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Alain Lieury Patricia Caplain Alain Jacquet Christian Jolivet La contraction du temps dans la datation des souvenirs anciens In: L'année psychologique. 1979 vol. 79, n°1. pp. 7-21. Résumé L'étude de la localisation dans le passé de souvenirs anciens a été entreprise de façon expérimentale en faisant estimer par des sujets la date d'événements publics connus (mort de de Gaulle, la première greffe cardiaque sur l'homme, etc.). La tendance générale des résultats est la sous-estimation de la date des événements anciens (1960-1971), c'est-à-dire qu'on rapproche l'événement du présent ; la sous-estimation est fonction de l'ancienneté de l'événement. A l'inverse, la date des événements récents (de 1971 à 1973 dans cette expérience) est surestimée. La théorie selon laquelle le temps estimé serait fonction de la quantité de souvenirs stockés est discutée. Abstract An experimental study was performed to investigate the subject's ability to temporally locate memories about well-known events (e.g., the murder of president Kennedy, etc.). The main results indicated that dating of old events (1960-1971 in this experiment) is underestimated, while dating of recent events is overestimated. Furthermore, the underestimation is a function of the ancientness of the event. A theory predicting that the dating of events would be a function of the amount of stored memories is discussed. Citer ce document / Cite this document : Lieury Alain, Caplain Patricia, Jacquet Alain, Jolivet Christian. La contraction du temps dans la datation des souvenirs anciens. In: L'année psychologique. 1979 vol. 79, n°1. pp. 7-21. doi : 10.3406/psy.1979.1349 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1979_num_79_1_1349

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Alain LieuryPatricia CaplainAlain JacquetChristian Jolivet

La contraction du temps dans la datation des souvenirs anciensIn: L'année psychologique. 1979 vol. 79, n°1. pp. 7-21.

RésuméL'étude de la localisation dans le passé de souvenirs anciens a été entreprise de façon expérimentale en faisant estimer par dessujets la date d'événements publics connus (mort de de Gaulle, la première greffe cardiaque sur l'homme, etc.). La tendancegénérale des résultats est la sous-estimation de la date des événements anciens (1960-1971), c'est-à-dire qu'on rapprochel'événement du présent ; la sous-estimation est fonction de l'ancienneté de l'événement. A l'inverse, la date des événementsrécents (de 1971 à 1973 dans cette expérience) est surestimée. La théorie selon laquelle le temps estimé serait fonction de laquantité de souvenirs stockés est discutée.

AbstractAn experimental study was performed to investigate the subject's ability to temporally locate memories about well-known events(e.g., the murder of president Kennedy, etc.). The main results indicated that dating of old events (1960-1971 in this experiment)is underestimated, while dating of recent events is overestimated. Furthermore, the underestimation is a function of theancientness of the event. A theory predicting that the dating of events would be a function of the amount of stored memories isdiscussed.

Citer ce document / Cite this document :

Lieury Alain, Caplain Patricia, Jacquet Alain, Jolivet Christian. La contraction du temps dans la datation des souvenirs anciens.In: L'année psychologique. 1979 vol. 79, n°1. pp. 7-21.

doi : 10.3406/psy.1979.1349

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1979_num_79_1_1349

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L'Année Psychologique, 1979, 79, 7-22

Laboratoire de Psychologie expérimentale et comparée1 Université René-D es caries et EPHE: 3e section

Associé au CNRS

LA CONTRACTION DU TEMPS

DANS LA DATATION

DES SOUVENIRS ANCIENS

par Alain Lieury, Patricia Caplain, Alain Jacquet et Christian Jolivet

SUMMARY

An experimental study was performed to investigate the subject's ability to temporally locate memories about well-known events (e.g., the murder of president Kennedy, etc.). The main results indicated that dating of old events (1960-1971 in this experiment) is underestimated, while dating of recent events is overestimated. Furthermore, the underestimation is a function of the ancientness of the event. A theory predicting that the dating of events would be a function of the amount of stored memories is discussed.

