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DANS LES COULISSES DE TERRA BOTANICA P. 8 La Feuille JOURNAL-ATELIER DES ÉTUDIANTS DE L’ÉCOLE PUBLIQUE DE JOURNALISME DE TOURS (EPJT) 11 OCTOBRE 2013 Ambiance cour de récré à l’élection MATHIEU LIGNEAU Ces journalistes que l’on essore p.3 Et Denis Robert créa l’info p.4 Presse Web, c’est pas net p. 6 SPÉCIAL

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DANS LES COULISSES DE TERRA BOTANICA P. 8

La FeuilleJOURNAL-ATELIER DES ÉTUDIANTSDE L’ÉCOLE PUBLIQUE DE JOURNALISME DE TOURS (EPJT) 11 OCTOBRE 2013

Ambiance cour de récré à l’élection

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Ces journalistes que l’on essore p.3Et Denis Robert créa l’info p.4Presse Web, c’est pas net p. 6

SPÉCIAL

P lus  de  trois  heures  pour  élire  le  bureau  national.  Sur  les  chaises,  le  temps  est  long,  les  journalistes  s’agitent.  Ils  s’en  donnent  à  cœur  joie  et  chacun  y  va  de  sa  petite  

phrase  :  «  Vos  gueules  là-­bas  au  fond  !  »,  «  micro  !  ».  Quand  les  plus  sérieux  font  leur  présentation,  d’autres  pianotent  sur  leurs  portables.  SMS,  réseaux  sociaux,  tous  les  moyens  sont  bons  pour  se  distraire.

« Il va ga-gner ! »À  l’annonce  des  onze  candidatures  pour  les  cinq  sièges  indépendants,  la  tension  monte  d’un  cran.  Quand  vient  le  moment  du  vote,  les  enfantillages  reprennent  de  plus  belle.  Des  mains  dispersées  s’élèvent  une  à  une  au-­dessus  de  l’assemblée.  Ambiance  digne  d’une  rencontre  sportive.  Pendant  toute  la  durée  des  opérations,  dépouillement  compris,  chaque  supporter  fait  entendre  sa  voix.  «  Three  points  !  »  «  Il  va  ga-­gner  !  »Au  moment  des  résultats,  les  esprits  se  font  attentifs.  Alain  Girard  obtient  un  siège  au  sein  du  comité  national.  L’ancien  premier  secrétaire  général  est  largement  applaudi.  Parmi  les  candidats  au  comité,  on  distingue  aussi  de  nouvelles  têtes.  Sylvain  Marcelli,  de  l’imposante  section  d’Île  de  France,  obtient  un  siège  indépendant  en  deuxième  position.  La  soirée  prend  définitivement  

une  autre  tournure.  Après  l’élection  du  comité  national,  le  brouhaha  est  interrompu  par  Alice  Coffin,  déléguée  syndicale  à  20  Minutes  :  «  Bravo  messieurs,  70  %  d’hommes,  seulement  21  femmes  !  »  La  réponse  fuse  sous  forme  de  pseudo  boutade  :  «  Toutes  mes  condoléances.  »  La  section  Île-­de-­France  est  en  fait  la  seule  à  présenter  une  liste  paritaire.  L’ambiance   joviale,  dans   l’ensemble,  tranche  avec  le  sérieux  des  présentations.  Les   33   candidats   au   bureau   national  détaillent  un  à  un  leur  projet  :  lutte  contre  la  précarité,  défense  de  la  parité  et  de  la  protection  des  sources…    Le  chemin  pour  une  pratique  journalistique  libre  et  respectueuse  de  la  déontologie  est  encore  long.  Et  la  nuit  sera  courte  :  ce  matin,  le  premier  secrétaire  général  et  la  collégialité  sont  élus  à  leur  tour. Justine BOUTIN et Madjéné SANGARÉ

Ils ont donné de la voix

Hier soir, à l’heure du vote, on chahute, on crie et on rit à gorge déployée. Immersion.ÉLECTION

La  FeuilleVENDREDI 11 OCTOBRE 20132Ils ont dit… « J’en profite pour vous saluer messieurs puisque plus de 70 % des élus sont mascu-lins. » Alice Coffin, 20 Minutes.

« Essayez de faire respecter les droits des journalistes pigistes. » Martine Rossard, Santé & Travail.

« Les autres syndicats sont biens, le SNJ est mieux. » Claire Padych, L’Étudiant.

