La compétence universelle

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Kaltoum GACHI D.E.A. Droit pénal et Sciences pénales Université Panthéon – Assas (Paris II) Année Académique 1999-2000 Mémoire : La compétence universelle Sommaire Résumé Introduction Première Partie : La compétence universelle, une compétence stratégique Titre 1 : Une technique de règlement des conflits Chapitre 1 : Une technique de règlement des conflits de lois Chapitre 2 : Une technique de règlement des conflits de juridictions Titre 2 : Un instrument d’universalisation du droit Chapitre 1 : Une pénalisation du droit international Chapitre 2 : Une internationalisation du droit pénal Seconde Partie : La compétence universelle, une compétence illusoire Titre 1 : Les obstacles à la consécration absolue d’une telle compétence Chapitre 1 : L’obstacle théorique, le dogme de la souveraineté Chapitre 2 : Les obstacles pratiques, la preuve et la coopération internationale Titre 2 : Le mythe de l’ordre public universel Chapitre 1 : La notion d’ordre public universel Chapitre 2 : Les chances et les risques

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Kaltoum GACHI D.E.A. Droit pénal et Sciences pénales

Université Panthéon – Assas (Paris II)

Année Académique 1999-2000

Mémoire :

La compétence universelle

Sommaire

Résumé

Introduction

Première Partie : La compétence universelle, une compétence stratégique

Titre 1 : Une technique de règlement des conflits

Chapitre 1 : Une technique de règlement des conflits de lois

Chapitre 2 : Une technique de règlement des conflits de juridictions

Titre 2 : Un instrument d’universalisation du droit

Chapitre 1 : Une pénalisation du droit international

Chapitre 2 : Une internationalisation du droit pénal

Seconde Partie : La compétence universelle, une compétence illusoire

Titre 1 : Les obstacles à la consécration absolue d’une telle compétence

Chapitre 1 : L’obstacle théorique, le dogme de la souveraineté

Chapitre 2 : Les obstacles pratiques, la preuve et la coopération internationale

Titre 2 : Le mythe de l’ordre public universel

Chapitre 1 : La notion d’ordre public universel

Chapitre 2 : Les chances et les risques

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Résumé du Mémoire de D.E.A. Droit pénal et sciences pénales effectué par GACHI Kaltoum et intitulé :

La compétence universelle Le D.E.A. étant essentiellement axé sur le droit pénal interne, il s’est agi d’insister particulièrement sur les réactions du législateur et des juges français face à la compétence universelle sans négliger toutefois le droit international – le sujet relevant, par essence, de cette discipline – et les aspects de droit comparé. L’introduction est une présentation de la notion de compétence universelle ainsi qu’un cadrage de celle-ci dans son contexte. Par rapport aux autres systèmes attributifs de compétence pénale en matière internationale (territorialité, compétence personnelle active / passive, compétence réelle), l’universalité du droit de punir apparaît comme l’ultimum remedium afin de traquer des comportements hautement blâmables. Des données historiques importantes ont été soulevées qui mettent en exergue l’« irrésistible ascension » de la compétence universelle que prophétisaient certains auteurs. De l’évolution générale de la compétence universelle, on peut constater deux points qui ont constitués les axes de mon travail. D’une part, la finalité du système de la répression universelle évolue au gré de son rôle que l’on peut ainsi qualifier de stratégique. D’autre part, son étude suscite des interrogations quant à sa consécration absolue de sorte que l’on peut la targuer d’illusoire. La première partie a consisté à démontrer le caractère stratégique de la compétence universelle qui repose notamment sur le fait que celle-ci prend naissance à l’époque où la Communauté internationale était encore embryonnaire. De ce fait, la compétence universelle est apparu comme un moyen de régler des conflits latents de compétence entre Etats souverains. Ces conflits avaient trait à la fois aux lois et aux juridictions. - S’agissant des conflits de lois, la question se pose de savoir quelle loi le tribunal saisi en vertu de la compétence universelle va appliquer. Le principe de solution est celui de la solidarité des compétences législatives et judiciaires qui prône, à l’inverse de ce que connaît le droit international privé, l’application de la loi de l’Etat du lieu d’arrestation. Ce principe n’est pas sans susciter de sérieuses critiques liées notamment à la méconnaissance du principe de la légalité criminelle qu’il engendre. Ce principe de solidarité est d’autant moins justifié qu’il ne découle pas expressément des textes prévoyant la compétence universelle. D’ailleurs bon nombre d’Etats appliquent la lex delicti. Ceci nous a permis d’introduire des éléments de droit pénal comparé. - La compétence universelle est apparue également comme un moyen de régler les conflits de juridiction en posant la compétence des juges de l’Etat du lieu d’arrestation ou judex deprehensionis. Ces derniers ont le choix entre juger le délinquant en leur possession, et l’extrader pour qu’il soit jugé, ce qui se traduit par la formule aut dedere aut judicare. Cette alternative n’est pas à l’abri d’incertitudes que l’on a tenté de dissiper. Par exemple, en ce qui concerne l’extradition, s’agit-il d’une simple faculté ou d’une obligation ? Ou s’agissant cette fois du jugement, les juges de l’Etat d’arrestation doivent-ils juger stricto sensu ce qui reviendrait à faire fi du principe de l’opportunité des poursuites qui leur octroie justement la possibilité de ne pas juger. Autrefois moyen de règlement des conflits, aujourd’hui la compétence universelle est davantage un instrument d’universalisation du droit en tant qu’elle permet de rallier la plupart des Etats à la répression des infractions les plus graves. N’ont pas été abordées les infractions

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pouvant être commises par Internet, cette lacune pourra être comblée dans le cadre d’une mise à jour de notre recherche pour publication. L’universalisation du droit se traduit par une pénalisation du droit international que l’on stigmatisait d’ineffectif faute de sanctions pénales. Ce reproche tend à s’estomper du fait du développement de juridictions pénales internationales. Une brève histoire de ces juridictions, de Nuremberg à la future Cour pénale internationale, a été mentionnée, elle pourrait faire l’objet de plus amples développements (en incluant notamment la récente décision du Conseil constitutionnel) compte tenu de l’actualité marquée par les ratifications de plus en plus nombreuses au Traité de Rome. On a ensuite parlé de l’internationalisation du droit pénal où l’émergence d’infractions internationales par nature rend indispensable l’élaboration d’un Code pénal international. Ce point est amené à faire l’objet de précisions importantes. La seconde partie de notre travail tend à révéler le caractère illusoire de la compétence universelle qui ne peut être consacrée de manière absolue. Les raisons en sont à la fois liées à certains obstacles difficilement contournables et au mythe de l’ordre public universel. Au rang des obstacles, figure celui de la preuve car on comprendra que la recherche de celle-ci n’est pas aisée dans la mesure où l’infraction n’a pas, en toute logique, eu lieu dans l’Etat du lieu d’arrestation. Autre obstacle non négligeable, celui de la souveraineté de l’Etat lui-même ou de celui qui est censé l’incarner. Sur ce dernier point a été envisagée l’affaire Pinochet qui devrait être réactualisée. Enfin, nous avons tenté de définir l’ordre public universel à travers son titulaire : la Communauté internationale ? la Société internationale ? l’Humanité ? mais également à travers son éventuel contenu : somme des ordres publics internes ? ou transcendance des ordres publics internes ? Les chances et les risques de voir consacrée une telle notion ont été examinées : si les chances sont minimes du fait de la résistances des Etats mais également du législateur, les risques n’ont sont pas moins bénins. En effet, l’admission de la compétence universelle ne peut se faire en contrariété avec la bonne administration de la justice ou la légalité criminelle. Plus fondamentalement, l’on peut se poser la question de savoir si l’universalité du droit de punir ne constituerait pas un instrument d’hégémonie de certaines puissances. Il semble malgré tout, que ce point de vue ne puisse être admis et que le système de la répression universelle réalise un progrès du Droit dans la répression des infractions au droit des gens.

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Résumé du Mémoire de D.E.A. Droit pénal et sciences pénales effectué par GACHI Kaltoum et intitulé :

La compétence universelle Le D.E.A. étant essentiellement axé sur le droit pénal interne, il s’est agi d’insister particulièrement sur les réactions du législateur et des juges français face à la compétence universelle sans négliger toutefois le droit international – le sujet relevant, par essence, de cette discipline – et les aspects de droit comparé. L’introduction est une présentation de la notion de compétence universelle ainsi qu’un cadrage de celle-ci dans son contexte. Par rapport aux autres systèmes attributifs de compétence pénale en matière internationale (territorialité, compétence personnelle active / passive, compétence réelle), l’universalité du droit de punir apparaît comme l’ultimum remedium afin de traquer des comportements hautement blâmables. Des données historiques importantes ont été soulevées qui mettent en exergue l’« irrésistible ascension » de la compétence universelle que prophétisaient certains auteurs. De l’évolution générale de la compétence universelle, on peut constater deux points qui ont constitués les axes de mon travail. D’une part, la finalité du système de la répression universelle évolue au gré de son rôle que l’on peut ainsi qualifier de stratégique. D’autre part, son étude suscite des interrogations quant à sa consécration absolue de sorte que l’on peut la targuer d’illusoire. La première partie a consisté à démontrer le caractère stratégique de la compétence universelle qui repose notamment sur le fait que celle-ci prend naissance à l’époque où la Communauté internationale était encore embryonnaire. De ce fait, la compétence universelle est apparu comme un moyen de régler des conflits latents de compétence entre Etats souverains. Ces conflits avaient trait à la fois aux lois et aux juridictions. - S’agissant des conflits de lois, la question se pose de savoir quelle loi le tribunal saisi en vertu de la compétence universelle va appliquer. Le principe de solution est celui de la solidarité des compétences législatives et judiciaires qui prône, à l’inverse de ce que connaît le droit international privé, l’application de la loi de l’Etat du lieu d’arrestation. Ce principe n’est pas sans susciter de sérieuses critiques liées notamment à la méconnaissance du principe de la légalité criminelle qu’il engendre. Ce principe de solidarité est d’autant moins justifié qu’il ne découle pas expressément des textes prévoyant la compétence universelle. D’ailleurs bon nombre d’Etats appliquent la lex delicti. Ceci nous a permis d’introduire des éléments de droit pénal comparé. - La compétence universelle est apparue également comme un moyen de régler les conflits de juridiction en posant la compétence des juges de l’Etat du lieu d’arrestation ou judex deprehensionis. Ces derniers ont le choix entre juger le délinquant en leur possession, et l’extrader pour qu’il soit jugé, ce qui se traduit par la formule aut dedere aut judicare. Cette alternative n’est pas à l’abri d’incertitudes que l’on a tenté de dissiper. Par exemple, en ce qui concerne l’extradition, s’agit-il d’une simple faculté ou d’une obligation ? Ou s’agissant cette fois du jugement, les juges de l’Etat d’arrestation doivent-ils juger stricto sensu ce qui reviendrait à faire fi du principe de l’opportunité des poursuites qui leur octroie justement la possibilité de ne pas juger. Autrefois moyen de règlement des conflits, aujourd’hui la compétence universelle est davantage un instrument d’universalisation du droit en tant qu’elle permet de rallier la plupart des Etats à la répression des infractions les plus graves. N’ont pas été abordées les infractions

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pouvant être commises par Internet, cette lacune pourra être comblée dans le cadre d’une mise à jour de notre recherche pour publication. L’universalisation du droit se traduit par une pénalisation du droit international que l’on stigmatisait d’ineffectif faute de sanctions pénales. Ce reproche tend à s’estomper du fait du développement de juridictions pénales internationales. Une brève histoire de ces juridictions, de Nuremberg à la future Cour pénale internationale, a été mentionnée, elle pourrait faire l’objet de plus amples développements (en incluant notamment la récente décision du Conseil constitutionnel) compte tenu de l’actualité marquée par les ratifications de plus en plus nombreuses au Traité de Rome. On a ensuite parlé de l’internationalisation du droit pénal où l’émergence d’infractions internationales par nature rend indispensable l’élaboration d’un Code pénal international. Ce point est amené à faire l’objet de précisions importantes. La seconde partie de notre travail tend à révéler le caractère illusoire de la compétence universelle qui ne peut être consacrée de manière absolue. Les raisons en sont à la fois liées à certains obstacles difficilement contournables et au mythe de l’ordre public universel. Au rang des obstacles, figure celui de la preuve car on comprendra que la recherche de celle-ci n’est pas aisée dans la mesure où l’infraction n’a pas, en toute logique, eu lieu dans l’Etat du lieu d’arrestation. Autre obstacle non négligeable, celui de la souveraineté de l’Etat lui-même ou de celui qui est censé l’incarner. Sur ce dernier point a été envisagée l’affaire Pinochet qui devrait être réactualisée. Enfin, nous avons tenté de définir l’ordre public universel à travers son titulaire : la Communauté internationale ? la Société internationale ? l’Humanité ? mais également à travers son éventuel contenu : somme des ordres publics internes ? ou transcendance des ordres publics internes ? Les chances et les risques de voir consacrée une telle notion ont été examinées : si les chances sont minimes du fait de la résistances des Etats mais également du législateur, les risques n’ont sont pas moins bénins. En effet, l’admission de la compétence universelle ne peut se faire en contrariété avec la bonne administration de la justice ou la légalité criminelle. Plus fondamentalement, l’on peut se poser la question de savoir si l’universalité du droit de punir ne constituerait pas un instrument d’hégémonie de certaines puissances. Il semble malgré tout, que ce point de vue ne puisse être admis et que le système de la répression universelle réalise un progrès du Droit dans la répression des infractions au droit des gens.

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Introduction

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INTRODUCTION La compétence d’un Etat, en matière pénale, est internationale dès lors que la poursuite de l’infraction met en jeu un élément d’extranéité susceptible d’intéresser une pluralité d’Etats. Le droit international intervient alors pour édicter des chefs de compétence. Ainsi, en matière d’application de la loi pénale dans l’espace, l’Etat compétent, par principe, est celui sur le territoire duquel l’infraction a été commise. Cette compétence dite de la territorialité permet à la loi pénale de l’Etat sur le territoire duquel le fait délictueux a été perpétré de s’appliquer à tous les individus quelles que soient leur nationalité et celle de leurs victimes. Ce système jouit de la plus grande faveur de la part de la majorité des législations. Il est logique et fondé sur le bon sens dans la mesure où il est normal que le premier intéressé à la répression d’une infraction est l’Etat dont l’ordre public a été directement atteint. Prôner la seule et stricte application du principe de territorialité revient à se désintéresser totalement des res inter alios acta ou infractions commises à l’étranger. Ce qui risque de créer des failles dans la répression, laissant des comportements blâmables impunis. Or, certaines infractions perpétrées à l’étranger peuvent intéresser de manière plus ou moins directe la France. C’est pourquoi d’autres systèmes attributifs de compétence pénale ont été admis. Ainsi, si le fait délictueux a été commis par ou contre un français à l’étranger, la France peut revendiquer sa compétence. Il ne s’agit plus, dans cette hypothèse d’avoir égard au territoire proprement dit, mais à la nationalité des acteurs de l’infraction. Le système de la personnalité active est fondé sur la nationalité de l’auteur de l’infraction, et la personnalité passive sur celle de la victime. Si l’infraction commise porte atteinte à ses intérêts fondamentaux, la France peut se déclarer compétente en vertu du système dit de la réalité ou de protection que certains auteurs rangent parmi la personnalité passive estimant que la France est une victime, assez particulière il est vrai. Dans toutes ces hypothèses, la loi pénale d’un Etat peut trouver à s’appliquer alors même que l’infraction s’est entièrement réalisée à l’étranger. Ces différents titres de compétence ont pour point commun d’être fondés sur un solide lien de rattachement entre l’infraction et l’Etat revendiquant sa compétence. L’on perçoit aisément, à travers l’étude de ces systèmes, le but recherché qui n’est autre que la volonté d’assurer une répression optimale contre la criminalité. De ce point de vue, ces systèmes sont-ils suffisants pour traquer l’ensemble de la criminalité ? Rien n’est moins sûr : imaginons le cas d’une infraction en haute mer dont victime et auteur sont apatrides. Ce type de situation peut créer des impunités choquantes, c’est afin d’y remédier qu’intervient, comme ultimum remedium1, le principe de la compétence universelle.

1 H. Donnedieu de Vabres, Application de la loi pénale d’un Etat aux infractions commises par des étrangers hors de son territoire , in Mémoires de l’Académie Internationale de droit Comparé, Paris, Sirey 1935.

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Introduction

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Ce système est encore désigné sous les termes de répression universelle ou universalité du droit de punir. La compétence universelle est traditionnellement définie comme un système donnant vocation aux tribunaux sur le territoire duquel se trouve l’auteur d’une infraction pour connaître de cette dernière et ce, quel que soit le lieu de perpétration de l’infraction et la nationalité de l’auteur ou de la victime. Ce système ne se conçoit que si certaines conditions tenant à l’infraction sont réunies cumulativement. En effet, tout d’abord l’infraction doit avoir été commise à l’étranger, à défaut le principe de territorialité trouverait à s’appliquer. Ensuite l’infraction doit avoir été commise par un étranger. Enfin, l’infraction doit avoir été perpétrée contre des étrangers. Il faut également ajouter que le fait incriminé ne doit pas avoir nuit aux intérêts supérieurs de l’Etat français. A cet égard il importe de distinguer les infractions qui portent atteinte aux intérêts supérieurs de la France en vertu de la compétence réelle d’autres infractions qui portent atteinte aux intérêts supérieurs de la France mais qui elles, sont fondées sur la compétence universelle. Il faut signaler dès à présent que ces « intérêts supérieurs » de la France lésés à l’étranger s’entendent de ceux protégés par le titre premier du livre 4 du Code pénal. Par conséquent, de toutes les conditions énumérées on constate que si l’une d’elles fait défaut, les règles normales d’attribution de compétence trouvent à s’appliquer, c’est en ce sens que l’on désigne la compétence universelle d’ultime recours. Elle ne joue et ne prouve son réel intérêt que si aucune autre compétence ne peut trouver à s’appliquer. Selon le Professeur LOMBOIS2, la compétence universelle présente trois caractéristiques. En premier lieu, la poursuite peut avoir lieu par un Etat quelconque. L’on sera amené à constater par la suite qu’un lien de rattachement avec l’infraction est exigé même si celui-ci est assez ténu s’agissant de la compétence universelle. En deuxième lieu, cette compétence universelle, règle de procédure en principe, implique la compétence de la loi ou l’application de la loi du juge de l’Etat du lieu d’arrestation ou judex deprehensionis. Cette seconde caractéristique peut s’expliquer par la règle, qui tient lieu de tradition en France, de la solidarité des compétences judiciaire et législative. En dernier lieu, l’Etat sur le territoire duquel est arrêté le délinquant a le choix entre aut dedere aut judicare c’est-à-dire entre extrader ou juger, aspect sur lequel nous reviendrons particulièrement dans nos développements. On attribue souvent la paternité de la théorie de la compétence universelle à GROTIUS. Mais l’origine du concept est beaucoup plus lointaine. Historiquement, l’émergence du concept est allée de pair avec les premiers progrès effectués en matière de communication et de circulation. C’est ce qui explique que sous l’Antiquité, le problème ne se pose pas vraiment. Il ne se pose pas davantage à l’époque classique car même si les moyens de communication se développent, et la criminalité hors frontières étatiques par la même, il semble que seuls les meurtres commis à l’étranger par des étrangers contre des nationaux aient été pris en compte. 2 C. Lombois, Droit pénal international, Paris, Ed. Dalloz, 1971.

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Mais l’on sait que la compétence revendiquée de ce chef découle des règles normales de compétence personnelle passive. L’avancée devait être plus décisive avec le droit romain. En effet si la compétence territoriale fondée sur le domicile de l’inculpé se révélait dans la plupart des cas suffisante pour appréhender les comportements délictueux, on avait cependant admis des exceptions à cette compétence en faveur du lieu du délit ou forum loci delicti, et du lieu d’arrestation ou forum deprehensionis. Cependant, l’exercice de cette dernière compétence était tempéré par le fait que lorsque le gouverneur de province du lieu de commission de l’infraction demandait le délinquant au magistrat du lieu d’arrestation celui-ci était, semble-t-il, contraint de le livrer. On pouvait, déjà à cette époque, voir se profiler une ébauche de hiérarchie entre les compétences qui va se confirmer et se raffermir par la suite. Ceci étant dit, l’apport du droit romain dans la progression de l’idée de compétence universelle ne doit pas être exagéré dans la mesure où à l’époque, Rome ayant conquis l’empire du monde, ne formait qu’un seul et même Etat, par conséquent l’hypothèse dans laquelle le juge du lieu de commission de l’infraction qui demande à celui du lieu d’arrestation le délinquant ne déroge pas réellement aux règles normales de compétence puisque l’arrestation tout comme la commission de l’infraction ont lieu, par hypothèse au sein du même Empire. Le tournant est franchi avec la doctrine italienne des statuts relatée dans la « grande glose » par Accurse qui commente de façon audacieuse le Code de Justinien en assimilant lieu d’arrestation et lieu de domicile du délinquant, ce qui relève, sinon d’une certaine fiction au moins d’une interprétation « hardie » du texte3. En définitive, le concept de compétence universelle n’est donc pas nouveau même s’il connaît aujourd’hui un certain renouveau. Force est de constater que si au départ l’on réduisait de façon quelque peu schématique la compétence universelle à la piraterie, il n’en est plus de même aujourd’hui où l’on assiste véritablement à une prolifération de cas qui relèvent de cette compétence notamment par le biais de conventions internationales instituant des infractions internationales graves. Parmi ces traités l’on trouve : - Les quatre Conventions de Genève de 1949 ; - La Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants du 30 mars 1961 modifiée par le protocole de Genève du 25 mars 1972 ; - La Convention de la Haye pour la répression de la capture illicite d’aéronefs du 16 septembre 1970 ; - La Convention de Montréal pour la répression du crime d’apartheid du 30 novembre 1973 ; - La Convention des Nations Unies sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant de la protection internationale y compris les agents diplomatiques du 14 novembre 1973 ; 3 G. Guillaume, La compétence universelle. Formes anciennes et nouvelles, in Mél. Levasseur, Ed. Litec, 1992.

