LA FORMATION DU CONTRAT MEDICAL · Le contrat médical est également un contrat civil en ce sens...

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Master 2 Droit du Marché 2010-2011 LA FORMATION DU CONTRAT MEDICAL DROIT COMMUN DES CONTRATS OU DROIT SPECIAL ? Alexandra Guillemain

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  • Master 2 Droit du Marché 2010-2011

    LA FORMATION DU CONTRAT

    MEDICAL DROIT COMMUN DES CONTRATS OU DROIT

    SPECIAL ?

    Alexandra Guillemain

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    Table des matières

    TITRE PREMIER L’exigence d’une volonté certaine du patient : la complémentarité du

    consentement au contrat et de l’assentiment à l’acte médical .................................................... 6

    CHAPITRE PREMIER L’existence d’un libre consentement au contrat médical et ses

    exceptions

    spécifiques……………………………………………………………………………….…..6

    SECTION PREMIERE Le consentement libre des parties, principe justifié par les

    droits

    fondamentaux……………………………………………………………………………..7

    SECTION DEUXIEME Les exceptions encadrées au principe du libre consentement :

    une rupture marquée d’avec le droit commun des contrats .............................................. 11

    CHAPITRE DEUXIEME L’assentiment à l’acte médical : la nécessité d’un accord

    réitéré du patient……………………………………………………………………………14

    SECTION PREMIERE Une originalité du droit médical ............................................ 14

    SECTION DEUXIEME Les exceptions controversées à l’assentiment du patient ...... 17

    TITRE DEUXIEME L’assurance d’une volonté éclairée du malade : l’obligation

    d’information spécifique au droit médical ............................................................................... 19

    CHAPITRE PREMIER L’obligation d’information du patient, garantie d’une décision

    médicale éclairée…………………………………………………………………………...20

    SECTION PREMIERE La délivrance de l’information, obligation pesant sur tous les

    professionnels de santé et sur le patient ........................................................................... 21

    SECTION DEUXIEME Le contenu spécifique de l’information fondé sur le critère de

    la gravité…………………………………………………………………………………22

    CHAPITRE DEUXIEME La spécificité du contrat médical à travers la portée de

    l’obligation d’information………………………………………………………………….25

    SECTION PREMIERE L’originalité du système probatoire de la transmission de

    l’information…………………………………………………………………………….25

    SECTION DEUXIEME Les limites circonstanciées de l’obligation d’information en

    droit médical…………………………………………………………………………….28

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    Dès l’origine, le droit commun des contrats s’est imposé comme une base solide

    applicable à tout contrat. Il avait vocation à régir toutes les conventions tant ses dispositions

    étaient rédigées de manière générale.

    Mais face à certaines situations, le droit commun a commencé à montrer ses limites,

    de par des textes à vocation trop larges et mal adaptés à diverses situations précises. Le

    contrat de vente s’est vu reconnaitre le statut de contrat spécial et a impliqué l’instauration de

    règles spécifiques dans le code civil en raison de la spécificité de son contenu, ne pouvant pas

    se limiter aux seules règles de droit commun. L’intérêt était de jongler entre des règles

    spécifiques et communes complémentaires.

    Le problème ne s’est pas posé uniquement pour le contrat de vente. Avec la

    progression d’un véritable droit médical, la question s’est vite posée de savoir si la relation

    entre un médecin et son patient était un contrat. La raison était simple, il fallait qualifier cette

    relation pour trouver un fondement à l’engagement de la responsabilité du médecin qui serait

    en faute. Le contrat paraissait être la solution assurant le plus de sécurité pour le patient. Mais

    l’implantation en droit français du droit médical a été longue et fastidieuse, et c’est finalement

    les juges qui ont qualifié la relation médicale.

    La Cour de cassation a reconnu pour la première fois l’existence du contrat médical

    dans l’arrêt « Mercier »1, considérant « qu’il se forme entre le médecin et son client, un

    véritable contrat ». Déjà en 18392, les juges de la Haute Cour sous entendaient l’existence

    d’un rapport contractuel sans pour autant donner plus de précision. Cette affirmation n’était

    pas isolée, en droit espagnol, suisse, belge ou encore québécois, les juges avaient également

    1 Cass, civ., 20 mai 1936, DP 1936, I, p. 88

    2 Cass, req., 21 août 1839, in Juris. Gén., Dalloz, « Louage d’ouvrage et d’industrie », t. XXX, 1853, p. 548

  • 4

    identifié un contrat médical « présentant les mêmes traits fondamentaux qu’en droit

    français 3».

    Si toutefois elle admet l’existence d’un contrat médical, la jurisprudence n’en a pas

    donnée de définition. C’est donc à la doctrine qu’est revenue la tâche, particulièrement

    complexe, de tracer les contours de la notion.

    « Le contrat médical à proprement parler est celui qui se conclut entre le médecin

    exerçant à titre libéral et son client, en vue d'un diagnostic et, le cas échéant, d'exploration,

    de soins, d'un traitement ou d'une intervention chirurgicale 4». Dès lors il faut le distinguer du

    contrat d’hospitalisation qui est conclu entre l’établissement de soins personne morale et le

    patient, alors que le contrat médical concerne le malade et un médecin personne physique. Le

    contrat d’hospitalisation est complémentaire au contrat médical dès lors que le patient doit

    être admis dans un établissement hospitalier pour se faire soigner. Ce contrat est soumis au

    droit commun et ne comporte pas les mêmes obligations ni les mêmes conditions de

    formation que le contrat médical. La confusion entre les deux est aussi fréquente

    qu’inopportune.

    Le contrat médical est également un contrat civil en ce sens que l’activité médicale

    n’est pas considérée comme commerciale. Ce serait particulièrement contraire à la

    déontologie et à la philosophie de confiance entre les parties existante en droit médical. Pour

    autant, il reste un contrat onéreux puisque le patient a l’obligation de rémunérer le médecin

    pour sa prestation. Cette dualité des obligations, certaines incombant au médecin et d’autres

    au patient permet d’affirmer que le contrat médical est également synallagmatique.

    Si la notion de contrat médical est acquise en jurisprudence et soutenue par une

    majeure partie de la doctrine5, une partie minoritaire se place dans une toute autre optique.

    Selon eux, il faut parler d’une « relation de soins » car la notion de contrat n’est pas adéquate

    au regard de la philosophie de la relation médicale. Cette théorie apparait pourtant erronée,

    puisque la formation du contrat médical répond à des règles de base civilistes.

    3 G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème éd., 2006, p. 301

    4 Lamy Droit de la santé, Partie 3, Titre 1, étude 305-1

    5 En ce sens l’ouvrage de G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème éd., 2006,

    p. 312

  • 5

    Les contradictions doctrinales se comprennent aisément, en ce sens que la

    qualification de la relation entre le médecin et le patient est particulièrement essentielle. En

    effet cette qualification détermine le régime applicable à la relation médicale, que ce soit les

    conditions de formation, le contenu des obligations relatives à celle-ci et la sanction de leur

    inexécution. Cette tâche est donc incontournable car l’acte médical est étroitement lié à des

    principes fondamentaux comme le respect du corps humain et implique parfois la mort qui

    n’est pas sans conséquences juridiques. La responsabilité du médecin peut être engagée, mais

    encore faut-il que la relation qui l’unit à son patient soit clairement identifiée.

    La loi du 4 mars 2002 instaurant des dispositions sur la relation médicale dans le code

    de la santé publique, un texte phare en droit médical, a clarifié et codifié diverses règles

    relatives au contrat médical, sans pour autant reconnaitre son existence explicitement et se

    prononcer sur la question de la qualification de ce dernier.

    Il ressort de ces constatations que le droit médical implique une philosophie

    particulière dans la relation qui unie le patient à son médecin. La confrontation entre cette

    spécificité dans la formation du contrat médical et les règles de droit commun des contrats

    suppose une réflexion sur la qualification de ce dernier, à savoir un contrat de droit commun

    ou un contrat spécial. Dans un sens, le contrat serait donc interprété à la lueur des dispositions

    communes, dans l’autre il serait un contrat spécifique à part entière pour lequel des règles

    particulières devraient être appliquées. L’enjeu de cette qualification repose essentiellement

    sur l’interprétation des règles qui régissent le contrat : si c’est un contrat de droit commun, les

    juges interprèteront les textes au regard des principes classiques de droit des contrats. Or si

    c’est un contrat spécial, il sera admis une interprétation particulière des règles juridiques

    tenant compte de la spécificité de la relation médicale.

