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LA FIN DU MONDE ASSOCIATIF ? LE DLA COMME RÉVÉLATEUR. ARMELLE GAULIER

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LA FIN DU MONDEASSOCIATIF ?LE DLA COMMERÉVÉLATEUR.

ARMELLE GAULIER

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Directeur de publicationGhislain BREGEOT

AuteureArmelle GAULIER

Réalisation graphiqueGabrielle OBERT

©IFAID-Centre Emile Durkeim, Bordeaux, 2017

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LA FIN DU MONDE ASSOCIATIF ?LE DLA COMME RÉVÉLATEUR.Armelle Gaulier

Conférence-débat du 7 novembre 2017,Amphithéâtre Ellul, Sciences Po Bordeaux.

Restitution d'une recherche post-doctorale,projet ESSAQUI.

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INTRODUCTION

I- Le DLA : genèse et évolution d’un dispositif

II- Sociologie des CM DLA en ex-Aquitaine

A- Qui sont les CM DLA en ex-Aquitaine

B- Analyse comparative sociologie du CM DLA

III- Comparaison sectorielle

A- Le DLA en Gironde

B- Comparaison IAE/culture

C- Comité appui et accompagnement collectif

CONCLUSION

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INTRODUCTION

« La fin du monde associatif ? » est une question qui peut paraître étrange au vu de lavitalité du monde associatif en Nouvelle Aquitaine. En effet, l’étude du ConseilEconomique Social et Environnemental Régional de 2017 sur le panorama desdynamiques associatives en Nouvelle Aquitaine1 , montre qu’il y existe entre 120 000et 130 000 associations actives dans la grande Région, ce qui représente 10% dunombre d’associations actives au plan national. Entre 2007 et 2017, 6 600 associationsont été créées chaque année en Nouvelle Aquitaine, la Région comprendrait d’ailleursentre 1,2 et 1,3 million de bénévoles. Les associations employeuses (environ 16 000)pèsent un peu plus de 10% de l’ensemble de l’emploi salarié privé de la NouvelleAquitaine. De 2000 à 2016 le secteur associatif a créé plus de 38 000 emplois, lesassociations employeuses représentant 80% des employeurs de l’Econimie Sociale etSolidaire (ESS) de la Région Nouvelle Aquitaine. 60% des emplois étant dans le secteursocial, médico-social et sanitaire, le secteur culturel occupe, lui, 3,3% du total desemplois associatifs à l’échelle de la grande Région.

Les associations employeuses sont donc une réalité en Aquitaine. Pourtant, lesassociations comme les partenaires publics parlent d’un système associatif enmutation connaissant des difficultés toujours croissantes pour vivre, voire survivre,avec une baisse chronique des subventions de fonctionnement et la fin des contratsaidés. En s’appuyant sur un travail de recherche fait sur le Dispositif Locald’Accompagnement (DLA) en Gironde, l’objectif de cette restitution est de comprendreles évolutions du monde associatif : Est-il toujours possible de parler de militancedans le monde associatif ou évoluons-nous vers des services rendus à la populationpar les associations ? Comment continuer à travailler la notion de citoyenneté,d’engagement associatif qui fait vivre la démocratie dans un contexte où l’emploi dansle secteur associatif est menacé ? D’ailleurs, n’y aurait-il pas une absorption du faitassociatif militant par la problématique omniprésente de l’emploi ?

Dispositif pour l’emploi porté par l’Etat et la Caisse des Dépôts et Consignations, leDLA a été créé en 2003 pour accompagner les associations dans leurs démarches deconsolidation, de développement et de pérennisation des emplois dans les structuresde l’ESS (IAE, médico-social, secteur culturel, éducation populaire, petite enfance,sport, etc.). Dispositif délégué d’action publique, le DLA fait l’objet d’un appel d’offrestous les trois ans auquel peuvent répondre des associations au niveau départementalpour porter et réaliser le DLA. L’Institut de Formation et d’Aide aux Initiatives deDéveloppement (IFAID)2 par exemple porte le DLA en Gironde depuis la création dudispositif. Travailler sur le DLA permet d’observer comment se construit le mondeassociatif à l’échelle d’un territoire et avec quels acteurs (collectivités territoriales ;

1 http://www.ceser-aquitaine.fr/2 http://ifaid.org/fr/page/demarche-dla

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réseaux ; chargés de mission DLA ; consultants ; etc.) et surtout dans un contexteparticulier d’institutionnalisation de l’ESS, comme le montre la Loi Hamon de 20143.L’étude sur le DLA de la Gironde permet de voir concrètement quelles relationsexistent entre les associations et une mise en œuvre d’un dispositif délégué d’actionpublique ? Que veut dire être Chargé de Mission (CM) DLA ? Quel est exactement sonrôle de médiateur entre les partenaires institutionnels et les associations ? Etcomment les associations se servent du dispositif ou/et façonnent le métier de CMDLA ?

