La chose pour le dire : mono en japonais contemporain : approche ...

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Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 École Doctorale Montaigne Humanités (ED 480) THÈSE DE DOCTORAT EN LINGUISTIQUE LA CHOSE POUR LE DIRE MONO EN JAPONAIS CONTEMPORAIN : approche sémantique, syntaxique et énonciative Présentée et soutenue publiquement le 29 octobre 2013 par Jean BAZANTAY Sous la direction de Laurence LABRUNE Membres du jury : M. Saburô AOKI, Professeur, Université de Tsukuba. M. Gabriel BERGOUNIOUX, Professeur, Université d’Orléans. M me Tomoko HIGASHI, Maître de conférences, Université Stendhal Grenoble 3. M me Laurence LABRUNE, Professeur, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3. M me Irène TAMBA, Directeur d’études émérite, EHESS.

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  • Universit Michel de Montaigne Bordeaux 3

    cole Doctorale Montaigne Humanits (ED 480)

    THSE DE DOCTORAT EN LINGUISTIQUE

    LA CHOSE POUR LE DIRE

    MONO EN JAPONAIS CONTEMPORAIN :

    approche smantique, syntaxique et nonciative

    Prsente et soutenue publiquement le 29 octobre 2013

    par

    Jean BAZANTAY

    Sous la direction de Laurence LABRUNE

    Membres du jury :

    M. Sabur AOKI, Professeur, Universit de Tsukuba.

    M. Gabriel BERGOUNIOUX, Professeur, Universit dOrlans.

    Mme Tomoko HIGASHI, Matre de confrences, Universit Stendhal Grenoble 3.

    Mme Laurence LABRUNE, Professeur, Universit Michel de Montaigne Bordeaux 3.

    Mme Irne TAMBA, Directeur dtudes mrite, EHESS.

  • i

    AVERTISSEMENTS

    Notes sur la transcription du japonais

    Le souci daccessibilit qui a prsid la transcription des exemples nous a conduit oprer un certain nombre de choix pragmatiques.

    1. Les exemples sont dabord transcrits en criture japonaise plus claire pour les japonisants puis avec lalphabet (en italique).

    2. Pour la transcription des mots japonais, nous avons adopt le systme dit Hepburn modifi (norme : ANSI Z39.11-1972) plus proche de la prononciation japonaise.

    3. Lorsque la longueur des exemples le permettait, sous chaque terme, nous avons indiqu soit sa traduction littrale (en minuscules) soit sa fonction syntaxique ou la signification des suffixes du groupe verbal (en majuscules).

    Tableaux de la transcription Hepburn modifie Les hiragana

    a i u e o

    ka ki ku ke ko kya kyu kyo

    sa shi su se so sha shu sho

    ta chi tsu te to cha chu cho

    na ni nu ne no nya nyu nyo

    ha hi fu he ho hya hyu hyo

    ma mi mu me mo mya myu myo

    ya yu yo

    ra ri ru re ro rya ryu ryo

    wa o

    n

    ga gi gu ge go gya gyu gyo

    za ji zu ze zo ja ju jo

    da (ji) (zu) de do (ja) (ju) (jo)

    ba bi bu be bo bya byu byo

    pa pi pu pe po pya pyu pyo

  • ii

    Liste complmentaire pour les katakana

    ye

    wi we wo

    va vi vu ve vo

    vyu

    kwa kwi kwe kwo

    gwa

    she

    je

    che

    ti tu

    tyu

    di du

    dyu

    tsa tse tso

    fa fi fe fo

    fyu

    Conformment leur prononciation, les particules seront transcrites respectivement wa, o et e. Lallongement vocalique sera marqu avec laccent circonflexe1 sauf pour ei .

    Les consonnes gmines sont indiques par un redoublement de la consonne suivant sauf pour sh ssh , ch tch , et ts tts .

    Exemples :

    matchi (allumette) nattsu (noix)

    Le n syllabique est toujours transcrit n , y compris devant les labiales p , b ou m . Pour viter toute ambigut, le n syllabique est transcrit par n lorsquil prcde une voyelle.

    Exemple :

    tani (unit) vs tani (valle)

    1 Nous prenons ici une libert avec le systme hepburn modifi qui prescrit le macron.

  • iii

    Principales abrviations utilises

    A = adjectif(keiyshi)

    ACC = suffixe de laccompli (labsence de cette mention signalera linaccompli)

    APP = suffixe exprimant lapparence (ce suffixe sera parfois traduit par semble )

    AV = adjectif verbal (keiy dshi)

    CONJ = suffixe du conjectural

    COP = copule assertive da et sa forme dterminante na

    CP = contenu propositionnel

    DESIR = suffixe du dsidratif

    DET = syntagme dterminant

    DUR = forme durative

    EXCL = mot exclamatif

    FACT = suffixe du factitif

    FIL = filler

    GEN = gnitif (cas o le complment du nom exprime la possession)

    HON = indique un affixe ou une forme honorifique

    IMP = impratif

    INT = interdiction

    INTERJ = interjection

    INVIT = suffixes invitatifs en mash

    N = nom

    NEG = ngation (labsence de cette mention signalera laffirmation)

    NOM = nominalisateur (la nominalisation dun syntagme verbal sera parfois traduite par le fait de )

    OBJ = fonction syntaxique de complment dobjet

    P = particule (pour simplifier la comprhension, certaines particules casuelles ont parfois t traduites par une prposition)

    PASSE = suffixe du pass

    PASSIF = suffixe du passif

    PC = particule conjonctive (setsuzoku joshi)

    Pcit = particule de citation

    Pcoord = particule de coordination (heiretsu joshi)

    Pdt = particule dterminante introduisant un complment du nom

    PF = particule finale (shjoshi)

    PFE = particule finale exclamative

  • iv

    PFI = particule finale interrogative

    POLI = suffixe de politesse (labsence de cette mention signalera le style neutre)

    POT = suffixe du potentiel

    PREF = prfixe

    Prelief = particule de mise en relief (toritate joshi)

    SIM = suffixe exprimant la simultanit (nagara, tsutsu, etc.)

    SN = syntagme nominal

    SUF = suffixe

    SUJ = fonction syntaxique de sujet

    TE = Particule conjonctive servant la formation de la forme dite en te

    TH = Thme (Topic en anglais)

    V = verbe

    VOL = suffixe du volitif

    - Les petites capitales sont utilises pour signaler un mot considr en tant que lexme.

    - Les italiques indiquent dans le texte un mot ou un syntagme japonais ou encore un mot

    franais utilis dans un emploi mtalinguistique.

    * signale un nonc agrammatical

    ? signale un nonc inintelligible

    Dans les tableaux :

    indique une rponse positive (oui, vrai, possible, prsent, etc.)

    une rponse ngative (non, faux, impossible, absent, etc.)

    Les noms propres japonais sont transcrits suivant lusage, soit dabord le nom puis le

    prnom.

  • v

    REMERCIEMENTS

    Ce travail est laboutissement de quatre annes de recherches durant lesquelles jai t aid par de nombreuses personnes auxquelles jaimerais exprimer toute ma gratitude.

    Je voudrais tout dabord remercier chaleureusement ma directrice de thse, Madame Laurence LABRUNE, pour sa confiance, ses encouragements et son encadrement rigoureux. Jaimerais galement remercier Monsieur Frdric LAMBERT et le laboratoire CLLE ERSSB de mavoir accept parmi eux.

    Je tiens aussi exprimer toute ma reconnaissance lUniversit dOrlans qui ma accord un amnagement de service durant trois annes. Sans ce dispositif, cette recherche aurait t beaucoup plus difficile conduire et je voudrais remercier tout particulirement Monsieur Gabriel BERGOUNIOUX davoir soutenu mon dossier auprs des instances de lUniversit.

    Mes remerciements vont galement tous les chercheurs qui mont encourag avec patience et bienveillance : Madame Irne TAMBA pour sa confiance et son aide pour la publication dun article, Monsieur Sabur AOKI pour son accueil en juillet 2012 au sein de son laboratoire lUniversit de Tsukuba et tous les chercheurs du Cercle de Linguistique Japonaise (CELIJA) qui mont admis parmi eux.

    Je voudrais galement remercier Madame Chantal CLAUDEL pour ses conseils mthodologiques, ses encouragements et sa relecture attentive de plusieurs parties de ce travail.

    Toute ma gratitude va galement Monsieur Noriyuki ISHIBASHI pour ses conseils bibliographiques et scientifiques et sa grande disponibilit depuis Londres, Madame Sylvie YAMAZAKI pour ses cours particuliers de statistique et sa relecture attentive du manuscrit final, Madame Franoise DEREC pour son aide technique dans la mise en forme du manuscrit et aussi Monsieur Michel VIEILLARD-BARON pour mavoir encourag entreprendre ce travail et pour son soutien sans dfaillance.

    Pour finir, je voudrais remercier tous mes proches, parents, conjoint et amis, qui ont fait preuve de beaucoup de patience et auxquels je ddie ce travail.

    Mais ce travail est galement laboutissement acadmique dun apprentissage entam au milieu des annes quatre-vingts. Je ne peux donc mempcher de repenser avec reconnaissance et nostalgie toutes ces rencontres, universitaires ou amicales, qui, chacune sa manire, ont nourri ma curiosit pour la langue japonaise et ont contribu ma formation.

  • vii

    SOMMAIRE

    Avertissements. i

    Remerciements...... v

    Sommaire. vii

    Introduction. 1

    Partieprliminaire:Monodanslesdictionnairesetlesgrammaires 11

    Premirepartie:

    Dunomsubstantifaunomformel

    Chapitre1:Monoentantquenomsubstantif 39

    1.1 Prsentationduchapitre... 39

    1.2 Catgorisationdemonoentantquenomsubstantif 39

    1.3 Emploisnusdemono...... 49

    1.4 Caractristiquessmanticorfrentiellesdemono. 62

    1.5 Monoetladtermination... 74

    1.6 Conclusion:Miseenrelationdeslmentssmantiquesetsyntaxiques 87 Chapitre2:Monoentantquenomformel..... 89

    2.1 Prsentationduchapitre..... 89

    2.2 Laclassedesmotsformelsdanslagrammairejaponaise.... 90

    2.3 EmploisfonctionnelsdemonoselonlatypologiedeMorioka.... 114

    2.4 Examendequelquestournuresremarquables.... 116

    2.5 Conclusionduchapitre. 129

    Deuximepartie:

    LastructureenAwaCmonoda

    Chapitre3:LastructureenAwaCmonodaAPPROCHESYNTAXIQUE. 133

    3.1Prsentationduchapitre .. 133

    3.2APPROCHESYNTAXIQUE(1):Laphraseprdicatnominal .. 134

    3.3APPROCHESYNTAXIQUE(2):Laphrasenominalise.... 160

    3.4Propositionsdetestssyntaxiques.175

    3.5Limitesdestests.... 180

  • viii

    Chapitre4:Approchesmantique.. 183

    4.1Prsentationduchapitre . 183

    4.2Laphraseprdicatnominal. 183

    4.3Laphrasenominalise.. 196

    4.4Examendesemploisdansnoscorpus.... 214

    Troisimepartie:

