La France entre dans une nouvelle phase de la guerre terroriste - … · 2015-11-14 · les...

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Les mauvais pressentiments de Manuel Valls quelques heures avant les attaques de Paris En visite à Dijon, Manuel Valls confiait à l’Opinion ses craintes de voir la France attaquée. « Il peut y avoir un attentat, commence-t-il, la voix grave, évoquant justement la tentative d’attentat déjoué à Toulon cette semaine. Page 3 République François Hollande s’adressera lundi au Parlement réuni en Congrès à Ver- sailles. Il en a fait l’annonce samedi à 11 heures, au cours de sa deuxième allo- cution solennelle depuis le début des attentats qui ont ensanglanté Paris, en même temps qu’il décrétait trois jours de deuil national. «Je m'adres- serai au Parlement réuni en Congrès à Versailles lundi pour rassembler la Nation dans cette épreuve», a déclaré le président de la République, après un Conseil de défense à l'Elysée. Ce sera la première fois que Fran- çois Hollande aura recours à l’article 18 de la Constitution, qui lui permet de s’adresser aux deux chambres réu- nies. Le chef de l’Etat « peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, prévoit cet article. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote ». A cette exception près, le président de la Vème République n’est pas autorisé à s’exprimer devant la représentation nationale, en vertu de la séparation des pouvoirs. Confronté à un défi majeur, dix mois après Charlie, François Hollande cherche de nouveau à mettre en scène l’unité nationale. En janvier, il avait reçu très vite à l’Elysée l’ensemble des chefs de partis sans exclusive (il les recevra de nouveau dimanche), et pris la tête d’une grande manifestation aux côtés notamment du président de l’UMP Nicolas Sarkozy et des chefs d’Etat étrangers le 11 janvier. Alors que tout rassemblement dans les rues de la capitale est à ce jour ex- clu, les manifestations étant interdites, François Hollande a recours cette fois, pour scénariser malgré tout l’unité nationale au lendemain du drame, à une disposition de la Constitution qu’il a lui-même ardemment combattue durant le précédent quinquennat. La possibilité donnée au président de la République de s’adresser au Parlement a de fait été introduite par la réforme de la Constitution de juillet 2008 voulue par Nicolas Sarkozy. Le PS avait voté contre, reprochant à la majorité de l’époque de remettre en cause l’équilibre des pouvoirs en auto- risant un discours présidentiel devant les députés et les sénateurs. La disposi- tion était révélatrice, aux yeux du PS et de son Premier secrétaire de l’époque François Hollande, de « l’hyperprési- dence » que Nicolas Sarkozy était censé incarner. La réforme n’avait été votée qu’à deux voix près, dont celle du dé- puté PS Jack Lang, qui s’était affranchi des consignes de son parti. Elle permet- tra lundi à François Hollande, qui n’ou- blie pas de faire de la politique dans ces circonstances exceptionnelles, de déli- vrer un discours décisif pour la suite de son quinquennat. Nathalie Segaunes @ NSegaunes t François Hollande réunit pour la première fois le Congrès à Versailles La campagne des régionales suspendue Suite aux effroyables attentats, les candidats aux élections régionales ont suspendu leur campagne. Page 2 Vendredi 13 La France a été touchée vendredi soir par une série d'attentats menés par des hommes armés ou munis d'explosifs qui ont fait plus de cent morts, incitant François Hollande à décréter l'état d'urgence dans tout le pays pour la première fois depuis 1945. Un bilan provisoire fait état de 127 morts et 180 blessés, dont près de cent dans un état grave. Les attaques se sont déroulées à Paris, dans les 10e et 11e arrondissement, notam- ment dans la salle du Bataclan, où le bilan est le plus lourd, ainsi qu’aux abords du Stade de France, à Saint- Denis. Jean-Dominique Merchet état de deux préparations d’attentats contre l’armée - comme cette semaine encore à Toulon. Cette fois-ci, aucun groupe particulier n’est visé, si ce n’est directement les Français, en frappant les abords du Stade du France et l’un des quartiers les plus « bobos » de la capitale. Ce terrorisme indifféren- cié renoue avec celui que Paris a connu en 1986 et 1995, avec les attentats de la rue de Rennes ou du RER Saint-Michel. N’importe quel client d’un bar ou d’une salle de spectacle peut aujourd’hui se sentir menacé. L’effet terrorisant est multiplié d’autant. La simultanéité des attaques était un scénario redouté depuis des années par les professionnels du contre-terro- risme, qui s’y préparaient, en renfor- çant leurs effectifs et leur coordination. On en avait eu un avant-goût en jan- vier, avec l’assaut concomitant contre l’Hyper Cacher et l’imprimerie où les frères Kouachi étaient retranchés. Mais il s’était déroulé près de 50 heures entre les deux attaques initiales. Ven- dredi soir, ce sont les terroristes qui ont eu l’initiative de la simultanéité. Si le scénario exact n’est pas encore connu, moins de douze heures après les faits, une chose est certaine : il y a eu au moins deux équipes, l’une au Stade de France et l’autre à Paris, et elles étaient parfaitement coordonnées dans leur timing. lll Page 2 Les attaques du vendredi 13 consti- tuent une rupture dans les modes d’action terroristes visant la France. Et cela, sur quatre plans différents : les objectifs, la simultanéité, l’ampleur et la méthode, suicidaire. Contrairement aux attentats de janvier, les attaques de vendredi soir n’étaient pas dirigées contre des cibles très spécifiques, que ce soit un journal jugé « blasphémateur » ou la commu- nauté juive. Mohammed Merah s’en était déjà pris aux Juifs et aux militaires, alors que, courant 2015, il a été fait La France entre dans une nouvelle phase de la guerre terroriste L’émotion, énorme et légitime, ne doit pas entraîner la France dans la même impasse stratégique que l’Amérique après le 11 septembre SAMEDI 14 NOVEMBRE 2015 – HORS-SÉRIE Face à ce nouveau pas qui a été franchi dans l’atrocité et la ter- reur, la réaction de dégoût, de rejet et de solidarité s’impose naturellement. Les mots et les actes qui ont été ceux de nos principaux dirigeants politiques, depuis François Hollande jusqu’à l’en- semble de l’opposition, sont justes. Les heures et les jours qui suivent un tel drame ne peuvent laisser la moindre place à tout ce qui nuirait à la solidarité nationale. Une fois l’émotion estompée, vien- dra le temps des questions. Elles aussi légitimes : pourquoi cette escalade dans la sauvagerie, pourquoi ce ciblage aveugle ? Pourquoi une telle faille dans notre dispositif de protection, et pour- quoi nous ? Et puis encore : quelle ri- poste, et quelles conséquences en tirer sur notre action diplomatique ? Car, comme l’ont hurlé les assassins du Ba- taclan, cet acte de guerre est une ven- geance contre notre action en Syrie. La France ne peut pas ne pas en tenir compte dans sa politique étrangère, et dans ses positions sur Bachar al-Assad et le conflit en Syrie. C’est à la racine qu’il faut traiter le mal : l’état d’urgence, la multiplication des plans de sécurisation, la protec- tion du territoire national laisseront toujours des failles béantes dans cette guerre asymétrique où l’ennemi cible indistinctement les civils, au hasard de sa haine. L’union nationale doit servir à cela : cet épisode de la bataille de Sy- rie doit changer notre façon de faire la guerre aux extrémistes islamistes. Nicolas Beytout Pourquoi nous ? Les pertes humaines sont très élevées. Avec plus de 100 morts et de nombreux blessés, il s’agit de l’atten- tat le plus meurtrier que la France a connu. En janvier, il y avait eu 20 morts, dont les trois terroristes. L’ampleur est donc cinq à six fois supérieure, mais on reste loin du bilan du 11 septembre : 2 996 morts, dont 19 terroristes. Les at- tentats de Madrid (2 004) et de Londres (2005) avaient fait respectivement 191 et 56 morts. 224 personnes ont été tuées dans l’avion russe, probablement cible d’un attentat, le 31 octobre. Les attaques de Paris figurent donc parmi les plus meurtrières de ces derniers mois, avec celles du Pakistan, contre une école (141 personnes, dont 132 en- fants) en décembre 2014, et du Kenya, à l’Université de Garissa (148 morts) en avril 2015. Des attentats suicides ont désor- mais lieu en FranceDernier élément et Plus de 120 morts dans une vague d’attaques terroristes sans précédent à Paris Plusieurs fusillades ont éclaté vendredi soir dans les Xe et XIe arrondissements de Paris, en pleine rue, visant notamment des personnes attablées à des terrasses de restaurant, et dans la salle de spectacle voisine du Bataclan. Page 3 ÉDITION SPÉCIALE Retrouvez aussi nos dernières informations sur REUTERS

