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LA FAILLITE APRES LA REFORME DE LA LOI SUR L’INSOLVABILITE Maître Monique BLONDIAU Avocat au Barreau de Mons Conférence UHPC du 9 novembre 2017

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LA FAILLITE APRES LA REFORME DE LA LOI

SUR L’INSOLVABILITE

Maître Monique BLONDIAU Avocat au Barreau de Mons

Conférence UHPC du 9 novembre 2017

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INTRODUCTION

1. De 1851 à 1997 le droit de la faillite était régi par la loi du 18 avril 1851 issue directement

du code Napoléonien. Cette législation était peu adaptée aux difficultés des entreprises et essentiellement conçue à l’attention des commerçants. Les faillites étaient assez rares et avaient une connotation infamante. Dès le 19ème siècle, la situation économique et sociale se modifie profondément : le commerçant individuel cède la place à la société, le crédit se développe de manière considérable et l’attitude du banquier entre la ligue de compte dans la vie commerciale. Cette modification en profondeur du contexte économique amène une augmentation des faillites.

2. Entre 1960 et 1980, quelques réformes sont intervenues : par exemple création du Fonds de Fermeture des entreprises (27/06/1960), mise en place d’un système de détection des entreprises en difficultés, mise en place des crédits alloués par la SNCI aux entreprises en difficultés pour faciliter leur redressement (09/03/1968), mise en place d’un dépistage systématique et instauration de la faillite d’office.

3. La loi du 17 juillet 1997 relative au concordat et celle du 8 août 1997 entrées en vigueur le 1er janvier 1998 sont nées au terme d’une gestation fort longue puisque la commission KRINGS chargée de préparer un projet de réforme fut constituée en 1986. Cette législation nouvelle introduit trois modifications fondamentales :

- La suppression de la faillite d’office - La suppression du concordat après faillite - L’excusabilité du failli

D’autres innovations retiennent l’attention par exemple :

- La désignation et la rémunération des curateurs - La déclaration obligatoire des créances - La suspension des voies d’exécution des créanciers privilégiés titulaires de sûreté - L’opposabilité de la clause de réserve de propriété - Le maintien du privilège du vendeur impayé

Pour le surplus, la philosophie de la loi de 1851 est maintenue.

4. Entre 1997 et 2016 quelques « lois de réparations » ont été enregistrées essentiellement pour adapter l’excusabilité à la situation pratique.

5. Les ambitions du législateur se tournent maintenant la mise en place d’une réglementation qui visera toutes les situations d’insolvabilité.

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Récemment, le législateur a modifié la loi du 8 août 1997 sur les faillites pour introduire le Registre Central de la Solvabilité et plus récemment encore, il a promulgué la loi du 11 août 2017 qui entrera en vigueur, pour l’essentiel, le 1er mai 2018. Les grandes lignes de la législation nouvelle sont : 1) Rendre la législation relative à l’insolvabilité plus cohérente et l’insérer dans le livre

XX du code économique. 2) Moderniser le dossier de l’insolvabilité en le rendant électronique. 3) Elargir le champ d’application rationae maternae pour mieux coller à la réalité

économique. 4) Instaurer une faillite « silencieuse » qui permet de préparer une véritable faillite de

manière discrète. 5) Promouvoir la seconde chance. 6) Encourager la conclusion d’accords amiables en dehors de la réorganisation judiciaire

par l’instauration d’une procédure informelle permettant d’homologuer et rendre exécutoires ces accords.

7) Instaurer un corps de règles cohérent en matière de responsabilité des mandataires sociaux.

8) Prendre en compte les dimensions internationales. 9) Supprimer les points faibles de la législation actuelle. 10) Modification d’appellation du Tribunal du Commerce qui devient le Tribunal de

l’insolvabilité. Le gouvernement veut que le législateur avance à marche forcée mais en attendant examinons la situation actuelle tout en relevant ce qui peut changer. Examinons quels sont les principaux changements.

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LA FAILLITE I. L’accès et les conditions Peuvent être déclarées en faillite à l’heure actuelle :

- les personnes ayant la qualité de commerçant • personnes physiques qui exercent une activité commerciale • sociétés qui exercent une activité commerciale • associations qui font de même

Sont donc exclues : • Les associations sans but lucratif • Les sociétés civiles ayant pris la forme commerciale • Les professions libérales

- qui se trouvent en état de cessation des paiements de manière persistante c’est-à-dire qui se trouvent définitivement dans l’impossibilité de faire face à leurs dettes liquides et exigibles

- dont le crédit est ébranlé c’est-à-dire qui ont perdu la confiance de leurs créanciers

Le nouveau texte veut étendre le champs d’application des règles nouvelles et veut prendre en compte le terme d’entreprise tel que visé dans le livre XX du code économique, c’est-à-dire qu’il comprend non seulement les « commerçants » et les « sociétés commerciales » mais toutes les formes d’organisation c’est-à-dire les professions libérales et les associations même si elles n’ont pas la personnalité morale, à l’exception des « personnes morales de droit public ».

1. Introduction Le Tribunal de Commerce peut être saisi soit par le commerçant lui-même qui fait « aveu », soit par la citation signifiée par toute personne intéressée ou par le Ministère public.

a) L’aveu Lorsque les conditions de la faillite sont réunies, le commerçant a l’obligation de faire l’aveu au plus tard dans le mois du jour où les conditions sont réunies. C’est à l’organe de gestion de la société qu’incombe cette obligation. Le commerçant se rend au greffe du Tribunal de Commerce du lieu de la situation de son établissement principal ou de son siège social pour une société. L’aveu se fera par voie électronique dans le cadre de la loi nouvelle. Il joint à son aveu les documents prévus par la loi.