« Je suis un fidèle d’Anthony Bellanger. » Vincent Lanier, Le Progrès.

« Je tiens à être journaliste. » Anthony Bellanger, premier secrétaire général, Le Courrier de l’Ouest.

« Le journaliste c’est ça aussi : c’est ne pas dire ce qui plaît. » Etienne Viullaume, Agence Booster.

Ils ont twitté…« Pas grand monde pour twitter au 95e congrès du #SNJ Angers. » De Catherine Sanson Stern.

« Début de la soirée électorale au 95e congrès du #SNJ (syndicat national des #journalistes) à Angers. Le suspens ne fait que commen-cer… » De Rodolphe Peté.

« Soirée électorale au congrès du @SNJ_national à #Angers, ça va être plus long que dans les sections du #PS. » De Philippe Bonnet.

« 2 h 10 : le #snj a élu son bureau national avec trois Nordistes : Pierre Le Masson, Bertrand Bussière et Christian Garitte. #angers2013 » De Franck Bazin.

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Correspondants de presse : moins chers, plus nombreux.Au Dauphiné Libéré, plus de 50 % de l’info est fournie par des non-journalistes. À Ouest-France, en Loire Atlantique, on compte 55 journalistes pour 250 correspondants de presse. Significatif : l’information est délivrée par des non-professionnels qui coûtent moins chers. Et quand certains finissent par obtenir leur carte de presse, leur employeur cesse de faire appel à eux.Presse hebdomadaire régionale : une équation douloureuseDans la PHR, la situation des correspondants est encore pire. Souvent, l’équation se résume à une édition, un journaliste, 40 pages. Les correspondants sont alors associés tout au long du processus, jusqu’au bouclage. Cette activité devient leur principale source de revenu, en contradiction totale avec leur statut.

Stagiaires : précarité et travail dissimuléUn cas particulier, mais significatif : à Public-Sénat, une jeune journaliste a fait six mois de stages, payés 300 euros par mois. Comment vivre dans ses

conditions à Paris ? À Europe 1, voici plusieurs années, des étudiants de l’IPJ assuraient les flashs de nuit dans le cadre d’un stage. Pendant ce temps, leur tuteur dormait à poings fermés alors qu’il aurait dû être présent. L’inspection du travail

s’est emparé du dossier pour dénoncer du travail dissimulé. L’affaire a été portée au pénal.Pigistes : carte de presse et seuil de pauvretéPour obtenir sa carte de presse, il faut

justifier de 650 euros de revenus par mois. C’est en dessous du seuil de pauvreté. D’où la proposition d’une jeune pigiste, syndiquée depuis trois ans, d’imposer un quota d’heures ou de jours qui permettraient au demandeurs de la carte d’afficher des revenus au dessus de ce seuil. Solutions : formations et palmarèsUn kit du délégué SNJ, des séances de formations pour les pigistes pour connaître

leurs droits. Autre solution préconisée, pour faire le buzz : créer un événement annuel et établir un classement des bonnes pratiques sociales des entreprises de presse. Anaëlle BERRE

Une quinzaine de journalistes se sont réunis en commission pour dresser un état des lieux de la précarité du métier. Alarmant.

Ces journalistes au rabais que l’on essoreSOCIAL

E t si les militants syndicaux souffraient aussi, en écho, des difficultés rencontrées par les

journalistes ? Ils étaient plus de vingt, hier, à témoigner des problèmes psychosociaux générés par les entreprises de presse. « Parfois isolés, certains syndicalistes lâchent l’affaire, s’ils ne commettent pas des gestes plus définit ifs », rapporte un élu du personnel. Autre témoigne fort : « J’accompagne une consœur tombée en dépression. El le es t , depuis , revenue dans l’entreprise. Mais quand elle ne va pas bien, je reçois trois appels par jour, et des mails. Elle me confie des choses que des psys ou des médecins du travail ne comprendraient pas. Car nous

faisons le même métier. Cela fait trois ans que ça dure. Je ne sais pas comment lui dire non ; ça me fatigue, mais je suis fort. »

Ce journaliste retraité se demande comment développer une stratégie pour lutter contre ces risques psychosociaux. Cet autre intervenant préfère parler de

