La diversité est-elle un bien

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La diversité est-elle un bien ? http://isyeb.mnhn.fr/Seminaire-La-diversite-est-elle-un http://www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2014/ue/1155/ Le siècle de la génétique 1900-2000 Michel Veuille : UMR 7205 MNHN-CNRS-UPMC-EPHE, Muséum National d’Histoire Naturelle, 75005 Paris

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La diversité est-elle un bien ?

http://isyeb.mnhn.fr/Seminaire-La-diversite-est-elle-un http://www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2014/ue/1155/

Le siècle de la génétique 1900-2000

Michel Veuille : UMR 7205 MNHN-CNRS-UPMC-EPHE, Muséum National d’Histoire Naturelle, 75005 Paris

Variation et bruit : un siècle de recherche du sens en génétique

L’entrée du siècle de la génétique : quarante ans pour que la génétique s’impose au darwinisme 1.a: la génétique formelle

- 1900 (24 mars) Gaston Bonnier présente à l’Académie des Sciences de Paris le manuscrit du botaniste Hugo de Vries annonçant la redécouverte des lois de Mendel. - 1902. Cuénot montre que les lois de Mendel s’appliquent aux animaux (souris blanches) - 1905. William Bateson crée le mot de "génétique" lors d’un congrès international d’horticulture, qui deviendra ainsi le premier congrès international de génétique. Les horticulteurs sont les premiers défenseurs de la génétique : Vilmorin en France, les semenciers en Amérique, etc. - 1910. Il est démontré que les facteurs mendéliens sont liés aux chromosomes (par TH Morgan, sur la drosophile, qui devient le matériel d’exploration des chromosomes, de la recombinaison, et des modifications génétiques de la morphologie). [NB. la théorie chromosomique de l’hérédité avait déjà 30 ans] - 1911. Est créé le mot de « gène », par Johannsen (qui a déjà distingué génotype et phénotype). - 1927. Hermann Muller (groupe de la drosophile) montre que les mutations peuvent être produites par irradiation. Cela montre la nature physique des gènes. [Bateson avait soutenu que l’hérédité était un phénomène vibratoire] - 1932-36 L’Héritier, Teissier, Ephrussi, Malécot sont les premiers généticiens français depuis 1902. - 1946 Une chaire de génétique est créée à la Sorbonne (Cf. Boris Ephrussi ) - 1953. Watson et Crick montrent que l’ADN est une molécule double et auto-réplicative.

La génétique ne nait pas d’un coup en 1900. Elle n’est pas la science des gènes. Il faudra une génération pour passer des lois de Mendel à la compréhension de la réalité sous-jacente.

- 1901. De Vries crée la « théorie des mutations » selon laquelle les nouvelles espèces résultent de la réalisation d’une mutation. Cela heurtera les évolutionnistes, et permettra une prolongation du lamarckisme jusqu’au milieu du siècle. Le "mutationnisme" sera longtemps un repoussoir des relations génétique-évolution. - 1909. Il est montré que les fréquences génotypiques restent (approximativement) constantes d’une génération à l’autre : le problème de Darwin est résolu par la « loi de Hardy (nature particulaire de l’hérédité). - 1927. Des biologistes soviétiques (Tchetverikov, Timoféev-Ressovsky) montrent l’existence de mutations dans les populations naturelles de drosophiles. - 1930 - 1932 trois synthèses mathématiques (Ronald Fisher : The genetical theory of natural selection; Sewall Wright : Evolution in Mendelian populations; JBS Haldane :The causes of evolution) démontrent que la sélection naturelle agissant sur la fréquence des allèles peut expliquer l’évolution. Ils l’exposent ensemble au congrès international de génétique de Cornell (USA). - 1932, L’Héritier et Teissier créent la génétique des populations expérimentale. - 1937, Dobzhansky redéfinit l’évolution comme le changement des fréquences alléliques Il crée la génétique des populations naturelles (étude des fréquences des modifications chromosomiques dans les populations naturelles de Drosophila pseudoobscura). - 1936, Malécot explore les conséquences mathématiques des lois de Mendel. - 1940-44. La synthèse moderne développe la nouvelle conception du darwinisme dans les domaines naturalistes (zoologie, botanique, paléontologie): - 1940: J Huxley : The new systematics - 1942: J Huxley : Evolution the modern synthesis (id-) - 1942: E Mayr: Animal species and evolution - 1944: GG Simpson : Tempo and mode in evolution Le darwinisme devient l’explication majeure de l’évolution.

