La communication scientifique et l’acceptation par le ... · La communication scientifique et...

33
La communication scientifique et l’acceptation par le public de la biotechnologie Dr. Claudia Canales International Service for the Acquisition of Agri Bio-tech Applications Le dilemme de la biotechnologie des cultures L’amélioration génomique des cultures remonte aussi loin que l’agriculture elle-même et va de pair avec la domestication des espèces à des fins alimentaires. Depuis longtemps, les agriculteurs ont fait des croisements entre leurs cultures et des espèces apparentées ayant des traits désirés et ont choisi parmi les résultats les plantes qui convenaient le mieux à leurs besoins. Ce qui veut dire que les espèces que nous mangeons aujourd’hui ont souvent peu de ressemblance avec leurs ancêtres ou leurs parents à l’état sauvage. Les techniques traditionnelles d’élevage, aidées par le développement de nouveaux outils génomiques, en particulier les marqueurs génétiques, resteront un élément central de l’agriculture. Leur application est toutefois limitée par la disponibilité des gènes désirés dans le germplasme de la culture (la somme de tout le matériel héréditaire se trouvant dans une seule espèce produite par croisement) ou dans des espèces sexuellement compatibles. Pour certains traits, comme une meilleure protection contre les insectes, une augmentation de la teneur en vitamines et minéraux, ou une teneur en protéines accrue, la variété génétique nécessaire n’est parfois tout simplement pas disponible. Par contre, l’universalité du code génétique signifie que la source des gènes permettant d’améliorer les cultures par modification génétique est disponible pour tout organisme vivant. Lorsqu’on a identifié les gènes responsables d’un trait utile, on peut les transférer dans une culturelle choisie, quelle qu’en soit la source. En outre, et contrairement aux méthodes d’élevage traditionnelles, seul(s) le(s) gène(s) intéressant(s) est(sont) transféré(s), ce qui fait de l’amélioration des culture une science plus efficace et précise. La modification génétique (MG) des plantes pour améliorer leurs qualités et rendement agronomiques a reçu un grand soutien de la part de la communauté scientifique et un grand nombre d’institutions scientifiques hautement respectées à travers le monde ont fait état du vaste potentiel de cette technologie pour une agriculture plus durable. Les bénéfices importants que pourraient retirer les pays en développement de l’utilisation responsable de la MG pour l’agriculture ont aussi été amplement soulignés, y compris dans un rapport conjoint publié par sept Académies des Science (The Royal Society et al., 2000) et une lettre ouverte en 2004 au Premier ministre du Royaume-Uni de l’époque, Tony Blair, pour appuyer l’application de la technologie, signée par plus de 150 scientifiques internationaux, dont le lauréat du Prix Nobel James Watson (disponible à l’adresse http://www.agbioworld.org/openletterUK.html ). Pour la plupart des scientifiques, la MG a la caractéristique principale d’un progrès technologique : la capacité d’améliorer la situation actuelle (Gaskell et al., 2004). L’appui de nombreux scientifiques en faveur de la MG et leur accord général au sujet des

Transcript of La communication scientifique et l’acceptation par le ... · La communication scientifique et...

La communication scientifique et l’acceptation par le public de la biotechnologie

Dr. Claudia Canales International Service for the Acquisition of Agri Bio-tech Applications

Le dilemme de la biotechnologie des cultures L’amélioration génomique des cultures remonte aussi loin que l’agriculture elle-même et

va de pair avec la domestication des espèces à des fins alimentaires. Depuis longtemps,

les agriculteurs ont fait des croisements entre leurs cultures et des espèces apparentées

ayant des traits désirés et ont choisi parmi les résultats les plantes qui convenaient le

mieux à leurs besoins. Ce qui veut dire que les espèces que nous mangeons aujourd’hui

ont souvent peu de ressemblance avec leurs ancêtres ou leurs parents à l’état sauvage.

Les techniques traditionnelles d’élevage, aidées par le développement de nouveaux outils

génomiques, en particulier les marqueurs génétiques, resteront un élément central de

l’agriculture. Leur application est toutefois limitée par la disponibilité des gènes désirés

dans le germplasme de la culture (la somme de tout le matériel héréditaire se trouvant

dans une seule espèce produite par croisement) ou dans des espèces sexuellement

compatibles. Pour certains traits, comme une meilleure protection contre les insectes,

une augmentation de la teneur en vitamines et minéraux, ou une teneur en protéines

accrue, la variété génétique nécessaire n’est parfois tout simplement pas disponible.