    Approchemodaleetnonciative

    Chapitre5:Approchemodale...... 219

    5.1Prsentationduchapitre .. 219

    5.2TypologiedescatgoriesmodalesdeLeQuerler. 220

    5.3Lescatgoriesmodalesdujaponais.... 221

    5.4Monoetlescatgoriesmodales... 236

    5.5Localisationdelamodalitdanslaphrase. 259

    Chapitre6:Emploisexplicatifsdemonoda. 273

    6.1Prsentationduchapitre .. 273

    6.2Quelquesremarquesgnralessurlexplicationetsesoprateurs 275

    6.3Principauxtypesdiscursifsdorganisationssquentielles. 277

    6.4Caractrisationdelamodalitexplicativeexprimeparmonoda... 295

    6.5Autresoprateursdelamodalitexplicative..... 297

    Chapitre7:Emploisdemonocommeparticulefinale..... 317

    7.1Prsentationduchapitre .. 317

    7.2Remarquesprliminairessurlesparticulesfinales.. 317

    7.3Monoentantqueparticulefinale..... 319

    7.4Examendesemploisdansnotrecorpus... 323

    7.5Particulesfinalesdesensvoisin.. 338

    7.6Synthsedelemploientantqueparticulefinale.. 343

  • ix

    Quatrimepartie:

    Miseenperspective

    Chapitre8:Monoetlagrammaticalisation..... 347

    8.1Prsentationduchapitre .. 347

    8.2Lagrammaticalisation:rappeldequelquesprincipesgnraux. 347

    8.3Exemplesdegrammaticalisationdenomsformelsjaponais.... 351

    8.4Applicationducadremono.. 358

    CONCLUSION. 365

    ANNEXES.... 371

    BIBLIOGRAPHIE.. 443

    TABLEDESMATIERES 459

  • 1

    INTRODUCTION

    Ce travail porte sur le mot mono dans la langue japonaise contemporaine. Ce terme que le dictionnaire bilingue japonais-franais Standard traduit par chose , objet ou article est un des mots les plus frquemment utiliss en japonais. Le National Institute for Japanese Language and Linguistics (NINJAL) le rpertorie dailleurs en 11e place des mots les plus employs dans le Balanced corpus of contemporary written japanese (BCCWJ1). Mais, derrire cette apparente banalit, se cache un des concepts les plus difficiles cerner.

    Comme le mot franais chose, mono a en effet la particularit de ne pas avoir de signifi en propre et de pouvoir tout aussi bien dsigner un objet concret quun concept abstrait tel que le bonheur ou encore un ensemble de rfrents partageant les mmes traits. Dans ce dernier cas, il sapparente alors un terme gnrique. Nom camlon dont le rfrent change suivant lenvironnement distributionnel ou le contexte dnonciation, mono est aussi frquemment employ des fins purement fonctionnelles sans avoir de rfrent identifiable. Tant dun point de vue rfrentiel que grammatical, mono est donc un objet dont la description linguistique nest pas aise. travers des observations en discours, ce travail se propose de prciser les contours de ces deux emplois rfrentiels et fonctionnels et dexplorer la contribution smantique de mono la ralisation de tournures expressives plus ou moins figes.

    1. Premier aperu : les diffrents emplois de mono dans deux contes

    Pour prsenter les diffrentes facettes du dploiement lexical et nonciatif du mot mono, nous aimerions observer ses emplois dans deux petits contes trs courts de Niimi Nankichi (1913-1943) : Gongitsune2 (Gon, le petit renard) et Tebukuro o kai ni3 (aller

    1 NINJAL-LWP for BCCWJ ; http://ninjal-lwp-bccwj.ninjal.ac.jp. 2 Gon est un renardeau orphelin qui vit seul dans la montagne et qui recherche la compagnie des hommes. Rgulirement, il se rend dans le village voisin pour y commettre diverses malices. Un jour, il aperoit Hyj en train de pcher, et, pendant que ce dernier a le dos tourn, s'amuse relcher tous les poissons de son seau. Quelques jours plus tard, Gon remarque que celui-ci est en deuil ; la mre de Hyj est dcde. Quand il apprend que la dernire volont de celle-ci tait de manger des anguilles et que sa mauvaise blague l'a prive de son dernier repas, il est pris de remords et de compassion pour Hyj qui est dsormais orphelin comme lui. Pour rparer sa faute, il dpose chaque jour devant la porte de la maison de Hyju divers produits ramasss dans la fort (chataignes, champignons) mais Hyj pense quil sagit dun don des Dieux et ne se doute pas quil sagit dun cadeau de Gon. Cela attriste le petit renard qui revient pourtant chaque jour. Un beau jour, Hyj aperoit le renard entrer chez lui. Pensant quil vient commettre un nouveau mfait, sans hsiter, il arme son fusil et tire. En se rapprochant, il voit le petit tas de chtaignes qui vient d'tre dpos, et comprend. "Gon, c'tait toi, pendant tout ce temps..." Le renard acquiesce les yeux ferms avant de trpasser. 3 Tebukuro o kai ni est lhistoire dun petit renard que sa mre envoie la ville acheter des mitaines pour se protger de la neige qui lui pique les pattes. Avant de lenvoyer elle utilise un pouvoir magique pour transformer sa patte droite en main humaine et lui recommande de ne pas se montrer la boutique et de tendre seulement la main droite par la porte. Mfie-toi de lhomme. Sil se rend compte que tu es un renard il te fera du mal . Arriv la boutique, le petit renard oublie les avertissements de sa mre et tend

  • INTRODUCTION

    2

    acheter des mitaines). Il sagit de deux histoires que tous les Japonais connaissent bien parce quelles figurent au programme obligatoire de lcole primaire mais aussi parce quelles font partie de celles qui sont le plus frquemment racontes aux enfants. ces titres, elles font certainement partie dun socle culturel commun quasiment tous les Japonais. Dans ces deux contes, on rpertorie au total 19 occurrences4 du mot mono. Mais, derrire celles-ci se cachent de grosses diffrences.

    Dans trois cas mono apparat comme le constituant dun mot compos :

    monosugoi (adj.) kimono (nom) monooki (nom) MONO-terrible porter-MONO MONO-poser terrible, effrayant kimono dbarras

    On observe que ce sont les seuls cas o mono est transcrit en idogramme. Ladjectif monosugoi est construit sous le modle MONO + adjectif. Dans cette composition, mono fonctionne comme un prfixe intensificateur. Ce qualificatif qui caractrise des entits indicibles aux contours extrmement vagues ou inquitants atteste de la proximit que mono entretenait autrefois avec le surnaturel. Dans kimono, mono est en deuxime position aprs le verbe kiru (porter) une forme nominale. Avant dtre utilis pour dsigner plus spcifiquement lhabit traditionnel japonais, ce terme avait lorigine la valeur gnrique de chose que lon porte (vtement). Il sagit dun emploi assez productif de mono. Dans la langue japonaise, on rencontre en effet de nombreux mots construits sur ce modle : tabemono (aliment, litt. : choses manger ), nomimono (boisson, litt. : choses boire ), kaimono (courses, litt. : choses que lon achte ), tatemono (btiment, litt. : choses construites), etc.

    Dans monooki (dbarras), mono prcde le verbe oku (poser) une forme nominale. Dun point de vue smantique, il fonctionne ici comme objet du verbe oku (poser) et dsigne par mtonymie lendroit o sont entreposes les choses. Il existe bien dautres exemples construits sur ce modle dans lequel mono est en position antpose : monogatari (rcit, litt. : raconter une chose ), monoshiri (savant, litt. : connatre des choses ), monowasure (oubli, litt. : oublier quelque chose ), etc.5

    On observe galement des cas o mono est le thme ou un argument du prdicat, ce qui permet didentifier un emploi nominal.

    la mauvaise patte. Le marchand lui vend malgr tout une paire de gants et, de retour la maison, le renardeau explique sa mre quil ny a aucune raison de craindre les humains. Lhistoire se termine par un soupir dubitatif de la maman : Les humains sont-ils vraiment bons ? 4 Voir annexe A pour la liste complte. 5 Voir Leboutet 2003 pour un inventaire exhaustif de ces combinaisons.

  • INTRODUCTION

    3

    Thme

    (1) Aru mono wa, atarashii penki de kakare, aru mono wa furui kabe no y ni hagete imashita. certains-MONO-TH neuf-peinture-avec crire-PASSIF, certains-MONO-TH vieux mur-comme scailler-DUR-POLI-ACC Certains taient crits avec de la peinture frache, dautres scaillaient comme de vieux murs. (T3)6

    Sujet

    (2) Tokoro dokoro, shiroi mono ga kira kira hikatte imasu.

    par endroits-blanc-MONO-SUJ briller-DUR-POLI Par endroits, des choses blanches scintillent. (G2)

    Complment dobjet

    (3) Kami sama ga iron na mono o megunde kudasaru n da yo.

    Dieu- HON-SUJ divers-Pdt-MONO-OBJ offrir-NOM COP-PF Les Dieux te font divers cadeaux. (G7)

    Dans ces emplois, mono est toujours prcd dun lment dterminant. Il sagit dun verbe (aru : ex. 1), dun adjectif variable (shiroi : ex. 2) ou invariable (iron na : ex. 3). On observe galement que mono dsigne des choses fort diffrentes (enseignes, cristaux de neige, cadeaux). Nanmoins, si lon y regarde de plus prs, on se rend compte que ces rfrents sont surtout identifis par lenvironnement distributif de mono et lon peut sinterroger sur la dimension rfrentielle objective du nom mono dans ces phrases.

    Un autre type demploi correspond aux cas o mono est dans le prdicat en combinaison avec la copule assertive da.

    (4) Matsuri nara, taiko ya fue no oto ga shi s na mono da.

    matsuri-si tambour-et-flte-de-son-SUJ faire-apparence-Pdt-MONO-COP Si ctait un matsuri7, on entendrait le son de la flte ou du tambour. (G3)

    6 Ces indications renvoient aux exemples originaux prsents en annexe. 7 Un matsuri est une fte populaire caractre religieux.

  • INTRODUCTION

    4

    (5) H, hen na koto mo aru mon da n EXCL bizarre-Pdt-chose-aussi exister-MON COP-PFE Eh bien ! Il y a vraiment des choses bizarres. (G8)

    (6) Ningen tte honto ni osoroshii mono na n da yo.

    homme-Pcit vraiment-effrayant-MONO COP-NOM COP-PF Noublie pas que les hommes sont vraiment effrayants. (T2)

    (7) Hont ni ningen wa ii mono kashira. vraiment homme-TH bon-MONO-PFI Les hommes sont-ils vraiment bons ? (T10)

    Dans cette catgorie, les emplois de mono sont beaucoup plus difficiles expliquer. Dun point de vue syntaxique, on peut distinguer deux types de phrases :

    1. Des phrases dites meishi justsugo bun (phrases prdicat nominal) prsentant une structure thme-rhme (exemples 6 et 7) dans lesquelles mono semble pouvoir tre considr comme une reprise anaphorique du thme.

