. On eut aussi les travaux sur deux échangeurs du boulevard circulaire, celui de la Demi-Lune, comprenant la construction de la RN314, ainsi que celui de l’échangeur Michelet. Le premier fut complété vers la fin des années 1970 et le deuxième vers 1975. Outre à ces chantiers, on eut les premiers grands chantiers à la zone extérieure du boulevard circulaire. On note le chantier du quartier de logements de Saisons au Nord-est, à côté de la Seine, achevé vers la fin des années 1970, ainsi que celui des tours « Shadok » et du parc André Malraux à Nanterre. Enfin, on eut le rasage de ce qui aurait dû être le quartier d’Alsace, mais qui fut attrapé par la crise. Le volume énorme des terres enlevées par ces chantiers fut retiré afin de modeler le parc André Malraux d’une surface de 24 hectares, à Nanterre. Ce volume de quelque 4 millions de mètres cubes fut transféré lentement, au fur et à mesure que les chantiers progressèrent, et enfin on arriva à inaugurer le parc en 1978, une année après la livraison des tours « Shadok » lui avoisinantes171.

Image 44 : Vue aérienne de La Défense, 1978

IGN, Géoportail

Le déplacement de terres afin de remblayer les œuvres de circulation, aplatir les terrains et aménager le parc, changea dramatiquement la topographie naturelle de La Défense et dota la vie des riverains de nuisances supplémentaires à cause des itinéraires des poids-lourds. La conception de La Défense privilégia une

171 Demeyer, P., 1988, op. cit., pp. 42-45

Page 103: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[95]

approche globale et contrôlée pour la Zone A. Pour justifier le mode d'intervention, l'ÉPAD compara le désordre du site d'origine et la simplicité de la proposition. Malgré les intentions initiales, les chantiers inachevés donnèrent une image chaotique. Leur progrès ralenti durant la crise épuisa les habitants et les utilisateurs de La Défense qui commencèrent à se plaindre à cause de la présence de la boue et des bulldozers.

Cependant, cela ne fut pas le seul problème de La Défense à cette époque-là. La Zone A aurait dû initialement devenir une sorte d'île ou plutôt de presqu'île que Paris lança vers la banlieue et cette conviction ne cessa d'être réaffirmée constamment avec les projets pour la Tête Défense et jusqu'à la construction en 1989 de la Grande Arche de La Défense172. Si le sentiment d'insularité des utilisateurs du site fit l'objet d'enquêtes commandées par l'ÉPAD, le modèle de l'île traversa bien les présentations du projet dès l'origine173. Pour ses concepteurs et ses promoteurs, les usagers du site purent toujours en métro et visuellement relier Paris à La Défense. Pourtant, il est évident que cela ne fut assez pour contenter les habitants. Le retard de l’opération de construction du centre commerciale des 4 Temps, ainsi que le manque d’équipements sportifs et culturels, accentua le caractère monofonctionnel du quartier qui, après l’adoption du plan-masse de 1969, comporta surtout des bureaux, en évoquant aux habitants le sentiment de se trouver dans un « ensemble écrasant, démesuré, isolé, peu agréable et déprimant »174. La dalle fit aussi l’objet de la critique car ses dimensions la rendirent difficile à appréhender selon les critères urbains habituels. L’utilisation au cas de La Défense de dénominations consacrées par l’usage comme parvis, avenue, place, square, terrasse, ne renvoya pas aux qualités respectives de ces lieux propres à la ville européenne traditionnelle, comme fut le cas pour Paris. Il en résulta un écart difficile à combler entre les intentions généreuses des auteurs et la compréhension, les perceptions subjectives ou objectives des utilisateurs, des architectes et des journalistes175. Perçue comme un espace singulier, isolé, une sorte d’île étrange dans le paysage urbain de Courbevoie et de Puteaux, l’espace de la dalle porta des contradictions profondes. Espace fluide, d’une grande simplicité en surface, il devint incompréhensible dès qu’on décida de quitter sa surface. La sensation de se trouver dans un labyrinthe où on se perd tout le temps en empruntant des rampes, des coursives et des ascenseurs devint un problème grave de nature psychologique, comme il posa nombreux obstacles à la lisibilité du site et au mouvement dans ceci176. L’absence de qualité des espaces entre le sol de la dalle et le sol naturel fit de tels espaces des franges urbaines ou, selon la terminologie de Marc Augé, des non-lieux177.

172 Lefebvre, V., 2003, op. cit., pp. 207-208 173 Archives Nationales, 1959, « Contribution aux études sur les tendances du plan directeur de Paris », Archives EPAD 174 Bergeron, C., 19 septembre 1977, « La parole est à La Défense », Le Point 175 Lefebvre, V., 2003, op. cit., pp. 185-186 176 Vincent, R., juillet 1976, « Un labyrinthe où tout le monde se perd », France Soir, No 1 177 Augé, M., 1992, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, pp. 97-144

Page 104: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[96]

Le pari initial de rationaliser l’usage du sol en séparant les piétons des automobiles fut réalisé, mais cette « victoire », sembla avoir un prix trop élevé178. La Défense tenta de mettre en place un nouveau type de relation entre les immeubles et les voies de circulation. Son esthétique s’inspira des images modernistes diffusées avant-guerre. Elle utilisa tout le vocabulaire architectural et urbanistique du modernisme et enfin elle devint dénoncée comme symbole des erreurs de l’urbanisme des Trente Glorieuses179. Une telle erreur fut l’« immeuble oublié » de La Défense. Cet immeuble, fut bien situé dans le périmètre d'aménagement mais les copropriétaires supplièrent l’EPAD de ne les pas exproprier. Avec le changement du plan-masse entre 1963 et 1964 et après la construction du boulevard circulaire, l’immeuble se trouva encerclé par le boulevard circulaire et une boucle de l’échangeur Michelet, composée par deux voies de raccordement au réseau local de La Défense et au réseau local de Puteaux. Ce fut effectivement un des cas « ratés » de l'aménagement du quartier. Les copropriétaires, qui avaient tout fait pour ne pas être expropriés, s'étaient enfin retrouvés au milieu d’un espace autoroutier, en prise directe sur les pots d'échappements180. L’expérience quotidienne par les habitants d’un parcours de combattant qu'il fallut effectuer pour y accéder, les obligea enfin à quitter leur immeuble 20 ans plus tard.

Image 45 : L’article de Raymonde Boix pour l’immeuble oubliée

Le Figaro, 5 mai 1975 178 Urbanisme, septembre 1993, « Faut-il en finir avec l’urbanisme de dalle ? », No 266, pp. 35-55 179 Lefebvre, V., 2003, op. cit., p. 183 180 Boix, R., 5 mai 1975, « L'immeuble oublié au milieu des tours est encerclé par une autostrade », France Soir

Page 105: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[97]

1.7. De 1978 jusqu’à 1988

1.7.1. L’architecture au service de la lutte des villes globales

L’écroulement du colonialisme et les révoltes arabes des années 1960-1970, accompagnées par la crise pétrolière des années 1970, furent les mécanismes catalytiques durant les années 1980 qui menèrent à la mutation du modèle industriel postcolonial vers le modèle prédominant aujourd’hui de l’économie de marché libre. Cet événement signifia aussi l’exploitation des matières primaires et de l’emploi pas cher des pays sous-développés par les pays développés, ainsi que la cible vers une économie substantiellement orientée vers le secteur tertiaire dans l’intérieur des pays développés181. Les services du secteur tertiaire, et surtout l’offre de savoir-faire technologique et de management d’entreprises, furent de leur part utilisés comme produits exportables afin d’industrialiser les pays sous-développés où les industries commencèrent à s’affoler182. Le processus de cette mutation parallèle du système de production, appelé mondialisation, fut réalisé possible grâce à la libéralisation des régimes communistes asiatiques (en Chine en 1978, au Vietnam en 1986), et fut encore plus accéléré après la chute des régimes communistes en Europe au début des années 1990. La restructuration du système productif à l’échelle mondiale créa ainsi des réseaux mondiaux entre les centres de la nouvelle économie mondiale, hiérarchisant les villes et les périphéries selon leur niveau d’intégration dans le nouveau système. Dans ce cadre d’hiérarchisation certes métropoles prirent un rôle principal et furent appelés villes globales, avec le reste des centres urbains luttant pour leur meilleur positionnement dans le système économique et commercial183.

En général, cette restructuration et hiérarchisation des centres urbains amplifièrent l’effet des centres métropolitains nationaux et des métropoles et en ce qui concerna l’espace européen, ce fut surtout le cas pour les métropoles dites globales de Londres, de Paris et de Berlin. Ainsi des changements profonds impliqués par ces nouvelles données furent projetés sur l’espace urbain et métropolitain de ces villes globales et créèrent des mutations socio-économiques qui sont en cours jusqu’aujourd’hui. Dans ce cadre de la redéfinition des métropoles en tous les niveaux, l’architecture et la planification urbaine s’expérimentèrent avec des nouvelles formes et méthodes. Les moyens qu’elles utilisèrent pourtant, empruntèrent des typologies distinctes et familières, afin de réaliser leurs objectifs. Les nouvelles typologies de bâtiments et d’ensembles de bâtiments qui apparurent, en effet furent des typologies déjà établies dans la conscience commune et le fonctionnement de la métropole. Le 181 Vickerman, R., automne 2000, « Transport in an Integrating Europe: Sustainable Development and Cohesion », Investigaciones Regionales, No 3, pp. 163-174 182 Caves, R. E., juillet 1981, « Intra-Industry Trade and Market Structure in the Industrial Countries », Oxford Economic Papers: New Series , No 33, pp. 203-223 183 Castells, M., 2009, The Rise of the Network Society: The Information Age: Economy, Society, and Culture, Hoboken, Wiley-Blackwell, pp. 172-229

Page 106: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[98]

concept du « bâtiment phare » fut en effet déjà utilisé dès les années de l’après-guerre et envisagé dès les années de l’entre-deux-guerres. Le seul changement donc fut de le redéfinir face aux nouvelles demandes de l’époque. Adoptant une morphologie audace, un fonctionnement complexe et pluridisciplinaire, ainsi qu’un symbolisme presque métaphysique, ces manifestes redéfinis de l’architecture et de la modernité visèrent à faire la métropole plus fonctionnelle, plus efficace, mais surtout à la faire attractive aux investisseurs. Dans ce cadre, les bâtiments et les ensembles de bâtiments liés aux voyages à grande échelle, à la diffusion des informations, à l’animation culturelle, ainsi qu’à la croissance économique, furent parmi les privilégiés, connaissant une énorme renaissance architecturale184.

Les quartiers d’affaires, une réalité qui toucha déjà 30 ans à l’époque, avec leurs énormes tailles et leurs complexes flux et usages, offrirent le cadre idéal pour y implanter des programmes tels afin de les lier avec l’image de la ville globale. Etant une partie intégrale des métropoles globales et parmi leurs outils les plus nécessaires dans cette lutte de concurrence frénétique, ils furent une méthode de planifier relativement récente dans l’histoire de la planification mondiale, mais aussi déjà consolidés dans la conscience commune. Fruits de la confluence entre la ville moderne et la ville capitaliste des années 1950 et 1960, les quartiers d’affaires en furent l’expression triomphale. En niveau d’offre programmatique, ainsi qu’en niveau de nouveauté esthétique, les quartiers d’affaires permirent aussi aux métropoles de profiter de la projection d’une image de développement constant à grande échelle. Cependant, ce fut surtout durant les années 1980 qu’on témoigna une vraie intensité dans la construction et la projection des quartiers d’affaires comme les « vitrines » des métropoles vers le monde extérieur185. Les villes globales qui rassemblèrent déjà des ressources considérables et des activités tertiaires supérieures mirent l’accent sur les tâches de l’informatique, des finances et du management. Les bases de cette situation antérieurement décrite sont généralement connues depuis les années 1980 et ne méritent pas d’être analysées plus au fond.

Si quelque chose mérite pourtant d’être mentionné ici c’est le fait que Paris, loin derrière New York, Tokyo et Londres, releva la tête au quatrième rang pour l’abri donné aux grandes firmes transnationales, en même temps que des métropoles telles comme Berlin et Madrid commencèrent à améliorer rapidement et de façon menaçant leur positionnement par rapport à Paris186. C’est exactement l’objectif de remettre Paris dans la position qu’il mérite que généra en effet les « Grands Travaux » du gouvernement de François Mitterrand. Si une grande partie de ces opérations de bâtiments prestigieux fut déjà envisagée par les gouvernements antérieurs, elle ne fut cependant jamais achevée, faute à des problèmes divers et surtout à cause de la crise économique des années 1970. Tel cas fut aussi le projet de la Tête Défense qui enfin mena sous la nouvelle vision de Mitterrand à la construction de la Grande Arche de La Défense. La décision de bâtir un de ses « Grands Travaux » à La Défense démontra 184 Tschumi, B., 1994, Event-Cities, Cambridge, The MIT Press, p. 13 185 Gospodini, A. ; Beriatos, I., 2006, op. cit., pp. 11-12 186 Sassen, S., 1991, The Global City : New York, London, Tokyo, Princeton, Princeton University Press, pp. 171-196

Page 107: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[99]

exactement le défi que le quartier d’affaire posera dorénavant pour la politique française dans son effort de devenir pionnière de l’Union Européenne.

1.7.2. Le relancement de l’opération de La Défense et du projet « Tête Défense » qui devient « Grande Arche »

En 1978, il fut envisagé d’arrêter l’opération de La Défense. Ses déficits énormes à cause de la crise et son image d’infrastructures semi-construites, exigèrent d’admettre que La Défenses fut un échec. En outre, les critiques autour son urbanisme de dalle et la topographie qu’il produisit, étant en rupture totale avec la ville traditionnelle, ne tardèrent à se multiplier, évoquant que l’urbanisme de La Défense n’arriva pas à convaincre les gens à y vivre, y habiter et y circuler. Outre l'aspect purement formel, qui représenta déjà un brutalisme pas apprécié à la fin des années 1970, l'accessibilité de la dalle posa un problème réel : elles n’arrivèrent pas à être assimilées par rapport au sol naturel. Les jardins, les esplanades et les autres squares réalisés sur son nouveau sol ne suffirent pas à y attirer une population qui insista à être habitué de la rue traditionnelle. A cette répulsion collective s'ajoutèrent le plus souvent des barrières d'accessibilité à la dalle ainsi que le manque de lisibilité générale de l'articulation des espaces de La Défense187. Lors du comité interministériel du 16 octobre 1976, le gouvernement de Raymond Barre se mit à choisir entre 3 scénarios envisageables autour le futur de La Défense : arrêter l'opération ; la relancer en réduisant le programme arrêté en 1972 ; la relancer en terminant le programme de 1972188.

Mais si La Défense donna à la fin des années 1970 l’image d’une erreur urbanistique, elle n’avait pas dit sa dernière parole. Jean Jerusalemy, secrétaire général de l’EPAD de 1961 à 1988, qui eut pour rôle de faire remplir les centaines de milliers de mètres carrés vides, arriva à remplir le 87% du parc de bureaux jusqu'à 1978 et l’EPAD commença à entrevoir la fin de la crise189. Convaincu que l’opération de La Défense mérita d’être continuée en poursuivant le développement du quartier, surtout afin d’achever ses infrastructures de très grande importance, le gouvernement de Raymond Barre retint le deuxième scenario. L'accent fut fortement mis sur les travaux de dessertes et de finitions du quartier, ainsi que sur la décision de déménager le ministère de l'Environnement au site de La Défense, provoquant des réactions féroces par la part des syndicats du ministère, évoquant que « pour les employés, La Défense est un cauchemar et signifie l'exil »190. L’EPAD réussit aussi à convaincre le Premier Ministre de l’époque à annoncer l’autorisation de la construction de 300 187 Picon-Lefebvre, V., 2012, « L’invention de la dalle », La Défense : Un dictionnaire, Paris, Editions Parenthèses, p. 141-143 188 Robert, M.-C., 4 octobre 1978, « 1 milliard pour sauver de la faillite le quartier de La Défenses », Le Monde, « Urbanisme » 189 Le Monde, 22-23 janvier 1978, « En ses atouts, La Défense a doublé le cap de la crise », p. 10 190 Robert, M.-C., 18 octobre 1978, « La relance de l’opération de La Défense », Le Monde, « Urbanisme »

Page 108: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[100]

000 m² de bureaux supplémentaires en octobre 1978. Cette mesure incita les investisseurs et développeurs à se relancer dans la construction de bâtiments. La Citybank, première banque au monde à l’époque, très enthousiaste bondit sur l’occasion et construit « Elysée La Défense », un immeuble de 21 000 m² situé au-dessus du nouveau centre commercial des « 4 Temps ». Le nouveau plan d’aménagement demanda aux développeurs de bâtir des constructions moins hautes, plus confortables, lumineuses et économiques, réduisant ainsi le coût des charges. Cela sera « la troisième génération » de tours. Juste quelques mois après le relancement de l’opération, les loyers de bureaux augmentèrent de 10% à 20%. L’implantation enfin de trois ministères fut prévue et l'ouverture du centre commercial s’effectua en 1981. Bref, la crise de La Défense arriva à sa fin191192. La Défense devint pour une encore fois une sorte de grand équipement à l’échelle régionale et nationale. Si les premiers immeubles qui s’ouvrirent au sortir de la crise furent plus bas, plus épais aussi, le mouvement de condamnation des tours et la frilosité des investisseurs ne durèrent pas longtemps. Les années 1980 constituèrent une période marquée par les promoteurs, particulièrement par Christian Pellerin193, durant laquelle on bâtit toute sorte de bâtiments à La Défense, à l’intérieur et à l’extérieur du boulevard circulaire.

Image 46 : Le plan-masse de La Défense, 1982

Archives Nationales

191 Cazaux, M., 16 octobre 1978, « L’avenir du quartier de La Défenses en question », Le Figaro, « Économie – Social » 192 Guéry, C., 12 décembre 1978, « 300 000 m2 de bureaux vont être construits : La revanche de La Défense », Le Figaro 193 De Senneville, G., 1992, La Défense, le pouvoir et l'argent, Paris, Editions Albin Michel, p. 35

Page 109: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[101]

Outre aux tours et aux infrastructures, la reprise économique à la fin des années 1970 et l'abandon de facto du projet d’Aillaud amenèrent l'EPAD à s’en occuper avec une autre opération inachevée qui était devenu une obsession pour l’établissement public, celle de la Tête-Défense. Une nouvelle consultation officieuse, qui resta pourtant infructueuse, fut lancée en mai 1979 auprès d'une dizaine d'architectes confirmés. Elle fut étendue à 23 architectes en avril 1980, cette fois-ci de manière officielle, avec un cahier des charges qui limita strictement la hauteur des édifices à 35 mètres, pour qu'ils fussent invisibles au travers de l'Arc de Triomphe depuis les Champs-Elysées afin de ne pas provoquer « les anti-tours ». Sans relief particulier, la plupart des projets sembla être calibrée pour répondre aux goûts supposés de Giscard d'Estaing, président de la République. D'où une profusion surprenante de colonnades, de frontons et de palais classiques, ignorant évidemment pas seulement la topographie de La Défense, mais aussi son caractère architectural. Un des rares projets qui tenta de retenir des liens avec le modernisme, ainsi que de s’intégrer au site, fut celui de Jean Willerval, disposant des « immeubles-cristaux » en éventail par rapport à l'axe historique et n’occultant pas la perspective depuis Paris en ne dépassant pas la hauteur de 35 mètres du niveau de dalle.

Image 47 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense de Willerval, 1981

Service Archives & Patrimoine des Hauts-de-Seine

Willerval proposa aussi de percer son immeuble en deux afin de continuer la perspective vers l’Ouest. Ce projet qui fut officiellement retenu le 28 janvier 1981, presque par défaut, par le ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie, Michel d’Ornano, ne verra pourtant jamais le jour de son achèvement, comme fut le cas pour le projet d’Aillaud. Par anticipation ou par prudence administrative, l'EPAD attendit sagement que le nouveau pouvoir politique de François Mitterrand fusse élu et installé en mais 1981, soit 4mois après le résultat de la consultation. L’établissement public relança le projet des « immeubles-cristaux » et la nouvelle équipe l'annula purement et simplement.

Page 110: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[102]

En effet, le président Mitterrand décida que l'opération de La Défense ne pouvait être terminée que par un ouvrage monumental, occupé par la puissance publique, et non par un « banal immeuble commercial »194.

Le 7 juillet 1982, Roger Quilliot et Robert Lion organisèrent un nouveau concours architectural pour fermer l’axe de manière magistrale. Les candidats furent appelés à répondre à un programme comprenant les suivants éléments principaux :

• un carrefour international de la communication sur 45 000 m², • les organismes associés à ce carrefour sur 30 000 m2, • les ministères de l’Urbanisme, du Logement et de l’Environnement sur 75

000 m², • des services et commerces sur 10 000 m².