Par contre, l’universalité du code génétique signifie que la source des gènes permettant

d’améliorer les cultures par modification génétique est disponible pour tout organisme

vivant. Lorsqu’on a identifié les gènes responsables d’un trait utile, on peut les transférer

dans une culturelle choisie, quelle qu’en soit la source. En outre, et contrairement aux

méthodes d’élevage traditionnelles, seul(s) le(s) gène(s) intéressant(s) est(sont)

transféré(s), ce qui fait de l’amélioration des culture une science plus efficace et précise.

La modification génétique (MG) des plantes pour améliorer leurs qualités et rendement

agronomiques a reçu un grand soutien de la part de la communauté scientifique et un

grand nombre d’institutions scientifiques hautement respectées à travers le monde ont fait

état du vaste potentiel de cette technologie pour une agriculture plus durable. Les

bénéfices importants que pourraient retirer les pays en développement de l’utilisation

responsable de la MG pour l’agriculture ont aussi été amplement soulignés, y compris

dans un rapport conjoint publié par sept Académies des Science (The Royal Society et

al., 2000) et une lettre ouverte en 2004 au Premier ministre du Royaume-Uni de

l’époque, Tony Blair, pour appuyer l’application de la technologie, signée par plus de 150

scientifiques internationaux, dont le lauréat du Prix Nobel James Watson (disponible à

l’adresse http://www.agbioworld.org/openletterUK.html).

Pour la plupart des scientifiques, la MG a la caractéristique principale d’un progrès

technologique : la capacité d’améliorer la situation actuelle (Gaskell et al., 2004).

L’appui de nombreux scientifiques en faveur de la MG et leur accord général au sujet des

bénéfices potentiels de cette technologie vont à l’encontre de la controverse et de

l’opposition à la MG constatées au niveau du public, en particulier en Europe.

La technologie de la MG provoque des inquiétudes de la part du public qui sont du

ressort des sciences et d’autres domaines. Toute technologie pouvant provoquer

d’importants changements et déplacements du pouvoir dans les domaines de

l’agriculture, la production industrielle et l’énergie (avec l’arrivée des biocarburants) peut

faire naître des incertitudes et la méfiance initiale du public. La biotechnologie agricole

provoque aussi un débat sur les implications économiques possibles pour les petits

agriculteurs des pays en développement, y compris des questions de droits à la propriété

intellectuelle et la répartition équitable des bénéfices. La confiance dans le

gouvernement et l’industrie alimentaire est aussi un élément important de la discussion,

tout comme les questions morales relatives à la MG en elle-même.

Etant donné que les innovations utiles ne serviront à rien si elles sont rejetées par ceux à

qui elles sont destinées, une communication efficace entre les scientifiques et le public

peut jouer un rôle crucial pour faire accepter les innovations.

Une communication scientifique efficace ne veut toutefois pas dire une acceptation totale

des technologies nouvelles et elle ne le devrait pas. L’hypothèse selon laquelle le public

rejette des progrès scientifiques pour des raisons d’ignorance ou de manque

d’informations (ce qu’on appelle le ‘modèle du déficit de connaissances’) a non

seulement été prouvée fausse, mais elle a aussi eu une influence négative sur l’adoption

de technologies nouvelles (Hornig Priest, 2001). Une coomunication scientifique

efficace est toutefois indispensable pour encourager un débat ouvert et transparent sur les

bénéfices et risques possibles des technologies nouvelles au cas par cas, ce qui est

essentiel pour assurer l’adoption responsable de technologies nouvelles et pour garantir

que les utilisateurs ont vraiment le choix.

La question cruciale est donc « Quels sont les principes d’une communication

scientifique efficace et transparente ? » Le fait que les grandes campagnes d’information

et d’éducation de ces dernières années n’aient pas réussi à améliorer sensiblement

l’opinion publique au sujet des cultures modifiées génétiquement en Europe indique que

la réponse n’est pas simple. L’échec des campagnes de communication illustré par le

« cas européen des aliments modifiés génétiquement » a fait l’objet d’un grand nombre

d’études et d’analyses et il ne faut pas que cette situation se reproduise dans le cas de

futures technologies nouvelles (Kearnes et al., 2006). De nombreuses études ont été

publiées à ce sujet et l’interêt croissant à ce sujet a aussi entraîné la création de plusieurs

publications spécialisées (dont Risk Communiation ; Science as Culture ; Science,

Technology & Human Values ; Public Understanding of Science).

