Généalogie Des Science_sur La Structure

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  • 8/12/2019 Gnalogie Des Science_sur La Structure

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    acques Alain MillerAction de la structure

    AvertissementCe texte demande d tre introduit par ses circonstances. Le 27 juin 1964 jacquesLacan fondait l cole Freudienne de Paris et l ouvrait aux non-analystes. Quel-ques lves de l cole normale, pour y adhrer, se grouprent comme l exigeaientles statuts, dans un cartel qui se dsigna par l objet de son intrt : Thorie duDiscours. Les pages qu on va lire taient destines justifier le titre sous lequelles membres de e groupe- comptaient inscrire leurs travaux, tributaires et dats du

    m ~ m champ conceptuel. Elles devaient paratre dans l Annuaire de l cole Freudienne, qui ne fut en dfinitive qu une liste de noms, et ainsi elles restrent en rade.Si je les publie maintenant, c est qu il me semble que malgr le temps coul,les sminaires de toutes sortes o on dchiffre Freud, Marx et Lacan, mettant ainsi la porte de toutes les intelligences des vrits difficiles l y a peu, malgr ce queles Cahiers pour l Analyse ont dj fait connatre - ce qui tait articul dansce texte des rapports de la structure du sujet et de la science n est pas encore aperu duplus grand nombre.

    Prambulea psychanalyse, ainsi que le marxisme, donne le principe d une organisation nouvelle du champ conceptuel. C est pourquoi on ne sait pas encorel entendre et on la fait taire, ou, par une rpression intrieure, on l accueillemais on la conjure, on la rcite dans des langages qui lui sont thoriquementantrieurs, certains mme contre lesquels elle s est enleve -la psychologie,la biologie, la philosophie de l esprit - on usurpe son nom, et sa vrit onl exile.La rappeler est aujourd hui une demande toujours intempestive.Nous entendons pour notre part y souscrire et faire la dpense de cette

    rorganisation. n aimera peut-tre croire que nous nous sommes aveuglsur les bornes o notre ignorance de la pratique psychanalytique resserrencessairement notre discours. Mais non : il nous semble que de les avoirreconnues n abolit pas la lgitimit que nous lui voulons, la fonde aucontraire, et l assure contre l ventuelle intemprance de nos prsomptions.

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    94 Jacques-Alain MillerLe discours dont nous concevons le projet ne saurait assumer dans le champfreudien qu une vocation critique, l exprience elle-mme y paratra dansson concept seulement. Notre intervention est donc suspendue la mdiatiOR d un discours qui la prcde, que nous avons identifi ds l abord, pource qu il est le seul prendre son dpart d une ide de la spcificit freudiennedans celui de Jacques Lacan. Notrepremire entreprise - ce n est pas la moinsambitieuse - tait de le comprendre et de l prouver en lui constituantune exposition systmatique. Celles que nous mditons tentent d en tendreles consquences, de le joindre d autres discours qui le recoupent, d laborer leur thorie unitaire afin d en distribuer la puissance dans des espacesvaris dont certains ici seront dj circonscrits. L ensemble de ce travail surdes concepts aura pour mot d ordre la dfinition de Georges Canguilhem : travailler un concept, c est en faire varier l extension et la comprhension,le gnraliser par l incorporation des traits d exception, l exporter hors desa rgion d origine, le prendre pour un modle ou inversement lui chercherun modle, bref lui confrer progressivement par des transformationsrgles, la fonction d une forme 1. ,La critique sans doute peut prtendre la libert de son tablissement :elle n est convoque qu au seul tribunal de sa rigueur. n cette occurencepourtant, elle reoit l aveu et la sanction de son discours-objet, elle est amene trs vite lui emprunter les moyens de son progrs, jusqu au conceptde son exercice; elle s avise bientt qu elle n est pas seulement autorise, maispense dj par ce qu elle pense, requise et mme entame, qu elle ne luiest pas adventice : qu elle le ddouble sans} excder. Cette dcouverte devientpeu peu son thme. La proprit du discours de Jacques Lacan, d tre prcepteur de sa critique, tient d abord au concept qu il s est cr et qu il meten uvre, de la structure.