Les changements fondamentaux notés dans ce concours par rapport aux époques précédentes furent le caractère international du concours était, la manque d’imposition d’un plafond d’hauteur par le cahier des charges, ainsi que le souhait par la part de l’administration d’arriver à implémenter une proposition ambitieuse et audace, afin de faire de ce bâtiment un des symboles du 20ème siècle et de la France contemporaine. Le jury international de ce concours qui connut un grand succès, réunissant 424 projets anonymes venus du monde entier, retint 4 projets en avril 1983, qu'il classa en 2 seconds prix et 2 premiers prix, en indiquant celui qu'il souhaita voir élu lauréat. Ils furent présentés à Mitterrand, et un communiqué de la Présidence de la République du 25 mai 1983 annonça que le projet d'un architecte danois totalement inconnu, Johann Otto von Spreckelsen, « apparu remarquable par sa pureté, par la force avec laquelle il pose un nouveau jalon sur l'axe historique de Paris et par son ouverture », fut celui retenu. Il s’agit en effet du même projet que le jury unanime eut élu lauréat195. Spreckelsen conçut l’Arche de la Défense comme un Arc de Triomphe revisité, une nouvelle version adaptée au 20ème siècle. Mais contrairement à l’Arc de Triomphe qui fut synonyme de la victoire des armés françaises, l’Arche de La Défense, appelée également Arche de la fraternité, se voulut être un monument consacré à l’humanité et aux idéaux humanitaires. De forme cubique, les mensurations de l’Arche furet de 112 mètres de long, 107 mètres de large, pour une hauteur de 111 mètres. Elle fut posée sur 12 piliers qui s’enfoncèrent à 30 mètres dans le sol afin de supporter sa masse de 300 000 tonnes196.

Après presque 15 ans caractérisés par une multitude d’opinions, de polémiques et de tergiversations, en 1985, les premiers chantiers du projet Tête Défense qui devint la Grande Arche, l’un des plus grands chantiers de l’histoire de La Défense, débutèrent. Les travaux confiés à l’entreprise Bouygues Construction engagèrent près de 2 000 ouvriers afin de réaliser le monument. La Grande Arche de La Défense fut enfin inaugurée en juillet 1989. Un événement de taille

194 Klein, J., automne 2007, « La Grande Arche de La Défense : de sa création à l’installation du ministère », « Pour mémoire », la revue du Comité d’histoire du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, No 3, p. 90 195 Demeyer, P., 1988, op. cit., pp. 50-51 196 Klein, J., automne 2007, op. cit., pp. 92-93

Page 111: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[103]

pour son ouverture fut décidé et du 14 juillet au 17 juillet 1989 le G7 y fut organisé, célébrant par la même occasion le bicentenaire de la prise de la Bastille. L’organisation du sommet du G7 réunissant les présidents des pays puissants du monde à la Grande Arche de La Défense fut un geste symbolique de l’ouverture de la France mitterrandienne vers une nouvelle époque avec des nouveaux défis. Après avoir pris l’un des six ascenseurs panoramiques, les présidents invités purent profiter de l’accès au belvédère pour observer La Défense, Paris et son axe historique197. L’idée de prolonger l’axe historique au-delà de la Grande Arche s’imposa à l’EPAD comme une suite logique. Le monument ne fut pas seulement conçu pour clore l’opération de la Défense, mais il ouvra une nouvelle perspective vers l’Ouest et la Seine. Son aspect prestigieux sembla en effet incompatible avec le paysage chaotique que l’on prêta au territoire de Nanterre, mais dans la vision du président de la République et de son entourage il y exista bien le désir de « cadrer » le paysage et, le temps venu de relancer le grand dessin198. L'inauguration de la Grande Arche en 1989, suivie par le concert de Jean-Michel Jarre en 1990, marqua une période prospère et faste pour La Défense dans laquelle le parvis et la dalle de La Défense furent intensément animés. Les articles de la presse consacrés au quartier d’affaires reprirent une tonalité positive. Ils s'intéressèrent au concours d'architecture de 1983 pour la Tête Défense, puis à la construction de la Grande Arche, tout en évoquant l'importante animation culturelle que connut alors le quartier d'Affaires.

Image 48 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense de Spreckelsen, 1983

Service Archives & Patrimoine des Hauts-de-Seine

197 Chassaing, J., 1996, « Le Sommet de l'Arche (Paris, France, les 14, 15 et 16 juillet 1989) », Institut d'Etudes Politiques de Lyon 198 Roncayolo, M., 2007, Territoires en partage, Editions Parenthèses, p. 111

Page 112: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[104]

1.7.3. La Défense se densifie jusqu'à la limite du boulevard circulaire sous le développement mené par les promoteurs

Le relancement de La Défense fut marqué par l’achèvement du chantier et l’ouverture du centre commercial des 4 Temps, alors le plus grand centre commercial d’Europe, inauguré le 2 mars 1981 par le premier ministre Raymond Barre. Ce centre ultramoderne s’étendit sur 105 000 m² dont 80 000 m² de commerces et 20 000 m² pour les loisirs et il devint un pole de commerce et de loisirs important pour les habitants de l’Ouest parisien. La période de l’après-crise qui suivit, fut caractérisée par les œuvrés d’un jeune et ambitieux promoteur, Christian Pellerin. Pellerin, qui devint rapidement le président de la société de promotion immobilière SARI et profita du mouvement de relancement de La Défense, mit comme son objectif de changer l’image de La Défense et du marché immobilière en France. Avec son architecte, Henri de la Fonta, il construisit en 10 ans plus d’1/3 des nouvelles surfaces de bureaux du quartier d’affaires, changeant radicalement la topographie de La Défense. Surnommé le « concepteur du quartier de La Défense » ou encore le « promoteur de La Défense », il mena à bien de très nombreux projets199. Les nouvelles constructions de tours et d’immeubles se multiplièrent sous son impulsion et désormais toute initiative fut surtout guidée par les besoins du marché.

Image 49 : Vue aérienne de La Défense, 1987

IGN, Géoportail

Essayant de recouvrir le temps perdu durant la crise des années 1970, l’EPAD confia à la SARI plusieurs projets. Malgré la construction d’un important nombre 199 DEFACTO, 2008, Le guide histoire et histories, p. 33

Page 113: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[105]

de tours durant cette période, l’objectif ne fut plus impérativement de construire haut, mais plus rationnellement, de construire d’une façon qui aurait été agréable pour les occupants à l’intérieur, tandis qu’à l’extérieur des bâtiments. Les architectes furent obligés à obéir à des impératifs de qualité environnementale conjugués à des consignes d’économie. Les bureaux individuels devinrent plus conviviaux et retrouvèrent l’éclairage naturel. De même façon, les volumes des bâtiments obéirent à une logique plus holistique de composition urbaine, cherchant de créer des nouveaux rapports entre les masses bâties et des nouveaux espaces publics qui rappelèrent les places et les rues de la ville traditionnelle. On parlera dorénavant d’immeubles de la 3ème génération, parmi lesquels les tours Descartes, Pascal, Voltaire, ainsi que de nouveaux quartiers, parmi lesquels les quartiers Michelet, Villon, Degrés, au Sud de La Défense côté Puteaux, et les quartiers Alsace, Vosges, au Nord du boulevard circulaire côté Courbevoie. L’achèvement de la Grande Arche signifiera aussi la complétion du grand projet de la dalle. Avec sa complétion dans les années 1980 la dalle, apparut en sa totalité comme un espace piéton fluide, coulant entre les bâtiments, traversant leurs lobbies et le centre commercial, menant à son intérieur aux transports publics. La densification autour d’elle avec les nombreux projets des années 1980, signifia la saturation de la plupart de l’espace urbain de La Défense et plus ou moins l’achèvement des objectifs de l’opération initiale. Il resta pourtant toujours la question de la relation du quartier d’affaires avec son environnement immédiat.

Page 114: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[106]

1.8. De 1989 jusqu’à 2005

1.8.1. Les aménagements urbains au service de la lutte des villes globales

L’apparition et la diffusion des technologies numériques de pointe au début des années 1990 permutèrent la radicalisation et la prévalence totale de l’économie de marché libre en niveau mondial. La restructuration du capitalisme avec la forme d’une économie globale dont la pierre angulaire sera le secteur tertiaire marqua un processus qui se trouve encore en cours depuis la fin des années 1980 et comprend l’optimisation du secteur tertiaire en basant les économies des métropoles sur les flux des commodités immatérielles et symboliques que sur la production et la diffusion de commodités matérielles. Cela ne signifia pourtant en aucun cas la diminution des flux réels de personnes et de produits. Dans ce cadre de l’intégration sélective et progressive des centres urbains, des nouveaux pôles de compétence émergèrent. Résultat direct de ce processus de mutation fut la façon dont la structuration spatiale est désormais faite avec la manifestation simultanée d’une dynamique de diffusion et de centralité. Les tendances massives pour la diffusion spatiale des activités économiques en niveau métropolitain, national et international à travers les technologies numériques contribuèrent aux années 1990 et 2000 à l’établissement d’un cadre de compétition intense entre les métropoles. Cette compétition se base sur la classification économique des villes et surtout sur la capacité d’« entrepreneuriat » que chaque lieu évoque. Les économies de grande échelle, les nouvelles infrastructures, l’accès aux marchés internationaux, les infrastructures de transports rapides, la main-d’œuvre hautement qualifiée et l’image conviviale des espaces publiques composèrent dorénavant les variables majeures qui affecteront l’implantation des nouveaux investissements et les décisions autour les projets d’aménagement dans les métropoles200.

Une relation importante entre l’aménagement de l’espace urbain et l’économie du lieu qui fut conservée pour des siècles, sembla d’être bouleversée durant les années 1990. Ainsi la qualité élevée d’un espace aménagé, au lieu d’être le résultat d’une croissance économique devint le moyen pour la croissance économique de la métropole. Les pouvoirs nationaux investirent à la vision du développement économique en effectuant une politique qui facilita l’intégration des données locales au système international, selon les principes néolibéraux. En utilisant des stratégies et du savoir-faire international, le développement soigneux des réseaux de transports et l’amélioration esthétique des espaces urbains devinrent les objectifs primaires pour la réalisation de cette vision, dont le coût et les risques furent à garantir par les pouvoirs nationaux afin de fournir un environnement adapte pour que les capitaux privées puissent fruiter et les métropoles se positionner mieux a la lutte globale. L’outil principal pour ce faire reposa surtout sur la création d’une liaison du réseau local et supralocal de 200 Sassen, S., 2001, « The Global City : strategic site/new frontier », Seminar - Web Edition, consulté le 05 juin 2015. URL : http://www.india-seminar.com

Page 115: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[107]

transport avec les aménagements des espaces publics qui l’accompagnent201. Les aménagements furent ainsi le résultat de décisions politiques, soit implémentées directement par les organismes étatiques, soit par les entreprises privées conventionnées par les pouvoirs nationaux202. Les extrêmement grands capitaux nécessaires pour la réalisation de ces investissements furent souvent beaucoup plus grands de ce que les budgets de chaque état ou région auraient pu justifier pour la population résidante dans chaque site à aménager. Ainsi la stratégie la plus souvent utilisée fut celle de l’autofinancement. Ce choix fut dû au fait que ce type d’aménagements ne était pas fait pour servir la population du lieu réel mais afin de fournir l’interconnexion avec les réseaux et les capitaux internationaux, ainsi que pour de raisons d’amortissement des communautés par les risques éventuels d’une crise environnementale ou financière. Ainsi, malgré le fait qu’après 1990 on eut la manifestation de nombreuses crises économiques, politiques et environnementales, en niveau mondial, l’intensité du commerce et des investissements aux aménagements métropolitains connut une hausse. Tel est le cas pour exemple de Canary Wharf à Londres. Dessiné afin de fonctionner d’une façon complémentaire au quartier d’affaires du City, et d’une façon compétitive au quartier d’affaires de La Défense, après une faillite en 1992, il connut une spectaculaire relance en 2004 qui culmina en 2008, malgré la manifestation de la crise économique et immobilière203.

Le nouveau modèle d’organisation mondialisée de l’espace urbain coexista avec des formes et des procédures qui lui furent antérieures et choisit de s’activer surtout dans de zones de grand rentabilité, voir les pôles d’échanges, les quartiers d’affaires, les zones économiques de statut spécial et les pôles d’excellence204. Par ailleurs, le Schéma Directeur d’Ile-de-France (SDRIF), dans sa version de 1994, s’appuya à la fois sur le plan de Delouvrier de 1965 et son aspect territorial, mais surtout sur le besoin de concentration propre à la ville globale, faite de plaques tournantes de haute performance, reliées par des rayons pour former une ville décentralisée. Le plan de Delouvrier, qui fit éclater la gestion administrative de la Région Parisienne, la dota de cinq villes nouvelles, écartées de 30 kilomètres de Paris. Malgré un développement inégal, ces villes furent un succès économique. Le SDRIF de 1994 définit ainsi, autour de Paris qui apparut comme « l’astre brillant », 4 « pôles d’excellence européenne ». La Défense abrita notamment le centre de la finance internationale205. Cela permuta évidemment à la métropole de pouvoir établir sa position sur la lutte globale pour l’attraction des flux capitaux, mais ils existèrent aussi des revers206. Un défi majeur qui apparut dans La Défense fut qu’elle fonctionne comme une enclave 201 Rogerson, R. ; Boyle, M., 2000, « Property, politics and the neo-liberal revolution in urban Scotland », Progress in Planning, No 54, pp. 161-163 202 Graham, S. ; Marvin, S., 2001, Splintering Urbanism: Networked Infrastructures, Technological Mobilities and the Urban Condition, London, Routledge, pp. 304-378 203 Gospodini, A. ; Beriatos, I., 2006, op. cit., Athènes, Editions Kritiki, pp. 11-12 204 Ganeshan, R. ; Harrison, T. P., 1995, « An introduction to supply chain management », Department of Management Science and Information Systems, No 5, pp. 1-3 205 « SDRIF 1994 », DRIEA – Île-de-France [En ligne], Accueil, Urbanisme, Le Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF), mis à jour le 18 juin 2014, consulté le 20 mars 2015. URL : http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/sdrif-1994-r11.html 206 Trip, J. J., 2007, What makes a city? Meaning for “quality of place”: The case of high speed train station redevelopment, Delft, Delft Centre for Sustainable Urban Areas, pp. 37-39, 42

Page 116: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[108]

dans la métropole, procédant d’un urbanisme strictement fonctionnaliste et rejetant la plupart des fois les résidents des communes avoisinantes hors de sa périmètre, afin de pouvoir laisser aux grandes entreprises la liberté d’ériger des tours, de se faire remarquer et de « faire » de l’argent207. En outre, son réseau routier produisant des espaces dont les échelles et les formes se ressemblèrent à ceux d'autres villes, entraîna des effets similaires d'éclatement du tissu urbain. Une architecture d'archipels208 fut mise en place avec cette configuration routière décidée durant les années 1960 et il fallut la confronter comme l’on fit aux Etats Unis, avec la « pacification » des autoroutes West Side Highway à New York et des autoroutes Embacadero et Central Avenue à San Francisco.

1.8.2. La Défense franchit la limite du boulevard circulaire

Au début des années 1990, la place pour ériger des nouveaux bâtiments commença à manquer à La Défense. Les promoteurs et les investisseurs durent se contenter d’emplacements étroits et exigus souvent en bordure du boulevard circulaire, mais cela ne suffit pour contenter la demande élevée. Après l’inauguration de la Grande Arche de La Défense en 1989, un nouveau rôle s’accorda à la Zone A que l’on assimila jusqu’alors avec La Défense, en oubliant la Zone B. La forme de ce bâtiment monumental, une arche, permuta de changer la direction de la perspective de l’Est vers l’Ouest, de Paris vers Nanterre. L’ÉPAD décida d’envisager de nouveaux aménagements sur les terrains de Nanterre que jusqu’alors furent utilisés surtout comme des réserves foncières pour les relogés de l’opération de construction du quartier d’affaires. La décision en 1990 du ministre de l'Equipement, Michel Delebarre, d’enterrer l’autoroute A14 entre la Grande Arche et l’échangeur avec l’A86, ainsi que de détruire les viaducs et talus construits sur le territoire de Nanterre durant les années 1970, menèrent à l’organisation d’un concours d’idées en 1991 dans le cadre de la mission Grand Axe. Le projet lauréat de l’équipe Universeine, composée par les architectes Paul Chemetov et Borja Huidobro, le paysagiste Gilles Clément et l’anthropologue Marc Augé, matérialisa l’Axe derrière l’Arche par un ponton linéaire monumental, la Jetée, réalisé en 1998, qui passa au-dessus du boulevard circulaire et des cimetières. Il proposa de dissoudre l’axe dans un système viaire et paysager linéaire plus souple pour structurer les tissus adjacents, ainsi que de lier entre eux divers programmes et équipements. L’équipe lauréate, associée par la mission Grand Axe à d’autres architectes pour une tentative nouvelle « d’atelier », se heurta à la réalité de la perte de pouvoir progressive de l’ÉPAD sur ce territoire209.

En 1992, la Défense, connut sa seconde crise de l’immobilier, comme beaucoup d’autres quartiers d’affaires et notamment le Canary Wharf à Londres. L’EPAD ne vendit plus aucune charge et il fallut attendre jusqu'à 1997

207 Heathcote, E., 2013, op. cit. 208 Veltz, P., 1996, Mondialisation, villes et territoires : l'économie d'archipel, Paris, PUF, pp. 131-133 209 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., pp. A24-A25

Page 117: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[109]

pour qu’un redémarrage spectaculaire surgisse, illustré par la construction des tours de Cœur Défense, qui furent livrées en 2001. Durant cette crise, l’établissement ne baissa pas les bras et développa les atouts du quartier en faisant câbler tous les bâtiments afin qu’ils fussent raccordés à l’internet haut débit210. Cependant, son incapacité à cause de la crise d’implémenter son vaste projet de développement dans la Zone B, prévoyant la construction de 600 000 m2 de bureaux et 1,2 million de m2 de logements, mena en décembre 2000, à la matérialisation des tentatives de la commune de Nanterre pour prendre le contrôle de ces terrains. La commune de Nanterre avait déjà réagi dès 1990 au programme des nouveaux logements pour classes moyennes qui aurait menacé de bouleverser la sociologie de la ville et les résultats électoraux futurs. Un protocole signé entre la ville de Nanterre et l’Etat en mai 2000 réduisit à 100 hectares, au lieu des 600 initiaux, la zone d'aménagement, avec Nanterre recouvrant sa « souveraineté » sur l'urbanisation des 500 autres hectares. Du coup, l’ampleur du prolongement de La Défense fut sérieusement revue à la baisse, prévoyant ainsi la construction de seulement 290 000 m2 de logements (dont 35% à 40% de logements sociaux), ainsi que de 205 000 m2 de commerces et équipements211. Après 10 années de bras de fer, le compromis qui fut trouvé grâce à la médiation du préfet Gilles Ricono, chargé par l'Etat d'harmoniser les positions dans un programme rééquilibré, mena à la création d’un nouvel établissement public, associant à parité dans son Conseil d'Administration les représentants de l'Etat et des collectivités. Son nom, l’Etablissement Public d’Aménagement Seine-Arche, « de la Seine à l'Arche », traduisit une nouvelle vision de la relation de Nanterre au quartier d'affaires, et au-delà, à la capitale. II symbolisa un changement de posture et une attitude moins crispée de la part de la ville, moins agressive de la part des investisseurs et moins dirigiste de la part de l'Etat. Suite à sa création, l’EPASA lança un concours sur les mêmes terrains, qui fut finalement remporté en 2001 par l’équipe TGT, proposant de structurer l’ancienne emprise de l’autoroute de 120 mètres de largeur par des terrasses le long desquelles prirent place des immeubles en un front continu épais et relativement bas.

Image 50 : Vue tridimensionnelle des Terrasses de Nanterre

Revue PCM – Le pont, juin-juillet 2003

210 Lamarre, F., 21 septembre 2001, « La Défense s’achève et rajeunit », Les Echos, « Urbanisme » 211 Sérafini, T., 11 mai 2000, « Nanterre récupère La Défense : L'aménagement du périmètre de 600 hectares était en panne depuis dix ans », Libération

Page 118: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[110]

Au début des années 2000, l’EPASA commença la construction des terrasses212.