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Introduction

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- La Convention des Nations Unis contre la prise d’otages du 17 décembre 1979 ; - La Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants du 10 décembre 1984 ; - La Convention et le protocole de Rome pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et des plates-formes fixes situées sur le plateau continental du 10 mars 1988 ; - La Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 ; - La Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unis et du personnel associé du 9 décembre 1994. Si ces conventions concernent des domaines aussi vastes que variés, elles ont toutes pour point commun d’intéresser l’ordre public sinon « international »4 au moins de l’ensemble des Etats signataires. L’énumération de ces conventions montre que de la piraterie au génocide, la compétence universelle a beaucoup évolué au point que certains auteurs ont affirmé que «l’histoire de la compétence universelle est celle d’une lente mais irrésistible ascension», tant et si bien qu’il est possible de dégager deux lignes directrices illustrant cette ascension derrière laquelle se trame toute la philosophie de la compétence universelle. Tout d’abord il est possible de tirer de l’évolution générale de la compétence universelle, de son émergence jusqu’à nos jours, un enseignement. En effet, force est de constater que cette compétence a évolué dans sa finalité, au gré du temps et des circonstances, de sorte que l’on peut la qualifier de compétence stratégique. C’est ce que nous étudierons dans une première partie. Ensuite, il convient de signaler l’espoir que suscite cette compétence dans la mesure où elle tend au moins dans ses dernières manifestations à assurer l’ubiquité de la répression. Mais cet espoir n’est-il pas vain faute notamment pour la compétence universelle de pouvoir être consacrée de manière absolue ? C’est de son caractère illusoire dont nous discuterons dans notre seconde partie.

4 Voir seconde partie, titre 2.

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Première Partie-. La compétence universelle, une compétence stratégique

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PREMIERE PARTIE-. LA COMPETENCE UNIVERSELLE, UNE COMPETENCE STATEGIQUE Présentation La compétence universelle donne vocation au juge de l’Etat du lieu d’arrestation ( ou judex deprehensionis ) du délinquant présumé pour connaître de l’infraction commise par ce dernier. Depuis ces premières manifestations la compétence universelle est définie comme telle. Si le sens de ce système est resté inchangé, il n’en est pas de même de sa fonction. L’étude de l’universalité du droit de punir à travers le temps fait ressortir deux caractéristiques du rôle joué par cette compétence exceptionnelle. Ainsi, à l’époque où la notion de communauté internationale était encore embryonnaire, la compétence universelle a constitué le moyen de régler des conflits de compétence latents entre les Etats souverains dont les relations sont marquées par la compétition et la rivalité. Aujourd’hui, la compétence universelle est davantage l’instrument pour parvenir à une universalisation du droit, thème qui s’inscrit dans l’ère du temps. Retiendront notre attention le rôle de la compétence universelle en tant que technique tendant à régler les conflits de lois et de juridictions entre les Etats et sa fonction d’instrument d’universalisation du droit. Plan de l’étude TITRE 1-. UNE TECHNIQUE DE REGLEMENT DES CONFLITS TITRE 2-. UN INSTRUMENT D’UNIVERSALISATION DU DROIT

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Titre 1.1-. Une technique de règlement des conflits

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TITRE 1-. UNE TECHNIQUE DE REGLEMENT DES CONFLITS Le Professeur FOURNIER nous enseigne très justement que « l’étude de la compétence pénale étatique révèle combien chaque système répressif multiplie les titres en vertu desquels il s’arroge le droit de poursuivre et punir les faits que ses propres lois pénales érigent en infraction »5. La compétence universelle compte parmi ces titres par lesquels l’Etat s’arroge le droit de connaître une infraction qui, a priori, ne l’intéresse pas. A ce titre, l’universalité du droit de punir apparaît davantage comme un moyen de régler des conflits de compétences entre les Etats. Ces conflits peuvent porter sur deux aspects différents. En premier lieu, ils concernent la détermination de la juridiction compétente, ce qui pose des conflits de juridictions. Ainsi, si une infraction a été commise à l’étranger, par et contre un étranger, la compétence universelle permet de trancher en faveur de la compétence de l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé de l’infraction. La répression universelle joue alors le rôle d’une technique destinée à régler les conflits de juridictions entre Etats. Un chapitre sera consacré à l’étude de ce rôle (chapitre 2). Est-ce à dire, pour autant, que les difficultés, une fois déterminée la juridiction compétente, sont réglées ? Une réponse négative s’impose, car se pose la question de savoir selon quelle loi cette juridiction va se prononcer. On parle alors de conflits de lois. Sur ce point, même si la France admet, sans conteste, que ses tribunaux appliquent, une fois saisis, le droit pénal français, force est de constater que ce principe ne s’impose pas avec évidence. Le caractère préalable de la compétence législative à laquelle est subordonnée la compétence judiciaire souligné par LOMBOIS qui déclare : « En droit pénal, la loi est nécessairement présente avant l’infraction puisque c’est par rapport à elle que l’infraction est définie » nous conduit à étudier d’abord la compétence législative. L’étude de la compétence universelle en tant que technique de règlement des conflits de lois, sera donc exposée dans un premier point (chapitre 1).

5 A. Fournier, Conflits de lois.(matière pénale), in Rép. D. dr. int..

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Chapitre 1.1.1-. Une technique de règlement des conflits de lois

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CHAPITRE 1-. UNE TECHNIQUE DE REGLEMENT DES CONFLITS DE LOIS L’idée de conflit de loi en matière pénale ne fait pas l’unanimité en Doctrine. Ainsi certains auteurs affirment qu’il n’y a pas de conflit dans cette matière car « le droit pénal français détermine bien quelles infractions tombent ou non sous son application (…) ; ce faisant, le juge français détermine le champ d’application dans l’espace de la loi pénale (…) Mais on ne saurait dire qu’il résout un conflit de lois. En effet, s’il estime que le fait incriminé ne tombe pas sous le coup de la loi pénale française (…), il ne détermine pas, et il n’a pas à déterminer, quelle loi (étrangère) lui est applicable ; le juge saisit d’un fait de ce genre doit se déclarer incompétent »6. Pourtant, l’article 689-1 du Code de procédure pénale n’impose pas au juge français d’appliquer sa loi pénale. Il ouvre donc une brèche dans l’éventuelle application de la loi pénale étrangère. C’est, à notre sens, ce qui souligne l’intérêt qui doit être porté à l’étude des conflits de lois en matière pénale. Il n’est pas question pour nous d’envisager quelles sont les lois au sens large qui prévoient la compétence universelle mais de dire selon quel principe ces conflits de lois sont résolus. Il s’agit du principe de solidarité des compétences judiciaire et législative ( section 1 ) qui n’est pas à l’abri de toutes critiques ( section 2 ).

6 Batiffol, Lagarde, Traité de droit international privé, Paris, L.G.D.J., 8 ème édition, 1993, Tome I, n°245.

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Chapitre 1.1.1-. Une technique de règlement des conflits de lois

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Section 1-. Le principe de solidarité des compétences législative et judiciaire et ses implications Avant d’envisager les conséquences du principe de solidarité des compétences législative et judiciaire (§2), nous en préciserons préalablement le sens (§1). §1-. Sens et justifications du principe Ce principe traditionnel, en France, est de compréhension facile et trouve de solides justifications. A-. Le sens du principe Depuis le Moyen Age, le droit international privé dissocie les compétences législative et judiciaire. Qu’en est-il en matière pénale ? Le Tribunal saisi en vertu du système de l’universalité du droit de punir peut-il appliquer à l’infraction et à la sanction de celle-ci la loi pénale de l’Etat étranger ? A la différence du droit international privé, le droit pénal international retient la coïncidence des compétences législative et judiciaire. En effet, les tribunaux répressifs français, saisis de poursuites pénales à propos d’une infraction dotée d’un élément d’extranéité, applique leur propre droit pénal. Le principe de solidarité des compétences ne découle pas directement des textes qui prévoient la compétence universelle. Ce principe est fermement ancré dans la tradition juridique française et trouve, de surcroît, de solides justifications. B-. Les justifications du principe Le principe de solidarité est justifié à plusieurs titres. Tout d’abord, il trouve son fondement dans un autre principe, celui de la « territorialité de la loi pénale ». Cette règle de la territorialité de la loi pénale « ne signifie pas seulement que la loi française s’applique aux infractions commises en France ; elle veut dire également que la loi française est applicable chaque fois que les tribunaux français sont compétents » 7. La loi territoriale est ici synonyme de lex fori. Ensuite, il est certain que les juges français ne peuvent maîtriser l’ensemble des règles étrangères mais cet argument n’est pas décisif. En effet, les progrès technologiques peuvent constituer, pour le juge français, un précieux élément tendant à la connaissance par ce dernier de la loi pénale étrangère. 7 A. Decocq, G.Levasseur, Conflits de lois, Rép. D. dr. int. , n°6.

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Un argument plus déterminant, enfin, est à signaler. Si l’on prône l’application de la loi pénale étrangère, de quelle loi étrangère va-t-il s’agir ? D’aucuns opinent en faveur de la loi pénale de l’Etat dont est ressortissant l’auteur présumé des faits car seule cette loi est présumée connue de celui-ci. D’autres penchent, au contraire, pour la loi nationale de la victime. Qu’est-ce qui justifie que le juge français tranche en faveur de l’une ou de l’autre des deux solutions ? Dans cette optique, il semble préférable pour le juge français d’appliquer sa propre loi pénale. Ce qui permet d’éluder des conflits latents entre une pluralité d’Etats pareillement – au moins en théorie – intéressés à la répression d’une même infraction. A cet égard, l’expression de répression universelle pour désigner la compétence universelle est révélatrice de ce que, pour une catégorie d’infractions déterminées, tous les Etats ont une égale vocation à en connaître. §2-. Les implications du principe Ce principe a des implications à la fois pratiques et théoriques, envisageons-les successivement. A-. Implications pratiques Le principe de solidarité facilite, en quelque sorte, la tâche du juge français qui n’a pas à chercher et à appliquer une loi pénale étrangère. Il doit faire une application de sa loi nationale par le biais d’un raisonnement auquel il est accoutumé. L’on peut faire ici un parallèle avec la condition de réciprocité d’incrimination qui n’est pas exigée en matière de compétence universelle. Toutefois, le juge doit veiller au respect des principes fondamentaux qui régissent le droit pénal et la procédure pénale. S’agissant du droit pénal de forme, le principe de la présomption d’innocence doit être respecté puisque l’auteur des faits n’a, par hypothèse, pas encore été jugé. De plus, les règles relatives au procès pénal français doivent lui être appliquées. Pour l’auteur présumé, être jugé par la Patrie des droits de l’Homme n’est pas une mauvaise chose sachant que la France est soumise au contrôle supranational de la Cour européenne des droits de l’Homme. Les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales s’appliquent, en effet, à toute personne qui se trouve sous la juridiction d’un Etat partie à la Convention, sans condition de nationalité. Un individu appréhendé par les tribunaux français sur le fondement de la compétence universelle peut, par conséquent, utilement s’en prévaloir s’il estime que

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certaines dispositions de la Convention ont été violées comme le respect de règles élémentaires de justice et plus précisément l’exigence d’un procès équitable8. En cela, le rôle de cette juridiction n’est pas réellement novateur. Le droit de Nuremberg avait édicté parmi l’un de ses principes fondamentaux, le droit de « toute personne accusée d’un crime de droit international à un procès équitable tant en ce qui concerne les faits qu’en ce qui concerne le droit »9. Les pays de Common Law parle de fair trial, ce qui se traduit par procès loyal. Il est fondamental qu’une personne, quels que soient les crimes qui lui sont reprochés, bénéficie, comme tous les justiciables, d’un procès équitable. B-. Implications théoriques L’on peut dire, dans une certaine mesure, que le principe de la solidarité des compétences est conforme à la notion fondamentale qui se trame derrière la compétence universelle, celle de l’ordre public universel10. En ce sens, si l’Etat français intervient pour réprimer une infraction en vertu de la compétence universelle, il est censé le faire dans un souci de protection de tous les ordres publics parmi lesquels le sien est, par suite, inclus. Dans cette perspective, l’application de la loi de l’Etat français, intéressé à la répression, n’est pas vraiment contestable. C’est pourquoi, il est discutable, en revanche, d’affirmer que l’Etat qui intervient, en vertu de cette compétence, le fait dans un souci exclusif de protection de l’ordre public étranger. Une telle affirmation peut se comprendre dans la compétence par représentation, variante de la compétente universelle. Dans cette compétence par représentation, il s’agit pour l’Etat de juger une infraction à la demande de l’Etat du lieu où l’infraction a été commise. Dans cette dernière hypothèse alors, il est clair que l’Etat n’agit pas en son nom, ce qui n’est pas le cas en matière de compétence universelle stricto sensu. Un auteur fait d’ailleurs remarquer que : « la plupart des actes les plus graves qui troublent l’ordre social ( comme de celles justifiant l’universalité du droit de punir ) sont réprimés dans la quasi totalité des Etats, de sorte que prendre fait et cause en faveur de l’ordre public étranger aboutit à servir le sien propre »11. Si justifié puisse t-il paraître au premier abord, ce principe de solidarité des compétences législative et judiciaire fait l’objet de nombreuses critiques non dénuées de pertinence. Livrons-nous à une appréciation de ces critiques.

8 Art. 6-1 de la CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) ». 9 Principes de Nuremberg, principe n°5. 10 Sur l’ordre public universel, Voir titre 2, seconde partie. 11 A. Fournier, Conflits de lois ( matière pénale), Rép. int. D. int.

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Section 2-. Appréciations critiques du principe de solidarité des compétences La doctrine (§1) critique le principe de l’application d’une loi française à des faits dotés d’un élément d’extranéité. Elle dénonce le retrait de la France par rapport à ses voisins (§2). §1-. Eléments de critiques Nombreux sont les auteurs qui militent en faveur d’une dissociation des compétences. A-. Eléments doctrinaux La doctrine française invoque, au soutien de ses critiques, un argument de taille. Le principe de solidarité des compétences législative et judiciaire qui implique l’application d’une loi étrangère méconnaît le principe cardinal du droit pénal, celui de la légalité criminelle. Pour certains auteurs, s’il est utile qu’un délinquant arrêté en France soit poursuivi devant les tribunaux internes, il n’est pas acceptable qu’il soit jugé d’après une loi pénale (française) dont l’application était pour lui imprévisible. Un brocard latin, révélateur, énonce que moneat lex priusquam feriat ( la loi doit avertir avant de frapper). Mais il est vrai que ce principe n’a pas la même vitalité en droit international qu’en droit interne. La doctrine étrangère, est plus précisément néerlandaise dont l’un des plus fervents représentant était MATTHAEUS, préconisait pour la compétence du forum deprehensionis l’application de la lex delicti. B-. Eléments de droit pénal comparé La France fait preuve de réticences face à l’application d’une loi étrangère pourtant pratiquée, de manière plus ou moins partielle, par bon nombre de ses voisins. Ainsi, le Code pénal yougoslave prévoit que si l’auteur étranger d’une infraction commise à l’étranger contre un ressortissant est trouvé sur le territoire yougoslave, le tribunal appliquera la loi yougoslave sans pouvoir « prononcer une peine plus forte que celle prescrite par la loi du pays où l’infraction a été commise ». Le Code pénal tchécoslovaque ( article 20-2) et le Code pénal suisse ( article 6 bis ) édictent des dispositions similaires. Une résolution de l’Institut de Droit International de 1983 avait annoncé « lorsqu’un Etat intente des poursuites contre la personne dont l’extradition est demandée (…) si le tribunal saisit de telles poursuites déclarait l’accusé coupable, il devrait

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lui infliger une peine (…) similaire à celle qui aurait été prononcée en vertu de la loi de l’Etat concerné dans un cas analogue »12. §2-. Pour une dissociation des compétences législative et judiciaire A-. Une dissociation permise par la nature procédurale de l’universalité du droit de punir Comme son nom l’indique, la compétence universelle est une règle de procédure destinée à régler la question de la détermination de l’Etat compétent pour connaître d’une infraction. C’est la raison pour laquelle on peut penser que cette règle, de nature procédurale, n’a pas vocation à régler les problèmes de fond qui relèvent de l’appréciation discrétionnaire du juge du lieu d’arrestation. Ce dernier peut donc appliquer la loi qui lui paraît la plus opportune par rapport à l’espèce qui lui est soumise. La nature fondamentalement procédurale de la compétence universelle le lui permet. Cette nature est tirée de l’insertion dans le Code de procédure pénale des règles ayant trait à la compétence universelle ( articles 689-1 et suivants). Le législateur lui même a qualifié la loi du 22 mai 1996 établissant le TPIR de loi de procédure, la soumettant, de la sorte, au principe de l’application immédiate. Il en résulte que l’application de la loi étrangère ne soulèverait aucun obstacle majeur, le législateur lui-même n’ayant pas formellement écarté cette possibilité. En outre, le juge saisi d’une infraction comprenant un élément d’extranéité s’est déjà permis d’appliquer une loi étrangère. Dans un jugement rendu le 20 novembre 1969 par un tribunal militaire13, dont les sanctions relèvent aujourd’hui de la « matière pénale » au sens européen du terme, il a été clairement fait application de la loi pénale allemande. Si l’hypothèse était un peu particulière et ne concernait pas la compétence universelle, elle est assez révélatrice de ce que les juges français peuvent faire application d’une loi étrangère, application au demeurant hautement souhaitable et recommandée en matière de répression universelle. B-. Une dissociation imposée par le principe-même de la compétence universelle La répression universelle conduit le juge du lieu d’arrestation du délinquant présumé à connaître de la situation de celui-ci qui est réputé avoir commis un acte révoltant la conscience universelle. L’application de la loi étrangère en cette matière se révèle nécessaire à deux points de vue.

12 Résolution de l’Institut de droit international, 1 septembre 1983, RGDIP 1984, p. 554. 13 Tribunal militaire 20 novembre1969, JCP 1970 II 16540.

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D’une part, l’application de la loi française est injuste en ce qu’elle repose sur l’événement tout à fait fortuit que constitue l’arrestation. En effet, certains auteurs, sur ce point, invoquent le caractère accidentel de la lex fori. LOMBOIS exprime cette idée en ces termes : « s’il n’y a pas d’inconvénients à ce qu’une infraction soit jugée par tel juge plutôt que par tel autre, il n’est pas admissible, en revanche, qu’un même fait soit objectivement différent suivant que se sera produit en tel ou tel lieu cet événement casuel extérieur à l’agissement répréhensible, qu’est l’arrestation. La loi qui régit l’infraction doit être fixée par les circonstances de cet agissement même, sans être affectée par des péripéties ultérieures. Autrement dit, le même fait doit être apprécié suivant la même loi, quel que soit le juge désigné par le hasard de l’arrestation »14. D’autre part, l’essor du système de la compétence universelle suppose l’abandon de l’application de la loi française. On ne peut mieux dire à ce propos que STOUFFLET qui note que : « le refus d’application de la loi répressive étrangère crée un obstacle absolu (…) à l’adoption du système de la compétence universelle, nécessaire cependant pour assurer efficacement la défense sociale et saisir les états dangereux (…). L’efficacité de la répression exige une extension de la compétence juridictionnelle des tribunaux répressifs et en conséquence une reconnaissance de la compétence de la loi étrangère ». Il ressort de tous ces éléments que la compétence universelle suppose l’abandon de l’application de la loi de l’Etat du lieu d’arrestation, laquelle se concilie mal avec la nature intrinsèque de la compétence universelle.