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Il paie en outre un droit de greffe de 120,00 €.

b) La citation Dans les limites de l’article 17 du Code Judiciaire, les créanciers peuvent citer le débiteur pour entendre prononcer sa faillite. Le Ministère public peut aussi citer le commerçant. Il le fait généralement sur rapport du service des enquêtes commerciales.

2. Jugement Après avoir entendu les parties en leurs explications, le Tribunal prononce un jugement :

- déclarant la faillite - désignant le curateur et le Juge commissaire - fixant provisoirement la date de cessation des paiements - Ordonne de déclarer les créances dans le registre ad-hoc.

3. La publicité

A l’initiative du greffier, un extrait du jugement est publié aux annexes du Moniteur belge. A l’initiative du curateur, le jugement est publié par extrait dans un journal local mais le Juge commissaire peut accorder dispense de cette formalité. Depuis la loi du 1/12/2016, une autre prime de publicité a été introduite : l’insertion dans le registre central de l’insolvabilité.

4. Les recours Le jugement déclaratif de faillite est exécutoire par provision et sur minute dés le prononcé. Les recours prévus par le Code Judiciaire sont ouverts contre cette décision.

a) L’opposition et la tierce opposition

• Initiative L’opposition peut être introduite par les parties défaillantes et la tierce opposition par les parties intéressées qui n’ont pas été parties à l’instance. Il faut noter que le failli qui fait aveu n’est pas considéré comme partie à l’instance et que l’opposition lui reste donc ouverte.

• Délai L’opposition doit être introduite dans les 15 jours de la signification du jugement.

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La tierce opposition doit, elle, être introduite dans les 15 jours de la publication des extraits du jugement au Moniteur belge.

• Contre qui ? Ces recours doivent être dirigés contre le demandeur en faillite et contre le curateur.

b) L’appel

• Initiative Seules les parties à la cause peuvent interjeter appel du jugement déclaratif de faillite. L’article 3 de la loi du 1er décembre 2016 a apporté une modification importante en la matière :

« sans préjudice des effets que le code judiciaire attribue aux significations, les délais prennent cours, lorsque la présente loi impose l’insertion de données ou de pièces dans le registre visé à l’article 5/1, à partir du jour suivant celui de l’insertion » • Contre qui ?

L’appelant doit intimer toutes les parties à la cause et le curateur. Il est important de souligner que l’introduction d’un recours n’a aucun effet suspensif à l’égard du jugement déclaratif de faillite. Dés lors, le curateur poursuit, en principe, sa mission de liquidation des actifs. III. Les effets

1. Sur le failli Pour permettre la réalisation efficace des actifs et le respect de l’égalité entre les créanciers, la loi organise le dessaisissement de plein droit du failli de l’administration de tous ses biens, en ce compris ceux qui pourraient lui échoir et ce, au profit du curateur. Ce principe est profondément modifié dans le texte : seuls les biens acquis pour une cause existant avant la faillite tombent dans la masse. Donc dans un futur possible les revenus recueillis après faillite ou les biens hérités après la faillite ne tombent plus dans la masse. Le dessaisissement ne vise cependant pas les biens déclarés insaisissables par les articles 1409 à 1412 du Code Judiciaire et les indemnités accordées au failli en réparation du préjudice lié à la personne et qui a pour origine un acte illicite.

2. Sur les créanciers

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a) Inopposabilité des actes accomplis par le failli Les actes de nature patrimoniale accomplis par le failli après le jugement déclaratif sont inopposables à la masse. Le curateur pourra remettre en cause des actes accomplis avant le jugement déclaratif accomplis en fraude aux droits des créanciers.

b) Exigibilité des créances Pour cristalliser le passif et ainsi permettre au curateur d’en fixer le montant, la loi accorde au jugement déclaratif l’effet de rendre exigible les dettes non échues.

c) Arrêt du cours des intérêts Pour les mêmes raisons, la loi prévoit que le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège spécial, par un nantissement ou une hypothèque, est arrêté à l’égard de la masse.

d) Suspension des poursuites La faillite est une procédure collective qui a notamment pour objectif le respect des intérêts collectifs des créanciers. Dés lors, les créanciers qui entendent faire valoir les droits sur les biens du failli doivent diriger leurs poursuites contre la masse représentée par le curateur. Il existe toutefois un régime particulier applicable aux créanciers titulaires de sûreté ou de privilèges spéciaux. Remarque Il faut noter que les créanciers peuvent ne pas suivre passivement l’évolution de la liquidation et ils disposent de certains moyens d’action. Ainsi :

- ils peuvent consulter le dossier de la faillite au greffe et maintenant sur le registre - ils peuvent introduire un recours contre un jugement autorisant une vente mobilière ou

immobilière - ils peuvent intervenir auprès du Tribunal lorsqu’une opération envisagée par le curateur

risque de leur causer préjudice - ils peuvent demander au Juge commissaire de convoquer une assemblée des créanciers à

laquelle le curateur fera rapport IV. Les organes de la faillite

1. Le curateur Il est nommé par le Tribunal, dans le jugement déclaratif, sur la liste arrêtée chaque année par l’assemblée du Tribunal. Le curateur est nécessairement un avocat.