D'après une tradition théorique qui remonte à Aristote ( — 384, — 322), la mémoire humaine se caractérise par une référence au passé et implique donc la capacité d'estimer le temps. Aristote (ive siècle av. J.-C.) définit ainsi la mémoire dans De la mémoire et de la réminiscence : « c'est du passé qu'il y a mémoire ». « On doit, en effet, quand on se souvient en acte, se dire, à l'intérieur de son propre esprit, qu'on a antérieurement entendu, ou perçu, ou conçu telle chose. » « Par conséquent les animaux qui ont la perception du temps sont les seuls à être doués de mémoire, et l'organe par lequel nous percevons le temps2 est aussi celui par lequel nous nous souvenons. »

1. 28, rue Serpente, 75006 Paris. 2. Pour Aristote, cet organe était le cœur.

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8 A. Lieury, P. Caplain, A. Jacquet et C. Jolivel

II faut, semble-t-il, attendre la fin du xixe siècle, c'est-à-dire vingt-trois siècles plus tard, pour trouver des hypothèses plus précises sur les relations entre le temps et le souvenir. Hippolyte Taine (1914 ; lre éd., 1870) remarque que si nos souvenirs étaient parfaits, il nous faudrait le même temps pour nous rappeler un événement que le temps objectif qui nous sépare de lui, « il nous faudrait donc vingt-quatre heures pour nous rappeler une sensation de la veille. A cela la nature a remédié par reiïacement que subissent les images et par la propriété qu'ont certaines images eminentes d'être les substituts abréviatifs du groupe où elles sont incluses » (p. 213). « Plus l'événement est antérieur, plus l'effacement des images est grand » (p. 214). Néanmoins Taine ne déduit pas de ce mécanisme d'abréviation du souvenir qu'il conduit à une localisation temporelle erronée de l'événement, et il souligne que nous avons recours aux systèmes chronologiques (notamment le calendrier) pour effectuer cette localisation.

Théodule Ribot (1901) reprend ces hypothèses et relie plus explicitement l'estimation du temps à la localisation du souvenir : « Tout souvenir, si net qu'il soit, subit un énorme raccourcissement. « II cite comme preuve les travaux de Vierordt sur l'estimation du temps ; dans la situation de reproduction des battements de métronome, « l'intervalle des battements imités devenait trop long quand l'intervalle réel était court, trop court quand l'intervalle réel était long ». Il ajoute qu' « avec la complexité des états de conscience, l'erreur augmente encore... Si je me représente mes dix dernières années par une ligne longue d'un mètre, la dernière année s'étend sur 3 ou 4 dm ; la cinquième, riche en événements, s'étend sur 2 dm ; les huit autres se resserrent sur ce qui reste ».

Dans les recherches expérimentales contemporaines, le temps d'une part et la mémoire d'autre part ont considérablement été étudiés, mais, paradoxalement, très peu de recherches semblent avoir été entreprises sur le problème de la localisation temporelle des souvenirs tel qu'il a été posé par Taine et Ribot. On peut classer ces recherches en deux groupes : 1) la perspective temporelle (Wallace et Rabin, 1960) ou horizon temporel (Fraisse, 1967), et 2) la localisation temporelle d'événements anciens.

La perspective temporelle peut être définie comme « la totalité des vues d'un individu sur son passé psychologique et

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Datation des souvenirs anciens 9

son futur psychologique, existant à un moment donné » (Lewin, 1951, cité par Wallace et Rabin, 1960) ou comme « l'attitude à l'égard du temps » (Zelkind et Spilka, 1965), passé, présent et avenir. Dans une revue méthodique sur cette question, Fraisse (1967, chap. VI) montre que l'horizon temporel se construit chez l'enfant selon une même évolution que celle de la mémoire (en tant que conduite impliquant une référence au passé) et, symétriquement, les dissolutions pathologiques suivent un même cours pour la mémoire et pour l'horizon temporel, notamment dans le syndrome de Korsakov. L'auteur conclut en notant que « l'horizon temporel est une perspective construite à partir des indices que nous fournissent les repères temporels de notre expérience et par nos efforts pour organiser ensemble nos souvenirs en nous aidant de tous les principes possibles d'ordination temporelle ».