1.b: la génétique des populations

La victoire de la synthèse évolutive est si complète qu’elle devient l’image du néo-darwinisme. On l’appelle plaisamment le "darwinisme officiel". Tout résultat suggérant l’hérédité des caractères acquis est souvent ressenti comme anti-darwinien. Elle capte tellement l’image de Darwin qu’on se demande : quel dommage que Darwin ait ignoré l’article de Mendel (1965) lorsqu’il a écrit son livre sur la variation (1868). Mais il est vraisemblable que si Darwin eût connu les résultats de de Vries, ou s’il eût examiné les mutants de la drosophile, il eut eu la même aversion que les darwiniens de 1900 pour le "mutationnisme". Il n’y avait rien, là, qui corresponde au processus gradualiste que prédisait la théorie de la sélection naturelle. Il eût préféré rester fidèle à la loi de l’usage et du non-usage que d’adopter le mendélisme. Rien n’indique que son adhésion à l’hérédité des caractères acquis fut une réaction de dépit.

L’oubli fait partie de l’histoire des sciences La nouvelle conception de l’évolution n’a pas de nom. On l’appelle improprement "néo-darwinisme", en rêvant d’un retour au "vrai Darwin", celui d’avant la pangénèse. Les conceptions antérieures seront qualifiées de "lamarckisme " ou de "mutationnisme", comme dans une sorte d’enfer, qui déforme l’histoire des sciences. En fondant la synthèse évolutive, Huxley appelle la période antérieure "éclipse du darwinisme", terme qui deviendra une référence de l’histoire des sciences. Mais il s’agit surtout d’une éclipse de la sélection naturelle, dont Darwin lui-même est partiellement responsable. Puis on découvre que Darwin a toujours été "Lamarckien". Ces oublis nous fondent à nous interroger : Pourquoi l’idée de diversité génétique n’est-elle pas intuitive ? En quoi n’est-elle pas intuitive ? Les conceptions antérieures étaient-elles plus intuitives, ou plus grevées de préjugés ?

Espace des génotypes

Espace des phénotypes

Développement

Séle

ctio

n

Richard Lewontin 1974 The genetic basis of evolutionary change

Génétique et politique au début du 20ème siècle (1) L’eugénisme Cela a été cité dans le cours sur l’hérédité: les généticiens abandonnent progressivement la perspective de l’eugénisme à court terme, et signent en 1939 le "manifeste des généticiens" critiquant le programme de l’Allemagne nazie. On le verra réapparaître bientôt. (2) Le lyssenksime Dès les années 1920, les généticiens soviétiques sont à la pointe des recherches sur l’amélioration des plantes (Vavilov) et la génétique des populations (Timoféef-Ressovsky). Ils attirent les étrangers (Muller). Mais en 1936, la "génétique mendélo-morganienne" est condamnée comme étant contraire à la science prolétarienne, et les généticiens sont condamnés. L’affaire prendra une importance considérable au moment de la guerre froide. Il y a surtout des explications politiques à cette affaire, le lyssenkisme, qui avait obtenu quelque succès en agronomie comme technique de vernalisation, étant présenté comme alternative à l’agronomie basée sur la génétique. Dans une URSS agricole, il pouvait servir à montrer que la vraie science (le matérialisme dialectique) valait mieux que la science bourgeoise, et ainsi légitimer un pouvoir politique qui se voulait "scientifique".

Débats entre généticiens des populations (1) Les bases communes Dès les années 1920, les théoriciens admettent : 1. Que les génotypes possèdent une valeur adaptative. 2. Que l’avantage sélectif des allèles dépend de la valeur adaptative des génotypes où ils sont présents. 3. Que l’évolution est un changement des fréquences alléliques. C’est un écheveau compliqué qui implique simultanément 3 niveaux d’organisation: L’adaptation est celle de l’organisme, mais l’évolution dépend des gènes, et ce qui change, ce n’est pas tant les gènes que la population qui les contient.

Population : collection de fréquences alléliques Individu : sujet de l’adaptation Gène : source du changement (mutation)

Au 19ème siècle, la notion d’hérédité était intuitive , par le biais de la lignée, tout procédait de l’individu. Hérédité et évolution faisaient un.