Au côté extérieur Nord-ouest du boulevard circulaire, une autre ville décida de planifier elle-même un quartier de façon complémentaire à La Défense. Dès 1986, la ville de Courbevoie exprima son souhaite de réaménager entièrement un quartier encore préservé des bulldozers, comme il fut situé en dehors du périmètre d’action de l’EPAD. Les premières acquisitions foncières eurent lieu en 1988 et furent faites par la SEMCODAN (Société d’Economie Mixte Courbevoie Danton), société d’économie mixte au capital partagé entre la ville de Courbevoie (60%), la Caisse des Dépôts et des Consignations (20%) et le groupe Vivendi (20%). Tout le quartier, qui prit le nom du « Faubourg de l’Arche » va se voir entièrement réaménagé. Avec 38 hectares de surface, il était la plus grande ZAC de France. Le programme initial comprit :

• 42 immeubles résidentiels, • le pôle universitaire Léonard de Vinci, • 6 résidences privées de type appart’ hôtel pour les étudiants, • 3 hôtels, dont l’« Hôtel Pullman Paris La Défense », • 6 immeubles de bureaux, • 10 espaces verts, • commerces.

Après les premières démolitions en 1989, le démarrage des premiers programmes de logements débuta en 1991, mais pour être extrêmement ralenti par l’effet de la crise. Enfin, l’opération reprit son chemin après 1997 et à partir de 2005 commença la construction des 4 derniers immeubles de bureaux213.

Image 51 : Le plan-masse du Faubourg-de-l’Arche

Le Parisien, 18 septembre 2006

212 Calen, M., juin-juillet 2003, « Projet Seine Arche : entre le local et le métropolitain, un enjeu du développement durable », Revue PCM – Le pont, No 6, 101e année, pp. 21-23 213 Le Parisien, 18 septembre 2006, « Le Faubourg-de-l'Arche a attiré 15 000 habitants »

Page 119: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[111]

Parallèlement à ces opérations indépendantes, l’ÉPAD prit conscience de l’état de dégradation de certaines tours et du vieillissement des infrastructures et estima que 17 tours ne répondirent plus aux critères du marché immobilier214. Nombreuses tours furent rénovées durant les premières années du nouveau siècle et la question de requalifier la Zone A fit son apparence. La tendance de décourager l’utilisation de la voiture dès les années 1980, s'imposa et une politique tarifaire découragea l'utilisation des parkings de La Défense215. Cette politique, suivie par l’ouverture du prolongement de la ligne No 1 du métro en avril 1992, et la mise en service de l’autoroute A14 en novembre 1996, diminua essentiellement le trafic du boulevard circulaire par 30%. Après avoir obtenu l'accord du ministère de l'Equipement, les responsables de l’EPAD lancèrent à partir du 12 novembre 2002 une enquête publique concernant le projet de transformation du boulevard circulaire en boulevard urbain, accessible aux piétons et aux cyclistes. Les riverains furent invités à faire part de leurs suggestions et les travaux eurent enfin lieu entre 2004 et 2008. Ils comprirent la partie Nord du boulevard circulaire avec l’objectif d'améliorer les déplacements des piétons et des deux-roues, de simplifier les liaisons entre les deux « rives » du boulevard et de réaliser un aménagement plus urbain tout en maintenant la fluidité du trafic. L’aménagement du boulevard circulaire Nord durant cette période signifia surtout un effort par la part de l’EPAD de libérer des fonciers nécessaires dans la Zone A, vu qu’il fut soumis à accepter la diminution de sa périmètre et il n’arriva pas à offrir des nouveaux terrains à bâtir aux investisseurs. Les travaux comprirent l’aménagement de la chaussée et des carrefours afin de libérer l’espace pour la création des trottoirs, une piste cyclable et des aménagements paysagers, ainsi que la démolition du viaduc Gambetta. Il y fut imposé aussi une vitesse maximale de 50 km/h216.

1.8.3. La topographie de La Défense s’altère afin de trouver des liens avec les territoires voisins

Aux origines du projet de La Défense, on trouve un projet d’autoroute. La création de la dalle fut surtout une question liée aux modes de déplacement qui motiva les premières études. L'augmentation du nombre et de la vitesse des déplacements constitua la principale caractéristique de la période des années 1950-1975. Mais bien que cette augmentation se fusse encore accrue depuis, le système de séparation entre les circulations piétonnes et les circulations routières par l'intermédiaire d'une dalle, fut abandonné et le modèle urbain qu'il incarna fut rejeté. Ce ne fut pourtant le cas La Défense, malgré l’implémentation d’une politique qui découragea l’utilisation de la voiture217. Sa dalle conçue entre

214 Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, op. cit., p. A26 215 Marche, R. ; Fournian, J.-M., 1980, « Le parc automobile et son utilisation », Automobile et la mobilité des Français, Paris, La Documentation française, pp. 19-45 216 Mouchon, F., 31 octobre 2002, « Le nouveau visage du boulevard circulaire », Le Parisien 217 Les Echos, 7 septembre 2001, « Paris-La Défense met fin au règne de l'automobile », « Aménagement »

Page 120: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[112]

les années 1950 et les années 1970 et construite jusqu'à la fin des années 1980 ne fut pas remise en cause. Sa taille énorme déjà réalisée mais aussi la persistance de réaliser les grands travaux d’infrastructures dans son intérieur, imposèrent aux concepteurs des années 1990-2000 de l’accepter comme une contrainte nécessaire. Elle peut être interprétée aujourd'hui comme une sorte de dispositif autoroutier acclimaté à l’univers urbain, un gigantesque échangeur à l'échelle d’un quartier où on installa une ville radieuse et symétrique, une ville idéale conçue par les derniers architectes grand prix de Rome. La conception du centre de ces échangeurs échappa aux classifications habituelles en matière d'espace public et les concepteurs des années 1990-2000 furent obligés à trouver des façons originales afin de mener leurs projets par rapport à elle218.

On note durant cette période un vrai effort par les concepteurs d’intégrer les nouveaux bâtiments entre la dalle et le boulevard circulaire. Les nouveaux quartiers de la Zone A, ainsi que le nouveau quartier du Faubourg-de-l’Arche, furent crées autour du boulevard circulaire, encore une autoroute jusqu'à l’ouverture de l’A14 en 1996. Il s’agit des quartiers Arche Sud et Valmy, vers Puteaux, ainsi que des quartiers Vosges et Faubourg-de-l’Arche, vers Courbevoie. Tous ces quartiers furent liés directement à la dalle, soit en la prolongeant, comme dans les cas du cours Valmy et de la place Gravet, soit en construisant nombreuses passerelles, comme dans le reste des cas. L’adoption de ces moyens qui franchirent le boulevard circulaire illustre une réflexion profonde autour le sujet d’assurer une continuité de l'espace public219. Ce type d'ouvrages se multiplia au fur et à mesure de la densification du programme, rappelant les images des architectes de l’entre-deux-guerres. Malgré l’adoption d’une manière aérienne de franchir le boulevard circulaire, les nouveaux bâtiments adoptèrent une relation conviviale avec le boulevard, en anticipant sa requalification. Les bâtiments s’adaptèrent aux contraintes des fonciers coincées entre la dalle et le boulevard circulaire en adoptant des courbes et en disposant des passerelles pour se relier avec le restes des bâtiments et la dalle. Tel fut le cas de la tour « CBX », aujourd’hui connue comme tour « Dexia », côté Courbevoie220.

Image 52 : Vue de la tour « Dexia » et de sa passerelle franchissant le boulevard circulaire

Tsiligiannis, A., 2015, Archive personnel 218 Lefebvre, V., 2003, op. cit., pp. 273-274 219 Texier, S., 2011, op. cit., p. 17 220 Albert, M.-C., 9 janvier 2003, « Floraison de gratte-ciel à la Défense : Quatre chantiers commencent et un projet s'esquisse pour des réalisations s'échelonnant entre 2004 et 2006 », Le Figaro

Page 121: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[113]

Le changement de positionnement autour la place de la voiture dans la ville, changea le concept de la séparation des circulations routières et piétonnes, qui ne se fit désormais de façon verticale, mais redevint horizontale. Du coup, les dalles devinrent un outil qui était inutile pour l’urbanisme. Pourtant, si le principe même de l'urbanisme sur dalle ne fut plus réellement appliqué, il est toutefois intéressant de noter l’adaptation de ses aspects sur la ville contemporaine221. En ce qui concerna surtout le projet d’aménagement du « Faubourg-de-l’Arche, l’aménagement de ce quartier se fit en conservant le concept de la création d'un nouveau sol artificiel en niveaux, afin de relier doucement le niveau de dalle avec le niveau de sol de la ville de Courbevoie. Les espaces publics arrivèrent enfin à exprimer une convivialité et une composition urbaine familiale, tout en conservant pourtant la nécessité de se relier a la dalle de La Défense. Depuis 1999, ce nouveau quartier du Faubourg-de-l'Arche attira déjà quelque 15 000 habitants sur la commune de Courbevoie, presque une dizaine d’années avant la fin de ces chantiers222. De nombreux autres programmes immobiliers furent réalisés sur le territoire de la commune de Courbevoie incités indirectement par la présence de ce grand aménagement, comme des petits immeubles et des maisons individuelles, construits à la place d'ateliers ou d'anciens locaux d'activité, ou même des résidences comportant les exigences du nouveau siècle, provoquant une mutation du territoire plus « naturelle »223.

Le changement le plus notable pourtant de cette période fut la volonté de redéfinir le rôle du réseau routier. La création de l’autoroute A14 fut une œuvre extrêmement difficile à planifier et à exécuter. Sa réalisation ne débuta qu’une vingtaine d’années après sa déclaration d’utilité publique, au milieu de longs débats qui marquèrent la fin des années 1980. Le viaduc construit sur une longue partie de la Zone B durant les années 1970 n’ouvra jamais et il fut détruit à partir de 1993. L’autre partie qui permuta de relier l’A14 à travers la RN914 au boulevard circulaire disparut à jamais au début des années 2000. Le tunnel de l’autoroute A14 fut donc enterré en totalité entre les deux boucles de la Seine et son ouverture se fit en 1996, laissant les terrains qu’elle occupa disponibles pour leur aménagement. Depuis l’ouverture de l’autoroute, la fréquentation du boulevard circulaire ne cessa de diminuer, ce qu’incita l’EPAD à entreprendre sa requalification. Longtemps considéré comme une barrière infranchissable pour les piétons et les cyclistes, le boulevard circulaire vit entre 2004 e 2008 la largeur de ses voies de circulation se réduire dans sa part Nord, afin de laisser place à des trottoirs et à une piste cyclable à double sens, séparée du reste de la chaussée. Des espaces verts furent crées, ainsi qu’un nouveau mobilier urbain et un éclairage plus adapté et plus agréable achevèrent de donner un visage plus urbain. Les travaux de 22,5 millions d'euros comprirent la transformation en carrefours classiques, avec des trottoirs et des passages piétons et vélos au même niveau de référence, de la part Nord du pont de Neuilly, du carrefour d’Alsace, du carrefour des Reflets, du carrefour Gambetta, du carrefour Ségoffin et du carrefour de la Folie. La démolition du viaduc 221 Biraud-Burot, I., 1993, « Remodelage ou Démolition ? », L’Urbanisme de Dalles : Continuités et Ruptures, Actes du Colloque des Ateliers d’été de Cergy, Paris, Presses de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, pp. 145-147 222 Le Parisien, 18 septembre 2006, op. cit. 223 Mylène, S., 4 décembre 2008, « Les métamorphoses de deux jumelles », L’Express

Page 122: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[114]

Gambetta signifia en outre la création d’un parc linéaire reliant Courbevoie à la Défense, ainsi que la libération du foncier nécessaire afin de bâtir la tour « Exaltis »224. Enfin, l’ouverture le 28 mai 1995 par la SNCF d’une ligne tangentielle pour relier La Défense à la Verrière et la planification de sa prolongation vers le pont de Bezons, signifia la requalification du boulevard de la Mission-Leclercq.

Image 53 : Vue aérienne de La Défense, 2002

IGN, Géoportail

224 Biétry-Rivierre, E., 7 septembre 2001, « Une consultation publique va être lancée pour un aménagement vert du boulevard circulaire : Ultimes constructions à la Défense », Le Figaro

Page 123: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[115]

CHAPITRE 2 : LA GENEALOGIE DE LA TOPOGRAPHIE DES FRANGES A L’ENVERS

2.1. La Défense face à la concurrence mondiale : un territoire sans franges (?)

2.1.1. Une nouvelle stratégie pour La Défense qui mène à son Plan de Renouveau

Si La Défense, comme beaucoup d’autres quartiers d’affaires, connut sa seconde crise de l’immobilier entre 1992 et 1997, le redémarrage de l’opération ne fut pas spectaculaire. A l’approche du changement de millénaire, la demande des entreprises évolua. La miniaturisation de l’informatique rendit sans usage des locaux alors utilisés pour accueillir d’immenses serveurs. Pour continuer à séduire les investisseurs futurs, les propriétaires d’immeubles furent obligés à offrir toujours plus de prestations et de confort. En outre, l’éclatement de la bulle Internet en 2000 remit en cause certaines certitudes sur la croissance économique et le développement des métropoles mondiales. La demande pour un équilibre territorial et une meilleure qualité de vie pour tous, basée sur la proximité pour réduire les déplacements, se trouva face au concept d’un développement de clusters spécialisés et enclavés par leurs alentours. En plus de ces changements majeurs, qui posèrent pour encore une fois des défis supplémentaires à l’opération de La Défense, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin vota la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine le 1 août 2003225, qui symbolise une rupture dans la politique de la ville. Cette loi privilégia la démolition-reconstruction à la rénovation en ce qui concerne les projets aménagements. Dans le même temps, une nouvelle étape de la décentralisation transféra la responsabilité du réseau routier aux départements.

Dans ce cadre, Gilles de Robien, le Ministre de l'Équipement, des Transports, de l'Aménagement du Territoire, du Tourisme et de la Mer à l’époque, envoya une lettre à l’EPAD afin de définir un projet de relance de l’opération de La Défense. Durant la période de l’élaboration de la « Nouvelle Défense 2020 », comme ce projet fut initialement appelé, l’EPAD fut joint par l’Association des Utilisateurs de La Défense (AUDE) qui l’accompagna et le soutint activement. Ils élaborèrent un diagnostique au printemps de 2005 où ils décrivirent les

225 « Loi No 2003-710 du 1 août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine », Legifrance [En ligne], Accueil, Les autres textes législatifs et réglementaires, mis en ligne le 15 juin 2015, consulté le 20 mars 2015. URL : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000428979

Page 124: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[116]

principaux constats et enjeux pour le quartier de La Défense226. Notamment, ils constatèrent que La Défense constitue un centre stratégique sur l'axe majeur du développement de la capitale parisienne à l'Ouest, dont la centralité et la proximité avec les lieux de pouvoir économique en Île-de-France favorisent les liens immatériels du quartier central des affaires. En outre, il fut constaté que la grande force du quartier d'affaires de La Défense réside sur sa mixité sociale et fonctionnelle qui se base sur le fait qu’elle est en effet une ville habitée depuis 30 ans, un véritable espace de vie quotidienne pour les 20 000 habitants des 19 bâtiments résidentiels disséminés entre les tours. Ils affirmèrent aussi que La Défense, dans un contexte de concurrence internationale exacerbée est perçue par l’ensemble des acteurs économiques comme un moteur de la modernité du 21e siècle, conjuguant rayonnement économique, numérique et développement durable, mais malgré cela, elle reste encore un espace en quête de sens, un espace dont l’image n’est pas encore a la hauteur souhaitable. Pour ces raisons, l’enjeu majeur identifié fut que La Défense est une « marque » qu'il faut faire vivre, promouvoir, vendre aux états-majors des grands groupes internationaux, mais qu’il faut aussi en assurer le service après-vente. Pour ce faire, ils identifièrent que La Défense doit proposer davantage que des immeubles de qualité, des transports adaptés et l'assurance de disposer d'un site bien géré pour attirer de nouveaux sièges internationaux et conserver son rang de premier quartier d'affaires européen.

Après l’élaboration du diagnostique, le projet de la « Nouvelle Défense 2020 » fut présenté en détail le 2 décembre 2005 au Conseil d'Administration de l’EPAD. Il comporta les suivantes propositions227 :

• la création de 850 000 m2 de bureaux supplémentaires, dont les 500 000 m2 seraient bâtis dans les espaces disponibles le long du boulevard circulaire, qui furent estimés d’une surface de 6 hectares au total,

• la création d’une nouvelle tour « Signal » de 400 mètres de hauteur, digne des plus hauts gratte-ciel américains,

• la création d’une salle de spectacles de 5 000 places, • la création d’une liaison rapide avec l'aéroport de Roissy, ainsi que d’un

accès direct aux lignes ferroviaires internationales de l'Eurostar et du Thalys,

• l’amélioration de la qualité environnementale du site en faisant de La Défense un lieu « plus agréable à vivre »,

• la prise en charge de la gestion du site par les collectivités locales, c'est-à-dire par les mairies de Puteaux et de Courbevoie, ainsi que par le Conseil Général des Hauts-de-Seine,

• la continuation de l’existence de l’EPAD avec seulement le rôle de l’aménageur du quartier d’affaires.

La présentation de ce projet au Conseil Général de l’EPAD, fut suivie par la confiance à la société Ernst & Young de la tâche d’élaborer un rapport stratégique pour La Défense, après souhait du président du Conseil Général

226 « Atouts de La Défense», AUDE – Association des Utilisateurs de La Défense [En ligne], consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.aude-parisladefense.org/index.php/atoutsladefense 227 Mouchon, F., 18 novembre 2005, « La Défense version 2020 : L'événement », Le Parisien

Page 125: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[117]

de l’EPAD à l’époque, ainsi que ministre d’Etat, de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, et président du Conseil General des Hauts-de-Seine, Nicolas Sarkozy. Ce rapport, qui prit en compte le diagnostic de l’EPAD et de l’AUDE, ainsi que les propositions du projet de la « Nouvelle Défense 2020 », fut en effet la base du futur Schéma de Renouveau de La Défense, ainsi que du futur Plan Guide des Espaces Publics de La Défense. Le rapport constata que La Défense, avec sa concentration d’acteurs de rayonnement mondial, sa reconnaissance par la communauté d’affaires et l’intérêt porté par les investisseurs sur ce lieu et cette « marque » spécifiques, constitue l’un des 4 actifs stratégiques dont dispose la région Île-de-France au même titre que Roissy-Charles De Gaulle, le plateau de Saclay et le Quartier Central d’Affaires de Paris. Plus précisément, il constata que dans le futur, La Défense permettra d’offrir un rare produit différenciant dans la « gamme » francilienne qui pourra être présenté aux investisseurs, et notamment ces étrangers. Sa concentration remarquable de banques et d’organismes d’assurances fut constatée comme indicative de son caractère de « pôle de compétitivité » mondial. Ce caractère qui est aussi renforcé par l’exceptionnel du site, accompagne et soutient l’image « haut de gamme », la posture de conquête, et l’affirmation de l’identité tertiaire des entreprises déjà présentes. Pourtant, il fut souligné que la notoriété internationale de La Défense qui réside à quelques grands projets architecturaux et au « poids de l’histoire », doit être relayée aujourd’hui par une stratégie renouvelée (modernité, innovation), car cette reconnaissance à l’international est en train de s’affaiblir face aux nouveaux projets des métropoles concurrentes (Londres, Barcelone/Madrid et Berlin). En outre, la concurrence francilienne, malgré sa diffusion, fut identifiée comme importante, contribuant à l’affaiblissement de sa dynamique internationale. C’est pour ces raisons que, selon le rapport, l’image internationale du quartier doit se mettre au service d’une attractivité régionale et nationale228. Dans ce cadre, le rapport proposa les suivants axes stratégiques229 :

• fidéliser les entreprises déjà présentes afin de garder l’avance sur les implantations de référence, et notamment la concentration banque – assurance – services connexes,

• rester au contact du marché des « très grandes surfaces », en organisant l’animation économique du territoire pour attirer de nouveaux projets, mais surtout pour conserver les grands comptes du territoire,

• préparer et annoncer rapidement un plan sur l’efficacité des transports, • adopter une approche encore plus audacieuse sur son urbanisme en

introduisant dans le projet d’aménagement de La Défense une dimension plus stratégique, porteuse d’une vision, d’une ambition et du déploiement des outils adéquats pour mettre en œuvre une stratégie de développement économique,

• rajeunir le parc immobilier en offrant des produits plus adaptés à la demande (taille des plateaux, hauteur sous plafond, standards d’équipement en privilégiant parfois la démolition-reconstruction.