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Les mauvais pressentiments de Manuel Valls quelques heures avant les attaques de ParisEn visite à Dijon, Manuel Valls confiait à l’Opinion ses craintes de voir la France attaquée. « Il peut y avoir un attentat, commence-t-il, la voix grave, évoquant justement la tentative d’attentat déjoué à Toulon cette semaine. Page 3

RépubliqueFrançois Hollande s’adressera lundi au Parlement réuni en Congrès à Ver-sailles. Il en a fait l’annonce samedi à 11 heures, au cours de sa deuxième allo-cution solennelle depuis le début des attentats qui ont ensanglanté Paris, en  même temps qu’il décrétait trois jours de deuil national. «Je m'adres-serai au Parlement réuni en Congrès à Versailles lundi pour rassembler la Nation dans cette épreuve», a déclaré le président de la République, après un Conseil de défense à l'Elysée.

Ce sera la première fois que Fran-çois Hollande aura recours à l’article 18 de la Constitution, qui lui permet de s’adresser aux deux chambres réu-nies. Le chef de l’Etat « peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, prévoit cet article. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote ». A cette exception près, le président de la Vème République n’est pas autorisé à s’exprimer devant la représentation nationale, en vertu de la séparation des pouvoirs.

Confronté à un défi majeur, dix

mois après Charlie, François Hollande cherche de nouveau à mettre en scène l’unité nationale. En janvier, il avait reçu très vite à l’Elysée l’ensemble des chefs de partis sans exclusive (il les recevra de nouveau dimanche), et pris la tête d’une grande manifestation aux côtés notamment du président de l’UMP Nicolas Sarkozy et des chefs d’Etat étrangers le 11 janvier.

Alors que tout rassemblement dans les rues de la capitale est à ce jour ex-clu, les manifestations étant interdites, François Hollande a recours cette fois, pour scénariser malgré tout l’unité

nationale au lendemain du drame, à une disposition de la Constitution qu’il a lui-même ardemment combattue durant le précédent quinquennat. La possibilité donnée au président de la République de s’adresser au Parlement a de fait été introduite par la réforme de la Constitution de juillet 2008 voulue par Nicolas Sarkozy.

Le PS avait voté contre, reprochant à la majorité de l’époque de remettre en cause l’équilibre des pouvoirs en auto-risant un discours présidentiel devant les députés et les sénateurs. La disposi-tion était révélatrice, aux yeux du PS et

de son Premier secrétaire de l’époque François Hollande, de « l’hyperprési-dence » que Nicolas Sarkozy était censé incarner.  La réforme n’avait été votée qu’à deux voix près, dont celle du dé-puté PS Jack Lang, qui s’était affranchi des consignes de son parti. Elle permet-tra lundi à François Hollande, qui n’ou-blie pas de faire de la politique dans ces circonstances exceptionnelles, de déli-vrer un discours décisif pour la suite de son quinquennat. 

Nathalie Segaunes@ NSegaunes t

François Hollande réunit pour la première fois le Congrès à Versailles

La campagne des régionales suspendue Suite aux effroyables attentats, les candidats aux élections régionales ont suspendu leur campagne. Page 2

Vendredi 13La France a été touchée vendredi soir par une série d'attentats menés par des hommes armés ou munis d'explosifs qui ont fait plus de cent morts, incitant François Hollande à décréter l'état d'urgence dans tout le pays pour la première fois depuis 1945. Un bilan provisoire fait état de 127 morts et 180 blessés, dont près de cent dans un état grave. Les attaques se sont déroulées à Paris, dans les 10e et 11e arrondissement, notam-ment dans la salle du Bataclan, où le bilan est le plus lourd, ainsi qu’aux abords du Stade de France, à Saint-Denis. 

Jean-Dominique Merchet

état de deux préparations d’attentats contre l’armée - comme cette semaine encore à Toulon. Cette fois-ci, aucun groupe particulier n’est visé, si ce n’est directement les Français, en frappant les abords du Stade du France et l’un des quartiers les plus « bobos » de la capitale. Ce terrorisme indifféren-cié renoue avec celui que Paris a connu en 1986 et 1995, avec les attentats de la rue de Rennes ou du RER Saint-Michel. N’importe quel client d’un bar ou d’une salle de spectacle peut aujourd’hui se sentir menacé. L’effet terrorisant est multiplié d’autant. 