14 C. Lombois, Droit pénal international, Dalloz,1971

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CHAPITRE 2-. UNE TECHNIQUE DE REGLEMENT DES CONFLITS DE JURIDICTIONS En droit international, régler un conflit de juridiction c’est déterminer la juridiction de l’Etat compétente. Lorsqu’une infraction présente un élément d’extranéité, la question se pose de savoir quelle juridiction étatique va en connaître. La compétence universelle tranche cette question en faveur de l’Etat sur le territoire duquel se trouve et est arrêté le délinquant présumé. Le critère de règlement du conflit de juridiction, ou lien de rattachement est donc celui de la présence de l’auteur dans l’Etat du lieu d’arrestation. Les juges du lieu d’arrestation ou judex deprehensionis (section 1) vont être chargés de statuer sur son sort. Une fois trouvé et arrêté le délinquant présumé, il incombe au judex deprehensionis soit de le juger soit de l’extrader. Cette alternative est désignée sous la formule aut dedere aut judicare ( section 2). Toutes ces idées proviennent de l’éminent auteur de l’ouvrage « Du droit de la guerre et de la paix ». Mentionnons un court extrait illustrant notre propos : « Un Etat ne permet pas ordinairement qu’un autre Etat envoie sur ses terres des agents armés pour prendre les criminels qu’il veut, et cela aussi serait sujet à de fâcheux inconvénients. Il faut donc que l’Etat, sur les terres duquel se trouve le coupable, atteint et convaincu fasse de deux choses l’une, ou qu’il punisse lui-même le coupable à la réquisition de l’autre Etat, ou qu’il le remette entre ses mains pour le punir comme il jugera à propos »15.

15 H. Grotius, Du Droit de la Guerre et de la Paix, Trad. de J. Barbeyrac, Amsterdam, 1729, Tome 2, Livre II, pp. 132-133.

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Section 1-. Critère de règlement du conflit, le judex deprehensionis Il nous faut d’abord envisager le critère tant dans sa signification que dans ses justifications(§1). Ensuite, nous examinerons les conditions posées à sa mise en œuvre (§2). §1-. Le judex deprehensionis, sens et justification du critère Il faut examiner la signification du critère et ses justifications A-. Signification du critère D’emblée, il nous faut souligner que l’exercice de la compétence universelle n’est pas soumis à une dénonciation officielle, exigée pour d’autres titres de compétence. En pratique, il est vrai que l’Etat qui dénonce aurait davantage intérêt à réclamer l’extradition du délinquant plutôt que de dénoncer une infraction qui par hypothèse l’intéresse, autrement il n’aurait effectué de dénonciation. De même, la réciprocité d’incrimination n’est nullement requise. Mais la compétence universelle concerne des infractions tellement graves qu’il est peu probable qu’elles ne soient pas incriminées et sanctionnées dans les autres Etats et particulièrement dans celui sur le territoire duquel le fait délictueux a été perpétré. L’absence de ces deux conditions conduit à valoriser le seul critère valable en matière de compétence universelle, la présence et l’arrestation du délinquant. Le judex deprehensionis, expression latine de ce critère, vise à désigner comme compétents les tribunaux de l’Etat sur le territoire duquel se trouve le délinquant présumé d’une infraction pour arrêter ce dernier et décider de son sort. Il résulte de l’application de ce critère une conséquence importante. La France qui admet le principe de la condamnation par défaut ne peut en faire application puisque la compétence universelle suppose la présence du délinquant présumé. B-. Justification du critère Le recours à ce critère est doublement justifié. D’abord, il est conforme à l’impératif de lutte efficace contre la criminalité, qui sous-tend la compétence universelle, car il permet de juger le délinquant là où on le saisit. Le judex deprehensionis apparaît alors comme le complément naturel du judex loci. « L’Etat du lieu d’arrestation intervient, à défaut de tout autre Etat, pour éviter, dans un intérêt humain, une impunité scandaleuse. Il suit de là que son intervention a un caractère très subsidiaire. Elle ne se manifeste que si l’Etat qui juge a le délinquant en sa possession ». Quel que soit le lieu de commission de l’infraction, le délinquant doit rendre

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compte de l’infraction qu’il est réputé avoir commise car celle-ci est trop odieuse pour rester impunie. Ainsi, l’attribution d’une compétence au judex deprehensionis « donne satisfaction à un besoin de sécurité, à un sentiment élémentaire de justice »16. Ensuite, le recours à ce critère peut s’expliquer par une autre raison, qui recoupe dans une certaine mesure la précédente. Il est préférable pour le délinquant lui-même d’être jugé sur le territoire qui l’a appréhendé, quels que soient sa nationalité et le lieu où il a commis l’infraction car : « de même qu’un individu contagieux ou incurable est isolé ou interné à l’endroit où il est découvert, sans que les autorités s’occupent de savoir s’il est étranger ou non, s’il a contracté la maladie dans le pays ou hors des frontières »17. Il faut également avouer que le jugement du délinquant par les juges de l’Etat d’arrestation constitue également pour ce dernier un moyen de se préserver contre ce délinquant dangereux. §2-. Evolution du judex deprehensionis, conditions posées à sa mise en œuvre Au fur et à mesure que progresse l’idée de compétence universelle, les conditions de son exercice s’affinent. A-. Une présence effective Un arrêt particulièrement révélateur doit être mentionné et souligné. Il s’agit de l’arrêt JAVOR rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 26 mars 199618. Dans cette affaire, des ressortissants Bosniaques résidant en France, avaient déposé plainte avec constitution de partie civile pour crimes de guerre, torture, génocide, crimes contre l’humanité. Il s’agissait d’un cas de compétence universelle pour lequel le juge d’instruction s’était déclaré compétent. Sur l’appel du Ministère public, la Chambre d’accusation déclare le juge incompétent en énonçant notamment que la compétence des juridictions françaises, prévue par les articles 689-1 et 689-2 du Code de procédure pénale, résulte d’un élément objectif et matériel de rattachement, consistant en la présence des auteurs présumés sur le territoire français et qu’en l’espèce, aucun indice de cette présence en France n’existait. La Cour de cassation approuve cette solution et estime que la cassation n’est pas encourue. En effet, pour la Haute juridiction : « la présence en France de victimes de telles infractions ne saurait à elle seule justifier la mise en mouvement de l’action publique, dès lors que, comme en l’espèce, les

16 H. Donnedieu de Vabres, Les principes modernes du droit pénal international, Paris, Sirey, 1928, pp.135 et 445. 17 V. Pella , La criminalité collective des Etats et le droit pénal de l’avenir, 2ème édition, p. 166. 18 Cass. Crim. R., 26 mars 1996 ; Javor Elvir et autres, Juris-Data n° 001513. Droit pénal, JCP juin 1996, n°131.

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auteurs ou complices soupçonnés de ces infractions n’ont pas été découverts sur le territoire français ». Il faut également mentionner l’arrêt WENCESLAS ou affaire du « prêtre rwandais »19. Ce prêtre, résidant en France, était soupçonné d’avoir, alors qu’il exerçait son ministère dans une paroisse de Kigali, collaboré à l’extermination de l’ethnie tutsie en participant notamment à la sélection des personnes destinées à être massacrées. La Cour d’appel infirma l’ordonnance du juge d’instruction de Privas qui avait décliné sa compétence. Son raisonnement consistait à relever que les faits de l’espèce devaient être considérés selon leur plus haute acception, celle de génocide et que la Convention relative à ce crime subordonne la compétence universelle à la création d’une Cour criminelle internationale non encore mise en place. Mais un autre argument était soulevé non censuré par la Cour de cassation et devant donc être tenu pour valable. La Cour d’appel avait estimé que : « la présence du mis en examen dans le département de l’Ardèche n’entraîne pas la compétence du juge d’instruction de Privas pour connaître de crimes commis à l’étranger, par un étranger sur des étrangers ». On en déduit que la présence de l’auteur en France n’implique pas ipso facto la compétence de cette dernière pour connaître de l’infraction. Il faut, surtout, que la saisine des tribunaux soit régulière c’est-à-dire notamment fondée sur des textes de lois correspondant à la situation de faits et applicables à l’espèce considérée. C’est ce qui explique la décision de la Cour de cassation qui casse l’arrêt estimant que la qualification de génocide n’est pas la seule applicable en l’espèce et que la loi du 22 mai 1996 qui institue un T.P.I.R. est applicable aux procédures en cours. La saisine des tribunaux français était donc régulière et la présence effective de l’intéressé en France démontrée. B-. Une présence volontaire Peut-on sous couvert de réprimer une infraction entrant dans le cadre de la compétence universelle enlever l’auteur de celle-ci afin que justice soit faite ? Un cas avait concerné la compétence réelle, il s’agit de l’arrêt ARGOUD20. Les faits de l’espèce étaient les suivants, Argoud, ex-colonel de l’armée française ayant rejoint l’Organisation de l’Armée Secrète dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie fut condamné par un tribunal militaire français pour la commission d’activités politiques contre l’autorité de l’Etat français. Alors qu’il s’était réfugié en ex-République Fédérale de l’Allemagne, il fut enlevé par les services de la Préfecture de police de Paris et ramené et incarcéré en France en 1963. Jugé par la Cour de sûreté de l’Etat, il forma un pourvoi en cassation estimant que son enlèvement avait été effectué au mépris des règles élémentaires du droit international. La Cour de cassation dans son arrêt du 4 juin 1964 a estimé que : « les

19 Cass. Crim., 6 janvier 1998 ; Procureur gén. près C.A Nîmes et autres, JCP 1998 II 10158. 20 Cass.Crim., 4 juin 1964, Argoud, Bull.n°192.

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conditions dans lesquelles un inculpé (…) a été appréhendé et livré à la justice, (…) ne sont pas de nature, si déplorables qu’elles puissent apparaître, à entraîner, par elles-mêmes, la nullité de la poursuite, dès lors que la recherche et l’établissement de la vérité ne s’en sont pas trouvés viciés fondamentalement, ni la défense mise dans l’impossibilité d’exercer ses droits devant les juridictions d’instruction et de jugement (…) ». Il est vrai que cet arrêt ne concernait pas la compétence universelle mais compte tenu des termes généraux employés par la Cour, l’on peut penser qu’il a vocation à s’y appliquer. Mais il convient de nuancer notre propos car dans cette hypothèse les intérêts de la France étaient directement atteints, c’est pourquoi il s’agissait de compétence réelle. Or en matière de compétence universelle cette hypothèse est peu vraisemblable car l’on voit mal la France faire preuve d’autant de « zèle » à l’égard d’un infracteur qui n’a pas sensiblement troublé son ordre public. Quoi qu’il en soit, cette solution nous paraît contestable dans la mesure où l’enlèvement d’une personne constitue juridiquement une voie de fait. Section 2-. Conséquences du critère, aut dedere aut judicare Les tribunaux de l’Etat du lieu d’arrestation sont soumis à ce que généralement les auteurs considèrent comme une alternative, soit extrader le délinquant (§1), soit le juger (§2). §1-. Aut dedere ou extradition du délinquant L’extradition du délinquant pose des problèmes considérables liés à l’absence de règles de priorité dans l’octroi de l’extradition. L’extradition soulève également la question de savoir si celle ci s’impose ou non au judex deprehensionis. A-. Les données du problème, l’absence de règles de priorité dans l’octroi de l’extradition Une infraction présentant un élément d’extranéité met en jeu une pluralité d’Etats intéressés à sa répression. Des demandes d’extradition peuvent, alors, être adressées à l’Etat du forum deprehensionis. On songe, en premier lieu, à l’Etat du lieu de commission de l’infraction qui est, évidemment et directement, concerné. L’on peut également penser, en second lieu, à l’heure où on parle tant de la participation de la victime au procès pénal, à l’Etat national de cette dernière qui peut avoir une sorte de droit moral pour connaître de l’infraction. En troisième lieu, on peut imaginer que l’Etat dont est ressortissant l’auteur présumé de l’infraction demande son extradition. Enfin, en quatrième lieu, l’Etat dont les intérêts

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fondamentaux ont été lésés peut également requérir l’extradition. Quelle solution le judex deprehensionis doit prendre face à une telle situation ? Le problème vient de l’absence de règles de priorité dans l’octroi de l’extradition. Une seule convention établissant compétence universelle fait exception à cette règle. C’est la Convention de Rome du 10 mars 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime21. La pratique des Etats montre qu’en général l’Etat du lieu d’arrestation opte en faveur de l’Etat du lieu de commission de l’infraction car c’est à cet endroit que l’ordre public a été directement lésé. B-. Obligation ou faculté d’extrader pour l’Etat d’arrestation ? Si l’Etat d’arrestation refuse d’extrader se pose la question de savoir ce qui peut servir de justifications à ce refus. Les conventions internationales ne sont pas d’un grand secours. Ainsi, l’article 7 de la Convention européenne pour la prévention du terrorisme du 27 janvier 1977 dispose : « un Etat contractant sur le territoire duquel l’auteur, soupçonné d’une infraction visée à l’article 1er est découvert et qui a reçu une demande d’extradition (…) soumet, s’il n’extrade pas l’auteur soupçonné de l’infraction, l’affaire sans aucune exception et sans retard injustifié à ces autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale ». Dès lors, il faut se rapporter au droit interne de chaque Etat. En droit français, un certain nombre de conditions sont posées. A défaut, la France est fondée à ne pas accorder l’extradition et son refus se trouve alors justifié. Ces règles sont les suivantes. Tout d’abord, la personne ne doit pas pouvoir justifier de « la clause humanitaire », c’est à dire d’une situation personnelle (âge, santé…) contraire à l’extradition. Ensuite, l’Etat requérant ne doit pas demander l’extradition dans un but politique22 ou aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques. De plus, l’extradition ne doit pas être demandée pour le jugement d’une infraction politique ou militaire ou pour l’exécution d’une peine prononcée pour de telles infractions. Cependant, les conventions relatives notamment au terrorisme et à la piraterie prévoient l’extradition des délinquants nonobstant l’aspect politique de l’infraction ou de la demande d’extradition. Enfin, l’Etat requérant doit assurer à la personne qu’il va juger ou dont il va exécuter la

21 Article 11 § 5 : « Un Etat qui reçoit plus d’une demande d’extradition émanant d’Etats qui ont établi leur compétence, conformément aux dispositions de l’article 7 et qui décide de ne pas engager de poursuites tient dûment compte, lorsqu’il choisit l’Etat vers lequel l’auteur ou l’auteur présumé de l’infraction doit être extradé, des intérêts et responsabilités de l’Etat partie dont le navire battait le pavillon au moment de la perpétration de l’infraction ». 22 CE, 3 juillet 1996, Koné, dans cet arrêt le Conseil considère l’interdiction d’extrader lorsque l’extradition est demandée dans un but politique comme « un principe fondamental reconnu par les lois de la République », JCP, 1996, II 22720.

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condamnation toutes les garanties nécessaires à sa défense et à la protection de la liberté individuelle. A ce titre, l’extradition sera refusée si le jugement doit être prononcé par un tribunal d’exception ou encore si la peine de mort peut être prononcée ou appliquée. Il a cependant été admis qu’une extradition était possible alors que la peine de mort était encourue dans l’Etat requérant dès lors que cet Etat « donne des assurances suffisantes que cette peine ne soit pas prononcée ou pas exécutée »23. §2-. Aut judicare ou jugement du délinquant Attachons-nous aux différents problèmes posés par le jugement du délinquant en insistant particulièrement sur le caractère obligatoire ou facultatif du jugement à défaut d’extradition. A-. Les données du problème, la question du caractère obligatoire du jugement à défaut d’extradition Si l’Etat d’arrestation refuse d’extrader, est-il néanmoins contraint de juger le délinquant ? La doctrine est partagée s’agissant de la réponse à apporter à cette question. Pour le Professeur BASSIOUNI, la norme aut dedere aut judicare constitue une alternative. Si l’extradition n’est pas accordée ou n’est pas demandée, le jugement du délinquant ou sa poursuite est impératif. GROTIUS va dans le même sens lorsqu’il écrit « un Peuple ou un Roi n’est pas tenu précisément et indispensablement de livrer les coupables, mais de les livrer, ou de les punir »24. Dans l’affaire de Lockerbie25 concernant l’application de la Convention de Montréal de 1971, les juges ayant eu à statuer sur cette affaire se sont prononcés clairement sur cette question. Ils ont déclaré « il n’existe pas en droit international général d’obligation des poursuites à défaut d’extradition. Si une telle formule a été préconisée par une partie de la doctrine depuis Covarruvias et Grotius, elle n’a jamais fait partie du droit positif. Dans ces conditions, tout Etat est libre de solliciter une extradition et tout Etat est libre de la refuser. En cas de refus il n’est pas tenu d’engager des poursuites ». En tout état de cause, si l’Etat d’arrestation n’extrade pas, le jugement du délinquant peut-il se traduire par un classement sans suite ?

23 CE 15 octobre 1993, Davis Aylor, (pour une Américaine réclamée par le Texas), JCP 1994, II 22257. 24 Ibid. 25 CIJ, Rec., 1992, p.24.

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Chapitre 1.1.2-. Une technique de règlement des conflits de juridictions

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B-. Obligation ou faculté de juger, le principe de l’opportunité des poursuites en cas de compétence universelle Aut judicare signifie juger. Or, ce jugement ne se traduit pas nécessairement par une condamnation dans la mesure où en France la poursuite est guidée notamment par le principe de l’opportunité des poursuites, pouvant entraîner un « classement sans suite ». Mais ce principe est-il applicable à l’égard d’un délinquant présumé d’une infraction grave entrant dans le cadre de la compétence universelle ? Les conventions prévoyant la compétence universelle utilisent des formules vagues qui laissent place à l’incertitude. L’article 7 de la Convention de la Haye et de Montréal dispose : « l’Etat contractant sur le territoire duquel l’auteur présumé de l’infraction est découvert, s’il n’extrade pas ce dernier, soumet l’affaire, sans aucune exception et que l’infraction ait été ou non commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet Etat ». L’expression « conformément aux lois de cet Etat » fait-elle place pour un classement sans suite ? Aucune des conventions prévoyant la répression universelle ne répond de façon claire et précise à cette question. Tout au plus peut-on penser que toute latitude est laissée au judex deprehensionis pour juger le délinquant arrêté sur leur territoire. On peut penser que dans la mesure où toute convention doit être interprétée de bonne foi26, et que les conventions internationales n’échappent pas à la règle, il va de soi qu’un « classement sans suite » ne peut intervenir que s’il s’inscrit dans les pratiques habituelles existantes en ce domaine. En somme, il convient de souligner que le principe aut judicare conserve tout son sens. Les critiques tendant à faire remplacer cette formule par aut punire, qui préjuge de la solution à prendre par les juges du lieu d’arrestation, est malvenue. En effet, elle contrevient au principe fondamental de la séparation des pouvoirs. L’Etat, qui adhère à une convention internationale prévoyant la compétence universelle, ne peut anticiper sur la décision à prendre concernant le sort du délinquant, décision qui appartient au seul juge. Afin de prendre en compte cette donnée, un auteur a proposé de parler de poursuite du délinquant et non plus de jugement afin de mettre fin à toutes les incertitudes. Mieux vaut alors utiliser la formule aut persequi qui signifie poursuivre. Cette expression est plus conforme à la réalité car elle prend en compte le principe de l’opportunité des poursuites. Précisons, en outre, que si les juges décident de condamner le délinquant, ce dernier doit être puni selon les principes qui régissent le droit pénal et la procédure pénale, applicables à tous les délinquants.

26 Article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités : Pacta sunt servanda, tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.

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Ainsi, l’impératif de sociabilisation ou de resociabilisation doit en particulier être respecté. A la question de savoir si le criminel international était resocialisable, LOMBOIS répondait de la façon suivante : « l’exécutant d’un crime de guerre ou contre l’humanité ou d’une atteinte aux droits de l’Homme est probablement rééducable»27.

27 C. Lombois, Observations sur l’avant-projet de Code pénal international et rapport final sur les débats du séminaire international de l’Institut de Syracuse sur l’avant-projet, in Revue internationale de droit pénal (52) 1981, p.542.

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Titre 1.2-. Un instrument d’universalisation du droit

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TITRE 2-. UN INSTRUMENT D’UNIVERSALISATION DU DROIT La compétence universelle a, comme nous venons de l’examiner, servi de technique destinée à régler les conflits latents entre des Etats souverains. Depuis quelques années, et particulièrement depuis la fin de la Guerre Froide et l’effondrement du bloc soviétique, cette fonction assignée à la compétence universelle tend à s’estomper au profit d’une autre fonction, qui n’exclue pas nécessairement la précédente. La compétence universelle joue le rôle d’un instrument d’universalisation du Droit. Expliquons-nous sur cette fonction, laquelle recoupe deux idées fondamentales. D’une part, la compétence universelle entendue comme instrument d’universalisation du Droit se traduit par une pénalisation du droit international. Pénaliser le droit international, c’est doter ce dernier de juridictions internationales répressives, à même de rendre les bons principes qu’il édicte, effectifs. C’est ainsi que l’efficacité de l’universalité du droit de punir passe, avant tout autre chose, par l’institution de juridiction pénale internationale. Parce qu’il est moins urgent de définir les infractions internationales que d’organiser leur répression efficacement, ce point sera étudié en premier lieu (chapitre 1). D’autre part, l’universalisation du droit suppose une internationalisation du droit pénal. Ce second aspect qu’une lecture rapide pourrait conduire à confondre avec le premier, n’en est pas moins différent. Alors que pénaliser le droit international signifie doter le droit international, stigmatisé comme un droit dépourvu de sanction juridique, de juridictions répressives, internationaliser le droit pénal, c’est donner vocation au droit pénal de transcender le droit interne pour appréhender des infractions non plus seulement internes mais internationales, c’est ce que nous envisagerons en second lieu (chapitre 2). Ces deux aspects, dont il importe de souligner qu’ils procèdent d’une même problématique, seront envisagés alternativement, pour la clarté de l’exposé.