228 Ernst & Young, avril 2006, « Établissement Public d’Aménagement de la Région de La Défense / Prospective sur l'évolution du quartier d'affaires de La Défense : Document de synthèse », Attractivité et aménagement, Paris La Défense, p. 5 229 Ibid., p. 6

Page 126: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[118]

Notamment, en ce qui concerne les opérations de réhabilitation en niveau urbain et immobilier, il fut souligné qu’elles s’avèrent essentielles pour maintenir l’attractivité du site et séduire les investisseurs présents et futurs230. Il fut prévu que ces coûteuses opérations de restructuration génèreront des loyers élevés, exigeant que le produit immobilier, mais aussi son environnement, soient au niveau. La Défense devra donc assurer le maintien du rapport qualité/prix de son offre à ses investisseurs qui paieront plus cher leur choix. Pour ce faire, le rapport constata que l’urbanisme d’ensemble du quartier représentera son enjeu fort. Notamment, selon le rapport, La Défense doit maintenir et développer sa position face à plusieurs concurrences qui menacent l’actif stratégique en passant d’une stratégie d’image basée sur le volume/la quantité (poids économique, immobilier…), à une stratégie de qualité totale (urbanisme, dynamique des filières économiques, solutions de transport, innovation technologique et de services, …) pour renouer avec la modernité231. Les solutions précises proposées furent les suivantes232 :

• réhabiliter une partie du parc immobilier afin de préserver l’image du quartier, ainsi qu’amorcer la recomposition urbaine de certains quartiers grâce aux possibilités de restructuration de certains patrimoines locatifs existants,

• faire de l’esplanade un atout stratégique pour la Défense qui deviendra véritablement le cœur de la vie du quartier d’affaires en assurant l’animation des pieds de tours et l’animation du quartier après le coucher du soleil,

• animer l’intérieur de la dalle et ses façades au niveau du sol, afin de bouleverser l’image « déshumanisée » et froide du quartier, donner un sens de sécurité aux usagers et aux visiteurs extérieurs, ainsi que régénérer son infrastructure vieillissante,

• ouvrir le contexte urbanistique de La Défense sur son environnement immédiat, toujours en préservant et en renforçant l’attractivité du quartier qui résulte par son élément d’originalité qui est la dalle,

• urbaniser les fonciers existants aux franges233 pour améliorer l’interface entre La Défense et les communes avoisinantes en s’appuyant sur une trame verte, en redonnant une échelle humaine et conviviale avec une meilleur intégration des modes de déplacement doux et en réalisant des opérations de couture urbaine par le réaménagement du boulevard circulaire,

• exploiter davantage le front de Seine et développer là un quartier de logements « haut de gamme » pour mettre en valeur les berges de la Seine et la perspective sur Paris,

• sortir de la logique « tout routier » en développant le projet EOLE afin de désaturer le RER A, en adoptant le projet CDG Express afin d’améliorer la desserte des aéroports et en prolongeant la ligne de métro No 1 jusqu’au Groues afin de répondre aux déplacements internes.

230 Ibid., p. 7 231 Ibid., pp. 8, 11 232 Ibid., pp. 15, 30, 40, 67, 77-78, 84, 97 233 N.D.A. : Dans ce rapport d’Ernst & Young c’est la première fois qu’on évoque le concept de la « frange » comme tel afin de décrire les terrains vagues entre la dalle et le boulevard circulaire.

Page 127: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[119]

Ces propositions, selon le rapport d’Ernst & Young, pourraient bouleverser l’image négative de La Défense qui la veut un quartier d’affaires froid, déshumanisé, banal et ne sachant pas se régénérer. Pour ce faire, le rapport conclut qu’il est impératif de surpasser les problématiques juridiques afin d’optimiser les délais de déconstruction, reconstruction et aménagement.

Le Plan de Renouveau de La Défense qui naquit du projet « Nouvelle Défense 2020 » de l’EPAD, du diagnostic réalisé par l’EPAD et l’association AUDE, ainsi que du rapport d’Ernst & Young sur l’immobilier d’entreprise à La Défense, fut enfin présenté par Sarkozy le 25 juillet 2006. Ces grandes lignes comportèrent 10 propositions majeures à l’horizon 2015234 :

1. la rénovation des immeubles obsolètes par le démarrage d’opérations de démolition-reconstruction à hauteur de 150 000 m² de surfaces nouvelles,

2. la construction de 300 000 m2 de bureaux neufs sur les emprises gagnées à la faveur du réaménagement du boulevard circulaire, sans amputer les espaces publics, tout en respectant l’axe historique,

3. la construction d’une tour « Signal », nouveau monument remarquable, ainsi que de la tour « Phare »,

4. la construction de 100 000 m2 de logements neufs dans le périmètre de l’EPAD,

5. l’achèvement de la transformation du boulevard circulaire en un boulevard « humain et paisible », assurant une couture urbaine entre le quartier d’affaires et son environnement proche,

6. le renforcement de la desserte du quartier d’affaires par le prolongement de la ligne E du RER (Eole) depuis la gare Saint-Lazare, puis vers la région de Mantes-la-Jolie afin de décongestionner la ligne A, ainsi que le raccordement de La Défense à la future liaison Gare de l’Est – Aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, encore à l’étude,

7. la modernisation de la gouvernance par la création de l’EPGD (Établissement Public de Gestion de La Défense), permettant l’association des collectivités présentes sur le territoire de La Défense (Puteaux, Courbevoie et le Conseil Général des Hauts-de-Seine) pour assurer la mission de gestion et d’exploitation du site,

8. le déploiement d’une politique d’animation commerciale et culturelle afin de faire de La Défense une cité vivante en permanence bien au-delà des heures de bureau, à travers de nouveaux lieux de vie et de nouveaux rendez-vous événementiels,

9. le déploiement d’une politique de développement durable appliquée sur les constructions nouvelles et dans la gestion des chantiers,

10. la participation au développement équilibré de la Région d’Île-de-France avec ses nouvelles opérations d’intérêt national.

Ce Plan de Renouveau, intégrant aussi le projet de la tour « Generali » qui fut présenté le 18 octobre 2006, abouti enfin à la loi du 27 février 2007 relative aux règles d’urbanisme applicables dans le périmètre de l’OIN de La Défense qui

234 « 2005-2009 : Préparer l’avenir », DEFACTO [En ligne], Accueil, Découvrir La Défense, Le lieu, Histoire, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.ladefense.fr/fr/histoire-du-lieu

Page 128: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[120]

approuva le Schéma Directeur du Renouveau de La Défense pour la mise en œuvre des propositions de l’État à l’horizon 2020235. Dans le cadre du lancement du Plan de Renouveau le 25 juillet 2006, il fut aussi décidé par Sarkozy de séparer les activités de gestion et d’aménagement de La Défense, jusqu’alors confiées à l’EPAD depuis 1958. Par la même loi du 27 février 2007, suivie d’un décret du 29 novembre 2007, naquit l’EPGD (Etablissement de Gestion de La Défense). Il entra en application officiellement le 1er janvier 2009 et il fut renommé DEFACTO en janvier 2010. DEFACTO est en charge de la gestion au quotidien des espaces publics du quartier, de la mise en valeur du patrimoine existant, de l’animation du quartier en garantissant la mixité des usages, ainsi que de la publication des travaux a La Défense, afin de servir comme références en matière d’espaces publics. Il est financé par le Conseil Général des Hauts-de-Seine, les communes de Puteaux et Courbevoie ainsi que par la vente d’espaces publicitaires, d’animation et la concession des parkings236.

Image 54 : Le Plan du Schéma Directeur de Renouveau de La Défense

EPAD, décembre 2006

Un énorme processus de restructuration de la gouvernance et du cadre sur lequel seront inscrits les aménagements futurs en Ile-de-France eut aussi lieu 235 « Schéma Directeur de Renouveau de La Défense », EPAD [En ligne], mis en ligne le décembre 2006, consulté le 10 mars 2015. URL : http://link.epadesa.fr/fileadmin/site_intranet/user_upload/1.ETABLISSEMENT_PUBLIC/DOC_REF/EP-DR-schema-directeur-renouveau-defense_2006-12.pdf 236 « Les utilisateurs au cœur de l’action », DEFACTO [En ligne], Accueil, À propos de DEFACTO, Qui sommes-nous ?, Présentation, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.ladefense.fr/fr/histoire-du-lieu

Page 129: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[121]

parallèlement et après l’approbation du Schéma Directeur du Renouveau de La Défense. Après mandat du Gouvernement au préfet de Région le 13 septembre 2005 pour la révision du SDRIF de 1994, le 15 novembre 2006 fut présenté l'avant projet de SDRIF et le 3 février 2007 le projet révisé, qui fut enfin arrêté par le Conseil Régional le 15 février 2007. Le 26 juin 2007, les chambres de commerce franciliennes émirent un avis consultatif négatif sur le projet de SDRIF, critiquant notamment le fait qu'il ne fit pas une priorité du développement du secteur de La Défense, au profit d'un rééquilibrage régional, ainsi qu'il ne prit pas en compte les objectifs du Schéma Directeur du Renouveau de La Défense. Le même jour à Roissy, Sarkozy, récemment élu président de la République, prit position pour la création d'un « Grand Paris », sorte de communauté urbaine englobant Paris et sa petite couronne, projet auquel la Région s’opposa237. Le « Grand Paris », créé enfin par la loi du 2 juin 2010 fut le résultat d’une volonté de dégager une nouvelle dynamique pour la région capitale. La place de La Défense est affirmée et souligné comme étant d’une importance cruciale. Le « Grand Paris » comporte aujourd’hui 4 piliers principaux238 :

1. un nouveau schéma pour les transports collectifs, 2. un plan de mobilisation pour le logement, 3. une stratégique de développement économique, 4. une représentation institutionnelle des acteurs du Grand Paris.

Suivant à la loi qui établit le « Grand Paris », la loi MAPTAM (Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles) du 27 janvier 2014 créa la Métropole du Grand Paris (MGP) qui prendra effet le 1er janvier 2016239, sous forme d'un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et statut particulier. Le premier objectif de cette réforme est de renforcer l’ensemble des territoires, ainsi que de doter les plus dynamiques des compétences nécessaires pour poursuivre leur développement économique. Le second objectif est de redonner du sens à une action publique perçue complexe et illisible en évitant les doublons. La MGP regroupera les communes de Paris, des trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et plusieurs communes de grande couronne. Elle est constituée en vue de la définition et de la mise en œuvre d'actions métropolitaines avec un objectif d'améliorer le cadre de vie de ses habitants, de réduire les inégalités entre les territoires qui la composent, de développer un modèle urbain, social et économique durable, perçus comme moyens d'une meilleure attractivité et compétitivité au bénéfice de l'ensemble du territoire 237 « Discours du Monsieur le Président de la République : Inauguration du Satellite No 3 Roissy Charles-de-Gaulle », Présidence de la République [En ligne], mis en ligne le 26 juin 2007, consulté le 10 mars 2015. URL : https://observatoiregrandparis.files.wordpress.com/2008/10/discours-de-nicolas-sarkozy-26-06-075.pdf 238 « Le Grand Paris », Ministère du Logement, de l’Égalité des Territoires et de la Ruralité [En ligne], Accueil, Grand Paris, mis en ligne le 16 janvier 2015, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.territoires.gouv.fr/Grand-Paris 239 « Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », Direction de l'information légale et administrative [En ligne], Actualités, Panorama des lois, mis en ligne le 28 janvier 2014, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-modernisation-action-publique-territoriale-affirmation-metropoles.html

Page 130: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[122]

national. Pour ce faire elle élabore un projet métropolitain, dont l’élaboration est susceptible à l’avis des habitants, selon les formes déterminées par le Conseil de la Métropole. Ce projet métropolitain définit les orientations générales de la politique conduite par la MGP et il participa à la mise en œuvre du SDRIF approuvé par décret le 27 décembre 2013.

Dans ce cadre, il devient évident que le projet d’aménagement de La Défense se pose en effet comme une nécessité de l’Etat et de la Région afin de répondre à la concurrence mondiale. En même temps, il postule la nécessité d’une adaptation des territoires locaux et régionaux au cadre géoéconomique de la mondialisation néolibérale. Il s’ensuit une subordination des projets territoriaux vis-à-vis des flux capitaux qui structurent la polarisation de l’espace économique mondial240. Si dans la ville médiévale les lieux contrôlaient les flux matériels, aujourd’hui ce sont les flux immatériels qui font pression sur les lieux241. Dans cette conception néolibérale de l’aménagement, l’inscription des territoires aux grands pôles d’échanges économiques devient un enjeu crucial, considéré par les responsables politiques et par les décideurs économiques comme une priorité absolue. Il s’agit donc d’adapter l’ordre social et la topographie à l’économie nouvelle242. Il en ressort un imaginaire spécifique, dans lequel la topographie naturelle et artificielle est envisagée comme un support d’aménités économiques à stimuler et à faire fructifier, dans un espace entièrement organisé par le régime de la concurrence, de la libre circulation et de la libre implantation des marchandises et des facteurs de production. Les ressources environnementales, les disponibilités foncières, les infrastructures matérielles, les équipements collectifs, les compétences humaines et la notoriété des territoires sont perçus comme autant de facteurs de puissance géoéconomique, qui conditionnent la capacité des responsables institutionnels à concevoir des projets243. Cependant, ce discours invitant à concevoir le développement de La Défense dans le cadre d’une compétition globale n’aboutit pas à l’adoption d’une approche de concurrence désordonnée, où chaque collectivité locale et régionale et chaque établissement public se trouverait obligé de s’engager dans une lutte sauvage contre tous les autres, mais au contraire, il s’accompagne d’un appel à la coopération des territoires à toutes les échelles, la mobilisation collective devant permettre de peser davantage dans le système économique mondial.

240 Veltz, P., 2013, Paris, France, Monde : Repenser l’économie par le territoire, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, pp. 58-70 241 Mongin, O., 2005, La condition urbaine : La ville à l’heure de la mondialisation, Paris, Le Seuil, p. 125 242 Lippmann, W., 1938, La Cité libre, Paris, Éditions de Médicis, p. 195 243 Pinson, G., 2009, Gouverner la ville par projet : Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Paris, Les Presses de Sciences Po, pp. 35, 61, 146, 156

Page 131: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[123]

2.1.2. Une nouvelle gouvernance pour La Défense et un Plan Guide pour ses espaces publics

Avec la faillite de la banque d’affaires américaine Lehmann Brothers en octobre 2008, la crise financière se fit véritablement ressentir en France comme dans une grande partie des pays du monde, et surtout dans la Zone Euro. Cette crise financière qui touche désormais l’économie mondiale va signer l’arrêt de mort de plusieurs projets issus du Plan de Renouveau, ainsi que son adaptation à la nouvelle réalité socio-économique. En outre, la grande opération de renouvellement du Paris métropolitain, amenée par une restructuration de l’administration des territoires, ainsi que par le changement de la façon dont se fera la planification urbaine en Île-de-France dorénavant, obligèrent l’EPAD à prendre en compte ces nouvelles données. Un grand tournant qui marqua aussi les dernières années fut le changement de la gouvernance au sein de La Défense. Après 52 ans de fonctionnement pour l’EPAD et 10 ans pour l’EPASA les deux établissements se fusionnèrent. Malgré l’opposition de Patrick Jarry, le maire de Nanterre et président de l’EPASA à l’époque, un décret du 2 juillet 2010244 entérina la décision du fusionnement des deux établissements. Cette fusion donna naissance à l’Etablissement Public d’Aménagement de La Défense Seine-Arche (EPADESA). Joëlle Ceccaldi-Raynaud, la maire de Puteaux à l’époque, en prit la présidence, tandis que Philippe Chaix en conserva la direction.

Le nouveau périmètre opérationnel de l'EPADESA d’intérêt national (OIN) s'étend aujourd’hui sur 564 hectares, contre 469 hectares pour les deux anciens établissements. Ce périmètre est divisé par les communes de Courbevoie, Puteaux, Nanterre, ainsi que par la commune de Garenne-Colombes. La mission de l’EPADESA est d'aménager le site de la Défense pour le compte de l'État et des collectivités locales concernées en effectuant les études préliminaires d'urbanisme et les études de faisabilités techniques des différentes opérations, ainsi que la réalisation au fur et à mesure de l'évolution du site des travaux d'infrastructure indispensables au développement du quartier d'affaires. Comme dans le cas des anciens établissements fusionnés, grâce à la vente des droits à construire, l'EPADESA investit dans les infrastructures du quartier comme les accès routiers (notamment la requalification du Boulevard circulaire de la Défense), les transports ou l'aménagement des espaces publics (notamment autour les nouvelles opérations immobilières). Dès 2009 et la création de l’EPGD, devenu DEFACTO, l'EPADESA ne s'occupe pas de l'exploitation, ni de l'entretien et de l'animation

244 « Décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 portant création de l'Etablissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) et dissolution de l'Etablissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense (EPAD) et de l'Etablissement public d'aménagement de Seine-Arche (EPASA) », Legifrance [En ligne], Accueil, Les autres textes législatifs et réglementaires, mis en ligne le 3 juillet 2010, consulté le 10 mars 2015. URL : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022423381&dateTexte=&categorieLien=id

Page 132: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[124]

des espaces publics de la Zone A de La Défense. En ce qui concerne la Zone B, ces activités restèrent aux communes concernées245.

Le Plan de Renouveau de La Défense qui fut mené par l'EPAD, fut reprit par l'EPADESA avec un objectif plus réaliste et plus conforme aux nouvelles données, celui de moderniser et développer le quartier d'affaires de La Défense à l’objectif 2019. L'enjeu pour l'EPADESA reste toujours de maintenir l'attractivité du site de la Défense, notamment pour faire face à la concurrence entre quartiers d'affaires246. Les changements majeurs par rapport au Plan de Renouveau de 2006 et ses objectifs initialement prévus sont les suivants :

• l’augmentation à 350 000 m² de la surface de bureaux supplémentaires par les opérations de régénération de bureaux existants, au lieu de 150 000 m²,

• l’augmentation à 500 000 m² de la surface de bureaux supplémentaires par les opérations de construction de bureaux neufs, au lieu de 300 000 m²,

• L’annulation de la tour « Signal » et l’adoption du projet d’« Hermitage Plaza » en 2010, ainsi que l’abandon du projet de la tour « Generali » en 2011,

• l’augmentation à 110 000 m² de la surface de logements supplémentaires par les opérations de construction de logements neufs, au lieu de 100 000 m²,

• l’intégration du projet de la liaison directe avec les aéroports Roissy et Orly, qui sera faite grâce au « Grand Paris Express », dans le schéma de transports de La Défense,

• la prise en compte des projets récemment livrés dans les réflexions du projet de requalification du boulevard circulaire, notamment le nouvel espace urbain crée en 2008 à l’avenue Gambetta, ainsi que l’aménagement du boulevard de la Mission-Leclercq en 2012 à cause de la prolongation de la ligne No 2 du tramway,

• L’abandon silencieux du projet d’une requalification totale des berges de la Seine après l’adoption du projet d’Hermitage Plaza.

Parallèlement à la mise en effet du Plan de Renouveau révisé, la création d’un comité des usagers de La Défense, l’AUDE, ainsi que d’un comité de pilotage réunissant DEFACTO, l’EPADESA et les villes de Puteaux et de Courbevoie contribua également à faire naître une vision partagée de La Défense en ce qui concerne ces espaces publics. Le Plan Guide des Espaces Publics de La Défense fut présenté comme un socle de travail participatif pour tous les acteurs de La Défense. Suite à un concours lancé par l’ensemble des parties, l’Agence de Reconfiguration Territoriale AWP (Marc Armengaud, Matthias Armengaud, Alessandra Cianchetta) fut choisie en 2010 pour sa vision stratégique pour le quartier d’affaire de La Défense. Dans ce Plan Guide furent intégrés les constats et les enjeux identifiés par un diagnostic et des ateliers en marchant, qui 245 « A propos de l’EPADESA », EPADESA [En ligne], Accueil, L’EPADESA, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.epadesa.fr/l-epadesa.html 246 « Le Plan de Renouveau de La Défense», EPADESA [En ligne], Accueil, Un territoire stratégique, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.epadesa.fr/un-territoire-strategique/le-plan-de-renouveau-de-la-defense.html

Page 133: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[125]

permirent d’avoir un retour direct des principaux utilisateurs de La Défense (habitants, salariés, commerçants)247.