    StructureIci la structure ne rserve la place d aucun au-del du discours scientifique.La distance l exprience sur laquelle p,agnent les modles, mais dont ilssont en mme temps, pour en inclure 1 irrductible dans leur dfinition,les gardiens rigoureux, cette distance maintenant doit disparatre, et uneintgration exacte s oprer du vcu au structural.La structure ne soustrait pas plus un contenu empirique , un objet

    naturel , qu elle ne lui ajoute l intelligible Si on se contente d talerun objet dans la dimension d un rseau pour dcrire l agencement de seslments, on isole le produit de sa production, on tablit entre eux un rapport d extriorit, et afin de se rendre indiffrent la cause, on en vient la

    I c Dialectique et philosophie du non chez Gaston Bachelard t evue Internat/onnale e Ph/loS lph/e,1963

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    Action de la structure 95comprendre comme le gardien expdient de ses effets : seule une pensemcaniste l autorise.

    Lorsque l activit structuraliste se trouve rejeter temporalit et subjectivit dans l espace neutralis de la cause, elle se contraint garantir ses objetstout constitus en les rfrant la vie sociale la culture l anthropologie, voire la biologie, de l esprit. A tort elle excipe du structuralismelinguistique : celui-ci, d ouvrir son champ par l exclusion prliminaire detout rapport qu entretient avec sa parole le sujet, s interdit d en rien dire.Tant que l altration provoque par l exclusion du sujet parlant n est pas annule, les structures linguistiques ne valent pas hors de leur rgion d origine.Le structuralisme psychanalytique ralise notre sens leur exportation lgitime, parce que ses objets sont des expriences ou : une subjectivit inliminable y est situe et elles se droulent selon leur temps intrieur, indiscer-nables du progrs de leur constitution. La topologie de la structure ne contreditpas ds lors sa dynamique, que scande le dplacement de ses lments.Structure donc : ce qui met en place une exprience pour le sujet qu elleinclut.Deux fonctions qualifient notre concept de la structure : la structuration,ou action de la structure, et la subjectivit, assujettie.Tirer les consquences d une telle hypothse engendre la structure.

    l est clair pour commencer que la premire fonction impose de la rpartirentre un plan actuel, dans lequel elle s offrirait un observateur, et qui constitue son tat, et d autre part une dimension virtuelle selon laquelle tous sestats sont susceptibles d tre dduits. Il faudra donc distinguer une structurestructurante et une structure structure.Jusqu ce point, la premire est la seconde comme sa clause immanente,c est--dire : le point de vue prendre par une investigation se dsimpliquant pour passer d une description une connaissance. Les deux ordressont en continuit, leur rapport est simple, leur partage seulement relatif une mthode, l n y a pas de retard, donc pas de temps structural, et un mou-vement tabli dans la structure serait seulement apparent.Si on suppose maintenant un lment qui se retourne sur la ralit et laperoit, la rflchit et la signifie, un lment capable de la redoubler pourson propre compte, une distorsion gnrale s ensuit, qui affecte l ensemblede l conomie structurale et la recompose suivant des lois nouvelles. Dsle moment qu elle comporte l lment que nous avons dit,- son actualit devient une exprience,- la virtualit du structurant se convertit en une absence,- cette absence se produit dans l ordre rel de la structure : l action dela structure vient tre supporte par un manque.Le structurant, pour n tre pas, rgit le rel. On tient l la discordancemottice : car l introduction de cet lment rflexif, qui suffit instituer la

    i m e n ~ i o n du structur-en-tant-qu il-le-vit, comme ne prenant ses effets quede soi-mme, dispose une ordonnance imaginaire, contemporaine et diffrente

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    Jacques-Alain Millerde l ordre rel, et nanmoins coordonne lui, et faisant dornavant intrinsquement partie de la ralit. Une structure tertiaire, imaginaire, se constitue dans le rel. Il en rsulte que la rduplication du systme structural,idale au dpart, se trouve accomplie. Cette duplicit afflige en retour l lment rflexif qui la provoque - pour autant qu au niveau du structurantl n est pas de rflexivit - ce qui le dfinit comme un sujet, rflexif dansl imaginaire, non-rflexif dans le structurant.Dans ce second statut, son assujettissement le rduit n tre qu un support.Le rapport du sujet -la structure, rapport circulaire en ce que chacun destermes se doivent l un l autre leurs dfinitions, mais dissymtrique puisquec est une insertion, s avre inconcevable sans la mdiation d une fonction