Terrain :

J’ai travaillé sur le DLA de la Gironde dans le cadre d’un post-doctorat, qui est un CDDd’un an pour un projet de recherche appelé ESSAQUI4 sur les dynamiques de l’ESS enAquitaine. Il est impossible d’appréhender tout le dispositif en une année, j’ai adoptéla démarche de recherche suivante : observer l’impact des pratiques professionnelles desCM DLA en fonction de l’identité de leur structure porteuse et des secteurs d’activité, dansun contexte de réorganisation de l’administration publique. Pour mener à bien cetteétude, j’ai fait de l’observation participante et plusieurs entretiens au sein de l’IFAIDentre octobre 2016 et octobre 2017. J’ai aussi réalisé des entretiens avec les CM DLAde l’ancienne Aquitaine (départementaux et régionaux). Enfin, j’ai fait des entretiensavec les partenaires publics de la Gironde puisqu’un focus m’était demandé sur ceterritoire.Cette présentation est construite en trois étapes, dans une première partie,j’expliquerai la genèse et l’évolution du DLA depuis 2003. Dans une seconde partie, jeprésenterai la sociologie des CM DLA en ex-Aquitaine. Enfin, dans une troisième partieje ferai une comparaison sectorielle IAE/Culture à l’échelle de la Gironde.

3 Cette Loi a cinq objectifs : « reconnaître l’ESS comme un mode d’entreprendre spécifique ; consolider le réseau, lagouvernance et les outils de financement des acteurs de l’ESS ; redonner du pouvoir d’agir aux salariés ; provoquerun choc coopératif ; renforcer les politiques de développement local durable. » cf.https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029313296&categorieLien=id4 Ce projet de recherche (2015-2019) sur l’Economie Sociale et Solidaire en Aquitaine est co-financé par la RégionNouvelle Aquitaine et est basé sur un partenariat entre le Centre Emile Durkheim (Sciences po Bordeaux) et l’IFAIDAquitaine. https://durkheim.u-bordeaux.fr/Recherches/Identifications/ESSAQUI

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I- LE DLA : GENÈSE ET ÉVOLUTIOND’UN DISPOSITIF

Le DLA permet à une structure de bénéficier d’un diagnostic partagé de sa situation,de sa capacité de consolidation économique et de ses besoins d’appui. Le rôle du CMDLA est d’être à l’écoute de la structure et de percevoir ses besoins enaccompagnement. Lors d’une première rencontre, le CM DLA fait une « photographie» de l’association, pose un diagnostic et fait des préconisations d’accompagnement. Sila structure valide le diagnostic et accepte les préconisations, le CM DLA élabore avecelle un plan d’accompagnement, qui comprend une ou plusieurs actions d’appui sousforme d’ingénieries individuelles ou collectives. Il rédige un cahier des charges del’accompagnement et lance un appel d’offre pour trouver un consultant. Une fois leconsultant choisi par l’association, l’accompagnement peut commencer et s’étale surplusieurs mois. A la fin, une restitution est organisée en présence du CM DLA etparfois des partenaires, pour faire un compte rendu de l’accompagnement et voir lespréconisations faites par le consultant. Le CM DLA reprendra contact avec l’associationl’année suivant l’accompagnement pour faire un point.

Issu du dispositif des contrats aidés « emplois-jeunes »5, le DLA s’inscrivait jusqu’aumois de septembre 2017 dans les politiques publiques pour l’emploi menées par l’Etatdepuis la fin des années 1990. Avec le DLA, les modalités d’accompagnement dumonde associatif changent et passent d’une politique publique de l’emploi axée surdes “contrats aidés“ à des “activités aidées“, pour professionnaliser le monde associatif(Simon Cottin-Marx, 2016 : 77). Le DLA permet ainsi d’interroger ce mouvementd’externalisation de l’action publique et d’observer plus particulièrement ses acteurs «relais » du service public à l’échelle d’un territoire, qui co-construisent ce qu’on appellel’action publique.

Si cette délégation de service public donnée aux structures porteuses du dispositif,permet une réelle flexibilité et adaptation du dispositif localement, elle confère aussiune position d’entre-deux particulière à ces structures assurant une médiation entremonde associatif et partenaires publics. Elle s’inscrit aussi dans une logique portéepar le Nouveau Management Public (NMP) ou Nouvelle Gestion Publique (NGP).Adoptée dans les années 1980 par les pays de l’OCDE pour moderniserl’administration publique, la Nouvelle Gestion Publique est censée garantir une plusgrande « flexibilité » de l’organisation du travail, réduire les coûts et satisfaire lesbesoins des citoyens. Pour l’inspecteur des finances Alain-Gérard Cohen par exemple,la NGP doit rendre « L’Administration (…) efficace et performante et répondre, au moinspar la transparence, aux besoins des citoyens-usagers-contribuables, à la façon d’une

5 Initié en 1997 par Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité du gouvernement Jospin.

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entreprise envers ses actionnaires, personnels et clients. »6 Cette référence au secteurprivé marchand n’est pas neutre, la philosophe Florence Piron relève par exempledans cette NGP une trilogie conceptuelle « service-besoin-satisfaction» qui modifie defait le rôle de l’Etat : « (…) doit-il rendre service ou administrer des programmes ? »(2003 : 54). Finalement, ce nouveau mode de régulation publique contraint l’Etat nonpas à se désengager mais à transformer ses modes d’interventions, notamment pourles politiques publiques dont il n’est plus le seul acteur. En effet, cette rationalisationde l’administration amène une logique de sous-traitance et d’appel d’offres : les ONGau niveau international, les collectivités territoriales ou même les associationsdeviennent des acteurs clés de ce qu’on appelle aujourd’hui l’action publique(Lascoumes et Le Galès, 2012 : 8). La sociologie politique permet ainsi de saisir etd’analyser les interactions entre les représentants de l’autorité publique et les acteurssociaux qui la font vivre. Ces réseaux d’action publique marquent le passage d’un étatrégalien à un état régulateur.

