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C aravelle La Technique : Les centres relais vidéo-téléphoniques Technique : Les centres relais vidéo-téléphoniques La revue de l’ARDDS | Association pour la réadaptation et la défense des devenus-sourds Dossier La surdité a-t-elle des aspects positifs? Vie associative : La journée nationale de l’audition en province Vie associative : La journée nationale de l’audition en province n° 187 | Juin 2009 | 8 euros

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CaravelleLa

Technique :

Les centres relais

vidéo-téléphoniques

Technique :

Les centres relais

vidéo-téléphoniques

La revue de l’ARDDS | Association pour la réadaptation et la défense des devenus-sourds

Dossier

La surdité a-t-elle

des aspects positifs?

Vie associative :

La journée nationale

de l’audition en province

Vie associative :

La journée nationale

de l’audition en province

n° 187 | Juin 2009 | 8 euros

Courrier des lecteurs

Juin 20092 | La Caravelle | 187

À propos du témoignage « Cela arrive même aux psychologues »J’ai lu attentivement cet articleparu dans le n° de mars de LaCaravelle. Les opinions deslecteurs sont sollicitées, voici lamienne.

Sous l’angle relationnel patients-soignants, cette histoire est eneffet regrettable. La secrétaire etla technicienne du service enquestion, qui sont par définitionhabituées à notre handicap, ontmanqué à leur devoir d’informa-tion, et même d’amabilité, dès lapremière consultation.

En revanche, si on se place sousl’angle médical et technique, jepense par expérience qu’il ne fautpas s’attendre à des miracles aprèsde nouveaux audiogrammes et unsecond réglage des appareils.L’éminent ORL a fait preuve debeaucoup d’attention mais a biensignifié qu’il y avait peu dechangement, les prothésistes deleur côté, sont en général trèscompétents pour les réglages.J’espère que, entre-temps, cettepersonne a pu améliorer l’utilisa-tion de son appareillage et queson appel à de meilleuresrelations humaines sera entendudans le milieu hospitalier.

❏ Claudie Pinson

À propos des couleurs du n° 186J’ai bien failli ne pas voir l’avis dedécès de Gisèle Peuron, impriméen blanc sur fond vert, de mêmeque j’ai eu beaucoup de peine àtrouver et à déchiffrer l’adresseinternet de l’ARDDS et à lirel’article (imprimé vert clair surrose) de Brice Meyer-Heine à lapage 19.

Vous avez le souci d’améliorer laprésentation, notamment parl’emploi de la couleur.

Mais n’oubliez pas que lesdevenus sourds peuvent aussiavoir quelques problèmes delecture (du fait de l’âge notam-ment) et qu’il vaut mieux avoir uncertain contraste.

❏ Claude

À propos du groupe de parole :problème de communicationdans le coupleTrès juste ces commentaires depsychologue au sujet des couplessourd - entendant, souvent formésavant que la malentendancesurvienne chez l’un des partenairesmais il ne faut pas oublier les couplesde malentendants qui sont bien plusnombreux qu’on pourrait le penser.Et alors? Direz vous. Hé bien, il fautde la patience aux deux, surtout pourles devenus sourds qui ne possèdentpas le signe et les jours de fatigue, detristesse où le dialogue passe moinsbien, il faut refouler son agacement.C’est chacun son tour et il fautcomprendre aussi que l’autre, toutmalentendant qu’il est, surtoutquand il est jeune, a besoin de sedéfouler en laissant libre cours audébit de sa parole avec un interlocu-teur entendant et amical.Et pendant les réunions de famille, ilfaut apprendre à s’ennuyer à deux engardant une apparence joyeuse pourne pas jeter un froid. Heureusement,dans les familles, il y a souvent desanimaux pour faire diversion!!!

❏ Annie Rivoal

Brè

ves

À chacun sa Caravelle

Madame, Monsieur,

Vous souhaitez transmettre une suggestion à la suite de la diffusion dudocumentaire « Sourds et malentendus » diffusé le 3 mars.Je vous remercie d’avoir pris le temps d’écrire à France 5. Je transmetsvotre suggestion à la rédaction de cette émission pour qu’elle enprenne connaissance.

Je reste à votre disposition pour toute autre demande concernant lesprogrammes de France 5 et vous souhaite d’agréables moments encompagnie des programmes de la chaîne.

Bien cordialement,

Isabelle Pivier,Responsable des Relations Téléspectateurs

À propos de notre courrier à France 5

Aujourd’hui, 19 avril, la lecture d’un fait divers me glace d’effroi : « un promeneursourd a été écrasé par un autorail circulant à faible allure en Haute-Loire ». Il s’agis-sait d’un homme de 64 ans qui marchait sur une voie ferrée touristique quand il aété mortellement heurté par un train circulant à faible vitesse. C’était le voyageinaugural de la saison et à cause de sa surdité, le sexagénaire n’a pas entendu l’auto-rail arriver ni les coups de klaxon du conducteur. La majorité des déficients auditifs enFrance ne porte pas d’appareil auditif, ce que l’on ne peut que déplorer vivement. Onne connaît pas les détails de l’affaire de l’autorail, mais qui sait si cet homme sourdavait été appareillé et si ses appareils avaient été branchés au cours de sa prome-nade, peut-être aurait-il pu alors entendre le train arriver ou les coups de klaxon? Onpourrait alors arguer que, non seulement les appareils auditifs (ACA, Implantscochléaires) contribuent à nous aider à conserver une vie sociale, familiale, amicale,mais ils pourraient même nous sauver la vie parfois? Pourquoi pas?La vulnérabilité des personnes sourdes et malentendantes dans certaines situationsest préoccupante. Une de mes amies devenue sourde me racontait qu’une nuit unincendie s’était déclaré dans son immeuble. Heureusement que les pompiers ontfinalement réussi à maîtriser le feu car elle s’est rendue compte qu’elle avait été laseule à continuer à dormir paisiblement alors que tous ses voisins avaient étéévacués en catastrophe et que ça avait été la panique dans l’immeuble toute lanuit. Savez - vous qu’un texte, la loi Boutin de février 2009, vient justement derendre obligatoire l’installation d’au moins un « détecteur avertisseur autonome defumée » dans toute habitation? Les propriétaires ou locataires ont ainsi l’obligationd’équiper leur logement au cours des cinq ans qui viennent. Le coût moyen d’undétecteur de fumée de bonne qualité est de 110 €. Les appareils spécifiquementadaptés aux personnes sourdes et malentendantes (avec flash lumineux) existentet coûtent environ 210 €. La MDPH75 vient d’annoncer qu’elle accepte de prendreen charge 75% de ce surcoût, au titre de la Prestation de Compensation duHandicap (PCH). Bravo pour cette initiative de la MDPH75 qui reflète parfaitementla « philosophie » de la PCH, à savoir : Suppléer aux besoins induits par le handi-cap. Ne pas pouvoir procéder aux appels d’urgences (Police, Pompiers, SAMU) estaussi une angoisse récurrente chez beaucoup de malentendants. Quelquessolutions sont tentées, comme par exemple la procédure mise en place par lasection ARDDS 46 (Lot) en collaboration avec les pompiers de sa région (voir LaCaravelle n°184). Très prometteuse également est l’expérience menée actuelle-ment par l’EPF (L’École d’ingénieurs de Sceaux). Ils sont en train d’essayer demettre au point un système visant à permettre aux personnes handicapées del’ouïe et/ou de la parole de prévenir les secours par SMS. Mais le projet n’en estqu’à ses balbutiements et n’est que dans sa phase d’expérimentation, on ne saitpas s’il aboutira (toutes les infos sur http://sas.epf.fr/siteweb/accueil.do).La Loi handicap du 11 février 2005, stipule la possibilité pour les personnessourdes et malentendantes de pouvoir alerter les secours. On attend toujours…Mais j’apprends que le décret serait enfin paru. Il prévoirait la mise en place d’uncentre national de relais accessible depuis un numéro d’appel unique et gratuitqui transférerait nos appels vers les numéros d’urgence. Espérons que cela vaeffectivement être prochainement mis en place. En matière de Centre relais,beaucoup de promesses nous ont été faites par les pouvoirs publics mais jusqu’àprésent, rien n’a été mis en place. Il reste encore de nombreuses lacunes àcombler dans ce secteur où les attentes sont fortes.