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CHAPITRE 1-. UNE PENALISATION DU DROIT INTERNATIONAL Les Conventions de La Haye de 1899 et 1907, relatives aux lois et coutumes de la guerre, destinées à humaniser la guerre, ne prévoyaient aucune sanction pénale. C’est l’une des raisons qui faisait dire à certains auteurs que le droit international n’était, somme toute, qu’une compilation de vœux pieux, dépourvus de toute force obligatoire et fondés sur la bonne volonté des Etats quant à leur application. Dans cette perspective, doter le droit international de juridictions, a fortiori répressives, constitue un réel progrès porteur d’espoirs. Le tournant intervint en 1919 lorsque le Traité de Versailles créa un tribunal destiné à juger le Kaiser Guillaume II « coupable d’offense suprême à la morale internationale et à l’autorité des traités » ( article 277). Si ce tribunal ne vit jamais le jour en raison du refus des Pays Bas d’extrader l’ex Empereur, il constitue néanmoins une étape importante. Auparavant l’idée qu’un individu puisse être traduit devant une juridiction internationale pour rendre compte personnellement de ses actes, était inconnue du droit international. C’est pourquoi il importe d’étudier la progression de cette idée de ses premières manifestations ( section 1 ) à nos jours ( section 2 ).

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Section 1-. Les manifestations passées et présentes L’étude du passé (§1) est indispensable pour comprendre le présent (§2). §1-. Les expériences du passé Le passé sera relaté à travers la présentation des deux Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo. A-. Le Tribunal militaire international de Nuremberg La Seconde Guerre mondiale constitue une étape importante dans l’histoire du droit pénal international. Elle a entraîné une prise de conscience de la nécessité de créer une juridiction internationale habilitée à sanctionner les violations graves aux droits fondamentaux de l’Homme. Un auteur faisait remarquer sur ce point que « ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le droit pénal est devenu une réalité. En effet c’est alors que pour la première fois un accord international proprement dit, établissant la responsabilité individuelle pour la violation des préceptes du droit international, fut mis sur pied, que cet accord a ensuite trouvé une réalisation effective, et que ces principes (…) ont été reconnus par un organe supranational, l’Assemblée générale, comme faisant partie du droit international positif »28. Les atrocités commises par les nazis durant la Seconde guerre mondiale ne pouvaient guère rester impunies. Comme l’affirmait un ancien Procureur au Tribunal de Nuremberg : « il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de justice sans loi, ni de loi digne de ce nom sans un tribunal chargé de décider ce qui est juste et légal dans des circonstances données » 29. Le Tribunal de Nuremberg établi par l’Accord de Londres du 8 août 194530 était destiné à juger et à punir les criminels de guerre des pays européens de l’Axe. Cet Accord reprend la Déclaration de Moscou du 30 octobre 1943 qui prévoyait que les grands criminels de guerre « dont les actes ne seraient pas susceptibles d’être géographiquement localisées », seraient déférés devant une juridiction internationale. Il faut souligner les deux principaux apports de ce Tribunal. Mais, auparavant, faisons une observation qui vaut également pour le Tribunal militaire de Tokyo. La qualification « militaire » de ces tribunaux n’est pas tout à fait justifiée dans la mesure où elle ne tient ni à

28 S Glaser., Droit pénal conventionnel, Bruxelles, Bruylant, 1970, p.20. 29 B. Ferencz, Ancien procureur au Tribunal de Nuremberg, propos cités in Rapport du Sénat DULAIT, p.7, n°313,1998-1999. 30 J.O., 7 et 10 octobre 1945.

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sa composition, ni à la qualité des accusés, ni aux infractions. Dès lors A.M la Rosa31 fait observer qu’il aurait été préférable de les qualifier de Tribunaux pénaux internationaux. D’aucuns affirment que ces Tribunaux ont constitué la justice des vainqueurs contre les vaincus, d’autres affirment au contraire que les Alliés ont agi au nom de la communauté internationale dans son ensemble, soulignant au passage, que la Déclaration de Moscou ( 2ème alinéa ) et l’Accord de Londres ( préambule 2ème alinéa ) se référent « à l’intérêt de toutes les Nations Unies ». Tout d’abord, il a réellement concrétisé l’implication et la participation d’une pluralité d’Etats, fut-ils les vainqueurs, dans la répression d’infractions particulièrement odieuses. Ensuite, il a mis l’accent sur la nécessité de créer une juridiction internationale, certes imparfaite en ce qui le concerne puisque établi « pour les besoins de la cause » et souffrant de nombreuses limites envisagées dans un point spécifiquement32. B-. Le Tribunal militaire international de Tokyo Ce tribunal a été institué par la Proclamation spéciale du commandant suprême des Forces alliées en Extrême-Orient du 19 janvier 1946 pour « le juste et prompt châtiment des grands criminels de guerre d’Extrême-Orient ». Son statut est analogue à celui du Tribunal de Nuremberg. Il reprend, par ailleurs, la classification tripartite des infractions qui avaient été opérées par ce dernier tribunal en crime contre la paix, crime de guerre, crime contre l’humanité. Il souffre des mêmes limites. Le Tribunal de Tokyo, comme celui de Nuremberg, a été institué pour des circonstances particulières, déterminées. C’est dire que ces deux tribunaux n’avaient pas vocation à perdurer. Ils avaient, en outre, ce profond handicap de n’avoir été établis que par une Déclaration unilatérale des vainqueurs contre les vaincus. Ce qui en faisaient moins des tribunaux internationaux que des organes politiques de quelques uns chargés de juger quelques autres. Si ce dernier reproche ne peut être adressé aux tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, établis par voie de résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la première critique demeure. Ces deux derniers tribunaux sont également des tribunaux ad hoc.

31 A.M. la Rosa, Dictionnaire de droit international pénal, termes choisis, IHEI, Paris. 32 Voir plus loin.

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§2-. Le présent, les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc Il faut étudier les deux Tribunaux pénaux mis en place afin de régir les situations engendrées en ex-Yougoslavie et au Rwanda. A-. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie Par sa résolution 808 du 22 février 1993, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a décidé « la création d’un tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 ». Ce Tribunal Pénal International siège à la Haye. A cette fin, le statut de ce tribunal fut établi par sa résolution 827 du 25 mai 1993. Il s’est agi pour ce tribunal de juger ce que la presse désignait sous les vocables de « purification et nettoyage ethnique » qui avaient cours en Bosnie Herzegovine. Ces expressions représentent juridiquement un ensemble d’infractions internationales sur lesquelles nous reviendrons dans un point consacré à celles-ci33. B-. Le Tribunal pénal pour le Rwanda Créé par la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 8 novembre 1994, le Tribunal pénal pour le Rwanda est chargé de juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commises sur le territoire d’Etats voisins entre le 14 janvier et le 31 décembre 1996. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda siège en Tanzanie, à Arusha. Ces deux tribunaux pénaux internationaux ont constitué, par rapport aux procès de Nuremberg et de Tokyo, une véritable justice pénale rendue au nom de la communauté internationale horrifiée par les atrocités commises par des criminels, dont l’invention, tendant à la destruction de leurs semblables, n’était sans aucune borne. C’est dans la continuité de ces différents tribunaux que s’inscrit l’édification de la Cour pénale internationale actuellement en devenir. Le caractère ad hoc des deux TPI s’oppose à la permanence de la future Cour pénale internationale.

33 Voir première partie, titre 2, chapitre 2.

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Section 2-. L’avenir, La Cour pénale internationale La Cour pénale internationale est issue d’une longue maturation dont il faut retracer les grandes lignes (§1) avant d’envisager les objectifs qu’elle s’assigne (§2). §1-. L’histoire de sa création On peut privilégier deux aspects de l’histoire de la création de la Cour pénale internationale. A-. La Cour pénale internationale, une volonté de dépasser les expériences antérieures Le Tribunal pénal international pour le Rwanda et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, qui eux mêmes s’étaient enrichis de l’expérience des Tribunaux pénaux de Nuremberg et de Tokyo, ont constitué de précieux atouts pour l’élaboration d’une Cour pénale internationale. A divers titres, la Cour pénale internationale marque sa volonté de s’en démarquer pour assurer une meilleure justice. Au point de vue de la compétence ratione loci, les Tribunaux pénaux internationaux yougoslave et rwandais étaient limités respectivement aux territoires du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie, même si le Tribunal pénal international pour le Rwanda avait estimé connaître des infractions commises contre les citoyens rwandais, pour étendre sa compétence. La Cour pénale internationale se veut une Cour sans frontière, non limitée territorialement. S’agissant de la compétence ratione tempori, on avait reproché aux deux Tribunaux leur caractère rétroactif, qui avait suscité de vives polémiques. De telles critiques n’auront pas lieu d’être à l’encontre de la Cour pénale internationale. Elle n’exerce sa compétence qu’à l’encontre de faits postérieurs à l’entrée en vigueur du statut. De plus et contrairement aux Tribunaux pénaux internationaux qui avaient été mis en place par voie de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, compte tenu de l’urgence qui présidait à leur installation, la Cour pénale internationale est instituée par voie conventionnelle. Elle prend corps dans la Convention de Rome du 18 juillet 1998 qui est l’aboutissement d’un travail de longue haleine et qui paraissait, il y a quelques années encore, relever de l’utopie. B-. La Cour pénale internationale, la concrétisation d’un vieil idéal Déjà le Traité de Versailles du 28 juin 1919 avait prévu la création d’un tribunal spécial pour juger Guillaume II mis en accusation « pour offense suprême contre la morale internationale

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et l’autorité sacrée des traités ». Mais, cette juridiction ne vit jamais le jour faute pour les Pays-Bas où l’Empereur s’était réfugié, de le livrer. En 1920, la Société des Nations créa un Comité pour étudier la question d’une justice pénale internationale pour juger les crimes contre le droit des gens. Une première convention soumise à ratification à partir de 1937 fut élaborée qui n’entra jamais en vigueur. En 1945-1946, la Seconde Guerre mondiale généra la création des deux tribunaux de Nuremberg et de Tokyo chargés de juger les criminels nazis et japonais. Ils constituent un réel tournant même si les projets de Cour pénale internationale qui les suivirent en 1951-1953 échouèrent en raison de leur lien avec l’élaboration d’un code Criminel qui posait des difficultés. En 1948 et 1973, la Convention sur le génocide34 et la Convention internationale sur la suppression et la répression du crime d’Apartheid prévoyaient la compétence d’une Cour criminelle internationale dont la création resta lettre morte. Au début des années 1990, la création des deux tribunaux ad hoc de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda allait raviver la nécessité de l’instauration d’une Cour pénale internationale. En 1994, la Commission du droit international présenta un projet de statut d’une Cour pénale internationale. Un comité ad hoc établit un rapport qui allait servir d’appui à l’Assemblée générale des Nations Unies qui établit un comité préparatoire sur l’établissement d’une Cour pénale internationale en 1956. Ce comité mis au point un projet de texte en avril 1998. Le statut portant création d’une Cour pénale internationale fut finalement adopté à la conférence diplomatique de plénipotentiaire des Nations Unies réunie du 05 juin au 17 juillet 1998. Les soixante ratifications tendant à l’application de ce statut n’ont pas encore été réalisées. §2-. Les objectifs de la nouvelle Cour Les objectifs de la Cour sont doubles. A-. Lutter efficacement contre l’impunité Les modes de saisine de la Cour reflètent sa volonté d’efficacité répressive. Le principe est que seul un Etat partie ou le procureur de la Cour pénale internationale peuvent la saisir si l’Etat où le fait délictueux s’est produit ou l’Etat dont l’accusé ressortissant sont parties au présent statut. Cela ne se révèle pas particulièrement novateur par rapport aux règles normales d’attribution de compétence internationale en matière pénale. Par exception, le Conseil de sécurité agissant dans le cadre du chapitre VII de la Charte peut agir contre l’auteur d’un crime ressortissant d’un pays non partie même si ce crime a été

34 article 6 de la Convention sur la prévention et la répression du génocide de 1948.

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commis sur le territoire d’un pays également non partie. C’est sur ce point que se situe l’intérêt essentiel de la nouvelle Cour relativement à la compétence universelle. B-. Vivifier la compétence universelle La Convention sur le génocide de 1948 ne prévoyait son application qu’aux Etats qui avaient accepté sa compétence. Cette règle se comprend eu égard à l’effet relatif des traités, qui n’est que la transposition en droit international de l’effet relatif des contrats de droit privé, prévu par la Convention de Vienne sur le droit des traités selon lequel « un traité ne crée ni obligations ni droit pour un Etat sans son consentement ». Elle ouvrait, cependant, une brèche en prévoyant son application à des pays tiers à la convention qui auront le délinquant en leur possession. Mais, cela était subordonné à la création d’une Cour pénale internationale, laquelle n’était, à l’époque, qu’une utopie. En effet, pour les actes visés par la Convention commis par des individus agissant de leur propre initiative, la Convention renvoyait au droit interne. Si les actes étaient la mise en œuvre d’une politique menée par un Etat, LOMBOIS posait la question de savoir « comment imaginer un Etat se punir lui même à travers ses agents ? ». C’est pourquoi, les rédacteurs de la Convention avaient imaginé cette autre possibilité de poursuite et de jugement devant une Cour pénale internationale, à créer à l’époque de LOMBOIS et aujourd’hui mise en place. L’actuelle Cour pénale internationale donne donc toute sa force à la Convention de 1948.

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CHAPITRE 2-. UNE INTERNATIONALISATION DU DROIT PENAL Pénaliser le droit international par l’institution de juridictions pénales internationales est un progrès capital dans la progression de l’idée d’une compétence universelle. Mais cela ne suffit pas. L’étude de la solidarité des compétences législative et judiciaire a révélé les faiblesses du système de l’universalité du droit de punir qui ne va pas, en quelque sorte, au bout de sa logique intrinsèque. Ce système postule, en effet, sinon l’existence préétablie d’infractions internationales décrites dans un code, au moins une dissociation des compétences législative et judiciaire. l’Etat du lieu d’arrestation ferait, alors, application de la loi étrangère. Mais l’application d’une loi, fut elle étrangère, entraîne une rupture de l’égalité des citoyens devant la loi pénale, puisque celle ci est différente selon le lieu d’arrestation. Pour cette raison cette dissociation n’apparaît pas totalement satisfaisante. Par conséquent, il apparaît préférable et dans la continuité du mouvement amorcé avec la création d’une juridiction pénale internationale permanente, de dépasser le droit pénal des infractions internes en soulignant l’émergence d’infractions internationales (section 1). A l’avenir, peut-être verra t-on le jour d’un Code de ces infractions internationales dont l’élaboration est en cours (section 2).

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Section 1-. Une internationalisation par l’émergence d’infractions internationales La distinction de LOMBOIS entre les infractions par nature (§1) et les infractions par leur mode d’incrimination (§2) constituera le ciment de notre propos. §1-. Infractions internationales par nature Il faut définir ce terme d’infraction internationale par nature avant d’en donner quelques exemples. A-. Définition Selon LOMBOIS, l’infraction est internationale par nature lorsqu’elle consiste en un comportement illicite qui porte atteinte aux fondements de la société internationale elle même. Comme la société internationale est établie entre Etats, on peut définir l’infraction internationale comme « le comportement illicite d’un Etat dans ses relations avec les autres Etats ». PELLA parle de criminalité internationale collective ou de droit pénal inter-étatique. B-. Illustration Le génocide est un exemple typique de l’infraction internationale par nature. La Convention sur le génocide du 9 décembre 1948 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, depuis l’institution de la Cour pénale internationale est marquée par un certain renouveau que nous avons souligné auparavant. Ainsi, grâce à la Cour pénale internationale, le génocide, infraction internationale par nature, est susceptible d’être sanctionné s’il est pratiqué par un Etat. Le terme de génocide a été inventé par LEMKIN, il le définit comme « des actions exterminatrices dirigées contre les collectivités ethniques, confessionnelles ou sociales ». Le droit de Nuremberg qualifie de « crime international » selon le principe n° 6, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les crimes contre la paix.

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§2-. Infractions internationales par le mode d’incrimination A-. Définition Pour Monsieur ATTAR Franck, les infractions internationales sont « des agissements individuels graves au point d’être considérés comme des infractions par le droit international »35. Le Professeur LOMBOIS distingue parmi les infractions internationales celles qui sont « internationales par leur seul mode d’incrimination » qu’il définit comme celles au sujet desquelles les Etats « ont organisé une répression internationale » c’est-à-dire que « ce qui rend l’infraction internationale en ce cas, c’est seulement d’avoir été définie par une norme internationale ». Parmi ces infractions l’auteur cite les « infractions conventionnelles » ou prévues par des conventions. Mais, comme le soulignent à juste titre dans leur ouvrage les Professeurs KOERING-JOULIN et HUET36, la plupart des conventions internationales n’établissent pas d’infraction au sens de « comportement actif ou passif prohibé par la loi et passible d’une peine »37. Pour ces auteurs « n’édictant elles-mêmes aucune sanction pénale, ces conventions n’incriminent pas de comportements qu’elles décrivent ne sont donc juridiquement ni des infractions, ni a fortiori des infractions internationales. Elles se bornent à définir les conduites qu’elles prohibent, mais l’incrimination de celles-ci, et donc leur caractère infractionnel, relève du droit national de chaque Etat contractant ». En revanche, selon l’auteur de la distinction entre les infractions par nature et les infractions par le mode d’incrimination, les infractions internationales constituent assurément une réalité. Pour le Professeur LOMBOIS en effet, les infractions internationales « portent atteinte à des intérêts dont la nature n’est pas spécifiquement internationale (…). L’ordre international s’y intéresse, cependant, avant tout pour une raison de fait. C’est que ces infractions se prêtent plus que d’autres, par leur genre, à une criminalité internationale. A une criminalité de ce type, le particularisme des systèmes internes répond mal. Il offre, à des délinquants bien organisés, de multiples échappatoires »38. Ainsi, pour l’auteur en faisant de ces infractions des infractions internationales, on lutte contre leur impunité. Parmi ces infractions par leur mode d’incrimination, l’auteur isole celles qui ont donc été incriminées par voie de convention. Enumérons quelques unes de ces conventions.

35 F. Attar, Le droit international entre ordre et chaos, Hachette, Paris, 1994. 36 ibid. 37 G.Cornu, Vocabulaire juridique, P.U.F., 6e édition, Paris, 1998. 38 ibid.

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B-. Illustration Les principales Conventions internationales sont énumérées dans l’introduction. Insistons néanmoins sur deux d’entre elles. La Convention internationale des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1999 peut être mentionnée. En ce qui concerne cette infraction particulière qu’est la piraterie, la compétence universelle trouve son expression juridique à la fois dans la Convention de Genève sur la haute mer (article 38) et dans la convention de Montego Bay (article 100) dont il résulte que tous les Etats doivent coopérer à la répression de la piraterie en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat notamment en saisissant les navires pirates et en les faisant juger par ses tribunaux. L’article 105 de la Convention de Montego bay dispose que « tout Etat peut, en haute mer ou tout autre lieu ne relevant d’aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate capturé à la suite d’un acte de piraterie et aux mains des pirates, et à appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les tribunaux de l’Etat qui a opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger, ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le navire, l’aéronef ou les biens, réserve faite des tiers de bonne foi ». Par conséquent, la piraterie maritime, autrefois infraction de droit coutumier, est aujourd’hui prévue par une Convention. Elle fait alors partie de la catégorie des infractions internationales par leur mode d’incrimination conventionnelle.