L’objectif d’AWP fut de concevoir un nouveau plan directeur, appelé à être le document de référence pour l’ensemble du site de la Zone A (160 hectares) et répondre à des questions face à l’espace public de La Défense, notamment aux espaces verts, aux infrastructures urbaines, aux systèmes routiers et de transports en commun, ainsi qu’à l’évolution du site. La stratégique proposée fut structurée en 4 axes principaux comportant des propositions spécifiques pour chacun d’eux248 :

1. Re-trouver le sol • créer des seuils urbains mixtes organisés autour les mobilités douces au

niveau du sol, facilitant les cheminements et les circulations à proximité des espaces à l’air libre (entrées et bords de dalle),

• reconfigurer les axes les axes du seuil central reliant Courbevoie et Puteaux,

• repenser la mobilité dans les sous-sols et dans les voies couvertes, • proposer des espaces d’échange de mobilité (parkings vélo, espaces de

dépose de logistique de proximité, espaces de stockage pour les habitants),

• faciliter les circulations et qualifier les accès au niveau de la dalle, depuis le niveau du sol.

2. Re-grand axe • réaffirmer le caractère exceptionnel du grand axe de la Défense et

redéfinir ses séquences (les jardins de l’arche, le parvis, le cœur, le bois enchanté, la tête vers la seine),

• aménager des axes de liaison privilégiée vers les villes (Courbevoie, Puteaux, Nanterre et Neuilly) depuis le grand axe.

3. Re-habiter le domaine • révéler un potentiel très important de réaffectation des espaces en cœur

de dalle ainsi que le long des façades de la dalle, qui sont généralement aveugles,

• exploiter les volumes existants dans la dalle pour des nouvelles activités innovantes,

• rétablir une relation urbaine avec les rues bordant le site, • proposer des programmations et des petites surfaces peu disponibles

sur le périmètre du quartier. 4. Natu-re invasion • créer de nombreux liens « verts » sur et autour de la Défense, • développer les zones de nature dans les quartiers et sur le grand axe, • connecter le site à la trame existante dans les villes alentours, • planter mieux et différemment sur la dalle,

247 « Le Plan Guide des espaces publics du quartier d'affaires de La Défense : Qu'est-ce que le Plan Guide ? », DEFACTO [En ligne], Accueil, L’Actualité, Projets, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.ladefense.fr/fr/le-plan-guide 248 AWP, 2013, Plan Guide des Espaces Publics de La Défense, Paris, pp. 7-9

Page 134: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[126]

• décliner l’idée de nature (nature nocturne, nature éphémère, hypernature) pour mieux l’adapter aux différents temps du site.

Ce Plan Guide a comme son objectif de fonctionner comme une boîte à outil partageable et un outil de gestion et d’expertise des espaces publics249. En effet, il s’agit d’abord d’un plan liant le dessus avec le dessous de la dalle sur l’ensemble du périmètre OIN. Il identifie les éléments topographiques du site existant et il les différencie en trois catégories, selon les caractéristiques topographiques de chacun et leur nécessité d’y intervenir. Ces éléments sont :

1. les éléments existants qui sont en condition acceptable et non prioritaire à être aménagés,

2. les éléments existants qui sont d’une valeur patrimoniale, mais en mauvais état, et donc il faut selon les cas les amplifier, les restaurer ou les transformer,

3. les éléments existants qui ne sont ni en condition acceptable ni d’une valeur patrimoniale, et donc il faut oser les éradiquer et créer à leur place un nouveau projet.

Cette approche topographique autour le choix des interventions est ensuite couronnée par l’organisation des périmètres spécifiques de programmation. Notamment, chaque périmètre est créé de manière à s’adresser à l’acteur concerné adapté (DEFACTO, EPADESA, villes) et à prendre en compte les situations d’interface avec les projets alors en cours. Au total, il s’agit de plus de 200 périmètres d’interventions sur l’espace public de La Défense, de surface et de niveau d’intervention variables. Les interventions sont ensuite temporalisées en trois temps, en fonction de la priorité d’action, mais également dans un souci de profiter des situations de projet de tous les acteurs du site. Un premier temps, court, situa les interventions qui furent déjà commencées en 2010 et pendant les 5 premières années. Il s’agit des opérations qu’aujourd’hui sont complétées. Cette temporalité privilégia les situations où un acteur unique put agir, ainsi que les actions qui furent déjà en cours. Les deux autres temporalités, de 5 à 10 ans et de 10 à 20 ans, regroupent les situations plus lourdes, avec de nombreuses interfaces d’acteurs, qui sont aujourd’hui en cours de construction et en cours de consultation/conception, respectivement.

249 Ibid., p.10

Page 135: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[127]

Image 55 : Le Plan Guide des Espaces Publics de La Défense

AWP, 2013

Page 136: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[128]

2.2. Les projets d’aménagement des franges urbaines périphériques de La Défense

2.2.1. Le projet de requalification du boulevard circulaire

Dès l’ouverture de l’autoroute A14 en 1996 et avec le soulagement consécutif du boulevard circulaire par 30 % de son trafic antérieur, l’EPAD commença à réfléchir sur un projet d’aménagement de la chaussée de caractéristiques autoroutières en boulevard urbain. Ainsi, entre 2004 et 2008, la partie Nord du boulevard circulaire du Pont de Neuilly à la Grande Arche fit l’objet d’une première phase de requalification par l'EPAD. Cette première phase des travaux ayant pour objectif de faciliter la circulation des piétons, de permettre la circulation des vélos, ainsi que d’améliorer la sécurité routière, comporta la démolition du viaduc Gambetta, la création de carrefours à feux avec passages à niveau piétons, la réduction de la largeur de la voirie et la diminution consécutive de la limite de vitesse des voitures de 80 km/h à 50 km/h, la réalisation de trottoirs, la construction d’une nouvelle piste cyclable, ainsi que la réalisation de nombreux aménagements paysagers. Les travaux qui s’achevèrent en décembre 2008, changèrent la partie Nord du boulevard de façon remarquable. Notamment, la transformation par l’EPAD du viaduc Gambetta en boulevard avec un espace public qualitatif permuta de réduire la chaussée de 22 000 m², de créer des trottoirs plus larges, une piste cyclable de 2 km vers Courbevoie et d’agrémenter 15 000 m² d’espaces verts. Cet aménagement permuta surtout de diminuer la circulation automobile de 75 000 véhicules/jour à 40 000 véhicules/jour250.

L’adoption du Plan de Renouveau en 2007 et de ces directives concernant les nouveaux projets de La Défense inscrivirent le projet de la requalification du boulevard circulaire dans un cadre holistique plus complexe. L’objectif de la requalification du boulevard circulaire en boulevard urbain devint l’inscription de l’ensemble du quartier d’affaires dans la ville en développant un nouveau maillage urbain dans toute la longueur du boulevard circulaire entre La Défense et les villes de Courbevoie, de Puteaux et de Nanterre. Des réflexions sur la requalification de la partie Sud débutèrent en octobre 2008 et jusqu'à 2009, après le lancement en mai 2007 d’une étude d’urbanité du quartier d’affaires de La Défense. En 2009, après concertation avec les collectivités locales de Courbevoie251 et de Puteaux252, les objectifs précis furent établis pour les deux sections du projet, Nord et Sud respectivement. Le vaste projet qui se lança pour l’ensemble du boulevard circulaire est aujourd’hui en cours depuis 2009 à

250 La Défense Seine-Arche, 20 juin – 25 juillet 2012, Plaquette de concertation sur le boulevard circulaire Nord de La Défense, p. 2 251 EPAD ; Ville de Courbevoie, 1 octobre – 15 novembre 2009, D’hier à demain : imaginons ensemble un nouveau circulaire, pp. 8-15 252 EPAD ; Ville de Puteaux, 29 avril 2009, D’hier à demain : imaginons ensemble un nouveau circulaire, pp. 9-15

Page 137: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[129]

l’horizon 2019 et figure parmi les points forts du Plan de Renouveau de La Défense et de sa politique de développement durable. Cette grande opération de réaménagement du boulevard circulaire et de ses abords fut au moment de son lancement l’investissement le plus important sous la responsabilité de l’EPAD en termes de durée, de travaux et de financement, qui fut estimé à un investissement inferieure à 150 millions d’euros253.

Les objectifs principaux du réaménagement du boulevard circulaire Nord présentés à la phase de concertation en octobre 2009 furent les suivants254 :

• l’amélioration du maillage du boulevard circulaire avec le réseau de voiries environnant, en créant davantage de possibilités d’échange entre ces voies et en simplifiant les itinéraires, pour les automobilistes comme pour les livreurs,

• la favorisation de la mixité des usages véhicules, deux roues et piétons, en ouvrant la possibilité à ces derniers usagers d’emprunter le boulevard circulaire pour leurs déplacements dans des conditions de sécurité améliorées, en créant notamment des traversées piétonnes et des pistes cyclables,

• la requalification de l’ensemble du boulevard circulaire par un traitement plus urbain, avec la création de carrefours à feux, des caractéristiques géométriques plus urbaines,

• la réduction des emprises constructibles au profit d’un traitement paysager,

• l’assurance de la fluidité du trafic et l’amélioration de la lisibilité. La tâche du projet urbain de la requalification du boulevard circulaire fut confiée à l’agence Richez & Associés et au bureau d’étude Coteba, devenu Artelia Ville et Transport. Ce projet urbain proposé prit en compte tous les objectifs principaux de la concertation de 2009. La thématique principale reste toujours celle de déborder un projet qui évoluera cet axe de circulation rapide vers un boulevard plus urbain et plus « humain », en favorisant la mixité des usages sur ses abords, prenant en compte les nombreux projets de tours du Plan de Renouveau dans cette partie de La Défense, afin de réaliser une véritable unité urbaine et paysagère par un traitement homogène du sol, accompagné d’un plan lumière. La mise en valeur des pieds des tours et des nouveaux programmes qui s’y implantent (halls d’entrée, commerces), en tenant compte de leur insertion urbaine et de leur impact sur l’espace public, se développera a travers la clarification de l’espace public et la création de nouveaux cheminements transversaux (escaliers, ascenseurs) et de nouveaux espaces publics afin d’assurer la liaison entre la ville de Courbevoie et la dalle de La Défense. La livraison de ces liaisons et de ces nouveaux espaces publics sera conjointe à celle des nouvelles tours. Il s’agit notamment des projets suivants255 :

253 La Défense Seine-Arche, 29 août – 19 septembre 2010, Le boulevard circulaire de La Défense et ses abords, pp. 2-4 254 EPADESA, 3 juillet 2012, Les chantiers de La Défense Seine-Arche : Dossier de Presse, p. 37 255 La Défense Seine-Arche, 20 juin – 25 juillet 2012, op. cit., pp. 2-3

Page 138: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[130]

• création d’un nouvel accès à la dalle au point de la Place Carpeaux – opération de la nouvelle tour « Phare »,

• création d’un nouvel accès à la dalle au quartier Coupole-Regnault – opération de la nouvelle tour « Trinity »,

• réaménagement de la place Vosges - opération de rénovation durable de la tour « Eqho »,

• création de la nouvelle place Corolles – opération de démolition/reconstruction de la tour « Carpe Diem »,

• création de la nouvelle place Reflets – opération de démolition/reconstruction des tours « D2 » et « Air2 »,

• création de la nouvelle place Iris – opération de démolition/reconstruction de la tour « Generali »,

• création de la nouvelle place Alsace – création d’un nouvel espace de parking souterrain et opération du nouveau bâtiment « Hôtel Mélia Paris La Défense ».

Image 56 : Vues tridimensionnelles des abords aménagés du boulevard circulaire Nord

La Défense Seine-Arche, 20 juin – 25 juillet 2012

L’évolution de l’EPAD en EPADESA, ainsi que le progrès ralenti et l’annulation de certains projets de tours mena à une nouvelle consultation en juin 2012 pour la partie du boulevard circulaire Nord entre le carrefour de Strasbourg et le pont de Neuilly. Les objectifs principaux restèrent inchangés256, pourtant l’évolution de certains projets imposa une révision du projet d’aménagement. Notamment, la Tour « Generali » fut abandonnée en juillet 2011 sans motivation par son investisseur257. L’EPADESA s’achemina vers l’option d’une rénovation ou d’une restructuration légère de l'immeuble Iris mais le futur de l’immeuble et de la nouvelle place Iris ne sont jusqu'à ce jour précisés. En outre, une étude globale sur les parkings de La Défense pilotée conjointement par l’EPADESA et DEFACTO en 2011, démontra que les parcs de stationnement sont sous-exploités. Il fut considéré donc inutile de réaliser un parking supplémentaire à l’emplacement de la nouvelle place Alsace. Cette évolution du projet permuta de dégager plus de superficie pour les espaces verts et les circulations douces258.

256 EPADESA, 3 juillet 2012, op. cit., pp. 37-38 257 Sabbah, C., 11 juillet 2011, « Generali renonce à son projet de tour à La Défense », Les Echos 258 EPADESA, 3 juillet 2012, op. cit., pp. 37-38

Page 139: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[131]

Après la livraison du nouveau bâtiment « Hôtel Mélia Paris La Défense » en 2014, les travaux sur le projet de la nouvelle place Alsace débutèrent et sont actuellement en cours. En 2013 fut livrée la tour « Carpe Diem » et conjointement un escalier monumental menant à la nouvelle place Corolles. Durant la même année, fut aussi livrée la tour « Eqho » et la place de Vosges réaménagée, offrant ainsi un nouvel espace au quartier Corolles-Vosges à Courbevoie. Enfin, la tour « D2 » fut livrée en 2014 mais les travaux de la tour « Air2 » débutèrent durant la même année et don la nouvelle place Reflets devra attendre l’achèvement de la deuxième qui est prévue pour l’année 2017.

En ce qui concerne le quartier de la Coupole – Regnault, le projet de la nouvelle tour « Trinity » et de la liaison à la dalle fit l’objet d’une concertation en novembre 2011, d’une enquête publique en février-mars 2012, ainsi que d’une réunion de présentation et d’échanges le 28 mars 2013. Situé sur la commune de Courbevoie, le quartier est un secteur mixte accueillant des logements, des bureaux et des commerces. Ce quartier est caractérisé par la présence ou la proximité de nombreuses infrastructures de transport : voie ferrée de la ligne L et gare SNCF sous la place Carpeaux, boulevard circulaire en grande partie sur ouvrage, bretelle d’accès et de sortie de l’autoroute A14, partie de la salle d’échange « Cœur Transports » et ses multiples accès, ainsi qu’une nouvelle gare de la ligne No 2 du tramway, inaugurée en 2012. Toutes ces questions de développement s’inscrivirent dans une conception générale cohérente de l’espace public. La restructuration de cet espace public vise notamment à :

• faciliter les cheminements pour les habitants et les salariés avec une attention particulière pour les PMR (personnes à mobilité réduite) à l’intérieur du quartier mais aussi en liaison avec les espaces publics avoisinants,

• renouveler l’image vieillissante du quartier par la mise en œuvre d’un projet urbain qualitatif et durable,

• retrouver une cohérence urbaine, notamment par l’aménagement des espaces publics entre les différents éléments composants du quartier,

• intégrer les nouveaux programmes que les éléments composants accueillent (commerces, restaurants, hall de transports) ainsi que les nouvelles infrastructures de transport prévues en continuité de l’espace public.

Pour ce faire, l’EPADESA, DEFACTO et la CASD (Communauté d’Agglomération Seine Défense regroupant les villes de Courbevoie et de Puteaux) confièrent à l’agence AUC le projet urbain259. L’ambition de ce projet est de développer un ensemble immobilier à usage principal de bureaux intégrant commerces et services d’une surface d’environ 52 600 m². L’étude architecturale de la tour « Trinity » qui fut confiée à l’agence Crochon – Brullmann + Associés. L’ensemble du projet urbain et architectural comprend le surplombement de l’avenue de la Division Leclerc par la tour « Trinity », ainsi que la réalisation de nouveaux espaces publics et de nouvelles liaisons piétonnes (ascenseurs et escaliers) et PMR, permettant de reconnecter les dalles CNIT et Coupole, et relier les différents niveaux du quartier, de l’avenue de la Division Leclerc aux

259 EPADESA, juillet 2013, Aménagement du Quartier Coupole – Regnault : Point d’actualité, p. 6

Page 140: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[132]

parvis CNIT et Coupole. Sa construction commença en 2014 et sa livraison est prévue pour l’année 2017260.

Le dernier projet qui encadre la requalification du boulevard circulaire Nord, celui de l’emblématique tour « Phare », semble d’être dans la situation la plus problématique aujourd’hui. Cette tour qui enjambera la place Carpeaux et qui se posera sur le territoire de Puteaux nécessite un chantier extrêmement complexe. Notamment, l’actuelle passerelle du Faubourg-de-l’Arche qui enjambe le boulevard circulaire, partagée par les communes de Puteaux et de Courbevoie et construite en 2007, après plusieurs années de retard, devra être détruite durant les travaux de la tour. Afin de ne pas manquer à ses presque 30 000 usagers journaliers, un équipement provisoire aurait dû obligatoirement être mis en place. Cependant, l’accord nécessaire pour cette passerelle provisoire ne fut jamais donné par les maires de Courbevoie et Puteaux. Au contraire, l’association « Village », composée par l’opposition de Puteaux et Courbevoie, ainsi que par la MASCF, propriétaire de l’immeuble Triangle de l’Arche, attaquèrent le projet au Tribunal Administratif de Cergy. Celui rejeta leur requête en mai 2012 et les trois opposants à la tour firent appel de la décision, pour voir leur appel être encore une fois rejeté deux ans après, en décembre 2014, par la sixième chambre de la Cour Administrative d’Appel de Versailles. Néanmoins, le maire de Nanterre et actuel président de EPADESA trouve difficile l’achèvement du projet. En effet, il reste jusqu'à ce jour inexplicable comment son chantier de quatre ans, qui doit s'installer au-dessus de la gare SNCF, pourra se dérouler en même temps que celui de la future gare Eole (RER E) qui doit venir se loger sous le CNIT261. Evidemment le retard et l’incertitude autour l’achèvement de la tour « Phare » a aussi affectée l’aménagement du boulevard circulaire dans cet emplacement.

Si l’achèvement de certains projets de la requalification du boulevard circulaire Nord est incertain, ceci est aussi le cas pour l’ensemble de la requalification du boulevard circulaire Sud. L’étude opérationnelle de ce programme fut confiée à l’agence d’architecture Castro/Denissof/Casi et aux bureaux d’études Coteba et Ingerop262. Ce projet conduisit également à requalifier les terrains situés aux abords du boulevard, en dégageant des emprises constructibles destinées à l’animation de ce futur boulevard urbain (bureaux, commerces, activités, logements), notamment avec la mise à plat des échangeurs Rose de Cherbourg et Demi-Lune, ainsi que par la construction de nouveaux bâtiments le long de l’avenue Président-Wilson. L’ambition du projet s’incarna dans la nécessité de retrouver les codes urbains de la ville tout en mettant en valeur la monumentalité et l’insularité du quartier d’affaires. L’objectif de cette étude fut, au niveau métropolitain, de rechercher une urbanité plus adapte qui s’appuiera également sur le renforcement de l’identité parisienne du quartier, et notamment celle du grand axe historique qui devient l’élément structurant de ce projet urbain. Pour ce faire, le projet se fonda sur trois outils initiaux qui furent utilisés pour analyser les atouts du site et ses défauts :

260 Ibid., pp. 2-3 261 Le Parisien, 9 décembre 2014, « 92-Hauts-de-Seine : Les recours contre la tour Phare rejetés » 262 La Défense Seine-Arche, 29 août – 19 septembre 2010, op. cit., pp. 2-4

Page 141: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[133]

1. le ciel : rechercher les perspectives visuelles, 2. la terre : retrouver les rapports au sol naturel, 3. l’eau : retracer des rapports à la Seine.

Le développement futur du quartier s’appuya sur cette recherche de perméabilité avec les bords, en systématisant la méthode qui consista à rechercher des ouvertures et des liaisons. Il s’agit de créer ou de renforcer les perspectives visuelles et les circulations piétonnes afin de résoudre la question de l’accès à la dalle. De la même manière, la mutation du front de Seine fut envisagée d’une manière afin de permettre le dégagement des visuels et des liaisons piétonnes vers la Seine. Le rapport entre Puteaux et La Défense fut travaillé par la mise à plat du boulevard circulaire et sa transformation en voie urbaine enrichie d’un mail propice à une promenade jusqu’à la Seine. Une série de trois séquences urbaines (Pont de Neuilly, Rose de Cherbourg, Demi-Lune) fut envisagée, proposant une succession de lieux différenciés (entrée de quartier avec une station de tramway, mails, jardins, places) qui auraient créé la surprise et l’envie de s’y promener. L’espace de liaison (la terre) entre le centre ville de Puteaux et la dalle est apaisé et rendu attractif. Les espaces verts auraient dû dessiner une trame vers la Seine et répondu à des fonctions variées. Notamment :

• accompagner la liaison entre Puteaux et La Défense, • dégager des respirations sur le boulevard circulaire transformé en

boulevard urbain, • contribuer à magnifier la grande échelle d’un quartier de tours, • créer des lieux aux usages plus intimes.

