La fracture du col du fémur : un enjeu de santé publique

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2010) 14, 146—150 MISE AU POINT La fracture du col du fémur : un enjeu de santé publique Femoral neck fracture: A healthcare challenge Lorenn Bellamy , Hadrien Reyre , Luc Eyrolle , Nadia Rosencher Service d’anesthésie-réanimation, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France Disponible sur Internet le 24 juillet 2010 MOTS CLÉS Fracture du col fémoral ; Mortalité postopératoire ; Dysfonctions cognitives postopératoires ; Réhabilitation Résumé Les fractures du fémur représentent une pathologie très fréquente chez les sujets âgés, avec une large prédominance féminine, à l’origine d’un peu plus de 5 % de décès à un mois tandis que près de 15 % de ces patients sont décédés à six mois, environ 60 % de ces décès sont évitables. Le raccourcissement du délai d’intervention est notamment un facteur susceptible de diminuer la mortalité. Aucune technique d’anesthésie n’est supérieure à une autre en termes de morbidité et de mortalité, y compris en ce qui concerne les dysfonctions cognitives postopératoires (DCPOP). La mise en œuvre d’une politique de réhabilitation active est, en revanche, une garantie de récupération fonctionnelle et d’amélioration du pronostic. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Femoral neck fracture; Postoperative mortality; Postoperative cognitive Dysfunction; Rehabilitation Summary Femoral neck fracture is extremely common in aged patients especially women. Postoperative mortality is as high as 5 % but 6-month mortality is close to 15 %; 60 % of postope- rative deaths are considered avoidable. No one anaesthetic technique is better than another in regards of postoperative mortality and morbidity, including postoperative cognitive dysfunc- tion. An active rehabilitation procedure is the best guarantee of a good functional result and prognostic. © 2010 Published by Elsevier Masson SAS. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Rosencher). 1279-7960/$ — see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pratan.2010.04.004

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Lorenn Bellamy, Hadrien Reyre, Luc Eyrolle,Nadia Rosencher ∗

Service d’anesthésie-réanimation, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques,75014 Paris, France

Disponible sur Internet le 24 juillet 2010

MOTS CLÉSFracture du colfémoral ;Mortalitépostopératoire ;Dysfonctionscognitivespostopératoires ;Réhabilitation

Résumé Les fractures du fémur représentent une pathologie très fréquente chez les sujetsâgés, avec une large prédominance féminine, à l’origine d’un peu plus de 5 % de décès à unmois tandis que près de 15 % de ces patients sont décédés à six mois, environ 60 % de cesdécès sont évitables. Le raccourcissement du délai d’intervention est notamment un facteursusceptible de diminuer la mortalité. Aucune technique d’anesthésie n’est supérieure à uneautre en termes de morbidité et de mortalité, y compris en ce qui concerne les dysfonctionscognitives postopératoires (DCPOP). La mise en œuvre d’une politique de réhabilitation activeest, en revanche, une garantie de récupération fonctionnelle et d’amélioration du pronostic.© 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSFemoral neck

Summary Femoral neck fracture is extremely common in aged patients especially women.Postoperative mortality is as high as 5 % but 6-month mortality is close to 15 %; 60 % of postope-

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rative deaths are considered avoidable. No one anaesthetic technique is better than anotherin regards of postoperative mortality and morbidity, including postoperative cognitive dysfunc-tion. An active rehabilitation procedure is the best guarantee of a good functional result and

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prognostic.© 2010 Published by Elsevier Ma

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Rosencher).

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La fracture du col du fémur : un enjeu de santé publique

Introduction

Chaque année en France, 60 000 fractures du col dufémur sont opérées, en urgence (enquête SFAR) dont8800 décèdent dans les six premiers mois et 19 000 ne ren-treront jamais à leur domicile [1]. Les chutes représententl’accident domestique le plus courant chez les personnesâgées. Chaque année, 1/3 des personnes âgées de plus de65 ans tombent et 5 % de ces chutes sont compliquées d’unefracture. Ce risque augmente bien sûr avec l’âge pourreprésenter 2/3 des causes de décès par accident chez lespersonnes de plus de 75 ans. Les femmes chutent plus queles hommes et se fracturent également deux fois plus queces derniers.