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Le texte comprend un chapitre 4 de nouvelles dispositions relatives aux praticiens de l’insolvabilité. Il propose que le choix des mandataires de justice, y compris des curateurs soit déterminé par la qualité de la personne et selon les nécessités de la cause. En terme de qualité, les exigences portent sur la compétence, l’expérience, l’indépendance et l’impartialité. Ils peuvent également être désignés parmi les personnes habilitées par des organismes publics ou agréé par l’autorité compétente. Il est fait remarqué que le Tribunal ne doit pas se sentir obligé de désigner des mandataires de leur région ou arrondissement… Le Tribunal n’est plus non plus lié par une liste mais peut désigné un avocat « spécialiste ». Le texte prévoit également que, pour les professions libérales, le Tribunal désigne à côté du curateur, un membre de la profession. Le curateur a pour mission principale d’administrer et de gérer la faillite sous la surveillance du Juge commissaire. Il défend les droits collectifs des créanciers et représente le failli. Concrètement, ses tâches essentielles sont, après une descente sur les lieux devenue facultative dans le décret :

- l’établissement du passif • envoi des déclarations de créances • vérification des dites déclarations

Avant la loi du 1er décembre 2016, les déclarations de créance étaient établies par le créancier sur le formulaire que le curateur lui avait adressé. Dans le délai fixé au jugement le curateur reprenait les créances au greffe et procédait à leur vérification. Le dépôt doit maintenant être fait au registre contre paiement d’un droit.

• mise en état des contestations de créances - l’établissement de l’inventaire et du bilan de l’entreprise faillie - la réalisation des actifs - le contrôle de la fixation de la date de cessation des paiements - les poursuites des procédures - l’établissement de rapports périodiques - la reddition des comptes et la clôture de la faillite

2. Les organes de surveillance Le curateur travaille sous la surveillance et le contrôle du Juge commissaire et du Tribunal. Certains actes ne peuvent être accomplis que moyennant autorisation du Juge commissaire ou du Tribunal. Le Procureur du Roi, de son côté, en sa qualité de gardien de l’intérêt général, peut assister à toutes les opérations de la faillite et se faire donner par le curateur tous les renseignements qu’il juge utile.

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3. Le registre

C’est la loi du 1er décembre 2016 qui a mis en place le Registre Central de la Solvabilité. Ce registre est une plateforme qui consigne toutes les données et pièces relatives aux procédures d’insolvabilité. Le registre est la source authentique des données. V. La clôture de la faillite Qu’elle se fasse selon la procédure « sommaire » ou selon la procédure « ordinaire », la clôture intervient à l’issue de la liquidation. Le curateur établit alors les comptes. Il convoque alors le failli et les créanciers, leur adresse une copie des comptes et les invite à assister à l’assemblée qui débattra et arrêtera les comptes. Si des contestations apparaissent, elles sont renvoyées devant le Tribunal qui les tranchera. Les comptes définitivement arrêtés, le Tribunal clôture la faillite, décharge le curateur et statue sur l’excusabilité. Les honoraires sont actuellement calculés selon un barème étant un pourcentage dégressif du montant des réalisations d’actif, les frais sont forfaitaires. VI. L’excusabilité du failli et la décharge de caution C’est le législateur de 1997, inspiré par diverses législations modernes sur les procédures collectives et particulièrement par la doctrine américaine de la « Fresh Start » qui a organisé la possibilité pour le débiteur de bénéficier d’une seconde chance en « repartant à zéro ». Rarement un texte aura subi autant d’avatars : de modifications législatives « réparatrices » en critiques de la Cour d’Arbitrage, les articles 80 à 83 de la loi sur les faillites qui sont le siège de la matière ont eu une vie bien chaotique et dangereuse. Quelles sont les personnes visées par chacune des institutions ?

1. L’excusabilité

a) Les conditions d’octroi La loi sur les faillites dispose :

« sauf circonstances graves spécialement motivées, le Tribunal prononce l’excusabilité du failli malheureux et de bonne foi »

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Selon les travaux préparatoires, les conditions de malheur et de bonne foi recouvrent le fait d’avoir été victime de circonstances dont, au moins certaines sont indépendantes de sa volonté et de s’être bien comporté pendant la faillite. Les personnes morales sont exclues du bénéfice de l’excusabilité.

b) Les effets

Ø A l’égard du failli L’ensemble des dettes du failli sont concernées par l’excusabilité à l’exclusion des dettes futures, qu’il s’agisse de dettes commerciales ou de dettes privées Toutefois, l’article 82 al 3 de la loi exclut deux types de dettes : l’excusabilité est sans effet à l’égard :

- des dettes alimentaires - des dettes résultant de l’obligation de réparer le dommage causé par sa faute et lié au

décès ou à l’intégrité physique d’un tiers Pour mettre fin aux discussions entre ceux qui soutenaient que l’excusabilité effaçait les dettes et ceux qui prétendaient qu’elle n’entraînait qu’une suspension de l’action des créanciers, le législateur a tranché : l’excusabilité a pour effet d’éteindre la dette à l’égard du failli déclaré excusable.

Ø A l’égard du conjoint et de l’ex-conjoint co-débiteurs solidaires et du cohabitant légal On notera que la reconnaissance d’excusabilité n’a plus aucun effet à l’égard de la caution. Le texte remplace l’excusabilité par l’effacement. Dans ce système, les dettes résiduaires après liquidation des biens saisissables sont automatiquement effacées. Il existe toutefois deux restrictions :

• Le failli doit demander l’effacement (ce qui n’est pas le cas pour l’excusabilité • Dans des cas exceptionnels, des parties intéressées peuvent s’opposer à l’effacement

Le déroulement de la procédure est également sensiblement différent :

• La demande d’effacement peut être faite simultanément avec l’aveu • Elle peut être introduite dans un délai de 3 mois après la déclaration de faillite • Si la clôture intervient avant 3 mois le failli voit s’ouvrir un nouveau délai de 3 mois. Si la

demande est introduite dans les délais présents, l’effacement intervient automatiquement à la clôture. Si, un an après la déclaration de faillite le jugement n’est pas intervenu, le failli peut saisir le Tribunal par requête.

