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La biodiversité négligée Résumé : Lors des expéditions de «La Planète Revisitée», les chercheurs ne s’intéressent pas aux groupes d’êtres vivants déjà bien documentés tels que les mammifères ou les oiseaux mais aux taxons encore mal connus ou inconnus des chercheurs : on parle de biodiversité négligée. Ce dossier va donc rappeler ce qu’est la biodiversité, expliquer l’intérêt d’en savoir plus sur la biodiversité négligée, puis montrer comment cette dernière peut être étudiée grâce aux inventaires naturalistes et au barcoding. Problématique : Comment mieux connaître la biodiversité ? Objectifs : Montrer le niveau d’avancement de l’inventaire de la biodiversité mondiale et la nécessité de développer des programmes d’expédition tel que celui de “La Planète Revisitée” pour remplir les bases de données avant que la dégradation des milieux naturels n’ait fait disparaître les espèces encore inconnues. Niveaux : CM2, 6°, 3°, seconde, première, terminale Disciplines : Éducation civique, SVT, Français Plan : I) Le concept de biodiversité Définition La notion de hotspot II) La biodiversité négligée Étudier la biodiversité négligée Un intérêt lié à l’érosion de la biodiversité et au manque actuel de connaissances Un rôle non négligeable dans l’environnement : l’exemple des lombrics III) Les nouvelles manières d’étudier la biodiversité Les expéditions de «La Planète Revisitée» Le développement de nouvelles techniques d’analyse - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

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La biodiversité négligée

Résumé : Lors des expéditions de «La Planète Revisitée», les chercheurs ne s’intéressent pas aux groupes d’êtres vivants déjà bien documentés tels que les mammifères ou les oiseaux mais aux taxons encore mal connus ou inconnus des chercheurs : on parle de biodiversité négligée. Ce dossier va donc rappeler ce qu’est la biodiversité, expliquer l’intérêt d’en savoir plus sur la biodiversité négligée, puis montrer comment cette dernière peut être étudiée grâce aux inventaires naturalistes et au barcoding.

Problématique : Comment mieux connaître la biodiversité ?

Objectifs : Montrer le niveau d’avancement de l’inventaire de la biodiversité mondiale et la nécessité de développer des programmes d’expédition tel que celui de “La Planète Revisitée” pour remplir les bases de données avant que la dégradation des milieux naturels n’ait fait disparaître les espèces encore inconnues.

Niveaux : CM2, 6°, 3°, seconde, première, terminale

Disciplines : Éducation civique, SVT, Français

Plan :

I) Le concept de biodiversité Définition

La notion de hotspot

II) La biodiversité négligéeÉtudier la biodiversité négligée

Un intérêt lié à l’érosion de la biodiversité et au manque actuel de connaissancesUn rôle non négligeable dans l’environnement : l’exemple des lombrics

III) Les nouvelles manières d’étudier la biodiversitéLes expéditions de «La Planète Revisitée»

Le développement de nouvelles techniques d’analyse

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I) Le concept de biodiversité

a) Définition

En 1986, le biologiste Edward O. Wilson utilise le mot biodiversité dans ses écrits. Selon lui, il s’agit de la diversité de toutes les formes du vivant, c’est-à-dire de la diversité écologique (ou diversité des écosystèmes), diversité spécifique (ou diversité des espèces) et de la diversité génétique (ou diversité des gènes).Selon «La Convention sur la diversité biologique» (1992), la biodiversité, est “ la variabilité des êtres vivants de toute origine incluant entre autres, les écosystèmes terrestres et aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi que celle des écosystèmes ”.

La notion d’espèce demeure floue et suscite des débats chez les scientifiques. La biodiversité est un concept ; elle est forgée par les hommes. C’est une idée portée sur la diversité de la vie, qui fait référence à l’ensemble des composantes et des variations du monde vivant.

On peut dire pour simplifier qu’une espèce est un ensemble d'êtres vivants possédant des caractères anatomiques, morphologiques et physiologiques communs, qui reproduisent entre eux des êtres semblables et également féconds.

Films présentant la Biodiversité selon 3 chercheurs du Muséum

national d’Histoire naturelle.