La simultanéité des attaques était un scénario redouté depuis des années par les professionnels du contre-terro-risme, qui s’y préparaient, en renfor-çant leurs effectifs et leur coordination. On en avait eu un avant-goût en jan-vier, avec l’assaut concomitant contre l’Hyper Cacher et l’imprimerie où les frères Kouachi étaient retranchés. Mais il s’était déroulé près de 50 heures entre les deux attaques initiales. Ven-dredi soir, ce sont les terroristes qui ont eu l’initiative de la simultanéité. Si le scénario exact n’est pas encore connu, moins de douze heures après les faits, une chose est certaine : il y a eu au moins deux équipes, l’une au Stade de France et l’autre à Paris, et elles étaient parfaitement coordonnées dans leur timing.  lll Page 2

Les attaques du vendredi 13 consti-tuent une rupture dans les modes d’action terroristes visant la France. Et cela, sur quatre plans différents : les objectifs, la simultanéité, l’ampleur et la méthode, suicidaire. 

Contrairement aux attentats de janvier, les attaques de vendredi soir n’étaient pas dirigées contre des cibles très spécifiques, que ce soit un journal jugé « blasphémateur » ou la commu-nauté juive. Mohammed Merah s’en était déjà pris aux Juifs et aux militaires, alors que, courant 2015, il a été fait

La France entre dans une nouvelle phase de la guerre terroriste

L’émotion, énorme et légitime, ne doit pas entraîner la France dans la même impasse stratégique que l’Amérique après le 11 septembre

SAMEDI 14 NOVEMBRE 2015 – HORS-SÉRIE

Face à ce nouveau pas qui a été franchi dans l’atrocité et la ter-

reur, la réaction de dégoût, de rejet et de solidarité s’impose naturellement. Les mots et les actes qui ont été ceux de nos principaux dirigeants politiques, depuis François Hollande jusqu’à l’en-semble de l’opposition, sont justes. Les

heures et les jours qui suivent un tel drame ne peuvent laisser la moindre place à tout ce qui nuirait à la solidarité nationale.

Une fois l’émotion estompée, vien-dra le temps des questions. Elles aussi légitimes : pourquoi cette escalade dans la sauvagerie, pourquoi ce ciblage

aveugle ? Pourquoi une telle faille dans notre dispositif de protection, et pour-quoi nous ? Et puis encore : quelle ri-poste, et quelles conséquences en tirer sur notre action diplomatique ? Car, comme l’ont hurlé les assassins du Ba-taclan, cet acte de guerre est une ven-geance contre notre action en Syrie.

La France ne peut pas ne pas en tenir compte dans sa politique étrangère, et dans ses positions sur Bachar al-Assad et le conflit en Syrie.

C’est à la racine qu’il faut traiter le mal : l’état d’urgence, la multiplication des plans de sécurisation, la protec-tion du territoire national laisseront

toujours des failles béantes dans cette guerre asymétrique où l’ennemi cible indistinctement les civils, au hasard de sa haine. L’union nationale doit servir à cela : cet épisode de la bataille de Sy-rie doit changer notre façon de faire la guerre aux extrémistes islamistes.

Nicolas Beytout

Pourquoi nous ?

Les pertes humaines sont très élevées. Avec plus de 100 morts et de nombreux blessés, il s’agit de l’atten-tat le plus meurtrier que la France a connu. En janvier, il y avait eu 20 morts, dont les trois terroristes. L’ampleur est donc cinq à six fois supérieure, mais on reste loin du bilan du 11 septembre :

2 996 morts, dont 19 terroristes. Les at-tentats de Madrid (2 004) et de Londres (2005) avaient fait respectivement 191 et 56 morts. 224 personnes ont été tuées dans l’avion russe, probablement cible d’un attentat, le 31 octobre. Les attaques de Paris figurent donc parmi les plus meurtrières de ces derniers

mois, avec celles du Pakistan, contre une école (141 personnes, dont 132 en-fants) en décembre 2014, et du Kenya, à l’Université de Garissa (148 morts) en avril 2015.

Des attentats suicides ont désor-mais lieu en FranceDernier élément et

Plus de 120 morts dans une vague d’attaques terroristes sans précédent à ParisPlusieurs fusillades ont éclaté vendredi soir dans les Xe et XIe arrondissements de Paris, en pleine rue, visant notamment des personnes attablées à des terrasses de restaurant, et dans la salle de spectacle voisine du Bataclan. Page 3

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2 l’Opinion samedi 14 novembre 2015

« Quel cauchemar ! » « C’est inimaginable… » « Vous connaissez la série Homeland ? Eh bien là, la France a vécu en vrai des drames terro-ristes, interpelle au téléphone, la voix blanche, un membre éminent du PS. Ce n’était pas un film, c’était vraiment fou, fou, fou… »

Des élus aux conseillers ministériels, en passant par un ministre, comme un sentiment d’irréalité traversait les rangs de la majorité samedi, après les attaques terroristes meur-trières dans la capitale. À l’Élysée, la riposte s’est organisée en deux temps : d’abord, Fran-çois Hollande s’est mué en chef de guerre, dès vendredi soir, indiquant que la « France serait impitoyable ». Samedi matin, il désignait Daech - qui revendiquera les actions plusieurs heures après - comme l’ennemi de la Nation.

Deuxième axe, samedi matin, aux lende-mains des attaques, François Hollande en a appelé à l’unité nationale. « Dans cette période si douloureuse, si grave, si décisive pour notre pays, j'en appelle à l'unité, au rassemblement, au sang-froid. Et je m'adresserai au Parlement réuni en Congrès à Versailles lundi pour ras-sembler la Nation dans cette épreuve. La France est forte et même si elle peut être bles-sée, elle se lève toujours et rien ne pourra l'atteindre même si le chagrin nous assaille. La

France, elle est solide, elle est active. La France, elle est vaillante et elle triomphera de la barbarie », déclare le Chef de l’État.

« Il veut rejouer la France unie, il l’espère face à la gravité des faits. N’oubliez pas qu’il a été visé, peut être indirectement, mais il était dans le Stade de France au moment des explo-sions », appuie un proche du chef de l’État. En attendant, la campagne des régionales est ge-lée partout en France. Combien de temps ? « Je ne sais pas », glisse un membre de la direction nationale du PS. Un bureau national est d’ail-leurs convoqué samedi à 18 h 30.

Quant à l’accueil et l’organisation de la Cop21, où plus d’une centaine de chefs d’État et de gouvernement, sont attendus à Paris, à partir du 30 novembre prochain, pas question d’envoyer un message de faiblesse aux terro-ristes. « Elle doit être organisée, il n’est pas question de faire le jeu des terroristes, avance un conseiller ministériel. Ce sera un moment de mobilisation mondiale face à la terreur. » Le maintien de la conférence internationale sur le climat doit néanmoins encore être confirmé officiellement.