    2. Des phrases dans lesquelles mono da vient surdterminer une occurrence

    prdicative (exemples 4 et 5) pour la transformer en nonc nominal. Ce processus dit de nominalisation , en laissant transparatre les sentiments du locuteur, confre une nuance particulire dordre modal lnonc. Dans ce cas, il est difficile de pouvoir relier mono un rfrent prcis. En dautres termes, mono semble avoir ici perdu la dimension rfrentielle propre aux substantifs et navoir plus que les proprits grammaticales du nom.

    On peut enfin observer des cas o mono apparat en toute fin de phrase lemplacement habituellement dvolu une particule finale.

    (8) Datte boku no te o mite mo dmo shinakatta mono.

    mais ma patte-OBJ regarder-mme ragir-NEG-PASSE-MONO Mais il na pas ragi la vue de ma patte. (T6)

    (9) Demo bshiya san, tsukamae ya shinakatta mono.

    mais- marchand de chapeaux-HON capture-Prelief faire-NEG-PASSE MONO Mais le marchand de chapeaux na pas essay de mattraper. (T8)

  • INTRODUCTION

    5

    (10) Chanto konna ii atatakai tebukuro kureta mono.

    bien un tel-bien-chaud-gant me donner-PASSE-MONO Il ma bien vendu de bons gants chauds (comme cela). (T9)

    L encore, on est bien embarrass pour proposer une traduction de mono dont il est difficile de trouver un rfrent. Et pourtant, dune certaine manire, on sent bien que ce vocable apporte une nuance particulire la phrase qui nest pas sans rapport avec son sens premier de chose.

    2. Objectifs de la thse

    travers llaboration dun cadre danalyse que nous appliquerons des corpus de natures diffrentes, cette recherche a pour but dexplorer ces diffrents emplois nominaux et modaux, den expliciter le fonctionnement ainsi que les mcanismes sous-jacents gnrant diffrents effets de sens. Concrtement, notre travail vise apporter des rponses aux questions suivantes :

    1. Dans quels cas mono est-il utilis comme substantif plein et dans quels cas est-il employ comme nom formel ? Cette question va nous amener explorer ses dimensions rfrentielle et nominale. Elle va aussi conduire une rflexion sur la notion de nom formel et sur le procd syntaxique de nominalisation.

    2. Quelles sont les diffrentes valeurs modales produites par lemploi de mono dans des distributions spcifiques (prdicat nominal, particule finale) et comment se ralisent-elles ? Au-del dun simple inventaire, notre objectif est dexpliciter les mcanismes conduisant lmergence de telle ou telle signification et de tenter de les relier au substantif plein mono. Nous verrons notamment de quelle manire certains traits smantiques du substantif mono contribuent en profondeur ces ralisations nonciatives.

    3. Quelles sont enfin, dun point de vue quantitatif, les modalits les plus frquemment mises en uvre ? Pour rpondre cette question, nous partirons de lobservation de documents authentiques. La prise en compte de cette dimension quantitative est nos yeux essentielle, non seulement dans une perspective dexploitation didactique de nos rsultats, mais galement pour valider nos hypothses thoriques.

    La syntaxe des nominalisateurs mono, koto et no a dj fait lobjet de descriptions linguistiques en franais. Loriginalit de cette recherche rside dans la prise en compte des diffrents aspects de mono qui nous a sembl ncessaire pour rendre compte dune logique transcendant les emplois particuliers. Si le cur de ce travail porte sur les phrases en mono da , nous navons pas voulu nous limiter cette seule structure mais avons tent de la mettre en perspective avec dautres dans un spectre demplois plus large allant de celui de substantif plein celui de particule nonciative. Nous avons galement pris en compte la phrase prdicat nominal construite autour de mono pour

  • INTRODUCTION

    6

    laquelle nous avons tent dapporter quelques lments susceptibles dclairer les mcanismes rgissant son actualisation smantique.

    Dune manire gnrale, au-del dune approche purement smantico-syntaxique, en reliant les diffrentes valeurs nonciatives aux conditions pragmatiques qui les sous-tendent et en rvaluant les noncs en termes dactes de langage, nous avons pos la problmatique de lnonciation au cur de lanalyse. Notre intuition est quen effet, sans la prise en compte de cette dimension, il est impossible de comprendre vritablement le fonctionnement de mono. Une autre originalit de notre travail rside dans son ancrage dans la langue contemporaine apprhende par lutilisation de corpus reprsentatifs de quatre genres de discours actuels : conversation informelle, blogs et chat sur Internet, articles de journaux, littrature populaire contemporaine.

    Ce travail pourra trouver de nombreuses applications didactiquesdfinition de programmes, conception dexercices, etc. Dans une optique communicationnelle, lanalyse des noncs en mono da en termes dactes de langage pourra tre utilement exploite et contribuer une meilleure appropriation de ces tournures par les apprenants. Lanalyse des mcanismes concourant lactualisation smantique pourra galement aider une comprhension exacte des noncs. Le cadre thorique et mthodologique propos pourra enfin tre appliqu lanalyse dautres noms formels prsentant un paradigme demplois similaire. travers lexemple du nom formel mono, cest aussi le fonctionnement de toute cette classe que nous avons tent dclairer.

    3. Plan de la thse

    Aprs une partie prliminaire dans laquelle nous ferons un tour dhorizon des dfinitions lexicographiques et grammaticales de mono, la premire partie de ce travail va sintresser aux emplois de mono en tant que nom.

    Le chapitre 1 traite de la syntaxe et de la dimension rfrentielle de mono. Aprs avoir dfini les concepts de nom plein et de nom formel, lexploration des rfrents de mono dans un corpus authentique va nous permettre de dfinir quelques traits smantiques essentiels. Nous poursuivrons nos investigations en examinant certaines spcificits du comportement syntaxique de mono.

    Le chapitre 2 est consacr la catgorie des noms formels. Aprs un examen de la manire dont cette sous-classe nominale a t apprhende dans les quatre grandes grammaires fondatrices de la grammaire contemporaine, nous proposerons une analyse des distributions les plus courantes articules autour de mono.

    La deuxime partie sintresse mono dans des phrases dites en mono da ayant pour patron : A-wa dt-MONO da .

    Dans le chapitre 3, nous prsenterons deux approches syntaxiques de cette structure qui permettront didentifier deux types bien distincts : la phrase prdicat nominal (meishi jutsugo bun) et la phrase nominalise. La premire envisage mono comme le noyau nominal du prdicat. Un panorama des principaux types syntaxiques et smantiques de phrases copulatives nous permettra de situer les phrases en mono da dans cette taxinomie gnrale. La seconde approche considre mono comme un

  • INTRODUCTION

    7

    nominalisateur propositionnel transformant une phrase prdicat verbal (ou adjectival) en une phrase nominale. Ce chapitre se conclura par la prsentation de quelques tests permettant de diffrencier, sous une mme structure de surface, ces deux types syntaxiques.

    Le chapitre 4 abordera la question du sens des phrases en mono da . En examinant les diffrents constituants de ces tournures, nous allons laborer une typologie comprhensive dans laquelle, pour chaque emploi, nous valuerons la contribution de mono la ralisation smantique. Par ce travail, nous montrerons que les diffrents sens sarticulent autour dune valeur commune : lexpression de la tendance gnrale. Nous conclurons cette partie par une analyse compare des emplois de mono dans nos diffrents corpus.

    Aprs cette approche smantico-syntaxique, la troisime partie sera ddie lanalyse du fonctionnement nonciatif de mono du point de vue de la notion de modalit qui offre un cadre danalyse fcond. Le chapitre 5 propose un tour dhorizon de la question de la modalit en japonais. Une typologie des modalits et de leurs lieux dancrage sera propose afin de situer notre propos dans un panorama plus gnral. Le chapitre 6 est consacr un type spcifique de modalit, la modalit explicative. Nous analyserons dans cette rubrique le fonctionnement discursif de mono que nous comparerons dautres oprateurs explicatifs tels que wake et no. Le chapitre 7 sera consacr lemploi de mono comme particule finale nonciative. Nous analyserons ses valeurs spcifiques et tenterons de les mettre en relation avec certains traits du substantif mono.

    Enfin, dans une quatrime partie, nous proposerons une mise en perspective des emplois rpertoris sous langle de la grammaticalisation.

    4. Prsentation des corpus

    Pour mener bien nos investigations nous avons constitu deux corpus de travail correspondant deux emplois spcifiques de mono :

    1. Corpus demplois nus compil partir de corpus existants dits quilibrs. Les modalits de constitution de ce corpus de travail qui rassemble 316 occurrences sont dtailles au chapitre 1.

    2. Corpus demplois dans le prdicat.

  • INTRODUCTION

    8

    Ce second corpus de travail est constitu de quatre sous-corpus qui nous ont sembl reprsentatifs de la langue contemporaine :

    1. Sous-corpus demplois loral8 (dornavant sous-corpus oral )

    Pour la constitution de ce sous-corpus, nous avons utilis le corpus de conversation informelle rassembl par lUniversit de Nagoya : Meidai Kaiwa Corpus. Malgr quelques particularismes (rgionalisme, rpartition dsquilibre entre les sexes), ce corpus est notre connaissance lun des rares corpus de conversation spontane9.

    2. Sous-corpus demplois dans des textes journalistiques ( sous-corpus journalistique )

    Pour explorer les emplois de mono dans les crits journalistiques, nous avons utilis les sources suivantes :

    Journal Asahi10

    NHK11

    Corpus darticles de journaux disponibles sur SAGACE12

    3. Sous-corpus demplois dans des uvres littraires grand public ( sous-corpus littraire )

    Au terme de son analyse de la littrature populaire, Sakai (1987 : 287) envisage la production dune uvre littraire populaire comme un acte de communication auquel elle applique le modle du procs de Jakobson. Elle souligne qu la diffrence du procs littraire traditionnel caractris par limportance accorde au message (la beaut du texte, intimement lie linspiration du crateur), la littrature populaire fait jouer tous les arguments en faveur dune connivence entre le message et lattente du public. En dautres termes, ce genre est anim dun souci defficacit au niveau de la communication du message.

    Mme si lide dun code uniformment partag semble quelque peu utopique13, on peut supposer que lorientation populaire de cette littrature, tant dun point de vue quantitatif que qualitatif, a des rpercussions sur la langue utilise pour la vhiculer. On peut raisonnablement estimer quil sagit dune langue plus ou moins commune lensemble des adultes japonais (caractres chinois utiliss, champs lexicaux, tournures grammaticales). Pour ces raisons, il nous a sembl particulirement intressant de

    8 Les modalits de constitution de ces sous-corpus sont prsentes en annexe C. 9 Le National Institute for Japanese Language and Linguistics (NINJAL) a dvelopp un corpus oral concurrent : le Corpus of spontaneous Japanese (Nihon-go hanashi kotoba kpasu). Toutefois, outre sa difficult dutilisation et son cot, il prsente linconvnient de se composer essentiellement de discours ou dallocutions officielles, genre qui ne laisse que peu de place aux interactions spontanes. 10 Le journal Asahi est lun des plus grands quotidiens nationaux japonais (tirage quotidien : 8 millions dexemplaires). Il se distingue de ses concurrents par un positionnement de centre-gauche et une ligne ditoriale plus intellectuelle . 11 La NHK est lentreprise qui gre laudiovisuel japonais. Elle est rpute pour la correction de la langue diffuse sur ses ondes qui sert parfois de rfrence. 12

    Analyseur de corpus dvelopp par R. Blin assurant les fonctions de concordancier et extracteur/ compteur de collocations pour des morphmes. (http://rkappa.fr/) 13 Voir ce sujet Kerbrat-Orecchioni (1999 ; rd. 2002 : 15-32)

  • INTRODUCTION

    9

    prendre pour objet des uvres appartenant ce rpertoire parfois qualifi de yomimono (litt. : choses lire) en raison de sa facilit de lecture. Pour notre travail nous avons slectionn des uvres rcentes ayant rencontr un grand succs public et souvent couronnes par le Prix Naoki qui revendique cette orientation populaire. Du fait des particularits des langues masculine et fminine, nous avons choisi en nombre gal, des uvres crites par des hommes et par des femmes.