    imaginaire de mconnaissance rtablissant la ralit dans sa continuit parla production de reprsentations qui rpondent l absence du structurant,et compensent la production du manque. La structuration fonctionne leurcouvert, et en ce sens l imaginaire est son moyen. Mais l est en mme tempsson effet les reprsentations sont mises en scne par ce qu elles drobent- qu elles ont pour fonction de drober, elles n existent que pour dissimulerla raison de leur existence. C est leur propre structure structurante qu ellesdrobent, car ce qui structure la ralit les structure. Que leur rflexion dansla subjectivit leur assure une cohrence, autre nom de leur inertie, les constitue en systmes, et s emploie incessamment les rendre indpendants del action du structurant, implique que c est intrieurement que le manqueauquel elles parent, les intime.

    La cause se rflchit parmi les effets qu elle dtermine et qui s ignorentcomme tels. Il s ensuit que leur subordination aux transformations structurantes est ncessairement indirecte. L action du structurant, selon la rsistance des reprsentations ou des systmes de reprsentations, s exerce ingalement sur l imaginaire, donc sur le rel, diffrencie et multiplie les niveauxdu structur dans son ensemble. Nous appelons surdtermination la dtermination structurante qui de s exercer par le biais de l imaginaire se rendindirecte, ingale et excentrique ses effets.

    Il faut pour reconstituer la totalit de la structure faire se correspondredans cet espace permanent de distorsions et de dcalages gnraliss leseffets et leur cause latrale, prendre la mesure de son incidence, et la rapporter au manque comme son principe.Or le manque n est jamais apparent, puisque le structur mconnatl action qui le forme, et offre une cohrence, une homognit de premirevue. On en doit dduire qu en ce lieu o le manque de la cause se produit

    dans l espace de ses effets, un lment s interpose, qui accomplit sa suturation.Toute structure notre sens comprend ainsi un leurre, tenant lieu demanque, reli ce qui se peroit, mais le maillon le plus faible de la squencedonne, point vacillant, qui n appartient qu en apparence au plan actuel :l ensemble du plan virtuel (de l espace structurant) s y crase. Cet lment,

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    Action Je la structure 97exactement irrationnel dans la ralit, dnonce, en s y insrant, la place dumanque.

    e l lment qui ne cadre pas mais qui trompe l il, et par qui touteperception est mconnaissance, nous distinguerons la fonction en nommantsa place le point utopique de la structure, son point impropre, ou son pointnfiniSans doute, une investigation positiviste ne manque pas de s y leurrer ete l luder, car rien ne tombe dans ses ftlets qui excde la surface plate surlaquelle elle promne son regard. Une conversion de la perspective s imposepour l apercevoir. Ce lieu impossible occuper s annonce alors par sonaJ1ure singulire, contradictoire, ingale au plan; l lment qui le masque

    signale maintenant, par une certaine flexion de sa conftguration, que saprsence est indue, qu il ne devrait pas tre l. Mais c est sur ce point l,l prcisment o s intersectent, s articulent l espace tal du structur etl espace transcendantal du structurant, qu on devra rgler son regard,et prendre pour principe d organisation le tenant-lieu mme : on verraaussitt l espace pivoter sur soi et par une rotation complte accomplissantsa division, dcouvrir le rgne intrieur de sa loi et l ordre qui secrtementajuste ce qui s offre au regard : la translation de la structure l ouvre unelecture diagonale. La topologie qui s appliquerait la ftgurer devrait treconstruite sur un espace uni en son centre l extriorit de sa circonscription,dans une crmvergence ponctuelle: son extrieur priphrique est sonextrieur central. Le dehors passe dans le dedans.Toute activit qui ne joue pas seulement dans l imaginaire mais transforme un tat de la structure, part du point utopique, poste stratgique,spciftque chacun des niveaux o le structurant manque. Il va de soi quele sujet concertant cette pratique efficace n en est pas pour autant dlivrde la mconnaissance affrente sa place.