Le projet définit un quartier ouvert et rayonnant, à l’échelle du Grand Paris, présentant des potentialités d’attractivité renouvelées. Un projet assorti de nouveaux programmes susceptibles d’apporter des éléments d’animation à destination de l’ensemble des publics du quartier, à tous les moments du jour et de la nuit, la semaine et le week-end afin d’en faire un quartier accueillant comme lieu de promenade et de loisirs répondant aux codes de la ville et séduisant à l’échelle de la métropole.

Image 57 : Plan-masse de la proposition originale pour l’aménagement du boulevard

circulaire Sud

EPAD ; Ville de Puteaux, 29 avril 2009

Page 142: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[134]

Après la concertation qui eut lieu en avril 2009 le projet fut essentiellement amputée en ce qui concerne sa part Est. On pourrait assumer que ce choix fut fait en raison des coûts et des difficultés élevées qui auraient signifié l’aplatissement du boulevard circulaire Sud dans toute sa longueur, ainsi que par le manque apparent de terrains à libérer. En tout cas, cela signifia que les carrefours Jean Moulin, Gallieni et Bellini resteront à leur état actuel d’échangeur, ainsi que les liaisons transversales entre La Défense et Puteaux continueront à se faire à travers des passerelles et des passages souterrains. Seulement l’aménagement des échangeurs Demi-Lune et Rose de Cherbourg, ainsi que l’aménagement de l’avenue Président-Wilson, figurèrent dans les communications du projet après la reprise du projet par l’EPADESA. Notamment, en ce qui concerne l’échangeur de la Rose de Cherbourg, la destruction de ses bretelles fut propagée afin de réaménager les circulations automobiles de l’échangeur et l’espace urbain de part et d’autre du boulevard pour offrir plus d’urbanité et de convivialité. Ce travail particulier sur l’échangeur de Cherbourg fut proposé afin d’obtenir une réorganisation des échanges et permettre une réduction importante de l’espace dédié à l’automobile et une simplification du carrefour. Les résultats de ce choix auraient été une réduction significative des nuisances pour les riverains et les usagers du quartier ainsi qu’une sécurisation des circulations douces. En outre, l’avenue du Président-Wilson aurait pu être doublée d’un mail largement planté permettant la circulation des piétons et des vélos entre Puteaux et La Défense. Profitant de la topographie du lieu, ce mail aurait permis un cheminement sans rupture entre la ville et la dalle centrale de La Défense263. Solidaires à cet aménagement de l’avenue du Président-Wilson, des nouveaux immeubles auraient pu prendre place de part et d’autre de l’avenue et en bordure du centre commercial des 4 temps. Ces bâtiments, vraisemblablement de grande hauteur, auraient pu être conçus selon une composition d’ensemble cohérente définie par l’aménageur dans le respect des constructions existantes264. Enfin, en ce qui concerne l’aménagement de l’échangeur de la Demi-Lune en un carrefour avec une large place couvrant l’échangeur à trois niveaux existant, il fut lié au projet architectural de la tour « Signal » de Jean Nouvel, retenu par l’EPAD le 27 mai 2008 après une consultation architecturale.

Le projet de la tour « Signal » pourtant ne verra jamais le jour de son achèvement, ou même de son commencement. Joëlle Ceccaldi-Raynaud, maire de Puteaux à l’époque, ville sur laquelle la tour « Signal » aurait dû être construite se mit contraire au projet depuis son annonce. Elle décrivit le projet comme « donjon » et parla d’un « retour au Moyen Age » comparant Nouvel à un « nouveau Le Corbusier ». Rejetant l’esthétique proposée, elle ajouta que « sa tour n’est qu’un monolithe qui écrase tout ». Outre à l’esthétique du projet, la maire de Puteaux remit aussi en cause son contenu en disant que « Je ne constate aucune mixité sociale dans ce projet Nouvel. Les logements sont au plus haut de la tour, situés à plus de 200 mètres! Où sont les logements sociaux, si on veut parler en vérité de mixité sociale ? »265. Mais si le projet put 263 EPAD ; Ville de Puteaux, 29 avril 2009, op. cit., p. 14 264 Ibid., p. 13 265 Edelmann, F., 30 mai 2008, « La tour de Nouvel à la Défense déjà menacée », Le Monde, « Culture »

Page 143: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[135]

échapper les menaces de Ceccaldi-Raynaud, la crise financière de 2008, obligea les deux investisseurs Medea et Layatena, qui à l’époque furent soumis à des difficultés financières, de renoncer au financement de la tour. Durant de longs mois Nouvel affirma que son projet ne fut pas remis en cause, mais il finit par renoncer à construire son œuvre en mars 2010, d’autant plus que le délai contractuellement imparti pour la signature de la promesse de vente des droits à construire expira266. Cela signifia automatiquement la disparition du projet d’aménagement de l’échangeur de la Demi-Lune qui reste à ciel ouvert avec ses 3 niveaux de bretelles et de voies jusqu'à nos jours. Seule la construction de l’Immeuble Basalte en 2013 couvre sa partie Ouest.

Deux ans et demi passées après l’abandon du projet de la tour « Signal » et de l’aménagement de l’échangeur de la Demi-Lune, l’EPADESA décida de reprendre le projet de requalification du boulevard circulaire Sud. Après l’approbation du PLU de Puteaux intégrant différentes demandes en février 2012, un diagnostic en marchant avec les habitants du site organisé par DEFACTO en mars 2012, ainsi qu’une étude plan guide par DEFACTO parallèlement de l’étude de faisabilité par l’EPADESA, menées durant toute l’année 2012, le souhait de libérer des emprises foncières mena à la concertation du projet d’aménagement de la Rose de Cherbourg le 29 octobre 2012. Il fut constaté que le site est indissociable de la présence du grand échangeur autoroutier de la rose de Cherbourg qui se trouve au cœur de toute stratégie de réaménagement dans ce secteur. En outre, il fut constaté qu’avec sa position et ses procédés techniques, cette infrastructure génère de nombreuses contraintes techniques267. Les principaux objectifs du projet identifiés furent les suivants268 :

• faire le lien urbain entre la dalle et la ville de Puteaux, • tisser une continuité d’espaces publics de qualité entre l’esplanade, le

parvis de La Défense, le quartier Boieldieu et l’axe RN1013 (avenue du Président-Wilson),

• dédier le boulevard circulaire aux usages des automobilistes, des cyclistes, des piétons,

• créer une mixité urbaine par la réalisation de logements, de bureaux et de services,

• réfléchir à une couverture des voies ferrées entre le viaduc du boulevard circulaire et le pont de la rue Sadi Carnot, au droit de la crèche de la rue Lavoisier

Pour ce faire, après la réalisation d’une esquisse des espaces publics et d’une étude d’impact, les axes synthétiques du projet urbain furent concrétisés en une deuxième concertation en octobre 2014 comme suivant269 :

• composer avec les infrastructures routières existantes, 266 Le Monde, 19 mars 2010, « Faute d'argent, Jean Nouvel ne construira pas la tour Signal à la Défense » 267 EPADESA, octobre 2014, Rose de Cherbourg : La Défense – Puteaux, Guide de lecture et de synthèse de l’étude d’impact, p. 18 268 EPADESA, 3 juillet 2012, op. cit., p. 40 269 EPADESA, octobre 2014, op. cit., pp. 6-13

Page 144: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[136]

• créer une promenade plantée sur le boulevard circulaire, où la circulation automobile sera réduite pour laisser la place aux modes doux (piétons, vélos) en conservant le viaduc comme élément du patrimoine et en le transformant en un jardin suspendu ouvert aux piétons, à l’image de la promenade plantée Daumesnil à Paris,

• articuler une place centrale en réduisant la place de la voirie par 40% où la circulation sera apaisée et la vitesse baissée à 50 km/h et établir un nouveau plan de circulation à étudier finement pour éviter les problèmes de congestion et préserver la tranquillité des rues résidentielles (en particulier Louis Pouey et Lavoisier),

• faciliter les traversées piétonnes de l’avenue, notamment pour les personnes à mobilité réduite en réglant le problème de sécurité routière et proposer des services tels que Vélib’, parking vélos, autolib’,

• créer une tour de programme mixte, la tour « Hekla » de 220 mètres de hauteur, venant accueillir des bureaux et des résidences étudiantes et prévoir des commerces et des services à destination des habitants et des usagers du quartier au rez-de-chaussée,

• accorder une attention particulière au traitement des recoins et espaces aujourd’hui délaissés en utilisant les espaces aujourd’hui sans fonction (pelouses, espaces sous le viaduc), en réglant les problèmes de l’éclairage public, de la lisibilité, de la sécurité, et du confort, et en améliorant la biodiversité par la diversification de la palette végétale,

• créer un nouveau parc aménagé au pied des habitations existantes, ainsi qu’une rampe d’accès dans le quartier Boieldieu pour améliorer les cheminements vers la dalle de La Défense

• proposer des commerces et des services de proximité qui seront un facteur d’animation du quartier durant la semaine et le week-end.

Image 58 : Plan détaillé des espaces publics du projet d’aménagement de la Rose de

Cherbourg

EPADESA, octobre 2014

Page 145: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[137]

La conservation du viaduc pour des raisons économiques et écologiques mit fin au projet solidaire de l’aménagement de l’avenue du Président-Wilson, prévu par le plan original d’aménagement du boulevard circulaire Sud. Le début des travaux des espaces publics et des projets immobiliers du projet actuel de la Rose de Cherbourg est prévu pour l’année 2016. Des travaux préparatoires sont en cours aujourd’hui et le viaduc qui sera transformé en promenade plantée est désormais fermé à la circulation routière. La livraison des espaces publics et des projets immobiliers est prévu par phases de 2016 à l’horizon 2018270. Mais si ce projet semble mature et assez concret, il est loin de faire l'unanimité parmi les équipes d’architectes et de paysagistes, ainsi que les riverains de Puteaux. Tout d’abord, la reconfiguration des espaces publics en utilisant les infrastructures routières existantes du boulevard circulaire et de ses viaducs s’avère extrêmement difficile à cause de l’extrêmement différente logique topographique du système autoroutier et du system urbain. En outre, la nécessité de bâtir une tour au milieu de l’échangeur et en rapport directe au nouveau carrefour routier/piéton, afin de financer l’opération extrêmement coûteuse, génère les réactions d’un group d’habitants de Puteaux qui craignent que le nouveau bâtiment coupera le lien entre le quartier d'affaires et les zones résidentielles avoisinantes271. On peut donc facilement imaginer que si cette tour, aussi assignée à l’agence de Jean Nouvel, est annulée, alors l’ensemble du projet de la Rose de Cherbourg sera abandonné, mettant une fin à la requalification ambitieuse envisagée du boulevard circulaire Sud.

Image 59 : Vue tridimensionnelles de la bretelle réaménagée en promenade verte, octobre

2014

EPADESA, octobre 2014

270 Ibid., p. 15 271 Grébert, C., « La Défense : les incertitudes du réaménagement de la « Rose de Cherbourg » à Puteaux », MonPuteaux.com (Puteaux 92800) [En ligne] mis en ligne le 11 juin 2013, consulté le 20 mars 2015. URL : http://www.monputeaux.com/2013/06/rose-de-cherbourg-incertitudes.html

Page 146: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[138]

2.2.2. Les projets d’aménagement des franges s’appuyant au projet de la requalification du boulevard circulaire

Outre au projet de la requalification du boulevard circulaire, on pourrait identifier 3 projets qui lui sont solidaires, et qui de leur part concernent les franges de La Défense. On a déjà expliqué comment La Défense fut aménagée durant les années 1960-1970 selon les préceptes de la Charte d’Athènes, tout en assurant la séparation des flux de personnes et de marchandises. Cela ne concerna pas seulement la dalle, l’A14 et le boulevard circulaire, mais aussi les voies menant au dessous de la dalle où sont regroupées les infrastructures de transport public, les parkings, les zones techniques et les rues couvertes, ces dernières étant destinées à l’acheminement de marchandises, au trafic de voitures, de bus et de taxis et à l’accès des pompiers. D’une longueur totale de 6 kilomètres, les 14 voies couvertes et solidaires à l’autoroute et au boulevard circulaire, elles sont d’un caractère qui reste encore aujourd’hui monofonctionnel. Définies comme indispensables au fonctionnement du quartier d’affaires, elles sont actuellement modernisés par la Direction des routes d’Ile de France (DRIEA). L’objectif de ce projet est de les aménager afin de répondre à la nouvelle réglementation relative à la sécurité des tunnels routiers, avec le développement de systèmes de surveillance, alerte et sécurité. Les principales composantes de ce projet tout particulièrement complexe dans sa conception et son phasage et nécessitant des études à la pointe des connaissances scientifiques et techniques ne comprirent pourtant aucune approche urbanistique. Elle s’occupa surtout avec une limitation des dangers liés au trafic routier spécialisé, en rationnalisant les pratiques en matière de livraison de marchandises par la limitation de l’accès des véhicules les plus lourds, lesquels présentèrent les risques les plus importants. Le projet a débuté en 2010 et s’achèvera fin 2016. Enfin, la stratégie développée s’occupa seulement avec l’amélioration du fonctionnement de ces voies comme éléments techniques, les traitant exactement comme ils furent dessinés à l’origine de l’opération aux années 1960, et non comme des éléments structuraux de la topographie de La Défense272.

Un projet, plus ambitieux cette fois, qui se trouva en continuation du projet des « Terrasses de Nanterre », conçu en 2001 par l’EPASA, fut celui des « Jardins de l’Arche »273. Ce projet qui est mené actuellement par l’EPADESA visa à :

• établir les continuités entre la dalle de La Défense et les Terrasses de Nanterre,

• offrir aux usagers un nouvel espace animé et sécurisé • réguler les flux piétons, lors des évènements se déroulant dans l’Aréna

Nanterre – La Défense, vers les stations de transports en commun de La Défense,

• préserver les jardins existants et la Jetée.

272 EPADESA, 3 juillet 2012, op. cit., p. 41 273 Ibid., pp. 49-51

Page 147: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[139]

Le projet qui se situera entre plusieurs quartiers, notamment La Défense à l’Est, les Groues et le Faubourg-de-l’Arche au Nord, le parc André Malraux au Sud et les Terrasses qui prolongent l’axe historique jusqu’à la Seine, à l’Ouest visa à créer un pôle dynamique et structurant qui assurera une liaison directe entre La Défense et les Terrasses de Nanterre. Entre 2012 et 2014, il fut prévu de construire les espaces publics, les logements, un hôtel et d’équipements tel que l’Aréna Nanterre – La Défense, ainsi que de commerces. L’enjeu sur ce secteur fut considéré d’une grande importance comme il s’agit d’ouvrir La Défense et Nanterre l’un vers l’autre, de faciliter les déplacements et les rencontres. L’aménagement des espaces publics dont l’EPADESA devint maître d’ouvrage dépendirent de la construction de l’Aréna Nanterre – La Défense, qui fut dessinée par Christian de Portzamparc. En effet, les recettes de la vente du terrain du stade par l’EPADESA à Stadôme furent consacrées au financement des aménagements et des espaces publics des Jardins de l’Arche. Cependant, en septembre 2012, le chantier fut bloqué par un recours engagé par l’association de riverains GAP (Groupe d'action et de proposition pour l'aménagement de Nanterre). Celle-ci, évoquant les nuisances sonores des milliers de spectateurs qui à la sortie des concerts auraient traversé à pied des zones d'habitation pour regagner les parkings et les gares (SNCF, RER et métro) de La Défense empêchèrent la construction du bâtiment, et consécutivement le progrès du projet d’aménagement274. Après un accord avec les riverains, l’acte de vente fut signé le 2 décembre 2013 et les travaux redémarrèrent à l’horizon 2016275. Le terrain sur lequel s’installeront les Jardins de l’Arche est donc soumis aux suivantes contraintes importantes :

• le passage des infrastructures en sous-sol et notamment l’autoroute A14, la ligne 1 du métro et le RER A,

• la présence de l’Arche de La Défense, de la Jetée et des jardins, impliquant une adaptation toute particulière par le respect des œuvres ayant une valeur patrimoniale.

La promenade, lien fédérateur entre Nanterre et La Défense fut dessinée d’une promenade longue de 600 mètres qui rattrapera le dénivelé de 13 mètres entre l’Arche de La Défense et le boulevard Aimé Césaire. Toute la complexité de cet aménagement résida dans la réalisation d’une promenade longue de 600 mètres qui part du boulevard Aimé Césaire jusqu’au pied de l’Arche avec une pente de moins de 4% sans aucune marche. Cette promenade permettra d’assurer les transitions de niveaux entre les Terrasses et la dalle de La Défense. Des kiosques et des pavillons sont prévus afin d’animer l’espace public et le complexe du parvis et de la promenade furent pensés pour accueillir les spectacles de l’Aréna. Les objectifs précis du projet en cours de construction sont les suivants :

• orienter les flux de spectateurs lors des évènements vers la gare de La Défense pour préserver la tranquillité du quartier du Parc,

• mixer les activités : commerces, équipements, services,

274 Le Parisien, 11 septembre 2012, « L’Aréna toujours bloquée par un recours » 275 Le Figaro, 10 juillet 2013, « L’Aréna 92, le futur stade de La Défense, sera terminé fin 2016 »

Page 148: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[140]

• animer et sécuriser ce nouveau passage à l’aide de kiosques et de pavillons,

• animer le quartier toute la journée, en semaine et le week-end, • fonctionner à la fois en mode «événementiel» et sur un mode quotidien,

hors manifestation dans l’Aréna Nanterre – La Défense.

Image 60 : Vue tridimensionnelle du projet d’aménagement des Jardins de l’Arche

EPADESA, 3 juillet 2012

Le troisième projet qui fut aussi considéré être important et emblématique, fut celui du réaménagement du Pont de Neuilly. Le franchissement de la Seine via l’Île de Puteaux est aujourd’hui un moment singulier dans le paysage de l’axe majeur. Cependant, il est beaucoup plus facile et agréable à l’appréhender en voiture ou en métro, car la traversée à pied relève du parcours du combattant. L’attrait du site est aujourd’hui réduit par le caractère routier des infrastructures et les nuisances qui l’accompagnent. Les continuités piétonnes existantes établissent un lien entre les deux rives seulement à travers des passerelles ou des escalators pour gagner la dalle de La Défense, après avoir traversé à côté de l’autoroute le pont de Neuilly et ensuite franchi les échangeurs de la RD7 en tête de pont côté Neuilly. L’emprise axiale du métro sur le pont rend impossible une traversée nord sud à niveau. En outre, les liaisons entre l’axe majeur et les berges de Seine ne sont possibles qu’au droit de l’Île, où elles sont aménagées pour la promenade. Enfin, la couverture de la dalle de La Défense, surélevée et en cul-de-sac par rapport au pont, semble de poser une rupture à la continuité de l’axe et de La Défense.

Dans le cadre des réflexions « Axe Majeur » menées par la Ville de Neuilly-sur-Seine, quatre équipes d’architectes proposèrent leur vision du site. Elles

Page 149: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[141]

confortèrent la nécessité d’une liaison piétonne continue et confortable en proposant une passerelle au-dessus des infrastructures routières ou sur les côtés. En effet, seulement en créant des passerelles le prolongement est possible, étant donné que les autres liaisons piétonnes ne sont pas plus favorables. Les passerelles envisagées auraient déroulé au dessus de la voie du métro offrant une continuité piétonne et cyclable entre le Pont de Neuilly et l'Esplanade de La Défense. Cette traversée sans rupture de niveau ni entrave aurait pu être la première étape d'un projet ambitieux de reconquête des berges et d'ouverture de l'Esplanade sur l'Île de Puteaux276. Les liaisons furent aussi associées à une mutation foncière de la tête de pont à Neuilly et de l’Île de Puteaux. Les transitions proposées entre les deux échelles de hauteur entre Neuilly et La Défense ne furent pourtant pas sans impacts dans le paysage, surtout en ce qui concerna l’implantation de nouvelles constructions sur l’île. Dans le même temps, sur la rive gauche, le projet des tours Hermitage Plaza à La Défense, côté Courbevoie, au Nord de l’axe, modifia le paysage urbain aux abords du Pont de Neuilly mais aussi, localement, le rapport de La Défense à la Seine. Etant aussi plus favorable à être financé et plus ambitieux en niveau architectural, le projet d’« Hermitage Plaza » fut enfin le seul projet concernant les berges de La Seine à être retenu. En effet, les contraintes techniques et fonctionnelles des infrastructures et des ouvrages nécessaires pour la liaison La Défense – Neuilly constituèrent des éléments de base pour un cahier des charges. Pourtant, celles-ci montrèrent que le pont ne parut pas pouvoir accepter de nouvelles surcharges et dont le projet fut abandonné silencieusement en 2012277.