    Classiquement en droit français, les conditions de formation du contrat tracent les

    contours de son régime et explicitent sa qualification. Le consentement des parties en

    particulier est une condition sine qua non de la formation du contrat. En droit médical, celui-ci

    a une place bien particulière et se traduit par la volonté certaine du patient à consentir au

    contrat. Ainsi pour catégoriser le contrat médical, il convient d’analyser la volonté certaine du

    patient à travers le principe sacré du consentement, limité par la notion d’assentiment à l’acte

  • 6

    médical (Chapitre premier). Une volonté qui ne pourra être certaine que si elle est éclairée par

    le biais de l’obligation d’information incombant au médecin (Chapitre second).

    TITRE PREMIER L’exigence d’une volonté

    certaine du patient : la complémentarité du

    consentement au contrat et de l’assentiment à l’acte

    médical

    En droit commun, il n’y a pas de contrat sans consentement. C’est encore plus vrai en

    droit médical. En effet pour qu’un contrat médical soit formé, il suffit que les consentements

    soient échangés entre les parties. Le consentement du patient a été sacralisé par la loi du 4

    mars 2002, alors qu’il n’avait qu’un statut doctrinal et jurisprudentiel auparavant. Une

    reconnaissance de sa place centrale dans le droit médical qui s’explique par l’exigence de

    respect du corps humain et de dignité du patient. Pour autant, cette consécration multiple est

    limitée (Titre premier) par des exceptions justifiées tantôt par l’ordre public, tantôt par la

    raison.

    La portée du consentement du patient est également limitée car le malade doit réitérer sa

    volonté à travers l’assentiment à l’acte médical à chaque fois qu’une nouvelle intervention

    sera nécessaire. En ce sens, le consentement au contrat médical ne vaut donc pas

    définitivement, il sera renouvelé à chaque acte médical. Sa portée est donc limitée mais pour

    autant cet assentiment renforce l’exigence d’une volonté certaine du patient (Titre deuxième).

    CHAPITRE PREMIER L’existence d’un libre

    consentement au contrat médical et ses exceptions spécifiques

    Le consentement est une « manifestation de volonté par laquelle une personne s’engage

  • 7

    dans un acte juridique.6 ». En droit commun des contrats, il est une condition de formation et

    de validité de la convention. Il ressort des articles 1108 et 1109 du code civil que les parties

    doivent consentir au contrat pour que celui-ci soit valablement formé, un consentement

    exempt de vices.

    En droit médical comme en droit commun, le consentement doit être libre et éclairé

    pour chacune des parties. Mais en droit médical, le consentement connait quelques

    spécificités par rapport au droit commun du fait qu’il découle du respect de principes

    fondamentaux relatifs aux droits de l’Homme (Section première). La plus importante de ses

    particularités réside dans le fait que contrairement au droit commun, le principe de la volonté

    certaine du patient connait des exceptions circonstanciées (Section deuxième).

    SECTION PREMIERE Le consentement libre des

    parties, principe justifié par les droits fondamentaux

    L’article 1108 du code civil érige le consentement des parties comme condition de

    formation du contrat. Sans celui-ci, le contrat est nul. L’arrêt « Mercier »7 ayant relevé que la

    relation entre le médecin et son patient était un « véritable contrat », le respect des

    dispositions de droit commun des contrats s’impose aux parties pour la formation du contrat

    médical, y compris le recueil du consentement. La réciprocité du consentement (Paragraphe

    premier) n’est pas si évidente en médecine. Par ailleurs elle repose sur des principes

    fondamentaux qui justifient la spécificité du consentement au contrat médical (Paragraphe

    deuxième).

    PARAGRAPHE PREMIER Le consentement réciproques des parties

    Le médecin doit consentir au contrat en premier lieu. En effet les articles 47 alinéa 2 et 32

    du code de déontologie médicale laisse apparaitre que le médecin peut « refuser ses soins »

    6 « Dictionnaire de vocabulaire juridique », sous la direction de R. Cabrillac, Litec, 2ème éd., 2004, p. 99

    7 Cass, civ., 20 mai 1936, DP 1936, I, p. 88

  • 8

    s’il n’accepte pas la demande du patient. Ce n’est que l’expression naturelle du libre choix

    prévu en droit commun. Mais ce principe de liberté de refus d’un malade est largement limité

    par des textes inspirés de la philosophie humaniste.

    En premier lieu, l’article 47 du code de déontologie médicale doublé de l’article 4127-47

    du code de la santé publique prévoit qu’il doit assurer la continuité des soins en cas de refus

    de sa part. En d’autres termes, il doit renvoyer le patient vers un autre praticien.

    Ensuite il ne doit pas se rendre coupable de non assistance à personne en danger et

    ainsi violer l’article 223-6 du code pénal.

    Enfin son refus de prendre en charge le malade ne doit pas comporter un caractère

    discriminatoire au regard de l’article L1110-3 du code la santé publique. Ces limites au

    principe du libre consentement particulières à la situation du médecin pourraient dans un

    premier temps venir au soutien de la théorie soutenue par certains auteurs8 selon laquelle le

    contrat médical est un contrat spécial et non de droit commun.

    Quant au consentement du patient, il est par principe obligatoire. En droit commun, la

    source de l’obligation de consentir se limite au libre choix et à la liberté de contracter. Plus

    que cela encore, c’est un principe essentiel du droit de la santé en ce sens que le consentement

    au contrat médical se fonde sur de nombreux principes fondamentaux.

    Son importance se manifeste d’ailleurs par l’abondance de textes sur le sujet. Par

    exemple l’article 16-3 du code civil, issu de la loi du 29 juillet 1994 relative à la bioéthique

    prohibe toute intervention du médecin sans le consentement du malade, ce que certains

    auteurs proposent d’élargir au contrat de soins9. Cette entrée dans le code civil témoigne

    d’une véritable reconnaissance du statut juridique du consentement, notamment en droit

    médical, qui n’était avant qu’un statut jurisprudentiel et déontologique. Tout aussi parlant,

    l’article L1111-4 alinéa 3 du code de la santé publique dispose qu’« aucun acte médical ni

    aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et

    ce consentement peut être retiré à tout moment ». L’article 36 alinéa 2 du code de déontologie

    8 Notamment C. Labrusse-Riou, « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social,

    2008, p. 427 9 J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 114

  • 9

    médicale énonce également ce principe, ainsi que l’article 4 de la Charte du patient

    hospitalisé.

    PARAGRAPHE DEUXIEME La spécificité du consentement médical justifiée par les droits fondamentaux

    La première justification de l’expression libre du patient par le consentement est le

    libre choix : les deux sont toujours liés10

    , en droit commun comme dans la formation du

    contrat médical. Mais en droit médical le libre choix par le patient de son médecin est

    particulièrement fondamental. Ainsi après avoir été proclamé principe d’ordre public par la

    jurisprudence11

    , il a été consacré en tant que droit de la personne par la loi du 4 mars 2002 à

    travers l’article L1110-8. Il fait d’ailleurs du contrat médical un contrat intuitu personae : il

    est conclu pour son contenu particulier mais surtout pour la personne avec qui le patient

    contracte. Ce libre choix se rapproche du principe civiliste de l’autonomie de la volonté, mais

    ne concerne que le consentement stricto sensu et non le contenu du contrat, à la différence de

    la théorie civiliste12

    .

    Le consentement constitue d’autre part une garantie contre le « pouvoir médical »13

    ,

    pour éviter les abus de la part de médecins peu scrupuleux. En droit commun des contrats, le

    consentement est également garant d’une protection des parties, de sorte que s’il est vicié le

    contrat est nul. En ce sens, le contrat médical n’a donc rien de spécial.

    Mais surtout, le consentement est la meilleure protection de l’intégrité physique de

    l’individu et son importance se comprend en droit médical par la nécessité de protéger le

    corps humain. S’il est un principe fondamental en France, et dans une majeure partie du

    monde, c’est bien celui du droit à la protection de son intégrité physique. Tout acte médical

    qui porte donc en principe atteinte au corps humain, même si le but est de soigner le patient,

    doit donc être accepté par le malade.

    10

    J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 111 11

    Cass, 1ère

    civ., 31 décembre 1989, n°88-15352 12

    C. Clément, « Le médecin, son obligation de soins, et la volonté du malade », Petites affiches, 15 janvier 2002

    n° 11, p. 18 13 C. Clément, « Quelques propos sur le principe du consentement en droit médical et hospitalier », Petites affiches, 24 juin 1996, n° 76, p. 6

  • 10

    S’il doit librement consentir, il peut tout aussi librement refuser les soins (article

    L1111-4 du code de la santé publique). Mais pour autant, le médecin devra quand même tout

    mettre en œuvre pour le convaincre et l’informer des risques qu’il encourt. S’est donc posé le

    problème de savoir si l’obligation de soins médecin prévaut sur le refus du patient de

    consentir à l’acte. Le Conseil d’Etat14

    a pu juger que c’était le cas en ne retenant pas la faute

    d’un médecin qui avait outrepassé le refus de son patient, divisant la doctrine et l’opinion

    publique. En droit commun des contrats, il n’est pas possible de surmonter le refus du

    consentement. Dès lors le contrat médical constituerait un contrat spécial.