Un apprentissage difficile : le débat sur la MG dans l’UE Que pouvons-nous retirer du débat sur la MG dans l’Union européenne (UE) au sujet de

la communication scientifique ? Les technologies nouvelles ne peuvent pas être

considérées comme des événements isolés, car les contextes sociaux et politiques de

l’époque ont des implications profondes sur la façon dont la société peut y réagir. Les

controverses au sujet des aliments modifiés génétiquement en Europe ont été précédées

d’un certain nombre de cas d’alertes au sujet de certains aliments (la plus connue étant

probablement la maladie de la vache folle – ESB) qui ont rendu le public méfiant vis-à-

vis des institutions publiques censées protéger les consommateurs. Dans ce climat de

méfiance, un scientifique, Arpad Pusztai, a affirmé dans les médias du Royaume-Uni en

1998 et au début 1999 que le fait de donner des pommes de terre modifiées

génétiquement à des rats était mauvais pour leur santé. A cette époque, ce résultat n’avait

pas été examiné par d’autres scientifiques (ce qui est une procédure scientifique standard

pour assurer la qualité des recherches), mais la presse a réagi par un tollé. Nous

présentons ci-dessous certains titres parus dans les journaux à ce sujet (tiré de Burke,

2004).

« La vérité sur l’horreur des aliments modifiés génétiquement » - The Express

« Le pollen modifié génétiquement qui peut entraîner un nuage de mort pour les

papillons » - Daily Mirror

« Les risque de MG dans la nourriture quotidienne de millions » - Guardian

« La nourriture modifiée génétiquement menace la planète » - Observer

« Les scientifiques mettent en garde contre le lien entre les cultures MG et la méningite »

- Daily Mail

« La viande pourrait être contaminée par la nourriture de Frankenstein » - Daily Mail

Il y a ensuite eu une série d’initiatives scientifiques au Royaume-Uni pour répondre aux

inquiétudes du public au sujet de plusieurs aspects des aliments modifiés génétiquement.

Le gouvernement britannique a établi l’Etude de la science de la MG pour promouvoir un

dialogue national sur les questions de modification génétique. Il y a eu notamment un

examen de la science de la MG, dirigé par Sir David King (le principal conseiller

scientifique du gouvernement), avec la collaboration du professeur Howard Dalton (le

principal conseiller scientifique du secrétaire d’Etat pour l’Environnement,

l’Alimentation et les Affaires rurales) et les conseils indépendants de l’Agence pour les

normes alimentaires. La dialogue national sur la MG comportait trois élément

principaux : cet examen de la science de la MG, un débat public et une étude des aspects

économiques. Les activités des éléments étaient différentes, mais en relation étroite.

L’Etude de la science de la MG a produit deux rappports (2003 et 2004, tous deux

disponibles à l’adresse http://www.gmsciencedebate.org.uk/). Les conclusions

principales de cette étude sont qu’il n’y a pas d’effets nuisibles vérifiables signalés suite à

une grande consommation de produits provenant de cultures modifiées génétiquement

par des êtres humaines et des animaux pendant sept ans ; les risques pour la santé

humaine posés par les produits actuellement en vente sont très bas ; il est très peu

probable que les cultures modifiées génétiquement envahissent la campagne ou soient

dangereuses pour la flore et la faune ; et, à présent, il n’y a pas de raisons scientifiques

d’éliminer toutes les cultures modifiées génétiquement et leurs produits.

Parmi les autres activités scientifiques entreprises au Royaume-Uni on peut citer un

examen par un groupe de toxicologues nommés par la Société royale qui ont analysé les

données de Pusztai et invalidé les conclusions de la recherche (1999) ; l’évaluation au

niveau des exploitations agricoles de betteraves, graines oléagineuses et maïs modifiés

génétiquement (Firbank, 2003) ; le comité consultatif sur le rapport au sujet de l’impact

sur l’environnement (ACRE 2004) ; le rapport sur les implications scientifiques, sociales

et éthiques des cultures modifiées génétiquement (UK Agricultural, Environmental and

Biotechnology Commission -

http://www.aebc.gov.uk/aebc/subgroups/research_agendas.shtml) ; et le rapport de

l’Association médicale britannique sur les aliments modifiés génétiquement et la santé

(2004) qui concluait qu’il n’y a « pas de preuves solides du danger des aliments modifiés

génétiquement et que les aliments modifiés génétiquement pourraient profiter

énormément aux pays développés et en développement ».