Néanmoins, si l'horizon temporel est lié à la mémoire en tant que conservation du passé, les deux problèmes ne se confondent pas car si l'horizon temporel inclut le passé, le présent et l'avenir, la mémoire n'inclut que le passé. Certes, on peut considérer que l'avenir est une construction dérivée des souvenirs (anticipations), mais il n'en reste pas moins une grande différence avec les souvenirs. Dans l'étude des attitudes face au futur (Future time perspective, Wallace et Rabin, 1960 ; Ruiz, Reivich et Krauss, 1967 ; Cottle, 1968), les événements énoncés par le sujet sont entièrement subjectifs et ne peuvent être comparés à l'événement objectif lui-même ; tandis que dans l'étude des souvenirs on essaie d'interroger le sujet sur des événements objectifs dont le contenu ou la date sont vérifiables.

La localisation temporelle des souvenirs n'a fait l'objet, à notre connaissance, que de deux publications. Dans l'une, Squire, Chace et Slater (1975) utilisent comme événements des programmes télévisés (ex. : Cimarron, Ma sorcière bien-aimée, etc.). Un titre est présenté parmi deux titres plus anciens de 5 ans et le sujet doit dire quel titre est le plus récent. Six périodes de 2 ans sont constituées, de 1962 à 1973 (l'année de l'expérience est 1974). Les résultats montrent que la discrimination temporelle est assez faible puisque les sujets sont capables de discriminer les programmes datant de 1 à 4 ans par rapport à des programmes plus vieux de 5 ans, mais que cette discrimination est très faible pour les programmes vieux de 5 à 17 ans.

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Dans un autre article, Marigold Linton (1975) décrit trois méthodes, mais une seule aboutit à des résultats. Les deux premières méthodes sont très proches, l'une de la méthode que nous avons utilisée (sans connaître à cette époque les travaux de Linton) dans l'expérience que nous rapportons ici, l'autre de la méthode que l'un de nous a utilisée avec d'autres collaborateurs (Lieury, Lépreux et Mellet ; expérience non publiée3, réalisée en 1975-1976).

La première méthode consiste à énoncer un événement ancien (exemple : un tueur a sauvagement assassiné huit infirmières dans leur chambre à Chicago) et à en demander la date ; la différence avec notre méthode est que l'auteur mterroge le sujet en lui posant plusieurs questions et en lui demandant de penser à voix haute. L'auteur semble avoir eu des problèmes à construire une variable dépendante à partir des récits des sujets et conclut que ceux-ci sont une reconstitution largement non mnémonique et il ne donne aucun résultat. La deuxième méthode, dénommée le « Que faisiez-vous ? », consiste à demander ce que le sujet faisait au moment d'un événement connu (exemple : quand Kennedy a été assassiné) ; mais l'auteur a également abandonné cette méthode lorsqu'elle s'est aperçue qu'un récit d'un sujet était faux (l'auteur ayant participé à l'événement). Dans l'expérience où nous avons utilisé une méthode similaire (Lieury, Lépreux et Mellet), nous avons contourné cette difficulté en prenant comme variable dépendante non pas l'exactitude du souvenir, mais les types d'accès ou de repères temporels utilisés.

La troisième méthode, retenue par Linton, a consisté à consigner elle-même à la fin de chaque journée un événement personnel, sur un carton au dos duquel sont inscrites la date et une évaluation (importance, degré d'émotion, etc.). Le rappel consiste, en début de chaque mois, à essayer d'ordonner tempo- rellement, à l'intérieur d'une paire, les événements (les cartons, côté récit) puis à essayer de trouver la date des événements. En vingt mois, 2 003 items ont été rassemblés et testés. Les résultats indiquent que l'ordre temporel dépend à la fois de l'intervalle temporel entre les événements d'une paire et de l'ancienneté de l'événement. Pour un intervalle de 5 à 8 jours, il n'y a pas d'erreur pour un événement ancien de 10 jours et l'erreur

3. A paraître dans Lieury, thèse d'Etat en préparation.

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Datation des souvenirs anciens 11

est maximum (50 % = réponse au hasard) après 8 mois. Pour un intervalle de 17 à 32 jours, il n'y a pas d'erreur jusqu'à 2 mois d'ancienneté et 20 % après 8 mois. Pour un intervalle de 1 mois, il y a peu d'erreur, quelle que soit l'ancienneté de l'événement. En ce qui concerne la datation absolue, l'erreur en valeur absolue va de 0 jour d'erreur pour un événement ancien de 2 à 8 jours, à 10 à 12 jours d'erreur pour les événements anciens de 4 mois à 1 an et demi.