Stéphane Grand@Stephane_Grand t

Les attaques étaient encore en cours dans la capitale que déjà les réactions poli-tiques affleuraient vendredi soir sur Twitter. Entre l’effroi et la stupéfaction, les candidats aux élections régionales ont suspendu leur campagne les uns après les autres (Claude Bartolone, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Marine Le Pen…).

« Je ne vois pas quel candidat peut conti-nuer une campagne tant que le deuil n’a pas été fait. Comment avoir le coeur à ça? », ques-tionne Luc Carvounas, directeur de campagne de Claude Bartolone en Ile-de-France. S’ajoute bien sûr la question de la sécurité, surtout tant que la certitude que tous les assaillants sont morts n’est pas établie.

Dans l’entourage de Valérie Pécresse, on ne veut pour l’instant pas commenter les réper-cussions du drame sur la campagne. La can-didate Les Républicains en Ile-de-France a im-médiatemment envoyé un mail vendredi soir à ses équipes pour tout suspendre alors qu’une réunion des jeunes avec Valérie Pécresse se tenait au même moment à la Bellevilloise (20e arrondissement), non loin des lieux des fusil-lades.

Sur Twitter, plusieurs ténors de la droite, de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé, ont appelé à l’unité.

Une unité nationale, au moins provisoire, sauf peut-être au FN qui a peiné à se position-ner durant des premières heures suivant les événements dramatiques.

Le député européen Jean-Luc Mélenchon s’est agacé de cet empressement.

Caroline Vigoureux@CaroVigoureux t

Sonné par le niveau des attaques, le gouvernement prépare la riposte

Entre stupeur et effroi, la campagne des régionales suspendue

Guerre terroriste en plein Paris

non des moindres : le mode opératoire, c’est-à-dire l’attentat-suicide. Là encore, cette mé-thode très fréquente au Moyen-Orient est une première sur le territoire français. Il semble que 7 des 8 terroristes se soient fait explo-ser, après des attaques à l’arme automatique contre des civils. Ce qu’il s’est passé au Stade de France suscite des interrogations : trois ter-roristes s’y seraient fait sauter, en provoquant la mort d’une seule autre personne. Quelque chose semble avoir dysfonctionné dans leur plan. Mais la réalité s’impose : des attentats sui-cides ont désormais lieu en France. On passe ainsi de l’angoisse du sac abandonné sur un quai de métro à la peur provoquée par tout un chacun…

Une arme de communication massive. On le voit, en franchissant une nouvelle étape dans la guerre, les terroristes viennent de rem-porter une bataille contre nous. Le terrorisme est, fondamentalement, une arme de commu-nication massive : la résonance des actes com-mis vendredi est immense. C’est l’effet recher-ché par leurs auteurs et il est obtenu, puisque nous sommes légitimement pris au piège de nos émotions. La terreur s’avère efficace.

Pourtant, dans les heures et les jours qui viennent, on entendra beaucoup parler de ré-silience et de résistance. Immédiatement après les faits, alors qu’il réunissait un conseil des ministres en pleine nuit, François Hollande, ému, a ainsi assuré que « nous allons mener le combat, il sera impitoyable. [...] Quand des terroristes sont capables de faire de telles atro-cités, ils doivent être certains qu'il y aura en face d'eux une France déterminée, une France unie, une France rassemblée et une France qui ne se laissera pas impressionner ». Ces mâles paroles ne doivent pas faire perdre de vue l’objectif stratégique des terroristes : nous faire commettre des erreurs et donc nous affaiblir. 

L’exemple américain est à méditer. Sous l’émotion considérable du 11 septembre, les Etats-Unis sont entrés en guerre « contre le terrorisme ». Ils sont allés en Afghanistan, puis en Irak. Ils n’ont gagné aucune de ces deux guerres, s’y sont sérieusement enlisés et ont laissé derrière eux un champ de ruines, où le terrorisme prospère plus encore qu’en 2001. L’Etat islamique s’est construit, en Irak, sur les décombres de l’intervention américaine. Barack Obama a tenté de sortir son pays de ce cycle infernal, sans y parvenir. 

Reste à savoir s’il y avait, en 2001, une autre voie que celle choisie par George W. Bush et ses faucons néoconservateurs. Cette question est aujourd’hui posée en France, où toutes les conditions politiques sont réunies pour que François Hollande, soutenu par une opi-nion traumatisée, emboîte le même pas. Dans son récent livre, « les Guerres du Président » (Seuil), le journaliste David Revault d’Allonnes décrit très précisément comment François Hollande s’est converti à la manière forte. 

Au milieu de la nuit, l’Elysée a ainsi déclaré l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire. deux décrets permettent « d’interdire la circu-lation des personnes et d’instituer des zones de protection et de sécurité ». En Ile-de-France, ces dispositions « permettent l’assignation à résidence de toute personne dont l’activité est

dangereuse » et de « procéder à des perquisi-tions administratives ». Face à une menace im-médiate, ces mesures sont utiles aux services de police. Toutefois, l’expérience montre qu’il est beaucoup plus facile de prendre de telles mesures que d’en sortir. Le plan Vigipirate, quoique modulé, n’a jamais été levé depuis 20 ans. L’opération Sentinelle, mobilisant l’armée au lendemain des attentats de janvier, s’inscrit désormais dans la durée pour la protection des sites sensibles, en particulier de la communau-té juive. L’intervention antiterroriste au Mali, qui ne devait à l’origine durer que quelques se-maines, s’est élargie à tout le Sahel et les chefs militaires ne cachent pas qu’ils y sont pour 15 ou 20 ans… Des frappes en Irak, on est passé récemment à d’autres en Syrie, dans un cadre juridique assez flou.

La guerre a sa logique qui est celle de l’en-grenage, de la « montée aux extrêmes » décrite par Clausewitz. René Girard, l’anthropologue français récemment disparu, le constatait lui aussi : « Nous sommes dans une montée de la violence qui semble n'avoir pas de fin, pas de limite ».  

La guerre que nous menons de notre cô-té est-elle au moins efficace ? Permettra-t-elle de contenir, à défaut de vaincre, les groupes terroristes, l’Etat islamique au premier chef ? En ne parvenant pas à prévenir les attaques de vendredi, les services de sécurité ont clai-rement perdu une bataille. Ils en ont gagnés et en gagneront d’autres, mais face à la tragédie d’hier soir, la communication échevelée de ces derniers jours sur l’apprenti terroriste connu de la police qui envisageait, muni d’un couteau et d’une cagoule, d’attaquer la base navale de Toulon apparaît bien dérisoire. 