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Section 2-. L’internationalisation par la codification des infractions internationales Si l’histoire de l’élaboration d’un Code pénal international (§1) est ancienne et connaît aujourd’hui un regain d’actualité, des difficultés diverses empêchent sa réalisation définitive (§2). §1-. Histoire de l’élaboration d’un Code pénal international Il est possible de tirer un enseignement général des différentes dates qui marquent l’histoire du Code pénal international. A-. Repères chronologiques Après la Seconde Guerre mondiale, l’Assemblée Générale de l’ONU pris réellement conscience de l’impérieuse nécessité d’élaborer un « noyau dur » des principes du droit international. A cette fin, elle a déclaré « confirmer les principes du droit international reconnus par le statut du tribunal de Nuremberg et par le jugement de ce tribunal ». Elle a également crée un Comité « pour le développement progressif du droit international et sa codification ». Une résolution du 21 novembre 1947 chargeait la Commission du droit international d’élaborer un projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Cette commission formula des « principes de Nuremberg » en 1950 et présenta un projet de Code en 1954 dont la particularité était, pour un Code pénal, de ne pas prévoir les peines applicables. Il fallut attendre 1982 pour que cette commission reprenne ses travaux. B-. Enseignement général Le rappel sommaire de ces différentes dates démontre l’importance que revêt et qu’a longtemps revêtu l’établissement d’un Code pénal international dans l’histoire du droit pénal international. Ce Code constitue une préoccupation majeure des organes et institutions chargés de veiller à la reconnaissance et au progrès des normes du droit pénal international. Souci récurrent, l’élaboration d’un Code pénal international et son application permettent de régler un certain nombre de difficultés. En particulier, ce Code permet un meilleur respect du principe de la légalité, tant des incriminations que des peines. En effet, le principe de la légalité criminelle implique non seulement la prévision par un texte d’un comportement blâmable mais également l’accessibilité de ce texte. Ce caractère accessible entraîne cette

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conséquence que le texte doit être à portée de main de tous. Cela est d’autant plus fondamental que la prolifération des textes est devenue une constante dans la réalité juridique. Le Code pénal international répond strictement à cet impératif d’accessibilité dans la mesure où il permet le regroupement de l’ensemble des règles régissant le droit pénal international dans un document unique. Simplement, si le principe même d’un tel Code est ambitieux, son application est loin d’être concrétisée. §2-. Les difficultés de son élaboration Deux types de difficultés peuvent être soulevés. A-. Difficultés tenant à la définition des incriminations et à l’étendue de la responsabilité pénale internationale Le projet de Code pénal international est loin d’être achevé. Ceci s’explique par plusieurs raisons. En premier lieu, on peut relever qu’à la différence du droit interne où le législateur national exprime « la volonté générale » par le biais des normes qu’il édicte, en droit international, il n’existe pas de législateur international. Seuls les Etats peuvent élaborer ensemble un Code pénal international par le biais de négociations et de discussions, avec le souci permanent de préservation de sa souveraineté et de ses intérêts. C’est ce qui explique la difficulté de recueillir l’accord des Etats sur la définition des incriminations. Celle de l’agression pose d’énormes difficultés non encore résolues par le statut de la Cour pénale internationale qui laisse cette question en suspend. En second lieu, on peut souligner un autre facteur de désaccord et de tension. Il résulte de la responsabilité pénale des Etats. Si en 1983 le projet devait reconnaître le principe de la responsabilité pénale des Etats, la Commission revint en 1984 sur la conception, qui avait prévalu en 1954, fondée sur la responsabilité individuelle. Si « le projet de Code est loin d’être achevé c’est sans doute parce que le juridique et le politique sont intiment liés ! », c’est l’argument qu’invoque le Professeur LOMBOIS. B-. Difficultés tenant au lien existant entre Cour et Code pénaux internationaux Un courant doctrinal avait pensé que Code et juridiction étaient intimement liés, l’un n’allant pas sans l’autre. C’est pourquoi les difficultés relatives à la création d’une Cour criminelle internationale se répercutaient inévitablement sur l’établissement d’un Code pénal international. Ainsi, en est-il de la Convention sur le génocide de 1948 dont la compétence

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universelle était subordonnée à la création d’une Cour criminelle internationale. Heureusement, l’ONU, tout en liant les deux projets, a admis qu’il était possible de faire provisoirement fonctionner l’un sans l’autre. L’un des projets de Cour criminelle internationale prévoyait alors que cette Cour appliquerait le droit pénal international sans préciser s’il s’agissait du droit codifié. La doctrine moderne pense qu’il est plus efficace de commencer par la juridiction. HERZOG se prononçait en ce sens lorsqu’il affirmait que : « la formulation du droit pénal international est utile. La création d’une juridiction pénale internationale est nécessaire »39. De même, un autre auteur estimait que : « si l’on ne crée pas une telle juridiction à quoi serviraient la définition des principes de Nuremberg et l’établissement d’un Code pénal international puisqu’il n’existerait aucun organe pour les appliquer »40. L’actualité, avec l’institution d’une Cour pénal internationale, montre que ces auteurs ont obtenu gain de cause. Il faut espérer que le Code pénal international, complément logique et naturel de la Cour criminelle internationale, voit bientôt le jour.

39 Herzog, RIDP, p. 57, 1964. 40 G.Scelle, Déclaration à la Commission du droit international, séance du 9 juin 1950, Doc. U.M/C.M. 4/SR 43, p. 13.

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Seconde Partie-. La compétence universelle, une compétence illusoire

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SECONDE PARTIE-. LA COMPETENCE UNIVERSELLE, UNE COMPETENCE ILLUSOIRE Présentation La compétence universelle suscite de grands espoirs pour la répression sans faille qu’elle permet d’assurer. La mise en place d’une juridiction pénale internationale permanente est la manifestation du progrès des hommes désormais capables de faire face ensemble à la grande criminalité qui lèse les intérêts de tous. Ce système exprime la solidarité des Etats dans la lutte contre la délinquance internationale. Se pose la question importante de savoir si au delà de ces objectifs ambitieux la compétence universelle, instrument d'universalisation du droit, sera à la hauteur de ses finalités. L’exposé des réalités jettera, dans les esprits de tous ceux qui croient à une compétence universelle absolue, une impression de scepticisme. Notre regard portera successivement sur les obstacles qui empêchent la consécration absolue de la répression universelle et sur la prétendue existence d’un ordre public universel qui est réputé en constituer le fondement même. Plan de l’étude TITRE 1-. LES OBSTACLES A LA CONSECRATION ABSOLUE D’UNE TELLE COMPETENCE TITRE 2-. LE MYTHE DE L’ORDRE PUBLIC UNIVERSEL

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Titre 2.1-. Les obstacles à la consécration absolue d’une telle compétence

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TITRE 1-. LES OBSTACLES A LA CONSECRATION ABSOLUE D’UNE TELLE COMPETENCE La compétence universelle est un « système idéal, c’est dire qu’on y est pas encore parvenu ». Cette affirmation de LOMBOIS date de près de trente ans. On constate, hélas pour l’efficacité de la répression, son actualité persistante. En effet, lorsque la compétence universelle tend à se transformer de simple concept en système effectif, d’énormes difficultés se font jour. Elles en empêchent dès lors la consécration absolue et la réalisation complète. La raison principale peut être esquissée de la manière suivante. La compétence universelle, intégrée au programme de droit pénal international, souffre des mêmes faiblesses que cette dernière branche du droit. Elle est tiraillée entre les exigences et du pénal, et de l’international. Des premières tout d’abord, découle le respect des règles relatives au droit pénal et à la procédure pénale dont l’application est subordonnée à l’apport d’une preuve (chapitre 2). Déjà en droit interne la recherche et l’établissement de la preuve constituent un réel tracas pour les autorités habilitées à rapporter la preuve (la police principalement). En droit international les difficultés sont multipliées et l’insuffisance de la coopération ne remédie que partiellement au problème. Des exigences imposées par le droit international ensuite, procède la règle de respect de la souveraineté des Etats. Cette règle n’est d’ailleurs pas étrangère aux difficultés que suscite la recherche de la preuve en droit international. Le dogme de la souveraineté s’érige alors en rempart contre l’exercice effectif de la compétence universelle (chapitre1). Recherche et coopération internationale puis souveraineté constitueront les différents points de notre étude.

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Chapitre 2.1.1-. L’obstacle théorique, le dogme de la souveraineté

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CHAPITRE 1-. L’OBSTACLE THEORIQUE, LE DOGME DE LA SOUVERAINETE

La souveraineté, parce qu’expression d’un particularisme étatique irréductible, met en lumière toute la problématique de l’universel. Elle constitue véritablement, selon la formule de Michel VIRALLY, « la pierre d’angle de la société internationale et du droit international »41. Cette notion, consubstantielle à l’Etat, entretient des rapports antagoniques avec le droit pénal. L’Etat souverain, organe suprême que l’on ne contraint pas, se concilie mal avec le caractère coercitif inhérent au droit pénal et qui doit relever des seules attributions de l’Etat. Ainsi, la compétence universelle qui entraîne la compétence du tribunal de l’Etat du lieu d’arrestation ou celle d’une juridiction internationale, peut menacer la souveraineté à deux points de vue. D’une part, l’Etat sur le territoire duquel l’infraction a été commise peut arguer d’une atteinte portée à son autorité, laquelle doit s’exercer à l’égard de ses ressortissants criminels (section 1). Dans ce cas, c’est la souveraineté de l’Etat lui-même qui paraît être en péril, ce qui doit être distingué d’une autre hypothèse. Celle dans laquelle c’est la personne physique qui est censée représenter la souveraineté qui est en cause. En effet, incarnation physique de la souveraineté, le chef de l’Etat se dresse également en rempart contre l’exercice effectif de la compétence universelle, au moins en pratique (section 2).

41 M. Virally, Une pierre d’angle qui résiste au temps : avatars et pérennité de l’idée de souveraineté, in les relations internationales dans un monde en mutation, I.H.E.I., leiden, 1977, p.195.

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Section 1-. La souveraineté de l’Etat La justice, et plus spécialement la justice pénale, est, sinon l’un des attributs de la souveraineté, au moins l’une de ses composantes essentielles (§1) que l’on tente de protéger face au spectre de la compétence universelle (§2). §1-. Le droit de punir, composante de la souveraineté Le droit de punir est une composante essentielle de la souveraineté de l’Etat A-. Une composante intrinsèque à la souveraineté de l’Etat La souveraineté constitue « le trait distinctif de l’Etat par rapport aux collectivités comparables qui disposent des trois éléments constitutifs de l’Etat à savoir la population, le territoire et le gouvernement »42. Il fut un temps où la justice était écartelée au profit de seigneurs exerçant leur juridiction dans les limites de circonscriptions territoriales. Cela semble aujourd’hui révolu depuis que des Etats se sont constitués à la fin du 16 ème siècle. Depuis que la justice publique a succédé à la vengeance privée, le droit pénal apparaît comme une composante essentielle de la souveraineté d’un Etat. Indispensable au maintien de l’ordre public de cet Etat, la branche répressive du droit est fondamentale. Cette dernière permet à l’Etat de revendiquer son autorité à l’égard des infracteurs. Ainsi, « l’autorité première de l’Etat sur les personnes vivant à l’intérieur de ses frontières »43, qui fonde l’exercice de la compétence universelle, est inhérente à l’Etat souverain. B-. Une composante exclusive à la souveraineté de l’Etat La question de l’exercice de la compétence universelle par les tribunaux internes de l’Etat du lieu d’arrestation ne pose pas les mêmes difficultés que celle de l’exercice de l’universalité du droit de punir par une juridiction internationale. Dans cette dernière hypothèse, il s’agit de savoir de quelle légitimité est pourvue l’action de la juridiction internationale et quelle en est la source. S’agissant des T.P.I. leur « acte de naissance » réside dans des résolutions du Conseil de sécurité alors que pour la Cour pénale internationale elle procède d’une 42 R. Ben Achour, La souveraineté de l’Etat : harmonie et contradictions, p101-102, in Harmonie et contradictions en droit international, colloque des 11,12,13 avril 1996, Pedone, 1996. 43 M. Bennouna, La création d’une juridiction pénale internationale et la souveraineté des Etats, AFDI, Paris, Pedonne, Ed. du C.N.R.S, 1990, p.299-305.

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convention, comme nous l’avons déjà évoqué. Il n’y a pas de différence de nature entre une convention et une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le caractère conventionnel de cette dernière se situe lors de l’adhésion de l’Etat à la Charte de San Francisco. Ainsi, l’on peut considérer, dans les deux cas, que les Etats ont délégué leur compétence. Le procédé de la délégation préserve alors la souveraineté puisque l’Etat reste souverain lorsqu’il décide une limitation dictée par sa seule volonté. En outre, il existe deux conceptions de la souveraineté. En effet, la doctrine a toujours opéré une distinction fondamentale entre la souveraineté interne et la souveraineté internationale des Etats. La première, dont l’origine se trouve chez BODIN et HOBBES, se définit comme un pouvoir suprême et absolu. La deuxième, systématisée par les fondateurs du droit des gens moderne, de VITORIA à GROTIUS, est aussi un pouvoir suprême ( summa protestas ), qui n’est soumis à aucune « volonté humaine », mais qui doit respecter « le droit naturel et divin ainsi que le droit des gens par lequel sont liés tous les rois » selon les termes de GROTIUS. Selon cette dernière conception, l’adoption de conventions internationales, consacrant le système de la compétence universelle, peut être considérée comme découlant de cette obligation de respecter le droit naturel. §2-. Une volonté de préserver la souveraineté Parfois, certains rétorquent qu’il est porté atteinte à la souveraineté alors qu’en réalité il n’en est rien car le caractère souverain de l’Etat peut être lui-même remis en cause. A-. Souveraineté et absence de souveraineté L’Etat sur lequel les exactions ont été commises peut prétendre que des atteintes à sa souveraineté sont portées lorsque des juridictions lui ôtent le droit de connaître certaines infractions. Tel est le cas en matière de compétence universelle où l’Etat du lieu d’arrestation du délinquant présumé connaît de l’infraction et se trouve directement en compétition avec l’Etat du lieu de commission de l’infraction. Ce dernier peut-il arguer d’une atteinte portée à sa souveraineté ? Il semble qu’en des circonstances telles que violation systématique et grave des droits de l’Homme et anéantissement total ou partiel de l’appareil d’Etat, on ne puisse pas parler de souveraineté. En effet, un auteur explique que « seul l’Etat peut prétendre à une effectivité complète, internationale autant qu’interne. Ne méritent la qualification d’Etat que les collectivités dont le gouvernement est indépendant et souverain »44.

44 Nguyen Quoc Dinh, A. Pellet, P. Dailler, Droit international public, Paris, L.G.D.J., 1994, p.405.

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Le Tribunal de Nuremberg n’avait, selon ce principe, pas porté atteinte à la souveraineté de l’Etat allemand qui avait capitulé. B-. L’intervention des autorités de l’Etat La souveraineté et plus précisément son attribut essentiel que constitue la justice pénale fait l’objet d’une protection accrue de la part des autorités étatiques. Citons deux exemples permettant d’illustrer notre propos. Le premier exemple réside dans la révision constitutionnelle qui est une volonté manifeste de la part des autorités étatiques de protéger la souveraineté de l’Etat français. Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République et le Premier ministre de la question de savoir si l’autorisation de ratifier le Traité portant statut de la Cour pénale internationale devait être précédée d’une révision de la Constitution. Le Conseil a considéré, relativement à la souveraineté, que portaient, en particulier, atteinte aux « conditions essentielles de la souveraineté nationale » d’une part, l’obligation qui pourrait être faite à la France d’arrêter et de remettre à la Cour une personne à raison de faits couverts (selon la loi française) par l’amnistie ou la prescription, d’autre part, le pouvoir du procureur de la Cour de réaliser sur le territoire français, hors la présence des autorités judiciaires françaises, un certain nombre d’actes nécessités par ses enquêtes. On voit bien, à la lecture de cette décision que la France, représentée ici par l’une de ses instances fondamentales, tente de sauvegarder sa souveraineté. Ce n’est pas le seul exemple, un second consiste en l’intervention du législateur. En effet, la loi est intervenue à deux reprises au moins pour édicter une législation portant adaptation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant des tribunaux pénaux internationaux45. Or, ces lois n’étaient nullement nécessaires car non seulement la France est un membre permanent du Conseil de sécurité, elle dispose par conséquent d’un droit de veto et le fait qu’elle n’en ait pas usé témoigne de son adhésion à la résolution. De plus, étant membre de l’ONU elle est réputée avoir accepté l’application du droit dérivé de la Charte de San Francisco. La France s’est donc engagée, en signant cette Charte, à admettre l’action du Conseil de sécurité en faveur du maintien de la paix et de la sécurité internationale et s’est engagée à accepter ses décisions en la matière, prises en vertu du chapitre VII. De plus, elle a accepté a priori toute action du Conseil de sécurité qui ne peut être considérée comme une ingérence.

45 Résolution 808 créant le TPIY, Loi du 2 janvier 1995. Résolution 955 créant le TPIR, Loi du 22 mai 1996.

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Section 2-. Le chef de l’Etat, incarnation physique de la souveraineté Le chef de l’Etat incarne la souveraineté. A ce titre, il bénéficie d’une immunité qui n’est cependant pas absolue. En effet, elle peut être levée en cas de violation du droit international. Ce qui, en théorie, ne met pas à l’abri le chef de l’Etat de toutes poursuites sur le fondement de la compétence universelle. Pourtant, en pratique , il n’en est pas ainsi. §1-. En théorie, une souveraineté du chef de l’Etat « blessée »46 Le chef de l’Etat jouit d’une immunité qui n’est pas absolue dans la mesure où elle peut être levée en cas de violation du droit international. A-. Principe, l’immunité diplomatique Le chef de l’Etat est le représentant officiel de la souveraineté. Le terme de chef de l’Etat est large. Il englobe à la fois les monarques, c’est à dire les Rois et Empereurs, les Présidents de la République et les souverains spirituels comme le Pape. Du fait de la prééminence de sa fonction et notamment de son rôle dans les relations internationales, le droit des gens lui assure traditionnellement une protection spéciale. Cette protection se manifeste sur deux plans : l’inviolabilité de sa personne et l’immunité juridictionnelle qui le soustrait à la juridiction des tribunaux étrangers. Les immunités peuvent être de plusieurs ordres, fiscales, civiles, pénales. C’est cette dernière qui le soustrait, par principe, à la compétence des juridictions pénales. Si la question des fondements de cette immunité est discutée, aujourd’hui on s’accorde à dire qu’elle est fondée sur la courtoisie internationale. Cette immunité ne saurait jouer dans tous les cas. B-. Exception, la violation du droit international Déjà l’article 227 du Traité de Versailles avait mis en cause le souverain Guillaume II, Empereur d’Allemagne réfugié au Pays-Bas, après son abdication le 9 novembre 1918 qui avait manifestement violé le droit international. Un arrêt du 1er octobre 1946 du tribunal de Nuremberg relatif au procès des grands criminels de guerre avait affirmé : « la protection que le droit international assure aux représentants de l’Etat ne saurait s’appliquer à des actes criminels. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leurs qualités officielles pour se

46 Expression utilisée par monsieur Bertrand BADIE, lors d’un Colloque relatif au droit à l’épreuve de la mondialisation, séminaire de philosophie du droit, 8 novembre 1999.

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soustraire à la procédure normale et se mettre à l’abri du châtiment ». Dans le même sens, la Cour pénale internationale prévoit que la qualité officielle de chef de l’Etat ne peut faire échec à des poursuites exercées à son encontre. L’article 27-1 du statut énonce que : « le présent statut s’applique à tous de manière égale, sans distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement (…) n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine » ; il est ajouté, au 2 de l’article 27 que « les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne ». §2-. En pratique, une souveraineté préservée La violation du droit international entraîne en principe la levée de l’immunité dont jouit le chef de l’Etat. La presse a largement relaté la levée de l’immunité à l’égard d’un ancien chef d’Etat par des juges qui pouvaient se prévaloir de la compétence universelle mais qui ne l’ont pas fait. A-. Le cas Pinochet et la compétence universelle La Chambre des Lords, tribunal suprême du Royaume Uni, a considéré par trois opinions contre deux points de vue dissidents que l’ancien Président de la République ne bénéficiait pas d’immunité d’Etat. Pour Lord Nicholls, l’un des juges, l’immunité de souveraineté a été une doctrine unifiée au temps où le droit international ne faisait pas de distinction entre le souverain en tant que personne et l’Etat. Le Lord Chief Justice a fait remarquer que « si un ancien souverain bénéficie de l’immunité pour certains délits pénaux et pas d’autres, où se trouve la limite ? ». C’est la raison pour laquelle l’article 31 de la Convention de Vienne de 1561 relatif aux immunités des juridictions pénales de l’Etat d’accueil n’accorde celle-ci que dans le cadre de « l’exercice des fonctions » par le chef d’Etat. La torture de ses concitoyens ou d’étrangers n’est pas considérée par le droit international comme une fonction de chef d’Etat. La conséquence inéluctable est la levée de l’immunité. Cette levée n’allait pas, cependant, se traduire en l’affirmation d’une compétence universelle par les juges britanniques.

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B-. Les leçons à retenir Pour un juge minoritaire, le Royaume Uni avait compétence extra-territoriale pour juger de tels crimes. Mais comme l’a rappelé le Lord Chief Justice, un consensus international pour la compétence universelle afin de réprimer les crimes contre le droit international n’existe pas encore pour les cours internes. « Dans leur jugement, les trois Lords britanniques ne sont pas allés jusqu’à revendiquer la compétence universelle mais leur décision va dans ce sens. Comme l’a affirmé avec vigueur Lord Nicholls, torture et prise d’otage sont des crimes pour lesquels les cours pénales du Royaume-Uni ont une juridiction extra territoriale. L’arrêt rendu par les Lords crée une réelle avancée du droit international humanitaire. Cette juridicisation des relations internationales peut apporter beaucoup de points positifs et empêcher l’impunité sous couvert d’immunité »47. Il reste que l’heure de la juridicisation des relations internationales, qui implique l’exercice de la compétence universelle, n’est pas encore arrivée. Elle le sera réellement lorsque des Etats comme le Royaume Uni décideront de se prévaloir de la compétence universelle lorsque les circonstances le leur permettent. La décision du Conseil constitutionnel relativement à la révision constitutionnelle traduit, également, une certaine résistance de cette instance à voir mise en œuvre la responsabilité du chef d’Etat. En effet, le Conseil a considéré à propos de l’article 27 du Statut qu’il était contraire aux régimes particuliers de responsabilité institués par les articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution. Citons un court extrait de la décision : « Il résulte de l’article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d’une immunité ; qu’au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice, selon les modalités fixées par le même article… ».