Cette fatalité est-elle inéluctable ? La part directe del’anesthésie dans ce pronostic est désormais reconnuecomme minime, mais le moindre faux-pas (!) dans la ges-tion périopératoire se paie lourdement chez un sujet âgé,même en bon état physiologique. En effet, la dernièreenquête sur la mortalité SFAR-Inserm a montré que 50 % desdécès liés à l’anesthésie survenaient en orthopédie et qu’enmatière de fracture du col, les facteurs de risque étaient :une dose excessive d’anesthésique local en rachianesthésieet l’insuffisance de compensation de la volémie. Le débatconcernant le choix de la meilleure technique anesthésiqueest clos : l’anesthésie loco-régionale (ALR) a montré sonefficacité à la condition d’un environnement opératoire par-faitement maîtrisé et d’une réhabilitation postopératoireactive dès la salle de réveil. L’anesthésie générale (AG) nelui est pas inférieure et permet sur certains terrains unemeilleure adaptation des traitements à des situations mieuxanalysées par un monitorage fiable. L’utilisation de médica-ments à cinétique courte associés à des blocs périphériquesanalgésiques semble une technique amenée à se dévelop-per. En effet, l’association AG + bloc tronculaire a permisune réduction de la mortalité de 50 % à six mois [1].

Quel est l’impact de la fracture du colfémoral en termes de santé publique ?La mortalité

En France, la mortalité après fracture du col fémoral estde 5,3 % à un mois, 10,4 % à trois mois et 14,7 % à six mois[1] (enquête Escorte 2002). L’âge médian des patients opé-rés est de 82 ans (plus de 40 centenaires répertoriés dansl’étude Escorte !). Dans les grandes études internationales,la mortalité varie de 5 à 10 % à un mois, de 10 à 18 % à troismois et entre 15 et 24 % à six mois [2—6] ; elle représentedix fois la mortalité après prothèse totale de hanche ! Lesgrandes études épidémiologiques ont montré une diminutionrelativement peu importante de la mortalité depuis 20 ansmalgré une prise en charge chirurgicale et médicale de plusen plus précoce [2]. En effet, la mortalité reste 13,3 % àun mois dans une étude récente malgré la mise en placed’une unité multidisciplinaire spéciale de prise en chargedes patients souffrant de fracture du col fémoral [7].

Cette étude portant sur 300 patients soulignela notion de décès « inévitables » qui

représentent 43 % de tous les décès, quelle quesoit la prise en charge du patient.

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Ces décès sont liés à l’état des patients porteurs d’un trèsrand nombre de comorbidités avant l’accident. Certainsarlent ici d’une « véritable maladie du col du fémur » donte pronostic serait indépendant de la fracture elle-même,a chute représentant l’évolution d’un épuisement physio-ogique des réserves de ce sujet âgé. En effet, l’analyseultivariée montre que le risque de décès est augmentéuand les patients souffrent en préopératoire d’un cancer,’une confusion mentale, présentent un score ASA supérieuru égal à 3, un indice de masse corporelle bas, une insuffi-ance cardiaque, un âge avancé et sont de sexe masculin.nfin, la mortalité est augmentée en cas de complicationécessitant une réintervention. Ni la technique opératoireprothèse vs ostéosynthèse), ni la technique anesthésiqueAG seule vs ALR médullaire seule), ne sont des facteurséterminant la mortalité [1].

Les causes de décès sont par ordre de fréquence : car-iovasculaire, neurologique, pulmonaire, et hémorragiques1,6,8]. Près de 20 % des victimes de fracture du col du fémurécèdent dans l’année qui suit, tandis que 50 % gardent deséquelles permanentes qui causent fréquemment une perte’autonomie et la nécessité de vivre en institution (site Capetraite).

