Auteurs : Physique-Chimie Datation par la méthode...

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RESSOURCE MPS – SL L’entomologie légale Datation par la méthode entomologique Auteurs : Annabelle Lemonnier et Sophie de Reguardati, enseignantes de Physique-Chimie 2012 Calliphora vomitoria, © JJ Harrison

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RCE MPS – SL

L’entomologie légale

Datation par la méthode entomologique

Auteurs :Annabelle Lemonnier et Sophie de Reguardati, enseignantes de Physique-Chimie

2012

Calliphora vomitoria, © JJ Harrison

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Principes générauxLa date d’un décès peut être déterminée par deux sortes d’expertises :

• L’expertise médicolégale : elle étudie notamment la chute de température du corps, la contraction des muscles. Cette technique présente des limites : au-delà de 80 heures, elle ne peut plus être utilisée.

• L’expertise entomologiste : elle évalue à quand remonte le début de la colonisation du corps par les insectes, autrement dit, la date des premières pontes. Lorsque les conditions sont propices, cette estimation coïncide avec la date du décès.

Les insectes sont utilisés comme une horloge biologique. En effet, quelques minutes après la mort de l’organisme interviennent des réactions d’autolyse (transformations fermentatives sans l’intervention de bactéries ou autres agents étrangers à l’organisme). Ces réactions dégagentdesodeursspécifiques,nonperceptiblesparl’homme,quiattirentlespremiersinsectes(leurs antennes sont munies de chimiorécepteurs capables de capter les molécules odorantes). La première colonisation débute ainsi dès les premières minutes ou heures qui suivent le décès, par la ponte d’œufs de diptères. On cherche ainsi à déterminer l’intervalle post mortem (IPM : intervalle entre le décès et la découverte du corps).

Les premiers insectes à coloniser les corps sont, selon les travaux de J. P. Mégnin, les diptères, quelques exemples sont illustrés ci-dessous : Calliphora vicina et Calliphora vomitoria (communément appelées mouches bleues de la viande) ou les Muscidae parmi lesquelles, Musca domestica.

Calliphora vomitoria Musca domestica

Planches de l’ouvrage « entomologie appliquée à la médecine légale » par Georges P. Yovanovitch, 1888©Bibliothèque d’entomologie, MNHN

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Pendant la progression de la décomposition, les réactions changent et la putréfaction intervient (décomposition des tissus organiques sousl’influencedesbactérieset/ouchampignons).Lesodeursforméesparlesubstratsemodifient,provoquantdesnouvellesodeursquivontrepousser les premières femelles d’insectes et attirer d’autres diptères comme la Calliphoridae, Lucilia caesar (mouche verte) ou la Sarcophaga carnaria (mouche à damier).

Lucilia caesar Sarcophaga carnariaPlanches de l’ouvrage « entomologie appliquée à la médecine légale » par Georges P. Yovanovitch, 1888

©Bibliothèque d’entomologie, MNHN

D’autres insectes nécrophages, coléoptères, lépidoptères, voir d’autres arthropodes (acariens) se succèdent ensuite, participant à la décomposition.

Coléoptères, planches de l’ouvrage « entomologie appliquée à la médecine légale » par Georges P. Yovanovitch, 1888

©Bibliothèque d’entomologie, MNHN

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Historiquement, Mégnin puis Brouardel tentent des datations reposant sur la composition de la communauté d’arthropodes et la reconstitution de la succession attendue des différentes espèces au cours de la décomposition.

Le tableau suivant représente huit escouades des principaux insectes nécrophages en Europe (tableau d’après Megnin 1894 et Smith 1973) :

Cette méthode de datation à long terme dépend de beaucoup de paramètres, le nombre d’escouadespouvantvarierconsidérablement.Ilestdifficiled’établirdesrèglesd’entomologielégale permettant la détermination précise d’un IPM. Elle n’est pas utilisée actuellement.

Nous étudierons donc la datation réellement utilisée en entomologie légale, appelée datation à court terme, avec la première colonisation de diptère.

La détermination de l’intervalle post-mortem (IPM) est fondée sur une évaluation de l’âge des plus anciennes larves de diptères (souvent des larves de Calliphoridea) qui se sont développées sur le corps.

Cette technique permet de déterminer le jour de la ponte en se basant sur la durée de développement des diptères concernés.

Les différents stades de développement des diptèresLe développement d’un diptère nécrophage est de type holométabole, c’est à dire qu’il est divisé en quatre phases distinctes : l’œuf, la larve, la nymphe et l’adulte ou imago.

Chaque espèce présente des durées particulières pour chacun des stades de son développement pour un régime de température donné. Des variations engendrées pardiversesconditionsextérieures,surtoutlatempérature,modifientcesdurées.

© A. Lemonnier et C. Schneider, MNHN

Ponte – période embryonnaire

Lesmouches vontdirectementpondredesœufsdans les orificesnaturels ou lesblessuresducadavre.

La durée d’incubation des œufs est très étroitement dépendante de la température. Elle peut ainsi varier d’une dizaine à une centaine d’heures.

Croissance larvaire

La période larvaire est une période de nutrition.