    SujetC est partir de la structure qu il faut engager la thorie du sujet, quitient pour acquise son insertion. L ordre qui, de la structure, va au sujet,est ici essentiel prserver: il suffit ruiner la possibilit d un discours quichercherait son fondement dans la sphre d une donation immdiate, lafin - l origine - du parcours historique ou mthodique d une conscience

    - de soi, son dtour la fois prambulaire et essentiel . Si la structureseule, au contraire, est originaire, si aucun retour de la conscience sur ellemme ne lui dcouvre son organisation, alors l immdiat n est pas plusultime qu il n est initial, il ne s agit ni de le redcouvrir, ni de l attendre,la ralit n est pas dsensevelir ni dpasser, il faut la traverser, et forceren son retrait ce qui la met en place. Si donc, contre la philosophie du

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    Jacques Alain Millerstructuralisme, nous impliquons la subjectivit, ce n'est pas comme rgente,mais comme sujette. Requise par la reprsentation, elle ne l'est pourtantpas dans la position d'un fondement, avec la fonction d'une cause. Sa lacunerpartit son tre conscient chacun des niveaux que l'imaginaire induitdans la ralit structure; quant son unit, elle tient sa localisation, salocalisation dans la structure structurante. Le sujet dans la structure neconserve ainsi aucun des attributs du sujet psychologique, il chappe sadfinition, jamais stabilise entre la thorie de la connaissance, la morale,la politique et le droit.Voici les tches de la thorie du sujet. Elle doit d'abord dmentir latentative phnomnologique de retrouver l'tat naf ou sauvage du mondepar une enqute archologique portant sur la perception. La phnomnologie en effet esprait, d'une rduction du visible au visible, la donation dusupport secret, inchang, anhistorique, de la connaissance et de l'histoire,et l'invisible qu'elle rencontrait n'tait rien que l'envers d'un visible endfinitive miraculeux. Si au contraire, l'invisible loge une structure quisystmatise le visible qui la drobe, si l'invisible varie et transforme levisible, commence l'archologie vraiment radicale d'une perception depart en part historique, spcifie absolument, structure comme un discours,et qui rend leur identit principielle le voir et le dire. De cette archologie,l'uvre de Michel Foucault donne aujourd'hui le premier exemple 1aut aussi traiter en dtailles analyses psychologiques du s'ljet. Elles serecoupent en ceci qu'elles lui assignent en dfinitive une position statutairement identique devant les objets du monde, et qu'elles rsument sa fonction celle de les rassembler dans une parenthse pour constituer leur unitconstante sous le nom de ralit, celle-ci en retour mesure la correction dufonctionnement subjectif. Le discours de la surdtermination au contrairenous mne au point de reconnatre comme spontane l'orientation du sujetvers le leurre. Foncirement, le sujet est du, sa mprise est constitutive. Ellene lui interdit pas d'enregistrer et de capitaliser ses expriences, de disposerdans la ralit d'un systme de reprage, par lequel son existence s'adapteet persvre. Mais rien ne peut faire que son adaptation au rel soitnative. Elle ne saurait donc tre pense selon des modles qui valent pour. le monde animal, elle s'effectue par l'intervention secondaire d'un systmecorrecteur. Il faudra sans doute distinguer entre une mconnaissance adquate ncessaire l'action de la structure, et une mconnaissance inadquate,qui nuit la subsistance du sujet; au point o nous sommes, la perceptionet l'idologie, aussi bien que ce qu'on peut nommer la sensibilit, sontrunies dans le concept unique de mconnaissance.La mconnaissance n'est pas l'exact envers de la connaissance, et l prise

    1 C'est le thme explicite de Naissance de la Clinique. On pensera moins discrditer le discoursphnomnologique (celui de Maurice Merleau-Ponty en particulier), positiviste en tant qu'il s'aveugle toute mutation de l'invisible structural, qu' le reprendre pour le fonder autrement : comme seounrigoureux, dans l'imaginaire, de l'imaginaire.