47 J.Bullier Antoine P.A, n° 144 du 02 décembre 1998, l’arrêt de la chambre des Lords refusant l’immunité d’Etat au général Pinochet.

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Chapitre 2.1.2-. Obstacles pratiques, preuve et coopération internationale

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CHAPITRE 2-. OBSTACLES PRATIQUES, PREUVE ET COOPERATION INTERNATIONALE Le principe de la souveraineté interdit par principe à un Etat d’exercer ses attributions en dehors de ses frontières. La recherche de la preuve dans l’Etat du lieu de commission de l’infraction pose donc d’énormes difficultés. L’exercice de la compétence universelle donne lieu à des difficultés pratiques considérables. Sur ce point, les professeurs KOERING-JOULIN et LABAYLE font remarquer que « les promesses d’efficacité dont il (le système de la compétence universelle) est porteur s’effacent devant les difficultés de sa mise en œuvre »48. Et ces auteurs de poursuivre : « La réunion des preuves d’une infraction réalisée parfois à des milliers de kilomètres, l’audition et la confrontation des témoins posent des difficultés d’une complexité et d’un coût redoutables sans parler de leur fiabilité. Au total, face à l’éloignement du lieu de commission de l’infraction et celui des poursuites, seule la plus ou moins bonne grâce conjoncturelle de la collaboration policière et judiciaire peut permettre d’atténuer sinon de résoudre le problème structurel de la distance ». On ne pouvait trouver meilleure formule pour exprimer l’obstacle pratique que constitue la recherche de la preuve, qui se dresse en rempart contre l’exercice de la compétence universelle. Ainsi, la preuve (section1), dont la recherche conditionne le procès pénal est le premier élément fondamental sur lequel il nous faut insister. La coopération internationale peut permettre, en principe, de faciliter cette recherche de la preuve. Mais elle est davantage porteuse d’espoirs que véritablement effective. C’est le second élément qu’il nous faudra examiner (section 2).

48 R. Koering-Joulin, M. Labayle, Dix ans après…de la signature (1977) à la ratification (1987) de la Convention européenne pour la répression du terrorisme, J.C.P., 1988, I 3349.

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Section 1-. La recherche de la preuve Les difficultés de la preuve (§1) paraissent d’autant plus inextricables que celle-ci est nécessaire voire indispensable (§2). §1-. La nécessité de la preuve La question de savoir pourquoi la preuve est nécessaire, est très souvent éludée. Nous aborderons certains points de cette question afin d’y apporter une réponse succincte mais néanmoins importante dans la clarification du principe de nécessité de la preuve. A-. Justifications de la preuve Une infraction pénale n’a de réalité juridique, de portée réelle que si elle peut être prouvée de manière certaine et sans équivoque. La preuve est le soutien derrière lequel se trame tout notre droit pénal, lequel n’est voué qu’à rester à l’état de théorie, si la preuve n’est pas établie. Ainsi, la preuve apparaît principalement comme une garantie contre l’arbitraire du juge, que les révolutionnaires avaient voulu bannir, en réaction à l’attitude des juges d’Ancien Régime. Cette préoccupation de lutte contre l’arbitraire du juge anime encore les autorités actuelles et en particulier le Conseil constitutionnel. Il est évident qu’un Etat de droit tel que la France rejette tout arbitraire et impose l’exigence d’une preuve, quelle qu’elle soit. La preuve s’effectue par tous moyens en droit pénal. Dans cette matière où les infractions en jeu sont particulièrement graves, il est indispensable de prouver les infractions qui peuvent se traduire par de lourdes peines privatives de liberté. B-. Finalité de la preuve, la recherche de la vérité Comme en droit interne, les dires de certains peuvent constituer le prélude à ce qui constituera, plus tard, des indices de la commission d’une infraction. Mais à l’instar de ce qui se passe pour les infractions strictement internes, ces dires ou allégations sont à apprécier avec parcimonie et prudence. Il y a plusieurs modes d’appréciation de la véracité des allégations selon que la compétence universelle est exercée par les tribunaux internes de l’Etat du judex deprehensionis ou par une juridiction internationale (TPIR-TPIY-CPI). Dans ce dernier cas, et pour cette raison que ces juridictions pénales se trouvent placées sous l’égide de la puissante ONU, la preuve sera facilitée.

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Ainsi, le Conseil de sécurité a prié le Secrétaire général de constituer des groupes d’experts chargés d’examiner de près les violations graves. On peut citer la Commission d’experts49, composée de cinq membres, créée par la résolution 780 (1992) pour enquêter sur les graves violations des Conventions de Genève, et d’autres violations du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. L’on peut également mentionner la Commission d’experts crée par la résolution 935 (1994) pour enquêter sur les graves violations du droit international humanitaire et les actes de génocide commis au Rwanda. On constate que l’ONU dispose de moyens sophistiqués pour parvenir à l’établissement de la vérité. Ce qui n’est pas le cas des tribunaux internes de l’Etat du lieu d’arrestation. Si le droit international impose à cet Etat le devoir de juger le délinquant à défaut de l’extrader, encore faut-il qu’il ait les moyens matériels de la faire. Il est vrai que la CPI prévoit dans son article 93 § 10 qu’elle peut assister un Etat pour une enquête ou un procès conduit par sa juridiction nationale, sur une affaire relevant de la compétence de la Cour, ou sur un crime grave au regard du droit international de cet Etat. Il en résulte qu’un Etat qui revendique sa compétence sur le fondement de l’universalité du droit de punir peut demander assistance à la CPI. Néanmoins, cela est loin de résorber toutes les difficultés liées à la preuve. §2-. Les difficultés de la preuve La première difficulté qui vient immédiatement à l’esprit est la distance qui sépare l’Etat de poursuites et celui de l’arrestation. A-. Eloignement des Etats Les progrès effectués dans le domaine technologique et des télécommunications sont allés de pair avec une recrudescence de la délinquance. Cependant, et par contrecoup, ces mêmes progrès ont servi les défenseurs de la justice à franchir de plus en plus rapidement les frontières lorsqu’ils sont amenés à constater une infraction commise en dehors de celles-ci. Ici, le problème n’est pas tant celui de parvenir à l’autre bout de monde pour constater une infraction mais celui du dépérissement et de la disparition volontaire des preuves. Nonobstant les progrès considérables qui ont été effectués, il n’empêche que le temps peut faire disparaître des éléments pourtant indispensables à la qualification d’un fait en infraction. Le problème pourrait être résolu s’il existait une police universelle dont le rôle serait notamment de rassembler les preuves en vue de parvenir à la vérité. Mais force est de constater qu’elle n’existe pas encore. Cette affirmation est, cependant, à nuancer selon que la compétence

49 Sur ces Comités d’experts, Principes régissant les impunités de l’O.N.U. sur les allégations relatives à des massacres, Bureau des affaires juridiques Nations Unies, New York,1995.

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universelle est exercée par les tribunaux internes de l’Etat d’arrestation ou par une juridiction internationale comme le Tribunal ad hoc pour l’ex-Yougoslavie. Dans ce dernier cas, en effet, on tente de créer des forces aptes à faire appliquer le droit. Mais globalement celles ci n’assument pas vraiment le rôle d’une police au sens où on l’entend traditionnellement. Aussi, Louise ARBOUR, Procureur auprès du Tribunal pénal international chargé de juger les crimes commis en ex-Yougoslavie, éprouve de grandes difficultés. Elle avoue « la question des enquêtes judiciaires restent à ce jour, pour moi, un sujet d’inquiétude. L’opinion ne voit que la partie émergée de l’iceberg : les procès. Mais pour en arriver là, un gros travail d’enquête sur le terrain est nécessaire ; un travail qui demande du temps et de l’argent »50. Il est certain que l’une des conditions à la création d’un police n’est concevable que si le budget le permet, mais l’argent seul ne suffit pas à constituer une police. B-. L’inexistence d’une police universelle La police, en droit interne, est le principal « rapporteur » de la preuve. En droit international, et si l’on voulait aller au bout de la logique de la compétence universelle, on pourrait imaginer la création d’une police universelle dont la fonction serait de rassembler les preuves des infractions particulièrement graves. On sait que dans le cadre de l’Union Européenne, il existe EUROPOL. Mais à y regarder de prés, cet organisme n’est qu’une coordination entre les polices des pays européens. L’on peut également citer la force multinationale IFOR-SFOR déployée en Bosnie qui pourrait, peut-être, servir d’exemple. Or, dans les deux cas on ne peut parler de véritable police européenne. Il faudrait, pour que l’on puisse réellement parler de police, une intégration policière. Celle ci s’entend, en droit international public, comme « un transfert de compétences étatiques d’un Etat à une organisation internationale dotée de pouvoirs de décisions et de compétences supranationales »51. L’actualité ne laisse, pour l’heure, aucunement présager une intégration policière au niveau universel.

50 L. Arbour, Un procureur contre la raison d’Etat, propos recueillis par Thomas Hofnung. Politique Internationale, Paris, n° 79, printemps 1998, pp. 305-315. 51 C.Chevallier-Gouers, De la nécessité de créer une police européenne intégrée, R.S.C., n° 1, janv-mars 1999, p.77.

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Section 2-. La coopération internationale Nous avons évoqué quelques aspects de la coopération policière. Examinons maintenant l’aspect judiciaire de coopération internationale. §1-. Les modalités de la coopération Les modalités de la coopération reposent sur les solutions du droit de l’extradition et sur les rapports entre l’Etat requis et l’Etat requérant que ce droit permet de régir. Deux types de modalités sont envisageables. A-. Commissions rogatoires internationales Il est possible que l’Etat requis, qui désire constater l’infraction, choisisse de le faire par le biais de commissions rogatoires internationales. Une commission rogatoire internationale est « une demande adressée par l’autorité judiciaire d’un Etat à une autorité se trouvant dans un autre Etat d’accomplir en son nom et pour son compte une mesure d’instruction: enquête, expertise, vérification de pièces, transport sur les lieux, audition de personne… »52. Plusieurs textes font référence aux commissions rogatoires internationales. Retenons notamment l’article 30 de la loi de 1927 sur l’extradition des étrangers ainsi que les articles 3 à 6 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale. Il nous faut donner des précisions à la fois en ce qui concerne l’envoi, l’objet et l’exécution des commissions rogatoires. S’agissant de l’envoi, tout d’abord, les commissions rogatoires transitent, en général, par les ministères de la Justice des Etats concernés. En cas d’urgence, la demande peut être directement adressée aux autorités judiciaires compétentes de la partie requise, mais la commission rogatoire doit être envoyée par le ministère de la Justice. Cette procédure permet à l’Etat de vérifier le bien fondé de la demande et de refuser l’éxecution de la commission rogatoire si celle ci est de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays, notamment à sa souveraineté, à sa sécurité et à son ordre public (article 2 de la Convention d’entraide judiciaire). Ensuite, en ce qui concerne l’objet des commissions rogatoires, celui-ci est généralement défini par les Conventions prévoyant l’entraide judiciaire. Ainsi, la Convention européenne d’entraide judiciaire, de même que la Convention franco-canadienne, vise « tout acte d’instruction ». D’autres Conventions énumèrent les actes susceptibles d’être demandés dans le cadre d’une commission rogatoire. En ce sens, la Convention de Vienne contre le trafic 52 H. Huet, R. Koering-Joulin, ouvrage précité.

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illicite de stupéfiants indique les actes pouvant être accomplis. Il s’agit des témoignages, dépositions, perquisitions, saisies, transports sur les lieux, examens d’objets. Il est clair, cependant, qu’une commission rogatoire ne peut porter sur une arrestation sachant que la procédure d’extradition doit alors être appliquée. Enfin, concernant l’exécution de la commission rogatoire, précisons qu’elle est obligatoire pour l’Etat requis signataire de la Convention. La loi applicable aux commissions rogatoires est celle de l’Etat requis. B-. Communications de pièces, dossiers, documents et comparution de personnes Le juge français peut également préférer demander à une autorité judiciaire de lui communiquer des pièces à conviction, dossiers et documents en vue de les examiner lui-même, soit de faire transporter dans l’Etat des personnes pour les entendre lui-même. Les conventions internationales prévoient la possibilité pour les parties contractantes de faciliter l’administration de la preuve dans l’Etat du lieu de commission de l’infraction. Mais en tout état de cause il apparaît que l’Etat sur le territoire duquel a été commise l’infraction ne participe pas de manière active à la collaboration en vue de la manifestation de la vérité. §2-. L’insuffisance de la coopération Des considérations à la fois de faits et de droit témoignent de l’insuffisance de la coopération. A-. En fait, la non-coopération de l’Etat territorialement compétent L’Etat sur le territoire duquel ont été commises des infractions peut se montrer réticent et ne pas coopérer dans la recherche de la vérité pour plusieurs raisons. Il peut estimer qu’il est le seul habilité, en vertu de sa souveraineté, à prendre l’initiative d’une enquête et à la diligenter à sa guise. Cet Etat peut également ne pas avoir à sa disposition de législation qui lui permette de répondre aux demandes de coopération. La non coopération peut s’expliquer plus globalement, et de manière plus réaliste, par le fait que « une part importante d’appréciation d’opportunité politique, diplomatique et militaire n’est pas absente et peut, ci où là, entrer en contradictions avec le travail du Procureur »53. Toutefois, la C.P.I. impose aux Etats l’obligation de coopérer (ce qui avait déjà été le cas avec les deux Tribunaux pénaux internationaux). Mais aucune sanction n’est prévue en cas de manquement à cette obligation. Cela ne fait que conforter et encourager l’Etat sur le territoire 53 Rapport DULAIT, p31, n°313, 1993-1998.

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duquel à été perpétré le fait délictueux et où se trouvent, par hypothèse, les éléments de preuve, à ne pas coopérer. La question est d’autant plus dramatique que la Cour de cassation française se montre sévère à l’égard des juges qui outrepasseraient leur pouvoir. Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 août 199254 a déclaré qu’un juge d’instruction français ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, procéder à des actes d’instruction, spécialement à l’audition d’un suspect, sur le territoire d’un Etat étranger, faute de quoi un « procès verbal de renseignements » dressé à la suite de cette audition doit être annulé. B-. En droit, des textes confus La compétence universelle n’est pas encore un système fermement ancré au droit positif. En effet, les textes n’y font pas toujours expressément référence. C’est pourquoi, il importe de se reporter aux textes généraux en matière d’infractions commises à l’étranger et de constater que ces textes sont confus voire lacunaires. Concernant, les commissions rogatoires et la communication transfrontalière de pièces à convictions, dossiers et documents, la loi du 10 mars 1927 relative à l’extradition, applicable en l’absence de convention, traite seulement du cas où la France est le pays auquel on adresse la commission rogatoire ou celui auquel on demande des documents. Ces hypothèses ne correspondent pas à la fonction exercée par l’Etat d’arrestation lorsque ses tribunaux s’estiment compétents en vertu de la répression universelle. En effet, dans ce cas c’est lui qui adresse une commission rogatoire à l’Etat du lieu de commission de l’infraction, ou qui demande des documents. En somme, et au vu de l’étude de cet obstacle pratique que constitue la recherche de la preuve et la nécessité de la coopération entre les Etats qui en découle, on ne peut que constater l’actualité persistante du propos, pourtant, proclamé en 1965 par L.H.C. HULSMAN : « Lorsqu’un comportement tombant sous le coup de la loi pénale présente un aspect international quant aux faits, quant à l’auteur, ou quant aux preuves (…) il ne, peut, en général, être suivi d’une réaction pénale adéquate que grâce à une collaboration entre les Etats intéressés. C’est que dans la société, de nos jours, l’application du droit pénal appartient en grande partie, à des organes de l’Etat dont la compétence cesse à la frontière du pays »55.

54 Crim.Cass. 20 août 1992. Bull. n° 279, D.inf.rap.245. 55 L.H.C. Hulsman, Transmission des poursuites pénales à l’état de séjour et exécutions des décisions pénales étrangères, in le droit pénal international, recueils d’études en hommage à Jacob Maarten Van Bemmelen, Leider, 1965.

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Titre 2.2-. Le mythe de l’ordre public universel

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TITRE 2-. LE MYTHE DE L’ORDRE PUBLIC UNIVERSEL La compétence universelle présuppose l’existence d’un ordre public universel. Ce dernier constitue le soutien nécessaire de la répression universelle, son fondement même. Pourtant, il n’y est fait allusion dans aucune des conventions internationales consacrant la compétence universelle. Doit-on en déduire qu’il va de soi, qu’il est supposé exister ? Toute proposition en ce sens doit être faite sous point d’interrogation. Cette notion est mentionnée dans les ouvrages de droit pénal international et en particulier dans celui de Monsieur le Professeur LOMBOIS. Cet auteur est d’ailleurs à l’origine de la définition de cette notion reprise plus tard dans le cadre de nos développements. Fondamentale, cette notion est, cependant, très difficile à cerner intellectuellement. C’est à cette lourde tâche que nous vouerons notre attention dans un premier point (chapitre 1) destiné à appréhender le sens de la notion d’ordre public universel. L’ordre public universel est-il, au delà de savoir ce qu’il recouvre réellement, objectivement réalisable ? Dans l’affirmative, est-il souhaitable ? Il n’y a aucune certitude à ce propos. Tout au plus, peut-on dire que si l’ordre public universel n’existe pas, alors la compétence universelle est en quelque sorte une compétence « aux pieds d’argile » car dénuée de tout fondement, à moins de rechercher une autre justification. En tout état de cause, on constatera à travers l’étude présente, que cet ordre, pièce maîtresse du droit pénal international, n’est ni entièrement réalisable ni entièrement souhaitable. C’est ce que nous serons amenés à constater dans un second point (chapitre 2) consacré à l’examen des chances et des risques de voir un jour s’imposer une telle notion. Cet dernier chapitre nous permettra de constater que l’ordre public universel semble ne constituer qu’un mythe c’est-à-dire une « construction de l’esprit qui ne repose pas sur un fond de réalité ». Le caractère pessimiste, mais néanmoins réaliste, de ce chapitre, ainsi que de l’ensemble de notre travail, nous conduira à clore notre étude sur une petite note positive.

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Chapitre 2.2.1-. La notion d’ordre public universel

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CHAPITRE 1-. NOTION D’ORDRE PUBLIC UNIVERSEL La notion d’ordre public universel sous-tend le système de l’universalité du droit de punir. Pour cette raison, elle mérite qu’on s’y attache quelques instants. Nous avons choisi d’en appréhender le sens à travers l’étude de son domaine (section 1) menée selon deux axes, celui de son contenu, et celui de son titulaire. D’emblée il faut souligner, afin de préciser notre pensée, ce que l’on entend par « titulaire ». En effet, celui ci ne doit pas être pris dans sens commun. Nous avons voulu désigner sous ce terme l’entité affectée par les infractions internationales donnant lieu à l’exercice de la compétence universelle. Lorsqu’un génocide ou des tortures sont infligés, la compétence universelle intervient alors afin de permettre le jugement de tels actes, et surtout à travers ce jugement rétablir l’ordre public universel. Ainsi par titulaire, on entend l’entité ( le genre humain le plus souvent) qui souffre directement de ces actes. Ceci étant précisé, il nous faudra également envisager les intérêts qui se trament derrière cette notion. Ces intérêts ne sont d’ailleurs pas sans rappeler ceux de la compétence universelle elle-même (section 2).

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Section 1-. Domaine de l’ordre public universel On peut tenter de cerner le domaine de l’ordre public universel à travers son titulaire potentiel (§1) et son contenu éventuel (§2). §1-. Le titulaire potentiel de cet ordre Quelle entité, quels Etats, l’ordre public universel est-il censé représenter ? A-. Communauté internationale et société internationale Lorsque des infractions particulièrement graves, comme celles à l’origine de la création des T.P.I.Y. et T.P.I.R., sont réputées avoir troublées l’ordre public universel, c’est par contrecoup, la communauté internationale qui en est affectée. Fréquemment, dans les médias, il est fait référence à cette notion de communauté internationale dont chacun d’entre nous à plus ou moins une idée. Que désigne précisément cette formule ? En principe, elle représente une pluralité d’Etats unis par un lien que certains auteurs qualifient d' « affectif ». Pour certains d’entre eux la communauté internationale existe même si les rapports entre les Etats qui la forment sont conflictuels. Le conflit est inhérent à la coexistence d’Etats souverains. En effet, « tout groupe social est travaillé par des contradictions. L’association, la ville, la province sont conflictuelles, mais n’en existent pas moins, car elles se rassemblent autour d’intérêts communs sur la définition desquels leurs membres peuvent diverger tout en poursuivant la concertation pour parvenir à un accord rendu indispensable par les phénomènes de solidarité objective, historique, économique, culturelle qui les rassemblent. (…) C’est pourquoi leurs affrontements ne les empêchent pas de s’efforcer de coordonner leurs efforts pour faire face aux problèmes vitaux qui se posent à l’échelle planétaire »56. Dans cet esprit, la compétence universelle apparaît comme un système sur lequel une coalition d’Etats s’entend pour affronter une délinquance à caractère « odieux ». L’ONU, sous l’égide de laquelle ont été créés les deux T.P.I. et la C.P.I., a elle-même affirmé reposer sur la communauté internationale dans son ensemble. L’exercice de la compétence universelle par les juridictions pénales internationales peut donc être considéré comme l’œuvre de cette communauté internationale. Mais cela semble contestable lorsque ce sont les tribunaux internes de l’Etat d’arrestation qui sont compétents.