Débats entre généticiens des populations (3) Quelles forces dirigent l’évolution ? Dès les années 1920, les théoriciens se divisent sur la façon dont s’effectue la sélection des génotypes. Les polémiques vont porter sur trois aspects simultanés: (a) La variabilité environnementale joue-t-elle un rôle positif ou négatif sur la sélection ? (b) Le hasard joue-t-il un rôle important dans l’évolution ? (c) Combien de gènes peuvent-ils être sélectionnés simultanément ? 3 points de vue : - Fisher 1930 - Sewall Wright 1932 - Haldane 1957 - Malécot 1955

N = 50: petite population, dérive forte

N = 500: grande population, dérive faible

N = infini: modèle déterministe

Hasard et sélection Dans un modèle de sélection directionnelle, un allèle avantagé ne remplace pas forcément les autres allèles. Dans un modèle purement déterministe (populatio ninfinie), c’est certain Dans une population de grande taille, il y a des fluctuations Dans une population de petite taille, es fluctuations sont plus fortes. Haldane (1927) montre qu’un allèle ayant un avantage sélectif s (par ex. s = 0,01), n’a qu’un avantage 2s (0,02) de survivre, et donc d’être fixé Fisher applique la loi des grands nombres. Wright fera intervenir simultanément sélection et hasard

Fisher 1930 et le "théorème fondamental"

héritabilité en fitness détermine le taux d’évolution Le principe: de toutes les sources de variation, une partie, la "variance génétique additive" , peut être sélectionnée chez les parents pour modifier de façon prédictible les génotypes des descendants. Selon Fisher, c’est la seule variation qui peut jouer un rôle dans la sélection artificielle ou naturelle. Il en déduit un fameux "théorème fondamental de la sélection naturelle" Une fois que la fitness est sur un maximum local, elle ne peut s’en déplacer, à moins que des mutations nouvelles apparaissent ou que l’environnement change. Ces deux facteurs sont donc les facteurs limitants de l’évolution.

Wright 1932 et l’équilibre fluctuant

Le hasard contribue à l’évolution en déplaçant les populations à l’équilibre Une surface potentielle déterminée par les fréquences alléliques à plusieurs locus crée un "paysage adaptatif". Les populations sont soumises à deux forces : 1. La sélection : facteur déterministe 2. la dérive génétique *: facteur stochastique (*: variation de fréquence par effet d’échantillonnage d ’une génération à l’autre) Les populations tendent à "monter" vers le pic le plus proche (Cf. Fisher) mais le hasard les déplace de l’équilibre et leur fait explorer les alentours. Plusieurs pics adaptatifs peuvent ainsi être explorés. L’évolution est déterministe, mais le hasard détermine les directions qu’elle suit. Ce modèle a été popularisé par Dobzhansky depuis 1937 et est resté le modèle à la mode.

Wright 1932 et l’équilibre fluctuant

Le hasard contribue à l’évolution en déplaçant les populations à l’équilibre Une surface potentielle déterminée par les fréquences alléliques à plusieurs locus crée un "paysage adaptatif". Les populations sont soumises à deux forces : 1. La sélection : facteur déterministe 2. la dérive génétique *: facteur stochastique (*: variation de fréquence par effet d’échantillonnage d ’une génération à l’autre) Les populations tendent à "monter" vers le pic le plus proche (Cf. Fisher) mais le hasard les déplace de l’équilibre et leur fait explorer les alentours. Plusieurs pics adaptatifs peuvent ainsi être explorés. L’évolution est déterministe, mais le hasard détermine les directions qu’elle suit. Ce modèle a été popularisé par Dobzhansky depuis 1937 et est resté le modèle à la mode.

Waddington et l’assimilation génétique Dans le cas de caractères morphologiques, C.H. Waddington a montré que l’apparition d’un caractère nouveau par manipulation de l’environnement pouvait créer une sélection modifiant la fréquence des gènes qui le prédisposent à apparaître, pouvant entraîner la fixation du nouveau trait.

L’école du polymorphisme équilibré

Existe-t-il des forces de maintien du polymorphisme ? Dès le début de la génétique des populations expérimentale à Paris, L’Héritier et Teissier montrent que les mutants délétères qu’ils utilisent ne disparaissent pas. Ils se maintiennent. Ils confirment leurs expériences dans des "cages à populations". Plusieurs théories sont élaborées, notamment celle de l’avantage du rare, par Claudine Petit en 1951. Cette école influence celle de Dobzhansky, qui reprend ses thématiques (cages à populations, avantage du rare). Il deviendra après guerre le leader incontesté de l’école de l’équilibre (the balance school), selon laquelle les hétérozygotes ont un avantage sur les homozygotes. L’idée est qu’il vaut mieux être « divers » pour affronter un environnement diversifié. Première expression de l’idée que la diversité est un bien Dobzhansky et le français Boesiger (élève de Teissier) écrivent des livres, dont "essai sur l’évolution" (1968) pour défendre l’idée que la variation génétique est un bien en soi pour les organismes.