Au niveau de l’Union européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)

a été établie en 2002 pour être une source indépendante d’opinions scientifique et de

communication sur les risques associés à la chaîne alimentaire. L’EFSA fournit des

conseils et des opinions scientifiques qui offrent une base solide aux politiques et lois

européennes et appuient la Commission européenne, le Parlement européen et les Etats

membres de l’UE lorsqu’ils prennent des décisions sur la gestion des risques. Le Groupe

des OMG de l’EFSA s’occupe spécifiquement des organismes et aliments modifiés

génétiquement pour les êtres humains et les animaux, et ses publications et opinions sont

disponibles gratuitement à l’adresse

http://www.efsa.europa.eu/EFSA/ScientificPanels/efsa_locale-

1178620753812_GMO.htm.

Toutefois, ces initiatives n’ont pas vraiment amélioré l’opinion du public au sujet des

plantes et aliments MG au Royaume Uni et en Europe en général. Le dernier sondage

Eurobaromètre publié sur la biotechnologie indique que bien que les Européens soient

optimistes en général au sujet de la biotechnologie (une personne sondée sur deux pense

que la biotechnologie améliorera la qualité de la vie), l’approbation des aliments modifiés

génétiquement reste très basse (Gaskell et al., 2006). L’analyse est basée sur les réponses

de 25.000 personnes, dont environ un millier dans chacun des 25 pays de l’UE de

l’époque. Vingt-sept pour cent seulement des personnes interrogées pensent que la

technologie à la base des aliments modifiés génétiquement (la technologie verte) doit être

encouragée, alors que les biotechnologies médicale (rouge) et industrielle (blanche) ont

bien plus de soutien, surtout dans les cas où les bénéfices des applications sont évidents.

Cet Eurobaromètre récent est la sixième étude de ce type menée depuis 1991 et la série

indique que l’opinion a changé avec le temps au sujet des aliments modifiés

génétiquement. Après une période de baisse de popularité de 1996 à 1999, il y a eu une

amélioration des sentiments en 2002. Mais depuis 2002, la popularité des aliments

modifiés génétiquement baisse de nouveau. Pour la majorité des Européens, les risques

perçus des aliments modifiés génétiquement sont plus importants que les bénéfices

(Gaskell et al., 2006).

Les implications du débat sur la MG sont vastes. Au niveau de l’UE, dans les faits, celui-

ci a provoqué un moratoire sur les aliments modifiés génétiquement (1998-2004) ; il a eu

un impact sur le niveau de financement et de soutien de la recherche publique en

biotechnologie ; il a entraîné la créaction d’un système de réglementation de la

biosécurité qui n’a pas les moyens de régler les impasses et de fournir des décisions, pour

ou contre une proposition ; et il a créé un climat négatif pour les investissements du

secteur privé. Au niveau mondial, l’opinion publique au sujet de la MG dans les pays en

développement a aussi été influencée ; cela a provoqué des questions de commerce

international et d’acceptation commerciale pour les pays qui ont des échanges

commerciaux avec l’UE ; et – facteur important – cela a fait augmenter énormément le

coût de la recherche et de l’octroi d’autorisations, ce qui a un impact bien plus grand sur

les institutions de recherche publiques nationales dont les fonds sont très limités que sur

les grandes multinationales, surtout dans les pays en développement. Ce débat a donc eu

un effet direct très sensible sur l’adoption de cette technologie au niveau mondial.

Communiquer les sciences pour être accepté – les leçons apprises Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette expérience ? Le débat sur la MG a fait

apparaître une série de préoccupations du public et la preuve très claire que le public et

les scientifiques n’ont pas les mêmes systèmes de valeurs et perçoivent les risques très

différemment. Le débat sur la MG au sein de l’UE souligne aussi l’importance de la

confiance dans l’acceptation des innovations (Siegrist, 2000; Gaskell et al., 2004) et

l’importance du timing dans les efforts de communication, car il est extrêmement difficile

de modifier les idées établies, surtout dans des situations où règne la méfiance et/ou

l’inquiétude.

