La circulación del conocimiento en un mundo multipolar

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Repères I n° 11 - www.campusfrance.org n° 11 - janvier 2012 Repères Le monde de la connaissance s’organise- t-il aujourd’hui différemment d’hier ? A l’échelle planétaire, on avait coutume de relever l’asymétrie qui prévalait entre Nord et Sud et qui déterminait le sens des flux, unidirectionnels, de compétences. L’attraction du centre et ses capacités polarisaient massivement les ressources humaines en science et en technologie, ainsi que leurs mobilités. A l’inverse, maintenant, on souligne les échanges croisés, les retours et les rééquilibrages qui s’opèrent à travers le monde. On évoque le paradigme de la circulation succédant à celui de l’exode des compétences. Certains y trouvent la quintessence d’une relation créative, réalisatrice d’une migration positive pour le développement. D’autres, plus sceptiques, doutent encore que les choses aient vraiment changé, hormis la redistribution marginale de quelques rôles clés. La circulation : accélération générale et effets différenciés La décennie passée a vu des avancées considérables dans le décompte statistique des phénomènes migratoires, en particulier pour ce qui concerne les personnes hautement qualifiées. Cependant, l’essentiel de ces avancées dans le dénombrement est associé à une source commune : les recensements de la série 2000 aux résultats enregistrés, uniformisés et mis en comparaison par l’intermédiaire de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) 1 . Les descriptions en émanant depuis le milieu des années 2000 offraient, au moment de leur apparition, un panorama exceptionnellement complet, permettant des analyses pour la première fois générales et précises, en décalage temporel modéré vis-à-vis du moment de la collecte d’informations. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, où les résultats des nouveaux recensements (ceux de la série 2010) sont encore loin d’être disponibles alors que les données précédentes sont de plus en plus dépassées. Pour surmonter cette défaillance, il faut recourir à des données partielles récentes et les mettre en perspective avec les tendances antérieures. Ces dernières indiquaient clairement une augmentation des flux internationaux de personnes qualifiées dans les années 1990. Une extrapolation simple de ces tendances sur la moitié de la décennie suivante exhibe logiquement la conso- lidation du phénomène circulatoire identifié sur la période précédente. On estime ainsi qu’entre 1990 et 2007, le stock de personnes qualifiées originaires d’Europe et d’Amérique du Nord, travaillant et résidant dans un autre pays de l’OCDE s’est accru de plus de 50%. Mais les chiffres concernant les migrants 1 La circulation des compétences dans un monde multipolaire Par Jean-Baptiste Meyer, Directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement Intro La collection REPÈRES de CampusFrance, dont on trouvera ici le onzième numéro, a pour objet de donner la parole aux “penseurs de la mobilité” en France et dans le monde. Plus particulièrement, la présente publication fait le point sur la circulation des compétences dans un monde multipolaire et met en valeur l’émergence de nouveaux pôles d’attraction. 1- Ces données sont fournies par la base de données sur les immigrés dans les pays de l’OCDE (Database on Immigrants in OECD countries, DIOC). Source http://www.oecd.org/document/56/0,3343,fr_2649_33931_40651320_1_1_1_1,00&&en-USS_01DBC.html

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n° 11 - janvier 2012Repères

Le monde de la connaissance s’organise-t-il aujourd’hui différemment d’hier ?

A l’échelle planétaire, on avait coutumede relever l’asymétrie qui prévalait entreNord et Sud et qui déterminait le sensdes flux, unidirectionnels, de compétences.L’attraction du centre et ses capacitéspolarisaient massivement les ressourceshumaines en science et en technologie,ainsi que leurs mobilités. A l’inverse,maintenant, on souligne les échangescroisés, les retours et les rééquilibragesqui s’opèrent à travers le monde. Onévoque le paradigme de la circulationsuccédant à celui de l’exode descompétences. Certains y trouvent laquintessence d’une relation créative,réalisatrice d’une migration positive pour le développement. D’autres, plussceptiques, doutent encore que leschoses aient vraiment changé, hormisla redistribution marginale de quelquesrôles clés.