En conclusion, les recherches sur la localisation temporelle des souvenirs4 sont encore imprécises et, même dans l'expérience de Linton, c'est l'oubli de la localisation temporelle qui est étudié et non l'hypothèse d'un raccourcissement temporel en fonction de l'ancienneté des souvenirs émise par Ribot. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons conçu une expérience dans laquelle les sujets doivent dater des événements publics connus. Si l'hypothèse de raccourcissement temporel se vérifie, les dates attribuées aux événements devraient en moyenne être plus proches du présent que les dates réelles.

TECHNIQUE DE L EXPERIENCE

Questionnaire et plan d'expérience

Un questionnaire a été construit, comprenant 50 descriptions d'événements qui se sont produits de 1960 à 1973 : le sujet doit indiquer la date de l'événement ; l'ordre des événements dans le questionnaire est au hasard et aucune date n'est inscrite. Le tableau I indique la nature des événements et leur date. Nous avons choisi 5 catégories différentes de 10 événements. Nous avons eu plus de difficultés à constituer des périodes chronologiques, car certaines années sont pauvres en événements connus (1964 et 1966). Nous avons finalement retenu 5 périodes chronologiques comprenant 8 à 12 événements : 1960 à 1962 (12 événements), 1963 à 1965 (11), 1966 à 1968 (9), 1969 à 1971 (8), 1972 à 1973 (10). Le choix des événements a été réalisé d'après

4. Citons également la recherche de Cohen, Hansel et Sylvester (1954) qui indique une relation linéaire entre l'estimation du temps (sur une ligne représentant le temps, de la naissance au présent) et le logarithme du temps écoulé depuis un événement donné. Malheureusement, les auteurs ne disent rien quant à la nature de ces événements.

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12 A. Lieury, P. Captain, A. Jacquet et C. Jolivet

Tableau I. — Dale et nature des événements

Cinq catégories regroupant chacune dix événements :

A) Evénements politiques

1960 Election de John F. Kennedy comme Président des Etats-Unis. 1961 Edification du mur de Berlin. 1962 Indépendance de l'Algérie. 1963 Assassinat de Kennedy à Dallas. 1967 La guerre des Six jours. 1968 Invasion de la Tchécoslovaquie par les Russes : le martyre

de Prague. 1969 Election de Pompidou comme Président de la République. 1970 Mort du général de Gaulle. 1972 Vietnam : signature du cessez-le-feu à Paris. 1973 Le scandale du Watergate.

B) Sciences et techniques

1960 Lancement du paquebot France à Saint-Nazaire. 1961 Le premier vol orbital d'un homme dans l'espace : Yuri

Gagarine. 1962 John Glenn : premier Américain dans l'espace. 1963 Valentina Tereschkova : la première femme dans l'espace. 1965 Ouverture du tunnel du Mont-Blanc. 1965 Prix Nobel de médecine à trois Français : A. Lwoff, J. Monod,

F. Jacob. 1967 Première tentative de greffe cardiaque par Christian Barnard. 1967 Mort de trois astronautes américains dans l'incendie d'Apollo IV. 1969 Neil Armstrong : le premier homme sur la Lune. 1973 Début de la crise de l'énergie.

C) Sports et exploits

1960 Les jeux Olympiques de Rome. 1962 M. Jazy bat les records du monde des 2 000 et 3 000 m. 1964 Les jeux Olympiques de Tokyo. 1965 G. Clay devient champion du monde de boxe toutes catégories. 1965 A. Calmât devient champion du monde de patinage artistique. 1968 Les jeux Olympiques de Mexico. 1971 J. Frazier devient champion du monde de boxe en battant C. Clay. 1972 Les jeux Olympiques de Munich. 1972 Le match d'échec du siècle : Fisher-Spassky. 1973 Mort du coureur automobile François Cevert.