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    Actioll de l structure 99de conscience c est--dire l opration qui fait passer le vcu l explicite,ne la termine pas; au contraire: elle en fait partie, et la formation de systmes conceptuels, ferms ou peu s en faut, continuent la dimension del imaginaire. La sphre psychologique, celle des volitions et des apptits,c est--dire des motivations, drive de la mconnaissance fonctionnelledu structurant, d o il suit que les hommes agissent toujours en vue d unefin, c est--dire de l utile qu ils aperoivent. Puisque les systmes adquatsqui laborent la mconnaissance de la cause forment, pour Claude LviStrauss, l objet de l ethnologie, celle-ci reste une psychologie, et c est dela psychanalyse qu il faut attendre la limitation du champ de la psychologie.La thorie du sujet introduit une doctrine de l intersubjectivit dont il

    est dj certain qu elle ne peut s articuler en des termes simplement rciproques. Le rapport qui s tablit d un sujet un autre n est pas plus rversible qu il ne dpend exclusivement de l un d eux: cette altrit simple,jumelle ou scissipare, habite l imaginaire, et le dsespoir de dduire sonagencement partir d un des termes, le fait qualifier de miraculeux. Ce quiles unit et arrange leurs liens, et dont nous voyons uniquement les effetuse noue et se dcide sur une Autre Scne, et les rfre une altrit absolueen absence, pour ainsi dire exponentie. Elle n est jamais donne au prsent,et pourtant il n y a pas de prsence qui ne passe par elle, et ne s y constitue.Aucun rapport d un sujet un autre sujet, ou d un sujet un objet, necomble le manque, sinon par une formation imaginaire qui le suture,mais il se retrouve en son intrieur. La contestation du moment de la rciprocit dans les psychologies de l intersubjectivit doit tre corrlatif d unerfutation de toutes les politiques librales ou humanistes, dont on peutdire qu elles drivent de la rciprocit, et qu elles sont indfiniment lrecherche de cet objet qui viendrait combler ce qu elles conoivent commel insatisfaction humaine (c est l uneasiness lockienne), et assurerait ltranspart uce des rapports intt:rhumains. Lorsqu on sait que ce n est pas

    aprs un avoir que l homme en a mais aprs son tre ou, sans mtaphore, que l imaginaire est le biais de la dtermination d une structure quicomporte un sujet, il faut considrer une politique du bonheur, i e. del ajustement, comme le plus sr moyen de renforcer l inadquation dusujet la structure.Il faut enfin rassembler toutes ces analyses dans une doctrine de l alination, en conflit ouvert avec Hegel et le no-hglianisme. Pour Wlesubjectivit que ne suffit pas dfinir la rflexivit, l alination ne peut tretraite comme cet enfer dont elle devrait se librer pour se possder elle

    mme et jouir de son activit; cela ne se conoit que d une sphre autonomede la conscience de soi et non d Wl sujet rdupliqu et donc lacunaire,sujet-agent imaginaire du structur, sujet-support, lment, du structurant,qui n apparat comme sujet dans le rel qu se mconnatre dans l imaginaire comme lment dans l structurant. Mais une alination est essentielleau sujet par ceci qu il ne s effectue comme agent que dans l imaginaire, de

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    100 Jacques-Alain Millerprendre son compte les effets du structurant, o dj il est compt. Acteur.l est metteur en scne dans son fantasme.

    ScienceOr, une fois les entreprises du sujet restitues leur dpendance radicale l gard de l action du structurant, et l alination ~ f i n i e comme constitutive du sujet assujetti, comment un discours est-il possible qui se donne unobjet adquat et dveloppe ses propres normes? Et d abord : comment un

    discours de la surdtermination est-il mme possible? Le seul fait qu ils expose rencontrer, ou plutt suscite ncessairement dans son avance,par-del le problme de toute scientificit en gnral, celui de sa proprepossibilit, manifeste le circuit singulier d une implication rflchie: sonstatut relve d une doctrine de la science o sa raison se fonde, mais dont ilappartient lui seul d assigner sa place, de contraindre le concept, et dedicter les termes catgoriques. C est de ce problme exactement final etpremier, que nous entendons faire le dpart thmatique partir duquelordonner notre procs.Si on consent dire champ de l nonc le champ o s tablit la logique,champ de la parole celui de la psychanalyse, - anticipant sur notre savoir,nous prononcerons l exigence d une position nouvelle dans l espace dulangage, et nous produirons cette proposition, qu un champ, qui portepour pertinence cardinale la scientificit ou non est constituer comme champdu discours.Lorsque la logique construit un systme formalis, elle exprime l alphabet de ses symboles, un ensemble initial de formules et des rgles pourJpur formation et leur dduction, si bien que les noncs qu il produira ne