Histoire et définition du concept de biodiversité,

conférence filmée de Patrick Blandin,

Professeur émérite, Département Hommes Natures

et Sociétés

L'inventaire des espèces, une quête inachevée ?

Selon Philippe Bouchet

Des indicateurs tels que le nombre d'espèces dans une zone donnée peuvent permettre le suivi de certains aspects de la biodiversité. Les scientifiques considèrent que le nombre réel d'espèces vivantes sur Terre se situerait entre 8 et 30 millions. Or, nous n'en connaissons que 2 millions ! Actuellement, environ 16 000 nouvelles espèces sont décrites chaque année ; à ce rythme, il faudrait entre 500 et 1000 ans aux scientifiques pour achever l'inventaire.Dans les océans, on estime qu'il y a plus d'un million d'espèces, seulement 250 000 sont décrites.

6 espèces de la super-famille des Majidea collectées sur le plateau continental de la Guyane en 2014

Enregistrement de P. Bouchet : «On n’arrête pas de découvrir

des nouvelles espèces»

Enregistrement de P. Bouchet : « On connait combien d’espèces

sur terre ? »

Interview de Julien Touroult :les objectifs de «La Planète

Revisitée» au Mitaraka

Quelques espèces, présents dans le même milieu, rencontrées lors des collectes dans le massif du Mitaraka en Guyane, 2015

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b) La notion de hotspot de biodiversité

Il existe certaines régions sur Terre où vivent un grand nombre d’espèces mais elles sont gravement menacées : l’ONG Conservation International les a appelées les hotspots (1988). Depuis, les scientifiques ont identifié 34 hotspots de biodiversité. Ces hotspots reçoivent des efforts accrus de conservation : on leur consacre davantage d’argent et de temps qu’aux autres régions. Pour être classées hotspots, les régions doivent abriter au moins 1500 espèces de plantes vasculaires endémiques (c’est-à-dire toutes les végétaux terrestres à l’exception des algues, des mousses et des lichens présents uniquement dans le hotspot en question et nulle part ailleurs dans le monde) et elles doivent avoir perdu plus de 70% des espèces depuis l’époque où l’homme a commencé à modifier les paysages, soit environ 8000 ans. Ce sont les plantes qui ont été choisies car elles sont plutôt bien inventoriées et sont des indicateurs de l’état de conservation d’un habitat.

Contrairement aux précédentes crises d'extinction des espèces vivantes, celle qui se déroule en ce moment ne résulte pas de catastrophes naturelles. Elle est le fait d'une seule espèce : Homo sapiens. Le Millenium Ecosystem Assessment, un rapport publié en 2005, montre qu'au cours des 50 dernières années, l'être humain a davantage transformé son environnement qu'au cours de toute son histoire. Avec pour conséquence une perte de biodiversité aboutissant à une dégradation des nombreux services écologiques rendus par les écosystèmes : approvisionnement en nourriture (pêche, agriculture...), en eau douce, maintien des sols, pollinisation, régulation du climat etc. Cette tendance est en passe de s'accentuer fortement au cours du XXIe siècle, ce qui risque d'augmenter encore la pauvreté et la famine pour la majeure partie de l'humanité. Laquelle, pour subsister, se verra dans la nécessité d'accroître la pression sur son environnement, aggravant ainsi la perte de biodiversité par effet d'emballement.

Thonier dans le lagon de Madang en Papouasie-Nouvelle-Guinée Système de bateau taxi dans le lagon de Madang en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Carte des hotspots de Conservation international : On compte aujourd’hui 34 “hot-spots”, sur la carte, chaque zone est délimitée par une couleur.