La circulation : accélération générale et effets différenciés

La décennie passée a vu des avancéesconsidérables dans le décompte statistiquedes phénomènes migratoires, en particulierpour ce qui concerne les personneshautement qualifiées. Cependant, l’essentielde ces avancées dans le dénombrementest associé à une source commune : lesrecensements de la série 2000 auxrésultats enregistrés, uniformisés et mis

en comparaison par l’intermédiaire del’Organisation pour la Coopération et leDéveloppement Economique (OCDE)1.Les descriptions en émanant depuis lemilieu des années 2000 offraient, aumoment de leur apparition, un panoramaexceptionnellement complet, permettantdes analyses pour la première foisgénérales et précises, en décalagetemporel modéré vis-à-vis du momentde la collecte d’informations. Tel n’estplus le cas aujourd’hui, où les résultatsdes nouveaux recensements (ceux de la série 2010) sont encore loin d’êtredisponibles alors que les donnéesprécédentes sont de plus en plusdépassées. Pour surmonter cettedéfaillance, il faut recourir à des donnéespartielles récentes et les mettre en perspective avec les tendancesantérieures.

Ces dernières indiquaient clairement uneaugmentation des flux internationaux depersonnes qualifiées dans les années1990. Une extrapolation simple de cestendances sur la moitié de la décenniesuivante exhibe logiquement la conso -lidation du phénomène circulatoire identifiésur la période précédente. On estimeainsi qu’entre 1990 et 2007, le stock depersonnes qualifiées originaires d’Europeet d’Amérique du Nord, travaillant et résidant dans un autre pays de l’OCDE s’est accru de plus de 50%. Maisles chiffres concernant les migrants

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La circulation des compétences 

dans un monde multipolaire

Par Jean-Baptiste Meyer,

Directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement

Intro

La collection REPÈRESde CampusFrance, dont on trouvera ici le onzième numéro, a pour objet de donner la paroleaux “penseurs de la mobilité”en France et dans le monde. Plus particulièrement, la présente publication fait lepoint sur la circulation descompétences dans un mondemultipolaire et met en valeurl’émergence de nouveaux pôles d’attraction.

1- Ces données sont fournies par la base de données sur les immigrés dans les pays de l’OCDE (Database on Immigrants in OECD countries, DIOC). Source http://www.oecd.org/document/56/0,3343,fr_2649_33931_40651320_1_1_1_1,00&&en-USS_01DBC.html

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qualifiés provenant d’autres régions dumonde sont 3 fois plus importants :122% pour l’Océanie, 145% pour l’Asie,152% pour l’Afrique et 155% pourl’Amérique latine.

Les indications partielles dont on disposeprouvent que la migration qualifiée,éventuellement et temporairement altéréepar les vicissitudes de la conjoncture, sepoursuit à un rythme soutenu.

Le nombre important de doctorantsétrangers (source majeure de profession -nels migrants) aux Etats-Unis, par exemple,a vu une augmentation marquée dansles années 1980. Cette croissance s'estlégèrement ralentie dans les années1990, puis s'est à nouveau accentuéedans les années 2000.

Cette tendance n’est pas propre auxEtats-Unis comme pays d’accueil. Pourl’Europe, l’Espagne révèle des tauxd’accroissement de migrants qualifiésextrêmement importants dans la dernièredécennie. Rendus visibles grâce àl’enquête Nationale d’Immigration (ENI),ces chiffres portent cependant sur unepériode précédent le déclenchement dela crise de 2008.

Au-delà d’une augmentation très fortedans l’absolu, ils montrent la partcroissante de la composante qualifiéedans la migration globale d’une majeurepartie des pays latino-américains àdestination de l’Espagne.

De même, sur le continent asiatique,pour un traditionnel pays d’accueil demigrants qualifiés comme le Japon, lesentrées de professionnels ne sedémentent pas après le tournant dumillénaire et tendent à s’accentuersignificativement pour certaines catégoriesd’entre eux. Le nombre de visas accordésà des professeurs passe ainsi de quelquescentaines à plus de 20 000 entre 1990et 2005 et à plus de 50 000 pour lesingénieurs.

Des situations variables suivant les professions

Des données partielles, mais détaillées,permettent de différencier l’évolutionselon les professions. En observant plus

particulièrement la population despersonnes engagées dans des activitésde création de savoirs (recherche-développement), on constate que l’accrois -sement de l’expatriation s’avère plusprononcé que pour l’ensemble.