La larve passe successivement par trois stades, séparés chacun par une mue. Le premier stade

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larvaire est le plus court, une quinzaine d’heures maximum. Les jeunes larves cherchent immédiatement à pénétrer dans les tissus sous-cutanés. Le second stade larvaire est un peu plus long. Le troisième stade dure plusieurs jours.

Le taux de développement des larves présente la particularité d’être proportionnel à la température, à l’exception des extrêmes.

©S. de Reguardati d’après « Traité d’entomologie forensique » C. Wyss

En dessous d’une température minimum (T1), les insectes ne se développent plus et n’ont aucune activité et lorsque la température devient trop élevée (T2), la vitesse de développement baisse et s’accompagne d’une augmentation importante de la mortalité.

Pour la détermination de l’âge larvaire, on peut mesurer l’augmentation progressive de la taille totale du corps (longueur et poids) avec le temps. Une étude microscopique de la morphologie des pièces buccales larvaires et stigmates postérieures peut également donner des informations.

En exemple, des larves de l’espèce Lucilia sericata :

Larves au cours du temps© S. de Reguardati, MNHN

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En mesurant sa taille tous les jours à une température moyenne journalière de 20 °C, on obtient le graphique suivant :

Onendéduitqueleslarvesontunevitessedecroissancelarvairede2mm/jouràlatempératurede 20°C. Au 10ème jour, la larve est en prépupe, l’espèce a donc besoin de seulement 10 jours pour effectuer son développement larvaire à cette température.

Mais cette technique est délicate car la dépendance de la croissance des larves avec la température esttrèsforte,etlaméthodeutiliséepourcollecterleslarvesentraînedesmodificationsdesataille (en général, elles sont ébouillantées puis traitées par différents produits). De plus, le temps d’étude assez court entraine une marge d’erreur non négligeable. Cette technique n’est donc pas suffisammentreproductiblepourêtreutilisée.

Phase pupale :

Après avoir cessé de s’alimenter, les larves alors appelées prépupes quittent le corps et recherchent un site favorable à la pupaison en s’enterrant. Chez beaucoup d’espèces, la pupaison a lieu à 2 ou 3 cm de profondeur (variable selon la nature du sol).

Acemoment,lacuticuledelalarvesecontractepuissesclérifieenbrunissantpourformerlapupe ou puparium (enveloppe rigide protégeant la nymphe). La vitesse de la métamorphose est également proportionnelle à la température.

Emergence des adultes – période imaginale

Le début de cette période est marqué par l’ouverture du puparium par la pupe. Rapidement, le corps augmente de volume par remplissage des sacs trachéens et les ailes s’étalent. Les téguments durcissentetprennentleurteintedéfinitive.

Danslesconditionsoptimales(température,alimentationprotéiquesuffisante),lesfemellessontcapables de pondre une semaine après leur émergence.

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Influence de différents facteurs sur le cycle de développement, conséquence sur la mesure de l’intervalle post mortem à court termeLes conditions atmosphériques : La température a une influence importante surchaque stade de développement des insectes. On observe ainsi que plus il fait chaud, plus le développement est rapide, et réciproquement.

Ce phénomène n’est cependant vérifié que dans une certaine plage de valeurs : endessous d’une température minimum, les insectes ne se développent plus et n’ont aucune activité. Lorsque la température devient trop élevée, la vitesse de développement baisse et s’accompagne d’une augmentation importante de la mortalité, pouvant être totale.

En dehors de ces limites, pour une plage de température variant selon l’espèce, la vitesse de développement augmente linéairement avec la température.

Une des techniques utilisée est celle de Marchenko :

Pour chaque espèce, une constante C correspondant à un cumul thermique total nécessaire au développement, de l’œuf à l’émergence (ou de l’œuf la pupaison) a été déterminée expérimentalement.Cetteduréeestdéfiniecommelasommededegrésaccumuléechaquejour(accumulationdegreeday ADD).La température prise en compte est la température effective égale à la différence entre la température moyenne sur 24H et la température seuil x de l’espèce.En dessous de sa température seuil, l’espèce ne se développe pas.

Extrait du tableau de développement de certaines espèces (Marchenko, 2001)

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Le nombre de jours j pour atteindre l’état adulte, pour une températureconstanteTestdonc:j=C/(T-x).

Par exemple, selon Marchenko :

La constante à atteindre par l’espèce Calliphora vicina est de 388 ADD = somme (températures moyennes journalières - température seuil de développement). La température seuil de l’espèce est de 2 °C.

On peut ainsi calculer le temps mis par l’espèce pour passer de l’œuf à l’émergence si elle se trouve dans un milieu à une température moyenne de 16°C : Température effective : 16-2=14 °C.388/14=27,7signifiequ’illuifaut27,7jours.

Demêmeà12°Cilfaut388/(12-2)=38,8jourspourquel’espèceCalliphoravicinapassede l’œuf à l’émergence.

Pour chaque espèce, ces constantes ont été déterminées expérimentalement par différents auteurs à différentes températures, de l’œuf à la pupe ou sur un cycle complet.

L’entomologisteesttributairedesespècesprélevéesetdoncidentifiées,carellesvontdéterminerles constantes et seuils thermiques à prendre en compte.

Pour plus de précision, quand il le peut, il choisit cette constante sur un cycle complet.

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