« risque organisationnel » pour élargir le problème au temps de travail et à la répartition des tâches. Les salariés qui craquent les premiers sont des salariés « sentinelles », note Nelly Bidot-Morat experte des relations sociales dans l’entreprise. Ce que ce journaliste exprime à sa façon : « On a peu de moyens, sauf nos tripes, pour dire que l’on souffre. » Un dernier témoin, autrefois victime de harcèlement moral, évoque une situation personnelle, « douloureuse et terrible ». Comme tout le monde, les journalistes ont tendance à se dire que les malheurs n’arrivent qu’aux autres. Surprise. Ils peuvent aussi connaître la souffrance au travail. Guillaume LE ROUX

“Peu de moyens, sauf nos tripes, pour dire que l’on souffre”

Les débats menés par M.Le Jeune et P. Le Bellec ont décrit une situation alarmante.

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Le  projet  est  ambitieux.  En  janvier  2013,  Denis  Robert   (de   son  p r o p r e   a v e u   p l a s t i c i e n ,  réalisateur  de  docs  et  acces-­soirement   journaliste),   ses  

confrères  Marcel  Gay  et  Thierry  Gadault  annoncent  l’arrivée  d’un  nouveau  pure  player.  Leur  but  :  «  Imposer  Infodujour.com  comme  le  principal  site  français  d’informations  en  ligne,  en  couvrant  l’ensemble  de  l’actualité  parisienne  et  régionale.  »  À  la  clé,  l’embauche  «  en  CDI  »  de  deux  journalistes  dans  chacune  

des  26  régions  françaises.  Pourtant,  à  trois  mois  du  lancement  du  site,  l’objectif  est  loin  d’être  atteint.  L’équipe  ne  compte  que  trois  journalistes  :  les  créateurs.  Qui  se  disputent  sur  la  ligne  éditoriale.

Un projet à 100 millions d’euros«  C’est  dur  de  fédérer  tout  le  monde  autour  d’un  même  projet  »,  reconnaît  Denis  Robert.  Les  désaccords  concernent  le  public  visé  par  Infodujour.com.  Un  des  trois  créateurs  souhaite  concurrencer  la  presse  quotidienne  régionale.  Denis  Robert  préfère  se  recentrer  sur  des  sujets  plus  nationaux.  «  Je  crois  au  modèle  économique  que  je  développe,  justement  parce  qu’il  est  national.  »  Un  idéal  aux  antipodes  du  projet  de  départ.  Car  si  Denis   Robert   assure   disposer   de  10  millions  d’euros,  «  pour  un  modèle  régional,  ce  n’est  pas  10  mais  100  millions  qu’il  faudrait  ».  Utopiste  ?   L’ancien   journaliste   de  Libération  se  défend  :  «  Je  n’ai  jamais  fait  de  promesses  en  l’air.  »  Et  attaque  :  «  La  PQR,  c’est   la  catastrophe.  Les  sites  

locaux  ont  d’énormes  problèmes  et  personne   n’a   trouvé   la   solution.  »  L’avenir,  assure-­t-­il,  «  c’est  le  Web.  »  Un  Web  payant,  via  des  abonnements.  Là  encore,   le  projet  est  ambitieux  :  «  Il  faudrait  100  000  abonnements  à  60  euros  dans  les  trois  ans.  »  Alors  même  que  Médiapart  plafonnait  à  75  000  abonnés  en  avril  2013,  cinq  ans  après  sa  création.  Exit  donc  «  un  modèle  à  la  Médiapart  dans  chacune  des  26  régions  ».  Denis  Robert  n’hésite  pas,   aujourd’hui,   à  prendre  ses  distances  avec  le  pure  player.  Et  remet  en  cause,  avec  une  bonne  dose  de  mauvaise  foi,  le  succès  du  site  créé  par  son  meilleur  ennemi,  Edwy  Plenel  :  «  Ça  ne  marche  pas  tant  que  ça,  ce  n’est  pas  pour  rien  qu’ils  font  des  abonnements  à  1  euro.  »  Pour  un  essai  de  quinze  jours,  oublie-­t-­il  de  préciser.Hier,  ce  qu’il  n’a  pas  oublié,  c’est  de  s’offrir   une   séance  de  dédicace.  À  l’honneur,  son  dernier  livre,  Une  vue  imprenable  sur  la  folie  du  monde.  Celle  sur  son  projet  est  plus  improbable. Madjéné SANGARÉ et Clémentine VERGNAUD