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r

Datation des souvenirs anciens 13 D) Arts et Lettres 1960 Mort d'A. Camus dans un accident de voiture. 1962 Sortie sur les écrans du film Le jour le plus long. 1963 Mort d'E. Piaf et de Jean Cocteau. 1964 J.-P. Sartre refuse le prix Nobel de littérature. 1966 Sortie sur les écrans du film La grande vadrouille. 1967 Exposition Toutankhamon au Petit Palais à Paris. 1969 Sortie de la comédie musicale Hair en France. 1970 Mort de Bourvil. 1972 Sortie sur les écrans du film : Dernier tango à Paris. 1973 Mort de Picasso. E) Faits divers 1960 Entrée en vigueur du nouveau franc. 1962 L'affaire Mattéi. 1963 Le vol du train postal. 1965 L'affaire Ben Barka. 1967 Le naufrage du Torrey Canyon : la marée noire. 1968 L'affaire Markovic. 1970 La tragédie du Cinq-Sept. 1971 6 000 automobilistes bloqués par la neige sur l'autoroute entre Montélimar et Valence. 1972 L'affaire de Bruay-en-Artois. 1973 L'incendie du ces Pailleron.

un accord entre les expérimentateurs, mais nous avons sélectionné les événements de façon que ceux présentés dans le questionnaire soient bien individualisés, bien localisés dans le temps, et connus d'un large public.

Sujets et procédure

Les sujets sont au nombre de 10, 5 hommes et 5 femmes, âgés de 23 à 50 ans.

En 1960, date des événements les plus anciens, le sujet le plus jeune avait 6 ans et le plus âgé 33 ans. Le facteur « âge » introduit donc vraisemblablement une variabilité, mais pour une première expérience nous avons préféré obtenir des résultats ayant une certaine généralité sur le plan de l'âge. Ce facteur « âge » est pris en compte dans une expérience en cours.

La procédure est simple : on demande au sujet de donner

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14 A. Lieury, P. Caplain, A. Jacquet et C. Jolivet

la date de chaque événement. Le temps de passation est libre. Les sujets sont obligés de donner une réponse.

L'expérience s'est déroulée durant le 1er semestre de l'année 1977. Cette date constitue donc le présent pour l'analyse des résultats.

RESULTATS

Mesure de l'erreur temporelle et plan d'analyse

Le nombre de réponses exactes (date exacte) est faible, 21 %, comme cela était prévisible. La mesure la plus représentative de l'estimation de la date nous paraît être la différence, en valeur algébrique et en nombre d'années, entre la date estimée par le sujet et la date réelle. Si la date estimée est plus proche du présent, il y a sous-estimation de l'intervalle temporel (la note est négative) et si la date estimée est plus éloignée que la date réelle, il y a surestimation (la note est positive). Voici trois exemples, pour un événement qui s'est produit en 1971 :

— réponse du sujet : 1971 ; note = 0, — réponse du sujet : 1970 ; note = -f- 1 (surestimation), — réponse du sujet : 1974; note = — 3 (sous-estimation).

Pour l'analyse statistique des résultats, nous avons fait la moyenne algébrique de l'erreur temporelle pour chaque sujet et pour chaque modalité (cf. tableau II).

Nous avons ensuite réalisé une analyse de variance pour plan entièrement croisé (factoriel : Slo X P5 X C5) ainsi que des comparaisons spécifiques.

Les erreurs d estimation temporelle dans la datation

D'une manière générale, les sujets ont tendance à donner une date plus proche du présent que la date réelle, il y a sous- estimation du temps écoulé, en moyenne de 1,15 année sur l'ensemble des années étudiées (environ 17 ans) (F = 12,69 ; p < .0005). Plus précisément, cette erreur d'estimation varie en grandeur et en direction, en fonction de l'ancienneté de l'événement (fig. 1). De 1971 à 1960, plus l'événement est ancien, plus la sous-estimation est grande : celle-ci varie de — 0,67 année

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Datation des souvenirs anciens 15

à — 2,36 années (cf. tableau II). Au contraire, à partir de 1971, les sujets ont en moyenne tendance à donner une date plus éloignée du présent qu'elle ne l'est en réalité. Il y a surestimation temporelle, en moyenne de 0,72 année pour des événements datant de 1972 et 1973.