Selon la DREES (ministère de la Santé, de la Famille etes Personnes Handicapées : données sur la situation sani-aire et sociale en France en 2002, édition 2002), la fractureu col du fémur concerne : 11 femmes sur 1000 entre 75 et5 ans et 33 femmes sur 1000 après 85 ans. Sur la base derojections de l’INSEE, ce nombre augmentera de 20 % en015 et doublera en 2050. Elle est responsable de la moitiées décès périopératoires dénombrés en traumatologie [5].un an, la mortalité à un an varie selon les rapports entre

4 et 29 % ; une femme présentant une fracture déplacéeoit son espérance de vie diminuer de 6,6 à 2,8 ans [9].

Par comparaison à la population francaise globale (nonpérée), le risque de décès est entre un et trois fois pluslevé chez les patients après fracture du col, quelle queoit la tranche d’âge ou le sexe. Cependant, la mortalitéeropératoire (embolie après scellement ou autre) n’est que,05 % ; ce n’est donc pas la technique d’anesthésique quist en cause [1].

adre de vie

es patients proviennent pour 68 % de leur domicile, pour8 % d’une maison de retraite et pour 14 % d’un service deoins. Six mois après l’intervention, parmi les survivants,euls 53 % vivent à domicile et 47 % dans des services deoins de suite ou des maisons non médicalisées. Quinze pourent des patients ne regagnent jamais leur domicile.

apacités fonctionnelles

e périmètre de marche était supérieur à 100 m avanta fracture chez 55 % des patients. Six mois après’intervention, 21 % des patients ne se déplacait sur pluse 10 m et seulement 40 % des survivants pouvaient mar-

her 100 m. Si l’on s’intéresse à l’autonomie ambulatoireomplète (déambulation sans canne), elle passe de 58 %vant l’intervention à 26 % après. L’utilisation d’un déam-ulateur ou de deux cannes concerne 15 à 30 % des patientsix mois après l’intervention.
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isque d’altération des fonctions cognitives

ne altération des fonctions cognitives est retrouvée enréopératoire chez un tiers des patients. C’est un fac-eur aggravant le pronostic [1]. Le risque d’une altérationes fonctions cognitives en postopératoire aboutissant àne restriction des échanges relationnels et à une perte’autonomie est une complication dont les patients et leuramille ont une forte appréhension. La survenue de cetteomplication est souvent, voire systématiquement, mais àort, imputée à l’anesthésie. La survenue d’un état déli-ant est un facteur de mauvais pronostic après fractureu col du fémur [1]. Il est important d’informer patientst familles de ce risque. Le risque de confusion men-ale après chirurgie du col du fémur dépend surtout desacteurs préopératoires que sont l’anémie, l’insuffisanceénale, les antécédents neuropsychiatriques et les trai-ements neuroleptiques, tranquillisants et antidépresseursris par le patient. Les seuls facteurs peropératoires (suresquels l’anesthésiste peut avoir prise) retrouvés seraient’hypoxie et l’hypotension artérielle responsable d’uneaisse de la perfusion cérébrale. Le risque de perturba-ion des fonctions supérieures est le même, quelle queoit la technique d’anesthésie. Devant une agitation et uneésorientation postopératoires, il faut savoir distinguer unpisode confusionnel simple (30 %) dont la régression sponta-ée complète est fréquente à la fin de la première semaine,e l’installation ou l’aggravation d’un trouble cognitif donte pronostic à ce stade est mauvais : l’enquête prospec-ive ISCPOD rapporte des résultats plus contrastés [10]. Ellepprécie l’ampleur des dysfonctions cognitives postopéra-oires (DCPOP) dont l’incidence était de 25,8 % à sept jourst de 9,9 % à trois mois (chiffres qui doivent être comparés àeux recueillis dans une population témoin ayant les mêmesaractéristique, soit 3,4 % et 2,8 % respectivement). Aucungent de l’AG, hypnotique ou morphinique, n’a été identifiéomme un facteur de risque lors de l’analyse multivariée.ette enquête à la méthodologie très lourde ne retrouveas les facteurs de confusion mentale postopératoire pré-édemment évoqués, tels que l’hypoxémie et l’hypotensionrolongées. Sur le plan pathogénique, une déficience duystème cholinergique a pu être évoquée. En effet, deséficits de mémorisation ont pu être observés après unentervention. Le sevrage des benzodiazépines est un fac-eur reconnu de DCPOP chez un patient accoutumé alorsue l’introduction des benzodiazépines est aussi un fac-eur aggravant. Dans tous les cas, l’usage de l’atropine etes psychotropes doivent être soigneusement discutés avantsage.