    Soulignons tout de même que la compétence du Conseil d’Etat en matière médicale

    justifierait que le contrat médical soit qualifié de spécial, puisqu’en droit commun des contrats

    seuls le juge judiciaire est compétent. Certains auteurs ont d’ailleurs souligné cet argument15

    .

    Un autre élément éloigne profondément le contrat médical du droit commun contrats.

    L’article L1111-4 du code de la santé publique prévoit que le consentement peut être retiré à

    tout moment par le patient (notamment dans le cadre de thérapies qui nécessitent plusieurs

    interventions16

    ). Ici encore, le code de la santé publique fait du contrat médical un contrat

    spécial, puisque en droit commun des contrats l’acceptation de l’offre est généralement

    irréversible. Ce principe de retrait se justifie également par le libre choix du patient et le

    respect de son intégrité physique.

    La spécificité du consentement en droit médical a été mise à jour par différents

    auteurs. François Vialla17

    a d’ailleurs fait valoir, qu’en droit commun des contrats seul le

    majeur capable ou le mineur émancipé peut consentir à un contrat. Or en droit médical, la loi

    du 4 mars 2002 a précisé que le consentement du mineur seul et du majeur incapable seul était

    valable dans certains cas. Pour n’en citer que quelques uns, le mineur peut consentir seul à

    l’IVG ou lorsque les titulaires de l’autorité parentale refusent qu’il soit soigné alors que la

    14

    CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259 15

    Notamment F. Vialla, « Les grandes décisions du droit médical », LGDJ, éd. Lextenso, 2009, p. 131 16

    J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 112 17

    F. Vialla, « Les grandes décisions du droit médical », LGDJ, éd. Lextenso, 2009, p. 131

  • 11

    pathologie est dangereuse pour sa vie18

    . Le majeur peut quant à lui consentir à des actes qui le

    concernent expressément. Mais ces hypothèses sont encadrées par la loi. Dès lors le contrat

    médical s’émancipe du droit commun des contrats.

    La forme du consentement n’est en revanche pas aussi importante qu’en droit

    commun. Aucun écrit n’est exigé, un simple consentement oral entre le médecin et le patient

    suffit à conclure le contrat (dans un contrat d’hospitalisation en revanche, l’écrit est

    obligatoire). Il est donc évident que le contrat médical est un contrat consensuel. En droit

    commun, l’écrit permet la validité du contrat et est ad probationem, mais en droit de la santé

    il n’est pas ad validatem. C’est un argument de poids qui pèse alors dans la balance, soutenant

    la théorie du contrat médical comme un contrat spécial.

    En définitive, on peut qualifier le contrat médical de consensuel au regard de

    l’importance du consentement et du fait qu’il suffit à former le contrat, et d’intuitu personae

    car le patient est libre du choix de son médecin. Cette place du consentement est d’ailleurs

    beaucoup plus importante que celle accordée par le code civil aux contrats de droit commun,

    surtout car elle repose sur la libre disposition du patient sur son corps. La sacralisation légale

    du consentement du patient est pourtant limitée par des exceptions.

    SECTION DEUXIEME Les exceptions encadrées au

    principe du libre consentement : une rupture marquée d’avec le droit

    commun des contrats

    Le consentement en droit médical est un principe bien affirmé mais pour autant, dans la

    pratique, il n’est pas toujours exigé. Pour des raisons d’ordre public ou des motifs attachés à

    la situation factuelle, le contrat médical sera parfois formé en l’absence du consentement du

    18

    En ce sens, J.M. Budet et F. Blondel, « L’hospitalisation publique et privée, des ordonnances de 1996 au plan

    hôpital 2007 », Berger Levrault, 3ème

    éd. , p.152

  • 12

    patient. Dès lors, le droit médical s’affranchit du droit commun des contrats qui n’admet pas

    l’existence d’un contrat sans le consentement d’une partie, conformément à l’article 1108 du

    code civil.

    L’urgence est, en toute logique, la première justification du défaut de consentement. S’il y

    a danger immédiat19

    pour la vie du patient, le médecin n’aura pas besoin de recueillir son

    consentement, ni celui d’un proche (article L1111-4 du code de la santé publique). L’article

    16-3 du code civil confirme cette affirmation. Dès lors, un contrat est-il formé ? En droit civil,

    le silence ne vaut pas acceptation. Mais la particularité de la situation en droit médical ne

    permet pas de juxtaposer la solution civiliste. Ainsi certains auteurs20

    ont émis l’idée originale

    que dans ce cas un quasi contrat serait formé, permettant la rémunération du médecin (au

    même titre que celle du gérant d’affaire) et l’engagement de sa responsabilité en cas de faute

    (conformément à l’article 1374 du code civil). Bien que l’on reste dans le droit civil, il faut

    admettre que dans une situation d’urgence le droit médical est particulier.

    L’urgence va souvent de paire avec l’inconscience du patient. Le malade est capable

    mais dans l’impossibilité de manifester sa volonté. Dès 195521

    , la Chambre civile de la Cour

    de cassation a émis l’idée qu’il fallait dans un tel cas recueillir l’assentiment des « protecteurs

    naturels ». La doctrine et la jurisprudence, à la lueur du code civil, ont précisé qu’il s’agissait

    du conjoint, des ascendants et descendants ou encore des voisins. Mais tantôt interprétée

    comme une stipulation pour autrui22

    , tantôt comme une gestion d’affaire, l’interprétation

    civiliste a vite démontré ses limites, incompatibles avec la réalité médicale.

    La loi du 4 mars 2002 s’est donc particulièrement affranchie du droit commun des

    contrats sur ce point en créant la « personne de confiance », soutenant la théorie d’un contrat

    médical en tant que contrat spécial. D’ailleurs le texte parait se rapprocher du régime du

    mandat23

    , ou du régime de l’incapable plus que de a gestion d’affaire ou de la stipulation pour

    autrui. L’article 1111-6 du code de la santé publique prévoit donc que cette personne désignée

    19

    Cass, 1ère

    civ., 19 mai 1984, D. 1985, IR, p. 368 20

    D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 158 21

    Cass, civ., 8 novembre 1955, JCP G., 1955, II, 9014 22

    Cass, civ., 17 mai 1939, 2 arrêts, JCP 1939, 1214 23

    F.J. Pansier et C. Charbonneau, Petites affiches, 13 mars 2002 n° 52, « Commentaire de la loi du 4 mars 2002

    relative aux droits des malades (1ère partie) », p. 5 et s.

  • 13

    par une personne majeure antérieurement à sa situation d’inconscience pourra prendre les

    décisions médicales à la place du patient. Ce n’est pas un consentement personnel, mais une

    décision médicale. Ce n’est donc pas, à cet égard, un contrat de droit commun.

    Dans le même sens, le malade incapable, majeur sous tutelle ou mineur, ne donnera

    pas toujours son consentement personnel. Certaines situations nécessitent l’accord des

    titulaires de l’autorité parentale ou du conseil de famille. Dans ce cas, il faut rapprocher ce

    régime de celui de la personne inconsciente avec malgré tout une limite : ici, la personne qui

    va donner son accord au médecin pour le patient consent au contrat. C’est un véritable

    consentement car à la différence de l’inconscient, l’incapable ne peut pas toujours consentir

    seul, même conscient. Parallèlement, ce n’est pas une particularité médicale, c’est une simple

    application circonstanciée du droit commun des contrats.

    Il existe une autre situation où le malade ne consent pas expressément. Souvent, le

    médecin avec qui le patient a contracté se fait assister par des spécialistes différents lors

    d’interventions, comme les anesthésistes. Le patient n’a pas contracté avec eux, pourrait-il

    alors engager leur responsabilité ? Quel régime de responsabilité appliquer ? La

    jurisprudence, notamment dans un arrêt du 27 mai 197024

    , a préconisé l’existence possible

    d’un mandat du médecin initial, consistant à s’entourer de personnes qualifiées pour mener à

    bien son obligation de soins. C’est une solution logique, puisqu’il en va de l’intérêt du patient.