La conclusion la plus évidente est que le simple fait de fournir de grandes quantités

d’informations claires, scientifiques et en même temps accessibles sur la biotechnologie

n’a pas de lien direct avec la compréhension ou l’acceptation de cette science par le

public. La plupart des efforts de communication ont été conçus comme des campagnes

d’information basées souvent sur des principes importants. On considérait tout d’abord

que le public convenait que les innovations technologiques sont essentielles au progrès de

l’humanité. De plus, étant donné que la communauté scientifique est généralement en

faveur de la biotechnologie agricole, on pensait souvent que les bénéfices de la MG

étaient évidents et que le public était opposé à la MG parce qu’il ne comprenait pas le

concept du risque (Gaskell et al., 2004). Bien que la transparance et l’honnêteté dans la

gestion et la communication de l’évaluation des risques soient indispensables,

l’expérience montre qu’elles ne sont pas suffisantes pour obtenir l’approbation du public.

De nombreuses campagnes d’information ont aussi été basées sur le principe que le

public prendrait des décisions pour ce qui est des sciences en se basant sur un examen

rationnel et équilibré des bénéfices et des risques et n’ont donc pas assez tenu compte du

rôle fondamental des processus affectifs dans les décisions des gens (Slovic et al., 2000;

Burke, 2004; Gaskell et al., 2004).

La perception des risques par le public

Pour la plupart des scientifiques, le risque est la probabilité d’un événement (scientifique)

négatif multipliée par la sévérité estimée d’un tel événement. Par définition, un risque ne

peut donc jamais être égal à zéro et les estimations des risques ont toujours un élément

d’incertitude. Toutefois, la grande majorité du public considère le risque comme un

danger et ses effets négatifs possibles vont au delà du domaine des sciences pour inclure

des conséquences politiques et sociales (Gaskell et al., 2004). La perception et

l’évaluation des risques sont cruciales pour le comportement humain. Le contexte social,

politique et culturel de l’époque, ainsi que les valeurs et croyances des gens, auront une

influence sur la manière dont le public percevra les risques et auront aussi un rapport

avec le fait que certaines innovations sont acceptées plus facilement que d’autres.

Les facteurs clés qui ont une influence sur la perception des risques par le public

comprennent : le niveau perçu de contrôle personnel (les risques volontaires sont

généralement mieux acceptés que les risques involontaires, comme le fait de fumer) ; le

degré de participation au processus de prise de décision ; la possibilité d’avoir assez

d’informations ; la considération des bénéfices qui en découleront ; les concepts d’équité,

comme la répartition des bénéfices, la sécurité alimentaire et le monopole des

entreprises ; et la possibilité de catastrophe, surtout pour ce qui est des enfants et des

générations futures.

Les questions qui ne sont pas du domaine des sciences, telles que les valeurs éthiques

comme le concept de « modifier ce que Dieu a fait » et de « déranger la Nature », jouent

un rôle très importants dans la perception et l’acceptation des risques et elles doivent

donc être considérées. Un examen du vocabulaire utilisé dans les médias au sujet de la

biotechnologie indique qu’environ un quart des articles contiennent aussi les mots

« nature » et « naturel », et que dans les reportages s’opposant à cette technologie, ces

mots sont souvent associés à des mots comme « déranger », « bricoler », « ingérence »,

« abîmer », et « se prendre pour Dieu » (Hansen, 2006). Le mot « Nature », défini par

Williams (1983) comme étant « peut-être le mot le plus complexe de la langue », a été

doté d’un grand nombre de valeurs et de sens différents. Deux des plus puissants sont la

Nature comme quelque chose de pur et de fragile qui doit être protégé de la

contamination et de l’ingérence des hommes ; et la Nature comme une force puissante et

vengeresse qui frappera si l’équilibre est menacé. Ces valeurs font profondément partie

de notre culture.

Le tendon d’Achille des initiatives pour faire accepter la technologie de la MG : communiquer les bénéfices de la biotechnologie agricole

La perception et l’évaluation des risques sont cruciales pour effectuer de nombreuses

activités humaines et elles ont une grande influence sur la façon dont nous prenons des

décisions. Nous faisons ces tâches chaque jour au sujet de toutes sortes de questions.

Toutefois, en général, nous déciderons de faire une activité pouvant présenter des risques

uniquement si nous nous rendons compte des avantages de cette activité. La

biotechnologie des aliments modifiés génétiquement ne fait pas exception à cette règle.