Il n’y a pourtant pas d’autres solutions que la traque quotidienne des groupes terroristes, par la police, la gendarmerie et les services de renseignement. A cet égard, l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (Emopt), mis en place au printemps au minis-tère de l’Intérieur, « fait un très gros travail, qui n’était jusqu’alors fait par personne » explique un proche du dossier. Près de 12 000 per-sonnes y sont suivies, ce qui donne une idée de l’ampleur de la tâche. 

Une solution militaire existe-t-elle ? Dans l’urgence, 1 500 militaires ont été mobilisés pour prêter main-forte aux forces de sécu-rité. Les attaques de vendredi pourraient être l’occasion de revoir le dispositif de l’opération Sentinelle, que les militaires jugent beaucoup trop statique. Il s’agissait de protéger des sites sensibles, comme des lieux de cultes ou des écoles confessionnelles. Mais, on sait désor-mais que n’importe quelle salle de spectacle ou café parisien peut être une cible. 

Au niveau international, les attaques de Pa-ris se déroulent à deux semaines de la COP21, qui verra converger vers Paris des dizaines de chefs d’Etat ou de gouvernement. Le défi sécu-ritaire, déjà élevé, devient considérable. Autre dossier, celui de la Syrie, avec la réunion ce sa-medi à Vienne, des principaux pays impliqués dans la résolution de cette crise. La France pourra-t-elle longtemps conserver sa ligne : ni Bachar, ni Daech alors que le terrorisme l’a frappé si durement ?

@jdomerchet t

lll Suite de la page 1

SIPA

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Marine Le Pen venait tout juste de ter-miner son meeting, vendredi soir, quand les premières explosions ont retenti à Paris. Mais l'information n'était pas encore arrivée à Rouen quand la présidente du Front national a quitté la ville. C'est depuis l'autoroute, très vite, qu'elle a été l'une des toutes premières à annoncer via Twitter qu'elle interrompait sa campagne des élections régionales.

Tous les candidats du FN, comme ceux des autres partis, ont très vite pris la même décision, chacun avec ses mots. Nicolas Bay en Normandie (« ma campagne est évidem-ment suspendue »), Florian Philippot dans l'est (« Horreur et infinie tristesse. Campagne sus-pendue »). Marion Maréchal-Le Pen en PACA (« Face à l'horreur qui frappe mon pays, je sus-pends la campagne jusqu'à nouvel ordre »). 

Marine Le Pen doit s'exprimer samedi à 15 heures depuis le siège du Front national, à Nanterre, pour réagir sur les événements et peut-être aussi aux  mots d'ordre d'union natio-nale qui circulent à droite comme à gauche. A 17h, elle sera reçue à l’Elysée par François Hol-lande avce les autres chefs de partis.

Mais vendredi soir, certains cadres du FN ne se sont pas contentés de dire leur horreur. Le secrétaire général du FN, Nicolas Bay, avant de retirer son tweet, à d'abord écrit : « Pendant que ce Hollande et ce Valls combattaient le FN, des assassins sanguinaires préparaient leurs attentats. Honte, honte, honte à eux ». Louis Aliot, tête de liste en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrenees, interpellait de son côté le pre-mier ministre qui voit un danger dans la pers-pective de régions dirigées par le FN après les

élections de décembre.Et Philippe Martel, conseiller de Marine Le

Pen, après avoir évoqué  «Boboland », s'inter-rogeait : « Vont-ils ils enfin comprendre ou faire une marche blanche? (...)  Que de vies perdues avant qu' Holllande se décide à fermer les fron-tières », un thème très repris sur les réseaux so-ciaux par les militants FN, sur le thème : « C'est trente ans trop tard. »

Dans son meeting de Rouen, devant 500 personnes, Marine Le Pen était longuement revenue sur le mot de « drame » utilisé par Manuel Valls pour qualifier une éventuelle conquête de région par le FN. « Le véritable drame, ce sont nos sept millions de chômeurs, nos dix millions de pauvres, nos jeunes sans perspective d'avenir, nos quartiers abandon-nés aux caïds, nos personnes âgées aux retrai-tés de misère. Le drame, c'est la déferlante mi-gratoire et la soumission devant la chancelière allemande. »

En 2012, comme les autres candidats, Ma-rine Le Pen avait suspendu sa campagne après l'affaire Merah et s'était rendue à l'hommage national auquel Nicolas Sarkozy avait convié tous les prétendants à l'Elysée. Mais après les attentats de janvier, devant l'hostilité d'une partie de la gauche, la présidente du FN n'avait pas participé à la marche du 11 janvier, préfé-rant défiler à Beaucaire, dont le maire est le FN Julien Sanchez. En pleine campagne, même suspendue, des élections régionales, le même casse- tête, aussi dérisoire soit-il, risque de se reproduire. 

Béatrice Houchard@ beache3 t

Le Front National de nouveau confronté au thème de l’union nationale

Trois jours de deuil national. FrançoisHollande s’exprimera lundi devant leParlement, réuni en Congrès à Versailles.

Plus de 120 morts dans unevague d’attaques terroristessans précédent à Paris

REUTERS

Les secours interviennent après lafusillade

CauchemarPLUSIEURS FUSILLADES ONT ÉCLATÉ VENDREDI

SOIR dans les Xe et XIe arrondissements de Pa-ris, en pleine rue, visant notamment des per-sonnes attablées à des terrasses de restaurant,et dans la salle de spectacle voisine du Bata-clan. Le bilan n’est pas définitif mais, selonFrançois Hollande samedi en fin de matinée, ils’élève déjà à 127 morts et de très nombreuxblessés.3La prise d’otages du Bataclan aurait fait, àelle seule, plus de 70 morts. L’assaut a étédonné par la Brigade de recherches et d’inter-vention (BRI) vers 00 h 30. Les témoins racon-tent avoir dû enjamber les corps pour évacuerla salle. Certains d’entre eux affirment que lesassaillants ont crié « Allahou akbar » ; plu-sieurs autres qu’ils ont fait allusion à la situa-tion en Syrie.3Plusieurs explosions attribuées à des ka-mikazes ont aussi eu lieu à proximité du Stadede France, où se déroulait le match de footballentre les équipes de France et d’Alle-magne. François Hollande et le ministre del’Intérieur Bernard Cazeneuve, qui assistaientà la rencontre, ont été évacués.

L’état d’urgence décrétésur tout le territoire3Le plan Rouge Alpha (riposte à multi-atten-tats) et le plan Blanc (libérer des places auxhôpitaux) ont été déclenchés pour faire face àces attaques coordonnées jamais vues enFrance, dix mois après l’attentat contre Char-lie hebdo.3Huit terroristes seraient morts, sans quel’on sache encore, samedi matin, s’il y enavait d’autres qui auraient pu prendre lafuite.