    se doubleront d aucune dimension virtuelle; quand une activit logiques attache des systmes qu elle n a pas elle-mme engendrs, cette dimensionreste toujours en droit rductible. Au contraire, les noncs isols dans lechamp linguistique se rfrent un code dont la virtualit est essentielle,et les dfinit comme messages. Mais la communication elle-mme n entrepas en ligne de compte, et l mission aussi bien que la rception fixent pluttles limites du champ qu elles n en font partie.Si maintenant nous essayons de driver de la relation linguistique un sujetqui soit capable de la soutenir, il ne pourra pas tre le support indivis dumessage et du code, il n entretiendra pas avec l un et l autre un rapport identique: le code, ncessaire la production de la parole, mais absent de laparole nonce par le sujet, n appartient pas au sujet metteur et n est pas situer en son lieu, la rception le requiert aussi et il faut bien le situer dansla dimension exponentie de l altrit, que nous avons indique. a distri-bution topique qui se dessine disjoint le plan o le sujet s effectue en premire

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    Action Je la structure 101personne, et le lieu de ce code o il est rendu, mais o justement, en tantque sujet-agent l est lid, et d o sa parole s origine, pour s inverser d treprofre, et y revenir en dfinitive, puisque c est le lieu qui garantit sonintellection et sa vrit. e manque du code au niveau de la parole, et lemanque du sujet-agent au lieu du code, qui sont corrlatifs, ouvrent l in trieur du langage la refente de l inconscient. Nous pouvons dire mainte-nant : le sujet est capable d un inconscient.

    A cette refente, la psychanalyse articule cette Autre scne o se dcideet se structure la parole du sujet, o celui-ci figure dans une fonCtion passivecomme un lment dont la transitivit est commande par une combinatoire quaternaire, autre Scne qui fai : venir l animal humain au langage,et vers laquelle sa parole laisse libre retourne comme sa dpendanceprimordiale et gnratrice.

    Mais d autres circuits se branchent sur cette reJente. Nous, nous nous occuponsde cette parole contrainte par la vise consciente de sa in comme vridicit, que nous nommons discours. La topologie demeure; mais la connexionne s tablit ici que pa:- une slection secondaire, l Autre scne primordiale; autrement dit : ~ l o n les modes du langage, la connexion se fait avecd autres Autres scnes entes sur le lieu du code. Exemple : l Autre scne dela lutte des classes dont la combinatoire dispose des intrts de classe .Une spcification des manques s annonce.L articulation fondamentale qui structure les discours comme parolescontraintes, en prescrit une lecture qui n est ni un commentaire, ni uneinterprtation. Elle n est pas un commentaire parce qu elle n est pas enqute d un sens qui se serait, par l effet d un malheur insparable du verbe,abstenu du texte, mais que celui-ci appellerait pourtant, impliquerait ncessairement, et qu on pourrait restituer et indfiniment multiplier par unrecours au fonds tacite, et inpuisable toute exploitation, de la parole.nn est pas question non plus de faire passer un sens d un texte un autre,et par exemple, de le traduire dans le vocabulaire d une philosophie constitue sans exclure qu une autre interprtation aussi puisse le prendre encharge; un tel discours serait par rapport au discours premier comme unlment neutre, et tabli sur lui en parasite. Reprendre un nonc par d autres noncs plus proches du mystre de son sens suppose ce rapport lalettre que Spinoza a critiqu dans l exgse biblique. Enfin, l ne suffit pasde restituer un texte sa continuit, sa simultanit lo?ique, en pelant lasurface. Le structuralisme,. au niveau de l nonc doit n tre qu un momentpour une lecture qui cherche travers son tenant-lieu le manque spcifique qui supporte la fonction structurante. Pour cette lecture transgressivequi traverse l nonc vers l nonciation, le nom d analyse nous a paru convenir.