L’analyse de l’Eurobaromètre indique que l’un des principaux problèmes n’est pas que

les Européens ne sont pas disposés à accepter les risques éventuels de certaines

innovations, comme le prouve la popularité des technologies médicales et industrielles,

mais plutôt qu’ils ne croient pas que la technologie des aliments modifiés génétiquement

présente des bénéfices éventuels pour la société. Dans le plus récent sondage, environ la

moitié des personnes qui ont répondu ont été classées dans la catégorie « indécis », sans

opinion sur les questions clés de la MG, et sur les personnes qui avaient une opinion, plus

de 58 pour cent rejetaient la technologie et 42 pour cent l’approuvaient. Il est intéressant

de remarquer que la perception des risques semble être prise en compte dans la décision

d’approuver ou de rejeter la technologie de la MG uniquement par les personnes

interrogées qui considèrent que les aliments modifiés génétiquement ont des aspects

positifs. L’absence de bénéfices perçus a pour effet d’arrêter toute autre discussion sur

cette technologie. Par conséquent, les programmes de communication qui se concentrent

en grande partie sur la perception et la gestion des risques n’atteignent pas leurs objectifs

(Gaskell et al., 2004 ; 2006).

Pour accroître la popularité de la technologie de la MG auprès du public, il faut donc

mieux faire connaître ses bénéfices et le faire de façon plus efficace.

Les principes de la communication scientifique efficace Il apparaît donc que la communication scientifique efficace ne se fait pas en faisant

circuler directement les informations des scientifiques au public. « Le nouveau contrat

social de la science avec la société » comprend la participation de spécialistes des

sciences sociales ainsi que de tous les groupes intéressés, tous deux étant essentiels au

développement de « connaissances socialement robustes »(Gibbons, 1999).

Un certain nombre de principes permettant une communication scientifique efficace ont

été identifiés (Borchelt, 2001). Au lieu de fournir uniquement ce que le public « doit »

savoir, les spécialistes de la communication scientifique doivent identifier ce que le

public « veut » savoir et diffuser ces informations d’une façon claire et accessible. La

communication devrait aussi être une discipline rigoureuse comprise dans le processus

scientifique dès le départ, plutôt qu’une option découlant de recherches financées par des

sources différentes de celles de la recherche même, comme c’est souvent le cas

actuellement. Etant donné que le public a des intêrets, préoccupations et connaissances

très variés, les communications doivent toujours viser un public précis, car un message

passe-partout ne convient généralement pas bien à toutes les parties intéressées. Enfin,

les messages de la communication scientifique doivent être dynamiques et positifs, plutôt

que réactifs et défensifs, car le débat sur la MG au sein de l’UE a bien montré que lorsque

le public s’est fait une certaine opinion, il est très difficile de modifier cette opinion. Une

stratégie utile en ce qui concerne la communication scientifique est de créer une « carte

du message », c’est-à-dire un outil qui permet d’organiser les informations d’une manière

transparente pour favoriser le dialogue et l’échange d’informations.

Références

ACRE (2004). Advice on the implications of the farm-scale evaluations of genetically

modified herbicide-tolerant crops. www.defra.gov.uk/environment/acre/fse

British Medical Association (BMA; 2004). Genetically modified foods and health: a

second interim statement. www.bma.org.uk/GMFoods

Borchelt, R. E. (2001). Communicating the Future: Report of the Research Roadmap

Panel for Public Communication of Science and Technology in the Twenty-First Century.

Science Communication 23: 194-211.

Burke, D. (2004). GM food and crops: what went wrong in the UK? EMBO reports 5:

432-436.

Firbank, L.G. (2003). The Farm Scale Evaluations of spring-sown genetically modified

crops. Phil Trans R Soc Lond B 358: 1777–1778.

Gaskell G., Allum N., Wagner W., Kronberger N., Torgersen H., Hampel J. and Bardes J.

(2004).GM Foods and the Misperception of Risk Perception. Risk Analysis 24: 185-194.

Gaskell G., Allansdottir A., Allum N., Corchero C., Fischler C., Hampel J., Jackson J.,

Kronberger N., Mejlgaard N., Revuelta G., Schreiner C., Stares S., Torgersen H. and

Wagner W. (2006). Europeans and Biotechnology in 2005: Patterns and Trends

(Eurobarometer). Full Report available at http://www.gmo-

compass.org/pdf/documents/eurobarometer2006.pdf

Gibbons, M. (1999). Science's new social contract with society. Nature 402: C81.

Hansen, A. (2006). Tampering with nature: ‘nature’ and the ‘natural’ in media coverage

of genetics and biotechnology. Media Culture Society 28: 811-834.