Evidemment ce Nouveau Management Public a des impacts sur le DLA. En effet, lapérennisation des emplois va de pair avec une « professionnalisation » du mondeassociatif. Cette « professionnalisation » est très cadrée car elle doit répondre auxexigences de la Nouvelle Gestion Publique : rationalisation des coûts en ne donnantplus la priorité aux subventions de fonctionnement mais bien aux financements parappels à projets ; hybridation des ressources (public/privé) ; mise en concurrence desprestataires ; respect d’un cahier des charges précis et évaluation des résultats pardes indicateurs pré-définis souvent chiffrés. Pour Simon Cottin-Marx l’Etatprofessionnalise pour « marchandiser », il est pris dans une injonction paradoxale encréant un marché au sein du monde associatif pour le professionnaliser et essayer depérenniser des emplois, sachant que c’est l’Etat, lui-même, qui décide de cettemarchandisation du secteur public. Ainsi, il est possible de parler d’une «désétatisation de l’intérêt général » (Hély et Moulévrier, 2013), voire d’unemanagérialisation du monde associatif. Ce NMP veut dire aussi une entreprise derationalisation (Bezes et Musselin, 2015) c’est-à-dire une augmentation de labureaucratisation et du contrôle de résultat.

Dans le cadre du DLA, l’Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Economiques(AVISE) a pour rôle d’animer le dispositif DLA au niveau national et de faire unemesure d’impact annuelle sur le DLA en utilisant les données remplies par les CM DLAdans une base de données nationale appelée ENEE. Créée en 2003 par les pilotesnationaux du DLA (Etat et Caisse des Dépôts et Consignation), la base de donnéesENEE est au début pensée comme un outil de reporting pour le CM DLA en l’aidant àorganiser son travail au quotidien. Cependant, il y a eu un glissement progressif et lesCM DLA départementaux remplissent aujourd’hui la base de données ENEE pour lamesure d’impact qui doit prouver les « bons » résultats ou l’efficience du DispositifLocal d’Accompagnement. Les pilotes ont ainsi des données chiffrées, des indicateurspour savoir comment l’argent du dispositif est dépensé, qu’ils utilisent pour défendrela ligne budgétaire du dispositif. Mais, s’il faut afficher les « bons résultats » du DLApersonne ne questionne la pertinence de ces résultats. Autrement dit, l’enjeu n’est pas

6 Cohen, Alain-Gérard, Nouvelle gestion publique : Concepts, outils, structures, bonnes et mauvaises pratiques,Gualino, 2012.

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de savoir si le DLA est un outil efficace mais s’il est efficient.

L’évolution de la base de données ENEE témoigne d’une technicisation du métier deCM DLA en lien avec l’idée de managérialisation du monde associatif présentée enpremière partie. L’objectif du CM DLA est d’être à l’écoute de son territoire pouraccompagner au mieux les associations, mais dans les faits le CM DLA devientprogressivement un technicien du dispositif comme le montre l’évolution des fichesdiagnostic du DLA Gironde. En 2003 par exemple, dans la catégorie « Identité del'association » 9 items (nom; adresse; tel; email; site web; Président; Directeur; responsablerelation DLA; convention collective) doivent être complétés. En 2017, cette mêmecatégorie devient « Identité de l'organisme » et 20 items (nom; statut ; n°de SIRET ;année de création ; adresse; tel; email; site web; implantation en QPV; Implantation dansune ZRR ; secteur; Président + date de prise de fonction ; Directeur + date de prise defonction ; responsable relation DLA; convention collective ; affiliation à plusieurs réseaux ;agréments, habilitations, autorisations.) sont à remplir. Cette augmentation du niveaude détail répond à l’augmentation des indicateurs à remplir sur la base de donnéesENEE. Cette multiplication des indicateurs crée une charge supplémentaire pour lesCM DLA sans qu’ils ne comprennent vraiment la cohérence de « toutes ces cases àremplir ». De plus, ENEE est un outil de reporting au niveau national, mais il n’est pasle seul. Les CM DLA doivent aussi remplir un « google doc » partagé par tous les CMDLA de la grande Région sans compter leurs tableaux de reporting en interne (avecleurs propres codifications et indicateurs pour suivre leurs actions). Le temps passé àcette gestion administrative est autant de temps en moins pour des rendez-vous avecdes associations et organiser des accompagnements.

Si l’AVISE n’a pas de contact direct avec les CM DLA départementaux, elle impose toutde même une marche à suivre avec la base de données ENEE mais pas uniquement.J’ai fait une étude du vocabulaire utilisé dans les documents de cadrage diffusés parl’agence sur son site internet. Le champ lexical utilisé par l’agence montre le décalagepar rapport au champ lexical utilisé par les CM DLA. L’AVISE utilise une terminologiepropre à l’entreprenariat social avec des mots comme « innovation », « initiative », «changement d’échelle », « essaimage »7, alors que les DLA départementauxreprennent la terminologie utilisée par les associations avec lesquelles ils travaillent,ils parlent de « projet associatif », « d’implication des bénévoles », de « problèmes degouvernance du CA »8. L’agence n’a pas de rôle hiérarchique par rapport au CM DLA,mais par l’importance accordée à la mesure d’impact pour sauver le budget du DLA etpar la diffusion importante de documents, l’AVISE impose progressivement unréférentiel de l’ESS propre à l’entreprenariat social ou à la gestion sociale (Carry etLaville, 2015) qui s’éloigne d’un modèle associatif plus traditionnellement appuyé surl’économie solidaire. Le but ici n’est pas d’entrer dans le détail d’une querelle entreéconomie sociale et économie solidaire qui jalonne le monde de l’ESS depuis lesannées 1970 (Duverger, 2016), mais de montrer que ces référentiels de l’ESS ne sontpas portés de la même manière par tous les acteurs de l’accompagnement DLA. Lesstructures porteuses des DLA départementaux ne sont pas toutes issues de cetteculture professionnelle de l’entreprenariat social et appartiennent au monde associatif

7 Dans le rapport d’activité 2016 de l’AVISE par exemple sur 44 pages le mot « innovation » apparaît 31 fois, « initiative» 19 fois et « changement d’échelle » 28 fois (« fertilisation » une fois et « essaimage » deux fois).8 Comme en témoigne les fiches diagnostics que j’ai pu consulter et l’observation participante que j’ai menée auprèsdes CM DLA de Gironde.