❏ Aline DucassePrésidente de L’ARDDS

Éditorial

La Caravelleest une publication trimestrielle de l’ARDDS1-3, rue Frédérick Lemaître – 75020 Paris

Tél. : 01 46 42 50 32Ce numéro a été tiré à 1200 exemplaires

Directeur de la publication :Aline Ducasse

Rédacteur en chef :Brice Meyer-Heine

Ont collaboré à ce numéro :François Berr, Bernard,

Lumiora Billière-George, Anne-Marie Choupin, René Cottin, Aline Ducasse, Richard Darbéra,

Philippe Delhumeau, Philippe Kringer,Jeanne-Françoise Marmion, Denise Perrez,

Sarah Persson, Joseph Vanzella

Couverture :Peinture de Karl Stieler datée de 1820

Mise en page – Impression :Ouaf! Ouaf! Le marchand de couleurs

16, passage de l’Industrie 92130 Issy-les-MlxTél. : 0140 930 302

www.lmdc.netCommission paritaire : 0611 G 84996

ISSN : 1154-3655Crédits dessins et photos :

René Cottin, Anne-Marie Choupin, Nicole Hameau, Joseph Vanzella

Amis lecteurs,

Sommairen°187 • Juin 2009Courrier des lecteurs 2Vie AssociativeCongrès du Bucodes 4Ce n’est pas tombé que dans l’oreille d’un sourd ! 6Une belle journée nationale de l’audition 7La vie en Dauphiné 8DossierLa surdité a-t-elle des aspects positifs ? 9TémoignageLes aspects positifs de la surdité 14titre à venir 15TechniqueLes centres relaisvidéo-téléphoniques 16CultureLa nuit de l’iguanede John Huston 17Notes de lecture 18BrèveTélévision : la qualité du sous-titrage se dégrade 19

Juin 2009 187 | La Caravelle | 3

Vie Associative

4 | La Caravelle | 187 Juin 2009

Congrès du BucodesLe congrès du Bucodes à Evry le 17 avril n’a malheureusement pas attiré les foules.

Dans la grande salle de l’auditorium de l’Agora, seulement une petite quarantaine de

personnes étaient rassemblées pour suivre les exposés intéressants relatés ci-dessous

par Lumioara Billière-George qui nous fait partager ses découvertes.

J’ai connu l’ARDDS il y a moinsd’un an via ses cours de lecturelabiale. De plus en plus intéresséepar tout ce qui nous concerne,sourds ou malentendants, appa-reillés ou implantés, j’ai assisté auCongrès du Bucodes organisé par l’Action Auditive Essonne, levendredi 17 avril 2009, au théâtrede l’Agora à Evry. Le colloque étaitaccessible tout au long de lajournée : boucle magnétique,transcription écrite en vélotypie,traduction en LSF. Passionnant.Voici pêle-mêle un bref et subjec-tif compte-rendu de quelques-unsdes thèmes abordés.

L’accessibilitéLe problème de l’accessibilité -thème du congrès de l’UNISDA dejanvier dernier et dont RenéCottin nous a fait un compterendu dans le dernier numéro deLa Caravelle - a été au centre dece congrès.• Importance de la déontologie

professionnelle de tous ceux quiinterviennent pour faciliter lacommunication avec les défi-cients auditifs.

• La loi du 11 février 2005, stipulel’accessibilité dans sa globalité :bâtiments, transports, modes decommunication, vie culturelle. À l’intérieur des bâtiments, parexemple, 25% des matériauxdoivent être absorbants.

• Jérémie Boroy de l’UNISDA nous aparlé de l’obligation du sous-titrage. Selon la loi du 11 février2005 100% des programmes desprincipales chaînes publiques TV,40% de ceux de la TNT et 20% deceux des autres chaînes doiventêtre sous-titrés en 2010. Laqualité du sous-titrage est essen-tielle : il doit être confortable, enfrançais irréprochable, correctpour ceux qui ont des problèmesde vision, etc.

L’ADSL, le tout numérique ontmené à une diminution del’accessibilité, le signal n’ayantpas été repris par les diffuseurs.Le problème du financementn’est pas résolu. Sous-titrer lapub? La loi n’oblige pas, maiscertains pensent que cela aussiirait dans le sens d’une plusgrande accessibilité. Quelleaccessibilité en LS ? Voir le 19-20de FR3.

• L’activation des sous-titres dansl’équipement des hôtels etautres lieux publics, l’accessibi-lité téléphonique via les centresrelais sont prévus. Un comité depilotage prépare le cahier descharges afin qu’un appel d’offrespuisse être lancé avant l’été.

• Le gouvernement s’est engagé àpromouvoir l’accessibilité dutéléphone, qui constitue unimportant élément d’intégrationdans la cité et d’insertion versl’emploi. Le décret du 16 avril2008 prévoit la mise en placed’un centre national de relaisaccessible depuis un numérod’appel unique et gratuit quitransférerait nos appels vers lesnuméros d’urgence.

Des centres relaistéléphoniquesIls commencent à être mis enplace en France. Il s’agit d’uneaccessibilité totale et non d’unaccompagnement. Le sourdappelle un interprète à unnuméro relais en LSF, LPC ou écrit,pour lui demander par exemplede téléphoner à la SNCF pour uneréservation.L’interprète appelle la SNCF ettransfère instantanément laréponse au demandeur quirépond… jusqu’à ce que latransaction soit faite. Une liaisonADSL vers le relais est indispen-sable.

Websourd, fondé il y a 8 ans parun réseau associatif de sourds etqui fonctionne en bilingue - françaiset LSF- www.websourd.com -teste le système auprès de 200personnes. La vélotypie est pourl’instant peu utilisée car trop peude personnes la pratiquent et ellerevient très cher 200 à 300 eurosde l’heure. Elle demande en effetune haute qualification : retrans-crire le discours avec un décalagemaximum de 3 secondes et avoirun rythme de 50 mots à laminute.3 000 appels sont actuellementtraités par mois. Pas de moyenspour en faire plus.

L’UNISDA demande :• l’accessibilité en temps réel de

toutes les communications,qu’elles soient nécessaires ou deconfort ;

• un accès gratuit et permanent 7jours sur 7, 24 heures sur 24 ;

• une utilisation adaptée auxdifférents publics : transcriptionécrite, interprétation en LSF,codage en LPC ;

• une utilisation simple à installeret à manipuler via internet, fax,webcam, mobile ;

• le respect de règles déontolo-giques encore insuffisammentdéfinies, la qualification destéléopérateurs.

De nombreuses améliorationsrestent à faire. Par exemple :• remplacer les boucles magné-

tiques vétustes aux guichets ;• équiper les bornes d’alarme

pour discuter avec le chef destation RATP en BM;

• remplacer ou compléter lasignalétique sonore par unesignalétique visuelle ;

• Installer des bandeaux défilantpour nous rendre accessibles les annonces de perturbation

187 | La Caravelle | 5Juin 2009

Vie Associative

dans le métro ou le RER qui nous sont le plus souvent incom-préhensibles ;

• mettre à la hauteur du champvisuel des signaux lumineuxpour signaler la fermeture desportes des wagons car actuelle-ment nous n’entendons pastoujours la sonnette de ferme-ture et risquons de restercoincés.

Les prothèsesÉric Bizaguet, Président duCollège national d’audioprothèse,nous parle des aspects techniqueset « politiques » des appareils decorrection auditive, qu’il s’agissede contours ou d’implants pourmalentendants, d’appareillagesd’entendants souffrant de neuro-pathies auditives. La précocité del’appareillage est importante :quand le cerveau ne fonctionnepas auditivement pendant uncertain temps, il est difficile de lefaire repartir.La fonction cognitive de décodageen dépend de façon directe (cf.expériences du GRAP - Groupe derecherche Alzheimer presbyacou-sie). Quand on porte les PArégulièrement, le résultat de leurutilisation est meilleur. De mêmesi on stimule les deux oreilles. Lescanner montre qu’on active diffé-rentes zones du cerveau selon cequ’on dit ou ressent. Dans le casd’une prise en charge tardive, lazone stimulée est déjà occupée, lecerveau s’étant réorganisé enfonction de la perte.Le progrès passe par la formationdes audioprothésistes ; des pro-fessionnels compétents devraientsuivre le circuit licence, master,doctorat.

Le syndicat des audioprothésistestend vers une normalisation de laprofession. Aujourd’hui n’importequi peut s’installer comme audio-prothésiste, la sécurité socialen’exerçant aucun contrôle. Ilconviendrait d’adopter une normeminimale - la plus haute possible -de leurs prestations : adaptation,explications, suivi, servicetechnique avec suivi par unorganisme extérieur et l’obligationd’une formation continue.

La privation sensorielle est dra-matique, qu’elle soit visuelle ouauditive. Les conséquences tellela dépression sont graves.

Il ne faut jamais oublier quel’oreille est le sens qui est le plusvecteur de bonheur. Inversementsi un malentendant n’est pasappareillé, les contacts et lacommunication avec les autresvont se faire plus rares.