Hornig, Priest S. (2001). Misplaced Faith: Communication Variables as Predictors of

Encouragement for Biotechnology Development. Science Communication 23: 97-110.

Kearnes M., Grove-White R., Macnaghten P., James Wilsdon J.and Wynne B. (2006).

From bio to nano: learning lessons from the UK agricultural biotechnology controversy

(2006). Science as Culture 15: 291–307.

Shelley M. (1818). Frankenstein, or, the modern Prometheus.

Siegrist M. (2000). The influence of trust and perceptions of risks and benefits on the

acceptance of gene technology. Risk Analysis 20: 195–204.

Slovic P., Finucane M. L., Peters E. and MacGregor D. G. (2000). Risk as analysis and

risk as feelings- some thoughts about affect, reason, risk and rationality. Presented at the

Annual Meeting of the Society for Risk Analysis.

The Royal Society of London (1999). Review of data on possible toxicity of GM

potatoes. www.royalsoc.ac.uk/gmplants.

The Royal Society of London, the US National Academy of Sciences, the Brazilian

Academy of Sciences, the Chinese Academy of Sciences, the Indian National Science

Academy, the Mexican Academy of Sciences and the Third World Academy of Sciences

(2000). Transgenic Plants and World Agriculture. Available at

http://www.nap.edu/catalog.php?record_id=9889

Williams, R. (1983) Keywords: A Vocabulary of Culture and Society. London:

Flamingo/Fontana.

Communication de la Biotechnologie et Acceptation Publique

Claudia Canales

ISAAA

•Peut complémenter, ne pas remplacer, d'autres stratégies agricoles

•Peut fournir une meilleure solution, dans des circonstances données, à un certain problème

Biotechnologie: la Génie Génétique

Golden Rice; IRRI

Position de la Communauté Scientifique sur les OGM

Largement positive

• Rapport de Sept Académies Nationales des Sciences (Royaume Uni, États-Unis, Brésil, Chine, Inde, Mexique et l'Académie des Sciences pour le monde en développement –TWAS- 2000)

• Lettre ouverte au ancien Ministre Britannique Tony Blair signée par 150 scientifiques internationaux

Le Paradoxe des Nouvelles Biotechnologies Agricoles

Le soutien des scientifiques de la technologie des OGM contraste avec la controverse suscitée dans le domaine publique

• Questions scientifiques (biosécurité, allergies)

• Questions socio-économiques (distribution des bénéfices, souveraineté de nourriture, monopole par l’industrie)

• Questions morales : interférence avec la nature

La meilleure technologie est sans valeur si elle n'est jamais employée

Une communication efficace est essentielle pour l'acceptation des

nouvelles technologies

Biotechnologie et Communication

Progrès scientifique, Risque et Incertitude

• La Science change la manière que nous vivons• Il n’y a pas des avances sans risque• L'incertitude est inhérente à toutes les avances scientifiques et ceci produit des inquiétudes dans la société

LA COMMUNICATION DES RISQUES EST ESSENTIELLE

Demande de plus : Franchise

TransparenceResponsabilitéAccessibilité

Communication de la Biotechnologie

•La communication efficace de la science n'égalise pas nécessairement à sa acceptation sans conditions : c’est une dialogue

•Essentielle pour permettre une évaluation équilibrée des avantages et des risques dans chaque cas spécifique

•Information nécessaire pour comprendre les limitations de la technologie, et pour sa bonne gérance

Apprendre des Erreurs: le Débat sur les OGMs en Europe

•Une série de scandales sur la nourriture avait érodéla confiance publique dans les autorités (ESB, E. coli, Salmonella)

•Étude proclamant un effet nuisible des pommes de terre GM sur des rats divulgué dans la presse avant de avoir être passé en revue scientifique (Pusztai)

•Réaction énorme de médias au rapport

Réaction des Médias

« Soulevant le couvercle sur l'horreur des nourritures OGM » The Express

« Le pollen des OGM qui peut signifier un nuage de mort pour les papillons » Daily Mail

« Risque OGM dans la nourriture quotidienne des millions » Guardian

« La nourriture OGM menace le planète » Observer

« Les scientifiques avertissent d’un lien entre les OGMs et la méningite »Daily Mail

Initiatives Scientifiques Britanniques au Sujet des OGM

• Royal Society Panel Revue a rejeté les conclusions de l’étude de Pusztai (1999)