Cette différentiation entre catégories depersonnes hautement qualifiées n’estpas anodine. Les approches révisionnistesdu brain drain, montrant que la pers -pective d’émigration grâce à la détentiond’un diplôme d’enseignement supérieurétait une incitation majeure à la formationde capital humain dans les pays endéveloppement, ont en effet été assisessur un constat partiel. Ce dernier reposesur l’existence d’un taux d’expatriationde cette population globalement faible,autour de 10%. La ponction migratoiresemble modeste et il ne fait aucun doute que l’accroissement par classesd’âge des cohortes intégrées dansl’enseignement supérieur dans les paysen développement s’est accru considéra -blement. Mais, lorsque l’observations’affine, le constat varie considérablement1.Ainsi, pour l’Amérique latine, sur desdonnées de la National ScienceFoundation (NSF) référant aux personnesinvesties dans des activités de recherche,comparées à celles de l’OCDE pour les mêmes pays mais renvoyant àl’ensemble des diplômés du supérieur,le taux d’expatriation passe de 12% pour l’estimation la plus basse à 48%pour celle émanant de ces donnéesparticulières.

Pour la population locale des pays endéveloppement, avoir 1 sur 10 ou même1 sur 5 de ses professionnels à l’étrangerpeut être un facteur stimulant. En avoirla moitié est un défi tout autre à relever.

En résumé, la mobilité des personnesqualifiées apparaît bien en expansiongénéralisée depuis quelques décennies.Son ampleur et son impact varientconsidérablement selon les pays et lescatégories. Les variations par pays ontfait l’objet d’analyses précises, révélantnotamment deux cas de figure opposés :les grands pays émergents bénéficiantd’une circulation proportionnellementmodeste pour dynamiser des commu -

1- Ainsi, l’Occident, qui représentait plus des 2/3 des effectifs d’étudiants il y a 40 ans n’en faisait qu’à peine 1/3 à la fin des années 2000. Unesco GED 2009.

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nautés conséquentes ; des petits payspauvres et enclavés perdant une partimportante voire majoritaire de leursressources humaines déjà défaillantes.Une chose est sure : cette mobilité, asso -ciée à d’autres facteurs et dynami ques,produit des effets sur le dévelop pementdes pays d’origine et d’accueil.

Les diasporas : circulation transnationaleet développement

Dans le débat actuel sur la relation entremigration et développement, le rôle desdiasporas est souvent mis en exergue.Les contributions des expatriés hautementqualifiés, réunis en associations formellesou en réseaux informels, sous la formede participation à des projets intellectuelsconjoints avec les pays d’origine, sontsouvent évoquées. Le cas indien, maisaussi celui d’autres pays, méritentégalement d’être évoqués pour suggérerces effets positifs de la mobilité.

Une part majeure du rôle de la diasporadans le développement de l’Inde estsa contribution à la création d'activitésà forte intensité scientifique et techno -logique au pays. Pour la grande majoritédes étudiants et des informaticiensindiens, le séjour en Amérique a étél'occasion de mettre à jour leursconnaissances techniques mais ausside modifier leurs habitudes de travail.Cela s'est fait avec l'aide de la diasporaindienne, grâce à des programmesspécifiquement conçus. Les premiersexpatriés diplômés de prestigieusesuniversités américaines sont devenusd’éminents chercheurs pour le gouver -nement américain ou des laboratoiresprivés comme IBM, Microsoft et BellLabs. Aujourd'hui, certains d’entre euxfinancent des étudiants indiens dans lesuniversités américaines, comme VenkateshShukla qui aide 900 étudiants avec saFondation pour l'excellence, ou PrabhuGoel et Kanwal Rekhi qui ont décidé deparrainer 15 000 étudiants.