Il peut en résulter un terrainfavorable au développement detroubles cognitifs car le cerveaun’est plus stimulé.

Alzheimer et presbyacousieLe Dr Laurent Vergnon, ancienchef de service ORL et fondateurdu GRAP en 2005 et qui travailleessentiellement sur la prévention,aborde cette question.

L’étude Acoudem, évaluant laprévalence des troubles cognitifschez les personnes âgées montreque les personnes malenten-dantes ont un risque de démencemultiplié par près de 2,5 parrapport à celles qui entendentcorrectement. La presbyacousiepourrait donc précipiter unemaladie d’Alzheimer.

Le CNRS va collaborer à une étudecas-témoin sur 150 patients ettémoins de plus de 75 ans. Ceseront des personnes sanstroubles cognitifs ni démence,présentant des troubles auditifs,certaines avec, d’autres sansaudioprothèses, qui seront suiviespour comparer l’évolution.• Une autre étude initiée par le

GRAP chez des patients victimesà la fois de la maladied’Alzheimer et d’une presbya-cousie (au moins 20 à 25 db deperte auditive) est en cours.Pendant 2 ans,150 patients sontrépartis dans trois groupes : l’un avec une prothèse auditivenon fonctionnelle, le deuxièmeavec une prothèse fonctionnelleuniquement et le dernier avecune prothèse et une rééducationorthophonique. Les prothèses sont fournies parSiemens.

• Plus de 5 millions de Françaisauraient besoin d’une aideauditive mais seulement750 000 personnes en sontéquipées.

Le Dr Laurent Vergnon parleégalement de la grande plasticitédu cerveau. Les émotionsmodifient les perceptions. Lamémoire peut réactiver desacouphènes. Si on branche le nerfauditif sur le nerf visuel, onstimule la zone visuelle ducerveau et arrive à voir les sons. Sion branche le nerf visuel sur lenerf auditif, on obtient desimages sonores.

Claudie Gilles - venue avec 3autres membres de Surdi34 -nous parle des problèmes d’acces-sibilité des établissementsd’hébergement des personnesâgées : grandes difficultés poursensibiliser le personnel soignantaux besoins des malentendantsarrivant dans une maison deretraite : bilan, lecture labiale,aide pour mettre les prothèses etchanger les piles, etc. Desquestionnaires envoyés auxsoignants comme aux hébergésn’ont pas eu beaucoup de succès.Des brochures de sensibilisationont été adressées aux soignantscomme aux décideurs.

La détresse psychologique dessourds et devenus sourds est peuet mal prise en compte. Ungroupe de travail a été mis enplace par UNISDA et l’ANPEDA.Une enquête auprès des profes-sionnels et du public seradépouillée avant la fin de l’année.

Il est important de faire connaîtrenos besoins en faisant remonternos remarques et suggestionsaussi bien vers les associationsque vers les décideurs. En lesenvoyant dans plusieurs direc-tions nous multiplions les chancesqu’elles soient prises en compte.Au cours des dernières électionseuropéennes, nous aurions pudemander au CSA l’accessibilitétotale de la campagne.

❏ Lumioara Billière-George

Juin 20096 | La Caravelle | 187

Vie Associative

Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !Le tout nouveau bureau de la section ARDDS Moselle (57) a bien travaillé le premier

trimestre 2009. À l’occasion de la Journée Nationale de l’Audition, notre section a

participé à deux journées de sensibilisation : l’une s’est déroulée le 12 mars en mairie

de St-Avold et l’autre en différé le 20 mars à Yutz.

La JNA de St-Avold avait attiré ungrand public, mais aussi desécoliers de plusieurs classes deCM1. Nous avions fait deux 2ateliers le matin et un autrel’après-midi. Une multitude dequestions de la part des adultes,mais surtout des enfants.Joseph Vanzella a mis les jeunesen garde contre les risques qu’ilsencourent déjà à leur âge avecl’utilisation intempestive desappareils réglés beaucoup tropforts (MP 3-4, télévision,téléphone portable, etc.). Sur uneclasse de 20 élèves, 18 possèdentdéjà un téléphone portable. Il a faitrire ce jeune public en leur disantavoir fait l’acquisition de sonpremier portable à l’âge de 62 ans.On notait la présence à cettejournée d’un audioprothésiste etd’un médecin du travail qui ontfait passer des tests auditifs auxvisiteurs. Quelques cas mineursont été décelés chez les élèves etil est regrettable qu’au dire deleurs professeurs, ceux-ci passentune seule visite médicale àl’entrée à l’école primaire. Cela estconsternant !

Le président Guy Dodeller aprofité de cette rencontre pourfaire connaître notre sectionARDDS dans le secteur de St-Avold.Il a fait part à la presse de toutesles actions menées sur le départe-ment pour venir en aide auxmalentendants, de par notreparticipation aux commissionsaccessibilité départementales etcommunales.

Nous serons de ce fait invitésprochainement à la mise en placede la commission accessibilité deSt-Avold (6ème participation sur ledépartement et nous ne nousarrêterons pas en si bon chemin)

Nous avons bien entendu distri-bué beaucoup de documentation.Pour clore cette manifestation, les élèves ayant correctementrépondu à un questionnaire, ontété primés par la municipalité.

La deuxième journée du 20 marsà Yutz fut, elle aussi, une réussite.Elle s’est déroulée toute lajournée de 9h à 19h et a réunibeaucoup de monde.

Étaient présents une audioprothé-siste, un technicien prothésiste,deux orthophonistes, Préviades(mutuelle) ainsi que le bureau localde la MACIF que nous avions conviéà cette journée et qui nous a faitune démonstration de sa BIM.Guy Dodeller et Joseph Vanzellaont été soutenus par quatreadhérents de la section.L’après-midi a eu lieu une confé-rence animée par Mme TOSIadjointe au maire. Lors de sonintervention, l’ARDDS 57, qui aoccupé une bonne partie dutemps de parole, a non seulementexpliqué les méfaits liés à l’expo-sition aux bruits excessifs, mais aégalement conseillé les anciens às’appareiller le plus tôt possible, àsortir de leur isolement en partici-pant activement à des rencontreset à se battre afin que la loi defévrier 2005 ne soit plus uneutopie.

L’ARDDS 57 peut se féliciter dusuccès de ces deux journées qui apermis aux malentendants d’êtremieux reconnus.

Les responsables des deux villesnous ont déjà donné rendez-vouspour 2010.

❏ Joseph VanzellaVice-président ARDDS57

Juin 2009

Vie Associative

187 | La Caravelle | 7

Nous disposions d’un stand et nosplaquettes de présentation furentvite épuisées. Je pris la parole aprèsun médecin ORL et un audioprothé-siste. Le thème était « l’image desappareils auditifs en France ». J’en aiprofité pour donner franchement lepoint de vue des usagers. Avecgraphiques à l’appui, j’ai montré ques’il existe des barrières psycholo-giques pour expliquer le faiblepourcentage de malentendantsappareillés, il y a surtout une autre

barrière, plus importante : le coûtastronomique des prothèses et leurfaible remboursement! Et d’expo-ser les écarts de prix excessifs pourun même appareil et la trop fortepart qui reste à la charge du patientaprès remboursement de lasécurité sociale et des mutuelles. Et d’insister sur la nécessité de fairerespecter le nouveau devis norma-lisé sur lequel le prix de la prothèsedoit figurer séparément de celuides prestations.

Les audioprothésistes présentsfaisaient la grimace, mais ils durentfaire contre mauvaise fortune boncœur et accepter cette analysecritique. D’après les applaudisse-ments, le public était manifestementde mon côté. En province, la JNA estune excellente occasion pour lesassociations de devenus sourds de sefaire connaître et de faire connaîtrenos principales revendications.

❏ René Cottin

Une belle journée nationalede l’auditionComme elle le fait chaque année, l’ARDDS Pyrénées a participé en mars dernier à la JNA

organisée à Pau. Cette fois nous avons bénéficié de l’appui logistique du groupe

Malakoff-Médéric et de divers organismes sociaux de la région. Grâce à cet appui, nous

avons fait salle comble, soit près de 300 personnes.

Il ne faut pas oublier que tous les« clubs » dans nos villes sont faitspour des entendants et que lesdevenus sourds que nous sommesne trouvent aucun espace deloisirs. Ceux qui participent auxmardis des Batignolles désirentd’abord en rencontrer d’autres ;viennent ensuite les échangesdes nouvelles ou de photos« souvenirs de vacances » appor-tées par les uns ou les autres, oucelles faites lors des sorties dusamedi.