• Évaluations sur la betterave, la colza et le maïs GM (Farm Scale Reviews, 2003)

• Rapport du Comité Consultatif pour la Libération des OGM dans l’Environnement (ACRE, 2004)

• Rapport sur les implications scientifiques, sociaux et éthiques des plantes GM (UK Agricultural, Environmental and Biotechnology Commission)

Initiatives Scientifiques Européennes au Sujet des OGM

• 2002: Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)- Panel des OGM

• Revue des impactes socio-économiques des plantes OGM cultivées dans le monde (2006):

�Les producteurs - grands et petits, en pays développes et en pays en voie de développement- ont bénéficié de la technologie des OGM

�Des important bénéfices pour la santé humaine et l’environnement- réduction de pesticides

Initiatives Scientifiques Mondiales au Sujet des OGM

Initiative sur les OGM de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l’Organisation des Nations Unies pour l‘Alimentation et l‘Agriculture (FAO)

http://www.who.int/foodsafety/biotech/en/

Eurobarometer 2006: la Perception Publique Européenne des OGM

• Réponses de 25000 personnes (1000 par pays de la UE)

• La plupart des européens sont optimistes sur la biotechnologie en général (surtout médicale et industrielle)

• Par contre, moins de 1/3 des personnes supportent la biotechnologie OGM

Implications en Europe

De factomoratoire sur les OGM 1998-2004

Choix des producteurs et consommateurs

Diminution des financements de la recherche biotechnologique dans les instituts publiques

Système légale de biosécurité incapable de surmonter des impasses

Investissement dans le secteur privé

Implications Mondiales

Opinion publique sur les OGMs dans les pays en voie de développement

Issues du commerce international- acceptation du marché

Coûts plus élevés de recherche et d'approbations le manque des fonds dans les établissements de recherches publics une contrainte importante

Direct effet sur l'adoption de la technologie

Communiquer la biotechnologie: à noter

• La quantité d’information ne détermine pas nécessairement l’acceptation des nouvelles technologies

• Le contexte socio-économique, culturel et politique est très important

• La biotechnologie comme élément d'une plus grande bataille: combat pour une ordre social plus juste, la distribution équitable des bénéfices, une vision du monde, une conduite morale, etc.

• Une bonne synchronisation dans les efforts de communication avec des programmes de recherche est essentielle

Il est très difficile de changer les perceptions une fois que celles-ci ont mises en place dans la société

La confiance doit être gagnée avec le temps et peut prendre des années pour se développer – mais elle peut être perdue en secondes !

L'opposition à la technologie a souvent été interprétée comme un problème lié à la perception des risques potentielles des OGM

Initiatives d’information: souvent de caractère éducatif et ciblées sur la communication de risques

Eurobarometer 2006

La Biotechnologie des OGM:

1. Est elle utile ?2. Pose elle des risques ?3. Est elle acceptable (éthique) ?4. Doit-elle être encouragée ?

• La moitié des personnes interrogées: indécis sur les OGM

• 58% répondants décidés rejette la technologie, et 42% la soutenaient

Biotechnologie- Risques et Bénéfices

La perception du risque et les considérations éthiques sont des facteurs décisifs dans la décision seulement parmi les répondants qui considèrent la biotechnologie des OGM utile

Si la technologie n’est pas perçue comme utile, elle sera rejeté, qu‘elle soit considérée à risque ou moralement acceptable ou non

Communiquer les bénéfices

Développer des plantes génétiquement modifiées avec des avantages plus évidents pour les consommateurs (contenue nutritif; biopharma)

Souligner les avantages pour l’environnement (bioremediation)

Gouvernance de la science- plus de participation du public

Questions éthiques considérées

Scientifiques

Experts des Sciences Sociales, Société Civil

Public

•Le nouveau contrat social de la Science avec la société

•Essentiel pour « une connaissance socialement robuste »

•Une plus grande participation du public exigé, considérations éthiques

Communication non linéaireGibbons, 1999

Modèle de Communication Scientifique

Les Médias

• Après enseignement a conventionnel :

• Exposition à la science et ses développements se produit principalement par les médias

• Le pont entre les scientifiques et le public

• Les scientifiques doivent apprendre àtravailler plus efficacement avec les médias

RECOAB

Réseau des Communicateurs ouest-Africains sur la biotechnologie

Burkina FasoMaliNigerTchad Sénégal Benin

Égypte

Merci