F rançois  Ollier,  secrétaire  général,  et   Raoul  Advocat,   tous   deux  journalistes  à  France  3,   font   le  

même  constat  :   à   leur   arrivée  dans  la  commission  juridique  du  SNJ,  ils  ont  découvert  un  métier  plus  précaire  qu’ils  ne  le  soupçonnaient.  Certes,  les  journalistes  pigistes  sont  les  plus  touchés  mais  ils  ne  sont  pas  les  seuls.La  plupart  des  appels  à  l’aide  viennent  de  la  presse  écrite.  «  Les  rédactions  sont  plus  petites,  avec  des  journalistes  isolés,  sans  interlocuteur  »,  analyse  François  Ollier.  Un  journaliste  seul  est  donc  un  journaliste  vulnérable.  D’autant  plus  que  la  majorité  d’entre  eux  «  sont  ignares  en  droit  social  ».  Les  entreprises  saisissent  cette  opportunité  pour  précariser  encore  davantage  la  profession.  «  L’idéalisme  de  

certains  journalistes  se  retourne  contre  eux  »,  regrette  Raoul  Advocat.  Pour  les  pigistes,  la  situation  est  encore  plus  préoccupante.  Car  ils  sont  seuls  et  soumis  à  une  relation  hiérarchique  à  sens  

unique.  Plus  leur  nombre  augmentera,  plus  les  difficultés  risquent  de  s’accroître.  Or,  en  2012,  selon  l’Observatoire  des  métiers  du   journalisme,   les  pigistes  sont    17,6  %  des  journalistes  encartés.  Si  on  ajoute  les  CDD,  la  précarité  touche  21,3  %  des  journalistes.  Le  SNJ  essaye  d’éveiller  les  consciences.  «  C’est   l’objectif  de   la  permanence  téléphonique  et  physique  »,  indique  Raoul  Advocat.  Le  développement  de  statuts  illégaux,  comme  l’auto-­entreprenariat  ou  le  free-­lance  (à  ne  pas  confondre  avec  le  statut  de  pigiste),  constitue  un  nouveau  défi.  C’est  l’un  des  enjeux  de  lutte  pour  une  profession  réellement  encadrée  car,  rappelle  François  Ollier,  «  un  journaliste  doit  être  obligatoirement  salarié  ». Mathieu LIGNEAU

Et Denis Robert créa l’info

“Ils sont ignares en droit social”

Hier, Denis Robert a présenté son dernier projet, infodujour.com. Le site « novateur » est encore loin d’ouvrir. Il divise ses créateurs.

La commission juridique du SNJ s’alarme d’une précarisation grandissante du métier de journaliste.

RENCONTRE

PROTECTION

François Ollier (à g.) et Raoul Advocat.

La  FeuilleVENDREDI 11 OCTOBRE 20134C

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D ans quelles conditions travaillent nos confrères en Europe ? Franco Siddi, secrétaire général de

la Fédération nationale de la presse italienne (FSI) et l’Espagnol Paco Audije, secrétaire général adjoint à la Fédération internationale des journalistes (FIJ) témoignent.

La liberté de la presse entravéeÀ l’étranger, la question des relations entre journalistes et politiques se pose tout autant qu’en France. « En Espagne, c’est pire qu’en France, affirme Paco Audije. Il y a trop de proximité et celle-ci se ressent surtout dans le vocabulaire employé. » La situation est quelque peu différente en Italie. Si la connivence est importante, la pression politique l’est aussi. « Les partis politiques ont le contrôle total de la télévision publique. Sous le gouvernement Berlusconi, de nombreuses lois ont voulu entraver la liberté de la presse. La “loi bâillon” sur les écoutes téléphoniques ou plus récemment la loi sur la diffamation ont

donné lieu à de fortes mobilisations des journalistes », précise Franco Siddi qui estime que l’arrivée d’Enrico Letta, le nouveau président du Conseil, n’éclaircira pas l’horizon.

Une centralisation croissanteLa crise de la presse n’a pas de frontières. Paco Audije le constate tous les jours dans son travail. La disparition de certains titres de la presse quotidienne régionale constitue la partie la plus visible de cette crise. Et dans les titres qui subsistent, l e s p a g e s s o n t rédigées à 80 % par une centrale d’ informations, ce qui ne laisse que 20 % pour les pages locales. La pluralité de la presse s’en trouve donc menacée. De l’autre côté des Alpes, la

presse locale rencontre tout autant de difficultés. Et les titres nationaux ne sont pas épargnés : « Il Corriere de la Serra a supprimé 70 postes de journalistes sur 360 », s’attriste Franco Siddi.