Le plus important pour ceux quiviennent c’est de trouver un lieuoù parler, si on peut dire, car ilfaut comprendre que la communi-cation se fait le plus souvent parécrit. Pour le devenu sourd, parlerest chose difficile ; il est rare quel’on trouve avec qui échanger ce

que l’on pense, ce que l’on vit,tant le monde des devenus sourdsest différent du monde auquel onappartenait avant la perteauditive.Ce sont toutes ces raisons qui fontque pour moi il est très difficile deparler de ce lieu tant ce qu’on y vitest incommunicable : cela est faitde rencontres, de partage, detendresse, d’une grande attentionà l’autre. Je n’ai jamais aimé et jene sais pas raconter ce que je fais,tant c’est peu de chose parrapport à ce qui se vit.

Les mardis de Batignolles se sontrévélés porteurs d’espoir, derencontre et de vie.C’est un lieu ou certains ontretrouvé un peu de joie de vivre.

❏ Giselle Peuron

Les mardis de BatignollesDe nombreux adhérents de l’ARDDS participaient aux mardis de Batignolles, lieu

de rencontre créé et animé par Giselle Peuron qui nous a quittés le 14 janvier 2009.

Nous publions un court extrait d’un texte qu’elle avait rédigé pour présenter

« Les mardis de Batignolles ».

Juin 20098 | La Caravelle | 187

Vie Associative

Des nouvelles du DauphinéEn 2009, ARDDS 38 est de sortie pour se distraire ou pour contribuer à la recherche

sur l’accessibilité.

Sorties culturelles

ARDDS 38 a fait deux sorties engroupe, pour profiter de l’accessi-bilité qui progresse dans l’agglo-mération de Grenoble.En février, un petit groupe a visitél’exposition installée à laCasemate : « La populationmondiale et moi » Le guide,sensibilisé à notre handicap, a pratiqué un commentaire« lecture labiale » très apprécié !Nous avons aimé la facilité d’accèsdes bornes informatives soustitrées et tous les documentsexposés.Nous avons pu constater en tempsréel l’augmentation de la popula-tion mondiale, suivre les mouve-ments des migrations, l’effet del’éducation des mères sur lamortalité infantile et tant d’autresthèmes intéressants !La boucle magnétique installéedans la salle vidéo nous a permisde suivre le film qui complétaitcette visite très agréable.En mars, c’était un rendez-vousthéâtre, à Seyssins : La petite sallede spectacle était pour l’occasion,équipée de la BM portative de la ville.

La Compagnie 23 heures 24présentait une pièce littéraire :« Lettres croisées » de Jean-PaulAlègre.De la tendresse, du rire… Lesacteurs étaient très présents,passant d’un personnage àl’autre, dynamiques à souhait.Ils ont su nous communiquerl’émotion des lettres choisies.Même si la BM n’est pastoujours très efficace pour lethéâtre, la vingtaine de parti-cipants a passé un très bonaprès-midi !

❏ Rose-Marie Gerin

Une journée chez nos voisins du Rhône

En avril, cinq adhérentes ontquitté les berges de l’Isère pourrejoindre la banlieue lyonnaise.Invitées par l’INRETS (Institut Natio-nal de Recherche sur les Transportset leur Sécurité) à participer à leurrecherche Surdyn, dont l’objectif estde rendre accessibles aux personnessourdes et malentendantes lesmessages d’urgence sonores diffuséssur les quais de gare.

Le test, individuel, dure uneheure : nous commençons par desexercices d’observation, pour nousmettre en situation et pourpermettre à la chercheuse denous connaître. Ensuite, on réagità la présentation sur l’ordinateurd’une série de panneaux :Différentes situations sont expo-sées : changement de quai dedernière minute, retard de train…

On donne son avis sur la compré-hension du message et on choisitentre les différentes solutionsproposées. Les panneaux sont trèsattractifs, à base de picto-grammes, le plus simple possible,pour que le message visuel soit leplus clair possible. La cible de cesmessages dépasse la populationdes sourds et malentendants.Sont aussi concernés les étran-gers, les personnes âgées oulentes.

Nous espérons que la SNCFintégrera ces propositions et qued’autres acteurs du transport s’eninspireront !

❏ Anne-Marie Choupin

Dossier

L’exemple de Goya et de Beethoven

Voyons toutd’abord ledomaine dela créationartistique.

Dans sonlivre La vieen sourdine 1,David Lodges’interrogesur la vie de deuxg r a n d sma î t re s ,d eve n u sprogressi-v e m e n tsourds :Goya etBeethoven.

David Lodge pense que s’ilsn’avaient pas souffert dedéficience auditive, leurs œuvresn’auraient pas atteint le mêmedegré de splendeur. Il est vraiqu’avant de perdre l’ouïe, Goyaétait considéré comme un artistedoué mais sans grande origina-lité. Peintre officiel de la familleroyale, il ne faisait pas oublierVélasquez dont il s’inspirait.

C’est par la suite que son propregénie s’est exprimé, dans despeintures tragiques décrivant lesatrocités de la guerre napoléo-nienne et dans des tableauxvisionnaires souvent cauchemar-desques.

C’est vrai aussi pour Beethovenqui, avant de devenir sourd, étaitsurtout connu comme pianistevirtuose et chef d’orchestre. Ilfaisait certes preuve d’originalité,mais sans vraiment surpasser sonmaître Haydn.N’entendant plus, il dut interrompresa carrière publique. Il s’isola et seconsacra uniquement à la composi-tion, créant ainsi la musique pathé-tique et sublime que nous luiconnaissons. Sa neuvième sympho-nie est devenue l’hymne européen.On ne peut pas réécrire l’histoire.Savoir ce que serait devenuel’œuvre de ces deux grands maîtressans leur surdité est évidemmentimpossible. On peut toutefois affir-mer que la perte d’un sens aussiimportant que l’ouïe, et surtout l’iso-lement social qui en a résulté, onteu une influence prépondérante surleur psychisme et sur leur créationartistique, en rendant celle-ci plusdramatique et plus profondémenthumaine.Et pour les devenus sourds audestin ordinaire, qui n’ont ni legénie de Goya ni celui deBeethoven, la surdité peut-elleavoir des aspects positifs ?Il y a un premier cas qui sembleévident. C’est celui de personnesinitialement imbues de leursupériorité, prétentieuses, ambi-tieuses et toujours prêtes à piéti-ner les autres pour se faire uneplace au soleil. Chez elles, l’arri-vée inattendue d’un handicap,peut apporter l’humilité qui leurmanque et leur donner plus deconsidération pour autrui.

Je cite l’Abbé Pierre qui, dans undialogue avec l’humaniste AlbertJacquard, raconte l’histoire de sarencontre avec « un prêtre brillant,bardé de toutes sortes de docto-rats et bel homme par dessus lemarché » à qui il déclara : « en tevoyant comme tu es, je crois que jene pourrai pas m’empêcher dedemander au Bon Dieu que, pourquelques années, il t’envoiequelque chose qui te casse. Tu estellement satisfait de toi parce quetout t’a réussi, que c’est triste. Tuloupes une dimension et peut-êtreque seul du malheur pourraitt’ouvrir les yeux » 2.

Un autre cas est celui que nousrencontrons souvent dans nosassociations. Il s’agit de respon-sables bénévoles qui se dévouentsans compter pour aider et défendreleurs compagnons d’infortune.

La surdité a-t -elledes aspects positifs ?Devenir sourd est une épreuve affligeante, parfois dramatique. Nous sommes bien

placés pour le savoir : difficultés dans la vie quotidienne, risques de rupture dans la

vie familiale, menaces sur l’activité professionnelle, situation de dépendance, repli sur

soi-même, isolement social… La liste est longue. Peut-on néanmoins affirmer que la

surdité ne présente que des aspects négatifs? Nous publions le texte proposé par René

Cottin ainsi que les réactions qu’il a suscitées auprès d’un panel de lecteurs.

Et vous, qu’en pensez vous? Nous espérons donner une suite à ce dossier.

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Dossier

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S’ils n’étaient pas devenus handi-capés, la plupart de ces respon-sables auraient probablementcontinué à mener une vietranquille sans trop se soucier deceux que la maladie et lesaccidents font souffrir. En militantdans des associations, ils trouventune meilleure façon de se réali-ser, et découvrent une nouvelleconvivialité et même peut-êtreune nouvelle fraternité.

On peut évidemment réfuter cesappréciations en affirmant que lasurdité ne change rien au carac-tère d’un homme initialementinfatué, sinon en le rendantencore plus désagréable, ou quele sens de l’altruisme et dudévouement existaient déjà chezles responsables associatifs avantqu’ils ne deviennent sourds.Le débat reste ouvert. Il seraitintéressant d’obtenir des témoi-gnages de nos lecteurs tirés deleur propre expérience.Êtes-vous vraiment sûr que lasurdité ne vous a apporté que desmisères ?