HOT-SPOTS

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Comment briser ce cercle vicieux ? Il n'existe pas de réponse simple. Il faut d’abord mieux connaître la composition et le fonctionnement des écosystèmes qui nous entourent. Mieux les comprendre permettra de mieux les préserver. Mais cette tâche titanesque est compliquée par l'urgence et par le “handicap taxonomique“ : comme le soulignent Philippe Bouchet, Hervé Le Guyader et Olivier Pascal, “au rythme actuel de la progression des connaissances, il faudrait 250 à 1 000 ans pour aboutir à l'inventaire de la biodiversité réclamé par les décideurs, les scientifiques et les gestionnaires”. Qui plus est, la biodiversité la plus importante et la plus menacée se trouve dans des pays qui ne possèdent ni les moyens budgétaires ni les infrastructures pour l'étudier. Les gouvernements de ces États souffrent donc d'un déficit de connaissances pour conserver leur patrimoine environnemental. Les pays riches, au contraire, bénéficient de davantage de connaissances concernant leurs écosystèmes, pour des raisons historiques, économiques (moyens financiers plus importants) et biologiques (biodiversité quantitativement moins importante). Toutefois, bien que bénéficiant de conditions plus favorables, ils font eux-aussi face à un handicap taxonomique important, à savoir le manque d'accès à l'information, le manque de moyens humains et financiers et la perte d'expertise liée au vieillissement de la population de spécialistes...

Enregistrement de P. Bouchet, L’état des lieux de l’inventaire de la biodiversité

Enregistrement de P. Bouchet, beaucoup d’espèces, sont des espèces rares

Île dans le lagon de Madang en Papouasie-Nouvelle-Guinée Plantation de palmiers à huile dans la région de Kavieng en Papouasie-Nouvelle-Guinée

II) La biodiversité négligée

La biodiversité est partout, aussi bien sur terre que dans l'eau. Elle comprend tous les organismes, depuis les bactéries microscopiques jusqu'aux animaux et aux plantes plus complexes. La biodiversité dite “négligée” (invertébrés marins et terrestres, plantes, champignons) représente pourtant 95 % de la biodiversité !

Interview de Julien Touroultla biodiversité négligée

a) Étudier la biodiversité négligée

Si l'inventaire de groupes tels que les oiseaux ou les grands mammifères est plus ou moins complet, ce n'est pas le cas des mollusques et des insectes qui représenteraient à eux seuls un total de plus de 8 millions d'espèces, dont seulement 1 million a été décrit jusqu'à ce jour.

Enregistrement de P. Bouchet : On n’arrête pas de découvrir des

nouvelles espèces

Le nombre d'espèces d'insectes connues de Guyane est de 18 000 alors que l'on estime qu'il y en aurait 100 000. Pour les 5 dernières années, 180 espèces d'insectes ont été décrites par an. L'un des principaux objectifs de l'expédition “La Planète Revisitée” en Guyane est de permettre aux connaissances entomologiques des scientifiques de faire un bond en avant.Article sur l'état des lieux du référencement des espèces d'insectes de Guyane (en anglais)

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Si l'on descend encore quelques barreaux sur l'échelle des tailles, jusqu'à atteindre les dimensions des micro-organismes (eucaryotes unicellulaires, bactéries, archées, virus), les chiffres deviennent vertigineux. Sans compter qu'il reste encore beaucoup de milieux très peu étudiés, car difficiles d'accès ou trop récemment découverts, tels les sources hydrothermales (zones de fortes activités volcaniques sous-marines), les suintements froids (résurgences naturelles de gaz et d'hydrocarbures), les abysses (grands fonds sous-marins situés en moyenne entre 4000 et 6000 mètres de profondeur) ou les canopées (frondaison formée par les plus hautes branches et le feuillage de la partie supérieure cime des arbres d'une forêt) …

Enregistrement de P. Bouchet, ”Où découvre-t’on des nouvelles espèces ?”

Canopée de la forêt du massif du Mitaraka en Guyane

b) Un intérêt lié à l’érosion de la biodiversité et au manque actuel de connaissancesA partir du XVIIIe siècle, les naturalistes partent faire des expéditions pour décrire toutes les espèces existantes et en avoir un catalogue complet. Alors qu’ils pensaient en avoir fait la moitié dans les années 1970, ils vont s’apercevoir grâce à de nouvelles techniques permettant de découvrir la petite faune qu’ils en sont très loin.Pour l’instant, environ 2 millions d’espèces ont été décrites… Alors qu’il resterait encore 8 à 30 millions d’espèces inconnues!

Enregistrement de P. Bouchet,Des nouvelles technologies pour découvrir des nouvelles espèces

Espèces connues versus espèces inconnues© EDIT (European Distributed Institut)

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Enregistrement de P. Bouchet,“Pourquoi compléter rapidement les collections des grands musées ?”