    4. Sous-corpus demplois dans des cyber procdures ( sous-corpus de cyber procdures )

    Sagissant dun travail ayant pour objet la langue contemporaine, nous ne pouvions pas laisser de ct les nouveaux mdias (courrier lectronique, blogs, chats, forums) apparus avec Internet. En effet, en quelques annes, ces nouveaux supports ont non seulement favoris lmergence et la diffusion de nouvelles pratiques linguistiques mais certains, comme le courrier lectronique, sont en voie de supplanter dfinitivement les mdias traditionnels. Dans notre travail, nous nous sommes plus particulirement intress trois types de communication mdiatise par lordinateur : le blog, le chat et les forums de type question-rponses.

    Au total, nous avons ainsi rassembl 560 noncs se rpartissant de la manire suivante :

    Tableau 1 : Composition de nos corpus de travail

    Corpus

    demplois nus Corpus demplois dans le prdicat

    Rf. I II III IV V Total

    Type BCCWJ

    SAGACE-v3.2

    Langue orale

    Articles de journaux

    Littrature populaire

    Cyber textes

    nb 316 208 105 97 150 560

    % 100 37 19 17 27 100

  • 11

    Partie Prliminaire

    MONO DANS LES DICTIONNAIRES

    ET LES GRAMMAIRES

    Nous allons faire ici un tour dhorizon de la manire dont mono est prsent dans les dictionnaires et les grammaires que nous prendrons comme rfrences. Les dfinitions lexicographiques nous permettront de nous faire une premire ide de la diversit du sens et des emplois de mono. En labsence de tradition de description du fonctionnement de la langue dans des grammaires, les dictionnaires ont longtemps constitu la somme des recherches et, ce titre, ils constituent donc un point de dpart incontournable. Les grammaires normatives influences par la tradition occidentale sont dapparition relativement rcente au Japon. Les fondements ont t poss au dbut du XXe sicle par Yamada Yoshio, Matsushita Daizabur, Hashimoto Shinkichi et Tokieda Motoki dans des travaux communment dsigns par le terme de Yondai bunp (Quatre grandes grammaires). Nous y ferons plus longuement rfrence au chapitre 2 consacr aux noms formels et nous nous limiterons ici un tour dhorizon de quelques grammaires plus rcentes.

    1. Mono dans les dictionnaires

    1.1 Reprages lexicographiques

    Dans cette section, nous reproduisons la traduction des dfinitions apparaissant lentre mono des trois grands dictionnaires gnralistes suivants que nous prendrons comme rfrences tout au long de ce travail :

    - Nihon kokugo daijiten - seisen ban (Grand dictionnaire du japonais dition choisie, 2006), dit par Shogakukan ;

    - Daijirin ( Grande fort des mots , 3e dition, 2006), dit par Sanseid;

    - Meiky kokugo jiten (Dictionnaire de japonais le Miroir clair , 1re dition, 2002), dit par Taishkan.

    Nous complterons ce tour dhorizon lexicographique en examinant la dfinition propose par On Susumu dans le dictionnaire des mots fondamentaux de la langue classique ainsi que celle du Ruigo daijiten (Grand dictionnaire des synonymes) paru chez Kdansha. Nous proposerons la section suivante une brve analyse de ces dfinitions. Dans celle-ci, sans en reproduire in extenso les notices nous ferons aussi rfrence aux Dictionnaires Kjien ( Grand jardin des mots , 5e dition, 1998) dit par Iwanami et au dictionnaire Shinch Kokugo Jiten (Dictionnaire de japonais Shinch, 5e dition, 1997) dit par Shinchsha.

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    12

    1.1.1 Dfinition du Nihon kokugo daijiten (NKD)

    Nous indiquons ci-dessous la traduction fidle des dfinitions des lexmes apparaissant lentre mono du dictionnaire Nihon kokugo daijiten.

    Mono [1]

    I

    1. Dsigne de manire gnrale un corps dot dune forme quelconque. (1) Dsigne un corps dot dune forme, une marchandise.

    a. Cas o le type de corps, son appartenance sont prciss par un mot dterminant.

    b. Cas o le corps est dsign par le mot immdiatement avant ou aprs. c. Cas o il dsigne une marchandise indtermine.

    (2) Dsigne de manire gnrale un corps ou une marchandise dtermins.

    Semploie lorsque lobjet concret est rendu vident par le contexte ou la situation.

    a. Bien (matriel ou pcuniaire). b. Vtement. Tissu. c. Aliment, boisson. d. Instrument de musique.

    (3) Dsigne de manire abstraite un objet que lon craint de nommer

    ouvertement.

    a. Objets de frayeur et de crainte tels que divinits, monstres esprits, etc. b. Maladies lies la possession. De manire gnrale maladie ou blessure,

    tumeur, etc. c. Parties gnitales de lhomme ou de la femme.

    (4) Dsigne un bien dans le droit civil (mobilier ou immobilier).

    2. Dsigne des circonstances ou des concepts abstraits loigns dobjets concrets

    particuliers. (1) Dsigne des choses ou des circonstances de manire globale.

    (2) Sous la forme mono no , en combinaison avec un syntagme abstrait,

    dsigne de manire vague des circonstances dtermines.

    a. propos dune situation ou dun tat. b. propos de sentiments.

    (3) Dsigne des lieux conceptualiss (de lpoque ancienne ou du Moyen-ge,

    dsigne frquemment des sanctuaires shintostes ou des temples bouddhiques).

    (4) Mot ou signe. Ou encore des textes ou des ouvrages. Leur contenu. (cf. :

    mono o iu).

  • MONODANSLESGRAMMAIRESETLESDICTIONNAIRES

    13

    (5) Choses que lon ressent ou auxquelles on pense. Souci, rflexion, requte, question, etc. cf. : mono o miru (regarder des choses); mono o oboyu (retenir des choses); mono o omou (penser des choses).

    (6) Raison, logique des choses.

    (7) Mot de substitution employ lorsque que lon ne se souvient pas ou que lon

    ne souhaite pas dire les choses clairement. Employ galement quand on ne souhaite pas faire tat de circonstances prcises ou encore lorsque lon est embarrass pour rpondre une question.

    (8) Mot utilis lors dune hsitation ou pour marquer un temps avant de

    rpondre une question. (9) (sous la forme ga mono en combinaison avec la particule casuelle ga)

    Exprime le sens de quivaloir , valoir . cf. : ga mono

    3. Dsigne des choses ou circonstances considres de manire abstraite et vague

    suivant un systme de valeurs. (1) Choses gnrales (ou moyennes) ou personnes accomplies , respectables.

    Semploie indiffremment pour les choses ou les personnes. (2) Chose importante et extraordinaire. Chose srieuse, problme.

    4. Nom formel nominalisant en tant que concept un syntagme antpos. Semploie

    directement aprs un mot variable une forme rentai (adnominale). (1) Indique quil sagit dune telle situation, de telles circonstances ou de telle

    intention.

    (2) Avec un mot assertif en fin de phrase renforce lassertion du locuteur. cf. : mono ka, mono ka na, mono zo, mono da, mon.

    (3) En fin de phrase, exprime une motion aprs un mot variable une forme

    rentai. En combinaison avec une particule nonciative, confre frquemment un effet adversatif ou exprime une interrogation ou une antiphrase.

    II Mono (particule finale)

    (emploi driv de lemploi de type nom formel I-4, et plus particulirement de lemploi 3)

    Aprs une phrase une forme conclusive, sert rfuter avec une nuance de mcontentement ou dfendre sa pense avec une certaine complaisance envers soi-mme. Expression principalement employe par les femmes et les enfants (cf. : mon).

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    14

    III Mono (prfixe)

    Principalement en composition avec des adjectifs, des adjectifs variables ou des verbes dtat, indique quil sagit dune telle situation sans savoir bien pourquoi, de manire indfinissable.

    monoui : mlancolique, monosabishii : triste, monoguruoshii : tourment, monokezakaya : net, monoshizuka : silencieux, monofuru : vieillot

    IV (unit lexicale)

    1. Accol au radical des adjectifs ou des noms, indique quil sagit dun article appartenant cette catgorie.

    harumono : vtement de printemps, sakimono : opration terme, oomono : personnage important, usumono : tissu lger, etc.

    2. Aprs un nom exprimant un territoire, indique quil sagit dun produit de cette rgion.

    3. Indique une chose en rapport avec la guerre ou les oprations militaires (scrit

    galement avec le caractre ).

    mononogu : matriel militaire, monoiro : couleurs, monogashira : chef

    4. Aprs la forme reny dun verbe.

    (1) Indique le rsultat du procs. nurimono : laque, hoshimono : poisson sch, yakimono : porcelaine (2) Indique lobjet du procs.

    tabemono : aliment, yomimono : livre, takimono : fumigation, etc.

    Se transcrit avec le caractre lorsquil est employ propos dun tre humain.

    Mono [2]

    (Nom) mot ayant la mme origine que mono ().

    Autrefois, il tait trs rare que ce mot soit employ seul. La plupart du temps, il tait dtermin par un syntagme nominal et semployait la manire dun nom formel.

    Frquemment utilis pour exprimer un rabaissement ou du ddain ; de nos jours, il est utilis dans des textes officiels (sore ni ihan shita mono : contrevenant, migi no mono : personne ci-aprs).

    1. Par rapport hito, ce mot est gnralement utilis vis--vis de personnes de position ou de rang infrieur. Cette tendance peut tre observe dans les textes japonais de lpoque de Heian mais ce nest pas rigoureusement exact.

    2. Selon des documents annots (kunten shiry), cest partir du IXe sicle que le

    caractre dsignant des personnes commena tre lu mono. Avant il se lisait toujours hito en lecture kun.

  • MONODANSLESGRAMMAIRESETLESDICTIONNAIRES

    15

    1.1.2 Dfinition du dictionnaire Daijirin (DJ)

    Dans le dictionnaire Daijirin dont nous reproduisons les dfinitions ci-dessous, on peut observer une organisation quelque peu diffrente.

    Mono [1] (driv du nom formel mono) I. (particule finale) aprs un mot variable une forme conclusive.

    1. Exprime la raison avec une nuance de mcontentement, complaisance, revendication, etc. Prend frquemment les formes da mono , desu mono.

    Datte, shikata ga nai n desu mono. Mais, on y peut rien !