    L’ordre public sanitaire et la sécurité justifient parfois également que le consentement

    ne soit pas nécessaire. Des textes restreints prévoient donc la possibilité de contraindre un

    patient à se faire soigner, s’il est atteint de troubles mentaux, de toxicomanie ou autre cas

    précis. L’article L3131-1 du code de la santé publique prévoit aussi qu’en cas de risque

    épidémique grave, un patient contaminé peut être contraint à sa faire soigner, peu importe

    qu’il y consente. En droit des contrats, il est impossible qu’une partie soit obligée de

    contracter pour des raisons d’ordre public.

    24

    Cass, 1ère

    civ., 27 mai 1970, JCP 1971, 6833

  • 14

    Si les exceptions légales au principe du libre consentement du patient viennent limiter

    sa consécration textuelle abondante, elles marquent également une rupture par rapport au droit

    commun des contrats. En effet la particularité des situations en droit médical (l’urgence,

    l’inconscience, l’ordre public sanitaire) laisse à penser qu’il devrait être qualifié de contrat

    spécial, puisque certaines solutions applicables ne se retrouvent pas en droit commun des

    contrats.

    Mais la portée du consentement est limitée en ce sens qu’elle est restreinte par

    l’assentiment à l’acte médical, une forme de renouvellement du consentement qui reste

    particulièrement atypique. Cet assentiment est surtout signe d’une double exigence de

    consentement, initial puis à chaque acte médical, qui renforce la volonté certaine du patient.

    CHAPITRE DEUXIEME L’assentiment à l’acte

    médical : la nécessité d’un accord réitéré du patient

    En droit commun des contrats, le consentement est donné une fois pour toutes. En droit

    médical, ce n’est pas le cas. Il existe une sorte de renouvellement du consentement, bien que

    l’objet de l’assentiment ne soit pas de former le contrat mais plutôt d’assurer son exécution et

    sa continuité, créant une originalité par rapport au droit commun (Section première). La

    portée du consentement se voit donc limitée tout autant que la volonté certaine du patient se

    trouve assurée par le renouvellement de son accord pour un acte précis. Cet assentiment

    comporte tout de même des exceptions controversées qui, elles aussi, sont spécifiques au droit

    médical (Section deuxième).

    SECTION PREMIERE Une originalité du droit médical

    L’assentiment à l’acte médical est une notion bien particulière, calquée sur les

    principes fondamentaux justifiant le consentement au contrat médical. Même si la philosophie

    est la même, c'est-à-dire garantir au patient que chaque acte médical qu’il subira sera

    préalablement accepté par lui, l’objet n’est pas le même. Le consentement a pour but de

    former le contrat médical. L’assentiment à l’acte médical vise à l’exécuter, il doit être donné

  • 15

    pour chaque acte subi par le patient : « la volonté de contracter, qui se manifeste par le choix

    du médecin, est antérieure à l'acceptation du traitement ou de l'opération, laquelle intervient

    dans l'exécution du contrat légalement formé »25

    . C’est une particularité du droit médical, qui

    l’émancipe du droit commun des contrats.

    En quelque sorte, le contrat médical serait un contrat cadre et unitaire, comprenant

    divers actes médicaux qui ne sont pas toujours déterminés au départ et qui vont dépendre de

    l’évolution de la santé du patient. Consentir au contrat n’est pas consentir à tous les actes : un

    patient qui contracte peut refuser une intervention pour préférer une autre solution. L’intérêt

    de l’assentiment est donc qu’à chaque étape du traitement, surtout dans une thérapie, le

    patient accepte ou non l’acte à venir, qu’il n’avait pas forcément connu lorsqu’il a conclu le

    contrat. L’explication est simple, le patient ne peut pas formuler une « acceptation préalable,

    générale, et imprécise »26

    au moment de la formation du contrat, l’assentiment doit être donné

    à chaque nouvel acte, en connaissance de cause.

    Cette philosophie se rapproche des contrats d’affaires dans lesquels un contrat cadre

    est conclu, suivi de contrats d’application. Mais la différence est notoire, en droit commun des

    contrats, un nouveau consentement est exigé par la signature du contrat d’application, le

    consentement vise un nouvel objet. Alors qu’en droit médical il n’y a pas de nouveau contrat,

    donc pas de nouveau consentement, et l’objet de l’assentiment n’est pas le contrat mais l’acte

    médical. C’est un acte compris dans la relation contractuelle initiale qui nécessite

    l’assentiment du patient, de sorte que le contrat médical est unitaire selon certains auteurs27

    .

    Le malade consent au contrat, il accepte ensuite l’intervention.

    Un autre courant de pensée s’évertue à dire que plusieurs conventions successives sont

    conclues, concernant divers actes médicaux. Le contrat médical serait successif. La vision

    civiliste de ses auteurs n’adhère pourtant pas à la réalité médicale. D’une part car le

    consentement peut être révoqué à tout moment excluant la nécessité de conclure différents

    contrats pour s’assurer à chaque fois que le patient consent. Mais surtout, les divers actes

    médicaux entrent dans le cadre du contrat médical : il est le contenant alors que les actes

    médicaux forment le contenu.

    25

    R. Nerson, Le respect par le médecin de la volonté du malade, in Mélanges Marty, Université des sciences

    sociales de Toulouse, 1978, p. 870 26

    G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème éd., 2006, p. 306 27

    Pascal Lokiec, « La décision médicale », RTD Civ. 2004 p. 641 et s.

  • 16

    Le fondement de l’assentiment serait l’article 16-3 paragraphe 2 du code civil. Comme

    le souligne François Vialla28

    , le consentement est rattaché au contrat, l’assentiment à la

    dignité humaine. Il faut donc comprendre que l’assentiment à l’acte médical est justifié par un

    impératif d’inviolabilité du corps humain, et que chaque personne qui veut être soignée peut

    refuser un acte médical en raison de ce principe fondamental.

    La jurisprudence s’était bien avant penchée sur la question et avait déjà jugée, avant

    une nouvelle consécration par la loi du 4 mars 2002, que l’assentiment préalable du malade à

    un acte médical était impératif29

    .

    Mais il ne faut pas s’y tromper, cette obligation dépasse le cadre contractuel. L’arrêt

    « Teyssier »30

    de la Cour de cassation préconisait une obligation générale imposée par le

    respect de la personne humaine. L’assentiment a donc une portée bien plus large que celle

    d’exécuter le contrat.

    L’assentiment à l’acte médical s’oppose doublement à la théorie du contrat médical

    comme contrat de droit commun. D’une part parce qu’il limite la portée du consentement, qui

    n’est pas donné une fois contrairement au droit commun. Ensuite car il comporte en soi une

    originalité qui lui est propre et que l’on ne retrouve pas en droit commun des contrats, fondée

    essentiellement sur l’inviolabilité du corps humain. Enfin car il renforce la certitude quant à la

    volonté du patient, en s’assurant qu’il consent à chaque acte médical, ce qui n’a pas d’égal en

    droit commun.

    Mais à l’image du consentement, l’assentiment à l’acte médical aussi original qu’il

    soit comporte des limites largement inspirées de celles du consentement.

    28

    F. Vialla, « Les grandes décisions du droit médical », LGDJ, éd. Lextenso, 2009, p. 134 29

    Par exemple, Cass. Civ., 29 mai 1951, D. 1952, 43 30

    Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63

  • 17

    SECTION DEUXIEME Les exceptions controversées à

    l’assentiment du patient

    Si les notions de consentement et d’assentiment sont différentes, leurs exceptions sont

    quasiment identiques.

    Un patient doit donner son assentiment préalablement à tout acte médical. Le principe

    est clair, mais en pratique il est va tout autrement. Deux situations majeures, souvent

    concomitantes, sont à analyser : l’urgence et l’inconscience du patient. La question est la

    même que pour le consentement du patient au contrat médical : si le contrat est conclu mais

    que le médecin ne peut recueillir l’assentiment à l’acte médical en raison de l’urgence ou de

    l’inconscience du malade, peut il outrepasser ce défaut d’accord du patient sans commettre de

    faute ?

    La solution ne se trouve pas dans les textes mais dans la jurisprudence. Ainsi la Cour

    administrative d’appel de Paris a pu juger en 1998, à travers deux arrêts de principe31

    , que le

    médecin accomplissant un acte indispensable à la survie dans une situation extrême n’était pas

    en faute. Le Conseil d’Etat a confirmé cette solution en 200132

    . Puis en 200233

    , la Haute

    Juridiction souligne les conditions de l’accomplissement d’un tel acte par le médecin : la

    situation doit être extrême, les soins indispensables à la survie et surtout proportionnés.