De plus, le Millenium Ecosystem Assessment, un rapport publié en 2005, montre que les activités humaines de ces 50 dernières années ont largement dégradé la richesse biologique qui nous entoure. Des scientifiques parlent même d’une sixième extinction biologique. Par exemple Philippe Bouchet explique faire « de l’archéologie préventive. Je documente ce qui va disparaître »

Les biologistes, désormais conscients de leur manque actuel de connaissances et de l’urgence de découvrir des espèces avant qu’elles ne disparaissent, proposent donc de faire plus d’inventaires de la biodiversité, en particulier de la biodiversité négligée, car c’est celle-ci qu’on connaît le moins.Même si la théorie de la sixième extinction peut soulever certaines critiques, elle a le mérite de relancer les inventaires naturalistes et permet d’éveiller la conscience des décideurs et du public.Le programme d’expédition de «La Planète Revisitée», par ses méthodes de collecte adaptées et par la grande amplitude de ses expéditions tente d’inventorier le plus d’espèces possible avant leur disparition.

Conversion des biomes, Millenium Assess-ment, 2005.© EDIT (European Distributed Institut)

Estimation de la perte de biodiversité, © “LIVING PLANET INDEX” (WWF) 1970 - 2005

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c) Un rôle non négligeable dans l’environnement : l’exemple des lombrics

Durant le volet terrestre de l’expédition en Guyane, deux scientifiques spécilistes des vers de terre, des «verdeterre-ologues» comme ils aiment se faire appeler, ont réalisé un inventaire des vers de terre du massif du Mitaraka. Nous avons posé quelques questions à l’un d’eux, Thibaud Decaens.

Thibaud, peux-tu te présenter ?“Je m’appelle Thibaud Decaëns, je suis professeur à l'Université de Montpellier et rattaché au Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE). Je suis spécialiste de l'écologie des invertébrés terrestres, notamment des vers de terre (Oligochètes terrestres).”

Combien connaît-on d’espèces de vers de terre en Guyane et combien en estime-t-on ?“Pavlicek & Csuzdi en 2012 établissent une liste de 22 espèces pour la Guyane Française.En 2010, suite à deux campagnes d’échantillonnage dans la réserve des Nouragues, nous dénombrons près de 50 espèces, la plupart nouvelles pour la science (un article à ce sujet est actuellement en révision dans un journal scientifique). Dans les années qui suivent, nous avons échantillonné d’autres localités : Cacao, montagne de Kaw, Paracou, Saül, Laussat... Sur l’ensemble de ces localités, en plus des Nouragues, nous en sommes à environ 150 espèces, dont toujours un très fort % de taxons nouveaux pour la science. Par ailleurs 90 % de ces espèces n’ont été échantillonnées que dans une localité, ce qui permet d’imaginer que la diversité des vers de terre à l’échelle de la Guyane Française doit être de l’ordre de plusieurs centaines d’espèces. Personnellement je dirais probablement pas moins de 1000, mais il nous faudra encore pas mal de prospection pour produire une estimation objective.”

Thibaud et Emmanuel qui fouillent la terre du trou qu’ils viennent de faire pour collecter les vers de terre

Combien d'espèces avez-vous-trouvé au Mitaraka ?“Pour l'instant on ne sait pas. La taxonomie des vers est compliquée et les juvéniles ne sont pas identifiables à l'espèce. Actuellement j'ai sélectionné près de 400 spécimens collectés au Mitaraka pour séquencer leurs codes-barres ADN. Lorsque j'aurai ces résultats (d'ici un ou deux mois), je saurai avec précision combien d'espèces étaient présentes dans nos échantillons, et si ces espèces sont uniques au Mitaraka ou avaient déjà été collectées ailleurs en Guyane. Ensuite nous enverrons quelques individus de chacune de ces espèces à un collègue américain pour qu'ils nous fasse des identifications précises et s'attaque à la description des espèces nouvelles.”