56 R. J. Dupuy, Dialectiques du droit international, souveraineté des Etats, Communauté internationale et droit de l’humanité, Pedone, 1999, p. 310.

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La société internationale, contrairement à la communauté internationale, résulterait de la volonté des Etats. Pour TONNIES57, en effet, la communauté internationale diffère de la société internationale en ce qu’elle est l’expression d’un vouloir naturel, inhérent à l’être et fondé sur la parenté et le voisinage. Il est possible de faire un parallèle avec ce que DURKHEIM appelle dans un ouvrage la solidarité par division du travail. L’exercice de la compétence universelle par les tribunaux internes du judex deprehensionis s’explique par la volonté des Etats de faire face ensemble à la criminalité de grande envergure. Si la société internationale est censée être fondée sur la volonté, on trouve une parfaite illustration de la manifestation de cette volonté dans les conventions prévoyant la compétence universelle. Le droit apparaît alors beaucoup plus comme un instrument destiné à consacrer les intérêts d’une société internationale. B-. L’humanité La compétence universelle, justifiée – en théorie – par une atteinte portée à l’ordre public universel, apparaît comme la compétence internationale la mieux fondée à régir les infractions qui heurtent l’humanité. La notion d’humanité est malaisée à définir. Alors que la communauté internationale rassemble les contemporains, le Professeur DUPUY58 envisage « l’humanité (comme) un concept interspatial et intertemporel, faite non seulement des présents mais aussi de ceux qui viendront. Elle est un concept porteur, elle annonce la promotion et le développement des peuples. Elle soutient aussi une série de valeurs trans ou plutôt supraculturelles qui postule la coopération entre eux pour promouvoir un monde où tous se reconnaîtraient ». Ainsi n’est il pas faux de dire que lorsque le juge de l’Etat d’arrestation du délinquant se reconnaît compétent pour connaître de la situation de ce dernier, cet Etat agit au nom de l’humanité. En outre, dans la plupart des Conventions consacrant la répression universelle, on remarque qu’en toile de fond figure l’humanité. Sans doute, cela s’explique-t-il par l’influence des Nations Unies dans l’élaboration de ces conventions. Le Préambule de la Charte met en exergue ce concept d’humanité. Il faut également signaler que les TPI ainsi que la CPI ont été institués par le biais de l’ONU, pour préserver de la guerre « qui a infligé d’indicibles souffrances ». L’humanité est d’ailleurs le fondement même de la répression des « crimes contre l’humanité ». La convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide entend « libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux ». On peut pousser plus loin la réflexion et considérer que la piraterie maritime répond également à cette considération d’humanité pour la raison que la haute mer, comme les fonds marins, constitue la patrimoine commun de l’humanité .

57 Tonnies, Communauté et société, 1887. 58 op. cit.

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§2-. Le contenu éventuel de cet ordre Deux conceptions du contenu de l’ordre public universel peuvent être avancées. A-. L’ordre public universel, juxtaposition d’ordres publics internes La compétence universelle donne vocation à une juridiction pénale internationale, ou aux tribunaux internes de l'Etat du lieu d’arrestation, pour connaître d’infractions déterminées. Cette compétence, exceptionnelle dans son principe comme dans son application, se justifie par la gravité des infractions qu’elle appréhende. Génocide, torture, crime contre l’humanité, tous ces crimes ont pour point commun de révolter la conscience universelle et d’affecter, par suite, l’ordre public universel. Cet ordre peut se concevoir comme la somme d’ordres publics internes. C’est la manière dont ROUSSEAU définissait la volonté générale comme étant constituée par l’addition de volontés particulières. Un argument milite en ce sens, c’est celui de l’application de la loi du pays sur le territoire duquel est arrêté le délinquant. Cette application révèle, dans une certaine mesure, la réaction d’un ordre public particulier. Il manifeste également la méfiance des tribunaux de l’Etat d’arrestation à l’encontre de la justice pénale des autres nations. Il semble que l’on puisse dire à propos de l’ordre public universel ce que l’on a pu avancer à propos de l’ordre public international. Un auteur soulignait la nature particulière non pas de l’ordre public mais de l’ordre juridique international et il s’exprimait en ces termes : « il ne faut pas imaginer l’ordre juridique international comme la transposition à la société des Etats d’un ordre juridique interne »59. C’est ce qui nous amène, tout naturellement, à envisager une autre conception de l’ordre public universel. B-. L’ordre public universel, transcendance des ordres publics internes Pour F. ATTAR, c’est la « force des choses » qui explique que le droit international soit contraint de déléguer les modalités pratiques de son application au droit interne des Etats. Ainsi, l’application d’une loi française à un délinquant arrêté en France sur le fondement de la compétence universelle ne serait pas révélatrice en soi. Elle serait justifiée par la logique inhérente au droit international. Si « l’ordre public traduit les exigences fondamentales de la vie en société ; toute société a un ordre public, y compris la société internationale que forment entre eux les Etats souverains »60.

59 F. Attar, Le droit international entre ordre et chaos, Hachette, 1994, p. 13. 60 C. Lombois, Droit pénal international, Dalloz, 1971.

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LOMBOIS donne une définition de l’ordre public universel. Cet ordre comprend l’ordre public international, c’est à dire « l’ensemble des règles impératives dont dépend la maintien de la coexistence organisée des Etat souverains (…) et les intérêts que les Etats ont en commun, faisant ainsi une infraction internationale de certains agissements qui, sans menacer directement l’existence de la société internationale, blessent des intérêts universels ». Cette définition marque les limites d’un ordre loin d’être réalisable même si les intérêts d’un tel ordre sont évidents. Section 2-. Les intérêts de l’ordre public universel Les intérêts de l’ordre public universel paraissent évidents – en théorie au moins- (§1). Il en est tout autrement en pratique (§2). §1-. En théorie, une solidarité universelle dans la lutte contre la délinquance Il est certain que la protection de l’ordre public universel suppose une répression efficace, mais également une solidarité des Etats. A-. Une solidarité universelle L’ordre public universel sous-tend l’édifice tout entier sur lequel est bâti le système de la compétence universelle. Seules, sont censées porter atteinte à l’ordre public universel les infractions graves et seules ces dernières justifient la solidarité des Etats afin de lutter contre leur commission. Dans le langage courant, la solidarité exprime « une dépendance mutuelle entre les hommes », elle traduit encore « un sentiment qui pousse les hommes à s’accorder une aide mutuelle » ( dictionnaire LAROUSSE ). Ces définitions contribuent assez bien à éclairer le sens de la solidarité universelle à une réserve près. La solidarité universelle met en jeu non pas l’homme mais l’Etat, seul sujet incontesté du droit international. GROTIUS écrivait : « rien n’est étranger à l’homme. Martial l’a dit : si liés les uns aux autres, unissant nos forces et regardant ce qui est fait à autrui comme nous étant personnel, nous tirions chacun vengeance de ceux qui se rendent coupables d’injustice, l’audace des méchants ne prévaudrait pas sur l’innocence. Surveillés de toutes parts, obligés de subir un châtiment mérité, ils disparaîtraient complètement ou leur nombre diminuerait beaucoup »61.

61 H. Grotius, Du droit de la guerre et de la paix, livre I, chap.I.

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B-. Une volonté d’efficacité répressive Si l’ordre public universel n’est pas reconnu en tant que tel et n’est pas mentionné, formellement, dans les textes relatifs à la compétence universelle, il ne fait aucun doute que c’est sur le premier qu’est fondée la seconde. Nous avons insister sur le fait que l’Etat intervient, en vertu de l’universalité du doit de punir, afin de remédier à l’atteinte portée à l’ordre public de tous les Etats. L’admission et la consécration d’un ordre public universel devrait assurer l’ubiquité de la répression des infractions lui ayant porté atteinte. Il est logique que le trouble porté à l’ordre public universel se traduise par une répression d’autant plus efficace qu’il est censé avoir lésé les intérêts de tous. L’intérêt théorique de la consécration d’un ordre public universel réside dans une volonté de répression efficace et est de ce fait louable. Il n’empêche qu’en pratique, cet intérêt est vidé de sa substance par les difficultés qu’il suscite. §2-. En pratique, des difficultés inextricables Le moyen par lequel la répression universelle se propose de parvenir à ses fins est illusoire. La solidarité universelle qui peut permettre une répression efficace relève d’une certaine fiction. A-. La fiction de la solidarité universelle L’étude consacrée à la coopération internationale aussi bien judiciaire que policière a mis en lumière les rapports entre Etats fondés davantage sur l’antagonisme de leurs intérêts plutôt que sur leur convergence. La solidarité universelle, qui s’exprime dans le cadre de la compétence universelle à travers l’adhésion des Etats parties à la Convention la consacrant, n’est donc destinée qu’à rester à l’état de fiction. LOMBOIS exprime cela en disant : « à la limite, tous les Etats ont en commun un intérêt à la prévention et à la répression de la criminalité. Les exemples toujours donnés d’infractions internationales entendues en ce sens visent des infractions qui ne sont pas internationales par nature mais qui se trouvent internationalisées par la circonstance que des traités internationaux les ont définies. Ainsi, les intérêts que les Etats ont en commun ne répondent pas à un critère précis mais se trouvent révélés au hasard des constatations qu’en font les traités, sous la pression des besoins ».

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B-. Notion de « grande délinquance » Par hypothèse, toutes les infractions ne troublent pas l’ordre public universel. Seuls les crimes les plus graves sont pris en considération. A ce titre, la torture, les crimes contre l’humanité, la piraterie, le terrorisme… font partie de ces infractions qui lèsent les intérêts de tous. Mais toute infraction, à moins d’être infime et dans ce cas c’est sur sa répression pénale qu’il convient de revenir, remplit cette caractéristique. Quel seuil de gravité doit revêtir une infraction pour troubler l’ordre public universel ? Il n’y a pas de réponse précise à cette question. Parfois c’est le fait de savoir si une infraction peut constituer une infraction grave qui pose problème. L’Ancien Droit admettait, par exemple, que les voleurs et les vagabonds relèvent de la compétence universelle. Or, nul n’a jamais considéré le vol ou le vagabondage comme de la grande criminalité. Le vagabondage n’est d’ailleurs plus réprimé, ce qui démontre sa non appartenance à cette catégorie de crimes naturels à laquelle VOLTAIRE opposait les « crimes de temps et de lieu ». Quant au vol, un arrêt du Parlement de Paris62 s’était reconnu compétent en 1671 pour connaître du cas de deux Siennois, ayant volé des diamants à un Arménien à Venise et s’étant réfugié en France. Il fut condamné à neuf ans de galère. Si le vol mine l’organisation sociale, il ne peut être considéré comme l’un de ces crimes grave justifiant l’exercice de la compétence universelle. Parfois, l’on sait qu’une infraction est grave mais elle n’est pas définie de façon suffisamment précise. Un exemple permettant d’illustrer notre propos peut être mentionné. Il s’agit d’une affaire récente, celle du MC Ruby63. Rappelons-en les faits. O. Kingsley, Ghanéen monté clandestinement à bord du porte-conteneurs MC Ruby, fut témoin de la séquestration puis de l’assassinat de huit des clandestins dont les cadavres furent jetés à la mer. S’étant caché sur le bateau, il échappa à un tel sort. Lorsque l’ancre fut jetée dans le port français du Havre, il alla porter plainte. Mis en examen pour assassinat, tentative d’assassinat, vol avec violence, séquestration arbitraire, piraterie en haute mer, les six marins dénoncés par Kingsley furent renvoyés devant la cour d’assises de la Seine Maritime par un arrêt de la chambre d’accusation du 15 décembre 1995. Cinq des coaccusés formèrent un pourvoi contre l’arrêt de renvoi en soulevant notamment l’incompétence des juridictions françaises pour connaître de faits commis en haute mer, à bord d’un bateau étranger, par des étrangers sur des victimes étrangères. La Chambre criminelle de la Cour de cassation, afin de connaître des comportements infligés à l’égard des clandestins défunts, établit sa compétence universelle sur le fondement de la Convention de New York du 10 décembre 1984 (article 689-2 du CPP). La Haute juridiction releva que des tortures et autres peines ou traitements inhumains et

62 Blondeau, Journal du Palais, tome I, p.152 et ss. 63 Crim. 3 mai 1995, MC Ruby, Bull. crim. n°161.

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Chapitre 2.2.1-. La notion d’ordre public universel

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dégradants avaient été commis. Un auteur dénonce la mauvaise qualification des faits par le juge, guidé par des considérations d’opportunités. Pour cet auteur « la compétence universelle affirmée apparaît alors comme une compétence quelque peu forcée juridiquement parlant même si, la fin justifiant les moyens, l’on a envie d’approuver les magistrats français d’avoir permis la répression des coupables. Car on voit mal comment d’autres Etats que la France ( la Russie, l’Ukraine, l’Abkhazie dont les auteurs ou complices étaient originaires ? Le Ghana ou le Cameroun dont les victimes étaient ressortissants ?) auraient effectivement exercé leur compétence répressive »64. L’on perçoit, par conséquent, au travers de la notion de grande délinquance, l’artifice dont elle est empreinte et l’impossibilité de la définir de façon précise. Peut être cela s’explique t-il par l’évolution du temps, des mœurs, et des circonstances qui peut être déterminante dans la solution d’un procès. Il n’empêche que cette catégorie d’infractions qui heurte la conscience universelle ne répond à aucun critère objectif précis.

64 R. Koering-Joulin, L’affaire du MC Ruby et la compétence internationale des juridictions répressives françaises, Etudes en l’honneur de D. Poncet, p. 150.

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CHAPITRE 2-. CHANCES ET RISQUES Quel que soit le sens à attribuer à la notion d’ordre public universel, se pose la question de savoir si cet ordre constitue une réalité objectivement observable. Pour qu’il en soit ainsi, il faudrait de prime abord que les conventions qui consacrent la compétence universelle en fassent mention. On peut prendre appui sur le droit interne qui, a l’opposé, en faisant référence à l’ordre public interne, témoigne de son existence. La protection de l’ordre public interne est d’autant plus importante en droit français qu’elle peut justifier de mesures qui a priori portent atteinte à la liberté individuelle. On peut citer l’exemple du contrôle d’identité qui peut être opéré pour prévenir une atteinte à l’ordre public. Il apparaît donc que l’ordre public interne est objectivement observable et fait l’objet, du fait de son importance, d’une protection accrue. La dimension particulière du droit international confère à la question de l’existence de l’ordre public universel un caractère capital dans la mesure où a fortiori il intéresse des infractions particulièrement graves. Dans cette éventualité, la question de savoir si l’ordre public universel a quelques chances de s’imposer, en faits et en droit, présente une acuité particulière. Nous étudierons cette question délicate dans un premier temps (section 1). A supposer qu’elle puisse constituer une réalité, l’ordre public universel est-il réellement souhaitable ? Les risques de l’établissement et de la consécration d’un tel ordre seront envisagés dans un second temps (section 2).

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Section 1-. Les chances Quelles sont les chances de voir un jour s’imposer en droit comme en fait un ordre public universel ? Tentons d’apporter une réponse prenant en considération à la fois les dimensions subjective (§1) et objective (§2). §1-. Aspect subjectif des chances, les résistances L’attitude du législateur et des juges français est telle qu’elle peut être interprétée comme empreinte de résistances à l’admission de la compétence universelle. C’est dire que l’ordre public universel est très loin de constituer une réalité pour ces autorités. A-. Résistances du législateur Plusieurs manifestations de la réticence du législateur à l’égard de l’exercice de la répression universelle peuvent être observées. Il faut distinguer les deux modalités d’exercice de la compétence universelle : soit par l’Etat du judex deprehensionis, soit par les juridictions pénales internationales. Dans le premier cas de figure, la compétence universelle ne s’exerce que dans la mesure où une convention internationale, « régulièrement approuvée et ratifiée », en vertu de l’article 55 de la Constitution, existe. On constate que dans la plupart des conventions internationales, la compétence universelle ne peut s’établir au profit de l’Etat du lieu d’arrestation que par subsidiarité. Or, si l’on admet que l’Etat qui intervient en vertu de la compétence universelle le fait dans l’intérêt de tous, la subsidiarité de sa compétence n’est pas logique. Celle-ci devrait s’exercer de la même manière que l’Etat territorialement compétent. Dans le second cas de figure, celui de l’exercice de la compétence universelle par les juridictions internationales et plus particulièrement par les TPI, l’on a déjà noté que le législateur a adapté la législation nationale afin d’intégrer les résolutions instituant les TPI. Or, cela n’est nullement nécessaire d’un point de vue juridique. B-. Résistances des juges Les juges français manifestent quelques résistances à l’admission de la compétence universelle. Un arrêt récent de la quatrième chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Paris du 24 novembre 1994, sur une affaire dont nous avons déjà relaté les faits, est significatif. L’aspect intéressant, qu’il faut souligner ici, est le suivant : les victimes bosniaques s’étaient

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fondées sur les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et sur la Convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants pour justifier la compétence de la France sur la base de la compétence universelle. Pour déclarer leur demande irrecevable, la Cour adopte une motivation peu convaincante. Elle estime que les Conventions de Genève ne figurent pas parmi les Conventions énumérées par les articles 689-1 à 689-7 du Code de procédure pénale. Certains auteurs ont cependant dénoncé la « justesse »65 du raisonnement tenu par la Cour estimant que la liste des Conventions n’était pas limitative se fondant notamment sur l’article 689 qui dispose : « Les auteurs ou complices d’infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre Ier du Code pénal ou d’un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu’une convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l’infraction ». L’article 689-1 du Code de procédure pénale qui constitue la véritable base de la compétence universelle, fait référence aux conventions internationales visées aux articles qui suivent. On peut penser que le principe de la légalité criminelle, dont découle celui de l’interprétation stricte de la loi pénale, exige que l’on ne fasse référence qu’aux conventions expressément désignées. Prenant conscience d’ailleurs de cette lacune, le législateur, seule autorité habilitée à créer de nouveaux cas de compétence universelle, adopta la loi n 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la Résolution 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables des violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’Ex-Yougoslavie depuis 1991. Dans ce cas d’espèce, il est, toutefois, regrettable que les juges n’aient pas fait prévaloir le droit international humanitaire.

65 C. Lombois, De la compassion territoriale, RSC (2), p. 400, avril-juin 1995.

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§2-. Aspect objectif des chances, la règle non bis in idem La règle non bis in idem fait le plus souvent obstacle à la compétence de l’Etat du lieu d’arrestation. Il est évident que si le trouble occasionné par l’infraction a été réparé au niveau de l’ordre public interne, l’ordre public universel n’a alors plus aucune raison d’intervenir. A-. Contenu de la règle L’établissement de la compétence universelle par l’Etat du lieu d’arrestation suppose que l’auteur de l’infraction n’ait pas fait l’objet d’une décision pénale étrangère – de non-lieu, de relaxe ou de condamnation – qui fait obstacle à de nouvelles poursuites en France pour la même infraction. En effet, les décisions répressives étrangères ont en France une « autorité négative de chose jugée ». La règle non bis in idem est fondée sur « des considérations d’humanité qui répugnent à ce qu’un individu puisse être jugé deux fois pour le même fait » ( Cass. Req. 14 avril 1868, S., 1868, 1 , 183 ). Dans le cadre du système de la répression universelle, l’infraction ayant été commise à l’étranger, l’admission de la règle non bis in idem est plus largement admise dans la mesure où, en faits, l’infraction n’a pas directement lésé, en pratique au moins, l’ordre public français. L’article 692 CPP qui résulte de la loi du 16 décembre 1992 rend irrecevable une poursuite en France lorsque la personne a commis à l’étranger une infraction relevant de la compétence universelle des tribunaux français. La décision étrangère invoquée au soutien de l’exception de chose jugée doit remplir certaines conditions. Ce doit être un jugement, la Cour d’appel de Nîmes a considéré que tel n’est pas le cas d’un classement sans suite ( Nîmes, 10 novembre 1967, D., 1968, 112 ). Le jugement doit émaner d’une juridiction répressive internationalement compétente selon les règles françaises de compétence internationale et doit avoir été rendu à la suite d’un procès équitable. Enfin, la décision étrangère doit être définitive, c’est à dire non susceptible d’être frappée d’une voie de recours ordinaire ou extraordinaire. Si l’auteur de l’infraction a été définitivement condamné à l’étranger, la peine doit avoir « été subie ou prescrite » ( 113-5 NCP et 652 CPP ). L’auteur qui entend invoquer la règle non bis idem doit s’en prévaloir, cette exception n’étant pas d’ordre public. Elle doit, selon la doctrine dominante, être soulevée in limine litis.