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avant de se revendiquer de l’ESS (sans parler des associations des territoires qui, elles-mêmes, ne se revendiquent pas forcément de l’ESS). Cela créé des difficultéssupplémentaires pour les CM DLA départementaux qui appliquent et qui façonnent leDLA en fonction des besoins et des particularités de leur territoire mais aussi del’identité de leur structure d’appartenance. En fonction de ce contexte général, il estimportant de voir comment les CM DLA font pour être efficaces (et pas uniquementefficients) c’est-à-dire à l’écoute de la réalité du monde associatif dans leurs territoires.Autrement dit, quel est réellement le métier du CM DLA ?

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II- SOCIOLOGIE DES CM DLA EN EX-AQUITAINE

A- QUI SONT LES CM DLA EN EX-AQUITAINE

Voici la carte des structures porteuses du DLA en France depuis le conventionnementde 2017 :

Sur les 12 départements de la Nouvelle Aquitaine : 4 DLA appartiennent au réseauFrance Active, 3 appartiennent au réseau des Boutiques de Gestion et 4 à « d’autresstructures diversifiées ». Travailler sur ces structures « autres » apparaît pertinentpour comprendre l’influence de l’identité de la structure porteuse du dispositif sur leCM DLA. J’ai croisé un étude réalisée par l’AVISE au niveau national sur le profil du CMDLA et les données trouvées dans la thèse de Simon Cottin-Marx sur le dispositifsoutenue en 2016, pour dresser un profil type du CM DLA. Son ancienneté dans ledispositif est entre 2 et 3 ans, sa moyenne d’âge est 34 ans, son niveau de diplôme estbac +4 ou bac +5.

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Les entretiens fait avec les CM DLA de l’ancienne Aquitaine (Landes, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gironde, Pyrénées-Atlantiques) donnent des résultats très différents. Sur les9 CM DLA présents au début de mon terrain en octobre 2016, 4 étaient dans ledispositif depuis sa création en 2003, 5 sont présents depuis plus de 5 ans, les annéesd’expériences sont donc beaucoup plus importantes. En revanche, sur les 9 CM DLAseulement 4 personnes ont un niveau bac +4 et la moyenne d’âge est beaucoup plushaute que 34 ans (plus de 40 ans). Le métier comme le rôle des CM DLA de l’ex-Aquitaine méritent d’être observés plus précisément en adoptant les trois hypothèsesde recherche suivantes : est-ce que le faible turn-over des CM DLA et l’appartenance àdes identités professionnelles différentes influencent ou pas la mise en œuvre du DLAsur un territoire ? Y a-t-il réellement une objectivité dans la mise en œuvre du DLA ?Peut-on saisir toute la réalité du dispositif par des indicateurs chiffrés ?

B- Analyse comparative sociologie du CM DLA

Ce qu’a révélé l’analyse comparative de la sociologie du métier de CM en ex-Aquitaineest que chaque DLA fonctionne différemment. La raison principale est liée à l’identitédes structures porteuses dites « autres » dans lesquelles les CM ne sont pasuniquement CM DLA. En Gironde par exemple, en plus de porter le DLA, l’IFAID formedes stagiaires aux métiers du développement et de la solidarité internationale, les CMDLA doivent consacrer 20% de leur temps de travail aux stagiaires, cet objectif detransmission oblige les CM DLA à prendre du recul sur leurs pratiquesprofessionnelles. En Pyrénées-Atlantiques, deux structures portent le DLA : SportPyrénées Emploi qui travaille le développement économique local par les métiers dusport et de l’animation (et qui a un agrément Centre de Ressource et d’Informationdes Bénévoles) et l’INSTEP qui propose notamment des parcours de formation « pourdirigeants et bénévoles associatifs »9. En outre, chaque territoire possède sesparticularités, comme le montre les différences de comités d’appui etd’accompagnements collectifs.

Dans l’appel à projet DLA 2017, le comité d’appui technique est défini de la manièresuivante :

« une instance consultative qui vient appuyer le chargé de mission DLA dans la réalisationde ses missions d’accompagnement. Les pilotes financeurs et non financeurs peuvent êtremembres des comités d’appui. »10 Le plus souvent, il se fait avant l’accompagnement,sont présents aux comités d’appui le CM DLA et des partenaires institutionnels parexemple : le Département, la Région, la DIRECCTE, la CAF, le pôle emploi, la FONDA, laFNARS, l’INAE, etc. Le CM DLA présente les associations, il peut donner les fichesdiagnostics, le comité d’appui étudie les demandes d’accompagnement sachant queson avis n’est que consultatif. Les territoires étant différents, les comités ont aussi

9 http://instep-aquitaine.org/a-propos-instep-aquitaine/notre-demarche-qualite/10 Source : DLA appel à projet 2017, annexe 1, cadre action national.