    Le manque dont il s agit n est pas une parole tue qu il suffirait de porterjour, ce n est pas une impuissance du verbe ou une ruse de l auteur, c estle silence, le dfaut qui organise la parole nonce, c est le lieu drob qui

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    102 Jacques-Alain Millerne pouvait s clairer parce que c est partir de son absence que le textetait possible, et que les discours se profraient : Autre scne o le sujetclips se situe, d o l parle, pour quoi l parle. L extriorit du discours estcentrale, cette distance est intrieure. Il faut rompre la dtermination rciproque o se concertent les lments d un objet dans un rseau structur:nous cherchons une dtermination univoque, - non seulement ce quea veut dire, mais surtout ce que a ne dit pas, dans la mesure o a veutne pas le dire. L ensemble d un texte sera donc considr par nous commel entour d un manque, principe de l action de la structure, qui porte doncles marques de l action qu il accomplit : la suture. A partir du tenant-lieuvers quoi convergent les dsordres de l nonc de ses contradictions, fairepivoter le plan de l nonc doit rvler le discours du sujet comme le discours de la mconnaissance affrente la place o, en tant qu lment, ousupport, il est situ dans la structure structurante. Le discours que le sujetmet, l le reoit, et la dtermination s inverse de se faire en premire personne.On explorera donc l espace de dplacement de la dtermination. A la foisunivoque, rprime et intrieure, retire et dclare, elle ne saura tre qualifie que de causalit mtonymique. La cause se mtaphorise dans un discours,et en gnral dans toute structure : car la condition ncessaire au fonctionnement de la causalit structurale est que le sujet prenne l effet pour la cause.Loi fondamentale de l action de la structure.Comment, ds lors, un discours qui ne prend ses ordres que de lui-mme,un discours plat, sans inconscient, adquat son objet, est-il possible? Ilest clair que ce n est pas le retour la ralit par-del les discours, une attention dsimplique et simplement positive, qui ouvrent son champ, maisc est encore un tat singulier du structurant, une position particulire du sujetpar rapport au lieu de la vrit, qui referme la parole sur elle-mme. Cettefermeture du discours scientifique ne saurait tre confondue avec la suturedu discours non-scientifique, parce qu elle met vritablement le manque la porte, rduit son extriorit centrale, le dconnecte de toute autre Scne.Pense de l intrieur du champ qu elle circonscrit, elle sera nomme :clture. Mais la limite de cette circonscription a une paisseur, elle a unextrieur; autrement dit le discours scientifique n est pas frapp d unmanque simple, mais le manque d un manque est aussi un manque.La double ngation confre une positivit son champ, mais la priphrie de celui-ci, on doit reconnatre la structure qui le rend possible, dontson dveloppement pourtant n est pas indpendant. Le manque du manquelaisse ouverte dans tout discours scientifique la place de la mconnaissance,l idologie qui l accompagne, sans lui tre intrinsque : un discours scientifique comme tel ne comporte pas d lment utopique. Il faudrait figurerdeux espaces superposs, sans point de capiton, sans glissement lapsus)de l un dans l autre. a fermeture de la science opre donc une rpartitionentre un champ clos, dont on n aperoit aucune limite si on le considrede l intrieur, et un espace forclos. La forclusion est l autre ct de la clture.

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    Action de la structure 1 3Ce terme suffira indiquer que toute science est structure comme une psychose : le forclos fait retour sous la forme de l impossible.

    C est en fait la coupure pistmologique que nous retrouvons, mais l;aoorder par son versant extrieur, nous devons reconnatre le privilgeet le statut scientifique indit d un discours de la surdtermination quiconstitue son champ l extrieur de toute science en gnral, et dont l injonction thorique aussi bien que pratique (thrapeutique ou politique)est donne par le W es war, soll ich werden } freudien, qui convoque notre sens le sujet scientifique se ressaisir.Nous connaissons deux discours de la surdtermination: le discoursmarxiste et le discours freudien. Parce que le premier est aujourd hui librpar Louis Althusser de l hypothque que faisait peser sur lui la conceptionde la socit comme sujet historique, comme le second l a t par JacquesLacan de l interprtation de l individu comme sujet psychologique, - lesjoindre nous semble maintenant possible. Nous tenons que les discours deMarx et de Freud sont susceptibles de communiquer par le moyen de transformations rgles, et de se rflchir dans un discours thorique unitaire.