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B-. Respect de la règle On connaît les controverses qui existent en droit interne relativement au respect du principe non bis idem. En droit international, la question est plus complexe dans la mesure où elle met en jeu directement l’égalité entre Etats. A ce propos, DONNEDIEU DE VABRES se posait la question suivante : « de quel droit l’Etat qui intervient en second lieu s’arroge t il vis à vis d’une affaire qui a été jugé un pouvoir de révision ? Même s’il admet la déduction de la peine subie, n’est-ce pas en définitive, son appréciation personnelle du fait imputé qu’il a la prétention d’imposer ? Cette prétention n’est elle pas contraire au principe de l’égalité des Etats ? »66. Les conventions qui reconnaissent l’exercice de la compétence universelle ne consacrent pas, en général, la règle non bis in idem. Certaines conventions font cependant exception à cette règle. Ainsi en est-il de la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 qui dispose dans son article 36§2 que : « les infractions graves précitées, qu’elles soient commises par des nationaux ou des étrangers, sont poursuivies par la Partie sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise, ou par la Partie sur le territoire de laquelle le délinquant se trouvera si son extradition n’est pas acceptable conformément à la législation de la Partie à laquelle la demande est adressée, et si ledit délinquant n’a pas été poursuivi et jugé ». Si d’autres conventions ne consacrent pas de façon formelle et expresse le principe non bis in idem, il n’en reste pas moins que celui-ci doit être observé car comme un éminent auteur l’a constaté : « il serait illégitime d’obliger le juge à distinguer suivant que la décision rendue à l’étranger l’a été, suivant les circonstances d’espèce, par un juge ayant une compétence législative et judiciaire plus accentuée que la tienne ( par exemple jugement étranger émanant du juge territorialement compétent, tandis que le juge ayant à statuer sur l’autorité de la chose jugée, n’aurait pu invoquer qu’une compétence subsidiaire personnelle ), auquel cas l’autorité de la chose jugée ne serait pas admise, et le procès pourrait être recommencé. La règle non bis in idem, règle de justice absolue, domine les principes sur la hiérarchie des compétences : une poursuite a eu lieu pour un fait déterminé dans un Etat et par un juge faisant partie de la communauté internationale quel que soit le titre en vertu duquel a agi le premier juge, si ce titre est certain au regard de la loi de l’Etat sur le territoire duquel il s’agit de donner effet à la sentence étrangère, une nouvelle poursuite dans un Etat et par un juge appartenant à la même communauté internationale, serait une injustice »67. C’est certainement à la lumière de ces considérations que l’on trouve mentionné ce principe à l’article 10 du Statut du TPI pour l’ex-Yougoslavie ainsi qu’à l’article 9 du Statut du TPI pour le Rwanda. Il faut signaler que le Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’Humanité prévoit la règle non bis in idem. Elle apparaît finalement en droit international bien respecté. C’est pourquoi elle fait obstacle à l’exercice de la compétence universelle par

66 H. Donnedieu de Vabres, Les principes modernes du droit pénal international, p.311. 67 P. Garraud, R.I.D.P. 1929 (6), p.349-350.

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les tribunaux du judex deprehensionis et contribue à souligner le caractère illusoire de la compétence universelle. Section 2-. Les risques Les risques inhérents à l’établissement à la reconnaissance de l’ordre public universel sont de deux ordres. Ils résident tout d’abord dans la contrariété de cet ordre avec certains principes du pénal. Ensuite, l’ordre public universel peut constituer un véritable enjeu. §1-. Contrariété avec certains principes généraux du droit pénal et de la procédure pénale N’est il pas illogique et contraire directement au principe de bonne administration de la justice, et indirectement à celui de légalité criminelle de juger localement ce qui atteint, par définition, tous les Hommes ? A-. Ordre public universel et bonne administration de la justice La bonne administration de la justice est une règle fondamentale qui tient lieu, de plus en plus, d’impératif à respecter. Bien administrer la justice c’est assurer aux justiciables les garanties inhérentes à tous procès. La compétence universelle se situe aux antipodes de cet impératif. En effet, la bonne administration de la justice suppose la connaissance de l’infraction par les juges de l’Etat du lieu de sa commission, ce qui n’est pas le cas s’agissant de la compétence universelle. Dans cette matière, les difficultés, tendant à l’établissement de la preuve dans l’Etat territorialement compétent, sont telles qu’il est bien difficile, pour les tribunaux internes de l’Etat d’arrestation, de veiller au respect de ce principe. La même remarque peut-être faite à l’égard des différentes juridictions pénales ad hoc (TPIR et TPIY) mêmes si celles-ci émanent de la puissante ONU. Il faut espérer que la future Cour pénale internationale dispose de moyens suffisants afin de se conformer à ce principe de bonne administration de la justice. Or, on ne peut lui porter atteinte sous couvert de réprimer des infractions graves, ce qui risquerait de créer des erreurs judiciaires.

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B-. Ordre public universel et principe de la légalité criminelle Le principe de la légalité des incriminations et des peines est un principe cardinal de notre droit pénal interne. Il figure à l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 27 août 1789, ce qui lui confère valeur constitutionnelle du fait de l’insertion de la D.D.H.C. dans « le bloc de constitutionnalité ». Cet article dispose que : « la loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ». Il est également mentionné à l’article 111-3 du Code pénal. Si les juridictions internes, au premier rang desquelles se trouve le Conseil constitutionnel, veillent au respect scrupuleux de ce principe, qu’en est-il en droit international ? Le statut de la future CPI prévoit le principe de la légalité dans ses articles 22 et 23 insérés dans un chapitre intitulé « les principes généraux de droit ». Mais force est de constater que la plupart des conventions reconnaissant la répression universelle ne le consacre pas formellement. Est-ce à dire pour autant qu’il n’est pas respecté ? Il convient d’apporter une réponse nuancée à cette question controversée. On peut résumer la position de la doctrine en trois propositions. Selon certains auteurs, tout d’abord, le principe de non rétroactivité, corollaire naturel du principe de légalité, n’a pas été méconnu car ce dernier principe n’a pas un caractère obligatoire en droit international. C’est notamment la position de GLASER qui affirmait : « ce principe a été développé sur la base du droit écrit… Or, le droit international n’a pas été codifié »68. Pour d’autres interprètes, ensuite, le principe de la légalité n’a pas été violé dans la mesure où les crimes contre la paix et les crimes de guerre commis avant le 8 août 1945 faisaient déjà l’objet d’incriminations préexistantes par le droit international même si elles n’étaient assorties d’aucune sanction pénale. Certains auteurs estiment également que le droit national lui-même prévoyait bon nombre de crimes de guerre, en ce sens, notamment s’est exprimé monsieur le Professeur DECOCQ. Enfin, pour d’autres auteurs parmi lesquels nous trouvons les Professeurs KOERING-JOULIN et HUET, le principe de la légalité a directement été atteint. La raison en est simple : ni le droit international antérieur au statut de Nuremberg qui prohibait déjà les guerres de d’agression et les crimes de guerre, ni les déclarations faites par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale n’avaient édicté de sanction pénale. Par conséquent, « l’incrimination proprement dite ne date que du 8 août 1945 et la charte du Tribunal de Nuremberg d’où elle découle fut bien appliquée rétroactivement »69.

68 S. Glaser, Le principe de la légalité des délits et des peines et le procès des criminels de guerre, Rev. dr. pén. et crim., 1947-1948, 2308. 69 A. Huet, R. Koering-Joulin, droit pénal international, P.U.F., 1993, p.57.

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Les statuts des TPIR et TPIY ne font pas référence au principe de la légalité. Il apparaît à la lumière de l’urgence ayant présidé à leur mise en place, que le principe de la légalité n’est pas tout à fait respecté. En tout état de cause, si BECCARIA estimait que : « les lois seules peuvent déterminer les peines des délits et que ce pouvoir ne peut résider qu’en la personne du législateur »70, il n’existe pas de législateur international pour des raisons principalement liées à la souveraineté des Etats. Ainsi, dans le cadre de la compétence universelle, et faute de Code pénal international, le principe de légalité, au moins tel qu’on l’entend traditionnellement, n’est pas tout à fait respecté. §2-. L’ordre public universel, instrument d’hégémonie de certaines puissances ? L’ordre public universel peut n’être qu’une notion utilitaire aux mains de certains qui sont tentés de faire prévaloir leur conception de l’ordre public universel. A-. L’ordre public universel, expression d’un particularisme idéologique Les conventions consacrent la compétence universelle pour des infractions qui ont, par contrecoup, porté atteinte à l’ordre public universel. La compétence universelle ne s’exerce, en principe, que lorsqu’une convention internationale le prévoit. Par exception, on admet qu’elle puisse s’exercer en dehors de ce cadre. Ainsi en est il, de la future Cour pénale internationale, par exemple, dont le statut déroge aux règles normales de compétence pénale internationale en ce qu’il prévoit son application à des Etats non parties à la Convention. A première vue, on peut penser qu’il y a violation de l’article 34 de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui pose le principe de l’effet relatif des conventions. Poussant plus loin la réflexion, on peut penser qu’en réalité il n’en est rien car le concept de « contractuel » lui-même doit être envisagé selon la dimension particulière que lui confère le droit international. Ainsi, pour l’auteur d’un remarquable ouvrage, « on prétend contractuel, c’est à dire imaginé et débattu par les volontés, ce qui est en réalité présupposé puisque l’objet de l’accord est donné comme prédéterminé dans un dictum de la nature. (…). Ainsi, la volonté particulière ( supposée connue) se fond-elle dans la volonté générale »71. Aussi, l’ordre public universel, qui sous-tend, la compétence universelle est pure fiction, pure idéologie même. L’idéologie « remplit une fonction unificatrice ; elle devient l’écran qui travestit le partiel en vrai, il s’agit de dépasser les particularités concrètes au nom de l’Universel »72. A la lumière de ces éléments se profile le véritable sens de l’Universel, sur lequel il faut se garder de se méprendre. En effet, loin de constituer « un universel mondial », (il est bien davantage) une pensée de l’universel réalisée par l’Etat. 70 C. Beccaria, Des délits et des peines, traduit par Maurice Chevallier, DROZ, Genève 1960, p. 10§3. 71 M. Chevallier-Gendreau, Humanité et souverainetés, essai sur la fonction du droit international, éd. La découverte, 1999, p. 120. 72 C. Apostolidis, Rationalité juridique et idéologie, Tribunal permanent des peuples, Pedone, 1992, p. 7.

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Cet argument n’est pas sans rappeler celui invoqué par le Professeur DONNEDIEU DE VABRES, relativement à la théorie du droit des gens. Il mettait en garde de ce que « sous le couvert d’un humanitaire, d’un universalisme apparent, elle est le fruit d’une conception particulariste, étant orientée vers la protection d’intérêts bien définis, et limitée à certaines infractions. Elle est, si l’on veut, la manifestation d’un particularisme élargi à la mesure d’une coalition d’Etats »73. B-. L’ordre public universel, le progrès du Droit La compétence universelle concrétise, à travers l’ordre public universel qu’elle permet de protéger efficacement, l’adhésion d’une pluralité d’Etats à des valeurs communes jugées essentielles. Ces valeurs font donc l’objet d’une protection accrue assurée par ce mode de répression pénale efficace que constitue la compétence universelle. Nul égard, en effet, ni à la nationalité de l’auteur ou de la victime de l’infraction, ni au lieu de commission de celle-ci, c’est en cela que la compétence universelle est exceptionnelle et ne se limite qu’à des comportements hautement blâmables. La Cour pénale internationale, mise en place sous l’égide de l’ONU, constate le ralliement des Etats relativement à une cause commune que constitue la lutte contre la grande criminalité. La notion de frontière, qui permettait autrefois à des comportements de rester impunis, n’a dans cette perspective plus aucune raison d’être. On peut alors dire que l’ensemble des ordres publics internes se fondent dans un ordre public universel qui les dépasse. Les Etats doivent alors prendre à cœur de sanctionner les atteintes portées au droit international pénalement sanctionnées. Un parallèle peut être fait avec ce qui se passait sous la féodalité, époque qui rappelle étrangement la situation actuelle. La féodalité, qui manifeste un émiettement du pouvoir dans un cadre de vie strictement locale, était régie par le principe de sécurité. Celui-ci constituait le fondement du pouvoir et fonctionnait au profit d’un vassal. Afin de mettre fin à la guerre entre eux, les vassaux cédèrent progressivement la place à une centralisation monarchique. N’assiste-on pas au même phénomène avec l’institution de la Cour pénale internationale au profit de laquelle les Etats ont concédé leur droit de punir ? Les deux TPI ad hoc avaient d’ailleurs été institués sur le fondement du chapitre VII qui vise au maintien de la paix et de la sécurité internationale. En définitive, lorsque les Etats se lient par les conventions consacrant la compétence universelle, n’est-ce pas également pour éviter la guerre, souci de tous les temps, et faire en sorte de se prêter mutuellement mains fortes dans ce qui les affecte et particulièrement la lutte contre la grande criminalité ?

73 H. Donnedieu de Vabres, De la piraterie au génocide. Les nouvelles modalités de la répression universelle, in Mélanges Ripert, 1950, p. 228.

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Table des matières

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE-. LA COMPETENCE UNIVERSELLE, UNE COMPETENCE STATEGIQUE 5

TITRE 1-. UNE TECHNIQUE DE REGLEMENT DES CONFLITS 6

CHAPITRE 1-. UNE TECHNIQUE DE REGLEMENT DES CONFLITS DE LOIS 7 Section 1-. Le principe de solidarité des compétences législative et judiciaire et ses implications 8 §1-. Sens et justifications du principe 8 A-. Le sens du principe 8 B-. Les justifications du principe 8 §2-. Les implications du principe 9 A-. Implications pratiques 9 B-. Implications théoriques 10 Section 2-. Appréciations critiques du principe de solidarité des compétences 11 §1-. Eléments de critiques 11 A-. Eléments doctrinaux 11 B-. Eléments de droit pénal comparé 11 §2-. Pour une dissociation des compétences législative et judiciaire 12 A-. Une dissociation permise par la nature procédurale de l’universalité du droit de punir 12 B-. Une dissociation imposée par le principe-même de la compétence universelle 12

CHAPITRE 2-. UNE TECHNIQUE DE REGLEMENT DES CONFLITS DE JURIDICTIONS 14 Section 1-. Critère de règlement du conflit, le judex deprehensionis 15 §1-. Le judex deprehensionis, sens et justification du critère 15 A-. Signification du critère 15 B-. Justification du critère 15 §2-. Evolution du judex deprehensionis, conditions posées à sa mise en œuvre 16 A-. Une présence effective 16 B-. Une présence volontaire 17 Section 2-. Conséquences du critère, aut dedere aut judicare 18 §1-. Aut dedere ou extradition du délinquant 18 A-. Les données du problème, l’absence de règles de priorité dans l’octroi de l’extradition 18

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B-. Obligation ou faculté d’extrader pour l’Etat d’arrestation ? 19 §2-. Aut judicare ou jugement du délinquant 20 A-. Les données du problème, la question du caractère obligatoire du jugement à défaut d’extradition 20 B-. Obligation ou faculté de juger, le principe de l’opportunité des poursuites en cas de compétence universelle

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TITRE 2-. UN INSTRUMENT D’UNIVERSALISATION DU DROIT 23

CHAPITRE 1-. UNE PENALISATION DU DROIT INTERNATIONAL 24 Section 1-. Les manifestations passées et présentes 25 §1-. Les expériences du passé 25 A-. Le Tribunal militaire international de Nuremberg 25 B-. Le Tribunal militaire international de Tokyo 26 §2-. Le présent, les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc 27 A-. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie 27 B-. Le Tribunal pénal pour le Rwanda 27 Section 2-. L’avenir, La Cour pénale internationale 28 §1-. L’histoire de sa création 28 A-. La Cour pénale internationale, une volonté de dépasser les expériences antérieures 28 B-. La Cour pénale internationale, la concrétisation d’un vieil idéal 28 §2-. Les objectifs de la nouvelle Cour 29 A-. Lutter efficacement contre l’impunité 29 B-. Vivifier la compétence universelle 30

CHAPITRE 2-. UNE INTERNATIONALISATION DU DROIT PENAL 31 Section 1-. Une internationalisation par l’émergence d’infractions internationales 32 §1-. Infractions internationales par nature 32 A-. Définition 32 B-. Illustration 32 §2-. Infractions internationales par le mode d’incrimination 33 A-. Définition 33 B-. Illustration 34 Section 2-. L’internationalisation par la codification des infractions internationales 35 §1-. Histoire de l’élaboration d’un Code pénal international 35 A-. Repères chronologiques 35 B-. Enseignement général 35 §2-. Les difficultés de son élaboration 36 A-. Difficultés tenant à la définition des incriminations et à l’étendue de la responsabilité pénale internationale 36 B-. Difficultés tenant au lien existant entre Cour et Code pénaux internationaux 36

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GACHI Kaltoum, La compétence universelle, mémoire de DEA Droit Pénal Université Paris II (Panthéon – Assas), 2000.

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SECONDE PARTIE-. LA COMPETENCE UNIVERSELLE, UNE COMPETENCE ILLUSOIRE 38

TITRE 1-. LES OBSTACLES A LA CONSECRATION ABSOLUE D’UNE TELLE COMPETENCE 39

CHAPITRE 1-. L’OBSTACLE THEORIQUE, LE DOGME DE LA SOUVERAINETE 40 Section 1-. La souveraineté de l’Etat 41 §1-. Le droit de punir, composante de la souveraineté 41 A-. Une composante intrinsèque à la souveraineté de l’Etat 41 B-. Une composante exclusive à la souveraineté de l’Etat 41 §2-. Une volonté de préserver la souveraineté 42 A-. Souveraineté et absence de souveraineté 42 B-. L’intervention des autorités de l’Etat 43 Section 2-. Le chef de l’Etat, incarnation physique de la souveraineté 44 §1-. En théorie, une souveraineté du chef de l’Etat « blessée » 44 A-. Principe, l’immunité diplomatique 44 B-. Exception, la violation du droit international 44 §2-. En pratique, une souveraineté préservée 45 A-. Le cas Pinochet et la compétence universelle 45 B-. Les leçons à retenir 46

CHAPITRE 2-. OBSTACLES PRATIQUES, PREUVE ET COOPERATION INTERNATIONALE 47 Section 1-. La recherche de la preuve 48 §1-. La nécessité de la preuve 48 A-. Justifications de la preuve 48 B-. Finalité de la preuve, la recherche de la vérité 48 §2-. Les difficultés de la preuve 49 A-. Eloignement des Etats 49 B-. L’inexistence d’une police universelle 50 Section 2-. La coopération internationale 51 §1-. Les modalités de la coopération 51 A-. Commissions rogatoires internationales 51 B-. Communications de pièces, dossiers, documents et comparution de personnes 52 §2-. L’insuffisance de la coopération 52 A-. En fait, la non-coopération de l’Etat territorialement compétent 52 B-. En droit, des textes confus 53

TITRE 2-. LE MYTHE DE L’ORDRE PUBLIC UNIVERSEL 54

CHAPITRE 1-. NOTION D’ORDRE PUBLIC UNIVERSEL 55

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GACHI Kaltoum, La compétence universelle, mémoire de DEA Droit Pénal Université Paris II (Panthéon – Assas), 2000.

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Section 1-. Domaine de l’ordre public universel 56 §1-. Le titulaire potentiel de cet ordre 56 A-. Communauté internationale et société internationale 56 B-. L’humanité 57 §2-. Le contenu éventuel de cet ordre 58 A-. L’ordre public universel, juxtaposition d’ordres publics internes 58 B-. L’ordre public universel, transcendance des ordres publics internes 58 Section 2-. Les intérêts de l’ordre public universel 59 §1-. En théorie, une solidarité universelle dans la lutte contre la délinquance 59 A-. Une solidarité universelle 59 B-. Une volonté d’efficacité répressive 60 §2-. En pratique, des difficultés inextricables 60 A-. La fiction de la solidarité universelle 60 B-. Notion de « grande délinquance » 61

CHAPITRE 2-. CHANCES ET RISQUES 63 Section 1-. Les chances 64 §1-. Aspect subjectif des chances, les résistances 64 A-. Résistances du législateur 64 B-. Résistances des juges 64 §2-. Aspect objectif des chances, la règle non bis in idem 66 A-. Contenu de la règle 66 B-. Respect de la règle 67 Section 2-. Les risques 68 §1-. Contrariété avec certains principes généraux du droit pénal et de la procédure pénale 68 A-. Ordre public universel et bonne administration de la justice 68 B-. Ordre public universel et principe de la légalité criminelle 69 §2-. L’ordre public universel, instrument d’hégémonie de certaines puissances ? 70 A-. L’ordre public universel, expression d’un particularisme idéologique 70 B-. L’ordre public universel, le progrès du Droit 71

TABLE DES MATIERES 72