    Dshite mo boku ikitai mono. Je veux y aller tout prix !

    2. Sous les formes mono ne , mono na , exprime la raison. Ne et na

    confrent un lger sentiment exclamatif.

    Naruhodo, sore wa kimi no senmon da mono. Je vois. Cest ta spcialit.

    Yoku o wakari desh. Mae ni itta koto ga arimasu mono ne. Je pense que vous avez bien compris. Vous y tes dj all, nest-ce pas ?

    II. (particule conjonctive) aprs un mot variable une forme conclusive.

    1. Exprime la raison ou la cause. Kara. No de.

    Kodomo da mono, muri wa nai yo. Cest tout fait normal car ce nest quun enfant.

    Issh kenmei benky shite imasu mono, daijbu desu wa. Comme je travaille avec acharnement, a va aller.

    2. Exprime une valeur adversative.

    Boku datte shiranai mono, kimi ga shitte iru hazu ga nai. Mme moi, je ne sais pas. Alors, comment pourrais-tu savoir ?

    En tant quemploi du nom formel mono , en fin de phrase aprs un mot variable une forme dterminante, lexpression dun sentiment exclamatif est atteste depuis lAntiquit. lpoque moderne, cet emploi a donn naissance celui de type particule finale .

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    16

    Mono [2]

    I. (nom) Signifie tous les objets que lon peut percevoir au sens large par les sens ou apprhender par lesprit, commencer par les corps ayant une forme. Par rapport koto) qui exprime les phnomnes qui naissent et meurent dans le temps, mono semploie en rfrence la nature immuable qui sous-tend ces phnomnes.

    1.

    (1) Objet, marchandise.

    Kaidan ni mono o oku no wa kiken da. Il est dangereux de poser des objets dans lescalier.

    Mado kara mono ga ochite kita. Un objet est tomb par la fentre.

    (2) Particulirement marchandise ayant une valeur conomique ou sa qualit.

    Mono ga toboshiku te mo, kokoro wa yutaka de aritai. Mme si nous avons peu de choses, je veux garder un cur gnreux.

    Nedan wa yasui ga, mono wa tashika. Le prix est peu lev mais la qualit est sre.

    (3) Mot dsignant vaguement un objet sans lexprimer concrtement. Objet

    quelconque. Mono o iu. Dire quelque chose. Mono o omou. Penser quelque chose. Mono mo tabenai. Sans (rien) manger. Mono no hazumi. Le cours des choses. Mono no yaku ni tatanai. Ne servir rien.

    (4) Mot exprimant un objet de manire gnrale et globale sans le spcifier.

    Tous les objets.

    Mono ni wa junjo ga aru. Les choses ont un ordre.

    (5) Logique des choses, raison.

    Mono ga wakatte iru hito. Personne qui comprend les choses.

    (6) Mot dsignant avec effroi un objet dont la nature est difficile apprhender

    comme un dmon ou un esprit malfique.

    Mono ni tsukareru. tre possd par un esprit (une chose) Mono no ke. Un esprit

    (7) Objet digne de considration. Existence remarquable.

    Mono to mo shinai. Ne pas se proccuper de

    (8) Mot dsignant des choses apprhendes comme objets de la pense. Choses.

    Nihon-teki na mono o konomu aimer les choses japonaises

    Kfuku to iu mono wa tokaku ushinaware yasui. Le bonheur est une chose trs fragile.

  • MONODANSLESGRAMMAIRESETLESDICTIONNAIRES

    17

    (9) Emploi anaphorique pour viter la rptition. Cela.

    Ano eiga wa ichido mita mono da. Jai dj vu ce film.

    (10) Sous la forme no mono . Possession. Bien.

    Jibun no mono ni wa namae o kaite okinasai. Ecris ton nom sur les choses qui tappartiennent !

    Hito no mono o kariru. Emprunter le bien dautrui.

    2.

    (1) philosophie (angl. : thing, allemand : ding)

    a. Objet spatial ou temporel. Dans son sens troit, dsigne les choses du monde extrieur que lon peut apprhender par les sens comme un bureau ou une maison. Dans son sens large, il devient lobjet de la pense, tout ce qui peut devenir le sujet dune proposition incluant des existences non apprhendables par les sens telles que les sentiments, la valeur.

    b. Utilis par rapport hito pour des objets dpourvus du caractre humain.

    (2) Juridique

    Dsigne une partie des objets du monde extrieur (dots dune forme ou non) susceptibles de faire lobjet du droit. En droit civil, mono semploie exclusivement pour des objets dots dune forme.

    3. Postpos diffrents types de mots, permet de former des mots composs.

    (1) Exprime que les articles ou les uvres entrent dans ce domaine ou cette catgorie.

    Natsumono : vtements dt Nishijinmono : Tissus Nishijin (quartier de Kyto) Sannenmono no wain : vin de trois ans dge Gendaimono : chose contemporaine

    (2) Exprime quil sagit de quelque chose de nature provoquer cette situation.

    Sore wa seppukumono da. Cela relve du Harakiri !

    Mattaku hiyaasemono datta. a a caus des sueurs froides !

    (3) Postpos la forme reny des verbes, exprime quil sagit dune

    marchandise qui est le rsultat ou lobjet du procs.

    Nurimono : un laque Yakimono : une poterie Tabemono : un aliment

    Yomimono : un livre

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    18

    4. Nom formel

    (1) (sous les formes mono da /de aru , etc.)

    a. Tendance universelle.

    Donna hito mo o-seji ni wa yowai mono da. Tout le monde est sensible aux compliments.

    Ningen wa tokaku kako o bika shitagaru mono rashii. Il semble que lhomme ait toujours tendance embellir le pass.

    b. Obligation.

    Sonna toki wa nani mo kikazu ni ite ageru mono da. Dans de tels cas, il faut tre ct sans rien demander.

    c. Chose frquente par le pass.

    Futari de yoku asonda mono da. On a beaucoup jou tous les deux!

    (2) (sous la forme mono da ) Exprime lmotion ou lexclamation.

    Ano nankan o yoku kugurinuketa mono da. Il sest bien tir de cette mauvaise passe !

    Koky to wa ii mono da. Le pays natal est une belle chose.

    Ano otoko ni mo komatta mono da. Je suis bien embt avec lui.

    (3) (sous les formes mono ka , mono de wa nai ) Renforce la ngation.

    Sonna koto ga aru mono ka. Une telle chose est-elle concevable ?

    Dare ga iu mono desu ka. Qui peut bien dire une chose pareille !

    Nani o suru ka wakatta mono de wa nai. On ne sait pas quoi faire.

    (4) (sous les formes mono to omowareru etc.) Renforce le jugement.

    Kare wa m kaetta mono to omowareru. On peut considrer quil est maintenant rentr.

    Akirameta mono to miete, sono go nani mo itte konai. Il semble quil ait renonc car il na rien dit depuis.

    (5) (sous la forme mono to suru ) Dcider de faire

    K wa sono sekinin o ou mono to suru. Il est dcid que A assume la responsabilit (juridique).

  • MONODANSLESGRAMMAIRESETLESDICTIONNAIRES

    19

    II (prfixe)

    Antpos un adjectif, un adjectif verbal ou un verbe, exprime le sens de vaguement ou de situation inexplique.

    monosabishii : triste

    monoshizuka : calme

    monofuru : vieillot

    Mono [3]

    mme origine que mono ()

    Personne. Depuis toujours, il est trs rare que ce mot soit employ seul ; il est souvent prcd dun mot dterminant.

    Ie no mono o mukae ni yaru. Jenvoie un membre de ma famille votre rencontre.

    Wakai mono Une jeune personne

    O-mae no y na mono wa kand da. Des personnes comme toi, je les dshrite !

    Dare ka tameshite miru mono wa inai ka. Personne ne veut essayer ?

    Mono wa imijiki okuby no mono yo. Ltre humain est trs lche (Konjaku)

    Par rapport hito (), il marque souvent le rabaissement ou le ddain.

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    20

    1.1.3 Dfinition du dictionnaire Meiky (MK)

    Examinons maintenant les entres proposes par le dictionnaire Meiky : Mono [1]

    Objet occupant une place dans lespace, dot dune forme et pouvant tre apprhend effectivement par la vue ou le toucher. Semploie par rapport koto qui dsigne les mouvements, actions, tats ou changements abstraits. Dans des tournures o il suit une forme verbale adnominale, il prend aussi la forme familire mon.

    I. Nom

    (1) Dsigne tout ce qui peut tre peru comme une existence concrte, depuis un objet, une substance, un article, une marchandise jusqu un tre vivant.

    Mono ni wa katachi to iro ga aru. Les choses ont une forme et une couleur.

    Mono ga shij ni afurete iru. Les marchs dbordent de marchandises.

    Nani ka taberu mono wa nai ka. Il ny a pas quelque chose manger ?

    Chiky-j ni ikiru subete no mono ni shiawase are. Que tous les tres vivants de cette terre soient heureux !

    araimono : linge sale, tsuzukimono : pisodes, ikimono : tre vivant

    Est souvent prcd dun mot une forme adnominale dans cet emploi. (2) Mot dsignant largement des choses ou des affaires loignes dentits

    concrtes. Rflexion, connaissance, parole, etc. Tout ce qui peut difficilement tre apprhend nettement mais qui existe effectivement en tant quobjet de la conscience.

    Mono o omou : songer Mono o iu : dire quelque chose Mono ni wa junjo ga aru : les choses ont un ordre Monogokoro : ge de raison

    (3) Esprit malfique, existence effrayante indtermine.

    Mono ni tsukareru : tre possd par un esprit malfique. Mono no ke : esprit

    employ pour viter de dsigner directement les choses. (4) Existence envisage comme objet de la rflexion, de lobservation ou dune

    problmatique.

    Enro o mono to mo shinai. Ne pas se soucier du long chemin.

    Mono no kazu ni mo hairanai. Cela nentre pas en ligne de compte.

  • MONODANSLESGRAMMAIRESETLESDICTIONNAIRES

    21

    (5) (souvent sous la forme mono no) Semploie pour apprhender vaguement les choses sans les dsigner clairement.

    Mono no hon ni yoru to Selon un certain livre Mono no hazumi : Le cours des choses Mono no go fun ga tatanai uchi ni. Avant que cinq minutes ne scoulent.

    (6) (aprs un mot une forme adnominale) Signifie diffrentes choses ou

    situations abstraites caractrises par le mot dterminant.

    Kore wa dare ni de mo dekiru mono de wa nai. Ce nest pas quelque chose que tout le monde peut faire.

    Shiin wa shukketsu ni yoru mono da. La mort est due une hmorragie.

    Are dake dekireba taishita mono da. Ce serait dj formidable de pouvoir faire cela.

    (7) (principalement sous la forme to iu mono) Indique clairement que les

    choses ne sont pas apprhendes comme un concept abstrait mais comme une chose concrte.

    Toshi oite hajimete wakasa to iu mono no kichsa o shitta. En vieillissant, jai compris pour la premire fois le prix de la jeunesse.

    (8) (sous la forme y na (mitai na) mono da : emploi de type auxiliaire)

    Exprime une chose de manire mtaphorique ou un degr de ressemblance. Sil fallait le dire, ce serait (environ) comme cela .