    Cette jurisprudence a suscité un débat au sein de la doctrine, autant sur l’assentiment à

    l’acte médical que sur le consentement. Deux difficultés sont soulevées par cette

    jurisprudence. La première, c’est le principe de l’inviolabilité du corps humain et le droit

    consacré par les textes du patient à disposer de son corps. Le médecin, qui se fonde sur sa

    conscience pour soigner un patient dans un état grave et dans l’impossibilité de manifester sa

    volonté, va dès lors porter atteinte aux droits fondamentaux du patient. En pratique, le

    praticien est confronté à la possibilité d’être accusé de non assistance à personne en danger

    s’il n’intervient pas, ou à l’inverse de faute médicale dès lors que le patient n’a pas consenti à

    l’intervention ou au traitement. Il faut donc comprendre que pour concilier ses intérêts et ceux

    du patient, il puisse soigner le patient inconscient sans son consentement mais en respectant

    les exigences jurisprudentielles de proportionnalité et de nécessité de l’acte. Le médecin est

    31

    CAA Paris, 9 juin 1998, RFDA 1998, 1231 32

    CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259 33

    CE, 16 aout 2002, JCP 2002, 1132, n°1

  • 18

    donc investi d’un pouvoir sur le corps humain, dénoncé par certains auteurs. Cette difficulté

    n’est d’ailleurs pas sans rappeler le refus de soins auquel le médecin peut faire face et sur

    lequel la jurisprudence est souvent amenée à statuer.

    Le second problème, c’est que la majorité de la doctrine et la loi ont tendance à

    considérer la relation médicale comme un contrat. Or, ce pouvoir octroyé au médecin est bien

    étranger au droit commun des contrats. Aucun cocontractant ne peut outrepasser l’accord de

    l’autre. Dès lors le contrat médical est un contrat spécial, qui est justifié par des situations qui

    en pratique ne peuvent se voir appliquer strictement le droit commun des contrats.

    A la lueur de ces démonstrations, nous pouvons dire que le contrat médical suppose un

    régime de volonté tempérée34

    , entre respect des principes fondamentaux relatifs au corps

    humain et exceptions au consentement justifiées par la pratique. Cette spécificité suppose que

    le contrat médical serait un contrat spécial et non de droit commun, manifestement

    consensuel. Intuitu personae également, en raison de l’importance du choix de son

    cocontractant (le médecin). Mais aussi unitaire puisque le contrat médical englobe toute une

    série d’actes médicaux qui doivent être acceptés à chaque fois par le patient.

    Le consentement est limité dans sa portée par l’exigence de l’assentiment, et connait

    des limites que l’on retrouve au stade de l’assentiment. Paradoxalement, l’assurance que le

    patient donne son accord pour chaque acte médical, grâce à l’assentiment, renforce la

    certitude quant à la volonté du malade. En ce sens, cette dualité entre consentement et

    assentiment est la meilleure garantie d’un accord sans équivoque du patient qui n’a pas d’égal

    en droit commun des contrats.

    Mais il n’y a pas de consentement au contrat médical sans information préalable du

    malade par son praticien, particulièrement au regard des conséquences d’un tel contrat.

    L’obligation d’information du médecin est la garantie d’une volonté éclairée du patient, qui

    s’engage en connaissance de cause.

    34

    G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème

    éd., 2006, p. 352

  • 19

    TITRE DEUXIEME L’assurance d’une

    volonté éclairée du malade : l’obligation d’information

    spécifique au droit médical

    « En tant que sujet, le droit essentiel (du malade) est le libre choix qui suppose en

    corollaire l’information et le consentement […] Il ne peut pas y avoir libre choix sans

    consentement qui suppose l’information »35

    . Jean Marie Clément ne s’y trompais pas,

    l’assurance d’un consentement éclairé est la transmission d’une information circonstanciée

    par le médecin. Définie comme l’« obligation contractuelle ou précontractuelle mise à la

    charge de certaines personnes, généralement professionnelles, de renseigner leur partenaire

    sur l’objet du contrat ou l’opération envisagée afin de leur permettre de se décider en pleine

    connaissance de cause et de disposer ensuite de toutes informations utiles36

    », elle s’applique

    au droit des contrats, spéciaux ou communs, mais en droit médical elle n’a pas toujours eu la

    place qu’elle occupe aujourd’hui.

    Initialement, les médecins avaient les connaissances médicales que les patients ne

    détenaient pas. Ces derniers n’étaient donc pas aptes à comprendre le langage technique des

    médecins quelque peu paternalistes. Mais l’avènement d’associations de malades et de sites

    de santé, ainsi que l’accroissement des actions en responsabilité ont poussé le législateur et la

    jurisprudence à intervenir.

    Dans un premier temps, la Cour de cassation a reconnu une obligation de

    renseignement37

    . Mais c’est surtout l’arrêt du 29 mai 196138

    qui a consacré l’obligation

    d’information du médecin. Bien sûr, de nombreuses précisions ont été apportées par la suite

    de sorte que l’obligation d’information est devenue un pilier en droit médical. Dans la théorie

    civiliste, l’obligation générale d’information n’en est pas moins essentielle, particulièrement

    35

    J.M. Clément, « Droits des malades », Les études hospitalières, coll. « Essentiel », 2002, p. 7 36

    « Dictionnaire de vocabulaire juridique », sous la direction de R. Cabrillac, Litec, 2ème

    éd., 2004, p. 273 37

    Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63 38

    Cass. civ., 29 mai 1951, D. 1952, p. 53

  • 20

    dans le contrat de vente, qui, rappelons-le, est un contrat spécial. Très généralement, elle

    s’impose aux professionnels.

    Le législateur est venu ensuite consacrer légalement cette obligation d’information

    avec la loi du 4 mars 2002, au travers de l’article L1111-2 du code de la santé publique,

    énonçant « un droit du patient d’être informé »39

    . Il en a fait une garantie d’un droit général à

    l’information. La charte du patient hospitalisé reprend cette obligation dans son article 3, ainsi

    que l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, tout comme la loi du 20

    décembre 1988 sur la recherche biomédicale.

    L’obligation d’information est particulièrement encadrée afin que le malade puisse

    prendre une décision éclairée (Chapitre premier), autant au regard des personnes qui y sont

    tenues qu’à l’égard de son contenu spécifique. Une particularité du droit médical qui se

    ressent par ailleurs au travers de l’étude de la portée de l’obligation d’information (Chapitre

    deuxième).

    CHAPITRE PREMIER L’obligation

    d’information du patient, garantie d’une décision médicale

    éclairée

    La jurisprudence, appuyée ensuite par la loi du 4 mars 2002, est venue délimiter les

    contours de l’obligation d’information. Bien qu’existante en droit civil, elle diffère lorsqu’il

    s’agit de l’information médicale en raison de la technicité et de la spécificité des informations

    à donner au patient. Son importance n’est pas anodine. La vie et le corps humain sont en jeu

    dans la relation médicale, d’où la consécration par toutes les sources du droit de l’obligation

    d’information du médecin à son patient, afin que ce dernier puisse consentir à être soigné ou

    non en connaissance de cause.

    L’explication sous jacente de l’ampleur de cette obligation, grande papesse du contrat

    médical, n’est pas sans rappeler celle du contrat de consommation, l’exigence du respect du

    corps humain en moins. En effet, il est clair que cette obligation, due par un professionnel à

    une partie dite « faible » et généralement ignorante de toutes les subtilités du métier, permet

    39

    D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 166

  • 21

    que ce cocontractant en situation de faiblesse ait connaissance de tous les éléments relatifs au

    contrat. C’est d’ailleurs le seul trait qui rapproche les deux domaines, la relation médicale

    impliquant la confiance entre le patient et son médecin alors que dès le départ, le droit de la

    consommation est né d’une méfiance envers le professionnel40

    .

    Les arrêts abondent dans le domaine et se succèdent sans toujours se ressembler. Une

    évolution transparait au travers de ceux-ci : d’abord sur la délivrance de l’information

    (Section première), ensuite sur le contenu de cette information (Section deuxième).

    SECTION PREMIERE La délivrance de l’information,

    obligation pesant sur tous les professionnels de santé et sur le patient

    L’article L1111-2 du code de la santé publique dispose que l’obligation d’information

    incombe « à tous professionnels de santé dans le cadre de sa compétence ». Ceci implique

    deux choses : chaque professionnel est tenu d’informer selon ses compétences dans le

    domaine (au regard d’une appréciation tenant compte de la fonction de chacun), et tous les

    professionnels supportent cette obligation. Concrètement, le texte inclut le personnel

    paramédical, mais dans la limite de leur compétence. La jurisprudence41

    a également précisé

    que tous les médecins sont tenus in solidum de cette obligation dès lors qu’ils traitent le

    patient, même s’ils sont plusieurs. Il ressort de ces constatations que l’obligation a une portée

    particulièrement large quant aux responsables de cette information.