Malécot 1955, le premier modèle neutre

Probabilités et mendélisme Le mathématicien français Gustave Malécot décide d’explorer les conséquences mathématiques des lois de Mendel. Il découvre que les fréquences alléliques des colorations de la coquille des escargots (Cf. travaux de Lamotte, autre élève de Teissier) s’expliquent comme une simple variation au hasard. Il présente ses travaux en 1955 aux Etats-Unis devant l’école de Fisher et celle de Wright. Les élèves de Fisher (Clark, Sheppard) estiment que tout polymorphisme est sélectif. La mutation seule n’expliquerait que les variations de très faible fréquence. Idée principale de Ecological Genetics (Ford 1964). Wright reproche à Malécot une conclusion triviale: il estime que dans les populations naturelles, le hasard sert à aider la sélection à mieux s’exprimer. C’est the great snail debate, qui préfigure la bataille sélection-neutralisme. L’idée qu’il puisse exister une évolution neutre est rejetée

Theodosius Dobzhansky Herman Muller

La querelle du polymorphisme

Le rapport sur les essais nucléaires Pendant la guerre froide, Herman Muller écrit un rapport sur les effets des essais nucléaires. Il estime qu’ils sont cancérigènes, mais que ceci est un moindre mal, comparés aux risques d’un affrontement avec l’URSS. Il estime que la paix a des effets pires encore pour la déterioration génétique de la population puisqu’elle permet à chacu nde propager ses gènes.

La réaction des libéraux Muller est brocardé par les libéraux comme représentant l’école « classique », selon laquelle il existe dans les espèces un type monomorphe bien adapté, et que l’adaptation procède par simple remplacement de gènes. Face à lui, l’école de l’équilibre, conduite par Dobzhansky, estime que beaucoup de variation "ségrège" dans les populations naturelles du fait de l’avantage des hétérozygotes.

« L’école de l’équilibre est fortement influencée par l’optimisme du 19ème siècle envers une évolution qui serait essentiellement progressiste (voir par ex. Herbert Spencer : Le progrès, sa loi et sa cause) et allant de l’avant. Pour Dobzhansky, en général la sélection naturelle "mène à accroître l’harmonie entre les systèmes vivants et leurs conditions d’existence" (1955,p. 12). La vision de Muller est absolument inverse. Pour l’école classique, l’évolution a déjà atteint son pinnacle, certainement chez "ces groupes qui ont cessé depuis longtemps de subir d’importants changements évolutifs" (Muller 1949, p. 465). Kimura et Ohta (1971, p. 166), citant Muller, pensent que "le gène, au terme du long cours de l’évolution, s’est finalement retrouvé dans l’homme". Dans une telle vision du monde, le changement génétique ne peut être qu’un changement pour le pire, et le rôle de la sélection naturelle doit être de prévenir la dégénérescence en conservant le type. Ces points de vue sur la variation génétique se reflètent aussi dans les théories socio-biologiques. Muller croyait en une élite génétique et défendit fortement l’insémination artificielle par des banques de sperme humain dont les contributeurs seraient choisis sur la base de leurs génotypes supérieurs tels que révél és par leurs phénotypes comportementaux supérieurs. L’école de l’équilibre est pluraliste, voyant la société humaine comme dépendant pour son fonctionnement de l’existence d’une variété de génotypes, aucun n’étant absolument supérieur à un autre. Les deux écoles font également du "biologisme" en ce qu’elles croient que la nature de la société humaine est fortement influencée par la distribution des génotypes dans les espèces. Pour Muller, le progrès humain signifiait enrichir l’espèce de quelques gènes supérieurs tandis que pour Dobzhansky cela signifie accroître, ou au moins maintenir la diversité génétique. Aucun point de vue n’admet la possibilité que la variation génétique soit non-pertinente pour ce qui concerne la structure présente ou future des institutions humaines, que le trait unique de la nature biologique de l’homme est de ne pas être contraint par elle. » Lewontin 1973, p. 31