    Sore wa neko ni katsuo bushi o azukeru y na mono da. Cest comme si tu confiais de la bonite sche1 un chat.

    (9) (sous la forme mono da , aprs un mot variable une forme adnominale)

    a. (emploi de type auxiliaire ) Exprime la nature vritable, lvidence ou la ncessit.

    Daitai ni oite, natsu wa atsui mono da. En rgle gnrale, lt est chaud.

    Mirarenai to naru to, kaette mitaku naru mono da. Si lon ne peut plus le voir, inversement, on a envie de le voir.

    Emploi : la tournure ngative est mono de wa (ja) nai

    Honraiteki bryoku wa yurusareru mono de wa nai. Normalement, la violence est une chose qui nest pas tolre.

    Exprime la nature essentielle, le caractre inappropri ou linterdiction. b. (emploi de type particule finale ) Exprime lmotion ou lexclamation.

    1 Le katsuo bushi, poisson (bonite) sch et rp sous forme de copeaux est un met dont les chats sont rputs tre trs friands.

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    22

    (10) (sous la forme mono da , aprs lauxiliaire marquant le pass ta (da) ; emploi de type auxiliaire ) Evocation nostalgique ou vrification dune exprience du pass.

    Kodomo no koro wa yoku ano kawa de oyoida mono da n. Lorsque jtais enfant, jai beaucoup nag dans cette rivire.

    (11) (sous la forme tai ( te hoshii) mono da ; emploi de type

    auxiliaire ) Exprime le souhait de manire exclamative.

    Tama ni wa yukkuri yasumitai mono da n. De temps en temps, jaimerais me reposer tranquillement !

    Kotoshi wa ysh shite hoshii mono da. Cette anne, jaimerais quil gagne cote que cote !

    (12) (sous la forme s na mono da , aprs un verbe une forme reny ;

    emploi de type auxiliaire ) Exprime avec une nuance exclamative quune situation, sur le point daboutir, ne parvient pas se conclure.

    Sore wa nan to naku, sasshi ga tsuki s na mono da ga. Je parviens presque imaginer.

    (13) (sous la forme mono de wa nai aprs lauxiliaire exprimant le pass ta ;

    emploi de type particule finale ) Exprime une forte opposition ou un rejet lgard de quelque chose qui est impos ou dune opinion reue.

    Ano kusuri wa nigakute nometa mono de wa nai. Ce mdicament est tellement amer quil est imbuvable.

    Dosoku de norikomareta no de wa tamatta mono de wa nai2 ! Comme il entr chez moi avec ses chaussures, je nai pas pu me taire !

    (14) (sous la forme to iu mono da , emploi de type auxiliaire ) Renforce le

    jugement apprciatif du locuteur.

    Kore koso hont no kfuku to iu mono da. Cest prcisment cela le vritable bonheur.

    (15) Forme des mots composs en combinaison avec un nom.

    a. Exprime lappartenance, la relation, etc.

    Harumono no fuku : vtement de printemps, otoko mono, onna mono : chose pour les hommes, chose pour les femmes ; engimono : porte-bonheur ; jidaimono : historique (pour un roman, un film, etc.)

    b. Exprime le sens de correspond prcisment .

    Hiya ase mono : qui donne des sueurs froides ; hysh mono : louable ; mayu tsuba mono : douteux

    II. prfixe (devant un adjectif ou un adjectif verbal)

    Exprime vaguement un aspect.

    monoganashii : triste

    monoshizuka : calme

    2 La coutume est de se dchausser en entrant dans les maisons japonaises.

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    23

    Transcription : de 5 14 scrit en kana. 2, 4, 15 et II scrivent plutt en kanji mme si rcemment la transcription en kana progresse.

    Expression 7-12, 14 : Il existe des variantes familires en mon da ou polie en mono desu .

    Mono [2]

    Nom

    (aprs un mot une forme adnominale, emploi de type nom formel ) Signifie que la personne possde une telle nature.

    Wakamono ni wa mada makenai. Je ne perds pas encore contre les jeunes.

    Uchi no mono ni renraku suru. Je tlphone ma famille.

    Hatarakimono : travailleur ; hykinmono : joyeux luron.

    Synonyme de

    Expression : Employ seul, il devient frquemment lobjet de ddain ou de rabaissement : tsugi no mono wa mshideyo ( Que la personne suivante se prsente ! Suivant, lappel ! ). Comme dans ces phrases, contrairement hito ou kata (personne), mono (ici traduit par suivant ) ne peux pas se combiner avec un mot honorifique.

    Mono [3] (particule finale)

    Explique la raison.

    De mo, tabetakunai n desu mono. Mais, je nai pas envie de manger

    S iwareta tte taikutsu da mono. Cela ne change rien au fait que cela soit ennuyeux !

    Driv du nom formel mono. Aprs une forme polie en desu mono masu mono , appartient principalement au langage fminin. Se dit galement mon de manire informelle.

    Anna toko, ikitakunai mon. Je ne veux pas aller dans un tel endroit.

    Emploi : Apparat aprs un verbe une forme conclusive. Semploie galement comme connecteur.

    Mada kodomo da mono muri desu yo. Comme cest encore un enfant, cest impossible.

    Expression : Contient souvent le sentiment de rfutation ou de requte. Par ailleurs, en combinaison avec les particules finales na ou ne, contient le sentiment daccord avec linterlocuteur.

    Ky wa yoku hataraita mono na. Aujourdhui tu as bien travaill.

    Kono atari wa fuyu ga kibishii desu mono ne. Lhiver est rigoureux dans les environs.

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    24

    1.1.4 Mono dans la langue classique

    Pour cerner ltymologie de mono, nous allons prsenter ci-dessous un bref rsum des travaux dOn Susumu. Dans le Dictionnaire des mots fondamentaux de la langue classique (Koten kiso go), il distingue deux entres MONO1et MONO2 (). Selon no, le sens fondamental de MONO1 dans la langue ancienne tait :

    Ce que lon ne peut pas changer, qui est immuable. (no : 1247)

    Concrtement, cela dsignait :

    Destin, fait tabli, rythme des saisons Rgles et habitudes du monde Crmonies Corps matriel existant (id.)

    Selon no, le sens de destine apparatrait bien dans les expressions mono omohu (conserver prcieusement le souvenir) ou mono no aware (mlancolie) qui renverraient en fait la tristesse de la sparation qui constitue le destin inluctable de toute relation amoureuse ou au rythme des saisons qui met un terme aux beauts de la nature (fleurs de cerisiers, feuillages automnaux). Dans la langue classique, les adjectifs monosabishii ou monoganashii ne renverraient donc pas quelque chose de vaguement triste comme on le pense gnralement mais plutt la tristesse du destin sur lequel lhomme na pas de prise3 .

    Le sens de MONO2 tait celui de onry (), terme dsignant lesprit (tama ) malfaisant dun mort anim dun fort ressentiment (urami ). Ce concept renvoie la croyance populaire selon laquelle lesprit dun dfunt qui aurait t victime dune injustice ne pourrait trouver la paix et hanterait les limbes pour assouvir sa vengeance. Dans ce sens, ce mot tait transcrit avec lidogramme qui dsignait en chinois un concept similaire. Si le concept de mono appartient au domaine de linvisible, mononoke (esprit, sort jet par un esprit, ) tait alors la manifestation visible de cette maldiction. Mamono (fantme, dmon), monogurui (possession, folie), monoimi (rituel dabstinence pour conjurer de mauvais augures) sont autant dautres mots qui tmoignent de la proximit quentretenait mono avec le surnaturel mais, selon Ono, il sagit lorigine dun mot diffrent de MONO1.

    3

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    25

    1.1.5 Dfinition du Grand dictionnaire des synonymes (ruigo daijiten)

    Pour conclure ce tour dhorizon des dfinitions lexicographiques, examinons cette dernire dfinition extraite du dictionnaire des synonymes de Shibata et Yamada (2004) qui nous semble synthtiser les principaux traits apparus dans les dfinitions ci-dessous.

    Mono

    Mot utilis pour dsigner prototypiquement les entits dotes dune forme concrte, que lon peut voir et toucher, localises dans un endroit prcis, pouvant se dplacer ou se transformer, dpourvues de vie et, plus largement, tout ce qui peut y tre assimil. Les entits que lon ne peut pas identifier par la vue mais apprhender par la rflexion ou les sens comme la guerre , la paix , la vie ou pauvre sont traites comme des mono sous la forme to iu mono . Les mouvements et les changements sont mme apprhends en tant que mono. Cest dans ce sens que lon dit que les noms dsignent des mono .

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    26

    1.2 Premires observations

    1.2.1 Organisation des entres

    Comme nous pouvons le vrifier dans le tableau rcapitulatif ci-dessous, nos dictionnaires prsentent un nombre variable dentres pour mono. Cela est probablement le reflet dune diffrence de perception des relations unissant les lexies.

    Tableau 1 : Liste des entres rpertories

    dictionnaire

    entre NKD MK DJ Kjien4

    Mono ()

    Mono ()

    Prfixe

    Particule

    signale une entre

    On notera que les quatre dictionnaires distinguent deux entres lexicales distinctes, correspondant deux transcriptions idographiques diffrentes. Nous reviendrons plus en dtail ci-dessous sur ce point. Certains dictionnaires distinguent des emplois fonctionnels (particule finale) ou combinatoires comme prfixe alors que dautres les intgrent au sein du lexme mono .

    Sous ltiquette nominale, les dfinitions lexicographiques rendent toutes compte demplois plus fonctionnels ; mono est alors qualifi de keishiki meishi (nom formel). Toutefois, suivant les dictionnaires, les emplois qualifis de formels ne recouvrent pas les mmes notions5.

    Concernant les emplois substantivaux, la synthse des dfinitions proposes par les dictionnaires nest pas chose aise tant le champ smantique de mono semble vaste. La lecture des dfinitions proposes permet de distinguer deux types dorganisation des acceptions de mono : lune globale o toutes les acceptions de mono sont incluses dans une dfinition gnrale (Kjien, Daijirin), lautre procdant par tapes successives vers une plus grande abstraction (Nihon Kokugo Daijiten, Meiky). Intressons-nous tout dabord ce dernier cas.

    4 partir de cette section, nous prendrons galement en compte le dictionnaire Kjien dont nous navons pas reproduit la traduction. 5 Les dictionnaires Kjien et Daijirin ne traitent sous cette tiquette que des emplois comme nominalisateur (phrases dites en mono da ). Le nombre et la nature des valeurs cites diffrent toutefois sensiblement dans ces deux dictionnaires. Par ailleurs le dictionnaire Kjien, aborde lemploi en tant que particule finale comme un emploi du nom formel mono. Dans le dictionnaire Meiky, il est en revanche plutt question demploi de type auxiliaire pour faire rfrence ces emplois.