    Quant au destinataire de l’information, c’est bien évidemment le patient. Deux

    difficultés existent en pratique. La première est le malade dans l’impossibilité de recevoir

    l’information (du fait de l’inconscience notamment). Par analogie, certains auteurs42

    prétendent que l’information doit être donnée à la personne de confiance puisque l’article

    L1111-4 prévoit qu’elle doit prendre la décision médicale pour le patient inconscient. Il serait

    donc logique qu’elle reçoive l’information à sa place. En ce qui concerne le patient incapable,

    l’information doit être transmise aux représentants légaux (article L1111-5). Cette

    particularité n’existe d’ailleurs pas en droit commun des contrats.

    40

    G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème

    éd., 2006, p. 305 41

    Cass, 1ère

    civ., 29 mai 1984, JCP G., 1984, II, 20259 42

    D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 166

  • 22

    Il faut noter que la délivrance de l’information ne se fait pas à sens unique. Le patient

    est lui aussi tenu d’informer le médecin de tous les éléments qui pourraient influencer le

    traitement de sa pathologie. Cette obligation n’est d’ailleurs pas à négliger car les juges ont

    déjà relaxé un médecin accusé de faute professionnelle en raison d’un défaut de transmission

    de telles indications43

    .

    La délivrance de l’information ne pose donc pas de réel problème en soi. En revanche,

    le contenu de celle-ci a beaucoup évolué jusqu’à la loi du 4 mars 2002.

    SECTION DEUXIEME Le contenu spécifique de

    l’information fondé sur le critère de la gravité

    La jurisprudence a progressivement apporté des précisions sur le contenu de

    l’obligation d’information jusqu’à ce que la loi du 4 mars 2002 entérine cette évolution au

    travers de l’article L1111-2 du code de la santé publique (Paragraphe premier).

    La spécificité du contenu de l’information, issu de cette évolution jurisprudentielle et

    textuelle, soutient la théorie selon laquelle le contrat médical est un contrat spécial

    (Paragraphe deuxième).

    PARAGRAPHE PREMIER L’évolution jurisprudentielle de la notion d’information entérinée par la loi du 4 mars 2002

    Avant la loi du 4 mars 2002, la jurisprudence avait particulièrement évolué sur le sujet.

    En 188944

    , les juges considéraient que le médecin n’était tenu que d’une présentation générale

    de l’acte médical ou du traitement. Puis la Cour de cassation a imposé aux médecins

    d’informer le patient sur les risques normaux et prévisibles, excluant ceux qui étaient

    exceptionnels ou imprévisibles45

    .

    43

    CA, Paris, 23 juin 1995, « Médecine et Droit », n°16, 1996, p. 24 44

    Trib. Civ. Lièges, 27 novembre 1889, DP 1891, II, p. 28 45

    Cass, 1ère

    civ., 6 mars 1979, D. 1980, IR, p. 170

  • 23

    Un revirement majeur a été opéré par la Cour de cassation le 27 mai 199846

    en ce sens

    que les juges ont émis un nouveau critère fondé sur la gravité du risque. Dès lors, un risque

    grave même exceptionnel devait être signalé par le médecin à son patient. Ce critère est bien

    mieux adapté que le précédent, car le patient sera plus à même de prendre une décision en

    comparant les solutions au regard de tous les risques potentiellement graves pouvant se

    produire, et surtout le médecin se protègera d’une action en responsabilité pour faute dans la

    transmission de l’information. Le Conseil d’Etat s’était d’ailleurs rallié à cette position dès

    200047

    et la Cour de cassation n’a cessé de réitérer sa position.

    L’article R4127-35 du code de la santé publique énonçait quant à lui que l’information

    devait être « loyale, claire et appropriée ». La Charte du patient hospitalisé imposait une

    information « simple, accessible, intelligible et loyale », appuyée par la jurisprudence48

    .

    C’est au regard de la longue construction jurisprudentielle que le législateur a élaboré

    l’article L1111-2 du code de la santé publique issue de la réforme du 4 mars 2002, sans pour

    autant se conformer strictement à la jurisprudence antérieure49

    . Selon l’article, les risques

    graves fréquents ou exceptionnels doivent être signalés au patient, concernant les traitements,

    les interventions et même les actes de prévention. En revanche, le risque imprévisible n’a pas

    à être porté à la connaissance du patient sinon l’information pour le médecin serait

    interminable et fastidieuse. Mais le texte va plus loin que la jurisprudence car il impose la

    divulgation par le médecin de l’utilité de l’acte, son urgence, ses alternatives et les

    conséquences de chaque solution.

    PARAGRAPHE DEUXIEME La spécificité de

    l’information en droit médical à l’appui de la théorie d’un contrat spécial

    Cette démonstration permet-elle de qualifier le contrat médical de contrat spécial ?

    46

    Cass, 1ère

    civ., 27 mai 1998, D. 1998, p. 530 47

    CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271 48

    Cass, 1ère

    civ., 21 février 1961, Bull. civ. I, n°115, p. 92, S. 1961, 2296 49

    En ce sens, D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 167 et 168

    Pour une appréciation contraire, G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème

    éd.,

    2006, p. 357 et s.

  • 24

    D’une part, la compétence du Conseil d’Etat en matière d’hospitalisation publique va à

    l’encontre de la théorie d’un contrat de droit commun. En effet, en droit commun des contrats,

    ce sont les juridictions judiciaires qui sont compétentes. D’autre part, l’obligation

    d’information n’est pas exclusive au droit médical. Elle n’est d’ailleurs pas sans rappeler

    l’obligation d’information du professionnel envers le consommateur. Mais elle va bien au-

    delà de l’information du consommateur qui ne vise qu’à le protéger de la malveillance de

    certains professionnels.

    Elle se place dans le sillage de l’obligation générale d’information50

    instaurée par la

    théorie civiliste, incombant aux professionnels. Dans tous les cas, l’information vise à corriger

    un déséquilibre entre les parties.

    Même si en droit de la consommation comme en droit médical il y a une asymétrie de

    l’information profitant au professionnel, la finalité des deux relations n’est pas la même. En

    droit de la consommation, la relation est commerciale et la loi veut protéger le consommateur

    des escroqueries faites par un professionnel. En droit médical, le cadre n’est pas commercial,

    et c’est là toute la différence. D’un coté la méfiance du professionnel a imposé l’information

    du consommateur, de l’autre l’instauration d’une relation confiance a inspiré l’avènement

    d’une obligation d’information médicale. Cette différence se comprend par l’enjeu de

    l’information pour le client. En droit médical, sa vie est en jeu ainsi que l’intégrité de son

    corps, c’est ce qui lui confère un caractère si particulier. Concrètement, l’obligation est

    inspirée du droit de la consommation mais s’en détache sur divers points.

    On pourrait alors penser à l’obligation de sécurité incombant au professionnel, prévue

    par les articles 1386-1 et suivants du code civil, qui vise aussi à protéger l’intégrité physique

    du client. Il est vrai que cette obligation va plus loin que l’information, en pratique l’objet ne

    doit pas être dangereux pour le consommateur et pour cela il faut l’informer. Une

    ressemblance qui n’empêche pas la spécificité de l’obligation d’information du médecin.

    L’obligation d’information du médecin, qui bien évidemment est une obligation de

    résultat en ce sens qu’il doit tout mettre en œuvre pour informer au mieux le patient au regard

    des données actuelles de la science, repose donc sur des bases civilistes, de droit commun,

    auxquelles s’ajoutent des particularités inspirées pour certaines du droit de la consommation

    et de la vente. La violation de cette obligation a également des conséquences civiles, la

    50

    En ce sens, G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème

    éd., 2006, p. 355.

  • 25

    responsabilité du médecin. Pour autant elle se détache de l’obligation générale pour constituer

    une obligation à part entière et spécifique. C’est pourquoi elle est la traduction de

    l’appartenance du contrat médical à la catégorie des contrats spéciaux.

    Mais c’est au regard de la portée de l’obligation d’information que l’on peut

    effectivement prétendre que le contrat médical est un contrat spécial, tout autant que le droit

    médical est un droit autonome par rapport au droit civil.

    CHAPITRE DEUXIEME La spécificité du

    contrat médical à travers la portée de l’obligation

    d’information

    Une fois l’obligation d’information déterminée quant à son contenu, il s’agit de la

    transmettre. En droit médical, cette transmission revêt un caractère particulier, s’éloignant

    alors du formalisme de droit commun. Par ailleurs, les modalités de preuve de cette

    transmission ont évolué à travers la jurisprudence et la loi (Section première).