Les vers de terre sont-ils un bon exemple de biodiversité négligée ?“En Guyane ça me semble complètement évident. Le déficit taxonomique est absolument considérable, et nos résultats en sont une illustration criante : très peu de travaux sur ce groupe (problème valable pour l'ensemble des tropiques d'ailleurs), beaucoup plus d'espèces que ce que l'on pouvait s'imaginer et donc beaucoup d'espèces nouvelles pour la science.”Découverte d’un ver de terre de 2 métres de

longueur en guyane

Interview des verdeterre-ologues sur le terrain au Mitaraka :

Thibaud DecaensEmmanuel Lapied

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Peux-tu nous dire le nombre de “verdeterr-ologues” au monde par rappot au nombre d'espèces de vers ?“Pour ce qui est de la taxonomie, il n'existe que 2 spécialistes du groupe qui soient pertinent pour la faune mondiale. Ensuite il y a quelques spécialistes qui se concentrent sur des zones géographiques plus restreintes (par exemple une spécialiste pour le Brésil, un en Colombie, un autre au Mexique et en gros tu as fait le tour pour l'Amérique Latine ; deux personnes en Afrique du Sud pour le continent africain; quelques personnes en Asie) ; Je dirais au plus une vingtaine de spécialistes globalement.Par contre il y a beaucoup de monde (et je fais partie de cette communauté) qui travaille sur l'écologie des vers et leurs effets sur le fonctionnement du sol, mais paradoxalement ces personnes sont souvent mauvaises en taxonomie et parfois ne s'y intéressent même pas. Le nombre d'espèces de vers de terre connues actuellement: 5000.”

Thibaud, peux-tu nous donner quelques exemples de l'importance des vers de terre dans l'environnement ?“Ils sont impliqués dans le fonctionnement du sol à bien des niveaux, d'ailleurs on les qualifie souvent d'ingénieurs écologiques du sol (au même titre que les termites et autres fourmis) car ils sont capables de transformer physiquement leur environnement en y creusant des galeries et en y réorganisant la fraction solide :- Ils participent à la formation de ce que l'on appelle des agrégats du sol, c’est-à-dire des espèces de grumeaux formés par les argiles et la matière organique et qui assurent la cohésion physique des sols, leurs permettant notamment de stocker du carbone et de résister à l'érosion ;

Thibaud et Emmanuel qui fouillent un vieux tronc Un ver de terre avec deux cocons de ver collectés dans ce tronc

- Ils sont impliqués dans la décomposition de la matière organique, et le recyclage des éléments nutritifs (notamment l'azote) essentiels à la croissance des végétaux, et donc les végétaux ont généralement tendance à produire plus en présence de vers de terre;

© espace-sciences.org © espace-sciences.org

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III) Les nouvelles manières d’étudier la biodiversitéa) Les expéditions de la planète revisitée

- Ils créent de la porosité dans les sols en y creusant des galeries de diamètre, profondeur, orientation et connectivité variables en fonction des espèces ; cette action a bien entendu des répercussions importantes sur la capacité des sols à infiltrer et à stocker de l’eau.- Ils entretiennent également des relations plus directes avec les végétaux, notamment ils consomment de façon sélective des graines, en digèrent certaines mais favorisent également la germination d'autres dans leurs déjections, ce qui a un effet sur la dynamique des "banques de graines du sol", véritable mémoire de la végétation.- Ils sont également une ressource trophique pour un grand nombre de prédateurs invertébrés (coléoptères prédateurs, planaires, sangsues, etc) et vertébrés (batraciens, reptiles, mammifères, oiseaux, etc)... et même pour l'Homme (les amérindiens YeKuana du Venezuela consomment des vers de terre géants - la viande fumée de ces vers est appelée motto et est même vendue sur les marchés de Caracas). En France, Granval (1988) a montré que près de 114 espèces de vertébrés consomment régulièrement des vers de terre, parmi eux de nombreuses espèces patrimoniales de reptiles et amphibiens, mais aussi des espèces chassées telle que la bécasse.”

Film de France 3 présentant l’expédition terrestre au Mitaraka

Film présentant le déroulement de l’expédition à Madang en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Deux films présentant deux volets d’expédition de «La Planète Revisitée» :

Les naturalistes parcourent le monde à la découverte de sa faune, de sa flore et de ses microorganismes. Ils décrivent environ 18 000 nouvelles espèces par an. Les scientifiques de «La Planète Revisitée» se concentrent sur les 11 hotspots les plus menacés, dont il ne reste que 10 % de la superficie originelle. Pour tenter de découvrir des espèces endémiques dont la menace d'extinction est imminente, ils ne travaillent que sur de toutes petites zones des hotspots et ne cherchent à échantillonner que des espèces de petite taille, souvent rares et peu visibles.