Le défi du numérique « Le développement de l’information via les nouvelles technologies est inéluctable. » Franco Siddi en est sûr,

l e numér ique r e p r é s e n t e l e plus grand défi journal is t ique actuel.Internet donne l ’ i m p r e s s i o n q u e t o u t l e monde peut être journaliste. Pour s u r m o n t e r l a crise et réussir l a t r a n s i t i o n n u m é r i q u e ,

« i l faut créer une différence en approfondissant l’information, en la contextualisant et en la traitant dans la continuité », analyse le journaliste italien. « Avec Internet, on confond souvent accumulation de données et information », confirme son confrère espagnol.

Le droit de la presse menacé« En Italie, la déontologie est régie par la loi et les conventions collectives », précise Franco Siddi. Mais ces principes sont loin d’être respectés : « Les pressions des pouvoirs économiques et politiques se font ressentir. » La législation obsolète ne facilite pas non plus les évolutions. « La loi a environ cinquante ans et ne fonctionne pas correctement. »En Espagne, aucune harmonisation déontologique n’existe : les instances sont régionales et donc autonomes. « Les juges peuvent demander au journaliste de révéler ses sources. Nous n’avons alors aucune garantie d’être protégés. À chaque fois, notre situation dépend de la jurisprudence qui s’applique. » Toinon DEBENNE et Clémentine VERGNAUD

J ournaliste, oui, mais parfois à l’autre bout du monde. Les correspondants à l’étranger rapportent pour leur pays

les réalités d’ailleurs. Mais comment intéresser son public lorsque l’on vit loin de lui ? Paco Audije, rédacteur espagnol à La Libre Belgique adapte le traitement de l’information d’une nationalité à l’autre. « Un Belge va directement

comprendre les problématiques des autonomies espagnoles grâce à son histoire nationale. Il va falloir davantage expliquer ce fonctionnement au lecteur français, citoyen d’un État centralisé. » Parce qu’il vit à l’étranger, la lutte contre les préjugés reste sa priorité. « Récemment, dans The Guardian, un article expliquait que les horaires tardifs permettaient aux Espagnols de faire la sieste. » Une pratique pourtant révolue depuis bien longtemps, sourit-il. Paco Audije ne peut pas se permettre d’oublier le support pour lequel il écrit : « Je dois être Espagnol quand je suis en France, si je travaille pour la télé publique espagnole. Et Belge quand je suis en Espagne, si je travaille pour La Libre Belgique. » T. D. et C. V.

Menaces sans frontières

Rester proche du lecteur

En Espagne et en Italie, les médias sont aussi confrontés à des difficultés. Deux journalistes expliquent le fonctionnement de la presse dans ces pays.MÉDIAS

Paco Audije (à g.) et Franco Siddi, deux journalistes étrangers invités au Congrès.

La Feuille vendredi 11 octobre 2013 5

SNJ  ou  SNJ  Solidaires  ?  »  Voilà  la  

question  essentielle  qui  a  animé  la  

réunion  plénière  d’ouverture  du  

quatre-­vingt-­quinzième    congrès  

du  SNJ.  Pour  mémoire,  le  SNJ  fait  

partie  du  «  groupe  des  dix  »,  le  collectif    

Solidaires.  

Après  de  nombreuses  tergiversations,  les  

participants  au  débat  se  sont  résignés  à  voter  

dans  un  brouhaha  général.  Le  résultat  est  sans  

appel.  Soixante-­quinze  congressistes,  dont  

Anthony  Bellanger,  le  premier  secrétaire  

général,  se  sont  opposés  au  changement  de  

nom  du  syndicat.  Seules  treize  personnes  se  

sont  prononcées  en  faveur  et  quinze  se  sont  

abstenues.  Le  SNJ  reste  le  SNJ.

Les  échanges  ont  été  vifs  entre  les  partisans  

du  changement  et  leurs  adversaires.  Claude  

Cordier,   journaliste  à  Radio  France  et  

président  de  la  CCIJP,  a  invoqué  «  un  souci  

de  cohérence  »  entre  la  réalité  du  SNJ  et  la  

position  de  la  confédération  Union  syndicale  

solidaires  pour  souligner  son  opposition.  Au  

contraire,  Didier  Labertrandie,  journaliste  

à  Centre  Presse  Aveyron,  s’est  dit  prêt  

à  accepter  le  changement.  «  Je  ne  vois  

pas  en  quoi  ce  nom  peut  choquer  »,  a-­t-­il  

argumenté.    