Image 61 : Vue tridimensionnelle du projet de liaison La Défense-Neuilly et du projet des

tours « Hermitage Plaza »

Ville de Neuilly, 2012 276 La Défense Seine-Arche, mars 2012, Réflexions pour un territoire : Vers un projet stratégique et opérationnel, p. 8 277 Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), Mars 2012, Étoile – La Défense, un axe majeur métropolitain : Diagnostic et enjeux urbains, p. 47

Page 150: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[142]

CONCLUSION

Cette recherche a essayé de démontrer que la planification de La Défense est un processus long et non-linéaire, marqué d’une part par une continuité, mais d’autre part par de nombreux moments de rupture. Il devient évident que l’opération moderniste de La Défense, conçue et exécutée durant les Trente Glorieuses, a marqué la topographie de ce territoire. La culpabilisation pourtant de l’urbanisme de dalle et de la logique autoroutière du boulevard circulaire, comme des résultats prédéfinis de la conception de La Défense, ainsi que comme des raisons singulières pour la présence des franges, est égal à un aveuglement par rapport à l’histoire, le présent, et peut-être le futur du site.

D’un côté, si on accepte cette opinion, cela signifierait que les franges périphériques de La Défense, ainsi que les problèmes liés à elles, datent de la période du modernisme. On a prouvé pourtant que ce n’est pas le cas de La Défense. Durant toutes les périodes évoquées, il y existait des lieux « privilégiés » et des lieux « condamnés » topographiquement. Le conflit entre les architectes et les ingénieurs de voirie a sûrement marqué la période de conception et d’exécution de l’opération de La Défense, mais le développement du concept de la dalle, ainsi que du caractère autoroutier du boulevard circulaire, étaient les résultats d’un processus long, évolutif et conciliatoire, qui ne comprenait pas à son début une dalle totale et une rocade autoroutière. D’autre côté, l’implémentation de la dalle totale et du boulevard circulaire ont aussi été surtout le résultat d’un effort de solutionner des problèmes qui dépassaient largement les idéologies des concepteurs et qui étaient générés par les conditions et les exigences sociales et politiques de l’époque. En outre, la conception et la construction de ces deux ouvrages ont nécessité une prise en compte des systèmes topographiques sur lesquels venaient s’imposer. Leur dessin et leur configuration démontrent, même aujourd’hui, que les règles topographiques préexistantes ont obligé les concepteurs à prendre en compte la topographie du lieu, même s’il s’agissait de la prendre en compte comme une contrainte. On peut donc évoquer que même les projets les plus contestés de la période la plus contestée de La Défense ont été conçus avec une considération topographique et pas du tout extraterritoriale.

Ayant prouvé antérieurement que le modernisme n’est pas le seul à être culpabilisé pour l’existence des franges de La Défense, on peut évoquer que le problème des franges semble d’être généré surtout par le manque d’un compromis holistique, or par l’application de certaines solutions avec une approche unilatérale. S’il faut donc culpabiliser la dalle et le boulevard circulaire pour quelque raison, cela devrait être parce que ces deux systèmes ont apporté la solution à des problèmes précis et dans des parties précises du territoire. Le

Page 151: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[143]

manque d’un processus holistique de considération des autres questions et des autres parties du territoire semble d’être la raison des problèmes topographiques de La Défense. Cependant, cela n’est pas une caractéristique seulement de la dalle et du boulevard circulaire. En effet, la plupart des opérations conçues et exécutées jusqu’aux années 1990 ne prenaient pas en compte un important nombre de facteurs topographiques, outre aux facteurs qui étaient considérés comme contraintes nécessaires à tenir en compte. Cet aveuglement par rapport à certaines questions et aspects topographiques n’est pas une originalité de La Défense. On a stressé la liaison idéologique et opérationnelle de La Défense avec des projets construits à Paris et autour le monde qu’ont tenté de fournir des solutions semblables à des problèmes semblables à ces rencontrés à La Défense. Si on peut distinguer l’opération de La Défense par le reste des projets comparables à elle, c’est à cause de la largeur du site et de la multitude des questions à résoudre simultanément. En recherchant plus au fond les débats, les idées, les solutions, ainsi que les problèmes rencontrés et causés à La Défense, on arrive à comprendre qu’ils sont de la même nature avec ces qu’on rencontre ailleurs. Donc, la construction de La Défense n’a pas été un événement étranger et singulier dans l’histoire de la région parisienne et de son urbanisme, mais une succession et une multitude d’événements distincts, qui peuvent être aussi identifiés ailleurs.

Enfin, à travers les approches adoptant une considération topographique holistique, comme la proposition de Hanning dans les années 1970 et les projets actuels de renouveau de La Défense, il est démontré que les problèmes liés avec l’existence de la dalle et de l’infrastructure routière lourde peuvent être solutionnés. Ce qui reste toujours difficile à résoudre jusqu’aujourd’hui dans La Défense et dans ses projets actuels qui tentent d’intervenir sur la zone des franges, est l’établissement des compromis nécessaires afin d’intervenir chaque fois dans le site en ayant adressé toutes les questions posées par les différents systèmes topographiques. On peut donc arriver à la conclusion que le problème de La Défense n’est pas une manière de planification et une période de décisions précise, mais la multitude de logiques différentes de planification et la multitude d’acteurs menant à des décisions contradictoires. Dans un site tellement large et important comme La Défense, il semble presque impossible d’arriver à établir un compromis absolu dans le futur. Cela signifie que La Défense nécessitera toujours des projets de rénovation/requalification de ses aspects topographiques et que la persistance de l’existence des franges continuera. Cependant, le fait que La Défense sera toujours un site en projet et en évolution constante n’est pas un signe de sa faillite, mais peut-être un signe de son succès continu, puisque les villes et les quartiers qui n’évoluent pas, meurent.

Page 152: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[144]

INDEX ET SOURCES DES IMAGES

Page 13 : Image 1 : La zone des franges de La Défense actuellement, IGN, Géoportail, élaborée par Tsiligiannis, A., 2015

Page 14 : Image 2 : Carte du relief de la zone de La Défense, 1958, Infothèque DEFACTO

Page 15 : Image 3 : La trame parcellaire et le système viaire de La Défense, 1931, Service Archives & Patrimoine des Hauts-de-Seine, élaborée par Tsiligiannis, A., 2015

Page 16 : Image 4 : Coupe schématique de la partie sud du boulevard circulaire, regardant du sud vers le nord, Elaborée par Tsiligiannis, A., 2015

Page 18 : Image 5 : Coupe schématique de la partie sud du boulevard circulaire, regardant de l’est vers l’ouest, Elaborée par Tsiligiannis, A., 2015

Page 18 : Image 6 : L’échangeur de la Demi-Lune durant le soir, Tsiligiannis, A., 2014, Archive personnel

Page 24 : Image 7 : La Carte Cassini montrant les Champs-Elysées et le Chemin du Cours, 1736, AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014

Page 25 : Image 8 : La Carte Militaire d’Étienne Collin montrant l’Étoile de Chantecoq, 1815, AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014

Page 27 : Image 9 : La Carte de l’État-Major montrant les lignes ferroviaires et l’urbanisation de la fin du 19e siècle, 1880, AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014

Page 29 : Image 10 : La Carte du Service Géographique de L’Armée montrant l’urbanisation du début du 20e siècle, 1902, AREP Ville, Pôle Études Urbaines, 2014

Page 30 : Image 11 : Vue aérienne de La Défense, 1921, IGN, Géoportail

Page 32 : Image 12 : « La Rue Actuelle », la « Rue Future » et la « Voie de Grande Circulation » d’Eugène Hénard, 1910, Hénard E., 1911

Page 34 : Image 13 : « La métropole de l’avenir » de Hugh Ferriss, 1922, Ferriss, H., 19 mars 1922

Page 35 : Image 14 : Maquette du « Plan Voisin » de Le Corbusier, 1925, Fondation Le Corbusier

Page 37 : Image 15 : Esquisses de Le Corbusier pour l’aménagement de la Porte Maillot, 1929, Fondation Le Corbusier

Page 153: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[145]

Page 37 : Image 16 : Perspective de Mallet-Stevens pour l’aménagement de la Porte Maillot, 1929, Fondation Le Corbusier

Page 38 : Image 17 : Plan du projet d’André Granet montrant un boulevard périphérique autour La Défense, 1933, IAU – Île-de-France

Page 40 : Image 18 : Vue aérienne de La Défense, 1949, IGN, Géoportail

Page 45 : Image 19 : Étude pour le bâtiment du CNIT de Camelot, de Mailly et Zehrfuss, 1953, Infothèque DEFACTO

Page 46 : Image 20 : Le plan-masse de La Défense, 1956, Infothèque DEFACTO

Page 47 : Image 21 : Vue aérienne de La Défense, 1960, IGN, Géoportail

Page 50 : Image 22 : La proposition de Louis Kahn pour un parking-silo, 1960, Museum of Modern Art, New York

Page 55 : Image 23 : Le plan-masse de La Défense, 1958, Infothèque DEFACTO

Page 56 : Image 24 : Étude de circulation pour La Défense, 1959, Infothèque DEFACTO

Page 57 : Image 25 : Le plan-masse de La Défense, 1959, Infothèque DEFACTO

Page 59 : Image 26 : Le plan-masse de La Défense, 1960, Infothèque DEFACTO

Page 61 : Image 27 : Le plan-masse de La Défense, 1963, Infothèque DEFACTO

Page 63 : Image 28 : Maquette du plan d’aménagement de La Défense, 1964, Archives Nationales

Page 65 : Image 29 : Vue aérienne de La Défense, 1965, IGN, Géoportail

Page 66 : Image 30 : L’« Îlot Aboukir » à Courbevoie, 1959 et 1969 respectivement, Archives Nationales

Page 67 : Image 31 : Le bidonville de « La Folie » à Nanterre, 1960, Archives Nationales

Page 71 : Image 32 : Le Barbican Estate à Londres actuellement, Tsiligiannis, A., 2015, Archive personnel

Page 73 : Image 33 : Étude de circulation pour La Défense, 1968, Service Archives DEFACTO

Page 154: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[146]

Page 75 : Image 34 : Maquette du plan d’aménagement de La Défense, 1972, Archives Nationales

Page 78 : Image 35 : Vue aérienne de La Défense, 1972, IGN, Géoportail

Page 79 : Image 36 : La Rose de Cherbourg en construction, 1969, Infothèque DEFACTO

Page 80 : Image 37 : Le Viaduc Gambetta en construction, 1970, Archives Nationales

Page 82 : Image 38 : Schéma montrant le progrès des expropriations, 1972, Archives Nationales

Page 86 : Image 39 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense de l’agence I. M. Pei, 1971, Archives Nationales

Page 88 : Image 40 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense d’Aillaud, 1971, Archives Nationales

Page 91 : Image 41 : Esquisse d’analyse de La Défense par Hanning, 15 décembre 1972, Archives Régionales d’Île de France

Page 93 : Image 42 : Plan-masse pour la Tête Défense par Hanning, 31 décembre 1972, Archives Régionales d’Île de France

Page 93 : Image 43 : Coupe axiale de la Tête Défense par Hanning, regardant du sud vers le nord, 31 décembre 1972, Archives Régionales d’Île de France

Page 94 : Image 44 : Vue aérienne de La Défense, 1978, IGN, Géoportail

Page 96 : Image 45 : L’article de Raymond Boix pour l’immeuble oublié, France Soir, 5 mai 1975

Page 100 : Image 46 : Le plan-masse de La Défense, 1982, Archives Nationales

Page 101 : Image 47 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense de Willerval, 1981, Service Archives & Patrimoine des Hauts-de-Seine

Page 103 : Image 48 : Maquette de la proposition pour la Tête Défense de Spreckelsen, 1983, Service Archives & Patrimoine des Hauts-de-Seine

Page 104 : Image 49 : Vue aérienne de La Défense, 1987, IGN, Géoportail

Page 109 : Image 50 : Vue tridimensionnelle des Terrasses de Nanterre, Revue PCM – Le pont, juin-juillet 2003

Page 110 : Image 51 : Le plan-masse du Faubourg-de-l’Arche, Le Parisien, 18 septembre 2006

Page 112 : Image 52 : Vue actuelle de la tour « Dexia » et de sa passerelle franchissant le boulevard circulaire, Tsiligiannis, A., 2015, Archive personnel

Page 155: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[147]

Page 114 : Image 53 : Vue aérienne de La Défense, 2002, IGN, Géoportail

Page 120 : Image 54 : Le Plan du Schéma Directeur de Renouveau de La Défense, EPAD, décembre 2006

Page 127 : Image 55 : Le Plan Guide des Espaces Publics de La Défense, AWP, 2013

Page 130 : Image 56 : Vues tridimensionnelles des abords aménagés du boulevard circulaire Nord, La Défense Seine-Arche, 20 juin – 25 juillet 2012

Page 133 : Image 57 : Plan-masse de la proposition originale pour l’aménagement du boulevard circulaire Sud, EPAD ; Ville de Puteaux, 29 avril 2009

Page 136 : Image 58 : Plan détaillé des espaces publics du projet d’aménagement de la Rose de Cherbourg, EPADESA, octobre 2014

Page 136 : Image 59 : Vue tridimensionnelles de la bretelle réaménagée en promenade verte, EPADESA, octobre 2014

Page 140 : Image 60 : Vue tridimensionnelle du projet d’aménagement des Jardins de l’Arche, EPADESA, 3 juillet 2012

Page 141 : Image 61 : Vue tridimensionnelle du projet de liaison La Défense-Neuilly et du projet des tours « Hermitage Plaza », Ville de Neuilly, 2012

Page 156: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[148]

BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages

Alexander, C., 1977, A Pattern Language, New York & London, Oxford University Press

Alexander, C. ; Neis, H. ; Anninou, A. ; King, I., 1987, A New Theory of Urban Design, New York, Oxford University Press

Alexander, C. ; Thackara J., 1988, Design After Modernism: A City is not a Tree, London, Thames and Hudson

Alexiou, A. S., 2006, Jane Jacobs: Urban Visionary, New Brunswick and London, Rutgers University Press

Arriola A. ; Fiol C., 2012, Topographical Architecture : Barcelona 1987-2012, Barcelona, Actar

Augé, M., 1992, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil

Benevolo, L. 1976, Le origini dell’urbanistica moderna, Roma-Bari, Editori Laterza

Buchanan, C., 1963, Traffic in Towns, London, Penguin Books

Castells, M., 2009, The Rise of the Network Society: The Information Age: Economy, Society, and Culture, Hoboken, Wiley-Blackwell

Castex, P., 2010, Trente Glorieuses, trente années de plomb, Grande crise et « changement d’ère » : Macrocomptabilité de la France 1949-2008, Paris, Éditions L’Harmattan

Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, La Défense : Un atlas, Paris, Éditions Parenthèses

Chabard, P. ; Picon-Lefebvre, V., 2012, La Défense : Un dictionnaire, Paris, Éditions Parenthèses

Chaslin, F. ; Picon-Lefebvre, V., 1990, La Grande Arche de la Défense, Electa Moniteur, Milan et Paris

Cohen, E., 1999, Paris dans l’imaginaire national dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne

Cuito, A., 2003, Antonio Sant’Elia, Berlin, TeNeues collection « Archipockets »

Page 157: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[149]

De Moncan, P., 2009, Le Paris d’Haussmann, Paris, Éditions du Mécène

De Senneville, G., 1992, La Défense, le pouvoir et l'argent, Paris, Editions Albin Michel

Demeyer, P., 1988, La Défense : 30 ans, 30 événements, La Défense, ÉPAD

Ferriss, H., 1929, The Metropolis of Tomorrow, New York, Dover

Gehl, J., 1987, Life Between Buildings, New York, Van Nostrand Reinhold

Goodall, B., 1987, Dictionary of Human Geography, London, Penguin

Graham, S. ; Marvin, S., 2001, Splintering Urbanism: Networked Infrastructures, Technological Mobilities and the Urban Condition, London, Routledge

Hall, P., 1996, Cities of Tomorrow, Oxford, BlackWell

Hénard, E., 1982, Études sur les transformations de Paris et autres écrits sur l’urbanisme, Paris, Éditions L’Équerre

Hillier, B., 1996, Space is the Machine, Cambridge, Cambridge University Press

Howard, E., 1902, Garden Cities of To-morrow, London, S. Sonnenschein & Co

Kopp, A., 1970, Town and Revolution: Soviet Architecture and City Planning, 1917-1935, London, George Braziller

Le Corbusier, 1957, La Charte d’Athènes, Paris, Éditions de Minuit

Lefebvre, V., 2003, Paris - Ville moderne : Maine-Montparnasse et La Défense 1950-1975, Paris, Norma

Lippmann, W., 1938, La Cité libre, Paris, Éditions de Médicis

Lynch, K., 1960, The Image of the City, Cambridge & London, The MIT Press

Milza, P., 2006, Napoléon III, Paris, Perrin collection « Tempus »

Mongin, O., 2005, La condition urbaine : La ville à l’heure de la mondialisation, Paris, Le Seuil

Norberg-Schulz, C., 2009, Genius Loci : L’Esprit du Lieu, Athènes, Presses Universitaires de l’Université Nationale Polytechnique d’Athènes

Pedretti, C., 1988, Leonardo Architetto, Milano, Mondadori Electa

Pinson, G., 2009, Gouverner la ville par projet : Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Paris, Les Presses de Sciences Po

Roncayolo, M., 2007, Territoires en partage, Editions Parenthèses

Page 158: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[150]

Sarigiannis, G. M., 2000, Athènes 1830-2000 : Evolution-Urbanisme-Transports, Athènes, Éditions Symmetria

Sassen, S., 1991, The Global City : New York, London, Tokyo, Princeton, Princeton University Press

Sayad, A. ; Dupuy, E, 1995, Un Nanterre algérien, terre de bidonville, Paris, éditions Autrement

Texier, S., 2011, Les architectes de La Défense, Paris, Dominique Carré éditeur

Tricoire, J., 2007, Le tramway à Paris et en Île-de-France, La Vie du Rail

Trip, J. J., 2007, What makes a city? Meaning for “quality of place”: The case of high speed train station redevelopment, Delft, Delft Centre for Sustainable Urban Areas

Tschumi, B., 1994, Event-Cities, Cambridge, The MIT Press

Veltz, P., 1996, Mondialisation, villes et territoires : l'économie d'archipel, Paris, PUF

Veltz, P., 2013, Paris, France, Monde : Repenser l’économie par le territoire, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube

Venturi, R., 1966, Complexity and Contradiction in Architecture, New York, Museum of Modern Art

Weill, G., 1983, La perspective de La Défense dans l’art et l’histoire, Nanterre, Archives Départementales des Hauts-de-Seine

Whyte, W. H., 1980, The Social Life of Small Urban Spaces, Washington D.C., Conservation Foundation

Yon, J.-C., 2009, Le Second Empire : Politique, société, culture, Paris, Éditions Armand Colin

II. Articles

Albert, M.-C., 9 janvier 2003, « Floraison de gratte-ciel à la Défense : Quatre chantiers commencent et un projet s'esquisse pour des réalisations s'échelonnant entre 2004 et 2006 », Le Figaro

Bergeron, C., 19 septembre 1977, « La parole est à La Défense », Le Point

Page 159: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[151]

Biétry-Rivierre, E., 7 septembre 2001, « Une consultation publique va être lancée pour un aménagement vert du boulevard circulaire : Ultimes constructions à la Défense », Le Figaro

Boix, R., 5 mai 1975, « L'immeuble oublié au milieu des tours est encerclé par une autostrade », France Soir

Branche, P., 17 juillet 1975, « Pas d’immeuble-miroirs : Encore un « new look » pour La Défense », Le Figaro

Business Week, 7 juillet 1970, « A gallic answer to urban congestion »

Calen, M., juin-juillet 2003, « Projet Seine Arche : entre le local et le métropolitain, un enjeu du développement durable », Revue PCM – Le pont, No 6, 101e année

Caves, R. E., juillet 1981, « Intra-Industry Trade and Market Structure in the Industrial Countries », Oxford Economic Papers: New Series , No 33

Cazaux, M., 16 octobre 1978, « L’avenir du quartier de La Défenses en question », Le Figaro, « Économie – Social »

Damon, J., 2004, « Mal-logement, bidonvilles et habitat indigne en France », Recherches et Prévisions, n° 76

Démoriane, H., 25 septembre 1972, « Le ciel sous l'Arche », Le Point, No 1

Edelmann, F., 30 mai 2008, « La tour de Nouvel à la Défense déjà menacée », Le Monde, « Culture »