❏ René Cottin

La surdité est source de conflits

« La surdité a-t-elle des aspectspositifs? » La lecture de ce textefait réfléchir. Devenir malenten-dant est ressenti et perçu négative-ment (comme il est dit au début dutexte). De plus d’après moi, lasurdité est source de conflits.

Néanmoins, certains quiproquosm’ont permis de sourire, de rire. Ilarrive également que certainspropos peuvent être blessants etdans ces cas-là, nous remercionsla surdité ! Ces moments sontrares, hélas !

❏ Delphine Verrièle

En quoi, ma surdité a changéma vie ?

Depuis ma plus tendre enfance,j’ai eu des problèmes avec mesoreilles, car otites et anginesfaisaient partie de ma vie.J’ai su très tôt que je devais êtreattentive, si je voulais biencomprendre. Petite fille bavarde,j’ai intégré cette contrainte toutnaturellement. Mais cela a aussidéveloppé mon autonomie et macapacité d’observation.

Mon premier audiogramme, à 15ans, a révélé une perte de 30 dBde chaque coté, sans que je consi-dère cela comme un handicap.À 26 ans, brutalement ma surditéest devenue importante, cophoseà droite et perte de 70 dB àgauche. J’ai été appareilléerapidement. Depuis cette date, lesoutien de mon mari a été sansfaille.

Mère de deux jeunes enfants, il afallu assumer ! La vie profession-nelle est passée après.Ma priorité a été que mes enfantsne soient pas victimes de monhandicap, dont j’ai pris conscienceà ce moment là.Je n’ai pas nié ma surdité, car ilétait nécessaire de l’expliquer àmes enfants !

Cependant, j’ai changé monapproche des autres, en obser-vant les gens, essayant d’anticiperleur réaction ! J’ai appris à ne pasinsister si l’autre ne comprenaitpas le problème !Mes enfants m’ont aidée à garderle contact avec les gens, au parcde jeux, à l’école, dans lesloisirs… J’ai aussi appris avec eux,à observer, à détecter le non dit…Ma vie de famille, proche de lanature, m’a permis de garder monéquilibre et d’accepter mon handi-cap.J’étais très bavarde, j’avais un avissur tout, toujours volontaire pourpartir à l’aventure, omnipré-sente… Ma surdité m’a appris àme taire, à être à l’écoute desautres ! Est-ce un paradoxe?J’ai gardé mon tempérament actif,tout en étant plus attentive auxproblèmes des autres. Mon engage-ment associatif m’a permis demontrer (prouver) que je pouvaiscontinuer d’être présente et utile!Je suis consciente que les activitésbénévoles m’ont aidé moi-mêmeà surmonter les difficultés liées àmon handicap.Je crois que ma surdité m’arendue « meilleure »…Ma philosophie se traduit par leproverbe : aide-toi, le ciel t’aidera!

❏ Anne-Marie Choupin

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Dossier

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La découverte d’une nouvellelangueBien sûr la surdité a plus d’aspectsnégatifs que positifs, cependantpour les sourds l’apprentissage dela langue des signes est unerévélation, la découverte d’unelangue très riche qui leur permetde communiquer entre eux dansle mystère et la discrétion vis-à-vis des entendants que bienentendu ils n’auraient sûrementpas appris autrement.

Pour tous en général, sourds etmalentendants, je pense quedans certaines situations on peutapprécier d’être au calme surtoutla nuit (environnement bruyant.)et ce calme est peut-être sourced’inspiration pour la création, l’art,l’écriture etc…

Un malendendant va développerson sens de l’observation.Surmonter son handicap, changerd’orientation, comprendre lesautres ont probablement desaspects positifs pour certains.

❏ Anne Challan-Belval

Oui la surdité a des aspectspositifs

Je crois que la surdité m’a permisde réfléchir à ma situation etd’envisager l’avenir dans lecontexte du handicap, soit d’êtretoujours à la recherche desolutions qui m’ont permis degérer mon hygiène de vie grâce ausport, de faire constamment del’auto-formation, d’être plus rigou-reux que mes collègues par besoinde prouver que malgré le handicapje pouvais tenir mon poste.

Quand le travail dans le privé estdevenu impossible du fait des planssociaux, j’ai pu passer les concoursde la fonction publique bien que lalimite d’âge normale à l’époque soitdépassée (cette limite n’existe plus),et là, malgré les difficultés, le handi-cap m’a permis d’avoir des aména-gements de poste que je n’auraispas obtenus en étant entendant,compte tenu de mon âge, et je nepense pas qu’il m’aurait été possiblede m’adapter.Un point important c’est l’informa-tique, pour nous malentendants, c’estune nouvelle possibilité de communi-quer grâce à la messagerie, j’ai investi

beaucoup d’énergie à me former auxnouvelles technologies de communi-cation ce qui me permet désormaisd’avoir une réelle autonomie.

❏ Bernard

Non, la surdité n’a pas d’aspects positifs

Non à mon avis, le seul et uniqueavantage à être sourd est l’écono-mie potentielle de boules Quiès sil’on dort dans un hôtel au bord del’autoroute.

À part ça, je ne vois rien d’autre.Cette modeste économie estcependant largement anéantiepar les vrais grands frais auxquelsnous exposent régulièrement nosoreilles déficientes.Les 2 exemples mis en avant parDavid Lodge pour étayer sa thèse,sous couvert de René Cottin, Goyaet Beethoven, ne me convain-quent pas. Admettons que leur artse soit trouvé grandi par la venuede leur handicap. Peut être, soit,mais à quel prix ? Au prix de leurisolement social comme il le ditlui-même, c’est-à-dire au prix deleur sacrifice.

À mes yeux, ces deux géniestiennent plus du martyr que duhéros. La surdité a bien pour effet denous isoler, sur tous les plans.L’isolement social en particulier estincompatible avec l’accomplissementde soi tant que nous restons dans lecadre de la société. Un sourd quisouhaite se réaliser n’a d’autre choixque de s’extirper de cette société,aller s’installer sur un îlot désert aumilieu du Pacifique par exemple, afinde ne plus être soumis aux règlesintraitables de la communication quinous font exister dans la société.

Je crois que la seule chose positive que m’a apporté la surdité, c’est

la découverte de la langue des signes,langue géniale.

Aline

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René dit à propos des bénévoles denos associations : « S’ils n’étaientpas devenus handicapés, la plupartde ces responsables auraientprobablement continué à menerune vie tranquille » Les pauvres,comme ils auraient été à plaindre!Blague à part, l’apparition du handi-cap leur a donc permis de dévelop-per une qualité qui ne s’était pasmanifestée : l’envie, le besoin de semettre à la disposition des autres, ledon de soi. Qui aident-ils en fait?Cette question ne se veut pas persi-fleuse car je crois que s’aider soi-même est exactement etprécisément aussi honorable qu’ai-der les autres, c’est en outre, sansdoute, une condition préalable.

Je pense seulement qu’ils s’aide-raient davantage en recouvrantl’audition. Le handicap qui a révéléchez eux cette générosité n’est doncplus un aspect positif. Disons qu’ilsparviennent mieux que ceux quirestent tranquillement chez eux à« faire avec » ou à « faire au mieuxavec ».Je ne vois pas dans la recherchedes avantages possibles à êtresourd le moyen de nous apaiserou nous aider car je crois que c’estpeine perdue. Je préfère portermes espoirs sur 1. les progrès desaides techniques, qui nous aidentet nous aideront davantage ànous adapter mieux à la vie socié-tale, et 2. mais à plus long terme,sur les avancées de la médecineet la chirurgie.

❏ Pascal Marie

La surdité grandit la personne

Une surdité, comme toutes lesépreuves, grandit, fortifie etenrichit fatalement un homme.Attention tout de même! À monavis, l’homme… sera plus décisifque la surdité. Si l’homme estbête, ou superficiel, ou égoïste, ille restera le plus souvent, mêmesourd. Par contre, s’il contientquelque chose de beau en lui, sasurdité sera justement l’événe-ment déclencheur de la matura-tion, et permettra la floraison deses grandes qualités.