uel est le rôle des intervenants dans larise en charge des patients ?

vant, pendant et après l’intervention,’anesthésiste a plusieurs possibilités

’intervention qui permettent d’améliorer larise en charge des patients

es possibilités sont comme suit :•

L. Bellamy et al.

la réduction des délais d’intervention à moins de48 heures en limitant notamment les examens complé-mentaires inutiles est un point essentiel qui conditionnele pronostic. La mortalité de cette chirurgie est en effetliée au délai écoulé entre la fracture et l’intervention ;quel que soit le type d’anesthésie, c’est la rigueur et lesoin apporté à son exécution et à l’environnement (stress,réanimation) en salle d’opération qui sont détermi-nants. Préserver une hémodynamique stable en ajustantl’administration des agents anesthésiques, assurer leréchauffement pour maintenir la normothermie, éviterles désaturations d’oxygène en per- et postopératoiresont des points qui justifient un monitorage attentif etqui améliorent sensiblement le pronostic des patients ;rétablir le plus rapidement possible l’autonomie dupatient est l’objectif principal en postopératoire, ens’appuyant sur l’ensemble des soignants qui interviennentauprès du patient pour assurer une bonne analgésie, unebonne qualité nutritionnelle et une mobilisation rapide ;la mortalité totale à six mois est de 14,7 %. Les princi-pales causes de mortalité sont cardiovasculaires (29 %),neurologiques 20 % (syndrome de glissement et accidentvasculaire cérébral [AVC]), pulmonaires (insuffisance res-piratoire, infections et embolies) et enfin hémorragiques[1]. À l’autopsie des patients décédés, on retrouve unepneumopathie dans 38 % des cas, des infarctus et/ou uneinsuffisance cardiaque dans 17 % des cas comme pour lesembolies pulmonaires (17 %) et les hémorragies ;la thromboprophylaxie doit être débutée le plus tôtpossible car la thrombose se produit au moment du trau-matisme et le délai entre la chute et l’intervention estdéterminant pour le pronostic vital. La prophylaxie dimi-nue de 12 à 0,3 % le risque d’embolie pulmonaire fatale àtrois mois [1,11]. La durée de la prophylaxie recomman-dée actuellement est de quatre semaines ;les événements hémodynamiques peropératoirestrouvent souvent leur origine dans l’hypovolémiefréquemment associée. Toutefois, la tolérance auremplissage peut être limitée par une cardiopathiesous-jacente, ce qui justifie un monitorage hémodyna-mique précis par des méthodes peu invasives (Dopplerœsophagien, vigileoTM. . .) ;la réhabilitation postopératoire doit être la plus précocepossible grâce à des techniques d’analgésie adaptées.D’autres intervenants devraient être plus souvent associésaux soins postopératoires tels que les gériatres, rééduca-teurs, cardiologues et nutritionnistes. La réduction de lamortalité directement liée à l’anesthésie ne doit pas setraduire par un désintérêt de l’anesthésiste réanimateurpour la prise en charge postopératoire. En effet, la mor-talité peropératoire est de 0,57 % (40 patients/7000) alorsqu’elle est de 5,2 % (366/7000) pendant l’hospitalisation[1] ;l’insuffisance rénale est souvent sous-estimée. La clai-rance de la créatinine devrait être calculée pour tous lespatients selon la formule de Cockroft afin de permettreune prescription adaptée des anticoagulants et d’autrestraitements. Alors que la créatinémie est normale, on

retrouve une fonction rénale très altérée chez 35 % despatients (clairance < 40 ml/ml par minute) [1] ;l’anémie préopératoire augmente le risque de décès etune transfusion préopératoire est nécessaire si le taux
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d’hémoglobine est inférieur à 10 g/dl à l’arrivée dupatient [12].