Durant  cette  matinée,  les  autres  thèmes  

du  rapport  d’activité  ont  été  rapidement  

abordés.  Plus  de  97  %  des  membres  du  

syndicat,  présents  dans   la   salle,   l’ont  

approuvé.

Justine BOUTIN et Toinon DEBENNE

Pas une simple question de non

Hier, après un débat houleux, les congressistes ont décidé de conserver le nom du syndicat.

La  FeuilleVENDREDI 11 OCTOBRE 20136GASTRONOMIE LOCALE Elle s’est invitée, hier, au congrès. La maison Becam, propriétaire de six boutiques dans la région Angevine, présentait le choc’o roi, sa spécialité incontestée.

NOUVEAU SITE INTERNET Depuis cet été, une nouvelle version du site internet (www.snj.fr) est en cours de réalisa-tion. Le but est de mettre au point un gestionnaire de contenus d’un vrai journal en ligne et d’avoir une meilleure visibilité. Mise en ligne prévue début 2014.

DEUX PRODUCTEURS de vins locaux, Evelyne de Pontbriand et la famille Denis étaient présents hier au congrès pour proposer une dégustation de côteaux du layon, d’anjou rouge ou rosé et de vin blanc sec en AOC.

Agenda 9 heures. Réunion du nou-veau bureau national et élection des secrétaires généraux. 10 heures. Réunion des commissions de travail. 13 heures. Déjeuner à Terra Botanica. 15 heures. Séance plénière et rapport des commissions. 18 heures. Visite déambulatoire dans Angers puis soirée de gala à la galerie David d’Angers.

Les  journalistes  des  pure  players  –  ces  

médias   présents   uniquement   sur  

Internet  –  sont  un  peu  plus  d’une  

centaine  parmi  les  37  477  détenteurs  de  

la  carte  de  presse  en  2012.  Un  chiffre  

approximatif  puisqu’il  n’y  a  que  trois  

catégories   citées   dans   le   rapport   de  

l’Observatoire  des  métiers  de  la  presse  :  

radio,  télévision  et  presse  écrite.  Les  médias  

numériques  sont  donc  les  grands  absents.  

La  Commission  de  la  carte  d’identité  des  

journalistes  professionnels  est-­elle  trop  lente  

à  accompagner  les  évolutions  du  métier  ?  

«  Elle  est  composée  de  gens  compétents,  je  

ne  vois  pas  pourquoi  on  n’y  arriverait  pas  »,  

répond  du  tac  au  tac  Éric  Marquis,  l’ancien  

président.

Pour  mémoire,  les  pure  players  n’ont  pu  

accéder  au  statut  d’entreprise  de  presse  

qu’en  2009.  Et  certains  ne  le  demandent  

pas.  De  plus,  le  Spiil  (Syndicat  de  la  presse  

indépendante  d’information  en  ligne)  n’a  

pas  signé  la  Convention  collective  nationale  

des  journalistes.  Ce  n’est  donc  pas  facile  

d’attribuer   une   carte   de   presse   à   ces  

salariés.  Éric  Marquis  est  formel  :  «  Nous  

appliquons   les  mêmes  critères  qu’aux  

médias  traditionnels.  »   Soliane COLAS

Presse web, c’est pas netLes statistiques de la carte de presse sont sorties. Grands absents : les journalistes des pure players. CARTE

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La séance plénière, au moment du vote.

Nichée dans le jardin du musée des Beaux-Arts d’Angers, l’ancienne abbaye Toussaint accueille la

soirée de gala du congrès. L’occasion de découvrir le fabuleux travail de David d’Angers (1788-1856) sur la matière et l’esprit. Le buste interactif de Victor Hugo témoigne : « David avait cette obsession du temps qui passe et change les traits des hommes. » Le sculpteur a réalisé deux bustes et un médaillon de l’écrivain à différentes époques de sa vie. Ils « sont un subtil équilibre entre ressemblance et idéalisation », poursuit le poète. D’Angers représentait les hommes selon ce qu’il percevait de leur caractère et moins selon leur réalité