En ce qui concerne Goya etBeethoven, il convient de soulignerque tous les grands artistes, sourdsou pas, demandent à mûrir…Attribuer leur évolution à unemaladie, risque donc d’être illusoire!Dire que la surdité obligeaBeethoven à s’isoler et se consacrerà la composition demande à êtrenuancé. Beethoven était un grandsolitaire (il n’a même pas dit oui àThérèse de Brunswick qui fut laseule à vouloir l’épouser une foissourd, et qu’il aimait pourtant luiaussi!), tourné dès le début vers lanature, et profondément pénétré dusentiment qu’il devait tout sacrifierà son travail… Certes, la surdité l’aisolé plus encore.La maladie l’a obligé à aller chercherses forces vives, elle doit donc avoirtout de même contribué à samaturation, et rendu son style pluscombatif et plus intense. Pour sescontemporains, la surdité expliquaitcertaines audaces « déplacées » desa musique.L’on croyait volontiers qu’elle luifaisait faire des fautes, fautes d’har-monie, bizarreries d’orchestration…

« Que voulez-vous, il ne se rend pascompte, il est sourd! »D’ailleurs, c’est peut-être vrai : maisjustement, le fait de concevoir lamusique sans pouvoir l’entendre,d’une façon intérieure, a peut-êtrepoussé Beethoven un peu plus versce nouveau langage qui finalement,a révolutionné la musique.Sur la demande des amis, souvent,Beethoven improvisait au piano. Riensans doute, ne fut jamais plus boule-versant. N’entendant pas ce qu’iljouait, parfois, il ne s’apercevait pasqu’aucun son ne sortait des touches(pour peu qu’il jouât doucement)!Mais la musique était dans sa tête etalors les gens la suivaient, rien qu’enregardant son front, son expression

prodigieusement recueillie et seslèvres qui tremblaient… Gœthe lui-même, le grand écrivain si maître delui d’habitude, en eut les larmes auxyeux. Personne ne pouvait résister àce phénomène extraordinaire…

❏ Philippe Kringer

Notre pensée est plus forteque la surdité

L’idée de René est intéressante.Pour moi, il y a deux aspectsimportants : le regard que lesautres portent sur nous, et leregard que nous nous portons ànous mêmes. Pour le premieraspect, nous ne pouvons rienchanger. Pour le deuxième aspect,il nous appartient totalement, àchacun de nous à faire, de notrevie, quelque chose de sympa. Nousne sommes pas « Des sourds »mais avant tout des êtres humains,avec des qualités, mais aussi desdifficultés, dont la surdité faitpartie. La façon dont nous nouspercevons conditionne notre quoti-dien et notre relation aux autres.

Le bonheur n’appartient à personne,à chacun la liberté de le cultiver, decréer les meilleures conditions afind’y parvenir. Ce n’est pas la surditéqui décide de notre vie, mais notrepensée sur la vie. Nous avons unefaçon autre et profondémenthumaine de percevoir le monde, sinous restons ouverts au monde.Certes, ce n’est pas facile tous lesjours, mais le défi est à relever. La viea la valeur que nous sommes prêts àlui accorder, c’est de notre responsa-bilité propre. Ce n’est pas à la surditéde mener notre vie. Elle existe certes,mais ne remplit jamais tout l’espaceoù nous nous trouvons.

❏ Sarah Persson

Dieu m’a fermé les oreilles mais il m’a

ouvert le cœurDenise Perez

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Dossier

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Livres qui traitent du sujet

Dans ses livres Éloge de la faiblesseet Métier d’homme, mais aussi par sa trajectoire personnelle,Alexandre Jollien, philosophe etinfirme moteur cérébral, nousdémontre que la faiblesse due auhandicap peut devenir une forcedans notre vie.

1 « La vie en sourdine »David LodgeÉditions Rivages - 2008 (p119)

2 « Absolu »Abbé Pierre / Albert JacquardÉditions du Seuil - 1994(p65)

Mon handicap m’a permis de me recentrer sur l’essentielMon handicap… D’abord je suis consciente que ce n’est qu’un « handicap » matériel lié à un incident deparcours et je trouve cela moins difficile à porter, à vivre que s’il avait été lié à une maladie. Je ne veux voiret je ne retiens que les bons côtés, le positif même si parfois j’ai envie de hurler « J’en aimarrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrre ! ».

Dans ces moments-là, qui ne durent jamais longtemps, le temps d’une respiration profonde, je me penchede ma fenêtre intérieure et je regarde au-delà de moi. Ce que je vois me fait remercier la vie de m’avoirépargnée. Lorsque je vais chez le kiné, que je rencontre des personnes jeunes, très jeunes qui sont abîméesdans leur corps, leur tête, j’ai le droit de crier ma perte de certains rêves, mais de me plaindre ?

Non, je n’aime pas cela, je trouve que ça m’apporte plus de mal-être que de réconfort. J’adapte ma vie à ceque je peux faire, parfois cela me blesse pour les autres, pour ceux que j’aime. Ne plus pouvoir marcher delongues heures à deux, main dans la main, ne pas vivre de folles journées de shopping avec ma grande fille... des petits riens qui sont acceptés d’autant plus facilement que l’autre les accepte.

Sinon, ce problème m’a permis de « penser » un peu à moi. D’écouter mon corps, de devenir un peu"égoïste" : me faire passer avant les autres dans ma tête, ne pas m’effacer encore et toujours, m’autoriser àme dire oui ou non, à devenir plus tolérante vis-à-vis de moi-même, moi ma plus grande amie et ma plusdifficile ennemie. C’est facile à écrire, plus difficile à appliquer. Je suis restée 3 ans sans travailler, coupée demon école, j’étais la titulaire du poste mais la titulaire fantôme.

Loin des yeux, loin du cœur, c’est le plus dur à vivre et à accepter, son familier qui devient étranger, on sedéconnecte de toute la réalité. Un jour la page doit être tournée, ce que j’ai fait… un matin, j’ai pris TOUTESmes affaires, toutes mes préparations et j’ai tout jeté. Lorsque je me retourne, j’ai de bons souvenirs maisaucun regret, c’est le passé !

Durant ces 3 ans j’ai pu profiter de mes enfants et eux de moi. J’ai pu répondre à leurs appels (les faire passeravant ma classe, mes enfants avant ceux des autres), assister aux conseils de classe souvent à des heurespeu compatibles avec les horaires de la classe, m’investir dans la vie lycéenne, me sentir une mère et nonune mère-enseignante.

C’est une nouvelle vie, c’est ma vie à présent. Je ne veux surtout aucune compassion, surtout les paroles quisont dites par habitude et non suivies d’effets. Ça permet de se recentrer sur l’essentiel : de voir, d’entendredifféremment.

❏ Jeanne-Françoise Marmion

Il nous a paru intéressant d’élargir la réflexion à d’autres personnes handicapées.

Jeanne-Françoise était institutrice, une très « mauvaise chute » a bouleversé son existence

Témoignage

Juin 2009

Beethoven a sans doute composéla 5ème symphonie en assemblantles notes de musique, sanspouvoir les entendre réellement,comme un mathématicien com-bine ses hypothèses pour cons-truire une nouvelle théorie.L’exemple de Beethoven me faitpenser à Stephen Hawking 1,astrophysicien contemporainmondialement connu pour sestravaux sur les trous noirs et l’ori-gine de l’univers.

Stephen Hawking a été atteint àl’âge de 21 ans d’une maladiedégénérative qui le paralyseprogressivement et le prive de laparole (maladie de Charcot). Celane l’empêche nullement de conti-nuer à publier ses travaux etdonner des conférences dans lemonde entier (il parle par l’inter-médiaire d’un ordinateur qu’ilcommande avec les yeux). Il ditlui même : « ma maladie n’estpas un handicap ».

Ainsi pour des hommes d’excep-tion la surdité, comme toute autredéficience, n’est pas un obstaclemais au contraire un aiguillonpour réaliser leur passion.

Mais qu’en est il pour le commundes mortels dans la vie quoti-dienne?René Cottin nous invite à unepetite introspection personnelle.

Comme tous les malentendantsj’ai rencontré des difficultés dansma vie professionnelle, maiscelles ci m’ont permis de dévelop-per une qualité : la patience,savoir donner du temps au tempspour obtenir des résultats.

Une carrière professionnelle seconstruit sur 40 ans et lespériodes ou je pensais toucher lefond ont toujours été suiviesd’une autre qui récompensaitmon obstination.

Cette expérience m’a servi pourmieux animer de petites équipes.Lorsque les résultats n’étaient pasau rendez vous à la date escomp-tée je savais motiver mes collabo-rateurs en leur recommandantd’être patients et de poursuivreleurs efforts.

Les réunions m’effrayaient maiscela m’a conduit à approfondirmes dossiers au préalable afind’acquérir la compétence.

La surdité m’a aussi permis d’avoirde vrais amis. Lors de mapremière année en faculté, nepouvant entendre les cours dansles amphis, j’étais perdu.