3François Hollande a annoncé à la télévi-sion dans la nuit que l’état d’urgence allaitêtre décrété sur l’ensemble du territoire et lesfrontières vont être fermées. Il est apparumarqué durant son intervention. Il aconfirmé que des « attaques terroristes sansprécédent » étaient en cours. « C’est unehorreur » qui mobilise « tous les forces possi-bles pour la neutralisation des terroristes ». Ila annoncé des renforts militaires. « C’est uneterrible épreuve qui une nouvelle fois nous as-saille, a-t-il continué. Dans ces moments si dif-ficiles, il faut faire preuve de compassion et desolidarité. »33Un Conseil des ministres exceptionnels’est réuni ensuite aux alentours de mi-nuit. Puis François Hollande s’est rendu auBataclan avec Manuel Valls, Bernard Caze-neuve et la Garde des sceaux Christiane Taubi-ra. Il a annulé son déplacement au G20 enTurquie de dimanche et lundi, et a tenu sa-medi matin un conseil de Défense. 1 500 mili-taires supplémentaires vont être mobilisés.3Le chef de l’Etat a décrété samedi troisjours de deuil national et annoncé qu’il s’ex-primerait lundi devant le Parlement, réuni enCongrès à Versailles.3

Juste avant que la vague d’attentat frappela région parisienne, le chef dugouvernement confiait à l’Opinion sescraintes

Les mauvais pressentimentsde Manuel Valls quelquesheures avant les attaques deParis

Juste avant que la vague d’attentat,le chef du gouvernement confiait àl’Opinion ses craintes

SIPA PRESS

PrémonitionStéphane Grand

C’ÉTAIT QUELQUES HEURES SEULEMENT AVANT

que la région parisienne soit frappée vendredisoir par une vague d’attentats inédite.3En visite à Dijon, Manuel Valls confiait àl’Opinion ses craintes de voir la France atta-quée. « Il peut y avoir un attentat, commence-t-il, la voix grave, évoquant justement la tenta-tive d’attentat déjoué à Toulon cette semaine.Il faut être d’une très grande vigilance. Il y ales 1 800 Français dans les filières syriennes etirakiennes. On découvre aussi des gens, et

c’est le cas à Toulon, qui ne sont pas passéspar des filières, qui n’ont pas de passé de dé-linquants ».3Le Premier ministre marque un tempsd’arrêt et reprend ses confidences pourl’Opinion : « C’est le seul truc qui peut nousempêcher de dormir. On peut avoir des atten-tats à tout moment, sous des formes très diffé-rentes, rien qu’en se procurant des armes àfeu. »3Manuel Valls analyse la situation interna-tionale, il indique que Daech avait justementdes velléités d’étendre le conflit : « On voitbien que Daech est sans doute en difficulté surle terrain, notamment en Irak. Daech a desvisées à l’extérieur ».3Enfin, il rajoute : « Si c’est confirmépour l’explosion dans l’avion [Ndlr : il s’agitde l’avion russe en Égypte] et Beyrouth, où ilsont porté le fer au sein de la société libanaise,contre le Hezbollah (...). Est-ce qu’ils y arrive-ront en Europe ? Ils le veulent. En Europe,c’est la France, mais pas seulement, qui peut-être visée. Tout cela avec le drame des réfu-giés qui crispe la société française et les so-ciétés européennes. Il faut se battre ».

@Stephane_Grand t

Barack Obama cite la devise de laRépublique, « Liberté, égalité, fraternité »,en français

La planète entière fait part desa solidarité

L'antenne du World trade center, lanuit dernière à New York

REUTERS

Bleu blanc rouge

LA PLUPART DES GRANDS DIRIGEANTS MONDIAUX

ont rapidement fait part de leur consterna-tion, de leur condamnation et de leur solida-rité.

BARACK OBAMA3« Une fois de plus, nous avons assisté àune tentative intolérable visant à terroriserdes civils innocents. Nous sommes prêts àfournir toute l'assistance dont le gouverne-ment et la population de la France auront be-soin. Tous ceux qui pensent qu'ils peuvent ter-roriser le peuple de France et les valeurs qu'ildéfend se trompent », a déclaré le présidentdes Etats-Unis, qui a récité en français la de-vise « Liberté, égalité, fraternité ».

ANGELA MERKEL3« Je suis profondément bouleversée parles nouvelles et les images qui nous parvien-nent de Paris, a déclaré la chancelière alle-mande. Mes pensées en ces heures vont auxvictimes (...), à leurs proches et à toute la po-pulation de Paris ».

DAVID CAMERON3« Je suis choqué par les événements de cesoir à Paris. Nos pensées et nos prières vontau peuple français. Nous ferons tout ce quenous pouvons pour venir en aide », a promisle premier ministre britannique.

NATIONS-UNIES3Le conseil de sécurité dénonce « des atta-ques terroristes barbares et lâches » et « sou-ligne la nécessité de traduire les auteurs deces attaques terroristes en justice ».

VLADIMIR POUTINE3Le président russe a adressé ses profondescondoléances à François Hollande et à tous lesFrançais après « les horribles attaques terro-ristes à Paris », déclare le Kremlin dans uncommuniqué.3« La Russie condamne ce massacre inhu-main et se tient prête à fournir son entière as-sistance pour enquêter sur ces crimes terro-ristes », poursuit le texte.

JEAN-CLAUDE JUNCKER3Le président de la Commission eu-ropéenne assure : « Je fais confiance aux au-torités et la population française pour sur-monter cette nouvelle épreuve. »3

JENS STOLTENBERG3Le secrétaire général de l'Otan sedit « profondément choqué par les horriblesattaques terroristes à travers Paris. Mespensées vont aux familles des victimes et aupeuple français. Nous demeurons forts et unisdans le combat contre le terrorisme. Le terro-risme ne vaincra jamais la démocratie ».

AHMET DAVUTOGLU3« Ces attaques ne sont pas seulementcontre la population française mais contretoute l'humanité, la démocratie, les libertés etles valeurs universelles », déclarent dans uncommuniqué les services du Premier ministreturc.

IRAN3Pour le porte-parole du ministère iraniendes Affaires étrangères, cité par l'agence depresse officielle Irna, « Ceux qui ont perpétréces crimes n'ont rien à voir avec l'islam, l'hu-manité et la morale. L'Iran réaffirme qu'unfront international uni doit être constituépour éliminer le terrorisme ».

CHINE3La Chine est prête à aider la France et lacommunauté internationale à intensifier la co-opération en matière de sécurité et de luttecontre le terrorisme, a fait savoir le présidentchinois Xi Jinping à François Hollande.