2. La décharge de la caution

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Le Tribunal de Commerce peut décharger, en tout ou en partie, la personne physique qui, à titre gratuit, s’est constituée sûreté personnelle du failli lorsqu’il constate que son obligation est disproportionnée par rapport à ses revenus et à sa situation patrimoniale. Le principe qui préside au nouveau régime est que la situation de la caution n’est plus liée à l’excusabilité du failli. Sa décharge n’est plus l’effet de l’excusabilité du failli mais procède d’une décision du Tribunal qui devra statuer sur base de critères objectifs et individualisés ; cela constitue une véritable révolution du système : la caution d’un failli non excusé peut être déchargée et la caution du failli excusé peut ne pas être déchargée.

3. Conditions d’octroi Pour pouvoir bénéficier de la décharge, le législateur impose des conditions de fond et le respect de formalités précises. La décharge peut être obtenue par la caution des engagements d’une personne physique ou d’une société.

a) Conditions de fond

- La caution doit avoir été donnée à titre gratuit - être une personne physique

- ne pas avoir frauduleusement organisé son insolvabilité

- démontrer que l’obligation à prendre en charge est disproportionnée aux revenus ET

au patrimoine de la sûreté personnelle Les travaux parlementaires sont clairs : la simple constatation par le juge de la disproportion suffit à justifier la décharge.

b) Formalités

- le failli, lors de l’aveu, doit déposer la liste des personnes qui se sont portées sûreté personnelle à titre gratuit

- le créancier bénéficiant d’une sûreté personnelle doit en faire la déclaration dans sa

déclaration de créance ou au plus tard six mois après le jugement déclaratif de faillite

La sanction du non respect de cette formalité n’est pas négligeable : la sûreté personnelle est déchargée d’office.

- le curateur avertira la sûreté personnelle par envoi recommandé avec accusé de

réception contenant les articles de la loi ayant trait à la décharge.

- si la personne qui a consenti une sûreté personnelle à titre gratuit souhaite bénéficier de la décharge, elle est tenue de déposer au greffe du Tribunal de Commerce une

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déclaration attestant que son obligation est disproportionnée à ses revenus et à son patrimoine et de joindre à cette déclaration :

• la copie de sa dernière déclaration à l’IPP • l’état de la situation active et passive de son patrimoine • tous documents justifiant l’état de ses ressources et de ses charges

Cette déclaration doit être renouvelée accompagnée des documents actualisés chaque fois que 12 mois se sont écoulés depuis le dépôt de la dernière déclaration.

- lors de la clôture ou au plus tôt six mois après le jugement déclaratif, à la demande des

créanciers ou de la caution, le failli, les personnes qui ont fait la déclaration et les créanciers concernés sont convoqués par le Tribunal pour y être entendus en Chambre du Conseil

On peut imaginer les débats que va susciter l’appréciation de cette disproportion ! ….. d’autant que les travaux préparatoires précisent que la situation à prendre en compte est celle existant au moment où le Juge statue et non au moment de la souscription de l’engagement. La consultation d’un professionnel sera sans aucun doute une aide appréciable. Si on peut se réjouir que le législateur introduise des normes susceptibles de porter remède à des situations parfois dramatiques, le système mis en place amène toutefois quelques réflexions :

- l’attention des professionnels (comptables, experts comptables, réviseurs, conseils fiscaux, avocats) doit être vive, s’ils sont en contact avec les créanciers ou les débiteurs, pour veiller à conseiller à leurs clients de faire valoir leurs droits dans le temps et de la façon qui convient sous peine de voir leur responsabilité engagée

- permettre au Tribunal de réduire voire supprimer un engagement valablement souscrit

au motif qu’il est disproportionné par rapport aux possibilités financières de l’obligé au moment où il doit s’exécuter constitue un sérieux « coup de canif » dans la toile des principes du droit des obligations et des contrats. Pourquoi alors limiter cette possibilité au seul cas de la faillite ? Quid de la caution de la personne en règlement collectif de dette ? quid de la caution du débiteur principal accidentellement insolvable ?

- quelles vont être les conséquences de ces dispositions sur l’octroi des crédits aux entreprises ? Le nouveau régime ne sera sans doute pas de nature à rendre les banquiers moins timides en la matière

Ou bien alors cette sûreté deviendra obsolète !

VII. Les sanctions liées à la faillite

1. Infractions pénales directement liées à l’état de faillite

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- la prise d’engagements excessifs et la non exécution des obligations imposées par la loi sur les faillites art.489 L.F

- le recours à des moyens ruineux, à des dépenses injustifiées, le paiement préférentiel de certains créanciers et le retard dans l’aveu

- le détournement ou la dissimulation d’actif et la soustraction des livres comptables

2. Infractions indirectement liées à l’état de faillite

- l’organisation frauduleuse d’insolvabilité - l’abus de biens sociaux - faux et usage de faux - abus de confiance…

3. Responsabilités des dirigeants liées à l’état de faillite Tout le monde connaît l’action liée à la sous capitalisation de l’entreprise qui permet la mise en cause des fondateurs de la société faillie parmi lesquels on trouve souvent un ou des dirigeants. En ce qui concerne la responsabilité du dirigeant proprement dite, il apparaît incontestable qu’elle est de plus en plus lourde et que les règles qui la régissent sont de plus en plus nombreuses et complexes. Les législations récentes ont introduit des changements significatifs au régime de la responsabilité des administrateurs et gérants et plus encore, à sa mise en cause : l’innovation majeure étant l’ouverture de l’action en comblement de passif aux créanciers individuels.