Depuis 2000, une nouvelle tendance sedéveloppe rapidement : l'externalisationen Inde des centres de Recherche &Développement. Les membres de ladiaspora ont lancé le mouvement et mis

en place de nouveaux laboratoires enInde pour le compte des multinationales.Le savoir a également été transféré avecsuccès grâce aux dons de membres de la diaspora aux établissementsd'enseignement supérieur en Inde. Bienévidemment, les IITs1 ont été dans le passé les premiers bénéficiaires decette manne avec des dons de prèsde 36 millions de dollars jusqu’en janvier 2003. Avec une population de35 000 anciens élèves des IITs aux Etats-Unis, la diaspora pourrait encoreinvestir plus d'argent. La fondation de l'IIT Kharagpur cherche à attirer 200 millions de dollars provenant de sonréseau. L'argent a également contribuéà créer des chaires, une pratiquecourante dans les universités américaines,pour favoriser le transfert de connais -sances. L'IIT Delhi a créé ainsi 17 postesde professeurs entre 1996-2000. Parailleurs, d’autres membres de la diasporaont ouvert de nouvelles institutionsprivées telles que l'International Schoolof Business (ISB) à Hyderabad, crééepar Rajat Gupta, directeur général deMcKinsey de 1994 à 2003. L’ISB estassociée à trois grandes écoles decommerce international (Kellogg Schoolof Management, Wharton School et laLondon Business School) et beaucoupde professeurs indiens à l'étrangerviennent passer une année sabbatiquepour enseigner au pays.

L’analyse rétrospective du cas indienrévèle l’importance des acteurs trans -nationaux (réseaux diasporas, entreprisesmultinationales). C’est un cas exemplairemais pas forcément un modèle repro -ductible. D’autres pays émergents ontadopté des stratégies différentes avec des succès variables. La Chine etses programmes gouvernementauxinitialement plus volontaristes ont d’abordeu moins de succès sur le plan del’innovation techno-économique maisont posé grâce à la diaspora les basesd’un développement académiqueprometteur. Hissant rapidement sonniveau, le développement technologiquen’a pas tardé à suivre tandis que lacapacité académique indienne croissaitmoins vite, appelant une impulsion

1- Instituts indiens de technologie. Cf. le Repères CampusFrance n°8 septembre 2011 ainsi que le dossier pays CampusFranceInde n°2, avril 2010 disponibles sur le site internet de CampusFrance (espace documentaire).

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gouvernementale aujourd’hui. Le Mexiquea déployé une intense réflexion et aentamé des efforts de reconnexionsystématique de sa très importantediaspora qualifiée1. Pourtant, la mobilitéde ses ressortissants semble restertotalement subordonnée aux logiquesdes marchés du travail des Etats-Unisdont elle alimente les développements,sans enrichir significativement et de façonendogène les siens propres, à la différencedu cas indien. Le Brésil, pour sa part,fait le constat que sa traditionnellepolitique de rétention des étudiantsavancés (par crainte de la “fuite descerveaux”) fait des excès. Elle l’a tropisolé des dynamiques mondiales etquelque peu freiné dans ses dévelop -pements contemporains.

Au-delà des grands pays émergents, le rôle des réseaux transnationaux et des groupes diasporiques d’expatriéshautement qualifiés dans le dévelop -pement est objet d’attention. Descentaines de cas recensés, quelquesenseignements théoriques tendent à sedégager. Ils montrent l’importance d’unenvironnement social augmenté, nourride médiateurs, pour fertiliser ces liensentre pays d’origine et communautésexpatriées. Dans cette perspective, desincubateurs propices au développementde ces liens sont conçus et développés2.Un constat s’impose d’ores et déjà,cependant : la dispersion des capacitéscréatives et leurs connexions multiplesainsi que l’émergence de pôles deproduction de savoir au Sud redessinentaujourd’hui les cartes de la circulationdes compétences.

Décentrement du monde et premiers signesde nouvelles circulations

Jusqu’à la fin des années 1990, lemonde de la science et de la technologieétait constitué comme une triade,composée de l’Amérique du Nord, del’Europe occidentale et du Japon. Dèsle milieu des années 2000, la référenceà une quadriade est apparue, du fait del’émergence rapide de la Chine dans ledomaine des sciences et des techno -logies (S&T). Aujourd’hui, le terme de

multipolarité convient mieux à la situationtant l’expansion de l’activité S&T semanifeste en dehors des zones où elleétait cantonnée jusqu’à récemment. En 5 ans, la dépense en R&D s’est accruede près de 100% pour les pays endéveloppement3. La production académi -que de certains pays est en augmentationtrès rapide (Chine et Brésil surtout etInde dans une moindre mesure) tandisque celle des Européens est en haussemodérée et celle des Etats-Unis presquestagnante.