Les erreurs d'estimation temporelle se répartissent donc selon une courbe dont nous avons testé l'allure générale par des comparaisons spécifiques. La composante linéaire (courbe du premier degré ou « droite ») est très significative (F = 46,13 ; p < .0005). La composante quadratique (courbe du second degré ou parabole) est également significative, mais la part de variance considérée est petite (F = 3,84 ; p — .05). Les autres composantes ne sont pas statistiquement significatives. Comme la composante linéaire représente 90,8 % de la variance et la

Fig. 1. — Surestimation et sous-estimation du temps en fonction de l'ancienneté de l'événement. (La courbe en trait plein joint les valeurs réelles et la courbe en pointillés représente une estimation de la tendance moyenne calculée d'après l'équation statistiquement significative.)

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16 A. Lieury, P. Caplain, A. J acquêt et C. J olivet

composante quadratique 7,5 %, nous pouvons dire que l'erreur d'estimation temporelle augmente en fonction de l'ancienneté de l'événement (composante linéaire), mais que cette augmentation devient légèrement moins importante en fonction du temps (composante quadratique). Nous avons essayé de représenter graphiquement cette allure moyenne (fig. 1) en calculant les coefficients de chaque composante significative (Kirk, 1968, p. 123-124). La moyenne est de — 1,15, le coefficient de la composante linéaire est de .729 et le coefficient de la composante parabolique est de .178 ; l'équation résultante est Y = — 1,15 + .729 Xz + .178 Xp. En appliquant l'équation aux valeurs des polynômes orthogonaux (utilisés pour les comparaisons spécifiques), pour chaque période, on trouve les scores estimés qui sont reportés sur la figure 1 (courbe en pointillés).

L'influence du type d'événement

L'erreur temporelle faite à propos de la datation varie en fonction de la catégorie de l'événement et même en fonction des caractéristiques spécifiques de certains événements.

En ce qui concerne les catégories d'événements, on constate que les événements politiques sont assez bien datés (cf. tableau II), ce qui distingue cette catégorie des autres catégories (F = 11,23 ; p = .001), pour lesquelles l'erreur temporelle est importante. Cette différence « politique/non politique » représente 91,7 % de la variance ; il n'y a pas de différences entre les autres catégories.

On constate, à la lecture du tableau II, que les erreurs temporelles dans la datation ne sont que des tendances moyennes et que certains résultats s'en écartent notablement. Nous avons étudié plus précisément ces derniers.

Evénements politiques

Dans la période 1960-1962, la sous-estimation temporelle est faible ( — 0,4) et cela est dû à la fois à une estimation assez juste des dates « Kennedy » et « indépendance de l'Algérie » (cf. tableau I), et à une surestimation dans la datation de l'édification du mur de Berlin : en moyenne elle est de -j- 1

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Datation des souvenirs anciens 17

Tableau II. — Erreur temporelle moyenne (en années) en fonction de la période chronologique et du type d'événement

Périodes chronologiques Catégorie de l'évé- 1960- 1963- 1966- 1969- 1972- Moyenne nement 1962 1965 1968 1971 1973 générale Evéne

ments politiques

Sciences et techniques

Sports et exploits

Arts et lettres

Faits divers

Moyenne générale

— o,

1

— 3,

. g

3

4

632

1

55

15

— 1,4

— 4,364

— 1,564

— 0,35

— 1,35

-j- 0,8

— 2

— 2

— 2,05

. 3

— 0,75

+ 0,3

— 0,8

— 0,9

— 1,2

+

+

+

+

1,1

1,6

0,066

0,5

0,5

— 2,36 —1,80 —1,65 —0,67 +0,72

— 0,13

— 1,21

— 1,5

— 1,27

— 1,64

— 1,15

(une année), cinq sujets, dont deux qui ont vieilli l'événement de 6 à 9 années, ont fait une surestimation.