Problèmes chirurgicaux

Les points essentiels de la réflexion chirurgicale concernantla fracture du col du fémoral portent sur :• l’intérêt d’opérer toutes les fractures du col. En

effet, chez certains patients, la survenue d’une frac-ture du col peut être la dernière étape d’unefin de vie. La réflexion est donc de l’ordre del’éthique en prenant en compte la nécessité de cal-mer les douleurs des patients si l’intervention n’est pasprogrammée ;

• la mortalité dépend de plusieurs facteurs chirurgicaux,outre le délai d’intervention déjà mentionnée, il est inté-ressant de relever que la mortalité augmente pour lespatients opérés le week-end et la nuit [17]. Ces patientsayant une très importante comorbidité sont le plus sou-vent opérés par des chirurgiens les plus jeunes dans leshôpitaux. Cela permet d’expliquer des durées opératoiressupérieures à 2 H entre l’induction et l’arrivée en salle deréveil et le grand nombre de reprises chirurgicales chezces patients [1] ;

• la stabilité de l’ostéosynthèse est importante pour per-mettre une réhabilitation précoce.

État des patients avant l’intervention

La survenue de cette pathologie sur organisme déjà vieilliréduit encore de facon significative son degré d’autonomie.À l’admission, 63 % des patients ont une pathologie car-diovasculaire (cardiopathie ischémique, hypertensive etarythmique) et se présentent avec une ordonnance estlourde : 40 % recoivent des traitements hypotenseurs et25 % des agents antiplaquettaires [1]. Le vieillissements’exprime essentiellement par une faible adaptation àl’effort cardiorespiratoire. Le baroréflexe est modifié avecle grand âge, les récepteurs bêta-adrénergiques se raré-fient, le lit artériel est moins compliant et la perfusioncoronaire menacée par l’athérome. Le vieillissement pré-sente une variabilité interindividuelle : tous les sujetsâgés ne vieillissent pas de la même manière : (l’activitéphysique et intellectuelle présente un certain effet protec-teur).

Dans ces conditions, l’information donnée a patient doitêtre détaillée et ne doit pas hésiter à s’appuyer sur deschiffres remarquables. La survenue de complications et lamortalité dans la période postopératoire augmente avecl’âge. En effet, la fréquence des sujets ASA 3 augmenteavec l’âge, atteignant 16 à 32 % entre 65 et 90 ans. Pendantl’hospitalisation, 25 % des patients auront une complicationessentiellement cardiovasculaire et neurologique et seule-ment 50 % des patients pourront se déplacer avec une seulecanne [1].

Parcours de soins

L’association de tous les intervenants auprès du patient per-met de réaliser en postopératoire un véritable parcoursde soins. C’est l’étape de la réhabilatation sur laquelle

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ous les acteurs de santé font porter leurs efforts. Onait, par exemple, que le risque de mortalité augmentee 50 % six mois après la fracture chez les patients qui’ont pu marcher avant la sortie [1]. En effet, dès leremier jour postopératoire, une nouvelle évaluation duatient doit permettre de juger des conditions de la misen route d’un programme de réhabilitation [13]. Ce pro-ramme comprend notamment la préservation du capitalyocardique comme objectif. Les évènements ischémiques

t nécrotiques doivent être dépistés avant la survenue deomplications : c’est l’apport indiscutable de la surveillanceapprochée de l’hémoglobine, de la troponine I et des ECGostopératoires. Leur prévention passe par un usage plusaisonné des bétabloqueurs et des anticoagulants, par laoursuite des agents antiplaquettaires prescrits en préven-ion secondaire par l’introduction éventuelle des statines.a correction de l’anémie s’appuie sur la connaissancee la cinétique du saignement postopératoire qui permet’anticiper les seuils transfusionnels recommandés notam-ent chez le sujet âgé.L’organisation de programmes de prise en charge géria-