Pour être plus efficaces face aux disparitions des espèces, ils partent en formant des grandes équipes possédant de nouvelles techniques et méthodes, et à leur retour ils partagent leurs résultats avec les autres chercheurs. De plus, les expéditions de La Planète Revisitée regroupent de très nombreux spécialistes, sur un temps court mais avec une grande organisation et beaucoup de matériel, ce qui leur permet d’accéder à des régions où ils n’auraient pas pu aller seuls.

Enregistrement de P. Bouchet,Beaucoup d’espèces sont rares

Le site de «La Planète Revisitée» présentant son programme

En plus de travailler au référencement des espèces sur Terre, ce programme d’expéditions fournit librement aux régions explorées les bases de données, ce qui les aide à créer des outils de gestion pour mieux conserver leurs milieux naturels. Un autre objectif de ce travail est de raccourcir le « temps taxonomique », c’est-à-dire le temps qui s’écoule entre la collecte d’une nouvelle espèce et sa description dans une revue scientifique. Pour l’instant, cette durée est d’environ 21 ans !

Un exemple d’utilisation du réseau de spécialistes.

Le travail en groupes spécifiques, la gestion globale du transit, de la conservation des spécimens et l’appui d’un très grand réseau d’experts dans le monde permettent de raccourcir le «temps taxonomique» pour les spécimens collectés lors des expéditions.

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Liens web :Module de la plateforme d’enseignement du MNHN sur la BiodiversitéNational Wildlife Conservation, what is biodiversity ?Le site de «La Planète Revisitée»Des voyages de Cook à l’expédition Santo 2006 : un renouveau des explorations naturalistes des îles du Pacifique« Qu’est-ce qu’un barcode moléculaire ? »« Le barcoding ADN : un outil pour étudier la biodiversité des invertébrés terrestres »

Crédits photographiques : Laure Corbari, Thierry Magniez, Julien Touroult / MNHN-PNI /expédition LPR

b) Le développement de nouvelles techniques d’analyse

Enfin, les expéditions sont interdisciplinaires. Cela signifie que les naturalistes ne sont pas les seuls à s’intéresser à la biodiversité négligée mais que de nombreuses autres professions - comme des journalistes, des sociologues, des enseignants, des ethnologues, des muséographes, des webmasters, des artistes ... - travaillent aussi autour de ces expéditions. Cela permet de diffuser les connaissances sur la biodiversité et de faire prendre conscience qu’il est très important de la protéger.

Une ethnologue qui travaille avec les habitants d’une île de la région de Kavieng en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Une classe de 3° d’un collège de Cayenne visitant le laboratoire de terrain aux îles du salut

Pendant très longtemps, les espèces étaient reconnues grâce à leur apparence, voire grâce à leurs organes (interview identification par la morphologie). Cependant, il existe une méthode récente qui permet de reconnaître des espèces grâce à un fragment d’ADN. Les scientifiques ont choisi un morceau d’ADN qui est présent chez toutes les espèces mais différent selon l’espèce. Ils ont ainsi obtenu une sorte de « code-barres ADN » qui permet de voir les variations des séquences d’ADN comparées et qui caractérise chaque espèce. Ainsi, lorsqu’un scientifique étudie un être vivant dont il ne connaît pas l’espèce, il peut se servir de ce code-barres d’ADN. Il le compare avec ceux des autres espèces, qu’il trouve dans des bibliothèques (bases de données informatiques). S’il trouve dans la bibliothèque un code-barres identique ou très proche de celui qu’il étudie, alors il connaît l’espèce à laquelle appartient l’être vivant qu’il étudie. S’il ne trouve aucun code-barres qui corresponde, alors il a peut-être trouvé une nouvelle espèce.

Illustration de PLANKTON PLANET

Interview :Le barcoding et les Algues, L. Lagall

Le barcoding et les Mollusques, N. PuillandreLe barcoding et les Hyménoptères, C. Villemant

Réalisation : Logbook