Plusieurs enseignes ont décidé de ne pasouvrir leurs portes

Les rideaux des grandsmagasins fermés à Paris

EconomieDe nombreux magasins ont décidé de nepas ouvrir à Paris, samedi, à la suite des at-tentats perpétrés dans la nuit de vendredi àsamedi en Ile-de-France. Les Parisiens sontd’ailleurs appelés à rester chez eux.

6 Medias

LES GRANDS MAGASINS PARISIENS et les enseignesde luxe des groupes LVMH et Kering ontbaissé leur rideau samedi pour des raisons desécurité après la série d'attaques terroristessans précédent survenue vendredi soir à Pa-ris. Après avoir ouvert normalement en débutde matinée samedi, le Printemps, les GaleriesLafayette ainsi que le BHV Marais ont ferméavant midi à Paris. « Nous avions décidé d'ou-vrir dans un élan citoyen de résistance face àla barbarie », a déclaré une porte-parole desGaleries Lafayette.3Mais le travail s'effectuant sur la base duvolontariat le samedi, le grand magasin n'a

pas eu les effectifs nécessaires pour assurerson service à la clientèle et a été contraint defermer ses portes, a-t-elle précisé. De leurcôté, toutes les boutiques du groupe LVMH(Louis Vuitton, Fendi ou Céline, Sephora),celles de Dior et celles du groupe Kering (Guc-ci, Bottega Veneta ou Saint Laurent) resterontcloses ce samedi. D'autres enseignes commeUniqlo ou H&M ont pris la même décision.3« Compte-tenu de l'état d'urgence qui a étédécrété et par mesure de sécurité pour nos sa-lariés, les boutiques de nos marques resterontfermées ce week-end », a précisé un porte-pa-role de Kering. Le groupe LVMH a lui aussi in-diqué avoir pris cette décision par mesure desécurité. De leur coté, les aéroports Roissy-CDG et Orly restent ouverts même si le renfor-cement des contrôle de sécurité peuvent setraduire par des retards, a précisé par ailleursAéroports de Paris. La compagnie AmericanAirlines a cependant reporté ses vols vers Pa-ris après les attaques.

samedi 14 novembre 2015 l'Opinion 3

A minuit, le président de la République aannoncé l’état d’urgence

Etat d’urgence, état de guerre

REUTERS

Protection« La France est en guerre », répètent enboucle les experts. A minuit, le présidentde la République a annoncé l’état d’ur-gence

l’Opinion

C’EST UNE « TERRIBLE ÉPREUVE », a dans la nuitassuré le Président de la République. Expertset politique parlent de «guerre». «Noussommes entrés en guerre», clame parexemple le député Bernard Debré.3Avant un Conseil des ministres convoquéà minuit, sur le rapport du Premier ministre,du ministre de l’Intérieur et de la Garde dessceaux, un décret déclarant l’état d’urgence aété adopté ; il a aussitôt pris effet sur tout leterritoire métropolitain et en Corse. Trèsému, François Hollande l’avait annoncé à latélévision, parlant d’un « renfort militaire surl’agglomération parisienne », l’état d’urgenceet la fermeture des frontières. 33L’état d’urgence, de quoi s’agit-il ? Prévupar la loi d’avril 1955, l’état d’urgence est unrégime exceptionnel qui restreint les libertés.Votée pour faire face aux événements liés à laguerre d’Algérie, la loi « confère aux auto-

rités civiles, dans l'aire géographique à la-quelle il s'applique, des pouvoirs de police ex-ceptionnels portant sur la réglementation dela circulation et du séjour des personnes, surla fermeture des lieux ouverts au public et surla réquisition des armes ».3Les préfets peuvent interdire la circulationdes personnes ou des véhicules, instituer«des zones de protection ou de sécurité où leséjour des personnes est réglementé», inter-dire de séjour « toute personne cherchant àentraver, de quelque manière que ce soit, l'ac-tion des pouvoirs publics ».3Le ministre de l’Intérieur peut assigner àrésidence toute personne « dont l'activités'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordrepublics ». Il peut aussi «ordonner la ferme-ture provisoire des salles de spectacle, débitsde boissons et lieux de réunion» et « les réu-nions de nature à provoquer ou à entretenir ledésordre» ainsi qu’«ordonner la remise desarmes de première, quatrième et cinquièmecatégories ».3L’état d'urgence est appliqué en Algé-rie juste après sa création, en août 1955, puisde nouveau en mai 1958 et en avril 1961 aprèsle putsch des généraux à Alger. En décembre1984, il est décrété en Nouvelle-Calédonie. Eten novembre 2005, lors des émeutes des ban-lieues.

Le groupe djihadiste a publié uncommuniqué, intitulé « l’attaque bénie deParis contre la France croisée »

L'organisation islamiquerevendique le bain de sang

CroisadeMoins de 24 heures après les multiples at-taques qui ont frappé Paris et la banlieue,Daech a publié un communiqué dans le-quel ils expliquent les raisons pour les-quelles ils ont attaqué l’Etat français.

6 Medias

L’ORGANISATION ETAT ISLAMIQUE A REVENDIQUÉ

les différentes attaques terroristes qui ont eulieu vendredi 13 novembre :3Le groupe djihadiste dit que les attentatsde Paris sont une « réponse aux insultes faitesau prophète Mahomet » et aux « frappes aé-riennes contre le territoire de l’EI ». L'organi-sation djihadiste explique que ses activistesportaient des gilets d'explosifs et des armesautomatiques pour mener les attaques com-mises dans plusieurs endroits de la capitalefrançaise et précise que l'opération avait étésoigneusement préparée.3L'Etat Islamique ajoute que ces attaquesvisaient à démontrer que la France demeureraune cible privilégiée tant qu'elle poursuivra lamême politique au Moyen-Orient. Le groupeislamique précise que ces attaques meur-trières constituaient la réponse aux insultesfaites au prophète Mahomet et aux bombarde-ments menés par l'armée de l'air françaisecontre les territoires tenus par l'EI en Syrie enIrak.3« Huit frères portant des ceintures d'explo-sifs et des fusils d'assaut ont pris pour ciblesdes endroits choisis à l'avance, minutieuse-ment, au coeur de la capitale française »,

écrit Daech. « La France et ceux qui suiventsa voie doivent savoir qu'ils restent les princi-pales cibles de l'Etat islamique et qu'ils conti-nueront à sentir l'odeur de la mort pour avoir(...) insulté notre prophète (...) et frapper lesmusulmans en terre du califat avec leursavions (...) », poursuit le texte.