Dans la période 1966-1968, il y a une surestimation moyenne (-j- 0,8) entièrement due à l'éloignement temporel de l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie : 4 sujets ont correctement daté l'événement, les 6 autres ont fait une surestimation, en particulier 4 sujets ont vieilli l'événement de plus de sept ans. Il y a sans doute une confusion dans la mémoire des sujets entre cet événement (1968) et la révolution hongroise et l'intervention soviétique en 1956. Si cette interprétation est vraie, la réponse des sujets est une sous-estimation par rapport à 1956.

Evénements scientifiques et techniques

La période 1963-1965 est caractérisée par une très forte sous- estimation (plus de 4 années). L'événement « Tereschkova, première femme dans l'espace » (1963) a été rajeuni : 6 sujets ont situé cet événement au moins 4 années plus près du présent,

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18 A. Lieury, P. Captain, A. Jacquet et C. J olivet

notamment deux sujets l'ont daté 9 et 10 années plus tard que la date réelle.

De même, le prix Nobel de Monod, Jacob et Lwoff (1965) a été daté plusieurs années plus tard que la date réelle : 9 sujets ont fait une sous-estimation d'au moins 5 ans et jusqu'à 8 et 9 ans (3 sujets).

Sports et exploits

II n'y a pas dans cette catégorie de déviations particulières.

Arts et lettres

La sous-estimation est assez faible en moyenne pour la période 1963-1965. Ceci est dû à un vieillissement de l'événement « refus du prix Nobel par Sartre » (1964) : 4 sujets font une surestimation (+3, +5, + 6 et +10 ans).

Faits divers

Dans les faits divers, la date du naufrage du Torrey Canyon et de la marée noire (1967) est fortement sous-estimée, ce qui grossit l'erreur temporelle pour la période 1966-1968. Neuf sujets sur dix ont rapproché cet événement d'au moins 4 années. On peut peut-être interpréter ce rajeunissement par l'assimilation de l'événement aux préoccupations écologiques récentes.

DISCUSSION

La datation d'événements publics entraîne, pour nous résumer, deux types d'erreur temporelle :

1) Une surestimation du temps écoulé entre le présent (1977 dans notre expérience) et la date réelle de l'événement.

Pour un événement qui s'est produit en 1973 par exemple, la date estimée pourrait être 1972 (surestimation + 1). L'événement est vieilli et la période temporelle qui le sépare du présent est dilatée. Ce type d'erreur est trouvé dans notre expérience pour la période 1972-1973.

2) Le deuxième type d'erreur est une sous-estimation temporelle et il caractérise la datation d'événements anciens

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(de 7 à 17 ans environ). Par exemple, pour un événement représentatif de la moyenne comme l'entrée en vigueur du nouveau franc (1960), l'événement est situé par les sujets entre 1963 et 1964 ( — 3,5 en moyenne). Les événements anciens sont donc rajeunis, et la période temporelle subit une contraction, d'autant plus grande que l'événement est lointain (fig. 1).

Ces résultats confirment la conception de Taine et de Ribot. Et il existe même une similitude entre l'estimation temporelle du passé lointain et celle des intervalles courts. Ribot l'avait remarqué, et d'autres résultats expérimentaux abondent dans ce sens. Ainsi, dans l'estimation des intervalles de fractions de secondes ou de quelques secondes, il y a d'abord surestimation puis un intervalle ou point d'indifférence (de 0,6 à 0,8 s. : Fraisse, 1967, p. 125) pour lequel il n'y a pas d'erreur systématique, et enfin il y a sous-estimation pour les intervalles plus longs.

Lorsqu'il s'agit de durées aussi courtes que celles de l'ordre de la seconde, il est difficile de dire si la similitude de comportement avec l'estimation de périodes de plusieurs années repose sur des mécanismes analogues, mais cela est possible. Fraisse (1967, p. 231) notamment fait l'hypothèse générale que le temps perçu est fonction des changements perçus. Ainsi « tout ce qui contribue à augmenter ou à diminuer... la densité des changements remarqués a pour effet d'allonger ou de raccourcir la durée apparente » (p. 232). Ce processus psychologique hypothétique s'appliquerait donc autant à des durées courtes qu'à des périodes de plusieurs années (comme dans notre expérience). Ceci rejoint d'ailleurs Ribot qui disait : « Un déchet d'états de conscience est un déchet de temps » (p. 45).