Parallèlement, tandis que la populationde chercheurs dans les pays développéss’accroissait de 400 000 personnes, son homologue dans ceux du mondeen développement gagnait 1 million dechercheurs. Sa proportion au niveaumondial passait ainsi en 5 ans de moinsde 30% à près de 40%, tandis que celledes pays traditionnels de la triade reculaitd’autant. Il est probable qu’aujourd’huila répartition soit à la moitié pour chacundes deux ensembles. Il y a donc unchangement du centre de gravité, dontil est difficile de penser qu’il soit sansincidence sur les mouvements despersonnes. De fait, quelques indicesrévèlent que, déjà, cette multipolaritéagrège de façon plus diffuse desressources humaines en mobilité. Lespays d’installation des étudiants enmobilité internationale se diversifient. LesEtats-Unis n’en reçoivent plus aujourd’huiqu’un sur cinq au lieu d’un sur trois il ya 20 ans, même si leur nombre chez euxs’est beaucoup accru. La France,l’Allemagne et le Royaume-Uni voient leurpart stagner ou diminuer, tandis que cellede l’Australie, de la Corée du Sud, de laNouvelle Zélande, de l’Afrique du Sudet de la Chine s’accroît significativement.

Au niveau des professionnels, cetteémergence de nouveaux pôles d’attractionest également sensible. Le programme100 Talents, en Chine, qui a déjà attiré2 000 chercheurs seniors de retour, aété complété par un appel à 1 500 chefsde projets étrangers. La mobilité tempo -raire des scientifiques entre la Chine etle reste du monde a basculé à la fin des

1- Cf. le Repères n° 9.2- Voir le projet européen CIDESAL : www.observatoriodiasporas.com3- Rapport UNESCO 2010.

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années 2000 : plus de chercheurs serendent en Chine que de Chinois àl’extérieur. Sans tarir ses propres flux deprofessionnels et d’étudiants versl’extérieur, la Chine attire de plus en plusde porteurs du savoir sur son sol etdensifie, au travers de ces mobilités, sesliens avec ses voisins et au-delà. Le phénomène n’est pas propre à laChine ; il est parfaitement visible au Brésilégalement. Attracteur puissant d’étudiantset de chercheurs latino-américainsdepuis déjà plus d’une décennie, sonaire de recrutement s’étend de plus enplus loin, avec une hausse croissantedes contingents européens. Pendant cetemps, d’autres pays du Cône Sudlatino-américain, tels que l’Argentine, leChili ou l’Uruguay, constatent une vaguede retour vers le pays, à la faveur de lacrise en Europe et de la reprise danscette région du monde.

On ne peut guère encore tirer un clichécomplet de ces nouvelles circulations,mais la multiplication des informationslaisse accroire que le phénomène revêtune certaine généralité, au-delà mêmedes grands pays émergents. Le Maroc,par exemple, envoyant traditionnellementune immense majorité de ses étudiantsen mobilité internationale vers la France,voit les effectifs de ses doctorants dansce pays diminuer tout dernièrement,tandis que de nouvelles destinationsapparaissent en Asie (Chine mais aussiCorée, Inde et Malaisie) et que celle du Canada s’amplifie notablement.Parallèle ment, ce pays devient récepteurd’étudiants venus d’Afrique subsaha -rienne dont des centaines d’étudiantsviennent vers lui, financés par desbourses du royaume mais aussi pour uncertain nombre par leurs propres moyens,notamment pour des formationsprofessionnalisantes dans des institutionsprivées.

L’approche circulatoire dominanteaujourd’hui bénéficie d’une connotationpositive immédiate car elle correspondà la perception d’une science cosmopolitenaturellement nourrie de la fertilisation

croisée la plus large possible. Sûrementrenvoie-t-elle également à une versionprometteuse de la mondialisation (celled’une société basée sur les savoirs)servant de leitmotiv politique universelpour le développement. Pourtant, il n’estpas inutile d’examiner avec luciditécertaines implications déjà visibles d’unecirculation généralisée des personneshautement qualifiées à travers le monde.