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leurs spécificités. Dans les Landes par exemple, le comité d’appui se fait soit avant,soit pendant l’accompagnement et en présence de l’association, du consultant et despartenaires publics en lien avec le secteur de la structure. L’objectif est decommuniquer dans la transparence et de faire gagner du temps en permettant deséchanges directs entre l’association et les partenaires. Dans les Pyrénées-Atlantiques,les comités sont dématérialisés (les fiches diagnostics sont envoyées par mail) et faits« sur mesure » en fonction du secteur de l’association. Ce fonctionnement s’est fait àla suite d’une demande des partenaires publics de ne pas surcharger leurs agendasavec des réunions. Cela permet aussi au CM DLA de mettre beaucoup de monde endestinataire du mail sans vivre la difficulté de trouver un créneau disponible pour tousles partenaires pour faire une réunion.

Ces différences de fonctionnement sont pensées pour être au plus près des réalitésdes territoires, mais l’étude comparative des CM DLA montre aussi des similitudesimportantes dans la manière de penser le dispositif DLA en ex-Aquitaine.

Le cahier des charges du DLA stipule que le dispositif est destiné aux « aux structuresemployeuses de l’Economie sociale et solidaire (ESS) qui désirent consolider etdévelopper leurs activités et leurs emplois. »11. Le dispositif n’est donc pas a priori pourdes associations qui n’ont pas d’emploi. Cependant, tous les CM DLA s’accordent pourdire que, en accord avec leurs bailleurs (DIRECCTE et Caisse des Dépôts etConsignations) ils peuvent accompagner des structures sans salariés, mais avec unprojet d’emploi à plus ou moins court terme. L’identité de la structure porteuse esttrès importante dans le choix d’accompagner ou non une association nonemployeuse. La CM DLA des Landes dit clairement qu’elle regarde les associationsavant tout avec son œil de conseillère BGE :

« (…) avec l’entrée souhaitant devenir employeur j’ai intégré des structures associatives austade du projet. Mais c’est pareil c’est parce que je les regarde avec mon œil de conseillèreà la création d’activité. Si moi j’estime qu’il y a un potentiel de fonctionnement de créationd’emploi, etc. j'intègre des structures »12

L’identité de la structure porteuse, l’expérience du CM dans le dispositif et laconnaissance du territoire permet au CM DLA d’évaluer si le projet d’emploi lui sembleviable ou non et donc si l’association saura profiter de son accompagnement. Autreparticularité des CM en ex-Aquitaine, tous avouent qu’ils peuvent aussi accompagnerune association à « décéder dans la dignité »13 donc à supprimer des emplois.

« On va l’accompagner à décéder le mieux possible dans la dignité, bien sûr ça reste à lamarge mais je pense que c’est aussi une des libertés qui reste au dispositif et qu’il fautconserver et ça fait du bien au territoire aussi par ce que quand ça se passe très très mal jepense que c’est mauvais pour tout le monde.»14

Un des avantages du DLA est véritablement la flexibilité et l’adaptation au territoirequ’il permet. L’accompagnement peut donc aussi être pensé pour aider une

11 Idem12 Entretien avec la CM DLA des Landes, le 4.01.2017, à Mont-de-Marsan13 Entretien CM DLA Pyrénées-Atlantiques, Pau, le 8/01/201714 Idem.

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association à arrêter son activité et guider les salariés pour qu’ils retrouvent unemploi. Enfin, les CM DLA en ex-Aquitaine partagent un même positionnementéthique. D’après les entretiens, le DLA crée du lien, il invite à ne pas laisser lesassociations dans l’isolement, eux-mêmes se pensent d’ailleurs comme des acteurs «relais » de l’action publique. Tous ont le souci de ne pas « gaspiller l’argent public » etont conscience de la réelle liberté que le DLA apporte puisque ce dispositif est pourtoutes les associations : « c’est un service public c’est-à-dire il ne fait pas de tri à l’entrée»15. Autre point positif du dispositif que les CM rappellent, il n’a pas d’étiquette, c’estun dispositif national donc comme le dit la CM DLA SPE :

« (…) c’est un réel outil pour du développement local quand même et surtout avec uneneutralité importante voilà, ça permet plus facilement je dirai de mettre en réseau, de fairedu lien sur un territoire grâce à cette neutralité, on n’a pas de connotation, y a pasd’étiquette, du coup y a beaucoup plus de confiance et on peut faire partie de ceux qui fontémerger des projets sur des territoire en mettant tout le monde autour de la table, c’estquand même un des gros plus pour moi de ce dispositif »16

Cette neutralité est importante car elle est censée permettre aux CM de nereprésenter que les citoyens et de ne pas défendre d’autres intérêts que ceux dumonde associatif.Cette analyse comparative met à jour des similitudes mais aussi des différences enfonction de la réalité des territoires. Observons par exemple les accompagnementsdu secteur culturel en ex-Aquitaine en 2015 :

En 2015, 47% des accompagnements DLA culture en ex-Aquitaine sont en Gironde.Cette variable n’a pas beaucoup changé en 2016 mais invite à se demander si lesdifférences sectorielles influencent l’accompagnement des associations comme lemétier de CM DLA ? Pour répondre cette question je ferai un zoom sur le DLA Girondepour comparer deux secteurs : l’IAE et la Culture.15 Entretien CM DLA Gironde, Bordeaux, le 8/11/201616 Entretien CM DLA Pyrénées-Atlantiques, Pau, le 8/01/2017

source : OPALE

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III- COMPARAISON SECTORIELLE

A- Le DLA en Gironde

Cette comparaison sectorielle est pertinente à étudier au sein du DLA Gironde carl’IFAID a trois CM DLA répartis par secteurs : Culture – Education Populaire ; Insertionpar l’Activité Economique (IAE) – Médico-social ; Sport – Petite Enfance – Famille. Voiciune carte des associations accompagnées en Gironde (tous secteurs confondus) entre2014 et 2016, que j’ai réalisée avec les données du DLA Gironde enregistrées sur labase de données ENEE.