    Cependant, tout principe connait des exceptions. Il en existe donc qui sont propres au

    droit médical (Section deuxième).

    SECTION PREMIERE L’originalité du système

    probatoire de la transmission de l’information

    Dès 1942, la jurisprudence a commencé à se pencher sur le problème de la charge de

    la preuve de l’obligation d’information (Paragraphe deuxième), impliquant la recherche de la

    forme de sa transmission (Paragraphe premier). Il ressort d’ailleurs de l’arrêt « Teyssier »51

    que la charge de la preuve de l’information pèse sur le médecin. Mais le droit a

    particulièrement évolué sur la question.

    51

    Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63

  • 26

    PARAGRAPHE PREMIER La transmission orale privilégiée, une rupture d’avec le droit commun des contrats

    Concernant le formalisme de la transmission, la loi du 4 mars 2002 a repris le

    raisonnement de la Cour de cassation. En effet elle avait jugé en 199552

    que l’information

    pouvait être transmise de manière verbale sauf en cas de circonstances particulières

    nécessitant un écrit. L’article L1111-2 du code de la santé publique privilégie aussi ce mode

    de transmission sur tous les autres. Cela amène deux observations.

    La première, c’est que la communication prime donc sur toute autre forme de

    divulgation. Ce n’est pas un hasard, ce raisonnement s’inscrit dans la philosophie propre au

    droit médical qui veut qu’il y ait une relation de confiance entre le médecin et son patient. Un

    entretien oral préalable au traitement (article L1111-2 alinéa 3), permet en quelque sorte de

    rétablir un « lien humanisé »53

    entre le médecin et le malade, et d’assurer au mieux la

    compréhension du patient. Cette philosophie ne se retrouve pas en droit commun des contrats.

    Deuxièmement, il faut remarquer qu’en droit commun des contrats, la place de la

    transmission orale est largement compromise par l’exigence d’un écrit. C’est le mode de

    preuve par excellence en droit commun. Ainsi le plus souvent les parties contractent par le

    biais d’un écrit et pour prouver que chacune des obligations a été exécutée, elles établissent

    des preuves écrites elles aussi. En droit de la consommation par exemple, l’information est

    transmise par voie d’étiquette, d’affichage ou de remise préalable de documents. Le droit

    médical rompt sur ce point avec les traditions civilistes.

    Dès lors, le droit médical constitue donc une particularité par rapport au droit commun

    en privilégiant l’entretien oral. Mais la charge de la preuve en est affectée car il est plus

    difficile de rapporter la preuve d’une transmission orale, bien évidemment. L’écrit n’est pas

    prohibé, mais il n’est admis qu’en complément d’un entretien oral54

    (un écrit peut d’ailleurs

    servir de preuve dans les domaines spécifiques de la médecin esthétique, la recherche

    biomédicale).

    52

    Cass, 1ère

    civ., 4 avril 1995, JCP 1995, IV, n°1407, p. 180 53

    F.J. PANSIER et C. CHARBONNEAU, « Commentaire de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des

    malades (1ère partie) », Petites affiches, 13 mars 2002 n° 52, p. 5 et s. 54

    J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 113

  • 27

    PARAGRAPHE DEUXIEME La charge de la preuve de la transmission de l’information : interprétation classique des principes civilistes

    Concernant la charge de la preuve de la transmission, l’article L1111-2 alinéa 7

    précise qu’en cas de litige, elle pèse sur le médecin ou l’établissement de santé lorsqu’une

    hospitalisation a été nécessaire, reprenant les termes d’une jurisprudence particulièrement

    controversée établie en 199755

    et admise par la Conseil d’Etat en 200056

    . D’ailleurs, la

    solution de cet arrêt relatif à l’obligation d’information du médecin s’est imposée comme

    solution de principe pour toutes les obligations d’information, quelque soit le domaine en

    question : en ce sens, ce n’est pas le droit civil qui influe sur le droit médical, mais plutôt

    l’inverse ici. En tout état de cause, c’est au professionnel de prouver la transmission, de

    manière très classique.

    Cette exigence parait s’imposer puisqu’un patient aura du mal à rapporter la preuve

    d’une absence d’information. Cette preuve par le praticien n’étant pas aisée à rapporter, autant

    par le caractère spécifique de l’information que par la transmission orale, le législateur a

    admis que tous moyens de preuve pouvaient être utilisés : notices d’information, lettre au

    médecin traitant, mention dans le dossier. Un arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 1997

    l’avait déjà reconnu57

    .

    Même si les progrès en matière d’information du patient sont conséquents, le

    législateur ne sanctionne que le défaut de délivrance de l’information. Cependant, ce n’est pas

    parce qu’elle est transmise qu’elle est comprise par le patient, notamment car l’information

    est généralement technique. Certains auteurs58

    ont donc justement émis l’idée d’une

    obligation de clarté et de vérification de l’assimilation de l’information par le malade, ce qui

    permettrait de parler réellement de consentement éclairé du patient.

    55

    Cass, 1ère

    civ., 25 février 1997, Gaz. Pal. 1997, p. 22 56

    CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271 57

    Cass, 1ère

    civ, 14 octobre 1997, Gaz. Pal. 1998, p. 312 58

    En ce sens, D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 170

  • 28

    Il apparait au regard de ces constatations que l’obligation d’information en droit

    médical se place dans un système de transmission de l’information bien particulier fondé sur

    la confiance entre les parties et l’humanisation de leur relation. La preuve en est donc affectée

    quant à ses modalités et le système probatoire en droit médical ne se fonde pas sur le droit

    commun des contrats, qui fait de l’écrit un document sacré. La philosophie sous jacente est

    bien différente, et dès lors le contrat médical est bien un contrat spécial.

    Le principe de l’obligation d’information connait malgré tout des exceptions en droit

    médical qui sont justifiées par les circonstances de l’acte médical.

    SECTION DEUXIEME Les limites circonstanciées de

    l’obligation d’information en droit médical

    Diverses situations justifient d’écarter l’obligation d’information, ou atténuent sa

    portée. Ce n’est en rien une violation du principe de consentement éclairé du patient, il

    apparait seulement qu’en droit médical, les circonstances d’espèce peuvent justifier une

    dérogation au principe.

    L’article L1111-2 en son alinéa 2 du code de la santé publique, dans le même sens que

    l’article 9 du code de déontologie médicale, dispose que la situation d’urgence impose le soin

    immédiat du patient et écarte l’obligation d’information préalable. La particularité des faits

    justifie une telle disposition, qui apparait logique.

    Ce même texte dispense aussi le médecin d’informer le patient qui, pour une raison ou

    une autre, ne serait pas à même de comprendre l’information, en dehors de toute urgence (état

    d’inconscience notamment). En revanche s’il existe une personne de confiance (article

    L1111-4 alinéa 4), des proches, des titulaires de l’autorité parentale (pour un mineur) ou un

    tuteur (pour les majeurs incapables), le médecin sera tenu de les informer au même titre qu’il

    l’aurait fait pour le patient. Le destinataire de l’obligation ne fait que se déplacer ici.

  • 29

    L’article L1111-2 énonce également que le médecin n’est pas tenu d’informer lorsque

    le patient refuse de connaitre le diagnostic ou le pronostic, conformément au principe de

    liberté individuelle particulièrement présent en droit médical. Bien évidemment, l’ordre

    public sanitaire entre en contradiction avec ce texte dès lors qu’il y a des risques de

    transmission à des tiers. Dans ce cas là, le médecin devra passer outre ce refus et informer le

    patient.

    Par ailleurs, l’article R4127-35 du même code prévoit une autre exception, constituée

    par la possibilité pour le médecin de ne pas informer le patient dans son « intérêt et pour des

    raisons légitimes que le médecin apprécie en conscience ».

    Dès lors, le refus de savoir n’appartient pas qu’au patient, le médecin peut aussi ne pas

    transmettre l’information dans certains cas explicitement prévus par la loi.

    Il convient aussi de prendre en compte le contenu du diagnostic. En effet un diagnostic

    critique ne pourra pas être communiqué au patient de la même manière qu’un autre beaucoup

    moins sérieux. Un aménagement de l’obligation d’information est nécessaire dans ce cas,

    dans un souci d’humanisme59

    et de dignité.

    Toutes ces limites à l’obligation d’information illustrent bien la spécificité de la

    relation médicale. Elles sont propres au droit de la santé, et n’ont de raison que dans le cadre

    médical. Leurs justifications puisent leur source dans la situation particulière dans laquelle se

    trouve le patient et dans le caractère humanisé de la relation contractuelle médicale. En ce

    sens, le contrat médical est un contrat spécial puisqu’il s’émancipe du droit commun qui ne

    répond pas à la même philosophie, aux mêmes besoins et ne connait donc pas les mêmes

    principes et exceptions.