4. Etablissement du bilan en cas de faillite L’article 54 de la loi sur les faillites, qui ne contenait à l’origine que cet unique alinéa :

« Les curateurs appellent le failli auprès d’eux pour clore et arrêter les livres et écritures en sa présence »

L’article 19 de la loi du 04/09/2002 a ajouté les alinéas suivants :

« Les curateurs procèderont immédiatement à la vérification et à la rectification du bilan. S’il n’a pas été déposé, ils le dresseront conformément aux règles et principes du droit comptable, à l’aide des livres et écritures du failli et des renseignements qu’ils pourront se procurer, et ils le déposeront au dossier de la faillite. Pour autant que l’actif soit suffisant pour en couvrir les frais, les curateurs peuvent s’adjoindre le concours d’un expert-comptable en vue de l’affectation du bilan. Lorsque le bilan et les autres pièces prévues à l’article 10 n’ont pas été déposés lors de l’aveu de la cessation des paiements ou lorsque leur vérification a fait apparaître la nécessité de redressements significatifs, le Tribunal peut, sur requête des curateurs, condamner solidairement les administrateurs et gérants de la personne morale faillie au paiement des frais de confection du bilan ».

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De plus, si la production du bilan a toujours été sous-entendue ou exprimée dans le texte légal (art. 10 de la loi sur les faillites), la loi du 04/09/2002 et la loi programme du 08/04/2003, les obligations du futur failli sont alourdies puisque, dorénavant, le commerçant joint à son aveu :

1°. Le bilan de ses affaires et une note indiquant les motifs qui l’empêchent de le déposer. 2°. Les livres exigés par le chapitre premier de la loi du 17/07/1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises ; ces registres sont arrêtés par le greffier, qui constate l’état où ils se trouvent ou une note indiquant les motifs qui empêchent le dépôt de ces pièces ; 3°. S’il occupe ou a occupé du personnel au cours des dix-huit derniers mois, le registre du personnel, le compte individuel prévu par l’article 4, §1er, 2°, de l’arrêté royal n°5 du 23/10/1978 relatif à la tenue des documents sociaux, les données relatives au secrétariat social et aux caisses sociales auxquels l’entreprise est affiliée ainsi que l’identité des membres du comité pour la prévention et la sécurité au travail et des membres de la délégation syndicale ; 4°. La liste mentionnant le nom et l’adresse des clients et des fournisseurs ; Le bilan contient l’état des actifs et des passifs visé par la loi du 17/07/1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises ainsi que l’énumération et l’évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers du débiteur, l’état des créances et dettes, le tableau des profits et pertes, le dernier compte de résultats dûment clôturé et le tableau des dépenses ; il doit être certifié véritable, daté et signé par le débiteur. Le greffier certifie au bas de l’aveu du commerçant et des pièces y annexées la date de leur remise au greffe, et en délivre récépissé, s’il en est requis. La remise au greffe de toutes autres pièces concernant la faillite est constatée de la même manière, sans qu’il soit nécessaire d’en dresser aucun autre acte de dépôt. »

Deux éléments sont à relever :

- le curateur procède aux vérifications et rectifications qui s’imposent et peut, pour se faire, s’associer le concours d’un professionnel de la comptabilité

- la responsabilité des dirigeants qui ont négligé d’établir le bilan ou qui en ont établi un

nécessitant des redressements significatifs peuvent, sur requête du curateur, condamner à payer les frais de confection du bilan

Le législateur, conscient de ce que souvent le curateur ne disposait d’aucun bilan actualisé et qu’en même temps, il ne disposait pas toujours des moyens financiers permettant d’engager les travaux comptables, a donc imaginé cette sanction qui peut s’avérer efficace à condition que le dirigeant soit solvable. Il faut noter que cette sanction n’existe pas à l’égard de la personne physique par définition insolvable.

5. Responsabilité consécutive de faute

a) La faute de gestion simple Il s’agit de la responsabilité du mandataire qui doit rendre compte de sa gestion.

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b) La faute aquilienne L’administrateur comme quiconque est soumis à l’article 1382 CC. La faute aquilienne suppose un manquement à une norme de comportement qui s’impose à tous.

c) La faute qui consiste en une violation de la loi ou des statuts Il s’agit d’une responsabilité solidaire entre les dirigeants sanctionnant les violations du code des sociétés ou des statuts.

d) La faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite En cas de faillite de la société et d’insuffisance d’actif et s’il est établi qu’une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou gérant d’une société anonyme ou d’une société privée à responsabilité limitée, ainsi que tout autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l’insuffisance d’actif (articles 63ter, 133bisn al.1er, et 158, 9° L.C.S.C.) Est irrelevant, le fait que la faute grave et caractérisée établie n’est vraisemblablement pas la seule et unique cause du dommage. Exception : l’action n’est toutefois pas applicable aux gérants de petites sociétés privées à responsabilité limitée et petites sociétés coopératives. La loi du 04/09/2002 modifie les articles 265, 409 et 530 du code des sociétés et les complète de deux alinéas similaires :

En cas de faillite de la société et d’insuffisance de l’actif et s’il est établi qu’une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou tout ancien administrateur, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l’insuffisance d’actif. L’action est redevable de la part tant des curateurs que des créanciers lésés. Le créancier lésé qui intente une action en informe le curateur. Dans ce dernier cas, le montant alloué par le juge est limité au préjudice subi par les créanciers agissants et leur revient exclusivement, indépendamment de l’action éventuelle des curateurs dans l’intérêt de la masse. Est réputée faute grave et caractérisée toute fraude fiscale grave et organisée au sens de l’article 3, § 2, de la loi du 11/01/1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux.