    Septembre 64

    ote sur les c uses de l scienceLe problme crucial pour la Doctrine de la science, celui-l mme quila dfinit, porte sur son propre statut.Elle est seule, en effet le pouvoir donner, puisqu la diffrence d une

    science particulire, elle n a pas d extrieur : les principes qui la gouvernenttombent sous leur propre juridiction. La Doctrine donc ne feut se poserqu elle ne doive se compter au nombre de ses objets; si elle n a pas d extrieur, elle est l intrieur d elle-mme. L introjection qu elle subit sittqu elle s instaure la voue tous les phnomnes de l auto-rflexivit.Les consquences de cette proprit sont les suivantes : la Doctrine n apas de sens ou du moins elle n en a pas qui soit nonable. Comme telle,elle ne peut pas tre dite, parce qu elle ne peut pas tre construite. D entrede jeu, l exposer, c est--dire l expliquer, la drouler, l taler, est, de droit,impossible. Et si rien n est qui ne peut tre dit, c est si rien n est sans nom(c est l notre version du principe de raison, et l y a deux faons de l entendreselon la ponctuation - Heidegger le dmontre pour Leibniz), le projetd une Doctrine de la science est impossible, elle a le nom de l innommable:la Doctrine Anonyme.Ds lors, tout nonc qui la vise sera prambulaire et priphrique, et en

  • 8/12/2019 Gnalogie Des Science_sur La Structure

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    Action de la structure l SJ'ajoute, pour marquer la place o insrer d'autres dveloppements, quela proposition de Fichte que je cite plus haut situe le point o s'articule son

    discours celui de Spinoza. faut ncessairement en venir au spinozisme si on dpasse le je suis .p. 24), et s'en tenir au je suis comme l'Inconditionn revient donnerau Moi absolu les proprits de la substance, comme l'indique le premiercrit de Schelling, e Moi comme principe e la philosophie: Spinoza a caractris l'inconditionn de faon parfaite, car tout ce qu'il dit de la substancepeut s'appliquer mot par mot au Moi absolu. Relevons pourtant ceci :par le fait que Dieu n'est pas conscient de soi, la thorie de Spinoza s'exposedans un texte dfini tif.Peut-tre les coordonnes que je donne, en passant, Fichte : Spinozaet Freud, empcheront-ils de rire ceux qui croient avoir reconnu, vuede nez, dans l'aporie de la Doctrine, quoi donc? une idologiePour annoncer qu' mes yeux elle ne l'est pas, je dirai qu'il faut assumerles quatre problmes de Fichte dans l'opuscule de 94 : Sur le concept de laDoctrine de la science ou ce que l on nomme la philosophie, et les reprends, lesdtournant mes fins.Comment la Doctrine est-elle sre d'puiser la science, y compris lascience venir? C'est qu'elle doit dcouvrir ses causes. Comment se dis

    tingue-t-elle des sciences particulires? Par ceci qu'elle pense ce qu'elles nepeuvent intgrer leur champ : les dcisions qui instituent leurs principes.Comment se distingue-t-e11e de la logique? Comme logique du signifiant.Comment se conduit-elle par rapport son objet? Elle lui est antinomique,c'est--dire qu'elle et lui sont incompatibles, qu'elle l'absorbe, ou qu'ils'vanouit en elle ils n'existent que dans le non-rapport, comme incommensurables.Que ces rponses ne passent pas pour la Doctrine elle-mme : j'annonceseulement ce qu'elle doit tre. Mais s'il est clair, d'ores et dj, qu'il ne faut

    pas entendre par science l'ensemble indistinct de toute la connaissancehumaine (soit de ce qui pour Kant dbutait, mais ne drivait pas de l'exrience), mais la pense qui calcule, vrifie et exprimente, l'exclusion de laperception, de la conscience, et de tous les modes du sentiment, une placeest mnage dans la Doctrine pour l'histoire des sciences pour autant qu'elleenseigne quelle position du sujet rend la science possible.Ce qu'il faut savoir pour situer la position d'un sujet dans toute conjoncture, ce sont les rapports qu'il entretient avec l'instance de la garantie, avecses noncs, avec leur objet. Si nous parvenons fixer les modes dans lesquels le sujet corrlatif de la science se rapporte ces trois dterminations,nous pourrons connatre les causes de la science.