Un voisin de banc a pris l’habitudede me passer ses notes puis m’apermis de m’intégrer dans sabande de copains et… plus de 40ans après nous sommes toujoursde très bons amis et les seulsrescapés de la bande.

Il en a été de même quelquesannées plus tard lorsque, venant deprovince, j’ai intégré une écoleparisienne. Mon deuxième meilleurami m’a prêté ses cours, faitconnaître Paris, les livres de StephenHawking et… nous ne noussommes jamais perdus de vue.

Mais si nous admettons que lasurdité, comme toute autredéficience sensorielle ouphysique, peut avoir des aspectspositifs cela signifie donc que lespersonnes « normales » sonthandicapées.Voici ce que Michèle Morganconfiait à François Chalais quil’interrogeait sur ses yeux et saformidable carrière :« Bien entendu je suis très recon-naissante au destin de m’avoirdonné des yeux qui ont permis delancer ma carrière mais je les aitoujours considérés comme unhandicap car ils empêchaient lesspectateurs d’apprécier mon jeud’actrice et la qualité de ma voix » 2

Ainsi on peut considérer la viecomme un immense jeu debridge. Il ne suffit pas d’avoir debonnes cartes pour gagner mais ilfaut savoir réaliser le meilleurcontrat possible avec le jeu quel’on a en main.

❏ François Berr

1 voir la vidéo :http://www.ted.com/index.php/talks/stephen_hawking_asks_big_questions_about_the_universe.html

2 Bonus du DVD « Les grandes manœuvres ».

Les aspects positifs de la surditéIl peut sembler paradoxal de choisir la musique pour illustrer les aspects positifs de la

surdité. Beethoven et Goya, grâce à leur génie, ont su traduire en œuvre d’art les souffrances

causées par leur perte d’audition. Mais on n’imagine pas un peintre aveugle!

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Témoignage

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Devenir malen-tendant n’est pasêtre sourd. Lesacquis demeu-rent, ils sont letémoin d’unenseignement,d’une instruc-tion, d’uneouverture surle monde.

Notre façon de manger, des’habiller, de se cultiver ou decultiver son jardin ne change pas.Ce qui, par contre, modifie sensi-blement notre raison d’être,consiste à appréhender le mondeextérieur d’une nouvelle manière.Il n’est pas inscrit sur notre frontque nous sommes malenten-dants.

Que d’obstacles à surmonter auquotidien du fait de cettedéficience, alors qu’auparavant,les soucis d’aujourd’hui étaientdes banalités, des petits riens,auxquels nous ne prêtions pasforcément attention.

Tenez quelques exemples :Dans les allées des hypermarchés,si nous gênons avec notre caddieles personnes désireuses de passer,nous n’entendons pas le « Pardon »ou le « S’il vous plaît ».

Bien souvent cela se traduit parun profond soupir de ras-le-bol,quand ce n’est pas sur un ton debaryton « Poussez-vous ! ».

À la conduite, je suis constam-ment perturbé par les véhiculesde secours de la police, despompiers, des ambulances duSAMU. Le deux-tons des sirènesharanguent mes oreilles, transpa-rentes au charivari sonore de laCité aux heures de pointe.

Combien de fois, ne me suis-jepas fait incendier par les hommesen uniforme, vociférant despropos inaudibles par la vitrebaissée de leur véhicule.

Aller au cinéma, au restaurant, nesont plus des sorties que j’affec-tionne comme par le passé. Àcause du brouhaha incessant quiagace. N’ayant plus la facultéd’entendre correctement, lessons, les bruits ambiants sontdevenus des ennemis redou-tables.

Parler des choses de la vie avec laboulangère, l’employée de la posteau guichet s’avère compliqué!

Traverser la rue relève duparcours du combattant entre lesgens qui vous bousculent, lesautos qui mangent l’orange bienmûre, les deux-roues qui glissentsans grâce dans ce ballet urbain.

Pourtant, il ne faut pas, et surtoutpas, se couper du monde. Je suispère de famille de deux garçonsassez jeunes, j’ai une activitéprofessionnelle et le week-end, jesuis comédien amateur dethéâtre. Rien n’a beaucoupchangé dans mon univers socialet familial.

Ce handicap demande à s’adapterd’une autre façon dans la société etavec de la bonne volonté, cela n’estpas insurmontable.

Je conjugue mes modes de compré-hension avec la lecture labiale etavec le peu d’audition qu’il mereste. Je travaille dans le contexteaérien et le fait de converser dansdifférentes langues étrangèresm’aide également à ne pas memettre en retrait. Je ne suis pas unpoisson rouge qui tourne, tourne, ettourne encore et toujours dans sonaquarium sans trop comprendrepourquoi il tourne. Quand je rentre,éreinté d’une journée de travail, ilm’est difficile de supporter ceux quim’entourent. Cette situation est unfléau pour l’entourage. L’amèreimpression que la terre entière m’enveuille, s’avère être complètementfausse. Aspirer à la tranquillité estun réflexe tout bonnement humain,entendant ou sourd.

Voilà mon témoignage, celui d’unentendant subitement devenumalentendant.Il faut vivre, appareillé ou non, etne pas trop se poser de question.Pour ma part, je ne porte plus deprothèses auditives convention-nelles, je ne les supportais pas.In fine, le plus difficile personnelle-ment est ne plus pouvoir converserspontanément avec mes enfantssans se prêter au jeu du face-à-facepour lire sur les lèvres. Les partiesde cache-cache sont rangées dansl’armoire aux souvenirs. À unemoindre échelle, ne plus entendrele chant des piafs au petit matinest un peu frustrant.

Cependant, tant que j’aurai lafaculté de comprendre mon épouse,mes enfants, la vie sera belle.

❏ Philippe Delhumeau

Que d’obstacles à surmonter !Je suis devenu « très malentendant » du jour au lendemain, sans qu’une raison

médicale puisse éclairer cette soudaine déficience auditive. L’audiogramme révélateur

du peu de capacité restante évalue mon audition, à peu près à dix pour cent.

C’est peu et c’est beaucoup en même temps.

Coin sourire

Il m’est arrivé de prêter l’oreille àun sourd. Il n’entendait pasmieux pour autant.

❏ Pierre Desproges

Quel est l’animal le plus sourd ?

L’animal le plus sourd est lagrenouille parce qu’elle dittoujours : « Coa ? Coa ? Coa ? »

16 | La Caravelle | 187 Juin 2009

Technique

Il faut disposer d’un ordinateurmuni d’une webcam et d’unmicro. On appelle le Centre relais(dans mon cas c’est Websourd) eton donne le code secret qui a étéattribué.

Sur l’écran de l’ordinateurs’ouvrent alors deux fenêtres, unepour les images, réservée auxsigneurs, et une pour les trans-criptions écrites, réservée auxoralistes (voir photo ci-contre). Onchoisit sa langue et on appelle,soit un traducteur gestuel pour lessigneurs, soit un vélotypiste pourles oralistes.On compose ensuite le numéro detéléphone de la personne àcontacter.

L’interprète appelle lenuméro et vous infor-me : « Votre correspon-dant est en ligne, à vousde parler », ou : « Votrecorrespondant n’est paslà, laissez un message ».

On parle alors commeavec un téléphoneordinaire.

L’interprète vélotypistetranscrit la réponse ducorrespondant dans lafenêtre de transcription.

Et la conversation peutainsi se poursuivre entemps réel, sans difficul-tés particulières.

Mais on est encore loin du stadeopérationnel. Pour l’instant, lescommunications ne peuvent sefaire que dans un sens.Le sourd peut appeler un corres-pondant, mais il ne peut pas êtreappelé de l’extérieur.Par la suite cela fonctionnera dansles deux sens. On peut espéreraussi que l’ordinateur seraultérieurement remplacé par des« smartphones » (téléphonesmobiles 3G avec écran tactile), cequi permettra de téléphoner et derecevoir des communicationsn’importe où. Enfin, pour passerau stade opérationnel, il faudraque les Centres relais soientsubventionnés.

En fait, c’est le principal écueil.Pour la technique, on sait toujoursfaire, mais pour le fric c’est toutautre chose.

❏ René Cottin

Les centres relaisvidéo-téléphoniquesDans la précédente Caravelle, nous vous avons rendu compte du Congrès UNISDA de

janvier, qui était principalement consacré aux Centres relais vidéo-téléphoniques.

Actuellement, en France, les Centres relais n’en sont qu’au stade expérimental.

Un certain nombre de sourds ont été choisis pour participer aux essais, dont moi-même.

Voici comment cela fonctionne :

Culture

Juin 2009

Pourquoi ne pas, de temps entemps, profiter de la vision d’unbon vieux film classique?