Engineering News Record, 19 juin 1969, « An enormous project »

Fitzpatrick, D., May 21, 2000, « The Story of Urban Renewal », Pittsburgh Post-Gazette

Ganeshan, R. ; Harrison, T. P., 1995, « An introduction to supply chain management », Department of Management Science and Information Systems, No 5

Gillet, G., 15 janvier 1972, « De l’Arc de Triomphe à La Défense : Protéger une perspective unique au Monde », Le Figaro

Gray, C., 20 mai 2001, « Streetscapes/'The Destruction of Penn Station'; A 1960's Protest That Tried to Save a Piece of the Past », The New York Times

Guéry, C., 12 décembre 1978, « 300 000 m2 de bureaux vont être construits : La revanche de La Défense », Le Figaro

Heimer, M., 1 juillet 1967, « Huit mois d’enquête pour venir à bout des secrets du Paris futur », Paris Match, No 951, « Exclusif : Paris dans 20 ans »

Page 160: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[152]

Klein, J., automne 2007, « La Grande Arche de La Défense : de sa création à l’installation du ministère », « Pour mémoire », la revue du Comité d’histoire du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, No 3

Lamarre, F., 21 septembre 2001, « La Défense s’achève et rajeunit », Les Echos, « Urbanisme »

Le Figaro, 28-29 avril 1973, « L’aménagement de la Place de La Défense : Les immeubles-miroirs d’Émile Aillaud sortent vainqueurs de la confrontation »

Le Figaro, 10 juillet 2013, « L’Aréna 92, le futur stade de La Défense, sera terminé fin 2016 »

Le Monde, 6 août 1974, « District parisien : L’aménagement de la colline de La Défense : Le projet est prêt, les promoteurs hésitent »

Le Monde, 22-23 janvier 1978, « En ses atouts, La Défense a doublé le cap de la crise »

Le Monde, 19 mars 2010, « Faute d'argent, Jean Nouvel ne construira pas la tour Signal à la Défense »

Le Parisien, 18 septembre 2006, « Le Faubourg-de-l'Arche a attiré 15 000 habitants »

Le Parisien, 11 septembre 2012, « L’Aréna toujours bloquée par un recours »

Le Parisien, 9 décembre 2014, « 92-Hauts-de-Seine : Les recours contre la tour Phare rejetés »

Les Echos, 6 septembre 1972, « Une réduction de la hauteur de trois tours à La Défense est préconisée par Giscard »

Les Echos, 7 septembre 2001, « Paris-La Défense met fin au règne de l'automobile », « Aménagement »

Lopez, R., février-mars 1957, « Visite aux USA – La leçon de Mies van der Rohe », L’Architecture d’Aujourd’hui, No 70

Martayan, E., avril 1991, « Contenir ou moderniser la capitale. Les propositions et débats des années cinquante », Les Annales de la recherche urbaine, n° 50, « La région Île-de-France Paris », Plan urbain, MELT

Mouchon, F., 31 octobre 2002, « Le nouveau visage du boulevard circulaire », Le Parisien

Mouchon, F., 18 novembre 2005, « La Défense version 2020 : L'événement », Le Parisien

Mylène, S., 4 décembre 2008, « Les métamorphoses de deux jumelles », L’Express

Page 161: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[153]

Rogerson, R. ; Boyle, M., 2000, « Property, politics and the neo-liberal revolution in urban Scotland », Progress in Planning, No 54

Plessis, A., janvier 1996, « Napoléon III : Un empereur socialiste ? », Magazine L’Histoire

Pompidou, G., 17 octobre 1972, « Propos sur l’art et l’architecture », Le Monde

Robert, M.-C., 4 octobre 1978, « 1 milliard pour sauver de la faillite le quartier de La Défenses », Le Monde, « Urbanisme »

Robert, M.-C., 18 octobre 1978, « La relance de l’opération de La Défense », Le Monde, « Urbanisme »

Sabbah, C., 11 juillet 2011, « Generali renonce à son projet de tour à La Défense », Les Echos

Sérafini, T., 11 mai 2000, « Nanterre récupère La Défense : L'aménagement du périmètre de 600 hectares était en panne depuis dix ans », Libération

Théolleyre, J.-M., 25 avril 1973, « District parisien : Un nouveau choix pour l’aménagement de la Place de La Défense », Le Monde

Trey, P., 21 juin 1967, « La rénovation du quartier de La Défense », Le Monde

Urbanisme, septembre 1993, « Faut-il en finir avec l’urbanisme de dalle ? », No 266

Vickerman, R., automne 2000, « Transport in an Integrating Europe: Sustainable Development and Cohesion », Investigaciones Regionales, No 3

Vincent, R., juillet 1976, « Un labyrinthe où tout le monde se perd », France Soir, No 1

III. Revues

A’A’ Perspectives : La Défense, Le futur des espaces publics, 2013, Hors-série

Centralités, 2013, « Redécouvrez le quartier de La Défense », No 1, septembre, 1er trimestre

L’Architecture d’Aujourd’hui, septembre 1961, No 97

L’Architecture d’Aujourd’hui, décembre 1964-février1965, « Région parisienne : Aménagement de la Défense », No 118

Page 162: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[154]

Revue d’information de l’EPAD, mars 1969, No 1, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur

Revue d’information de l’EPAD, juillet 1969, No 2, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur

Revue d’information de l’EPAD, juin 1970, No 5, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur

Revue d’information de l’EPAD, décembre 1971, No 8, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur

Revue d’information de l’EPAD, juin 1972, No 10, Nanterre, Keller éditeur-imprimeur

Techniques et architecture, décembre 1965, « Aménagement de la région de La Défense », No 6, série 25

IV. Etudes, Rapports, Colloques

Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), Mars 2012, Étoile – La Défense, un axe majeur métropolitain : Diagnostic et enjeux urbains

Biraud-Burot, I., 1993, « Remodelage ou Démolition ? », L’Urbanisme de Dalles : Continuités et Ruptures, Actes du Colloque des Ateliers d’été de Cergy, Paris, Presses de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées

Castex, J. ; Rouyer, R., 2003, Les tours à Paris, bilan et prospectives, Paris, Atelier Parisien d’Urbanisme

Chassaing, J., 1996, « Le Sommet de l'Arche (Paris, France, les 14, 15 et 16 juillet 1989) », Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Ernst & Young, avril 2006, « Établissement Public d’Aménagement de la Région de La Défense / Prospective sur l'évolution du quartier d'affaires de La Défense : Document de synthèse », Attractivité et aménagement, Paris La Défense

Direction de l’urbanisme, Préfecture de la Seine, Commissariat à la construction et à l’urbanisme pour la Région parisienne, 1960, Plan d’urbanisme directeur : Règlement et Rapport Préfecture de la Seine, Paris, Imprimerie Municipale

Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France (IAU-ÎDF), Juin 2012, Catalogue des dessins et manuscrits de Gérald HANNING conservés à l’IAU Île-de-France

La Défense 2050 : Au delà de la forme, 2011, Actes de la 29e session des Ateliers Internationaux de maîtrise d’œuvre urbaine, Cergy-Pontoise

Page 163: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[155]

Lafay, B., 11 décembre 1954, « Problèmes de Paris, contribution aux travaux du Conseil municipal : esquisse d’un plan directeur et d’un programme d’action », Rapports et documents du Conseil municipal, No 1, Paris, Imprimerie Municipale

Marche, R. ; Fournian, J.-M., 1980, « Le parc automobile et son utilisation », Automobile et la mobilité des Français, Paris, La Documentation française

Préfecture de la Seine, Centre de documentation et d’urbanisme, 1964, Essai de mise en valeur de l’espace Parisien, Paris

Thirion, A., 1951, « Rapport présenté au nom de la Commission d’aménagement de Paris sur les opérations générales et locales de la voirie, la répartition des espaces verts et l’affectation préférentielle qu’il convient de donner à certains quartiers tels que ces mesures sont proposées à l’Assemblée municipale par le projet de plan directeur concernant l’aménagement de la Ville de Paris », Rapports et documents du Conseil municipal, No 1, Paris, Imprimerie Municipale

V. Plaquettes, Guides

AWP, 2013, Plan Guide des Espaces Publics de La Défense, Paris

EPAD ; Ville de Courbevoie, 1 octobre – 15 novembre 2009, D’hier à demain : imaginons ensemble un nouveau circulaire

EPAD ; Ville de Puteaux, 29 avril 2009, D’hier à demain : imaginons ensemble un nouveau circulaire

EPADESA, 3 juillet 2012, Les chantiers de La Défense Seine-Arche : Dossier de Presse

EPADESA, juillet 2013, Aménagement du Quartier Coupole – Regnault : Point d’actualité

EPADESA, octobre 2014, Rose de Cherbourg : La Défense – Puteaux, Guide de lecture et de synthèse de l’étude d’impact

DEFACTO, 2008, Le guide histoire et histories

La Défense Seine-Arche, 29 août – 19 septembre 2010, Le boulevard circulaire de La Défense et ses abords

La Défense Seine-Arche, mars 2012, Réflexions pour un territoire : Vers un projet stratégique et opérationnel

Page 164: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[156]

La Défense Seine-Arche, 20 juin – 25 juillet 2012, Plaquette de concertation sur le boulevard circulaire Nord de La Défense

VI. Documents d’Archives

Archives DEFACTO, 15 septembre 1966, « Thème I : Intervention de Monsieur Lagier », La huitième Semaine Internationale d'Etude de la Technique de la Circulation Routière et Congrès International de la Sécurité Routière

Archives DEFACTO, 1972, « Etudes Générales de Circulation - Etudes Générales sur les Transporteurs Piétons », Etudes 1966-1972

Archives DEFACTO, octobre 1978, Motion de l’intersyndicale de l’EPAD, La Défense, Imprimerie spéciale intersyndicale de l’EPAD

Archives de l’Institut Français d’Architecture, 23 juillet 1969, Réunion des architectes-conseils

Archives Nationales, 31 janvier 1958, Rapport du Ministère de la Reconstruction et du Logement à Monsieur le directeur général de l'Aménagement du territoire, Archives EPAD

Archives Nationales, 1959, « Contribution aux études sur les tendances du plan directeur de Paris », Archives EPAD

Archives Nationales, 19 juin 1969, « Compte rendu de la réunion du Conseil d’Administration de l’EPAD », Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD, Archives EPAD

Archives Nationales, 14 avril 1970, « Compte rendu de l'activité de l'année 1969 », Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD, Archives EPAD

Archives Nationales, 15 janvier 1971, « Lettre de Monsieur le Premier Ministre, Jacques Chaban-Delmas, à Monsieur le Ministre du Transport, de l’Equipement et du Logement, Albin Chalandon », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD

Archives Nationales, 31 janvier 1971, « Lettre de Monsieur le Ministre du Transport, de l’Equipement et du Logement, Albin Chalandon, à Monsieur le Premier Ministre, Jacques Chaban-Delmas », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD

Archives Nationales, 20 avril 1971, « Préambule », Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD, Archives EPAD

Page 165: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[157]

Archives Nationales, 1 novembre 1971, « Etude d’I.M. Pei & Partners », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD

Archives Nationales, 11 septembre 1972, « Lettre de Monsieur le Premier Ministre, Pierre Messmer, à Monsieur le Ministre du Transport, de l’Equipement et du Logement, Olivier Guichard », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD

Archives Nationales, 24 octobre 1972, « Demande de Monsieur Triboulet à Monsieur le Ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Equipement, du Logement et du Tourisme », Urbanisme (tours de La Défense), Débats Senat

Archives Nationales, 1973, « Etude d’Émile Aillaud », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD

Archives Nationales, 11 mai 1973, « Note de Monsieur Michel Arrou-Vignod pour Monsieur le Directeur du Cabinet sous-couvert de Monsieur le Directeur de l’Aménagement Foncier et de l’Urbanisme », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD

Archives Nationales, 10 juillet 1973, « Déclaration du Monsieur Olivier Guichard, Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Equipement, du Logement et du Tourisme annonçant sa décision sur la Place de La Défense », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD

Archives Nationales, 20 avril 1974, « Rapport au Conseil d’Administration de l’EPAD », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives EPAD

Archives Nationales, 17 novembre 1977, « Motion adoptée le 07 octobre 1977 », Le Comité d’Entreprise de l’EPAD, Archives EPAD

Archives Nationales, 15 mars 1978, « Lettre de Monsieur Lucien Lanier à Monsieur le Ministre de l'Équipement et de l'Aménagement du Territoire, Fernand Icart », Correspondance générale de l’EPAD, Archives EPAD

Archives Régionales d’Île de France, 15 décembre 1972, « Etude de Gérald Hanning – IAURP », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives IAURP

Archives Régionales d’Île de France, 31 décembre 1972, « Etude de Gérald Hanning – IAURP », Aménagement du quartier Tête Défense de la Zone A de La Défense, Archives IAURP

Page 166: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[158]

VII. Références électroniques

« 2005-2009 : Préparer l’avenir », DEFACTO [En ligne], Accueil, Découvrir La Défense, Le lieu, Histoire, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.ladefense.fr/fr/histoire-du-lieu

« A propos de l’EPADESA », EPADESA [En ligne], Accueil, L’EPADESA, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.epadesa.fr/l-epadesa.html

« Aménagement de la porte Maillot, Paris, France, 1929 », Fondation Le Corbusier [En ligne], Infos Pratiques, Projet non réalisé, consulté le 20 avril 2015. URL : http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=5589&sysLanguage=fr-fr&itemPos=1&itemSort=fr-fr_sort_string1%20&itemCount=3&sysParentName=Home&sysParentId=64

Anbinder, J., « Livin’ on the Edge : La Défense, Chengdu, Fairfax County », The Century Foundation [En ligne], Workers & Economic Inequality, Livin’ on the Edge : La Défense, Chengdu, Fairfax County, mis en ligne le 31 juillet 2013, consulté le 01 juin 2014. URL : http://tcf.org/work/workers_economic_inequality/detail/living-on-the-edge

« Atouts de La Défense», AUDE – Association des Utilisateurs de La Défense [En ligne], consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.aude-parisladefense.org/index.php/atoutsladefense

« Avenue des Maisons-Tours, banlieue Ouest de Paris – Auguste Perret », Institut Auguste Perret [En ligne], Les projets non réalisés d’Auguste Perret, consulté le 20 avril 2015. URL : https://architectona.wordpress.com/oeuvres-dauguste-perret/paris/avenue-des-maisons-tours-banlieue-ouest-de-paris/

« Décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 portant création de l'Etablissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) et dissolution de l'Etablissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense (EPAD) et de l'Etablissement public d'aménagement de Seine-Arche (EPASA) », Legifrance [En ligne], Accueil, Les autres textes législatifs et réglementaires, mis en ligne le 3 juillet 2010, consulté le 10 mars 2015. URL :

http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022423381&dateTexte=&categorieLien=id

« Discours du Monsieur le Président de la République : Inauguration du Satellite No 3 Roissy Charles-de-Gaulle », Présidence de la République [En ligne], mis en ligne le 26 juin 2007, consulté le 10 mars 2015. URL : https://observatoiregrandparis.files.wordpress.com/2008/10/discours-de-nicolas-sarkozy-26-06-075.pdf

Page 167: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[159]

« Évolution de l’urbanisme en Région parisienne », Paris projet ou vandalisme [En ligne], Le plan d’aménagement de la région parisienne de 1934 : le plan Prost, mis en ligne le 24 mars 2014, consulté le 20 avril 2015. URL : http://paris-projet-vandalisme.blogspot.fr/2014/03/le-plan-damenagement-de-la-region.html

Grébert, C., « La Défense : les incertitudes du réaménagement de la « Rose de Cherbourg » à Puteaux », MonPuteaux.com (Puteaux 92800) [En ligne] mis en ligne le 11 juin 2013, consulté le 20 mars 2015. URL : http://www.monputeaux.com/2013/06/rose-de-cherbourg-incertitudes.html

« History », Barbican [En ligne], consulté le 10 mars 2015, URL : http://www.barbican.org.uk/about-barbican/history

« L’histoire de Courbevoie : 2000 ans d’histoire », Ville de Courbevoie [En ligne], Accueil, Vivre à Courbevoie, Cadre de vie, Histoire et patrimoine, consulté le 20 avril 2015. URL : http://www.ville-courbevoie.fr/vivre-a-courbevoie/cadre-de-vie/histoire-et-patrimoine/lhistoire-de-courbevoie.htm

« Le Grand Paris », Ministère du Logement, de l’Égalité des Territoires et de la Ruralité [En ligne], Accueil, Grand Paris, mis en ligne le 16 janvier 2015, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.territoires.gouv.fr/Grand-Paris

« Le Plan de Renouveau de La Défense», EPADESA [En ligne], Accueil, Un territoire stratégique, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.epadesa.fr/un-territoire-strategique/le-plan-de-renouveau-de-la-defense.html

« Le Plan Guide des espaces publics du quartier d'affaires de La Défense : Qu'est-ce que le Plan Guide ? », DEFACTO [En ligne], Accueil, L’Actualité, Projets, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.ladefense.fr/fr/le-plan-guide

« Les utilisateurs au cœur de l’action », DEFACTO [En ligne], Accueil, À propos de DEFACTO, Qui sommes-nous ?, Présentation, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.ladefense.fr/fr/histoire-du-lieu

« Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », Direction de l'information légale et administrative [En ligne], Actualités, Panorama des lois, mis en ligne le 28 janvier 2014, consulté le 10 mars 2015. URL : http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-modernisation-action-publique-territoriale-affirmation-metropoles.html

« Loi No 2003-710 du 1 août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine », Legifrance [En ligne], Accueil, Les autres textes législatifs et réglementaires, mis en ligne le 15 juin 2015, consulté le 20 mars 2015. URL :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000428979

Page 168: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[160]

« Plan de Paris, Paris, France, 1925 », Fondation Le Corbusier [En ligne], Infos Pratiques, Projet non réalisé, consulté le 20 avril 2015. URL : http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=6141&sysLanguage=fr-fr&itemPos=147&itemSort=fr-fr_sort_string1%20&itemCount=215&sysParentName=&sysParentId=65

« Prediction 1928: City of The Future », Popular Mechanics [En ligne], The Future That Never Was: Pictures from the Past, Prediction 1928: City of The Future, consulté le 10 octobre 2014. URL : http://www.popularmechanics.com/technology/engineering/future-that-never-was-future-city#slide-4

« Présentation du SDAURP de 1965 », DRIEA – Île-de-France [En ligne], mis en ligne le 3 juillet 2006, mis à jour le 5 janvier 2012, consulté le 20 mars 2015. URL : http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/presentation-du-sdaurp-de-1965-a970.html

Sassen, S., 2001, « The Global City : strategic site/new frontier », Seminar - Web Edition, consulté le 05 juin 2015. URL : http://www.india-seminar.com

« SDRIF 1994 », DRIEA – Île-de-France [En ligne], Accueil, Urbanisme, Le Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF), mis à jour le 18 juin 2014, consulté le 20 mars 2015. URL : http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/sdrif-1994-r11.html

« Schéma Directeur de Renouveau de La Défense », EPAD [En ligne], mis en ligne le décembre 2006, consulté le 10 mars 2015. URL :

http://link.epadesa.fr/fileadmin/site_intranet/user_upload/1.ETABLISSEMENT_PUBLIC/DOC_REF/EP-DR-schema-directeur-renouveau-defense_2006-12.pdf

The Editors of Encyclopædia Britannica, « Brasília », Encyclopædia Britannica [En ligne], consulté le 20 avril 2015. URL : http://global.britannica.com/EBchecked/topic/77841/Brasilia

« The Rural-Urban Fringe », Geocases: Access to Geographical Case Studies for A level [En ligne], Human Geography, The Rural-Urban Fringe, consulté le 01 juin 2014. URL: http://www.geocases.co.uk/sample/urban1.htm

Thuroczy, M., 13 mai 2015, « City of Chandigarh », Architectuul [En ligne], consulté le 20 avril 2015. URL : http://architectuul.com/architecture/city-of-chandigarh

« Topos », Portal for the Greek Language [En ligne], Modern Greek Language, Dictionary of Standard Modern Greek, Topos, consulté le 30 octobre 2014. URL : http://www.greek-language.gr/greekLang/modern_greek/tools/lexica/triantafyllides/index.html

Page 169: La généalogie de la topographie de la frange urbaine du boulevard périphérique de La Défense

[161]

« Villes et monuments », Gallica – Bibliothèque Nationale de France [En ligne], Art et décoration (Paris), consulté le 20 avril 2015. URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5542687x/f262.image