Cette modification législative n’est pas anodine :

- elle introduit une présomption de faute en cas de fraude fiscale grave et organisée au sens de l’article 3 § 2 de la loi du 11/01/1993

- elle confère un pouvoir d’initiative et de poursuite au créancier qui s’estime préjudicié

à raison du comportement gravement fautif du dirigeant en rapport avec la faillite

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Il faut se rappeler, qu’avant la modification législative, suivant l’enseignement de la Cour de Cassation, la doctrine et la jurisprudence reconnaissaient le monopole du curateur pour engager l’action à l’égard de tiers fautif en réparation d’un préjudice jugé collectif. Considérant que cette exclusivité n’était en rien un facteur d’efficacité – le curateur n’ayant, selon le législateur, ni la motivation, ni les moyens d’engager de tels recours – le législateur a voulu « encourager à agir » les créanciers qui s’estimaient préjudiciés. Le choix du législateur est éminemment politique et il est trop tôt pour dire si le système mis en place atteindra son but. Il faut relever que, en dehors des cas de « fautes graves et caractérisées ayant contribués à la faillite », tous les autres cas de mise en cause de la responsabilité restent de la seule compétence du curateur. VIII. Les nouvelles responsabilités des dirigeants Les dispositions nouvelles contenues dans la loi programme du 20 juillet 2006 augmentent encore les risques encourus par les mandataires sociaux en permettant que soit mis à leur charge une responsabilité en cas de non paiement par la société de la TVA, du précompte professionnel et de l’ONSS.

1. La responsabilité solidaire en matière d’impôts directs

1.1. Fondement de la responsabilité du dirigeant

Depuis un certain temps, l’administration fiscale est dépitée de voir impayées les dettes fiscales

que les sociétés accumulent et, depuis plusieurs années, elle a recherché la responsabilité de

dirigeants de société ou d’association.

Toutefois, la position de l’administration est fragilisée par l’application du principe consacré par la

Cour de Cassation depuis 1983 selon lequel la responsabilité des administrateurs – et des gérants

– est d’ordre contractuel et ne s’étend pas aux tiers (Cass., 23 juin 1983, Pas., 1983, I, 1205).

En d’autres termes, le non paiement de l’impôt constitue une faute permettant à l’administration

de rechercher la responsabilité de la société qui en est débiteur mais il n’engage pas la

responsabilité de l’administrateur et du gérant qui n’a agit qu’en tant que mandataire et ne doit

donc compte de ses actes qu’à l’égard de la société.

Evidemment, la responsabilité du mandataire peut être recherchée sur le plan quasi délictuel mais,

dans ce cadre là, l’obstacle vient souvent de la difficulté d’établir le lien causal entre la faute et le

dommage.

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Pour ouvrir des pistes, il a été décidé de changer la loi : l’article 442 quater nouveau introduit par

la loi du 20 juillet 2006 dans le CIR prévoit qu’en cas de manquement par une société ou une

personne morale à son obligation de paiement du précompte professionnel, le ou les dirigeant(s)

de la société ou de la personne morale chargés de sa gestion journalière sont solidairement

responsables du manquement si celui-ci est imputable à une faute au sens de l’article 1382 C.C.

commise dans la gestion de la société ou de la personne morale.

Si le but recherché est de faciliter les actions en responsabilité à l’encontre des administrateurs et

des gérants, la loi nouvelle n’instaure aucun automatisme : pour ce faire, elle aurait dû prévoir que

le dirigeant était solidairement tenu avec la société en cas de manquement de celle-ci à ses

obligations fiscales ; or, le texte prévoit que le mandataire est solidairement responsable, ce qui

indique que les dispositions nouvelles restent dans le cadre de la responsabilité quasi délictuelle

(faute – dommage – lien causal) même si elles érigent en présomption iuris tantum le caractère

fautif de certains comportements.

1.2. Impôts visés

Seule la dette de précompte professionnel est concernée par les nouvelles dispositions.

Les autres précomptes et l’impôt des sociétés ne sont pas visés.

1.3. Eléments constitutifs de la responsabilité solidaire

• La faute

a) Caractère de la faute

L’article 442 quater § 1 du CIR prévoit dorénavant :

« En cas de manquement, par une société ou une personne morale visée à l’article 17, §3, de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, à son obligation de paiement du précompte professionnel, le ou les dirigeants de la société ou de la personne morale chargés de la gestion journalière de la société ou de la personne morale sont solidairement responsables du manquement si celui-ci est imputable à une faute au sens de l’article 1382 du Code Civil, qu’ils ont commise dans la gestion de la société ou de la personne morale.

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Cette responsabilité solidaire peut être étendue aux autres dirigeants de la société ou de la personne morale

lorsqu’une faute ayant contribué au manquement visé à l’alinéa 1er est établie dans leur chef. Par dirigeant de la

société ou de la personne morale au sens du présent article, l’on entend toute personne qui, en fait ou en droit,

détient ou a détenu le pouvoir de gérer la société ou la personne morale, à l’exclusion des mandataires de justice. »

La mise en œuvre de la responsabilité solidaire implique donc la preuve :

- du non paiement du précompte dans le chef de la société

- de la faute de gestion commise par le dirigeant. La faute est définie par rapport à l’article

1382 du C.C. par référence du dirigeant normalement prudent et diligent.

Jusqu’ici, la loi nouvelle n’a rien changé à la situation antérieure.

b) Présomption de faute

C’est le paragraphe 2 de l’article 442 quater qui innove en prévoyant des conditions dans

lesquelles la faute du dirigeant – mais pas nécessairement sa responsabilité – est présumée jusqu’à

preuve contraire.

« Le non paiement répété par la société ou la personne morale du précompte professionnel, est, sauf preuve du

contraire, présumé résulter d’une faute visée au § 1er, alinéa 1er.