physique. Tout comme Balzac, dont la statue orne sa tombe au cimetière du Père-Lachaise, il pensait que le physique des hommes reflétait leur caractère. « La physiognomonie est la connaissance du rapport qui lie la surface visible à ce qu’elle couvre d’invisible », définit Johann Kaspar Lavater, son plus grand spécialiste. Dans l’œuvre de David d’Angers, cette surface visible, c’est la sculpture, l’invisible étant l’histoire et la personnalité de son modèle. Ce parti pris l’a amené, par exemple, à représenter ses colosses avec des mollets épais pour

mieux illustrer leur honnêteté. De même, il s’intéressait à la phrénologie, théorie qui reliait chaque fonction mentale à une zone du cerveau et soutenait que la forme du crâne indiquait l’état des différentes facultés. C’est de là que vient l’expression « la bosse des maths ».Goethe est représenté avec un front large pour signifier ses grandes capacités de réflexion. David d’Angers a fait spécialement le déplacement en Allemagne pour le rencontrer. Son génie se nourrissait de l’intimité créée entre lui et son modèle. » L’artiste avait pour projet de créer une galerie des grands hommes. « L’obsession qu’il avait de capter les

gens de son époque le tourmentait », clame le buste de Victor Hugo. Avec une exigence : sculpter uniquement les hommes qu’il admirait. À l’entrée du musée, une majestueuse statue représente Bonchamps, général vendéen. Preuve que David d’Angers, fervent républicain, n’avait que faire du statut de ses modèles : il représentait les hommes à qui il reconnaissait une grandeur d’âme. Pendant les guerres de Vendée, le général Bonchamps, à l’agonie sur le champ de bataille, a gracié des républicains qui devaient être exécutés. Parmi eux, le père

de l’artiste. Reconnaissant, ce dernier a immortalisé ce geste magnanime dans un style antique olympien. Aux côtés de Bonchamps, le médecin Ambroise Paré, le corsaire Jean Bart ou encore l’imprimeur Gutenberg. Les hommes placés dans la lumière sont tous des héros : son panthéon minéral et personnel. Au centre de la pièce, justement, une reproduction au tiers de sa taille du fronton du vrai Panthéon sculpté de 1830 à 1836. L’occasion pour David d’Angers d’exprimer ses idées républicaines. À son installation, le fronton n’a pas fait l’unanimité et n’a même pas été inauguré. Représenter des personnages de l’opposition sur le

relief portait à controverse : une nouvelle preuve de son esprit indépendant. Les dizaines de statues monumentales, colosses aux pieds de plâtre et modèles d’atelier avant réalisation finale sont saisissantes. Sur la mezzanine, les bustes fixent les visiteurs. Pour éclairer au mieux ces grands hommes, l’immense verrière crée un puits de lumière dans l’abbaye. Et rend hommage à l’œuvre d’un artiste atypique, distingué dans le monde entier. Soliane COLAS et Mathieu LIGNEAU (texte et photos)

La galerie David d’Angers sublime les sculptures de l’artiste animé par une vision militante de l’art.

La science au service de l’art

À VOIR

La Feuille vendredi 11 octobre 2013 7

Dans les pas de FrançoisLe responsable paysagiste nous entraîne dans les coulisses de Terra Botanica. Le parc végétal accueille les congressistes cet après-midi. PORTFOLIO

La  FeuilleVENDREDI 11 OCTOBRE 20138

7 h 45. Branle-bas de combat face au tableau de service. Les cinq permanents, encadrent une vingtaine de jardiniers saison-niers. Au programme : nettoyage, désherbage, mais aussi aération du sol et plantation de bulbes divers

9 h 45. Le parc va ouvrir ses portes. Mélanie se dépêche de terminer le nettoyage des allées. Une fois que les visiteurs ont investi les lieux, aucun engin motorisé ne doit troubler leurs déambulations.

11 h. François Bouhiron, responsable paysagiste, donne des conseils à Emilie pour les travaux dans la serre. L’endroit renferme des Dracaeno draco, des arbres plus que centenaire à la sève rouge vive.

Dans le parc, l’emploi de produits chimiques est proscrit. Pour éliminer les parasites, l’équipe utilise des chrysopes, insectes affamés de nuisibles, ou des pièges adhésifs accrochés aux tiges des plantes.

François réfléchit à la plante qui viendra remplacer ce quinoa rouge, dans le potager médiéval.

CR

ÉDIT

PH

OTO