Une étrange vidéo nondatée3Un peu plus tôt dans la journée, l'Etat isla-mique avait publié une vidéo non datée me-naçant de mener de nouveaux attentats sur lesol français si les raids aériens se poursui-vaient en Syrie et en Irak. La vidéo a été pu-bliée par le Al Hayat Media Centre, bras mé-diatique de l'EI. Il était impossible de détermi-ner le lieu ou la date de sa réalisation. Un acti-viste, portant une barbe, s'y exprime en arabeet appelle les musulmans français qui ne peu-vent pas se rendre en Syrie pour combattre àcommettre de nouveaux attentats.3« Tant que vous continuerez à nous bom-barder, vous ne vivrez pas en paix. Vous aurezmême peur de vous rendre au marché », dé-clare cet activiste entouré par d'autres acti-vistes, qui semblent être des ressortissantsfrançais portant des habits militaires. Lavidéo montre les militants brûlant des passe-ports. Dans une allocution en fin de matinéele président François Hollande a déclaré quela France était confrontée à « un acte deguerre ».

@6medias t

Reportage au cœur de la capitale oùl’émotion est forte mais où la solidarité estde mise

Après l’horreur, le quartierBichat de Paris entre émotion,solidarité et tension

Le restaurant Le Carillon, où plusieurs personnes ont été tuées alors qu'elledînaient en terrasse vendredi soir

IRÈNE INCHAUSPÉ

ReportageIrène Inchauspé

SAMEDI 11 HEURES RUE BICHAT, là où dans untriangle se font face le Petit Cambodge, le Ca-rillon et la pizzeria Maria Louisa. Trois restau-rants sympas, bien connus et très fréquentéspar les gens de ce quartier bobo, dont 200étaient là ce matin, commençant à déposerdes veilleuses et quelques bouquets.

Devant l’hôpital Bichat,dans le 18e arrondisse-ment, une queue s’allongepour le don du sang 3Une femme en doudoune, un peu trem-blante, explique qu’elle et sa fille de 8 ans sontdes miraculées. Elles dînaient en terrasseavec des copines de travail à la pizzeria. « J’aientendu les tirs et je les ai toujours dans latête, ta-ta-ta-ta, explique-t-elle. Ça va très vitequand ils tirent vous savez… ». Elle a vu unclient du Petit Cambodge arrivant avec safemme morte dans ses bras et demandant auserveur « aide-moi ». En rentrant chez elle,elle a dit à son fils de 12 ans que « les jeuxvidéo où ça tire dans tous les sens, c’est fini».«Ca n’a rien à voir», lui a t-il répondu. « Tun’as pas entendu les tirs, alors c’est commeça, ces jeux c’est terminé »

3« Il y a trois heures de queue, et on nous adit qu’il y avait assez de sang pour au-jourd’hui, explique ces jeunes. Mais ils aime-raient bien qu’on revienne la semaine pro-chaine, parce qu’ils disent qu’il n’y aura pluspersonne». « Moi je crois que je suis tropvieille », regrette une femme. Je discutais avecune femme musulmane il y a cinq minutes, jelui disais qu’il fallait que les musulmansmodérés manifestent, qu’ils disent qu’ils n’ontrien à voir avec ça, mais un barbu m’a pris àpartie, il était violent et m’a dit que non, quece n’était pas la peine». 3Voilà l’homme qui parade devant les télévi-sions, expliquant qu’il habite le quartier, alorsque cinq minutes plus tôt il avait expliquéqu’il était là par hasard… «C’est pas la Syrie,c’est pas Daech, c’est des gens qui habitent ici,faut renforcer les contrôles», s’agace unautre. Sortie de son immeuble, une conciergeexplique que ce n’est pas normal, « tous cesgens qu’on accueille et voilà ce qu’ils font ».Mais qui ? « Ben, ils disent que c’est des Sy-riens ».3Retour le long du canal, le quai de Jem-mapes étrangement calme. Pas de bateaux-mouches. En général, entendre répéter « at-mosphère, atmosphère, est-ce que j’ai unegueule d’atmosphère ? » dans les haut-par-leurs lorsque les embarcations passent devantl’Hôtel du Nord est exaspérant pour les habi-tués du quartier. Mais ce samedi, on aimeraitvraiement l’entendre, l’Arletty.

@iinchauspe t

La COP21 sera malgré toutmaintenueIL N'EST PAS QUESTION DE REMETTRE EN CAUSE latenue à Paris de la conférence sur le climatprévue du 30 novembre au 11 décembre aprèsles attentats qui ont fait plus de 120 morts ven-dredi en France.3« Ce n'est aucunement envisagé » mais« le niveau de sécurité sera encore ren-forcé », assure une source diplomatiquefrançaise. Quelque 118 chefs d'Etat et de gou-vernement sont attendus au Bourget, près deParis, le 30 novembre, pour donner le coupd'envoi de cette conférence considéréecomme une des dernières chance de parvenirà un accord universel sur la réduction desémissions de gaz à effet de serre.3320 000 à 40 000 participants.Sont éga-lement attendues de 20 000 à 40 000 per-sonnes venues des 195 pays participants. Deson côté, le secrétaire général de la COP21,Pierre-Henri Guignard, a précisé que lesconséquences de la vague d'attentats de ven-dredi seraient prises en considération "très ra-pidement par le président de la République"et par le ministre des Affaires étrangères, Lau-rent Fabius.3« A ce stade, il y a une situation d'urgenceà laquelle il faut faire face et le moment venules autorités françaises se prononceront sur laCOP et sur la façon dont elle est envisagée etorganisée dans ce contexte », a-t-il expliqué.

3« Actuellement, au secrétariat général,l'équipe étudie les différentes options. La déci-sion politique viendra dans quelques jours »,a-t-il ajouté. « Comme tout le monde, noussommes très choqués par ce qui s'est produitet, bien évidemment, nous allons nous adap-ter ». Avant même les attentats de Paris, legouvernement français a rétabli vendredipour un mois les contrôles aux frontières.

�« Élever la voix pour dé-fendre notre humanité »déclare Laurent Fabius3Du côté des organisations non gouverne-mentales, les organisateurs d'une grandemarche en faveur de la lutte contre le réchauf-fement climatique, prévue le 29 novembre àParis, doivent se réunir lundi pour étudier lesconséquences à tirer de la situation crée parles attentats de vendredi. « Nous sommeshorrifiés par les attentats », a déclaré AliceJay, directrice de campagne du mouvement ci-toyen Avaaz, un des principaux membres ducollectif d'ONG qui organise cette marche.« La communauté Avaaz (...) s'engage à conti-nuer à élever la voix pour défendre notre hu-manité ».

@6medias t

4 l'Opinion samedi 14 novembre 2015