En 1978 Albert Jacquard publie "l’Eloge de la différence, la génétique et les hommes" En 1982 il publie "Au péril de la science" En 1986 "l’Héritage de la liberté, de l’animalité à l’humanitude" "La leçon première de la génétique est que les individus, tous différents, ne peuvent être classés, évalués, ordonnés : la définition de "races", utile pour certaines recherches, ne peut être qu’arbitraire et imprécise ; l’interrogation sur le "moins bon" et le "meilleur" est sans réponses ; la qualité spécifique de l’Homme, l’intelligence, dont il est si fier, échappe pour l’essentiel à nos techniques d’analyse ; les tentatives passées d’ "amélioration biologique" de l’Homme ont été parfois simplement ridicules, le plus souvent criminelles, dévastatrices pour le groupe. "Par chance, la nature dispose d’une merveilleuse robustesse face aux méfaits de l’Homme : le flux génétique poursuit son œuvre de différenciation et de maintien de la diversité, presque insensible aux agissements humains (p. 207)" "Cette réflexion peut être transposée de la génétique à la culture : les civilisations que nous avons secrétées sont merveilleusement diverses et cette diversité constitue la richesse de chacun de nous (p. 208)." "Pourrons-nous préserver la diversité des cultures sans payer un prix exorbitant ? Subi ou souhaité, un changement de l’organisation de notre planète ne peut être évité (p. 209)." Jacquard : Eloge de la différence, la génétique et les hommes.

Haldane 1957 et le coût de la sélection

Combien de gènes peuvent être soumis simultanément à la sélection ? Haldane rappelle le principe de Darwin selon lequel la sélection requiert un excès de potentiel reproductif. Il faut que naisse un plus grand nombre de descendants qu’il n’est nécessaire pour reproduire la population, sinon la sélection n’est pas possible. Donc la sélection naturelle épuise le potentiel reproductif. Haldane montre que cet épuisement n’est pas proportionnel à l’intensité de la sélection, mais au nombre de locus impliqués. Il estime qu’un maximum de 300 locus peut être soumis à sélection en même temps. Le coût de la sélection s’applique aussi bien à la sélection directionnelle qu’à la sélection balancée. Cet argument va être déterminant dans la bataille.

Gènes létaux contre hétérozygotie

Les deux écoles se combattent à coups d’expériences et marquent chacune des points L’école de Muller (Crow, Mukai 1960) estiment la charge de gènes létaux dans les populations naturelles, et montrent leur présence dans tous les génotypes individuels. Ils montrent que les gènes létaux ont un désavantage même à l’état hétérozygote. L’école de Dobzhansky (Lewontin 1964) étudie le polymorphisme naturel des protéines, et démontre que tous les gènes sont variables. Cependant, il trouve trop de polymorphisme : la sélection n’est pas la force qui explique le maintien du polymorphisme. Il faut imaginer un mécanise moins coûteux.

Gènes létaux: Effet délétère de chromosomes consanguins comparés à des chromosomes normaux

Variation des protéines: méthode de révélation des polymorphisme des enzymes dans les populations naturelles

Le neutralisme En 1968 Kimura et Ohta créent le neutralisme La théorie neutraliste de Motoo Kimura et la théorie quasi-neutre de Tomoko Ohta ne prétendent pas que toute évolution biologique est neutre. Ils estiment que la majorité de polymorphismes s’expliquent par la dérive aléatoire des fréquences alléliques. Jusqu’en 1983, ils seront farouchement combattus par les "sélectionnistes", qui défendent le point de vue contraire. Le neutralisme s’impose pour deux raisons: (1) En 1965, on découvre l’horloge moléculaire, et la théorie neutraliste est la meilleure manière de l’expliquer. (2) Le neutralisme apporte une hypothèse nulle de l’évolution. A partir de 1989, elle est utilisée y-compris par les sélectionnistes comme hypothèse a priori. Désormais, on n’interprète pas tout changement de fréquence comme l’effet de la sélection. On doit d’abord prouver qu’il ne peut pas s’interpréter par le neutralisme. A cette fin, on utilise la théorie de la coalescence (Kingman 1983) dérivée des travaux de Malécot. En 2001, l‘écologiste Hubbell s’inspirera de ces travaux pour proposer une théorie neutraliste en écologie. Là aussi il s’agit d’apporter un modèle a priori.