Récemment, Ornstein (1969) a fait l'hypothèse que « l'expérience de la durée d'un intervalle est une construction formée à partir de la taille de son stockage » (p. 48). Il montre par exemple que, pour une même durée objective de 9 mn 20 s, un intervalle formé de 40 sons/mn est sous-estimé relativement à un intervalle formé de 80 sons/mn et qu'un intervalle de 120 sons/mn est surestimé. Block (1974) publie deux expériences qui démontrent le même fait ; par exemple, pour un temps constant de 180 s, la durée de présentation de 60 mots est surestimée par rapport à la durée de présentation de 30 mots. L'hypothèse que le temps estimé est fonction du nombre d'unités stockées est corroborée par le fait que le nombre de mots reconnus (la recon-

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naissance est le meilleur indicateur du nombre d'éléments stockés) est plus important pour la liste de 60 mots que pour celle de 30 mots.

L'estimation de la date d'un événement est donc vraisemblablement fonction du nombre de souvenirs conservés en mémoire- Ceci explique que plus l'événement est lointain, moins la période temporelle est riche en souvenirs et moins cette période paraît longue. A l'inverse, pour un événement récent, la période qui le sépare du présent est riche en souvenirs et, pour cette raison, surestimée. Le point d'indifférence est l'année ou la période qui se situe entre les zones de surestimation et de sous-estimation. Dans notre expérience, il se situe aux environs de 1971, mais il serait nécessaire de vérifier ce résultat dans une expérience appropriée permettant de tester de nombreux événements dans cette zone temporelle critique.

D'autres facteurs psychologiques viennent vraisemblablement compliquer le processus d'estimation temporelle en fonction du nombre de souvenirs. Ceci est notamment montré dans le cas des événements déviants. Certains événements semblent être confondus avec d'autres, « Tchécoslovaquie » et « Hongrie », « jeux Olympiques » ; d'autres paraissent être assimilés à un événement ou un groupe d'événements. Nous pensons que ces derniers servent de repères chronologiques (voir Lieury, Lépreux et Mellet, en préparation) ; ce pourrait être le cas du naufrage du Torrey Canyon qui a été très fortement sous-estimé. L'estimation temporelle, non par rapport au présent mais par rapport à des repères diversement répartis dans le temps, peut conduire à deux types d'erreurs. Au cours de la préparation du matériel d'une autre expérience sur la datation, l'un d'entre nous avait daté le mariage d'Onassis et de Jacqueline Kennedy en 1964. Comme cet événement s'est produit en 1967, l'erreur est donc une surestimation temporelle (-f- 3 ans), ce qui est contraire à la tendance moyenne de contraction du temps. Mais une analyse a montré que le processus de recherche de cet événement avait été fait en prenant la mort de Kennedy en 1963, comme point de repère. Ainsi, par rapport à ce point de repère chronologique, il y a sous-estimation temporelle : la période séparant la mort de Kennedy et le remariage de sa femme a été sous-estimée, un an au lieu de quatre. Nous pouvons donc faire l'hypothèse que lorsque la datation est faite à partir d'un point de repère, il y a sous-estimation par rapport au présent lorsque la date du

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repère se situe entre celle de l'événement et le présent, mais il y a surestimation lorsque le point de repère est antérieur à l'événement. Dans les deux cas, il y a une contraction du temps et c'est ce fait qui paraît caractériser la datation des souvenirs anciens.

RÉSUMÉ

L'étude de la localisation dans le passé de souvenirs anciens a été entreprise de façon expérimentale en faisant estimer par des sujets la date d'événements publics connus (mort de de Gaulle, la première greffe cardiaque sur Vhomme, etc.). La tendance générale des résultats est la sous- estimation de la date des événements anciens (1960-1971), c'est-à-dire qu'on rapproche l 'événement du présent ; la sous-estimation est fonction de l'ancienneté de l'événement. A l'inverse, la date des événements récents (de 1971 à 1973 dans cette expérience) est surestimée. La théorie selon laquelle le temps estimé serait fonction de la quantité de souvenirs stockés est discutée.

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(Accepté le 20 octobre 1978.)