Pour la réalisation d’une carte sur le DLA en Gironde, mon premier réflexe a été deprendre les données ENEE des associations ayant eu un accompagnement entre 2014et 2016. Mais, l’observation participante et les entretiens avec les CM DLA IFAID m’ontfait prendre conscience de l’importance du travail d’accueil. Ce temps passé àéchanger avec les associations pour dire ce qu’est et surtout ce que n’est pas unaccompagnement DLA, voir si elles sont éligibles fait déjà l’objet d’un pré-accompagnement. Or ce temps d’accueil n’est pas valorisé dans ENEE pourtant il estimportant. Les associations prennent contact avec le DLA et organisent une premièrerencontre avec le CM DLA. Plusieurs cas de figures se présentent : l’association n’a pas

source : Armelle Gaulier

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le temps de s’investir dans un accompagnement DLA, donc elle recontactera le CM ;l’accompagnement ne peut pas commencer car l’enveloppe budgétaire est terminéepour l’année en cours ; le CM DLA juge que l’association n’est pas prête pour unaccompagnement et lui demande de prendre contact avec différentes personnes etde revenir vers le DLA ensuite. En effet, le réseau tissé entre les partenairesinstitutionnels et les CM DLA (en plus d’un faible turn-over pour les CM DLA de laGironde) fait qu’il existe un « effet carnet adresse du CM DLA ». Le CM connaît lesacteurs du territoire et peut donc aiguiller au mieux les associations. Dans le derniercas, le CM peut revoir l’association trois mois après sa première visite et bien qu’elleait contacté les différentes personnes, le CM DLA trouve que l’association n’esttoujours pas prête, il y a alors le risque du syndrome du « diagnostic sans fin ». Cetéchange avec les associations peut se faire pendant plusieurs mois (voire plusieursannées) avant de démarrer un accompagnement, donc il est important de le prendreen compte.

Voici une carte des associations accueillies sans accompagnement tous secteurs de2014 à 2016 par le DLA Gironde :

Si on fusionne les deux cartes cela correspond à une carte de toutes les associationsrencontrées et/ou accueillies entre 2014 et 2016, qui montre la réalité du travail desCM DLA de l’IFAID.

source : Armelle Gaulier

source : Armelle Gaulier

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Cette carte témoigne du fait que le DLA couvre presque tout le territoire de la Gironde,avec un effet de polarisation sur la métropole bordelaise. Mais voyons maintenantl’influence des secteurs.

Les secteurs de l’IAE et de la Culture en Gironde n’ont pas été choisis au hasard.Comme en témoigne le rapport de l’IGAS qui a évalué le DLA en 2013, le dispositif aété pensé dès sa création pour accompagner et aider les structures de l’IAE à sepérenniser : « A l’objectif général de l’emploi s’est greffée, pour le DLA, une priorité endirection de l’emploi dans le secteur de l’IAE également placé sous la responsabilité de laDGEFP. »17 Au niveau national, si en 2014 et 2015 l’IAE est le secteur d’activité le plusaccompagné par le DLA (2014 : 20% IAE contre 17% culture ; 2015 : 16% IAE contre15% culture), en 2016, la culture le détrône (2016 : 17% culture contre 14% IAE).Inversement à la moyenne nationale, en 2014 et 2015 l’IFAID a accompagné plusd’associations culturelles que de structures de l’IAE, en revanche, en 2016, 31% desstructures accompagnées appartenaient au secteur de l’IAE contre 23% pour laculture.18 Cette différence s’explique tout d’abord par une surreprésentation dusecteur culturel dans la métropole bordelaise comme nous l’avons vu, mais aussi parune différence de structuration des secteurs culture et IAE.

B- COMPARAISON IAE/CULTURE

En France, entre les années 1980 et 1990, l’IAE se développe avec la créationsuccessive des entreprises intermédiaires (EI), régies de quartier (RQ), associationsintermédiaires (AI), groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification(GEIQ), entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI) et les ateliers et chantiersd’insertion (ACI). Parallèlement, calqué sur le fonctionnement du conseil national del’insertion par l’activité économique (CNIAE), les conseils départementaux d’insertionpar l’économie (CDIAE) et les plans locaux d’insertion par l’économique (PLIE) sontcréés. Les SIAE, une fois conventionnées par l’Etat, reçoivent des subventions pourrecruter et accompagner des personnes en situation de précarité et/ou d’insertionvers l’emploi. Ces subventions sont réexaminées chaque année en fonction derésultats chiffrés correspondant à des objectifs de sorties vers l’emploi (nombre deCDI et CDD par exemple) par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence,de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) lors d’un dialogue de gestion.En Gironde, IAE et DLA sont fortement liés car la responsable de l’IAE au sein de laDIRECCTE est aussi en charge du pilotage du DLA (avec les relais en Gironde de laCaisse des Dépôts et Consignations).