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    27

    Le dictionnaire Meiky propose une organisation que lon peut rsumer comme suit :

    ()

    MONO Signification en tant que substantif

    1. Mots dsignant des objets concrets existant dans lespace et perus de manire gnrale (indtermine).

    2. Mots dsignant des objets de la perception humaine loigns dentits concrtes.

    Selon ce dictionnaire mono dsigne donc dabord des objets concrets avant de pouvoir dsigner des entits plus abstraites. Le Nihon Kokugo Daijiten distingue quant lui un troisime niveau dabstraction :

    ()

    ()

    () 1. Dsigne de manire gnrale un corps dot dune forme quelconque. 2. Dsigne des choses ou des concepts abstraits loigns dobjets

    concrets particuliers. 3. Dsigne des choses considres de manire abstraite et vague et dotes

    dune certaine valeur.

    Est-ce la difficult dtablir une frontire nette entre les diffrentes acceptions qui a pouss dautres dictionnaires (Kjien, Daijirin, Shinchkokugo jiten) rassembler ces sens au sein dune seule dfinition ? Examinons ces trois dfinitions :

    Daijirin

    Dsigne tous les objets que lon peut apprhender par la perception ou la rflexion humaine commencer par ceux ayant une forme concrte.

    Shinch kokugo

    Dsigne tous les objets concrets ou abstraits que lon peut apprhender par la perception ou la pense humaine.

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    28

    Kjien

    Dsigne les objets ayant une forme, et plus largement les objets perceptibles par ltre humain. Semploie galement pour dsigner un objet de manire vague et gnrale sans le dsigner directement.

    On observe donc nettement deux types dorganisation des articles du lexme MONO. Lun procdant par tapes successives dans le sens dune abstraction progressive (objet matriel concret objet de la perception humaine concept abstrait apprhend par la pense comme une entit) et lautre proposant une dfinition globale recouvrant ces diffrents sens. Quoi quil en soit, en raison de ce champ smantique trs large, la lecture de ces dfinitions peut engendrer une certaine frustration chez le lecteur non natif pour lequel les contours de mono restent difficiles cerner. Mono dsigne un objet concret mais aussi une chose abstraite, voire parfois un concept dordre plus ou moins vnementiel. Cela ne poserait pas de problme particulier si, comme en franais, le japonais disposait dun seul mot pour dsigner toutes les choses. Or il existe un second terme, koto, destin aux choses vnementielles. Dans ces conditions, la dmarcation entre les mono et les koto apparat assez floue, ce qui peut tre source dhsitations lors de reprises anaphoriques.

    1.2.2 La question de la circularit dfinitoire

    Les dfinitions lexicographiques et leur traduction posent diffrents problmes. De la mme manire quil est difficile de dfinir en franais le mot chose sans y avoir recours, il semble pratiquement impossible de dfinir mono sans le convoquer ou avoir recours des concepts trs proches dont certains utilisent pour leur transcription lidogramme en composition. Par ailleurs, la richesse du lexique japonais pose des problmes de traduction de certaines nuances en franais. Voici les principaux mots que nous retrouvons comme incluants dans les dfinitions mtalinguistiques :

    Mots incorporant le caractre de mono () en composition :

    buttai ( ) corps, objet 6 / gutaibutsu ( ) objet concret / ytaibutsu () objet concret / sonzaibutsu () existence concrte / jibutsu () chose / monogoto () chose, affaire / bussh () objet, tre, chose, phnomne concret.

    Autres termes :

    kotogara ( ) circonstances, affaire / jish ( ) phnomne, vnement / taish () objet / sonzai () existence.

    6 Nos traductions dans les dfinitions ci-dessus.

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    29

    Signalons enfin des difficults ou des ambiguts lies la polysmie de certains mots, comme le nom franais objet. Quand il signifie chose solide ayant unit et indpendance et rpondant une certaine destination7 (OBJET1), il est la traduction japonaise du lexme buttai et quand il signifie: Tout ce qui se prsente la pense, qui est occasion ou matire pour l'activit de l'esprit (OBJET2), il correspond au mot taish. Le mot objet renvoie galement la notion de complment dobjet dont mono semble tre le candidat par excellence.

    1.2.3 Mono ()

    Tous les dictionnaires distinguent deux entres nominales diffrentes pour mono respectivement transcrit (MONO1) et (MONO2). Suivant ces dfinitions, MONO1

    dnomme des objets inanims alors que MONO2 semploie en rfrence un tre humain. Ces deux mots sont donc aujourdhui perus par le lexicographe comme deux lexmes distincts.

    Ils entretiennent toutefois des relations troites. NKD et DJ prcisent que ces deux lexmes ont une tymologie commune et MK va jusqu qualifier MONO2 de synonyme (,dgigo) de MONO1. Cela explique que ces deux noms partagent de nombreux traits, commencer par leur indtermination. Cest particulirement vrai pour MONO2

    dont les dictionnaires expliquent que son emploi autonome est particulirement rare ; pour tre employ, il doit quasiment toujours tre prcd dun dterminant. Autrefois le mot mono rfrait donc indiffremment aux objets anims ou inanims. Selon NKD, il semblerait que la distinction se soit opre aux alentours du VIIIe sicle avec ladoption dun caractre spcifique pour rfrer aux tres humains8. Le caractre extrmement discriminant du trait anim/ inanim explique probablement que cette partition ait donn naissance deux mots distincts.

    Malgr cette distinction, on trouve dans la langue contemporaine de nombreuses traces de cette origine commune comme le mot oomono transcrit avec le caractre propre aux choses pour dsigner une personne importante. En criture syllabaire, il est galement parfois difficile de dterminer avec certitude si lon a affaire un objet ou non. Nous verrons galement que dans son emploi formel, mono sert indiffremment de support pour des concepts anims ou inanims.

    7 Dfinition du Nouveau Petit Robert. 8 Pour signaler une acception particulire, il est possible davoir recours un caractre diffrent du caractre usuel (voir 1.2.4 pour des explications dtailles de la trancription de mono en japonais).

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    30

    1.2.4 Mon

    la place de mono, on rencontre parfois mon. Dans ce mot, habituellement transcrit en hiragana (), on trouve donc la nasale-more /N/ en place de la more CV /no/. Comment traiter ce mot ? Faut-il lassimiler une ralisation spcifique, un allomorphe de mono ou bien lenvisager comme un mot distinct ?

    Dans les dictionnaires, mon est gnralement prsent comme une variante contracte de mono appartenant un registre familier. Ce point sera vrifier dans nos corpus mais ce phnomne de rduction dune squence CV est bien connu sous le nom de onbin. Des rductions de la sorte o la nasale-more se substitue une ou plusieurs syllabes commenant par la consonne /n/ sont effectivement attestes dans la conversation ou dans certains dialectes, notamment devant la copule assertive desu ou ses variantes.

    nani nan desu ka. Quest-ce que cest ?

    no dshita n desu ka Quest-ce qui tarrive ?

    akanai akan marque de linterdiction (dialecte dOsaka)

    Mon est-il alors un simple allomorphe de mono au mme titre que nan par rapport nani ? En le traitant comme une lexie indpendante, nos dictionnaires suggrent pourtant que ces deux termes ne sont pas quivalents. Revenons sur les dfinitions de deux dentre eux :

    Dfinition du Nihon Kokugo Jiten

    Mon

    I. Mot driv de mono ( 1)

    1. Corps dot dune forme. Circonstances.

    Corps ou marchandise dot dune forme. Circonstances ou concept abstrait. Employ pour viter la rptition avec le mot immdiatement avant.

    2. Nom formel nominalisant un syntagme antpos en concept.

    Exprime le sens de une telle situation , de telles circonstances , une telle intention ; cf. mon ka, mon da, mon da kara, mon de.

    II. particule finale (drive de mono 2)

    Tous les exemples donns pour lemploi I-1 sont extraits de la langue classique de la priode dEdo.

    Dfinition du Daijirin

    Mon (driv de mono )

    chose (). Est toujours employ aprs un dterminant.

    Sonna mon hayaku sutete shimae. Jette-moi cela tout de suite !

    Hito no iu koto wa sunao ni kiku mon da. Il faut couter gentiment ce que disent les gens.

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    31

    Hiyaase mon da. Cela donne des sueurs froides.

    Mot apparu au XVIIe sicle.

    La dfinition du NKJ indique une grande similitude demplois avec mono. Elle prcise notamment que mon peut tre employ substantivement quasiment comme mono (I-1). Toutefois, les exemples cits nappartiennent pas la langue contemporaine. Les emplois plus fonctionnels sont en revanche trs similaires. Le Daijirin met quant lui laccent sur la dtermination rclame par mon, ce qui suggre quil nait pas dautonomie rfrentielle.

    Nous examinerons ces points plus en dtail avec nos corpus et, ce stade, nous considrerons que, paralllement mono, il existe un autre mot indpendant mon (tymologiquement driv de mono). Mon pouvait autrefois tre employ dans des conditions identiques mono mais il a aujourdhui perdu toute autonomie rfrentielle et ne semploie plus que comme nom formel.

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    32

    2. Mono dans les grammaires

    Examinons maintenant comment mono est trait dans plusieurs grammaires que nous prendrons comme rfrences. Il faut toutefois prciser que, comme mono nest pas une catgorie grammaticale mais un terme du lexique, la plupart des grammaires japonaises ne lui consacrent pas de rubrique spcifique mais laborde au fil des sections dont il relve.

    2.1 Grammaire fondamentale du Japonais (Masuoka & Takubo)

    titre dexemple, nous allons prsenter ici son traitement dans la grammaire de Masuoka et Takubo9 (2008).

    Des mentions du terme mono figurent au chapitre 6 consacr au nom. Examinons tout dabord cet extrait de la section 2 consacr aux catgories smantiques de noms.

    2

    1.

    []

    4.

    +

    2 Catgories smantiques des noms

    1. Les noms japonais peuvent tre apprhends au sein des catgories smantiques fondamentales de noms de personnes , noms de choses , noms de situations , noms de lieux , nom de directions , noms de temps . Ces catgories smantiques sont reprsentes par les noms personne , chose (mono), affaire , lieu , endroit , direction , temps et entretiennent des relations troites avec la forme des mots interrogatifs et dmonstratifs.

    []

    4. Pour parler de la nature fondamentale dun nom quel que soit son rfrent concret, on utilise la tournure nom + TO IU + MONO . Dans ce cas, mono est toujours employ sans distinction des catgories smantiques fondamentales numres ci-dessus. (1992 : 33-34)

    9 Dornavant : M & T

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    33

    Mono est donc prsent ici dans son rapport avec diverses ontologies comme le reprsentant dun type de noms, celui des noms de choses. Driv de ses proprits smantiques, on signale galement son emploi quasi mtalinguistique pour apprhender comme objet tous les concepts nominaux.

    Mono est galement abord la section 4 consacre aux noms formels dont nous reproduisons ci-dessous un passage.

    4

    1.

    []

    4.

    4 Les noms formels

    1. On appelle noms formels , les noms qui, tout en possdant la nature de mot nominal, sont smantiquement affaiblis et ne peuvent tre utiliss sans dtermination. Leur rle syntaxique prime sur leur fonction rfrentielle de concepts ou de choses ; ils servent former des complments, des syntagmes complments ou des adverbes. Avec la copule, ils forment des auxiliaires. (2008 : 36)

    []

    4. En combinaison avec la copule assertive, parmi les mots qui forment un auxiliaire, il y a hazu, no, wake, mono, tsumori, koto, y . (2008 : 37)

    Dans la section 4, il est donc trait comme un type de nom la force rfrentielle affaiblie principalement utilis des fins syntaxiques.