Par inobservation répétée de l’obligation de paiement du précompte professionnel au sens du présent article, l’on

entend :

- soit, pour un redevable trimestriel du précompte, le défaut de paiement d’au moins deux dettes échues au

cours d’une période d’un an ;

- soit, pour un redevable mensuel du précompte, le défaut de paiement d’au moins trois dettes échues au

cours d’une période d’un an ».

c) Exception à la présomption de faute

Pour ajouter à la complexité du système mis en place, la loi prévoit une exception à la

présomption instituée au paragraphe 2 de l’article 442 quater.

Ainsi, l’article 442 quater § 3 édicte :

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« Il n’y a pas de présomption de faute au sens du § 2 , alinéa 1er, lorsque le non paiement provient de difficultés

financières qui ont donné lieu à l’ouverture de la procédure de concordat judiciaire, de faillite ou de dissolution

judiciaire ».

Il faut être attentif au fait que si l’existence de la procédure concordataire, de la faillite ou de la

dissolution judiciaire écarte la présomption, elle n’empêche pas la démonstration de l’existence

d’une faute de gestion dans le chef du dirigeant.

1.4. Le dommage

La responsabilité de l’organe de la société ou de la personne morale ne peut être engagée que

pour la dette de précompte et des intérêts.

Les accroissements, amendes et tous autres accessoires ne sont pas concernés.

1.5. Le lien causal

Il peut être renvoyé en ce domaine au droit commun.

La faute doit être avec le dommage dans un lien de cause à effet et les difficultés de preuve à ce

niveau ne son pas négligeables.

1.6. Conditions de recevabilité

La loi impose à l’administration de donner aux dirigeants « un dernier avertissement » ou « une

dernière chance ».

A peine d’irrecevabilité de son action, l’administration doit prévenir le dirigeant de son intention

de mettre en cause sa responsabilité.

2. La responsabilité solidaire en matière de TVA

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Le régime applicable à la responsabilité solidaire des dirigeants à l’égard des dettes TVA est

pratiquement identique à celui qui est organisé pour les dettes d’impôts directs.

La loi insère un article 93 undocies dans le code TVA.

On peut relever les différences suivantes :

- les frais accessoires sont inclus dans le dommage au delà des droits et des intérêts.

Toutefois, les amendes semblent ici aussi exclues

- le défaut répété de paiement est ici :

§ deux dettes exigibles sur une période d’un an pour les assujettis qui

établissent des déclarations trimestrielles

§ trois dettes exigibles sur la même période pour ceux qui établissent des

déclarations mensuelles

3. La responsabilité solidaire en matière de dettes ONSS

Une grande différence qui distingue cette matière de celle qui concerne les dettes fiscales c’est que

dans le cas des dettes de cotisations sociales, la responsabilité du dirigeant ne peut être recherchée

qu’en cas de faillite.

La loi nouvelle ajoute un paragraphe 2 à l’article 265 du Code des Sociétés :

« § 2 : Sans préjudice du § 1er, l’Office national de Sécurité sociale et le curateur peuvent tenir les gérants, anciens

gérants et toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de gérer la société comme étant

personnellement et solidairement responsables pour la totalité ou une partie des cotisations sociales, majorations,

intérêts de retard et de l’indemnité forfaitaire visée à l’article 54 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en

exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des

travailleurs, dus au moment du prononcé de la faillite, s’il est établi qu’une faute grave qu’ils ont commise était à la

base de la faillite, ou, si au cours de la période de cinq ans qui précède le prononcé de la faillite les gérants, anciens

gérants et responsables se sont trouvés dans la situation décrite à l’article 38, § 3 octies, 8° de la loi du 29 juin

1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés.

L’Office national de Sécurité sociale ou le curateur intentent l’action en responsabilité personnelle et solidaire des

dirigeants visés à l’alinéa 1er devant le Tribunal de Commerce qui connaît de la faillite de la société ».

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Pour mémoire, l’article 265 du Code des Sociétés organise ce que l’on appele communément

l’action en comblement de passif.

3.1. Dettes visées

Ce sont toutes les sommes dues à l’ONSS au moment de la faillite qui sont visées : cotisations

sociales, majorations, intérêts de retard et majorations forfaitaires.

3.2. La faute

• Caractéristiques de la faute

Il n’est pas question ici de faute de gestion mais de faute grave et caractérisée ayant contribué à la

faillite.

• Présomptions

La loi nouvelle reprend la présomption instituée au paragraphe 1 de l’article 265 du Code des Sociétés c’est-à-dire que toute forme de fraude fiscale grave et organisée au sens de l’article 3 § 2 de la loi du 11 janvier 1993 dite sur le blanchiment de capitaux.

En outre, la loi érige en présomption de faute grave le fait que la société soit dirigée par un gérant

ou un responsable qui a été impliqué dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations

similaires entraînant des dettes à l’égard de l’ONSS.

Enfin, le Roi – donc l’exécutif – après avis du comité de gestion de l’Office, peut « déterminer les

faits, données ou circonstances qui, en vue de l’application du présent paragraphe, peuvent également être considérés

comme faute grave ».

IX. Insaisissabilité du domicile

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Les articles 72 à 83 de la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses (IV) (parue au

Moniteur belge du 08 mai 2007) ont consacré la possibilité de rendre insaisissable le domicile de

l’indépendant.

Il s’agit d’une manière simple, rationnelle et peu onéreuse pour l’indépendant de mettre son

domicile ou, selon les cas, la partie privée de son domicile (mais pas forcément les meubles qui s’y

trouvent) à l’abri des revendications de ses créanciers professionnels.