Les acteurs clés de l’IAE sont donc facilement identifiables sur le département. En plusde la DIRECCTE et de la CDIAE, l’INAE est l’inter-réseaux de l'IAE en Nouvelle-Aquitaine.Il rassemble sept réseaux de l’IAE qui siègent au CNIAE dont le chantier école, le

17 Rapport IGAS évaluation DLA 2013 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000059.pdf18 Données issues des comités de pilotage DLA de l’IFAID.

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comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), le comité et organismed’aide aux chômeurs pour l’Emploi (COORACE), la fédération des acteurs de lasolidarité (FAS). L’INAE a pour objet de soutenir les SIAE de la région aquitaine en leurproposant notamment des formations. Le DLA est aussi très présent dans les réseauxde l’IAE en Aquitaine puisque le CM DLA IAE IFAID assiste à la CDIAE. De plus, entre2014 et 2016, le DLA a accompagné 36% des structures de l’IAE en Gironde. Lespartenaires de l’IAE se rencontrent régulièrement, connaissent les SIAE, échangentdes informations et ont l’habitude de travailler ensemble. Voici une carte desaccompagnements IAE en Gironde entre 2014 et 2016 :

Le secteur culturel est très divers, le centre de ressources DLA culture19 dénombre parexemple 13 sous-catégories (école, animation, festival, diffusion, bibliothèque,écomusée, etc.). En Gironde, je définis le secteur culturel de manière global en tantque filière comprenant : les pratiques amateurs, les pratiques de créations etl’animation culturelle créée par des associations sur un territoire. Certainesassociations peuvent être financées par des subventions publiques en fonction decritères très stricts (un budget prévisionnel sur plusieurs années, des outilscomptables fiables, une gouvernance stable, etc.) ; d’autres ont des activités demédiation répondant aux logiques de l’offre et de la demande sur un territoire :ateliers de théâtre pour une compagnie, cours de danse pour une chorégraphe, coursde dessin pour un plasticien, etc. En Gironde, le secteur culturel est moins structuréque l’IAE et apparaît comme un territoire autonome aux multiples acteurs, parexemple : le ministère de la Culture, les agents culture au département et à la région,l’Institut Départemental du Développement Artistique et Culturel (IDDAC), le pôleemploi culture spectacle, etc. Cependant, il n’y a pas d’espace formalisé où lesprofessionnels du secteur culture se rencontrent. D’ailleurs parfois les associations

source : Armelle Gaulier

19 L’association OPALE anime un centre de ressource national culture pour les DLAhttp://www.opale.asso.fr/rubrique49.html

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culturelles et les partenaires institutionnels ne se connaissent pas. La CM DLA cultureévolue donc dans un environnement plus difficile que celui de l’IAE où faire du lienentre les partenaires et les associations prend du temps. La CM DLA culture utilise lesoutils du DLA : comité appui et accompagnements collectifs pour créer la rencontre.

C- COMITÉ APPUI ET ACCOMPAGNEMENTCOLLECTIF

Le CM DLA IAE fait des comités d’appui en fonction de ses besoins. La responsableterritoriale de l’IAE en Gironde explique que le comité d’appui DLA est important pourelle car il lui permet de « sortir des chiffres » et d’avoir des informations du terrain. Ellevoit les SIAE dans le cadre des dialogues de gestion où il est questions d’évaluer leursindicateurs, le comité d’appui permet d’avoir de véritables retours de « cas cliniques »20,d'avoir un aperçu de la réalité vécue par les associations sur le terrain. Les partenairesprésents sont par exemple : la DIRECCTE, la FONDA, Aquitaine Active, les agents régionet département IAE. Le CM DLA distribue les fiches diagnostics, donne sescommentaires, informe de l’avancée de l’accompagnement et laisse les partenairesréagir librement. Si le CM DLA IAE présente les fiches diagnostics, il peut aussi parfoissupprimer des éléments du contenu pour des raisons de confidentialité et depositionnement de la structure par rapport à la DIRECCTE notamment, quisubventionne les structures de l’IAE. Comme les partenaires ont eu l’occasiond’échanger ensemble en CDIAE ou lors d’autres réunions, c’est souvent le CM DLA quiapprend des choses plutôt que les partenaires présents au comité. En effet, lespartenaires institutionnels suivent réellement les structures et connaissent bien l’outilDLA, d’ailleurs la DIRECCTE « préconise » parfois le DLA pour mettre en garde lesstructures sur leur évolution qui doit respecter le cadre légal des SIAE.

Le comité d’appui culture fonctionne différemment. Il a lieu deux fois par an, lespartenaires présents sont par exemple le Département, la DRAC, l’IDDAC, la Région,Aquitaine Active et le Crédit Coopératif. La CM DLA ne donne pas les fiches diagnostics,mais une liste des structures qui permet aux partenaires d’échanger sur lesassociations, sur leurs pratiques d’accompagnement et surtout de connaître denouvelles associations. Le but est de faire gagner du temps aux partenaires et delibérer la parole. L’ancienne assistante Théâtre, cirque, arts de la rue, mime, de la DRACde la région Aquitaine explique par exemple à propos du comité d’appui :

« grâce à cet espace d’échange, toutes les bonnes fées, finalement, peuvent être autour d’unmême berceau c’est ça qui est intéressant. J’engrange plein d’infos en allant au comitéd’appui sur des structures qui ne sont pas encore connues de la DRAC, on découvre enamont certaines structures qui un jour viendront à notre rencontre. »21

20 Entretien, DIRECCTE, le 2/02/201721Entretien, DRAC, le 28/03/2017

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La CM DLA culture cherche ainsi à fédérer les acteurs culturels du territoire entravaillant avec les partenaires publics pour proposer un écosystèmed’accompagnement. Une réflexion commune avec le département de la Girondedirection Culture, l’IDDAC et l’IFAID a permis de créer deux accompagnementscollectifs appelés « primo-employeur » et « économie de la création ».