À Paris les cinémas du quartierlatin tel que le Champo, ActionÉcoles, etc. nous le permettentaisément ainsi que les cinémasd’Arts et d’Essais dans d’autresvilles. Les films proposés sontsouvent en VO. Le recours aux DVDest également possible.

Avec La nuit de l’Iguane, JohnHuston réalise un chef d’œuvremêlant désirs inavouables,blessures intimes et poésie d’unegrande modernité pour l’époque(1964).

Ce film est adapté d’une pièce deTennessee Williams, un auteur quifut dans les années 50 et 60 unréservoir littéraire inépuisabledans lequel les cinéastes les plusprestigieux ont puisé leur inspira-tion.

Ainsi, Un tramway nommé Désir(1951) d’Elia Kazan ; La chatte surun toit brûlant (1958) de RichardBrooks ou Soudain l’été dernier(1959) de Joseph L. Mankiewiczcomptent encore de nos joursparmi les meilleurs films de leursauteurs respectifs.

On y suit le parcours de person-nages hors normes, loin desclichés en vigueur dans lepaysage cinématographique amé-ricain : un prêtre défroqué etalcoolique (Richard Burton) s’estreconverti en guide de voyagesorganisés au Mexique.

Il va être tour à tour tenté par unejeune fille délurée (Sue Lyon) unefemme fatale (Ava Gardner) et uneartiste bohème (Deborrah Kerr)

Sue Lyon (tout juste sortie duLolita de Stanley Kubrick) inter-prète une jeune fille tentatrice ettête à claque.

Le personnage le plus moderneest sans nul doute cette femmequi assume parfaitement unesexualité scandaleuse jouée avecforce par Ava Gardner. DeborahKerr a la charge d’apporter un peude calme et de sérénité dans cedéluge d’hystérie et de névroses,même si son personnage cacheau plus profond des fêluresintimes.

Comme à son habitude, TennesseeWilliams ausculte les troubles del’âme humaine avec une acuitéincroyable, disséquant au scalpel lesmoindres blessures d’êtres humainsfrustrés par la médiocrité de leurexistence.

John Huston est parvenu à traduireces effluves de désirs interdits avecune sensibilité à fleur de peau : lajeune fille recherche la compagnied’hommes mûrs afin de briser lestabous, sa gouvernante ne peutcamoufler très longtemps sespenchants lesbiens et le person-nage d’Ava Gardner ne refusejamais la compagnie de ses boys,véritables étalons exotiques. Lecinéaste privilégie le plan séquenceafin de laisser s’exprimer ses acteursdont les longues tirades sont unrégal tant elles sont merveilleuse-ment écrites.

Enfin, la longue scène finale sur laterrasse, s’achevant par la lectured’un splendide poème, est d’unebouleversante beauté.

Elle sonne comme une forme deréconciliation entre l’hommetorturé, la nature et Dieu, pointd’orgue d’une œuvre sensible etmagistrale.

❏ Aline Ducasse

La nuit de l’iguane de John HustonDevoir privilégier les films étrangers, en Version Originale Sous-Titrée, du fait de notre

malentendance, ne nous oblige pas à nous cantonner toujours aux grandes superproductions

hollywoodiennes de qualité médiocre, qui envahissent régulièrement les écrans.

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Culture

Juin 200918 | La Caravelle | 187

Notes de lectureEncore un coup de cœur à vous faire partager ! Je ne lis pas seulement des livres

traitant de surdité et vous non plus bien sûr !

Je souhaite vous parler deneurones aujourd’hui, car j’aidécouvert récemment deux livresde Stanislas Dehaene, professeurau collège de France et chercheuren neurosciences.

Ne partez pas en courant, il estavant tout un vrai pédagogue, quisait expliquer simplement ce quiest un peu compliqué !

Le premier livre date de 1997 Labosse des maths et se lit commeun roman. On y apprend que lesbébés savent compter jusqu’àtrois.Le paradoxe est que notrecerveau n’a guère évolué depuis100 000 ans, alors que les mathé-matiques se sont construites enquelques milliers d’années.

L’évolution chère à Darwin n’y estpour rien.

C’est la flexibilité du cerveau et safaculté d’adaptation qui remplacela bosse des maths, rien d’hérédi-taire donc.

J’ai pris le temps de savourer lesecond Les neurones de la lectureparu en 2007. On y découvre chez letrès jeune enfant des compétencespour la lecture à cultiver.

Le cerveau apprend à recycler desneurones pour favoriser la recon-naissance des formes puis ledécodage des lettres en sons !L’apprentissage de la lecturepasse d’abord par la reconnais-sance du son.J’ai été stupéfaite de découvrirque la zone de la lecture est prati-quement la même pour deslangues aussi différentes que lefrançais et le chinois !La dyslexie est étudiée pouressayer de comprendre ce handi-cap de l’apprentissage et tenterde le traiter.Je dois vous avouez que je mesuis demandé, tout au long de malecture : et quand on est sourd,comment cela se passe ?Question à poser à monsieurDehaene, qui en fera peut être unobjet de recherche.

❏ Anne-Marie Choupin

Bon appétit !Recette de la Pissaladière

La recette de ma maman400g de pâte à pain, 1 kgd’oignons, une douzaine d’anchoissalés, autant de caillettes (petitesolives noires de Nice), des herbesde Provence, du poivre.On étire la pâte à pain dans unmoule à tarte graissé à l’huiled’olives et on la laisse reprendrevolume. Pendant ce temps, ontranche les oignons en lamelles eton les fait fondre sans roussir dansde l’huile d’olive. On étale lesoignons sur la pâte. Sous l’eaucourante on sépare les anchois salésen deux filets et on en garnit lapissaladière, on termine avec olives,poivre, herbes de Provence. On laplace dans le four bien chaud (th 8 =250°C) et on laisse cuire 30 minutes.

Ma recette (quand je n’ai pas le temps)pour deux pissaladièresDeux paquets de 300g de pâte àpain achetés en supermarché, unkg d’oignons tranchés surgelés,un petit verre de filets d’anchois àl’huile d’olives, une petite boited’olives noires à l’eau (surtout pasà la grecque), des herbes deProvence, du poivre.J’étire la pâte à pain dans deuxmoules à tarte graissés à l’huiled’olives et je la laisse reprendrevolume. Pendant ce temps je faisfondre les oignons (qui ont déjàdécongelé en chemin depuis lesupermarché) dans l’huile du verrede filets d’anchois. J’étale lesoignons sur la pâte.

Je garnis avec des filets d’anchois,des olives dénoyautées, poivre,herbes de Provence. Four bien chaud25 minutes. J’attends un peu, jedémoule des deux pissaladière et jeles replace dans le four directementsur les grilles pour qu’avec la chaleurtournante résiduelle, le dessous despissaladières soit croustillant. Je n’aijamais osé le dire à mes parents,mais avec la pissaladière, je préfèrela bière au rosé de Provence !

❏ Richard Darbéra

Brève

Brè

veTélévision : la qualité du sous-titrage se dégradeDe nombreux téléspectateurs sourds se plaignent de la baisse de qualité du sous-titrage.

On s’aperçoit en effet, depuis uncertain temps, que les sous-titresne restituent plus qu’une petitepartie de ce qui est dit, à peineune phrase sur deux ou trois.On constate en outre que ledécalage entre la parole et latranscription écrite est de plus enplus important, à un tel point qu’àcertains moments le texte necorrespond plus du tout à l’image.

L’explication de cette dégradationnous est fournie par l’Associationdes Traducteurs et Adaptateurs del’Audiovisuel (ATAA) qui, par uncommuniqué de presse daté du 2avril, proteste contre le fait que larémunération des traducteurs a

subi depuis 4 ans une baisse de15 à 20% par an et qu’en outreune partie du sous-titrage estmaintenant délocalisé dans despays à main d’œuvre moins chère,en particulier au Maroc. Le pire est que certaines chaînesnumériques, transmises par boxADSL ou par paraboles, ne donnentmême plus aucun sous-titre!

On se demande si le ConseilSupérieur de l’Audiovisuel ne semoque pas de nous en affirmantque tout va bien et que l’objectifde 100% de sous-titres, d’ici à lafin de 2010, sera atteint.

❏ René Cottin

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Permanences :2e et 4e lundis du mois de 14h à 16hau 11bis, rue de Fère à Château-Thierry1er et 3e jeudis du mois de 14h à 16hPavillon 2, hôpital de Villiers-St-Denis

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38180 SeyssinsRenseignements :

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3e lundi du mois de 14h30 à 16h30Résidence Notre Dame,

8, rue Pierre Duclot38000 Grenoble

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46000 [email protected]

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6, rue de la Tannerie56000 Vannes

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