Les principes institués sont les suivants ;

1. Tout travailleur indépendant (commerçant, titulaire de profession libérale, dirigeant

d’entreprises...) peut déclarer insaisissables les droits réels, autres que le droit d’usage et

d’habitation, qu’il détient sur l’immeuble où est établie sa résidence principale. On vise le droit de

propriété, d’usufruit, d’emphytéose, de superficie. Le bail est exclu.

2.. Cette déclaration doit être reçue par notaire, sous peine de nullité, et contenir la description

détaillée de l’immeuble et l’indication du caractère propre, commun ou indivis des droits réels que

le travailleur indépendant détient sur l’immeuble.

3. Le notaire ne peut recevoir la déclaration qu’après avoir reçu l’accord du conjoint du travailleur

indépendant.

4. Lorsque l’immeuble est à usage mixte professionnel et d’habitation, la description doit

distinguer clairement la partie affectée à la résidence principale et la partie affectée à un usage

professionnel. La description doit mentionner la surface de chacune des parties.

5. Si la surface de la partie affectée à usage professionnel représente moins de 30 % de la surface

totale de l’immeuble, les droits sur la totalité de l’immeuble peuvent être déclarés insaisissables.

6. Si la surface de la partie affectée à un usage professionnel représente 30 % ou plus de la surface

totale de l’immeuble, seuls les droits sur la partie affectée à la résidence principale peuvent être

déclarés insaisissables moyennant l’établissement préalable de statuts de copropriété. En cas de

litige à ce sujet, la charge de la preuve incombe au déclarant.

7. Cette déclaration est inscrite sur un registre destiné à cette fin, au bureau du conservateur des

hypothèques de l’arrondissement où le bien est situé. Avant cette inscription, elle n’est pas

opposable aux tiers.

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Syllbabus – La faillite après la réforme de la loi sur l’insolvabilité - Maître Monique BLONDIAU – Avocat - Page 22 sur 23

8. La déclaration n’a d’effets qu’à l’égard des créanciers dont les créances naissent

postérieurement à l’inscription, à l’occasion de l’activité professionnelle indépendante du

déclarant.

9. Elle n’a pas d’effet à l’égard des créances résultant d’une infraction, même si elles concernent

l’activité professionnelle, ni à l’égard des dettes présentant un caractère mixte qui concernent tant

la vie privée que l’activité professionnelle.

10. Elle n’a pas non plus d’effet lorsque la responsabilité du travailleur indépendant qui a déclaré

insaisissables ses droits sur l’immeuble où est établie sa résidence principale est engagée en vertu

des articles 265, § 2, 409, § 2, et 530, § 2, du Code des sociétés. On entend par là l’action en

comblement de passif pour les sprl, scrl et sa. Il existe une bizarrerie dans le texte, puisque le § 2

de ces articles constitue en fait une exception au principe établi par le § 1er. L’application de la

limitation pourrait donc être contestée et, dans cette hypothèse, l’insaisissabilité demeurerait.

La déclaration continue à produire ses effets indépendamment de la perte de qualité de travailleur

indépendant suite à une faillite.

11. La déclaration peut à tout moment faire l’objet d’une renonciation, laquelle produit ses effets

à l’égard de tous les créanciers. Dans cette hypothèse ; la déclaration est présumée ne jamais avoir

existé. Mais le curateur de la faillite ne peut pas exercer le droit de renonciation.

12. Les effets de la déclaration subsistent après dissolution du régime matrimonial lorsque le

déclarant est attributaire du bien, sauf à l’égard des dettes nées à l’occasion de l’activité

professionnelle indépendante du déclarant et dont le recouvrement peut être exécuté sur le

patrimoine de l’ex-conjoint. Par ailleurs, le décès du déclarant emporte la révocation de la

déclaration.

13. En cas de cession des droits réels désignés dans la déclaration, le prix obtenu demeure

insaisissable à l’égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à l’inscription de

cette déclaration et à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant, à la condition que les

sommes obtenues soient remployées dans un délai d’un an par le déclarant pour acquérir un

immeuble où est établie sa résidence principale.

Durant ce délai, les sommes sont conservées entre les mains du notaire qui a reçu l’acte de

cession des droits réels.

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Les droits sur la résidence principale nouvellement acquise restent insaisissables à l’égard des

créanciers lorsque l’acte d’acquisition contient une déclaration de remploi des fonds, sauf si les

créanciers démontrent que l’indépendant a intentionnellement réduit sa solvabilité.

La déclaration de remploi des fonds est soumise aux conditions de validité et d’opposabilité

prévues pour la déclaration initiale.

14. L’inscription et la radiation de la déclaration donnent lieu au versement au notaire

d’honoraires fixes dont le montant est fixé conformément à la loi du 31 août 1891 portant

tarification et recouvrement des honoraires des notaires. Aussi longtemps que le montant des

honoraires n’a pas été fixé conformément à cette loi, le montant est fixé à 500 euros pour

l’établissement de la déclaration et à 500 euros pour son inscription ou sa radiation.

15. Cette loi est entrée en vigueur le 8 mai 2007. CONCLUSIONS Les règles relatives à la faillite sont longtemps restées inchangées et exprimait une volonté de sanction à l’égard de celui qui était considéré comme un gestionnaire non avisé et ayant porté préjudice à ses partenaires commerciaux. L’évolution économique et sociale a fait prendre conscience de ce que les circonstances et non l’incurie de l’entrepreneur, étaient les responsables de l’insolvabilité. Certains aménagements étaient sans aucun doute à faire… Mais n’a-t-on pas mis en péril la nécessité d’instaurer l’obligation d’honnêteté et d’intégrité pour s’assurer de l’exercice d’une saine concurrence. Monique BLONDIAU