L’accompagnement « primo-employeur » invite les associations culturelles àcomprendre ce qu’implique d’être une association employeuse, par exemple : fairedes fiches de paie, déclarer tous les intervenants, avoir un budget prévisionnel surplusieurs années, etc. Le DLA « économie de la création » permet notamment auxcompagnies du spectacle vivant de travailler leur projet associatif pour faire vivre leurcompagnie aussi en dehors d’une période de monstration. Les consultants donnentdes outils pour trouver comment financer aussi les périodes de création. Pour lesdeux accompagnements, les partenaires institutionnels sont présents le premier jourpour se présenter et rencontrer les associations (ils ont eu accès aux fichesdiagnostics), ils reviennent le dernier jour pour voir l’évolution des associations etprendre rendez-vous avec elles si besoin. Ainsi, le DLA apparaît comme un réel outilde mise en contact voire de « label » pour les partenaires institutionnels qui vontrecevoir les associations en toute confiance parce qu’ils savent qu’elles ont eu de bonsoutils d’organisation (comptabilité, gouvernance, Relations Humaines) et qu’ellesconnaissent le vocabulaire institutionnel.

Ces accompagnements collectifs ont été créés il y a 10 ans maintenant et n’ont cesséd’évoluer depuis. Cette structuration de l’accompagnement collectif DLA a aussi étépossible en Gironde car un lien humain réel s’est construit sur plusieurs années entrela CM DLA et les partenaires publics (DRAC, Conseil Départemental, pôle emploiculture spectacle notamment). Créer du lien prend du temps et cela a été facilité car laCM DLA comme les partenaires publics n’ont pas changé de poste. Pour le CM DLA IAEau contraire depuis son arrivée en 2010 il a connu 4 CM IAE au département et 3 CMIAE à Région ce qui peut compliquer les relations.

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CONCLUSION

Cette recherche montre que le DLA est un dispositif dont on ne sait plus vraiment quoifaire au niveau national, notamment parce qu’il ne cadre plus avec le traitement socialdu chômage et qu’il fait face à un bouleversement du monde associatif voulu par leNouveau Management Public. Il souffre aussi d’une dynamique d’institutionnalisationde l’ESS et par l’importance prise par l’entreprenariat social que j’ai montré avec le rôlede l’AVISE. L’agence technicise et managérialise le dispositif en oubliant peut-être quele DLA est avant tout un dispositif humain de terrain comme le montrent l’effet «carnet d’adresse », le syndrome du « diagnostic sans fin », le « label » DLA et la réelleneutralité qu’il permet. Pourtant, la sociologie des CM DLA de l’ex-Aquitaine montreque le DLA est flexible et permet de répondre aux particularités d’un territoire. Les CMs’envisagent réellement comme des acteurs relais du service public et ils partagent unmême positionnement éthique. D’ailleurs, tous les CM DLA s’accordent pour dire leurinquiétude face à une évolution du dispositif marquée par l’optimisation de sonefficience et le besoin d’une justification permanente de son efficacité. La comparaisonsectorielle entre IAE et Culture en Gironde analyse l’importance de la composantehumaine et relationnelle du métier de CM DLA, même si des différences de secteursont aussi été montrées. Enfin, cette recherche sur le DLA portait exclusivement sur lesCM DLA. Mais d'autres acterus sont encore à étudier, notamment les consultants quisont en première ligne face aux associations et à leurs problématiques. Enfin, le DLAsera porté par le Ministère de la Transition écologique et solidaire à partir de janvier2018. Ce changement de tutelle pourra aussi avoir des incidences sur la gestion,l’organisation ou même la pérennité du dispositif.

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ARMELLE GAULIER

LA FIN DU MONDE ASSOCIATIF ?LE DLA COMME RÉVÉLATEUR.

En Nouvelle Aquitaine, de 2000 à 2016, le secteur associatif a créé plus de38 000 emplois. Les associations employeuses représentent aujourd'hui80% des employeurs de l'ESS dans la grande Région.

Pourtant, associations et partenaires publics s'accordent pour dire que lemonde associatif est en mutation et connait des difficultés. Mon travail derecherche, réalisé dans le cadre du projet ESSAQUI du centre EmileDurkheim (Sciences Po Bordeaux), porte sur le Dispositif Locald'Accompagnement (DLA) de la Gironde. Il analyse le DLA comme outil dunouveau management public, pour essayer de comprendre les évolutionsdu monde associatif.

En effet, l'objectif du DLA est la pérennisation des emplois du mondeassociatif. Pour cela, les chargés de mission DLA accompagnent lesassociations dans la prise de conscience de leurs forces et dans la miseen lumière de leurs questionnements, avant de confier à un tiers unemission d’accompagnement. Le DLA Gironde est animé par l’IFAID depuissa création en 2003. En utilisant l’observation participante et desentretiens réalisés avec les chargés de mission DLA de l’ex-Aquitaine etplus particulièrment de l’IFAID, je cherche à saisir la déclinaison locale ducadre national donné par le cahier des charges du DLA ? Autrement dit,en quoi consiste le métier de chargé de mission DLA? Médiateurs duchangement, entre les partenaires institutionnels et les associations,comment travaillent les chargés de mission sur le territoire girondin, dansun contexte de réorganisation de l'administration publique ?