    Sous la forme mono da aprs un prdicat verbal ou adjectival, il est aussi fait rfrence mono dans le chapitre consacr aux auxiliaires. Les deux exemples cits sont :

    (1) Hito mae de wa yoku kikoeru y ni hanasu mono da.

    en public bien-entendre-afin de parler-MONO COP En public, il faut parler de manire tre bien entendu. (1992 : 34)

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    34

    (2) Nenmatsu wa awatadashii mono da.

    fin de lanne-Prelief bouscule-MONO COP La fin de lanne est une priode mouvemente. (1992 : 34)

    Plus loin dans louvrage, au chapitre consacr la modalit, nous retrouvons mention de mono la section consacre la ncessit.

    6

    1.

    5. :

    6 Ti

    1. On nomme ti , la modalit dexpression de lopportunit dune situation comme son caractre souhaitable ou ncessaire.

    5. Mono da sert essentiellement exprimer la caractristique essentielle de lobjet.

    Kodomo wa itazura o suru mono da. Les enfants font des plaisanteries

    Lorsque cette caractristique est souhaitable, il exprime la ncessit.

    Shiken no toki gurai wa benky suru mono da. Il faut travailler au moins pour les examens.

    Note : quand mono da suit un prdicat la forme en ta , il exprime le souvenir. Dans ce cas, on rencontre galement la forme mono datta .

    Tji wa yoku shsetsu o yonda mono desu. cette poque, je lisais beaucoup de romans.

    Tji no koro no terebi wa yoku kosh shita mono datta. La tlvision de cette poque tombait souvent en panne.

    Enfin, une mention est faite de mono da pour signaler quil sagit galement dune forme de ralisation de la phrase exclamative (2008 : 175). En rsum, mono est donc trait dans la grammaire de Masuoka et Takubo du point de vue de son caractre prototypique de nom de choses et de ses emplois formels et nonciatifs.

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    35

    2.2 Kiso nihongo jiten (Morita Yoshiyuki)

    Morita (1989 : 433-438) aborde mono dans la section quil consacre koto. Il prcise que mono rfre aux entits objectives stables apprhendables par les sens10 . Dans la rubrique consacre au nom substantif mono, il prcise :

    Il arrive que les mono naissent ou disparaissent mais mono dsigne lorigine des objets ayant une forme stable.

    Cest probablement en ce sens que mono se distingue le plus nettement de koto que Morita dfinit comme suit :

    Koto dsigne fondamentalement les phnomnes ou les situations qui naissent et se transforment dans leurs rapports avec lhomme ainsi que les entits abstraites formes par la pense ou lexpression.

    Il prcise galement que si mono peut dsigner un objet vague de la pense ou des mots proches de circonstances, mono et koto sont lorigine deux concepts distincts et que la langue japonaise rend compte dune perception ontologique dichotomique dans laquelle seffectue une partition entre deux types de choses : celles relevant de koto (rfrents vnementiels) et celles de mono. Cette discrimination est observable dans des expressions du type monogoto ni kejime o tsukeru (rgler les choses), monogoto ni tonjaku shinai (ne pas tre attach aux choses) dans lesquelles le lexme MONOGOTO compos des deux mots mono et koto constitue un terme gnrique suprieur. On comprend donc que les rfrents de mono constitueront un sous-ensemble de lensemble des rfrents du lexme franais chose.

    2.3 Nihongo no shintakusu to imi (Syntaxe et smantique du japonais) Teramura

    Hideo

    Dans lapproche syntaxique de notre travail, plusieurs reprises, nous serons amen revenir en dtail sur les travaux de Teramura. Pour cela, nous allons nous limiter ici une prsentation gnrale de langle suivant lequel il envisage ce mot.

    Dans Syntaxe et smantique du japonais II (1984), Teramura consacre une dizaine de pages (296-305) mono dans la section consacre la modalit explicative. Sous la forme mono da , cest cet emploi modal qui constitue pour Teramura le cadre privilgi dutilisation de mono.

    10

  • PARTIEPRLIMINAIRE

    36

    Pour Teramura mono serait lun des meilleurs reprsentants de la catgorie des noms abstraits (, chsh meishi), ce qui expliquerait la difficult dtablir une nette dmarcation entre emplois substantivaux et emplois formels. Pour lui mono est utilis pour dsigner des entits concrtes que ltre humain peut saisir avec lun des cinq sens11.

    11

  • Premire partie

    Du nom substantif

    au

    nom formel

  • 39

    Chapitre 1

    MONO EN TANT QUE

    NOM SUBSTANTIF

    1.1 Prsentation du chapitre

    Dans ce chapitre, nous nous intresserons plus spcifiquement mono en tant que nom substantif. Aprs avoir examin la dfinition du nom formel dans la grammaire japonaise, nous proposerons quelques critres (essentiellement syntaxiques) permettant didentifier mono dans son emploi substantival plein (1.2). partir dun corpus constitu sur la base de ces critres, nous observerons alors les emplois de ce lexme (1.3) et rflchirons ses principales caractristiques smantico-rfrentielles (1.4). Les rsultats obtenus seront convoqus ultrieurement pour tenter de comprendre les mcanismes profonds concourant la ralisation demplois caractre nonciatif. Notre hypothse est en effet lexistence dune cohrence profonde dans le dploiement nonciatif de mono que nous essaierons de dmontrer en nous appuyant sur ses traits smantiques essentiels.

    Nous envisagerons ensuite mono du point de vue de son comportement syntaxique au niveau du syntagme puis de la phrase (1.5). Le croisement de cette approche syntaxique avec les lments smantiques nous permettra daffiner notre description du fonctionnement du substantif mono.

    1.2 Catgorisation de mono en tant que nom substantif

    La classe des meishi 1.2.1

    En prambule ce travail, travers lexemple de mono, nous allons rappeler ici quelques caractristiques de la classe des meishi (noms) en japonais.

    La multiplicit des appellations quon a pu donner mono en franais suivant ses fonctions ( nom plein , nom vide , mot-outil , nom formel , nominalisateur , etc.) tmoigne de la difficult lapprhender. Celle-ci provient en partie de la double dimension de la notion mme de nom que nous rappelle Kleiber (1984 : 81) :

  • CHAPITRE1

    40

    [Le nom] a un sens logique et philosophique de signe qui dnomme les choses de la ralit (en anglais name) et une valeur grammaticale, celle de substantif (en anglais noun).

    Le premier sens renvoie la notion de dnomination et de rfrent du signe linguistique alors que le deuxime renvoie la proprit exclusive des noms substantifs de fonctionner comme sujet ou complment lintrieur de la proposition. Sagissant du mot nominal japonais, Masuoka et Takubo (2008 : 33) prcisent quil a la proprit dindiquer le thme de la phrase lorsquil est suivi dune particule thmatique, un complment lorsquil est suivi dune particule casuelle ou le prdicat avec la copule. 1 Comme le rappelle Nakamura-Delloye (2007 : 289), on peut complter cette dfinition en disant que le caractre substantif du nom japonais se traduit galement par sa capacit rgir dautres lments et sa capacit tre rgi .

    Si, pour la majorit des mots du lexique japonais, proprits rfrentielles et syntaxiques vont de pair sans quil soit ncessaire de sy arrter, mono, comme certaines units lexicales japonaises, prsente la particularit de pouvoir tre employ pour sa seule fonction grammaticale ; il est alors qualifi de keishiki meishi (nom formel). Pour distinguer cet emploi grammatical de lemploi de substantif plein , on parle parfois de jisshitsu meishi (nom substantif) pour nommer ce dernier.

    Il faut galement rappeler que, malgr sa proximit avec celle des noms franais, la classe grammaticale japonaise des meishi inclut des lments dont la traduction franaise est un terme appartenant dautres parties du discours (les pronoms personnels ou les prpositions de lieu par exemple2). Malgr cette absence partielle de correspondance, nous traduirons le mot meishi par nom . Cette traduction est dailleurs fidle son tymologie puisque le mot meishi a t cr de toute pice au XIXe sicle sur le modle du mot nerlandais naam wordt.

    Distinction entre jisshitsu meishi et keishiki meishi 1.2.2

    Mono a donc un double statut et le premier problme qui se pose va tre la dfinition de critres objectifs permettant de distinguer ces deux emplois.

    Les premiers linguistes avoir rflchi la question des keishiki meishi sont Yamada Yoshio (1908) et Matsushita Daisabur (1924, rd. 1978). Ils ont soulign les champs smantiques trs larges des termes appartenant cette classe de mots qui autorisent des emplois varis. Sakuma Kanae (1936, 1940) a dvelopp ces recherches en dfinissant le concept de kychaku-go (littralement : mot absorbeur ). Nous reviendrons ultrieurement plus en dtails sur les spcificits des keishiki meishi. ce stade, pour identifier le statut de mono, nous allons nous en tenir quelques critres gnraux qui apparaissent dans les dfinitions ci-dessous :

    1

    2 watashi (je), ue (sur) appartiennent par exemple la classe des noms en japonais.

  • LENOMSUBSTANTIFMONO

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    (1) Dfinition du nom formel du Gendai gengogaku jiten (Dictionnaire de linguistique contemporaine, 1988 : 336)

    .

    .

    .

    Les noms formels appartiennent la classe des mots nominaux mais sont employs sans exprimer de concept substantiel. Ils se distinguent des noms substantifs qui expriment un concept substantiel. Ils ne peuvent tre employs seuls et doivent tre prcds dun syntagme nominal quelconque qui dlimite ou complte leur sens.

    (2) Dfinition de Masuoka et Takubo (2008 : 36)

    On appelle noms formels , les noms qui, tout en possdant la nature de mot nominal, sont smantiquement affaiblis et ne peuvent tre utiliss sans dtermination. Leur fonction syntaxique prime sur leur fonction rfrentielle pour dsigner des concepts ou des choses ; ils servent former des complments, des mots valeur adverbiale ou des syntagmes adverbiaux. Avec la copule, ils forment des auxiliaires.

    Ces deux dfinitions mettent laccent sur la fonction syntaxique plutt que dsignative du nom formel (mot vide en (1), mot affaibli en (2)) et la prsence systmatique dun syntagme dterminant antpos. Syntaxiquement, le nom substantif se distingue donc du nom formel par sa possibilit demploi nu qui attesterait de la dimension rfrentielle quil possde alors par lui-mme 3 . Cest ce contenu smantique, plus ou moins concret mais toujours identifiable, qui rend possible son emploi autonome. Nous retiendrons ce critre comme un premier lment objectif de discrimination entre mono nom substantif mono nom formel4.

    3 Cela nexclut bien entendu pas quil puisse tre prcd dun lment dterminant dans certaines circonstances. 4 Nous souhaitons insister sur le caractre provisoire et encore grossier de ce critre quil conviendra daffiner. Sil permet doprer un premier tri, nous verrons que certains emplois nus peuvent tout de mme avoir une dimension essentiellement fonctionnelle.

  • CHAPITRE1

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    Pre