rique, intégrés à la structure d’orthopédie et précocementngagés à l’hôpital, a montré leur efficacité en termes deetour précoce à domicile, de restauration de la mobilitét de reprise des activités [14,15]. Le seul élément qui dif-ère entre les programmes à domicile et à l’hôpital est laualité d’une analgésie efficace gérée par un seul référent,e plus souvent le médecin anesthésiste-réanimateur. Pourémontrer leur efficacité, les méthodes d’analgésie doivent’intégrer à tous les niveaux de soins du programme de réha-ilitation.

Une structure de réhabiliation postopératoire a étéise en place dans certains pays comme au Danemark à

’initiative de l’équipe de Henrik Kehlet [7,8,12,14,16—21].e programme de ces structures de soins comprend :

l’installation d’un bloc iliofascial dès l’arrivée auxurgences avec mise en place d’un cathéter avant mêmela première radiographie ;une transfusion dès l’arrivée si Hb < 10 g/dl ;la réalisation de la chirurgie dans les 24 premières heures,entre huit et 18 heures dans l’idéal ;la réhydratation dès l’arrivée aux urgences ;le début de la prophylaxie thromboembolique dèsl’arrivée du patient aux urgences ;l’ablation rapide des systèmes de drainage et la miseau fauteuil avec mobilisation dès le réveil, ablation dessondes urinaires et traitement antibiotique précoce desinfections avérées ;la prise en charge des troubles trophiques et la préventiondes escarres ;une analgésie postopératoire multimodale efficace ;l’oxygenation quand patient est alité ;la nutrition postopératoire ;l’antibioprophylaxie systématique ;la mobilisation dès le lendemain de l’intervention et lamarche à J + 1 ou J + 2 ;le rétablissement du rythme physiologique de sommeil ;

la suppression de certains médicaments inutiles.

Et la sortie de cette unité à J + 3 en continuant tous lesoins qui permettent une réhabilitation précoce.

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onclusion

our ce qui revient en propre à l’anesthésie, il n’existe pase supériorité d’une technique sur l’autre. La vérité estrobablement ailleurs : c’est la rigueur et le soin apportéla réalisation de l’anesthésie et la prise en charge glo-

ale des patients qui sont déterminants. L’implication eta coopération de toutes les équipes médicales permettent’enchaîner les différentes étapes de prise en charge donthaque maillon représente un élément décisif de conserva-ion d’une qualité d’autonomie à ces patients. Cependant,lus de 40 % des décès sont inévitables chez ces patients. Ilous faut donc diriger les efforts vers la prévention des décèsévitables » et favoriser la marche et le retour à domicile.

Les efforts en termes de santé publique portent éga-ement sur la prévention du risque de fracture. En effet,endich et al. [22] ont démontré que l’on pourrait écono-iser environ 50 % des coûts que représentent la prise en

harge hospitalière des patients victimes de fractures dea hanche simplement en financant un programme d’apportalcique quotidien chez ces patients à risque, c’est-à-direous les patients de plus de 50 ans. Il serait rentable deonner systématiquement 34 mois de suppléments en cal-ium aux femmes âgées de 75 ans et plus. Enfin, l’évaluationn termes épidémiologique des bénéfices retirés de cesesures de réhabilitation lourdes devra prendre en compte

es populations au pronostic d’emblée sévère relevant deesures strictement palliatives. Des études épidémiolo-

iques larges restent à faire pour en préciser les critèrese choix.

onflit d’intérêt

nvitations en qualité d’intervenant de conférence pourstra Zeneca Gamida et invitations en qualité d’auditeure conférence (frais de déplacement et d’hébergement prisn charge par Ortho Biotec (Janssen).

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