Tout d’abord, cette circulation, mêmegénéralisée, n’innerve pas les territoiresde façon égale. Les pays les moinsavancés sont ceux où elle est à la foisla plus intense et où les accumulations,constatées pour les autres pays endéveloppement, ne semblent pas encours de réalisation. Par ailleurs, lacirculation généralisée des compétenceset leur disponibilité globale accrueentraînent, au moins par certains aspects,une banalisation de leurs conditions. La qualification des migrants n’est plusun viatique pour l’emploi et pour unebonne position professionnelle. Plusieursétudes effectuées avec précision pourles latino-américains sur les marchés dutravail nord-américain et espagnolmontrent que les titulaires de diplômed’enseignement supérieur sont significa -tivement touchés par le chômage, lesous-emploi ou la déqualification et desrémunérations inadéquates.

D’une façon générale, il faut poser dansl’analyse des mobilités qualifiées desquestions sur le développement socialdurable. L’actuelle circulation des savoirset de leurs détenteurs va-t-elle dans lesens d’une fertilisation croisée planétaireaux retombées multiples, partagées,distribuées, cumulables et reproductibles ?Ou se réalise-t-elle en univers segmentés,sous un régime d’appropriations rivales,instable et dissipatif ? La concertationmondiale est ici essentielle, pour quela connaissance demeure un bien publicmondial et ne devienne pas uneressource en voie de stérilisation oud’accaparement stimulés par unemobilité débridée.

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Jean-Baptiste Meyer est directeur de rechercheà l’Institut de Recherche pour le Développement.Enseignant actuellement à l’Université deMontpellier et d’Agadir, il a coordonné diversprogrammes académiques en Colombie, enAfrique du Sud et en Argentine sur le thèmedes savoirs et du développement ainsi que surles mobilités et les migrations de personnesqualifiées.

Il est auteur ou éditeur scientifique de nombreuxouvrages et articles tels que : Scientific Nomadism and the New Geopolitics of Knowledge ; Network Approach versus Brain

Drain : Lessons from the Diaspora ; La sociétédes savoirs : trompe l’oeil ou perspectives ; Savoirs, diasporas et identités projectives.

Il conduit à présent le projet européen de recherche et développement CIDESAL – Créationd’incubateurs des Diasporas du Savoir pourl’Amérique Latine.

Ses premiers résultats permettent aujourd’huid’envisager de nouvelles modalités de suivi et de gestion des mobilités qualifiées : www.observatoriodiasporas.com

Bio

Biblio

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• GLOBAL MARKET INSTITUTE (2010)The New Geography of Global Innovation, Goldman Sachs Inc

• FAIST T., FAUSER M. et KIVISTO P.(2011) The Migration DevelopmentNexus: a Transnational Perspective,Palgrave Mac Millan, New York

• KHADRIA, Binod et MEYER, Jean-Baptiste (2011) The role of migration in restructuringinnovation systems, Migration and Development/Migracion y Desarrollo 15 (forthcoming)

• LECLERC, Eric et MEYER, Jean-Baptiste (2007)Knowledge Diasporas for Development:Shrinking Space for Skepticism, Journal of Asian Population Studies,Vol. 3, No. 3 : 153-69

• Le Monde (2010) Brevets : les européens plus proches des chinois, Le Monde, 14 octobre 2010

• LUCHILO, Lucas (2011) Entre los mercados y las politicas : la dynamica reciente de la movilidad y migración internacional de recursoshumanos en ciencia y tecnologia

• MEYER, Jean-Baptiste (2011) Défis de la mobilité des hautementqualifies de l’Amérique Latine :quelques éléments de réflexionin Hernandez V., Mera C., Meyer J-B.,Oteiza E. (2010) Diasporas y Circulacion de Talentos ¿ una movilidadal servicio del desarrollo en AmericanLatina?, Editorial Biblos, Buenos Aires(www.observatoriodiasporas.com)

• SAXENIAN, Analee (2006)The New Argonauts: Regional Advantage in a Global Economy, Harvard University Press, Harvard,Massachussets

• UNESCO (2010)Rapport mondial sur la Science,Unesco, Paris

Jean-Baptiste Meyer

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Janvier 2012

ISSN 2117-8569