    59

    Sur la légitimité d’une information limitée en psychiatrie, Cass, 1ère

    civ., 23 mai 2000, JCP 2000, 10342

  • 30

    La relation médicale découle d’un contrat entre le malade et le patient. Comme tout

    contrat, la convention médicale repose sur des bases de droit commun quant à sa formation : il

    ne sera conclu que par l’échange des consentements. L’intérêt de construire le régime du

    contrat médical au regard du droit commun des contrats était notamment d’appliquer les

    dispositions protectrices du code civil à la relation médicale.

    Pour autant, le droit médical s’est peu à peu affranchi du droit commun. L’existence

    même d’un code de la santé publique en est la meilleure preuve. Ce dernier intègre une

    philosophie de confiance entre les parties, un caractère humaniste dans la relation de soins qui

    est la source de toutes les spécificités inhérentes au droit de la santé. Toutes ces particularités

    nécessitaient l’existence de règles spécifiques au droit médical, que l’on retrouve dans le code

    la santé publique et qui dérogent au droit commun. Elles concernent notamment le

    consentement certain et ses exceptions, l’existence inédite d’un assentiment à l’acte médical

    impliquant le caractère provisoire du consentement, ou encore les dispositions relatives à

    l’obligation d’information qui permet d’assurer un consentement éclairé. Il en ressort que le

    consentement et l’obligation d’information sont particulièrement spécifiques en droit médical.

    Outre le fait que les dispositions du code de la santé publique s’affranchissent de celles

    de droit commun, elles n’ont pas la même finalité que celui-ci. Elles veillent à prendre en

    compte la situation particulière du patient dans le contrat médical et s’assurent du respect des

    principes fondamentaux reconnus tant au niveau national que communautaire. Dès lors le

    code de la santé publique comporte aussi des règles de droit public que le code civil n’intègre

    pas : le Conseil d’Etat est compétent pour juger d’un litige relatif à un contrat médical dans le

    cadre d’une hospitalisation, ce qui émancipe encore ce contrat du droit commun.

    Les dispositions du code de la santé publique explicitent surtout les limites du code

    civil quant à l’application du droit médical60

    . Malgré les tentatives d’instauration de règles

    générales applicables au droit médical dans le code civil, comme par les lois de bioéthique de

    1994, il apparait évident que si le droit commun peut parfois s’appliquer au contrat médical,

    les règles de droit de la santé ne peuvent à l’inverse pas s’imposer dans le droit commun des

    contrats.

    60

    En ce sens, C. Labrusse-Riou, « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social,

    2008, p. 427 et s.

  • 31

    A la lueur de ces constatations, une majeure partie de la doctrine61

    considère que le contrat

    médical est un contrat spécial.

    Les bases du contrat médical reposent donc sur les règles du droit commun des

    contrats : l’existence d’un consentement certain et éclairé des parties. Mais ces règles de droit

    commun sont aménagées au regard de la spécificité de la relation médicale au sein du code de

    la santé publique, impliquant un « renouveau du droit commun ». Mais la différence entre le

    droit commun et le droit spécial n’exclut pas leur complémentarité, chacun apporte sa pierre à

    l’édifice. Catherine Labrusse-Riou résumait particulièrement bien cette idée : « Le droit de la

    santé comme le droit de l'environnement, les droits spéciaux plus généralement, peuvent être

    les sources d'un renouveau du droit commun, et, dirai-je, sans esprit de chapelle, du droit

    civil parce qu'il civilise des technologies et des désirs par nature sauvages, ces droits

    spéciaux trouvant en retour dans le droit commun les notions et concepts qui leur manquent

    pour être pérennes. »62

    Un aménagement des bases communes pour des applications spécifiques à la relation

    médicale : tel est la définition d’un contrat spécial.

    61 En ce sens, C. Labrusse-Riou disait « Le contrat médical aurait pu trouver place dans le code civil au titre des contrats spéciaux », « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 427

    et s. 62

    C. Labrusse-Riou, « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 427

    et s.

  • 32

    BIBLIOGRAPHIE

    I- OUVRAGES GENERAUX, MANUELS ET DICTIONNAIRES

    D. BERTHIAU, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007

    Sous la direction de R. CABRILLAC, « Dictionnaire de vocabulaire juridique »,

    Litec, 2ème

    éd., 2004

    J.M. CLEMENT, « Les grands principes du droit de la santé », Les études

    hospitalières, 2005

    M. DUPONT, C. BERGOIGNAN-ESPER et C. PAIRE, « Droit hospitalier »,

    Dalloz, coll. Cours, 7ème

    éd., 2009

    G. MEMETEAU, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème éd., 2006

    F. VIALLA, « Les grandes décisions du droit médical », LGDJ, éd. Lextenso, 2009

    II- OUVRAGES SPECIAUX ET THESES

    J.M. BUDET et F. BLONDEL, « L’hospitalisation publique et privée, des

    ordonnances de 1996 au plan hôpital 2007 », Berger Levrault, 3ème

    éd.

    J.M. CLEMENT, « Droits des malades », Les études hospitalières, coll. Essentiel,

    2002

  • 33

    R. NERSON, Le respect par le médecin de la volonté du malade, in Mélanges Marty,

    Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 870

    III- ARTICLES, ETUDES ET CHRONIQUES

    C. CLEMENT, « Quelques propos sur le principe du consentement en droit médical

    et hospitalier », Petites affiches, 24 juin 1996, n° 76, p. 6 et s.

    C. CLEMENT, « Le médecin, son obligation de soins, et la volonté du malade »,

    Petites affiches, 15 janvier 2002 n° 11, p. 18 et s.

    C. LABRUSSE-RIOU, « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit

    sanitaire et social, 2008, p. 427 et s.

    PASCAL LOKIEC, « La décision médicale », RTD Civ. 2004 p. 641 et s.

    F.J. PANSIER ET C. CHARBONNEAU, Petites affiches, 13 mars 2002 n° 52,

    Commentaire de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades (1ère partie),

    p. 5 et s.

    IV- JURISPRUDENCE

    Sur la notion de contrat médical

    - Cass, civ., 20 mai 1936, « Mercier », DP 1936, I, p. 88

    - Cass, req., 21 aout 1839, in Juris. Gén., Dalloz, « Louage d’ouvrage et

    d’industrie », t. XXX, 1853, p. 548

  • 34

    Sur le consentement au contrat médical

    o Sur la reconnaissance du consentement

    - Cass, 1ère civ., 31 décembre 1989, n°88-15352

    - Cass, civ., 20 mai 1936, « Mercier », DP 1936, I, p. 88

    - CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259

    o Sur les exceptions au principe du consentement personnel

    - Cass, 1ère civ., 19 mai 1984, D. 1985, IR, p. 368

    - Cass, civ., 8 novembre 1955, JCP G., 1955, II, 9014

    - Cass, civ., 17 mai 1939, 2 arrêts, JCP 1939, 1214

    - Cass, 1ère

    civ., 27 mai 1970, JCP 1971, 6833

    Sur l’assentiment à l’acte médical

    o Sur l’existence de l’assentiment

    - Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63

    o Sur les exceptions

    - CAA Paris, 9 juin 1998, 2 arrêts, RFDA 1998, 1231

    - CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259

    - CE, 16 aout 2002, JCP 2002, 1132, n°1

    Sur l’obligation d’information

    o Sur son existence

    - Cass. civ., 29 mai 1951, D. 1952, p. 53

    - Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63

    o Sur la délivrance de l’information

    - Cass, 1ère civ., 29 mai 1984, JCP G., 1984, II, 20259

    - CA, Paris, 23 juin 1995, « Médecine et Droit », n°16, 1996, p. 24

    o Sur le contenu de l’information

    - Trib. Civ. Lièges, 27 novembre 1889, DP 1891, II, p. 28

    - Cass, 1ère civ., 6 mars 1979, D. 1980, IR, p. 170

  • 35

    - Cass, 1ère civ., 27 mai 1998, D. 1998, p. 530

    - CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271

    - Cass, 1ère civ., 21 février 1961, Bull. civ. I, n°115, p. 92, S. 1961, 2296

    o Sur la preuve de la transmission de l’information

    - Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63

    - Cass, 1ère civ., 25 février 1997, Gaz. Pal. 1997, p. 22

    - CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271

    o Sur les limites à l’obligation d’information

    - Cass, 1ère civ., 23 mai 2000, JCP 2000, 10342